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Classe de Première

☛ Le personnage de roman, du xviie siècle


à nos jours

Les Liaisons
dangereuses
Laclos
Édition de Laure Mangin

Pour se venger,
la Marquise de Merteuil
demande au Vicomte
de Valmont de pervertir
la future épouse d’un
de ses anciens amants.
Passés maîtres dans l’art
de la manipulation, les
deux libertins dévoilent,
lettre après lettre,
leurs conquêtes et leur
pacte cruel. Un roman
sulfureux, qui fit scandale
ISBN 978-2-7011-6154-9
en son temps, et qui n’en 544 pages
finit pas de fasciner ses
lecteurs.
Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 1

3 La Marquise propose de pimenter le projet de Valmont par un pacte. Relisez

Arrêt sur lecture 1 p. 131-135


la lettre 20 et dites en quoi il consiste. Dans la lettre 20, Mme de Merteuil s’offre
comme récompense à la séduction de Mme de Tourvel : dès que Valmont pourra
lui fournir la preuve écrite de sa victoire, la Marquise se donnera à lui.

La vertu face au vice


Pour comprendre l’essentiel p. 131-132 4 Cécile Volanges est une jeune fille naïve poussée à la vertu par l’éducation
Le complot des libertins reçue au couvent. En vous appuyant sur la lettre 16, montrez que son éduca-
tion entre en conflit avec ses désirs. Cécile Volanges est très facilement manipu-
1 La Marquise de Merteuil cherche à se venger du Comte de Gercourt. En vous lable car son éducation au couvent l’a maintenue dans l’ignorance en l’éloignant
référant aux lettres 2 et 20, résumez son projet et expliquez dans quelle mesure du monde. Elle n’a aucune expérience des relations avec les hommes, et tombera
il implique le Vicomte de Valmont. C’est en lisant la deuxième note du rédacteur facilement dans tous les pièges de la séduction. La Marquise ne manque pas d’ex-
de la lettre 2 que l’on comprend pourquoi la Marquise de Merteuil veut se venger ploiter cette faille en devenant sa confidente. La lettre 16 à Sophie Carnay révèle le
du Comte de Gercourt : elle ne lui pardonne pas de l’avoir quittée pour l’Intendante conflit entre l’éducation de la jeune fille et ses désirs. D’un côté, elle ne veut com-
de ***. Aussi décide-t-elle de profiter de son futur mariage avec Cécile Volanges mettre aucune action condamnable (comme le soulignent les expressions « c’est
pour le ridiculiser. Gercourt veut à tout prix épouser une jeune fille vierge : il a peut-être mal fait de », « je ne voudrais rien faire qui fût mal », « il ne faut pas que
choisi Cécile car elle a été élevée au couvent. La Marquise projette de faire déflorer je réponde », « ça ne se doit pas »). Mais en même temps, elle ne peut s’empêcher
la jeune fille avant le mariage, et elle confie cette mission au Vicomte de Valmont de rêver du Chevalier, et exprime à la fois son désir et ses sentiments pour lui : en
dans la lettre 2 : ce défi n’est pas difficile à relever pour un séducteur tel que lui. effet, elle embrasse sa lettre comme s’il s’agissait de Danceny lui-même, et avoue
Pourtant, il refuse, et Mme de Merteuil choisit de le remplacer par le Chevalier que son cœur la pousse à lui répondre.
Danceny, qu’elle présente dans la lettre 5. Elle ne fera que favoriser l’amour nais-
sant entre les deux jeunes gens, évoqué dans la lettre 20. 5 La Présidente de Tourvel a plus d’expérience, et reste vertueuse par choix.
Observez le lexique employé dans ses lettres, et montrez qu’elle est guidée par sa
2 Le Vicomte préfère s’engager dans une conquête plus ambitieuse. Expliquez piété et par sa bonté naturelle. Expliquez pourquoi elle accepte de se rapprocher
ce que représente pour lui la séduction de la Présidente de Tourvel. Identifiez les de Valmont. Un lexique religieux parcourt les lettres de Mme de Tourvel. On le voit
obstacles qu’il rencontre, et les moyens qu’il met en œuvre pour les surmonter. bien dans la lettre 22, dans laquelle elle raconte la bonne action de Valmont, qui
Valmont refuse le projet de séduction de Cécile pour se consacrer entièrement s’est opposé à la saisie des meubles d’une famille paysanne : elle interprète ce geste
à la Présidente de Tourvel. Comme il l’explique dans la lettre 4, elle est dévote comme un acte de « bienfaisance », qui est « la plus belle vertu des plus belles âmes »,
et fidèle à son époux. Elle représente donc un défi digne de Valmont, car elle mais aussi un « plaisir sacré ». Elle en appelle à Dieu et à sa « divine Providence ».
n’est pas une proie facile. Cependant, le Vicomte rencontre plusieurs obstacles : D’une bonté naturelle, la Présidente ne veut pas se méfier de Valmont : elle ne veut
d’une part, la médisance de Mme de Volanges, qui met en garde son amie contre pas voir le mal derrière l’acte charitable. Au début du roman, elle semble même
lui (lettre 9), d’autre part, le refus de la Présidente d’entretenir une correspon- accepter de se rapprocher de lui dans l’espoir secret de le convertir, ou du moins
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

dance avec lui (lettre 26). Pour l’obliger à recevoir une de ses lettres, Valmont de le pousser vers la vertu, puisqu’elle déclare à Mme de Volanges (lettre 11) : « il
s’arrange pour qu’elle semble avoir été envoyée de Dijon, où réside M. de Tourvel me semble que celui qui est capable d’une amitié aussi suivie pour une femme
(lettre 34). Ainsi, la Présidente l’ouvre sans méfiance, pensant y trouver un mot aussi estimable, n’est pas un libertin sans retour » (p. 49). Elle reste parfaitement
de son époux. Enfin, pour savoir qui a médit de lui, Valmont piège la femme de fidèle à son époux et, se définissant comme une « femme honnête », elle demande
chambre de Mme de Tourvel afin de pouvoir lire secrètement toute sa correspon- à Valmont de cesser toute correspondance avec elle lorsque celui-ci lui avoue ses
dance (lettre 44). sentiments (lettre 26), puis lui ordonne enfin de quitter le château (lettre 41).

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 1

6 Valmont et Merteuil font découvrir au lecteur les vices des libertins. En étu- car elle dissimule sa beauté naturelle. Cette opposition entre éloge et blâme se
diant le lexique employé dans leurs lettres, montrez qu’ils associent le plaisir de retrouve dans l’échange de lettres entre Mme de Tourvel et Mme de Volanges au
la conquête amoureuse à une entreprise guerrière et qu’ils cherchent à exercer sujet de Valmont (lettres 9, 11, 22 et 32).
un pouvoir sur les êtres. Le Vicomte et la Marquise se racontent mutuellement
8 Le roman met en scène l’élaboration de la correspondance. Observez les
leurs anecdotes libertines. Mme de Merteuil explique par exemple dans la lettre 10
lieux, les dates et l’ordre des lettres et expliquez comment l’auteur donne une
comment elle accueille Belleroche dans sa « petite maison », résidence consacrée
impression d’authenticité. Analysez l’avertissement de l’éditeur et la préface du
à ses aventures amoureuses. Elle évoque leurs premiers ébats sur une ottomane
rédacteur et montrez que Laclos joue avec son lecteur à ce sujet. Pour donner
bien connue de Valmont, puis explique comment elle a cherché à plaire au cheva-
une impression d’authenticité à ses lettres, Laclos joue à préciser certaines infor-
lier en incarnant tour à tour toutes les « Favorites » du sérail d’un sultan (p. 47).
mations sur le lieu et la date de rédaction, et à en dissimuler d’autres. Ainsi, l’année
Valmont, quant à lui, raconte à la Marquise dans la lettre 47 comment il a intrigué
de rédaction est masquée dans l’ensemble de la correspondance, de même que
pour passer la nuit avec Émilie, et comment il écrit à Mme de Tourvel en prenant
les lieux exacts de résidence des personnages. En revanche, certains lieux sont
pour support le corps de la courtisane.
précisés, pour différencier ce qui se passe à Paris de ce qui se déroule au château
Les libertins considèrent la conquête amoureuse comme une entreprise guer-
de Mme de Rosemonde. Le jour et le mois de rédaction de chaque lettre sont éga-
rière : la métaphore du combat parcourt leurs écrits, comme on peut le voir dans
lement mentionnés (parfois accompagnés de l’heure, comme dans la lettre 23),
la lettre 4, dans laquelle le Vicomte présente ainsi la Présidente de Tourvel : « voilà
ce qui permet de reconstituer une chronologie dans l’échange des courriers. Le
ce que j’attaque ; voilà l’ennemi digne de moi » (p. 30). Dans la lettre 23, il déclare
lecteur peut ainsi s’apercevoir que plusieurs lettres sont envoyées simultanément
également : « Ah ! qu’elle se rende, mais qu’elle combatte ; que, sans avoir la force
le même jour (comme les lettres 18 à 22 et 24, toutes datées du 20 août), ou que
de vaincre, elle ait celle de résister ; qu’elle savoure à loisir le sentiment de sa fai-
le rédacteur a bouleversé la chronologie de certains échanges, soit pour en faci-
blesse, et soit contrainte d’avouer sa défaite » (p. 72). Le cœur de la femme est
liter la compréhension (ainsi, la lettre 25 de Valmont à Mme de Merteuil raconte
une place forte, et Valmont développe des stratégies subtiles pour s’en emparer.
l’embarras et la tristesse de la Présidente, dont celle-ci se justifie dans la lettre 26
datée de la veille), soit pour mettre en valeur la difficulté de l’échange de lettres
L’art de la lettre
(notamment lorsque la Présidente refuse de lire les lettres de Valmont, et qu’on
7 Par la variété des auteurs de lettres, le roman épistolaire offre différents ne lit la lettre 36 du 23 août qu’après avoir lu le récit de la ruse du Vicomte pour
points de vue sur les événements ou sur les êtres. Trouvez des exemples la faire parvenir à Mme de Tourvel, dans la lettre 34 du 25 août). Ainsi, le lecteur
d’anecdotes racontées de deux façons, ou de portraits présentant deux visions a bien l’impression que les personnages sont des personnes réelles, qui ont vécu
opposées du même personnage. Les lettres 21 et 22 constituent un bon exemple tous les événements décrits dans les lettres, et que le rédacteur s’est livré à un
d’anecdote racontée de deux points de vue différents : il s’agit de l’action chari- travail de censure, pour dissimuler l’identité exacte des personnes concernées, et
table de Valmont, qui paie au collecteur d’impôt les dettes d’une famille paysanne à un travail de recomposition, pour rendre l’histoire intelligible.
afin d’éviter la saisie de ses meubles. Dans la lettre 21, le Vicomte explique com- Les deux textes qui précèdent le début de l’œuvre jouent sur cette question de
ment il a élaboré cette ruse pour impressionner Mme de Tourvel, qui le fait espion- l’authenticité de l’ouvrage : l’avertissement de l’éditeur présente le roman comme
ner. Son but est de se mettre en scène dans un acte de bienfaisance, afin que la une fiction (expliquant que la dépravation des mœurs qu’il révèle ne reflète pas
Présidente ait meilleure opinion de lui. La lettre suivante montre la réussite de son son époque), mais il est immédiatement contredit par la préface du rédacteur,
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

projet : Mme de Tourvel rapporte l’événement à Mme de Volanges et fait l’éloge de qui prétend restituer au public une correspondance réelle, qu’il n’a que légère-
la bonté du Vicomte. ment retravaillée. Cela lui permet de souligner la variété des styles, et de se faire
On lit à plusieurs reprises dans le roman des portraits différents du même per- pardonner la simplicité de certaines lettres. Laclos pique ainsi la curiosité de son
sonnage. Dans la lettre 5, la Marquise dresse une satire de la Présidente, en se lecteur, en posant la question de l’authenticité de cette correspondance. En même
moquant notamment de sa tenue vestimentaire. Valmont répond à ce cruel temps, en brouillant les pistes, il désamorce les reproches qu’on pourrait lui faire
portrait par un éloge de la jeune femme, en expliquant que toute parure lui nuit quant à l’immoralité de ses personnages.

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9 Dès les premières lettres, le roman propose une réflexion sur l’écriture. En Vers l’oral du Bac p. 133-135
vous appuyant sur les lettres 2, 20, 23, 26, 29 et 33, résumez les pensées des
personnages sur la qualité ou les dangers de l’écriture, et montrez que la capa- Analyse de la lettre 4 du Vicomte de Valmont à la Marquise
cité des libertins à manipuler leur entourage a des points communs avec le tra- de Merteuil, pages 29-31
vail du romancier. Tout en proposant des réflexions différentes, les personnages
du roman de Laclos s’accordent sur un point : l’écriture est trompeuse voire dan- ☛ Expliquer comment le libertin expose son projet
gereuse. Tout d’abord, une correspondance peut être compromettante : à la fin de de conquête amoureuse
la lettre 26, la Présidente demande à Valmont de lui retourner sa lettre, preuve
d’échanges qui ne devraient pas exister entre eux. De plus, le style de la lettre
Analyse du texte
peut trahir l’émetteur : dans la lettre 23, Valmont avoue n’être pas satisfait de celle I. Une réponse négative
qu’il a écrite à Mme de Tourvel, car il n’a pas réussi à y exprimer les sentiments
a. Le Vicomte prend soin d’éveiller l’attention de la Marquise dans sa lettre.
qu’il voulait montrer, et s’est laissé emporter. De même, Cécile explique à Sophie
Montrez-le en relevant les apostrophes, les emplois de la deuxième personne, les
Carnay dans la lettre 29 que Mme de Merteuil doit lui apprendre à mieux écrire :
impératifs et les questions qui s’adressent directement à elle. Repérez les réfé-
sa naïveté transparaît trop dans ses lettres. La Marquise, soucieuse des questions
rences à la lettre précédente, à laquelle Valmont répond. Le Vicomte répond à la
de style, s’interroge sur la façon dont une femme prude peut écrire après avoir
Marquise et l’implique dans ses propos. Il l’apostrophe (« ma très belle Marquise »,
eu une aventure avec un libertin, et quel « voile » elle peut « met[tre] sur ses dis-
« ma très belle amie »), emploie abondamment la deuxième personne du singu-
cours » (lettre 20, p. 62). La lettre 33 souligne la lucidité du personnage : Mme de
lier dans des formules qui attirent l’attention de Mme de Merteuil sur ce qu’il dit
Merteuil explique à Valmont qu’écrire est une erreur. D’une part, la lettre diffère
(« comme vous savez », « vous saurez donc », « vous devinez », « vous n’imaginez
l’échange, elle donne donc le temps de la réflexion et offre à la victime du libertin
pas », « vous savez si »), multiplie les impératifs comme si la Marquise était en face
la possibilité de prendre conscience de son erreur. D’autre part, la lettre trahit les
de lui (« ne vous fâchez pas et écoutez-moi »), et lui pose des questions (« Ce lan-
réels sentiments de l’épistolier : « il n’y a rien de si difficile en amour, que d’écrire
gage vous étonne, n’est-il pas vrai ? », « Que me proposez-vous ? »). Il rétablit donc
ce qu’on ne sent pas » (p. 90).
au cœur de la lettre le ton de la conversation orale. Il s’agit en effet d’une réponse
Pourtant, les libertins affectionnent l’écriture, et comparent leurs entreprises de
à une proposition de la Marquise exprimée dans les lignes 23 à 26.
séduction au travail du romancier : comme lui, ils construisent une intrigue, choi-
sissent un héros, imaginent des péripéties. Dans la lettre 2, la Marquise désigne b. Le Vicomte refuse le projet de la Marquise au profit d’une autre entreprise.
Cécile comme « l’Héroïne de ce nouveau Roman » (p. 27), et elle songe à écrire les Relevez les négations et les connecteurs logiques d’opposition qui le prouvent,
mémoires du Vicomte de Valmont. et expliquez comment il dénigre le projet de séduction de Cécile (l. 23-27). Le
Vicomte dénigre le projet de séduction de Cécile car il le juge trop facile. L’idée
est développée dans les négations du second paragraphe : Cécile est « une jeune
fille qui n’a rien vu », « sans défense », « qu’un premier hommage ne manquera
pas d’enivrer ». Valmont préfère s’attaquer à une femme plus difficile à obtenir
car il en retirera plus de gloire. Il souligne l’opposition entre les deux projets avec
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l’expression « il n’en est pas ainsi de » et le présentatif « voilà » répété trois fois en
anaphore, et il met en évidence la nécessité de se lancer dans de grandes entre-
prises avec la conjonction de coordination « mais » (l. 7, 18).
c. Le Vicomte et la Marquise sont unis par une complicité qui mêle la provoca-
tion et le badinage amoureux. Relevez les allusions de Valmont à leurs amours
passées et les marques de flatterie envers Mme de Merteuil, puis analysez les

