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ANVIER 2024 | HS N°128 | 9,80 € GEOPOLITIQUE Le monde fracture ECOLOGIE® Nora els oC iitireitoiy la eae eu acon eee Uae Coan Cocco ot teat menage) millions que l'on compte le nombre de familles et CCU ee ical ue Melis (mse rae ea lel’ alta 2d eae a ta eatccs tty REFUGIES. FAITES UN DON sur unhcr-agir.fr Oa Cid Pee and Ca See aR eee ee eee WaT Alternatives UT ay ee Sean ea io. See oe aaa STE ace ae =e oor Sates Eee i Soe area oe oe Rone ine keer Eee ee eet a Sn ea gre nt Shoo Set ce eee i iuarais SE rceunen Seeerecee a Bae aa ep at Eee mena iret meat Soci ie et sneer Seer eta cums Sra corececteanents Seeedereoes ce ee eee Sec gon torn stom ores emses Dente maen coe oe mescemnanse = eetaeeeenten feramata tsi eros Sirians Shas amon ie ca Se Zoaener Seem Eee ae ‘Searonvedest peed rest eee isco Genes acre inivenmne =os—— ane wun omsow mH. Escepeheanaaipe er oR THe — EDITORIAL fj 3 Dangereuses fractures du monde, chacun voit d’abord les injustices 4 sa porte. l a guerre en Ukraine lavait déja mis en évidence : surla scéne En février 2022, agression russe a choqué Europe et les Etats-Unis, les poussant & se mobiliser rapidement pour soutenir la victime. Face 4 Ia méme violation patente et brutale du droit inter: national, d’autres parties du monde, plus éloignées du théatre du conflit, se sont montrées sinon indifférentes, du ‘moins réservées, se retranchant volontiers dans la neutralité, Pour justifier leur attitude distante, ces Etats et leurs opinions publiques ont rappelé que sous autres cieux, au sud de la planéte surtout, des peuples sont depuis longtemps martyrisés et des principes juridiques bafoués,fit-ce de fagon ‘moins spectaculaire qu’en Ukraine, sans que les puissants de l’aréne internationale s’en émeuvent vraiment et surtout quils agissent. Parmi ces causes oubliées,slissées sous es apis de ladiplomatie, le sort du peuple palestinien, tou- jours privé d'Etat, est 'une des plus anciennes et des. plus emblématiques. Les tueries commises parle ‘Hamas ont remis surle devant de la scéne interna- ‘ionale de a fagon la plus abominable qui soit. Elles ont surtout déclenché, d’une maniére prévisible, une réaction israélienne extrémement violente. Cette crise, hélas, semble avoir accentué les fractures du monde que le conflit ukrainien avait illustrées. Car on a-vu un peu partout au sein des opinions, et parfois des Etats, une propension a choisir sans nuances un camp dans ce nouvel afton- tement au Moyen-Orient. Et i le faire selon des critéres trop souvent identtaies. Comme sien fone- tion de leur nationalité, de leur confession, certains ‘morts avaient en soi plus de valeur que autres. ‘Comme siface 4 un contenticux aussi complexe que celui qui oppose depuis des décennies Israéliens et I] PAR YANN MENS. Rédacteur en chef Ierna Sans doute, Vattachement préférentiel 4 certaines causes est-il naturel, mais il ne doit pas rendre aveugle Palestiniens, on pouvait passer sous silence les soutfrances des uns, anciennes ou récentes, pour ne mettre en lumiére que celles des autres. Sans doute, Pattachement préférentiel certaines causes, certains peuples est-il naturel, mais il ne doit pas rendre aveugle. D’autant ul risque de servir des visées moins désintéressées chez des acteurs comme la Russie eta Chine, qui, derriére un discours de justice et une rhétorique anti-impérialiste, entendent surtout étendre leur propre puissance en ralliant de plus en plus de soutiens leur panache auto- ritaire. La fracturation de Varéne internationale en camps retranchés ne ferait qu’aggraver'instabilté d'un monde dj bien tourmenté. maha) SELON \ NC ee a ik le Bonbon SS. swale 6 année 20 12 ECONOMIE 2 14 Immobilier e grand retournement 44 Lerégimerusseestl fib? 14 Plaificaion éolgique:Mheure des actes 2 hausse des taux ragls ls entreprises 48. CUkraine, un paysen peine 78 Fort rancase: préserverou expeter ndetées reconfiguration guerre plus? 20 Fautilaugmenterlessaaires? 50 Chine:lastratégledelafausseneutalté 89 Cejour procheol lemonde noua 22 Lobjctfdu plein emplo est entrain 52 UAlemagnenitoutafatla méme, laFrance de signer nitout fat une autre 2 DATA 2millads humains 24 DATA Lapauwetéetesingatésreparent st Niners rtiques: Europe est sans acts sr eau Alahause dangereusementdépendante 84 Lesémissonsde méthane 26 Pourquoi Hexagone ninnove pas assez 56 AuSénégal, dela entedémocratique ‘outautrebombe climatique i coma renea eee ‘lavenepéto-gaiee? 86 Mercosur: un accorincompatible danstaustérit? S58 Tunibe:fairedelaablesseune arme avec le pacte vert européen 30 Lestauxdintérétvontis ester les ? 60 _Indonésie: dans les ures, 88 32 Europe nesfestpasdonné es moyen économie paseralourd 20 2c FRANCOIS GEMENNE desaréindustialisation 652. AuSavador, a poigne populiste = Leréchaffement va aussi céer 34 GRAPHORAMA e Nay Bukole etimmobiéforeée 38 ENTRETIEN aveFLORENCE ISAM 64 « La capacté des Etats-Unis grerleur 6 svecyEz0 sav ee HIDICALEU ES endettement ex aujourhu entavée> “Depuis ving an, les pay oeidentaux Economies rancalseet monlale font chosidgnorer ce q's aisait surleterain 0, 12. ECONOMIE C'ETAIT 2023 FEVRIER Retraites : le gouvernement fait Vautruche Le gouvernement est resté sourd aux clameurs de la rue. Malgré tune trés forte opposition des Francais, ‘malgré les manifestations massives des 31 janvier, 7 et 11 fevrier, malgré tune intersyndicale unie jusqu’au bout, Emmanuel Macron est resté droit dans ses bottes. Eta fini par imposer le report de Pige légal de départ la retraite & 64 ans, le 16 mars, 8 grand renfort de 49.3. Une mesure ui pénalise les femmes et les classes populaires qui ont commencé A travailler tot ou qui ont eu des cartigres précaires. A cette violence sociale s’ajoute une crise de régime. Le refus du Président d’entendre Ja contestation et son obstination & passer en force, quitte & contourner les institutions, ont fragilisé un peu plus une démocratie qui n’avait vraiment pas besoin de cela a. JANVIER Licenciements massifs dans la tech En début d’année, les salariés de anouvelle économie ont découvert quills n’étaient pas A Pabri des déboires de la « viille économie ». Mi-janvier, Google annonce se séparer de 6% de son effectif, soit 12.000 salariés ! Legéant du numérique n’est pas lepremier, Meta, la maison mere de Facebook, avait remercié en novembre 11.000 employés, soit 13 % de son personnel. Microsoft, Spotify, IBM, Amazon, Cisco, Snapchat, la liste est Tongue : surle seul mois de janvier, ‘quelque 200 entreprises du secteur technologique ont annoneé pres de 70 000 suppressions d’emplois. Aprés avoir connu des records de ventes et de valorisation boursiére pendant les confinements et recruté massivement, le secteur de la tech a subi un violent retour la normale en 2023, 40. MARS Affrontements autour de la mégabassine de Sainte-Soline Plus grande des seize mégabassines prévues dans les Dewx-Sévres, la « réserve de substitution » de Sainte-Soline a été le theatre de violents affrontements le 25 mars 2023, D’un c6té, 30 000 manifestants, selon les organisations opposées A ces réservoirs qu'elles accusent de pomper trop d'eau dans les nappes phréatiques. De autre, 3200 gendarmes, qui ont tiré des millers de grenades et des dizaines de balles de LBD. Le bilan est lourd : 47 gendarmes et 200 manifestants blessés, selon leurs décomptes respectifs. Deux manifestants, tombés dans le coma et ayant vu leur pronostic vital engagé, sont depuis hors de danger. Fin 2023, la bassine état toujours en chantier, t les organisateurs de la manifestation en attente de leur jugement. 4.3 OFCHIFRER2024-ALTERNATIES ECONOMIQUES-HORSSERIEN' TB Fitch dégrade la note de la France Le 28 avril, 'agence de notation Fitch Ratings dégrade d'un cran la note de la dette publique francaise de AA A AA, Péquivalent de passer de 18/20 8 16/20. n'y a done pas péril en la demeure : depuis, les créanciers internationaux ont continué A préter la France, certes 4 des taux d’intérét plus élevés, mais ceci est le résultat de la remontée du coiit du crédit voulue par la Banque centrale européenne, pas tn signe de défiance envers la France. Originalité : parm les raisons invoquées par Fitch figure « la controversée réforme des retraites » dont la gestion par le pouvoir «es susceptible de renforcer les forces radicales et anti-establishment ». Ou comment Emmanuel Macron est devenu un risque pour la dette francaise. cH.cH Gréve historique a Hollywood Démarrée le 2-mai 2023, la gréve des scénaristes américains a duré jusqu’au 27 septembre. Celle des acteurs, qui a commencé le 14 juillet, s'est prolongée jusqu’au 8 novembre. La Guilde des auteurs américains (WGA) et a SAG AFTRA, syndicat qui représente 160 000 acteurs, ‘ont tenu téte la puissante Alliance ‘of Motion Picture and Television Producers (AMPTP), qui réunit les plus gros studios audiovisuels cet plates-formes de streaming. ‘Au-dela d'une augmentation de leur ‘émunération minimum, ils ont ‘obtenu un bonus financier en cas de succes d'une série ou dun film sur une plate-forme. Autre avancée, les auteurs ne peuvent pas étre obligés de se servir de cence artificelle (IA) pour écrire un scénario, Et les comédiens doivent donner leur autorisation et recevoir une compensation financiére pour que leur image et/ou leur voix soient réemployées parune IA. N.N. Incendies monstres au Canada La saison des feux de foréts s’étend jusqu’en octobre au Canada, mais Te pays a battu des le mois de juin 2023 son triste record de surfaces briilées en un an. Le chiffre est vertiginewx : 18 millions d’hectares sont partis en fumée entre mai et septembre, soit le tiers de la surface de la France métropolitaine, plus du double du précédent record datant de 1989, et plus de sept fois Ja moyenne annuelle. Ces incendies monstres, concentrés 4 ouest du pays, ont émis plus de CO, que tout le Canada en un an, et provoqué Vévacuation de 200 000 personnes. Quant a leurs fumées, elles ont gravement pollué lair de plusieurs métropoles nord-américaines et parfois traversé Atlantique jusqu’en Europe. Mu Les banlieues se révoltent Dix-huit ans aprés les émeutes de 2005, les banlieues se sont & nouveau enflammées en juillet, La mort de Nahel, 17 ans, tué par un policier i Nanterre, a provoqué une vague de colére de la jeunesse des ctés. Pendant plusieurs oursles services publics sont pris pour cible, les commerces pillés, des pompiers comme des élus sont agressés. Une révolte qui prend racine dans le déni des violences policiéres et du racisme, particuliérement marqué en France. Mais aussi dans un contexte économique et social explosif: le taux de pauvreté dans les quartiers prioritaires de la ville est presque trois fois plus important que la moyenne francaise. us Ukraine : Poutine reprend la main Léenterrement d’ Evgueni Prigojine a eu lieu en secret, oin des yeux des journalistes, Je 29 aoiit. Sa mort, dans un crash d’avion non élucidé six jours plus tot, a signé Iain de sa cabale, qui avait culminé parla rébellion du groupe Wagner les 23 et 24 juin 2023, Vladimir Poutine @ ainsi repris la main, alors que son ancien cuisiner, devenu chef de guerre incontrolable, it les critiques acerbes contre Etat major russe et ses échecs en Ukraine. Le président russe est par la suite interventa directement dans la succession du groupe Wagner, fin septembre. Sur le champ de batalle ukrainien, les réorganisations du commandement russe n'ont pas eu effet: les deux armées s’enfoncent dans une guerre des tranchées, sans gains territoriaux notables. EM Massacre en Israél, guerre a Gaza Une attaque d’une ampleur et d'une atrocitéinouies, comme Israétn’en avait jamais connu surson propre sol depuis son indépendance. Le 7 octobre, les tueries perpétrées parle Hamas et d'autres factions armées font 1200 morts. Des civil uifsisraéliens en trés grande majorité, parm lesquels des femmes et des enfants, mais aussi des Bédouins palestiniens cet des migrants asiatiques. Les commandos islamistes capturent au passage 240 otages qu’ils emménent vers Gaza. Ce qui n’empéchera pas Je gouvernement de Benyamin Netanyahou de déclencher tout le feu de Tsahal avec pour objectif déclaré de détruire le Hamas une fois pour toutes, quitte faire des millers de ‘morts dans a population de Gaza. Y.m. Derniére hausse de taux pour la BCE Le 14 septembre, la Bangue centrale ‘européenne (BCE) procéde & sa derniére augmentation des taux @ intérée, En peine plus d'un an, lle fait passer ses taux d’intervention de 04,5 %, une hausse forte et rapide, Les économistes expliquent que la politique monétaire met de douze a dix-huit mois pour exercer ses effets. Ils seront surpris par la violence de impact : les demandes de crédits immobiliers chutent et, au moment oit Ia BCE procede Asa demnigre hausse, la demande de crédits émanant des grandes entreprises se situe au niveau atteint au dernier trimestre 2008, en pleine crise financiére mondiale. année 2023 risque de rester