les mots 19C’est dans le cadre de la cité définie comme une respublica que Rome elle-même exprima le mieux les contenus de l’identité objective et subjective et esquissa des réponses inséparables de la concurrence pour le pouvoir et la notoriété. L’attachement à la citoyenneté romaine situe parfaitement les contours du problème et éclaire les évolutions. À la différence de l’aspect géographique et administratif de la question, de pure localisation et utile avant tout en termes de repères concrets indispensables, la communauté civique, la civitas, impliquait des choix et des normes dans la mesure où elle rassemblait des populations hétérogènes qu’il ne paraissait pas possible d’agglomérer indéfiniment ni n’importe comment. Dans cet esprit, un texte de Suétone attire particulièrement l’attention et offre l’un des rares échos à la formulation publique de l’identité romaine qu’il s’agit alors de défendre ou protéger, ce qui n’est sans doute pas le fait du hasard : 40 SUET., Aug., XL, 5 : Magni praeterea existimans sincerum atque ab omni colluvione peregrini ac serv (...)
En outre, comme il jugeait important de conserver au peuple
romain sa pureté et de ne pas l’altérer par le mélange de sang étranger et servile, il ne distribua la citoyenneté romaine qu’avec parcimonie et limita le nombre des affranchissements40.
41 Voir par exemple le discours bien connu de Claude ou « Table
claudienne »: ILS, 212. 42 Sur la plèbe romaine sous Auguste: C. NICOLET, L’inventaire du monde, pp. 201-223.
20On pourrait y voir, de manière superficielle, l’affirmation
d’un principe de « pureté » raciale au bénéfice des citoyens romains. Sincerum, veut dire « naturel » en ce cas aussi bien que « intact » ou « pur ». Sachant que Rome elle-même revendiquait le mélange et l’ouverture aux étrangers 41, ce ne peut pas être le sens de cette remarque. Auguste refusa, en cette circonstance, les conséquences probables des guerres civiles qui en ouvrant la ville de Rome aux étrangers et aux esclaves et affranchis posaient des problèmes de ravitaillement et de logement et pouvaient faire craindre des comportements non conformes à la tradition civique. Il n’en est pas moins vrai que la consanguinité se retrouve là encore au cœur des critères d’identification et s’applique au populus, c’est-à-dire au peuple romain tel qu’il avait été redéfini dans le cadre de la Rome des trente-cinq tribus42. Malgré les événements politiques, malgré l’extension géographique de son pouvoir et la nécessité de penser certains problèmes à l’échelle de l’Empire, Rome n’a pas cessé de se considérer comme une cité et non comme un état. 43 Voir cependant diverses mises au point dans J.-M. CARRIÉ et A. ROUSSELLE, L’Empire romain en mutati (...)