DE QUELQUES VARIATIONS SUR LE PROGRES
1. — Nous savons tous que le progrés des choses n'est que trop
réel et que son évidence saute aux yeux, plus nous allons et plus
il s'accélére, assez de gens commencent a le déplorer et jugent qu’d
s‘humaniser toujours, le monde devient incompréhensible. Ce para-
doxe mérite & lui seul un commentaire, mais il n'a rien de surpre-
nant, les hommes n’ayant pas changé depuis les origines et ne
pouvant changer, selon les apparences, leur naturel restant le méme
et l'acquis se perdant a chaque génération. Nous savons tous que
chaque génération nait vierge et qu'elle doit refaire en son entier
le chemin de I’espéce, nous savons tous que ce chemin s'allonge et
qu'il faut déployer de plus en plus d’efforts, avant que de toucher
au terme, aussi bon nombre restent-ils & vau de route, L’on prévoit
que les choses devenant de plus en plus parfaites et les hommes
non, V’écart entre les unes et les autres paraitra quelque jour
démesuré, on admet que les hommes vivront dans un monde,
auquel la plupart n’entendront plus rien, alors qu'il en fut autre-
ment jadis et cela tirera sans contestation possible aux conséquen-
ces les plus onéreuses et dont la barbarie ne sera pas la moindre.
2. — Sauf a tabler sur une mutation de T'espéce, laquelle tiendrait
un peu du miracle et ne devrait entrer dans un calcul de probabi-
lité, nous sommes condamnés a subir le désordre et nous ne
sortirons plus de l’incohérence, telle est la rancon du progres, qui
se déroule sur un plan et non sur plusieurs a la fois. Nous n'y pou-
vons remédier que si nous parvenons a l'arréter, en vue de sauver
Yordre a restaurer la cohérence, mais cela tiendrait aussi du
miracle. L’on sent que placés entre deux miracles, nous sommes
bonnement & plaindre, nulle espérance ne nous étant plus permise
et 'avenir prenant les apparences de la terreur absolue, & quoi
nous nous acheminons, prévoyant tout et n’éludant plus rien.
3. — Nous ne pouvons nous soutenir contre le paradoxe et nous
ne pouvons subsister sans lui, tel est l'état de nos affaires, nous
sommes arrivés au point of pousser toujours au-dela devient.
trés onéreux et s‘arréter, problématique : nous subissons plus
que nous n’agissons et nous avons pourtant l'air d’agir plus que
2%els subissaient beaucoy; Moins,
OM a oars eraproascments réitérés ot
Beaiecincus parmectie de nous dérvaee a la seuld
eer ess ne Youloas sous auciin prétexte a quelle eet,
Maat seheet le monde. Nous nous persuadons que nowe
on et de loisir et de recul, mais c'est Parce
@eolons bien, nous tenons A ce défautia, locusts
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Meierie jamais auparavant, nous avons décidé dang
De eicar que clétait vair du temps, cela, nous accommail
Re farts oc lamestere micas te plongé dat’
Bese ine hypoctisie d'affairement oes tune affectign
BME i vaglt de be pas se travailler Ventendement et de
Je mal court Le résulat, c'est que nul n’entend plus a rgg Ais
tous vivent au jour la journée, ce serait une forme de Sage
sifon veut — par désespoir, ce serait une forme de friwGighg
excts de raison, mais ces prétextes ne mrenlevent,
4, — Car nous ne voulons repenser Ie
vérer dans le confort intellectuel, do
mainteneurs, et les traditions qui ne
Jesquelles nous marchons nousmémes,
impossible sur les bras et nous nous approuvons de te
Para eartet & Vévidence ott nous nous remuone, Sy peBe
2g Gi ailleurs que nous vivons déja sur plusieurs plane
Ge Plans wont de relations communes, chaan ca is
Une vitesse différente, Dans ces conditions, {
fa ayse barbaric y gagne & tous les cours
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sie - rag, Semblent plus qu'un ornement destitus
fin et se comninccxe 1D progres, devenu ittersion see propre
‘on auteur, est le spectacle
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gouverne et que nogPeale dir seiet al
‘serait par trop long, ie variations
an par trop démesuré pour qu’
un calcul de probabilité. Nows ne
lus, avant de r
aux Abassides. Il enaller quelquefois au bout de nos réflexions. Le moral est
au plus Tune des conditions nécessaires, parmi d'autres quon
et sous-entend, il n'est jamais la condition suffisante du
salut, notre salut n'est plus I'effet ni de la bonne foi ni de la bonne
volonté, ce serait vraiment trop facile et s'il ne dépendait que
delles, nous serions sauvés sans nous donner la peine de nous
accorder avec nos ceuvres et de repenser le monde,
9. — Il n'est rien de plus déplorable que ce refus général de tenir
compte de notre évidence et cette volonts de perseverer. dant les
liewx communs, qui nous rassurent sur nous-mémes et le monde.
Encore que les dieux soient morts, nous raisonnons toujours selon
Vequation absurde que les dieux sont grands et les humains petits,
Hélas ! cet alibi métaphysique ne vaut rien, les hommes ne pou-
vant plus prétexter de leur faiblesse. Disons Ja vérité : homme
peut tout et ce qu'il ne pourrait encore, il le pourra bient6t, c'est
Ia ce dont nos spirituels ne conviennent guére, parce que cet aveu
Jes rendrait inutiles et qu'ils préférent notre anéantissement &
Yapparence de leur discrédit. 11 faudra néanmoins céder, I'Histoire
nia pas d'autre sens et nous ne pouvons nous soustraire A Veffet
de nos wuvres, ces ceuvres ont changé le monde et nous n’échappe-
rons au monde, ce monde qui n'est que Vobjet de la puissance
humaine et que nous violentons au jour Ia journée. Nous ne
reculerons plus désormais, l’enchainement parait irréversible et
nous n’éluderons pas davantage une évidence que nous nous
consumerons A démentir, en vue de sauver quelques Testes de nos
traditions inspirées. Le mouvement se précipite et nous n’échappe-
rons aux lois dont nos moyens semblent la cause efficiente, il n'est
tien de plus clair ni de plus cohérent ni de mieux amené, tout se
dispose selon l'ordre le plus admirable, et le désordre que nous
maintenons fait le contraste et sert de preuve & la beauté de cet
arrangement, que nous persévérons & fuir dans \"équivoque. Malgré
les procédés que I’on emploie et qui ne l’étoufferont que le temps
de le rendre & jamais incompressible, le changement de sensibilité
se fera jour, V'explosion n’en sera que plus violente et ce qui
s‘opérait sans bruit, éclatera dans un embrasement ott la plupart
verront enfin la preuve d'une légitimité nouvelle,
10. — En attendant, nous sommes étrangers au monde que nous
suscitames et plus que ceux qui subissaient le monde, au sein
duquel ils vivaient impuissants. Ce paradoxe est intenable, nous
ne pouvons rétrograder et si nous maintenons l’acquis, en avangant
toujours, il nous faudra nous adapter a l'esprit de nos découvertes,
cela parait de la difficulté la plus prodigieuse, nos lois morales
et métaphysiques n'y résisteraient pas. L'Absolu donc est & refaire,
aul ordre ne s’en passe et cependant que nous perpétuons un.