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passages ironiques au début et à la fin de la lettre. Valmont fait allusion à ses le projet du Vicomte en insistant sur la gloire qu’il lui procurera : « voilà ce que
amours passées avec Mme de Merteuil aux lignes 2 à 5 : « je ne me rappelle jamais j’attaque ; voilà l’ennemi digne de moi ; voilà le but où je prétends atteindre ».
sans plaisir le temps où vous m’honoriez de noms plus doux ». Il évoque égale- Le présentatif « voilà », répété trois fois en anaphore, met en valeur l’intérêt de
ment leur rupture (« nous séparant pour le bonheur du monde »). Il flatte Mme de l’entreprise.
Merteuil en employant des apostrophes élogieuses, « ma belle amie » et « ma très
b. Après avoir livré l’identité de sa cible, Valmont expose le contexte dans
belle amie », et en louant sa dévotion à l’amour : « je connais votre zèle, votre
lequel son projet est né. Relevez les informations qui sont données sur la situa-
ardente ferveur ». En utilisant le pronom « nous » dans tout le premier paragraphe,
tion de Mme de Tourvel et sur la vie quotidienne chez la tante du Vicomte, et
le Vicomte souligne sa complicité avec la Marquise : sous la plume de Valmont, le
montrez comment ce dernier souligne l’ennui qui règne chez elle : analysez le
couple de libertins devient un couple d’exception, à la recherche de grands projets.
lexique, la construction des phrases, les passages ironiques. Des lignes 39 à 45,
En témoignent les lignes 7 à 9, où Valmont évoque avec exaltation le destin des
le Vicomte présente le cadre de son intrigue. Il évoque la raison de la présence de
libertins, qui consiste à conquérir les cœurs.
la Présidente chez sa tante (l’absence du Président, retenu en Bourgogne pour un
Cependant, certains passages ironiques introduisent dans cet éloge des pointes
procès), et dresse un tableau bien fade de la vie au château aux lignes 42 à 45.
de cynisme. Dans la première phrase, les adjectifs mélioratifs « charmants » et
Une longue énumération lui permet de détailler les activités offertes par le lieu ; il
« aimable » frôlent l’antiphrase, et l’oxymore « chérir le despotisme » trahit l’aga-
en souligne le caractère répétitif par plusieurs procédés : l’emploi des articles et
cement de Valmont face aux demandes de Mme de Merteuil : un libertin n’obéit
des adjectifs indéfinis (« quelques visites », « des prières », « des promenades »), la
à personne. À la fin de la lettre, l’éloge se transforme en raillerie, car le Vicomte
présence du complément circonstanciel de temps « chaque jour » et du complé-
assimile la Marquise à une « femme facile » (l. 65-66) : ce n’est pas seulement le
ment du nom « du matin et du soir » mettent en évidence la monotonie de toutes
désir de se faire pardonner, mais aussi et avant tout la « reconnaissance » pour
ces activités. Les adjectifs péjoratifs « solitaires » et « triste » insistent sur l’ennui
la « jouissance » qu’elle lui offre sans aucun combat, qui amène le Vicomte aux
qui règne chez sa tante, et qui ne peut que gagner la Présidente. Le Vicomte se
pieds de Mme de Merteuil. Ce faux témoignage de soumission est profondément
moque de la situation de la jeune femme à travers deux expressions ironiques :
vexant pour la Marquise, puisqu’il la rabaisse à l’état d’objet de plaisir aisément
« son inconsolable moitié » et « cet affligeant veuvage ». Leur caractère hyperbo-
accessible.
lique laisse deviner le scepticisme du Vicomte sur les liens du mariage.
II. Un nouveau projet de conquête c. Valmont présente son projet de séduction avec passion et enthousiasme.
a. Valmont prend plaisir à présenter son projet de séduction. Montrez comment Analysez les marques du registre lyrique dans le dernier paragraphe en com-
il crée le mystère en retardant l’exposition de ce projet dans les deux premiers mentant la récurrence du pronom de la première personne, le lexique des
paragraphes, puis commentez-en l’annonce aux lignes 33-37 (intéressez-vous sentiments, la ponctuation, les parallélismes des lignes 56 à 65. Le lyrisme enva-
notamment aux parallélismes, aux répétitions et à la citation). Le Vicomte rédige hit le dernier paragraphe de la lettre du Vicomte : après avoir évoqué sa cible,
deux longs paragraphes avant de présenter son projet de séduction de Mme de le discours se centre à nouveau sur ses sentiments. La première personne est
Tourvel. Il surprend sa destinataire en employant dans le premier paragraphe un employée à chaque phrase, au singulier (« je désire », « je dévore », « je n’ai plus
ton dévot qui ne lui est pas familier, et retarde l’annonce de ses intentions par une qu’une idée », « j’ai bien besoin ») ou au pluriel (« que nous sommes heureux »).
longue digression sur le destin des libertins. Dans le second paragraphe, il crée Le lexique des sentiments parcourt le texte, notamment celui de l’amour, avec des
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une attente en annonçant « le plus grand projet qu[’il ait] jamais formé », puis en expressions telles que « passion forte », « ardeur du désir », « être amoureux ». Le
retarde la présentation en revenant sur son refus de séduire Cécile. Enfin, dans ton se fait plus vif, avec des phrases exclamatives (« Que nous sommes heureux et
le troisième paragraphe, il nomme sa future victime, la Présidente de Tourvel, et que les femmes se défendent mal ! »), ou interrogatives (« […] car où ne mène pas
confie son projet avec emphase, en opposant deux groupes ternaires : le premier un désir contrarié ? »), une apostrophe emphatique (« Ô délicieuse jouissance ! »),
qualifie la jeune femme en soulignant les obstacles que le libertin va rencontrer et des parallélismes qui rythment le texte (« j’y pense le jour, et j’y pense la nuit »,
(« sa dévotion, son amour conjugal, ses principes austères ») ; le second présente « pour mon bonheur, et surtout pour mon repos »).

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 1

III. Une lettre provocatrice l’amour ne peut que les mener à la damnation. Le caractère blasphématoire de la
a. Le Vicomte présente la conquête amoureuse comme un exploit guer- lettre rappelle au lecteur que les libertins de mœurs sont avant tout des libertins
rier. Relevez les marques du registre épique dans la lettre : champ lexical de d’esprit, qui non seulement s’affranchissent des lois morales dictées par la reli-
la guerre, métaphores et hyperboles associées à l’entreprise de séduction. gion, mais surtout remettent en question les dogmes religieux, et n’hésitent pas à
Commentez l’allégorie du myrte et du laurier (l. 29-30). Le Vicomte se présente les tourner en dérision.
comme un conquérant, et emploie le registre épique pour parler de ses conquêtes
amoureuses. Un lexique guerrier parcourt le texte, avec les verbes « conquérir »,
Les trois questions de l’examinateur
« attaque », « se défendent », ou les noms « gloire », « triomphe », « ennemi ». Le Question 1. Vous avez souligné l’ambiguïté de la relation qui unit la Marquise et
comparatif de supériorité « de plus grands intérêts », la construction attributive le Vicomte ; pouvez-vous donner d’autres exemples dans la suite du roman ? La
« conquérir est notre destin », et le superlatif « le plus grand projet que j’aie jamais Marquise et le Vicomte ne cessent de se louer et de se séduire l’un l’autre dans
formé » évoquent les activités des libertins de façon hyperbolique. Enfin, l’allusion leurs propos, tout en essayant de se rendre jaloux. Dans la première partie du
à la couronne de myrte et de laurier des lignes 19-20 mêle étroitement les thèmes roman, la Marquise parle abondamment à Valmont de son amant, Belleroche. Le
de l’amour et de la guerre : le myrte est en effet l’arbre de Vénus, tandis que le Vicomte, quant à lui, fait un récit détaillé de son entreprise de séduction de Mme de
laurier représente la gloire militaire, puisqu’il constituait, dans la Rome antique, Tourvel tout au long du roman. Les deux libertins se défient aussi constamment.
la couronne d’un général vainqueur au combat. Associée à la personnification de La Marquise pimente par exemple le projet du Vicomte par un pacte : elle s’offrira
l’amour, cette double allégorie de la victoire et de l’amour renforce la dimension à lui s’il parvient à séduire la Présidente. Cependant, loin de respecter ses enga-
épique du texte. gements, elle cherchera à perdre sa rivale en manipulant le Vicomte pour qu’il
rejette Mme de Tourvel. La jalousie et la fierté des deux libertins s’opposent donc
b. Valmont blasphème dans sa présentation de la conquête amoureuse.
à leur respect mutuel et à leur complicité, et les conduiront à leur perte.
Expliquez comment il associe les domaines amoureux et religieux en étudiant le
lexique et les métaphores des lignes 12-17. Dans le dernier paragraphe, dites en Question 2. Peut-on qualifier ces deux personnages de héros ? Dans quelle
quoi ses propos peuvent paraître scandaleux pour un lecteur chrétien. La fin du mesure peuvent-ils fasciner le lecteur ? Il s’agit plutôt d’anti-héros : ils se distin-
premier paragraphe de la lettre du Vicomte évoque les conquêtes des libertins au guent des autres personnages par leurs qualités exceptionnelles (la profondeur de
moyen d’un lexique religieux : l’amour devient une « foi » qui se prêche, une « mis- leur réflexion, la finesse de leur analyse psychologique des autres personnages,
sion », dans laquelle les libertins font des « prosélytes », et pour laquelle ils font leur capacité à élaborer des stratégies complexes), mais loin de les utiliser à bon
preuve de « zèle » et de « ferveur ». À ce lexique s’ajoutent des métaphores reli- escient, ils les mettent égoïstement au service de leur intérêt personnel et de
gieuses, qui font de la Marquise une « Patronne » et du Vicomte un « Saint », deux leurs débauches. Leur intelligence machiavélique et démoniaque a donc de quoi
figures sacrées chargées de guider et de protéger les fidèles (notons que dans fasciner le lecteur.
cette comparaison, exceptionnellement, le Vicomte se place dans une position Question 3. Observez l’image reproduite en couverture de cet ouvrage, tirée
inférieure à celle de la Marquise, puisqu’il n’est qu’un simple « Saint de village », de l’adaptation cinématographique de Stephen Frears. Dans quelle mesure vous
tandis que le mot « Patronne » renvoie à une sainte de premier ordre, voire à la semble-t-elle représentative de l’attitude de Valmont envers la Présidente de
sainte Vierge). L’amour, au sens physique du terme, est donc le dieu des libertins, Tourvel ? L’image reproduite en couverture est représentative de l’attitude de
comme l’indique l’expression « ce Dieu-là » employée par le Vicomte. L’apostrophe
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Valmont envers la Présidente de Tourvel car elle met en valeur son pouvoir de
du dernier paragraphe « Ô délicieuse jouissance » fait du plaisir sexuel une nou- manipulation. Situé derrière elle, il lui parle à l’oreille sans la regarder et lui souffle
velle divinité. des mots qui semblent la contrarier. C’est l’exacte illustration des manœuvres
Tous ces propos sont particulièrement scandaleux pour des lecteurs chrétiens, a mises en place dans ses lettres : ses propos insidieux bouleversent la Présidente,
fortiori du xviiie siècle, car ils constituent un blasphème. En effet, l’Église condamne mais il ne l’affronte jamais directement. Sur l’image, le regard du Vicomte tombe
toutes les relations adultères et extérieures au mariage, or c’est exclusivement sur sa victime dont il est très proche : sa bouche effleure presque son oreille. Ainsi,
dans ce type de relations que les libertins s’épanouissent. Leur conception de cette image du film rend bien compte de son entreprise de séduction.

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 2

Malgré ces refus, le lecteur comprend que les sentiments de la Présidente évo-

Arrêt sur lecture 2 p. 244-248


luent : alors qu’elle dit fuir toute conversation amoureuse, elle répond systéma-
tiquement au Vicomte et se justifie dans de longues lettres. Elle pourrait tout
simplement cesser de correspondre avec lui, mais elle n’en fait rien.

L’art du libertinage
Pour comprendre l’essentiel p. 244-245 3 Valmont a finalement accepté d’aider la Marquise de Merteuil à pervertir
Cécile pour se venger de sa mère. Résumez les stratégies du Vicomte. Valmont
Des projets contrariés
commence tout d’abord par se rapprocher de Danceny pour devenir son confident
1 Au début de la deuxième partie du roman, le projet de la Marquise piétine : et conseiller (lettres 53 et 57). De retour chez Mme de Rosemonde, il se fait le
Cécile Volanges et Danceny ne parviennent pas à se rapprocher. Expliquez pour- messager du Chevalier auprès de Cécile (lettre 73) et gagne ainsi sa confiance. Il
quoi. Dans la lettre 51, la Marquise de Merteuil explique à Valmont que Cécile, qui propose enfin à la jeune fille une ruse pour obtenir la clef de sa chambre sans que
est allée se confesser, craint pour son âme. Elle tente de rompre avec Danceny, sa mère ne s’en aperçoive, afin, dit-il, de pouvoir l’aider plus facilement à trans-
malgré ses sentiments pour lui. La Marquise leur arrange une entrevue de rup- mettre sa correspondance avec Danceny (lettre 84). Mais Cécile, méfiante, refuse
ture, espérant qu’elle réunira les jeunes amants, mais Danceny est trop timide tout d’abord.
et scrupuleux pour joindre le geste à la parole dans ses déclarations d’amour
4 La Marquise pense que c’est en multipliant les obstacles qu’elle favorisera la
(lettre 54). Ainsi, dans la lettre 55, Cécile déclare à Sophie Carnay : « nous voilà
liaison entre Danceny et Cécile. Expliquez comment elle piège la jeune fille. Dans
revenus exactement où nous en étions » (p. 148). Les deux jeunes gens continuent la lettre 63, relevez les passages qui mettent en évidence le plaisir de Mme de
de s’aimer et de s’écrire, sans oser vraiment se rapprocher. Merteuil à manipuler son entourage. La Marquise de Merteuil piège Cécile en
2 Valmont ne semble pas plus progresser dans son entreprise de séduction de avertissant Mme de Volanges au sujet de sa liaison avec Danceny. Cécile raconte
Mme de Tourvel. Montrez que l’amour prétendu du Vicomte se heurte à l’amitié comment sa mère a découvert leur correspondance dans la lettre 61, et Mme de
de la Présidente, et identifiez les indices qui prouvent que, malgré tout, les sen- Merteuil expose le détail de sa ruse à Valmont dans la lettre 63 : elle a d’abord
timents de Mme de Tourvel évoluent. Mme de Tourvel repousse les demandes éveillé les soupçons de Mme de Volanges, puis elle lui a parlé d’un secrétaire dans
lequel Cécile dissimule des lettres. La Marquise est persuadée que c’est en multi-
amoureuses de Valmont en lui offrant son amitié, et développe les arguments sui-
pliant les obstacles qu’elle parviendra à réunir Cécile et Danceny. La lettre 63 met
vants : l’amour honnête qu’elle éprouve pour son époux lui apporte bonheur et
en évidence le plaisir qu’elle prend à manipuler son entourage, puisqu’elle raconte
sérénité, tandis que la passion n’apporte que souffrance et destruction (lettre 56) ;
avec délice sa trahison, et explique comment, confidente de la mère et de la fille à
de plus, les sentiments amoureux du Vicomte sont pour elle une offense
la fois, elle les a consolées toutes deux tour à tour. Elle file la métaphore religieuse
(lettre 67) ; enfin, ce sont précisément ces sentiments qui les séparent (lettre 67).
en se présentant comme une « Divinité » aux « décrets immuables », un « Ange
Son argumentation repose sur des raisonnements logiques. Celle du Vicomte est
consolateur » (p. 163), et en comparant Cécile à Marie-Madeleine (p. 164).
bien plus insidieuse, car il cherche à troubler la jeune femme. Dans la lettre 58,
il se présente comme une victime de l’amour en exprimant sa souffrance d’être 5 Les libertins font le récit de deux histoires secondaires : celle de Vressac et
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rejeté par Mme de Tourvel ; il espère ainsi lui inspirer de la culpabilité. Il flatte éga- celle de Prévan. Résumez-les et expliquez en quoi elles pimentent le roman
lement sa fierté de femme honnête en lui disant qu’elle n’a rien à craindre de ses tout en mettant en évidence le pouvoir de manipulation des libertins. La pre-
déclarations d’amour, puisqu’elle reste maîtresse de la situation et qu’elle continue mière intrigue secondaire concerne Vressac, et elle est racontée par Valmont
à aimer son époux. Enfin, dans la lettre 68, il affirme la supériorité du sentiment dans la lettre 71. En chemin pour le château de Mme de Rosemonde, le Vicomte
amoureux sur l’amitié. Mme de Tourvel semble intraitable, et affirme au Vicomte s’arrête chez la Comtesse de *** (lettre 70). Il y trouve la Vicomtesse de M***,
qu’elle restera indifférente à toutes ses avances dans la lettre 78. embarrassée par la présence simultanée de son époux et de son amant, Vressac.

