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Analyse article 11 :

Petites et moyennes entreprises : L'accès au financement comme frein à la croissance


(Thorsten Beck , Asli Demirguc-Kunt ) - Journal of Banking and Finance

Introduction

Ce document présente des recherches récentes sur l'accès au financement des petites et moyennes entreprises (PME),
et met en évidence le fait que les petites entreprises sont confrontées à des contraintes de croissance plus importantes et
ont moins accès aux sources formelles de financement externe, ce qui pourrait expliquer l'absence de
contribution des PME à la croissance.

Il est scindé en 4 sections, la section 2 de cette vue d'ensemble examine les données transnationales qui montrent que s'il
existe une corrélation partielle solide entre l’importance des PME dans l’industrie manufacturière et le développement
économique, il n'y a pas d'impact causal des PME. Cela ne signifie pas que les PME ne méritent pas l'attention des décideurs
politiques. Cela implique plutôt un changement d'orientation, des politiques axées sur la taille vers des politiques qui
améliorent les conditions de concurrence entre les entreprises de différentes tailles.

La section 3 examine les données récentes recueillies dans plusieurs pays sur les contraintes de croissance auxquelles sont
confrontées les PME et le rôle du développement financier et institutionnel pour surmonter ces contraintes. Les auteurs ont
procédé à l’examen des preuves que les obstacles financiers sont plus contraignants pour la croissance des petites entreprises
et qu’ils les empêchent d’atteindre leur taille optimale. Les auteurs concluent cette section par une comparaison historique
entre les pays en développement d'aujourd'hui et le noyau de l'Atlantique Nord au 19e siècle, ainsi que par une discussion sur
la mesure dans laquelle les réseaux ethniques en Afrique subsaharienne remplacent les marchés financiers formels.

La section 4 examine l'importance de la structure du marché financier pour faciliter l'accès des PME au financement et les
outils de financement spécifiques permettant de surmonter les contraintes de financement des PME.

Section 2 : PME environnement des entreprises et croissance

Dans cette section les auteurs partent du postulat que si les études existantes à l’époque ne permettent pas de rejeter avec
certitude l'hypothèse selon laquelle les PME n’exercent pas d’impact causal sur la croissance du PIB par habitant. Ce résultat
est cohérent avec l'idée qu'un large secteur de PME est une caractéristique des économies à croissance rapide, mais pas
une cause de leur croissance. Beck et al. (2005a) n'ont pas non plus trouvé de preuves d'une association entre un secteur des
PME important et une croissance plus rapide des revenues du quintile le plus bas et des taux plus élevés de réduction de la
pauvreté.

Toutefois, les résultats de l’enquête menée par les auteurs montrent systématiquement une association positive entre un
environnement des entreprises compétitif, l’entrée de nouvelle société sur le marché, l’entreprenariat ainsi que
l’investissement.

Ainsi il est mis en évidence en utilisant des données d'enquête issues d'entretiens avec des entrepreneurs et des non-
entrepreneurs dans sept villes de Russie, Djankov et al. (2004) de l'importance de l'environnement commercial dans
la décision de devenir entrepreneur. Ils constatent qu’outre de nombreuses caractéristiques personnelles, la perception
de la corruption et l'attitude des fonctionnaires à l'égard de l'esprit d'entreprise influencent la décision de devenir
entrepreneur.

Les auteures reviennent également sur l’étude menée par Ayyagari et al ( 2005) qui démontrent que les différentes
dimensions de l’environnement des entreprises n’ont pas la même importance, et que le financement est le seul
obstacle qui a l’impact le plus important sur la croissance de l’entreprise.

Ensemble ces résultats suggèrent qu’il est important d’avoir un environnement commercial compétitif qui
permette l'entrée de nouveaux entrepreneurs innovants, ce qui entraîne le processus schumpétérien de "destruction
créatrice", plutôt que d'avoir simplement un grand secteur de PME, qui pourrait être caractérisé par un grand nombre
de petites entreprises qui ne sont pas en mesure de croître ou de se retirer. En effet, un secteur des PME important
mais stagnant peut être le sous-produit d'un environnement commercial médiocre.
En outre, les données existantes suggèrent que l’accès au financement joue un rôle très important dans l'environnement
général des entreprises, limitant potentiellement à la fois l'entrée et la croissance des entreprises.

Section 3 : Contraintes auxquelles sont confrontées les PME : impact sur la taille de l'entreprise, l'accès au
financement et la croissance

Il a été constaté que, tant dans les pays développés que dans les pays en développement, les petites entreprises ont
moins accès au financement extérieur et sont plus contraintes dans leur fonctionnement et leur croissance (Berger et
Udell, 1998 ; Galindo et Schiantarelli, 2003).