comme celle des mauvaises décisions dela BCE. cH.cH Les pauvres dans le collimateur Lesallocataires du RSA n’ont qu’a bien se tenir. Le 14 novembre, le projet de loi « plein-emploi » a été définitivement adopté, y compris sa mesure la plus controversée : pour toucherIeur allocation mensuelle de 607 euros, les bénéficiaires du RSA devront désormais sacquitter au moins 15 heures d’activités hebdomadaires. Le non-respect de cet engagement pourra conduire & tune suspension, voire une suppression du versement de allocation. Une dérive vers le travail gratuit, dénoneée par de nombreux syndicalistes et chercheurs. Hasard du calendrier, le méme jour, Minsee publiat une étude qui alertait surla forte hausse de la pauvreté et des inégalités: un demi-million de personnes ont basculé dans la pauvreté en 2021, portant le taux de pauvreté de 13,6 % de la population & 14,5 %. Le précédent record de 2018 est 6galé. Cherchez erreur. us. Une loi immigration trés a droite Promis avant été, le projet de loi immigration du ministre de I Intérieur Gérald Darmanin a disparu du calendrier pariementaire aprés le passage en force du gouvernement sures retraites en mars. Ressorti des cartons & Vautomne, le texte a été trés fortement durci par le Sénat. Celui-ciya introduit des mesures réclamées de longue date par 'extréme droite: fin de Vautomaticité du droit du sol, vote de « quotas migratoires » parle Parlement, La régularisation de plein droit des travailleurs sans-papiers dans les métiers en tension, mesure phare du texte initial, a été supprimée. De méme que l'aide médicale d’Etat, transformée en aide médicale d’urgence. L’inflexion & droite est si massive qu'il ya peu de chances que les députés, qui examinent le texte & 'heure oit nous mettons sous presse, puissent y remédier. cm. Doc (J) POCHE Doc GM) POcHE 7 et les sujets d’actualité et de société Cr ns risques pour a santé Ue ed Seen rey Pete ee td er Eee ey ears Pend ieee ty de demain. Tous influencés par| [ERORCEENE Novembre 2023 GETS eT eter ett Cena Doc Mrocre Cn Cees Ct Ce eae eer Erte tees Pre este Berane eee rer Ce eee Boni Perey z de nouvelles 162 pages identités de genre ? ee ets Cree aE. Découvrir la collection Doc’en poche Bea Sommares et extras a = . i 1 Francane ive Publique La Documentation 7 Ouvrages disponibles en librarie et sur vie-publiquesr C On est sur un bien atypique, Vous voulez dire une passoire insalubre et hors de prix qu’on devra rembourser les 25 prochaines années ? Immobilier : le grand retournement Taux des crédits en hausse, transactions, permis de construire et mises en chantier en baisse, les marchés immobiliers européens se contractent aprés vingt ans d’expansion. OFCHIFRER2024-ALTERNATIVES ECONOMIQUES-HORSSERIEN" 18 ECONOMIE |i 6 ar PIERRE MADEC Economiste au département Analyse et prévision de YOFCE fa ‘cours des deux derniéres décennies, les marchés immobiliers européens ont connu une période de forte expansion. Soutenus notam- ‘ment par des conditions d’emprunt trés favorables de la part des organismes de financement et donc une demande vigoureuse de la part des ménages, les priximmobiliers ont augmenté rapide- ‘ment dans nombre de pays d’Europe. Le resserrement brutal des taux d’intérét observé depuis le début 2022 marque un tournant. Entre le passage a l’euro et la crise financitre de 2008, l'Europe a connu une période particuligrement favorable au marché de I’immobilier : baisse des taux d’intérét hypothécaires jusqu’en 2006, relchement des conditions d’at- tribution des préts.. Dans de nombreux pays européens, et a l'exception de Allemagne, cette situation a encou- ragé une forte demande de logements qui s'est accompagnée d'une augmen- tation importante des prix. Cette der- s'est poursuivie jusqu’au début de année 2008, FORTE HAUSSE DES PRIX AVANT 2008 Ainsi, en Espagne, les prix immobi- liers réels, c’est-i-dire corrigés de I'in- flation, ont plus que doublé au cours de cette période. Les conditions de crédit se sont assouplies de maniére significa- tive, favorisant Paccés au financement des ménages, dans un pays oi les préts a taux d’intérét variables sont Jargement répandus. Une démo- graphie dynamique et larrivée investisseurs attirés par la perspective de forts rendements ont également soutenu cette ten- dance & la hausse des pri En France et au Royaume-Uni, les prix immobiliers réels ont augmenté de 80 %, largement déconnectés de ’évolution du reventi des ménages. En Italie, a hausse a été deux fois plus modeste bien que tout de méme plus rapide que celle des prix la consommation, Une croissance LES TAUX MONTENT VITE, LES PRIX BAISSENT PLUS LENTEMENT. Taux intéxétannues des nouveaux crédits 8 Vabiat en % ‘Shao itn ‘cane lerogte aie Prix immobile ts, base 100 = 2000 démographique plus faible, un pouvoir achat moins dynamique et une spé- Entre le passage a l'euro et la crise financiére de 2008, Europe a connu une période particuliérement favorable au marché de U'immo! ier culation moins présente expliquent en partie cette modération. En Allemagne, malgré la baisse des taux d'intérét, les prix immobiliers réels ont connu une chute de 10 %. Le mar- ché immobilier présente outre-Rhin des spécifcités notables : déclin démographique, régulation importante, forte régionalisation des politiques de l'emploi et du logement, place prépondérante des investisseurs institutionnels sur le marché de la location.. Résultat : au cours de la période, les taux d’endettement des ménages européens ont for- tement cri. En Italie, ila doublé, passant de 30 % en 2000 & 60 % en 2008, En France, il est passé de $6 % & 80%. En Espagne et au Royaume-Uni, les hausses du taux d’endettement des is EUROPE ménages ont été encore plus spec~ taculaires respectivement + 67 points et + 50 points. DIVERGENCES APRES 2008 La crise financire de 2008 a profon- dément affecté les marchés immobiliers européens. Les prix ont déviss6, lais- sant de nombreux propriétaires avec des actifs dévalués et des dettes hypo- thécaires importantes. En Espagne, par exemple, la crise a entrainé une augmentation significative des saisies immobiligres. En réponse A la crise du secteur, de nombreux pays européens ont mis en place des réformes et des politiques de prét plus strictes. Les réglementations ont été renforcées pour éviter la répé- tition de pratiques jugées dangercuses. Les normes de qualification pour les préts hypothécaires ont été resserrées, les exigences de fonds propres pour les banques ont été augmentées et des mécanismes de surveillance plus rigou- reux ont été instaurés. Apres le resserrement de la politique ‘monétaie entre 2006 et 2008 pour freiner cet emballement, les taux d'intérét des crédits a Phabitat ont baissé brutalement cen 2008-2009 et n'ont cessé de le faire jusqu’en 2022. Ils ont ainsi été divisés par cing dans la quasi-totalité des pays européens entre fin 2008 et fin 2021, sous effet de la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne (BCE) visant 4 stimuler les économies européennes. Avec des effets différents dans chacun d’eux. En France, tout comme au Royaume- Uni, les prix immobiliers ont globalement poursuivi leur progression et le nombre de transactions immobiliéres s'est accru, A titre d’exemple, en France, environ '800 000 transactions immobiligres étaient cenregistrées chaque année entre 2000 et 2008. Aprés les baisses légeres consé- crutives la crise financiére et& celle des dettes souveraines, lenombre de transac- tions n'a cessé de croitre pour atteindre prés de 1,2 million en 2021 ATinverse, en Espagne, aprés la crise de 2008, la bulle immobiliére s'est dégon- flée, laissant le marché a 'agonie. Les prix ont chuté rapidement, entrainant la faillte de nombreux promoteurs immo- biliers et laissant de nombreux proprié- taires avec des hypothéques dépassant la valeur de leurs biens. La demande de logement s'est effondrée, tandis que beaucoup de logementsrestaient inoccu- pés,en particulier dans les zones cdtiéres ita construction avait été la plusimpor- tante. L'explosion de cette bullea eu des conséquences économiques importantes. Malgré la forte buisse des taux, les condi tions d’octroi de crédits se sont durcies et Jes prix immobiliers ont largement décru entre 2008 et 2013, Cette année-Ii, cor- rigés de V'inflation, ils étaient revenus & un niveau 20 % supérieur celui de 2000. Cen'est qu’aprés « assainissement » du marché que la nouvelle phase de baisse des taux d’intérét a de nouveau soutenu le marché immobilier espagnol. Les prix sont repartis Ia hausse (+ 30 % en huit ans) et lenombre de permis de construire distribués s'est emis & progresser. En Italie, les prix ne cessent de baisser depuis 2008. En 2023, ils ont retrouvé Jeur niveau de 2000. Au-dela des condi- tions de crédit, les évolutions démo- sgraphiques constituent un déterminant important & la fois de la production de Jogements neufset de évolution des prix immobiliers. Le déclin démographique ete viellissement de la population sont des tendances lourdes que les évolutions conjoncturelles de taux d’intérét ne sont pas a méme de compenser. Les ménages modestes francais, premiéres victimes de la hausse des taux Entre janvier 2022 et aovit 2023, le taux d'intérét des nouveaux crédits & Uhabitat a été multiplié par trols, selon la Banque de France. Cette dynamique ne devrait pas s'arréter & court terme sans changement de la politique monétaire européenne. La hausse des taux s'est traduite immédiatement par une forte contraction du volume de crédits a Uhabitat distribués, de quasiment 50 %, Il r’existe pas cependant de données fines concernant la distribution de crédits permettant de savoir quel type de ménage a été le plus affecté. Néanmoins, depuis 2020, la Banque de France publie un indicateur ‘mensuel sur la part des ménages modestes au sein des primo-accédants dans la production de crédits & Uhabitat pour Vacquisition d'une résidence principale. Celle-ci est passée de 27 % en janvier 2020 817 % en aout 2023. Ce qui semble confirmer que les ménages modestes ont bien été particuliérement touchés par la réduction du volume de crédits distribués. Un constat peu étonnant. En effet, pour faire face DECAIFFRER2034-ALTRNATIVESECONOMIQUES-HORS-SERE N28 ‘a la hausse des prix, les ménages modestes ont probablement da accroitre leur taux d’endettement dont la limite maximale est fixée 835 % par le Haut Conseil 8 la stabilité financidre (HCSF). Dans un contexte oi les prix tardent a s'ajuster, la hausse des taux s'est traduite rapidement par une incapacité d'accéder au crédit. Sur vingt-cing ans et pour une mensualité de 850 euros, un ménage pouvait en effet emprunter environ 200 000 euros: lorsque les taux diintérét étaient & 2%, Avec des taux 8.4%, ce ménage voit sa capacité d’emprunt réduite de 40 000 euros, soit 20 %. Les prix, quant a eux, n’ont baissé que de 6 % en France métropolitaine au cours des douze derniers mois, bien insuffisant pour compenser augmentation des taux. Méme sils venaient 8 baisser de 20 % ils resteraient tout de méme deux fois plus élevés u‘en 2000. Ce qui, dans un contexte daccés au crédit plus complexe, ne serait pas a méme de resolvabiliser les ménages les plus modestes. ECONOMIE fll = 17 Ces évolutions difiérenciées se sont tra- duites par des dynamiques d’endettement divergentes. Pendant que les ménages espagnols se désendettaient massivement et retrouvaient en 2022 leur niveau d’en- dettement du début des années 2000, Jes ménages allemands et italiens sta- bilisaient le leur. Equivalents en 2012 (87 % du revenu disponible), les taux dendettement des ménages en France et en Allemagne, dont les prix immobi liers ont fortement cra durantla dernigre décennie, ont largement divergé au cours dela période (+ | point pour Allemagne, contre + 18 points pourla France), en raison notamment de dynamiques de revenu bien différentes. En effet, le pou- voir d’achat des ménages allemands a alors augmenté deux fois plus rapidement que celui des ménages frangais. 