Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
SÉRI E
HORS-SÉRIE NUMÉRO 8 INREES.COM
LE MAGAZINE DE L’INREES
ENQUÊTE
D’où viennent
les idées ?
Pratique ARTISTES
Vivez tel un 18 portraits
artiste connecté ! inspirants
ANIMAUX Entretien
Des êtres créatifs Emmanuel Moire
Créativité
Comment
révéler notre N. CALED : 1400,00 XPF / POLY : 1500,00 XPF / LUX : 11,40 €
inspiration
BEL : 11,40 € / CH : 15,80 CHF / DOM : 11,40 €
?
M 08295 - 8H - F: 9,90 E - RD
M 08295 - 8H - F: 9,90 E - RD
3’:HIKSMJ=ZU^^UY:?a@k@a@s@f";
En vous
abonnant
Vous contribuez ainsi
à une aventure unique
pour faire évoluer les
pensées et la société !
www.inrees.com
Avez-vous déjà
pensé à faire
de votre vie
une œuvre ?
Sébastien Lilli
Directeur de la publication
et rédacteur en chef
e pari est un peu osé si nous suivons les diktats et les carcans
habituels... Pourtant, intimement, nous sommes certainement
tous des artistes. Au fond de chacun de nous réside un élan, un
élan qui nous invite à créer. Discrètement ou au grand jour. Oc-
casionnellement, passionnément, ou à la folie. Pour entreprendre, cuisiner,
confectionner, ou danser, chanter, dessiner... Pour guérir, peut-être. Une part
de soi, une part du monde.
Au fond de
Car la particularité du créateur inspiré, c’est d’abord qu’il exprime ce que
nous trouvons juste ou beau, mais c’est surtout - qualité souvent oubliée chacun de
aujourd’hui - qu’il touche à une transcendance. Étant capable de devenir, nous réside
le temps d’un instant ou d’une vie, le vecteur d’une dimension qui nous
dépasse, non pas pour divertir ou pour briller, mais pour révéler les vibrations un élan,
nécessaires à l’équilibre, en dévoilant nos ombres et en inspirant la commu- un élan qui
nauté vers davantage de sagesse, afin de s’élever et de se libérer ensemble.
Voilà en quoi l’art, dans sa connotation profonde la plus sacrée, peut être le nous invite
ciment d’une société...
à créer…
Le peintre Paul Klee disait même, à propos de notre époque, que l’artiste ou
« le génie, c’est l’erreur dans le système ». Alors vous aussi, autorisez-vous à trou-
ver les clés pour devenir, de temps en temps, le joyeux génie qui participe,
avec ses talents et ses imperfections, à réinventer son univers d’abord, à réen-
chanter le monde ensuite. À travers trois parties (des enquêtes, des exemples
et des aides pratiques), ce hors-série d’Inexploré est une aspiration à tirer du
PHOTO : LAURENT DESMARET / INEXPLORÉ
néant ce que nous avons de plus précieux, l’occasion de rendre aux femmes
et aux hommes leur potentiel créateur, celui qui fait de nous... des êtres ins-
pirés ! Belle lecture à toutes et à tous.
INREES.COM
INREESTV
Directeur de la publication
et rédacteur en chef
Sébastien Lilli
Assistante de direction
Delphine Tandé
Fondateur
Stéphane Allix
Directeur artistique
Jérôme Saïdani Une série documentaire
Secrétaire de rédaction
Melanie Chereau en 3 épisodes à découvrir
dès le 13 novembre 2019…
Correctrice
Isabelle Lallouët
Relectrice
Karine Larcher
Rédacteurs
Aurélie Aimé, Stéphane Allix,
Carine Anselme, Melanie Chereau,
Claire Eggermont, Réjane Éreau, Miriam Gablier,
Julie Klotz, Catherine Maillard, Jocelin Morisson,
Martino Nicoletti, Angeline Romaggi
Responsable communication
et partenariats
Justine Boyer
Photographes
Shutterstock, Getty images et crédits sur photos
Couverture
Getty images - 101cats
Conception éditoriale
INREES, 67 rue Saint-Jacques
75005 Paris
Présidence
Sébastien Lilli
RCS Paris 529 179 582
ISSN : 2119-4971
N° Commission paritaire
0224 K 90498
Impression
Litografia Rosés S.A.
08850 Gavà, Barcelona, Espagne
Ce magazine est imprimé sur
du papier certifié selon la norme
écoresponsable PEFC TM.
Diffusion PRESSTALIS
Gestion des ventes au numéro
Titre modifiable sur le portail-diffuseurs : www.direct-editeurs.fr
À Juste Titres, Stéphanie Troyard : 04 88 15 12 48
Rédaction Inexploré
contact@inrees.com
01 45 43 53 40
Service clients
07 82 48 62 23
Publicité
Delphine Tandé
publicites@inrees.com
Abonnements
en deux clics sur
AU CŒUR DE PARIS, UNE ÉNERGIE
www.inrees.com/abonnements
ANCESTRALE VEILLE... ET S’ÉVEILLE.
Une étrange constellation du féminin sacré se dévoile
dans la capitale française. Aurait-elle un lien avec Isis,
déesse funéraire de l’Égypte antique ?
ht
altp
eb aus
leic
w e p ie
lü d
r u b e r wi e g e n i g
a
i
nd chlorfre
14-38-00127
et profitez
de n om br e u x ava n t a g es IN R E E S Fa mi l y
Portraits 76
De la terre à l’éther
Sophie Houdebert
44 La divine parfumerie 86
Créateurs inspirés
Valérie Demars
André Breton, Madge Gill,
Georges Ivanovitch Gurdjieff,
48 Une vision universelle Srinivasa Ramanujan,
Virginie Gosselin-Février Christiane Singer
98 Du rêve à la créativité
66
48 68
La lumière de
l’inspiration
D’où viendrait l’inspiration et quels en seraient les mécanismes ?
Comment se relier « à plus grand » que soi pour que la création soit justifiée,
touche le plus de personnes de manière profonde et intemporelle ?
Quelques créateurs ont bien leur petite idée… Par Claire Eggermont
C
haque femme, chaque homme est riche un mental surchargés ? Après tout, l’univers lui-
et unique dans sa capacité à créer. même, depuis l’origine, ne témoigne-t-il pas d’un
Créer le monde, se créer, donner libre souffle créateur étonnament puissant, déployant
cours à son inspiration quant à la la vie sous des formes et des visages innombrables,
naissance d’un objet, d’une musique, d’une pein- toujours différents ? Alors, comment entrer dans
ture, d’une écriture, de toute expression lui étant la danse et laisser libre cours à cet élan capable
propre et inédite. Devenir artiste oui, mais avant de nous porter jusqu’à l’ultime niveau de la pyra-
PHOTOS : SHUTTERSTOCK / MASTER1305 - ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK / VASABII
tout artiste de sa vie ! », s’exclame Jocelyne Strie- mide de Maslow : la création de soi ?
big, hypnothérapeute, auteure du livre Créativité
et intuition. Si cet appel résonne fort en chacun Insaisissables éclairs
de nous, ravivant notre envie de sortir des sen-
tiers battus et d’oser dévoiler et offrir au monde À en croire les récits de nombreux artistes et in-
les trésors enfouis dans notre cœur, ce n’est pas venteurs, l’inspiration se révèle aussi difficile à sai-
pour autant qu’il nous semble évident. Souvent, sir qu’à définir. Généralement, elle apparaît avec
nous reléguons le don de la créativité à quelques la puissance et la vitesse d’un éclair au moment
génies inspirés, admirant leur capacité à donner où l’on s’y attend le moins. « Quand elle se fait
naissance à des œuvres qui nous touchent ou des sentir, elle est d’une telle pénétration et d’une telle
inventions révolutionnaires. D’où peut bien leur subtilité – comme un feu follet – qu’elle se dérobe
venir cette lumière soudaine ou ce flot d’inspira- presque à une définition exacte », déclarait le com-
tion qui semble parfois, eux-mêmes, les dépasser ? positeur Richard Strauss. Improvisant la musique
Serait-ce un don surnaturel ou une capacité innée depuis plus de trente ans, Daniel Perret vit, quant
que nombre d’entre nous auraient tout simple- à lui, l’inspiration comme un souffle, une joie ou
ment perdue, étouffés par un emploi du temps et une envie qui montent et le saisissent. Sa harpe à
« Qui crée ? C’est moi et plus grand que moi.
C’est moi et l’unité du monde. »
Basarab Nicolescu
la main, il cherche alors la gamme qui lui ouvre ne sont que phénomènes de mode et de courte
À une porte et se lance. « Je n’enregistre qu’une seule durée, d’autres se révèlent immortelles et univer-
LIRE fois et ne retouche jamais, nous confie-t-il. Je ne selles, venant toucher les profondeurs de ceux qui
crée pas à partir d’idées préconçues, ça c’est sûr ! » les écoutent ou les regardent, au-delà du temps et
Partageant ce ressenti, de nombreux autres créa- des cultures. Dans son livre Créer de l’art divin,
teurs en tous genres affirment que leurs œuvres Daniel Perret s’exprime ainsi : « Trop d’art reste
ne viennent pas de l’intellect. L’inspiration sem- coincé au niveau des émotions douloureuses, des am-
blerait surgir au contraire quand le mental est en bitions égoïstes, des bonnes intentions, ou encore de
Nous, la particule
et le monde retrait. Le mathématicien Henri Poincaré aurait la perfection trop mentalisée. Si cela peut nous faire
Basarab Nicolescu reçu, dans une intuition fulgurante, sa théorie réfléchir, ce n’est cependant pas suffisant pour élever
EME Éditions, des groupes fuschiens en montant dans l’autobus notre esprit. Mais heureusement, de nombreuses im-
2012, 26 € à un moment où il avait justement décidé de ne pulsions créatives nous viennent d’au-delà de notre
plus y penser. Pour le physicien Amit Goswami, ego et personnalité, puisant leur source du plan men-
les idées créatives apparaîtraient ainsi comme des tal supérieur (générant des pensées constructives et
« discontinuités » dans le cours ordinaire de nos novatrices), de l’astral supérieur (émotions fines), ou
pensées conscientes, sortes de sauts quantiques de plans spirituels bien plus élevés encore. »
nous permettant d’atteindre quelque chose de vé- D’après le physicien Basarab Nicolescu, à l’ori-
ritablement nouveau. « Je n’y arrive pas par la force gine de la transdisciplinarité et particulièrement
Entretiens avec de de la volonté, par les pensées superficielles ou terre à intéressé par les relations entre l’art, la science et
grands compositeurs terre. Ce n’est possible que par les forces de l’âme ! », la tradition, il est nécessaire de distinguer l’ima-
Arthur Abell confiait Brahms, soulignant ainsi la force transcen- gination, l’imaginaire et l’imaginal. L’imagination
Éd. du Dauphin,
1998, 14 €
dante de l’inspiration. Certains auteurs parlent de désignerait la capacité de notre mental à faire des
« dictée cosmique » et les peintres peuvent vivre le associations ou des liens entre différentes notions.
Les échelons
d’identité d’être
Dominique Lussan, resident trainer au sein de tion et de patience. D’après ses recherches,
À
l’Institut Monroe, exploratrice des ponts entre nombre de grands artistes inspirés avaient
LIRE
conscience et créativité, explique que plus nous des pratiques spirituelles régulières, exer-
allons nous rapprocher de notre être véritable – ce cices, méditations ou prières, dont le but
qu’elle appelle « monter en identité d’être » –, était la transformation de l’ego et de la
plus notre créativité va se déployer et se placer au souffrance. Bien sûr, certains musiciens ont
service de la régénération de l’écosystème global. pu composer des œuvres dès leur plus jeune
Dans l’étude approfondie qu’elle a menée sur ce âge, comme certains inventeurs ont pu faire
sujet, elle distingue trois grands échelons d’identité des découvertes extraordinaires sans avoir Inspiration,
d’être. Dans le premier, les personnes sont tournées accompli de travail sur soi. Pour Daniel l’appel de votre vie
Dr Wayne W. Dyer
vers l’extérieur et le regard des autres. Elles créent Perret, la dimension karmique entre ici en Éd. J’ai lu,
en fonction de ce qu’il est de bon ton de faire et jeu et explique que certains êtres arrivent 2012, 7,70 €
de penser. Dans le second, elles commencent à dans cette vie moins chargés du poids de
vivre une intériorité et à toucher des états de joie l’ego et plus enclins à créer.
et d’amour qui ne dépendent plus de l’extérieur. Selon Basarab Nicolescu, l’essentiel pour
Leur créativité prend sa source dans leurs ressentis s’ouvrir à l’inspiration sans se faire envahir
intérieurs tout en entrant en relation avec la d’informations est de développer un équi-
profondeur des autres. Et dans le niveau le plus élevé, libre entre les trois parties constituantes de
les personnes touchent ce que la tradition hindoue notre être : les instincts, les sentiments et
nomme le supramental et s’inscrivent dans une la pensée. « Seul un équilibre de nos trois
dimension collective. Elles cocréent avec les forces centres permettra à une nouvelle intelligence
de la nature et de l’univers et peuvent rayonner ce de prendre place, une intelligence créatrice. »
qu’elles sont au sein de l’unité du monde. Les différents auteurs et artistes interrogés
insistent sur l’éveil de notre ressenti subtil
comme préalable indispensable à une ins-
piration élevée. Il s’agit de cesser de fonctionner
par rapport à nos connaissances, habitudes et
conditionnements, pour entrer dans l’expérience
vécue, unique et sensible. « Plus vous élevez votre
niveau de conscience et votre fréquence personnelle,
Vous pouvez désormais offrir une carte cadeau pour abonner ceux que vous aimez
à vos contenus préférés (Inexploré mag, INREES TV, ou les deux).
Art-thérapie
et autisme
L’art-thérapie consiste à utili- leur huis clos. Ils trouvent dans
ser le processus créatif à des l’art-thérapie un outil pour ver-
fins thérapeutiques. Discipline baliser autrement. Pour la thé-
LA VOIX DE LA GUÉRISON
privilégiée pour entrer en rapeute Sophie Fardet, auteure
contact avec son monde inté- d’Art-thérapie et autisme (éd.
rieur et exprimer ce qui doit
l’être, ses caractéristiques en
PAF), l’efficacité de cette disci-
pline réside dans l’utilisation
Chanter pour
font un outil extraordinaire d’objets de « relation » (pein- ralentir la maladie
pour les personnes autistes.
Cette maladie aux ressorts tou-
ture, terre, collage…), et la ca-
pacité de l’art-thérapeute à se
d’Alzheimer
jours mystérieux laisse les au- mettre en position d’ouverture, La maladie d’Alzheimer attaque une partie des neu-
tistes en difficulté pour com- de compréhension, d’accueil et rones, mais n’impacte pas leur capacité à se multi-
muniquer, parfois murés dans de présence. plier. Dans l’idée de stimuler cette régénération, un
essai clinique a été réalisé au Centre mémoire de
ressource et de recherche (CMRR) de Saint-Étienne
autour d’une discipline inattendue : le chant ! La
docteure Isabelle Rouch a ainsi proposé à une
soixantaine de patients atteints de troubles cogni-
tifs légers de participer à une chorale d’une heure
et demie chaque semaine. À l’issue de trois mois,
une amélioration de la mémoire et une réduction de
l’anxiété ont été constatées. En ces temps difficiles
où les médicaments anti-Alzheimer sont dérembour-
sés, car jugés inefficaces aux yeux de la Haute au-
torité de santé, ce type d’expérience liée à des pra-
tiques artistiques est un vrai message d’espoir pour
des milliers de familles.
PHOTOS : SHUTTERSTOCK / OLENA YAKOBCHUK / DMYTRO ZINKEVYCH / AARON AMAT / ZAMUROVIC PHOTOGRAPHY
GOOD VIBES
www.editions-jouvence.com
Hors-Série n°8 - 2019 - Inexploré 17
Brèves
HÉROS
LA LA LANDES
Lire pour
Le « chant » des plantes libérer sa
Le règne végétal apparaît comme un monde de silence, plongé dans une mé-
créativité
ditation profonde. Pourtant les plantes savent chanter, pour qui sait décrypter profession-
leur langage !
nelle
Un couple de Français, Jean et Frédérique Thoby, exerce la profession de « musinié- Sur le trajet du travail,
ristes » : ils captent la « voix » des plantes. La technique consiste à enregistrer nous avons de plus en plus
l’activité électrique des spécimens grâce à deux électrodes, aux racines et sur une tendance à garder le nez
feuille ou une fleur. Les données fluctuent en fonction de ce qui se passe dans sur nos smartphones. Mais
l’environnement immédiat de la plante : une activité humaine, par exemple, la fera selon une étude de l’école
réagir. Une fois captées, les oscillations sont transcodées, amplifiées, et deviennent de management Rotman
des notes de musiques que l’on peut associer à des instruments. Le couple a ainsi de Toronto, la lecture d’un
découvert que chaque espèce « chantait » différemment, et que la zone géogra- roman avant de rejoindre
phique joue sur le résultat obtenu. Une quinzaine de chercheurs sont intéressés son entreprise aurait des
par ces découvertes et par cette nouvelle discipline qu’ils ont baptisée « phytoneu- vertus insoupçonnées. Cela
rologie ». Une expérience unique de connexion avec le monde végétal pour contac- réveillerait en effet
ter ce qu’il y a de plus vivant en soi, c’est aussi ce que nous vous proposons de vivre l’aventurier en nous, en
avec Laurent Sindrès et ses ateliers Yoga et musique des plantes, lors des Week-ends configurant notre cerveau
de l’extraordinaire… w w w. i n r e e s .c o m / Ev e n e m e n t s en « position d’ouverture à
l’inconnu ». Cela nous
rendrait moins anxieux
face aux tâches
nécessitant d’évoluer dans
le flou et l’incertitude, plus
efficaces et réactifs. Cela
développerait aussi
considérablement la
créativité. En devenant le
héros de notre journée,
finie la routine métro-
boulot-dodo !
FORTISSIMO
VIBRATIONS
Il a dit…
Éric-Emmanuel Schmitt
est l’un des écrivains
français les plus appré-
ciés dans le monde. Son
processus de création
est surprenant.
idée révolutionnaire dans l’esprit du designer devenu adulte : leptique : dès que je suis
produire des chaises sans couper ni assembler du bois, de la à mon bureau et que je
façon la plus naturelle possible ! Comment ? En faisant pousser commence à approcher
des saules, tout en orientant leur croissance à la manière d’un mon personnage et à l’en-
tuteur selon les contours d’un moule de chaise. Les arbustes tendre, je m’endors ! Je
poussent ainsi sur un immense terrain en Angleterre, entretenu me réveille quelques mi-
depuis 2011 par l’équipe du designer, et il faut compter entre nutes après, vaseux,
quatre et six ans pour que le meuble soit prêt. Il suffit ensuite comme si je n’adhérais
de leur couper les pieds, d’enlever leurs feuilles et autres pe- plus à moi-même, mais
tites branches, et les voilà prêts à l’emploi ! prêt à suivre l’écoute.
J’écris alors toute
Passer commande demande donc de la patience, d’autant plus l’après-midi. Au début, je
que seule une trentaine de meubles est produite chaque an- me fustigeais de m’endor-
née. La liste d’attente s’étend ainsi jusqu’à 2025 ! Côté budget, mir dès que je me mettais
il faut compter au minimum 5 000 euros pour ces trésors au au travail, puis j’ai fini par
design insolite. Un art onéreux, mais 100 % écologique et sans l’assumer comme une
dommages pour la planète ! technique. »
SWEET DREAMS
Un album
inspiré par
ses rêves
Si le dernier album de Lenny
Kravitz, Raise Vibration, est si
spirituel, c’est peut-être parce ALLÔ, QUOI !
qu’il lui a été soufflé... à travers
ses rêves ! En effet, en mal
d’inspiration après sa tournée Nos smartphones
mondiale, le chanteur a traversé
nous gâchent-ils
Libération Énergétique
OH OUÏE !
