Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Valérie Harvey
Trouver grâce à ses yeux
VALÉRIE GIFFARD
Mine d’enterrement
Je m’en suis souvent remise à l’effet thérapeutique de
l’écriture pour traverser les difficultés, car peu d’activi-
tés me procurent autant de plaisir que les figures de style
et le badinage artistique. Je ne travaille plus comme
rédactrice depuis quelques années déjà, mais je me suis
dit que c’était là une belle occasion de renouer avec la
création, bien personnelle cette fois.
C’est donc sur une note d’espoir que j’ai sorti ma
plume, croyant qu’elle me permettrait de m’élever
au-dessus de ma peine. Mais voilà, mon inspiration
semblait avoir du plomb dans l’aile et mon crayon, lui,
ne payait pas de mine. Ma plume fontaine s’était tarie,
laissant le papier désert. C’était le calme plat devant
l’écran aussi. Solitaire en amont de la page, le curseur
me narguait de son clignotement, me rappelant l’écou-
lement du temps et le délai de plus en plus court dont je
disposais. Mais on aurait dit que tous mes mots avaient
été saisis. Je ne parvenais pas à traverser la frontière et à
me lancer sereinement dans mon aventure littéraire.
J’étais retenue aux douanes de l’esprit et il semblait bien
que je n’avais, sur le sujet qui palpitait à ce moment-là
au cœur de ma vie, rien à déclarer.
Pôle d’inaction
Une vieille ennemie s’était relevée tandis que, sous l’em-
prise du deuil, j’abaissais ma garde. L’anxiété venait pol-
luer ce qui était d’habitude pour moi une grande source
de réconfort et de joie. Elle m’empêchait de me livrer à
un exercice littéraire qui aurait d’ordinaire constitué ma
planche de salut. Elle n’avait pas empoisonné ma vie
avec autant de violence depuis des années et je m’en
croyais presque débarrassée. Mais, au bout du compte, sa
chute n’avait pas été fatale et elle n’attendait que l’occa-
sion de me remettre à mal. La même mêlée s’engageait,
qui m’avait si souvent laissée confuse et désemparée.
L’anxiété ne fait pas dans la dentelle et ses dessous
sont loin d’être affriolants. Son effet le plus pervers est le
discours trompeur qu’elle génère. Vivre avec un trouble
anxieux, c’est avoir tous les jours affaire à un manipula-
teur qui trifouille dans nos pensées et les embrouille.
Son propre est de mener une campagne de salissage qui
fait des ravages dans l’image que l’on a de soi, dans la
façon dont on se voit. Pour ma part, dès que je rencontre
ou même que j’anticipe seulement une difficulté, ce
trouble exacerbe l’inquiétude et le stress que cette situa-
tion peut engendrer en ne mettant en lumière que ce qui
pourrait aller de travers. Et son discours joue si fort qu’il
enterre le gros bon sens, le laissant pour mort.
Avec tout ce tapage dans la tête, on ne parvient plus à
prendre de recul et la panique s’installe, qui est difficile
à contrôler. Sommeil intermittent, maux de tête, nausées,
vomissements, serrements et emballements du cœur, dif-
ficulté à respirer : un chapelet de symptômes physiques,
apparentés à ceux d’un trac violent, font leur apparition
et transforment la vie en calvaire. Tout le monde a déjà
traversé de grands moments de nervosité, mais l’anxiété
ajoute au stress sa touche toute personnelle : un blocage
psychologique à l’effet paralysant. Son impact est dévas-
tateur sur les dispositions de l’esprit et sur l’humeur. On
n’arrive plus du tout à fonctionner, car elle obscurcit le
jugement et fait tout voir en noir. L’espoir de s’en sortir
un jour semble s’être éclipsé. On a tendance à se replier
sur soi, à s’isoler. De surcroît, le discours du manipula-
teur crée un malaise intérieur, un sentiment persistant
et exagéré de honte et de haine de soi lié bien souvent à
la peur d’être jugé par les autres si jamais ces derniers
parvenaient à deviner à quel point on est mal amanché.
L’anxiété écrase la personne qu’elle touche comme une
fatalité.
De l’affront tout le tour de la tête
Dans ma tête, le manipulateur se pose en critique au
verbe acerbe avec la switch réglée sur bitch. Rien de ce
que je fais ne trouve grâce à ses yeux. Il me martèle le
caillou à coup de « tu ne vaux pas un clou ». Il me fait
continuellement douter de ma valeur, de mon intelli-
gence et de mon propre jugement. Il fait croître en moi
un sentiment généralisé d’insatisfaction, de l’irritabilité,
de la frustration, du découragement. Même quand je
pense aux réalisations qui jalonnent mon parcours, j’ai
du mal à croire que c’est bien moi qui ai accompli tout
cela, car je me sens incompétente bien souvent. J’ai
pourtant eu l’audace, un jour, de partir vivre et étudier
en Grèce. Ce cran ne m’a pourtant pas empêchée de
me retrouver, au bout de quelques années, coincée chez
moi, avec le stress et la nausée, parce qu’il me fallait aller,
seule, faire mon marché. L’étudiante fonceuse s’était
métamorphosée en femme timorée ! J’ai déjà refusé des
emplois et des promotions, et même laissé filer de beaux
projets de création, car le manipulateur m’avait convain-
cue que je ne pouvais, en aucun cas, être la femme de
la situation. Son influence a aussi pesé dans la balance
lorsque j’ai renoncé à la maternité. Le manipulateur me
pétrit de tant de doutes que j’en perds ma liberté.
Il parvient à ébranler ma confiance même en des
domaines où j’ai prouvé ma compétence. J’ai déjà gagné
ma vie en écrivant et j’en ai des preuves, mais ce maître
chanteur est à l’œuvre. Il cherche à me faire oublier tout
ce que j’ai déjà réussi dans la vie et tout ce que je me sais
pourtant capable de relever comme défi. J’étais rédac-
trice, je connais bien deux ou trois trucs en matière
d’écriture. Mais en ce moment même où j’écris, il me
répète que je m’apprête à fournir à une assemblée de
lecteurs un échantillon littéral de mon insignifiance
proverbiale. Il s’amuse à me faire croire qu’il prendra le
monde entier à témoin de mon incompétence notoire. Il
insère mes craintes et mon orgueil entre moi et ma
feuille. Je suis paralysée, car je me sens près d’échouer
dans un domaine que je suis censée maîtriser. Il mise
gros sur ma sempiternelle faible estime personnelle,
spécule sur mon sentiment d’illégitimité, capitalise sur
ma peur de l’échec et, à force de l’entendre me débiter
des insultes, je ne m’accorde plus aucun crédit. Il connaît
mon point faible. Il me saisit en plein là où je lui offre
une prise, et il gratte et attise jusqu’à l’infection une
crainte ancienne : celle du jugement, de la critique et de
l’humiliation.
Cinquante minutes.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
CATHERINE PERRIN
Trait d’union. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
FRANÇOIS DESFOSSÉS
Fin de vie.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
JEAN DÉSY
Jamais avant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
MYLÈNE BOUCHARD
Le Passe-Amour. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
MARSI
La croissance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
MARIE-PAUL ROSS
Remerciements.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
L’amour au coeur de la vie
Sous la direction de Valérie Harvey