2022-2023 : LE BASCULEMENT Le durcissement brutal de la politique ‘monétaire intervenu début 2022 n’a pas 6té sans conséquence. En espace de quelques mois, les taux de crédit &I’ha- bitat qui avoisinaient le 1 % ont rapidement augmenté. En soit 2023, au Royaume-Uni, les taux accordés aux ménages pour l'achat de logements s'établissaient en moyenne 44,8 %, contre 1,6 % en jan- vier 2022. L'Italie, l'Espagne ou l’Allemagne ont connu des hausses comparables de ordre de 300 points de base. En France, une inflation moins élevée associée & une réglementation bancaire plus stricte ont permis de contenir 'augmentation 8.200 points de base, Ces hausses ont largement entravé Pac- cs au crédit de nombreux ménages, notamment les plus modestes, qui peinaient déja A y accéder du fait de prix de Pimmobilier trés élevés. En Allemagne, en France et au Royaume- Uni, les volumes de crédits & "habitat distribués aux ménages ont été divisés par deux entre début 2022 et mi-2023. Si les prix de 'immobilier ont baissé dans certains pays européens, cette correc- tion n’a pas suffi compenser Ia hausse des taux. Des lors, dans un contexte de contraction des salaires rées, le pouvoir achat immobilier des ménages euro- péens s'est fortement réduit. En Allemagne, les prix réels ont baissé de 18 % au cours de la période, une baisse 40% deux fois plus rapide qu’en France ou au Royaume-Uni, oi pour- tant les prix sont & des niveaux tr élevés. Ces, deux pays connaissent depuis maintenant pla- sieurs décennies d'im- portantes tensions sur leur marché du loge- ‘ment. La forte tendance de métropolisation & Pceuvre associée aux pénuries fonciéres en zones denses peut expliquer en partie cette résistance des prix. Dans cette période d’incerti- tude, left de cliquet "!argement décrit dans la littérature relative & économie urbaine semble jouer pleinement et 'at- tentisme prévaut. Le marché des logements anciens, prin- cipal pourvoyeur de biens, a été trés impacté : les transactions immobiliéres ont baissé de 15 % en France au cours des dix-huit derniers mois. Mais ce sont surtout le secteur dela construction et le ‘marché du logement neuf qui ont été en Dans un contexte de contraction des salaires réels, le pouvoir d’achat immobi européens s'est fortement réduit premiere ligne, Dans la quasi-totalité des pays européens, les permis de construire se sontlargement contractés. En France et en Allemagne, ils ont baissé de prés de 40 % en un an et demi, mettant en péril un secteur particuliérement riche en emplois. Cette baisse des permis de construire et des mises en chantier est inquiétante plus d’un titre. D’une part, elle creuse le déficit de logements qui prévalait dans nombre de pays avant la crise du crédit. Ce deficit sera d’autant plus compliqué & absorber en « sortie de crise ». D’autre part, elle entrave encore un peu le par- cours résidentiel des ménages. En effet, la baisse de Paccession a la propriété ou de Vinvestissement résidentiel dans le logement neuf se traduit par définition par une moindre mobilité résidentielle dans le parc ancien. Les ménages ne libé- rant plus de logements anciens, i Pachat ‘ou ia location, offre de logements — en jer des ménages EN FRANCE ET EN ALLEMAGNE, LES PERMIS DISTRIBUES POUR LA CONSTRUCTION DE LOGEMENTS ONT BAISSE DE PRES DE 40% EN UN AN ET DEMI, METTANT EN PERIL UN SECTEUR PARTICULIEREMENT RICHE EN EMPLOIS, particulier de logements abordables ~ mis sur le marché se réduit. UN SOUTIEN QUI SE FAIT ATTENDRE EN FRANCE AVimage de la crise de 2008, les gou- vvernements européens n'ont, pour la pl- part, pas tardé 8 apporter des réponses visant& soutenir le secteur du logement. En Allemagne, par exemple, le chan- celier a annoncé fin septembre 2023 la mise en place d'un grand plan inchrant un élargissement des préts publics pour les familles, des allégements réglemen- taires et fiscaux pour les constructeurs, tun déblocage de fonds pour le logement social ainsi qu'un soutien public pour la conversion d’immeubles de bureaux en habitations. Dans le méme temps, au Royaume-Uni, le gouverne- ‘ment renongait dla mise en ceuvre de nouvelles normes environnementales pour sou- tenir le secteur et sengageait & soutenir massivement la production de nouveaux logements locatifs sociaux. En France, malgré la remise avant été 2023 des propositions du Conseil national de la refondation (CNR) pour Ie logement, et les cris d’alarme répé- tés des acteurs du secteur, la réponse du gouvernement se fait attendre. Rappelons qu’en 2008, afin d’éviter d’enfoncer le secteur dans la crise connue par cer- tains de nos voisins, le gouvernement de Frangois Fillon avait inclus au sein du plan derelance un volet logement particuligre- ‘ment ambitieus tant sur ’investissement locatif privé que sur le soutien & 'acces- sion la propriété ou encore les aides au Togement social (1) Quandle pide immer monte, clu d once ‘out ena piste sos la peson ds uence des praca Mas quand epi de nob seeoutoe, i proprtiaes cr tendsncesacaacher apes. ‘slerde eur bien tout au sna ts aleur nominal, {ite near levendre ese des ors mee B INDUSTRIE La hausse des taux fragilise les entreprises endettées Pendant la crise du Covid, les entreprises se sont fortement endettées, sans effet négatif sur l'économie. Aujourd’hui, avec la contraction de l'accés au crédit, elles pourr: De quoi handicaper la croissance. Par OMBELINE JULIEN DE POMMEROL. conomiste au département Analyse et prévision de (OFCE rent du débat public, alors qu’au contraire celle des entreprises n'est que rarement abordée. Cette der- niére revient cependant sur le devant de la scéne avec la remontée rapide des taux directeurs par les banques cen- trales apres des niveaux faibles depuis une décennie et la stagnation prolongée de lactivité économique. Cependant, I a dette publique de I’tat est souvent un théme récur- OFCHIFRER2024-ALTERNATIVES ECONOMIQUES-HORSSERIEN" 18 nt réduire leurs investissements. comme pour la dette d'un Etat, il convient surtout d’ob- server le niveau comme la composition de la dette des entreprises et les raisons économiques qui y sont corrélées pour juger du degré de risque associé. Autrement dit, une entreprise qui choisit de s’endetter auprés d'une banque & un taux faible dans le but d’investir dans un projet viable ne constitue pas un risque pour économie en tant que tel (au contraire méme). Pour jauger de l’endettement des entreprises, il faut non seulement considérer la somme des crédits qu’elles obtiennent auprés des banques, mais aussi les titres de dettes "), majoritairement des obligations, qu'elles émettent, a court et long termes. Demanire générale, la dete des société non financiéres (SNF) frangaises a toujours atteint des niveaux élevés par rapport la valeur ajoutée créée, comparée aux autres pays dela zone euro. En effet, en moyenne, entre 2014 et 2019, le taux d’endettement des SNF en France atteignait 68,5 % du produit intérieur brut (PIB), contre 43 % en Allemagne et 70 % en Italie, se situant ainsi au-dessus de la moyenne de la zone ‘euro (61 % du PIB). UN BOND DURANT LA CRISE DU COVID La crise du Covid a mené & une ré sion historique de 13,8 % au deuxiéme trimestre de l'année 2020 (apres - 5,9 % ‘au premier trimestre), et entrainé un arrét partiel ou total de activité des entre- prises. Par conséquent, les entreprises ‘ont eu un besoin extrémement fort de liquidités. Leur dette a alors augmenté de 12,6 % en moyenne tous les mois & partir ‘de mars 2020 jusqu’ février 2021. Elle a atteint un point culminant a 86 % du PIB au dernier trimestre de 2020, selon la Banque de France, contre 73% & la fin de année 2019. Sans surprise, Paugmentation des encours de crédit pour trésorerie ~ ces ECONOMIE [i] = 19 crédits bancaires & court terme qui permettent aux entreprises de faire face 4 un besoin de financement temporaire de quelques. jours & quelques mois - a été la principale contribution & cette hausse : + 5,6 % sur la période de février 2020 & mars 2021 pour une croissance totale de 12,5 %. Toutefois,ellesest faite grice i aide du gouvernement, qui, comme d'autres gouver- ements européens, a mis en place un programme massif de préts garantis par Etat (PGE) de 300 miliards d’euros, afin de garantir de 70 % 8 90 % des montants prétés par les banques. A. Ja fin de année 2021, selon la Cour des comptes, es nouveaux, encours accordés dans le cadre de ce dispositif avaient atteint 143 miliards d’euros. Au final, la hausse de Vendettement des SNF lige ila crise du Covid a été trois fois plus élevée que cele lors dela grande crise financiére de 2008 (+ 4 % entre septembre 2008 et fin 2008). Elle reste cependant relativiser. Avec une baisse aussi forte etbrutale de activité, on aurait pussattendre a un arrét de I vestissement des entreprises, & des défaillances en cascade et & une remontée abrupte du cho- mage. Les mécanismes de sou- tien & activité déployés par le gouvernement - comme les PGE ou le dispositif de chémage par- tiel -ont permis, en parte, d’évi- ter ces scénarios. Au troisiéme trimestre de 2023, le niveau d’en- dettement des SNF était redes- cendu 79,3 % du PIB. Depuis la normalisation de Vactivité post-crise sanitaire (qu'on date & la moitié de Van- née 2021) jusqu’en aod 2023, le volume d’endettement des SNF a.criien moyenne de 3,6 % par ‘mois en glissement annuel, un niveau désormais inférieur 3 la tendance longue d’avant-crise qui s’établissait 4 4 % entre 2013 et 2019. La hausse des encours de crédits accordés par Jes banques pour financer linvestissement des entreprises explique pour la totalité la croissance de leur endettement, alors que dans le méme temps elles remboursent les encours de crédits de trésorerie depuis fin 2022 (les flux de ces crédits sont donc négatifs mensuellement). En effet, l'investissement des entreprises a bien résisté,tiré par des niveaux de marge historiquement élevés : le taux d’investissement des SNF s établit ainsi mi-2023 & pratiquement 4 points au-dessus de son niveau de 2019, & 25,6 % de la valeur ajoutée, IMPACT DE LA REMONTEE DES TAUX D'INTERET On Ie voit, la hausse de Fendettement pendant la crise du Covid n’a pas menacé économie. Mais la remontée du taux directeur de la Banque centrale européenne (BCE) opérée depuis juillet 2022 commence & constituer un vrai risque pour les entreprises. En effet, pour juguler une inflation élevée, 1a BCE a décidé d’augmenter les taux directeurs de - 0,5 % cn juin 20228 4 % en septembre 2023. Le premier effet de la 793% AU TROISIEME TRIMESTRE DE 2023, LE NIVEAU D'ENDETTEMENT DES SOCIETES NON FINANCIERES ETAIT DE 79,3 % DU PIB. politique monétaire via le canal du coat du créditaffecte deja les entreprises, puisque le taux d’'intérét annuel des nouveaux. crédits accordés aux entreprises a été multiplié par deux depuis Ia fin de Vannée 2022, dépassant A ce jour la barre des 4%. Cet accroissement rapide des taux d’intérét provogque un retournement du cycle du crédit lorsque Ion regarde les flux de crédits mensuels, méme si le stock d’encours de crédits des entreprises reste & un niveau élevé. Cette contraction de acces aucrédit des entreprises pourrait ccauser une baisse du volume de leurs investissements et repré- senter un risque pour celles qui rencontrent des diffcultés de tré- sorerie. Dans les enquétes de la Banque de France, pour le deu- xiéme trimestre, Vaccés aux cré- dlits de trésorerie pour les PME et ETLétait déja restreint, avec une part d'acceptation sur trois mois cchutant fortement. Cela pourrait s avérer d'autant plus préoccu- pant si les banques se montrent moins enclines a préter, puisque la différence de coat de finance- ment entre les crédits proposés par les banques et les marchés (via Pémission de titres de dette) ‘est largement réduite : elle est inférieure a 0,5 point désor- mais", Cela empéche ainsi les entreprises de diversifier ou de substituer une source de finan- cement & une autre entre les banques et les marchés. Enfin, cette remontée des taux aura un impact négatif sur la croissance économique francaise et donc sur la demande adressée aux entreprises. Alors que, dans le méme temps, la pression sur les cots salariaux finira par s'accentuer : aprés avoir vu leurs salaires baisser en termes réels en 2023 & cause de Vinflation, es salariés obtiendront probablement des aug- ‘mentations qui rogneront d’autant la marge des entreprises. De plus, les niveaux de marge et d’endettement étant trés hété- rogenes selon les secteurs, certaines entreprises pourraient cumuler une baisse des marges et une hausse de leur coiit de financement. Enfin, les entreprises sont aussi soumises aux risques liés& la baisse globale de productivité : écrasement des marges, déficit d’innovation, ete. La productivité n’a en effet toujours pas retrouvé son niveau d’avant-crise, et ce ‘malgré la bonne tenue de l'investissement pour le moment. [i] Les ires de dete comprennent eile de toe le bigness ‘epee prt sys es eeancesngocable Ip} Ba sora eae ee oul pds bang pl wn son Faut- les salaires ? l augmenter Avec un taux de marge en hausse principalement di a la baisse des salaires réels, les entreprises n’ont pas partagé équitablement le choc inflationniste entre le trav: Par MATHIEU PLANE I Directeur adjoint du département Analyse et prévsion de OFCE € retour de I'inflation depuis deux ans a mis sur le devant de la scéne la problématique de ’évolution des salaires et plus largement du pouvoir d’achat. Car depuis la reprise post-Covid et la guerre en Ukraine, la flambée des prix des matidres premieres, en particulier de énergie, puis celle des produits alimentaires ont conduit & une hausse générale de Pindice des prix & la consommation de prés de 11 % sur deux ans, du jamais vu depuis le début des années 1980, Ce choc inédit a eu des conséquences surle partage de la valeur ajoutée au sein des entreprises. Peut-on considérer que ce choc a été équitablement réparti entre les salariés et les actionnaires, et que les entreprises en font assez pour augmenter les salaires ? ‘Au cours des deux dernires années, entre la mi-2021 et Ja mi-2023, le salaire mensuel de base a criide prés de 8%, dont 4,6 % durant les seuls douze derniers mois. Cela ne s était pas produit en France depuis plus de trente ans. Au (Jai Fimpression que cette pente \\ est de plus en plus raide ! a OFCHIFRER2024-ALTERNATIVES ECONOMIQUES-HORSSERIEN" 18 et le capital. des différentes catégories sociales, ce sont les ouvriers et les, employés qui ont vu leurs salaires le plus augmenter, avec une hausse respective de 8,7 % et 8,9 %. En revanche, ceux des professions intermédiaires et des cadres ont été moins dyna- miques, avec 6,9 % et 6,2.