Quand la musique
procure des orgasmes !
Nous avons tous déjà frissonné en écoutant une musique… Chakra coronal
QUATRE SOINS
Trois peintres considérés comme des médiums : Augustin À travers des contes, des énigmes et des jeux d’obser-
Lesage (1876-1954), Victor Simon (1903-1976) et Fleury Joseph vation, les enfants (et les parents) découvrent l’histoire
Crépin (1875-1948) sont mis à l’honneur à la fois pour leur de l’art sous un aspect fantastique. Les magiciens de
destin particulier – ils ont ressenti un « appel » à peindre l’Égypte, les licornes du Moyen âge ou encore le génie
et ont quitté leur vie professionnelle – et pour les sujets de mystérieux de Léonard de Vinci : plusieurs
leurs peintures. En effet, leurs œuvres sont dédiées au mer- parcours sont à réserver. Comment
veilleux, à l’ornementation sacrée, à l’ésotérisme, aux dieux associer ludisme, partage et ap-
égyptiens de toutes sortes, aux bouddhas… Le LaM en pro- prentissage, familiarisation avec
fite pour présenter des documents sur cette époque qui l’art grâce à des thèmes amu-
s’adonne au spiritisme et à la découverte de l’au-delà, mais sants pour tous ! w w w. i n r e e s .
aussi à des pratiques spirites autour du monde et à diffé- com/bonus/351
rentes époques. w w w. m u s e e - l a m .f r
BOUDDHA SUPERSTAR
« Siddharta, il était
une fois Bouddha »
Opéra rock au Palais des Congrès de Paris
du 26 novembre 2019 au 5 janvier 2020
découvrez
les révélations
de la plus célèbre
des astrologues !
NOUVEAUTÉ
978-2-8132-2125-4
400 pages
19,90 €
D
ifficiles d’accès, froides, ouvertes aux l’art pariétal – ces premières représentations graphiques
ours et autres bêtes, les grottes ornées stylisées de la nature – est associé à la sacralisation de
pariétales étaient des lieux hostiles. l’espace de la grotte. » La première fois que l’humain
D’après les archéologues, peu de per- est inspiré, peut-être tourne-t-il son regard vers plus
sonnes devaient y avoir accès et elles ne servaient grand que lui, et dans un geste mêlant dévotion et
pas d’habitation. Les restes trouvés sur les sols crainte, il signe là, sur les parois de pierre, les gestes
évoquent des rites et des cérémonies et l’acoustique qui impriment son respect, son émerveillement et
particulière de certaines grottes était sans doute uti- l’espoir fou d’être rassuré.
lisée. Concernant les créations de ces époques, l’art Plus tard, à travers le monde, chaque reste retrouvé
pour l’art ou l’ornementation sont donc des pistes de civilisation ancienne comprend un lieu de culte,
PHOTO : INTERFOTO / ALAMY BANQUE D'IMAGES
écartées par les historiens. Sans doute les multiples des tombes sacrées ou des statues de dieux. D’Ang-
peintures, pochoirs, gravures de ces grottes, avaient- kor au Machu Picchu, de l’île de Pâques à l’Égypte,
ils comme origine un élan spirituel, une création partout l’humain construit à l’intention du divin
sacrée destinée aux premiers dieux ou esprits. Geste des édifices extraordinaires qui défient les siècles par
sociétal, rite de passage, protection ou ornementa- leur résistance. S’installe alors le rapport encore in-
tion céleste, ce sont là les premières traces mêlant terrogé de nos jours entre le sacré et le profane, où
l’art et le sacré, comme le résume Fabrice Huard, l’art, pont matériel entre les deux, serait une porte
Page de droite : professeur d’histoire de l’art : « On peut légitime- ouverte ou fermée, selon les initiations. Le temple,
Détail d’une
peinture rupestre
ment penser que le moteur religieux fut la motivation le lieu de culte est la manifestation de ces espaces,
de la grotte de Lascaux. première. Les grottes semblent être des espaces sacrés et déterminant à la fois le temps ainsi que les rôles de
PHOTOS : GETTY IMAGES / CINOBY / HISHAM IBRAHIM - LANMAS / ALAMY BANQUE D'IMAGES
Ci-dessus :
Vue du temple d’Amon-Rê
et la salle hypostyle ouverte
sur le ciel, Karnak, Égypte.
Ci-contre :
Statue de Ramsès II au
musée de Louxor, Égypte.
Page de droite :
Élément décoratif en or,
fin de la période de
l’Égypte ancienne.
PHOTOS : SHUTTERSTOCK / ANDRE QUINOU / REED DAIGLE / 129236768 - GRANGER HISTORICAL PICTURE ARCHIVE / ALAMY BANQUE D'IMAGES
levers et des couchers, les dates des saints qu’il fallait route ou bien une solution géométrique originale, un
repositionner sur l’année liturgique, ainsi que les ca- emplacement particulier, une méthode, une mesure,
ractéristiques présidant à la consécration de la nou- un procédé géométrique important. Toutes ces parti-
velle église », enseigne Raymond Montercy, spé- cularités avaient pour finalité d’éveiller le nouveau
cialiste de la géométrie sacrée, notamment en art compagnon ainsi que l’ancien, sous couvert d’aller
médiéval. Ainsi se mêlaient au rythme du chantier toujours au plus près du divin, grâce à l’évolution
des rites et des lectures dispensés par les moines et spirituelle », conclut Raymond Montercy.
De la même manière qu’à un mo- de l’artiste. C’est l’ouverture de l’art Ci-dessus à gauche :
ment de l’histoire, la science a tenté une rupture conceptuel, l’art de l’idée. Les voûtes majestueuses
de la cathédrale romane
avec le religieux pour expliquer le monde avec des Fabrice Guillaumie, enseignant en philosophie et Notre-Dame de Chartres.
observations libres de tout dogme, en s’appuyant spécialiste en histoire de l’art, considère que l’art
Ci-dessus à droite :
sur des faits matériels et concrets, l’art a entamé un d’aujourd’hui est suspendu à l’egolatrie, la société Détail de la façade
processus d’autonomisation pour se recentrer sur du spectacle et la marchandisation des biens : « L’art occidentale de la cathédrale
Notre-Dame de Paris.
l’artiste d’un côté et sacraliser l’œuvre de l’autre. Le désormais se vit, il n’est plus dans le culte de l’œuvre im-
docteur en histoire de l’art Christophe Henry date mortelle qu’on admire avec distance comme une icône, Au centre :
Fontaine, le ready-made
ce début : « À partir de la fin du XIIIe siècle, l’œuvre il est devenu l’expérience d’une performance, d’une ins- de Marcel Duchamp,
d’art ne participe plus d’un projet religieux ; elle en- tallation, un rite sans mythe », écrit-il dans son essai consistant en un urinoir
en porcelaine renversé
tame son propre processus de sacralisation profane », L’art et le sacré(1). Mais pour l’auteur, ces deux der- signé « R. Mutt » et daté
explique-t-il dans la revue L’art et le sacré (éd. de la niers restent en lien : selon les époques et les lieux, de 1917.
Canopée, 2017). S’ensuivent des siècles de lente seul varie l’objet sacralisé. Il reprend Mark Alizart,
séparation entre les deux, avec des penseurs singu- ancien directeur du Palais de Tokyo, pour qui l’art
liers qui en marquent les étapes, comme Kant et ne serait pas « désacralisé » dans une société « désa-
son analyse de la métaphysique – qui place le juge- cralisée », le sacré étant juste ailleurs (Pop Théologie,
ment humain au cœur de toute observation et sa éd. PUF, 2015). Cependant, pour Fabrice Guillau-
présentation du beau (qui relève de la nature) et du mie, « c’est cette sublimation initiatique de la peur qui
sublime comme capacité de l’âme et de l’esprit, et constitue le sacré dont la religion a longtemps été la
du supra-sublime, qui relève du royaume des cieux gardienne jusqu’à ce que l’art gagnant en libertés, par
et est inaccessible à l’homme, donc à l’art. Sa ré- exemple, soit en mesure de la concurrencer en explorant
flexion relègue l’art à la création « juste » humaine. plus efficacement nos inconscients que les homélies, les
La musique et le théâtre, quant à eux, comportaient prières ou les confessionnaux ! ». Ainsi l’homme aura-
déjà des pièces créées à des fins de divertissement, t-il toujours besoin d’un rapport au spirituel, quelles
en dehors du religieux, depuis la pré-Renaissance. que soient les formes qu’il prenne, et donc à l’art,
Le XIXe siècle sera celui de la nette séparation, l’art puisque ce dernier « sacralise et sublime nos peurs par
amorçant sa « dé-représentation » pour doucement sa maîtrise initiatique ».
se rapprocher de l’abstrait, notamment en arts plas-
tiques. Au XXe siècle débute l’art pour l’art. Avec sa La philosophe Souâd Ayada avance une autre hy-
célèbre « sculpture » Fontaine, Marcel Duchamp pothèse en expliquant que « la lente autonomisation (1) https://paragone.hypotheses.org/907
Le sacré rend l’homme créateur,
artiste de sa propre vie, à laquelle
il va donner du sens.
de l’art s’accompagne d’une transformation profonde sorte de culte, de religion d’espèce nouvelle, naquît et
À
qui affecte sa relation au sacré […] C’est l’œuvre d’art donnât forme à tel état d’esprit, quasi mystique, qui LIRE
comme telle qui devient source du sacré ». Là se trou- régnait alors et qui nous était inspiré ou communiqué
verait la réflexion fondamentale de l’art occidental par notre sentiment très intense de la valeur universelle
contemporain : dans une société qui d’apparence des émotions de l’Art ». Comme si l’art en lui-même
perd son lien au spirituel, l’art lui-même deviendrait avait ce pouvoir de spiritualiser l’homme. Là aussi,
sacré, l’artiste le vecteur et le spectateur atteindrait Fabrice Guillaumie avance l’hypothèse que
tout seul, le sublime de sa propre spiritualité, s’il en l’homme tend à devenir lui-même exceptionnel
a une. L’art et le spirituel deviennent des affaires per- dans la création. Rappelant qu’originellement,
sonnelles, quittant le religieux, celui qui « reliait » du « créer » signifie « tirer du néant », il explique alors Du spirituel dans
moins les hommes entre eux, pour au mieux conser- que « le sacré rend l’homme créateur, artiste de sa l’art, et dans la
ver le lien entre l’homme et le divin. propre vie, à laquelle il va donner du sens en ordon- peinture
en particulier
nant le désordre du monde, mis en relation avec son Wassily Kandinsky
L’art, lien entre les hommes propre désordre intérieur... » Encore une histoire de Éd. Folio, 1988, 12,10 €
et le spirituel dieu et son image ? Et si ici le dieu devenait
l’homme lui-même, devenu le centre de son cos-
Il semblerait que notre société occidentale contem- mos, et qu’il lui fallait chercher en lui le chemin de
poraine, qui peine à se trouver un lien avec le spiri- la spiritualité, dont l’art serait le vecteur ? Et qu’en
tuel en dehors d’un religieux qu’elle juge trop dog- est-il de ses contemporains ? Si le sacré est ce qui
matique, sacraliserait davantage l’argent et le profit. permet d’accéder à un au-delà spirituel, Wassily
On peut constater, comme le psychiatre John E. Kandinsky, peintre et théoricien de l’art du
Mack, que l’on a peut-être « jeté le bébé spirituel avec XXe siècle, définit l’artiste comme le prophète et
l’eau du bain du religieux ». Aujourd’hui, et tout au l’œuvre d’art comme le véhicule mystérieux. Pour
long des deux derniers siècles, l’art et le spirituel lui, l’artiste participe à l’élévation spirituelle de la
ont joué à colin-maillard. Pourrait-il émerger alors société, dont le déclin matérialiste provoque la
un « sacré-profane » qui relierait l’homme au spiri- perte de l’âme. Même si cela passerait, selon lui, par
tuel, dans une dimension plus vaste que le religieux, une séparation d’avec le beau et la nature. Étrange
créant ses propres codes et cultes ? chemin que celui de l’homme, voué à ne chercher
Paul Valéry, dans sa conférence « Nécessité de la qu’en lui et en son âme la résonance du subtil. C’est
poésie » témoigne, en 1937, de ce qu’il pressent ce que pensait Niesztche : « L’art est la métaphysique
comme la spiritualité de l’œuvre, en l’occurrence la humaine. » Pour sûr qu’aujourd’hui, l’art étant
poésie, émergence d’un mouvement qui débute fin avant tout celui de l’idée, prévalant à l’esthétisme, il
XIXe, expliquant que lui et ses pairs avaient « […] la ne tardera pas, ainsi que son artiste, à justifier son Page de gauche :
Un Centre par Wassily
sensation immédiate qu’il s’en fallait de fort peu qu’une existence, fût-elle plus terrestre que céleste. Kandinsky, 1924.
A
près avoir exploré la outil à moi. Cela a été un vrai combat Je crois que tout est relié et que nous
scène populaire de au début parce que j’étais mon pire sommes tous créatifs, mais qu’il faut sa-
Danse avec les stars, fait censeur, mais je mesure la chance que voir écouter son intuition et être dépassé
deux shows avec Les j’ai de pouvoir m’exprimer. C’est une par ce qui arrive. Ce n’est pas contrô-
Enfoirés et joué dans la responsabilité, un devoir en somme, de lable... C’est comme un rendez-vous
comédie musicale Le Roi Soleil en tenant partager des choses importantes, surtout tous les jours, comme si j’envoyais
le rôle principal, Emmanuel Moire sort à notre époque bousculée. Les gens sont à l’univers « je suis là, je m’occupe du
son cinquième album studio. Particula- perdus et tout ce qu’on nous propose est temps de travail et toi, occupe-toi de ce
rité de ce dernier : l’avoir écrit de A à Z, là plutôt pour nous aveugler davantage que je dois recevoir, transmettre ». Cela
musiques et paroles, de quoi se redonner que pour nous éveiller. Alors, j’ai besoin paraît mystique, mais moi j’adore ! J’ai
une voix, un chemin. L’album s’appelle de me sentir utile, sans prétention au- l’impression que si les sujets t’arrivent,
Odyssée, comment ne pas y voir, au-delà cune, et pour cela j’utilise mon travail, c’est parce que c’est à toi de les traiter en
de la mythologie qui le fascine, un re- mon écriture. ce moment, il y a des rendez-vous, des
gard particulier sur le destin, et l’envie J’ai eu un déclic quand je me suis mis instants où la lumière est sur toi, où tu
d’en savoir plus... à écrire. Plus j’écrivais des choses qui peux partager les choses qui seront utiles
me semblaient importantes en enlevant au monde ! Je médite tous les matins,
Cet album Odyssée est un peu un l’ego, plus je me sentais en plein dans j’ai besoin d’avoir une sorte de lavage de
album concept. Vous avez tout écrit, ma mission de vie. En ayant cette en- la veille, des choses qui m’ont pertur-
c’était important pour vous ? vie d’aller à fond dans l’écriture, je me bé pendant mon sommeil, de faire un
Avant, je travaillais avec un auteur, mais suis éveillé... Et en même temps, j’ai peu un check-up et de me reconnecter à
en avançant je me suis dit qu’il fallait l’impression d’être juste un vecteur, j’ai moi, à mon énergie. Là, je vais me sen-
que je m’exprime avec mes propres le sentiment que cela m’échappe, me tir complètement disponible. Ensuite,
mots, en me confrontant à l’écriture et dépasse, que mon rôle est d’être le plus je suis frais pour écrire et composer.
PHOTOS : LORENT KOSTAR
sur des sujets qui me paraissaient impor- ouvert et d’écouter mon intuition. Et Et plus récemment, j’ai redécouvert
tants. La musique est une voie de com- après le travail se fait... quelque chose de crucial pour moi, et
munication et je sens que je fais aussi que j’ai ignoré pendant longtemps : c’est
avancer des choses qui ne relèvent pas Comment recevez-vous l’inspiration, la nature. Quand je suis bloqué, je vais
uniquement de la musique. C’est mon comment créez-vous ? faire une balade en forêt. La première
mations extérieures... C’est dommage, la mort de mon jumeau m’a réconcilié connectés. Même si cela paraît un
parce qu’on est facilement dans le juge- avec la mort. Bien sûr, il y a une part peu improbable, parce que rien ne le
ment, on est conditionné et coupé de la de souffrance à gérer, mais maintenant prouve. Finalement, je me suis aperçu
nature, des éléments, des saisons etc... j’essaye « d’accueillir » la mort, la fin des que j’étais très aligné, alors que je me
Alors qu’on n’est pas là par hasard... choses et le départ des gens. Je crois que pensais perdu ! J’étais juste feignant et il
fallait que je me mette en action et que semble le plus difficile aujourd’hui : vivre Peut-être votre prochain
j’accepte, que j’utilise mes capacités, les choses en pleine conscience et ne pas album sera-t-il encore plus spirituel,
sans m’excuser de le faire. Et si c’est se laisser emmener par les courants. Moi, après la Mongolie ?
singulier, ce n’est pas grave. En rentrant j’ai fait ce choix-là de travailler très tôt sur C’est sûr que je me rends compte que
de ce voyage, j’avais l’impression que moi, de faire une vraie thérapie sur mon lorsque je suis coupé d’une forme de
ce que j’avais vécu avant remontait comportement, mes pensées, faire le mé- connexion spirituelle, lorsque je ne
tout à coup. Je ne saurais pas dire quoi, nage sur les choses que je porte, les choses l’entretiens pas ou que mon entou-
comme si je me reconnectais avec qui m’appartiennent, celles qui ne m’ap- rage au quotidien m’en coupe, si je ne
une vie d’avant, et en musique, cela partiennent pas, mais à ma famille, au suis pas en contact avec elle, eh bien
m’amenait vers quelque chose de plus bagage transgénérationnel. J’ai fait ce tra- je ne crée pas. Assez rapidement, je ne
universel, en connexion avec d’autres vail, ce qui m’évite de porter un masque, me sens pas très bien. Je n’ai plus
peuples, d’autres civilisations, d’autres car je ne me sens pas en danger quand on d’énergie qui circule... Donc pour
époques. Cela a ouvert des portes de me parle dans l’intimité, quand on vient moi, c’est assez fort. J’ai besoin de
perception. On arrive ici, on n’est pas me parler de choses profondes, et je me cette spiritualité, cette profondeur,
vierge du tout ! présente ainsi. cette connexion à d’autres choses.
Peindre
L’ÂME
Alexandra Soulard, alias Ax-elle, peint sur toile, sur papier, mais aussi sur
la peau. Grâce à ses dons de médium, elle capte des informations qu’elle
retranscrit sur support ou à même le corps. Des messages transmis par les
âmes ou par des guides, que ses pinceaux offrent à ceux qui la consultent.
Par Melanie Chereau
P
eintre depuis l’enfance, monde et dans l’être. Je reçois, comme
puis maquilleuse pour le si j’étais un médium des mondes sub-
spectacle vivant, Alexan- tils. Je vois des images, j’entends des
dra, rebaptisée Ax-elle par noms ou des phrases, et je ressens »,
Manfred Thierry Mugler lors de explique-t-elle. Parfois, elle entend
la création de son spectacle, dans des indications comme « mets cette
lequel elle agissait en qualité de peintre maquil- pierre ici, fais résonner le bol de cristal », car elle
leuse, se spécialise aujourd’hui dans la peinture utilise également les minéraux. Pour elle, ses pein-
spirituelle. Clairvoyante, clairaudiente et clairsen- tures « soignent » quelque chose, accompagnent,
sitive, elle reçoit des messages depuis toujours, et ont un message en elles. Sans même se rendre
les sublime en art. Ses tableaux sont « agissants, compte de leurs sens, elle ajoute des « signes »
vibrants » et touchent ceux qui les contemplent, qui se sont révélés être des symboles chinois ou
comme s’ils avaient une mission en eux-mêmes. araméens, sans qu’elle ne connaisse ces langues.