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 2

Valmont, qui veut passer la nuit avec elle, la décide à se brouiller avec Vressac. La la Marquise n’a pu se faire une idée des relations avec les hommes qu’en mentant
Vicomtesse rejoint le libertin à une heure du matin, mais après leurs ébats, elle à son confesseur, et elle dénonce l’ignorance dans laquelle on maintient les jeunes
trouve la porte de sa chambre close. Valmont élabore une ruse pour la sauver du filles de son époque. Soumise d’abord à l’autorité de sa mère, elle l’a été ensuite à
déshonneur : il lui demande de pousser des cris, enfonce la porte, et lui permet celle de son époux, et précise que c’est en se montrant parfaitement froide avec
ainsi de regagner son lit avant l’arrivée de l’époux et de l’amant. La Vicomtesse lui qu’elle a gagné sa confiance : on comprend donc que le plaisir est considéré
prétexte avoir entendu du bruit et cru à une intrusion. Valmont se présente comme suspect chez une femme honnête. À la mort de son époux, la Marquise
comme le sauveur zélé qui a immédiatement réagi aux cris et est entré de force, n’a pas été libérée pour autant : soumise aux convenances, elle a dû rester isolée à
et il réconcilie Vressac et la Vicomtesse qui finissent la nuit ensemble. la campagne. De retour dans la société mondaine, elle est la proie des jugements
La seconde intrigue concerne Prévan, un libertin redouté de Valmont. En appre- des femmes dévotes, et doit montrer au monde une conduite exemplaire pour
nant que Mme de Merteuil le fréquente, le Vicomte la met en garde : Prévan a conserver sa réputation.
déshonoré plus d’une femme, et s’est moqué publiquement de la prétendue vertu
de la Marquise. Il est connu pour une triple aventure célèbre, racontée dans la 7 La Marquise de Merteuil explique qu’il est nécessaire pour une femme de
lettre 79. Il est parvenu à séduire trois amies inséparables, en faisant croire à savoir dissimuler et jouer la comédie. Dans la lettre 81, trouvez des exemples
chacune qu’il lui sacrifiait son amante actuelle. Après avoir partagé des ébats de ces deux pratiques qui montrent comment la Marquise a réussi à prendre
sexuels avec les trois femmes d’affilée, il a convié chacun de leurs amants à dîner le contrôle de sa vie. La dissimulation est la première chose que la Marquise
ensemble afin de piéger les infidèles ; malgré les colères et les rancunes, la soirée apprend en entrant dans le monde : elle s’entraîne à cacher ses émotions en fai-
s’est terminée en orgie. Cet exploit n’effraie pas la Marquise, qui piège l’audacieux sant paraître sur son visage l’inverse de ce qu’elle ressent. Après son mariage,
libertin sans difficulté (lettres 85 à 87). Elle lui propose un rendez-vous nocturne isolée à la campagne, elle dissimule ses liaisons en choisissant pour amants des
chez elle, en l’invitant à passer par un escalier dérobé et à l’attendre secrètement personnes trop éloignées de sa condition pour inspirer des soupçons. Une fois
dans son boudoir. Lorsqu’elle va se coucher, toute la maisonnée la croit seule. veuve et revenue à Paris, elle accepte les hommages de quelques hommes qu’elle
Prévan pénètre dans sa chambre, elle sonne ses domestiques et feint une tenta- n’aime pas, et à qui elle peut publiquement résister, pour mieux cacher ses aven-
tive de viol. Prévan est déshonoré et emprisonné. tures secrètes avec d’autres amants. Enfin, elle a pour principe de ne jamais écrire
Ces anecdotes mettent en évidence le pouvoir de manipulation des libertins, qui pour ne laisser aucune preuve de ses liaisons.
parviennent à obtenir toutes les faveurs qu’ils désirent et piègent leurs conquêtes À cet art de la dissimulation s’ajoute un talent de comédienne. Toute jeune, la
trop orgueilleuses. Mais surtout, elles pimentent le roman car elles racontent les Marquise règle ses gestes et ses discours sur ceux des autres. Elle se montre
aventures sexuelles des libertins. « impassible » dans ses relations avec son époux pour lui faire croire qu’elle ne s’in-
téresse pas aux plaisirs de l’amour. Veuve, elle feint le repentir après avoir dévoilé
Une réflexion sur la condition des femmes quelques aventures légères, afin de plaire aux vieilles dévotes. Enfin, elle joue la
comédie avec ses amants, les flatte ou les piège pour qu’ils restent discrets.
6 Dans la société du xviiie siècle, les femmes ne disposent d’aucune liberté.
Prouvez-le en vous appuyant sur les lettres 61 et 81. Après la découverte de 8 L’individualisme de la Marquise interdit de la considérer comme féministe,
Danceny, Cécile n’a plus le droit d’écrire : sa mère lui a confisqué son papier et ses mais ses projets pourraient sembler l’être. Relisez les lettres 54 et 55 et mon-
plumes, et elle est réduite à écrire au crayon sur un morceau de lettre de Danceny trez que sa relation avec Cécile évolue vers une alliance des femmes contre les
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(lettre 69). Elle n’a pas la liberté de se déplacer à sa guise et doit suivre sa mère : hommes. Dans la lettre 54, la Marquise dévoile son affection pour Cécile, qu’elle
elle sait qu’on doit la conduire à la campagne, mais ignore où précisément. Elle n’a qualifie de « vraiment aimable » : elle est touchée par son éveil à la sensualité. Elle
aucun pouvoir de décision sur tout ce qui concerne sa propre vie (son mariage, a promis de la « former », et émet même l’idée d’en faire son amie, quand elle sera
ses fréquentations). instruite, afin d’avoir auprès d’elle une femme « dans [s]a confidence », c’est-à-dire
La lettre 81 de la Marquise de Merteuil nous en apprend bien davantage sur la une autre libertine. Elle regrette la niaiserie de Danceny qui ne sait pas profiter de
condition de la femme au xviiie siècle. Élevée par sa mère et sans amie de son âge, cet élan amoureux. Cécile est sensible aux attentions de Mme de Merteuil, et dans

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 2

la lettre 55 à Sophie Carnay, elle avoue qu’elle l’aime presque comme Danceny. Les verbes du texte expriment aussi bien les actions (« je recueillais », « je m’étu-
Une alliance entre femmes se dessine, avec un soupçon d’ambiguïté : Mme de diais », « je m’amusais », « je cherchais », « je surmontais »…) que les ressentis
Merteuil et Cécile sont émues l’une par l’autre, et l’on peut se demander si leur de la Marquise (« ressentais-je », « je ne désirais », « je sentis »…) : tout le récit
affection réciproque ne dissimule pas quelques penchants lesbiens. s’articule donc autour de ce personnage. Le récit est organisé de façon chrono-
Toutefois, cette alliance est vite rompue (sans que Cécile en ait conscience) car logique. Les deux premières indications de temps sont assez floues : « dans le
la Marquise s’agace de la naïveté de sa protégée. Ses ambitions sont bien plus temps où, fille encore, j’étais vouée par état au silence et à l’inaction » et « bien
élevées. Dans la lettre 81, Mme de Merteuil se définit de la façon suivante au jeune encore ». Elles concernent la période où la Marquise apprend à dissimu-
Vicomte de Valmont : « née pour venger mon sexe et dominer le vôtre » (p. 214). ler ses sentiments. Ensuite, la Marquise précise son âge, qui n’est plus celui de
Elle dénonce l’inégalité entre hommes et femmes. Dans le domaine amoureux, les l’enfance (« je n’avais pas quinze ans »), mais celui où elle cherche à s’instruire
hommes ne courent aucun risque, contrairement aux femmes : leur honneur n’est sur l’amour. Cette période est divisée en deux événements : la discussion avec
pas en jeu dans leurs conquêtes, et leurs entreprises de séduction sont faciles, le confesseur, annoncée par l’adverbe « aussitôt », et l’annonce de son mariage,
car elles ne sont pas condamnées par la société. La Marquise le rappelle ainsi au « peu de jours après ».
Vicomte : « Vous avez séduit, perdu même beaucoup de femmes : mais quelles dif-
b. Dans cet extrait, la Marquise raconte la période qui va de son entrée dans le
ficultés avez-vous eues à vaincre ? quels obstacles à surmonter ? où est le mérite
monde à sa nuit de noces. Distinguez les différentes étapes de son apprentis-
qui soit véritablement à vous ? […] Pour vous autres hommes, les défaites ne sont
sage. Chaque paragraphe du texte livre une nouvelle étape de la formation de la
que des succès de moins. Dans cette partie si inégale, notre fortune est de ne pas
Marquise. Le premier paragraphe ouvre le récit de son « entrée dans le monde ».
perdre, et votre malheur de ne pas gagner » (p. 212). La Marquise dénonce aussi
Les trois suivants présentent trois apprentissages successifs de la vie en société :
l’absurdité de l’éducation des jeunes filles, qui sont « vouée[s] par état au silence
la dissimulation (deuxième paragraphe), la comédie (troisième paragraphe), et la
et à l’inaction » (p. 214).
connaissance des caractères (quatrième paragraphe). Le cinquième paragraphe
Mme de Merteuil a choisi de prendre sa revanche sur les hommes, mais on ne peut
constitue une courte pause : la Marquise y exprime la satisfaction de sa formation
pas pour autant parler de féminisme, car elle ne sert que ses propres intérêts, et
autodidacte, et la volonté de la poursuivre dans d’autres domaines. Les quatre
de façon dissimulée, sans chercher à combattre les inégalités de la société.
paragraphes suivants concernent la découverte de l’amour : dans le sixième, la
Marquise souligne son ignorance à ce sujet ; dans le septième, elle évoque la ruse
qui mène son confesseur à lui parler de la chose ; et dans les deux derniers, elle
Vers l’oral du Bac p. 246-248 évoque son mariage avec M. de Merteuil : l’annonce que lui en fait sa mère, puis la
Analyse de la lettre 81, lignes 105-169, pages 214-216 nuit de noces.

c. La Marquise de Merteuil a fait son éducation elle-même. Montrez-le en vous


☛ Analyser le récit d’apprentissage de la femme libertine
appuyant sur le lexique, la syntaxe (notamment la récurrence des appositions en
tête de phrase), les expressions qui soulignent le travail sur soi, celles qui affir-
Analyse du texte
ment le refus de subir toute emprise sur son esprit. La Marquise emploie de nom-
I. Le récit d’une expérience personnelle breux verbes qui appartiennent au champ lexical de l’instruction : « je recueillais »,
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a. La Marquise relate sa propre vie. Relevez les marques de la première per- « m’apprit », « guider », « je m’étudiais », « j’ai su », « je cherchais ». Ils sont presque
sonne, les verbes exprimant les actions et sentiments du personnage, les indi- tous conjugués à la première personne du singulier, ce qui insiste sur la capacité
cations de temps qui organisent la chronologie du récit. La Marquise de Merteuil de la Marquise à se former elle-même.
se livre ici à un récit autobiographique. La première personne du singulier domine La structure des phrases met également en valeur cette qualité : on retrouve sou-
toute la lettre, et les temps employés sont ceux du passé (passé simple, impar- vent le même schéma syntaxique, qui consiste à débuter la phrase par une apposi-
fait et passé composé) : il est bien question de l’histoire de la vie de l’épistolière. tion définissant un état de la Marquise (et organisée autour d’un participe passé),

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 2

et à la poursuivre par un récit de ses progrès : « entrée dans le monde dans le En bonne scientifique, la Marquise est capable de réaliser des expériences et d’en
temps où […] j’étais vouée au silence et à l’inaction, j’ai su en profiter pour obser- tirer des conclusions : ainsi, elle conclut le récit de sa discussion avec son confes-
ver et réfléchir » ; « forcée souvent de cacher les objets de mon attention aux yeux seur par la phrase suivante : « j’en conclus que le plaisir devait être extrême ».
de ceux qui m’entouraient, j’essayai de guider les miens à mon gré » ; « encouragée La Marquise met en valeur cette double capacité d’observation et de réflexion en
par ces premiers succès, je tâchais de régler de même les divers mouvements de employant des groupes binaires qui donnent du rythme à la phrase : « pour obser-
ma figure » ; « munie de ces premières armes, j’en essayai l’usage ». ver et pour réfléchir », « suivant les circonstances, ou même seulement suivant
On trouve également des phrases construites sur des oppositions, exprimées dans mes fantaisies », « fixé mon attention sur l’expression des figures et le caractère
des propositions subordonnées (« tandis qu’on me croyait étourdie ou distraite, des physionomies », « des faits à recueillir et à méditer ». Elle fait son propre éloge
[…] je recueillais avec soin ceux qu’on cherchait à me cacher »), ou coordonnées en mentionnant ses qualités au moyen de noms ou d’adjectifs mélioratifs : « utile
(« j’étais bien jeune encore, et presque sans intérêt : mais je n’avais à moi que ma curiosité », « coup d’œil pénétrant », « talents ».
pensée »). b. La deuxième qualité indispensable à la libertine est l’art de la dissimu-
Mme de Merteuil insiste sur le travail sur elle-même accompli au cours de son lation et de la feinte. Dressez la liste des différents talents que la Marquise
auto-formation, au moyen de verbes pronominaux réfléchis tels que « je m’étu- développe pour devenir bonne comédienne. La Marquise de Merteuil apprend
diais » et « je me suis travaillée », ou de verbes transitifs conjugués à la première tout d’abord à dissimuler ses émotions et sentiments : dans le second para-
personne et dont le complément d’objet contient un pronom ou un adjectif pos- graphe, les verbes « dissimuler », « cacher », « réprimer » insistent sur cet art de
sessif : « j’essayai de guider les miens », « je tâchai de régler […] les divers mouve- la dissimulation. Mais la libertine apprend aussi à feindre des émotions qu’elle
ments de ma figure ». ne ressent pas : en témoigne la répétition du verbe « prendre » dans le premier
Enfin, la Marquise affirme à plusieurs reprises son refus de subir une emprise sur paragraphe (« prendre […] ce regard distrait », « prendre, sur ma physionomie,
son esprit, notamment lorsqu’elle s’« indign[e] » qu’on puisse déceler sa pensée cette puissance »), mais aussi l’emploi du verbe « régler » (« je tâchai de régler
(l. 123-125). […] les divers mouvements de ma figure »), et du verbe « montrer » (« me montrer
sous des formes différentes »). Les méthodes de la Marquise semblent extrêmes,
II. Les qualités acquises par la libertine puisqu’elle s’inflige elle-même des « douleurs » tout en recherchant « l’expression
a. La première qualité de toute libertine est de penser par elle-même. Repérez du plaisir ». Pour devenir bonne comédienne, elle a travaillé trois domaines : la
les procédés qui mettent en valeur cette faculté (répétitions, groupes binaires, physionomie (qui implique la maîtrise du regard et des mouvements de la figure,
adverbes et adjectifs mélioratifs). Dès le début de la lettre, la Marquise affirme comme elle l’explique dans le second paragraphe), les gestes et les discours
son refus de laisser guider sa pensée, en déclarant qu’elle « écout[ait] peu à la (qu’elle évoque dans le troisième paragraphe). C’est ainsi que Mme de Merteuil
vérité les discours qu’on s’empressait à [lui] tenir ». Dès son plus jeune âge, est devenue une experte de la comédie sociale, en acquérant une parfaite maî-
Mme de Merteuil a choisi de penser par elle-même, et a construit son jugement trise des apparences.
comme une véritable scientifique (le mot « science » est d’ailleurs évoqué à la c. Pour achever son éducation, la libertine doit maîtriser l’art de tromper les
ligne 138), en deux temps : l’observation tout d’abord (le verbe « observer » appa- hommes afin de satisfaire ses désirs. Expliquez comment la Marquise manipule
raît aux lignes 128 et 168, et on retrouve la même idée dans l’expression « avait fixé à la fois son confesseur et son époux pour s’instruire sur l’amour. Le goût de
mon attention sur »), puis la réflexion, qui est mentionnée dès le début du texte l’amour naît spontanément chez la Marquise : il s’agit d’une curiosité nouvelle, au
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avec l’emploi du verbe « réfléchir », est mise en valeur dans les phrases suivantes : sujet d’un domaine inconnu qu’elle cherche à explorer, à « deviner ». Il n’est pas
« je n’avais à moi que ma pensée » et « ma façon de penser fut pour moi seule ». encore question de désir physique inspiré par la nature, puisque Mme de Merteuil
À chaque fois, l’idée de « pensée » est accompagnée de marques de la première précise que celle-ci ne lui a donné « aucun indice », et que sa « tête seule fermen-
personne : des adjectifs possessifs (« ma ») et des pronoms personnels complé- tait » : son premier rapport à l’amour est donc intellectuel, il s’agit d’un désir de
ments toniques (« à moi », « pour moi »), ce qui permet d’insister sur le fait que la connaissance, comme le souligne la phrase « je ne désirais pas de jouir, je voulais
Marquise pense uniquement par elle-même. savoir ».