% surla méme période, FORTE HAUSSE DU SMIC Si ces chifires montrent un certain dynamisme des salaires, notamment pour les travailleurs les plus modestes, c’est en raison principalement de la forte revalorisation du Smic depuis deux ans. En effet, le mécanisme d’indexation du Smic sur V'inflation a conduit & 'augmenter de 12 % depuis octobre 2021. Et si les salaires ont plus augmenté pour les ouvriers et employés, c'est qu’ils ont été poussés par la hausse du Smic en raison d’une part plus importante de salariés au salaire minimum ou proches de ce dernier pour ces catégo- ries socioprofessionnelles. De fait, e mécanisme d'indexation a permis de protéger en partie les salariés les plus modestes contre le choc inflation- niste. Cependant, méme si ce mécanisme, a priori, pousse les entreprises & augmenter les saaires juste au-dessus du Smic pour éviter un trop fort tassement de leur grille salaiale, rien ne les oblige le faire, En effet Ja moyenne ne refléte pas ’hété- rogénéité des situations, et sans obligation d’augmentation, les revalorisations saariales peuvent atre tres différentes selon les entreprises et dépendent de leurs marges financires, de leur taille, du secteur, des capacités de négociation des salariés... Au final, rien ne garantit indi- luellement que les salariés tant rémunérés juste au-dessus du Smic aient vu leur salaire augmenter significativement. ailleurs, la proportion de sala- rigs au Smic a fortement aug- ‘menté en un an, passant de 12% cen 2021 & prés de 15% en 2022. De plus, la forte hausse des exo- nérations de cotisations sociales LES MARGES DES ENTREPRISES S’ACCROISSENT n des composantes aux variations cumlées du taux de marge es société non nancies, en points de valeur ajoutée 08 Fe ne wa meas SH (© ‘aur de marge salaes res Producti 7 Pricrelatis* —Cotisationspatonales et autres mesures * cea: cera qui appre ei de valeur ajts déagte pes nee ‘apicals grammy pms dahl dein etter pote eee eae sug eee res patronales, de 13 % en 2022 et bien supérieure la croissance Ge la masse salariale, confirme idée d'un tassement dela grille des salaires vers le bas, car celles-ci sont maximales au niveau du Smic, puis dégressives au-dela. Mais analyse en termes d’évolution des salaires n'a aucun sens si elle n’est pas mise en perspective avec celle des prix, Sila hausse nominale des salaires est quasi historique depuis deux ans, celle des prix lest encore plus. Car avec une infla- tion de 10,6 % entre la mi-2021 et la mi-2023, augmentation de7,8 % du salaire mensuel de base est largement insuffisante pour couvrir la hausse du cofit de a vie. En effet, le salaire mensuel de base réel,c’est-i-dire une fois que ’on retire Teffet de inflation, a baissé de 2,6 % sur deux ans, ce qui veut dire que les salariés ont encaissé une perte histo- rique de pouvoir d’achat. Rappelons ue, bien que les années 2010 n’aient pas été une décennie de forts gains de productivité et de croissance, le salaire mensuel de base a crd en moyenne de 0,5 % par an. Et méme au moment de la crise financiére de 2008-2009 ou au plus dur du tournant de Paus- térité en 2012-2013, il n’a pas perdu en pouvoir d’achat sur deux ans. La baisse récente du salaire réel n'a pas d’équivalent au cours des derniéres décennies. DES TAUX DE MARGE ELEVES La particularité de cette baisse de salaire réel est quelle inter- vient dans un contexte de marché du travail tendu, Avec un taux, de chémage proche de 7%, au plus bas depuis quarante ans, et, des diffcultés de recrutement trés élevées dans de nombreux secteurs, le pouvoir de négociation s'est déplacé en faveur des salariés, ce qui aurait di conduire une accélération des salaires La baisse récente du salaire réel n’a pas d’équivalent au cours des derniéres décennies ECONOMIE |i a 33% (CEST, AU 2° TRIMESTRE 2023, LE TAUX DE MARGE DES ENTREPRISES. UN NIVEAU QUI N’AVAIT PAS ETE ATTEINT DEPUIS LA PERIODE PRECEDANT LACRISE FINANCIERE DE 2008, réels, et une déformation du partage de la valeur ajoutée en faveur du travail. Or, est exactement linverse qui s'est produit. En effet, depuis afin 2021, le taux de marge des entreprises s est significativement amélioré, passant de 31,8 % de leur valeur ajoutée, ce qui correspond au niveau d’avant Covid 833 % au 2° trimestre 2023, soit un niveau qui n’avait pas 616 atteint depuis la période précédant la crise financiére de 2008 ®!, Or, cette augmentation du taux de marge depuis un an et demi est principalement le fait de la baisse des salaires, réels, ces derniers contribuant & 'améliorer de 1,2 point surla période, Certes, la productivité du travail a aussi baissé sur cette période, mais cette baisse a été moins forte que la contraction du salaire réel, Ans, les coats salariaux unitaires qui compte des évolutions de productivité ont contribué & amé- liorer le taux de marge des entreprises d’environ 1 point de valeur ajoutée depuis un an et demi. Au regard de Pévolution des marges, il est difficile de soutenir que les entreprises ont partagé équitablement le choc inflationniste entre le travail et le capital. Certes, es situations sont trés différentes selon les secteurs et les entreprises, avec des secteurs dans lesquels les ‘marges se sont fortement améliorées (énergie, industrie agroa- limentaire, services de transport) et d’autres ot, au contra elles se sont nettement dégradées (hébergement-restauration, services aux ménages). Une hausse massive et généralisée des salaires dans ce contexte semble donc difficile ou risque de mettre en péril un certain nombre d’entreprises ayant connu tne forte dégra- dation de leur situation financiére. Cependant, nous ne pou- vons écarter le fait qu'une partie de la hausse des marges s'est faite au détriment des salariés. Une redis- tribution correspondant & 1 point de valeur ajoutée des sociétés non financiéres (soit environ 14 mil- liards d’euros annuels) en faveur des salaires semblerait relativement équitable. Cela correspondrait& une augmentation moyenne de 1,5 % des salaires réels en dehors méme des effets liés 4 un retour attendu des gains de pro- ductivité en 2024. Un mécanisme ciblant en priorité les salaires compris entre 1 et 2 Smic est bien sir souhaitable. Car le risque, en plus de la question du pouvoir d’achat, est de renforcer le tassement des salaires vers le bas et d’avoir des profils de carriéres de plus en plus plats, sans perspective évolutions réelles et de prise en compte de la qualification et de Vexpérience des travailleurs au cours de leur vie active. BL [ap oyenge 2017209 st onconige 2019, ande excepoanle ula vale sculeent Aurea inp pourla compete et Templo! (ic) en basse perenne deco tly sacles etna! pour estat lebunchce rast de> ews dps [2] sion excarla pesiode Cov rs pre pa es disposi exceponnls aide foxenrepsesct tle de ler jue. 2 EMPLOI L’objectif du plein-emploi est en train de s'’éloigner La baisse extraordinaire de la productivité du travail observée en France depuis la crise Covid a permis au chémage de reculer, mais la fin des soutiens & Vemploi pourrait changer la donne. Par ERIC HEYER Directeur du département analyse et prévision de (OFCE a situation actuelle du marché du travail le confirme : la pandémie de Covid-19 constitue un épisode extra- ordinaire dans Phistoire économique. Sl est habituel observer une meilleure résistance de l'emploi que de l'ac- tivité au cours des premiers trimestres qui suecédent a une crise économique, la reprise de V’activité qui suit est alors trés peu riche en emplois permettant a la productivité du travail” de retrouver peu ou prou son niveau tendanciel : c’est ce que Ton nomme le eycle de productivité Attitre d’exemple, au cours de la crise de 2008, aprés avoir connu une baisse de 3,5 % la premiére année, la productivité du travail est revenue A son niveau d’avant-crise au bout de deux ans et le dépassait de plus de 5 % au bout de sept ans, soit une progression annuelle moyenne proche de son rythme avant la crise financiére (0,8 %). En l'état actuel des comptes nationaux, Pévo- Iution du marché du travail dans I'Hexagone est quant & lui, et & la grande surprise des prévisionnistes, déjasignificativement au-dela, & plus de 6%. A heure actuelle, on aurait donc besoin de pres de 780 000 sala- rigs de plus pour produire la méme chose qu’en 2019 ! Ainsi, quatorze trimestres aprés le déclenchement de la crise sani- taire, a productivité du traval se situe 4,4 % en dessous de son niveau d’avant ce déclenchement, quand elle était, au méme ‘moment au cours de ’épisode de la grande crise financiére de 2008, 1,5 % au-dessus. Par ailleurs, compte tenu du sen- tier de croissance de la productivité du travail observé avant Ia crise, a situation de I'activité dans le secteur privé aurait da déboucher, non pas sur plus de 1,1 million de eréations de postes mais sur une baisse de 140.000 emplois, soit un surplus de 1,3 million de salaries, UNE BAISSE DE LA PRODUCTIVITE TRANSITOIRE Porté par cette bonne surprise sure front de Pemploi, le nombre de chomeurs a diminué de 261 000 depuis la fin 2019, permettant au taux de chomage de baisser de plus de 1 point, pour sétablir au deuxiéme trimestre 2023 47,2 % de la popu- lation active, niveau jamais observé depuis la crise des subprime de 2008. Cette LES FACTEURS QUI EXPLIQUENT1'EVOLUTION DE L'EMPLOI SALARIE EN FRANCE DEPUIS 2019 feat au dete mest 202 ene empl sala observe ete smolen stabs le cot du toa ade, appenisage ‘les sides aux entreprises eur vale: ein 209 en mils amélioration sure front du. chmage jusqu’au troisi¢me trimestre, durant lequel il est remonté & 7,4 %, repose done sur la baisse extra- ne semble pas aujourd'hui suivre ce schéma habituel. Plus de trois années aprés le début de a crise sanitaire, 1a productivité du travail, loin avoir dépassé son niveau Hitec ordinaire de la productivité de 2019, peine a se redres- et « ances ees du travail qui, si elle s'avérait ser. Au deuxiéme trimestre - ‘et aides aux entreptises » pérenne, faciliterait le retour de 2023, alors que I’act — Het eFgpentsage au plein-emploi. vité dans le secteur privé en France se situe 2.% au- Pa dessus de son niveau post- crise, le niveau d’emploi oo Mais, comme nous avons montré dans une étude récente"!, une grande partie de cette baisse de la produc- tivité du travail ne serait que transitoire, car lige & quatre causes qui sont elles-mémes temporaires. La premiere réside dans la baisse du codit réel du travail depuis plus de (Beet de adc du tava et cot do wal | Zz a ee Tota marhand —Industie Contin Senicesmarchands fen agile an ages Productivté du traval: mesure Nefficacté productive du travail en ‘camparant la production séaisée 3 [a quantté de travail utilisé. OFCHIFRER2024-ALTERNATIES ECONOMIQUES-HORS SERN" 18 ECONOMIE [ili 500 000 LAREFORME DES RETRAITES AUGMENTERA, ‘SELON LES PROJECTIONS DE L'INSEE, DE PLUS DE 500 000 LA POPULATION ACTIVE A UHORIZON DE 2027. trois ans en lien avec des salaires qui ont progressé moins vite due les prix de production. Cela aurait permis aux entreprises cde maintenir des effectits supérieurs 4 ce que nécessitait réel- Iement leur production, soit selon nos estimations quelque 130 000 emplois supplémentaires. La deuxiéme est associée a une durée du travail moyenne par salarié qui, aprés avoir fortement baissé pendant la crise avec la mise en place de dispositifs d'act- vité partielle, a tardé & retrouver le niveau qui prévalait avant la crise. En cause notamment des taux d’absence toujours plus élevés aujourd’hui qu’en 2019, avec pour conséquence de réduire la producti vité apparente des salariés : de quoi expli- quer plus de 150 000 emplois en sus. Par ailleurs, et cela constitue la troi- sidme raison, le fort recours & 'appren- tissage observé depuis 2019 explique une partie des eréations d’emplois salariés depuis la crise sanitaire, Renforcé par la réforme structurelle qui a remis & plat la politique dapprentissage en 2018 ainsi que par l'aide exceptionnelle trés généreuse et non ciblée créée mi-2020 dansle cadre du Plan de relance, l'apprentissage enchatne les records jusqu’a parvenir 829 000 nouveaux contrats conclus cet 968 000 apprentis en cours de formation en fin d’année en 2022, soit