Les peintures qu’elle fait sur le corps révèlent la Quelques symboles kabbalistiques sont également
personne qui les porte. Ses peintures d’âmes faites apparus sur ses toiles. Elle entretient, par ailleurs,
sur papier apportent des messages aux consultants. un rapport particulier avec celles qu’elle commer-
Depuis quelques années, Ax-elle affine sa méthode, cialise.« Parfois, un tableau ne va pas se vendre, et je
apprend à décoder les informations qu’elle reçoit et ne sais pas pourquoi, raconte-t-elle. En fait, certains
les transmet par la peinture et par les mots, afin de mes tableaux restent chez moi, car leur énergie
d’aider les êtres à se révéler à eux-mêmes. soigne. Ils ont besoin de m’accompagner et, quand
leur travail sera fini, ils partiront. » Son projet est
La peinture vibratoire également de créer des espaces d’exposition/médi-
tation, où le public pourrait s’installer face à une
Pour Ax-elle, la peinture est vibratoire, car les cou- toile. Il se laisserait toucher par celle-ci puis en re-
leurs ont elles-mêmes leur propre vibration. De partirait chargé de toutes ses ondes positives.
la même manière que les chakras (portes énergé-
tiques) que nous portons tous en nous rayonnent La peinture d’âmes
de leur couleur associée, la peinture peut, par ses
mélanges, transmettre une information au corps Lors d’un salon où Ax-elle expose son travail, elle
qui la reçoit. Lorsqu’elle peint, elle se laisse gui- tente une nouvelle expérience en proposant aux
der par une forme de transcendance : « Sans même visiteurs de peindre en face d’eux une petite œuvre
réfléchir, je peins les formes fractales qui sont dans le sur papier. Habituée à « recevoir » des messages en
teinte en rajoutant de la matière. « Ax-elle m’avait painting, sans que j’en ai parlé à Ax-elle, des motifs
demandé de venir à la séance avec une intention par- asiatiques sont apparus. Or j’ai des origines japonaises
ticulière si je voulais. Je me posais des questions très qui ne se voient pas vraiment sur mon visage. Mais
Avec les femmes
enceintes, c’est
comme si je
peignais le jardin
spirituel de
l’enfant, l’âme
de l’enfant.
À l’origine, le parfum était sacré. Offrande aux dieux, il créait une connexion entre les
hommes et le divin, grâce à ses matières nobles. Valérie Demars renoue avec cette tradition
et compose ce qu’elle nomme des « parfums soins » pour révéler la déesse qui est en nous…
D
ans le jardin de sa grand- odeurs sont recréées chimiquement
mère, là où elle découvre et environ trois parfums sur quatre
les plantes, les fleurs, les contiennent des perturbateurs endo-
odeurs, Valérie décide criniens. Ce sont les dénaturants de
qu’elle sera parfumeuse. Elle a douze l’alcool comme les phtalates ou autres,
ans. Ses études la mènent à la cosmé- ainsi que les filtres chimiques tels que
tique, tout d’abord industrielle, où les benzophénones introduites pour
elle apprend les bases du métier. Après protéger la couleur du « jus », pour
plusieurs années passées dans la cos- avoir de l’orange, du bleu ou du rose,
métique industrielle, Valérie quitte la afin que le colorant tienne. Un jour,
région parisienne pour La Rochelle, Valérie fait une mauvaise otite qui
dans le souhait d’élever ses enfants nécessite une hospitalisation, un état
plus près de la nature. Elle entre alors grave proche de la méningite infec-
dans le groupe LEA Nature, ce qui lui tieuse. Elle perd l’usage d’une oreille.
permet de se former à la cosmétique Elle doit réapprendre à marcher, car
biologique et naturelle : « Un nouveau l’audition est liée à l’équilibre, mais
pan s’est ouvert, avec l’envie de remettre surtout elle revoit ses priorités. C’est
les belles matières naturelles au cœur des décidé, elle franchit un nouveau cap,
formulations. En même temps, l’expé- celui de renouer avec son rêve d’en-
PHOTOS : SYLVIE CURTY / STÉPHANIE TÉTU
venaient de naître. La créatrice utilise de cet aspect spirituel insufflé par sa minéraux dans les parfums. « Les mi-
95 % de matières pures et naturelles, connexion à sa grand-mère, elle re- néraux ont une vibration très forte, qu’ils
comme les huiles essentielles, de l’al- tourne à l’église : « J’ai beaucoup pleuré vont transmettre aux parfums par l’in-
cool de blé bio, mais aussi une eau de dans les églises et j’accepte maintenant termédiaire de l’eau, qui est aussi énergi-
source sacrée et familiale, issue d’un cette part de l’au-delà. Dieu, l’univers, la sante, empreinte de sa mémoire… C’est
village du Loiret en France : « Un jour lumière, l’esprit… on l’appelle comme on comme si c’était une évidence lorsque
où je me recueillais auprès de la source, veut, mais lorsque je me connecte à cette je reçois l’inspiration », raconte-t-elle.
je reçois un message : “Il faut mettre lumière, la paix arrive dans mon cœur Utilisés en élixirs, leur taux vibratoire
cette eau dans les parfums” ! En bonne et je peux “recevoir” mes idées créatives. » a une action sur la personne qui porte-
scientifique, j’ai d’abord ignoré ce qui Les synchronicités guident aussi ses ra ensuite le parfum. Valérie crée éga-
se passait. C’était comme une informa- pas. Lors de la première rencontre avec lement une nouvelle collection (Élixir
tion qui venait à moi, difficile à décrire. la communauté des sœurs qui réalisent de parfum de Aimée de Mars), dans
Quelques mois après, le message est re- la préparation de commandes du site laquelle le quartz est directement mis
venu, puis une troisième fois… J’ai eu internet, la mère supérieure se pré- dans le flacon. Lorsqu’elle compose,
l’intuition de me sentir guidée par ma sente : « Je suis mère Marie-Aimée »… elle associe des éléments, se laisse gui-
grand-mère Aimée », témoigne-t-elle. Pour Valérie, le plus difficile est d’ac- der par les rencontres, les informations
Elle cède donc à l’injonction, utilise cepter tout ce qu’elle reçoit, de s’ou- qu’elle perçoit par ses canaux ou lors-
l’eau de cette source pour ses créations vrir, d’admettre qu’elle n’est pas « per- qu’une fleur croise sa route à plusieurs
et apprend à écouter ces « messages » chée », que tout cela arrive vraiment… reprises… « Aujourd’hui, j’encourage
qui lui parviennent. Lorsque l’on est scientifique et carté- chacun à écouter son intuition. On va
sienne, ce n’est pas facile d’appréhen- plus vite et c’est merveilleux d’y accéder,
Une création inspirée der cette nouvelle réalité. « Il a quand mais il faut l’accepter : c’est possible et ce
même fallu que je perde l’audition, telle- n’est pas n’importe quoi. Je compose mes
L’étape suivante sera de se réconci- ment je ne voulais rien entendre ! Main- parfums à travers cette écoute, car mon
lier avec sa foi. D’origine catholique, tenant je suis plus à l’écoute ! », s’amuse- rêve est de parfumer le cœur des gens afin
elle avait fui la religion, qui la mettait t-elle à expliquer. « Recevoir » des idées qu’ils s’ouvrent à leur propre divinité »,
en colère. Mais en se rapprochant créatives, c’est par exemple mettre des conclut-elle.
DIVINITÉ
« SUR MESURE »
Nathalie raconte sa rencontre avec
le parfum Divine Isis : « Renouant
avec ma féminité grâce à Divine Isis,
c’est un voyage étonnant qui m’a
embarquée alors, une renaissance
inespérée dans les fragrances, la
magie des huiles essentielles. Petite
fille, j’avais glissé mes petits pieds
dans les escarpins maternels, déposé
un peu maladroitement du rouge sur
mes lèvres et mis un peu de sent-
bon derrière les oreilles. Maman,
Le principe divin
de retour du travail, s’en offusqua
faut laisser aller son ressenti. Le parfum
et voulut effacer diligemment les
Sur certains vestiges pharaoniques, on agit sur l’émotionnel, sur le cerveau repti-
traces de ce jeu que je m’étais plu
retrouve les premiers parfums créés en lien, le cerveau animal, donc ça ne passe
à peaufiner (…) Aujourd’hui, 40 ans
Égypte aux environs de 4 600 av. J.-C. pas par la raison, c’est du ressenti », pré-
après la déconvenue enfantine,
Seuls les prêtres avaient accès à ce sa- cise-t-elle. Chaque femme, à différents
Divine Isis, m’enveloppant d’amour
voir raffiné et utilisaient des fleurs sé- moments de sa vie, a plus ou moins
sans condition, laisse aller ce mot
chées ainsi que des billes d’encens envie d’exprimer telle ou telle émotion.
associé au parfum, cette insinuation
qu’ils enfermaient dans les tombes. Le Chaque note olfactive va correspondre
et humiliation, le soufre libéré… Les
parfum était censé accompagner les à une couleur, une plante, un quartz et
années de séparation avec cette mère
morts auprès des dieux, les corps soutenir une émotion comme la joie,
se dissolvent. Un amour point pour la
étaient embaumés d’essences faites l’amour, la confiance… « Mon but est
mère, pour toutes les mères. Et à l’aube
d’huiles et de graisses, de racines et de que la femme retrouve l’odeur des vraies
de novembre, une image me réveille
plantes macérées. Ce message aux plantes, donc le message et la vibration de
en sursaut : la certitude que, ce jour
dieux, Valérie en a connaissance et lors- la plante, vivante et vibrante, là où un
même, je lui parlerai. Sur le coup de
qu’elle compose sa collection, elle asso- parfum synthétique est mort et ne peut
midi, un message adorable arrive…
cie, en cohérence, un certain nombre pas correspondre à la personne… C’est
C’est elle, après tant d’années. Je
d’éléments spirituels autour d’un par- comme la différence entre des produits
l’appelle sans attendre. Enfin conciliées,
fum. « Les Égyptiens créaient des par- frais du marché et la cuisine industrielle.
réconciliées, d’intimité tendre. Et me
fums pour se connecter aux dieux, en of- Le parfum va nous connecter à la nature
voilà libre de m’aimer, libre de l’aimer,
frande, pour un échange avec le divin. et donc à notre vraie nature… », précise-
libre d’aimer comme la femme sait
C’est pour cela que j’aime travailler avec t-elle. La déesse Pétillante Aurore, qui
aimer. J’aime et me sais Aimée. Merci à
les matières sacrées comme l’encens, la ouvre les portes du jour chez les Ro-
ce parfum en essence alchimique… »
myrrhe, le benjoin, toutes les sèves sacrées mains, apportera la joie et la bonne
qui nous transportent, le santal… Je veux humeur, notamment grâce à la berga-
faire des parfums qui sentent bon, bien mote et la fleur d’oranger. Divine Isis,
sûr, mais pas que… je veux qu’ils aient la déesse qui connaît son féminin sacré,
aussi une action de bien-être, et sans sera liée à la spiritualité et la création, là
doute davantage… », explique Valérie. où Indomptable Cybèle marquera l’an-
Ainsi, chaque parfum de sa collection crage, avec des notes issues du cèdre et
porte le nom d’une déesse mytholo- du patchouli et le rouge du chakra ra-
gique et est associé à une couleur, un cine… « Les parfums vont révéler tous
chakra – un centre énergétique –, un ces éléments chez la femme pour les accep-
PHOTOS : SYLVIE CURTY / STÉPHANIE TÉTU
minéral et une note expressive d’émo- ter pleinement, elles sont accompagnées.
tion. Le mandala dessiné sur la boîte C’est l’idée de l’aroma-parfumerie, l’al-
reprend les archétypes associés à la liance de la parfumerie et de l’aromathé-
déesse. Valérie propose de suivre son rapie, unissant le principe actif des
instinct, de choisir une couleur, ou plantes, l’émotionnel et une part de di-
plus prosaïquement de répondre à un vin. Je crée aussi des parfums sur mesure,
questionnaire sur son site, afin de choi- une vraie rencontre entre la femme et son
sir celui qui nous correspondra. « Il parfum », conclut l’artiste.
1 million
de lecteurs
déjà
conquis !
En libraire
le 18 septembre
6,70€
A
près un début de parcours professionnel Conception vibratoire
dans la presse, Virginie Gosselin-Février et holistique du monde
ressent l’appel de l’art, qui lui « intime »
de s’exprimer. Cette passion n’est pas L’origine du « pointillisme » de la peinture abori-
nouvelle, car elle a suivi un cursus universitaire en gène est surprenante. Les experts expliquent qu’il
histoire de l’art, arts plastiques et communication, vient des débuts du mouvement, contemporain des
dans le but de faire du journalisme. « Étudier les années 1970. Les peuples du désert ont été parqués
œuvres m’a sauvé la vie. À l’adolescence, quand j’ai pendant une vingtaine d’années dans un « camp de
découvert les artistes et le monde de la création, je me sédentarisation ». Privés de leur territoire et surtout
suis sentie beaucoup moins seule dans mes univers in- de leurs lieux sacrés, les Aborigènes ont accepté, à
térieurs. L’art a donc toujours été là, mais je ne me la demande de quelques Occidentaux bienveillants,
sentais pas moi-même artiste », raconte-t-elle. Après de tracer leurs motifs sacrés et secrets sur des maté-
un premier voyage en Australie, elle se découvre riaux pérennes et transportables. Mais comme ces
fascinée par la culture aborigène. Des années plus représentations allaient leur échapper, les premiers
tard, au retour d’un énième séjour, l’appel se fait peintres ont « noyé » leurs motifs dans les points
plus pressant. « En 2012, j’ai eu envie d’avoir une pour les rendre moins perceptibles. En apprenant à
toile aborigène chez moi, mais comme je n’en avais pas ne montrer que la partie profane de leur dreaming,
les moyens, j’ai décidé de la faire moi-même sur des ils furent progressivement plus à l’aise et gardèrent
PHOTOS : LIONEL PESQUÉ
supports en carton en faisant des petits points… Bien le pointillisme, dont l’aspect hypnotique leur plai-
sûr, c’était assez médiocre, mais j’étais fière de me lan- sait. En effet, il correspondait à leur conception
cer et c’est très vite devenu dévorant. J’ai quitté Paris vibratoire et holistique du monde(1).
pour avoir un atelier et je me suis demandé si je voulais « Bien sûr, il n’était pas question pour moi de vouloir
vraiment devenir peintre. Pourquoi pas ? » faire de l’art aborigène, précise Virginie. Je suis auto-
(1) www.peintureaborigene.com/article-pourquoi-le-
pointillisme-99367073.html
(2) storiesandstructures.micro.org.au/
L’au-delà
des mots
Romancière branchée sur l’âme du monde, Frédérique Deghelt
est une « sourcière ». Son écriture connectée, aussi médiumnique
que poétique, puise aux profondeurs de l’inconscient et aux signes du ciel.
Auteure fantastique, elle déplace les frontières de la normalité
et questionne sans fard notre humanité.
Rencontre avec une plume envoûtante. Par Carine Anselme
L
’appartement de Frédérique ces derniers lui racontent, dit-elle, ce
Deghelt, qui ascensionne qu’elle ne savait pas entendre... Les
vers Montmartre, est à son murmures de l’inconscient, les dialo-
image. Pousser les portes de gues avec l’invisible, les signes sur le
son antre donne l’impression d’en- chemin. Ce qui rit, danse, doute et
trer dans les Histoires extraordinaires saigne dans nos âmes.
d’Edgar Allan Poe. Les plantes, luxu-
riantes, dévorent le décor qui ressemble davan- Un cri d’humanité
tage à un jardin-monde extraordinaire qu’à une Dans son dernier ouvrage, Être beau, Frédérique
demeure parisienne. Des objets symboliques, ici Deghelt, mère d’un enfant différent, va un cran
et là, racontent son riche itinéraire, jalonné de plus loin dans ce corps à corps avec notre condi-
voyages, qu’ils soient vers l’ailleurs ou intérieurs. tion humaine. En cocréation avec la photographe
Nature, imaginaire et mystère : les clés de voûte Astrid di Crollalanza, elle donne image et parole
de l’univers de cette romancière sont matérialisées, à des individus qui ont en commun de ne pas être
là, sous son toit. Ce lien au (sur)naturel plonge ses dans la « norme ». « Ceux que nous appelons “han-
racines dans l’enfance. « Quand j’avais douze ans, je dicapés”, sans jamais donner à ce mot une définition
sentais déjà, quand j’étais immergée dans la nature, autre que celle d’un manque. Or, ce qui sort du cadre
une longue plainte intérieure s’élever au cœur de ma nous offre une découverte. » Au travers de dix-huit
poitrine et m’inonder les yeux. Je m’interrogeais : faut- portraits sensibles, on y découvre, bouleversé,
il prendre son âme à bras-le-corps pour pouvoir un que l’extraordinaire n’est pas toujours là où on le
PHOTOS : ASTRID DI CROLLALANZA
jour en être le capitaine ? » Au fil de ses romans, La croit... Et qu’être beau, c’est être soi. Le jour de
Vie d’une autre (porté à l’écran par Sylvie Testud), notre rencontre, Frédérique Deghelt a failli lou-
La Grand-mère de Jade, Les Brumes de l’apparence per le rendez-vous. Non qu’elle l’ait oublié, mais
ou encore Libertango, pour ne citer qu’eux, elle ne elle est allée reprendre son souffle tant ce projet
cesse de prendre à bras-le-corps, à même le cœur, la prend aux tripes. Ce souffle dont elle nourrit
l’âme. La sienne et celle des autres, lecteurs mais son écriture. « Le souffle s’expatrie sur la feuille, mots
aussi personnages de papier. Plus vrais que nature, en exil, émotions en partance. Transe et joie s’y re-
Éd. J’ai Lu seulement ce qui apparaît, ce que conte qu’un de ses amis a de-
2017, 7,10 €
l’on donne à voir », philosophe mandé à (feu) Jim Harrison la
Frédérique Deghelt. Et de nous définition d’un écrivain. Ce
partager que c’est son fils, Jim, dernier lui a répondu : « C’est
qui a éveillé ce qui était déjà là, dans l’air, comme un chamane avec un attaché-case. » Même si l’atta-
souvent lorsqu’elle écrit, funambule sur le fil ténu ché-case est passé de mode (!), rien ne peut mieux
de l’invisible, captant les synchronicités... « Dans définir cet art qui passe par la transe pour trans-
la voiture, j’explique à Jim, onze ans, pourquoi nous former en mots l’indicible. « Ce qui préside à l’écri-
faisons des recherches génétiques sur l’origine de son ture d’un livre est très mystérieux. On crée avec ce qui
La Vie d’une autre
Frédérique Deghelt
handicap – son infirmité motrice cérébrale pouvant vient », lance cette auteure à l’écriture connectée.
Éd. Le Livre de Poche aussi venir d’un virus contracté durant la grossesse. « En état de grâce avec le hasard, de manière à ce
2010, 7,10 € Jim me dit : “Oui, c’est ça. Moi, j’étais normal dans que se passe quelque chose », disait André Breton.
ton ventre et tu as attrapé une maladie.” Je lui de- Dans son roman, Les Brumes de l’apparence, son
mande : “C’est quoi être normal ?” Et il me répond : héroïne, Gabrielle (un ange passe...), plongée
“C’est être beau et pas baver !” » Ce fut le coup d’en- dans une vie citadine, matérialiste à souhait, hé-
voi, magistral, du projet Être beau. Auparavant, rite d’une masure en pleine nature, dans un bois
pour résonner avec Luis – son héros du roman doté de pouvoirs, et (se) découvre, incrédule, des
dons de médiumnité auxquels elle résiste. « D’une
certaine façon, on vit tous des trucs bizarres, qu’on
accepte ou qu’on refuse. Ce qui m’intéresse, c’est com-
De nos fêlures faire de l’or ment on passe à l’intérieur de l’âme. L’âme, c’est soi
ou l’autre soi. Gabrielle est en lien avec l’au-delà.
