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N° 223 | CONVERSATION : NICOLAS MATHIEU / EXPLORER : FEMMES SANS-ABRI, DE LA RUE À LA RÉINSERTION
sans-abri
De la rue
à la réinsertion
Rencontrer
10. La conversation
Nicolas Mathieu : « La poésie
est le nectar de la littérature »
10
18. Les Français par eux-mêmes Domitille Flichy,
fondatrice de plusieurs boulangeries d’insertion à Paris
Explorer
20. Au Palais de la femme.
Au sommaire
De la rue au logement
S’inspirer
32. Cas de conscience Louer (ou pas…) son logement
pendant les JO
34. À vif «Nos cerveaux sont les nouveaux champs de bataille »,
par Asma Mhalla
38. Des idées pour agir
20
Ralentir
42. En coulisses Il reste encore demain, incroyable
succès italien
44. Culture Nos coups de cœur de la semaine
48. L’art et la manière Roissy 1, de Paul Andreu
50. Jardin Fleurs de cognassier
52. Récit graphique Lebensborn (5/10), d’Isabelle Maroger
63. De vous à nous
64. Jouer Mots croisés et atelier d’écriture
38 66. Un poème pour la route Louve solitaire,
de Gabrielle Filteau-Chiba
Et aussi vos chroniques hebdomadaires
52
8. Trait d’esprit, le dessin de Micaël
9. Si loin, si proches, par Jean-Christophe Ploquin
36. Le bloc-notes de Frédéric Boyer
41. Une foi par semaine, par Isabelle de Gaulmyn
45. Entracte, par Jean-Claude Raspiengeas
Sur la totalité de la diffusion : encart posé La Croix L’Hebdo Abonnement.
Sur une partie de la diffusion : encart posé Annonce événement Armée du salut ;
encart posé La Croix Semaines gratuites.
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M. MATHYS
RIEN N’EST (JAMAIS) JOUÉ
Le sourire et l’énergie de Domitille Flichy vous attendent dans
la rubrique « Les Français par eux-mêmes ». Son attitude sur la
photo dit tout de son état d’esprit : « J’ai confiance dans l’humain, sans
être angélique pour autant. Chez nous, les personnes en insertion profes-
sionnelle ou en apprentissage tiennent assez vite la caisse, par exemple.
On part du principe que l’être humain est globalement honnête et que, si
nous leur accordons cette confiance, nos employés auront envie de l’ho-
norer plutôt que de la trahir. » À L’Hebdo, c’est une disposition qui nous
convient bien.
Forte de cette conviction, Domitille Flichy a développé, en une dizaine
d’années, un réseau de boulangeries qui offrent à des hommes et des
femmes en situation de grande fragilité sociale la possibilité de se for-
mer et de trouver un emploi. Parmi les employés, une femme, qui, un
jour, reçoit un cadeau de la part d’un jeune couple de clients. Une petite
plante pour la remercier de son sourire et de sa diligence dans sa ma-
nière de leur servir pains et gâteaux. Domitille Flichy en est encore tout
émue. « Elle était tellement touchée devant ce geste de générosité totale-
ment gratuit. C’était probablement l’une des premières fois qu’elle était
reconnue au niveau professionnel. »
Une telle perspective, voilà vraiment ce que l’on peut souhaiter
aux pensionnaires que Nathalie Birchem a côtoyées pendant
une semaine au Palais de la femme à Paris, centre d’hébergement
tenu depuis 1926 par l’Armée du salut. Alors que l’on célèbre, ce 8 mars,
Originaire
la Journée internationale des droits des femmes, l’immense bâtiment
de Provence, Aloïs
au charme suranné offre un logement à ses 300 résidentes. Pour échap-
Marignane travaille
per à la rue ou à des conditions d’habitation indignes, pour s’extraire
régulièrement pour
d’une situation familiale à risques. Parfois, les femmes s’agacent d’y de-
la presse, l’édition
meurer trop longtemps, prisonnières de leur passé ou empêtrées dans
et la publicité.
un parcours administratif, souvent kafkaïen. Mais, à force d’énergie et
Ses illustrations
aidées par les travailleurs sociaux, beaucoup parviennent à réussir leur
sont, comme
réinsertion, au terme d’un parcours de combattante. Résonnent alors
cette couverture,
les paroles de l’écrivain Nicolas Mathieu, connu pour ses engagements,
essentiellement
dans « La conversation » de cette semaine : « Le pessimisme neutralise
réalisées
l’action. (…) J’espère malgré tout. »
à la gouache,
sur papier épais. Bruno Bouvet
15 minutes 54 minutes
DÉLIVREZ Plongez dans le scandale de la chlordécone
LES LIVRES Le 29 février, les députés ont reconnu
« la responsabilité » de l’État
Le 12 mars, c’est la journée dans l’affaire de la chlordécone.
nationale du quart d’heure de lecture, Un pesticide utilisé jusqu’en 1993
en partenariat avec La Croix ! dans les bananeraies de Guadeloupe
On arrête de scroller sur les réseaux et Martinique afin de lutter contre
sociaux dans les transports, ou de le charançon et ainsi protéger
regarder sa série à la télé et on se plonge l’industrie agroalimentaire.
dans un livre pour au moins quinze Et ce, alors même que des études
minutes. Et si vous voulez partager ce américaines pointaient déjà
temps avec d’autres, le site du Centre sa toxicité pour l’homme et pour
national du livre recense même des quarts l’environnement en 1963 et que
d’heure de lecture organisés partout en les États-Unis l’ont interdit dès 1976.
France, comme à la médiathèque de Dans l’épisode « Chlordécone,
ADOBESTOCK
1 semaine
Sondez le cerveau
Que connaissons-nous vraiment de cet
organe capital ? À partir de lundi 11 mars,
la Semaine du cerveau permet de
l’explorer sous de nombreux angles
95 minutes lors de rendez-vous prévus dans une
centaine de villes françaises, et aussi
REGARDEZ VOTRE BILLY AUTREMENT en ligne. À Grenoble, par exemple,
les chercheurs dévoileront les effets
Il se vend une bibliothèque Billy, de chez Ikea, toutes les cinq secondes dans de l’extrême altitude sur le cerveau.
le monde. L’enseigne suédoise est le plus gros consommateur de bois de la planète. À Caen, une conférence expliquera
Pour produire toujours plus, elle n’hésite pas à tailler toujours plus en Europe centrale, comment l’alcool l’affecte. À Bordeaux,
en Amérique du Sud ou en Nouvelle-Zélande, indique le documentaire d’Arte « Ikea, on découvrira à quel point un traumatisme
le seigneur des forêts ». L’ogre laisse des massifs forestiers rasés et des terrains peut modifier la mémoire. À Marseille,
érodés, et n’hésite pas à menacer les militants écologistes. Jouant sur un marketing focus sur les biais cognitifs qui piratent
super efficace et s’appuyant sur un label « forêt renouvelable »… qu’elle s’attribue elle- le raisonnement… Bref, des éclairages
même, l’enseigne créée en 1943 a réussi à se rendre indispensable dans le monde sur des thèmes variés pour découvrir
entier. Mais « quand quelque chose est vendu à ce prix, vous pouvez être sûr que les richesses et mystères cachés dans
quelque part, quelqu’un en paye le prix. » À méditer. la matière grise ! (Lire aussi p. 34-35.)
Sur arte.tv (Mot clé : Ikea) Programme complet sur
semaineducerveau.fr
THÉRAPIE DE CHOC
EN ARGENTINE
Les soupes populaires ne « le paradoxe de l’interven-
désemplissent pas en tionnisme » : l’État, par
Argentine. On compte son action, accumule les
38 000 points de distri- normes et les effets per-
bution à travers ce pays vers. Entravée, désorientée,
de 47 millions d’habi- découragée, l’économie
tants, où plus de la moi- produit de moins en moins
tié de la population vit La chronique internationale de richesse. La seule force
sous le seuil de pauvreté. de Jean-Christophe Ploquin, motrice et efficace, c’est le
Et cela ne va pas s’arran- rédacteur en chef à La Croix marché.
ger. Le président Javier Milei, Javier Milei a enfoncé le clou au
en fonction depuis trois mois, Forum de Davos, en janvier. Il y a
a enclenché des réformes radi- dénoncé les « castes privilégiées et
cales : libéralisation totale des prix, parasitaires » qui vivent de politiques
dévaluation de 50 % du peso – la mon- redistributives orientées par le clientélisme
naie nationale –, suppression de 50 000 emplois et les groupes de pression. Il a martelé que « la justice
publics, éviction de 27 000 bénéficiaires des sys- sociale est un mirage » qui légitime un « système de
tèmes d’aide sociale, diminution drastique des sub- prédation » envers les producteurs de richesse.
ventions aux transports publics… Et il va continuer. Le 1er mars, à Buenos Aires, il s’est dit prêt au conflit
Cette thérapie de choc vise à restaurer la stabilité avec le Parlement qui avait retoqué le mois dernier un
macroéconomique du pays, étranglé par la dette de- projet de loi pharaonique de plus de 660 réformes dé-
puis des décennies et étouffé par l’hyperinflation. régulatrices. Dans cette enceinte qu’il avait qualifiée
Javier Milei, qui fit campagne en maniant une tron- un jour de « trou à rats », il a prôné un nouveau contrat
çonneuse pour afficher sa détermination, mise sur la social sur la base de dix principes éminemment libé-
résilience des classes moyennes et populaires. Mais raux, comme l’engagement de limiter les dépenses
les bas salaires et les travailleurs du secteur infor- publiques à 25 % du produit intérieur brut (PIB) – en
mel – vendeurs ambulants, chiffonniers, femmes de France, elles dépassent 55 %. Cette offensive promet
ménage, petits agriculteurs, fabricants de brique – un climat social tendu dans les prochains mois.
sont dans la tourmente. La confrontation a une forte résonance internatio-
Le nouveau président mène à ciel ouvert une expé- nale. Ouvertement libertarien, fan du milliardaire Elon
rience d’une rare intensité et qui est suivie de près Musk, Javier Milei a été adoubé par Donald Trump lors
dans les cénacles internationaux. Javier Milei a beau d’une conférence sur « l’action politique conserva-
avoir été surnommé « le fou » (« el loco ») dès son ado- trice » à Washington, fin février. Trois jours plus tard,
lescence, sa politique a sa rationalité. Elle s’inspire le pape François a fait diffuser dans son pays natal
d’un courant de pensée, l’école économique autri- une vidéo où il affirme que l’État doit assumer un rôle
chienne, dont l’un des représentants, Friedrich Hayek, de redistribution et de « justice sociale ». Les deux
a obtenu le prix Nobel d’économie en 1974. hommes s’étaient rapidement rencontrés le 12 fé-
Dans un article paru sur le site The Conversation, vrier au Vatican. Leurs sourires de circonstance ne
l’enseignant-chercheur Thierry Aimar éclaire le fil disaient rien de leurs visions radicalement opposées
rouge de cette théorie. Hayek a notamment décrit du bien commun.
TION
LA CONVERSA
Nicolas Mathieu
« La poésie
est le nectar
de la
littérature »
Ardent défenseur de la liberté de création,
l’écrivain Nicolas Mathieu vient de publier
un recueil poétique, Le Ciel ouvert.
Pour L’Hebdo, le Goncourt 2018 revient
sur l’écriture, les thèmes qui l’obsèdent,
les figures récurrentes de son œuvre
et ses engagements.
vient deviser et peut me demander des comptes. le Contre Sainte-Beuve de Proust. Ils disent la
Ce serait plutôt comme un ensemble pavillon- même chose : un romancier n’est pas quelqu’un
naire, il y a mon jardin et les gens sont bienve- qui réfléchit, c’est quelqu’un qui éprouve. Et qui
nus. Mais si je m’estime agressé, je me sens le trouve les mots pour le dire. Nous ne sommes pas
droit de me protéger. des penseurs.
