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Ceres, Corser, lrap lendre (Fnone, Jere Helene oi Pards wole,


Oublier- le, meme a Uinstant -
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De tenor. lant de regrets
od lingrat gut vous abandonne : Dela perte de linconotant,
Songer platot a vou allraits. Qu urn autre Berger wou convole.
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EN TROIS CHANTS.
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Par M. Le Mierre .
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A PARIS.
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(lee le Ja y, Librare, rue Se Jacques au)
deflus de celle des AM ath UIs, (al Grand Cornedle.
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AVERTISSEMENT.
J "Av OIs deflein de traduire en vers le Poéme de
I'Abbé de Marfy fur la Peinture : les beautés dont il eft
rempli, font regretter quelles ne {oient pas connues de
tous les Le&eurs ; mais les meilleures tradu&ions ne font
gueres que les reverberations des Ouvrages originaux.
Drailleurs ayant réfléchi fur les circonftances oi Auteur
avoit ecrit fon Poéme, jai cru m’appercevoir qu'elles
I'avolent empéche de lui donner une jufte étendue, &
que le fujet débordoit pour ainfi dire louvrage. Je me
{uis donc déterminé a commencer le mien, fans renon-
cer pourtant a profiter de tout ce qui m'avoit frappé dans
le Poete Latin.
Jai vu les avantages & les difficultés que je pouvors
“rencontrer dans mon travail, mais fans les pefer, je me
{uis laiffé entrainer 4 ce quil avoit d’attrayant; jofera
méme dire que je crois avorr {enti mon fujet, cette con-
vi&ion me l'a rendu plus facile & je I'ai foutenu.
a
TR RAT RR Oe

i AVPERTISSEMZINT.
~ En effet, il ouvre a l'eflor poetique le champ le plus
vafte, il met la nature entiere fous la main du Poéte com-
me fous celle du Peintre , & tout ce que l'un préfente aux
yeux, l'autre doit Ioffrira I'imagination. |
L’art Poetique étoit peut-étre un fujet moins heu-
reux : en traitant de lui-méme, il eft pour ainfi dire trop
pres de lui; femblable 4 Peeil qui voit les objets & ne fe
voit pas lurméme, Pefprit humain fe fatigue a fe confi-
dérer, il a befoin d’éloigner les objets fur lefquels 1l s’e-
xerce , & pour quill puifle agir librement fur eux, 1l faut
quils foient a une certaine diftance. Auffi Defpréaux qu
a mis dans fes vers toute la corre&tion que Léonard de
Vinci mettoit dans {es tableaux, me paroit-il avoir eu a
{urmonter plus d'obftacles dans le choix de fon fujet, &
on admirera toujours qu'il ait fu couvrir de tant de beau-
tes & d'images laridité des détails.
LaPeinture offroit plus d'avantages au Poete; sil doit
faire briller les images , quelque matiere qu'il traite, &
lorfque le fujet s'y refufe le plus, pourroitl les aban-
donner quand elles s'offrent delles-mémes; pourroit-l ne
pas appliquerla Poéfie 4 la Peinture, & ne pas montrer
4 chaque pas Ianalogie des deux Arts ?
AVERTISSEMENT. ij
La Peinture repréfente a tout moment I'Art Poetique
{ans le répéter, le Poete oblige de retracer les images
qu'elle amene naturellement, crée ce quil mite, s'ap-
proprie ce quil emprunte, fair valoir fon Art & en
montre un autre.
Je mai point marqué de divifion: on verra aif¢ment
que je parle du Deflin dans le premier Chant, & quel-
quefois de l'ordonnance qu'on peut appeller le Deflin
moral. Le fecond Chant traite du Coloris, & je parle
dans le dernier, du choix des fujets , de I'exprefiion, de
Invention, du pouvoir de la Peinture ; mais comme dans
les différentes parties de VArt, il en eft qui rentrent né-
ceflairement les unes dans les autres, je n'ai fait quindi-
quer la divifion de I'ouvrage, pour éviter le reproche
quon m’elit pu faire d’avoir confondu les matieres fous
‘une dénomination exclufive 4 la téte de chaque Chant.
Ceux qui ont traité ce fujet avant moi ont eu des avan-
tages qui m'ont manque. Dufrefnoy qui nous a laifié un
Poeme Latin fur la Peinture, étoit lui-méme un Peintre
habile ; il n’écrivit quapres avoir fait des tableaux, & fes
vers furent le réfultat de fes connoiffances pratiques.
L’Abb¢ de Marfy, defcendant du fameux Sculpteur
i
v AVERTISSEMENZL
quia fait a Verfailles les bains de Latone , avoit du puifer
dans les lumieres de fa famiile les notions quil a repan-
dues dans fon Ouvrage.
| ‘
M. Watelet diftingué par fes talens en divers genres
& par fon golit pour les Arts, avoit pris le crayon &
:
manié le burin avant de donner fon Poéme de PArt de
BS
Peindre; il a été le premier qui ait entrepris de chanter
dans notre Langue un Art dont les deux autres Ecrivains
avoient enveloppé les préceptes dans une Langue étran-
gere & prefque abandonnée.
D’apres ces exemples je pouvois tre intimidé, je pou-
vois penfer qu'on ne devoit gueres hazarder un Ouvrage
{ur la Peinture, fans exercice ou une grande théorie de
IArt. Mais dans les Arts d’imitation & dont on juge par
le fentiment autant que par étude, celui qui ignore les
regles peut prononcer comme celui qui les poflede. He!
le Public atl donc les connoiffances des Artiftes ? Net. L
ce pas cependant de fon fuffrage qu'ils font jaloux? Ne
le preferent-ls pas a celui de leurs rivaux méme? Dans
les Sciences exalles il y a une f&rie quiil faut fuivre: ce-
lut qui weft encore quaux premieres propofitions de la
Geométrie, telles que le carré de Thypothenufe, eft bien
AV ERTISSEMENT
loin d’entendre les courbes tranfcendantes; mais l'on
peut dire que les points fondamentaux des Arts font in-
nes, ce ne font que les details qu'on apprend. Ainfi quoi-
que je n'aye jamais touché ni pinceau, ni crayon, fe-
couru feulement de quelques le&tures & de quelques
converfations avec les Artiftes, {fecondé {ur-tout par mes
propres fenfations a la vue des chefs-d'ceuvres de LArt,
pai ofé entreprendre mon Ouvrage.
Mais quand la Science m’a abandonné , jai appellé
mon Art 3 mon fecours , jai tiché de fubflituer les
beautés Poetiques , ai imite ces Pentres peu verfés dans
I' Anatomie, qui ne fachant comment montrer le mécha-
nifme des mufcles & la fouplefle des contours fur les
membres des figures, pour déguifer le défaut de ces em-
manchemens, les couvrent d'une riche draperie.
Jai'écrit pour le Public autant que pour les Peintres;
un Poeme doit tre a I'ufage de tous les Le&eurs, & il
en eft de ce genre d'ouvrages , comme de ces figures pit-
tore{ques plus habilement combinées fuivant les loix de
Toptique , & qui fe préfentent toujours en face de quel-
que cote que le Speftateur foit place. Dans un fujet ot
le golit & le fentiment décident , ce n'eft point aux Ar-
vy AVERTISSEMENT.
tiftes feulement qu'on doit parler. Les lumieres fur la par-
tie technique ne font point néceflaires pour Etre frappe
des beautes ; des yeux & une ame fenfible, voila ce quiil
faut pour juger d'un tableau.
Jai voulu fur-tout exciter lenthoufiafme de Art, &
dans cette idée, ce qui me manquoit de connoiffances
m’a peut-étre fervi. Affigner trop de regles , c’eft embar-
rafler la marche du génie , cleft enclore de murs un
champ qui doit étre & plus d'une expofition pour fruc-
tifier. Si Daubignac elit eté Peintre, il elit fiirement com
pofe un mauvais tableau felon toutes les regles de Leo-
nard de Vinci ; {i Rubens elit fait des Tragédies, 1l elit
euavec le génie les inégalités de Corneille. L’enthoufiaf-
me eft fi rare en tout genre, tant dOuvriers & {i peu
d’Artiftes! On ordonne avec fagefle, on connoit 'har-
de I'¢-
monie, I'élégance; mais oli voit-on de énergie,
lan ? Le golit fi défirable a tant d'égards, fert fouvent a
éteindre linvention. Dela ces compofitions exalles ,
mais froides & monotones; quelques fautes & du genie,
c’eft & quot je reconnois le grand Artifte.
Jaivu au-deld méme de la Peinture , j'ai voulu enflam-
mer les efprits nonfeulement dans cet Art, mais dans
AVERTISSEMENT. vj
les autres Arts d’'imitation; ils ont tous leurs principes
dans le fentiment, ils ne forment parla qu'un feul Art,
ils étoient tous de mon fujet.
Mon Ouvrage ne fera ni des Deffinateurs ,ni des Co-
loriftes ; mais sil peut échauffer des Peintres, fi a1 jette
dans mes vers quelques étincelles du feu que je veux al-
lumer, mon objet eft rempli, & le prix de mon travail
{era dans le fucces des talens que jaurai encourages.
Je n'ai loué aucun des Peintres vivans. Le Lefteur les
ajoutera luiméme aux hommes célebres que jai nom-
més : les différens genres ou ils ont excellé rappelleront
aifément les noms de ceux qui sy diftinguent aujour-
d’hui. Cet hommage implicite rendu a nos Artiftes vr-
vans, macquitte aflez envers eux; un €loge direlt n'eut
fait quanimer lenvie fans les honorer davantage , d’ail-
leurs la réputation des grands hommes eft dans leurs tre-
vaux & non dans leurs ¢loges; autrement tant de vils
mercenaires qui ont trafiqué de la louange & du blime,
auroient été les Juges du mérite & les arbitres de la

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gloire.
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CHANTPREMIER

J E chante T'Art heureux dont le puiffant génie


Redonne al'Univers une nouvelle vie,
‘Qui par l'accord favant des couleurs & des traits,
Imite & fart faillir les formes des objets,
Et prétant a l'image une vive impofture,
Laiffe hefiter nos yeux entre elle & la nature.

Toi qui pres d'une lampe & dans un jour obfcur,


Vis les traits d'un amant vaciller fur le mur ,
A
tL PET
NT URE,
Palpitas & courus a cette image fombre ,
Et de tes doigts legers tracant les bords de 'ombre;.
Fixas avec tranfports fous ton ceil captivé.
L'objet que dans ton coeur Pamour avoit grave,
C’efl to1 dont I'inventive & fidelle tendrefle
Fit éclore autrefois le Deffin dans la Grece..
Du fein de ces déferts, lieux jadis renommés,.
Ou parmi les débris des palais: confumés,.
Sur les trongons épars des colonnes rompues:,-
Les traces dé ton nom font encore apperques ,.
Leve-tot, Dibutade , anime mes-accens,
Embellss les lecons éparfes dans mes chants,
Mets dans mes vers ce feuqui fous ta mam divine:
Fut d'un art enchanteurla premiere origine..

Heureux pere! tu vis ce prodige nouveau.


Le crayon de ta fille alors fut un flambean ;
Artifteen un moment, aa clarté propice,
Tu découpes la pierre autour de cette efquifle , .
Et dé¢ja du cifean I'induftrieux fecours: meng
POE ME,
Donne un corps a image en bombant les contours,

Drabord a la Peinture on ne pouvoit atteindre,


Tout parut plus facile a modeler qu’a peindre;;
On arrondit la pierre, on fagonna le bois,
Pour figurer un corps , d'un autre l'on fit choix.
Eh! regardez l'enfant, voyez comme il imite ,
Rarement a tracer la nature l'invite :
Connut-il le crayon, fes effets font trop lents,
Trop de fois il rompra fous fes doigts pétulans.
Mais il taille le hege, il fait pétrir la cire,
Il découpe le bois, il forme, il veut conftruire ;
Ainfi par le cifeau I'Artifte commenca,
Un Art guida vers l'autre & bient6t l'on traca,
La Peinture naquit. Toi qui {éduit par elle,
Veux tenir de fa main une palme immortelle,
Ne fuis point au hazard ce dan gereux attrait,
Que ce foit un inftin&, & non pas un projet:
S1 de T'aftre fécond qui luit fur le Poete
Les rayons divergens femblent fuir ta palette,
Ajj
i LAPEINTUREL
§1ls wont d'un trait de flamme échauffé ton berceau,
Tes travaux feroient vains : laiffe-14 le pinceau.
Mais toi chéri du ciel, dont enfance nfpirée
Dela gloire a fenti la foif prématurée,
Tot qui né pour les Arts décélas cette ardeur,
Comme Hercule fa force , Achille fa valeur;
Regarde les talens, vois comme le Génie
Préte a des fucs grofliers la chaleur & la vie;
Il veut & tout s'anime, il touche & dans l'inftant
L'eau coule, un mont s’éleve , une plaine s'étend,
Le jour luit, le ciel roule, enfin Thomme refpire.

Fier de ta deftinée & plein d'un beau délire,


Ecoute, jeune Eleve, il eft plus d'un pinceau;
Vois quel eft ton génie & marche i ce flambeau;
Les dons font partagés : la nature bizarre,
Jufques dans fes faveurs paroit encore avare,
Et lorfqu'elle fourit de fes yeux complaifans ,
Ne panche qu'a demi 'urne de fes préfens.

L'un né pour moiffonner dans le champ de Hiftoire,


P.O EM ELE.
Nous peindra les heros courans la viétoire,
Le front des combattans, leur choc impetueux,
Les courfiers écumans, la poufliere, les feux,.
Le vol du plomb rapide & plus prompt que la fleche,
Les remparts foudroyés, le vainqueur fur la breche.

Un autre eft attiré par de plus doux fujets ,.


1 aime 4 nous tracer de paifibles objets ;
Il peint les bois, les pres, les ruifleaux, les campagnes,
Et les troupeaux errans au penchant des montagnes ;.
Sylvandre | ingénument par Annette agace,
Et la jeune Laitiere en jupon retrouflé,
Rapportant fon pot vuide, un bras paff¢ dans'anfe,
Et de la ville aux champs retournanten cadence.

Un fidele crayon m’attachant


de plus pres ,.
Sous mes yeux etonnes-a reproduit mes traits ;
Il femble, partageant la divine puiffance,
Multiplier mon étre avec ma reflemblance ;.
La toile eft un miroir.oli l'objet préfente
6 I 4 PEINTURE,
‘Méme loindu modele eft encor rd pete.
Doux charme des amis, malgreé le fort barbare,,
‘Le pinceau fait tomber le mur gui les fépare;
:De la mort efle-méme il affoiblit les coups;
Et lor{qu’elle a rom pu nos liens les plus doux,
L'objet qui dansla tombe emportanotre hommage,
‘Refte encor pres de nous & vit dans {fon image.

‘Sous le comble d'un temple , aux vofites d'un palais,


‘Celur-ci fufpendu les parcourt a grands traits;
Pet I'himen de Thétis, les champs de I'Elifée,
Les brigands abattus fous le bras de Théfée;
Hercule & quila Grece a dreffé tant d’autels ,
Monte de fon bucher au rang des Immortels;
Ledbmeadif paru,, c'eft la célefte volite.
Le Peintre en fon effor-franchit la méme route,
Perceavec le Héros les efpaces des cieux,
Et dans tout leur éclat il. contemple les Dieux.

Llautre dans ces jardins peint d’agréables rives,


Donne aux objets trompeurs des formes fugitives;
P OE 3MLE
Sur I'immentfe horifon que je touche des mains,
Mon regard fe fatigue en ces vaftes lointains ;
Je parcours des palais la fuperbe étendue :
Cette furface eft plane & recule a ma vue:
Tandis qu'a points légers, par destraits delicats',
Le pinceau d'une main, de l'autre le compas, -
€elui-1a forme un mont avec un grain de fable,
Ce nain eft un atlas & ce fil eft un cable
Lie monde entier fe meut dans le tour d'un anneau.

La le Peintre joyeux, égayant


fon tableau,
De fes crayons-badins;, dans fes peintures vives,
Fait mouvoir plaifammentfes figures naives.
Dans ce ruftique enclos que de peuple:danfant!
On va, Pon vient, Pon court, on fe heurte en paffant,
On joue, on chante
, onrit, on boit fous-la verdure;
Nife danfe avec Blaife, Alain:prendfa future,
Et le Menétrier debout fir un ‘tonneau,
Sous fon archet aigu fait détonner-Rameau.

As-tu.connu ton genre? As-tu perce ce voile ?


8 LA PEINTURE,
Defline en ton cerveau , Ceft Ia premiere toile.
Solitaire &réveu au fein
r de tes réduits,
Au filence des bois, dans le calme des nuits 3
Quelquefois en-destems, en des lieux moins tranquilles;
Et fachant étre feul dans le fracas. desvilles,
Difpofe le fujet fecrettement formé,
Comme une autre Minerve il. doit {ortir armé.

Le fujet médité, prends le crayon, efquifle,


Par efpaces réglés que la toile blanchiffe.
Tu vois que les objets élevés fous la main
Sapplatifient 2 ceil parle moindre lointain 3
Imite de ces corps les formes raccourcies ,
Vois combien la diftance altere ces parties
Que le champ du tableau foit clair & bien choifi,
Deésle premier coup d'eei! que le plan foit faifi.
Ne nous préfente point dans tes folles peintures
Ce défordre jetté par 'amas des houres,
Ces corps sentrechoquans, ces grouppes mal congus,
Montrant une mélée au milieu des tiffizs;

Mais
PO EM E
Mais que dans le tableau la figure premiere
Frappe d’abord les yeux par fa vive lumiere;
Sur leurs bafes entr'eux que les corps balancés
Se répondent des points oli tu les as places;
En reculant objet , fais décroitre I'iimage,
Marque bien le concours de chaque perfonnage;
Que le refte au hafard feulement appercu,
Soit comme abandonné dans un coin du tiff.

Au temple d’Efculape une école eft placée,


Au milieu de l'enceinte une table dreflée
Etale un corps fans vie & fouftrait autombeau ;
Ferrein obferve aupres, laMort tient le flambeau.
Le fcalpel ala main, Iceil fur chaque vertebre,
L’Obfervateur pénetre avec la clé funebre
Les recoins de ce corps, trifte refte de nous,
Objet defiguré dont 'étre seft diffous,
Pur chef d’ceuvre des cieux i quand 'ame llumine ,
Vil néant, quand ce feu rejoint fon origine.
Tu frémis, jeune Artifte, ah! furmonte horreur
B
w ILA PBINTURE,
Que porte dans tes fens cet objet de terreur,
Et fi ce n'eft point [a que Thomme entier s'enferme,,
Si ton efpoir s'étend au-deld de ce terme ;
Viens, reconnois encor jufques dans ces débris,
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Tout ce quau fort humain tu dois mettre de prix;


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Ces tubes, ces leviers, organes


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de la vie,
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Ce corps oti la nature epuifa fon génie,


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Par elle fut conftruit dans un ordre fi beau,


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Que méme quand la mort I'a marqué de fon {ceau,


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Tant qu'il n’eft pas détruit dans fon dernier atome,


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Il fert aux Arts de bafe & de modele3 Thomme.