En résonance avec le thème de notre hors-série, Frédérique Mais ce n’est pas un livre ésotérique ; ce n’est pas du
Deghelt nous partage qu’en écrivant Être beau, elle s’est paranormal, c’est du normal. Il est important d’être
beaucoup posé cette question de connexion, d’inspiration. à l’écoute des petits signes, connecté à soi et l’au-delà
« Car les êtres différents ont une chose en commun, une de soi – des conversations avec les morts, des âmes qui
forme d’humanité qu’ils ont de fait et que nous passons par- se promènent dans la nature. » Serait-elle médium ?
fois notre vie à conquérir. Même un handicapé qui ne fera « Vous savez, dès qu’on touche à la création, on de-
rien de spécial dans sa vie, un être cloué au fond d’un lit, fait vient une sorte de médium. Écrire est un état modifié
une chose très difficile et presque impossible à réaliser pour de conscience. Soudain, on n’a plus de peau, on est
un valide : il fait changer tout le monde autour de lui. » Tel vulnérable et c’est ce qui permet de sentir ce qui sur-
est l’enseignement phare de ce livre bouleversant d’humanité git. Cela explique aussi pourquoi il arrive de déployer
qui jamais ne pactise avec la pitié : ce qui sort du cadre nous des sujets semblables avec d’autres écrivains, d’autres
offre une découverte, extraordinaire, qui (nous) pousse à la artistes, au même moment. C’est le cas, actuellement,
transformation. « Le séisme, on ne sait pas toujours où il se avec le handicap, dont on parle beaucoup plus et qui
trouve », souligne Frédérique Deghelt. alimente séries, films et livres. »
D
ans la salle où l’artiste iranienne sa danse. La jeune femme part en Iran se
Rana Gorgani s’apprête à don- former aux danses traditionnelles persanes,
ner un atelier de danse soufie, et travaille d’arrache-pied avec son maître.
l’atmosphère est empreinte du En 2009, elle crée sa compagnie l’Œil Per-
bruissement à venir du tournoiement des jupes, san et transmet sa culture, mais la mue n’en était
celles que la jeune femme dépose sur le sol, à l’at- qu’à ses prémisses. Si chacune de ses créations ré-
tention de ses élèves pratiquants. Sobrement vêtue sonne de son aspiration artistique, elle consacre
d’une robe noire couvrant la totalité de son corps, toutefois un court temps à la traditionnelle danse
et qui pourtant ne parvient pas à assombrir sa ra- soufie, où elle « tourne » dans une robe spéciale-
dieuse présence, Rana Gorgani dégage à chacun ment confectionnée par sa tante. Lors d’une per-
de ses mouvements une aura mystique, palpable. formance, un chorégraphe contemporain lui fait
Retour sur le parcours d’exception d’une artiste un retour déterminant : « Le derviche est en toi ! »
engagée, et sa pratique singulière. Un véritable déclic. Elle prend la décision de s’y
La première question qui se pose, c’est comment investir pleinement, alliant tradition et innova-
est-elle devenue une danseuse soufie, une place tion artistique. « Je n’ai pas choisi de transgresser,
jusqu’ici réservée aux hommes ? « Parce qu’on me de prendre une place jusqu’ici réservée aux hommes,
l’a demandé. C’est une place que je n’ai pas prise, c’est avant tout une transmission », précise-t-elle.
elle m’a été donnée », répond Rana Gorgani. L’ar- Au-delà de la performance, sa danse est spirituelle
tiste compare son parcours à celui du caillou que et le public répond présent, tout comme les élèves
l’on jette à la surface de la mer, créant alors une pratiquant dans ses ateliers.
onde d’où est née une vague immense, à son insu.
« Dans la poésie soufie, l’océan est le symbole de La danse de l’âme
l’Amour », ajoute-t-elle. Si aujourd’hui la danse
est toute sa vie, cette évidence s’est imposée peu à « Dans la pensée soufie, il y a plusieurs étapes. La
peu, au fil du temps. Tout d’abord, sa formation première est l’acceptation du fait que je ne suis rien »,
en art dramatique ne la gratifie pas du succès es- pose d’emblée Rana Gorgani, alors que nous
PHOTOS : TINGTING WANG
péré et c’est à l’issue d’un spectacle qui se clôture sommes assis autour d’elle, en cercle. Tourner se
par trois minutes de danse iranienne que sa car- prépare, le corps est le véhicule de l’âme, c’est à
rière prend un nouveau tournant. Les retours du celle de chacun de nous que l’enseignante s’adresse,
public sont unanimes : nombreux sont ceux qui nous livrant les secrets du Hitch. En langue arabe,
témoignent avoir été littéralement subjugués par le rien se nomme le Hitch ; c’est le cinquième élé-
Ma
spiritualité
est au service
de mon art !
Comment placer ses pieds C’est le moment de porter la La session se clôture par une méditation
pour tourner, ses bras pour jupe, et d’explorer librement. commune, un chant soufi, en cercle. C’est un
accompagner et symboliser. Chacun pratique à son propre temps pour contenir tout ce qui a été traversé,
Si tourner est possible sans rythme, en ramenant ce qu’il a reçu, dans l’amour, le partage. Une prière, où il
technique, atteindre l’extase appris, vécu, dans sa danse. est proposé de faire un souhait, et d’ouvrir la
est une pratique qui s’acquiert. possibilité qu’il soit entendu.
de purification, qui s’opère lors de la levée des voiles », selle pour permettre un dialogue interreligieux.
ajoute l’enseignante. Concrètement, il s’agit de Ses créations sont emblématiques d’une profonde
nos peurs, des chocs, des souvenirs douloureux liberté, qui anime chacune de ses performances.
qui se présentent. Notre corps se souvient et parle, Rappelons que le simple fait qu’elle soit une
mettant à jour nos zones d’ombres, les obstacles femme qui « tourne », une place réservée aux
à notre lumière. La danse amène des états émo- hommes, est un défi qu’elle relève à chaque ins-
tionnels très forts. Son conseil : « Si on accepte de tant. Dans la tradition, le pouvoir religieux peut
recevoir ces états, de les dépasser et de persévérer, alors être dérangé par la femme. Au fil des ans, on a
les voiles tombent. » Sur le parquet de danse, les imposé aux soufis de respecter la charia, les lois
stagiaires vivent chacun leurs aventures intérieures, islamiques, où il est dit que lors des pratiques spi-
entre colère, impuissance, tristesse, alternant avec rituelles, les hommes et les femmes doivent être
l’euphorie, la joie, qui sont au rendez-vous. « Par- séparés. Par ailleurs, les femmes ne peuvent pas
fois, j’oscille entre pleurs ou rires irrépressibles, parfois s’exprimer en public devant un homme qui n’est
un sentiment de partage m’emplit d’une joie immense pas proche par les liens familiaux. C’est pourquoi
et annihile tout sentiment de haine ou d’orgueil », on voit très peu de femmes. Mais en réalité, il y
confie Didier. « Plus on pratique, plus on est apte à en a ! « Bien sûr qu’une femme tourne… », ajoute-
vivre cette traversée, singulière pour chacun », nous t-elle, une lueur déterminée dans le regard. Bien
encourage l’artiste. plus que le goût de la transgression, c’est avant
tout celui de la liberté qui domine, que Rana
« Ma spiritualité est au service de mon art ! » Rana Gorgani nous transmet. Devant le déploiement
Gorgani ne s’inscrit pas dans une simple trans- de sa jupe et de ses tours hypnotiques, l’âme de
mission de la tradition ; elle a choisi, par la di- chacun de nous aussi se libère, et avec elle notre
mension chorégraphique, une vision plus univer- désir ardent d’extase…
I
l y a ce tableau de Robert Venosa, d’énergie. Par ici, un colibri dont elle
où un arbre occupe toute la toile. donne à voir la connexion au végétal et
Ample, solide, il ressemble à celui sous le bruissement d’ailes ; par là, une allégorie de
lequel Bouddha trouva l’éveil. L’œuvre ne la Mère universelle… De son enfance au Ca-
le représente toutefois pas tel qu’on pourrait le meroun, l’Allemande a gardé une sensibilité pour
voir dans n’importe quelle peinture de paysage. un féminin assumé et ancré. De son expérience
Avec élégance et minutie, sur un ciel indigo, Ve- de la méditation et des voyages chamaniques, elle
nosa peint d’un fin filet blanc l’essence même de esquisse un portrait des confins de la conscience.
l’arbre, le parcours secret de l’énergie qui l’irrigue, « Regarder en soi révèle de nouvelles frontières, es-
des racines à la pointe des feuilles. Décédé en time-t-elle. Mes tableaux rendent visibles les états les
2011, le peintre américain fut l’un des maîtres plus subtils de nos existences. »
de l’art visionnaire. Ami de Salvador Dali et du
psychiatre Stanislav Grof, il laisse une œuvre où la Depuis 5 ans, Martina Hoffmann partage sa vie
contre-culture des années 1960 côtoie une impa- entre les États-Unis (Boulder, Colorado) et Carnac,
rable maîtrise technique. « Robert étudia avec Mati en Bretagne, auprès d’un autre peintre visionnaire,
Klarwein, pionnier de la peinture psychédélique », le Français Pascal Ferry. Étrangement, c’est d’abord
indique Martina Hoffmann, qui fut sa compagne par tableaux interposés qu’ils se sont remarqués. En
pendant 30 ans. Puis il se perfectionna auprès 2012, alors que Pascal Ferry venait de recommen-
d’Ernst Fuchs, cofondateur de l’école viennoise cer à peindre, après 14 ans passés comme éditeur
de réalisme fantastique. « Ils lui enseignèrent une d’œuvres visionnaires et féériques, on lui demanda
technique picturale nommée Mische Technique », de participer à une exposition de 80 artistes – dont
précise-t-elle. Créée au XVe siècle par les frères Van Martina Hoffmann. « Je connaissais son visage,
Eyck, elle permet, couche par couche, de créer un confie-t-il : des années auparavant, j’avais flashé sur
effet puissant de transparence et de lumière. un tableau de Robert Venosa qui la représentait. »
Elle, en parcourant l’exposition, stoppa net devant
Une fenêtre intérieure une toile. « Qui a fait ça ? », s’enquit-elle, trou-
blée par la façon dont le peintre parvenait à rendre
Transparence, lumière… Deux termes qui collent « cette énergie », cette lumière dans l’ombre… « Ça
PHOTOS : FERRY&HOFFMANN
aussi au travail de Martina Hoffmann. « Petite, je m’a fait des frissons », dit-elle. C’était Pascal Ferry.
faisais beaucoup de rêves lucides et j’étais très connec-
tée à la nature », raconte-t-elle. Guidée depuis Leurs œuvres, pourtant, se nourrissent de cou-
toujours par une voix intérieure, elle trace sur la rants différents. Martina Hoffmann était une
toile les contours d’un monde peuplé de symboles, amie d’Albert Hofmann, le chimiste qui inventa
de déesses, d’esprits de la nature et de faisceaux le LSD. Elle a enseigné en Californie à l’Institut
Mes tableaux
rendent visibles
les états les plus
subtils de nos
existences.
Martina Hoffmann
PHOTOS : FERRY&HOFFMANN
C
e don lui est apparu lors d’être accompagnées par cet Esprit-guide
d’une véritable traversée matérialisé par la poupée », rapporte
du désert, un passage à l’artiste. Leurs « gardiennes », ou nou-
vide. Ex-directrice d’un velles propriétaires, témoignent de
studio photo dans le secteur de la leur pouvoir particulier : « La poupée
mode, elle était en quête de sens pro- m’apaise, elle me guide, me nourrit, elle
fessionnel. « Lasse de me débattre, j’ai protège mon lieu de vie… »
fini par m’en remettre à l’Univers, à la
vie… non sans difficultés », confie-t- Ritualiser et créer
elle. Lleya reçoit la première « pou-
pée » une nuit d’octobre 2016, comme « Ma façon de travailler est ritualisée »,
un appel impérieux. « J’ai toujours été explique Lleya. La jeune femme crée
créative, mais je modelais, sculptais l’ar- un espace sacré, avec des fumigations,
gile, de vrais moments méditatifs. » Avec le son du tambour, pour se mettre en
un sourire amusé, elle confie n’avoir état de conscience modifiée. Ses mains
eu aucune affection pour les poupées, semblent alors douées d’une volonté
étant enfant. Cette étape lui a deman- propre, que ce soit dans le choix des
dé un lâcher-prise total : ne plus rien matières, des pierres, des plantes… La
La poupée porte contrôler, pour accueillir ce qui lui création repose sur un processus inté-
à la fois la partie était offert : « J’avais le sentiment d’être rieur qui passe par le rêve, des visions,
guidée… Une figurine est apparue sous des intuitions, qui peuvent même la
de soi blessée, mes mains, avec les fournitures glanées réveiller en pleine nuit. « Il y a vrai-
PHOTOS : NATHALIE TLILI
enfouie, oubliée, çà et là. » D’autres ont suivi selon un ment une notion de hors temps, la pou-
processus identique, et puis les com- pée arrive quand c’est le bon moment »,
et sa médecine. mandes sont arrivées. « Les demandes s’amuse maintenant Lleya. À la récep-
sont motivées par un appel intérieur im- tion par sa gardienne, un rituel est
périeux. Les femmes formulent un besoin proposé « pour activer son pouvoir, en
D
évoiler son âme, se libérer de la reconstruction d’une fierté individuelle
ses peurs, du jugement réduc- et collective. À l’issue d’une séance inter-
teur que l’on s’impose, oser s’exposer générationnelle, la jeune femme organise une
au regard de l’autre, pour enfin accepter projection pour les villageois. Leurs réactions ont
son essence divine et la laisser s’exprimer dans toute sa radicalement impulsé la direction actuelle de sa
lumière… » Voilà le défi que propose de relever Au- pratique : « J’ai senti le potentiel immense de se voir
rélie Debusschère. Photographe professionnelle de- à travers les yeux de quelqu’un d’attentif et bienveil-
puis une dizaine d’années, elle s’est d’abord consa- lant. » Quelque chose à l’intérieur se redresse au ni-
crée à la photo argentique animalière, puis sociale : veau personnel et, avec elle, toute la communauté.
« J’aime être en lien avec l’intimité des personnes et les
événements marquants de leur vie. » Ses clichés de Une vision sauvage
mariage, ses portraits laissent déjà transparaître sa
dimension humaniste, son œil affûté. « Mon univers est peuplé de loups, d’Amérindiens et
de femmes courant libres dans la forêt », pose d’em-
Un souffle humaniste blée la photographe. La connexion avec cet animal
est à l’origine de sa vocation ; une passion qui date
À l’écoute du destin qui se fraye un chemin au fil de l’enfance et qui va s’exprimer d’une bien étrange
des prises de vue, elle s’oriente vers le tourisme au- façon, alors qu’elle est jeune adulte. « J’avais vision-
tochtone, en tant que consultante. Son objectif : né le film Un homme parmi les loups (1983) sur
rencontrer les peuples indigènes et valoriser leur les loups blancs d’Arctique [adapté du livre Never
culture à travers le tourisme. « J’ai vécu en immer- Cry Wolf de Farley Mowat, 1963, NDLR]. Le soir,
sion pendant six ans dans une communauté autoch- blottie sous ma couverture, allongée dans le noir, j’ai
tone (Atikamekw) au Québec, en alternance avec la vécu une expérience bouleversante. Des larmes cou-
France. » Au cours de ses voyages, lui apparaît le laient sans raison apparente, mon corps s’arc-boutait
pouvoir guérisseur de l’objectif photographique. et là, l’évidence s’est fait jour, je sentais physique-
Son art prend un tournant : mettre en lumière ment l’Esprit du loup. Il prenait sa place dans mon
PHOTOS : AURÉLIE DEBUSSCHÈRE
l’Humain dans sa beauté, sa vulnérabilité et son ca- plexus, en tournant en boule, comme ils le font dans
ractère sacré. « En photographiant chacun d’eux, j’ai la nature pour tasser les hautes herbes. » L’appel est
pris conscience du pouvoir de guérison de l’image », puissant, quasi obsessionnel, et la jeune femme
confie Aurélie. Pour cette population profondé- y répond avec un engagement total : elle part les
ment meurtrie dans son identité culturelle, une observer dans des parcs animaliers et obtient des
simple prise de vue authentique peut contribuer à passe-droits, en France et en Allemagne. « Sans en
facettes, des plus lumineuses… aux plus sombres. encore une maladie qui a éprouvé la famille. Une
Pour déposer et alchimiser une rage, une tristesse, session peut ritualiser le passage pour les adoles-
une colère ancienne, de profondes blessures, l’inten- cents à l’âge adulte. Un moment clé, où le parent
tion est au cœur du processus. Que souhaitez-vous peut exprimer son amour en mots, en actes sym-
transformer, déposer ? Les réponses sont plurielles : boliques et en regards profonds. La photo devient
blessures de l’enfance, ou relationnelles, ruptures, alors le témoin, un support, un réconfort quand le
etc. « J’accompagne cette transformation, cette ouver- quotidien prend à nouveau le pas… Si le rituel se
ture, ce laisser-aller dans les bras de Mère Nature, té-clôture, en partie dans l’écrin de Mère Nature, il
moin du lien retrouvé entre l’humain et la nature... Ce se prolonge à la réception des photos. « Ritualiser
lien indéfectible, que nous avons enfoui… » la découverte ouvre la voie d’une nouvelle naissance
à soi. Il y a souvent de la surprise, de la tolérance
Entre photo et thérapie et de l’acceptation plus tard… » La photographe
conseille de disposer les tirages autour de soi,
Plus récemment a émergé une nouvelle propo- dans des endroits du quotidien, une pièce de vie,
sition de « voyage » : le potentiel extraordinaire sa chambre, son salon, mais aussi en marque-page
des sessions pour résoudre des nœuds d’histoire dans un livre… Ou encore d’y associer une photo
familiale. Seule, sous le regard de soi enfant, de sa mère, de sa
de l’objectif, la personne se fo- grand-mère, pour tisser un lien
calise immanquablement sur transgénérationnel. Ainsi, la
son histoire, son identité. Avec photo n’est pas figée, elle évolue
une autre, que ce soit un père, Difficile de sans cesse avec chacun, infor-
une mère, un fils, une fille, une mant, soutenant, transformant.
sœur… une magie différente s’imaginer Son mantra : « Explorez qui vous
opère ! La séance agit comme à quel point êtes, portez un nouveau regard
une constellation familiale, avec sur vous-même, recréez-vous :
des vertus psychogénéalogiques, nous sommes c’est l’essence même du sauvage,
et un travail sur les lignées se en désamour du vivant ! »
fait dans l’invisible, la nature y
jouant son rôle de guérisseuse.
