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N°42 - LE MAGAZINE DE L’INREES INREES.COM

TRIMESTRIEL AVRIL • MAI • JUIN 2019

ENTRETIEN
EXCLUSIF
Alexandro
Jodoroswky

Nibiru
La mystérieuse
planète X
PAIX
INTÉRIEURE
La seule
solution ?

corps
Ovnis & nucléaire
L’enquête

Le une voie spirituelle

POUR LIBÉRER NOS MÉMOIRES
ET RÉVÉLER NOTRE POTENTIEL
Épigénétique • Émotions • Corps subtils • Métamédecine
BEL : 9,00 € / CH : 12,90 CHF / DOM : 9,00 € /

+ REPORTAGE : Les MAASAÏ, une autre vision

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L’INREES est un institut réunissant des experts du monde de la science, de
la santé, de la psychologie, de la spiritualité et de la culture, autour d’expériences
particulières, dites inexpliquées ou extraordinaires, qui nous invitent à penser
l’humain, la vie, la nature, le monde et l’univers autrement.
 Édito

Corps et âme,
nouvelle symbiose
Il est assez formidable de constater que nous
entrons dans un âge de la connaissance, un temps Sébastien Lilli
où nos passions prennent progressivement le pas Directeur de la publication
sur le reste, un âge où, du coup, la question de  et rédacteur en chef

l’accomplissement de soi devient petit à petit la

base de nos engagements. Mieux
Même si l’âge d’or est encore loin, et même si à ce jour nous avons plutôt s’habiter,
le sentiment de vivre dans les limbes – cet état intermédiaire et flou qui réconcilier
entretient nos peurs –, un sentiment se répand jour après jour, tel un doux corps et âme,
parfum : malgré les réticences, il devient urgent et nécessaire de passer
d’une société fondée sur le mental à une société tournée vers le cœur... c’est se défaire
Et si le cœur nous amène petit à petit à écouter notre âme, notre âme de la dualité
nous pousse à réécouter notre corps. Ce véhicule terrestre qui nous
permet d’être, celui dont notre mental s’est profondément coupé pour pour toucher
chercher à avoir plus, en toute tranquillité. Aujourd’hui, l’homme, qui du doigt une
a bouleversé et transformé son environnement, est menacé – ainsi que
son corps –, que ce soit par l’environnement ou par un certain nombre
de maladies de civilisation, qui fleurissent comme les signaux d’un vais-
seau en perdition. Sur une journée, d’ailleurs, combien de temps consa-
certaine unité.

crons-nous à notre corps ? Celui-ci s’est construit depuis des milliers
d’années sur le modèle des chasseurs-cueilleurs, alors même que nous
sommes aujourd’hui assis 7 heures 30 en moyenne, sans compter le
sommeil... Une sédentarité excessive, jugée néfaste pour notre santé. La
médecine découvre justement que beaucoup de nos comportements –
ne pas écouter notre corps, mais aussi refouler nos émotions, notre stress
ou nos désirs d’évolution – seraient la cause de nombreuses maladies.
Une dissociation profonde corps-mental-âme.
Heureusement, ces prises de conscience sont déjà la clé nous invitant
à une nouvelle symbiose, à de nouvelles médecines aussi. Car au-delà
de la science, bien des voies spirituelles nous disent : d’abord, que le
corps physique n’est pas le seul que nous possédons, mais qu’il existe
PHOTO : OLIVIER SEIGNETTE/INEXPLORÉ

différents corps subtils nous invitant à aller au-delà des apparences, au

contact d’un monde d’énergie et d’informations. Ensuite, qu’il existe
des techniques pour s’affranchir de certaines mémoires du passé afin
de libérer notre potentiel. Enfin, que des pratiques comme le yoga
ou le tantra sont des enseignements pour redécouvrir l’essentiel...
à savoir que mieux s’habiter, réconcilier corps et âme, c’est se défaire
de la dualité pour s’élever vers une certaine unité. Voilà tout l’objet de
ce nouveau dossier d’Inexploré ! ●

