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TEXTE

(Dans cette sorte d'antithèse, que de remarques n'ai-je point à offrir! Je n'ai qu'un moment
pour les faire, mais ce moment fixera l'attention de la postérité la plus reculée.) Sous l'ancien
régime, tout était vicieux, tout était coupable ; mais ne pourrait-on pas apercevoir l'amélioration des
choses dans la substance même des vices ? Une femme n'avait besoin que d'être belle ou aimable ;
quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds. Si elle n'en profitait
pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune qui la portait aux mépris des
richesses ; alors elle n'était plus considérée que comme une mauvaise tête. La plus indécente se
faisait respecter avec de l'or, le commerce des femmes était une espèce d'industrie reçue dans la
première classe, qui, désormais, n'aura plus de crédit. S'il en avait encore, la révolution serait
perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus. Cependant la raison peut-
elle se dissimuler que tout autre chemin à la fortune est fermé à la femme que l'homme achète
comme l'esclave sur les côtes d'Afrique ? La différence est grande, on le sait. L'esclave commande
au maître ; mais si le maître lui donne la liberté sans récompense, et à un âge où l'esclave a perdu
tous ses charmes, que devient cette infortunée ? Le jouet du mépris ; les portes mêmes de la
bienfaisance lui sont fermées ; «Elle est pauvre et vieille, dit-on, pourquoi n'a-t-elle pas su faire
fortune ?» D'autres exemples encore plus touchants s'offrent à la raison. Une jeune personne sans
expérience, séduite par un homme qu'elle aime, abandonnera ses parents pour le suivre ; l'ingrat la
laissera après quelques années, et plus elle aura vieilli avec lui, plus son inconstance sera inhumaine
; si elle a des enfants, il l'abandonnera de même. S'il est riche, il se croira dispensé de partager sa
fortune avec ses nobles victimes. Si quelque engagement le lie à ses devoirs, il en violera la
puissance en espérant tout des lois. S'il est marié, tout autre engagement perd ses droits. Quelles lois
reste-t-il donc à faire pour extirper le vice jusque dans la racine ? Celle du partage des fortunes entre
les hommes et les femmes, et de l'administration publique.

Situation du texte

L'extrait fait suite à une série de reproches formulés paradoxalement contre les femmes. Elle a
voulu montrer que l'abaissement moral dont les femmes ont pu faire preuve n'est que la
conséquence de leur oppression : elles ont dû agir dans l'ombre, exercer une pouvoir secret.

(D'abord accusée, la Monarchie qui a maintenu une position d'infériorité. La Révolution ensuite,
pour n'avoir pas appliqué ses propres principes d'égalité. Les femmes enfin, pour avoir accepté le
rôle social prédéterminé par faiblesse.)

Texte

Dans sa volonté d'inciter les femmes à revendiquer leurs droits, Olympe dresse le tableau de son
asservissement sous l'Ancien Régime. Elle cherche à illustrer son argumentation.
De fait, elle va établir une analogie avec la figure de l'esclave noir, faisait ainsi référence à son
combat de toujours.

PB

Comment le recours aux faits concrets donne-t-il une force supplémentaire à l'appel d'Olympe ?

MVT
1: Un tableau négatif de l'époque monarchique
2: L'analogie avec l'esclave
3: La situation pathétique des femmes, victimes de l'abjection des hommes

