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Nouvelles, poème, bande dessinée et réflexions...

quinze regards sur l’amour par :


Geneviève Blouin • Mylène Bouchard • Samuel Champagne • Annie Cloutier
François Desfossés • Jean Désy • Valérie Giffard • Marsi • Hans-Jürgen Greif • Valérie Harvey
Benoît Lacroix • Catherine Perrin • Daniel Rondeau • Marie-Paul Ross • Mélissa Verreault
Sous la direction de Valérie Harvey
Projet dirigé par Valérie Harvey
Coordination éditoriale : Myriam Caron Belzile
Conception graphique et mise en pages : Claudia Mc Arthur
Révision linguistique : Isabelle Pauzé et Sabrina Raymond
En couverture : illustration de Marsi
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
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Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition
de livres – Gestion SODEC.

Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives


nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Vedette principale au titre :
L’amour au cœur de la vie : 15 regards sur l’amour
ISBN 978-2-7644-3347-8 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3348-5 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3349-2 (ePub)
1. Histoires d’amour québécoises. 2. Nouvelles québécoises - 21e siècle.
I. Harvey, Valérie.
PS8323.L6A92 2017 C843'.0850806 C2016-942031-0
PS9323.L6A92 2017

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017


Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique. com
Geneviève Blouin • Mylène Bouchard • Samuel Champagne • Annie Cloutier
François Desfossés • Jean Désy • Valérie Giffard • Marsi • Hans-Jürgen Greif • Valérie Harvey
Benoît Lacroix • Catherine Perrin • Daniel Rondeau • Marie-Paul Ross • Mélissa Verreault
Sous la direction de Valérie Harvey
À mes oisillons, Léo et Émi,
Qui m’enseignent une nouvelle façon d’aimer
À mon complice, Philippe
Le nid de notre vie est tissé de sens
Préface