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 3

inexp oré
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Secrétaire de rédaction
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Correctrice
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Relectrice
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Rédacteurs
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Carine Anselme, Melanie Chereau, Claire Eggermont,
Julie Klotz, Catherine Maillard, Jocelin Morisson,
Morvan Salez, Frederika Van Ingen
Responsable communication
et partenariats
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Photographes
Natacha Calestrémé, Denis Mauplot,
Brenda Neckvatal, Olivier Seignette
Couverture
Shutterstock / Zolotarevs
Conception éditoriale
INREES, 67 rue Saint-Jacques
75005 Paris
Présidence
Sébastien Lilli
RCS Paris 529 179 582
ISSN : 2119-4971
N° Commission paritaire

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Titre modifiable sur le portail-diffuseurs : www.direct-editeurs.fr
À Juste Titres, Stéphanie Troyard : 04 88 15 12 48
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par un fils, Chris, cherchant à comprendre pourquoi
sa mère – Mary Rodwell, une référence dans le
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 Sommaire

3 L’ÉDITO
Incarner
Sébastien Lilli
8 GRAND 94 THÉRAPIE
ENTRETIEN L’âme guérisseuse
Alexandro Jodorowsky
Psychomagie : 100 PRATIQUE
un art visionnaire de la guérison Nettoyage énergétique de printemps
104 VISION D’AVENIR
Paix intérieure,

S’inspirer
clé d’une sérénité collective

14 NOUVELLE TERRE

26
Les news
PORTRAIT
S’émerveiller
Derek Amato 108 PLUS PRÈS DES ÉTOILES
La musique intuitive Alerte au-dessus des centrales
30 NATURE 114 CHEMIN
Drôme de savoir Glastonbury Tor, la porte sur la colline
34 SCIENCE 116 TÉMOIN
Nibiru, la planète oubliée ? Marylène Coulombe
40 PSYCHO
Médiumnité et transmission
La trinité infernale 118 MYSTÈRES
44 Les trésors de Gisors

PHOTOS : OLIVIER SEIGNETTE - BRENDA NECKVATAL - NATACHA CALESTRÉMÉ - SERGEY NIVENS/SHUTTERSTOCK

SANTÉ
Nos fantômes de guerre 120 UNE HISTOIRE
Le bandit sauvé par l’amour

122
Explorer LIVRES
3 QUESTIONS À
Véronique Desjardins
84 L’INVITÉ Un chemin d’amour
Jean-Pierre Goux
Un rêve à l’échelle
123 À LIRE ET À VOIR
La sélection d’Inexploré
planétaire
130 LE BILLET
Stéphane Allix
88 REPORTAGE
Les Maasaï,
une autre vision

6 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 LE SUBTIL
Nos enveloppes
suprasensibles

66

corps
DOSSIER

Le une voie spirituelle

Corps accord perdu 50
Tous mutants ? 54
Nos émotions face à la maladie 58
Les messages des symptômes 62
Nos enveloppes suprasensibles 66
Quand le toucher accompagne la psychothérapie 70
Cinq techniques pour tenter de guérir les mémoires du corps 73
Se libérer des mémoires 74
L’éveil par le corps 78
Pour aller plus loin 82
 GRAND ENTRETIEN
ALEXANDRO JODOROWSKY

un art
visionnaire
DE LA
GUÉRISON
Artiste protéiforme, créateur démesuré et d’avant-garde, révolutionnaire du
tarot… Alejandro Jodorowsky est une figure iconoclaste de l’art et de la
divination. Inventeur de la psychomagie, entre autres, il revient, lors de
cette entrevue inédite, sur cette technique de guérison à mi-chemin entre
l’expression de l’inconscient, l’utilisation des symboles, de la réalité, la vue
des blessures familiales… et du miracle de la vie.
Propos recueillis par Sébastien Lilli et Catherine Maillard
Photos Olivier Seignette pour Inexploré