de nous-mêmes. Si les sessions opèrent une pro-
fonde guérison pour chacun, le
Les motivations des personnes à
tenter l’expérience relèvent d’un
profond désir de faire la paix, processus vaut aussi pour l’ar-
tiste, que son art modèle de l’in-
térieur encore et encore, avec de
d’honorer leurs proches, leurs liens, même si l’his- grandes joies et aussi de nombreux inconforts. L’art
toire familiale est chargée… C’est un espace de est un engagement radical, une profession de foi
PHOTOS : AURÉLIE DEBUSSCHÈRE
pardon qui s’ouvre. Là peut s’exprimer, en toute pour Aurélie Debusschère. La jeune femme au
sécurité, sans avoir peur d’être ridicule, d’être reje- cœur sauvage garde son indéfectible cap, inspirée
té, un message d’amour, la profondeur du lien qui par l’artiste peintre Fabienne Verdier, messagère du
sous-tend chaque famille, cet attachement singu- silence, et la phrase de son maître lui rappelant qui
lier que l’on aimerait fixer pour l’éternité. Aurélie elle est vraiment : « Tu as appris à peindre, ton tra-
partage son émotion lors de séances parents/en- vail est de créer de la beauté, et c’est plus important
fants, que ce soit après un divorce compliqué, ou que tout le reste… »
Une
baguette
magique
Debora Waldman est une alchimiste du geste. Telle une
prophétesse, trait d’union entre le visible et l’invisible, cette
cheffe d’orchestre inspirée (l’une des rares femmes dans un
monde d’hommes) transmute et transmet avec une divine
passion l’énergie de la musique, en connexion intime avec
l’âme des compositeurs. Musique, maestra ! Par Carine Anselme
A
insi soient-elles... Le très peu de mouvements, juste un regard. du son. À 17 ans, elle dirige pour
6 juin dernier, au Kursaal Il faut qu’il se passe quelque chose », la première fois. « Ça a été un choc !
de Besançon, lors d’une partage Debora Waldman. Lors de cet J’ai pris conscience de la force de ce que
soirée dédiée aux compo- instant « décisif », le public perçoit ce l’on pouvait communiquer sans mots »,
sitrices, une onde d’émotion parcourt quelque chose d’ineffable vécu entre confie-t-elle. Elle s’oriente vers cette
le public et les musiciens de l’Or- les musiciens et la cheffe d’orchestre. voie et, passionnée de culture euro-
chestre Victor Hugo Franche-Comté, « Une énergie qui se dégage de la mu- péenne, part se perfectionner à Paris,
au diapason de la baguette d’une De- sique et qui touche tout le monde... » au Conservatoire national supérieur
bora Waldman totalement habitée par Cet état de grâce, Debora Waldman de musique. C’est là qu’elle devient
l’œuvre interprétée. Ce soir-là, après l’a connu à plusieurs reprises. Mais l’assistante du maestro Kurt Masur à
des années de travail et d’engagement elle reconnaît que ce qu’elle a vécu l’Orchestre national de France. De-
passionné, la cheffe d’orchestre ressus- pour cette création mondiale est très puis, Debora Waldman dirige de
cite la compositrice Charlotte Sohy, rare. « J’ai dit en riant aux musiciens nombreux orchestres en France et à
en sortant de l’oubli sa symphonie que nous avons frôlé la perfection, dès la l’étranger, portée par son universa-
Grande Guerre, jamais jouée aupara- première répétition ! » Sans doute l’âme lité ; on a ainsi pu l’entendre, entre
vant (voir encadré). Dès les premières de Charlotte Sohy planait-elle sur la autres, avec l’Orchestre philharmo-
PHOTOS : ANALIA PHOTOGRAPHY / BERNARD MARTINEZ
mesures, d’une gravité solaire, les ins- représentation ! nique de Johannesburg, l’Orchestre
trumentistes, émerveillés par les notes national de Colombie, l’Orchestre
auxquelles ils donnent vie, sont en Un acte total national de chambre d’Arménie, l’Or-
osmose totale avec Debora Waldman. chestre national de Lille... Elle crée
Le public est saisi aux tripes. L’ivresse, Femme-monde, Debora Waldman est aussi l’Orchestre Idomeneo, qui revi-
partagée. « Ce n’est pas une question née au Brésil, a grandi en Israël, puis a site le répertoire classique, n’hésitant
d’esthétique, c’est une question d’in- habité en Argentine. Elle joue alors de pas à mélanger cuivres romantiques
tention. Dans la direction d’orchestre, la flûte traversière, mais elle pressent et cordes modernes. Au fur et à me-
ce n’est pas la beauté du geste que l’on très vite que la direction d’orchestre sure que sa personnalité de cheffe se
recherche, c’est son intensité. Ce que le permet une perception plus globale. forge, sa carrière prend de l’ampleur.
geste communique ; parfois même avec L’ouverture à une autre dimension Elle vient d’être nommée au poste
Dans la direction
d’orchestre, ce n’est pas
la beauté du geste
que l’on recherche,
c’est son intensité.
de directeur musical, chef perma-
nent de l’Orchestre régional d’Avi-
gnon-Provence. Femme engagée, elle
est investie dans la transmission au
travers du projet Démos, dispositif
d’éducation musicale et orchestrale à
vocation sociale de la Philharmonie
de Paris. « La musique est universelle.
Je suis une idéaliste – cela fait partie
de ma mission de vie de faire rayonner
le son. La musique permet de coexis-
ter par-delà les différences. » Elle croit
donc à la musique comme vecteur de
paix ; elle a notamment été amenée à
diriger le concert Thessalonique, carre-
four des civilisations, en l’honneur de
l’amitié arabo-israélienne. Son multi-
culturalisme lui donne une ouverture
rare. Si, en matière de technique de
direction d’orchestre, on parle d’école
allemande, française ou encore lati-
no-américaine, rendant la baguette
« lisible », Debora Waldman, elle, est
libérée de ces contraintes. « Je fais à ma
façon », dit-elle dans un éclat de rire.
« Pour moi, diriger un orchestre, c’est
physique. Je transpire cet engagement.
J’ai longtemps fait de la danse classique.
Même en France, pays très cérébral, la
musique ne peut pas se passer que dans
la tête. C’est un acte total. »
U
n père sculpteur et pro- toujours eu un rapport spirituel avec la
fesseur d’histoire de poterie, même avant le bouddhisme ; cela
l’art, une mère libraire, a toujours été “une pellicule qui entoure
un fiancé étudiant aux le vide”. Et maintenant, quand j’écoute
beaux-arts, Sophie évoluait dans un les enseignements sur la vacuité, il y a
univers artistique lorsque, suivant son comme une évidence... »
amoureux à un cours, elle découvre
la terre... « J’ai commencé à tourner sur La terre soigne
des tours à pied et ça a été un coup de
foudre. Je suis tombée amoureuse de la Elle travaille la terre de manière très libre
terre... et aujourd’hui, quand je monte et intuitive. Elle crée, casse, apprend,
sur le tour, je suis une fiancée. C’est tou- transmet… Elle ouvre un blog pour que
jours ainsi, 44 ans après. » Cette jeune tout le monde puisse apprendre puisque
maman bricole alors un tour de potier cet art est universel : « C’est gratuit, of-
dans son appartement, suit quelques fert par la terre. On est composé comme
cours du soir et se forme grâce à des la terre, on est la terre, on est le feu, tous
livres. Sophie alterne sa vie de maman, les éléments. Quand on travaille la terre
elle aura cinq enfants, et sa passion. Et sigillée, on rassemble tous les éléments,
puis un jour, il y a 25 ans, elle prend donc on se rassemble aussi nous-mêmes. »
refuge dans le bouddhisme tibétain et
sa vie change. « Tout s’est déchaîné : j’ai
Elle raconte que la terre l’a sauvée et
lui a permis de revenir à l’essentiel. En
divorcé, j’ai eu un cancer, ce qui m’a ap- étant juste dans le geste, dans ce qui se
Juste vivre dans pris énormément, parce que la souffrance passe sans le commentaire du mental, la
physique m’a apporté beaucoup plus de création se fait presque sans elle : « Rien
l’instant et accepter
PHOTOS : SOPHIE HOUDEBERT
son atelier et ses propres fours. « J’ai elle « reconnaît » tout et comprend les
Un nouveau
S
Il me fallait a chaîne de vidéos sur le net j’ai imaginé de nouveaux signes, un nou-
ne cesse d’augmenter en veau zodiaque dans une autre culture,
toujours quelque chose nombre d’abonnés. Afin de une autre civilisation, et à force de me
d’intemporel et aussi faire connaître ses harmo- demander comment le créer, j’ai fini par
d’actuel. Rien ne devait niques, Angelo Lauria tire ses cartes vraiment le faire ! » Vers 28 ans, il est
tous les mois par signe du zodiaque à un moment de sa vie où il se pose
être éphémère.
traditionnel. Son oracle, issu de nom-
breuses années de travail, s’utilise à la
fois comme un zodiaque ou comme
un orienteur de décisions, un éclaireur
des questions sur son avenir. Il a déjà
cette sensation que tout est connecté.
Habitué des synchronicités, il décide
d’interroger l’univers sur ce qu’il doit
de situations, mais surtout, comme devenir. C’est en lisant la phrase d’un
il l’appelle, « un outil de connaissance t-shirt dans la rue – « Deviens ce que
de soi ». Enfant, Angelo est passionné tu es » – qu’il comprend qu’il doit de-
de bande dessinée et souhaite devenir venir ce qu’il est déjà : le visionnaire
dessinateur. Il fait des études d’art et de son livre ! Pour lui, c’est une révéla-
de peinture, mais c’est vers le roman tion, il va créer son oracle. Tout s’im-
qu’il oriente son imagination débor- brique alors et ce projet lui permet
dante : « J’étais passionné par la SF. d’associer tous ses arts : l’écriture, la
Pendant neuf ans, j’ai écrit une saga peinture, l’astrologie, la numérolo-
fantastique sur l’ésotérisme et l’astro- gie… Et même la musique, qui est
logie, à laquelle je me suis intéressé dès une autre de ses passions. « Harmo-
l’âge de 16 ans. J’ai eu des visions, des niques, c’est un terme musical. J’ai vou-
prémonitions, des rêves, tout au long de lu reprendre l’idée des arcanes majeurs
PHOTOS : LUIGI LAURIA
l’écriture. Cette histoire racontait la vie et mineurs. Pour les relier, j’ai utilisé le
d’un visionnaire qui découvrait de nou- principe de la fréquence multiple et de la
velles planètes et des signes zodiacaux et fréquence fondamentale. Les arcanes mi-
qui les transmettait. Pour être cohérent, neurs sont les harmoniques des majeurs.
En lâchant prise,
c’est dans ces
moments-là que les
idées affluent. Le grand livre des har-
moniques tome 1 & 2 et
Oracle des harmoniques,
méthode de tirage avec le
jeu au format tarot,
Éd. Angelo, 27,70 €
C
’était en été. « Autour du 15 août », très enlevés, se rappelle-t-elle. J’avais envie de travail-
précise Nathalie Sizaret. Une vieille ler comme Michel-Ange et de représenter des choses. »
connaissance la recontacte pour lui Mais la pression du milieu de l’art la fait se tourner
passer commande d’une madone de vers la peinture abstraite. « J’y ai trouvé des éléments
deux mètres de haut. Pour l’artiste, c’est un cadeau intéressants, note-t-elle, mais je sentais bien que la
du ciel : « Je n’avais plus un sou pour finir l’année ! » figuration voulait s’imposer. Je luttais, parce que je
Elle rentre à son atelier, agrafe une toile au mur me disais que le marché n’en voulait pas. » Jusqu’à
et peint inlassablement pendant dix jours, malgré ce qu’un jour de 1991, un ange apparaisse sur sa
les quarante degrés ambiants. « Ce fut une épipha- toile. « Il n’y avait que moi qui le voyais », précise-t-
nie, un moment intense de joie et d’émotion, se sou- elle, mais elle en saisit le sens : l’ange est cet « entre-
vient-elle. Cela me réveillait à cinq heures du matin. deux », entre corps et espace, qui lui permet d’être à
J’étais tellement dans mon élément ! Je me sentais dans la fois dans la figuration et dans le symbole. Alors,
le juste, connectée au sacré. Pas une seconde je n’ai eu elle « laisse venir »…
peur qu’elle ne plaise pas à son commanditaire. »
Dévoiler des présences
PHOTOS : REJANE EREAU / NATHALIE SIZARET
J’ai constaté qu’il se produisait
systématiquement un changement
dans la vie des personnes
chez qui mon tableau arrivait.
ramer sur la représentation d’une main, explique-t- les éléments possibles pour que ce monde soit doux,
elle. Je m’escrime et puis, soudain, la main se tourne. accueillant et aimant. » En octobre 2018, avant de
C’est là. Dans ma tête, je dis : “Ah oui, c’est comme ça trouver acquéreur, le tableau s’est retrouvé sur le
que tu souhaites être. O.K., d’accord, merci !” » Ainsi, plateau d’une émission de France 2. Baigné d’un
malgré elle, au gré de la toile, un visage se penche, rayon de soleil, il irradiait de sa présence.
un buste se place de trois quarts... « C’est comme si
le tableau était habité et qu’il se composait tout seul, Laisser passer l’énergie
poursuit-elle. Je maîtrise la technique, j’ai du métier,
mais il m’arrive de penser que si j’étais seule sans ces Dans la vie de Nathalie Sizaret, chemins spirituel et
présences, je ne serais pas un si bon peintre. Les re- artistique ont toujours été parallèles. « Ma mère était
gards et les positions des corps me sont donnés. Ce n’est initiée au reiki, explique-t-elle ; elle m’en donnait
qu’une succession de miracles. » lorsque j’étais enfant. C’est aussi elle qui m’a mis entre
les mains Choisir la conscience de Sanaya Roman(1)
Plus elle avance dans son travail, plus ses visions ou les ouvrages d’Anne Givaudan. Tout ça m’a nour-
sont fortes et précises. Et plus elle se sent animée rie. » La peintre est aujourd’hui elle-même maître
d’une volonté de « manifester » ce qu’il lui est don- reiki. « Dans mon métier, cela m’aide sans doute à me
né de transmettre. « Un jour, j’ai voulu arrêter de rendre disponible et à devenir canal – comme je laisse
peindre des anges, car c’était presque trop, confie-t- passer l’énergie en reiki, dit-elle. Quand on est artiste,
elle. Mais impossible, je ne pouvais faire que ça ! » il y a toujours des moments compliqués où l’on bloque,
Sur certaines de ses toiles, les plumes des ailes se où l’on est en lutte. J’ai découvert que plus je lâchais,
révèlent d’une finesse incroyable. « La première fois, moins j’avais d’intention plastique et de prise sur ce
PHOTOS : REJANE EREAU / NATHALIE SIZARET
c’était pour un grand ange, vêtu d’un long manteau de que je voulais faire, plus ça venait. »
plumes », raconte Nathalie Sizaret. À mesure qu’elle Nathalie Sizaret n’est pas de ces artistes qui, pour
les peint minutieusement, « comme si chacune re- créer, ont besoin d’être malheureux ou de boos-
présentait le meilleur de nous-mêmes », elle sent son ter leur créativité à coups de substances. « Il m’est
cœur s’accélérer et son être envahi d’une émotion arrivé de peindre alors que je traversais une période
intense, bien au-delà du seul plaisir plastique. « Les difficile, se souvient-elle. C’était du bon boulot, mais
plumes, pour moi, c’est la douceur, la chaleur, la pro- curieusement, je n’ai vendu pratiquement aucune
tection, mais aussi le message et le lien entre le ciel et la toile de cette période. La souffrance n’était pas visible
terre, précise-t-elle. C’est tout ça que j’y ai mis ; tous dans les tableaux, mais malgré tout, énergétiquement,
ils étaient chargés. Ce n’était pas juste. » Elle, pour bitude, je n’aime pas garder mes œuvres dans mon es-
peindre, a besoin d’être alignée et en paix. « Juste pace personnel, mais là, je vivais avec elle comme si ce
là », la tête vide, à poser ses couleurs, laisser mon- n’était pas moi qui l’avais faite. Je dormais près d’elle,
ter, faire confiance et se dire qu’à un moment don- je faisais mon yoga et ma méditation sous elle. Je me
né, quelque chose va advenir. « Cela n’empêche pas sentais en prière avec elle tout le temps, j’avais envie de
les difficultés, nuance-t-elle. Exactement comme dans l’embrasser et de poser ma main sur la sienne. C’était
la vie, il y a des moments où ça foire, où ça patauge. une présence extraordinairement puissante d’amour
Parfois même je me dis : “Allez, pleure un bon coup !” inconditionnel. »
Mais je peux être sûre, quand je reprends, tout à coup, Quand la madone a fini par partir, l’artiste s’est
il se passe un truc. » aperçue qu’elle lui manquait. « J’étais triste, ad-
met-elle. Le mur est resté vide un moment. J’ai fini
Effet transformateur par peindre une autre madone, plus petite, puis le
visage de Jésus. Je les ai mis tous les deux à côté sur
Ce « truc » agit pour elle, mais aussi pour ceux qui mon mur en leur disant : “Vous avez des choses à par-
achètent ses toiles. « Beaucoup de gens sont attirés tager !” » Pour Nathalie Sizaret, Marie et Jésus ne
par mes anges, confirme-t-elle. Ils y réagissent très renvoient pas à la religion chrétienne, mais sont
fort. » Quelque chose semble les nourrir, leur ap- des symboles, humains et sensibles, d’un amour et
porter des réponses... « J’ai constaté qu’il se produi- d’un accueil sans réserve. « Marie est cette femme
sait systématiquement un changement dans la vie des qui a traversé le calvaire de son fils en restant dans la
personnes chez qui mon tableau arrivait, note-t-elle. compréhension et dans la douceur, estime-t-elle. Elle
Une femme m’a même dit que l’un d’eux lui avait me permet de parler de toutes les mères du monde,
sauvé la vie ! » Est-ce dû à la liberté que les gens se dotées d’un lien si fort à leur enfant, ainsi que d’un
donnent en acquérant une œuvre qui leur a par- devoir de transmission pour tenter de rendre le monde
lé ? Initie-t-elle un mouvement ? Est-ce la toile qui un peu meilleur. »
transmet la vibration dont elle est chargée ?