Gens du pays, c’est votre tour


De vous laisser parler d’amour.
Gilles Vigneault

Je devais avoir huit ans quand le prêtre de notre paroisse


est venu expliquer, dans notre cours d’enseignement
moral et religieux, qu’en grec ancien, l’amour se disait
de quatre façons. Il y a l’éros, l’amour-passion, le plus
visible ; le storgê, l’amour familial ; le philia, qui s’amuse
à flirter avec le latin « filial », mais qui est lié à l’amitié,
puis l’agapè, l’amour universel, désintéressé, celui sur
lequel le prêtre avait davantage insisté.
Pourquoi la fillette que j’étais, assise en indien sur le
sol froid de sa classe, avait-elle emmagasiné ce souvenir
dans un tiroir vivace de sa mémoire ? Il est vrai que
l’amour, ce grand mystère, me fascinait. Et que j’aimais
facilement : après quelques semaines à la maternelle,
je demandais en mariage l’un de mes amis pour le
« réserver pour plus tard ». J’étais une petite fille qui
avait été nourrie d’amour toute son enfance. En sor-
tant de mon cocon familial, je ne cherchais qu’à
prolonger l’émerveillement de cette chaleur autour de
moi. J’allais vite apprendre que si le besoin d’amour est
universel, il n’est pas donné à tous les enfants de le
recevoir avec autant de générosité. Et que sa quête pou-
vait être douloureuse.
Aujourd’hui, parler d’amour, c’est risquer d’être « qué-
taine ». À moins qu’on l’aborde de manière accessoire.
On s’amuse à faire comme s’il n’était qu’un sentiment
parmi d’autres, une touche de plus s’ajoutant au plaisir.
Juste avant le mariage, on fête les futurs époux en leur
organisant un enterrement de vie de garçon et un autre
de vie de fille, où on parle davantage des positions du
Kamasutra que de leur belle histoire d’amour. Quand
on annonce qu’un bébé est en route, les futurs parents
reçoivent des clins d’œil et des allusions à leur efficacité
au lit, mais rarement au fait qu’ils doivent s’aimer beau-
coup pour oser créer la vie ensemble. Quand on parle de
la fête de l’amour, on sort les huiles de massage et les
références au sexe. Et l’industrie du marketing tente de
nous faire croire que la Saint-Valentin est une fête uni-
quement dédiée aux couples parce qu’avec le mot
« amour » vient l’image de deux amoureux qui s’em-
brassent ou se tiennent la main sur la plage, coucher de
soleil derrière eux. C’est beau, c’est doux, c’est à faire
rêver.
Pourtant, l’amour, ce n’est pas que le couple, le sexe et
la passion. L’amour est au cœur de la vie : le bébé qui ne
reçoit pas d’amour ne survivra pas, cela a malheureuse-
ment été prouvé. Au même titre que l’eau, la nourriture
ou un logis, l’amour est essentiel à l’existence humaine.
En entrevue à Tout le monde en parle au Québec, en mars
2015, le philosophe Frédéric Lenoir disait que l’amour
est plus grand que la quête du bonheur. Ce qui nous
amène à un constat troublant pour une société construite
autour de l’idée du plaisir : l’amour n’inclut donc pas
forcément le bonheur ni la satisfaction. Un grand sage
québécois, Serge Bouchard, allait dans le même sens
en novembre 2016 à l’émission Plus on est de fous, plus
on lit :
Où j’en suis rendu, je peux dire que j’ai énormément
souffert et j’ai été énormément heureux. Ce qui est une
phrase extrêmement ordinaire. Notre société dit le
contraire : soyez heureux tout le temps ! Et si vous êtes
malheureux, c’est un accident. Si vous êtes malheureux,
ce n’est pas normal. Si vous êtes malheureux, c’est de
votre faute. Mais quand on aime, on est inquiet. C’est
ainsi. Puis quand on aime, on est attachés. C’est beau la
liberté, mais aimer c’est être attaché, c’est être engagé.
À Noël et à mon anniversaire, comme tous les enfants,
j’attendais le moment des cadeaux. Un jour, ma mar-
raine m’a dit que dans chaque boîte, il y avait l’amour de
la personne qui me l’offrait. Avais-je bien respiré cette
bouffée d’amour en ouvrant le cadeau ? L’avais-je sen-
tie ? Depuis ce jour, je n’ai jamais oublié de penser qu’un
cadeau est surtout la matérialisation du lien entre moi et
la personne qui me l’offre. Et de me sentir choyée de
recevoir cette part d’amour. J’y pense encore quand
j’emballe un cadeau. J’espère que le fêté sait que ce que
je lui donne surtout, c’est de l’amour. Je n’ose le dire,
mais je le chante. Car mon père insistait pour entonner
la chanson de Gilles Vigneault lorsque le gâteau arrivait.
Ça ne peut pas être plus clair : « Mon cher Philippe, c’est
à ton tour de te laisser parler d’amour… » Cette idée de
chanson, qui s’adapte à tous les noms et à toutes les
situations, est merveilleuse. Car n’est-ce pas le sens de tous
les rassemblements : dire et redire, de toutes sortes de
façons, à des gens qui nous sont précieux, qu’on les aime ?
Les auteurs qui ont accepté de participer à ce recueil
ont été invités à parler de l’amour avec un grand A,
l’amour qui transforme et fait avancer. Ils ont été encou-
ragés à laisser aller leur imagination à travers les quatre
types d’amour pour amorcer une réflexion sur le sens de
ce sentiment. Ils viennent de milieux différents et ils
s’expriment tous de façon unique, mais ils ont en commun
d’être convaincus que l’amour est au cœur de la vie.
Par des regards diversifiés, un peu de poésie, un peu de
BD, de la psychologie, ils élargissent nos horizons. Cha-
cun de ces regards s’articule autour d’un mot-clé qui
tente de tirer un portrait de l’invisible et de former une
mo­­saïque pour illustrer les différentes formes de l’amour.
Qu’à travers ces regards ouverts et humains vous
puissiez détecter les multiples visages de l’amour dans
votre propre vie, tel est mon souhait.

