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Regards croisés sur Tristan et Corneille

Cahiers Tristan L’Hermite, dir. Sandrine Berrégard, 2025 (Classiques Garnier)


Appel à contributions

L’objectif est de réunir des contributions qui comparent les œuvres, dramatiques mais aussi
poétiques (ex. L’Office de la sainte Vierge et L’Imitation de Jésus Christ), des deux auteurs afin de mieux
mettre en lumière les spécificités tristaniennes loin des jugements de valeurs qui consistaient à valoriser
les grandes figures du « classicisme » français et, en l’occurrence, à faire de Tristan un simple imitateur
de Corneille : La Mort de Sénèque (1645) fut ainsi lue comme une réécriture de cette autre tragédie de la
conjuration que constitue Cinna (1643), et la fervente Epicaris comme une refonte de l’Emilie
cornélienne.
Afin de cerner au plus près les similitudes autant que les écarts entre Tristan et Corneille, la
réflexion se développera autour de la notion de parenté, entendue d’abord au sens métaphorique, et
répondra notamment aux questions suivantes : quelles familles de sujets et de personnages les deux
dramaturges portent-ils à la scène, et en quoi sont-elles apparentées ? À quelles sources puisent les deux
auteurs, et quels usages en font-ils ? Quels sont les éléments qu’ils conservent, ceux qu’ils suppriment
ou encore ceux qu’ils ajoutent à la matière que leur fournissent en particulier les historiens antiques, et
lesquels précisément ? La seule référence commune à notre connaissance est la philosophie sénéquéenne
(l’extrait du De Clementia cité par Corneille au sujet de Cinna ; les emprunts aux textes philosophiques
de Sénèque repérables dans La Mort de Sénèque), qui n’est elle-même pas étrangère à la tragédie de la
fureur également pratiquée par nos deux auteurs (Médée ; La Mariane, La Mort de Sénèque et La Mort
de Chrispe). Trouverait ici sa place une interrogation sur l’héroïsme chrétien à travers les figures cousines
de Polyeucte et de Sénèque, de Théodore et de Mariane, ou encore sur les incarnations de la tyrannie (ex.
les frères d’armes que sont Hérode et Orode, Néron et Attila). Le personnage du tyran étant un topos de
la tragédie politique, que ses sources soient historiques ou bibliques (ex. Nabuchodonosor repris par
Garnier dans Les Juives), se pose aussi la question de savoir quelles en sont les possibles matrices et
comment Tristan et Corneille s’en sont saisis.
Il convient précisément d’examiner les modèles esthétiques sur lesquels se fondent les deux
dramaturges. L’appartenance de certaines pièces à une même catégorie générique (ex. la tragédie
politique à sujet romain, la tragédie hagiographique) invite à penser qu’ils ont en commun un certain
nombre de modèles. Plus largement, quels rapports Tristan et Corneille ont-ils à la tragédie humaniste, à
celle de Hardy ou encore au modèle théorique de la tragédie régulière en cours d’élaboration dans les
années 1630 ?
La tragédie ne saurait toutefois être le seul genre sur lequel porte la réflexion. Ainsi, dans le registre
comique, Le Parasite et L’Illusion comique incluent un Matamore qui n’y remplit pas exactement la
même fonction : destiné pour l’essentiel à divertir le public, celui de Corneille disparaît en cours
d’intrigue, tandis que celui de Tristan est pleinement intégré à l’action dramatique. Enfin, même si Tristan
n’a composé qu’une tragi-comédie (La Folie du sage) et Corneille seulement deux (Clitandre et Le Cid,
devenu tragédie en 1644), La Folie du sage n’est pas sans rappeler certaines pièces de Corneille telles
que Mélite, qui partage avec elle les motifs de la fausse mort et de la folie, plus souvent associés au genre
tragi-comique.
Nous entendons ensuite la notion de parenté au sens propre pour considérer les relations familiales
situées au cœur des intrigues tragiques, mais aussi comiques ou tragi-comiques. En quoi les liens de
famille (entre parents et enfants, frères et sœurs), qu’ils s’y déclinent sur le mode de l’amitié ou de
l’inimitié, pèsent-ils sur la progression dramatique et la conception des genres eux-mêmes ? Compte tenu
de la plus grande ampleur de son œuvre théâtrale et des choix qu’il y effectue, les configurations
familiales sont plus nombreuses et souvent plus complexes chez Corneille (ex. l’identité incertaine de
l’héritier au trône dans une tragédie comme Héraclius, ou encore le cas des familles recomposées et la
question de l’accession au pouvoir qui en résulte dans une pièce telle que Nicomède). Chez Tristan la
dimension familiale est également importante et contribue de façon décisive à la création du nœud
tragique avec une place toute particulière accordée aux couples fraternels (Aristobule-Mariane, Hérode-
Salomé, Osman-la Sultane sœur).
Les articles s’inscriront donc dans l’un ou l’autre des axes suivants :
- une analyse comparée de la dramaturgie et de la poétique théâtrale chez Tristan et Corneille :
convergences et divergences ;
- une étude croisée des paratextes liminaires qui accompagnent leurs pièces, et la mise au jour des
réflexions théoriques qui s’y développent et de la posture adoptée par chacun des deux auteurs vis-à-vis
de ses protecteurs ou des dramaturges contemporains ;
- une lecture de l’œuvre de chacun des deux dramaturges au regard du reste de sa production littéraire :
Tristan est un véritable polygraphe, lui qui s’est illustré dans les principaux genres que sont le théâtre, la
poésie lyrique et la prose narrative, tandis que Corneille, même s’il s’est essayé à la poésie proprement
dite, a fait du théâtre sa spécialité, ce qui n’est pas sans conséquences sur leurs pratiques respectives ;
- comment se situent-ils dans l’espace géographique, celui de leurs terres natales (la Marche pour Tristan,
la Normandie pour Corneille) et de tous les autres lieux qui émaillèrent leurs parcours ?
- enfin une approche thématique qui examine les rapports entre les personnages au regard des liens de
parenté qui les unissent.

Les propositions d’articles sont à adresser à Sandrine Berrégard au plus tard le 15 décembre 2023 :
berregard@unistra.fr

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