Vous avez plus de 100 000 followers. Sont-ils Vous aimez beaucoup Colette…
vos lecteurs ? Lire Colette, c’est faire une expérience inédite
En partie sans doute. Mais je n’entretiens pas du charnel. Elle est de tous les mondes, de toutes
une communauté qui serait un possible lecto- les sexualités, de tous les âges, de tous les genres.
rat. Je n’ai pas ce genre de stratégie. Je ne me Elle est un corps traversé par des vies, des expé-
projette pas si loin ! Et c’est un petit endroit, je riences, et qui les « rend ». De l’odeur de glycine
ne me prends pas pour un porte-parole, ni pour quand elle est petite jusqu’à son expérience de
Victor Hugo. saltimbanque, ou son vécu de femme qui prend
de l’âge et qui tombe amoureuse d’un jeune
Il est nouveau, cet emploi du « je »… homme… Elle est tous ces mondes-là, qu’elle dé-
Le Ciel ouvert est très univoque, c’est vrai. C’est crit avec une exquise et brutale justesse. Son ap-
mon regard à moi seul. Je sais d’où j’écris. Mais pétit est total, jusqu’à l’amoralisme – c’est d’ail-
cette question du posi- leurs ma limite à moi : le
tionnement m’a toujours surmoi et la culpabilité
posé des questions litté- restent très forts !
raires. Je choisis géné- Colette, c’est aussi un
ralement de dépasser grand style, une virtuose !
cette univocité en croi- Sa puissance de restitu-
sant les regards, d’où le
caractère polyphonique « Un romancier tion exceptionnelle pro-
cure un plaisir sidérant.
de mes romans : Aux ani- J’aime que ce soit délicat
maux la guerre (2014, n’est pas quelqu’un et cruel. Il y a un regard,
NDLR) commence avec immédiatement singu-
le personnage de Rita,
Connemara (2022) com-
qui réfléchit, lier. Très modestement,
j’aimerais qu’il y ait des Le Ciel ouvert
mence avec Hélène et
sa colère, et la moitié du
c’est quelqu’un petites généalogies entre
Le Blé en herbe, Bonjour
De ses textes publiés
sur Instagram,
livre est racontée de son
point de vue. Mes scènes qui éprouve. tristesse (de Françoise
Sagan, NDLR) et Leurs
Nicolas Mathieu a tiré
un « objet littéraire »
de sexe y sont « rota- enfants après eux. Ce sont intime et poétique.
tives », c’est-à-dire que le Et qui trouve des romans de l’éveil de Il y raconte un amour
point de vue tourne… l’été, de l’adolescence et passionné pour
La poésie est-elle un
les mots pour de la sensualité. une femme « qui n’était
pas libre », le déclin
horizon ?
C’est un fantasme. Je
le dire. » Vous faisiez dans Leurs
enfants après eux un
de son père, la sortie
de l’enfance de son fils
considère que la poésie portrait de la jeunesse de 11 ans… et le temps
est l’endroit le plus in- populaire française des qui file, inexorablement.
tense de la littérature, années 1980, qui fut la Avec les magnifiques
le point de condensa- vôtre. Vous avez été dessins d’Aline Zalko,
tion maximal. Le nectar, salué pour avoir si bien qui avait illustré
si on veut. J’écris de la poésie depuis toujours raconté la « petite classe moyenne provin- la Une et le dossier
mais je considérais jusqu’à présent que ce tra- ciale » de cette époque… « Écoutons Beethoven ! »
vail n’était pas assez bon pour le sortir de mes J’ai sans doute touché quelque chose dans la so- dans La Croix L’Hebdo
tiroirs ! Je ne me mets pas à mon bureau en ciété française avec Leurs enfants après eux. Il des 1er-2 février 2020.
me disant : « Tiens, je vais faire des trucs poé- y a eu un moment de grande curiosité et d’adé- Actes Sud, 128 p., 18,50 €
tiques »… L’écriture, et les directions qu’elle quation entre l’époque et mon travail. Mais rien
prend, est plus forte que moi. La forme du n’est figé, ni gagné. Je suis intervenu récemment
Ciel ouvert ne fut d’ailleurs pas délibérée : il dans une classe de seconde. Une élève m’a de-
m’a fallu mettre des mots sur ce qui me débor- mandé si j’étais conscient que mon travail n’in-
dait. Je ne suis pas un intellectuel, je ne consi- téresserait peut-être pas la « gen Z » (personnes
dère pas telle ou telle chose in abstracto avant nées au début des années 2000, NDLR) ! Ce n’est
de passer à l’acte. Je suis un corps traversé par pas mon but premier d’intéresser la « gen Z »,
des courants, et ces expériences produisent mais j’ai conscience que mon travail peut ne pas
des textes, des personnages, des histoires. Je l’atteindre, ou l’atteindre différemment. Nous
ne sais jamais où l’écriture m’emmène. Je tra- sommes tous de passage, chaque génération
vaillais récemment sur Colette, et puis je lisais pousse l’autre…
L’adolescence est un âge du passage que ouvert. Encore récemment, je voyais mon père
vous affectionnez. décliner, tandis que mon fils de 11 ans grandis-
Oui. Pourtant, je n’ai pas aimé être un ado- sait très vite… Le sable est en train de me glis-
lescent. Parce que j’étais trop sensible, parce ser entre les doigts, et ça me rend un peu fou.
que j’étais inapte à la vie encore plus que main- (Rires.)
tenant, parce que je n’avais aucun succès avec les Mais dans l’écriture, je pars toujours d’un per-
filles. (Rires.) A posteriori, on se dit que c’est fon- sonnage. Dans Leurs enfants après eux, Anthony
dateur ! C’est d’ailleurs un moment dont je ne se tient debout sur la berge et regarde droit de-
suis pas tout à fait sorti, par mes colères, par le vant lui. Avec lui, j’ai su que je raconterais l’his-
fait de n’être jamais réconcilié avec rien… toire des amours unilatérales de l’adolescence,
Soyons francs, je me suis embourgeoisé, j’ai de la façon dont ça nous construit. C’était déjà
trouvé une place dans la société. Je ne suis pas présent dans le précédent livre, Aux animaux la
marginal, je ne suis pas révolutionnaire non guerre. Jordan et Lydie sont des personnages qui
plus. Mais j’en ai gardé une hypersensibilité sont apparus en cours d’écriture, sans que je n’aie
aux choses, tout continue à m’affecter d’une ma- rien décidé d’ailleurs. Ils toquaient à la porte.
nière qui m’est presque insupportable. Toujours,
je refuserai le monde tel qu’il est. Je parle, dans D’un livre à l’autre, on retrouve des figures
la préface du Ciel ouvert, du sentiment que le récurrentes…
monde est toujours au-dessus de nos forces. C’est Avec le recul, je me rends compte qu’il y a des
à l’adolescence que tout ça commence, même si « bouturages » d’un roman à l’autre. Mes person-
ça se manifeste plus ou moins douloureusement. nages sont repris, approfondis et étendus d’une
autre manière. Les adolescents, les personnages
Le prix Goncourt, que vous avez reçu en 2018 de femmes qui s’émancipent, de Leurs enfants
pour Leurs enfants après eux, a-t-il changé après eux à Connemara… Là, je vois bien com-
quelque chose à votre travail ? bien la figure paternelle m’habite et traverse
Ça a changé ma vie, du jour au lendemain. mes livres… Dans La Préparation du roman,
Vraiment. Notamment en résolvant mes pro- Roland Barthes parle de cette invention géniale
blèmes financiers. Mais le plus brutal est la de Balzac qu’est le « marcottage » : certains per-
considération dont vous êtes tout à coup l’ob- sonnages sortent du roman pour réapparaître
jet. Avant d’être publié, je faisais des procès- ailleurs, comme Vautrin présent à l’identique
verbaux de comités d’entreprise pour gagner ma dans plusieurs romans de La Comédie humaine.
vie. J’étais toujours le premier installé dans la Comme des motifs qui sont redéployés.
salle de réunion et, immanquablement, il y avait
un type qui arrivait, passait une tête et s’excla- La littérature a-t-elle la place qu’elle mérite ?
mait : « Ah, il n’y a personne. » C’était ça, ma vie. Je ne confère pas à la littérature une quelconque
Et puis cinq ans plus tard, j’ai le Goncourt. On pureté, ou une noblesse surplombante. Elle n’est
me reçoit, on me serre la main, on me dit : « Je pas non plus gage d’un sérieux qui supposerait
suis très honoré de faire votre rencontre. » C’est une certaine gravité. Je ne ressens pas les choses
vraiment un basculement dément. Ceci dit, la de cette façon. Pour répondre à votre question,
satisfaction d’être un peu connu et reconnu est je partirais plus volontiers de la réception. La
rééquilibrée par une grande angoisse de l’expo- grande angoisse, me semble-t-il, c’est de savoir
sition, et de la réception de mon travail. combien de lecteurs se disent encore que la litté-
rature leur permet d’avoir une vie plus profonde
Vous sentez-vous aujourd’hui plus légitime et plus juste, un rapport au monde qui soit plus
à écrire ? intéressant. On a, à cet égard, un sentiment de
Ça va beaucoup mieux ! La question de la lé- déperdition.
gitimité continue à me travailler, mais elle Peut-être a-t-on assisté à un âge d’or entre le dé-
m’obsède moins qu’avant. Et puis j’ai vécu des but de la scolarisation de masse et l’arrivée du
choses personnelles qui m’ont déplacé, comme numérique. Le poids symbolique des livres, la
la mort de mon père. C’est extrêmement dou- curiosité qu’on en a, est moindre. La circulation
loureux de voir mourir les gens qu’on aime. Et des idées ne passe plus nécessairement par les
en même temps, on se raconte tellement d’his- livres. Elle passe par les écrans, les podcasts…
toires sur la vieillesse, on planque la mort. Scott Les diversions sont nombreuses, on le sait.
Fitzgerald écrivait dans La Fêlure : « Toute vie
est un long processus de décomposition. » Quoi La littérature demande d’aller à la rencontre
de plus vrai ? d’un auteur, de se laisser traverser par lui…
Oui. La vraie question qu’il convient de se poser
Qu’est-ce qui est premier, dans votre écriture ? est : est-ce que les gens ont encore envie d’être
Il y a des sujets qui me travaillent. Ils sont là, je affectés négativement ? Je crois malheureuse-
fais avec. La vie nous affecte d’une certaine ma- ment que non. Ils vivent les bouleversements
nière, et rend certains sujets tout à coup brû- intimes que produit la littérature comme des
lants. Ce sont des petites obsessions, comme brutalités illégitimes : « Vous n’avez pas le droit
le passage du temps, très présent dans Le Ciel de dire ça », « Vous auriez dû me prévenir que
La conversation Nicolas Mathieu
HOLLYWOOD ET LA
DIFFICULTÉ D’AIMER,
DE LAURENT JULLIER
« Jullier fut mon maître
à l’université et je n’au-
rai pas de repos tant que
tout le monde n’aura pas lu ce si beau livre qui mêle
comme rarement le cinéma et une profonde réflexion
sur l’amour. »
Stock, 2004, 296 p., 25 €
Domitille Flichy
Fondatrice de plusieurs boulangeries d’insertion à Paris
DE LA RUE
AU LOGEMENT
Près de 300 résidentes vivent
au Palais de la femme, centre d’hébergement
historique de l’Armée du salut, au cœur
de Paris. Certaines viennent d’ailleurs.
Beaucoup sont passées par la rue.
Toutes ont eu un parcours compliqué.
Ici, elles espèrent rebondir.
Mais le chemin est parfois long…
Texte : Nathalie Birchem
Photo : Emmanuelle Marchadour pour La Croix L’Hebdo
POURQUOI S FAIT
NOUS L’AVON
Ils seraient au moins
300 000. C’est, selon
la Fondation Abbé-Pierre,
le nombre de sans-domicile
en France, qu’il s’agisse des
personnes qui vivent dans la
rue ou dans un lieu impropre
à l’habitation, ou de celles
qui résident en hébergement
d’urgence. Mais que sait-on
de ces personnes ? Quelles
raisons les ont conduites
à se retrouver sans toit ?