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 2

Pour parvenir à ses fins, la Marquise manipule son confesseur, en lui faisant ne faut pas « se fier entièrement » aux physionomies ; d’autre part, cette pratique
croire qu’elle a déjà découvert les plaisirs de l’amour, comme elle l’explique aux est de mise dans le domaine politique. En effet, dans le cinquième paragraphe, la
lignes 149 à 158, employant une périphrase pour désigner l’acte sexuel : « tout ce Marquise se compare aux « Politiques », avec qui elle partage un même « talent ».
que font les femmes ». La réaction du confesseur ne l’instruit pas sur la nature L’ironie apparaît dans ce passage : Mme de Merteuil sous-entend que la « répu-
de l’acte amoureux, mais sur son intensité, qu’elle mesure à l’aune de l’interdit tation » des personnalités politiques n’est construite que sur les apparences, et
religieux, mis en valeur par l’adverbe d’intensité « si » : « mais le bon Père me fit le qu’elle est loin de la vérité. Elle dessine donc ici une double satire sociale, celle des
mal si grand, que j’en conclus que le plaisir devait être extrême ». Au cours de la aristocrates mondains mais aussi celle des puissants.
nuit de noces, elle découvre véritablement l’amour, et manipule son époux pour c. Les institutions religieuses font également l’objet d’une critique implicite.
lui donner l’impression qu’elle redoute ce moment (ce que met en valeur le paral- Expliquez l’ironie des lignes 140 à 143 et montrez que la Marquise dénonce le
lélisme « de l’embarras et de la crainte »), tandis qu’elle profite intérieurement de discours religieux et l’institution du mariage. L’allusion de la Marquise à son édu-
cette nouvelle « expérience » pour s’instruire enfin. Le détachement dont elle fait cation est elle aussi ironique et lourde de sous-entendus. En effet, la Marquise
preuve par rapport au bouleversement physique est exprimé par une négation justifie son ignorance de l’amour par deux négations : « n’ayant jamais été au
restrictive : « et ne voyais dans ces diverses sensations que des faits à recueillir et Couvent, n’ayant point de bonne amie ». Il faut donc comprendre que c’est para-
à méditer ». C’est bien l’esprit qui prime dans cette première expérience sexuelle. doxalement au couvent, et en compagnie d’autres jeunes filles, qu’on apprend les
Avant de jouir du plaisir physique, la Marquise apprend donc à le connaître et à le plaisirs de l’amour, alors que le couvent cherche justement à éloigner les pension-
maîtriser, et surtout à maîtriser les hommes, à qui elle fait croire absolument ce naires de toute relation charnelle et de tout péché pour les livrer vierges à leur
qu’elle veut. époux. Et que dire du choix du confesseur, lorsque la Marquise cherche un inter-
locuteur pour s’instruire sur l’amour, alors que les hommes d’Église font vœu de
III. Une critique sociale chasteté ?
a. Le récit de la Marquise dénonce différents aspects de la condition des Il y a là beaucoup d’ironie de la part de Mme de Merteuil, et beaucoup d’humour
femmes. Relevez et commentez les passages qui révèlent leur ignorance, leur de la part de Laclos : paradoxalement, les institutions religieuses, qui condamnent
passivité ou leur soumission. La Marquise met en évidence son ignorance d’alors, les relations charnelles, sont présentées comme des lieux d’éducation sexuelle. Le
qui est celle de toutes les jeunes filles aristocrates avant le mariage, en employant lecteur peut alors réfléchir sur les conséquences des frustrations générées par les
des négations (« je n’avais que des idées vagues et que je ne pouvais fixer », « je interdits religieux : elles poussent les fidèles vers la recherche du plaisir au lieu de
ne savais en vérité quelle idée j’exprimais ») ou des mots exprimant l’idée de pri- les en éloigner.
vation (« dénuée d’expérience »). Les jeunes filles sont condamnées à la passivité,
comme le montrent la tournure passive « j’étais vouée par état au silence et à Les trois questions de l’examinateur
l’inaction » et l’expression « sans intérêt ». Lexicalement ou grammaticalement, Question 1. Comparez la Marquise de Merteuil et Cécile Volanges : dans quelle
tout ce qui touche à la condition de la jeune fille est frappé de négation. Elle est mesure peut-on dire qu’il s’agit de deux personnages opposés ? Comparez leur
nécessairement soumise : à sa mère tout d’abord (la Marquise est « surveillée caractère et leur rapport à leur éducation. Alors que Cécile Volanges reste naïve
par une mère vigilante »), puis à son époux. Elle est jetée « entre les bras » d’un et ignorante, et subit la domination de sa mère, la Marquise de Merteuil prend son
homme qu’elle ne connaît pas, et qui dispose à son gré de son corps au cours de destin en main et cherche à maîtriser sa vie. Son intelligence, son sang-froid et
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la nuit de noces. sa détermination le lui permettent. Cécile Volanges reçoit l’instruction qu’on veut
b. Mme de Merteuil s’est adaptée à une société où règnent les apparences. Dans bien lui donner, qu’elle provienne du couvent ou de la Marquise. Mme de Merteuil,
les quatrième et cinquième paragraphes, montrez que c’est en prenant la société à l’inverse, est une autodidacte : elle construit sa connaissance du monde à partir
pour modèle qu’elle a acquis cet art du paraître. Maîtresse des apparences, la d’une observation minutieuse, à laquelle elle ajoute une réflexion personnelle.
Marquise n’est pas une exception au sein de la société. D’une part, la pratique de la Question 2. La lettre 81 est une réponse aux mises en garde de Valmont sur
dissimulation est courante dans le monde, puisque Mme de Merteuil explique qu’il Prévan : que va faire la Marquise à ce sujet ? En quoi son aventure avec Prévan

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 3

est-elle une illustration parfaite des qualités que vous avez identifiées dans la endormie, et veut profiter de la situation. Quand Cécile tente d’appeler au secours,
deuxième partie de votre exposé ? La Marquise va mépriser la mise en garde de Valmont l’en empêche en lui rappelant que c’est elle qui lui a donné la possibilité
Valmont, puisqu’elle va continuer à fréquenter Prévan. Toutefois, elle a bien noté d’entrer, et qu’elle ne pourra pas se justifier auprès de sa mère sans avouer ses
que ce libertin s’était moqué d’elle publiquement, et elle va chercher à se venger, fautes. Valmont commence par négocier un baiser, et poursuit ses avances jusqu’à
en l’attirant dans un piège : lui faisant croire à un rendez-vous secret, elle simule déflorer Cécile. Il raconte cette aventure à la Marquise dans la lettre 96.
une tentative de viol qui le perd socialement et professionnellement. Cette aven-
ture illustre donc bien les qualités mises en évidence par notre analyse : la dissi- 2 Cécile reçoit une double instruction par Valmont et par Mme de Merteuil. En
mulation, la feinte, et la maîtrise des hommes. vous appuyant sur les lettres 105, 110 et 115, résumez ce que chacun lui apprend.
La Marquise de Merteuil explique à Cécile comment gérer ses relations avec les
Question 3. Observez les peintures reproduites en fin d’ouvrage, au verso
hommes. Dans la lettre 105, elle lui apprend qu’il n’y a pas de honte à prendre du
de la couverture, et montrez qu’elles reflètent l’influence du libertinage
plaisir avec un homme tant que cette relation reste secrète ; qu’un refus augmente
dans les arts au xviiie siècle. Expliquez notamment comment le corps et
l’amour d’un prétendant, qui y voit une preuve de vertu ; et qu’enfin ce n’est pas
la sensualité de la femme sont mis en valeur.  Les peintures de Watteau
l’époux mais les amants que l’on aime, et qu’il est possible d’en prendre plusieurs.
et de Boucher mettent en valeur la sensualité de la femme en montrant la
Valmont, quant à lui, s’occupe de l’éducation sexuelle de Cécile : il déclare dans la
beauté de son corps. Les femmes représentées sur ces deux toiles sont dénu-
lettre 110 composer « une espèce de catéchisme de débauche » (p. 317), et prend
dées ; elles occupent une position centrale ; la lumière attire le regard sur
soin d’apprendre à sa jeune écolière le vocabulaire de l’amour, afin qu’elle puisse
leur corps nu, dont on peut apprécier les formes arrondies et gracieuses. Le
nommer ce qu’elle pratique. Dans la lettre 115, le Vicomte semble être parvenu au
peintre surprend les femmes dans leur intimité : le sommeil pour Antiope
terme de son enseignement, puisqu’il se vante d’obtenir de Cécile « ce qu’on n’ose
(que guette Jupiter), la détente dans un boudoir pour l’Odalisque blonde.
pas même exiger de toutes les filles dont c’est le métier » (p. 328-329). Insatisfait
du style de ses lettres, il apprend également à Cécile à mieux écrire afin de « nour-
rir l’amour » de Danceny (p. 332).

3 Malgré ses réticences, Cécile semble apprécier sa liaison avec Valmont.


Prouvez-le en relevant des passages des lettres 97 et 109 qui révèlent sa décou-
verte du plaisir. Dès la lettre 97, Cécile avoue avoir eu du mal à résister à Valmont.
Sans le savoir, elle exprime déjà sa découverte du désir, quand elle écrit que le
baiser du Vicomte l’a « toute troublée », et qu’elle se reproche de ne pas s’être suf-

Arrêt sur lecture 3 p. 350-354


fisamment défendue : « sûrement, je n’aime pas M. de Valmont, bien au contraire ;
et il y avait des moments où j’étais comme si je l’aimais… Vous jugez bien que ça
ne m’empêchait pas de lui dire toujours que non : mais je sentais bien que je ne
faisais pas comme je disais ; et ça, c’était comme malgré moi ; et puis aussi, j’étais
bien troublée ! » (p. 271).
Pour comprendre l’essentiel p. 350-351 Dans la lettre 109, après avoir lu les conseils de Mme de Merteuil, Cécile ne conçoit
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plus les choses de la même façon et reconnaît « qu’il y a bien du plaisir » (p. 311).
La chute de Cécile
Danceny n’est pas en reste : la Marquise s’occupe aussi de son éducation sexuelle.
1 Valmont met finalement en application le projet initial de la Marquise de Dans la lettre 113, elle le désigne comme le successeur de Belleroche. Le jeune
Merteuil. Expliquez comment il parvient à prendre Cécile au piège. Aidé de homme n’hésite pas à exprimer son affection pour la Marquise à Cécile, en qua-
Danceny, Valmont parvient à convaincre Cécile de lui donner la clef de sa chambre lifiant leur relation d’« amitié » (lettre 116). Enfin, dans la lettre 118, il semble aussi
pour faciliter les échanges de lettres. Il y pénètre la nuit, alors que Cécile est amoureux de l’une que de l’autre.

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 3

Conseils et confidences Les lettres 104, 105 et 106 mettent donc bien en évidence le pouvoir de Mme de
Merteuil : en se succédant, elles rappellent au lecteur la position centrale du
4 Les lettres 97, 98, 100 et 102 expriment le désespoir ou les doutes de
personnage, qui est la confidente des principaux personnages féminins. De
personnages très différents. Après avoir résumé les confidences de chacun
plus, l’enchaînement des lettres 104 et 105 ne manque pas d’ironie : d’un côté, la
d’eux, identifiez les procédés communs à toutes ces lettres qui soulignent
Marquise conseille à Mme de Volanges de maintenir le projet de mariage entre
l’émotion ou les interrogations des personnages. La Marquise de Merteuil
sa fille et Gercourt, et de l’autre, elle enseigne à Cécile l’art de tromper son
est la confidente de nombreux personnages : Cécile lui avoue son désespoir
époux avec un ou plusieurs amants.
après sa première nuit avec Valmont dans la lettre 97 ; Mme de Volanges lui
demande conseil au sujet du mariage de sa fille, dont elle sent le trouble, dans Un jeu de plus en plus cruel
la lettre 98 ; Valmont lui fait part de sa colère après la fuite de Mme de Tourvel
dans la lettre 100. La Présidente avoue son amour pour le Vicomte à Mme de 6 La Marquise de Merteuil s’attache à nuire de plus en plus à son entourage.
Rosemonde dans la lettre 102. On lit donc quatre confidences différentes, Résumez toutes ses trahisons. La Marquise de Merteuil n’hésite pas à trahir
mais on retrouve des procédés identiques pour mettre en évidence le trouble des femmes qui la considèrent comme leur amie afin de servir ses propres inté-
des personnages : la récurrence des modalités exclamative et interrogative, rêts. Après avoir piégé Cécile en révélant à sa mère sa liaison avec Danceny
la présence d’interjections (« Ah ! », « Hé bien ! », « Hélas ! ») et d’apostrophes dans la deuxième partie du roman, elle lui recommande à présent de se laisser
(« Madame », « ma chère amie », « ma belle amie », « ma respectable amie », instruire par Valmont, tout en sachant que cela perdra la jeune fille après son
et même « Ô femmes, femmes ! » dans la lettre de Valmont). On relève enfin mariage (lettre 104). De plus, elle conseille à Mme de Volanges de ne pas renon-
dans la lettre de Cécile de nombreux points de suspension, qui soulignent la cer au mariage de Cécile avec Gercourt, alors que Cécile a ce projet en horreur.
difficulté de la confession : la jeune fille ne parvient pas à achever ses phrases. Enfin, la Marquise séduit l’amant de sa jeune amie : elle choisit Danceny comme
successeur de Belleroche, et se charge de son éducation amoureuse (lettre 113).
5 À ces quatre confidences répondent quatre lettres de conseils (lettres 103 Dans la lettre 106, elle déclare se désintéresser de Cécile. L’affection qu’elle
à 106). Caractérisez les différents tons de ces lettres, résumez les conseils avait pour la jeune fille dans la deuxième partie du roman se change en mépris :
donnés, et expliquez l’ironie de l’enchaînement des lettres 104 et 105. La elle pense que Cécile ne peut devenir qu’une « femme facile », et qu’elle n’a ni
lettre 103 de Mme de Rosemonde est empreinte de bienveillance : la vieille l’intelligence ni la force de caractère d’une libertine. Elle ajoute : « Ces sortes de
femme appelle Mme de Tourvel sa « chère Belle », et fait preuve d’une grande femmes ne sont absolument que des machines à plaisir » (p. 303). L’expression
compréhension. Elle lui témoigne son soutien et la conforte dans son choix est cruelle car elle déshumanise complètement la petite Volanges. Filant la
de fuir Valmont. Dans la lettre 104, Mme de Merteuil adopte un ton didactique métaphore de la machine, Mme de Merteuil explique même qu’il vaut mieux
pour conseiller à Mme de Volanges de ne pas renoncer au mariage de Cécile pour plus de sûreté la « briser » après s’en être servi. Cécile est réduite à l’état
avec Gercourt. Elle énonce des vérités générales sur le bonheur, l’amour des d’objet sexuel entre les mains des libertins.
jeunes gens, le mariage. Mme de Volanges ignore que l’apparente sagesse Mais la cruauté de la Marquise ne s’arrête pas là : elle est aussi très dure avec
de ces conseils dissimule une motivation peu louable : la vengeance contre Valmont, et se moque de son échec après la fuite de Mme de Tourvel. Elle
Gercourt. Le ton de la Marquise est également didactique dans la lettre 105, débute la lettre 106 par une expression profondément ironique qui ne laisse
mais aussi très cynique : Mme de Merteuil se moque de la naïveté de Cécile, place à aucune compassion (« À merveille, Vicomte, et pour le coup, je vous
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et l’invite à profiter de la situation pour goûter aux plaisirs de l’amour avec aime à la fureur ! »), et se moque de l’impuissance de son ami : « Vous voilà donc
Valmont sans se préoccuper des questions de morale. Le cynisme est encore absolument réduit à rien » (p. 302). Elle raille le Vicomte en lui disant que ce
plus mordant dans la lettre suivante, que la Marquise adresse au Vicomte : elle retournement de situation était prévisible. Enfin, dans la lettre 113, elle réduit
raille son incapacité à profiter de la faiblesse de Mme de Tourvel quand il en à néant ce qui pourrait être pour lui une consolation, en affirmant que Cécile
avait l’occasion, et loin de le consoler, elle lui fait comprendre qu’il mérite cette reste profondément amoureuse de Danceny. Valmont n’a pas réussi à lui faire
déconvenue. oublier son Chevalier.