deux fois plus que fin 2019, Selon nos estimations, Je boom de l'apprentissage expliquerait plus de 250 000 emplois salariés additionnels, estimation proche de celle des écono- mistes Fanny Labau et Adrien Lagouge ". Enfin, la quatriéme raison est lige aux nombreuses aides dis- tribuées aux entreprises depuis la crise du Covid-19, notam- ‘ment par lintermédiaire des préts garantis par Etat (PGE). Celles-ci ont non seulement pu enrichir la croissance en travail se Quatorze ti aprés le début de la crise sanitaire, la productivité du en dessous de son niveau d’avant-crise emplois des entreprises qui se portent bien mais aussi main- tenir artificiellement certaines d’entre elles en activité alors méme qu’elles auraient dit faire faillite. Ce dernier phénoméne s‘observe notamment dans le nombre moindre de défaillances entreprises au cours des trois der- niéres années par rapport aux années précédentes et expliquerait plus de 290 000 emplois supplémentaires. Au total, nous estimons que ces quatre rai- sons expliqueraient les deux tiers de la bonne tenue du marché du travail au cours de la période, ce qui correspon- drait & prés de 830 000 salariés. ‘Maisavecle remboursement progressif des PGE, le retour observé a une durée du travail 4 son niveau post-crise, Ia baisse votée de Paide exceptionnelle pourPapprentissage et le rattrapage, ne serait-ce que partie, des salaires sur les prix, ces soutiens l'emploi vont disparaitre, voire s'inverser au cours des prochaines années. La productivité du travail devrait alors augmenter i nouveau et tendre progressivement vers son niveau d’avanta crise, Avec une productivité en hausse, couplée une conjoncture peu porteuse et au premier effet dela réforme des retraites qui augmente, selon les projections de 'Insee, de plus de 500 000 la population active & Phorizon de 2027, Vob- jectifa ce méme horizon d’un taux de chomage de 5 %, syno- nyme de plein-emploi, s’éloigne inéluctablement. El estres ue 4,4 % [1] «Comment xpigue olson de mploisls dep rise Covi? Une ana Ipc dcmomq cr donner ace sctree pr bt Heyer, eae POPCE [Bl « Apprentage :un bn des annes alles», par Bruno Coguet,OFCE Poly bf [3] = Quel inact del hasse de aterance dpa 209 sua product moyenne fern? par Pony Labo t Adrien gong, ares Fura, 2 DATA ‘TAUX DE PAUVRETE EN FRANCE METROPOLITAINE, 4.60 % DU NIVEAU DE VIE MEDIAN, EN % 45 14,3 % 40 BS BO 125 20 . rot T 1996 19971998 1999 2000 2001 La pauvreté et les inégalités repartent a ni demi-miltion de Francais ont basculé dans la pauvreté en 2021. Ils sont désormais 9,1 millions a vivre avec moins de 1158 euros par mois, un montant qui correspond au seuil de pauvreté fixé 3.60 % du niveau de vie médian pour une personne seule, selon UInsee. Soit le nombre de pauvres le plus élevé depuis 1996, date a laquelle commence la série statistique. En termes relatifs, le taux de pauvreté a augmenté de 12,4 % pees lovee cana liver | 2002 2003 2004 2005 2006 2007 la hausse 0,9 point en 2021, passant de 13,6 % de la population & 14,5 %. Le record de 2018 est égalé. Plus inquiétant encore, lintensité de la pauvreté augmente. C'est-a-dire que la moitié des personnes en situa- tion de pauvreté ont un niveau de vie Inférieur 8.924 euros par mois, soit 20,2.% de moins que le seuil de pau- vreté, En 2020, cet écart n’était «que» de 18,7 %. Ce qui signifie que les pauvres sont non seulement plus DECHFFRER 2024-ALTERNATIVESECONOMIQUES-HORS-SERIEW 25 14,3 % T eal T 2008 2009 2010 2011 2012 20132014 nombreux, mais aussi de plus en plus pauvres, Comment expli- quer un tel retour de baton ? Essen- tiellement parla fin du quoi quit en coiite, explique lInsee. En cause, notam- ment, la non-reconduction en 2021 de Vaide exceptionnelle de solidarité Covid versée en 2020 aux ménages bénéficiaires de certaines prestations sociales (notamment du revenu de solidarité active et des aides au loge- ment) et de la majoration exception- nelle de Callocation de rentrée scolaire. Plus largement, le niveau de vie de la moitié des Francais a reculé en 2 ECONOMIE[] 25 14,5 % 14,5 % 15 2016 iecaeal eee eae eel al 2017 2018 2019 2020 2021 2021, aprés avoir pris en compte les effets de (inflation. Une baisse plus prononcée pour les 20% des ménages les plus modestes : respectivement — 2,1 % et - 2 % pour les premiers et. -onds déciles de niveau de vie augmenter, particuligrement chez les plus aisés. Ainsi, le niveau de vie du huitiéme dcile augmente de 1,6 % et celui du neuvieme de 1,1 %. Sit'on zoome davantage en haut de la distribution des niveaux de vie, la hausse des inégalités est encore plus manifeste. « Le niveau de vie plancher des 5 % des ménages les plus aisés (95 centile) augmente de 5,6 % avant DES PAUVRES PLUS PAUVRES ET DES RICHES PLUS RICHES. {Evolution du 1 décile et du 5° décile de niveau de vie entre 1996 et 2021, base 100 = 2008 eee 1996 1998 2000 2002 2 TeV ese 2004 2006 2008 2010 2012 sae cTeaaT 2ovs 2018 2020 2021 aout UNE FORTE PROGRESSION DES INEGALITES Indice de Gini* en France 0300 0295 0290 oss 0280 075 270 ons 0260 0255 1996 ae es 1998 2000 2002 2004 2006 oe 2008 2010 2012 as = wore 2016 2018 2020 2021 ‘Indice de Gini varie entre 0 et 1. Pisil est élevé, plus les inégalts sont fortes. redistribution et de 4,5 % aprés redis- tribution (prenant notamment en compte les impéts et contributions sociales) », détaille insee. Ces Fran- Gals ont bénéficié a plein de a reprise de Uactivité post-pandémie. Leurs salaires sont repartis 8 la hausse. Mais aussi les revenus quils tirent de leur patrimoine, grace aux dividendes. Résultat, les « principaux indicateurs diinégalités de niveau de vie sont en forte hausse en 2021 », pointe lInsee. Et cela ne devrait pas s'arranger en 2022, ni en 2023. A cause de Uinflation, bien évidemment. Mais aussi du fait de la réforme punitive de l'assurance chémage de 2019, entrée en vigueur & partir d'octobre 2021. Déja, en 2021, le taux de pauvreté des chomeurs a fortement augmenté (de 1,9 point, pour atteindre 35,1 %6), alors que celui des personnes en emploi n'a augmen- té que de 0,5 point, pour s'établir & 7.4%. Or,non seulement les chémeurs vont étre moins bien indemnisés, du fait de la réforme, mais ils seront, également plus nombreux, comme les derniers chiffres du chémage viennent de le confirmer. hLaurenT JEANNEAU EN SAVOIR PLUS «Bn 2024, les inégaltés eta pauvreté augmentent», par Valérie Albouy, ‘Anne Jaubersic er Amaud Rousset, InseePremivea" 1973, novembre 303. Pourquoi l’Hexagone n'innove pas La désindustrialisation, des dépenses scienti la faiblesse de l'innovation en France. ‘29 mn. pays de réaliser une croissance durable, génératrice L d’emplois 4 haute valeur ajoutée. Selon Eurostat, une entreprise est innovante au sens large lorsqu’elle introduit une innovation dans les produits ou les procédés marketing. ou organisationnels. Les activités concernées incluent la recherche et développement (R&D) et toutes les activités financiéres et commerciales engagées par une entreprise en vue de produire une innovation. Entre 2018 et 2020, 54,8 % des entreprises de plus de dix salariés ont réalisé des innovations en France. L’ Hexagone se classe donc tout juste au-dessus de la moyenne de Union européenne (52,7 %), devant Espagne (33,4 %) et le Portugal (S1,1 %). En revanche, Allemagne et la zone euro affichent de meilleures performances avec, respectivement, 68,8 % et 57,1 % d’entreprises innovantes. Par SEBASTIEN BOCK et AYA ELEWA Economistes au Département de recherche fen innovation et concurrence (rid de [OFCE “innovation joue un réle essentiel en permettant aux DISPARITES DE STRUCTURE INDUSTRIELLE Les dférences de structure industrielle expliquent en partie Ja plus faible part des entreprises innovantes en France, notam- ‘ment par rapport a ’Allemagne. En effet, les entreprises sont structurellement plus innovantes dans Pindustrie que dans les services. Or, la part deT'industrie dans économie allemande est plus élevée qu’en France. Selon les conomistes de Insee Cindy Duc et Pierre Ralle les dfférences de structure sectorielle et de taille d'entreprises entre la France et Allemagne contribuent pour 17% en 20168 Pécart entre les deux pays en matiére d'entre- prises innovantes. Ces diftérences trouvent leur origine au début des années 2000, lorsque la France a connu une détérioration de sa compititivité-coit: sa fscalité tres supérieure celle de ses principaux concurrents a alors engendré des délocalsations de ses sites de production ®!. De parla nature capitalistique de T'industrie, la désindustriaisation a entrainé une baie des inves- tissements dans les machines et les €quipements de 21 % entre 2003 et 2015, tandis qu'ils augmentaient de 19 % en Allemagne, Or, ces investissements sont étroitement lés &'innovation. ‘La France affiche aussi un retard en matiére de dépenses de R&D qui explique en partie sa position moyenne en matiére OECHIFRER 2024-ALTERNATIVES ECONOMIQUES-HORSSERIEN" TB de R&D insuffisantes, des carriéres iques peu attractives et la frilosité des investisseurs expliquent d'innovation. Or, ces dépenses permettent aux scientifiques ct aux industriels un accés aux équipements de pointe et & des rémunérations adéquates pour rendre les cartiéres scien- tifiques attractives. En 2021, la dépense intérieure de R&D sétablit& 55,5 milliards deuros, dont 65,7 % sont réalisés par les entreprises. Cet effort de R&D représente 2,2.% du produit intérieur brut (PIB). La France ne répond donc pas aux objectifs de la stratégie de Lisbonne qui incite & consa- crer 3 % du PIB A ces activités. Elle se classe légerement en dessous de la moyenne européenne de 2,3 %. Elle se posi- tionne également en dessous de l’Allemagne (3,3 %), de la Suéde (3,4 %), de PAutriche (3,4 %), des Etats-Unis (3,5 %) et du Japon (3,3 %). Ce retard est d’autant plus marquant que les entreprises sont incitées a innover par le crédit d'impdt recherche (CIR), un dispositif de soutien & innovation parm les phus généreux de POCDE. Or, Vefficacité de ce dispositf est limitée, car ses téres acces ne tiennent pas compte de la taille des entreprises, ce qui introduit un biais en faveur des plus grandes dentre elles qui auraient investi méme en absence de ce dispositif. Par ailleurs, les carriéres scientifiques frangaises sont de ‘moins en moins attractives, Selon le ministére de 'Enseigne- ‘ment supérieur, de la Recherche et de Innovation, le nombre de docteurs diplomés a chuté de 1,2.% par an en moyenne, centre 2017 et 2022. La faible rémunération des chercheurs francais par rapport aux pays voisins explique notammer le déclin de Vattractivité de ces carriéres. La loi de program- ‘mation de la recherche de 2020 souligne que le salaire annuel brut d’entrée moyen des chercheurs en France représentait [) 63 % du salaire moyen des chercheurs ECONOMIE [il] = 27 54,8 % (CEST LE TAUX D’ENTREPRISES DE PLUS DE DIX SALARIES AYANT REALISE DES INNOVATIONS. EN FRANCE, ENTRE 2018 ET 2020. de ces entreprises implique une importante prise de risque de la part des investisseurs. Une part significative de leur bilan est constituée d’actifs intangibles (brevets, logiciels, capital humain) qu’il leur est difficile de valoriser. Cette incertitude sur la valeur des actifs et a capacité de ces entre- prises & générer des revenus futurs désincite les acteurs ban- caires traditionnels 4 y investir. En effet, les financements bancaires recourent aux actifs tangibles comme collatéraux et sont donc peu adaptés & ces entreprises. PAS ASSEZ DE CAPITAL-RISQUE Le capital-risque permet de financer ces activités innovantes incertaines parla prise de participation en fonds propres, out n favorisant un suivi minutieux de l'investissement. Cette modalité de financement permet de réduire l'incertitude laquelle font face les investisseurs et adapter leur participa- tion aux fonds propres en fonction des besoins de Vactivité et de la bonne exécution des opérations. Selon une étude de la direction générale du Trésor"! le capital-risque francais a cra significativement entre 2015 et 2020, avec des levées de fonds placant la France en deuxiéme position européenne en 2020. Néanmoins, le capital-risque européen demeure en retard par rapport aux acteurs américains et asiatiques. En 2019, les levées de fonds des start-up du Vieux Continent étaient presque quatre fois moins élevées que celles des start-up américaines et prés de deux fois moins élevées que celles des start-up asiatiques. Ce retard s’explique par de moindres actfs sous gestion des fonds de retraite européens et une plus forte aversion au risque des investisseurs institutionnels européens. Ces éléments soulignent la nécessité de réindustrialiser la France tout en sti- dans les pays de OCDE en 2013. Or, les, talents semblent profiter d’une mobilité internationale croissante, selon le Conseil analyse économique! En France, leurs départs sont plus importants que leurs arrivées, Cette main-dceuvre hautement qualifige