Dans nos sociétés, la force de la douceur est parfois
Avant d’être livrée à son commanditaire, la ma- difficile à saisir. Les toiles de Nathalie Sizaret la
done de deux mètres de haut est restée quatre mois donnent à ressentir.
dans la chambre de Nathalie Sizaret. « Elle prenait
tout le mur, je la sentais vibrer, raconte-t-elle. D’ha- (1) Éd. Dauphin Blanc, 2019, 20 €
Sous l’influence
de son esprit guide
Peintre médium britannique à l’œuvre magistrale, Madge Gill (1882-1961) est
l’une des figures les plus emblématiques de l’art brut et médiumnique. Par art brut,
le peintre français Jean Dubuffet nommait des productions de personnes exemptes
de culture artistique comme des prisonniers, des mystiques ou des révoltés et même
parfois, des malades mentaux. Enfant illégitime, Madge Gill, née en 1882 à
Londres, est d’abord cachée par sa mère et sa tante, puis placée dans un orphelinat
à l’âge de neuf ans. Envoyée au Canada pour travailler dans une ferme, elle rentre en
Grande-Bretagne à dix-neuf ans, devient infirmière, épouse son cousin dont elle a
trois fils. C’est après l’accouchement de son troisième enfant, mort-né, que sa vie
prend un tournant décisif. Alitée pendant plusieurs mois, elle vit des complications
de santé qui lui feront perdre l’usage de son œil gauche. Alors que sa tante l’initie à
l’astrologie et au spiritisme, elle com-
mence alors à s’adonner à la pein-
ture. Elle aime travailler la nuit, très
André Breton faiblement éclairée à la bougie, de
façon quasi automatique et très ra-
pide, dans un état que l’on pourrait
Quand le surréalisme qualifier de transe. Elle produit aussi
des broderies incroyables et des écrits
interroge le réel étonnants. L’un de ses chefs-d’œuvre
est une robe, que l’on peut découvrir
« Je crois à la résolution future de ces deux états en apparence si contradictoires que sont au sein de la Collection de l’art brut,
le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue qu’est la surréalité, si l’on peut ainsi à Lausanne en Suisse. Cette femme
dire », dit le poète André Breton (1896-1966), chef de file du mouvement surréa- hypersensible et réservée refuse de
liste. Remarqué très tôt par son professeur de rhétorique et de philosophie, il publie vendre ses œuvres qui appar-
ses premiers poèmes dans la revue littéraire de son collège parisien avant de com- tiennent, selon elle, à son esprit
mencer la classe préparatoire aux études de médecine. Affecté dans un centre de guide qu’elle nomme Myrninerest
PHOTOS : SHUTTERSTOCK / LESPALENIK - HISTORIC COLLECTION / PICTORIAL PRESS LTD / ALAMY BANQUE D'IMAGES
neurologie pendant la guerre, André Breton entre pour la première fois en contact (soit my inner rest, que l’on pourrait
avec la folie ; il refuse d’y voir seulement un déficit mental, mais plutôt une capacité traduire par « mon plus intime » ou
de création. Accompagné par les poètes Louis Aragon et Philippe Soupault, très vite « mon repos intérieur »). Ses dessins
rejoints par Paul Éluard, il se relie au dadaïsme avant de créer un nouveau mouve- vont du calicot pouvant atteindre
ment : le surréalisme. Celui-ci repose, selon sa propre définition, sur « la croyance à plusieurs dizaines de mètres (jusqu’à
une réalité supérieure de certaines formes d’associations négligées jusqu’à lui, à la 36 mètres de long !) à la carte postale
toute-puissance du rêve et au jeu désintéressé de la pensée ». De là naît l’écriture auto- en passant par des formats intermé-
matique, comme un mode de création littéraire. « Placez-vous dans l’état le plus passif diaires, le tout travaillé à la plume et
ou réceptif que vous pourrez... Écrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas vous à l’encre noire avec quelques rares
retenir et ne pas être tenté de vous relire », explique-t-il dans son Manifeste du surréa- écarts de couleur. Ils représentent la
lisme, paru en 1924. C’est ainsi qu’émergent des pépites : « La beauté sera convulsive plupart du temps une figure fémi-
ou ne sera pas », « Lâchez tout et partez sur les routes »... André Breton revendique le nine, plutôt chic, qui évolue dans un
droit à l’imagination, plaide pour le merveilleux, l’inspiration, l’enfance et le hasard monde irréel à l’architecture géomé-
objectif. Il cherche à donner du sens aux coïncidences troublantes. « Le hasard fait trique, labyrinthique, démesurée,
l’objet des préoccupations les plus constantes du surréalisme. La méditation sur le hasard improbable... Il faudra attendre
a commandé, sur le plan plastique, la plus grande partie de l’activité de Marcel Du- 1961, après sa mort, pour découvrir
champ, Hans Arp... J’ai consacré moi-même trois ouvrages à l’élucidation de certains chez elle des centaines de dessins
phénomènes de hasard (Nadja(1), Les Vases communicants(2) et L’Amour fou(3)). Le empilés dans des placards ou sous les
hasard, ai-je dit, demeure le voile à soulever et j’ai avancé qu’il pourrait être la forme de lits. Une œuvre absolument fasci-
manifestation de la nécessité extérieure qui se fraie un chemin dans l’inconscient hu- nante, habitée, excessive !
main », confiera-t-il à un journal en 1946. Plus qu’un mouvement artistique tou-
chant à la fois des poètes, des peintres et sculpteurs (Salvador Dali, Man Ray, Joan
(1) 1922, Éd. Gallimard, 1972
Miro, Max Ernst...), ou encore des cinéastes (Luis Buñuel, Jean Cocteau...), le sur- (2) 1932, Éd. Folio Essais, 1996
réalisme interroge le réel pour mieux changer le monde. (3) 1938, Éd. Gallimard, 1976
Mélodies surnaturelles
Georges Ivanovitch Gurdjieff est à la fois contact avec la secte Sarmouni, branche cœur de la forêt de Fontainebleau. Entre
un mystique, un philosophe, un profes- éclairée du soufisme, lui permettant de 1925 et 1927, il y compose avec son
seur spirituel, mais aussi un compositeur découvrir l’ennéagramme, une figure élève Thomas de Hartmann, pianiste et
influent au début du XXe siècle. Le per- ésotérique censée décrire la psyché hu- compositeur russe, ancien protégé du tsar
sonnage est également très controversé et maine à travers neuf types de comporte- Nicolas II, pas moins de 300 pièces de
nul ne saurait dire si l’histoire qu’il ra- ments. Même si la méthode est mention- musique ! Après sa mort en 1949, de
conte dans son livre Rencontre avec des née par la Milviludes dans sa liste de nombreux groupes Gurdjieff continuent
hommes remarquables(4) est tout à fait pratiques à risque de dérives sectaires, elle à se former autour de la Quatrième voie,
exacte. Reste qu’il a été au cœur d’une continue à être largement diffusée. Grâce une méthode qu’il a développée pour ac-
intense activité artistique et intellectuelle à ses nombreux voyages, Gurdjieff, le céder à un état supérieur de conscience.
dans les années 1920 en France. Né entre musicien, trouve l’inspiration. Si ses Son œuvre inspirera des musiciens (Keith
1866 et 1877 en Arménie, alors dans connaissances techniques sont limitées, il Jarret), des cinéastes (Michel Polac, Ale-
l’empire russe, Gurdjieff dit avoir été ber- semble bénéficier d’une mémoire in- jandro Jodorowsky, Peter Brook), des
cé par les légendes contées par son père, croyable. Fidèle à son désir profond de peintres (Claude Lagoutte) et quantité
qui était barde. Destiné à la prêtrise or- marier l’Orient et l’Occident dans toute d’écrivains dont certains ont été ses élèves
thodoxe, il serait entré au séminaire avant son œuvre, Gurdjieff choisit le piano (Louis Pauwels, Jean-François Revel,
de tout lâcher pour s’intéresser à l’occul- pour interpréter ses mélodies. Son réper- Pierre Schaeffer...). Alors, Gurdjieff était-
tisme : astrologie, télépathie, spiritisme, toire passe des morceaux inspirés du folk- il un éveilleur de conscience, un génie,
divination, possession démoniaque... En lore à des chants pour derviches tour- un dangereux gourou, un escroc mytho-
quête de vestiges archéologiques et de so- neurs ou encore à des hymnes religieux. mane ou bien un peu tout cela à la fois ?
ciétés secrètes, il aurait beaucoup voyagé C’est ainsi qu’il va fasciner et rassembler Si certains ont définitivement tranché,
en Asie centrale, au Moyen-Orient, au une communauté cosmopolite en créant d’autres s’interrogent encore.
Tibet ou encore en Inde. C’est en 1897, l’Institut pour le développement harmo-
en Afghanistan, qu’il serait entré en nique de l’homme, au Prieuré d’Avon, au (4) Éd. du Rocher, 2004
Srinivasa Ramanujan
Génial mathématicien indien, Srinivasa Ramanujan (1887-1920) a créé plusieurs milliers de formules
mathématiques qui se sont pratiquement toutes révélées exactes, mais dont certaines ne purent être démon-
trées qu’après 1980. Stupéfié par leur originalité, le mathématicien anglais Godfrey Harold Hardy a déclaré
qu’« un seul coup d’œil suffisait à se rendre compte qu’elles ne pouvaient être pensées que par un mathématicien de
tout premier rang. Elles devaient être vraies, car si elles avaient été fausses, personne n’aurait eu assez d’imagination
pour les inventer » ! Élevé dans le Tamil Nadu et issu d’une famille modeste, Srinivasa Ramanujan se révèle
un élève particulièrement doué dès le primaire. Sa mère le plonge dans la tradition brahmane et lui fait
découvrir les puranas, des textes sanskrits incluant des notions de cosmologie, de cosmogonie, de médecine,
d’astronomie ou encore de philosophie. Dès l’âge de onze ans, il se passionne pour les mathématiques et
assimile rapidement les livres qui lui passent sous la main. À dix-sept ans, il est diplômé de la Town Higher
Secondary School et reçoit le prix K. Ranganatha Rao pour les mathématiques. Mais négligeant les autres
disciplines, il finit par perdre sa bourse et quitte le cursus traditionnel. C’est en publiant plusieurs articles
dans des journaux mathématiques qu’il commence à se faire remarquer. Conscient que ses travaux sont plus
avancés que ceux de son entourage académique en Inde, il décide alors de se tourner vers les savants occi-
dentaux. Godfrey Harold Hardy reconnaît son génie et l’invite à le rejoindre en Angleterre pour travailler
ensemble auprès d’un autre mathématicien de renom, John Littlewood. Mais c’est un choc. Alors que
Hardy est un fervent partisan d’une approche rigoureuse des démonstrations mathématiques, Ramanujan
se repose sur son instinct et ses intuitions fulgurantes. Selon ses biographes, sa piété aurait même joué un
rôle essentiel dans son travail : « Une équation pour moi n’a aucune signification, à moins qu’elle ne représente
une pensée de Dieu. » Il aurait attribué sa capacité de réflexion à sa déesse familiale, Namagiri Thavar, comp-
tant sur elle pour l’inspirer. Ce mystique végétarien, pourtant très rationnel, aurait également reçu la vision
de rouleaux de formules mathématiques. En 1918, il est élu Fellow of the Royal Society pour ses recherches
sur les fonctions et la théorie des nombres, devenant ainsi le second Indien à y être admis. À la santé fragile,
il mourra des suites d’une maladie à l’âge de 32 ans. Son travail continue à fasciner et à être étudié.
Christiane Singer
Toucher au cœur
C’est avant tout d’amour dont il s’agit dans l’œuvre de
l’écrivaine Christiane Singer (1943-2007). D’origine aus-
tro-hongroise, elle grandit sur les bords de la Méditerranée.
Élève du conservatoire d’art dramatique de Marseille, elle
poursuit ses études à Aix-en-Provence où elle obtient un
doctorat en lettres modernes, puis enseigne à l’université de
Bâle et de Fribourg en Suisse. En 1968, elle rencontre le
comte Georg von Thurn-Valsassina, qui deviendra son mari
et avec qui elle s’installera, quelques années plus tard, dans
le château familial médiéval de Rastenberg, en Autriche,
non loin de Vienne. C’est après la naissance de son premier
fils qu’elle arrête l’enseignement pour se consacrer à l’écri-
ture. Toute son œuvre est profondément empreinte de spi-
ritualité. On pourrait même la qualifier « d’habitée ». De
sensibilité chrétienne, Christiane Singer a suivi l’enseigne-
ment de Karlfried Graf Dürckheim, docteur en philosophie
et en psychologie, disciple de Jung, qui s’est également initié
au bouddhisme zen. Il fut pour elle une grande source d’ins-
piration. C’est ainsi qu’elle organise dans son château des
stages de développement personnel mêlant marche, médita-
tion et tai-chi. À travers les thématiques des sens, de la chair,
PHOTOS : SHUTTERSTOCK / LESPALENIK - HISTORIC COLLECTION / PICTORIAL PRESS LTD / ALAMY BANQUE D'IMAGES
du mariage, de la traversée des âges ou encore du soin du
vivant, elle écrit avec cœur une vingtaine d’ouvrages qui
touchent directement l’âme du lecteur. Elle gagne le prix des
libraires en 1978 pour La mort viennoise. Le prix Camus
récompense Histoire d’âme en 1988, formidable récit initia-
tique qui évoque la difficulté et le bonheur d’être. La divine
tragédie, sorti en 2006, est salué par la critique ; le récit est
émaillé d’aphorismes qui cristallisent sa conception subtile
du monde et semblent ouvrir une porte vers la vérité. À
travers la douloureuse épreuve du cancer qui lui ôtera la vie
à 65 ans, Christiane Singer écrit enfin un profond hymne à
la vie, Derniers fragments d’un long voyage. Un livre boulever-
sant, empreint d’amour, de lâcher-prise et d’acceptation,
digne d’une grande mystique : « Toute existence est singulière ;
celle que je vis – et qui peut-être se prolongera – est une vraie vie
pleine à ras bord d’amour et d’amitié, de rencontres et de fer-
veur, d’engagements pour le vivant et de folie. Les
épreuves y ont leur place comme tout le reste et je
reçois sans marchander celle qui maintenant
vient à ma rencontre. » À ce propos, son amie
psychologue Marie de Hennezel, confiera :
« Pour moi, c’est le livre d’un maître. Il a la
même qualité et la même portée pour notre
monde que le journal d’Etty Hillesum. »
voir »
« Un vrai et rare sa
FABRICE MIDAL
respect »
« Une invitation au
D
MATTHIEU RIC AR
Moine bouddhiste,
traducteur du Dalaï
-Lama
vous ne
« Ouvrez ce livre etvous arrêter. »
parviendrez plus à
STÉPHANE ALLIX
Aventuriers
de la conscience
ma m ae d it i o n s.co m
Aller sur la lune,
ce n’est pas si loin.
Le voyage le plus lointain
est à l’intérieur
de soi-même.
Anaïs Nin
N
ous possédons tous des talents, des ressources, des qualités, véritables fer- À
ments de notre créativité, qui ne demandent qu’à s’exprimer. Pour le psy- LIRE
chologue Hubert Ripoli(1), l’étincelle créatrice réside dans l’enfance : « Une
émotion, une fulgurance de l’esprit, une révélation qui confère à l’enfant un
sentiment d’équilibre, dont il n’a pas forcément conscience et qui pourtant va laisser une
trace indélébile. » Comment retrouver cette première impulsion ? « Une fois adulte, il
faut renouer avec l’enfant intérieur, qui représente notre “moi créatif véritable”, nos poten-
tialités, nos qualités, nos rêves », recommande Emmanuel Ballet de Coquereaumont,
psychopraticien, spécialiste de l’enfant intérieur(2). Pour nombre d’entre nous, notre (1) Enquête sur le
histoire, les accidents de la vie, les blessures ont pu nous amener à nous couper de secret des créateurs
cette part de nous. « Pourtant, c’est en acceptant de plonger, en tendant à nouveau les bras Hubert Ripoli
Éd. Payot,
à cet enfant, en renouant la relation, puis en l’entretenant, que nous pourrons pleinement 2015, 20 €
nous connecter à cette source, cet élan de vie, cette énergie pure, qui vitalise et fertilise notre
créativité », assure Laurence Verrier, art-thérapeute et artiste photographe.
à prendre pour retrouver ce chemin à la découverte de votre environnement, tel un explorateur. Pour changer
de spontanéité, la fraîcheur de l’en- votre point de vue, retrouver une fraîcheur et stimuler votre imaginaire, vous
fance, est un saut dans l’inconnu. allez adopter le point de vue d’un petit enfant : avancez accroupi, en rampant,
Sortir du cadre, c’est possible ! à quatre pattes, mettez-vous sur le dos, grimpez sur un muret, un arbre.
Observez, et laissez-vous surprendre, toucher, émerveiller. Prenez en photo ce
qui vous émeut. Vous pouvez également vous amuser à prendre des images de
manière à ce qu’elles ne soient pas reconnaissables : en vous approchant au
plus près, en allant dans le détail des matières, la répétition des formes. Vous
pouvez pratiquer ce jeu en famille.
S’émerveiller,
plutôt que contrôler
« Sans émerveillement, c’est la source de notre créa-
tivité qui se tarit », observe Emmanuel Ballet de
Coquereaumont. Nous passons notre temps à in-
terpréter au lieu de nous laisser toucher. Nous exer-
çons un véritable contrôle sur nos vies ; or l’idée et
le résultat sont deux choses différentes. Beaucoup
d’idées créatives ne se concrétisent pas, tant nous
sommes inhibés par une vision figée de ce que cela
devrait être. Les jugements sur ce qui est beau ou
laid, réussi ou raté, nuisent fortement au processus
créatif. Celui-ci s’appuie davantage sur le sensible
Faire croître son akène
en nous, nos émotions, nos sentiments, nos sen-
L’akène est la source de notre créativité ! Sur le
sations, tout ce qui nous touche… et nous émer-
plan botanique, l’akène est un fruit sec ne conte-
veille. Pour le thérapeute : « La nature peut nous
nant qu’une seule graine. « Symboliquement, c’est
inspirer de l’émerveillement, à condition de donner
le noyau, la graine, qui porte notre accomplissement,
libre cours à notre imagination. »
notre spécificité unique », résume Emmanuel Bal-
let de Coquereaumont. Dans la nature, tout est
Comment s’y mettre akène : les petits points sur la fraise, les supports
des aigrettes des pissenlits, les fruits de tilleuls et
Dès que nous sommes en plein air, rien de
de noisetiers… Comme autant de représentations
plus simple que de lever les yeux au ciel, à
de notre diversité et de l’unicité de nos processus.
l’affût des nuages, par exemple. Une pratique
La graine contient l’information de notre devenir,
d’émerveillement consiste à laisser son esprit
notre potentiel. Ainsi, le gland, akène du chêne,
divaguer en regardant la forme des nuages.
s’accomplit dans l’arbre et l’enfant dans l’adulte,
Immanquablement, des animaux, des objets
fait fructifier ses « possibles ». À nous de puiser à
ou des personnages vont apparaître. « Pour
nouveau à la source, l’expression unique de qui
stimuler sa créativité, le plus important est de ne
nous sommes et cela se trouve dans l’enfance.
censurer ni les mots ni les images qui émergent,
même s’il semble que tout cela n’a aucun sens,
au contraire », précise le spécialiste de l’enfant Comment s’y mettre
intérieur. C’est un retour à une perception d’enfant.
Le temps de l’insouciance, avant que l’éducation, À l’occasion d’une promenade en nature, ramassez
les pressions sociales, les « impossibles », n’aient une graine ou un autre élément naturel, qui
formaté et censuré vos élans initiaux. évoque la possibilité d’une éclosion. Tenez-la, tel
un trésor précieux, comme le font les enfants. Puis
fermez les yeux, et laissez-vous imaginer ce qui va
éclore. L’intention est d’entrer en contact avec une
information que l’on porte en soi, une folle idée
créative. Accueillez sans jugement. Le plus simple,
c’est de la dessiner, avec une main non directive,
afin de se retrouver dans l’état d’un enfant. Notez
les qualités de ce qui vient d’éclore. Par exemple,
d’une châtaigne s’envole un oiseau. Écrivez
légèreté, rapidité, beau plumage, et dédiez à votre
journée l’expression de ses qualités. Attention
à ne pas rejeter à nouveau l’enfant intérieur qui
montre le bout de son nez, en vous disant que c’est
ridicule. Écartez les jugements, le découragement,
la croyance limitante que vous n’êtes pas créatif,
ou que c’est trop simple. Persévérez.