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 3

7 Valmont entre dans une rage folle après la fuite de la Présidente. Relevez dans une démarche qui semble conçue pour réparer ses fautes : il souhaite obte-
dans la lettre 100 les passages qui expriment ses sentiments les plus noirs, et nir un entretien avec la Présidente afin de lui remettre toutes ses lettres. Il se
identifiez dans ses échanges avec Azolan les ordres qui soulignent son achar- montre à sa tante fatigué et soucieux (lettre 122), implore son pardon, manifeste
nement à retrouver un pouvoir sur Mme de Tourvel. Après la fuite de Mme de son repentir, et évoque « la plus grande affaire de sa vie », sans expliquer de
Tourvel, Valmont laisse éclater sa colère. Il exprime son désir de vengeance : quoi il retourne. Le vocabulaire religieux envahit son discours. Aussi Mme de
« Quel plaisir j’aurai à me venger ! je la retrouverai, cette femme perfide ; je repren- Rosemonde croit-elle à un projet de conversion de son neveu. Valmont peut être
drai mon empire sur elle. […] Je la verrai encore à mes genoux, tremblante et ici comparé à Tartuffe, faux dévot qui dissimule son hypocrisie derrière ses dis-
baignée de pleurs, me criant merci de sa trompeuse voix ; et moi, je serai sans cours religieux, ou à Dom Juan, libertin qui feint la conversion au cinquième
pitié » (p. 282). L’affection qu’il avait pour la Présidente se transforme en une acte de la comédie de Molière.
haine féroce : « Il n’est plus pour moi de bonheur, de repos, que par la possession
de cette femme que je hais avec une égale fureur. Je ne supporterai mon sort que
du moment où je disposerai du sien » (p. 283).
Ses propos sont particulièrement cruels, car il espère lui faire souffrir tous
Vers l’oral du Bac p. 352-354
les tourments qu’il endure, et bien plus encore. Il multiplie les hyperboles à ce Analyse de la lettre 102 de la Présidente de Tourvel
sujet : « Alors, tranquille et satisfait, je la verrai, à son tour, livrée aux orages que à Mme de Rosemonde, lignes 1-53, pages 288-289
j’éprouve en ce moment ; j’en exciterai mille autres encore. L’espoir et la crainte, la
méfiance et la sécurité, tous les maux inventés par la haine, tous les biens accor- ☛ Analyser l’aveu amoureux de la Présidente de Tourvel
dés par l’amour, je veux qu’ils remplissent son cœur, qu’ils s’y succèdent à ma
volonté » (p. 283). Analyse du texte
Les ordres que le Vicomte donne à Azolan mettent en évidence son désir de I. Une confession à Mme de Rosemonde
retrouver un pouvoir sur sa victime : dans la lettre 101, il demande à son domes-
a. La Présidente de Tourvel sollicite la bienveillance de Mme de Rosemonde.
tique de le renseigner sur absolument tout ce que fait Mme de Tourvel. Pour cela,
Expliquez comment elle anticipe sa surprise ou ses reproches : étudiez les
il est prêt à employer tous les moyens : il demande à Azolan de renouer avec Julie,
louanges qu’elle lui adresse, les apostrophes et les impératifs du début et de
la femme de chambre, pour surveiller au plus près la Présidente, de lier une amitié
la fin de l’extrait. Tout le début de la lettre de Mme de Tourvel anticipe les réac-
avec la personne qui s’occupe de son courrier, et éventuellement d’entrer au ser-
tions de Mme de Rosemonde. À trois reprises, la Présidente prévoit la surprise de
vice de Mme de Tourvel. Valmont assure qu’il soutiendra Azolan financièrement et
son amie à la suite de son départ précipité : « vous serez bien étonnée », « cette
moralement dans toutes ses entreprises.
démarche va vous paraître bien extraordinaire », « votre surprise va redoubler ».
Enfin, la lettre 115 achève de dévoiler les plus sombres penchants du Vicomte : ce
Elle anticipe également ses reproches, aux lignes 4 à 7, en employant le futur et
dernier se vante d’avoir mis Cécile enceinte, et se réjouit que le futur descendant
l’adverbe modalisateur « peut-être » : ils concerneraient son manque de respect
de Gercourt soit un Valmont.
et de considération. En imaginant toutes les réactions de Mme de Rosemonde,
8 Valmont élabore une ultime ruse, sa conversion, pour renouer avec Mme de Tourvel lui montre à quel point elle se soucie de son jugement. Elle noue
la Présidente de Tourvel. Dans les lettres 119 à 124, identifiez tous les indices ensuite un lien affectif très fort avec sa vieille amie. Les apostrophes en témoi-
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qui peuvent laisser penser qu’il se tourne vers Dieu pour se repentir. À l’aide gnent : on passe de « Madame » au début de la lettre à « Ô vous que je choisis pour
d’un moteur de recherche, dites en quoi Valmont peut ici ressembler à deux ma mère » dans le sixième paragraphe, puis à « Ô mon amie » et « ma respectable
personnages de Molière, Tartuffe et Dom Juan. Dans la lettre 119, Mme de amie » dans le dernier. La Présidente fait l’éloge de Mme de Rosemonde, en la qua-
Rosemonde informe Mme de Tourvel que Valmont s’isole et assiste régulière- lifiant de « douce et prudente », d’« indulgente », en se plaçant sous la protection
ment à la messe. Le Vicomte écrit au Père Anselme, le confesseur de Mme de de sa « vertu », et en la nommant son « Ange tutélaire ». Surtout, Mme de Tourvel
Tourvel (lettre 120). Il lui fait part de son repentir, et lui demande de le guider demande à sa vieille amie de la considérer comme sa fille, au moyen de quatre

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 3

impératifs : « Regardez-moi comme votre enfant. Ayez pour moi les bontés mater- Pourtant, la Présidente ne craint pas pour sa vie mais pour le salut de son âme.
nelles » au début de la lettre (p. 288), et « aimez-moi comme votre fille, adoptez- C’est l’idée qu’elle développe dans les lignes 44 à 51. Mme de Tourvel explique ici
moi pour telle » à la fin (p. 290). La Présidente de Tourvel encadre donc le contenu que si seule sa vie était en jeu dans sa liaison avec Valmont, elle courrait le risque
de sa lettre par une captatio benevolentiae et implore la compréhension et la pro- et la sacrifierait sans hésiter. La suite de son raisonnement n’est que sous-enten-
tection de sa vieille amie. due : une telle liaison met son âme en danger, car elle est adultère. C’est ce qui la
b. La Présidente formule son aveu avec difficulté. Prouvez-le en étudiant les pousse à s’éloigner de Valmont, par respect pour sa foi et ses principes religieux.
propos qui permettent de le retarder, les expressions qui soulignent la difficulté
à exprimer ses sentiments, l’emploi intransitif du verbe « aimer », et sa façon de
II. Les tourments de l’amour
désigner Valmont. Le second paragraphe de la lettre permet à Mme de Tourvel a. La Présidente de Tourvel a pris une cruelle résolution : celle de fuir l’homme
de retarder son aveu en regrettant sa tranquillité perdue et en se lamentant sur qu’elle aime. Montrez sa détermination en commentant l’emploi du futur dans
son état. Elle n’entame sa confession que dans le troisième paragraphe, après des les trois derniers paragraphes, ainsi que l’expression du devoir et de la nécessité.
points de suspension lourds de sous-entendus (« ce fatal voyage m’a perdue… »). La détermination de la Présidente à fuir Valmont se lit dans l’emploi récurrent
La question qui ouvre ce troisième paragraphe (« Que vous dirai-je enfin ? ») sou- du futur, qui présente son éloignement comme certain : « je le supporterai », « j’en
ligne la difficulté de la Présidente à avouer sa faute. Elle ne prononce d’ailleurs pas aurai le courage », « votre vertu remplacera la mienne », « j’y honorerai encore
une seule fois le nom de Valmont : elle n’emploie que le pronom de la troisième l’Ange tutélaire qui me sauvera de la honte ». Il y a dans cet emploi du futur une
personne « il », dont le référent reste implicite : « il va douter encore », « il croira », démarche d’auto-conviction. Pour la Présidente, s’éloigner de Valmont représente
« que ne lui est-il aussi facile de lire dans mon cœur », « je vais le fuir et l’affliger »… à la fois un devoir, vis-à-vis de son époux, et une nécessité, pour s’écarter du
Lorsqu’elle avoue son amour pour Valmont, c’est grâce à un emploi intransitif du péché. Les expressions suivantes en témoignent : « il faut le refuser », « je ne dois
verbe « aimer » : « j’aime, oui, j’aime éperdument ». Dénué de complément, le verbe pas permettre qu’il vienne », « il me prouve la nécessité de m’y soumettre », « il
est en emploi absolu, ce qui met en valeur l’intensité du sentiment. vaut mieux mourir que de vivre coupable ». Alors qu’elle rêve de vivre à ses côtés,
Mme de Tourvel choisit de rompre tout contact avec Valmont, ce que souligne l’op-
c. Mme de Tourvel avoue sa faiblesse avec honte. Expliquez comment elle
position (presque un double chiasme) entre les pronoms « je » et « il » dans le qua-
confesse ce manquement à ses principes moraux et religieux : commentez le
trième paragraphe : « tandis qu’il se croira encore près de moi, je serai déjà loin de
lexique du combat, les négations et les hyperboles. L’amour coupable de Mme de
lui dans des lieux où il n’est jamais venu, où je ne dois pas permettre qu’il vienne ».
Tourvel pour Valmont l’entraîne dans un combat avec elle-même, ce que souligne
le lexique, avec des verbes comme « sauver », « combattre », « résister », « fuir », b. La Présidente exprime avec lyrisme son amour pour Valmont. Prouvez-le
« défendre ». Elle souligne cependant sa défaite par des négations, qu’elles soient en vous appuyant sur le lexique des sentiments, les hyperboles, les questions
restrictives (« je n’ai sauvé que ma sagesse »), complètes (« je n’en avais plus pour rhétoriques, la musicalité des propos. Montrez que la jeune femme idéalise le
résister »), ou réalisées par la présence de l’adverbe privatif « sans » (« sans puis- Vicomte en lui prêtant des intentions qui ne sont pas les siennes. Le lyrisme
sance et sans force », « sans pouvoir le fuir »). parcourt toute la lettre de la Présidente. La première personne du singulier
Le lexique souligne sa faute : elle se déclare « coupable », considère sa conduite est omniprésente. La jeune femme avoue ses sentiments en répétant le verbe
comme une « faiblesse », ses désirs comme des « vœux criminels », et cherche à « aimer » (« j’aime, oui, j’aime éperdument ! ») et en employant le verbe « chérir »
échapper à la « honte ». Des hyperboles expriment le désespoir de la Présidente : (« comment ne le chérirais-je pas ? »), et parle de son « cœur » à deux reprises
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alors qu’elle n’a encore commis aucune infidélité véritable, elle déclare : « la vertu (l. 23, 32), siège de ses sentiments. Aux lignes 37 à 39, elle évoque le bonheur des
s’est évanouie », et considère le malheur comme sa seule perspective, puisqu’elle moments passés en sa compagnie, avec les termes « enivrée », « plaisir », « dou-
se dit « condamnée à faire éternellement » le malheur de Valmont comme le sien. ceur », « bonheur ». Elle multiplie les apostrophes, les interjections (« Ah ! », « Hé
L’expression hyperbolique de son désespoir va jusqu’à présenter sa vie dans bien ! »), les phrases interrogatives et exclamatives. Le ton du texte est emporté :
le malheur comme une véritable mort : « vivre ainsi, n’est-ce pas mourir mille les nombreuses virgules rendent le rythme des phrases saccadé et soulignent
fois ? » La présence de l’adjectif numéral « mille » accentue encore l’exagération. le trouble de la Présidente. Elle affectionne les groupes binaires qui donnent

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 3

une certaine musicalité à son propos, et se construisent sur des répétitions ou Question 2. Quels sont selon vous les sentiments de Valmont envers Mme de
des parallélismes : « ce mot que j’écris pour la première fois, ce mot si souvent Tourvel ? Ne recherche-t-il que le plaisir de la conquête, ou peut-on dire qu’il est
demandé sans être obtenu », « le fuir et l’affliger », « sans puissance et sans amoureux ? Justifiez votre point de vue en faisant référence à des passages pré-
force », « il a vu ma peine, et il a eu pitié de moi »… Aveuglée par son amour, la cis du roman. La réponse à cette question dépendra de la sensibilité du candidat,
Présidente prête à Valmont des intentions qui ne sont pas les siennes : la « géné- étant donné que le roman reste ambigu sur ce point. On attendra que le candidat
rosité » et la « pitié ». Elle croit qu’il l’a épargnée par bonté d’âme, alors qu’il l’a propose une argumentation solide pour justifier son point de vue, en s’appuyant
fait en partie par calcul. sur une analyse des propos du Vicomte ou de ses réactions dans des épisodes
c. Mme de Tourvel exprime également sa douleur. Commentez la dimension particuliers qui le confrontent à la Présidente.
pathétique de cette lettre : étudiez le champ lexical de la souffrance, les excla- Question 3. Observez les affiches des adaptations cinématographiques du
mations et interjections. Relevez les oppositions qui traduisent le déchirement roman, reproduites au verso de la couverture. Analysez comment elles mettent
entre sa résolution et son amour. Le registre lyrique devient pathétique lorsque en valeur les deux libertins, et comment elles suggèrent leur pouvoir de mani-
la Présidente exprime sa souffrance. Le champ lexical de la douleur parcourt tout pulation. L’affiche du film de Roger Vadim met en évidence le pouvoir de mani-
le texte (« je suis bien malheureuse », « je souffre », « il a vu ma peine », « son mal- pulation des libertins en plaçant leurs visages au centre de l’image, et en faisant
heur et le mien »). Le malheur semble être le destin de la Présidente, qui se pré- partir de ces visages trois dessins qui représentent trois situations de séduction
sente presque comme une héroïne tragique avec les expressions « fatal voyage », ou de manipulation : la Marquise de Merteuil parlant à Cécile en haut à gauche, et
« fatal effet d’une présomptueuse confiance », et l’idée d’une condamnation à un Valmont séduisant la Présidente en bas à gauche et au milieu à droite.
« sort » funeste. Les exclamations, les interrogations et les interjections (« Ah ! », L’affiche du film de Stephen Frears insiste sur la position dominante de la
« Mais quoi ! ») se multiplient dans l’avant-dernier paragraphe pour souligner la Marquise, placée tout en haut de l’image, dominant à la fois Valmont et Mme de
peine de la jeune femme. Des oppositions traduisent le déchirement entre sa Tourvel. La Présidente au regard inquiet, placée en bas de l’image et se proté-
résolution et son amour, exprimées par des connecteurs logiques comme « pour- geant derrière un éventail, est présentée comme la victime : victime immédiate de
tant » (l. 20, 51), « tandis que » (l. 26) ou « cependant » (l. 52). On assiste même Valmont, qui est placé derrière elle et qu’elle semble redouter, et victime indirecte
à une étonnante inversion des rôles, où Valmont est la victime, et la Présidente de la Marquise, qui domine le trio de personnages. Les regards du Vicomte et de
le bourreau, comme le soulignent les expressions « le fuir et l’affliger », « faire la Marquise sont similaires : profonds, pénétrants, ils révèlent la méchanceté des
éternellement son malheur », « mettre mes soins à causer sa peine ». En le pla- personnages.
çant ainsi en position ­d’objet, la Présidente suggère que le Vicomte subit ses
persécutions !