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Il éclaire ton art, porte un ceil aguerr:


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BY
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Sur ces canaux


g glacés oti le fang g seft tari ’
Demonte ces reflorts de 'humaine ftru&ure,
Examine des os la mobile jointure,
Les nerfs & leur dédale , & d'un regard favant,
Alors dans homme éteint, cherche l'homme vivant.
Ce n'eft qu'en penctrant dans le fein de louvrage,
Que tu peux des dehors nous préfenter image;
Marquer les paffions & pemndre avec chaleur
POE ME 21

Le courroux enflammé, la force & la douleur.


Diftingue dans le jeu des mufcles & des fibres,
Les mouvemens cont:aints d'avec ceux qui font libres:
Nous repréfentes-tu deux Athletes nerveux,
Aux prifes dans I'arene & partageant les voeux?
Que leur ceil teiitt de fang fous leur vive prunelle,
‘Rouge & demi caché de fureur étincelle ;
Fais fortir fur le corps de ces cruels rivaux,
Tous leurs nerfs déployes comme autant de rameaux.

Milon entrouve un chéne auffi vieux que la terre,


Mais arbre tout-a-coup
fe rejoint & l'enferre;
Un lion qui fe drefle & s'attache a fon flanc,
De I'Athlete entravé boit a loifir le fang.
Sur le marbre animé le Puget défigure
Tout le corps du lutteur fous les maux qu'il endure;
Ses cheveux font dreflés, fes membres font roidis,
Vous reculez d’effroi, vous entendez fes cris.

Jaime dans la figure , & trouver les parties


Sous leur jufte mefure 4 lenfemble afforties;
Bij
w L4 BEINTURE,
Par Lyfippe imité, la maflue& 1a main,
Alcide triomphant , de loin paroit un nain =
Approche, tu verras dans le bras du Pygmée ,.

apap
Le bras qui.terrafla le monftre du Némée..

La figure toujours exige ces rapports’;’


Artifte, étends les bras , Ceft la hauteur-du corps:
Que l'exalte longueur de la téte imitée,,
Par le refte du corps huit fois fot répétee 5.
Ne change de compas que lor{que ton pinceau’
Nous préfentera l'homme encor prés du berceau.
Nul concert dans. Penfant du corps avec.la téte,.
Et l'edifice alors commence par le faite ;°
La téte a plus d’'ampleur, devant porter au loin®
Ces efprits répandus dont tout 'homme a befoin; |
Mais quand Iétre eft formé, lorfque tout progres cefle;.
De la téte & du corps que le concert paroifle ;
Offre le mouvement& le contour aifés,.
Des membres , fans combat, I'un a Pautre oppofés.
Veux-tu:les revétir? peu de plis mais faciles,,
Quon diftingue le nu fous ces formes dociles 3:
Que de ces pans légers Tadrefle du pinceau
Fafle des vétemens & non pas un fardeau,
Et qua Ieeil abufé leur fouplefle élégante
Sot la flamme qui vole, ou I'onde qui ferpente.-

Sculpture, c’eft encor i ton cifeau divin


Qu
la Peinture
e a di les progrés du defliny
Autrefois la ftatue immobile , roidie’,-
De la main du Sculpteur {ortoit toujours fans vie,
L'ceil fermé , les pieds jeints, les bras collés aux flancs.
Tels le'Nil vit fes Dieux prefque danstous les tems ;
L'induftrieux Dedale, honneur de la Sculpture,
Des liens du maillot dégageala figure,
Fit jouer fes reflorts:, luv rendit I'a&ion,.
Et fut pour l'animer le vrai Pygmalion:
Mais malgré cet eflorla figure vulgaire’,
Sans accord & fans grace, étoit fans caraflere;
Le beau, dans tout fon jour’, n’étoit pont préfenté,,
Il fallut ajouter a l'objet imité;.
w LA PIBINTURE,
On vit que le vrai beau difperfe fes parties,
Jamais {ur un feul étre a la fois réunies,,
I’ Artifte jetta I'ceil éclairé par le gofit,
Sur ces traits divifés , pour en former un tout;
Et {a main dans ce choix heureufement guidée
Montra 'homme parfait qui n’étoit qu'en idée.

Spe&tacle raviflant dans


la Grece étalé?
Sous ce vafte portique Apelle a raflemblé
Cet eflain de beautés , doux & brillans modeles,
I’ Amour vole incertain oli repofer fes ailes :
Mon ceil croit voir en cercle, Helene, Flore, Hébé,
Thetis, Plyché, Diane & Vénus & Thisbé.
Deefles, pardonnez , je vous méle aux mortelles,
Cleft etre €gale a vous que d’étre au rang des belles;
Sur les divers appas de ces jeunes objets,
Le Peintre laifle errer fes regards fatisfaits;
Il préfere ce bras, cleft ce pied qui attire,
Cet-ceil I'a plus feduit , il chotfit ce fourire;
De lys plus eclatans ce cou paroit femé,
POE MM Zr x 2%
Ce front eft plus uni, ce bufle eft mieux formé;
Plus beau dans fes contours, ce fein qu idolatre ,
Seleve & fe fépare en deux globes dalbatre;
En raflemblant ces traits Apelle tranfporté
N’a peint aucune belle, ila peint la beauté.

Cependant loin d'atteindre 4 Ia parfaite image


Des graces dont Apelle inventa l'aflembiage,
Peu méme ont fu choifir des crayons aflez vrais
Pour tracer la nature en de moindres portraits.
Tel dont la touche eft fire & n'a rien de vulgaire ,
Na jamais détaché de ftature légere,
Rien d’élégant; toujours fur la téte & les bras
Son pinceau trop pefant épaiffit les appas;
Venus méme de Mars empruntantla fature,
Marcheroit aux combats {ans plier fous 'armure.
Rubens de qui la main colore avec éclat,
Porte fur le deffin les traits de fon climat;
Angloife, Italienne , Efpagnole, Allemande,
Par-tout a {es regards la nature eft Flamande 5
6 LAPEINTURE,
Que de jeunes profcrits! quel orage foudain
‘Vient ravager ces fleurs aux fives du Jourdain!
Vos ils fur votre fein , trop malheureufes meres
‘Vous courez , vous fuyez loin des mains fan guinaires,,
Mais laffreux fatellite eft par-tout fur vos pas,
11 pourfuit vos enfans,
il les perce envos bras,
Le lait, le fang jaillit & vos larmes ruiffelent,
Des Juives, des bourreaux les fureurs étincellent;
L'une par les cheveux a faifi le foldat,
Sous la lance homicide une autre fe débat
uN

La nature triomphe en fon défaftre méme:


Rubens dans ce tableau déploye un art fupréme;
Mais fon pinceau brillant dans ces momens cruels,
Fait fortir trop de nerfs fur les bras maternels,
Et montrant au milieu de ces luttes fatales
Des deux {exes aux mains les forces prefquégales,
Ilravit a notre ceil moins ému qu'effrayé,
Tout ce que la foiblefle infpire de pitié.
Le Brun fait adoucir la @ature des meres 3
Dans leurs traits de leur fexe il met les carafleres,
Et
POEME v9
Et marquant leurs efforts , mais débiles & vains,
Peint la méme défenfe en de plus foibles mains.

Quel mouvement heureux conforme 4 la nature


Le Pouflin par le trait jette fur la figure,
Soit qu'il montre l'Hébreu nourri dans les déferts
Dun aliment nouveau tombé du haut des airs :
Ou fous un ciel charge de vapeurs homicides
. Le Philiftin I'ceil cave & les levresarides;
Les morts & les mourans fur la terre étendus,
Et leurs triftes amis autour deux éperdus!

Quo1 que vous nous traciez , jeunes rivaux d’A pelle,


Obfervez la nature & n'interrogez qu'elle,
Marchez dans ce fentier toujours trop peu battu :
Zénon fur une ligne avoit mis lavertu,
En deca, hors de-la, tout lui paroifloit vice,
La nature eft de méme : 6 Pentre encor novice!
Apprends 4 la faifir fans jamais la forcer ,
Ceeft refter au-deflous que de la (urpafler.
28 LA PEINTURE,
Des peuples différens confultJes
e ufages,
Et le coftume empreint jufqu furesles vifages ;
Prends foin de feuilleter les regiftres des tems,
Fouille au fein dévafté des plus vieux monumens,.
Confulte ces métaux d'une forme arrondie >
.,
Multipliant les traits qu'un autre art leur confie,
Defcends enfin, defcends jufqu’en ces fouterrains ,.
Des richefles des Arts les dépots clandeftins,
Aux volites d' Héraclée , aux débris de Palmyre,,.
Par-tout ott l'on 'inftruit , par-tout
oi l'on admire.

O tems! 6 coups du fort! la Peinture autrefois ,.


La Sculpture avec elle habitoit prés des Rois
Des Romains toutes deux furent long-tems I'idole 3:
Lune de tous les Dieux peuplant le Capitole,,
Fit ployer le genou des crédules humains
Devant le Jupiter quavoient taillé {es mains;
L'autre orna ces palais & ces bains qu'on renomme,,
Des portraits de Céfar, le premier Dieu dans Rome:
Toutes deux triomphoient , mais lorfqu'en d'autres tems:
P OO EF M L 28
Rome etit tendu fes mains aux chaines des tyrans,
Quand le luxe en fes murs elit creufé tant d’abimes,
Elle perdit les Arts pour expier fes crimes;
Le Tibre préfageant fon déplorable fort
Vit l'orage de loin fe former vers le nord ;
La Peinture & fa Sceur dans cette nuit fatale
Pleurerent leurs tréfors foulds parle Vandale,
Tout fuit, tout difparut; l'une de fes tableaux
Au travers de la flamme emporta les lambeaux;
Lautre fous les remparts enfouit les flatues,
Les vafes mutilés, les colonnes rompues :
“Ces reftes précieux au pillage arrachés
Sous la terre long-tems demeurerent cachés,
Michel Ange courut, 1l perca ce lieu fombre,
De la favante Rome il interrogea lombre,
Au flambeau de I' Antique a dem: confumé
Tl alluma ce feu dont il fut anime;
De la perte des Arts fon pinceau nous confole,
Et fur leur tombeau méme il fonda leur école.
FIN DU PREMIER CHANT.
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PEINT URE

CHANT SECOND:
(; LOBE refplendiffant , océan de lumiere,
De vie & de chaleur fource immenfe & premiere ,,
Qui lances tes rayons par les plaines des airs ;
De la hauteur des cieux aux profondeurs des mers,
Et feul fais circuler cette matiere pure,
Cette féve de feu qui nourrit la nature ,
Soleil, par ta chaleur I'Univers fécondé
Devant toi sembellit de lumiere inondé;
Le mouvement renait, les diftances, Iefpace;
Tu te leves, tout luit ; tu nous fuis , tout sefface;
Le Pocte fans toi fait entendre fes vers,
22 LA PEINTUR A
Sans toi la voix d'Orphée amodulé des airs,
Le Peintre ne peut rien quwaux rayons.de ta fphere.
Pere de la couleur, auteur de la lumiere,
Sans les jets éclatans de tes feux répandus
L’Artifte, le tabl
I'Arteau,
lui-méme n'eft plus.

LaPeinture en naiflant encor foible


& rampante
Noffrit que deux couleurs fur la toile indigente ;
La pierre qui blanchit aux entrailles des monts,
Le bois noirci des feux couverts fous des gazons,,
Tels furent les pinceaux.& les couleurs ftériles,
Que l'nftin& mit d’abord en des mains inhabiles,
Et dont I'Art ne formoit que des traits indécis
Avant les jours brillans d' Appelle & de Zeuxis.
Bien-t6t I'ceil ennemi de la monotonie
Dédaigna ces tableaux fans ¢clat & fans vie,
Ou loin de la nature en voulant I'imiter,
Le Peintre la tracoit fans la repréfenter,
Et montrant les objets feulement fous deux teintes ,
LH
“Ui

Sembloit de {es beautés Ignorer les empreintes. :


POOLE MT. 23
Par-tout d'un pole a l'autre & de la terre aux cleux, =
L univers coloré refplendit a nos yeux.
Quand Voifeau de fon chant vient faluer laurore,
De quel pur orangé l'orient fe décore I
De quels feux le foleil peint les airs en marchant
Quels flots de pourpre & d'or il roule
a fon couchant? -
Sous quel afpet fuperbe il femble reproduire
L’aflemblage groffier des vapeurs qu'il attire !
Aftre inégal des nuits , quelle douce clarte
S$’échappe par les airs de ton difque argente!
Méme lor{que la nuit en déployant fes voiles,.
Fait dans un fombre azur {cintiller les étoiles
Que fur ce fonds obfcur I'ceil eft encor charmé
De tous ces pomts brillans dont le ciel eft femé’
La nature par-tout variant les images,
De diverfes couleurs a marque fes ouvrages,
La fourure du tigre & laile des oifeaux,
Et le flanc émaillé des habitans des eaux;
Par le brillant amas des divers coquillages
Cett elle qui des mers embellit les rivages,.
ww LA PEUNTURE,
Teint lor, blanchit la perle & rougit le corail ,
Nuance au vafte fein de la terre en travail
Le jafpe, le porphire, & d'une main féconde
Seme le diamant aux fables de Golconde;
Le creux des fouterrains veing par les métaux,
La furface des monts couverts de vegetaux ,
Ces jardins, ces vergers, comme tout fe colore
Sous les pinceaux d’'Opis, de Pomone & de Flore!
De quels rians tapis, de quels différens verds
Ces champs font revétus, ces vallons font couverts !
Combien l'or ondoyant de la moiflon prochaine
Fait reluire epi jauniffant dans la plane!
Que l'ambre des raifins fous ces pampres touffus
Orne fur ces coteaux les thyrfes de Bacchus!

Le Peintre contempla ce tableau magnifique,


Admira la nature, & fa touche énergique:
De la variété déployant les tréfors
Elle fembla lui dire, atteins & mes efforts.
Aux veines des métaux , aux membranes des plantes
L’Artifte
POE ME
I’ Artifte alla chercher des couleurs plus brillantes ;
Pour peindre la nature il rechercha fes dons,
Il puifa d’heureux fucs dans le fein des poifons ;
Tyr lui montra la pourpre & I'Indoftan fertile
Offrit a détremper un limon plus utile.
II fallut féparer, il fallut réunir,
Le Peintre i fon fecours te vit alors venir,
Science fouveraine, 6! Circe bienfaifante
Qui fur I'étre animé, le métal & la plante
Regnes depuis Hermés trois {ceptres dans la man,
Te foumets la nature & fouilles dans fon fen,
Interroges l'infete , obferves le foffile ;
Divifes par atome & repaitris largile,
Recueilles tant d’efprits, de principes, de fels,
Des corps que tu diffous moteurs univerfels,
Dittilles fur la flamme en filtres falutaires
Le {uc de la cigué & le fang des viperes,
Par un fubtil agent réunis les meétaux ,
Dénatures leur étre au creux de tes fourneaux,
Du mélange & du choc des fucs antipathiques
D
w LA PRINFUOARE,
Fais fortir quelquefois des tonnerres magiques ,
Imites le volcan qui mugit vers Enna,
Quand Typhon s’agitant fous le poids de Etna,
Par la cime du mont qui le retient 4 peine,
Lance au ciel des rochers noircis par fon haleine.

Tes mains favent encor, pour le plaifir des yeux,


Preparer des couleurs Paccord harmonieux 3
~ Avant que le pinceau les uniffe & les change,
Tu fais leur union & leur premier mélange ;
Le feu qui détruit tout, ici regeénérant ,
Retombe en cendre utile & forme en dévorant.
L'argile au fer s’unit, foit pour jetter les ombres,
Soit pour brunir le verd de ces feuillages fombres ;
Pour recreer nos yeux par un ciel épuré,
Le bleu qui le teindra fort du jafpe azuré;
Du plomb fort la couleur qui doit peindre Faurore,
Du marbre & de la chaux les lys doivent éclore,
Et l'aigle voit rougir le cinnabre enflammé
Qui peindra le tonnerre en fa ferre allumé.
OTHE
Artifte,, fais broyer les couleurs féparées,
Des atomes fangeux qu'elles foient epurées,
Preéfide & ces détails, eft lintérét de I Art -
Ne dédaigne aucun foin; vois cg fameux Manfart,
Pour batir ces palais fous les loix de equerre,
Le dos courbé lui-méme il faconna la pierre;
L’art feul de la tailler du tranhant des marteaux
Cimente ces chemins fufpendus fur les eaux;
Ainfi cette couleur dont la toile eft parée
Doit tout au premier foin qui laura préparée.
Connois les fept couleurs, fources des autres tons 3
Les paffages divers des divers rejettons;
Connois leur alliance & leur antipathie ,
Par quel mélange adroit on les réconcilie,
Quel eft art des reflets, leur concert & leur jeu;
L'orangé fur la toile eft-il trop pres du bleu ?
Du voifinage entr'eux la difcorde va najtre ;
Que le verd les fépare & l'accord va paroitre.

Ne mets point d'un pinceau follement enhardi


Dijj
28 LA PEINTURE,
Le champ de tes tableaux fous les feux du mudi.
Quelle couleur peindroit au haut de fa carriere,
Le front éblouiflant du Dieu de la lumiere ?
Et quand I' Aftre brilang armé de tous fes traits,
Plongeant fur notre téte te 'ombre aux objets ,
Comment nous les montrer ? Cleft lombre qui détache,
Qui fait fuir les cotés, qui préfente & qui cache.
Attends que le foleil s'abaiffant fur les monts
Ait enfin de fon globe émoufle les rayons,
Ou que d'une clarté non moins douce & propice
Aux portes du matin 'heémuifphere blanchiffe,
Ou que I'Hyade ouvrant {es réfervoirs caches,
Ait ver{é par les airs {es torrens épanchés;
Ou fous l'ardeur du jour {i tu places 'image ,
Entrelle & le foleil fais pafler un nuage.