Au cours de son existence extraordinaire, Alexandro
Jodorowsky a accompli un formidable périple. Né au
Chili d’une famille juive originaire d’Europe de l’Est,
il a visité de nombreuses cultures, connu d’incroyables
expériences. Il a exploré les méthodes des sorciers et des
guérisseurs à Mexico, rencontré d’immenses maîtres de
sagesse, tout en faisant partie de l’avant-garde culturelle
avec ses contributions à la bande dessinée, au ciné-
ma, ou à la littérature. Il a aussi allumé la flamme de
la conscience de milliers de personnes lors des soirées
« Cabaret mystique », où il a pratiqué la psychomagie
avec les lames du tarot de Marseille. Alors que son do-
cumentaire Psychomagie, un art qui guérit s’apprête à
être sélectionné pour le festival de Cannes, nous avons
rencontré ce visionnaire de génie à l’esprit affûté et pro-
fondément libre, qui revient pour Inexploré sur cette
pratique thérapeutique en apparence extravagante, qui
agit sur l’inconscient par le biais d’actes théâtraux, reven-
diquant l’art comme processus de guérison.
Vous êtes un artiste multiforme : poète, cinéaste,
peintre... Comment êtes-vous passé d’un rapport
artistique au monde, à un art qui guérit ?
Longtemps, je n’ai pensé qu’à mon succès artistique, à
l’art pour l’art. Je ne savais pas que l’art n’est pas seule-
ment la recherche de la beauté, mais celle de la réalité de
la bonté. Seul un art tourné vers la bonté et la quête de
vérité est un art véritable. Alors j’ai cherché comment ai-
der le monde, même de façon limitée, en étant qui je suis.
C’est là que je me suis mis à faire des séances de ✦ ✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 9

 GRAND ENTRETIEN
ALEXANDRO JODOROWSKY
✦ ✦ ✦ tarot, gratis... Pendant 30 ans, chaque mercredi,
j’ai organisé des soirées, quel que soit l’endroit où j’étais.
Souvent, je commençais par des blagues, puis je « lisais »
les tirages de cartes aux personnes qui le souhaitaient…
Ce qui m’a amené à restaurer le tarot de Marseille, avec la
famille Camoin. C’est peut-être ça, mon œuvre véritable,
la restauration de cet outil, qui m’a permis de rencontrer
des milliers de personnes, de voir ce qui fonctionne ou pas,
les événements qui se répètent ou pas. C’est dans ce creuset
du « Cabaret mystique » qu’est née la psychomagie.
De vos innombrables expériences de vie est
issue une nouvelle forme de psychothérapie : la
psychomagie. Comment la définiriez-vous ?
Vous êtes conscient que c’est un peu comme si vous
demandiez à Sigmund Freud ce qu’est la psychanalyse.
Elle ne m’est pas venue telle une illumination subite ;
elle s’est perfectionnée au fil des années. C’est un terme
que j’ai inventé. Mon livre Le théâtre de la guérison, paru
en 1994, traitait déjà des fondements de cette pratique,
mais mon éditeur avait choisi un autre titre. C’est in-
téressant qu’aujourd’hui, je sois autorisé à aborder la
psychomagie ! C’est une réponse à la psychanalyse, in-
ventée par un médecin, et dont les racines sont scienti-
fiques : celles de la psychomagie, créée par un cinéaste,
un poète, sont artistiques. Parlons de la maladie : d’un
certain point de vue, ce sont des « rêves », des messages
qui révèlent des problèmes non résolus. Il en existe diffé-
rentes formes : corporelles, émotionnelles, mentales... et
sociales ; on peut affirmer que nous vivons actuellement
dans une société qui est malade ! Nous sommes arrivés
au terme d’une situation où, à la souffrance humaine,
s’ajoute celle de la planète…
Sans doute avez-vous une hypothèse pour
trouver une issue ?
Si je veux que la Terre, la société, le monde aillent mieux,
il faut que je guérisse moi-même. La guérison du monde
dépend de celle de chaque individu !
Sur quels fondements repose la psychomagie ?
J’aimerais mettre l’accent sur un premier aspect fondamen-
tal : la richesse de l’écoute. La personne qui vient consul-
ter a un crucial besoin d’écoute. Pour chacun se rejoue la
même demande : je veux être écouté, je veux être vu, je
veux être aimé, je veux être respecté, je veux être protégé...
Et puis, il y a une seconde chose essentielle : je veux être
moi-même, parce qu’à chaque seconde de ma vie, ma fa-
mille, la société et l’histoire ont voulu que je sois différent.
Je veux la liberté d’être qui je suis. En réalité, la majorité de
nos problèmes proviennent de ces empêchements à être
qui nous sommes vraiment !
10 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019
Dans cette pratique, l’acte psychomagique et
symbolique est-il au cœur du processus de
guérison ?
La psychomagie se distingue de la psychanalyse. Celle-ci
repose sur la parole, le verbe ; le corps est immobile, sans
contact avec le thérapeute. La psychomagie soigne par des
actes, la mise en mouvement, des actes que vous n’avez ja-
mais faits et qui peuvent paraître « fous », comme sauter
en parachute en robe de mariée, traverser un cimetière, se
mettre à peindre avec son sang, écrire des poèmes à une per-
sonne décédée… En cela, la psychomagie est un art. Et c’est
là que réside la magie de cette pratique : pour guérir, on ne
fait pas appel à un guru ou à un maître, mais à l’artiste qui
est en vous… 
Sur quoi repose le bon déroulement de la séance ?
Pour faire un bon acte de psychomagie, il faut bien connaître
la personne. Plus encore que vos symptômes, qui sont in-
téressants, c’est ce qu’ils produisent dans votre vie qui
compte. Quels sont les problèmes que vous avez et dans Seul un art
quel secteur : votre intellect ? Votre cœur ? Votre sexualité ? tourné vers
Dans votre corps ? Et où dans votre corps ? Votre peau, vos
os, votre digestion ? En psychomagie, on a besoin de tout la bonté
savoir. D’où vous venez ? Qui sont votre père, votre mère et la quête
ou vos arrières-grands-parents ? Quelle est votre nationali- de vérité
té ? Quelle est l’équipe de football que vous soutenez ? Cela
aussi, c’est important ! En bref : quelles sont vos croyances, la est un art
cage mentale dans laquelle vous vivez ? Nous avons tous une véritable.
cage mentale...