Lecture

Sous l'ancien régime, tout était vicieux, tout était coupable ; mais ne pourrait-on pas apercevoir
l'amélioration des choses dans la substance même des vices ? Une femme n'avait besoin que d'être
belle ou aimable ; quand elle possédait ces deux avantages, elle voyait cent fortunes à ses pieds. Si
elle n'en profitait pas, elle avait un caractère bizarre, ou une philosophie peu commune qui la portait
aux mépris des richesses ; alors elle n'était plus considérée que comme une mauvaise tête. La plus
indécente se faisait respecter avec de l'or, le commerce des femmes était une espèce d'industrie
reçue dans la première classe, qui, désormais, n'aura plus de crédit. S'il en avait encore, la
révolution serait perdue, et sous de nouveaux rapports, nous serions toujours corrompus. //
Cependant la raison peut-elle se dissimuler que tout autre chemin à la fortune est fermé à la femme
que l'homme achète comme l'esclave sur les côtes d'Afrique ? La différence est grande, on le sait.
L'esclave commande au maître ; mais si le maître lui donne la liberté sans récompense, et à un âge
où l'esclave a perdu tous ses charmes, que devient cette infortunée ? Le jouet du mépris ; les portes
mêmes de la bienfaisance lui sont fermées ; « Elle est pauvre et vieille, dit-on, pourquoi n'a-t-elle
pas su faire fortune ? » D'autres exemples encore plus touchants s'offrent à la raison. // Une jeune
personne sans expérience, séduite par un homme qu'elle aime, abandonnera ses parents pour le
suivre ; l'ingrat la laissera après quelques années, et plus elle aura vieilli avec lui, plus son
inconstance sera inhumaine ; si elle a des enfants, il l'abandonnera de même. S'il est riche, il se
croira dispensé de partager sa fortune avec ses nobles victimes. Si quelque engagement le lie à ses
devoirs, il en violera la puissance en espérant tout des lois. S'il est marié, tout autre engagement
perd ses droits. Quelles lois reste-t-il donc à faire pour extirper le vice jusque dans la racine ? Celle
du partage des fortunes entre les hommes et les femmes, et de l'administration publique.

MVT1
La condition des femmes sous la monarchie

Le complément de temps inscrit la démonstration dans une époque révolue + rythme ternaire du
premier segment de la phrase et le doublement (parallélisme) de la structure syntaxique finale
apporte un ton grave et dénonciateur : expression de la totalité avec le pronom indéfini, la structure
attributive et les deux adjectifs péjoratifs = la condamnation morale est sans appel.
Après la ponctuation, la conjonction de coordination d'opposition MAIS ouvre sur l'explication de
ce retour en arrière : on peut en tirer un profit en l'examinant = question rhétorique, interro-
négative, pronom indéfini qui renvoie aux lectrices, conditionnel qui pose l'éventualité, + la chute
un peu paradoxale que souligne par dérivation lexicale la reprise du thème du vice.

Les traits de la femme

L'indéfini ramène la femme à un archétype : ses qualités en apparence positives, s'inscrivent dans
une négation restrictive qui les dévalorise : elle est réduite à n'être que cela = les deux adjectifs sont
repris par le substantif AVANTAGES, donc la qualité des femmes repose sur leur physique ou leur
capacité de séduction, c'est ainsi qu'elles tirent une pouvoir dans la société. Plus encore, elles
peuvent les monnayer = expression de la condition pour mise en valeur de cette sorte de prostitution
institutionnelle par l'antithèse quantitative : il lui suffit d'être belle pour avoir de l'argent
L'image des fortunes aux pieds est également avilissante pour les hommes qui se disputent les plus
belles femmes, cherchent à mettre le plus d'argent en jeu.

L'hypothèse inverse – la femme ne se soumet pas à ce marchandage – est ensuite envisagée, comme
un cas possible mais qui la marginalise : ouverture sur l'hypothèse toujours associée à l'imparfait
d'habitude = cas exceptionnel mais qui ne la valorise pas aux yeux de la société car elle se voit
dévalorisée = double explication (causes) du refus, avec la conj OU alternative : trait de caractère,
de personnalité, peu conforme, fantasque / principes, idées (philosophie) marginales qui refusent la
vénalité dans les rapports (prop relative) = la conséquence (« alors »), c'est que la vertu du mépris
des richesses devient un blâme avec la nég restrictive et le système comparatif = mauvaise tête, qui
refuse l'ordre masculin.

La dégradation morale de la société monarchique est résumée par l'emploi du superlatif, associé au
champ lexical de l'argent, afin de prouver une fois de plus le renversement des valeurs (décalage
entre le dépréciatif et le groupe verbal (respecter) = l'argent corrompt les mœurs, les relations entre
les sexes, et ce dans les classes supérieures. La rupture avec cette époque s'exprime dans la relative,
la projection optimiste rendue par le futur et l'adv de temps
Ainsi, comme la Révolution a aboli les privilèges matériels, elle doit maintenant supprimer les
relations fondées sur la marchandisation des femmes : Olympe envisage une hypothèse sur un mode
de l'irréel afin de souligner l'impossibilité morale de maintenir un tel système.

MVT2

Consciente du chemin qui reste à parcourir, l'auteure pose une question oratoire lucide, dans
laquelle elle va établir l'analogie avec la situation des esclaves. L'émancipation matérielle n'est pas
acquise (connecteur d'opposition en début), elle reprend le lexique de l'argent, illustre avec l'image
spatiale du « chemin », pour finir sur l'analogie provocante de la femme et de l'esclave africain.