Comment le vivent-elles ?
Quelles ressources
ont-elles pour rebondir ?
Pour en savoir plus, La Croix
L’Hebdo m’a demandé de me
plonger dans le quotidien d’un
centre d’hébergement. J’ai
choisi de privilégier
un lieu qui abrite des femmes,
de plus en plus nombreuses
à appeler le 115. L’Armée du
salut m’a ouvert les portes
du Palais de la femme,
où vivent 300 des 6 700
femmes que l’association
accueille en France,
et en faveur desquelles
elle organise le 24 avril
sa Nuit de la philanthropie
(lire p. 30). Pendant une
semaine, avec la photographe
Emmanuelle Marchadour,
nous nous sommes installées
dans cette immense bâtisse
de cinq étages. Veronica,
Minata, Imane, Gloria, Carole
et bien d’autres ont accepté
de nous raconter leur histoire.
Ce sont ces morceaux de
vie, suspendus à l’espoir d’un
avenir meilleur, que nous vous
racontons dans ce numéro,
alors que l’on fête la Journée
internationale des droits
des femmes ce 8 mars.
Nathalie Birchem
MAXIME MATTHYS
a première fois qu’on est venu au chansonnette de salle de bains. Une vraie par-
L
Palais de la femme, avouons-le, tition d’opéra. « Ça doit être un partenaire à qui
on est tombé sous le charme de on loue le réfectoire », avait supposé Aurore. Mais
l’endroit. Imaginez un hall grand non. En poussant la porte de la « salle de réu-
comme une salle de bal. Avec une nion », où autrefois se déroulaient les cultes, on dé-
immense verrière zénithale, soute- couvre une femme qui, s’accompagnant au piano,
nue par des poutres blanches en mé- chante les yeux fermés, le menton tourné vers le
tal, d’où tombe la lumière venue du ciel. Entièrement vouée à son art. L’opéra s’ap-
ciel, arrosant les milliers de petites pelle Cavalleria Rusticana, de Pietro Mascagni,
céramiques blanches. Au centre et il raconte l’histoire d’une jeune femme trahie
du plancher, le blason or et feu de qui essaie vainement de reconquérir son amant.
l’Armée du salut. Tout autour, une La chanteuse, c’est Veronica. Cette Québécoise de
faïence murale, aux tonalités vert et écru, ornée 39 ans est hébergée à l’Abri de nuit, le dispositif
de motifs aux décorations végétales, court à mi- de l’Armée du salut qui, au sous-sol du Palais de la
hauteur le long des murs, percés par des portes- femme, accueille 40 femmes, sans domicile fixe,
fenêtres monumentales, aux carreaux remplacés de toutes nationalités et de tous âges, pendant la
par des miroirs. De chaque côté, des tables et des période hivernale.
fauteuils de bistrot accueillent
les conversations. Dans un coin,
un piano à queue, un peu décati,
semble, lui, attendre d’être ré-
veillé. Tel un prince charmant
Pas facile de percer comme
de bois roux qui aurait patienté
trop longtemps.
chanteuse lyrique quand on n’a pas
Le hall d’accueil du vaste bâti-
ment de briques jaunes de cinq
de logement et qu’on doit dormir
étages racheté par l’Armée du
salut pour y accueillir, en 1926,
à droite à gauche.
le Palais de la femme, a gardé
son cachet d’antan. Et il n’est
pas le seul. À droite du hall, une porte donne sur Depuis que, à l’âge de 21 ans, elle est tombée dans
une bibliothèque de bois brun, avec, toujours, sa une librairie de Montréal sur une photo de Maria
frise de carrelage, mais aussi une multitude de ta- Callas, qui l’a révélée à elle-même, Veronica ne
bleaux représentant des scènes villageoises. Côté vibre que pour le chant lyrique. Une vocation dé-
rue, une baie de vitraux filtre la lumière. Quand on vorante. À 30 ans, elle quitte tout, laissant ses en-
s’approche, on peut voir que des photos d’époque fants à leur père, pour aller dans le pays d’origine
des différentes régions de France ont été impri- de sa famille, le Chili, avec l’ambition d’intégrer
mées à même le verre. Derrière une autre porte, la troupe professionnelle du Théâtre national de
l’ancien réfectoire, lui aussi lambrissé de bois et de Santiago. Elle rejoint alors le chœur qui prépare La
faïence, se loue parfois pour des réceptions. L’on Traviata de Verdi. Une parenthèse qui dure quatre
peut encore accrocher son chapeau aux patères ans. Avec un visa de tourisme, Veronica décide en-
de fer forgé, comme il y a un siècle, quand la pièce suite de tenter de faire carrière en France.
abritait l’un des premiers selfs modernes d’Europe. Mais rien ne se passe comme elle l’espérait. La
jeune femme peine à trouver des auditions. « Je
Le chant du départ manque de réseaux. » À l’expiration de son visa,
Rien ici ne paraît ressembler à un centre d’héberge- elle se retrouve sans papiers. Pas facile de percer
ment d’urgence. Et pourtant, plus de 300 femmes quand on n’a pas de logement et qu’on doit dor-
en précarité, dont certaines arrivent directement mir à droite à gauche. De cela, elle parle peu. Seule
de la rue, vivent dans ce décor incroyable en atten- semble compter la passion pour la musique. Et le
dant d’être relogées ailleurs. « Toutes ont une his- fait qu’ici, au Palais de la femme, elle peut s’exer-
toire particulière », a prévenu Aurore Vayssettes, la cer. Veronica espère pouvoir chanter lors du spec-
directrice générale adjointe lors de notre première tacle de stand-up qui doit réunir au printemps ré-
visite du Palais. sidentes et salariés autour du thème du sexisme.
Ce jour-là, justement, depuis le hall, on entend « Pourquoi pas sur le thème “Non, Monsieur mon
une voix de soprano s’élever dans les airs. Pas une mari”, issu d’un opéra de Francis Poulenc ? »,
Sous la verrière
du grand hall,
Veronica, chanteuse
lyrique québécoise
de 39 ans, s’exerce.
Ne trouvant ni emploi
ni logement une fois a-t-elle proposé à Tristan, l’intervenant. En at- elle. La première nuit, dans le métro, une dame a eu
son visa expiré, tendant, il y a quelques jours, elle a donné un petit pitié d’elle et l’a hébergée pendant deux semaines.
elle a été accueillie récital pour ses camarades de l’Abri de nuit, qui se « Puis elle m’a accompagnée à l’hôpital, parce que
au Palais de la femme. sont réunies autour d’un poulet yassa. je me suis retrouvée enceinte, et là on m’a expliqué
qu’il fallait que j’appelle le 115. » Une nuit dans un
Être en sécurité centre, une autre dans un hôtel, une autre à s’abri-
La veille du poulet yassa, la nuit avait été agitée. ter dans un hall, les semaines se déroulent dans une
Dans les chambres du sous-sol, où les accueillies grande angoisse…
dorment sur des lits superposés, une des héber- Raïssa, 35 ans, qui a quitté son pays en raison de
gées, régulièrement agressive, a dépassé les bornes, « problèmes » qu’elle ne souhaite pas détailler, sait de
peut-être sous l’emprise de stupéfiants. Ses me- quoi Minata parle. Quand elle est arrivée en France,
naces ont fait peur. Kadi Fofana, la travailleuse so- il y a quelques mois, elle a d’abord été logée chez
ciale, s’affaire à lui trouver une autre orientation. des amis, mais « ils m’ont fait partir rapidement
Mais, cet épisode mis à part, « on est bien ici, c’est et je me suis retrouvée SDF, dans la rue ». « J’avais
comme une petite famille », explique Raïssa, assise peur de me faire agresser, alors j’essayais de me
face à Minata (1), qui se prépare une bouillie de riz cacher dans des immeubles, en partant à 6 heures
pour le petit déjeuner. Les deux jeunes femmes, pour pas que les gens me voient », se rappelle-t-elle.
qu’on avait rencontrées quelques jours auparavant Parfois, le 115 lui trouve quelques nuitées ici ou là.
lors d’un atelier manucure dispensé par des béné- Il lui arrive de dormir dans les fauteuils d’une halte
voles dans le hall d’accueil, sont ivoiriennes. Avant de nuit, sur les sièges des urgences d’un hôpital, ou
d’arriver à l’Abri de nuit du Palais de la femme, il y a de s’assoupir dans un accueil de jour pour retrouver
quelques mois, elles ne se connaissaient pas. de la force. Mais « quand le froid de l’hiver est ar-
Après avoir perdu son travail à Abidjan, Minata, rivé, j’étais très très fatiguée », raconte-t-elle. Une
31 ans, licenciée en informatique, a suivi, grâce à association lui demande alors si elle serait d’accord
un visa de tourisme, un ami installé en région pa- pour un accueil collectif. « Bien sûr que j’étais d’ac-
risienne, qui lui a fait miroiter des opportunités cord ! Moi, la seule chose que je voulais, c’est être en
de travail en France. « Je l’ai cru sur parole », se sécurité. »
reproche-t-elle. Elle n’aurait pas dû. L’ami s’est ré- Début décembre, les deux, qui n’ont pas de titre
vélé violent. Minata a dû fuir en catastrophe. « Je de séjour, ont été orientées vers l’Abri de nuit de
me suis retrouvée à la rue, toute seule », se souvient- l’Armée du salut. « Ici, on sait que c’est provisoire,
Dans la bibliothèque,
des résidentes
s’entraident
pour remplir
leurs documents
« On ne ferme administratifs.
explique Raïssa, mais ils viron les trois quarts des per-
nous ont rassurées sur le fait l’Abri que quand sonnes n’ont pas de papiers
qu’on ne retournerait pas à la quand elles arrivent », pré-
rue. » « Chaque année, on ne on a trouvé un autre cise Lucas. On s’attelle alors
ferme l’Abri que quand on a à les domicilier quelque part,
trouvé un autre hébergement hébergement et à leur ouvrir des droits à la
pour toutes, confirme Kadi, santé. On épaule celles qui
la coordinatrice sociale de pour toutes. » souhaitent demander l’asile.
l’Abri. On ne remet personne Parfois, pour les mères de
à la rue, c’est une valeur à la- petites filles, le risque d’exci-
quelle l’Armée du salut tient. » sion en cas de retour au pays
Il y aura donc un toit ensuite. Mais où et quand ? d’origine peut être pris en compte. Mais, précise
La question de l’après est sur toutes les lèvres au Audrey, « souvent, il n’y a pas de solution tout de
Palais de la femme. L’Abri de nuit, qui n’offre un hé- suite et les dames ne comprennent pas que leur vie
bergement que jusqu’à la fin de la trêve hivernale, ne va pas avancer aussi vite qu’elles le pensaient,
est la structure la plus temporaire du Palais. Pour le qu’elles ne vont pas pouvoir se former, travailler tout
reste, exception faite de la pension de famille, qui de suite… ». Toutefois, complète Camille, « quand
permet à ses locataires de rester tant qu’ils le sou- elles ont au moins cinq ans de résidence, et assez de
haitent, tous les autres dispositifs d’hébergement documents pour le prouver, et que leur enfant est
qui composent le Palais – qu’il s’agisse des deux scolarisé depuis trois ans, on peut tenter une de-
centres d’hébergement et de stabilisation (CHS), mande d’admission exceptionnelle au séjour au-
pour personnes isolées ou pour familles, ou de la près de la préfecture » au titre de la circulaire Valls.
résidence sociale – sont censés être des tremplins Mais cette demande est à l’appréciation du préfet.
vers un logement de droit commun. Autant dire que cela ne marche pas tout le temps.