Les trois questions de l’examinateur


Question 1. Mme de Rosemonde répond à la Présidente mais se garde d’interve-
nir dans son intrigue avec Valmont. Quel est le rôle de ses lettres ? Que repré-
sente ce personnage dans le roman ? Les lettres de Mme de Rosemonde n’ont pas
une fonction narrative : elles ne font pas progresser l’intrigue du roman. Elles per-
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mettent d’approfondir la psychologie des personnages, d’une part en donnant à


Mme de Tourvel une occasion d’exprimer sa passion, et d’autre part en proposant
une réflexion sur l’amour et sur la nature humaine. Ce personnage représente une
forme de sagesse : Mme de Rosemonde connaît la force destructrice des passions,
elle comprend le cœur des hommes aussi bien que celui des femmes, et dans la
majeure partie du roman, pardonne à tous leurs faiblesses.

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 4

3 Les libertins aboutissent à une rupture fatale et définitive. Commentez

Arrêt sur lecture 4 p. 469-473


la forme que prend cette rupture dans la lettre 153, et expliquez comment
Valmont parvient à remporter une nouvelle victoire sur la Marquise. Le ton
monte entre la Marquise et le Vicomte dans les lettres 151, 152, et 153 : Valmont
exige le sacrifice de Danceny ; Mme de Merteuil le diffère ; le Vicomte la menace,
lui disant que tout obstacle à sa demande sera interprété comme une déclara-
Pour comprendre l’essentiel p. 469-470 tion de guerre, et la Marquise répond par ces quelques mots écrits au bas de sa
lettre : « Hé bien ! la guerre » (p. 428). Cette rupture, par sa brièveté, contraste
La guerre des libertins
terriblement avec tout le reste de la correspondance entre les deux person-
1 La quatrième partie commence par le triomphe de Valmont sur la Présidente nages. C’est le seul message du roman à n’être pas même formé d’une phrase
de Tourvel. Montrez qu’il savoure le plaisir de sa victoire. Relisez la fin de la verbale complète.
lettre 125 et expliquez quels nouveaux triomphes espère Valmont. La lettre 125 On a pu voir précédemment que les libertins affectionnaient la métaphore de la
est particulièrement longue. Le Vicomte commence par se réjouir de sa victoire, guerre pour évoquer leurs conquêtes amoureuses. Ici, on glisse du sens figuré au
en comparant Mme de Tourvel à ses précédentes conquêtes, puis il fait un récit sens propre : il s’agit d’un véritable conflit, qui mènera les deux personnages à leur
détaillé de l’événement. Le champ lexical du combat parcourt tout le texte : dès perte. Immédiatement après cette déclaration de guerre, Valmont remporte une
la première phrase, il présente la Présidente comme « vaincue », puis parle de victoire sur la Marquise en rappelant à Danceny son amour pour Cécile (lettres 155
« capitulation », de « campagne pénible », de « savantes manœuvres ». Le lit où à 158). Le chevalier délaisse donc Mme de Merteuil. Valmont sait à quel point cette
la Présidente s’est offerte à lui devient le « champ de [s]a victoire ». Valmont va dernière ne supporte pas qu’on lui préfère une autre femme : il blesse son orgueil
même jusqu’à se comparer à Turenne, à Frédéric II et à Annibal, trois célèbres une nouvelle fois.
conquérants, et file la métaphore guerrière sur un paragraphe entier. À la fin de
sa lettre, Valmont rappelle à la Marquise qu’elle lui doit une récompense, et espère Des fins tragiques
qu’elle lui sacrifiera Belleroche et Danceny.
4 Les victimes des libertins connaissent des fins tragiques. Montrez qu’elles
2 Mme de Merteuil est offensée par la victoire du Vicomte. Prouvez qu’elle par- partagent un même destin : la honte, le remords et la mort (mort réelle ou mort
vient à retourner la situation et à triompher de lui. Dites en quoi la lettre 145 crée symbolique au monde). Après la terrible rupture avec Valmont, Mme de Tourvel
la surprise et révèle toute la cruauté de la Marquise. La Marquise de Merteuil est se réfugie au couvent, où sa santé physique et morale se dégrade (lettre 147).
offensée par l’attitude de Valmont. Orgueilleuse, elle ne supporte pas d’être relé- Rongée par le remords et la honte, la Présidente sombre dans la folie, comme
guée à la seconde place, après la Présidente (voire à la troisième, après Cécile). on peut le voir dans la lettre 161 : elle s’adresse à des interlocuteurs multiples et
Elle parvient donc à retourner la situation en piquant la fierté du Vicomte. Dans difficilement identifiables, et voit en Valmont tantôt le visage de l’amour, tantôt
la lettre 134, elle l’accuse d’être amoureux de Mme de Tourvel. Valmont, qui consi- celui du démon. Cette lettre est particulièrement pathétique : la souffrance de la
dère l’amour comme une faiblesse, s’en défend dans la lettre 138. La Marquise Présidente prend la forme d’un délire hallucinatoire dans lequel elle se sent per-
poursuit ses provocations : le comparant à « un homme de [s]a connaissance » qui sécutée. Dans la lettre 165, Mme de Volanges raconte comment la Présidente suc-
ne parvenait pas à se débarrasser d’une liaison embarrassante, elle raconte une combe à sa tristesse, tuée par l’annonce de la mort du Vicomte.
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anecdote qui lui permet de souffler au Vicomte une lettre de rupture particulière- Cécile Volanges, ayant découvert toutes les trahisons de la Marquise de Merteuil,
ment cynique (lettre 141). Ce dernier tombe dans le piège, et envoie cette lettre, rejoint elle aussi le couvent pour se faire religieuse, et s’éloigner définitivement du
recopiée mot pour mot, à la Présidente, pour mettre un terme à leur relation. La monde (lettre 170) : elle sait qu’elle n’est plus digne d’épouser qui que ce soit, et
lettre 145 crée la surprise : loin de féliciter le Vicomte de cette rupture, la Marquise que son honneur est définitivement entaché.
se moque de sa naïveté, et lui explique comment elle est parvenue à le manipuler Enfin, Danceny regagne son ordre à Malte, où il compte embrasser des vœux qui le
pour qu’il lui sacrifie une femme qu’il aimait véritablement. sépareront du monde (lettre 174).

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 4

Ainsi, les trois victimes des libertins fuient la société pour dissimuler leur honte, séduire un cœur encore honnête et simple se rend par là même le premier fauteur
et se rejoignent dans un même destin, la mort, qu’elle soit réelle pour Mme de de sa corruption, et doit être à jamais comptable des excès et des égarements
Tourvel, ou que ce soit une mort symbolique au monde pour Danceny et Cécile, qui la suivent » (p. 459). Quant à Mme de Volanges, après avoir raconté l’humi-
qui se tournent vers Dieu et se mettent en retrait de la société. liation publique de Mme de Merteuil, elle ajoute : « Je vois bien dans tout cela les
méchants punis ; mais je n’y trouve nulle consolation pour leurs malheureuses vic-
5 La fin de Valmont ne manque pas d’héroïsme. Montrez qu’il meurt avec hon-
times » (p. 464). Les deux femmes s’accordent donc pour condamner sans appel
neur et rachète ses crimes par un geste qui permet de les réparer. Valmont meurt
le Vicomte et la Marquise, et les rendre responsables de tous les malheurs qui ont
héroïquement, tué en duel par Danceny. Sa mort est racontée par M. Bertrand
accompagné leurs odieuses machinations.
dans la lettre 163, qui le qualifie de « véritablement grand », car il témoigne du
respect pour son meurtrier. Les larmes de Danceny laissent imaginer qu’il par- 8 Le monde est un théâtre où chacun joue un rôle. Montrez que le romancier
donne ses crimes au libertin. Valmont rachète ses fautes en confiant à Danceny dénonce cette comédie des apparences en faisant tomber tous les masques à la
toute sa correspondance, qui lève le voile sur les machinations de la Marquise. fin du roman : appuyez-vous sur les lettres 168 à 175 ; analysez la fonction de la
Ses victimes pourront ainsi être disculpées (notamment Prévan, emprisonné à diffusion des lettres. Tous les masques tombent à la fin du roman. Il n’est pas ano-
tort), ou leurs fautes pardonnées. Mais surtout, la diffusion des lettres empêchera din que la Marquise soit publiquement déchue à la Comédie : le romancier souligne
Mme de Merteuil de nuire à son entourage, en faisant la lumière sur sa véritable ainsi que le monde est un théâtre où les hommes et les femmes jouent constam-
personnalité. ment un rôle. La révélation de la correspondance des libertins permet de dévoi-
6 La fin de la Marquise est plus cruelle. Expliquez comment elle perd tout ler la vérité dissimulée sous les apparences. Ainsi, la question de la diffusion des
et prouvez qu’elle subit une triple déchéance, morale, physique et sociale. La lettres prend une importance particulière à la fin du roman. Elle est évoquée dans
Marquise perd tout à la fin du roman : sa réputation, après la diffusion de cer- les lettres 163, 165, 168 et 169. Valmont remet ses lettres à Danceny, qui en fait
taines lettres (lettre 173), sa beauté, puisqu’elle est défigurée par la petite vérole connaître deux et donne le reste à Mme de Rosemonde. Les deux lettres dévoilées
(lettre 175), et sa richesse, puisqu’elle perd son procès et que, poursuivie par des au public sont vraisemblablement la lettre 81 et la lettre 85 : la première révèle la
créanciers, elle est contrainte de fuir en Hollande. Sa déchéance est donc à la fois véritable personnalité de Mme de Merteuil, et la seconde disculpe Prévan. Avant
physique, morale et sociale : la société mondaine, informée de ses crimes, marque de mourir, Mme de Tourvel charge Mme de Volanges de remettre également ses
son indignation en rejetant et en huant Mme de Merteuil à la comédie (lettre 173) ; lettres à Mme de Rosemonde. Ainsi, c’est au même personnage que revient toute
la Marquise se trouve publiquement humiliée. la correspondance qui constitue le roman. La vieille femme choisit de ne pas la
diffuser, pour passer sous silence l’horreur des événements dont elle est témoin.
Une réflexion sur la nature humaine
9 Les derniers mots du roman reviennent à Mme de Volanges. Résumez la
7 Les lettres de personnages secondaires, comme Mme de Rosemonde ou réflexion qu’elle livre sur la nature humaine, et prouvez qu’elle donne une vision
Mme de Volanges, se multiplient à la fin du roman. Expliquez ce choix d’un de l’homme particulièrement pessimiste. Mme de Volanges rappelle le danger
point de vue narratif, et montrez que ces personnages sont à la fois specta- des liaisons à la fin de la dernière lettre du roman, et laisse entendre que les
teurs et juges, incarnant une forme de sagesse. La multiplication des lettres de femmes sont trop souvent sans défense face à la séduction. Les conséquences
Mme de Rosemonde et de Mme de Volanges à la fin du roman s’explique d’une peuvent en être funestes. Les derniers mots du roman donnent une vision de
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

part d’un point de vue narratif, puisqu’elle permet de raconter la fin de tous les l’homme particulièrement pessimiste : « j’éprouve en ce moment que notre raison,
personnages (y compris de ceux qui ont choisi le silence, ou y ont été réduits par la déjà si insuffisante pour prévenir nos malheurs, l’est encore davantage pour nous
mort), et d’autre part d’un point de vue moral. En effet, ces deux femmes sont les en consoler » (p. 468). Malgré ses capacités de réflexion, l’homme ne parvient
spectatrices impuissantes des derniers événements de l’intrigue. Ayant toujours pas à éviter les fautes, ni à s’éloigner du crime, et il est condamné à en souffrir.
respecté les codes moraux, elles deviennent les juges des crimes des libertins. Mme de Volanges met ainsi en évidence la faiblesse des hommes, et le malheur de
Ainsi, dans la lettre 171, Mme de Rosemonde déclare : « celui qui le premier tente de la condition humaine.

34 35
Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 4

Vers l’oral du Bac p. 471-473 sur son amusement. On les trouve aux lignes 1-3, 13, 15-16, 20-21, 35-36, accom-
pagnées parfois d’interjections (« Quoi ! », « Ah ! »). Pour qualifier le sacrifice de
Analyse de la lettre 145 de la Marquise de Merteuil au Vicomte Valmont, Mme de Merteuil alterne entre l’éloge ironique et le blâme. Les termes
de Valmont, pages 408-410 « charmant », « bravement » et « finesse » sont évidemment ironiques, puisqu’ils
soulignent la crédulité de Valmont. Ils sont contredits par un lexique dépréciatif :
☛ Analyser le triomphe de la Marquise de Merteuil « vanité », « gaucherie », « démarche inconsidérée ». L’opposition entre l’éloge et
le blâme dans les propos de la Marquise se résume dans la phrase suivante : « C’est
Analyse du texte dommage qu’avec tant de talent pour les projets, vous en ayez si peu pour l’exé-
I. Une lettre de triomphe cynique et orgueilleuse cution […]. » Elle pousse le cynisme jusqu’à se placer dans une position généreuse
a. La Marquise dévoile avec jubilation sa vengeance au Vicomte : elle l’a habi- en évoquant toutes les « chicanes » qu’elle pourrait faire au Vicomte mais qu’elle a
lement manipulé pour qu’il rompe avec la Présidente. Analysez les procédés choisi de taire. Tout est donc fait pour humilier Valmont.
qui mettent en valeur cette révélation aux lignes 1-13. Relevez les expressions
qui soulignent le plaisir cruel de Mme de Merteuil à nuire à Valmont comme II. L’affirmation d’une maîtrise totale
à Gercourt. Alors que le Vicomte savourait sa victoire sur la Présidente dans a. La Marquise semble lire sans difficulté dans les pensées et dans le cœur du
la lettre 125, et se félicitait de l’avoir sacrifiée à la lettre 142, Mme de Merteuil Vicomte. Montrez sa lucidité en identifiant les passages où elle se livre à une
retourne la situation dans cette lettre en faisant de ce sacrifice son « triomphe », analyse psychologique de son alter ego, et ceux qui témoignent d’une connais-
et le plus savoureux de sa vie de libertine, ce qu’elle souligne par un comparatif de sance plus générale de la nature humaine. La Marquise fait preuve d’une grande
supériorité : « ce triomphe me flatte plus que tous ceux que j’ai pu obtenir jusqu’à lucidité vis-à-vis du Vicomte. D’une part, elle lui révèle ce qu’il n’osait s’avouer à lui-
présent ». Elle a complètement manipulé Valmont, et met en valeur sa révélation même : « vous aimiez beaucoup Mme de Tourvel, et même vous l’aimez encore ».
au moyen d’une succession de présentatifs (l. 7-8) qui, associés aux outils relatifs Elle met en évidence l’intensité du sentiment amoureux de Valmont au moyen
« que » et « qui », construisent des structures d’emphase qui mettent notamment d’une comparaison, « vous l’aimez comme un fou », et d’un superlatif, « ce que
en relief les pronoms personnels « elle » et « vous » : « c’est que ce n’est pas sur vous désirez le plus ». D’autre part, elle explique par quel sentiment elle a réussi
elle que j’ai remporté cet avantage ; c’est sur vous : voilà le plaisant et ce qui est à le manipuler : la « vanité ». L’amour est en effet pour le Vicomte une faiblesse
vraiment délicieux ». Elle poursuit sa révélation en s’expliquant dans le second dont il peut avoir « honte » en tant que libertin. Mme de Merteuil ajoute à cette
paragraphe de la lettre : elle triomphe car elle a poussé le Vicomte à lui sacrifier analyse psychologique de son ami une réflexion générale sur la nature humaine
une femme qu’il aimait. Le « oui » et la répétition du verbe « aimer », dérivé à l’im- qui ne manque pas de cynisme, lorsqu’elle s’exclame « Où nous conduit pourtant
parfait puis au présent, insistent sur cette idée. La Marquise énonce même une la vanité ! » et lorsqu’elle fait allusion à des propos du « Sage », qui ne renvoient en
hypothèse hyperbolique : « vous en auriez sacrifié mille, plutôt que de souffrir une réalité qu’à un poncif : « elle est l’ennemie du bonheur ». On est passé au présent
plaisanterie. » Elle a donc joué sur la fierté du Vicomte pour servir sa jalousie. Sa de vérité générale, et au pronom « nous », au lieu de « vous » : le propos s’applique
cruauté se révèle dans les expressions « le plaisant », « vraiment délicieux » (l. 8), donc à l’ensemble de l’humanité. Alors qu’elle se délecte de la faiblesse de son
« je m’amusais » (l. 11), qui mettent en évidence le plaisir qu’elle prend à persécuter ami, la libertine raisonne comme une moraliste !
Valmont, mais aussi Gercourt, puisqu’elle considère le projet de provoquer une b. Valmont apparaît comme un pantin manipulé par la Marquise de
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

nouvelle grossesse de Cécile comme une « idée […] assez plaisante » (l. 53-54). Merteuil. Relevez et analysez les passages qui soulignent l’emprise de la liber-
b. Le ton de la lettre est celui de la raillerie. Commentez les questions et les tine sur lui, et montrez en quoi l’avant-dernier paragraphe de la lettre est pro-
exclamations qui marquent l’amusement de la Marquise, les expressions qui vocateur. La Marquise affirme son pouvoir sur Valmont. D’une part, elle montre
dévalorisent le Vicomte. Relevez les termes ironiques qui se moquent de sa cré- à quel point elle l’a manipulé jusqu’à lui dicter sa conduite, notamment dans la
dulité et de son amour. La Marquise se moque du Vicomte. Elle multiplie les excla- subordonnée « tandis que je frappais celle-ci, ou plutôt que je dirigeais vos coups ».
mations et les interrogations qui, sous couvert de marquer la surprise, insistent La rectification (« ou plutôt ») permet de mettre en évidence le pouvoir de la