L'Enquête sur l'environnement mondial des affaires (WBES) est une enquête unique au niveau des entreprises menée
en 1999 et 2000 auprès de plus de 10 000 entreprises dans plus de 80 pays. Premièrement, cette base de données
fournit des informations sur les obstacles tels que perçus par les entreprises et permet aux chercheurs de relier ces
obstacles à la croissance réelle des PME. Deuxièmement, la base de données contient des informations sur un large
échantillon de différents types d’entreprises, y compris un grand nombre de petites et moyennes entreprises, des
entreprises dont la propriété et la structure organisationnelle sont différentes,

Schiffer et Weder (2001) montrent que les petites entreprises signalent systématiquement des obstacles à la croissance
plus importants que les entreprises de taille moyenne ou grande.

Beck et coll. montrent que la taille, l'âge et la propriété sont les indicateurs les plus fiables des obstacles au
financement des entreprises. Les auteurs constatent que les entreprises plus anciennes, plus grandes et à capitaux
étrangers signalent moins d’obstacles au financement. La relation est non seulement statistiquement mais aussi
économiquement confirmée.La probabilité qu’une petite entreprise considère le financement comme un obstacle
majeur est de 39 %, contre 36 % pour les entreprises de taille moyenne et 32 % pour les grandes entreprises.

Les obstacles rencontrés par les petites entreprises se traduisent en effet par un ralentissement de la croissance, les
obstacles au financement des petites entreprises ont un effet presque deux fois plus important sur la croissance
annuelle que les obstacles au financement des grandes entreprises.

Les nouvelles enquêtes internationales au niveau des entreprises permettent non seulement aux chercheurs d’évaluer
les différences dans les contraintes et les modèles de financement entre entreprises de différentes tailles, mais
également d’explorer l’effet des différentes politiques sur ces différences. Beck et coll montrent que le développement
institutionnel, au sens large, est la caractéristique nationale la plus significative pouvant expliquer la variation entre
pays des obstacles au financement des entreprises.

Les entreprises des pays dotés de niveaux de développement institutionnel plus élevés signalent des obstacles au
financement nettement inférieurs à celles des pays dotés d’institutions moins développées. Par exemple, Sleuwaegen
et Goedhuys (2002) montrent que les petites entreprises connaissent une croissance relativement plus rapide en
Allemagne qu'en Côte d'Ivoire, alors que l'inverse s'applique aux grandes entreprises.

Qu’estce qui explique ces différences dans les taux de croissance des petites et des grandes entreprises dans les pays
développés et en développement ?
L’effet du développement financier et juridique sur la relation contraintescroissance est nettement plus fort pour les
petites entreprises que pour les grandes entreprises. Le développement financier et institutionnel contribue ainsi à
réduire l’écart entre les petites et les grandes entreprises.
L’effet contraignant du sousdéveloppement financier et institutionnel se manifeste également dans une répartition
déformée de la taille. Kumar et coll. (1999)
En utilisant un échantillon des plus grandes entreprises cotées dans 44 pays, Beck et al. (2006) montrent que les
entreprises sont plus grandes dans les pays où le ratio crédit privé/PIB est plus élevé, une mesure standard du
développement des intermédiaires financiers. Ils trouvent également des preuves que les entreprises sont plus grandes
dans les pays dotés de mécanismes judiciaires de résolution des conflits plus rapides et d’une meilleure protection des
droits de propriété.

Ces résultats suggèrent que les problèmes d’agence entre les investisseurs extérieurs et les entreprises internes
maintiennent les entreprises plus petites dans les pays dotés de systèmes juridiques et financiers faibles. ils supposent
que cette constatation est pertinente pour l'univers des entreprises et pourrait rendre les programmes visant à favoriser
la croissance des PME inefficaces, voire contreproductifs dans les pays dotés de systèmes financiers et juridiques
faibles,

Si, en l’absence d’institutions bien développées, il est préférable que les entreprises restent petites, les efforts visant à
promouvoir la croissance des PME ne peuvent pas être couronnés de succès, à moins que les lacunes institutionnelles
ne soient d’abord corrigées.
Plus généralement, les PME de nombreux pays en développement contournent les défaillances du marché et le manque
d’institutions formelles en créant des systèmes de gouvernance privée sous la forme de relations commerciales à long
terme et de réseaux d’affaires étroits et ethniques. Cependant, il existe des variations dans l'accès à ces réseaux selon
les groupes ethniques, comme l'expliquent Biggs et Shah (2006). Les entrepreneurs indiens en Afrique de l’Est, les
entreprises libanaises en Afrique de l’Ouest et les entreprises européennes en Afrique australe forment des réseaux
d’affaires dont les membres se prêtent mutuellement, fournissent des références personnelles et facilitent les
transactions grâce à un système informel d’exécution des contrats basé sur la réputation.
Ces réseaux aident à surmonter les problèmes d’asymétrie d’information et de faiblesse des systèmes formels
d’exécution des contrats.
Les avantages des réseaux s’étendent même aux nouveaux entrants qui démarrent deux fois plus en termes d’actifs que
les nouveaux entrants en dehors des réseaux ethniques et obtiennent un accès immédiat au crédit fournisseur sans avoir
à bâtir une réputation et des relations (Biggs et Shah).