N’interromps qu'avec art la lumiere en fon cours;


Surtout que jamais I'eeil ne rencontre deux jours ;
Epargne le carmin, trop peu dombre eft un voile,
L'objet en devient terne & fort peu fur la toile;
POF ME.
Garde ainfi que jamais le prodigue pinceau
N’y jette de lumiere un trop vaite faifceau:
Que les objets tracés refletent de leurs places
La lumiere recue a differens efpaces;;
Mefure lombre au corps, moins d ombre y doit tomber
hi § Sil le faut applatir, & plus pour le bomber;
Sache affoiblir les jours, {ache éclairer les ombres,
Que ce paflage heureux des tons clairs aux tons fombres
Se laifle {ur la toile a peine appercevorr:
Tel le jour croit vers 'aube ou décroit vers le for,
Telle alors & nos yeux la mobile athmofphere
Prefqu’infenfiblement s'obfcurcit ou s'eclaire.

Tourne ici tes regards, entre dans ce palais


Ou fur ces murs favans, par l'accord des reflets,
Rubens de Médicis fait refplendir les faftes,
Fait jouer des couleurs les habiles contraftes,
Ce font la tes lecons: des ombres & des jours:
Sa main t’enfergnera Pharmonieux concours :
Phénomene immortel, aftre de la Peinture,
wo LA PEINTURE,
La couleur fous fes doigts s'embellit & sépure ;
Prévenant les effets du tems qui la diffout,,
Comme il a colore chaque objet pour le tout !
Porte un ceil curieux fur ces riches images,
De lalumiere a 'ombre admire ces paflages;
Ou fi tu veux encore un guide plus vanté,
Prends celui que Rubens lui-méme a confulté.
Dans ce favant accord , Peintre , ou toi qui veux I'étre,
Le ciel eft ton école & le foleil ton maitre:
Confronte ton ouvrage & fon cours lumineux,
Selon que chaque zone incline vers fes feux,
De rayons inégaux il feme fa carriere ;
Ne montre comme lui quun centre de lumiere,
Que la vive clarté qui part de ce foyer
Pafle & fe communique au tableau tout entier.

Comme une voix brillante & fon timbre {onore


Ajoute a I'harmonie & I'embellit encore,
Ainfi du coloris le phofphore divin

~~
Jette un éclat plus vif fur les traits du Deflin;
spon Mr
Ces raifins font tracés & n'ont rien qui me frappe,
Mais colorez ces grains, je vais cueillir la grappe.,

Tu créas le Deflin, Amour, ceft encor to}


Qui vas du coloris nous enfeigner Ia loi.
‘O champs de Sicyone! O rive toujours chere!
Tu vis naitre 4 la fois Dibutade & Glycere,
Glycere de fa main affortiffant les fleurs
Inftruifit Paufias dans l'accord des couleurs:
Tandis qu'elle trefloit ces feftons, ces guirlandes
Qui fervoient aux autels de parure & d’offrandes,
Son amant les tragoit d'un pinceau délicat ,
Egaloit fur la toile & fixoit leur éclat :
Le Peintre aima Glycere & I'Art brilla par elle.

O couleur du jeune 4ge! O des fleurs la plus belle !


Un fang pur fur ce teint répandant la fraicheur
Par un tendre incarnat releve fa blancheur;
A ce rayon divin {ur des formes humaines
Le cceur bat, Ieeilfe trouble , un feu court dans les veines.
32 LA PEINTURE,
Mais quel vafe léger & rempli de carmin
Thémire 4 ce miroir tient ouvert fous fa main!
Elle prend le pinceau, mais la toile!... Ah! Thémire!
Thémire , arréte donc, Eh! quel eft ton delire?
Jajoute a mes appas. ... Qu'ajouter a des fleurs?
De la nature ainfi ternis-tu les couleurs 2
Hélas ! 4 peine as-tu dans les jeux de ton age
Vii feize fois encor renaitre le feullage,
Les ufages déja ces tyrans indifcrets,
Par ce faux vermillon profanent tes attraits:
Imite , imite Eglé: dans cet 4ge quivole,
De 'aimable pudeur confervant le fymbole,
Au lever du foleil, a Papproche du foir,
La moufle pour toilette, un ruiffeau pour miroir,
Contre un faule panchée, au bord d'une onde pure,
Du hile fur fon teint elle efface I'mjure.
Thémire.... ce carmin déformais innocent,
Quaux mains de la Peinture il deviendra puiffant!
Du tems fur ton vifage il elit marque les traces ;
Ftendu fur la toile, il va fixer tes graces,
Célebre
P O EME. 33
Célebre Titien, par quel charme infpiré
Tu colores les traits de ce fexe adoré!
Quand des cieux defcendue en des réduits champétres
Vénus cherche Adonis 4 lombre de ces hétres,
Et laiffant dans le bois les Amours a I'écart , |
Du Chaffeur incertain retarde le départ,
Lor{quaux bras d'un amant la Déefle senlace,
Comme fon front rougit & senflamme avec grace!
Je vois dans fon ceil bleu le doux feu du faphir,
Et fon teint pour la rofe eft pris par le zephir;
Ainfi quand le foleil fe peint dans le nuage,
Le Guebre 3 deux genoux confond l'aftre & l'image.

Eft-ce to1, Danae ? Ton pere en fon effroi


Eleve un mur d'airain entre Amour & toi :
Ah! fi toujours ce Dieu dans fa maligne joie
Trompa homme par homme & fut ravir {a proie,
Que fera la prudence & les foins d'un mortel
Contre tout le pouvoir de I Amour & du ciel ?
Par jets lor {édulteur pleut du celefte centre,
E
so LA PEINTUORE,
Mais la rufe du Dieu ne vaut pas l'art du Pentre.

Des rivages de [Hebe 8c.des fommets dHoemus ,


Accourez, accourez , Suivantes de Bacchus,
Foulez d'un pied léger les campagnes de Thrace,
De vos pas cadences derobez-nous la trace;
Des ciftres éclatans & du bruyant clairon
Le pinceau de I'Artifte a marque jufqu’au fon.

A nous peindre les cieux peu de mains font habiles:


Signale tes pinceaux dans ces plaines mobiles;
Tout depend de cet Art: de reflets en reflets
Ceeft le ciel qui commande au refte des objets.
Avant que d'y porter une main témeraire ,
Parcourslong-tems des yeuxles champs del'athmofphere,
Conforme la couleur 4 ce fonds tranfparent;
~ Sur ce vague {ubtil, fur ce flmde errant
Qui partout environne & balance la terre,
Ne laifle du pinceau qu'une trace légere,
Fais plus fentir que voir impalpable élément,
POE MIL 2%
Si tu fais peindre lair, tu peins le mouvement.

Un Ange defcend-t-il des volites éternelles,


S1 je le reconnois ce neft point a fes ales;
Qu'infenfible en fon vol fa molle agilité
Revétifle les airs & leur fluidité ,
Quill reffemble au milieu de la célefte plane
Au nuage argenté que le Zéphir promene:
Loin ces Anges pefans qui dans un air épais
Semblent au haut du ciel nager {ur des marais,
Quideleurs membreslourdsfurchangentlairquilsfendent,
Et qui tombent des cieux plutdt quiils wen defcendent.

Sous le figne bralant de la jeune Procris ,


Promenant ma penfée en des vallons fleuris,
De la votite du ciel la fcene inattendue
Vers le déclin du jour frappa foudain ma vue;
Dans les flancs du midi lorage étoit formé,
Par les feux du foleil le couchant enflamme ;
de nuage avangoit, laftre qui nous éclaire
Ei
36 LA PEINTURE,
Lui difputoit les cieux par cent jets de lumiere;
Pendant ce long combat de la nuit & du jour,
Vers Orient ferein Diane de retour |
Faifoit luire fon difque , & fa paifible image’
Servoit de demrteinte entre l'aftre & l'orage.

Quelle eft I'ame fans verve & quel eft le pinceau


Que n'enflammera pas l'afpeét de ce tableau!
Quelle indolente main pour en fixer la trace,
De la volite changeante attendra quill s'efface

Le {peltacle des airs & T'étude des cieux


Sans lafler ta penfée ont fatigué tes yeux ;
Baiffe-les vers ces lacs, tu verras la nature
Elle-méme fe peindre au cryftal d'une eau pure ;
Ce grand ceintre des airs fur ta téte enrichi
Se renverfe & s'enfonce a tes pieds réfléchi.
Peins les airs dans les eaux, le cours des deux fluides
Et le ciel vacillant fous ces ondes limpides,
Ces fleches de lumiere & leurs jets différens
POE MEL 37
Brifés contre la rive ou , dans l'eau pénétrans,
Ces deux foleils leves que Neptune offre au monde,
Un globe a Thorifon & autre orbe dansl'onde ;
De la mer en courroux ofe braver I'effort,
Sos le dernier qui tremble, un Dieu veille 4 ton fort;
Tandis que Tair, les vents & la mer font aux prifes,
Yois des flots fufpendus les formes indécifes;;
Recueille en ton efprit malgré I'effroi des fens,
Ces flots amoncelés ni fixes , ni tombans;
Obferve fous la vague & fauvé du naufrage,
Mais plein de la tempéte,, alors peins du rivage.

Quentends-je? O doux accens! 6 fons harmonieux!


Concert digne en effet de I'oreille des Dieux J
Les lauriers toujours verds dont le Pinde s'ombrage
Agitent de plaifir leur fenfible feuillage;
Dans quel contrafte heureux font modulés les fons !
Ainfi dans les couleurs fache oppofer les tons:
Cet Art eft difficile & veut plus d'une veille,
La Mufique eft image & doit peindre 4 L'oreille,
# La PEINGURE,
Toi fais de la Peinture un concert 4 nos yeux.

Arts tous deux fi puiffans, quel nceud myfteérieux,


Quelle fecrette loi I'un a l'autre vous lie ?

ry—r
Cette chaine, 6 Neuton! echappe a ton genie:
Tu dégages les cieux des atdmes preflés,
De tous ces tourbillons par Defcarte entaffcs:
La lumiere en paflant fans cefle réfraltée
Par des chocs trop fréquens devoit étre arretee: |
Ton immortel compas a trace les fillons
Par ot jufqu'a la terre elle epand fes rayons;

=r]
Mais quel eft ce rapport du fon a la lumiere 2

mie
Dalembert , Ceft & toi d’expliquer ce myflere,

fey
Recule cette borne ou s’arréta Neuton,

CS
Dis en quels points communs la lumiere & le fon
Dirigés 'un vers l'autre en leur courfe rapide
Se meuvent de concert dans le méme fluide :
Indique-nous du moins dans quels mondes jaloux
Sentend cette harmonie encor fourde pour nous.
L'ingénieux Caftel de ce jour qu'on ignore
P.O
E ME
Fit peut-étre a nos yeux luire la foible aurore.
Il €leve en buffet Pinftrument argentin
Ou Tart ingénieux d'une mobile main
Interroge I'ébene & I'yvoire harmonique ;
Au bout de chaque touche un long fil élaftique
Reépond a des rubans I'un fur l'autre pliés,
Et felon que la main par des tons variés
Sait diriger les fons que la corde renvoye,
Plus haut chaque tiff Sentrouvre, fe déploye,
Et du pourpre, du verd, de lorange, du bleu
~ Fait retentir a leeil le paflfage & le jeu.
Mais que T'aftre du jour aprés un long orage
Dans d’humides vapeurs lance au loin fon image,
Quill montre a nos regards fi doucement furpris
Ses rayons divifés fur Iécharpe dTris,
Ce grand arc qui des cieux traverfe Pétendue,
Ce prifme fufpendu dont sembellit la nue,
Ou par d’heureux accords cette couleur qui Juit
Tient du ton quelle quitte & du ton qui la fuit,
Ou par effet d'un art invifible & {upréme
vw LARPEINTUORE,
Cette teinte n'eft plus & femble encor la méme,
Ou laiffant voir par-tout d'infenfibles rapports
Le contrafte des tons ne paroit quaux deux bords,
Aux campagnes du ciel oculaire harmonie
Du concert des couleurs te montre le genie.
D'un regard créateur approfondis ces lox,
Que ce fublime accord renaifle fous tes doigts,
Et pour faire briller une toile immortelle
Voyage en des climats oti la nature eft belle.

Quand les Dieux exilés de la celefte cour


Defcendirent jadis au terreftre {¢jour,
Errans & traveftis les lieux quiils habiterent
D’une couleur plus vive auffi-tot Sanimerent,
Un air, un ciel plus pur, des beaux jours plus conftans
Dans ces climats heureux fixerent le printems ;
Apollon vit pour lui sorner la Theflalie,
Mars les bords du Strymon, & Vénus ITtalie.
Honorés par leurs pas ces magnifiques lieux
Gardent la trace encor du paffage des Dieux.
Jeune
P O FE M LC 41
Jeune homme vois l'afpe& que ton ciel te préfente ,
Fuis Paris, Londre & Vienne & leur zone pefante ,
Fuis, tes travaux fans nerf, tes pinceaux fans eclat
Porteroient au tableau I'ceil terne du climat ;
Vole aux champs d’Aufonie, aux rochers Helvétiques,
Aux bords de la Durance , aux climats Germaniques,,
Vois l'afpeét fi frappant de ces monts empourprés,
Ces pierres, ces terrains fortement colorés:
Cleft dans le fein veiné de ces vaftes retraites,
Ceeft-a que la nature appréta tes palettes.

Fin bv seconp CHANT.


SOLVAY IS INCI INN FCN TSN I ITN RN TR Ia GIN IN VIN VV ICV IV

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( LV.( o( oh im « files del, Aug. de S Aubin Seulp .
Artfte {um s mon vol au defdus dela nue 8,
CHANT TROISIEME
1 A figure eft formée & homme refte 4 naitre,
Ravis le feu des cieux, va, cours lui donner Yéire:
Dans ce corps languiffant méme fous la couleur
Fais circuler la vie & repands la chaleur,
Qu'il foit frappé par-tout de ce rayon célefte,
Que le port, le maintien, le vifage, le gefle,
Tout parle; & pour cueillir un immortel laurier
Embrafle au méme inftant , {1tu peux, U'Art entier.
Rapproche mes legons dans un méme exercice,
Le moment du genie eft celui de lefquifle,
Cleft-la qu'on voit la verve & la chaleur du plan
Fy
wg Ld PEINTURE,
Et du Peintre infpiré le plus fublime élan.
Redoute un long travail : une pénible couche
A mortiroit le feu de la premzere touche,
Souviens-toi que tu dois fouvent du méme jet
~ Imprimer la couleur & la forme & leffet.
a

Stile fils de Japet , Artifte plus habile,


at

En formant la ftatue, en petriffant largile


AEE rt

Eat dans le méme inftant animé fon deffin ;


i

Les Dieux qu'il déroba pardonnoient fon larcin.


a a
Ro

Mais comment aux couleurs, comment 3 chaqueimage


Communiquer la vie & preter un langage ?
Obferve le mortel qui privé de la voix
Sévertue & s'enonce ou des yeux ou des doigts,
Avec quelle faillie il remplace & répare
Les refus obftinés de la nature avare!
Sa langue ne peut rompre un importun lien,
Mais la voix qui lui manque eft dans tout fon maintien.
Eh bien! fi comme lui Ia figure eft muette, |
Que la Peinture parle & foit fon interprete.
Du {ceau qui la diftingue empreins la pafiion,
Peins {ous un air penfif l'ardente Ambition,
Donne a I'Effroi I'ceil trouble & que fon teint palife,
Mets comme un double fonds dans I'ceil de I'Artifice ,
Que le front de I'Efpoir paroifle s'éclaircir,
Fass pétiller 'ardeur dans les yeux du Défir,
Compote le vifage & lair de 'Hypocrite,
Que I'ceil de 'Envieux s'enfonce en fon orbite,
Eleve le fourcil de I'indomptable Orgueil,
Abaifle les regards de la Triftefle en deuil ,
Peins la Colere en feu, la Surprife immobile,
Et la douce Innocence avec un front tranquille.

Joins a I'expreffion du vifage & des traits


Une attitude heureufe & des mouvemens vrais :
Des corps fiche avec art deployer I'habitude,
Souvent le perfonnage eft tout dans lattitude.
Sifygambis tombant aux genoux du vainqueur
A déja d’Alexandre adouct la rigueur:
Scévola fans frémir tient fon bras dans la flamme,
w LA PEINTURE,
Cleft fur ce bras tendu que fort toute fon ame ;
Le poing fur fon épée Achille furieux

Pom
Semble porter la main ala foudre des Disk

Siton ceil n'a du corps pénétré la firuQure


ly Fe
ed

Tu n’as pu mi tracer, ni pofer la figure;


i!

a A
.

Et de méme au dehors tu ne peux déployer


aH

Le feu des paffions qu'en fondant leur foyer;


45

RE
AS

Defcends dans ce Vefuve, & vos dans cet abyme


a

~~
Quelle fource de feux doit jaillir a la cime.
A

hon
La paffion toujours felon l'4ge & les rangs

Pome]
Dans des fignes pareils eut des traits différens;

Co
Pour nous peindre I'A&teur mefure fon théitre,

ye
La douleur d'un Heros n'eft point celle d'un Patre ;

rd
Diftingue par le {exe autant que par [état

ar
i
Les larmes d'une femme & les pleurs d'un foldat,

ft
Le méme {entiment felon les caralteres

——
Se manifefte encor par des fignes contraires,
Ce pere en fa douleur d'un courage affuré
Peint les livades traits de fon fils expire,
POF MT 47
Toi, malheureux Dédale, auteur de ta bleflure
Deux fois tu veux graver ta fatale aventure ’
Deux fois ton ceeur fe ferre & tu fens {ur l'airain
De ta main paternelle échapper le burin.

Conferve aux paffions toute leur violence ,


Fais-les parler encor jufques dans leur filence ,
Laifle-nous entrevoir ces combats 1gn0rés,
Ces mouvemens fecrets dans ame concentres ;
Antiochus périt du mal qui le confume,
Tous les fecours font vains, le coeur plein damertume
Son pere leve au ciel fes regards obfcurcis,
Auprés d’Antiochus Erafiftrate affis
Interrogeant le pouls de ce Prince immobile
Ne fent battre qu'a peine une artere débile;
La Reine I'ceil humide & d'un front Ingénu
Paroit, le pouls s’éleve & le mal eft connu.

Pour tracer ces tableaux d'un crayon plus fidele


1 faut obferver l'homme & dans plus d'un modele,
2 LA PEINPURE,
Parcours ce labyrinthe & fes trompeurs chemins
Diverfement coupes chez les divers humains;
L’homme differe d’'ame autant que de vifage,
Ceft le méme rapport & c’eft une autre image,
Tu deflines le corps , mais ton ceil fert ta main;
Lame feule voit 'ame, elle échappe au deflin.