Valérie Harvey
Trouver grâce à ses yeux
VALÉRIE GIFFARD

Ma mère venait de mourir et la vie, dans son offensante


célérité, poursuivait son cours sans elle. Après avoir
assisté à la lente destruction de son corps, puis après sa
mort, j’avais besoin d’un projet pour me reconstruire,
pour guérir, moi, et me sentir vivante. C’est donc à bras
et cœur ouverts que j’ai accueilli cette invitation à écrire
sur l’amour. Le sort m’enlevait ma mère, mais, en contre-
partie, il me faisait l’offrande d’un sujet hors pair, bien
que doux-amer.

Mine d’enterrement
Je m’en suis souvent remise à l’effet thérapeutique de
l’écriture pour traverser les difficultés, car peu d’activi-
tés me procurent autant de plaisir que les figures de style
et le badinage artistique. Je ne travaille plus comme
rédactrice depuis quelques années déjà, mais je me suis
dit que c’était là une belle occasion de renouer avec la
création, bien personnelle cette fois.
C’est donc sur une note d’espoir que j’ai sorti ma
plume, croyant qu’elle me permettrait de m’élever
au-dessus de ma peine. Mais voilà, mon inspiration
semblait avoir du plomb dans l’aile et mon crayon, lui,
ne payait pas de mine. Ma plume fontaine s’était tarie,
laissant le papier désert. C’était le calme plat devant
l’écran aussi. Solitaire en amont de la page, le curseur
me narguait de son clignotement, me rappelant l’écou-
lement du temps et le délai de plus en plus court dont je
disposais. Mais on aurait dit que tous mes mots avaient
été saisis. Je ne parvenais pas à traverser la frontière et à
me lancer sereinement dans mon aventure littéraire.
J’étais retenue aux douanes de l’esprit et il semblait bien
que je n’avais, sur le sujet qui palpitait à ce moment-là
au cœur de ma vie, rien à déclarer.