L
e réel, c’est quand on se cogne », affir plus large, le rêve, véritable soupape, libère
mait Jacques Lacan. Bouillonnant une énergie vitale formidable. Cet har
durant l’enfance, entraîné par monisateur fait bien plus que répéter ou
les jeux et l’ouverture inhérente à cette classer. Il s’avère puissamment créatif, témoignant
période de la vie, l’imaginaire, indispensable co en cela d’une complète réorganisation cérébrale.
rollaire de la créativité, perd de son éclat à l’âge En insérant de la créativité et de la fantaisie dans
adulte. En cause, nos conditionnements, éducatifs le scénario nocturne (les portes s’ouvrent toutes
et culturels, ainsi que nos freins personnels, tis seules, l’argent tombe du ciel...), le rêve ouvre la
sés de peurs et de manque de confiance en soi. voie à plus de flexibilité et d’inventivité dans le
Du pouvoir des rêves à la visualisation créatrice, fil du quotidien. Tout comme pour le génie ar
ouvrons grand les portes de l’imagination pour ra tistique, il arrive que le génie onirique flirte avec
viver ce souffle, capable de stimuler nos dons artis le surréalisme. Mais cette exubérance créative au
tiques et de faire vibrer le quotidien. La créativité rait un sens ! En effet, pour le professeur Jacques
se niche aussi dans les détails : une recette improvi Montangero, de l’université de Genève, auteur de
sée, une fête impromptue, un bouquet ensauvagé, nombreuses études sur le sujet, le mode d’expres
une balade au hasard. À votre imagination ! sion délirant du rêve atteste que le cerveau en ap
prentissage sous-tend une phase d’exploration et
Matière à songer de tâtonnements. Cette rumination serait d’une
créativité débridée parce qu’elle agglomère et ré
« L’homme a du génie lorsqu’il rêve », affirmait le organise des éléments puisés dans le vaste stock de
non moins génial cinéaste Akira Kurosawa. De souvenirs et l’inventaire des émotions. En entre
puis la nuit des temps, les rêves sont considérés mêlant les fils de ces matériaux, le rêve tisse une
comme des sources d’inspiration, de puissants ou trame inattendue, saugrenue à première vue, en
tils de créativité ; de l’art à la science, en passant quête de résolutions inédites. Le rêve aurait donc
plus intimement par le développement de l’être. un rôle de stimulation de la créativité, d’où son
Cette ouverture magique, véritable traversée du aspect chaotique et abracadabrantesque, alors
ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK / FRANKIE'S
miroir, permet un angle de vue décalé sur la réa qu’il est plus structuré qu’il n’y paraît – autre
lité, les événements, les phénomènes. Que de ment dit, il se met à simuler un monde fictif dans
destins, d’œuvres et d’inventions ont trouvé tout lequel les événements se déroulent, telle une « ré
ou partie de leur inspiration dans la « levure » du pétition générale », comme aime à dire Stephen
rêve ; de La Divine Comédie de Dante à Ulysse de Laberge, l’un des pionniers de l’étude scientifique
James Joyce, de la théorie de la relativité d’Eins du rêve lucide. Cette créativité ébouriffante est
tein au choix de « carrière » de... Descartes, père une manière de rompre avec les routines. D’où
pourtant du rationalisme ! Sur un plan créatif les « eurêka » nocturnes.
Les plages d’ennui, à l’image
d’une page blanche,
laissent l’espace et donnent
du souffle à l’imaginaire.
Le rêve tisse une trame
inattendue, saugrenue à
première vue, en quête de
Exemple d’une carte du trésor un peu particulière, résolutions inédites.
celle des surréalistes : le cadavre exquis. Jeu qui
consiste à faire composer une phrase, ou un dessin,
par plusieurs personnes sans qu’aucune d’elles
ne puisse tenir compte de la collaboration ou des
collaborations précédentes.
Le rêve tisse une trame
inattendue, saugrenue à
première vue, en quête de
résolutions inédites.
recours constamment, que vous en soyez conscient
ou non », explique Shakti Gawain, auteure d’ou
vrages sur le sujet. Dans le cas de la visualisation
créatrice, l’imagination permet de créer une image
précise de ce que l’on désire voir se produire, se
créer, puis de porter régulièrement attention à
cette image ou idée, lui fournissant une énergie
positive jusqu’à ce qu’elle devienne une réalité
objective. Tout comme les enfants, maîtres dans
cet art, on peut également incarner (en mouve
ment, en danse libre, en dessin, en écriture) ce que
l’on souhaite créer à travers le « faire comme si ».
Ensemble Quand nous faisons « comme si » – en dansant,
par exemple, notre voyage du héros, en écrivant,
on va plus loin en dessinant ou en mettant en scène notre quête
comme si elle était réalisée –, nous avons accès à
Les traditions chamaniques de partage de la dimension symbolique. On s’autorise à ce que
rêve et la pratique du rêve éveillé ont inspiré cela soit du domaine du possible ; que l’on puisse
la cocréation en intelligence collective, à s’imaginer et se représenter l’objet de notre désir.
travers le Cercle de rêve. On peut décliner La métaphore corporelle ou artistique convoque
cet outil puissant au travail, en association, de puissantes énergies créatrices et laisse des traces
en famille. En pratique, une première dans la biologie profonde, jusque dans les circuits
personne pose, en mots, les racines du « neuronaux du cerveau. L’image prend vie !
rêve », du projet à concrétiser : réorganiser
une entreprise, changer de vie, créer un Improviser pour plus d’inventivité
spectacle... Cette personne s’exprime
au présent, comme si le rêve était déjà La créativité ne relève pas que de l’art. Elle im
manifesté : « Dans mon rêve, je vois... » Puis, prègne et dynamise toute la vie, en la connectant à
à tour de rôle, chacun apporte sa vision au son étincelle créatrice. Or, la routine et les condi
songe collectif. Chaque intervention est tionnements brident notre créativité naturelle, si
courte, puissante. Plusieurs tours de parole vivante lorsqu’on est enfant, avant le « polissage »
s’enchaînent, jusqu’à sentir que le rêve est du système éducatif et de la vie en société. Nous
abouti. Une personne note et répète le tout à avons tous le souvenir d’avoir bâti des mondes
l’issue du partage, pour que chacun entende imaginaires, des royaumes merveilleux, faits de
le fil du rêve collectif. La force de ce dispositif branches, de plumes et de cailloux... Improviser –
est que le rêve de l’un ensemence celui de à travers, par exemple, la pratique de l’improvi
l’autre, et l’ensemble devient très créatif ! sation théâtrale, de la danse libre ou encore du
L’énergie de la vision partagée s’inscrit ainsi jeu – déploie notre être spontané et active notre
déjà dans la matière. cerveau préfrontal, synonyme d’inventivité et
d’agilité. Des ressources si nécessaires dans notre
monde en mutation. Ces approches nous ouvrent
sur l’infini des possibles et la source vive de la créa
tivité, qui rejaillit ensuite sur la vie courante. On connexion ont eu la peau de ce génial ferment de
découvre alors, à travers la mise en jeu du « je » en l’imaginaire. « Nous savons que le cerveau peut se
improvisation, des idées et des solutions originales modifier à grande vitesse. Ce que nous ignorons, c’est
capables d’aiguiser notre inventivité, asphyxiée par ce qui se passe quand il n’y a plus de temps de récupé-
les contingences du quotidien. L’improvisation, ration cérébrale », explique le psychiatre Antoine
qu’elle soit initiée par l’une des techniques évo Pelissolo. Les plages d’ennui, à l’image d’une page
quées ou qu’elle ensemence simplement le quoti blanche, laissent l’espace et donnent du souffle à
dien (en cuisine, par exemple, terrain rêvé de l’im l’imaginaire. Loin d’être accessoire, l’imaginaire,
provisation), nous invite à plonger dans l’émer par la créativité qu’il déploie, nous permet de sor
veillement de l’inconnu, à se laisser surprendre tir de nos ornières. « C’est notre meilleur outil »,
par la richesse de ce qui émerge spontanément. soutient la psychologue et psychanalyste Diane
Léa Chapellier, formatrice en théâtre improvisé Drory, spécialiste des troubles de la petite enfance,
pour des publics variés, propose un exercice tout qui constate une alarmante perte de l’imaginaire
simple, accessible à tous : ne rien faire ! « En pra- chez les jeunes générations qui ne parviennent
tique, il s’agit d’être en observation, à l’arrêt. Laissez plus à créer, imaginer, se raccrochant à leur uni
monter un mouvement spontané, sans rien précipiter, vers virtuel. Or, cet imaginaire fertile se construit
puis faites une nouvelle pause et attendez qu’un autre quand on a du temps pour penser... et on pense
mouvement naturel advienne. L’idée est de laisser al- quand on s’ennuie. Alors, rêvez, visualisez, impro
ler le corps là où il veut (aller) », explique-t-elle. visez, mais ennuyez-vous aussi !
C’est le meilleur moyen de défricher des nouvelles
voies. En impro, ce qui se joue est une métaphore
de la vie et l’improvisation, une clé pour la trans
former. Par nature, le nouveau chasse l’ancien :
tout ce qui tourne en boucle et crée du « même »,
figés que nous sommes dans des schémas hérités
le plus souvent de blessures remontant à l’en
fance. N’oublions pas que l’inspiration créative
surgit de l’inédit, elle naît de l’imprévu. C’est en
expérimentant les choses « autrement », à travers
l’instinct et l’intelligence de la spontanéité, que les
ressources s’éveillent, que les solutions émergent
et qu’au final, le changement s’opère. Une clé est
de s’appuyer sur la puissance et la précision de
l’intention, à poser au départ des explorations (en
danse libre, en improvisation théâtrale, etc.). En
favorisant la libre association de mouvements, de
sensations, d’émotions ou encore d’imaginaires,
les approches improvisées initient un dialogue
avec l’inconscient, propice à l’éveil de l’intuition.
L’ennui créatif
L’inspiration créative
surgit de l’inédit,
elle naît de l’imprévu.
Hors-Série n°8 - 2019 - Inexploré 103
« Deviens qui tu es », disait Nietzsche. Cela vaut aussi en matière de créativité.
Comment nous libérer de nos blocages et permettre
aux forces créatives d’opérer dans notre vie ?
Conseils pratiques avec l’auteure Julia Cameron,
qui enseigne l’art de créer depuis près de 40 ans. Par Réjane Éreau
Électricité spirituelle
Commencez par accepter que la créativité n’est pas
une affaire personnelle, mais spirituelle. « Grand
Créateur, Dieu, Esprit, Univers, Source… L’impor-
tant n’est pas le nom utilisé, mais le fait de vouloir
l’utiliser », indique Julia Cameron. Répétez-vous
une fois par jour : « Il y a une force créatrice sous-
jacente, énergisante, qui imprègne chaque vie. Je suis
moi-même une création. Quand j’accepte d’explorer
ma créativité, je m’ouvre à Dieu. » Que vous consi-
dériez cette force comme intérieure ou extérieure,
Rendez-vous avec l’artiste À
appuyez-vous sur elle. Priez pour être guidé, de- LIRE
Accordez-vous deux heures hebdomadaires, réser-
mandez-lui courage et humilité et placez vos ac-
vées à nourrir votre conscience créative. Planifiez
tions sous son signe. Laissez le flux se manifester
ce rendez-vous à l’avance et privilégiez des activités
où il voudra – et non là où vous désirez qu’il se
qui vous mettent en joie. Aucun accompagnant,
manifeste. Et mettez par écrit le marché que vous
aucune entrave : juste vous. Faites une liste de
concluez avec elle. Par exemple : « Je reçois ta bon-
vingt activités que vous aimez. Indiquez la date à
té de plein gré », « Je fais confiance à mes percep-
laquelle vous les avez pratiquées pour la dernière Libérez votre
tions » ou « Un moi plus fort et plus clair est en train
fois. Puis autorisez-vous un plaisir par jour : en- créativité
d’émerger ». Datez et signez. Julia Cameron
trez dans une librairie, portez votre tenue préférée,
Éd. J’ai lu, 2007, 6,80 €
parez votre maison d’un parfum de soupe ou d’en-
cens, promenez-vous au soleil couchant, écoutez
Pages du matin un CD en vous laissant aller à griffonner ce que
vous inspire la musique... « Ne recherchez pas de
Achetez un joli cahier, puis consacrez chaque ma- grandes plages de temps libre, plutôt de courts ins-
tin un moment à l’écriture de trois pages manus- tants », recommande Julia Cameron. Se choyer
crites dans lesquelles vous donnez libre cours à vos cultive un sentiment de soin et d’abondance.
pensées. Vous n’avez rien à dire ? Vous pensez à Ouvrez votre réfrigérateur : comment vous nour-
votre lessive ? Écrivez-le ! Vous pleurez sur votre rissez-vous ? Et que diriez-vous d’une plante dans
sort ? Très bien ! Rien n’est trop insignifiant, stu- votre intérieur ? Faites la liste de dix choses que
pide ou étrange. « Ce n’est pas de l’art, mais une vous n’osez pas faire – partir en vacances, couper
forme de lavage de cerveau, explique Julia Came- vos cheveux, aller danser, repeindre une pièce...
ron. Vous devez laisser votre main noter tout ce qui « Souvent, le seul acte d’écrire votre liste de joies in-
vous vient. » Personne n’est autorisé à lire ces pages. terdites fait tomber les barrières qui vous empêchent
Vous-même, « ne lisez pas avant huit semaines ». de les réaliser », note Julia Cameron. Vous avez du
ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK / HELENA LANSKY / TCHARTS
Coucher sur le papier vos préoccupations vous mal à honorer ces rendez-vous avec vous-même ?
permet d’échapper à votre censeur intérieur – ce- « Comprenez cette résistance comme une peur de
lui qui estime que vous n’en faites jamais assez ou l’intimité. » Faites la liste de vos « blocages créatifs
que ce n’est pas assez bien. « Imaginez-le sous les favoris » et de vos habitudes néfastes : regarder la
traits d’un serpent de dessin animé, propose Julia télé ou les réseaux sociaux, s’occuper des autres,
Cameron. En le voyant comme le petit personnage travailler… Quel bénéfice en tirez-vous ? Puis exa-
rusé qu’il est, il perd un peu de son pouvoir sur vous et minez votre rapport à la perfection : « Avant de
votre créativité. » Astreignez-vous à ces trois pages faire quelque chose de bien, il faut être prêt à le faire
quotidiennes : elles vont vous amener « de l’autre mal », encourage Julia Cameron. Dressez la liste
côté » de votre peur, de votre négativisme ou de vos de tout ce que vous essayeriez si vous n’aviez pas
humeurs, vers un espace de calme où vous enten- à vous soucier du résultat : un sport, un look, une
drez votre voix créatrice. activité artistique… « Juste, commencez ! »
Sentiment de sécurité
La créativité est un jeu, mais s’autoriser à jouer peut être ardu. Vous avez besoin de
soutien et de bienveillance. Exposer vos premiers travaux à une critique prématurée ou
trop sévère, c’est vous infliger un mauvais traitement. « C’est souvent notre soumission
au regard des autres qui bloque notre créativité, remarque Julia Cameron. Nous préférons
rester bloqués que nous dévoiler. » Cela ne signifie pas qu’il ne faut aucune critique, mais ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK / HELENA LANSKY / TCHARTS
qu’il faut savoir à qui s’adresser et quand. Restez hermétiques aux remarques de votre
entourage sur votre « changement ». Cernez vos croyances négatives, telles que « je ne suis
pas assez doué » ou « pas assez original », puis choisissez une affirmation positive et répé-
tez-la tous les jours – par exemple, « je suis brillant et fécond ». Écoutez les objections de
votre censeur intérieur, puis transformez-les en affirmation positive, comme : « L’univers
est abondant et multiple, il y a de la place pour chacun. Je suis moi aussi un canal pour la
créativité de Dieu. » Dessinez un cercle sur une feuille de papier et placez-y les personnes
que vous jugez bonnes pour votre soutien. À l’extérieur du cercle, citez celles dont vous
pensez devoir actuellement vous protéger, puis placez ce schéma à l’endroit où vous
écrivez vos pages du matin ; il soutiendra votre autonomie. Citez cinq personnes que
vous admirez ; quels sont parmi leurs traits de caractère, ceux que vous pouvez cultiver
plus profondément en vous ?
CHAMANE,
un artiste total
Afin de réaliser ses nombreuses missions, le chamane,
quelle que soit sa tribu, a recours à de multiples outils artistiques :
chant, danse, conte, musique… Sa création en devient totale,
un art au service de la passerelle des mondes. Par Martino Nicoletti
S
’approcher de la figure du chamane, ce même pièce, un intermédiaire vivant entre une
n’est pas seulement entrer en contact pléthore de puissances invisibles invoquées et
avec un univers fascinant et profond où les hommes de sa communauté présents ici
un simple homme, élu par l’invisible, a non seulement pour « assister » au rituel,
le pouvoir de se transformer en un porte-voix des mais surtout pour solliciter de l’aide : gué-
dieux et des esprits de la nature. Ce n’est qu’une rir une maladie « envoyée » par des esprits
seule lecture parmi les multiples possibles de la de la nature, connaître les causes cachées
définition du chamane. En effet, nous pouvons d’un événement, poser des questions sur le
aussi « lire » l’activité de cet être « connecté » en futur, se libérer du danger d’une calamité
permanence avec l’univers entier selon un autre imminente, impétrer la faveur des ancêtres
point de vue : celui de l’art. Ainsi, le chamane du groupe…
devient un danseur fin et habile, capable de se S’il est vrai que la transe extatique, cet « ou-
laisser façonner par la puissance sinueuse de la til » destiné à transformer le corps du chamane
transe rituelle ; un musicien et chanteur délicat, en un « conteneur » vivant apte à recevoir tem-
exercé dans l’énonciation mélodieuse des mythes porairement les êtres invisibles appelés, représente
ancestraux de sa propre tribu ; un enchanteur ex- le « moteur » et le véritable « épicentre incandes-
ILLUSTRATION : JENA DELLA GROTTAGLIA
périmenté dans l’art d’attirer ou de soumettre les cent » de tout rite chamanique, il est aussi vrai
esprits invisibles par le charme de la parole ma- que la liturgie utilisée – vaste ensemble de gestes
gique et du verbe poétique… Pas un simple artiste codifiés, de paroles et de situations cohérentes – a
donc, mais un véritable « artiste total » recourant, pour but de permettre à ce même « moteur » de
en permanence, à une myriade infinie d’outils, « démarrer » et de rester en mouvement pendant
afin d’infuser signification et efficacité aux rituels toute la durée du rituel. Il s’agit ici d’un véritable
dont il est le « grand maître de cérémonie ». code partagé, permettant à la transe de se révéler
et surtout de devenir « compréhensible », que ce
Entrer en transe soit pour le monde des invités invisibles ou pour
son auditorium humain. C’est justement dans ce
Quiconque a eu l’occasion d’assister à un rituel cadre que le chamane se transforme en un artiste
chamanique authentique sait parfaitement que et un véritable performer. Au-delà de ce but « com-
celui-ci possède l’aspect d’une véritable « pièce municatif », ses actes et ses paroles possèdent
de théâtre sacrée » où les hommes et les dieux se une forte prégnance magique, leur rôle étant
donnent temporairement rendez-vous. Le cha- véritablement de bâtir, de manière prodigieuse,
mane devient le protagoniste indiscutable de cette un « microcosme parallèle » au monde matériel
charbon, une poignée de sable ou de poudre co- Au centre de tout cela, le chamane, toujours. Il est
lorée, à disposer finement à terre pour tracer une non seulement le prêtre de sa tribu et le « grand
série de lignes. Nous ne retrouverons rien qui fasse maître de la transe », mais il est aussi et surtout un
forcément référence à quelque chose de « figura- kaléidoscope vivant, un corps de chair magma-
tif » dans ces images reliées à la réalité intangible tique en activité incessante, capable d’exhiber une
et à l’univers euclidien. Bien au contraire, ces fi- énergie créative inépuisable et infinie.
LES ANIMAUX
Des créateurs
« comme les autres » ?
