Chapitre deuxidme : la société a responsabilité limite
La SARL est une société hybride ou mixte entre les sociétés de personnes et les
socigtes de capitaux; elle constitue la forme sociale la plus répandue parmi les
entreprises tunisiennes. Son étude concernera respectivement : sa constitution, son
fonctionnement, la cession des parts sociales et sa transformation et sa dissolution.
I- Laconstitution de Ja SARL:
La constitution de la SARL est soumise a des conditions générales qui
s'appliquent a toutes les formes de sociétés. Elle est également soumise a des
conditions particuliéres ; ces conditions particuliéres sont soit des conditions de fond
ou de forme.
A- Les conditions de fond: Ces conditions sont relatives a I’objet social, au
capital social et au nombre d’associés.
La SARL peut exercer toute activité civile ou commerciale, sauf les activités
assurance, de banque et autre institution financiére ou établissement de crédit.
Le code des sociétés commerciales n’a pas imposé un capital minimum! ou
maximum, ila laissé le libre choix aux associés.
L’évaluation de I’apport en nature constitutif du capital social se fait selon la valeur
de cet apport. Si sa valeur ne dépasse pas 3000 dt, I’évaluation peut étre faite par les
associés ; et si elle dépasse ce montant, alors elle doit étre faite par un commissaire
aux apports désigné par les associés ou par le président du tribunal de premitre
instance a la demande d’un associé. Le capital doit étre intégralement souscrit et
libéré et déposé dans le compte bancaire de la société et le gérant ne peut retirer ces
fonds qu’ aprés I'immatriculation de la société?
“Le code de commerce de 1959 a exig¢ un minimum de 300 dt pour les sociétés de presse et 1000 pour
les autres ; en 2000, le code des sociétés commerciales a ramené ce capital a 5000 dt pour les sociétés de
presse et 10000 pour les autres ; en 2005 ce minimum a été unifié a 1000 dt et en 2007 Ia loi relative
Vinitiative économique a supprimé toute exigence de capital minimum.
‘Liinvestisseur qui souhaite participer & la constitution ou a T'augmentation du capital
d'une societs proctde généralement en deux étapes. D'abord il remplit un document qui est un
“Bulletin de souscription" qui constitue une promesse d'apport en espace, puis il verse ensuite le
montant de son apport, ce versement le libére des obligations qu'il a prises du fait de sa souscription.
(On dit" libérer son apport’,La SARL ne doit pas dépasser un nombre maximum de 50 associés, et dans ce cas elle
doit se transformer en une société par actions dans un délai de 1 an. Le nombre
minimum d’associés ne peut pas étre inféricur 4 deux ; et si les parts sociales se
réunissent entre les mains d’une seule personne, alors la société se transforme en une
SUARL.
B- Les conditions de forme: la SARL doit obéir aux conditions de forme
communes, ainsi qu’a des conditions de forme particuliéres. Elles sont
relatives a I’acte constitutif et a la procédure de constitution.
La constitution d’une SARL exige la rédaction d’un écrit, qui doit étre signé par tous
les associés ou leurs mandataires. Le statut de la société doit contenir les mentions
communes : forme de la société, durée d’activité, dénomination sociale, si¢ge social,
objet social, capital social... Mais également la répartition des apports en numéraire
et en nature et leur évaluation, Vindication de Yinstitution financigre et bancaire
habilitée a recevoir les apports en numéraire, I'indication de la répartition intégrale
des parts représentants des apports en numéraire ou en nature...
Le non-respect des différentes régles de constitution de la société est sanctionné
par la nullité, cette société ne disparait pas mais elle est considérée comme une
société en nom collectif pour ne pas nuire aux intéréts des tiers. Par ailleurs les
associés encourent une responsabilité civile et pénale.
D’une part les gérants et les associés sont solidairement et personnellement
responsables a l’égard des tiers et des associés non frauduleux des dommages caus¢s
par cette annulation. D’autre part, le code des sociétés commerciales sanctionne par
Yemprisonnement les associés faisant de fausses déclarations dans les statuts ou
toute personne attribuant de mauvaise foi aux apports en nature une valeur
supérieure a la valeur réelle.
Il- Le fonctionnement de la SARL:
Le fonctionnement de la SARL nécessite l'intervention de plusieurs organes a savoir :
le gérant (organe de gestion), les organes de délibération et les organes de controle.
A-Le gérant de la SARL: le gérant de la SARL occupe une fonction
fondamentale dans Ventreprise, on va étudier respectivement : sa nomination, ses
pouvoirs, sa responsabilité et la cessation de ses fonctions.
La nomination du gérant d'une SARL : Les associés bénéficient d'une liberté dans
Ie choix du gérant, Ils peuvent désigner un ou plusieurs gérants dans les statuts ou
par un acte postérieur, Il peut ¢tre désigné parmi les associés ou les tiers. La
2rémunération du gérant peut étre fixée par les statuts ou par délibération des
associés ; cette rémunération peut étre fixe ou proportionnelle ou les deux a la fois.