Son audace est immédiatement modérée, nuancée, car la femme esclave détient un pouvoir de
séduction sur son « maître » : l'incise de parole marque une concession oratoire. Elle formule en un
trait bref et paradoxal ce pouvoir, aussitôt contredit par la conjonction d'opposition afin de poser
deux hypothèses qui rend visible la fragilité des femmes : elle risque d'être abandonnée sans
dédommagement au bon vouloir du mari (qui fait l'action en tant que sujet, quand la femme est
complément (« lui »); et ceci est aggravé par l'âge qui ruine les charmes de la femmes, facteur
naturel contraignant supplémentaire. La question oratoire en fin de phrase permet d'interpeller le
lecteur, et de dramatiser le sort des femmes délaissées (choix d'un mot pathétique, dérivation
négative de « fortune ») : pour réponse, une désignation dévalorisante dans laquelle la femme
devient un objet qui subit opprobre sociale.
La femme se retrouve entièrement démunie comme le suggère l'exagération des portes fermées
(reprise de l'image du « chemin fermé »)= effet de répétition des termes + refus de la moindre
charité. Pauvre car abandonnée, la femme ne trouve aucun soutient dans cette société aux valeurs
corrompues.

Par volonté d'illustrer, de dramatiser son propos, et de scandaliser son lectorat, elle enchaîne avec
du discours rapporté direct comme l'expression de l'opinion qui juge sa bêtise de n'avoir pas profité
de sa situation de séductrice : dépréciée physiquement et socialement, la femme ne doit s'en prendre
qu'à elle.

Afin de renforcer la dimension pathétique de son tableau, l'auteure annonce un ajout


d'illustrations persuasives: pluriels, adverbes intensifs
Ici, les exemples doivent frapper la raison, ils ont une visée argumentative autant que narrative
MVT3

L'auteure développe un récit emblématique à partir d'un cas représentatif : « Une », la jeune fille
naïve abusée par un séducteur, passive et victime de ses propres sentiments ; qui se prive du soutien
familial (futur) : la chute de l'histoire arrive presque immédiatement (« ; ») et son dénouement est
inéluctable (ellipse narrative de la vie commune)(futur indicatif)(femme = pronom, objet) car
l'homme est fortement déprécié = désignation péjorative, motivation immorale, parallélisme qui
renforce la cruauté

D'autres circonstances aggravantes suivent à partir des prop circonst d'hypothèse : elle charge le
comportement des hommes autant que les failles juridiques qui ne protègent pas les femmes (donc
suit son intention réformatrice) : répétition du verbe abandonnera, insensibilité ; refus d'aide
financière moquée par les tournures ironiques

L'homme ne respecte pas ses propres serments, il n'hésite pas à se renier car la loi est de son côté.

Enfin, dans la dernière hypothèse, la répétition du mot « engagement » souligne bien que l'homme
s'en tire quelque soit le cas de figure : s'il est marié, sa maîtresse de toute façon perd aussi.

L a conclusion vient logiquement sous la forme d'une question rhétorique, en écho à la question
initiale de l'extrait : la révolution doit poursuivre son œuvre, ses réformes en direction des femmes.
L'ampleur des efforts s'exprime par l'emploi de la métaphore agricole.

La réponse en découle et synthétise les principes juridiques énoncés dans les articles : un singulier
pour résorber toutes les inégalités : le partage juste des ressources qui passe par un partage du
pouvoir

CONC

– En rappelant la fragilité sociale de la femme, qui ne peut compter que sur son physique
et que les hommes humilient, Olympe rend indispensable une réforme de la révolution si
celle-ci veut rompre avec la monarchie : elle certifie sa foi révolutionnaire

– L'efficacité des exemples argumentatifs, et le dynamisme narratif qu'ils offrent, prouve


l'habileté d'Olympe à mobiliser son lectorat. Elle suscite de la passion afin de servir son
projet juridique
– Le parallélisme avec l'esclavage donne une portée universelle au combat de l'auteure ;
fidèle à sa défense des esclaves, elle entend porter la lutte à l'ensemble des opprimés. On
peut citer ici sa préface de 1788, Réflexions sur les hommes nègres, dans laquelle elle
dénonce leur condition.

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