Vous pensez que nous sommes tous conditionnés,
et qu’il est primordial de se libérer ?
Nous sommes enfermés dans d’innombrables préjugés qui
dirigent notre existence et qui touchent en vérité bien des as-
pects de notre vie. Les préjugés touchent tous les domaines :
l’âge, la sexualité, la profession, le genre, et bien sûr les na-
tionalités. Ils nous privent de notre joie de vivre et surtout
de notre liberté ! La société nous met dans des cases toujours
plus clivantes. Prenez un artiste, comme moi, je devrais faire
un choix : peintre, poète, comique, dessinateur… Sinon, je
suis un touche-à-tout, terme peu élogieux en vérité. Il faut
se libérer de ces conditionnements ! Je suis tout ça à la fois, et
j’assume ! C’est un premier pas pour sortir de sa cage mentale.
Quels sont vos outils en psychomagie ?
Le tarot est mon outil de prédilection. Il me permet de voir
les personnes telles qu’elles sont vraiment, quels sont leurs
problèmes... J’ai mémorisé ces 78 cartes, elles sont en moi,
introjectées [un processus qui met en évidence le passage du
dehors au-dedans, NDLR]. C’est une lecture du monde
d’une intelligence suprême, kabbalistique, un dictionnaire
des symboles. Ces cartes m’ouvrent la porte de l’inconscient,

le mien et celui de la personne. Ensuite, je reçois l’acte psy-
chomagique en état de transe, tout droit sorti de ce royaume
de l’inconscient ! Comme une poésie, pour un happening
de guérison.
Comment fonctionne ce miroir entre les deux
inconscients, le vôtre et celui de la personne ? Et
comment agit l’acte symbolique ?
Le symbole ne transmet pas un message précis. Il agit comme
un miroir qui reflète le niveau de conscience du chercheur. La
vérité n’est pas dans un livre, mais dans l’esprit de celui qui,
s’appuyant sur le symbole, découvre dans les profondeurs de
son être ce mystère essentiel qui est son vrai maître. J’aimerais
préciser que je procède à « l’envers » de la psychanalyse : alors
que celle-ci cherche à décrypter le langage de l’inconscient
dans une traduction que le cerveau rationnel peut saisir,
moi, je mise sur le langage de l’inconscient, que je propose de
mettre en acte. C’est là que réside le processus de guérison !
Racontez-nous un acte de psychomagie...
J’en ai des milliers, en choisir un est un véritable défi ! Je
vais vous raconter celui de cette femme violoncelliste. Elle
joue merveilleusement bien, mais ne peut pas se produire,
à cause de cet instrument encombrant entre ces jambes,
cet attribut perçu comme masculin par son entourage et
également elle-même. C’est le problème qu’elle va devoir
dépasser. Nous découvrons que ses parents voulaient un
garçon ; or c’est une fille. Elle n’arrive pas à s’aimer elle-
PHOTOS : OLIVIER SEIGNETTE POUR INEXPLORÉ
même ni son instrument, qui est une représentation de son
sexe. L’acte psychomagique va consister à se réapproprier sa
féminité. Comment ? En versant son sang menstruel une
fois par mois dans son instrument, pendant neuf mois, au
terme desquels elle doit, lors d’un concert public, procéder
au nettoyage de son violoncelle, puis jouer. Neuf mois, le
temps d’une gestation, sa propre naissance, en tant que
femme... Elle l’a fait et, aujourd’hui, elle joue merveilleu-
sement bien et a beaucoup de succès !
Pourquoi l’acte a-t-il besoin de son caractère