recherche avant tout un envi- La France ne répond pas aux objectifs de la stratégie de Lisbonne qui incite a consacrer 3 % du PIB aux activités de R&D mulant la R&D pour investir dans des équipements de pointe et revaloriser les carrigres scientifiques. I faut également accroitre 'efficacité des dépenses par un meilleur ciblage des dispositifs d'incita- tion a 'innovation. Enfin, pour favoriser la croissance des entreprises inno- ronnement propice au développement de son potentiel ainsi qu'un niveau de supérieur a celui que leur offre I’ Hexagone. Les talents peuvent aussi se détourner de ces carriéres pour d’autres choix. Par exemple, la finance les attire davantage depuis les années 1980, Ce secteur propose des rémunérations plus éle- vées qui compensent de plus en plus 'abandon de compétences spécifiques & d'autres industries. innovation résulte d'un processus de recherche fonda- mentale, de recherche appliquée et de commercialisation dans lequel les start-up, entreprises & forte croissance ou intensives en R&D, sont des acteurs clés. Le financement vantes,il est nécessaire de développer Pécosystéme financier. Cependant, ces efforts pourraient étre compromis sans une politique d’éduca- tion ambitieuse visant & mieux identifier et former les talents de demain, issus de milieux sociaux divers. El [1] « Une crsineconvergeace de 'ianovation danse entreprises en Europe», pr Endy Daces Pere Halle San x epren rc ince Resection 3. [2] « Lepligues indus en France :rluton et cmparnsinteatonalt pat Vine tious al, rapport pout Assen ate, France Sate, 2020 3 «Pipa France a mob lero coins des talents» pa Esenne Whe Coda Green Lend Ce dlahee Bono 3,50 [a] Captalsquet dévdoppement cs tarps anaes pat ala Chae RachigeGulame Roles Trav 9 ett se Tresor 32 En 2024, l'Europe va-t-elle retomber dans l'austérité ? Face 4 la hausse de l’endettement et des besoins de dépenses des Etats membres, un changement de cadre budgétaire européen est nécessaire afin d’éviter de casser la croissance. 1 PRS) parxavier racot I Président de (OFCE déroulent dans une situation inédite. Tout d’abord, tous les pays font face & la hausse de inflation et au ralentissement de la croissance, contribuant 4 une augmen- tation des dettes publiques. Ensuite, les régles budgetaires curopéennes, suspendues en 2020, sont supposées étre réin- troduites en 2024, sur des bases renouvelées. Il est probable que ces nouvelles régles soient plus pragmatiques et moins dogmatiques que le cadre passé, car c’est 'intérét & court terme des pays européens, francais et allemand en particulier. I es discussions budgétaires des pays européens se UN DEBAT DANS TOUS LES PAYS EUROPEENS, Apres la crise sanitaire et la crise énergétique, les niveaux dendettement des pays européens, et de tous les pays en général, atteignent des sommets historiques. A cette hausse ajoute augmentation des taux d’intérét des nouvelles dettes publiques, résultat du relévement des taux directeurs décidé par la Banque centrale européenne (BCE) pour freiner 'in- flation. Ces taux sont ainsi passés de territoires négatifs en 2021 au niveau jamais atteint de 4 % en septembre 2023. La conjonction de ces deux tendances ~ hausse de la dette et des taux ~ conduit & une augmentation de la charge budgétaire de la dette publique, prévue pour la France & 52 milliards euros en 2024, aprés 55 milliards en 2023. Ce qui implique que, concrétement, un volume élevé de ressources fscales est consacré au remboursement des intéréts sur la dette passée. Dans ce monde nouveau, des besoins de dépenses publiques sont identifiés. Celles pour la transition énergétique en France sont évaluées 4 34 milliards dans le rapport de Jean Pis Ferry et Selma Mahfouz. De plus, des hausses des budgets de la Défense et de la Justice, mais aussi, il faut Vespérer, de Education et de la Recherche, sont maintenant en débat. Faut-il réduire les dépenses jugées les moins utiles pour faire une place budgétaire aux nouvelles ? Faut-il accepter une hausse de la fiscalité des ménages qui va réduire leur pouvoir d’achat déja érodé par Vinflation ? Les montants OFCHIFRER 2024-ALTERNATIES ECONOMIQUES-HORSSERIEN" TB ECONOMIE [ll] 29 en jeu impliqueraient une participation d'une large part, dela population, et ce méme si la hausse des prélévements fiscaux s’accompagnait d’une plus grande progressivité de notre systéme fiscal. Une autre option serait d’augmenter la fiscalité des entreprises, dans un environnement oit la capacité exportatrice de la France, évaluée au travers de sa balance commerciale, reste trés dégradée, voire inquiétante. (On mesure l'importance de ces questions pour tous les partis politiques a leur absence dans le débat public. Ces questions ne concernent pas que la France et animent maintenant le débat en Allemagne, qui s’affiche comme la garante de Porthodoxie budgétaire. Si le budget pour 2024 présenté par le ministre des Finances Christian Lindner affirme une volonté de réduire lendettement de I’Allemagne dun point environ, de 67,5 8 66,5 % du produit intérieur brut (PIB), la Cour des comptes allemande a souligné l'exis- tence de nombreux fonds spéciaux financant par lendette- ‘ment les dépenses, comme pour la défense ow la transition énergétique. Le montant de l’endettement de ces fonds représenterait cing fois celui annoncé de Etat sur Ja période 2023 4 2027 = Vessentiel de la hausse de l'endettement public allemand est done réalisé hors du budget fédéral annoncé. Une pratique que la Cour constitution nelle de Karlsruhe a sane tionnée mi-novembre en annulant une décision qui prévoyait de transfé: rer 60 milliards d’euros de dette non utilisée contrac tée pendant la crise Covid vers un fonds pour le cli- mat. Le gouvernement de Berlin se voit ainsi confronté & un casse-téte juridique, avec ce rappel ordre concernant le res- pect de la régle constitutionnelle du « frein a ’endettement », ui limite sa capacité 4 emprunter. Par ailleurs, Vaccord trouvé en Allemagne sur le prix de l’énergie en novembre 2023 devrait conduire a des dépenses additionnelles de 'ordre de 12 milliards d’euros pour la seule année 2024, selon les, premiéres estimations. De ce fait, le nouvel environnement international implique des hausses inédites d’endettement en Allemagne. Au-dela des différences conjoncturelles, ces _mémes questions traversent tous les pays européens. ANCIEN CADRE, NOUVELLES REGLES C’est dans cet environnement qu'il faut comprendre les débats actuels sur 'évolution des régles fiscales européenne. Iya.unan, en novembre 2022, la Commission avait présenté un projet d’évolution. Celui-ci différait dans le texte des pro- positions formulées par les économistes Olivier Blanchard, Alvaro Leandro et Jeromin Zettelmeyer'"! et de celles portées par Philippe Martin, Jean Pisani-Ferry et moi-méme ", mais 4-5 ans UN POINT CENTRAL DE LA PROPOSITION DE CHANGEMENT DE CADRE BUDGETAIRE EST LA DEFINITION D'UNE CIBLE DE DETTE DIFFERENCIEE A QUATRE ‘OU CINQANS PAR PAYS. toutes ces propositions restent cohérentes dans esprit entre elles. Un point central est la définition d'une cible de dette différenciée & quatre ou cing ans par pays, avec un engage- ment de ces gouvernements sur des trajectoires de dépenses publiques corrigées des éléments les plus cycliques, comme les dépenses d’assurance chomage. Mest & noter que ces évolutions sont proposées & traité inchangé en modifiant seulement la législation secondaire. Cela implique que la rété rence un endettement public de 60 % du PIB et un déficit public nomi- nal de 3 % reste en vigueur, mais comme des objectfs de long terme. Conserver les traités actuels n’a pour seule justification que le réalisme politique : enga- ger un processus de chan- gement des traités dans une Europe hétérogene et dans un environnement inseable demanderait plu- sicurs années, pendant lesquelles le cadre actuel resterait en vigueur. Ce dernier, qui implique une cible de dette uniforme pour tousles pays, deman- derait une austérité budgé- taire déstabilisatrice. Ainsi, le changement de cadre budgétaire esta condition nécessaire, mais pas sffisante, d'une politique ne cassant pas la croissance européenne. En novembre 2023, la France et l’Allemagne ont enfin convenu de discussions bilatérales pour converger vers une proposition de cadre budgétaire européen, sur la base de celle de la Commission. La situation budgétaire des deux pays permet d’espérer que le réalisme 'emportera. Sil’on peut regretter que ces évolutions essentielles ne soient pas le fruit de débats économiques et politiques fournis, Pinté- rét de court terme des pays européens va dans le sens dun pragmatisme budgétaire, qui devrait préserver ’Europe A court terme de politiques déstabilisatrices de réduction rapide des dettes publiques. a [a] « Redesigning EU Finca Ral rom Rule to Standards» Norking Papers 2211, {to niu or tran Econo Sve, . [2] « Pour une refonte cade badge européen Ler ote de Cons anayee fconomiqu 6 a 22 Les taux d’intérét vont-ils rester élevés ? L'inflation a contraint les banques centrales américaine et européenne a augmenter leurs taux directeurs, qui ne devraient pas bouger en 2024, Waa) Par cinistopHe stor [REY orcee 2920 20 seranement anayse er prevson de YOFCE endant plus de dix ans, les banques centrales occiden- tales ont maintenu leurs taux & un faible niveau pour relancer ’économie aprés la crise financiére de 2008 et Incrise de la dette des années 2010, danse cas spécifique de la zone euro, puis pendant la crise du Covid. Mais les institutions ‘monétaires ont désormais changé de braquet en amorgant un cycle de resserrement monétaire & V’été 2022 afin de freiner inflation apparue progressivement partir de in 2021 et qui a accéléré fortement en 2022, La conséquence directe de ce chan- gement d'orientation de la politique monétaire est la emontée des taux d’imtérét fixés par les banques centrales. Ainsi, a Banque centrale européenne (BCE) a augmenté ses taux directeursa dix reprises depuis juillet 2022, fisant passer son taux principal, qu’on appelle le taux de refinancement, de (04,5 % en peine plus d’un an, Cela signifie que les banques commerciales paient désormais beaucoup plus cher lorsqu’elles empruntent des liquidités 4 la BCE, Ce surcott, répercuté sur Jes marchés (taux sur les obligations publiques et privées), mais aussi sur les ménages et les entreprises qui souscrivent un crédit, est censé fai baisser In demande, done, & terme, les prix. ‘Aux Etats-Unis, le principal taux de la Fed (ou Réserve fédérale, la banque centrale américaine) est passé de 0,25 85,5 % entre février 2022 et octobre 2023. Bien que Pampleur du resserrement monétaire ne soit pas his- toriquement inédite "elle ‘marque une rupture avec le régime qui avait vu le jour depuis la Grande Récession de 2009. Peut-on dés lors considérer que c’estlafin de Vere des taux ultrabas ? Coty, OFCHIFRER2024-ALTERNATIVES ECONOMIQUES-HORS SERN" TB entamer leur décrue & plus long terme. A court terme, étant donné le contexte inflationniste, il est peu probable que I’on assiste @ un changement rapide de orientation de la politique monétaire malgré les perspectives de ralentissement de lactivité économique mondiale. Pour autant, & moyen terme, lorsque le niveau de T'inflation aura convergé vers la cible de 2% des banques centrales, le niveau des taux d’intérét pourrait redescendre nettement. MOMENT CHARNIERE La stabilité des prix est un élément central du mandat de la Réserve fédérale et de la BCE "|, Par conséquent, elles pou- vaient dfficilement rester passives face & Paugmentation de Vin flation. Lors de sa réunion du 20 septembre, la Réserve fédérale a maintenu son taux directeur 5,5 %, mais a prévenu qu'elle n'excluait pas une nouvelle hausse. Désormais, a réduction des tensions inflationnistes pose la question de la poursuite du resserrement monétaire. Ainsi la BCE, l’hypothése d’une stabilisation du niveau des taux a été avancée aprés Ia derniére hhausse d'un quart de point effectuée le 14 septembre dernier. Dans les deux cas, la Réserve fédérale et la BCE continuent de tenirun discours de fermeté et écartent toute possibilité de réduire les taux d'intérét & court terme, arguant d'une inflation lobale qui diminue trop lentement et d'une inflation sous- jacente ® qui demeure trop levee. De ait, inflation reste supérieure a la cible de 2% visée par ces deux banques centrales puisqu’elles’élevait en octobre 4 2,9 % en zone euro et 32% aux Etats-Unis, Par ailleurs, l'inflation sous- jacente témoigne d'une plus forte inertie & la baisse par rapport a inflation totale puisqu’elle n'a diminué que de 1,1 point dans la zone euro entre mars et septembre 2023, contre 4,2 points pour T'in- flation totale, signe que inflation s'est diffusée & ensemble de l'économie. Le constat est le méme aux Etats-Unis. ECONOMIE [li] = 31 Dans ces conditions, la présidente de la BCE Christine Lagarde a indiqué que le niveau des taux de la