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Les Liaisons dangereuses Arrêt sur lecture 4

libertine sur son ami, qui apparaît comme un subordonné, un homme de main qui b. La Marquise exclut toute possibilité de réconciliation entre le Vicomte et la
exécute ses plans. C’est ce que suggérait, au début de la lettre, l’exclamation « et Présidente. Montrez-le en commentant l’emploi du conditionnel des lignes 23
vous avez surpassé mon attente ». La Marquise humilie le Vicomte en prouvant à 30, opposé aux lignes 35 à 39. Identifiez les termes qui annoncent la fin de
qu’elle est à l’origine des décisions qu’il a prises. D’autre part, Mme de Merteuil la Présidente. Dans les lignes 23 à 30, la Marquise dévoile les désirs secrets que
entend continuer à maîtriser Valmont. Feignant la générosité, elle accepte par dissimule le projet de réconciliation avec la Présidente : Valmont pourrait garder
avance ses tentatives de vengeance en déclarant : « je trouve bon que vous tentiez les deux femmes, l’amante qu’il aime véritablement, et l’amie libertine avec qui
tous les moyens : je vous y invite même », comme si le Vicomte avait besoin de il partage plaisir physique et complicité. Cependant, la Marquise repousse cette
sa permission. Elle fait de même en ce qui concerne Cécile et Gercourt : elle feint éventualité en employant le conditionnel, qui relègue cette solution au dilemme
d’accorder au Vicomte le « choix » entre deux possibilités (notons tout le mépris de Valmont dans le domaine de l’irréel. À ce conditionnel, elle oppose l’impéra-
contenu dans le verbe « laisser » dans l’expression « en vous laissant le choix ») : tif (« croyez-moi ») et le présent dans les lignes 37-39. Le présent de vérité géné-
rendre Cécile à Danceny ou provoquer une nouvelle grossesse. Cependant, elle rale et l’impersonnalité de la proposition (« quand une femme frappe… ») sont un
ne lui permet pas de prendre sa décision sans l’avoir préalablement consultée : leurre : la Marquise parle bien d’elle-même, et affirme sa certitude sur le caractère
« je vous demande pourtant de ne pas prendre de parti définitif, sans que nous en définitif de cette rupture et de sa vengeance. Ici encore, ses propos revêtent un
ayons causé ensemble ». Le ton de la phrase est péremptoire, et l’adverbe d’oppo- caractère prophétique : effectivement la blessure de Mme de Tourvel est « incu-
sition « pourtant », associé à la négation (« ne pas prendre parti sans que ») laisse rable », puisqu’elle mourra au couvent, terrassée par le remords, la honte et le
en vérité bien peu de liberté à Valmont. chagrin. La Marquise a bien atteint directement le « cœur » de la Présidente.

III. Une lettre annonciatrice du dénouement Les trois questions de l’examinateur


a. La Marquise sait que sa lettre est une déclaration de guerre. Repérez les pas- Question 1. Dans quelle mesure peut-on dire que le dénouement de ce roman
sages qui annoncent et acceptent le conflit ouvert avec Valmont, et montrez que est tragique ? Ce dénouement est tragique car chaque personnage court à sa
Mme de Merteuil prédit sa propre fin. La lettre est si humiliante pour Valmont propre perte, et aucun n’échappe au châtiment que mérite sa faute. Danceny et
qu’elle constitue une véritable déclaration de guerre, et derrière sa fausse bien- Cécile, qui ont défié les lois sociales et religieuses, sont déshonorés et contraints
veillance, la Marquise le sait bien. Elle annonce le conflit ouvert avec Valmont. de s’éloigner du monde. Mme de Tourvel, qui s’est laissé entraîner dans une pas-
Elle en imagine les conséquences aux lignes 17-18 : « dussiez-vous, à mon tour, me sion coupable, meurt d’amour. Enfin, les deux libertins succombent à leur orgueil,
réduire au désespoir et au Couvent ». Le subjonctif évoque ici une éventualité et utilisent leur terrible intelligence pour se détruire mutuellement.
concédée. Par deux fois, elle accepte ce conflit à venir : « j’en cours les risques », Question 2. Selon vous, qui est le personnage principal des Liaisons dange-
« je consens à en porter la faute » (notons qu’elle est alors passée au présent). reuses ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur des éléments précis de
Elle va jusqu’à provoquer le Vicomte en l’« invit[ant] » à employer tous les moyens l’intrigue. Cette réponse dépend de la sensibilité du candidat. On attendra qu’elle
propices à sa vengeance, mais elle le dénigre immédiatement en annonçant son soit argumentée et illustrée de nombreuses références à l’ensemble du roman.
échec, au moyen d’une subordonnée hypothétique, « si vous parvenez à en avoir ». Question 3. Laclos a été inspiré par de nombreux auteurs, et son roman a lui-
Cette lettre est bien évidemment un défi que la libertine lance à son alter ego. Cet même inspiré bien des artistes. Quelles influences à la source du roman, et
excès de confiance sera fatal à la Marquise. Véritable héroïne tragique, elle fait
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

quelles réécritures ou adaptations ultérieures connaissez-vous ? On trouvera


preuve d’hybris : son orgueil la mènera à sa perte. Elle frôle la prophétie lorsqu’elle des éléments de réponse à cette question à la fin de l’ouvrage, dans les fiches 5,
imagine être « réduite au désespoir et au Couvent ». En effet, le Vicomte sera res- 7 et 8 (p. 483-490).
ponsable de sa chute : en confiant ses lettres à Danceny, il permettra qu’elle soit
démasquée et déshonorée. Certes, la Marquise ne finira pas ses jours au couvent,
mais elle sera contrainte de fuir la société mondaine parisienne, ce qui revient à
peu près au même.

38 39
Les Liaisons dangereuses Groupements de textes

de s’affranchir de la domination masculine. Le texte d’Olympe de Gouges est par-

Groupements de textes p. 495-513


ticulièrement revendicatif, puisqu’il appelle les femmes au soulèvement : l’écrivain
entend poursuivre la révolution et la quête d’égalité jusque dans la condition
féminine ; alors que se présente le besoin d’une éducation nationale, elle montre
que celle-ci ne doit pas être réservée aux hommes. Le groupement se clôt sur
une note optimiste puisque Simone de Beauvoir, au milieu du xxe siècle, constate
■ La guerre des sexes un début de changement dans la société. Elle attire cependant l’attention du lec-
1. Comment ces différents textes présentent-ils les relations entre les hommes teur sur le fait que l’instruction a jusqu’ici entretenu l’inégalité entre hommes et
et les femmes ? Ces différents textes soulignent l’inégalité qui existe entre les femmes en glorifiant l’histoire des hommes. Elle invite donc implicitement le lec-
hommes et les femmes. teur à réfléchir sur la nécessité de réformer l’apprentissage de l’histoire afin de
Cette inégalité est d’abord naturelle, comme l’explique la maréchale dans le texte corriger cette injustice.
de Voltaire, puisque les femmes donnent naissance aux enfants, ce qui, selon 2. La réalisation de ces exposés pourra ensuite donner lieu à un travail
Armande dans le texte de Molière, les enfonce dans la matière. Cette différence comparatif qui mettra en perspective d’une part, d’un point de vue historique
naturelle entre hommes et femmes s’accompagne d’une inégalité de statut. Dans et géographique, l’évolution de la condition féminine à travers les époques et
le ménage, c’est l’homme qui dirige. Balzac compare la vie en couple à son époque les cultures, et d’autre part, d’un point de vue artistique, les différentes formes
à un système politique : à l’origine, c’est une autocratie, où le pouvoir revient entiè- d’expression de ses grandes problématiques. On pourra également proposer aux
rement à l’époux. Et si celui-ci propose d’en changer, de passer à un « système élèves volontaires de réaliser leur propre création artistique sur ce thème (texte,
constitutionnel », et de laisser à l’épouse le droit de participer à la direction du peinture, dessin, bande-dessinée, film, chorégraphie, musique…), ou sur la condi-
ménage, c’est dans le but secret de prouver qu’elle en est incapable. Un siècle tion humaine en général.
plus tard, Simone de Beauvoir constate toujours une grande inégalité dans le sta-
tut social des hommes et des femmes : les meilleurs postes, les meilleurs salaires, ■ Portraits de libertins
les fonctions de dirigeant sont toujours réservés aux hommes. Voltaire et Simone 1. Quelles sont les caractéristiques des libertins d’après ces textes ? Ces diffé-
de Beauvoir mettent en évidence le fait que la religion justifie et perpétue cette rents portraits nous livrent les principales caractéristiques des libertins.
inégalité. Tout d’abord, ce sont des séducteurs, qui charment les femmes en société. Dans le
Ainsi, entre hommes et femmes s’instaure un rapport de force. Les femmes des texte de Richardson, Miss Howe évoque la « fort belle main » de Lovelace, sa fierté,
différents textes, qu’elles soient auteurs ou personnages, s’insurgent contre et sa capacité à s’attirer les éloges de son entourage. Versac est présenté par
l’« esclavage » qui soumet la femme au pouvoir de l’homme. Louise Labé rappelle M. de Meilcour, narrateur du roman de Crébillon fils, comme un homme élégant,
que de « dures lois » ont empêché les femmes de s’instruire. Armande, le person- séduisant, « adoré de toutes les femmes », et dont l’« heureuse impertinence »
nage de Molière, voit le mariage comme une soumission, où la femme est « aux charme toutes les compagnies. Ce personnage se caractérise également par sa
lois d’un homme en esclave asservie ». Dans le texte de Voltaire, la maréchale noblesse. Enfin, le Duc de ***, dans le roman de Dorat, avoue séduire complète-
précise que la nature n’a pas conçu l’union entre hommes et femmes comme un ment et rapidement les femmes afin d’en être « vite débarrassé ».
« esclavage », et s’oppose ainsi à la vision du mariage de saint Paul. Olympe de Habiles séducteurs, les libertins du groupement de textes recherchent les plaisirs
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

Gouges méprise les « vaines prétentions de supériorité » des hommes. du corps. Il s’agit tout d’abord du plaisir sexuel : Miss Howe évoque les « histoires
Dans ces différents textes, certaines femmes appellent donc à la prise de folâtres » de Lovelace, qu’elle définit comme un « homme de plaisir » ; Casanova
conscience et à la lutte pour l’égalité. Le combat contre l’injustice passe par l’édu- évoque ses « folies de jeunesse » et avoue aimer l’odeur des femmes qu’il a
cation : c’est ce que souligne Louise Labé, qui invite les femmes de son temps à séduites ; Mme de Saint-Ange est beaucoup plus explicite puisqu’elle se réjouit de
se cultiver pour égaler et dépasser les hommes « en science et en vertu », mais goûter les « voluptés criminelles » que lui procureront l’éducation sexuelle de la
aussi Armande et Olympe de Gouges qui voient dans la « philosophie » le moyen jeune fille qu’on lui confie pour deux jours. Pour Casanova, « cultiver le plaisir des

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Les Liaisons dangereuses Vers l’écrit du Bac

sens » est une façon de vivre, et il ne le recherche pas seulement dans les relations
charnelles, mais aussi dans la bonne chère : il évoque ainsi différents plats au goût
prononcé qu’il apprécie tout particulièrement. Vers l’écrit du Bac p. 514-522
Les libertins du groupement sont tous des gens d’esprit. Miss Howe s’étonne
que Lovelace passe beaucoup de temps à écrire : cette activité met en évidence
ses qualités de réflexion, et Lovelace n’hésite pas à se comparer à Jules César
à ce sujet. Les qualités d’écriture se retrouvent chez Casanova, un libertin qui a Sujet Génies du mal
réellement existé et a rédigé ses mémoires, mais aussi dans le personnage fictif
du Duc de ***, dont on peut apprécier la finesse de style dans l’extrait du roman ☛ Le personnage de roman, du xviie siècle à nos jours
épistolaire de Dorat. Enfin, pour Mme de Saint-Ange, le libertinage comporte deux
facettes : d’une part, la pratique, et d’autre part, la théorie, qui repose sur une véri- ■ Questions sur le corpus
table « philosophie ».
1. Quelles caractéristiques physiques et morales rendent les personnages de
Enfin, tous les libertins sont d’habiles manipulateurs. Casanova confesse avoir
ces documents (textes et annexe) à la fois repoussants et fascinants ? Mme de
trompé des hommes par nécessité, et des femmes par amour. Versac lui aussi
Merteuil, Milady, Barkilphedro et O’Brien sont quatre personnages foncièrement
« tromp[e] et déchir[e] » ses victimes, et parvient toujours à tourner les choses
méchants qui suscitent à la fois la répulsion et la fascination chez le lecteur.
« à son avantage ». La lettre extraite du roman de Dorat présente les plans dia-
Les personnages du corpus sont tout d’abord repoussants car ils sont animés
boliques du Duc de *** : blessé dans sa fierté par Mme de Syrcé qui l’a repoussé,
de sentiments mauvais : la vengeance pour la Marquise de Merteuil (texte A), la
il utilise le Comte de Mirbelle pour servir sa vengeance. Ce dernier séduira la
haine pour Barkilphedro et pour Milady (le mot revient bon nombre de fois dans
jeune femme et la poussera à renoncer à ses principes. Enfin, Mme de Saint-Ange
le texte C, et Victor Hugo souligne qu’il s’agit d’une haine purement gratuite), et la
explique à son frère qu’elle cherche à pervertir une jeune fille, à la « dégrader », à
volonté de soumettre l’autre dans l’ensemble des textes. Cette domination passe
« culbuter dans elle tous les faux principes de morale dont on aurait pu l’étourdir »
par une violence morale ou physique exercée sur la victime, ce que souligne le
pour qu’elle devienne une vraie « débauchée ». Le libertinage de mœurs rejoint
lexique employé dans les textes d’Hugo et Orwell avec des verbes comme « l’hu-
donc ici le libertinage d’esprit, qui remet en question les dogmes religieux.
milier, l’amoindrir, la désoler », « la disséquer », « la déchiqueter » dans le texte C,
Certaines œuvres de ce groupement ont inspiré Laclos : on reconnaît par exemple
et « s’user, gémir, ramper, pleurer » dans le texte D. De plus, pour tous ces per-
beaucoup de traits de caractères de Valmont chez Lovelace et Versac. Le nom de
sonnages, nuire est un plaisir. Mme de Merteuil se prend à « rire » en lisant les
ce dernier est d’ailleurs assez proche de celui d’un des personnages libertins des
lettres de désespoir de ses deux amies, et se trouve charmée par la douleur de
Liaisons dangereuses, Vressac, le rival du Vicomte. L’entreprise de séduction par
Cécile, car elle voit dans ses larmes un « nouvel agrément ». Dans L’Homme qui
procuration imaginée par le Duc de *** dans le roman de Dorat peut également
rit, Hugo précise que Barkilphedro sent « avec joie » la « saveur de l’action mau-
faire penser aux projets de la Marquise concernant Cécile Volanges.
vaise », et le « rêve » d’une torture physique de Josiane le « charm[e] ». Dans le
2. Avant qu’ils effectuent ce travail, on rappellera aux élèves la méthode texte de George Orwell, O’Brien évoque sa capacité à soumettre les volontés avec
de l’analyse d’images. On pourra prolonger l’activité par une écriture d’inven- une « voix rêveuse » remplie d’« exaltation ». La cruauté est bien un délice pour
tion qui consistera à réaliser un portrait du libertin présenté. On proposera alors tous ces personnages, ce qui les rend particulièrement effrayants.
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

aux élèves de s’inspirer des modèles de portraits que propose le groupement de Mais les personnages du corpus sont aussi fascinants pour le lecteur. Les
textes. femmes (Milady, dans le texte d’Alexandre Dumas, et Mme de Merteuil, héroïne
du texte de Choderlos de Laclos et du film de Stephen Frears) se caractéri-
sent par leur beauté et leur pouvoir de séduction. L’annexe nous présente la
Marquise dans un moment de complicité avec Cécile Volanges, et l’image met
en valeur son élégance dans son maintien, sa parure et son attitude. De plus,