théâtral pour être efficace ? Est-ce un moyen de
détourner le mental ?
Pas exactement, c’est plutôt le remettre à sa place ! Le men- La guérison
tal est nécessaire. Le plus important est de bien comprendre
que, de même que la carte n’est pas le territoire, le mot est du monde
un guide, mais ce n’est pas l’expérience. Vous pouvez répéter dépend
plusieurs fois beefsteak, vous ne serez pas nourri, vous allez de celle
continuer à avoir faim. C’est une différence qu’il faut faire.
Selon moi, donner le pouvoir absolu à la parole pour la gué- de chaque
rison peut conduire à la folie…  individu !

Parlez-nous de la réalité, quelle est votre vision ?
Chacun a la sienne, elle fluctue selon la façon de penser, plus
précisément selon notre façon d’interpréter les événements.
Quand quelque chose nous arrive, est-ce positif ? Est-ce néga-
tif ? Nous n’en savons rien, en fait ! Cela peut paraître étrange,
mais même la mort d’un proche peut être vécue de multiples
façons, dans la tristesse, la joie… J’ai perdu un fils, je sais
de quoi je parle. C’est notre interprétation qui définit notre
réalité. Ma vision est qu’il faut sortir de la « carte », pour entrer
dans le « territoire » ! La vie est un miracle perpétuel, en cher-
cher à tout prix la logique est voué à l’échec… Il faut croire au
miracle ! Prenez les chamanes : leur job consiste à faire croire à
la possibilité du miracle. Ce pour quoi, quand la personne est
émerveillée par une petite « tricherie sacrée », elle peut, après,
vivre de vrais miracles, parce qu’elle y croit. Si vous ne croyez
pas, si vous n’avez pas la foi, rien ne peut se faire !
Que voulez-vous dire ?
C’est en voyant opérer des thérapeutes populaires que j’ai
conçu la notion de tricherie sacrée. Pour qu’advienne l’ex-
traordinaire, il faut que le malade admette l’existence du
miracle et croie fermement qu’il peut guérir. Pour réussir, le
« sorcier » se voit obligé, lors des premières rencontres, d’user
de trucages qui convainquent celui-ci que la réalité matérielle
obéit à l’esprit. Le consultant fait alors l’expérience d’une
transformation intérieure qui lui permet de saisir le monde
grâce à son intuition, plutôt qu’à travers sa raison. Alors seu-
lement peut survenir le miracle.
Et vous, est-ce que vous vous êtes vraiment
libéré de votre arbre généalogique ?
Après la projection de mon dernier film Poésie sans fin, beau-
coup de personnes ont été touchées par mon expérience de
libération de mon père, qui était tyrannique. Et c’est aussi
ça, la psychomagie : si les gens sont touchés et que le film les
aide à leur tour à se libérer, alors je crois pouvoir dire que j’ai
fait un bon travail. Ça m’a pris du temps et demandé ✦✦✦
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 11
 GRAND ENTRETIEN
ALEXANDRO JODOROWSKY
 présente avec le mort. Puis de sauter en parachute avec le cos-
La psychomagie soigne par des actes,
la mise en mouvement.