Eh! comment donc la peindre ? II faut fentir tol-méme:


Tu ne peux la faifir fans cet infin fupréme.
Sully juftifié tombe aux pieds de Henri,
Confus de fon erreur le Prince jette un cri,
ss Leve toi, lon croira que ton Rot te pardonne.
Noble & fublime élan que I'héroifme donne!
Comment nous peindras-tu ce mouvement foudain
Sil'ame de Henrin’a paflé dans ton fein,
Si du fonds de ton coeur ce récit plein de charmes
A ton ceil hume&é n'a fait monter les larmes ? |
Le coeur vil & pervers fous le vice abattu
Jamais d'un trait profond ne peignit la vertu,
Si des cieux un moment il approchela {phere
POE MEL 49
1 Y porte avec lui les vapeurs de la terre.

Le plus beau droit de I'Art eft d’orner les autels,


Ces afyles ouverts aux fragiles mortels,
Ou fatigué du choc des pafiions fatales
L’homme vient repofer du moins par intervales e
.

Sois faifi de refpe& & dans ces lieux divins


Songe que tu réponds des regards des humains.
La leur vue attentive & toutes leurs penfces
Sur d'auguftes tableaux doivent étre fixédes.
Si arrive pourtant dans ces temples de paix,
Que vois-je fur les murs? les plus affreux objets,
Les fureurs des tyrans , I'invention des crimes,
Les génes, les buchers & le fang des viltimes,
Et toujours vingt bourreaux pour un héros chretien.
Ah! quaujourdhui le Ciel mon guide & mon foutien,
A qui peut-étre ici ma voix fert d'interprete,
Ala lyre en mes mains na-t-l joint la palette !
Jirois & de ce pas, jirois dans les lieux faints
Effacer fur les murs le fang dont ils font teints,
G
wo Lda PEINTURE,
Ces arénes d’horreur, ces barbares exemples
Faitspour ceil des Nérons & quionvoitdans nostemples.
Peintre aveugle , en m'offrant ces fero€es tableaux,
Quelle eft donc la vertu quinfpirent tes pinceaux?
Quand Sparte a la viftoire aguerriffort les ames,
Lorfque du vrai courage elle y verfoit les flammes,
Etoit-ce en prefentant des champs couverts de morts,
Des foldats dont la guerre ett mutilé les corps ?
Ouvroit-on les tombeaux? on montroit les trophees.
Donne un méme ¢guillon aux ames echauffees,
Enleve fous nos yeux dans le {¢jour divin
Les heros de la Fou les palimes a la main;
Ou {i tu veux montrer quel fut leur facrifice,
Peins-les devant leur Juge & non dans le fupplice;
La marque leur conftance ainfi que leur efpoir,
Voila de leur vertu le fidele miroir;
N’en prefente point d’autre & rends-leur ces hommages,
Sers la Religion fous de douces images, |
Entends, remplis la loi de fon Auteur divin,
Pens le Juif fecouru par le Samaritain ,
PO EME
L'humanité toujours au fublime eft unie,
Soils fenfible , fans lame il nef} point de génie.

Quand tu ne peindras pas la vertu fous fes traits ,


Peins la nature, elle a d’invincibles attraits,
Son image nous charme, elle n'eft jamais vaine ,
Et méme i la vertu fon afpelt 110USs ramene.

Mais fi tu veux m’offrir, loin du bruit des cités,


Du fpe&tacle des champs les tranquilles beautés,
Degage de tout {oin ton ame libre & pure
Et mets-la dans ce calme ou tu vois la nature;
En vain a l'oblerver ton ceil seft attaché,
L’ceil fera trouble encor fi le coeur neft touché.
Eh! dot vient que Berghem eft au rang de tes maitres 2
D’ou vient quil a regu des Déités champétres
Le feuillage immortel qui verdit fur fon front 2
Il connut, 1l peignit ce fentiment profond,
Il Tepancha partout fous fes touches divines,
Il eut pour atelier le fommet des collines;
Gij
42 ‘LL A PEINTURLE,
Epris de la nature & plein de fes attraits
Ceéroit-la quil tragoit de fes pinceaux fi vrais
Les mobiles afpe@s des nuances céleftes,
Le repos d'un beau foir fur des fites agreftes,
ei Wie

La monture du patre & les bélans troupeaux


DY
7s

Par des chemins fleuris regagnant les hameaux,


a
“dha
I

Et ce filence heureux d'un vafte payfage


RRR
AY

Des premiers jours du monde attendriffante image.

As-tu cette ame forte & cet inftin&t hard


Par qui tout eft of¢, tout eft approfond:?
Va, cherche la nature ou bizarre ou fauvage,
Joins fon genie au tien pour faifir fon ouvrage :
Montre vers le Jura l'accord de deux faifons,
La verdure a tes pieds, la glace au haut des monts ,
Le fracas des torrens vomiflant de ces cimes
Leurs flots retentiffans tombant dans ces abymes,
Ces rochers {ufpendus menacant 4 la fois
Le ciel de leurs fommets, la terre de leur poids.

L'cel eft le vrai depot de la mémoire humaine,


P O ELAM LI 43
Mais il veut des objets, des tableaux qu'il retienne,,
La nature ammee & les traits importans,
Tout ce qui nous mftruit, voila ce que jattends.

Tu peins les animaux , que leur inflin& paraiffe::


Sur fes genoux ployes que le chameau sabaifle,
Et préte un dos convexe 4 d’¢énormes fardeaux;
Que vers le Labrador & fur le bord des eaux,
Le caftor architeéte-aufli prudent qu’habile
Cimente cette digue & fe forme un afyle.
Jaime a voir fous leurs traits le courfier valeureux,
Le chien reconnoiffant, 'éléphant généreux;
Que la toile en un mot jamais vuide & deferte
Des faits, des verités {oit une ecole ouverte :
Sur un objet oifeux quand tu perds tes pinceaux,
Je crois voir Philo&ete aux rives de Lemnos
Lancer obfcurément contre une foible proye
Ces fleches dont le fort eft de renverfer Troye.

Ce eft pas cependant que d'un front fourcilleux


w# LAPEINTBURE,
Je profcrive les traits d'un badinage heureux ,
Telle image a la fois eft frivole & piquante;;
Les Grecs ont admiré le tableau de Timante.
Polyphéme s’endort, du colofle etendu
Dans la forét au loin le corps eft repandu;
Les Satyres légers sattroupent en filence
Immobiles autour de fa ftature immenfe,
Quel eft de leurs regards I'étonnement profond !
L’un obferve fon ceil ifolé fur fon front, |
L’autre le thyrfe en main & d’efpace en efpace
Toile du vieux Pafteur la gigante{que mate.

Epoufe d’ Anrimaque au vallon de Tempe,


De ton air raviflant que mon ceil eft frappe!
Moitié nymphe aux beaux yeux, moiti¢ courfier {uperbe


i
Ta croupe sarrondit nonchalamment fur 'herbe;
Tes fils preflant ton fein de lalevre & des doigts
Sucent avec le lait la rudefle des bois;
Le Centaure forti de la forét voifine
Paroit a demi corps au dos de la colline,
POEME tes
Tient en lair un Lion quil perca de fes dards,
Ses fils ont appergu , quel feu dans leurs regards!
Le Centaure fourit a leur naiflante audace,
Dans leur ceil qui pétille il reconnoit fa race.
Je vois avec plaifir ces traits ingénieux
Ou la faillie attire & captive les yeux.
Calot méme entrainé par fa verve burlefque
Me plait par les ecarts de fa touche grotefque,
Lor{quil peint de démons Antoine harcelé,
L’Enfer en mafcarade & le Saint defolé.

Commeonvoitdedeux jourslarencontre imprudente


Offufquer les objets que la toile préfente ’
Garde que le fujet qui doit feul nous fixer
Dans un autre jamais n'aille sembarraffer;
(Qui montre deux fujets les confond & les cache,
L'unité! lunité! Ceft ainfi qu'on m’attache,
Sans elle rien ne plait, fans elle rien n'eft beau,
Un feul fait au théatre , un feul dans le tableau.
Mais ne vas pas non plus fur la toile imparfaite
LA PEINTURE,
Inquiéter ma vue a demu fatisfaite,,
Que du fujet entier le tableau foit rempli.

Ceeft peu de l'unité sil eft trop embelli,


$i 'amas faftueux d'une fauffe richefle
Etouffe imprudemment le fonds qui m'interefie ;
i

Loin les ornemens froids, les détails fuperflus,


es Ea

Tout ce qu'on peint de trop pefe fur les tiffus.


A
a PAA ME
43

O! fublime Pouffin dans tes males ouvrages


Tu n’as point au hazard jetté les perfonnages;
Peins-tu les eaux du ciel fummergeant univers?

Vers ces triftes fommets déja prefque couverts,


Au peu dhumains épars fur l'abyme de londe
Je reconnois d’abord le naufrage du monde.

Dans un moindre naufrage au défaut des grands traits


Horace eft indigné que l'on foigne un Cypress;
Dans ce Pentre infenfe c’eft fouvent tor qu'il nomme:
Songe al'objetpremier, peinsleslieux, maispeins’homme;
L’homme
PO E ME: 37
L’homme eft I'étre fenfible , & fon afpe& aim
é
Porte un charme fecret {fur 'étre inanimé.

Aux flammes dans la nuit cette ville eft en proye,


Que la lueur au loin dans les airs fe déploye,
Et que par tourbillons les vents roulent les feux.
Mais peins plus fortement des objets plus affreux,
Le Citoyen fuyant loin du toit qui s'embrafe,
Ceux que furprend la flamme ou que la pierre écrafe,
Ceux a qui fous les pieds le feu rompt les chemins
Et qui reftent aux ais fufpendus par les mains;
Qu’un autre furle feuil d'une porte enflammeée
Tombe étouffé foudain par des flots de fumée,
Que la mere tremblante, un enfant dans fes bras,
Un autre a fon c6té précipite fes pas.
Fais defcendre un vieillard par ce mur que Ion brife,
Et qu'un nouvel Enée emporte un autre Anchife.

Veux-tu peindre a cote de cet affreux tableau


Dans le méme défaftre un {pettacle nouveau?
H
58 L APEINTURE,
Que le pitre au matin vers ces vaftes ruines
Apportant les tributs des campagnes voifines,
Voyant encor les airs par la cendre obfcurcis
Immobile d’effroi refte au pied du glacis;
Peins les femmes en pleurs dans 'horreur abforbees
tombées.
Ft de leurs bras tremblans les corbeilles

Mais il eft des objets, mais il eft des tableaux


Sur qui la main ftérile ufe en vain les pinceaux,,
Change de route alors & qu'un beau {tratagéme
~ Remplace fous tes doigts I Art qui manque a lui-meme.
Le Poéte doit peindre & le Peintre exprimer; |
Sil eft quelques objets qu'il ne puifle animer,
Connois mieux la Peinture , elle a {a réticence
Et tire fon fecours de {a propre impuiffance.

Iphigénie en pleurs fous le bandeau mortel


De feftons couronnée avance vers l'autel;
Tous les fronts font empreints de la douleur des ames,
Clytemneftre fe meurt dans les bras de {es femmes,
P.O EMM T. 49
Sa fille laiffe voir un défefpoir foumsis,
Uliffe eft confterné , Ménélas, tu frémis,
Calchas méme eft touché : mais le pere, le pere! ...
Dratteindre a fa douleur I'Artifte défefpere ;
Il cherche, héfite, enfin le génie a parlé;
Comment nous montre-t-il Agamemnon? Voile.

Viens admirer encor dans un nouveau {peftacle


Les reflources de I'Art vainqueur d'un autre obftacle:
Condé dans ce beau lieu que Santeuil a chanté
Refpire en vingt tableaux favamment imité;
De Lens & de Rocroi que les palmes font belles!
Que l'on aime 4 tracer ces tiges immortelles!
Mais quand du fang francois il a rougi fon bras
Force d'abandonner les courtines d’ Arras,
Quand il laiffe en partant fur fa trace guerriere
Un fillon mélangé d'ombres & de lumiere :
I faut le peindre encor ce grand homme égaré.
O Condé! par ton fils le Peintre eft infpiré:
Tes faftes dans les mains la Mufe de Thiftoire
Hy
60 L4 PEINTURE,
Déchire le feuillet qui terniroit ta gloire.

Ainfi I'Allegorie au befoin fervit I'Art,


Mais fouvent un Artifte imagine au hazard,
Et pour m’embarrafler par une énigme vaine
Se perche avec le Sphinx fur la roche Thébaine;
Mon ceil impatient par la toile offufqué
Laiffe dans fes brouillards le fens mal ndique :
Le fens doit €tre clair quoiqu'il change d'organe,
L’Allegorie habite un palais diaphane :
Franchis par fon fecours des obftacles nouveaux ,
Donne par elle un corps & des étres moraux,
Mais {ans tenvelopper trop fouvent de fon voile,
Je hais le Peintre froid embarraflant la toile
Dont le génie étroir fur l'embléme guindé
A fans cefle ou fa Nymphe ou fon monflre affidé:
Cleft toujours ou lion, ou firene , ou furie,
Cleft toujours 'abondance & fa corne fleurie.

De trois fils divifés Forgueil envenimé


P.O EM LE 61
Fait rendre la couronne a leur pere allarmé;
Sur la téte du Roi file crayon la pofe
Tu n'offres a mes yeux nile fair, nila caufe;
Eh bien! que la Difcorde aux ferpens pour cheveux
~ Ombrageant de fon aile un tréne malheureux,
De fes livides mains place le diadéme
Sur le front du Monarque aux yeux de fes fils méme,
Mais quand I'hiftoire enfeigne & parle avec clarté,
Jamais mieux qu'elle alors tu n'auras inventé,
Et ta main I'imitant {ans paroitre fervile
Cuelille encore avec gloire une palme facile.

Il eft une ftupide & lourde Déité;


Le Tmolus autrefors fut par elle habité;
L’Ignorance eft fon nom: la Parefle pefante
L’enfanta fans douleur au bord d'une ean dormante :
Le Hazard l'accompagne & I'Erreur la conduit,
De faux pas en faux pas la Sottife la fuit.
Ne laiffe point guider par {es mains téméraires
La main que la Peinture admet 2 fes myfteres. ’
62 LA PODINTBURLE,
La Science toujours fut la bafe des Arts,
Ne vas point, jeune Eleve, en d'imprudens ecarts
Brouiller les pas du Temps dans le champ de P'hiftoire,
Couvrir d'un baudrier les Soldats du Prétoire,
Teindre des mémes eaux le fleuve & l'océan,
Marquer des mémes feux I'éclair & le volcan,
Sur un fol étran ger tranfportant les Driades ,
Ombrager de foréts les planes des Orcades,
Faire afleoir I'Troquois au milieu des ormeaux,
Ou planter le palmier au bord de nos ruiffeaux.
Debout derriere toi le Ridicule veille,
Il perce de fes traits I'Artifte qui fommeille;
Quel que {oit le laurier que le Peintre ait cueilli
L’erreur de fon crayon n'eft point mife en oubli,
Le tableau I'éternmife & cette flétriflure
Eteint plus d'un rayon fur le front d’Albert-dure.

Ofe, ceft-li ta gloire , & eft un de tes droits,


Mais des chemins nouveaux il eft un heureux choix;
Ofe , mais du vrai feul garde toujours la trace,
POL. ME 63
Guide toujours de I'ceil les écarts de l'audace,
Ne vas point accoupler la panthere & l'agneau,
Mettre en un méme nid l'aiglon fous I'é¢tourneau,
Travetftir fous les traits d'une grace mondaine
Madelaine en Lais, ou Therefe en Helene.
Loin de nous tout abfurde & téméraire objet;
Tu pens la vérité , refpette ton fujet.
Du facré, du profane évite le mélange,
Ne renouvelle point erreur de Michel- Ange;
Il peint au dernier jour le Juge des mortels
Defcendant pour fixer leurs deftins cternels,
Les morts avec effroi ranimant leur poufiiere,
L’inexprimable horreur de la nature entiere,
La terre tout-a-coup séchappant de fes gonds ,
Le foleil de fa {phere & les mers de leurs fonds,
Et le Peintre a fouillé ce tableau redoutable
Par les {pe&tres impurs & l'enfer de la fable ;
A ce bizarre afpe& la Raifon s'indigna,
Et le voile baiffé la Pudeur s’¢loigna.

Ce n'eft plus la raifon ni le gotit qui murmure,


on LA PEINTU RE,
Ce n'eft plus la pudeur, yentends de la nature
Ft de lhumanité les lamentables voix ;
Pour peindre un Dieu mourant fur le funefte bois
Michel- Ange auroit pul... Le crime & le genie!
Tais-tor, monftre exécrable, abfurde calomnie
Quel chef-d'ceuvre de Art etit jamais efface
Une goute du fang que le Pentre elit verfe ?
Que nelit-on vii plutodr dans ce delire extréme
Sécher la main du Pentre & perir Art lui méme!

Habile a te tracer de fublimes lecons


Jule pour les grands traits fut tailler fes crayons,
Lor{quil fuit Raphaél, Jule foible & timide
Se traine obfcurément loin des pas de fon guide,
Tant le genie eft fait pour marcher fans appui
Et chancelle toujours dans le fillon d’autrui!
Mais a lui-méme enfin quand Jule s'abandonne,
Pocte dans fon art de quels traits il étonne !
Comme de fon pinceau la verve & la fierte
Eclate avec fplendeur dans le palais duT!
Comme
POEME
Commeil peint les Titans frappés par le tonnerre ,
Des monts qu ls entafloient renver{és vers la terre,
Les troncs d'arbre, les rocs échappés de leur main,
Les courfiers du Soleil difperfés & fans frein!
La foudre tombe au loin, & le jour qui segare
Par la voiite rompue entre & luit au Tenare,
Cybele avec effroi prefle du haut des airs
Ses lions en écume a travers les éclairs,
La mer s'enfle & bondit en montagnes humides,
Les vagues ont brifé le char des Néréides,
Et la terre fanglante ébranlée en fes flancs
S'affaifle fous le poids des colofles fumans.
-

Eft-ce une illufion ? Quelle douce magie,


Quel charme me tranfporte aux bofquets d'Idalie,
Dans Ia troupe enfantine & des ris & des jeux,
| Aux autels de Venus pres des amans heureux !
La foule des Amours de tous cbtés affiége
L'atelier de I Albane & celui du Correge ;
Les uns pour les pinceaux taillent le myrthe en fleur,
I
%¢ LA PEINTURE,
D’autres fur la palette étendent la couleur,
Celui-ci d'un genou qu'avec peine il avance
Veut drefler A lui feul le chevalet immenfe,
Il fue, il fe dépite, il fouleve a moitie,
Par fon adrefle enfin la machine eft fur pié.
Celui-la pour tracer un portrait de fa mere
Du Pentre gravement conduit la main lé¢gere,
Plus il eft {érieux , plus fon air eft charmant ;
Cet autre plus badin va, vient étourdiment,
De fon leger flambeau tire des etincelles,
De crayons plus aigus fait des fleches nouvelles,
Touche, dérange tout par fes folatres jeux,
Il a diftrait PArtifte & louvrage en eft mieux.