Mais le provisoire dure souvent. Dans le bureau Il faut donc s’armer de patience. Carole (1) ne
orange où ils reçoivent les femmes qu’ils accom- comprend pas pourquoi « en France le système est
pagnent, Audrey Berger, Lucas Sansberro et si compliqué ». Le parcours de cette jeune femme
Camille Marotte, les trois travailleurs sociaux du de 33 ans, qui est en France depuis plus de dix ans,
CHS familles, expliquent la difficulté de leur travail est en effet kafkaïen. « J’ai fait toutes mes études
avec « les dames », comme ils les appellent. « Ici, en- supérieures en situation régulière en France et
Les femmes sont
accueillies dans
des studios individuels
situés dans les cinq
étages du bâtiment.
j’ai obtenu en 2020 un master en expertise et décembre, j’ai mon diplôme de peintre décoratrice. »
contrôle de gestion, puis j’ai travaillé et il a fallu que Sur son téléphone, Gloria montre fièrement des
je change ma carte étudiante en carte de travail. Et photos d’elle en train de réaliser une fresque. « Je
là, ça a été le début des problèmes. » Car bien qu’elle vais trouver du boulot, c’est sûr. Et après, je vais pou-
s’y soit prise à l’avance, elle n’obtient de rendez- voir avoir un appartement pour moi et ma fille ! »
vous à la préfecture que dix mois plus tard. Quand Pour autant, obtenir des papiers ne signifie pas tou-
son titre de séjour est déjà expiré ! Et, comme si ce jours la fin des problèmes. Après, « pour obtenir un
n’était pas suffisant, lors de ce fameux rendez-vous, logement, il faut batailler, reprend Audrey, la tra-
« on m’a dit qu’il manquait un document et on m’a vailleuse sociale. La première chose, c’est de faire
demandé de reprendre rendez-vous sans me donner un dossier Dalo, au titre du droit au logement op-
de récépissé, alors que j’étais enceinte. Voilà com- posable. Mais ça ne suffit jamais ». Vu la pénurie
ment je suis devenue sans-papiers et j’ai dû recourir de logements sociaux, « il faut encore que le dossier
à l’hébergement d’urgence, moi qui n’avais jamais soit reconnu comme prioritaire au titre des accords
reçu d’aide sociale ! » À ce stade, Carole, désormais collectifs départementaux et qu’il soit inscrit sur
maman d’un petit garçon de 20 mois, ne voit tou- Syplo », le logiciel partagé entre les acteurs du lo-
jours pas le bout du tunnel. gement qui regroupe les données des ménages qu’il
À l’inverse, Gloria (1) a fait le plus gros du chemin. faut reloger en urgence. Sans oublier de faire en
Après avoir traversé la mer Égée sur un canot pneu- sorte que les personnes aient suffisamment de re-
matique pour rejoindre la Grèce puis l’Allemagne, venus pour pouvoir payer un loyer. Pas facile quand
puis la France, où elle est arrivée il y a cinq ans, on sait que, sauf si elle est réfugiée, une personne
cette Congolaise de 39 ans a tout connu de la vie étrangère doit attendre cinq ans pour avoir le RSA.
de sans-papiers. L’exploitation chez une famille Pour faciliter les formations et le travail pour les
qui l’hébergeait. L’attente puis le rejet de sa de- femmes qui ont des bébés, une crèche peut accueil-
mande d’asile. Le travail avec un nom d’emprunt lir les enfants du Palais en même temps que ceux
en tant que femme de chambre. L’errance d’hôtels du quartier.
en foyers d’hébergement… Mais c’est désormais Ensuite, il faut encore qu’un logement social soit
derrière elle : Gloria a maintenant des papiers car proposé. Imane n’attend que ça. Au troisième étage
sa fille de 5 ans, finalement reconnue par son papa du CHS familles, la jeune femme de 24 ans, et ses
français, qui ne voulait pas de l’enfant au départ, deux petites filles de 2 mois et 2 ans, Manel et Nina,
est française, au titre du droit du sol. Gloria a ainsi habitent un minuscule studio de 14 m2, tout dé-
pu obtenir un titre de séjour « vie privée et fami- coré de rose et de blanc, où elle fait tenir trois lits
liale ». « Aussitôt que j’ai eu mes papiers, raconte- et une coiffeuse, le tout impeccablement tenu. Au-
t-elle, tout sourire, j’ai fait une formation et depuis dessus de sa porte, une petite plaque de métal
Xx Xxxxxxxxxx
HISTOIRE
Un Palais centenaire
Construit en 1910 pour héberger des jeunes ouvriers,
racheté par l’Armée du salut pour loger dès 1926 des « midinettes »,
le Palais de la femme est l’un des plus anciens centres d’hébergement de la capitale.
est en 1910, à l’initiative du Groupe mesure la misère des ouvriers qui logent de 300, mais aussi créer de nouveaux
C’ des maisons ouvrières, grâce
aux dons d’Amicie Piou, veuve Lebaudy,
sous les ponts, notamment des femmes.
Elle se met alors en tête de racheter le
dispositifs financés par l’État, ce qui va
profondément changer le public accueilli.
que le bâtiment a été construit. « Jules 94 rue de Charonne pour y créer des En particulier arrivent de nombreuses
Lebaudy avait fait sa fortune dans le logements. Les époux lancent une femmes précaires, dont certaines avec
sucre, raconte le sergent-major Marc gigantesque souscription, qui rencontre enfants. Un centre d’hébergement
Muller, historien de l’Armée du salut. Il un grand succès. Le Palais de la femme et de stabilisation (CHS) dédié aux
avait à peu près trempé dans toutes les est inauguré en 1926. Le nom de chaque familles va ainsi être créé, de façon
affaires du moment et sa veuve a décidé donateur est inscrit au-dessus des portes séparée par rapport au CHS « personnes
d’employer son argent autrement, dans des 630 chambres. Il s’agit alors de loger isolées » et à la résidence sociale, pour
l’esprit du catholicisme social, qui visait à les « midinettes », ces employées qui, le éviter les conflits douloureux avec
construire des habitations confortables midi, pique-niquent sur les bancs, avec le certaines femmes séparées de leurs
pour les ouvriers, nonobstant l’absence but affiché de les soustraire aux dangers enfants. Une crèche va être ouverte,
de revendications sociales. » de l’espace public. ainsi que des cuisines partagées et
À cette période, l’immeuble abrite près « C’est ce public de jeunes femmes qui un atelier d’insertion. Pour répondre
de 700 chambres à destination des travaillent que le Palais de la femme au vieillissement des pensionnaires,
jeunes hommes venus travailler dans les va loger jusque dans le début des une pension de famille permettant de
usines de l’Est parisien. « Il y a de l’eau années 2000 », reprend Marc Muller. recevoir des locataires, le temps qu’ils le
et de l’électricité à tous les étages, et Mais, à partir des années 1990, précise- souhaitent, a aussi été ouverte. De plus,
les commodités sur le palier, ce qui est t-il, « l’État s’intéresse à la manière dont pour faire face aux besoins grandissants
très moderne », précise Marc Muller. l’Armée du salut gère ses finances, les de places d’hébergement, un Abri
Tout le rez-de-chaussée, dont le hall activités d’évangélisation et les œuvres de nuit accueille une quarantaine de
d’accueil, le self et la bibliothèque, avec sociales étant jusque-là mélangées, femmes pendant la trêve hivernale. Enfin,
ses photographies des régions d’origine ce qui va pousser l’association à se alors que l’État presse les associations
des ouvriers imprimées dans le vitrail des professionnaliser ». Parallèlement, le d’accueillir des migrants, le Palais reçoit
fenêtres, témoignent de cette époque. bâtiment s’est beaucoup dégradé. une vingtaine de jeunes majeurs exilés.
Mais, très vite, la Première Guerre Entre 2006 et 2009, une grande Depuis une dizaine d’années en effet, à
mondiale arrive, les jeunes ouvriers sont rénovation est lancée, qui va non l’issue d’une consultation, la mixité a été
mobilisés et le bâtiment se vide. seulement agrandir l’ensemble des votée. Mais les hommes ne dépassent
Depuis les années 1860, en Grande- chambres, les réduisant au nombre pas 15 % des effectifs.
Bretagne, un pasteur méthodiste, William AGENCE ROL / BNF/MAXPPP
Booth, et sa femme Catherine se mettent
en tête d’annoncer l’Évangile jusque dans
les foyers ouvriers. En 1865 est fondée
l’Armée du salut, qui, pour porter ce
combat, reprend toute la phraséologie
militaire, envoyant des volontaires en
uniforme sur les « champs de bataille ». En
France, trois jeunes femmes débarquent
en 1881 pour annoncer ce message, au
départ fort mal accueilli. L’une aura pour
aide de camp Blanche Roussel, jeune fille
de pasteur qui décide de vouer sa vie à
l’Armée du salut. Mais un certain Albin
Peyron, qui la courtise, la convainc de le
faire ensemble.
Blanche et Albin Peyron vont alors devenir
officiers de l’Armée du salut en France, où
ils vont développer des activités sociales.
En servant ses « soupes de nuit », Blanche
À 24 ans, Imane
est en attente
d’un logement social.
Bien que son mari soit
toujours auprès d’elle,
elle vit seule avec
ses deux petites filles indique « The Mrs Woodberry Thayer Room » momentanément hébergée en foyer, seule avec sa
au CHS familles, (« La pièce de Mme Woodberry Thayer », NDLR), fille. Au printemps 2023, Imane, enceinte de son
qui héberge du nom d’une des donatrices qui, en 1926, a contri- deuxième enfant, et sa fille sont réorientées au
des familles bué au rachat du Palais de la femme par l’Armée du Palais de la femme. Mais sans le père, le CHS fa-
monoparentales. salut. Le détail l’amuse mais, pour le reste, elle en milles étant prévu pour des familles monoparen-
a marre. « Je ne devrais même pas être là ! », s’ex- tales.
clame-t-elle. La jeune femme, de nationalité fran- Là, Imane et ses deux petites respirent un peu.
çaise, ne semble en effet pas rentrer dans les cases Mais c’est tout petit, le mari ne peut pas y dor-
assignées aux femmes censées être en précarité. mir. Maintenant qu’il a trouvé un CDI, la famille
Malgré une scolarité difficile due à une malforma- espère avoir rapidement un logement social. « On
tion de la main droite qui l’empêche d’écrire, « ma en a visité un, on l’a accepté. Mais ils nous l’ont
vie était belle », assure-t-elle. Pour avoir un tra- refusé, sous prétexte qu’on n’avait pas assez de re-
vail à elle, la toute jeune femme a ouvert en 2018, venus… Je ne comprends pas ! Mon mari a un tra-
avec l’aide de son père, un restaurant dans un petit vail. Ici, on prend la place de femmes qui sont à
bourg de Bretagne, qui la rendait heureuse. Mais le la rue parce qu’elles n’ont pas de ressources, alors
Covid a réduit à néant son activité, laissant la fa- que nous normalement, on n’a besoin de rien. Sauf
mille endettée. d’un toit ! »
La pénurie de logements à prix abordables, y com-
Le salon de Fatoumata pris dans le parc social, est un vrai frein. Qui pro-
Imane est alors partie à Paris retrouver son longe souvent plus qu’elle ne le devrait la durée
conjoint étudiant, qui vivait alors dans un petit stu- de résidence au Palais de la femme, laquelle dé-
dio. Jusqu’à ce que la propriétaire leur donne congé passe fréquemment les deux ou trois ans. Ce qui
pour vendre son appartement. Les amoureux crée de grandes frustrations. Dans le hall d’ac-
tentent alors de s’installer près de La Rochelle, où cueil du Palais de la femme, souvent l’après-midi,
le jeune homme vient de trouver un emploi. Mais Fatoumata (1) tient salon. Cette sexagénaire ma-
« avec nos deux noms d’Arabe, on n’a jamais trouvé lienne connaît tout le monde. Ses copines viennent
de logement », relate Imane. En désespoir de cause, la voir. Parfois, des jeunes gens hébergés dans le
le tout jeune couple et la petite Nina, née entre- dispositif mineurs isolés leur apportent un petit
temps, se réfugient chez des proches. Où la coha- café acheté à la machine, qui, paraît-il, n’est pas as-
bitation se passe très mal. À tel point qu’Imane est sez sucré. En cette fin janvier, on parle de la Coupe
Dans le bureau
de Camille Marotte,
assistante sociale
au CHS familles.