42 43
Les Liaisons dangereuses Vers l’écrit du Bac

tous les personnages du corpus fascinent par le pouvoir qu’ils ont sur les êtres. dans le dernier paragraphe : la torture morale que Barkilphedro compte infliger à
Mme de Merteuil maîtrise l’art de la manipulation, puisqu’elle trace le destin de sa victime s’apparente à une « vivisection ». Le lexique devient extrêmement vio-
Cécile, de sa mère et de Gercourt, et s’en réjouit dans des expressions hyper- lent : le narrateur du texte de Victor Hugo parle de « disséquer » la femme, de la
boliques, notamment quand elle évoque les « mille moyens » de faire ce qu’elle « déchiqueter » pendant qu’elle hurle. En lisant ces lignes, le lecteur est forcément
veut de Gercourt, ou qu’elle se déclare la « maîtresse de l’esprit » de la jeune fille. parcouru d’un frisson d’horreur, car à cette extrême violence est associée l’image
L’influence qu’elle exerce sur Cécile est visible dans la photo du film de Stephen de la médecine (avec les mots « convulsive », « table d’anatomie », « chirurgie »),
Frears : la jeune fille, penchée, les yeux clos, se confie à la Marquise, qui met un qui est tout à fait contraire à l’idée de torture. Il y a donc dans la démarche de
doigt sur sa bouche avec un sourire, comme si elle avait déjà deviné tous les Barkilphedro une grande cruauté, et en même temps un esprit scientifique et
sentiments de sa protégée. Milady, quant à elle, a confiance dans le « génie du méticuleux que cette métaphore met en évidence.
mal », et entend en faire preuve puisqu’elle passe de longs moments à réfléchir
au meilleur moyen de dominer Felton, sa victime, alors qu’il la retient prison- ■ Travaux d’écriture
nière. De son côté, Barkilphedro a choisi pour cible Josiane, sa bienfaitrice, et Commentaire (séries générales)
va la frapper dans son « orgueil », qu’il a décelé comme sa principale faiblesse.
Vous ferez le commentaire du texte de Choderlos de Laclos (texte A).
Enfin, O’Brien explique à Winston comment il est capable d’amener les hommes
révoltés à penser autrement, comment il parvient à réduire leur volonté et à Proposition de plan détaillé
refaçonner leur jugement. I. Le plaisir de se raconter
2. Dans les trois premiers textes, analysez les métaphores et comparaisons A. Un récit complet
grâce auxquelles est exprimée (par les narrateurs ou par les personnages eux- La Marquise raconte aussi bien ses pensées, au discours direct (premier para-
mêmes) la terrible méchanceté des personnages. Plusieurs comparaisons et graphe), que ses réactions (second paragraphe) et ses actions (troisième et qua-
métaphores mettent en relief la terrible méchanceté des personnages dans les trième paragraphes). Elle introduit également dans son récit une citation de lettre,
trois premiers textes. en italiques dans le second paragraphe.
Dans le premier texte, la Marquise se compare à une « Divinité », et à un « Ange B. Une autosatisfaction
consolateur ». Ces deux images sont particulièrement flatteuses : appartenant La Marquise fait son propre éloge : pour commenter ses stratégies elle utilise de
toutes deux au domaine religieux, elles sacralisent le personnage. Si l’« Ange nombreux termes mélioratifs. Certaines phrases attirent l’attention du Vicomte
consolateur » semble apporter le réconfort, la « Divinité » en revanche se carac- sur ses succès (question rhétorique, prise à parti du destinataire avec l’emploi de
térise par son intransigeance et sa capacité à faire souffrir les hommes par ses la deuxième personne du pluriel).
« décrets immuables ».
C. Une capacité à se mettre en scène
Dans les textes d’Alexandre Dumas et de Victor Hugo, les métaphores sont moins
La Marquise endosse plusieurs rôles successifs : celui de l’« Ange consolateur », et
flatteuses et expriment avant tout la violence que les personnages exercent sur
celui de la femme de chambre. Le dernier paragraphe, en partie descriptif, dresse
leurs victimes. Milady est comparée à un « serpent », c’est-à-dire un prédateur, qui
un véritable tableau de piété et de générosité.
serre ses proies dans ses « anneaux » avant de les tuer. Les anneaux du serpent
représentent la pensée de la femme fatale, qui se concentre sur sa cible avant II. L’art de la manipulation
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

de la frapper. Dans le texte de Victor Hugo, les métaphores sont plus violentes A. Les stratégies de la libertine
encore : on trouve d’une part une métaphore filée de la chasse et de la guerre, La Marquise élabore ses stratégies en examinant différentes hypothèses (on
du « coup de fusil » évoqué dans le début du texte à la pointe qui saura trans- relève l’expression de l’alternative, accompagnée de l’emploi du futur, dans le pre-
percer l’« armure d’or de Josiane » à la fin. Cette première métaphore est déjà mier paragraphe). Elle agit également sur le terrain, en luttant contre les résolu-
sanglante (la blessure fait « ruisseler le sang » de Josiane, comparée à une déesse tions de Mme de Volanges (on retrouve un lexique guerrier dans l’expression « j’ai
mythologique, une « olympienne »), mais pas autant que celle qui est développée paré ce coup »).

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Les Liaisons dangereuses Vers l’écrit du Bac

B. Un pouvoir sur les êtres du chasseur tout d’abord, celle du combat contre une divinité ensuite, et celle de
De nombreuses expressions soulignent le pouvoir qu’a la Marquise sur les autres la vivisection enfin. On note une gradation de la violence dans ces différentes
personnages : la construction des phrases place souvent ses victimes en position images.
d’objet, dans des pronoms COD qui montrent qu’ils subissent l’influence de la
II. Une réflexion sur la nature humaine
libertine.
A. Un ton didactique
III. Les délices de la cruauté
Le narrateur adopte un ton didactique en multipliant les formules généralisantes
A. Le plaisir de nuire
(présent de vérité générale, emploi de pronoms et articles indéfinis, constructions
La Marquise trouve un sommeil paisible après avoir médité ses plans de ven- attributives à caractère définitoire). Il s’adresse parfois à son lecteur, lui pose des
geance. Elle rit de voir une même affliction chez la mère et la fille. Elle semble enfin questions, et emploie une référence littéraire (celle de Zoïle et Homère) pour illus-
particulièrement touchée par la douleur de Cécile dans le dernier paragraphe : la trer son argumentation.
souffrance de la jeune fille éveille une sorte de désir malsain chez la libertine.
B. Une réflexion sur la haine
B. L’art du blasphème
Le narrateur livre ses pensées sur le sentiment de haine qui habite l’être humain.
Mme de Merteuil se présente comme une figure divine dans le second paragraphe, Des comparaisons (celles du projectile et de l’escopette au début du texte) et des
et fait de Cécile une nouvelle Madeleine dans le dernier : l’ironie de ces deux hyperboles (sixième paragraphe) mettent en évidence la puissance du sentiment
références religieuses qui glorifient les vices de la libertine a de quoi choquer le de haine et de l’esprit qui l’éprouve, mais aussi le danger qu’ils représentent.
lecteur.
C. Une analyse psychologique
Commentaire (séries technologiques) Le narrateur propose une analyse psychologique de deux types, deux person-
nages représentatifs d’un caractère particulier : l’orgueilleuse et l’envieux. L’excès
Vous ferez le commentaire du texte de Victor Hugo (texte C) en vous aidant du
de confiance en soi est la faiblesse de l’orgueilleuse ; l’absence de reconnaissance
parcours de lecture suivant : dans un premier temps, vous expliquerez en quoi
est la force de l’envieux. Le roman met ainsi en évidence le fonctionnement des
Barkilphedro est un héros négatif qui se caractérise par sa méchanceté ; dans
vices humains.
un second temps, vous montrerez que le texte nous propose une réflexion plus
générale sur la nature humaine.
Dissertation
Proposition de plan détaillé
Quelles sont les fonctions des personnages de méchants dans le roman ?
I. Un héros négatif qui se caractérise par sa méchanceté
Vous répondrez à cette question dans un développement organisé en vous
A. Un personnage cruel appuyant sur les documents du corpus, sur les œuvres étudiées en classe et sur
Le personnage se caractérise par sa haine et sa méchanceté. Le premier para- vos lectures personnelles.
graphe désigne sa cible. La suite du texte met en évidence les intentions cruelles
de Barkilphedro envers Josiane (notamment dans l’énumération du huitième Proposition de plan détaillé
paragraphe). I. Les personnages de méchants ont avant tout une fonction narrative
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

B. Le plaisir de nuire A. Des opposants moteurs de l’action


Le narrateur souligne à la fois l’ingratitude de Barkilphedro, qui va nuire à sa bien- Les personnages mauvais jouent le rôle d’opposants dans le schéma actantiel, et
faitrice, et le plaisir qu’il prend à élaborer des stratégies pour la persécuter. créent des obstacles que les personnages principaux doivent surmonter. Ils sont
C. Des images sanglantes parfois même à l’origine de l’élément perturbateur qui crée l’intrigue.
Le narrateur construit trois comparaisons violentes pour représenter les senti- Exemples : Milady dans les Trois Mousquetaires ; Barkilphedro dans L’Homme qui
ments de haine de Barkilphedro et son désir de persécution envers Josiane : celle rit ; Lovelace dans Clarisse Harlove.

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B. Des héros négatifs Écriture d’invention


Il arrive que les personnages mauvais soient les personnages principaux d’un Le Vicomte de Valmont répond à la Marquise de Merteuil (texte A). Il la féli-
roman. On parle alors de héros négatifs : le roman montre comment ils mettent cite pour son initiative et fait à la fois son éloge et le sien, se réjouissant de
leurs qualités exceptionnelles au service du mal. leur capacité à manipuler leur entourage. Vous rédigerez cette lettre en vous
Exemples : Merteuil et Valmont dans Les Liaisons dangereuses ; Jean-Baptiste appuyant sur des exemples précis puisés dans le roman de Choderlos de Laclos.
Grenouille dans Le Parfum de Patrick Süskind. Le sujet impose :
II. Les personnages de méchants peuvent également inviter le lecteur à la — la forme de la lettre : on attendra une formule d’adresse, une date et un lieu de
réflexion rédaction, à la manière des lettres présentes dans le roman ;
A. Une fonction didactique — l’énonciation : c’est le Vicomte qui s’adresse à la Marquise. On sanctionnera
Le roman peut avoir une dimension morale s’il montre les conséquences néfastes toutes les copies qui pourraient s’éloigner du contexte du roman (notamment par
du crime et son châtiment. des anachronismes). On valorisera celles qui parviennent à adopter le style du
Exemples : Merteuil et Valmont à la fin des Liaisons dangereuses ; Thérèse et personnage ;
Laurent dans Thérèse Raquin d’Émile Zola. — la référence au texte A : puisqu’il s’agit d’une réponse, on attendra que le
B. Une réflexion sur la nature humaine Vicomte se réfère directement à ce que la Marquise vient de lui raconter ;
— un thème, l’art de la manipulation : on suggérera aux élèves de puiser dans leur
Le roman peut proposer une analyse psychologique des personnages mauvais, et
connaissance de l’œuvre de Laclos afin d’enrichir le contenu de cette lettre. Le
montrer comment le mal se développe dans le cœur de l’homme, qu’il y soit intrin-
Vicomte peut par exemple faire référence à des entreprises de manipulation qui
sèquement établi, ou qu’il apparaisse en réaction aux événements, aux rapports
ne sont pas évoquées dans le texte A (les siennes notamment). On pourra inviter
de l’individu avec la société.
les élèves à développer des métaphores que le Vicomte affectionne tout particu-
Exemples : la lettre 81 de la Marquise de Merteuil dans les Liaisons dangereuses
lièrement, telles que la métaphore guerrière ;
qui explique et justifie son tempérament au sein de la société aristocratique du
— le registre épidictique : on valorisera les copies qui proposent des procédés lau-
xviiie siècle ; Georges Duroy dans Bel-Ami de Guy de Maupassant, personnage peu
datifs variés.
scrupuleux prêt à tout pour satisfaire son ambition.
On portera une attention toute particulière à la qualité de la langue, et au res-
III. Les personnages de méchants peuvent enfin avoir une fonction esthétique
pect du registre soutenu, qui s’impose dans un échange épistolaire entre deux
A. Des points de contraste aristocrates.
La méchanceté des personnages mauvais met en valeur, par contraste, les quali-
tés des autres personnages.
Exemples : la bonté et la générosité de Mme de Tourvel éclatent face à la cruauté
des libertins dans les Liaisons dangereuses ; dans Notre-Dame de Paris de Victor
Hugo, la pureté de l’amour de Quasimodo pour Esméralda contraste avec la pas-
sion malsaine de Frollo pour la bohémienne.
B. La beauté du mal
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

Les personnages méchants exercent une fascination sur le lecteur : même s’il
s’épanouit dans le mal, leur génie a quelque chose de sublime.
Exemples : tous les textes du corpus.

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Bibliographie et sitographie
■ Ouvrages
Trois préfaces d’éditions des Liaisons dangereuses à consulter :
Préface de Béatrice Didier pour l’édition LGF, « Le livre de Poche », 1987.
Préface d’André Malraux pour l’édition Gallimard, « Folio classique »,
1972.
Préface de Catriona Seth pour l’édition Gallimard, « Bibliothèque de la
Pléiade », 2011.

■ Ouvrages critiques
Michel Delon, P.-A. Choderlos de Laclos, Les Liaisons dangereuses,
« Études littéraires », Presses universitaires de France, 1986.
Laurent Versini, « Le roman le plus intelligent », Les Liaisons dange-
reuses de Laclos, Champion, « Unichamp », 1998.
Ouvrage collectif, Laclos, Les Liaisons dangereuses : la Passion amou-
reuse, Ellipses, 1991.

■ Ressources sur Internet


Conférence de Jean Goldzink sur Choderlos de Laclos :
www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article946
Les Liaisons dangereuses, Choderlos de Laclos et Stephen Frears :
www.lettres.ac-versailles.fr/spip.php?article367&var_recherche=
laclos%20frears
Les Liaisons dangereuses et les arts :
www-zope.ac-strasbourg.fr/sections/enseignements/secondaire/
pedagogie/les_disciplines/lettres/histoire_des_arts/diverses_
sequences_u/les_liaisons_dangere/view
© Éditions Belin/Éditions Gallimard.

Libertinage et érotisme dans la peinture française du xviiie siècle :


www-zope.ac-strasbourg.fr/sections/enseignements/secondaire/
pedagogie/les_disciplines/lettres/histoire_des_arts/
diverses_sequences_u/les_liaisons_dangere/libertinage_et_eroti/view

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