Que n'ont pomt fu tracer fur la pierre ou la toile


Ces Carraches de Art triple & brillante étoile,
Ce Paul ne dans Vérone & que rien n'a diftrait
Du laurier qu'il difpute 4 ce fier Tintoret!
Rubens dont le génie énergique & fertile
Fut toujours fecondé par fa touche facile,
PrP OE. ME
Le Peintre de Bruno qui vit de fes foyers
Des Artiftes Romains les chefs-d’ceuvres altiers ,
Et s’¢leva lui-méme aux prodiges du Tibre;
‘Holbein dont le crayon fut fi male & fi libre,
Ces deux Baflans fi vrais, cet heureux Vauwermans
Qui peigmit des courfiers jufqu’aux henniffemens,
Le Pouffin qui toujours fans éleve & fans maitre
Del Art chez les Francois tient le fceptre peut-étre,
Ce brillant le Lorrain au pinceau fi flatteur,
Rimbrant de la lumiere heureux diftributeur,
Le Primatice épris des beautés de I' Antique,
Deftrutteur du faux gotit & du crayon gothique,
Vendeik qui nous montrant le beau dans tout fon jour
De la force 4 la grace a pafle tour 4 tour,
Ce Vinci fi corre&, celui qui né dans Parme
Sur fa toile ¢légante a femé tant de charme,
Ce Guide plus touchant, ce hardi Salvator,
Et le Dominiquain méditant fon eflor,
Qui laiffa fi long-tems fes travaux fous un voile,
Pus deploya foudain les tréfors de la toile;
ij
68 LA PEINTURE,
Ainfi laigle cache dans les foréts d’'Ida
Pour prendre un vol plus haut fouvent le retarda.

O puiffance de I'Art! véritables prodiges!


O le plus feduifant , le plus doux des preftiges!
Plus ona fu cacher les fecrets du pinceau,
Plus il produit Ierreur, plus fon triomphe eft beau.
Trompe par les raifins I'oifeau vole au treillage ,
L animal belliqueux hennit a fon image;
Et I'ceil du connoiffeur & l'eeil du villageors,
La fcience & Iinftin& font féduits 3 la fois.
Créateur des objets dont il eft le copifte
L'Art a trompé la brute, il va tromper I'Artifte :
Zeuxis , tu cours lever ce magique rideau,
Il ne cache que Art, ce voile eft le tableau.

Zirphé plus fraiche encor que la rofe nouvelle,


La charmante Zirphé, fille d'un autre Apelle,
Dun feul de fes regards attiroit tous les voeux,
On afpire a fa main; mais quel amant heureux,
POEBME | fg
Quel Pentre dans fon Art fcaura vaincre le pere ;
Ceeft la lor qual impofe & hymen fe differe.
Un Eleve timide, hélas! loin de l'efpoir,
Des charmes de Zirphé fentoit tout le pouvoir,
L’adoroit en filence, &la belle mgenue
Sur lui comme au hazard laiffoit tomber fa vue;
En l'abfence du Pentre il entre en fon réduit,
Prend le pinceau, hazarde, il acheve & s'enfuit:
L’Artifte impatient que fon zele rappelle
Revole a l'atelier , a la Vénus nouvelle,
Dont 1l arrondifloit les contours animés,
Jouiffant des appas par lui méme formés;;
Mais un infeéte ailé fur la gorge repofe
Vers le point ou les lys laiffent fleurir la rofe,
Le Peintre appergoit & du bout de fes doigts
Du tableau qu'il effleure il le chafle deux fois. ...
Mais quelle illufion! quelle furprife extréme !
La mouche eft immobile, il le devient lui-méme :
Bientot Fétonnement a fait place au courroux,
L’Eleve alors tremblant paroit , tombe a genoux,
7 La PBINTURE,
Cleft mot... Ceft tor! Quentends je? Il{e tait,sembarrafle,
Admire, réfléchit, le releve & lembrafle;
Sois I'époux de ma fille. Ah! vous comblez mes veux.
L’Amour rit, I' Art triomphe & trois ceeurs font heureux.

Des yeux qu'il a féduits I' Art pafle jufqu’a I'ame,


Des paffions quil pent 1l y verfe la flamme,
Le courage, l'effroi, la haine , l'amitié,
Et I'ndignation, la crainte & la patie.
Combien le cceur ému s'ouvre a cet Art célefte!
Jufqu'otr va fon pouvoir! tout en parle & l'attefte;
La loi qui dans Athene interdit les pinceaux
Aux doigts qu'avoient durci les ferviles travaux,
La toile hofpitaliere au Temple de Carthage
Raflurant les Troyens fur un nouveau rivage,
Protogene en honneur & de {on atelier
Sauvant Rhode lui feul des affauts du bélier,
Alexandre effray¢ par l'image {anglante
Du trifte Palamede immol¢ dans fa tente,
Croyant revoir le fang dont lui-méme eft fouille,
POFEMLE
Dans fon fein tout & coup le remords éveillé;
Porcie 4 fon époux sarrachant en Romaine,
Et dans le méme jour ne refpirant qu’ peine
Au tableau des adieux d’Andromaque & d'He∨
L'image d'un foldat eft plus puiffante encor,
Elle arme un peuple entier vi@orieux davance ::
Pierre dans Pétersbourg , Médicis dans Florence
Appellent la Peinture & d’un de fes regards
Elle femble allumer le pur flambeau des Arts;
Aux lieux qu'ils habitoient fait revivre leurs traces
Et ranime le Rufle engourdi fous fes glaces.
Jeune Eleve, cours donc, cours faifir les pinceaux,
Vole, appréte a ton Art des triomphes nouveaux.

Un autre Art né du tien semprefle a reproduire


En cent lieux différens le tableau qu'on admire;
Par lui bravant le fort & fes coups imprévus
Tu vis ou tu nes pas, tu vis quand tu nes plus,
La toile fe confume & ton ouvrage dure:
Ainfi perit chaque étre & jamais la nature,
vw Ld BEINTURE,
A Tafpebt des talens couronnés avant toi
Redouble de courage , agis , cherche, conco1:
He! dans le champ des Arts quel prix, quelle vi&toire
A jamais épuifé les moiffons de la gloire ?
Elle tient des lauriers toujours préts pour ton front,
Féconde le terrein, les palmes y croitront.

Par les traits immortels qui les cara&érifent


Vois briller ces efprits que les cieux favorifent,
Ces celebres humains créateurs dans leur Art
Eleveés fur la foule & comptés d'un regard,
Montrant par leur efor la diftance fine
Des efforts du travail aux ¢lans du génie,
Planant fur Univers les flambeaux dans les mains,
De la hauteur des cieux éclairant les humains.
Ofe les égaler en t'élevant fans guide,
L’Envieux palira devant ton vel rapide,
Alors on fentira fous tes briilans pinceaux
‘Ton ame toute entiere éparfe en tes tableaux.
Surtout {i jufquici la nature tracée
Te
PO EME 73
Te laifle fans fecours 3 ta vafte penfee,
$l faut que ton pinceau plus hardi fous ta main
Tienne de 'Infini dans un ouvrage humain,
Et peigne & vivifie une image immortelle
Dont tes débiles yeux n'ont pu voir de modele.

Quel nouveau Raphael pourra montrer encor


Le Chrift transfiguré fur le haut du Tabor ?
Lair s’épure & blanchit ; d'une {plendeur divine
Son corps , fon vétement tout 3 coup sillumine,
Son vifage éblouit, Péclair part de fes yeux;
Le Dieu tient en fufpens les Puiflances des cicux.
Ses Difciples tombés le front dans la poufliere
Reftent comme aveuglés fous ce poids de lumiere:
Le Peintre foutient feul ce célefte appareil :
Une fois I'ceil de Thomme a fixé le {oleil.

Moi-méme je le fens, ma voix seft renforcée )


Des efprits plus fubtils montent 4 ma penfée,
Mon fang s’eft enflammé plus rapide & plus pur,
K
g¢ LTAPEINTURE
Ou plutdt j'ai quitté ce vétement obfcur,
Ce corps mortel & vil a revétu des ailes,
Je plane, je m’éleve aux fpheres eternelles,
Déja la terre au loin n'eft plus qu'un point {fous moi:
Génie! oui d'un coup d’ceil tu m’égales a toi;
Un foyer de lumiere éclaire I'etendue.
Artifte, fuis mon vol au-deflus de la nue;
Un feu pur dans l'ether jailliffant par éclats
Trace en fillons de flamme, INVENTE, TU VIVRAS.

FIN
DU TROISIEME ET DERNIER CHANF.
73

NOTES,
CHANT PREMILDR

Page premiere, vers 7.


Tot qui pres d'une lampe & dans un jour obfcur
Vis les traits d'un amant vaciller {ur le mur.

Ic eft dans [a maniere des Poétes de ramener I'invention des Arts 4


un fait particulier 5 ainfi l'on a adopté dans le Poéme cette origine de
la Peinture, d’autant plus que cette origine poétique etoit encore
naturelle, & ce fait particulier une indication générale. L'ombre qui
deffine les objets & imite leur configuration devoit donner l'idée du
deffin. Quand on cherche la fource des Arts, il faut toujours exami.
ner ce que la nature a offert univerfellement de plus propre a faire
naitre les idées d'imitation. Elle aime 4 fe repréfenter elle-méme par
les reflets, par les jeux de lumiere & d'ombre qui retracent les
corps: leur répétition plus parfaite & plus marquée dans les eaux a di}
Cure furtout un des objets qui ont frappé les hommes; a ces images
~naturelles fe font joints les combinaifons de Pefprit, les hazards heu-
reux, & la Peinture s’eft perfetionnée.

Ky
6

Page 2, vers 15.


Henreux pere! tu vis ce prodige nouveau.
Le pere de Dibutade éroit Potier de terre dans Sicyone , ville du
Peloponnefe,

Page 3, vers 3.
D’abord 4 la Peinture on ne pouvoit atteindre.
La Sculpture eft une copie plus matérielle, plus palpable de la
nature |, elle eft fufceprible de tous les points de vue,
elle laifle juger
fes dimenfions, elle parle immédiatement aux fens; elle a
di prece-
der la Peinture & &cre le fonds de cet Art,
Raphaél jugeoit qu'il y avoit bien plus de vérité dans la Sculpt
ure,
parce quelle eft mefurable & qu'il femble que le toucher en puifle
dé-
cider autant que la vue; la Peinture I’a confultée pour acquér
ir lillu-
fion des reliefs, cleft pour cela que les Eleves comme
ncent toujours
a travailler fur ce quonappelle la Boffe.
Mais d’aprés ces réflexions méme, ne pourroit-on
pas penfer que
la Peinture eft plus furprenante d'avoir tenté Pimit
ation fans les
movens matériels de la Sculpture, quil a fallu plus
de fagacité pour
faire paroitre un corps bombé fur une furface
plate, & porter 11 ih
fion jufqu’a nous dérober ce qui dément dans objet
imité le rap-
port avec objet réel?
‘Le champ de la Peinture eft valle , elle peint
la terre, Peau, Pair
& le feu; la Sculpture bornée 4 "élément de Ia
terre, ne peut rien
imiter dans les trois autres,
77
De méme que la Peinture a exigé plus de combinaifons de la part
de I'Artifte, il femble auffi que {es ouvrages ne puiflent étre fentis
que par des yeux déja exercés.
Dans la Peinture, c’eft Pefprit qui enfeigne aux yeux a voir; en-
fant peu frappé de cet Art, a_befoin qu'on lui fafle diftinguer les
objets {ur un tableau » comme les rivieres fur une carte de Geogra-
phie;s & fi lorfqu’il entre A la vie il lui faut une forte d'apprentiffage
pour parvenira voir méme les objets naturels, combien lui faut-il
plus d’étude pour s'inftruire a difcerner ceux qui ne font quartificiels !
Le mechanifme de I'habitude eft donc néceffire pour jouir de la
Peinture. Ainfi cet Aveugle a qui on avoit levé les cararadtes & qui
fut long-tems 4 apprendre a voir, n’appercevoit dans les tableaux
qu'une confufion de couleurs; fi pour premier effai d’objets artifi-
ciels on lui efit préfenté des ftatues colorées ou drapéesa la maniere
qu'il connoiffoit déja dans les figures naturelles, fes fens euffent ded
{lrement plus acceflibles a ce genre d’Imitation.

Page 4, vers 11.


Ecoute, jeune Eleve, il eft plus d'un pinceau.
Sil eft a craindre de fe méprendre fur fon talent, il ne left pas
moins de fe tronfper fur le choix du genre s I Albane étoit né pour les
images douces, comnie Jules Romain pour les tableaux de force;
mais quelquefois on fe pique d’émulation pour un genre plus élevé,
fans fonger que ce n'eft pas le genre, mais le talent qui fait le mérite
de PArtifte. Un Peintre qui aime véritablement la oOgloire & fon Art,
”w
cherche la perfection & ne facrifie pointa une prérention vaine les
fucces quiil peut efpérer dans un genre moins élevé auquel il eft
propre.
Cependant quel que foit celui qu'il choififfe, il ne doit pas telle-
ments’y renfermer, qu'il néglige de s'inftruire dans certaines parties des
autres genres {upérieurs ou inférieurs , auxquels le fien tient néceflai-
rement par quelque c6té ; il doit connoitre cette maxime: ce gu’on
ignore nuit & ce que Lon fait. Il y auroic de la pédanterie 4 fe circonf-
crire , & ce weft jamais A la rigueur que l'on doit croire a la diffc-
rence des genres. L’Artifte doit favoir sélever ou defcendre pour
{uffire lui feul a fes compofitions. Le Titien peignoit l'hiftoire & ne
dédaignoit point le payfage, il s'appliquoit aux figures & ne négli-
geoit point les animaux; il n’eut point laiffé faire a un autre les par-
ties d’Archite&ture, il ne connoiffoit point ces exclufions & cette
géne ‘qui Otent 'enfemble du tableau , il ne dependoit que de
lui-méme.

Page §, vers 14.


Un fidele crayon m’'attachant de plus pres
Sous mes yeux etonnes a reproduit mes traits.

Le genre du portrait a eu moins d’eftime, parce qu'il eft borné


communément a des intéréts particuliers: L’Artifte ne traitant point
un {ujet qui foit fous les yeux de tout le monde, & qui mette de
méme fon ouvrage en vue, a peu de motifs d’émulation. Ce genre a
cependant un avantage général, un intérée de tous les tems, celui
79
de tranfmettre a la poftéricé l'image des grands hommes; & d’aprds
cette idée on voit méme un encouragement plus puiffant pour le
Peintre de portrait que pour les autres, en ce que peignant les hom-
mes de fon tems, & les hommes ne pouvant Etre peints que par ceux
qui les ont vus, I’Artifte eft slir de refter modele.
En effet les fujets généraux & connus appartiennent aux Artiftes
de tous les tems, ils font toujours au dernier qui les traite, $l fur~
pafle fes prédécefleurs: les Peintres de ces genres peuvent donc pen-
fer qu'on repétera leur tableaux d'une maniere plus heureufe; car
qui peut fe flatter d’avoir pofé la borne des Arts: Mais celui qui
peint un illuftre contemporain ne laiffe point fon ouvrage a refaire:
nul n’ofera toucher a cette imitation immédiate de l'objet, fon fujet
weft qua lui: que de motifs pour perfeionner fon tableau! la cer-
titude d’aller a 'immortalité avec celui dont il conferve les traits, Ia
gloire de confacrer la mémoire de ceux qui font chers a Thumanité,
avantage qu'il trouve pour fon Art méme, d'avoir 4 peindre des
hommes que I'adivité de leur vie & énergie de leur caratere n'a
gueres pu laiffer fans phyfionomie.

Page 9, vers premier.


Mais que dans le tableau la figure premiere
Frappe d’abord les yeux par fa vive lumiere.
L’Abane avoit peint le fite d'un tableau ou le Guide devoit pein-
dre une Ariane 5 mais quand le Guide eut v( la beauté du fite, il
fentit la difficulte de le furpaffer; & treuvant le tableau fini, tout
So
nu qu'il €toit, il refufa d’y ajouter Ia figure ; Cleft qu’il connoiffolc
Part de fubordonner, & quiil prévoyoit quelle n’attireroit point les
premieres attentions. Dans le payfage les figures doivent céder au
fice , dans un fujet hiftorique le fite doit céder aux perfoninages.

Page 9, vers 12.


Ferrein * obferve aupres, la mort tient le flambeau.
* Ce célebre Anatomifte , également connu par fon profond fa-
voir & fon noble défintéreffement, eft mort cette annde: il a éclaird
plufieurs parties de I’ Anatomie.

Page 10, vers 11.


Il (le corps humain) fert aux Arts de bafe & de modele
a homme.
Si Cleft a la néceflité quon doit les premieres inventions, c’eft 4
PAnatomie qu'on doit le developpement des idées dans la plupart
des Arts méchaniques; le corps humain érant [a machine la plus ad-
mirable, celle ou toutes les loix phyfiques s ‘accompliffent avec
une
perfection que homme n’atteindra jamais,
Le plus célebre de nos Méchaniciens na invente que d’ apres
P'é-
tude de I’Anatomie, & il regarde cette fcience comme la fource
de
tout ce quon peut tenter dans les méchaniques.

Page
81

Page 13, vers premier.