« On ne se rappelle
d’Afrique des nations, où les répond Fatoumata. « On
favoris n’en finissent plus de plus comment m’a proposé un 24 m2, alors
perdre. Et on a des choses à que d’autres ont eu un deux-
dire sur le Palais de la femme. c’était d’être pièces, je ne me suis même
Fatoumata y vit depuis pas déplacée », renchérit une
sept ans. Arrivée en France dans la rue. » copine, elle aussi en colère.
en 2005 dans le cadre du re- « Le truc était à la Chapelle,
groupement familial, elle au milieu des drogués, ça ne
a toujours été en situation va pas, non ? », rouspète une
régulière. Mais quand elle a refusé que son mari autre résidente, avec qui l’on a conversé à l’accueil.
ait une autre compagne, elle s’est retrouvée en Difficile de faire la part entre une légitime amer-
difficulté de logement. Elle a alors été hébergée tume face au manque d’attractivité des proposi-
à la résidence sociale du Palais de la femme, où, tions et un possible déni de réalité par rapport à
à la différence du CHS, les résidentes sont loca- la situation du logement francilien. « Le Palais de
taires. Longtemps, elle a travaillé comme femme la femme, c’est bien au début, ça dépanne, mais au
de chambre puis aide-soignante. « Je payais un bout d’un certain temps, ce n’est plus possible », ré-
loyer plein pot, 426 € pour 13 m2, alors qu’à d’autres sume Sonia, présente depuis douze ans. « Le truc,
on donne des chèques-services », explique-t-elle, ici, c’est que tout le monde est frustré parce qu’on
amère. Depuis qu’elle a eu un cancer, elle est en in- considère qu’on n’a pas la vie qu’on avait espérée.
validité. Ses allocations de logement ont augmenté Cela crée des tensions, des jalousies. Au bout d’un
et son reste à charge est devenu moindre. Mais elle certain temps, on ne se rappelle plus comment
désespère de ne jamais pouvoir sortir d’ici. « Les as- c’était d’être dans la rue », philosophe une autre,
sistantes sociales ne font rien pour nous », affirme- rencontrée dans les étages. En 2016, suite au décès
t-elle tout de go, se plaignant du turnover des per- d’une accueillie, un collectif de résidentes s’était
sonnels. créé pour exprimer le mécontentement de cer-
Autour d’elles, ses copines acquiescent bruyam- taines. La plupart, depuis, ont été relogées.
ment. N’ont-elles jamais eu de propositions de Certes, les conditions de vie au Palais de la femme
logement ? « Si, mais c’était au 5e étage et le gar- sont plus favorables que dans un certain nombre
dien a dit que l’ascenseur tombait en panne, or moi de centres d’hébergement. Ici, on sort et on rentre
je ne peux pas monter l’escalier, alors j’ai dit non », aux horaires qu’on veut. Le bâtiment est très
propre. Des chèques-services sont donnés à
celles qui n’ont pas de ressources pour acheter à
manger. Et Maureen Le Gal et Julie Gaufny, les
coordinatrices du pôle animation, s’échinent
pour proposer, grâce à des partenariats, toute
une gamme d’activités, depuis l’atelier couture
jusqu’aux sorties en famille au Musée Grévin, en
passant par le théâtre, le cinéma, le stand-up, les
ateliers santé et les cours de danse et de yoga. Mais
LUS LOIN
cela reste un centre d’hébergement. Avec son in-
contournable lot de cafards et de souris, dont le
POUR ALLER P
Palais de la femme n’arrive pas à se débarrasser. Une biographie Un roman
L’espace personnel est petit. Parfois la cohabita-
tion entre résidentes est difficile. Certaines sont Une victorieuse. Les Victorieuses
atteintes de troubles psychiatriques. Blanche Peyron. 1867-1933 En dépression suite au suicide
Cette biographie, que l’on ne d’un client, Solène, brillante avocate,
« Tout s’est bien passé » trouve plus qu’en ligne, raconte est envoyée par son psychiatre faire
L’après-midi, dans le hall d’accueil, souvent, la destinée de Blanche Peyron, du bénévolat au Palais de la femme.
la même scène se répète. Un grand gaillard te- pionnière de l’Armée du salut Écrivain public, elle pose son ordinateur
nant un parapluie éructe. « Mais arrête de me en France. Son engagement dans le hall d’accueil et répond
suivre. Dégage, je te dis. Je n’en peux plus de toi. commence à Glasgow, aux besoins. L’une veut écrire à la
Il faut te faire soigner ! », crie-t-il, visiblement où, à 17 ans, elle rencontre reine d’Angleterre, l’autre veut se faire
à bout. Derrière lui, une dame aux cheveux gris, « la Maréchale », Catherine rembourser 2 € d’erreur de caisse sur
qui s’appuie sur une béquille, le suit. « Ne t’en Booth-Clibborn. Elle quitte des yaourts en promotion. La plupart
va pas, donne-moi du poulet », lui demande-t- tout pour s’enrôler dans l’Armée ne veulent rien. Mais certaines finissent
elle. Est-ce un couple qui ne se supporte plus ? du salut en ayant pour objectif par raconter leur histoire, que Lætitia
Manifestement non, expliquent les plus anciens. de venir en aide aux démunis. Colombani, l’auteur à succès de
La dame est une très ancienne résidente, atteinte Elle épouse Albin Peyron La Tresse, a choisi de retranscrire,
de démence désormais, mais qui refuse les soins. en 1891 et s’engage avec lui dans cette fiction librement inspirée
Le monsieur est un vieil ami qui vient lui laver dans la lutte pour soutenir de la réalité, en les mêlant à celle d’une
son linge, avec colère mais fidélité. « C’est une si- les défavorisés. En 1925, autre combattante, Blanche Peyron, la
tuation difficile, cette dame devrait être en struc- elle réunit les fonds nécessaires fondatrice du Palais de la femme.
ture adaptée. Mais si elle ne veut pas, tant qu’elle pour acheter un grand hôtel De Laetitia Colombani,
n’est pas sous tutelle, on ne peut rien imposer », ex- à Paris, rue de Charonne, Le Livre de poche, 230 p., 7,90 €
plique une cadre. afin d’y loger des femmes
Chaque année, des femmes parviennent à quitter dans la précarité, rebaptisé
le Palais de la femme pour rejoindre un vrai loge- le Palais de la femme, qui ouvre
ment. Sur les 50 qui vivent au CHS familles, « là on ses portes en 1926.
a six dames qui vont bientôt nous quitter et, depuis De Raoul Gout, Éditions Altis,
un an, plus d’une dizaine est déjà partie », résume 1942, 493 p., à lire uniquement en
ligne (numérisé par Marc Muller).
Lucas Sansberro, le travailleur social. tinyurl.com/BlanchePeyron
Ça a été le cas en septembre dernier pour Ange (1),
24 ans, et son fils de 6 ans, au terme d’un bien long
parcours. Partie très jeune de Côte d’Ivoire il y a
dix ans, pour travailler en Tunisie, où elle a fini par
se faire rejeter, avant de traverser la Méditerranée
UR EN SAVOIR PLUS
en bateau, elle est arrivée en France en 2015, sans
papiers. Ange a ensuite été sans domicile, avant
PO
d’arriver au Palais de la femme en 2018 avec son
fils tout bébé. Le garçon, né de père français, a
Participez à la Nuit de la philanthropie
permis à la mère de voir sa situation débloquée. Et L’Armée du salut organise mercredi 24 avril 2024 la 4e édition de sa Nuit
« ensuite tout s’est bien passé, j’ai fait une forma- de la philanthropie, en partenariat avec La Croix – Nathalie Birchem
tion d’aide-soignante et on a apprécié mon travail, y interviendra pour témoigner de son présent reportage. Une soirée originale
et maintenant je suis employée dans un Ehpad. » qui permet aux acteurs de l’association de présenter leurs projets aux
Depuis septembre 2023, Ange et son fils ont em- mécènes et donateurs et de récolter des fonds pour les faire grandir. L’objectif
ménagé dans un F2 au sein d’un HLM parisien. cette année : financer huit projets pour soutenir des femmes en situation de
Où les deux se plaisent. « Il y a de l’espace pour fragilité. Parmi eux, un atelier de fabrication de produits
l’enfant, ça se passe bien dans sa nouvelle école, et cosmétiques dans un Ehpad du Bas-Rhin, l’ouverture
moi j’aime mon travail. J’espère que tout va aller d’un lieu d’accueil pour les femmes sans-abri à Marseille
bien pour nous, maintenant. » ou encore la rénovation d’une friperie à Mulhouse.
(1) Certaines de nos interlocutrices nous ont demandé
Pour vous inscrire et participer à cet événement,
de changer leur prénom pour préserver leur anonymat. connectez-vous sur lanuitdelaphilanthropie.fr
ou scannez le QR code ci-contre.
ONSCIENCE
CAS DE C
ET SI
les JO pouvaient rapporter gros ? mobilier français. « En moyenne, ils sont multipliés
Cette question trotte dans la tête par 3,5 à Paris et Boulogne, par 3 en Seine-Saint-
d’Alice, 31 ans, propriétaire d’un Denis (à Saint-Denis, Le Bourget…), dans le nord
grand studio à Bobigny en Seine-Saint-Denis. des Hauts-de-Seine (Colombes, la Défense…) et à
« J’entends dire depuis des mois qu’il faut quitter Versailles, et par 1,5 à mesure qu’on s’éloigne dans
l’Île-de-France pendant les Jeux et en profiter pour la couronne parisienne. Les prix doivent aussi dou-
louer son appartement à prix d’or. » Et pour cause, bler durant les Jeux olympiques dans deux autres
plus de 15 millions de touristes sont attendus dans la grandes villes concernées par leur déroulement,
région francilienne pour l’occasion (soit trois mil- Lille et Marseille », précise-t-elle. Mais plus les an-
lions de plus que l’été dernier) et devront se loger, nonces seront nombreuses d’ici là, moins les prix
si possible au plus près des sites où se dérouleront seront élevés, ce qui devrait raisonner le marché.
les épreuves sportives. Les structures hôtelières ne Quoi qu’il en soit, ça fait toujours rêver…
suffiront probablement pas, ou ne seront pas acces- La réalité administrative est moins rose. « Les
sibles à toutes les bourses, en raison d’une augmen- chanceux qui disposent d’une résidence secondaire
tation spectaculaire du prix de la nuitée, de plus de sont soumis à de nouvelles réglementations », pré-
300 %, passant de 169 € en moyenne à 699 €, selon vient Laetitia Caron : télédéclaration dans les villes
l’Office du tourisme et des congrès de Paris ! Cela de plus de 200 000 habitants, de la petite couronne
donne forcément l’idée de se tailler une part du gâ- parisienne ou qui le requièrent ; changement
teau aux résidents des villes olympiques de l’Hexa- d’usage en location commerciale, système de com-
gone. Pas si simple, d’un point de vue réglemen- pensation comme à Paris et autres villes, où il faut
taire. Pas si facile sur le plan pratique. Et vraiment pouvoir louer à l’année une surface équivalente à
compatible avec l’esprit des JO ? « Je n’aimerais pas celle du logement touristique, sous peine de forte
passer pour une profiteuse, mais cela pourrait me amende. Stop ! « J’ai renoncé à louer notre pied-à-
payer un an de charges ! », se dit Alice, encore hé- terre à Nice, pour les épreuves de football des JO.
sitante. L’important n’est-il pas de participer, plus C’est trop compliqué », raconte Julien, 51 ans. Idem
que de gagner… beaucoup d’argent ? pour Arthur, 20 ans, étudiant et locataire à Lille.
PAS SI SIMPLE, D’UN POINT DE VUE PIERRE JAVELLE POUR LA CROIX L’HEBDO
C. ABRAMOWITZ/RADIO FRANCE
Asma Mhalla
« Nos cerveaux
sont les nouveaux
champs de bataille »
L’AUTRICE Pourquoi étudier la tech par le prisme politique ?