Il y a quelques décennies, on pensait l’animal dépourvu de culture,
de conscience, de spiritualité… Mais au fil du temps, ces barrières censées
nous distinguer sont tombées une à une. Toutefois, parmi les spécificités
humaines, un pilier demeure : l’art. L’homme est-il le seul capable de
créer et d’apprécier l’art ? La science et la communication animale nous
apportent des éléments de réponse. Par Aurélie Aimé
A
u début des années 2000, les musiciens met sa patte, donne une allure humaine. Il y a toute-
Paul McCartney et Peter Gabriel ont pu fois des choix esthétiques, chez les animaux, qui sont
jammer avec des bonobos du Great Ape les prémices de l’art. On pourrait alors parler selon
Trust (Iowa, USA). Gabriel a expliqué moi de protoculture. »
à une femelle comment se servir d’un clavier. Au Si la fonction du beau chez l’animal est principa-
bout de trois jours, elle s’est révélée plutôt douée lement pratique, elle est toutefois, comme pour
pour l’exercice, exécutant une mélodie reconnais- l’homme, indissociable de la notion de plaisir.
sable. Pour le musicien, il ne fait aucun doute Pour le chercheur, « il faut distinguer d’une part
qu’elle a réagi avec un grand sens de la musicalité. le plaisir fonctionnel et d’autre part le plaisir es-
Comment ne pas être touché en écoutant un oi- thétique. Pour les animaux fortement “céphalisés”,
seau qui chante avec ardeur, ou en observant un comme les mammifères, les oiseaux et l’homme, il y a
cheval qui « danse » sa joie dans une belle éten- un plaisir à voir son système, ses organes fonctionner
due ? Il semblerait qu’ils nous tendent un miroir pour ce pour quoi ils ont été faits. Il y a un agrément
qui nous rappelle notre propre façon de nous ex- du corps, ce qu’avait souligné Aristote. »
primer par l’art. L’animal est-il un artiste au même Il ajoute qu’« on peut éprouver pour certains stimuli
sens que l’humain ? particuliers des plaisirs accrus. Pour beaucoup d’ani-
Les anthropologues considèrent l’art – une pra- maux dont les hommes, ce deuxième stade est relié
tique visant à créer quelque chose s’adressant au sexe. Les animaux vont trouver un plaisir dans la
délibérément aux émotions, aux sens, à l’intel- couleur de leur partenaire, dans le timbre de voix, la
PHOTO : SHUTTERSTOCK / MILENA
lect ou à l’intuition – comme étant spécifique à forme… Ils ont selon moi une capacité à abstractiser
l’homme. Cette définition oppose l’art à la nature, l’origine sexuelle : un animal qui a un partenaire
qui produirait du beau sans intention de le créer. rouge aimera les oiseaux rouges, mais aussi la couleur
De même, l’art n’aurait pas de fonction pratique, rouge. »
contrairement à la plupart des comportements Des chercheurs ont mis en lumière la capacité des
observés chez les animaux, qui visent à com- animaux à distinguer des œuvres et à exprimer
muniquer, séduire, survivre… D’après Georges leurs goûts. Le professeur émérite de psychologie
Chapouthier, neurobiologiste émérite au CNRS, Charles Snowdon a remarqué l’attrait des chats
« pour tout ce qui touche à la complexité de la pour certains sons. Il s’est associé à un musicien
culture, on peut faire une différence entre l’homme et dans le but de créer de la musique pour les félins,
les autres animaux. L’art, tout comme la science, est qui préfèrent des morceaux créés pour eux, avec
une chose compliquée dans laquelle l’espèce humaine des timbres graves proches du miaulement, à la
musique humaine. Les pigeons sont quant à eux n’avons pas non plus de sens électrique, ou de sens
capables de distinguer un Monet d’un Picasso, et pour les échos comme les chauves-souris. Un animal
certaines espèces démontrent une préférence pour qui voit dans des couleurs que nous ne percevons pas
telle ou telle œuvre humaine. en tant qu’êtres humains a peut-être des sensations
Les animaux apprécieraient le beau au sein pour celles-ci. »
d’autres espèces que la leur ? C’est une idée que
corrobore Lucile Picker, qui pratique la communi- Si, concernant l’« art » animal, science et spiritua-
cation animale. Lucile s’est aperçue qu’elle captait lité ne s’accordent pas en tous points, certains cas
spontanément les pensées, émotions et besoins des constituent pour les anthropologues de véritables
animaux. Elle explique : « Quand je rentre en com- énigmes. Il en est ainsi pour le poisson-globe qui,
munication avec eux, ils me sensibilisent à des choses pour séduire sa femelle, va tracer de grandes ro-
à côté desquelles je peux passer, en tant qu’humain, saces géométriques sur le sable : « On peut compa-
faute d’avoir cette sensibilité de perception. Un rer cela à une structure abstraite, une sorte d’œuvre
cheval pourra me dire “écoute le chant des oiseaux, d’art », nous dit Georges Chapouthier.
j’aime ça”, ou il me fera humer la diversité florale Lucile Picker a mené une expérience pour Inexplo-
dans une prairie, en me disant “sens ces effluves, c’est ré. Elle est entrée en communication avec l’espèce
magique !”. Et l’émotion est forte, je la ressens. » afin de mieux comprendre le rôle de ces sortes de
Outre le fait d’apprécier l’art, les animaux sont « mandalas ». Leur fonction irait bien au-delà de la
aussi capables de le créer. À plusieurs reprises, reproduction : « Le poisson-globe dessine ces formes
on a proposé à des singes, éléphants ou chats de afin de créer un environnement énergétique pour im-
peindre. Leurs créations traduisent là encore ce qui prégner sa progéniture. Mais aussi pour la protéger.
semble être l’expression de leur goût : « Le chim- L’art est ici lié à la vibration qu’il produit et l’énergie
panzé centre le dessin, préfère les courbes aux figures qu’il insuffle à l’être. Chaque forme, chaque dessin
hachées, les couleurs vives et primaires. Quand il fait exprime une vibration qui peut être émotion et qui
ça, j’imagine qu’il a la même attitude qu’un enfant peut aussi faire barrage aux dangers. »
de trois ans qui commence à dessiner. Il y a une sorte
de choix esthétique, mais il n’y a a priori pas de dé- L’animal intègre donc, tout comme l’homme,
marche artistique, à mon avis. », nous dit Georges la géométrie à ses créations. Pour Georges Cha-
Chapouthier. Mais pour Lucile Picker, « ces expé- pouthier, cela n’est guère étonnant : « Il y a de la
riences appauvrissent beaucoup leur expression, car géométrie dans la nature, avant qu’il n’y en ait dans
l’animal a besoin d’exprimer l’art avec un référentiel l’art. Cela ne veut pas dire que l’animal le fait de
qui lui est propre : un oiseau avec son plumage, une façon consciente parce qu’il trouve que c’est beau.
abeille avec son essaim… » Il serait donc illusoire de Cela dit, nous n’en savons rien… » La rosace du
vouloir qu’un corbeau produise un Picasso, tout poisson-globe rappelle la toile d’araignée. Pour
simplement parce qu’il n’est pas un humain ! Lucile Picker, on y retrouve cette idée de géo-
Chaque être vivant vit dans son propre monde métrie : « La toile d’araignée est aussi une forme
sensoriel et nous ne pouvons donc pas partager d’art, qui peut être associée aux mandalas. Je pense
le vécu existentiel des animaux ni percevoir cette qu’on peut y retrouver la géométrie sacrée. L’arai-
impression subjective de beauté. Georges Cha- gnée enseigne la patience et l’introspection. Elle est
pouthier explique que « le chien a une olfaction une alliée de la méditation : attendre que les choses
des dizaines de fois supérieure à la nôtre. Il vit donc viennent à soi, poser l’intention et recevoir, tisser la
dans un univers d’odeurs fabuleux et a un accès sen- toile de sa vie… »
soriel et donc esthétique que nous n’avons pas. Nous Un autre cas défie la raison scientifique : l’oi-
mais aussi d’accéder à ce sentiment d’éternité qui division entre les choses censées être belles ou artis-
nous touche parfois face au beau ? Pour la jeune tiques ? L’important n’est-il pas que l’on apprécie la
femme, cela ne fait aucun doute : « Les animaux beauté, qu’il s’agisse de montagnes sculptées par les
sont plus libérés et souvent plus spirituels que nous, glaciers, du nid de l’oiseau à berceau ou d’une pein-
ils n’ont pas de filtre. Un artiste va chercher en lui, ture de Michel-Ange ? L’homme, plutôt que déten-
dans son essence divine. L’animal a gardé cette pure- teur du monopole de l’art, ne serait-il pas, tout
té, il a ce sens du beau partout et tout le temps, il est comme l’animal, l’observateur et l’expression d’une
dans l’émerveillement. » nature et d’un univers profondément artistiques ?
Dr Deepak Chopra
Les sept lois
spirituelles du
succès
Pour l’auteur, déjà à l’origine
de nombreux best-sellers sur la
santé, la science et la spiritua-
lité : « Réussir veut dire ren-
contrer le divin ». Dans cet ou-
vrage, il donne sept clés essentielles pour réussir
sa vie, à tous les niveaux (matériel, amoureux,
spirituel...), sans négliger aucun des aspects du
bien-être, qui ne peut être total qu’en connexion
avec plus grand que soi.
Éd. J’ai Lu, 2004, 5 €
Malory Malmasson
L’art &
la manière
d’être soi
Et si l’art ultime était d’être
soi-même ? Dans cet ouvrage,
l’auteure nous donne 23 exer-
cices pour « nous affranchir de
nos peurs et soigner nos blessures ». Présenté
comme une méthode qui révolutionne l’in-
conscient, en associant psychologie, énergétique
et spiritualité, ce guide nous aide à mettre en lu-
mière ces mécanismes invisibles qui nous li-
mitent, afin de nous en libérer.
Éd. Florent Massot, 2019, 24,90 €
MÉDECINE TIBÉTAINE
Guy Aznar & Anne Bléas Dr Nida Chenagtsang
ARTS SACRÉS
Collectif
Ars sacra
CHAMANISME
Voici l’ouvrage de référence en ma-
tière d’art chrétien, présentant des
œuvres de l’Antiquité à nos jours. Prix
Deux mille ans d’histoire de l’art du Livre
d’inspiration divine sont offerts au chamanique
lecteur, grâce à des textes précis 2019
rédigés par des historiens de l’art,
mais aussi à de belles photogra-
phies. Art roman, gothique, contem-
porain, architecture, sculpture, pein-
Éd. Ullmann, ture... Un livre très complet qui
2015, 99 €
émerveillera par sa grande diversité.
philosophique rare.
IIII.
II I. Le Je
Jeun
une
e Ho
Homm
Homm
mme
e
IV.. L
IV L a Mèr
La ère
ère
V. Le Pè
V. Père
ère
81 cartes
+ livre de 338 pages - 28 €
Pour aller plus loin
Alain Dikann
L’art-thérapie
Voici un guide théorique et
pratique, qui présente tout
d’abord l’histoire, les études
scientifiques et les concepts
fondateurs de l’art-thérapie,
ainsi que les pathologies qu’il
peut soigner. Ensuite, une
quinzaine de médiations artistiques sont présen-
tées (arts plastiques, théâtre, marionnettes,
danse, musique, écriture, photographie...), avec de
nombreux exemples d’ateliers. Enfin, la question
fondatrice de la formation et du rôle de l’art-thé-
rapeute est étudiée. Un ouvrage pour tous, mais
aussi pour les soignants, afin de leur faire décou-
vrir cette pratique qui peut être très aidante.
Éd. Grancher, 2018, 22 €
Alexandra Duchastel
Art-thérapie
Un outil de guérison
et d’évolution
Psychologue et art-thérapeute,
l’auteure explique ici comment
l’imaginaire peut être source
de guérison et de chemine-
ment intérieur, en dehors de l’attente d’un résul-
tat esthétique. À travers des cas concrets de pa-
tients, la praticienne explique le processus. Elle
nous convie également à « une chasse au trésor »
à la découverte de soi, grâce à des applications
CINÉMA
Pierre Prigent
Collection ÉVÉRA
Ils ont filmé l’invisible
Ce livre essaie de décrypter le « La nature rayonne de beauté »
thème de la transcendance au ci-
néma, à travers de nombreux
exemples de films. Comment trai- Le Message de la Fleur
Les sentiers de la métamorphose
ter de l’invisible, comment filmer
La Pierre Précieuse
la croyance, comment entrer en Le trésor caché
lien avec le divin, à travers une ca-
méra ou des comédiens ? Le lan-
gage mystérieux de ce qui existe
Éd. Cerf, au-delà des apparences et que l’on
2003, 23 € peut transposer au cinéma.
Vincent Ward
Au-delà de nos rêves Riche en iconographie, cette collection
Après avoir perdu ses deux en-
thématique invite à un voyage poétique,
fants, Chris Nielsen (joué par Ro- artistique et spirituel.
bin Williams) décède à son tour. Elle permet ainsi de découvrir, ou faire
Sa femme tombe alors dans une
dépression qui la mène aux enfers. découvrir, l’œuvre de l’auteur.
Chris décide de la sauver. Son
voyage dans l’au-delà le mène
également à parcourir les tableaux
peints par sa femme. Il croisera
Éditions PROSVETA
ainsi toutes sortes d’âmes et por-
PolyGram et Universal tera un regard différent sur la mort
Studios, 1998 et la vie. Un film bouleversant. www.prosveta.fr prosvetafrance
Edward de Bono
La boîte
à outils de
la créativité
Pour l’auteur de ce best-sel-
ler , la créativité est une af-
faire de rigueur et de struc-
ture. Il propose donc une sé-
rie de techniques qui ont fait leurs preuves dans
des centaines d’entreprises. Cette méthode est
appelée la « pensée latérale ». Grâce à ces ou-
tils, il est possible de renouveler ses idées et de
créer des projets innovants.
Éd. Eyrolles, 2013, 29 €
ROMAN
ger notre vie.
Éd. Véga, 2017, 18,20 €
Bernard Werber
Sa majesté des chats
Elizabeth Gilbert
Ce roman est la suite (très récla-
Comme
PHOTO AMBIANCE : SHUTTERSTOCK / SJ TRAVEL PHOTO AND VIDEO
mée) du livre Demain les chats, et
par magie l’auteur, passionné, sort égale-
L’auteur du célèbre Mange, ment une Encyclopédie du savoir
prie, aime nous présente ici relatif et absolu des chats. Se
un ouvrage pour développer mettant dans la tête d’un chat,
notre force créative. L’idée plus précisément d’une petite
est de pouvoir exprimer nos chatte adorable et futée, tout en
talents cachés, afin de mettre en avant qui nous intercalant des pages historiques,
sommes et de rayonner dans notre vie. Nous le romancier nous offre un opus
avons tous les capacités de créer la vie que nous ingénieux et mystique. Au-delà de
voulons et cela passe par la force de notre inves- l’amusement provoqué par les
tissement personnel. De quoi vouloir se mettre clins d’œil multiples à nos amis
au travail ! les félins, nous sommes entraînés
Éd. Calmann-Lévy, 2016, 19 € dans l’esprit d’un animal génial... Éd. Albin Michel, 2019, 21,90 €
Papeterie bleue
Mandalas complexes
Réaliser un mandala est un exer-
cice méditatif utilisé par les
bouddhistes depuis des millé-
naires. Colorier ces mandalas,
c’est un peu comme pratiquer
une méditation de pleine
conscience. Mais l’album permet
aussi de déployer son propre po-
tentiel créatif et de ramener sa
Éd. Gray & Gold
Publishing, 2017, concentration sur son centre in-
6,32 € térieur. Un véritable outil de
calme et de sérénité.
Cécile Filliette
Dessine ta vie !
Cent petits exercices d’art-théra-
pie, ludiques et créatifs, qui font
double emploi : d’un côté, ils
vous aident à travailler quelques
points sensibles (émotions, blo-
cages, besoin de lâcher-prise...)
et d’un autre, ils vous permettent
de libérer votre créativité en des-
sinant, peignant, collant... De
Éd. Dessain et quoi se renouveler de l’intérieur
Tolra, 2017, 9,95 € et du bout des doigts !
Le billet de Stéphane Allix
Écrire c’est
être en transe…
Lors de ces semaines, de ces mois durant lesquels j’écris ce qui va devenir
un livre, il se produit parfois des choses fort curieuses. À force d’habitude,
je fais le constat que l’écriture provoque des moments de transe.
... Oui, de transe. L’exercice a priori très mental consis- glisser dans la musique d’une phrase, et voilà la magie
tant à aligner les mots pour former des phrases et es- qui se réactive.
sayer de construire une histoire, ou pour appuyer une Au cours de la rédaction des différents livres que j’ai écrits
démonstration, s’avère, dans la pratique, plus efficace durant les vingt dernières années, il m’a été donné de
quand précisément quelque chose lâche dans le mental. saisir la nuance d’une idée dans toute sa puissance, pré-
Ce n’est paradoxal qu’en apparence, car si je me rends cisément lors de ces instants irraisonnés où plus rien en
compte, aujourd’hui, qu’en écrivant, mon esprit ratio- moi ne réfléchissait. C’est par l’acte d’écrire que s’ouvrent
nalise et pose les bases d’une structure générale, autre d’autres espaces de compréhension. Comme si j’étais
chose intervient également. un observateur, comme si je devenais mon propre lec-
Il faut, pour l’observer, qu’une certaine régularité se soit teur, découvrant les mots, les phrases, les idées, en même
installée, que je sois pris des jours et des jours, des se- temps qu’elles apparaissent à l’écran. Les romanciers
maines durant dans la construction d’un récit. Immergé disent que parfois leurs personnages prennent vie et les
dans l’exercice. Alors viennent ces instants où je m’oublie, surprennent. Ils les entendent leur dicter des phrases, ils
où je m’abandonne, et où pourtant des phrases conti- voient apparaître dans leur esprit des scènes imaginaires
nuent de se former sur l’écran de mon ordinateur. Des comme s’il s’agissait de souvenirs. Je comprends cela et,
phrases qui ont du sens, même si je ne les ai pas pensées même si je n’écris pas de roman, je suis néanmoins sujet
avant de les écrire. C’est un phénomène propre à l’écri- à ces temps étranges où une inspiration si forte semble
ture. Moi qui mène des enquêtes, qui explore le réel et vraiment venir de l’extérieur de ma tête. Au-delà de l’acte
en rends compte, j’ai compris aujourd’hui combien ces d’écriture, je suis aujourd’hui convaincu qu’un monde
longues périodes où je m’adonne à la rédaction consti- invisible nous inspire au quotidien ; nous sommes globa-
tuent un temps de découverte à part entière. La dernière lement inconscients de cela. Il y a néanmoins cette bien-
étape, si essentielle, si décisive, durant laquelle les pièces veillance qui est là. Les Grecs parlaient du daemon qui
s’emboîtent et le sens se forme. Ce n’est alors plus un inspirait leurs pensées et leurs actes, les poètes évoquent
temps d’investigation où je réfléchis, classe, analyse des des muses à la réalité plus ou moins assumée, les plus
données, non, il s’agit plutôt d’une période durant la- grands scientifiques témoignent parfois d’intuitions ful-
quelle s’ouvrent, de par la transe que l’écriture provoque, gurantes, parfaitement irréfléchies. Dans l’inspiration, la
des canaux intuitifs d’ordinaire fermés. créativité, comme dans le quotidien de nos vies, nous ne
Ce sont des instants de révélation et d’intenses émotions. sommes pas seuls… jamais. Des forces, des intelligences
Je comprends certaines choses sans que mon raisonne- bienveillantes veillent et nous soufflent parfois à l’oreille
ment ait participé au processus. L’exercice de l’écriture quelques conseils, suffisamment fort pour qu’ils influent
ouvre l’accès à une forme puissante d’intuition, donne sur notre vie, sans même que l’on en ait conscience.
accès au sixième sens. Une sorte d’équilibre subtil s’est
installé. Il est précaire et peut se rompre à la moindre L’inspiration, j’en suis
occasion : une interruption, la distraction provoquée convaincu aujourd’hui,
par un oiseau qui toque à la fenêtre, une pensée parasite ; est une porte vers
mais, malgré tout, il suffit de poser un mot, de se laisser d’autres dimensions.
Stéphane Allix
Fondateur de l’INREES
LIVRE ÉVÉNEMENT
STÉPHANE ALLIX
DE
« VOICI QUELQUES-UNS DES VOYAGES QUI ONT FAÇONNÉ
L’HOMME QUE JE SUIS, ET CE QU’ILS M’ONT APPRIS SUR LA VIE. »
Flammarion
RETROUVEZ STÉPHANE ALLIX EN RENCONTRES-DÉDICACES https://editions.flammarion.com/Actualites/Stephane-Allix-en-conference