Quon diftingue le nu fous ces formes dociles.
Les Grecs laifloient aifément diftinguer le nu, parce quils pei-
gnoient leurs draperies mouillées , & qu'alors elles prenoient la for-
me des membres; mais cette maniere n’eft point naturelle: les plis
font faits pour tomber & non pour sentortiller autour du corps;
dailleurs les draperies doivent tre jettées fuivant action de la fi-
gure & le mouvement que lair eft fuppofé leur donner.
Les principales dimenfions de la figure doivent paroitre a travers
les draperies: fi la pofition des membres ne permet pas de montrer
leurs proportions, c’eft au pli a les indiquer: cette adrefle tient au
deflin, & celui qui defline mal ne fera jamais qu'une draperie em-
barrafice.
Page 13, vers 12.
L’induftrieux Dedale , honneur de la Sculpture,
Des liens du maillot degagea la figure.
Pline dit qu’avant Dédale les ftatues éroient emmaillotées, & que
ce fut lui & fes fuccefleurs qui les développerent ; quoi qu'il en {oit,
Dédale ayant été le premier qui fe {oit fait un nom dans la Scalpture,
on a cru pouvoir dans un Poéme faire remonter a lui 'epoque du pas
qui fut faic dans fon Art.
Page 13, vers 17.
Rubens de qui la main colore avec eclat
Porte fur le deffin I'épaifleur du climat.
“En rendant toute la jultice due au génie de Rubens, on selt
L
82
permis cette improbation de la maniere dont jl a
defliné fes figures
de femme qui font effe@ivement prefque toutes hommaffes
: plus un
Artifte a d'autorité, plus on doit marquer {es défaurs: jamais
'admira-
tion aveugle n’a honoré perfonne; il n’eft que
trop de ces efprits ou-
trés dont enthoufiafme eft une fievre, qui louent, qui
eftiment rout
dans un homme célebre :’homme de fens reflemble au Chymitte
, il
fait la {éparation des fubftances , tire le métal
& écarte la matiere
terreftre,

CH ANT SEQ OND,


Page 30, vers premier.
La couleur fous fes doigts s'embellit & sepure,

Il eft affez extraordinaire que les Peintres de I'Irtal


ie ol le climate
eft fi beau ayent manqué de coloris, fi on
excepte Ecole Véni-
tienne, tandis que les Peintres Flamans nés fous un ciel
épais, ont en
general mieux colorié. 11 faut croire que les Arriftes d’ltal
ie accou-
tumés a peindre d’apres les ftatues antiques,
ne fe font appliqués
qu’a rendre les belles proportions de la Sculpture fans
soccuper de Ia
couleur, ou qu’en écudiant des tableaux ternis par le
tems, ils en ont
copié¢ le défaur qui néroit quiaccidentel s au lieu que les
Peintres
Flamans ont, pourainfi dire, lucté contre leur propre ciel, &
cher.
ché par I’éclat de la couleur 3 furmonter le vice
du climat. Peut-étre
aufli doivent-ils le coloris de leurs tableaux >» a Lavantag
e de voir
23

perpétuellement de belles couleurs fur le teint des Flamandes, &


9 ue cette nature animée leur a fervi a embellir Pautre,

Page 41, vers 6.


Vole aux champs d’Aufonie, aux rochers Helvétiques,
Au bord de la Durance, aux climats Germaniques.
Si l'on propofe au Peintre de voyager en Allemagne , ce neft pas
pour la beauté du ciel, ceft pour Pafpect des terres métalliques, les
montagnes ayant une couleur prononcée que n'ont point les monti-
cules qui nous environnent, la plupart remplis de craie & de platre,
& moins colorés méme que nos plaines fabloneufes. La vue des ter-
rains d'Allemagne eft fi puiffante fur les Artiftes, qu'il n’y a point
de mauvais Peintre Allemand dont les tableaux n’ayent du coloris.
La couleur frappe les hommes : montrez a un enfant ou un vil-
lageois deux eftampes dont l'une fera enluminée, leurs yeux fe por-
tent {ur celle-ci & ils la préferent a autre.

CHANT TRON STEME

Page 45, vers premier.


Du fceau qui la diftingue empreins la paffion.

Léonard de Vinci faifant un tableau des douze Apdtres que les


Cordeliers lui avoient demandé, le garda long-tems fans Pachever ,
Lij
84

0
ne fachant quelle expreflion donner 4 Ia téte de Judas , & ne croyant
pas que pour le carattérifer il fuflife de le peindre une bourfe 4
la main.

Page 48, vers 11.


Leve-toi, l'on croira que ton Roi te pardonne.
Ce beau trait a été depuis peu exécuté en Sculpture, & Pouvrage
€toit 4 Lunéville quand le Roi de Dannemarck y paffant & fon re-
tour dans fes Etats a été frappé du fujet. La Ville lui a offert ce mor-
ceau de Sculpture qu'il a accepté & fait tranfporter a Copenhague.
Voila de ces fujets {ur qui les Arts doivent sepuifer pour en éter-

nn
nifer I'enthoufiafme : heureufe la nation qui les fournit & les ames
qui en font touchées! Le fentiment qu’ils infpirent n’eft point fans
effet, on ne peut gueres admirer ces traits de magnanimité, {ans
quils faffent naitre en nous une douce émulation pour la vertu.

Page 49, vers 14.


Et toujours vingt bourreaux pour un Heros Chrétien,
La raifon & la pudeur font également d’accord pour écarter ces
tableaux de cruaucé qu'on voit dans plufieurs de nos Eglifes. Si la
conftance des Martyrs honore la Religion, ce fut un fi grand crime
de donner lieu a cet héroifme qu'il y a toujours du fcandale a
pré-
fenter dans leur hiftoire ces exces honteux A humanité & qui la
déchirent.
Saint Auguftin a dit dans fes lettres, qu'il vaudroit mieux qu'il
9s

n'y elit point de miféricordieux & qu'il n’y efit point de mifere; eh!
quel eft ’homme compatiffant qui n’aimdc pas mieux ter I'indigence
que de la foulager: De méme il vaudroit mieux quil ny elit jamais
eu de courages aufli fublimes, que d’avoir vu naicre des ames auffi £é-
roces pour les exercer.
Que ne peut-on retrancher de la mémoire des fiecles les tems de
crime & de perfécution ! les Tyrans font comme ces tres qui fortent
des proportions ordinaires, comme ces monftres qui font cenfés ne
point faire race, & dont on ne doit point perpétuer exiftence apres
qu'ils ne font plus. Ceft deja trop qu'ils vivent dans Ihiftoire , 8 que
voulant conferver la mémoire des evénemens, on ne puiffe laiffer
entiérement refpirer les générations de Ihorreur quinfpirent les mé-
chans a quelque diftance qu’ils foient; ils ne doivent point reparoftre
avec toute leur fureur fur la toile, & n'y peuvent exciter que cette
curiofite des ames dures pour le fpectacle des fupplices, & qu'il feroit
trop odieux de fatisfaire dans les Temples, ou bien cette invincible
horreur qui fait le tourment des ames fenfibles.
Enfin la repréfentation pittorefque de ces événemens eft fiire-
ment horrible, en ce qu'elle met les bons &les méchans en fcene
d’'une maniere néceflairement plus marquée pour le crime que pour
la vertu ; reproche qu'on ne peut faire a la repréfentation théarrale,
oli le Poéte plus maitre des meeurs , peut repoufler par la fucceflion
des impreflions celles dont il veut Seer le danger, montrer les ty-
rans dans plus d'un moment & amener toutes les {uites de leurs fore
faits; mais il n’y a point de commentaire dans le tableau, il ne peint
qu'un moment & c’eft celui du crime, & comme la Peinture eft faite
86
pour parler aux yeux, je vois bien plus les fureurs des bourreaux &
Pappareil des tortures, que je ne vois la patience & le courage des

of
victimes.

A
En fuppofant que ces tableaux puffent fervir indiretement 4 en-
durcir les hommes a la douleur dans des occafions moins terribles ,
ce ne feroit pas moins un objet d’horreur que la lacheté préfentée a
coté du courage; peut-€tre quelques ames ferventes ne voyent dans

£2.
le tableau d'un Martyr que fa conftance , & leur pureté faura cher-

£8
cher le bien a travers le {fcandale méme; mais il eft point dans la
difpofition ordinaire des efprits de sexciter au courage a la vue de
Poppreflion: 'innocence a la merci des méchans ne donne que de
Pindignation & de I'horreur. Montrez-moi le courage dans ces ac-
tions nobles & fermes, ou le fpectacle de la vertu n'eft point troublé
par celui des crimes ?
Sil eft contre la morale de chercher a amollir les ames par des
images trop licencieufes , de peindre le délire des fens, leur aban-
donnement dans les plaifirs; doit-il étre plus permis d’éraler des paf-
fions execrables, bien plus démenties par la nature? Eft-il moins

——s
fcandaleux de peindre 'acharnement de la tyrannie , que les extafes
de la volupte 2

oS
Les femmes fur qui les impre{fions font plus vives, doivent-elles
Etre expofées a rencontrer dans nos Eglifes ces images atroces qui
donnent le fpeftacle de lindécence avec celui de la barbarie , &
bleflent quelquefois I'imagination autant que 'humanité; fi ces ta-
bleaux n'ont point pour elles la forte de danger qu'on leur attribue,
s'ils ne font point la caufe des accidens qu'on en racente, comme
87
nos plus habiles Phyficiens le foutiennent avec raifon; peut-on nier
que beaucoup de femmes prevenues de cette opinion, ne puiflfent
&tre véritablement troublées A la vue des objets défigurés qu'on leur
prefente, & que l'inquiétude & l'agitation qu’elles en peuvent gat-
der, ne foient un mal trés-réel 2
Les Peintres penferont peut-€tre que pour lintérée de I’Art on ne
doit point abandonner ce genre de tableaux, parce que ceft le genre
de la force, & que Ceft-la qu'on voit a découvert les différentes
contractions des mufcles; mais outre qu'il feroit contre le refpe des
Temples de vouloir fixer I’attention principale fur Art & non fur
le
{ujet repréfenté, les Peintres pour conferver ces robuftes Académies,
n'ont-ils pas ces {ujets ot la ftature des perfonnages & les exercices
vigoureux fous lefquels on les repréfente, peuvent déplover le jeu
des mufcles dans de fortes attitudes: Mais qu'on abandonne ces ta-
bleaux de fupplice, fur lefquels on regrette que le pinceau de le
Brun & de Jouvenet fe foient épuifés; ou qu'on nous montre les
fouffrances dans ces hazards malheureux od homme n'a point de
part au fupplice de fon femblable , comme dans le Milon de Crotone 3
s'il faut peindre des tortures, ceft affez de faire geémir la nature fans
affliger la vertu.
Ces reflexions paroltront fortir des bornes d’une note 5 mais jai été
ai . os
entrain parle {ujet, & javoue que je. n'ai
5 is oy A > A
pas ete maitre de m’arréeer.

Page 60, vers 11,


L’Allégorie habite un palais diaphane.
Les Peintres ont trop abufé en général de .I'Allégorie: fi elle
88
weft heureufe comme celle du tableau du Grand Condé dans Ia ga-
lerie de Chantilly , elle eft prefque toujours froide ou inintelligibles
& méme lorfquelle eft claire, elle nuit au fujet fi elle ne le fert pas,
elle fait perdre de la vérité aux tableaux oti elle eft melee & par con-
fequent de Pincérée 5 jaimerois mieux que le fujec fr tout entier
allégorique. Les perfonnages fantaftiques décruifent les perfonnages
réels.
Le principal mérite de la Peinture étant dans imitation, il fem-
bleroit méme qu'elle devroit étre affujettie 2 ne préfenter que les
objets vifibles 5 toutes les fois quelle fe jette dans les figures chimé-
riques, plus d’imitation, plus de modele , plus d'objet de comparaifon.
L’Allégorie n’eft guere la figure de la Peinture qui ne préfente
qu'un moment, & doit faire faifir l'objet du premier coup d’eeil5 fi
elle appartient a la Poéfie, c’eft parce que cet Art comporte la fuc-
ceflion des images & qu'il explique lui-méme fes tableaux. Rubens a
beaucoup employé l'allégorie dans la galerie du Luxembourg 5 mais
fi vous exceptez apothéofe de Henri IV, c’eft bien moins dans tou-
tes ces images {fymboliques qu'on doit admirer, que dans lexpref-
fion qu'il a donnée aux véritables perfonnages, comme dans le ta-
bleau de la naiflance du fils de Marie de Médicis : eft un trait de
oénie que d’avoir fu montrer fur le vifage de la mere, la joiea travers
la douleur.

Page
Page 60, vers 18.
De trois fils divifés lorgueil envenimé
Fait rendre la couronne 3 leur pere allarmé.

Ces trois Princes font Lothaire , Pepin & Louis, tous troisfils de
Louis le Débonnaire,

Page 62, vers 6.


Marquer des mémes feux I'éclair & le volcan.
Le volcan tirant fa fubftance d’un fouffre terreftre & qui n'eft
point purge des parties groffieres, fa flamme n’eft point celle de I’¢-
clair dont le feu fubrtil eft Peffer d'une matiere inflammable plus epu-
rée, qui ne cherche qua s¢lever. En général, pour connoitre la
couleur qu'on doit donner 4 la flamme, il faut examiner quel eft
fon aliment, elle varie autant que la nature des corps quelle confume.

Page 64, vers 4.


Michel-Ange auroit pfi!... le crime & le génie.
On a fouventrépété que pour donner plus de vérite a un Crucifix,
Michel-Ange poignarda un modele mis en croix , comme fi un mal-
heureux mourant dans les convulfions de la rage , pouvoit repréfen.
ter un Dieu refigné qui fe foumet a la mort, Comment ce délire flit
il tombé dans la téte de Michel-Ange , de ce méme Artifte qui tail-
lant un jour un bufte de Brutus , Sarréta tout-a-coup & abandonna
Pouvrage, en fongeant que ce Romain avoit été Paffaflin de Céfar,
M
90
Jamais le moment de P'enthoufiafme ne peut étre celui du crime
& méme je ne puis croire que le crime & le genie {oient compati-
bles: qu'on n’objecte point qu'il y aeu des fcélérats qui avoient de
grandes qualités, peut-€tre les pafions violentes qui les agitoient ont
donné a leur efprit un reflort qu'il n'auroic pas eu fans elles, & ne
voit-on pas que les paffions ont du génie meme dans les hommes
ordinaires 5 mais cette énergie momentanée {fuppofe un intérée par-
ticulier & par conféquent fufceptible dinjuftice, au lieu que le ge-
nie proprement dit fans Pintérér préfent d’aucune paflion perfon-
nelle, s’échauffe de lui-méme, appelle a lui la nature, lui donne &
en tire une vie nouvelle.
Le crime eft la dureté & la perfonnalité d'un éire qui sifole, le
genie nai de la fenfibilité dun étre qui fe communique ; l'un {up-
pofe un étre heureux par 'enthoufiafme du beau, par le fentiment
‘d’admiration qu'il infpire; autre eft d'un étre troublé & déja mal-
heureux, agit par fon objet & n'en pouvant jouir méme aprés le
fuccés. Re
Ces differences originelles laiffent entre le crime & le genie une
¢vidente incompatibilité , auffi impoflible a détruire que ces antipa-
thies des corps que la Chymie ne peut rapprocher; tel le mercure ce
~ principe fi aif, capable de pénétrer les corps les plus folides, ne
salliera jamais avec le fer,

Page 64, vers 11.


Jule pour les grands traits fut tailler fes crayons.
Jule Romain eft vraiment le Poéte de la Peinture, Voici comme
912
'Abbé de Marfy, dans fon Poéme, parle du combat des Géans par
ce Peintre.

Cujus ut ad vivum [pecies , expre[la ruine


Jucundi artonitas erroris imagine mentes
Afficerer magis , arg ; artem natura juvaret
Speluncam é rudibus fine lege , fine ordine faxis
Struxi: , Gc.

Pour rendre avec plus de vérité cette déroute des Géans, & pour
faire fervir la nature a art il a bAti une caverne , &c.
A en juger par ces vers, il fembleroit que Jule Romain fe feroit
réellement affocié a la nature pour jetter plus d'illufion dans cette
image; cependant il ma rien fait dans le pourtour des murs oll ce
combat eft peint, que ménager un enfoncement qui fert de cheminée,
Il feroit heureux de pouvoir s'aflocier a la nature pour donner plus
de preftige a limitation, mais il eft bien rare qu'on réufliffe a c6té
delle, 'objet de comparaifon eft alors trop pres; les Arts méme qu'on
a voulu réunir pour imiter la nature , n'ont fait ordinairement que
sentrenuire & s’¢loigner delle : les bas reliefs de Sculpture unis a la
Peinture dans un méme corps d'ouvrage y laiffent moins d’illufion;
au moins faut-il tirer de Art qu'on met en ccuvre toutes les ref=
fources qu'il peut fournir, & favoir fe concerter quelquefois avec
le local lorfqu’on ne peut le changer. Ceft ce qua exécuté un ha-
bile Architedte dans la ville de Lyon. On demandoit qu'il conftrui-
sic une chapelle de Saint Pierre 5 mais le licu étoit obfcur, & ne
pouvoit recevoir le jour que de cbté, L’Artifte y bAtic la prifon de
My
9 2

IApbtre & tourna ainfi a Pavantage du fujet inconvénient du local.


Comme la Sculpture & fur-tout la Peinture choififfent leur champ,
elles font plus indépendantes de ces obftacles cependant il eft pof-
{ible que dans des décorations d’édifice, elles rencontrent des diffi-
cultés qui retarderoient leur effor, fi elles ne saccoutument pas a
les furmonter & a maitrifer le terrein. Cette facilité de travail , cet art
de tirer parti du local peut Etre d'un grand ufage & donner du prix
aux plus petites chofes.
Un Prince Romain ayant découvert dans un de fes jardins une

[a
fource qui ne fournifloit qu'une trés-modique quantité d'eau, & dé-
firant de faire {ervir cette découverte a embelliffement de fa maifon ,
s'adrefla au Cavalier Bernini: celui-ci ayant examiné la fource & Ia
hauteur a laquelle elle pouvoit sélever , imagina une ftatue repre-
fentant une nymphe qui, au fortir du bain, prefle fa chevelure &
en exprime la petite quantité d’eau que donnoic la fource.

Page 67, vers 18.


Et le Dominiquain méditant fon eflor.
Ceeft un ufage érabli 2 Rome, de faire mettre en mofaique dans
PEglife de Saint Pierre, tous les tableaux eftimés. Le Dominiquain
ayant peint la Communion de Saint JérOme, défira cette diftinc—
tion, & fit expofer fon tableau dans cette Eglife, pour érre jugé
par le public; mais foit ignorance, {oit jaloufie, fon ouvrage fut mé-
connu & relégué comme par mepris dans un lieu ol il feroit peut-
étre encore ignoré fans la franchife du Pouflin. Ce Peintre apprend
23
on eft le tableau & demande 4 le copier: comme il travailloit, le
Dominiquain entre pour obferver 'impreflion de fon ouvrage fur un
“ Artifte habile, fe tient derriere lui, lie converfation & developpe {ur
~ Art la théorie la plus lumineufe ; le Pouflin éronné fe retourne, le
voit les yeux mouillés de larmes; le Dominiquain fe nomme, le
Poulin jette les pinceaux, fe leve & lui baife la main avec tranfport;
il ne fe borne pas a cet hommage, il employe tout fon crédit pour
réhabiliter le tableau, quia été copie en mofaique dans I'Eglife de
Saint Pierre.
Ne point nuire aux talens, ne point groflir le nombre des en-
vieux, c’eft aflez pour un Artifte ordinaire; mais des efprits d'une
autre trempe doivent fe mettre a la téte des jugemens | vaincre lin-
juftice & faire révolution dans ceux qu'elle a trompés. Un Artifte
célebre qui wauroit point réclamé contre le mépris quon auroit fait
d’un vrai talent, {eroit indigne de celui quila recu lui-méme,

Page 71, vers gs.