Pôle d’inaction
Une vieille ennemie s’était relevée tandis que, sous l’em-
prise du deuil, j’abaissais ma garde. L’anxiété venait pol-
luer ce qui était d’habitude pour moi une grande source
de réconfort et de joie. Elle m’empêchait de me livrer à
un exercice littéraire qui aurait d’ordinaire constitué ma
planche de salut. Elle n’avait pas empoisonné ma vie
avec autant de violence depuis des années et je m’en
croyais presque débarrassée. Mais, au bout du compte, sa
chute n’avait pas été fatale et elle n’attendait que l’occa-
sion de me remettre à mal. La même mêlée s’engageait,
qui m’avait si souvent laissée confuse et désemparée.
L’anxiété ne fait pas dans la dentelle et ses dessous
sont loin d’être affriolants. Son effet le plus pervers est le
discours trompeur qu’elle génère. Vivre avec un trouble
anxieux, c’est avoir tous les jours affaire à un manipula-
teur qui trifouille dans nos pensées et les embrouille.
Son propre est de mener une campagne de salissage qui
fait des ravages dans l’image que l’on a de soi, dans la
façon dont on se voit. Pour ma part, dès que je rencontre
ou même que j’anticipe seulement une difficulté, ce
trouble exacerbe l’inquiétude et le stress que cette situa-
tion peut engendrer en ne mettant en lumière que ce qui
pourrait aller de travers. Et son discours joue si fort qu’il
enterre le gros bon sens, le laissant pour mort.
Avec tout ce tapage dans la tête, on ne parvient plus à
prendre de recul et la panique s’installe, qui est difficile
à contrôler. Sommeil intermittent, maux de tête, nausées,
vomissements, serrements et emballements du cœur, dif-
ficulté à respirer : un chapelet de symptômes physiques,
apparentés à ceux d’un trac violent, font leur apparition
et transforment la vie en calvaire. Tout le monde a déjà
traversé de grands moments de nervosité, mais l’anxiété
ajoute au stress sa touche toute personnelle : un blocage
psychologique à l’effet paralysant. Son impact est dévas-
tateur sur les dispositions de l’esprit et sur l’humeur. On
n’arrive plus du tout à fonctionner, car elle obscurcit le
jugement et fait tout voir en noir. L’espoir de s’en sortir
un jour semble s’être éclipsé. On a tendance à se replier
sur soi, à s’isoler. De surcroît, le discours du manipula-
teur crée un malaise intérieur, un sentiment persistant
et exagéré de honte et de haine de soi lié bien souvent à
la peur d’être jugé par les autres si jamais ces derniers
parvenaient à deviner à quel point on est mal amanché.
L’anxiété écrase la personne qu’elle touche comme une
fatalité.
De l’affront tout le tour de la tête
Dans ma tête, le manipulateur se pose en critique au
verbe acerbe avec la switch réglée sur bitch. Rien de ce
que je fais ne trouve grâce à ses yeux. Il me martèle le
caillou à coup de « tu ne vaux pas un clou ». Il me fait
continuellement douter de ma valeur, de mon intelli-
gence et de mon propre jugement. Il fait croître en moi
un sentiment généralisé d’insatisfaction, de l’irritabilité,
de la frustration, du découragement. Même quand je
pense aux réalisations qui jalonnent mon parcours, j’ai
du mal à croire que c’est bien moi qui ai accompli tout
cela, car je me sens incompétente bien souvent. J’ai
pourtant eu l’audace, un jour, de partir vivre et étudier
en Grèce. Ce cran ne m’a pourtant pas empêchée de
me retrouver, au bout de quelques années, coincée chez
moi, avec le stress et la nausée, parce qu’il me fallait aller,
seule, faire mon marché. L’étudiante fonceuse s’était
métamorphosée en femme timorée ! J’ai déjà refusé des
emplois et des promotions, et même laissé filer de beaux
projets de création, car le manipulateur m’avait convain-
cue que je ne pouvais, en aucun cas, être la femme de
la situation. Son influence a aussi pesé dans la balance
lorsque j’ai renoncé à la maternité. Le manipulateur me
pétrit de tant de doutes que j’en perds ma liberté.
Il parvient à ébranler ma confiance même en des
domaines où j’ai prouvé ma compétence. J’ai déjà gagné
ma vie en écrivant et j’en ai des preuves, mais ce maître
chanteur est à l’œuvre. Il cherche à me faire oublier tout
ce que j’ai déjà réussi dans la vie et tout ce que je me sais
pourtant capable de relever comme défi. J’étais rédac-
trice, je connais bien deux ou trois trucs en matière
d’écriture. Mais en ce moment même où j’écris, il me
répète que je m’apprête à fournir à une assemblée de
lecteurs un échantillon littéral de mon insignifiance
proverbiale. Il s’amuse à me faire croire qu’il prendra le
monde entier à témoin de mon incompétence notoire. Il
insère mes craintes et mon orgueil entre moi et ma
feuille. Je suis paralysée, car je me sens près d’échouer
dans un domaine que je suis censée maîtriser. Il mise
gros sur ma sempiternelle faible estime personnelle,
spécule sur mon sentiment d’illégitimité, capitalise sur
ma peur de l’échec et, à force de l’entendre me débiter
des insultes, je ne m’accorde plus aucun crédit. Il connaît
mon point faible. Il me saisit en plein là où je lui offre
une prise, et il gratte et attise jusqu’à l’infection une
crainte ancienne : celle du jugement, de la critique et de
l’humiliation.