La durée de fonction du gérant est fixée par les statuts ou par une décision séparée
de sa nomination. En cas de silence la durée du mandat est de trois ans
renouvelables.
Les pouvoirs du gérant : le gérant dispose en principe de pouvoirs trds larges ;
ces pouvoirs peuvent étre limités par les associés. IIs peuvent, en effet, répartir les
fonctions de gérance entre plusieurs gérants ou bien exiger dans les statuts une
autorisation préalable des associés pour les opérations importantes comme la cession
des parts sociales. Ces pouvoirs sont aussi limités par le code des sociétés qui précise
que le gérant ne peut pas effectuer des actes ne relevant pas de l'objet social ou qui
ne sont pas conformes a I'intérét social. >
Le gérant est le représentant légal de la société; et le code des sociétés
commerciales consacre la ragle de la plénitude des pouvoirs du gérant. D’aprés cette
régle, tous les actes accomplis par le gérant au nom de la société et relevant de ses
pouvoirs engagent la société a I’égard des tiers, Par ailleurs, méme si le gérant
dépasse ses pouvoirs, la société demeure engagée a I’égard des tiers
La responsabilité du gérant: lorsque la société est en bon état financier, le
gérant n’est pas présumé responsable. Pour engager sa responsabilité envers la
société ou les tiers, il faut prouver sa faute, qu’elle soit une faute de régularité
(violation de la loi, des statuts sociaux ou des PV de I'assemblée générale) ou une
faute de gestion.
Pour apprécier la « faute de gestion » la jurisprudence adopte le standard d’un
dirigeant normalement prudent et diligent ou encore du bon pere de famille. Une
fois la preuve de la faute est apportée (régularité ou gestion) la responsabilité du
gérant est mise en ceuvre, soit par une action individuelle (exercée par chaque associé
en son propre nom) soit par une action sociale (exercée par plusieurs associés
regroupés au nom et pour le compte de la société),
Leexercice de Vaction sociale est autoris¢ a associé unique ou aux associ¢s
regroupés a condition qu’ils représentent 10% du capital social au moment du
déclenchement de action. Le code des sociétés commerciales donne un caractdre
d'ordre public a cette action; cest-A-dire que toute clause statutaire limitant son
exercice ou son élimination est une clause nulle et sans effet.
* Lanotion d'intérét social n‘a pas été définie par le Iégislateur, mals la Jurisprudence a proposé deux critéres
ppour définir Vacte antl social. I! s'agit de labsence de contrepartle (acte qul ne procuré aucun bénéfice & In
société) et la présence d'un risque (acte faisant courir& la société un risque anormal ou exceptionnel).
3L’action en responsabilité qu'elle soit individuelle ou sociale, se prescrit dans
trois ans 4 compter de Ja survenance du fait dommageable ou de sa révélation s‘il a
6té dissimulé. Elle se prescrit dans dix ans a partir de la survenance du fait
dommageable ou de sa révélation s‘il a été dissimulé, lorsque ce fait constitue un
crime.
% Lorsque Ja société est en difficultés financiéres et économiques, le gérant de la
SARL est menacé de poursuites en responsabilité civile a travers deux actions : une
action en comblement de I’insuffisance d’actif social ou une action en extension de la
faillite.
L’action en comblement de l'insuffisance d’actif social est consacrée par ’article
121 du code des sociétés commerciales. Elle est possible en cas d’ouverture d’une
procédure de redressement judiciaire ou de faillite ; le gérant peut alors étre rendu
responsable de tout ou partie du passif social s'il a commis des fautes de gestion. Le
législateur a instauré une présomption de faute pesant sur le gérant en cas
d'insuffisance d’actif; et c/est au gérant d’apporter la preuve de diligence dans la
gestion de la société et son respect de I'intérét social. 1 doit prouver que les
difficultés de la société ne résultent pas de sa faute mais de circonstances extérieures
a son fait (comme le changement dans la conjoncture économique...). Cette action ne
peut étre intentée qu’a la demande de l’administrateur judicaire, du syndic de la
faillite ou de tout créancier. Et le tribunal peut présumer le gérant responsable et le
condamner a payer linsuffisance de l'actif social, partiellement ou totalement a partir
de son patrimoine personnel. Cette action se prescrit par trois ans a compter de la
date du jugement de réglement judicaire ou déclaratif de faillite.
D’autre part, Varticle 596 du code de commerce a prévu la possibilité de
poursuivre le gérant par une action en extension de la faillite ouverte contre la SARL.