‘image d'un foldat eft plus puiffante encor.

Effectivement il y eut un Peintre qui par la repréfentation d’un


foldat échauffa les Athéniens & les fit marcher au combat avec une
impétuofité de courage qui leur valut la vidoires mais comme il
fentoit la difficulté de remuer un peuple raffafié de chefs d’ceuvres
en tout genre, il voulut s'aider encore de tout ce qui pouvoit contri
buer a un grand effec : il demanda que fon tableau fii jugé au milieu
de la place publique, le laifla fous un voile, & fit entendre une mu-
fique guerriere qui, par fon impreflion , prépara les efprits a en re-
cevoir une autre: quand ils lui parurent fuffifamment difpofés, il
découvric fon tableau. Les Athéniens tranfpotés crurent voir dans ce
foldat un nouveau Tiyreee.

Page 72, vers premier.


A Tafpe& des talens couronnés avant toi
Redouble de courage, agis, cherche, congo.
Raphaél ayant vu un tableau de la Divinité, peint par Michel-
Ange, fortit comme d'un profond fommeil , & congut fon tableau |
d'Ifaie, 4
Page: 72, vers 7, ;
Par les traits immortels qui les caralérifent
Vois briller ces efprits que les cieux favorifent.
Les moindres traits de la vie privée des grands Artiftes décelent
encore Pardeur de leur imagination. Donatello, fameux Sculpteur,
donnant a une ftatue le dernier coup de maillet, lui cria, parle,

Fin des Notes. .

APPROBATION
J ’AT lu par ordre de Monfeigneur le Chancelier, un Poeéme intitulé,
LA PEINTURE, & je crois qu'on peut en permettre 'impreflion. A Paris
ce 9 Juillet 1769. MARIN. I

De PImprimerie de QUILLAU, rue du Fouarre,


FRANCE
YT SAUNVEER
POE ME.
Serus in celum redeas. ...
wr

Hic ames dici Pater , atque Princeps ;


Hor. ad Aug. Od. II. Liv. I.

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POE ME"
ABLEAU que I'eeil humain ne {cauroit
{outenir |
La honte du Préfent , leffroi de I' Avenir !
Le plus Grand, le plus Jufte, & le Meilleur des Princes,
Tel qu'autrefois Henri, l'amour de {es Provinces , |
Cher 3 tout I'Univers, le Roi méme des cceurs.....
Par un Fer facrilége. ..... 6 Spectacle dhorreurs!
A
2 La FRANCE SAUVEE.
Mon! je ne puis vous peindre 3 a la Race future|
Yentens fe récrier la France & la Nature 5
Je vois, aux premiers traits que tente mon pinceau ,
Du Jour épouvante reculer le Flambeau : NE
A de moindres forfaits refufant {a lumiere,
Mycenes, tu las vu retourner en arriere
Senfible méme, 6 Dieux ! le pinceau me trahit,
Et fous ma main tremblante il fe révolte & fuit!
Il faut.... il faut pourtant qu'une terrible Image;
Mortels , montre 3 quel point peut vous porter la Rage,
Peut vous poufler I'Enfer & tous {es noirs Démons,
Lor{que livrant votre ame au feu de leurs Tifons ,
Vous étouffés en vous cette Flamme divine
Dont vous tenez , Ingrats, la vie & l'origine:!
Monftres qu'on nomme Humains , & qui l'éces {1 peu ,
A de femblables traits reconnait-on un Dieu..
Reprenons mes pinceaux; que le Crime en frémifle
Que mes Ecrits vengeurs commencent {on fopslice
Puiflent-ils apporter dans le cceur des Méchans
Le Remords plus cruel encor que les Tourmens !
Puiffent-ils..... fi jamais...... mais i former cette Ame
Le Tartare HY {es poifons & fa flamme.
Ma Patrie, ofe voir ce Portrait effrayant
Que tu voudrois hélas ! effacer de ton fang ;
"POE MB |
11 te rendra plus cher I'Objet de ta tendrefle
Ce Roi qui dans tes bras... .. que ton défefpoir cefle;
Souleve enfin ce Voile, & revois la clarté:.
Revois ton Roi vivant & plein de majefté. ...
~ Tu pleures, tu gémis, tumeurs dans Pamertume,
Tu meurs..... qu'un de tes Fils.... la douleur te confume ;
Va ! tes autres Enfans le feront oublier
Il ne fut point ton Fils, horrible Meurtrier
Les Enfers I'ont vomi de leur brilant Abime,
Pour fouiller cette Terre & lui préter leur crime.
Noble ardeur du Francais , digne amour de mon Roi,
Digne amour de LOUIS, viens me remplir de toi;
Sois mon feu créateur, mon fupréme Génie;
Recueille dans mes Vers les pleurs de ma Patrie :
Que ces Vers, Monument de nos juftes Regrets,
Par la Douleur gravés dans tous les ceurs Francais,
En redoublant I'horreur pour un Monftre exécrable
Redoublent notre amour pour un Maitre adorable.
| EtToi qui mas vu natre| & puifer dans ton fein
Ce refpect attendri pour un autre Antonin,
~ Toi qui briiles de voir sélever fon Image,
De lui porter tes veeux & ton plus pur hommage ,
Paris , recoils ces vers confacrés 3 LOUIS,
De cet augufte Nom ils empruntent leur prix.
Ajj
4 LA FRANCE SAUVE E
Cités qu'égalemientvante & chérit la France,
Ne vous offenfez point de cette préférence;
Votre amour pour vos Rois a {cl {e déclarer;
Mais lorfque les Romains voulurent honorer
Ceux de leurs Empereurs dont LOUIS {uit Fexemple,
Rome, ceft dans tes murs qu'on leur bartitun Temple.
Ces Hommes demi-Dicux& dignes des Autels|
Heureux par le {eul bien qu’ils failoient aux Mortels ;
Ces Ames dont la paix, l'amour, la bienfaifance
Compcfoient le feu pur & la célefte effence,
Qui voyoient {ur leurs pas tous les cceurs empreflés
& Titus...... Quels Noms jai prononcés:t
Marc Aurele
Ce n'eft quiavec des pleurs que l'on peut lesredire ,
A la priere, aux veux de tout un vafte Empire,
Au cri du Monde entier & de I'Humanit¢,
Avoient quitté Féclat de immorrtalite ;
Ils avoient de I'Humain revétu lapparence;
Sous les traits de LOUIS ils gouvernoient la France;
Ce Monarque , comme eux de la Terre adoré|
D’un {acrilége encens n’étoit point enyvrd ;
11 rejettoit ces noms de Foudre de la Guerre,
D’Arbitre des combats, de Vainqueur de la Terre,
Titres dont sindigna I'Univers opprimé;
Hommes, on’ le nommoit LOUIS le Bien-Aimé,
| Por mE -'g
Son Tréne étoit I'Autel de 'Humanité fainte ; -
Du Malheureux, du Pauvre il écoutoit la plainte;
Il efluyoit les pleurs du Mortel afflige ;
Le Faible I'imploroit, sir d'étre protege;
Un regard de {es yeux diflipoit les allarmes:
Tout jufqui la Grandeur prenoit en lui des charmes.
Que dis-je2 il éroit Maitre & golitoit la douceur
De la pure Amitié {1 digne de fon cceur.
Peu jaloux d'une gloire en ruines féconde
Il ne vouloit, hélas | que rendre heureux le Monde,
Que briller d'un éclat & doux & confolant;
_ Soleil , ce n’éroit point ton flambeau dévorant
Qui brie les Moiffons, qui tarit les Fontaines,
Et de I Aridicé couvre lestriftes Plaines :
C’éroit ton feu facré, tes rayons bienfaicteurs
Qui font miirir nos fruits , peignent nos Champs de flcurs,
Se plaifent 3 nourrir, la Nature embellie,
Et dardent avec eux la chaleur & la vie.
Le Laboureur content de vivre {ous{a loi
A des chanfons fans art méloitle nom duRoi;
Ce nom de {es travaux abrégeoit la carriere;
Rentré fousles rofeaux de fon humble Chaumicre ,
Pour récréer fes {ens de fatigue émouflés,
Pour charmer fes Enfans autour de lui prefics,
6 LA FRANCE SAUVE'E.
Tandis qua "écouter fa Compagne attentive
Sulpendant fon fufeau laifoit fa main oifive
1l ne leur difoic pas. Jai vil Paris, la’ Cour.
Il difoit fihplement, plein de joie & d'amour;
Jaiviile Roi. Les Fils apprenoient de leurs Peres
A nommer apres Dieu LOUIS dans leurs prieres.
Peuple vraiment heureux Monarque vraiment grand
LOUIS, envirois-tu I'Eloge de Trajan 2
Tu cachois tes Lauriers {ous I'Olive innocente:
Tu repouflois toujours la Victoire fanglante;
Toujours prée a quitter le Glaive des combats,
Tu rappellois la Paix & lui tendois les bras. -
Elle veilloit fur toi des Voutes azurées ;
Tes géncreufes mains aux bienfaits confacrées|
Qui méme a Fontenoi, dans les Champs du Trepas,
Ont répandu la vie, & fauvé des Ingrats,
A regret pour punir lorgueilleufe Angleterre
Avoient repris Egide & lancé le Tonnerre.
Ainft le Dieu des Dieux qui fe plait dans fes dons,
Chaque jour, de la Terre humecte les fillons,
Y répand la rofée ; & cette Ame agiffante
Dont s'¢chauffe & fe meut la Matiere impuiffante ;
Et {i {on Equité le force afe venger
Des coupables -Humains ardens Foutrager;
Poerewme,
Contraint de sannoncer par la voix des Tempétes ,
Sil appelle I'Orage & la Nuit fur nos tétes:
Il gémit en troublant Theureux Calme de I'Air 5
Et {a Foudre ne part quapres plus d'un Eclair.
De lefprit de fon Roi la France ¢toit remplie :
Tel I'Aftre des Saifons brille| & fe multiplie
Dans un Nuage empreint de {es vives couleurs.
Le Francais d'un beau jour refpiroit les douceurs.
Ces Démons odieux, & de Ligue & de Fronde
Sétoient precipites dans une Nuit profonde ;
Leur Regne éroit couvert de I'éternel Oubli 5
‘Dans leur Ombre un Dieu méme avoit enfeveli
La Superftition, Mere de tous les Crimes;
Le Tems avoit {fureux fermé les noirs Abimes.
Un nceud facré joignoit, & le Trone & I'Autel :
Tous deux ils fe prétoient un appui mutuel.
Sujets obéiffants, non ferviles Efclaves ,
Le Peuple avoit des loix, & non pas des entraves
Le Devoir eft borné ;, mais 'Amour ne [eft pas;
Il donnoit au Pouvoir d’invincibles appas.
Glorieux de fervir, quand il aime fon Maitre ,
Le Francais fait un Dieu d'un Roi digne de [é:re;
Il drefloit dans fon cceur des Autels 3 LOUIS.
Les Arts enfin les Arts, du Ciel Préfents cheris
8 LA FRANCE SAUVEE
Parmi nous répandoient leur clarté la plus pure.
Des cfprits cultivés folide Nourriture,,
Ils avoient amené {ur leurs pas bienfaitants -
La Raifon., fruit tardif de I'Erude & du Tems,
Cette Douceur aimable , aux Mceurs {i néceflaire,
Par qui mémeal Anglais ma Nation {cait plaire:
La tendre Humanite , les Vertus , les Plaifirs ;
Et tous ces Gofits Enfants d'ingénieux Loifurs.
France, ils tavoient appris a connairre une Gloire
Au-deflus de 'éclat dont brille la Victoire,
A combattre fans halne, a vaincre fans orgueil,
A voir tes Ennemis& tes Fils du méme ceil :
A dompter tes Rivaux, fans le {ecours des Armes,
Par tes Talents polis, ta Sagefle & tes Charmes :
A chafler loin de toi ces Préjugés honreux,
Ces Menfonges grofliers qui faifoient a tes yeux
De la Noblefle oifive un Néant honorable,
Et duCommerce utile un Trafic méprifable.
Les Arts, par leurs Travaux , leurs Précepres flatteurs
Par la Voix de Voltaire & fes Vers enchanteurs,

Par la voix de Voltaire. M. de Voltaire eft le premier Pocre Francais


qui ait dir des chofes & non des mots. Ceeft le premier aufli qui air {ct rour-
ner la Maxime en Sentiment. Ses Ecrits ne re{pirent que l'amour de ’humanité,
Pobéiffance & le refpect diis au Souverain, la bonté du Maitre dite 4 fon Peu-
ple. Nul Auteur n’2 {cu mieux que lui combagtre le Fanatifme & la Sédition , il
les a rendus également odieux & ridicules.
hall’

le N
ia Not

Dans
PoEemME, Ro 9
Dans 'amour des Humains affermiffoient ton Ame:
Des plus beaux fentiments ils y verfoient la lime ;
Ils échauffoient furrout ton zéle & tes tranfports
Pour un Roi, qui daignoit carefler leurs efforts;
IIs te montroient , de Mars la Demeure chérie
Berceau de la Valeur par ton Maitre ennoblie;
Ces fertiles Canaux & ces hardis Chemins ,
Ou notre art s'applaudit & difpute aux Romains;
Le Louvre, Monument fi cher i la Patric,
Deéterré de la Fange & de la Barbarie;
LOUIS armant le bras d'un Peuple de vainqueurs ,
Mahon fumant encor fous {es Foudres vengeurs.
Tandis que tes Vaifleaux , nés 3 fa voix féconde ;
Alloient porter ta gloire au bout d'un nouveau Mo nde;
Tandis qu'en écartant la Guerre de tes Bords,
Contre la perfidic il affuroit tes Ports )
Quiil effagoit ta honte & ton ignominie,
Qu'il relevoit Dunkerque & ton puiffant Génie;
Tu recueillois le fruit de fes heureux bienfaits:
Les foudres d’Albion ne troubloient point ta paix.
Le Dieu de I'Univers, le Maitre des Royaumes
Qui voit fous {a Grandeur , pareils 3 ces Fantd mes

Bercean de la Valeur par ton Maisre ennoblie. 1'Ecole Militaire , & Edit de
la Nobleffe Militaire. -
B
10 LA FRANGE sauvEE
Que les Rayons du Jour font difparaitre & fuir,
Les Empires divers naitre & s'¢vanoiiir,
En créant chaque Etat, & le couvrant de laile
Dun Ange tutelaire, 2 fa garde fidéle,
Le foumit aux fureurs d'un Démon malfaifant |
Qui fouvent plus que I'Ange eft heureux& puiffant.
Sur {es Décrets profonds que I'Humaine Faiblefle
Tremble d'interroger I'érernelle Sagefle.
Dieu voulut. A ce mot, Terre, profterne toi,
Baiffe les yeux, adore, & fléchis fous fa loi.
Son Ouvrage, la France, ainfi que chaque Empire
A {on mauvais Génie armé pour la detruire
Cleft ce Démon jaloux qui domptant 3 la fois
Le cri de la Nature & la force des Loix
Du Tréne repoufla I'Héritier légitime,
Y mit le Prince Anglais pour couronner fon crime 3

Arbora dans Paris les fanglants Léopards ,


Immola [Héroine Appui de nosRam parts;
~ Cleft Lui qui répandant laveugle efprit de Schifime,
Evoqua des Enfers le cruel Fanatifme,
De notre propre Sang nous fit verfer des flots.....
France, revois toujours ces horribles Tableaux!
11 venoit de quitter les Champs de I'Angleterre,
Dy {oufler contre nous les fureurs de la Guerre;
PoemeEe
Il atteignoit nos Botds : en franchiffant les Mers,
Il appercoit unRoe, I'épouvante des Airs ;
Sur fa Cime séleve un Edifice immenfe,
Ou parait d'un Dieu méme habiter la Puiffance;
Ses Murs dacier poli, de lumiere éclatants,
Renvoyoient au Soleil mille traits plus brillants ;
Deux Portes, de criftal & d'argent rayonnantes,
Pareilles en richefle aux Portes tranfparantes .
Que les Heures ouvroient devantle Dieu du jour
Annoncoient aux regards ce merveilleux Se¢jour ,
Le Génie éronné, qu'attire ce Spectacle
Y vole; une Statiie eft le premier Miracle
- Qui dans ces Lieux {e montre a fon cil curieux.
Un laurier couronnoit fon front victorieux ;
La douceur tempéroit Sa Majefté fupréme ;
La modefte Vertu tenoit fon Diadéme ;
A fes pieds rugifloic le Démon des Combats ;
La fainte Humanité la {erroic dans {es bras
Avec ces doux tranfports, prix de la bienfaifance ,
Et fembloit la montrer 3 la Reconnaiflance
Qui lui baifoit les mains & les baignoit de pleurs;
L'Amour pour fon tribut lui préfentoit des Ceeurs.
[ Monuments de vengeance & d'éternelles haines
Efclaves frémiflants {ous le poids de vos chaines,
B j
12 La FRANCE SAUVEE,
Monarques infultés par un Trophée honteux,
Peuples humiliés, illuftres Malheureux ,
Victimes de l'orgueil , & d'un pouvoir trop vafte,
Vous n'environniés point cette Image fans fafte.
Des Etats raflurés & commis a {a foi,
Des Heureux ¢ des Amis | & je parle d'un Roi! -
La Victoire modefte, adoucie a fa viie;
Voila quels Monuments entouroient la Statiie.
Au lieu de murs déeruits & de brillants forfaits,
Sur le marbre fenfible on lifoit des bienfaits.
La chafte Vérité que tout ornement blefle,
Au-deflous de Image aflife avec noblefle,
Offroit ces mots infcrits de {es {éveres mains
Au plus jufte des Rous , ai meilleur des Humains.
Ah: c’eft LOUIS, sécrie en écumant de rage
Le perfide Génie. ..t.. Qui: tu vois fon Image,
Dit une voix ‘qui vient irriter la fureur
Du Démon, de la France ardent Perfécuteur,
Cleft Lui-méme. En ces Lieux la Vertu révérée

~
dl
A dimmortels honneurs eft par moi confacrée.
Tandis que fur la Terre, expofée 2 tes, coups;
Elle éprouve fouvent ton infernal courroux ,
Ici la Vérité fcair lui rendre juftice. |
Vois I'éclar: de LOUIS5 qu'il fafle ton {upplice. :
Posmma’ .
Sur mes dons éternels tu n’as aucun pouvoir. |
De ce Spectacle heureux nourris ton délefpoir.
Mais ceft aflés fouffrir que ton eille contemple.
Sors. L'Immortalité¢ te chafle de fon Temple.
Ah! Francais, cen eft trop! Votre Roi, fes Etats,
Ses vertus a mes yeux de nouveaux attentats,
Vous, difparaiffés tous fous ma promte vengeance.
11 dit. Et dans les Cieux le Barbare s'élance
D'une trace enflimée il {illonne les Airs,
Se précipite , & tombe aux gouffres desi Enfers: 8 - H 2
Et dans fes flancs d’ou fort une) vapeur impure ,
5 ’ . |
L’Abime l'engloutit avec un long murmure. I |
Digne rival dHomere, O Toi dontles pinceaux
Nous ouvrent de I'Enfer les brulants {oupiraux,
Dans {es Champs défolés malgré nous nous entrainent,
Par un plaifir affreux toujours nous y ramenent:
~ Viens m’enfeigner cet Art qui maicrife Vefprit,
Qui, te faifant regner en Tiran qu on chéric
Verfe un jour {éduifant fur tes ¢lartés funébres,
Et préte des attraits a Ihorreur des Ténébres.
Il eft pres de ce Lieu du Soleil abhorré.,
Séjour de défefpoir aux Tourmentsconfacré,
Une Caverne obfcure, encor plus déteftable,
Plus lugubre,, pl us fombre, & plus Sponvansable..
Digne R'yal d Homere. Milton,
14 LaFRANCE SAUVE'E.