Sections 4 Audelà du développement financier et institutionnel : structure du marché et outils de prêt innovants

Les résultats rapportés jusqu'à présent montrent un fort effet économique du développement financier et institutionnel
sur l'assouplissement des contraintes de financement des PME et sur l'augmentation de leur accès aux sources
formelles de financement externe.
La disponibilité du crédit pour les entreprises, mais surtout pour les PME, dépend de l’infrastructure qui soutient les
transactions financières, notamment du système juridique et de l’environnement informationnel. Les lois commerciales
qui attribuent et protègent efficacement les droits de propriété et leur application efficace sont cruciales pour les
transactions financières.

Les entreprises des pays dotés de systèmes juridiques plus efficaces et plus adaptables font état d’obstacles de
financement moins importants (Beck et al., 2005b) et l’effet des obstacles financiers et juridiques sur la croissance est
plus faible dans les pays dotés de systèmes juridiques mieux développés, en particulier pour les petites entreprises
(Beck et al., 2005b). al., 2005c). Une littérature en expansion rapide a montré l'effet positif du partage d'informations
sur le crédit sur la disponibilité du crédit pour les PME (Pagano et Jappelli, 1993 ; Miller, 2003 ; Love et Mylenko,
2003).

En fonction de l’environnement juridique et informationnel de leur pays respectif, les institutions financières du monde
entier ont développé des techniques spécifiques pour prêter à de petites entreprises opaques avec peu ou pas de
garanties. Alors que les prêts relationnels ont longtemps été considérés comme la principale technologie de prêt
bénéficiant aux PME, les dernières décennies ont vu l’essor de nouvelles technologies de prêts transactionnels qui ont
trouvé des moyens de contourner les contraintes que l'opacité et le manque de garanties appropriées posent aux prêts
aux PME.

Cela a conduit à un changement de paradigme concernant le financement des PME (Berger et Udell, 2006). Alors que
les petites banques locales sont considérées comme les principales institutions fournissant des financements aux petites
entreprises opaques, s’appuyant sur leurs relations à long terme, la technologie et les économies d’échelle ont donné
aux grandes institutions la possibilité de servir des clients de petite taille.

Enfin, la structure du marché bancaire et les politiques réglementaires qui influencent cette structure de marché
peuvent avoir un impact important sur la disponibilité du financement des PME(Berger et Udell, 2006). les systèmes
financiers dominés par les banques publiques semblent moins efficaces pour accorder du crédit aux PME. En
revanche, l’entrée de banques étrangères est principalement associée à une plus grande disponibilité du crédit pour les
PME (Clarke et al., 2003).

La concurrence peut également avoir des implications importantes sur le montant des garanties que les entreprises
doivent fournir, comme le montre Voordecker (2006) À mesure que les emprunteurs ont accès à davantage de banques
concurrentes, la probabilité de devoir donner des garanties ou des garanties personnelles diminue.

Conclusions

Cet article résume des recherches empiriques récentes qui montrent que l'accès au financement constitue une
contrainte de croissance importante pour les PME, que les institutions financières et juridiques jouent un rôle
important dans l'assouplissement de cette contrainte et que des instruments de financement innovants peuvent
contribuer à faciliter l'accès des PME au financement, même en l’absence d’institutions bien développées.

Il est plus important de se concentrer sur l'amélioration de l'environnement des affaires pour toutes les entreprises que
de simplement essayer de promouvoir un grand secteur de PME qui pourrait être caractérisé par un grand nombre de
petites entreprises stagnantes.
Les recherches suggèrent que l’amélioration des institutions juridiques et financières aide toutes les entreprises
méritantes à accéder au financement et à se développer, mais l’effet est plus marqué sur les petites entreprises

En outre, nous constatons qu’en l’absence de marchés financiers et de systèmes juridiques bien développés Les
stratégies de promotion des PME, car s’il est optimal pour les entreprises de rester petites lorsque l’environnement des
affaires présente des faiblesses, subventionner les PME peut s’avérer au mieux inefficace, mais au pire contre-
productif.

La littérature suggère que se concentrer sur l’amélioration des institutions et de l’environnement global des affaires est
probablement le moyen le plus efficace d’atténuer les contraintes de croissance auxquelles les PME sont confrontées et
de faciliter leur contribution à la croissance économique.

Dans ce contexte, il semble particulièrement pertinent de se concentrer sur les institutions qui jouent un rôle important
dans l'accès des PME au financement. Toutefois, parallèlement au renforcement des institutions, il faut poursuivre la
recherche d'outils de financement capables de pallier les déficiences institutionnelles.

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