La force d’une ombre


Toute petite déjà, la bonne opinion des autres accaparait
une place bien trop grande dans mes préoccupations.
Travaillante et appliquée, je réussissais bien ce que j’en-
treprenais et mes réalisations étaient couronnées de
succès. Comme tous les petits (et comme les grands
aussi), j’adorais être encouragée, félicitée : les bons com-
mentaires me gardaient motivée. Je ne carburais, en
fait, qu’à cela. Tout le problème était là. Je voulais que
les gens de mon entourage m’approuvent et qu’ils soient
fiers de moi. Ils étaient contents, j’étais contente aussi.
Mais si, par malheur, ils démontraient moins d’enthou-
siasme ou de fierté que ce que j’avais anticipé, j’étais
dévastée et redoublais alors d’ardeur, jusqu’à m’épuiser,
pour prouver ma valeur. La qualité de mon estime per-
sonnelle dépendait entièrement du succès que je rempor-
tais et de l’image positive de moi-même que le regard des
autres me renvoyait.
Ce souci constant de bien faire et de plaire s’est ampli-
fié quand, à l’école, je suis devenue la cible de coups et
de propos blessants. Si certaines personnes sont outil-
lées dès leur plus jeune âge pour répondre aux détrac-
teurs en tout genre, ce n’était manifestement pas mon
cas. Timide et impressionnable, je ne savais rendre ni les
coups de poing, ni les coups de gueule. Pour que les
attaques cessent, je mettais tout en œuvre pour corriger
ce que je croyais être mes très nombreux et bien vilains
défauts. Mais rien n’y faisait : mes diffamateurs, tou-
jours, revenaient à l’assaut ! Et mes larmes jaillissant à
foison ne faisaient que leur fournir davantage de muni-
tions. Alors, sans espoir de trêve, et résolue à ne vivre de
cessez-le-feu qu’en rêve, je me suis stratégiquement
repliée sur le seul front où je savais pouvoir livrer
bataille. Je me suis barricadée dans les études et le tra-
vail. Performer à tout prix est devenu mon modus ope-
randi. En parvenant à briller sur tous les plans, la petite
fille qui se croyait bien terne espérait redorer son image
et prouver qu’elle méritait davantage que cette mitraille
d’humiliations.

Viser la tête et se tirer dans le pied


Je me suis donc mise à m’imposer de tout réussir à la
perfection au premier essai, et ce, sans jamais rece-
voir ni demander d’aide. Je ne m’accordais aucun
droit à l’erreur. Il en allait de mon honneur. Mais le
perfectionnisme est un poison. Car plus je craignais
l’échec, plus je travaillais fort, mais plus je me crevais à
viser haut et plus j’avais la mine basse, car ma peur
d’échouer ne faisait que gonfler. Les objectifs que je me
fixais devenaient plus paralysants que stimulants et je
prenais rarement plaisir à ce que je faisais. Et même si,
en dépit de tout cela, la route sous mes pas se pavait de
succès, j’avançais avec le sentiment persistant de n’en
avoir jamais assez fait. Je ne parvenais pas à savourer
mes réussites, car je ne me les attribuais pas. Je me
croyais dénuée de qualités et aucune victoire ne par-
venait à me faire changer d’idée. À mes yeux, cela ne
pouvait être attribuable qu’à un coup de chance ou au
probable manque de complexité du projet, mais jamais,
au grand jamais, à mes qualités ou à ma compétence !
Comme je ne croyais pas être l’auteure du succès pour
lequel j’obtenais de la reconnaissance, je vivais dans la
crainte continuelle d’être démasquée, puis mise au ban
de la société. Je considérais comme une grossière impos-
ture d’accepter le moindre des compliments ou des hon-
neurs. Cette gêne anticipée à l’idée d’être déclarée nulle
si découverte ne faisait qu’ajouter à la pression que je
m’imposais afin que mes performances en jettent ! L’auto­­­
dévalorisation chronique, les mots violents que l’on
s’envoie, le manque de respect que l’on se témoigne ré­­
sultent d’un immense manque d’amour pour soi.

Donner le change ou changer la donne ?