Docteure en études politiques, Martin Heidegger fut l’un des premiers à dire que l’es-
chercheuse au laboratoire sence de la technique n’est pas technique, mais anthro-
d’anthropologie politique pologique et politique. Pourquoi ? Parce que l’outil, quel
de l’École des hautes études qu’il soit – réseaux sociaux, intelligence artificielle, im-
en sciences sociales (EHESS) plants cérébraux (comme le Neuralink d’Elon Musk),
et professeure à Sciences Po câbles sous-marins… –, peut bien sûr être lu d’un point
Paris et Polytechnique, Asma de vue simplement matériel (comment ça marche, à
Mhalla conseille gouvernements quoi ça sert…), mais moi, ce qui m’intéresse, c’est ce
et institutions dans leur politique que cela véhicule comme vision du monde, comme va-
publique technologique. leurs, comme projet, comme discours, comme capacité
En août 2023, elle a présenté à faire ou à défaire les liens. Ce que j’explique et défends
l’émission « Cyberpouvoirs », dans mon livre, c’est que les géants technologiques, les
sur France Inter. Big Tech, sont aujourd’hui des acteurs dominants, des
acteurs système, qui sont non seulement des acteurs
L’ENJEU économiques mais aussi sociaux, militaires, politiques.
Les géants de la technologie Les géants de la tech sont désormais des interlocuteurs
– X (ex-Twitter), Meta (Facebook, incontournables et reçus comme des chefs d’État.
WhatsApp et Instagram), Open AI
(ChatGPT), TikTok… – ne sont pas Vous mettez en parallèle Big Tech et Big State. Les
que des acteurs économiques. États et les géants technologiques sont donc com-
Ils sont aussi des outils idéologiques plices ?
et politiques, voire militaires. Les Big Tech ne sont pas des États parallèles, mais un
À ce titre, leur puissance doit continuum, plutôt, car le Big State est cet État omni-
appeler au sursaut. Telle est potent mais fragilisé dans son contrat social et sa lé-
la thèse du livre d’Asma Mhalla. gitimité, qui irrigue et permet le fonctionnement des
Nourrie de références à Jacques techno-puissances mondiales. En Ukraine, par exemple,
Ellul, Hannah Arendt ou Paul Virilio, lorsque Elon Musk a fait remarquer que déployer ses sa-
philosophe de l’accélération, tellites Starlink lui coûtait cher, le Pentagone a dégagé
Technopolitique. Comment un budget pour le financement. Au final, les Big Tech
la technologie fait de nous des peuvent apparaître comme des sociétés hybrides, entre
soldats (Seuil, 288 p., 19,90 €) public et privé.
s’intéresse moins à la dimension
technique qu’anthropologique Mais en quoi sont-elles, comme vous l’écrivez, des
de ces acteurs. Un essai foisonnant perturbateurs de la démocratie ?
de complexité et assez vertigineux. Parce que ces acteurs portent en eux un projet de tech-
nologie totale, une ambition politique de contrôle et de informationnelle a toujours existé. Mais la nouveauté
puissance. Ils proposent un véritable quadrillage invasif est qu’elle cible désormais l’amont, c’est-à-dire les condi-
de l’ensemble de nos usages. Avec une dualité qui peut tions mentales de réception des contenus. L’objectif est
être traître. Côté pile, ces technologies ont des usages d’attaquer, détériorer les représentations collectives ou
dits civils – personnels, marchands ou ludiques – ; individuelles du monde, brouiller le discernement né-
côté face, les mêmes sont policières, militaires, sécu- cessaire au fonctionnement d’un groupe, d’une société,
ritaires, idéologiques aussi. Mis bout à bout, ces outils fragmenter. Avec, comme je le disais plus tôt dans notre
fournissent à leurs propriétaires un instrument de pou- discussion, un aspect dual. Prenons l’implant cérébral
voir inédit. Prenons l’exemple d’Elon Musk. Pourquoi Neuralink. Quelle est la promesse ? Elle est thérapeu-
a-t-il acheté X (ex-Twitter) ? tique. L’implant cérébral, si vous êtes épileptique, si
votre grand-mère a Parkinson, vous êtes bien contents
Pour en faire un espace d’influence… de l’avoir. Le problème c’est que, en parallèle, l’implant
Oui, et y diffuser sa vision néonataliste du monde, par capte quelque chose de fondamentalement intime : l’ac-
exemple. Ou jouer les géopoliticiens de pacotille en tivité cérébrale. Sur laquelle nous n’avons pas la main.
donnant son avis sur le statut de Taïwan. Mais via X, Le risque est alors que ces informations soient utilisées
Elon Musk s’est aussi acheté une gigantesque base de à des fins malveillantes.
données. Or, les données personnelles sont un instru-
ment de pouvoir. La donnée en elle-même ne repré- Comment se défendre, pour rester dans le jargon de
sente pas d’intérêt. C’est la façon dont elle est brassée la guerre ?
par les algorithmes qui encapsule visions, biais et trans- La modération est un combat perdu. Voyons plus large.
forme tout cela en information. L’obsession des « super- Ce qu’il faudrait, c’est qu’Europe et États-Unis se mettent
technologues », c’est obtenir une super-IA, une super- d’accord sur une forme de gouvernance élargie. Sur de
intelligence artificielle qui aura une conscience nouvelles normes sociales, juridiques, technologiques,
d’elle-même. Les données sont un carburant pour en- qu’ils se mettent d’accord pour imaginer de nouveaux
traîner les IA. Le premier passage vers une conscience mécanismes de régulation. Sur le champ du droit inter-
est le langage. Où se trouvent les mots ? Sur les réseaux. national ou des libertés, peut-être faudrait-il songer à
Les idées ? Sur les réseaux. une nouvelle génération de droits et de libertés, la liberté
cognitive. J’ai le droit à mon intégrité cognitive.
Le sous-titre de votre livre est « Comment la tech-
nologie fait de nous des soldats ». Des soldats de Le Chili l’a fait, en intégrant le principe de « neuro-
quelle guerre ? Cognitive ? droits » dans sa Constitution…
Nos cerveaux sont les nouveaux champs de bataille. Il Ah ? Je l’ignorais. Vous voyez, on a beau avoir l’impres-
existe cinq domaines de conflictualité connus : terre, sion que le tableau que je dresse est une espèce de dysto-
mer, air, espace, cyberespace. Visiblement, un sixième pie cyberpunk, non, c’est notre réel. On se dit « ça va arri-
émerge, qui est le champ cognitif. La désinforma- ver, ça va arriver », mais nous y sommes !
tion et la propagande n’ont rien de nouveau, la guerre Recueilli par Alice Le Dréau
otes
Le bloc-n
NO KIDS
Frédéric Boyer, écrivain
Je ne sais pas si cela vous arrive parfois, L’enfant a besoin de nous pour tout, pour
BRUNO LEVY
en société, ce sentiment singulier et s’éveiller à la vie sociale et affective.
embarrassant de ne pas être à sa place, C’est d’ailleurs en raison de cette dé-
ou de gêner tout simplement. C’est une pendance extrême qu’une responsabi-
drôle d’histoire avec soi-même parmi lité immense nous incombe.
les autres, les Grands. Comme aimaient Plus la personne en face de moi est fra-
nous le rappeler, à nous les enfants, les gile et vulnérable, plus ma responsabilité
vieilles tantes de la famille : « Laissez les Grands à son égard est importante. Et je ne peux pas
tranquilles ! » Et aujourd’hui, je dois bien avoir l’âge m’empêcher de constater alors, avec tristesse et
qu’avaient ces tantes à l’époque, il m’arrive encore colère, que nous renonçons à cette responsabilité-
pourtant de me sentir petit parmi les Grands… là, que nous tentons de l’amoindrir pour nous en
J’ai apprivoisé mon embarras. Ce que j’ai appris, protéger d’une certaine façon, en favorisant des
c’est l’attention particulière que l’on doit à tous les zones d’exclusion sociale, de non droit littérale-
autres qui donnent parfois le sentiment de nous ment. Et d’y voir en conséquence comme le signe
encombrer, de nous gêner, d’empiéter sur notre d’un abandon, d’une désertion plus générale en-
« espace vital », comme l’on dit si mal. core qui gangrène nos sociétés. Comme si nous
De quel espace vital pourrions-nous nous pré- n’avions pas à apprendre, à grandir nous-mêmes,
valoir qui nécessiterait de telles exclusions ? nous les adultes, dans la vie commune en prenant
Quelle vie pourrait exiger pour être vécue de soin d’eux, les tout-petits, les non-parlants (infans
faire des autres des importuns ? Eh bien, mes en latin, qui ne parle pas), les encombrants, les
amis, c’est ce qui est en train d’arriver dans nos bruyants, les joyeux et les pleurnicheurs, les rê-
sociétés riches, épuisées, étourdies de divertis- veurs et les casse-pieds. Minuscules personnes
sements et de biens. Les espaces « no kids » se qui attendent de nous spontanément l’affection,
multiplient en Europe et dans les pays occiden- les soins, l’éveil, l’attention. Tout ce qui nous fait
talisés où, comble d’ironie, nous nous inquiétons grandir, eux et nous.
en même temps de la baisse parfois drastique Je rappelle que le mot kid en anglais, dont
de la natalité ! Comme si paradoxalement moins l’usage ici est un symptôme de notre déni, s’ori-
d’enfants signifiait que l’on veuille moins les voir et gine au nord de l’Europe, kinder, issu du proto-
que l’on cherche à les mettre à distance. Voyages, germain cild, le fœtus, et du mot gothique kilthe,
transports, hôtels, restaurants, fêtes, lieux de ren- les entrailles. Oui, ce sont nos entrailles, notre
contres ou culturels, commerces… chair, dont nous voudrions ainsi nous séparer,
L’exclusion des moins de 15 ans est de plus en et vivre sans. Les sociétés humaines ont mis des
plus courante, revendiquée, assumée. « No kids ». siècles à s’interroger sur l’humanité de l’enfant.
Mais pourquoi ne les supporte-t-on plus ? L’enfant Souvenons-nous que puer chez Cicéron, par
se caractérise par sa dépendance extrême. Et en exemple, désignait à la fois l’enfant et l’esclave. Et
raison de cette fragilité, il a besoin de l’autre pour qu’un certain rabbi galiléen du premier siècle de
à peu près tout : se nourrir, s’éveiller au monde qui notre ère devait se fâcher auprès de ses propres
l’entoure, se changer, se laver. Il a même besoin de disciples pour qu’ils laissent venir à lui les petits
l’autre pour s’endormir. Il trouvera mieux le sommeil enfants que l’on entendait chasser de sa pré-
et le repos si on l’aide, si on le porte, si on le rassure. sence, de peur de l’importuner.
POUR AGIR
DES IDÉES
SANTÉ
HANDICAP
les valeurs cause de cécité en France, cette maladie oculaire touche 1,5 million
de personnes. Dont la moitié qui l’ignore ! C’est pourquoi l’Union
nationale des aveugles et déficients visuels (Unadev) a mis en place
actionnumeriquesolidaire.org
MÉDIAS
Soutenir la liberté
de la presse
Après avoir consacré son précédent numéro à Elliott
Erwitt, Reporters sans frontières (RSF) publie son
75e album 100 photos pour la liberté de la presse.
L’association met ici en lumière le travail d’un autre célèbre
photographe : Willy Ronis. Les clichés présentés dans
l’ouvrage saisissent, avec humanité, la vie quotidienne
au milieu du XXe siècle, que cela soit au sein des quartiers
de Paris, ailleurs en France ou dans le monde. De quoi
(re)découvrir le travail de Willy Ronis, près de quinze ans
après sa mort. Les bénéfices
WILLY RONIS
de la vente de l’album serviront
à financer les activités
et à préserver l’indépendance
de RSF. En 2023, grâce à son
programme d’assistance, l’ONG
a soutenu financièrement plus
de 400 journalistes menacés
dans 62 pays et formé près
de 2 000 autres
dans l’ensemble
WILLY RONIS
du monde.
boutique.rsf.org
CANCER
SOUTENIR
LA RECHERCHE
L’opération Une jonquille contre le cancer
est de retour pour sa 20e édition. Organisée
du 12 au 24 mars par l’Institut Curie, cette campagne
nationale appelle à la générosité du public pour aider
la recherche contre la première cause de mortalité
en France. Parmi les actions de solidarité réalisables
durant l’événement, il est possible, cette année
encore, de prendre part à la Course de la jonquille.