<>
ID
<n
Le Démon qui creufa ce Gouffre de terreur

A
k wg
a2
Recula confterné de crainte & de frayeur;

1
/ E =
Les Torches de la Mort éclairent cet Abime,

=
Le Cachot de I'Horreur & le Berceau du’ Crime.

4
Sur un Tombeau plaineif & qui luifert d’Autel,
L'Efpric le plus farouche & le plus criminel
Eternel inventeur de nouvelles fouffrances i
A cet Antre prefide, y dice fes vengeances ;

pee
Aflife {ur fon Front avec tous fes Serpents

[a]
La Rage en fait jaillir mille éclairs' menacants;

pao
x
D'une main'il fecoiie un’ Glaive Parricide:

ET
L'autre main sapplaudit d'une’ Coupe homicide,
Ecumante de Pleurs, de Sang, & de Poifons.
Autour du Tombeau vole un Peuple de Démons
Tels que d’i impurs Oifeausx que les ombres font naitre |
Miniftres empreflés d’obéira leur Maire.
A fes pieds. font rangés des Poignards affaffins
Tous les Traits dont’ la/Mort immole les Humains.
Ceft-la que font notrtis ces Crimes dont audace
Plus dune ois du Mode3 pil changer la face),
L'Ignorance , I'Orgueil , Pardente Ambition,
Le plus cre) de tous, la. Superftition,
La Tirannie enfin. Ceft de-1a que s ‘envolent ]
Sur ce Globe tremblant que leurs fureurs défolent
=
bore
Poxewme. i
Ces Efprits deftructeurs qui foufflent le Trépas,
La Famine, la Pefte, & la Soif des Combats :
Qui brifent les Autels, qui renverfent les Trones,
Qui meme de la Terre ¢branlent les Colonnes |
Et de cet Univers font un vafte Tombeau.
Lifbonne brule encor des feux de leur flambeay!
Ceft-1a que font forgés ces Glaives de la Guerre,
Ces Chars enfanglantés qui ravagent la Terre,
Tous ces Sceptres d’airain, ces Chaines & ces Fers
Dont les Tirans heureux accablent Univers.
La d'un limon impur détrempé ‘dans vos flames ,
Démons, vous paitriflés ces {célerates Ames ,
Inftruments des Forfaits & de la Cruautd }
Fléaux de la Nature & de 'Humianité,
Par le vil Intéréc aux Actentats vendués,
De I'Echaffaut vengeur i vos Cachots rendués.
Li, le dirai-je enfin ? Dans un: obfcur Détour
Santuaire abhorré de cet affreux Séjour
Préwrefle de I'Erreur & de la Barbarie :
Le bandeau {ur les yeux, une fombre Furie
Aiguife ces couteaux qui de nos meilleurs Rois . ..
Fuis... . Spectacle odieux que toujours je revois |
Notre Perfécuteur vient d’Abime en Abime
Rouler julquen ces Licux la. fureur qui l'anime.
16 : LA FRANCE SAUVEE.
D’une nouvelle horreur cet Antre fe remplic,
Et d'un long hurlement la Voute retentit ,
Elle souvre. Mon Frere entens ma voix plaintive.
Cleft trop long-temps laiffer notre Vengeance oifive:
Ramafle tous {es traits, rallume ton couroux;
Que Empire Francais s'écroule {ous nos coups;
Pour hater fa ruine , il me faut un grand crime,
le Sang le plus facré. ... La plus grande Victime....:
Je ten ai dit aflés ... Moi-méme, jen fremis.
A ces mots les Démons demeurent interdits.
Cent Foudres a linftant dans la Caverne grondent,
Et par autant d'échos les Enfers leur répondent.
Ennemi de la France, Ennemi des Bourbons,
Je tentens , lui répond le Tiran des Démons.
Sur fa téte aufli-tot tous {es Serpents fe dreflent.
Sans doute a tes {ucces les Enfers sintéreflent.
Jembrafle tes defleins ; je refens tes fureurs ;
Ton ame toute entierel paflé dans nos cceurs.
Mais comment te {ervir : Mes mains font enchainées.
Cet Antre voit mourir nos vengeances bornces.
Ma Fille, mon Appui, 'Ame de mes travaux,
La Superftition languit dans ces Cachots.
Cet heureux temps n'eft plus, od par fa main facrée,
Des feux de I'Encenfoir la France dévorée
Posgme. 1 17
Au crime toujours préte & rebelle 2 fes Rois,
Ofoit fouiller le Tréne & violer {es droits!
Un Pontife modefte a {G joindre dans Rome
L’humanité du Sage, aux ralens du grand Homme:
De la Religion il fert les intéiérs, |
Mais la {eule Vertu cimente {es Décrets.
La Noblefle 3 la fois courageufe , éclairée,
Par penchant & par choix 4 fesdevoirs livrée
Ne connait que 'Honneur , & n’alpire aujourd hui
Qu’ vivre pour fon Prince, & qua mourir pour lui.
L'Ame la plus grofliere eft de ce feu nourrie ,
Ils portent cet amour julqu’a l'idolatrie.
Les Arts fur-tout les Arts , mes mortels Ennemis,
Mont enlevé ce Peuple a mes fureurs foumis,
Ils ont ouvert {es yeux , ils ont changé fon étre....
Ma gloire eft écliplée & ne peut plus renaitre!
A peine on’ fe {fouvient de mes combats fameux
Le dernier des Frangais Citoyen orgueilleux
S'arme de la Raifon, & n'écoute plus quelle.....
Si dans ce Peuple immenfe , 2 mon culte infidele,
Enflammé pour fon Roi d'un amour éprouvé,
Il en pouvoit étre un! un feul.... je lai trouvé!
S'écrie avec tranfport le barbare Génie:
Au fein de la baffefle & de lignominie,
ME: LA FRANCE SAUVEE.
Dans l'état le plus vil, dans la Fange des rangs,
Dans la fouillure enfin des crimes les plus grands
Tai foiiillé, jai trouvé cette Ame monftrucufe,
Affez dénacurée, aflez audacieufe. ..
Qu’il faut encor pourtant de ta rage €chauffer.
Appelle a ton fecours tes Démons, tout 'Enfer;
Tu le peux; tu le dois; acheve mon ouvrage.
Et le voici... Soudain3 fes pi¢s un Nuage
Sentr'ouvre & laifle voir, [Enfer en a- palit:
Le Montftre..... un Charme affreux le tenoit affoupi;
On lifoit fur fon front un crime abominable:
Tout déceloit I'horreur de fon ame execrable.
Telle, fur ces Amas de Foudres fouterrains,
Nouveaux Enfers creufés des éeernelles Mains 5
Des Rochers entaflés la Maffe menacante
Exhale de'fa Cime une vapeur briilante.
Ainfi le Ciel couvert d'une effroyable Nuit,
Annonce le Tonnerre & la Mort qui le fuit.
Du Perfide auffi-tét tous les Démons s'emparent ;
Déja les noirs Poifons , les Flammes fe préparent ;
Sous leur Magique effort {fon Sang coule & tarit,
Dans {es Veines déja s'allume
& § épaiffic
Le Venin infernal chargé de tous les Crimes:
Ces Coupables , I'Effroi des funébres Abimes,
PoEwME To
Les Ames des Chitels, des Ravaillacs enfin,
Avec des heurlemens retournent dans fon fein.
Son coeur eft un Foyer dévoré de leur Flime:.
Tout I'Enfer a la fois a volé dans fon Ame:
Le Charme eft accompli; la Nature en gémit.
Il eft armé du Glaive, il s'éveille, il frémit.
Trois fois tombe le Fer de fa main égarée,
Trois fois de ces Démons la rage conjurée
Lui remet dans les mains le {acrilége Acier;
Un Cri de mort l'annonce a I'Univers entier :-
L'Ennemi de la France en rugiffant 'embrafle,
Et de fon Souffle encore irritant fon audace,
A travers les Vapeurs du Gouffre ténébreux,
Le remporte avec lui dans {fon Nuage affreux:
La Nuit & I'Epouvante ont devancé leur Route.
Des Peres le meilleur, le plus aimé fans doute 3

Dans le fein de fa Fille, avec ce fentiment,


Qui {uit du plaific pur le tendre épanchement,
Revenoit dadoucir la Majefté du Maitre ,
Sa {upréme grandeur & fes peines peut-étre.
Les Rois ainfi que nous y font foumis hélas 1
Et leur pompeux Eclat ne. les en défend pas.
LOUIS de la Vertu fent I'heureufe aflurance:
Souverain {ans orgueil , il eft fans defiance :
Cij
20 LA FRANCE SAUVE E.
11 vous laiffe , Tyrans, cesRemparts de Soldats,
Dont les Dards hériffés préfentent le Trépas,
Et qui n’empéchent point le Soupgon & la Crainte,
De porter julqua vous leur redoutable atteinte.
Cher 3 tous les Humains,, de nous idolaeré ;
De l'amour de fon Peuple il marchoit entouré :
Son Fils , fon digne Fils , notre douce elpérance ,
Délices de LOUIS, délices de la France,
De ce Pere {1 tendre accompagnoit les Pas.
Le Jour s'éroit hité de quitter ces Climats.
D’un Voile plus épais 'Obfcure Nuit fe couvre,
La Foudre gronde, éclate, & la Terre sentrouvre;
Du plus grand des forfaits le Monde eft menacé.....
Un Monftre.... un Glaive.... arréte.... ah t LOUIS eft bleffé
O France!....il n'eft plus temps... elle vole.... sécrie....
Elle tombe fes piés.... Dieux i de quel Sang rougie !

fos =
Son Fils fous la Douleur fans ceffe fuccombant
Tend une‘main tremblante 2 fon Pere expirant.

a
Quand la Terreur accourt fur fa trace fanglance :
Quand tout ce qui I'entoure eft frappé d’épouvante:
Quand la Nature entiere 3 treflailli feffroi:
LOUIS feul eft tranquille; & la Mort voit un Roi.
a

Tel I'Ange dela Mer, la téte dans les Nués 4


a
=

Tranquille, entend le bruit de fes Vagues émués,


Em


INCRE
Poswme “°° 21
Ft voit les Flots , les Vents & la Mort déchainés
A fes pieds entr’ouvrir les Enfers confternés.
A travers les fanglots. ... Nature ! quelle Image...
L'amour, l'amour d'un Fils Souvre enfin un paflage. ...
‘Que le Monftre en mon flanc wa-tdl porté fes coups:
Vous vivriés mon Pere, & je mourrois pour vous....
Yen {erois, 6 mon Fils; mille fois plus a plaindre,
Répond le Roi; Vivés... Pour vous {eul jai pu craindre...
Sur mon Peuple.... Frangais,
en ce moment dernier, |
LOUIS Ze Bien-Aimé fe montroit tout entier.
Il ne peut achever. Son Palais en allarmes,
La Patric a fes pieds qu'elle inonde de larmes,
Se cachant le Vifage, égarée, hors de foi,
Et ne pouvant que dire: O mon Maitre! O mon Roi | LY
Ah Barbarer.. Une Cour frémiffante, éplorée,
A la douleur , au trouble, a la terreur livrée ,
Des fanglots érouffés, de longs gémiffements |
Des cris, le défefpoir qui croit a tous moments ,
Des Princes éperdus .... Une Reine mourante,
Qu'entoure fa Famille avec Elle expirante.
Voila quels nouveaux coups tu portes a LOUIS,
Enfer, la tu vois 'Homme, & tu ten applaudis !
Cette Fille du Temps qui fouverit le dévance,
Qui des Cieux & des Mers franchit I'Efpace immenfe;
\

22 La FRANCE SAUVEE
Dont I'Aile s'affermit & s'accroit en volant ;
Dont la Voix forme un bruit toujours plus ¢clatant,
Meflagere que {uit le Soupgon & la Crainte ,
Mélant4 fes récits l'ignorance ou la feinte ;
Faible Organe du Vrai, Trompette de I'Erreur,
Plus promte a répéter le cri de la Douleur,
Qui porter I'Efpérance ou {emer I Allégrefle,
Dans l'ombre de la Nuit, en sécriant fans cefle,

Oo
Deja la Renommeée a volé vers Paris.
Tout eft frappé du coup dont eft bleflé LOUIS.


Ces Jours ou, vers le Rhin, jaloufe de fa Gloire,
La Mort vint l'atraquer au {ein de la Victoire,
De ténébres, de deuil; reviennent plus couverts;
On n'entend qu'un {eul cri s'élancer dans les Airs,
Tour fc nit: IIntérée I'Amour & la Nature.
On ne voit que LOUIS & fa perte future,
On court avec fureur embrafler les Autels;
On les charge d’Encens & de veeux folemnels:
On invoque en pleurant la fupréme Puiffance :
La Douleur a bien-tét couvert toute la France,
Comme un Fleuve rapide en nos Champs deborde.
La paleur. fur le front, par la frayeur guidé,
On fe demande. Eh bien!.". . Nous rendra-t-on la vie?
Ses jours... {ont en danger. L'efpérance:... Eft bannie.
Poe wmze. 23
Le Roi 2.. Vafuccomber... Ah nous fommes perdus!
IL eft préc dexpirer.... Il expire.... Il n'eft plus!
Il n'eft plus? Ce Cri meurt dans un vafte filence.
Il vie. Il vit 1... On voit dans fa Carriere immenfe,
Semant I'or & lazur fur des traces de Feu,
L’Ange brillant des Lys, Miniftre heureux d'un Dieu:
Les rubis du Soleil ont couronné fa téte:
Sur les murs de Paris il defcend il sarréce.
Oui, pourfuit-il, Francais, votre Maitre eft vivant.
Ceeft moi qui vous I'annonce au nom du Tout-puiffant,
L'Ecernel a voulu conferver fon Image.
D'un Démon deftructeur il enchaine la rage;
Pour jamais il le plonge aux Gouffres infernaux;
Cleft ce Démon cruel, {eul Auteur de vos maux,
Qui, pour combler I'exces defa noire furie |
Vous difoit que LOUIS avoit perdu la vie.
11 refpire: la Gloire environne fes jours.
D'un Regne bienfaifant il étendra le cours :
1 verra {a Famille augufte & floriffante ,
Comme autant de Rameaux dune Tige abondante |
Perpétuer {on Nom, fon immortel éclat.
La Race des Bourbons régira votre Etat,
Julqu'a ces Temps cachés dans une Nuit profonde 3
Ou doivent s'écrouler les Fondements du Monde,
24 LA FRANCE SAUVEE.
Et devant 'Evernel porté fur les Eclairs,
Comme le Plomb fondu s'écouler I'Univers.
Allés , Francais , voles aux pieds de votre Maitre:
Il vousaime toujours. Soyés dignes de I'érre.
Ah ton Peuple, Grand Roi, mérite ton amour!
Tous les cceurs par ma voix te parlent en ce jour;
Vapporte a tes genoux Toffrande de leurs larmes.
Du bonheur détre aimé gotite bien tous les charmes.
Oui ton Peuple tadore. ... oui tes zélés Sujets
Te feront oublier.... Que le Monftre eft Frangais.
La Grece, des Heros la Mere & la Patrie,
Vit fon Temple embrafé des mains d'un Grec Impie;
Et parmi fes Enfants Rome en pleurant compta
La Perfide nourrie aux Autels de Vefta.
Vois, LOUIS, dans la France une famille entiere
Qui donneroit fon fang, qui mourroit pour {on Pere.
Que fon refpe&t, {es veux ; fon hommage ¢rernel
Chaffent de ta mémoire un {ouvenir cruel.
Viens te montrer aux yeux de ta Ville chérie
Elle te tend les bras; Paris entier te cric.
Le Vieillard expirant ne retient fon foupir ,
Qne pour te voir encor, tadorer, & mourir.
*

La Perfide nourrie. La Veftale Tarpeia.


PoE ME. 25

De fes foins maternels 'Epoufe moins touchée


Sur ce flatteur efpoir tient fon ame attachée:
Son Epoux inquiet séchappant de {es bras,
Cherche ta vile & vole au-devant de tes pas.
L’Enfant méme au Berceau treflaillira de joie;
A cette pure ivrefle ils {eront tous en proie.. ..
Ils baiferont tes pas ... Les mouilleront de pleurs....
Leur tendrefle expiera le plus grand des malheurs.
Et Toi de notre Maitre Image {1 Fidéle,
Du Héros & du Fils a ton tour le Modele,
Prince, qui pres du Trone en détournes les yeux,
Aprés LOUIS enfin le plus cher a nos veeux:
Favorable au tranfport qui pour lui nous anime,
Daigne mettre a {es pieds ce Tribut unanime.
Ceft a la Bienfaifance , a Amour, aux Vertus,
A préfenter I'Encens qu'on briile pour Titus.

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