Je me suis longtemps mis une pression monstre pour
maintenir mon image de championne, tant sur le marché
du travail que dans la vie en général. Pour prouver ma
valeur, je ne me suis épargné aucun effort. Je me suis
dépensée sans compter. Physiquement et moralement,
je me suis épuisée. Et pourtant peu nombreux sont les
bienfaits que j’en ai retiré, car ces victoires à l’arraché, je
ne les ai pas vraiment goûtées. Les années passant, j’ai
inconsciemment adopté une stratégie pour contourner
ma crainte majeure d’être pointée du doigt puis mise à
l’index : rester dans l’ombre quand je ne suis pas certaine
de pouvoir me montrer sous mon meilleur jour. C’est
en partie pour ça que, depuis quelques semaines, j’ai la
mèche si courte. Les pires scénarios d’humiliation
publique jouent en boucle dans ma tête. J’ai peur de friser
le ridicule et je me remets en cause de façon permanente.
Alimentée par la propagande de mon manipulateur inté-
rieur, mon imagination s’emballe, mon jugement se fait
la malle et ce n’est vraiment pas un cadeau !
Au cours des derniers mois, plus de vingt fois déjà, sur
le métier, j’ai remis mon ouvrage. J’enfile et désenfile
constamment mes sujet-verbe-complément. Je n’arrive
pas à prendre suffisamment de recul et mon essai sur
l’amour n’avance pas. Je m’isole de mes proches, je me
planque dans mon bureau, je me sens irritable, impa-
tiente. Je voudrais bien tout laisser tomber et aller me
cacher. De plus, mon manipulateur intérieur tente de
me convaincre que ce ne serait pas si timbré que ça que
de m’affranchir d’un projet qui semble déterminé à res-
ter lettre morte. Il insinue même que je pourrais tout
simplement jeter le blâme sur le deuil que je porte. Car
ce dernier possède cette unique qualité d’avoir le dos
fort large. Mais ce serait, bien sûr, m’enfarger dans mon
ombrage. Encore une fois, j’ai maille à partir avec mon
manque d’estime personnelle et je suis tombée dans les
Table des matières
Préface.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 7
Trouver grâce à ses yeux. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11
VALÉRIE GIFFARD

Cinquante minutes.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 31
CATHERINE PERRIN

Une rose sans épines est un feu sans chaleur. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43


VALÉRIE HARVEY

Trait d’union. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
FRANÇOIS DESFOSSÉS

Fin de vie.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61
JEAN DÉSY

Ces gouttes d’eau qui glissent sur les visages. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 75


DANIEL RONDEAU

Jamais avant. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85
MYLÈNE BOUCHARD

Le Passe-Amour. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 105
MARSI

L’amour est un choix.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 125


ANNIE CLOUTIER

Les premières fois.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 147


SAMUEL CHAMPAGNE

Les vœux.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 171


GENEVIÈVE BLOUIN

Saules pleureurs. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 187


MÉLISSA VERREAULT

Le ciel partagé.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 201


HANS-JÜRGEN GREIF

La croissance. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 221
MARIE-PAUL ROSS

L’amour, à la rencontre de deux bontés. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 229


PÈRE BENOÎT LACROIX

Remerciements.. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 241
L’amour au coeur de la vie
Sous la direction de Valérie Harvey

En grec ancien, l’amour se disait de quatre façons. Il y a l’éros,


l’amour-passion, le plus visible ; le storgê, l’amour familial ; le
philia, qui s’amuse à flirter avec le latin « filial », mais qui est lié
à l’amitié ; puis l’agapè, l’amour universel, désintéressé.
Force vive, pilier de vie, l’amour prend de multiples formes
à commencer par l’amour de soi : le limiter à ce qui tient
dans une boîte de chocolats enveloppée de papier rouge
scintillant, c’est perdre de vue combien il imprègne mille
relations et gestes du quotidien.
Les collaborateurs et collaboratrices de ce recueil ont choisi
chacun un mot porteur, et se sont laissés guider par lui pour
conjuguer l’amour à toutes les personnes et à tous les temps.

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