Pour chaque kilomètre parcouru, un euro est reversé
à l’Institut Curie par leur partenaire Allianz France.
Ceux qui ne souhaitent pas sortir leurs chaussures
T
Approvisionner
AFES
des zones Financer des pompes solaires
rurales Au Malawi, quatre millions d’habitants sur les vingt millions que compte le pays
n’ont toujours pas accès à l’eau salubre, selon l’Agence des États-Unis pour
Association fondée en 2004, le développement international (Usaid). Un nombre inquiétant que la fondation
1001fontaines propose GoodPlanet, créée en 2005 par Yann Arthus-Bertrand, s’est donné pour mission
d’approvisionner en eau de diminuer. En partenariat avec l’ONG malawite Action for Environmental
des zones rurales du Cambodge, Sustainability (AfES), elle développe depuis 2022 un projet d’installation
de Madagascar et du Vietnam. de cinq systèmes d’accès à l’eau potable dans la commune rurale de Manjalende.
Son modèle ? Créer des Avec une spécificité : tout fonctionne avec des pompes alimentées
microentreprises de production par l’énergie solaire, plus écoresponsables que celles utilisant du diesel.
d’eau potable au plus près Pour assurer le financement et la pérennité de
des communautés et former ce projet, qui profiterait à près de 6 000 personnes,
des villageois pour les diriger. GoodPlanet cherche toujours des fonds.
Un processus entrepreneurial goodplanet.org
qui permet aux populations
locales d’acheter de l’eau
de qualité à un prix abordable
et à l’activité de s’autofinancer. Raccorder des bidonvilles
Par ailleurs, selon l’association,
leur choix de distribuer l’eau
dans des bombonnes de 20 litres
à l’eau courante
On peine à y croire et pourtant. 1 personne
réutilisables permet aux sur 3 dans le monde n’a pas accès à une eau saine
bénéficiaires de se détourner et potable, selon l’OMS et l’Unicef.
de la bouteille à usage unique Un état de fait contre lequel agit l’ONG de solidarité
et ainsi de diviser par 120 leur internationale Better With Water (anciennement
consommation de plastique. Eau et vie). Depuis 2008, elle a permis à près
Après avoir dépassé le cap de 53 000 habitants des bidonvilles des Philippines
du million de consommateurs et du Bangladesh d’être raccordés à l’eau courante.
en 2023, 1001fontaines espère De quoi faciliter l’hygiène mais également la lutte
s’implanter au Bangladesh contre les incendies, particulièrement fréquents
dès 2024. dans les bidonvilles. Ces initiatives s’accompagnent
1001fontaines.com d’une reconnaissance internationale. En marge
de la COP28, l’organisation a reçu le prix Zayed,
qui récompense des solutions
durables et innovantes,
notamment en matière d’eau.
betterwithwater.org
NAYMUZZAMAN KHAN/WWW.NZPRINCE.CO
Pages réalisées par Marine Lamoureux avec Adam Lebert et Joseph Le Fer
par semaine
Une foi
ET SI ON PARLAIT
ÉDUCATION SEXUELLE ?
Isabelle de Gaulmyn, rédactrice en chef à La Croix
BRUNO LEVY
L’avortement a été sur le devant de l’ac- bilités ? Où l’on montre la beauté de la rela-
tualité ces derniers jours, du fait de tion amoureuse, et ce que cela implique
la constitutionnalisation de la liberté pour l’un comme l’autre partenaire ?
d’avorter. Que l’on soit pour ou contre, Le plus grave, c’est que précisément
on doit cependant s’alarmer d’un phéno- les lieux où ces questions sont expo-
mène nouveau : le nombre d’IVG non seu- sées mais de manière ni rationnelle, ni
lement ne diminue pas, mais il augmente, éthique, sont, eux, au contraire, deve-
notamment chez les jeunes filles. Qu’elles en nus plus nombreux. Il est désespérant que nos
arrivent aussi fréquemment à cet extrême est jeunes, qui n’ont pas d’éducation sexuelle à l’école,
signe que quelque chose a été manqué en ma- aillent sur Internet pour découvrir, via des films por-
tière d’éducation sexuelle. Va-t-on vers une évo- nos auxquels ils ont accès presque sans limite, une
lution « à la grecque » ? Dans ce pays, le recours à forme de sexualité qui est tout sauf responsable…
l’avortement est très élevé. Il est utilisé comme – et Est-ce cela le modèle que l’on souhaite leur trans-
à la place – de la contraception. Les cliniques voient mettre ? Est-ce une manière de dire aux garçons
arriver des femmes de tout âge qui viennent pra- notamment le respect et la dignité auxquels doit
tiquer une interruption de grossesse, ce qui s’ac- aussi conduire la relation à deux ? Cela est d’autant
compagne, selon les études de comparaison eu- plus grave que la contraception est aujourd’hui en-
ropéenne, d’une sous-information et d’une grande tourée d’un discours quasi complotiste, qui n’est
réticence culturelle pour la contraception. D’où de pas sans rappeler celui qui gagne les vaccins : la
nombreuses pathologies, dont certaines très dan- pilule notamment serait très dangereuse pour les
gereuses : on ne subit pas impunément des IVG à femmes, elle provoquerait des cancers, des morts
répétition… subites, etc. Discours relayés par de jeunes blo-
En France, dans les années 1980, des efforts gueuses qui surfent sur cette vague, sans aucune
méritoires avaient été faits pour instaurer l’édu- formation médicale.
cation sexuelle à l’école. Force est de recon- On ne saurait évidemment réduire l’éducation af-
naître que l’on n’y est plus. D’une part, collèges fective et sexuelle à la contraception. Il faut en
et lycées sont soumis à la pression de certains revanche donner aux jeunes les moyens d’une
parents qui, pour des motifs religieux ou cultu- vraie liberté. Cela passe par une réflexion sur ce
rels, contestent cette éducation. Y compris dans qu’être en couple veut dire, ce que cela implique
l’enseignement catholique, qui pourtant avait fait aussi, une capacité à discuter à deux, et pas seule-
preuve d’audace, il y a trente ans, dans le domaine ment la femme, sur les conséquences, et sur le type
de l’éducation affective. D’autre part, et peut-être de relations que l’on souhaite. L’amour et la sexualité
surtout, le manque de moyens : plus d’infirmières peuvent être les choses les plus belles du monde,
dans les écoles, absence de gynécologues ac- à condition que cela se passe en responsabilité et
cessibles pour toutes les jeunes filles sur le terri- dans un vrai dialogue. De ce point de vue, le réé-
toire, peur, aussi, des enseignants d’aborder des quilibrage entre hommes et femmes qui concerne
sujets par crainte de réactions violentes de cer- les nouvelles générations, notamment autour de la
tains élèves. sexualité, est une chance. #MeToo, c’est peut-être
Où sont les lieux où l’on peut parler de manière de là que viendra le progrès. Car ce ne sont ni les
raisonnable de la sexualité quand on est jeune ? films pornos, ni la censure craintive qui peuvent per-
Où les garçons sont aussi mis face à leurs responsa- mettre d’accéder à la maturité sexuelle.
COULISSES
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Chaque faire découvrir le ou d’un métier.
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« Il reste encore
demain », incroyable
succès italien
Ralentir
R
ome, à l’automne dernier. Le de recettes. Pendant des semaines, il s’impose à
premier film de l’actrice et ré- la première place, jusqu’à dépasser les deux car-
alisatrice Paola Cortellesi, Il tons de l’année, Oppenheimer, de Christopher
reste encore demain, fait l’ou- Nolan, et Barbie, de Greta Gerwig. Quelques
verture de la Fête du cinéma. jours avant Noël, le long métrage dépasse même
À quelques minutes de la fin, le succès historique de Roberto Benigni, La Vie
un échange de regard entre Delia, le person- est belle, et intègre le top 5 des films italiens aux
nage principal, et sa fille bouleverse le public meilleures entrées de tous
de ce cinéma romain. Un premier applaudis- les temps.
sement part, entraînant bientôt le reste de la Comment expliquer cet
salle. « Un applaudissement libérateur, qui ne incroyable succès ? Selon
s’est pas arrêté et a accompagné le film jusqu’à Paola Malanga, c’est un
la fin, raconte Paola Malanga, directrice artis- équilibre subtil entre la
tique de l’événement. Paola Cortellesi me regar- profondeur du sujet et
dait, inquiète, et répétait “le film n’est pas fini, l’apparente légèreté avec
le film n’est pas fini”, on n’entendait presque plus laquelle il est traité, carac-
les dialogues, se souvient avec amusement celle téristique de la comédie à
qui, en trente ans de carrière, a rarement vu un l’italienne d’après-guerre,
tel élan. Là, j’ai compris que le film prenait une aussi appelée « néoréa-
autre dimension, il avait décollé. » lisme rose », « drôle et amer
Le pari n’était pourtant pas gagné d’avance en même temps », résume-
pour cette actrice et humoriste très populaire t-elle. Un ton ironique qui
en Italie. Un premier film, au petit budget, permet au spectateur de
MASSIMO VALICCHIA / NURPHOTO VIA AFP
PHILIPPE CHANCEL
EUROZOOM
Cinéma d’animation
Le jazz et le manga
Blue Giant. Il ne manquait à Blue Giant, excellent manga sur le jazz, que le son.
Le manque est comblé avec l’adaptation animée stimulante de ce récit initiatique
et musical. Dai, 18 ans, est totalement accro à son saxophone ténor. Inépuisable,
le jeune homme vit à Tokyo de petits boulots le jour et joue la nuit jusqu’à l’aube. Son
rêve : jouer avec son trio dans le club le plus célèbre du Japon et devenir le meilleur
jazzman du monde. Sur cette trame qui peut sembler puérile, le film aborde tous
les ressorts du manga shonen (dépassement de soi, entraide et affrontement
d’épreuves), une manière diablement efficace de rendre les prestations scéniques
captivantes. Des performances parfois kitsch et maladroites, mais souvent
étonnantes et entraînantes. Quand le jazz est là, l’animation fait la java.
Stéphane Dreyfus
En salles, 2 heures
Théâtre
La fille
secrète
de Molière
WHY NOT PRODUCTIONS
L’HEBDO page 45
’AFFICHE
EN HAUT DE L
Livre de souvenirs
Retour sur les années
glorieuses de la Gaumont
Le cinéma, 50 ans de passion. Dans la famille Seydoux,
CALT STORY/CANAL+
il y a Jérôme, l’inamovible président de Pathé depuis 1990,
et il y a son frère Nicolas, qui fut pendant trente ans
– de 1974 à 2004 – à la tête de la Gaumont. Héritier
de la famille Schlumberger, banquier dans une première vie,
OCK
SÉRIES EN ST
il rachète l’entreprise à la marguerite à un moment où celle-ci
vivote gentiment grâce au succès des comédies populaires
(Georges Lautner, Yves Robert, Claude Pinoteau) produites
par Alain Poiré. Avec son camarade
d’études, Daniel Toscan du Plantier, il
entreprend de réveiller la belle endormie.