Le tribunal, peut en effet, étendre la faillite de la société A toute personne
responsable ; lorsqu’il est prouvé que le gérant a conclu des actes de commerce dans
son intérét personnel (exp : le paiement de ses dépenses personnelles au moyen de
fonds sociaux). Ou bien lorsqu’il est prouvé qu’il a dispos¢ des biens sociaux comme
de ses propres biens (exp : encaissement sur son compte personnel de ch¢que destin
Ala société),
Le gérant peut également engager sa responsabilité pénale, puisque certains
comportements constituent des infractions et sont sanctionnés pénalement. Il s‘agit
sommairement des comportements suivants: la déclaration d'informations erronées
et trempeuses (comme la présentation de comptes annuels ne reflétant pas la
situation véritable de la société) ; les actions contraires a I'intérét social (exp : 'abus
de pouvoir contrairement a V'intérét de la société dans un but personnel ou pour
favoriser une autre société) ; enfin il peut s‘agir de abstention d’accomplir certaines
4obligations (comme le défaut d’établissement d'un inventaire ou rapport de gestion
pour chaque exercice).
B- Les organes de délibération : les assemblées des associés :
La participation des associ¢s aux assemblées, que ce soit personnellement ou
par un représentant est un droit d’ordre public, et ce pour pouvoir participer a la
prise des décisions importantes dans la société. La convocation a une assemblée
générale se fait par le gérant, le commissaire aux comptes ou un associé ou un
groupe d’associés qui détient ou détiennent au moins 25% du capital social. Toute
clause statutaire contraire est nulle,
Les décisions des assemblées générales sont obligatoires et s'imposent a tous les.
associés présents, absents ou qui ont votés contre. Ces décisions doivent étre
enregistrées dans un proces-verbal (PV) d’AG qui doit étre signé par les associés,
enregistré a la recette des finances, immatriculé et publié.
Les assemblées générales ordinaires : ces assemblées se réunissent pour discuter
des questions qui n’ont pas pour objet de modifier les statuts de la société. Les
délibérations de ces assemblées sont adoptées suite a ‘un vote par les associés
représentant plus de la moitié du capital social ; défaut une seconde convocation
doit étre faite et les décisions sont adoptées, dans ce cas, a la majorité des voix des
associés présents quel que soit la proportion du capital qu’ils détiennent.
Les assemblées générales extraordinaires : ces assemblées statuent sur toutes les
questions relatives a la modification des statuts. La délibération de cette assemblée
doit étre approuvée par les associés représentant au moins les %4 du capital social. Les
statuts ne peuvent pas prévoir une majorité supérieure et peuvent prévoir une
majorité inférieure.
G Les organes de contrOle : la société peut étrecontrélée a travers des organes
internes ou des organes externes.
Le contréle interne: il est effectué par les associés. En effet, afin de contrOler la
gestion de la société, les associés bénéficient d’un droit 4 Y'information et d’un
droit de poser des questions écrites au gérant, et le gérant doit y répondre.
L’associé a, également, un droit de prendre connaissance des documents relatifs
la gestion, aux comptes annuels et aux rapports de commissaires aux comptes
concernant les trois derniers exercices.
Le contréle externe : il peut s'agir du controle de gestion ou de comptabilité.
5Le controle de gestion est un controle subjectif et assez délicat, puisqu’il s'agit
de la vérification de la prise des bonnes décisions par le gérant, Autrement c'est
Yexamen de l'opportunité de telle opération ou tel acte. Ce controle peut étre
effectué par un expert de gestion, qui est désigné par les associés de la SARL. La
demande de sa désignation peut ¢tre faite auprés du tribunal de premiere
instance, par un associé ou plusieurs détenant au moins 10% du capital social.
Lrexpert désigné, et apres accomplissement de sa mission, doit notifier un
rapport au gérant de la société qui doit 'annexer au rapport du commissaire aux
comptes et le présenter a I’assemblée générale pour que les associés y prennent
connaissance. Tout associé, qui constate a partir de ce rapport une faute de
gestion de la part du gérant, peut s‘appuyer sur ce rapport pour intenter une
action en responsabilité contre ce dernier.
Le droit commun autorise, par ailleurs, tout intéressé d’agir en justice pour
demander la désignation d’un contrOleur de gestion, lorsque ses droits sont
menacés par un danger imminent. La désignation peut avoir lieu par le biais
d'une action en référé ou par le biais d’une ordonnance sur requéte demandant
au président du TPI de nommer un controleur de gestion comme mesure
conservatoire destinée A éviter la commission par le gérant d’actes irréversibles
portant préjudice a la société.
Il existe par ailleurs, le controle de comptabilité, qui s‘effectue par les
commissaires aux comptes. Il s'agit d’un controle objectif qui vise A vérifier le
sérieux de la comptabilité, sa sincérité et sa conformité aux régles comptables.