Banque cen- trale européenne atteint actuellement serait maintenu pour une durée suffisamment longue, tandis que les anticipations des membres de la Réserve fédérale suggérent que le taux. directeur de institution monétaire américaine devrait rester proche de 5% jusqu’en fin d’année 2024. ALA RECHERCHE DU TAUX NEUTRE Dans Ihypothése oi inflation reviendrait vers sa cible de 2% en 2025, comme l'anticipent les institutions monétaires européennes, le taux d’intérét réel - c’est-a-dire corrigé de inflation — devrait converger vers ce que les économistes appellent le taux « neutre », qui correspond au niveau de taux d’intérét pour lequel la politique monétaire ne soutient ni ne freine l'activité économique, et qui est par conséquent compatible avec une inflation stable. En supposant qu’il n'y aurait pas, en paralléle, de chocs persistants sur les prix de énergie qui feraient grimper les prix indépendamment des, choix de politique monétaire. ‘Le taux réel neutre n’est pas une grandeur économique obser- vée. Ce taux, qui représente en quelque sorte le prix de Pangent, dépend de équilibre entre offre et la demande de fonds pré- tables tun moment donné, c'est -dire entre ’épargne et| tissement. Ainsi, la basse observée du niveau des taux @’intérét,& Ja fois en Europe et aux Etats-Unis, résulte d'un niveau d'épargne structurellement supérieur 3 Vinvestissement depuis le début des années 2000, Plusieurs raisons Vexpliquent. ‘Diune part, la baisse de la croissance de la productivité, qui comme conséquence de réduire l'investissement des entre- prises. D’autre part, le vieillissement de la population, qui va, de pair avec une augmentation de I’épargne. Les comporte- ments de précaution des Btats et des ménages vont également dans le sens d'une hausse de I’épargne, comme on continue de observer aujourd’hui. Ainsi selon une analyse de l'ancien président de la Réserve fédérale, Ben Bernanke, datant de 2005, la pression la baisse des taux longs américains &’époque s‘expliquait par une forte épargne mondiale alimentée par 'accumulation de réserves de change par es Etats, en particulier dans les pays émergents. En effet, depuis la crise asiatique de la fin des années 1990, ce 2x LORSQUE LE NIVEAU DE L'INFLATION ‘AURA CONVERGE VERS LES 2 % VISES PAR LES BANQUES CENTRALES, LE NIVEAU DES TAUX D'INTERET POURRAIT REDESCENDRE, comportement était pergu comme un moyen de se protéger contre les crises de change et d’amortr si besoin des sorties de capitaux brutales ou des attaques spéculatives. Selon les données, sur les réserves de change collectées parle Fonds monétaire international (FMI), cette épargne de précaution des Etats contre les crises globales a passé un pic en 2011 (@ 17 % du produit intérieur brut, PIB), mais reste élevée (14% du PIB en 2022). Elle est donc susceptible de continuer jouer en faveur d’une diminution structurelle du niveau des taux d'intérét Du cdté des ménages, la crise sanitaire s'est traduite par une augmentation du taux d’épargne en raison du soutien aux reve- nus apporté par les gouvernements en paralléle des contraintes pesant sur les dépenses. Le taux d’épargne des ménages de la zone euro reste aujourd'hui encore plus élevé que la moyenne observée surla période 2009-2019. Le constat est toutefois plus nuancé aux Etats-Unis, puisque le soutien massif aux revenus s'est, outre-Atlantique, d’abord, traduit par une forte épargne en 2020 et 2021, puis par une désé- pargne. Par ailleurs, 'épargne publique, mesurée parla capacité des Etats a dégager des excédents budgétaires, s'est affaiblie avec le creusement des déficits publics ces derniéres années. BEAUCOUP D’EPARGNE, PEU D’INVESTISSEMENT Enconclusion, malgré ces quelques réserves quill convient d’avoir ‘en téte, l’épargne disponible reste structurellement élevée depuis Je début des années 2000, alimentée de surcroit parla progression des inégalités, les ménages les plus riches ayant une propension & épargner plus importante que les ménages plus précaires. Cété investissement, les milliards nécessaires pour réaliser la transition pourraient rééquilibrer la balance entre épargne et investissement, et participer ainsi a remonter le niveau des taux d’intérét. Mais en l'absence de choc massif d’inves- tissement pour l’instant, cet effet reste hypothétique. Les estimations récentes du taux d'intérétréel neutre suggérent ‘que mi-2023, son niveau serait toujours faible : - 0,2 % dans la zone euro et de 0,6 % pour les Etats-Unis". Quand bien _méme ces estimations pourraient sous-évaluer le taux d’intérét_ neutre, elles semblent en tout cas ne pas indiquer d’augmen- tation sur la période récente. Dans ces conditions, la période de taux élevés que nous connaissons aujourd’hui ne devrait tre que transitoire. [11 Pouran nso Shaler ination dan ake des chose des années 170, laremante des tc sa slr pos importante On pale de choc Vols Suma pres dla bean cena umtcanel ce parol [B Alor qs lemadat dela DCE ex priortaiemnt a ra ei despre, ce de (Uhered lec et url tne pan bts ds rit poser [1 Vinton sou acente ner evolution dex prix en excloat epic sui Invern dB (ecuiabac) eles is sol come cus de ae eo des prods ais [s} oi essing te Naural tof esters Tends ad Determina » ar Kathryn Holston, Thomas Laubach et Joba C- Willams, Journal of Interational eonomis 108, 5598752017 L'Europe ne s‘est pas donné les moyens de sa réindustrialisation Les mesures prises par l'Union européenne pour soutenir son industrie dans le cadre de sa transition écologique ne font pas le poids face a UInflation Reduction Act américain ou a la concurrence chinoise. Par SANDRINE LEVASSEUR Economiste au département des études de (OFCE etard technologique, concurrence déloyale de la Chine, protectionnisme américain... :'Union euro- péenne semble disposer de peu d’atouts en vue de ‘ener & bien sa transition écologique tout en assurant sa réin- dustrialisation en activités « propres ». Au-dela des finance- ‘ments, dont on peut penser les montants encore insuffisants permettre aux marchés d’atteindre leur taille critique, P Union gagnerait & se concentrer sur certaines technologies et les financer davantage au niveau européen, Le vote, en aotit 2022, de Inflation Reduction Act (IRA) par le Congrés américain a fuit effet d'un coup de tonnerre (pees ae ita OECHIFRER2024-ALTERNATIVES ECONOMIQUES-HORSSERIEN' TB en Europe. Vaste programme de subventions aux technologies et aux industries propres, couvrant des activités aussi diverses que la production ’énergies renouvelables, les activités de captation du carbone, acquisition de voitures électriques ou installation de pompes 4 chaleur, ’est surtout Pexigence en contenu local pour pouvoir bénéficier des subventions qui a suscité les crispations des Européens, UN VERITABLE TOURNANT EN 2023 Cette exigence en contenu local porte sur les matigres pre ietes, les biens intermédiaires et le travail d’assemblage. Elle a fait craindre la délocalisation d’entreprises européennes vers les Etats-Unis en vue d’y percevoir les subventions et d’accéder au marché Si initialement, Washington cherchait, au travers de se protéger de la Chine, c’est'ensemble de ses ‘en Europe et en Asie quia, finalement, été touché. Alla fin 2022, 'Union européenne a négocié un aménagement : les véhicules électriques faisant 'objet un leasing seront éligibles aux sub: ventions américaines sans exigence de contenu local (autrement dit, ils peuvent étre importés d’ Europe), Pour autant, il ne faut pas s'y trom- per : le potentiel d’exportations de T'Union vers les Etats-Unis dans ce domaine est limité, d'une part, parla prédominance des constructeursauto- mobiles américains (au premier chef, ‘Tesla) et, autre part, parla présence historique de constructeurs européens (notamment BMW et Volkswagen) surle territoire américai, En réponse l'IRA, la Commission européenne a posé dés février 2023 les jalons d'une politique industrielle au niveau de "Union dont le texte le plus emblématique est le Net-Zero Industry Act, soit un plan visant & ECONOMIE fl] = 33 atteindre la neutralité carbone dans l'industrie & "horizon 2050. Longtemps cantonnée & la fixation de régles visant & garantir le bon fonctionnement du Marché unique (c’est-i- dire offriraux entreprises européennes les mémes conditions @exercice de leur activité, quels que soient leur nationalité et, le territoire sur lequel elles opérent), la politique industrielle del Union a connu un véritable tournant en 2023. Dabord, en autorisant un nouvel assouplissement des aides d°Etat (pour financer les investissements). Ensuite, en encourageant les, projets importants ’intérét européen commun ou Piiec (pour développer des écosystémes européens), mais aussi en défi- nissant huit secteurs stratégiques (pour cibler les investisse- ments). Enfin, en actualisant la liste de matiéres premires critiques (pour assurer leur disponibilité via une production intra-Union européenne ou une diversification des fournis- seurs extra-Union). En outre, les procédures administratives (notifications, autorisations, financement) ont été simplifiées et accélérées de facon 3 faciliter les investissements. DEFAUTS DE CONCEPTION Pour autant, la nouvelle politique industrielle de I’'Union soufire ’insuffisances, pas tant en ce qui concerne les mon- tants d’investissements qu’elle permet de financer qu’en termes, de conception. En effet, en additionnant les différents fonds alloués la transition écologique (ceux de NextGenerationEU, du Feder, des aides d’Etat, etc.), on aboutit & un montant de subventions européennes proche de celui fourni par les Etats- Unis dans le cadre de IRA En matiére de financement, c’est surtout octroi des fonds au travers des aides d’ Etat, et donc sur une base nationale, qui est source d’inefficience et de divergence. En effet, au-dela du probleme de coordination qu'il pose, ce mode de financement, tend & favoriser les pays les plus riches de l'Union au détri- ‘ment des pays les plus pauvres ou budgétairement contraints, ceux-ci pouvant cependant disposer de gisements en matiéres premieres indispensables ila transition écologique ou encore innovations et de personnels qualifiés. Atitre d'exemple, produire en masse des voitures électriques en Burope ne sera possible que si ensemble de la chaine de valeur 4004800 (CEST LE MONTANT, EN MILLIARDS DE DOLLARS, DES AIDES ACCORDEES DANS LE CADRE DE L'INFLATION REDUCTION ACT AUX ETATS-UNIS, est « sécurisé » surson territore, de extraction du lithium (dont ‘on trouve des gisements importants au Portugal) ala production de batteries électriques (dont on trouve des usines d’assemblage en Europe de 'Est et dans les pays disposant de marques auto- mobiles). Un financement de la chaine de valeur 4 un niveau européen, au travers d’un fonds d’investissement, serait plus efficace qu’un financement au niveau national ou méme des Piiec, puisque ceux-ci bénéficient souvent des aides d Lautre critique faite & la nouvelle politique industrielle européenne concerne un ciblage trop large des secteurs stra- tégiques, au risque d'un éparpillement des fonds et de ne pou- voir atteindre la taille de marché critique. Sans aucun doute, T Union européenne augmenterait-elle ses chances de réussir sa réindustralisation en renongant & développer les techno- logies matures pour lesquelles elle ne dispose pas d’avantages par rapport & ses concurrents et pour lesquelles il existe ou existera bient6t une possbilité de diversification dans P’ap- provisionnement : typiquement, les panneaux solaires pour lesquels la Chine est déja tres compétitive et dans lesquels les Etats-Unis investissent massivement dans le cadre de I'IRA. "Union doit aussi se concentrer sur les technologies pour lesquelles elle dispose d’une avance technologique ou qui sont indispensables a la survie d'autres secteurs en amont et en aval, par exemple 'hydrogéne vert ou les batteries. Par ailleurs, elle doit investir dans la R&D afin de créer des tech, nologies permettant 4 V'industrie d’atteindre la neutralité carbone, notamment pour produire acier, ciment, papier et autres produits manufacturés dont 'empreinte carbone est actuellement trés élevée. Enfin, afin de ne pas réduire & néant ses efforts de réindus- trialisation en activités « propres », I'Union devra continuer A scruterles pratiques des autres puissances économiques en matiére de subventions 4 la transition écologique et, le cas échéant, ouvrir des enquétes (comme c'est le cas actuellement vis-A-vis des véhicules électriques chinois) pour, si preaves de concurrence déloyale ily a, protéger ses industries par un relevement des droits de douane. EI [U} Dane ode Uni comme de nin eurpéene lee montanes sitet dans Ue ourchee arg) aan e403 30 alld de dla sur une ure pustannuel {Cependan, son oot amerca, at moans de A cus de arstrctare Tnvesment and Jobe At et Chip At gl tnenonnet au de mane rece Indectelsrantton éclogigu, ks momans Jess ele devensen! cirement