Dans le rire et les larmes
C’est cette aventure qu’il nous raconte Enterrement de vie de garçon
au fil de ce livre de souvenirs foisonnants Forte d’une écriture intelligente, d’un rythme enlevé et d’une
dans lequel il nous fait revivre, à travers absurdité maîtrisée, la mini-série de Panayotis Pascot et Adib
portraits et anecdotes, toute une page Alkhalidey est un petit bijou de drame et de comédie à ne pas
de l’histoire du cinéma français, manquer.
sans occulter les impasses et parfois
les errements de leur aventure commune. option club de strip-tease pour entamer la soirée ne faisait pas
Céline Rouden
Gallimard, 450 p. , 27 € L’ l’unanimité, c’est tout de même celle qui a été retenue. L’absurdité
de la décision donne le ton du programme. Dans quelques heures,
Paul, Noah, Adib, Zach et Oscar assisteront à l’enterrement de Daniel. Leur
proche ami, le frère de Paul. La nuit agitée qu’ils passent tous les cinq et qui
Pop défile à l’écran en quatre épisodes de 25 minutes est l’occasion d’aborder
la vie, la mort, l’amour, la paternité, le deuil, l’amitié, l’engagement… Tout
est affaire d’émotions, ou plutôt de les exprimer. Un exercice auquel les
Nostalgie New wave
Rêve parti. Lescop avait fait sensation dans la pop
cinq garçons ne sont définitivement pas rompus.
Le groupe d’amis qui tient le haut de l’affiche le sont aussi dans la vraie vie :
amis, et en haut de l’affiche. Fary Brito (Noah à l’écran), Adib Alkhalidey
française avec l’album La Forêt en 2012. Ambiance (Adib), Jason Brokerss (Zach), Guillermo Guiz (Oscar) et Panayotis Pascot
new wave, mélancolie, belle écriture en français… (Paul) sont tous stand-uppers, et usent habilement des codes de leur art
L’artiste retrouve ces atouts pour l’album de son retour, dans cette mini-série rythmée et joliment incarnée. On retrouve dans le
dans une ambiance nostalgique. La tournée fleuve jeu et dans les répliques de chacun un peu du personnage qu’ils se sont
qui accompagne Rêve parti montre que Lescop n’a pas créé sur scène.
été oublié. En treize chansons intimistes, sa voix Ici la mort de Daniel semble avoir réveillé chez eux le besoin d’extérioriser
aux inflexions syncopées conte des déroutes affectives leurs démons, et chacun s’en trouve à incarner un blocage émotionnel,
et une reconstruction, sur des rythmiques lancinantes. une interrogation. La tendre naïveté d’Adib, la crise existentielle de Zach et
Produit par Thibault Frisoni, artisan d’un son ciselé, l’album l’arrogance de Noah semblent contenues entre un Paul constamment sur
contient trois duos avec Izïa, Halo Maud et Laura Cahen, la brèche, à deux doigts de laisser l’émotion l’envahir, et un Oscar complè-
qui apportent des touches romantiques à cette impeccable tement loufoque.
partition pop. L’écriture de la série, que l’on doit à l’humoriste, comédien et écrivain
Nathalie Lacube Panayotis Pascot et à Adib Alkhalidey, est incisive. Absurde, aussi, juste as-
Labréa Music/ sez pour provoquer l’hilarité sans rien atténuer de
Wagram.
En concert :
l’absolu drame qui se joue. L’ensemble est subli-
mé par la superbe musique composée par Albino
FICHE
le 16 mars à Toulouse, Domochis. Chaque épisode a son univers sonore, TECHNIQUE
le 17 à Perpignan, son environnement, ses protagonistes. Les per- Genre Comédie
le 21 à Strasbourg, sonnages secondaires qui gravitent autour du dramatique
le 22 à Metz, groupe de copains sont bien pensés et aussi dé- Création Adib
le 27 à Reims, veloppés que le permet leur temps d’apparition à Alkhalidey,
le 29 à Tourcoing, l’écran. Eux-mêmes, parfois, confinent à la folie. Panayotis Pascot
le 4 avril Et il ne faut rien de moins pour donner le juste ton À voir sur MyCanal
à La Cigale à cet intelligent drame comique. 4 épisodes
à Paris… Maud Guilbeault de 25 minutes
’ART ET L A MANIÈRE
L
Un voyage
avant
le voyage ADP/PAUL ANDREU/ADAGP
Fleurs de cognassier
Nul besoin de chercher des raretés à tout prix pour faire preuve d’originalité : il suffit parfois
de craquer pour un grand classique au coloris inusité, et le jardin prend un air d’exception.
S
éduisant, le cognassier du fleurs doubles, abricot saumoné. Ce
Japon, avec sa floraison qui tendre coloris est assez rare dans le Dans tout bon sol, même calcaire,
fait jonction entre les arbustes monde végétal. Sa silhouette plus large même argileux, procédez à une plan-
d’hiver et ceux du printemps, que haute – il dépasse rarement 1 mètre tation dans les règles, avec un apport
existe en de nombreuses espèces et va- en hauteur –, le feuillage vert lumineux de compost, un bon paillage et un arro-
riétés, dans des teintes autour du rose, qui suit la floraison et les fruits qui sage régulier l’année qui suit. Ensuite,
du nacré au vif, en passant par l’orangé naissent en fin d’été lui confèrent un laissez-le vivre tranquillement. Trop
et l’abricot, sans oublier le blanc pur… et charme tout au long de l’année. souvent, les cognassiers du Japon sont
le vermillon, le plus commun. La florai- Chaenomeles speciosa ‘Mango Storm’ taillés strictement, ce qui leur confère
son, précoce, débute parfois en février, est une variété récente apportant un un aspect raide, alors que sans taille, ils
et se poursuit jusqu’en avril, avant que plus à celles que nous connaissons déjà : grandissent librement et plus élégam-
n’arrivent les feuilles. de très grandes fleurs très doubles, de ment, dépassant parfois 3 à 4 mètres
5 à 6 cm de diamètre, orange corail de haut. Simplement, après la florai-
Petit florilège avec des reflets saumon, s’ouvrant sur son, supprimez les branches gênantes,
autour du cognassier du Japon un beau cœur doré. Il ne passe pas ina- celles qui se croisent, et le bois mort.
Romantisme assuré avec ce cognas- perçu, et convient aux jardiniers qui Attention à ne pas vous blesser avec les
sier blanc, Chaenomeles speciosa aiment le flamboiement. Peut-être un aiguillons.
‘Nivalis’. Dans cette forme immaculée, défaut pour certains : il ne produit pas
il est tentant, avec ses fleurs ayant la de fruits. Le bon emploi
grâce de celles d’un arbre fruitier sans Chaenomeles speciosa ‘Falconnet Le cognassier du Japon est parfait
en avoir la fragilité. Après la floraison, Charlet’ dévoile, en avril, de char- pour former des haies naturelles, voire
se déploient les jeunes feuilles bronze, mantes fleurs doubles, oscillant entre défensives, grâce à ses aiguillons. On
puis vert sombre. rose pêche et rose saumon. Comme tous l’aime aussi dans les massifs d’arbustes
Chaenomeles superba ‘Cameo’ est l’un les cognassiers du Japon, il est plus flo- et au jardin bouquetier. Pour de jolies
des plus ravissants, avec ses grandes rifère au soleil. compositions florales, n’hésitez pas à
Belles, élégantes
et larges corolles
C. IONESCU/ADOBESTOCK
Les fleurs du cognassier, l’arbre frui-
tier qui nous offre ses mythiques
gros fruits parfumés, n’ont rien à
envier à celles des arbustes d’orne-
ment. Simples, amples, à 5 pétales
blanches avec parfois des reflets rose
dragée, elles sont maquillées d’un joli
toupet d’étamines proéminentes.
Cydonia oblonga, c’est le nom latin
du cognassier, disparaît petit à petit
de nos jardins, et c’est dommage. Il
mérite vraiment une place de choix
au verger aussi bien qu’en isolé, sur la
pelouse. Sa silhouette aux rameaux
tortueux et sa floraison sont aussi in-
téressantes que la fructification. Les
coings perdurent une grande par-
tie de l’hiver sur l’arbre s’ils ne sont
pas récoltés, restant fort décora-
tifs. Ramifié et vigoureux, cet arbre
mesure entre 4 et 6 mètres de haut.
‘Monstrueux de Vranja’, par exemple,
ADOBESTOCK
ADOBESTOCK
C IT GR A PHIQUE
RÉ
Lebensborn (5/10)
Résumé de l’épisode précédent. Mai 2001. La mère d’Isabelle Maroger a retrouvé trace de sa famille biologique.
Celle-ci lui a envoyé des photos. Elle retourne en Norvège pour la rencontrer.
À SUIVRE
LEBENSBORN, PAR ISABELLE MAROGER, ED. BAYARD GRAPHIC’
OUS VOUS
DE VOUS À N NOS RENDEZ-
Une foi par semaine. Le courage, leçons russes
(…) Je me rends compte qu’il y a une attentive et respectueuse de l’autre,
forme de courage qui nous manque, différent ?
particulièrement en France mais ailleurs Je reprends la phrase de Cynthia Fleury,
également. C’est le courage de prendre citée par Isabelle de Gaulmyn, en y
la parole, de révéler, de dénoncer, d’être ajoutant un mot : « Si chacun prend sur soi
des lanceurs d’alerte et d’appels à agir d’être courageux, (…) alors la cité cesse
quand nous vivons des situations d’être ce lieu où chacun délègue à l’autre
de dysfonctionnements graves dans ce qu’il doit faire et dire. » Une heure pour refaire le monde
le milieu professionnel, dans nos Philippe Nussbaum Retrouvez ce vendredi un journaliste de
instances démocratiques, associatives… La Croix sur le plateau d’« Une semaine
Il arrive même Merci à Isabelle dans le monde » sur France 24 à 19 h 10.
que nous hésitions de Gaulmyn et Il offrira un éclairage sur les actualités
à parler pour poser Frédéric Boyer pour françaises et internationales qui ont
des questions ou leurs réflexions marqué la semaine.
proposer des solutions. complémentaires À regarder en direct ou en replay
Parfois, nous ne partant d’une histoire sur france24.com
voulons pas « faire de russe. J’ai lu en premier,
vagues », parfois nous comme souvent, le DU NOUVEAU
prétextons l’obligation propos d’Isabelle de À L’HEBDO !
de réserve, d’autres fois Gaulmyn restaurant la Bruno Bouvet a été nommé, le 1er mars,
nous craignons pour substance même du rédacteur en chef adjoint de La Croix,
notre emploi, notre statut courage. Elle guide chargé de L’Hebdo. Il a rejoint la
social, certains invoquent ainsi une réflexion qui rédaction de l’hebdomadaire en 2021
la discipline de parti ou semble faire défaut en tant que chef de service – après
même la solidarité avec à nombre de nos plusieurs années à la « Culture » puis au
leurs congénères. (…) dirigeants politiques service « Religions » du quotidien, dont
Si nous n’avons pas le (à supposer que tous dix à sa tête – et il va poursuivre son
courage de parler en temps puissent être qualifiés de dirigeants…) travail auprès d’Anne Ponce, aujourd’hui
de démocratie et de relative liberté, prompts à user et abuser des mots pour directrice de la rédaction de La Croix.
comment pourrons-nous l’avoir en donner l’illusion du courage. Anne Ponce forme à présent un
temps de dictature ? Face à la montée de Il m’est apparu ensuite, à la lecture du tandem à la tête de La Croix avec
l’extrême droite, ne faudrait-il pas nous bloc-notes de Frédéric Boyer, que le Thomas Karolak, nouveau directeur du
exercer au courage d’assumer une parole courage prend ses racines dans l’intime, développement, et pourra compter
risquée, exempte de soumission, afin dans le secret des âmes et des cœurs. sur Séverin Husson, nommé directeur
de nous aguerrir pour oser parler quand En témoigne ce bouleversant poème adjoint de la rédaction du quotidien.
cela pourra nous mener en prison, à l’exil, d’Alexeï Navalny qui donne lucidement
aux coups ou à la mort ? La démocratie
ne gagnerait-elle pas à être nourrie par
toute sa noblesse et sa grandeur au
courage. Merci à tous deux mais surtout, LA PLAYLIST
une parole libre, responsable, engagée humblement, merci à Alexeï Navalny. Chaque semaine, retrouvez la playlist
et, ne l’oublions pas, une parole à l’écoute Paul Bertinotti de L’Hebdo sur Spotify et Deezer !
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