Le code des sociétés commerciales a imposé la désignation d’un CAC pour
toutes les sociétés commerciales, Mais pour les sociétés, autres que les sociétés de
capitaux cette désignation nest pas automatique ; elle est conditionnée. La loi du
18/10/2005 a consacré un nouveau régime pour la désignation du CAC d’une
SARLAEn effet, la société est exonérée pendant le premier exercice de la
désignation d’un CAC et ces différents critéres sont retenus :
Si le total du bilan =100 MD; le total des produits hors TVA=300MD ; et
nombre d’employés=10 —alors la désignation d’un CAC est obligatoire et il peut
étre un comptable,
Si le TB=1500 MD; TPHTVA= 2000 MD; et le NE=30 —alors la désignation
d'un CAC est obligatoire et il doit ¢tre un expert-comptable.
“Liarticle 123 du code des sociétés commerciales, Imposait la désignation d'un CAC dans toute SARL dont le
capital est supérieur ou égal 8 20 miles dinars.
6Le rdle du CAC est de controler et de
edu garantir une transparence de
comptabilité afin de sécuriser la société et I les asc
a société, C’est pourquoi, les associés
peuvent opter pour une désignation conventionnelle d’un CAC meme
dans ‘as
ot1la loi ne les oblige pas. anslecas
Ill- La cession des parts sociales :
Le régime juridique de la cession des parts sociales est mixte, la cession est libre
et limitée, elle dépend de la qualité du cessionnaire; un associé ou un tiers, En
principe, la cession a un associé est libre ; et cette régle se justifie par le fait que les
associés se connaissent. Cette cession n’a pas besoin de l'accord des associés.
La cession des parts sociales A un tiers subit par contre des limitations légales et
conventionnelles, Etant précisé que les héritiers des associés ne sont pas considérés
comme des tiers.
Le code des sociétés commerciales limite la cession a un tiers par la nécessité
d’obtenir l'accord des associés rassemblés dans une AGE rendu a Ja majorité absolue.
Ce texte impose une procédure de notification obligatoire et préalable au cédant qui
doit présenter une demande a la société et aux associés pour les informer du projet
de cession, du cessionnaire et du prix. En cas de silence pour trois mois, la cession est
acceptée implicitement.
En cas de refus de la cession, I'AG doit présenter une proposition d’achat par
les associés eux méme, par la société ou de proposer un acquéreur qu'elle accepte. Si
aucune proposition n’a été formulée dans un délai de 3 mois a partir du refus, alors
Yassocié devient libre de céder ses parts a la personne de son choix.
Le code des sociétés commerciales autorise les associés a des limitations
conventionnelles plus souples comme par exemple la réduction des délais ou de la
majorité requise.
Iv- La transformation de la SARI
La SARL peut se transformer en d’autres formes de sociétés. Elle peut devenir
une société en nom collectif ou une société en commandite simple ou par actions ; et
ce par une décision de I’assemblée générale extraordinaire prise a I'unanimité des
associés.La SARL peut aussi devenir une SUARL, si toutes les parts sociales sont
détenues par une seule personne. Dans ce cas, les statuts doivent étre modifiés par
rapport la répartition des parts sociales, a l'identité des associés, a la gérance, ect.
La transformation de la SARL en une société anonyme peut se faire selon deux
méthodes. Pour un capital social supérieur a 100.000 dt, la décision de transformation
est prise a la majorité des associés représentant au moins la moitié du capital social.
Et pour les SARL ayant un capital inférieur 4 100.000 dt, la décision de
transformation est prise par I'assemblée générale extraordinaire A la majorité de % du
capital social. Et ce aprés la présentation d’un rapport sur la situation de la société
élaboré par un comptable ou un expert-comptable.
La SARL est enfin, obligée de se transformer en une société en commandite par
actions lorsque le nombre maximum des associés dépasse 50 personnes. Cette
transformation doit se faire dans un délai de lan, a moins que le nombre des associés
soit réduit A moins de 50.
La dissolution de la SARL:
La dissolution de la SARL obéit aux régles communes de dissolution de toutes
les formes de sociétés, Toutefois certaines régles spéciales s‘appliquent relativement
aux causes de la dissolution.
Dabord le CSC prévoit que le décés d’un associé n'implique pas la dissolution
de la SARL et précise que toute clause statutaire contraire est nulle.
Ensuite, le redressement judiciaire, la faillite ou la perte de capacité d’un associé
ne conduit pas 4 la dissolution de la SARL.
Enfin, la perte de la société plus de la moitié de son capital n’entraine pas la
dissolution de plein droit de la SARL. Mais, une assemblée extraordinaire sera
convoquée pour se prononcer soit sur la dissolution anticipée de la société ou
Yaugmentation de son capital social ; soit sur la réduction du capital social. A défaut,
tout intéressé peut demander la dissolution judicaire.