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La jeune fille et la mort.

« Pour parler de ces quelques images tout près de notre lit, tout près de moi lorsque je dors,
il y a ce Baldung Grien, qui est donc La femme et la mort ; il y a une petite carte postale, une forêt
qui est la forêt autour de mon enfance, la forêt de la Cambre, les bois qui étaient … la forêt de
Soignes, enfin … les bois de Belgique, les très belles forêts qui étaient là ; une petite image de ma
mère, qui est une image un peu moche, mais c’est l’image de ma mère. C’est-à-dire que je crois
assez à l’image en tant que force de sensations ; par exemple je suis toujours émue quand quelqu’un
sort un portefeuille de sa poche, l’ouvre, et montre des images, de ses enfants (en général,
d’ailleurs, des enfants, ou des parents, en général les enfants ou sa femme). C’est charnel, l’idée que
l’image d’une personne est tellement cette personne qu’on peut véhiculer, transporter une énorme
émotion.
Hans Baldung Grien : c’est un peintre (…) qui a peint des images, des choses intrigantes et
qui m’ont toujours entourée et poursuivie ou précédée, je ne sais pas. Cette image de la belle femme
nue, vivante, et du squelette qui l’enlace, c’est lourd de symbole, mais c’est quand même la mort
qui entoure, qui enlace, qui veut entraîner la femme, et c’est aussi la beauté, la chair, vivante et
douce avec l’os, aigu, sec, c’est le doux et le dur, c’est tout un tas de choses qui sont tellement
fortes que sans doute ces images deviennent importantes ».
Extrait de Faiseurs d’images : Agnès Varda, par Philippe Fréling – 1999

Agnès Varda parle ici de ses « images de chevet », importantes et fondatrices pour elle.
Question : Quels liens pouvez-vous faire entre ces images et le film Sans toit ni loi ?

Quelques réponses :
Voici donc la « clef » de Varda : que peut le cinéma contre la mort ?
D’un côté la beauté (donc la femme) aux prises avec les forces de la mort (le temps, le pouvoir et le
regard masculins, l’évolution sociale et morale du monde, les maladies terribles qui surgissent
comme des malédictions et font « pourrir » la vie) ; en face, l’image, la mémoire des images.
Orphée peut-il faire revivre Eurydice ?
La beauté (venue de la mer-mémoire ?) est exilée, en errance en ce monde, sans cesse menacée. Le
théâtre d’ombres du cinéma peut-il fixer les traces de son labyrinthique passage ? Empêcher que la
trace ne s’efface et tenter de lui donner chair, c’est peut-être cela le cinéma.

On peut évoquer à partir de ces images :


- le traitement du corps féminin dans le film, jusqu’à la souillure finale et à la mort dans le fossé (un
doc arrive là-dessus)
- la tente dressée près du cimetière (avec le passage du « fauxssoyeur »).
- les musiques écoutées (Marcia Baïla en particulier)
- les prédateurs masculins
- l’omniprésence des arbres, et pas seulement les platanes ! C’est peut-être en se réfugiant dans les
forêts de l’enfance que Mona se fait violer !
- la quête des souvenirs : tout le film avec sa mosaïque de témoignages et de récits imbriqués et
enchaînés, mais aussi la place des images dans le film : les vieilles photos de tante Lydie, qui
émeuvent Mona (a-t-elle des souvenirs d’enfance ? de quelle nature ?), les cartes postales de Mona
(des souvenirs ? des rêves ou des envies ?)
- la figure maternelle : Mme Landier semble partie pour incarner cette figure puis abandonne Mona
dans la forêt des contes cruels de l’enfance…

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