spreue cou der buropbene EN SAVOIR PLUS « Lapoitgue industrielle de1'UE en matire de batteries. Un nouvel ‘an stratégique est nessa» appor special 15/2023, Cou ‘des comptes européenne. « Lithium-ion Battery Cell Production in Europe: Scenarios for Redacing Energy Consumption and Greenhouse Gas Emissions until, 2030 », par Florian Degen, Journal of Industrial Ecology ol. 27,8 3 juin 203, pp. 96-976. ECONOMIE MONDIALE Une forte ré: mais. 1 « atterrissage en douceur ». Ce sont les mots de Pierre-Olivier Gourinchas'", directeur des études ddu Fonds monétaire international (FMI), pour qualifier la dynamique de la croissance mondiale, qui se remetlente- ment de a pandémie de Covid-19, de Vinvasion russe de Ukraine et de la crise du coat de a vie. Les projections mondiales, & 2,9 % pour l'année 2024, sont trés en deca 1e historique. Mais les perturbations sur les énergie et des produits alimentaires sont par- ticuligrement fortes ets'accompagnent dun resserrement ‘monétaire musclé. inflation recule par rapport son pic de 2022, mais devrait restr 4 un niveau élevé en 2024, 4,8 % au niveau mondial, contre 5,9 % l'année précédente, ‘Le FMI souligne des disparités importantes d activité. Le ralentissement est plus marqué dans les pays avancés que dans les pays émergents eten développement. A rebours de Ja dynamique majoritare chez les « avancés», les Etats-Unis voient leurs perspectives revues la hausse, avec une estima- tion a la baisse du chémage accompagnée dune résistance dela consommation et de Vinvestissement. ‘Au contraire, le rival chinois semble en mauvaise pos- ture, avec une crise de Pimmobilier qui menace de se propager et de grignoter les finances publiques locales. Le FMI insiste sur la nécessité de rétablir la confiance des consommateurs et d’abandonner son modéle de croissance fondé sur le crédit au secteur immobilier Sans quoi une Chine malade pourrait bien vite faire tousser économie mondiale. Hl EVAMOYSAN [0 viesorcaey/awatras IG rel, variation annulle en s* ne filaebyfeme ere rans Payson ss tonagpe tae “Pectin. DECAIFFRER2034-ALTRNATIVESECONOMIQUES-HORS-SERE N28 FRANCE Croissance molle dans un climat d’incertitudes arquée par une forte inflation etl crise énergétique, Vannée 2022 — la derniére pour laquelle les chifires définiifs sont disponibles - a vus aplatir a trajectoire du produit intéricur brut (PIB), qui n'a augmenté que de 2,5%, Alors qu'un rebond post-Covid avait été initié en 2021 avec une croissance de 6,4%, la reprise économique estratée. Le commerce extérieura grippé la croissance & cause de la hausse de nos importations énergétiques, lige A la reprise économique et &’arrét pour maintenance de centrales nucléairesfrancaises. A Pinverse, la consomma- tion des ménages a tiré la croissance, malgré inflation, avec la fin des effets des restrictions sanitaires. En 2023, plombée parla consommation des ménages, la croissance devrait encore plus marquer le pas (+ 0,9 %), selon I Observatoire francais des conjonctures économiques (OFCE). Les ménages ont vu leur pouvoir d'achat rogné par inflation et ont continué d’épargner massivement, incertains de Pavenir. La confiance des entreprises, et done leurs investissements, est aussi érode i cause des problémes de recrutement et d’un climat géopolitique instable. En revanche, le commerce extérieur connait une nette amélio ration grice au reflux du coat des matiéres premiéresetla vente de paquebots et d'avions au premier semestre. Mais la remontéedes taux d'intérét depuis été 2022 aurait coité 0,4 point de croissance en 2023. JULIETTE LE CHEVALLIER Taux de croissance annuel du Pi (en) et contibution de chaque ‘campasante 3 cette coissance (en points de %) ‘onan 6 ae ‘omposnte ala assonce (enpoms de). 1 Gorsoration i imesisement I sole es eres Iu tiers des sts = Tour de isance evel “15% hy “ ‘eit ine 720 ia m2 INFLATION Est-ce vraiment la fin ? Evolution des prix, en par rapport année precedente “inflation a atteint son pic (6,3 %) au printemps 2023. Depuis, elle ne fait que refluer, et se situait fin 2023 autour de 4%, Mais attention, cela ne signifie pas our autant que les prix baissent, ils augmentent juste ‘moins rapidement. Si’on regarde plut6t Pimpact cumulé depuis début 2020, les prix restent encore aujourd'hui 13 % au-dessus de leur niveau d’alors, Apres avoir été tirée principalement dans un premier temps par les prix del’énergie, elle’ été parles prix alimentaires, puis s'est diffusée au secteur des services qui portent désormais Vessentiel de la hausse. Plus 'inflation s'installe dans la durée, plus nom- breux sont les ménages qui risquent de basculer dans des situations de privation, voire de pauvreté. En ont témoigné ily a quelques mois les difficultés des Restos du cour, pris en tenaille entre la hausse de leurs coiits de fonctionnement et augmentation des demandes d'aide qui leur sont adressées. « D ‘autres associations, pour ne pas die toutes celles qui agissent dans le champ des solidarités, tirent, pour les mémes causes, le signal d’alarme sur leur situation », insiste ! Uniopss, qui fédére les organismes privés non lucratifs dans les sec- teurs sanitaires et sociaux. En sortie de crise sanitaire, un demi-million de per- sonnes avaient basculé dans la pauvreté en 2021, a récem- ment alerté P’Insee (voir page 24). L’inflation laisse Pores et défi craindre que la tendance se soit poursui- vie en 2022. Cette année-Ii, estime toujours Pnsee, la hhausse du niveau de vien’a compensé que partellement augmentation des dépenses liges i inflation, sauf pour les 10 % les plus aisés qui ont bénéficié d'une hausse de leurs revenus du patrimoine, [I AUDE MARTIN: ECONOMIE |i 35 EPARGNE Les comptes courants se vident cslivrets d’épargne réglementés, dont la rémunération soit avec 'inflation, connaissent un regain d’inté- rét, « Pendant la crise sanitaire, une partie des ménages a accummulé un surplus d'épargne important, laissé pour tune large part sur les comptes courants, faute d‘alterna- tive plus attractive, rappelle V Observatoire de ’épargne réglementée dans son rapport annuel paru cet été. Ce surplus était donc disponible et facilement transférable. » Résultat, depuis fin 2022, et pour la premiére fois depuis 2013, les sommes disponibles sur les comptes courants des ménages diminuent, a a faveur des livrets d’épargne réglementés, dont le plus connu est le Livret A. Bien que les sommes y soient nettement moins impor- tantes, le Livret d'épargne populaire (LEP) connait éga- lement un regain d’intérét notable, puisque les encours ui y sont placés sont passés de 38 4.63 milliards d’eu- ros entre début 2021 et ’automne 2023 (a comparer avec les plus de 400 milliards d’encours du Livret A & la méme période). En aoiit 2023, le nombre de LEP ouverts a franchi le cap symbolique des 10 millions, contre seulement 7 millions début 2021. Accessible aux 1ménages les plus modestes sous conditions de ressources = 21.393 euros de revenu net fiscal pour une personne seule, par exemple -, le LEP est en effet le seul produit épargne réglementé a étre totalement indexé sur in- flation. D’oit son taux de 6 % en vigueur depuis aotit 2023 ui, s'il devrait refluer avec V’inflation dans les proch: mois, dépasse nettement celui du Livret A et du LDDS, dont la rémunération a été figée & 3 % par Bercy jusqu’a début 2025. Malgré ce boom, le taux de non-recours ce dispositf reste important (46 %), notamment en raison efforts encore insulfisants des institutions bancaires pour le mettre en avant. BLAM. Dépats des ménages, flux cumulés sur douze mois, en millinds deuros 10 — capt couats —ompesemanées* : nes depaane populate, comptes 8 tee, ete pao ara ana 20 6s Te OT ae OTTER ROTI EMPLOI Fin de Ueuphorie sur le marché du travail Cisiemble i ain une ong descents apes un pic’ 10,5 % au milieu de Pannée 2015, le chomage en France a connu une baisse réguliére au point qu’Emmanuel Macron pouvait espérer atteindre son ambitieux objectif| (5 9 la fin de son mandat). Mais la courbe s'est inver- sée au second trimestre 2023, et le troisiéme a confirmé la tendance, poussant le taux de chémage 47.4%, soit 0,3 point de plus qu’au printemps 2023. La hausse a tou- ché presque toutes les catégories de population, mais a surtout concerné les femmes et les jeunes. Cette augmentation est-elle conjoncturelle ou struc turelle ? Pour tenter de répondre, on peut se détourner du chiffre « star » (le taux de chémage) et observer des indicateurs complémentaires. Héls, la plupart confir- ‘ment la fin de euphoric. Ainsi, nombre de personnes appartenant au halo autour du chémage - situation dans laquelle une personne cherche a travailler mais n'est pas considérée comme chémeuse pour des rai- sons statistiques ~ a augmenté. Par ailleurs, le nombre de personnes en situation de sous-emploi, catégorie qui regroupe celles et ceux qui ont un emploi mais aimeraient travailler plus, ne baisse plus. Si on ajoute ces deux catégories& celles des chomeurs, 16,9 % des participants au marché du travail sont contraints, dans leur offre de travail, soit 0,5 point de plus qu’ la mi-2022, Certes, ce total est plut6t bas au regard de 'his- toire récente, de quoi rappeler que la situation globale reste bonne, Mais son orientation i la hausse lisse pen- ser que la plupart des experts avaient raison de prédire un retournement durable. El VINCENT GRIMAULT Patt de a population active en France contrainte dans son offre de travail (u chomage, dans le halo autour du chomage ou en situation de sous-emplo) en Fy » {ool fool Too! ood Hort Jord bond bow? Dowd aunt 102s DECAIFFRER2034-ALTRWATIVESECONOMIQUES-HORS-SERE W128 APPRENTISSAGE Un million... quoi qu’il en coiite cf Lfaut viser le milion », défendait Emmanuel Macron, in mars 2022. En décembre, cette méme année, la Dares recensait 980 000 apprentis en France. Ce chifire record s'explique d’abord par une réforme structurelle ‘menée en 2018 (fusion des aides, limite d’ge repoussée 4.29 ans révolus et non plus 25 ans, développement de Voffre de formation, etc.). Puis, en 2020, en réponse & la crise sanitaire, Vexécutif erée une « aide exception: nelle ». Non ciblée, trés généreuse pour les entreprises, celle-ci annule ou réduit fortement le coitt du travail pour un trés grand nombre d’apprentis. « Un tel niveau de subvention est inédit », souligne I'économiste Bruno Coquet. Selon lui, la dépense publique pour lappren- tissage a atteint 21 milliards d’euros en 2022. Mais le jew en vaut-il la chandelle ? Si les analyses coiits-bénéfices des aides 4 l'embauche d’apprentis ‘manquent, force est de constater que leur profla changé les embauches d’apprentis de lenseignement supérieur sont devenues majoritaires. Ceux-li mémes qui trouvent plus facilement un emploi. Et cette politique a aussi des conséquences surle mar ché du travail : sur un total de 460 000 emplois créés grice & aide exceptionnelle, 210 000 I'auraient été de toute facon. Les économistes craignent donc, avec ces subventions, des effets de substitution et d’aubaine. « Aufinal, ils agit davantage d'aides auc entreprises que Waides & Vinsertion professionnelle des jeunes », regrette a Cour des comptes dans un rapport. De plus en plus de voix appellent ainsi a revenir & ob jectif premier de Papprentissage — favoriserI'insertion des plus fragiles ~ et & mettre fin a l’open bar des sub: ventions, Mais le gouvernement s‘entéte & atteindre le plein-emploi, quoi qu'l en cofte.. Il AUDREY FISNE-KOCH Part des emplois aides et de 'apprentissage dans le total de Yemploi ‘en france depuis 1991, en % eee Nee eeleegetsl 19911995 WH 2008 DOT mONS aD BO ECONOMIE |i 37 SOCIAL Le niveau de vie relatif des retraités va baisser [Niveau de vie moyen des retraitésobservé et projté (selon es scénaios «évoltion de a productivité du travail du CR), rapport celui de ensemble de la population, en v0, 15% r 0 peee med pts fesse eo6 6 | 877% . 25 eee t 16% : rsa am 2%} 197 1980 1850 2000 2010 2070 2030 200 2050 2060 2070 Scénarios de producti du COR Obsenations 16 013% 010% 007% tecture: aimporte estimation dea prodcvté anole moyenne ta leneas de ret des eats dev base dans spots antes. ‘eter: spade dtravales eevee peste ven devi des eats ‘ardeaches tap ll ela popiain sive A i orme explosive des rere roulue par le gouvernement, le rapport annuel du Conseil orientation des retraites (COR) était particuliérement attendu en 2023. Et si 'attention s'est focalisée sur le deficit du systéme de retraites ~il faut dire que c’était argument principal du gouvernement pour justifie 'al- Iongement de lige de départ -, d’autres éléments ont &té pointés parle COR, pas nécessairement provoqués parla demnigre réforme. este cas notamment dela Future baisse des niveau de Vie relatifs cles retraités. Les projections du Conseil mettent enlumiére un décrochage pour les décennies venir, quela réforme de 2023 ne permet d’amortir que tr légerement. «

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