✦ ✦ ✦ beaucoup de courage. J’ai fait des actes héroïques,
À
LIRE comme partir du Chili et ne plus voir ma famille... Car la
famille est sacrée quand elle remplit son rôle d’amour, mais
quand elle est toxique, il faut s’en défaire !
Le seul moyen, c’est alors de couper le lien ?
C’est un moyen héroïque. Il y en a d’autres, comme com-
prendre et trouver une façon de pardonner, pour enfin se
Psychomagie dire : le mal que mon père a fait a produit qui je suis au-
Alexandro jourd’hui. Mon père : athée, communiste, staliniste, écrasant
Jodorowsky
Éd. Albin Michel,
sa femme, ma mère. Ma mère : juive issue d’un viol par un
2019, 17 € cosaque, anéantie par la honte, mariée à un homme brutal.
Tout le chemin que j’ai fait pour me libérer de ma névrose
familiale a fait de moi qui je suis aujourd’hui. C’est ça, le mi-
racle. Et peut-être qu’au fond, j’ai même choisi mes parents
pour arriver à ça !
Vous pensez qu’on choisit ses parents ?
Voilà une forme de tricherie sacrée : c’est une pensée qui peut
être utile ! Accepter que j’aie choisi mes parents revient à dire
que c’était sans doute la meilleure école à suivre pour devenir
qui je suis. Au lieu de l’envisager comme une maladie, un
poison, c’est une médecine féroce ! Grâce à laquelle je me
suis réveillé. Le mal que j’ai subi enfant m’a obligé à trouver
ma propre médecine.
12 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019
Vous placez l’audace comme un des piliers de la
psychomagie. Pourquoi ?
Je vais vous donner un exemple. C’est l’histoire d’une femme
mexicaine, qui est littéralement « empêchée » de revenir en
France, alors que c’est crucial pour elle. Je comprends qu’il y
a un mariage qui n’a pas eu lieu, avec un Français, un aven-
turier, professeur de parachutisme. Deux jours avant la cé-
rémonie, il se suicide en se jetant du quatrième étage de son
appartement. La famille le fait incinérer et garde les cendres ;
cette femme n’a rien, seulement une profonde incompré-
hension face au geste de son amant. Comment la sortir de
là ? Je lui ai demandé de se promener dans un cimetière avec
son costume de fiancée, pour symboliser sa relation toujours
tume, pour vivre l’événement tragique du suicide de façon
symbolique. Puis de brûler ce costume. Elle a osé le faire,
parce qu’il faut une sacrée dose d’audace pour tout ça… Et
elle s’est libérée.
Vous avez pointé quatre axes fondamentaux en
psychomagie : vouloir, oser, pouvoir et se taire...
Vouloir est la base : il faut vouloir guérir. Nous sommes atta-
chés à nos problèmes, nous ne sommes pas si enclins à vouloir
nous en séparer, car nous allons perdre quelque chose, si nous
le faisons. Il faut donc commencer par vouloir guérir. Ensuite,
il faut oser faire un acte qui nous libère. Le pouvoir, c’est celui
de la vérité. Il faut avoir la foi, la conviction que nous allons
gagner contre notre attachement au problème...
Pourquoi est-ce une telle lutte ?
Parce que nous sommes attachés à tout ce qui est connu ! Vos
problèmes vous ont défini, ils constituent votre socle iden-
titaire. Or, le changement est le fondement même de votre
être. Changer devrait être simple, au fond... Mais non, nous
sommes agrippés à notre souffrance. On tient à ce qu’on est !
Or, tant qu’on ne lâche pas, il n’y a pas de guérison. C’est un
peu comme notre société qui est campée sur ses positions,
résistant coûte que coûte au changement !
Et se taire ?
Il y a un moment où parler ne va rien résoudre. Selon moi,
la psychanalyse, qui porte aux nues le verbal, prépare les in-
PHOTOS : OLIVIER SEIGNETTE POUR INEXPLORÉ
dividus à vivre dans la société telle qu’elle est... Or, elle est
malade ! L’homme, en se libérant, va changer la société, et la
guérir. Nous sommes tous des mutants, nous sommes tous
en perpétuel changement ! La vie est un défi continuel et
inventif qu’il nous faut relever en développant notre créa-
tivité. La réalité doit être réalisée de façon artistique. Alors,
nous prenons conscience que tout être a d’innombrables clés
pour évoluer ! ●
 S'inspirer

Au commencement
DES TEMPS
les mots et la magie
étaient la
même chose
SIGMUND FREUD
 Nouvelle Terre Nature

DRÔLES DE BÊTES
Les corbeaux
font le poids
On savait déjà les corbeaux
très intelligents, mais une
expérience récente a surpris
les scientifiques. Elle a
démontré que ces oiseaux
sont capables de déterminer
le poids d’un objet…
simplement en l’observant.
Une capacité que l’on pensait
réservée aux humains. ●

C’EST POUR DEMAIN

La mer en
voit de toutes
les couleurs
Les effets du réchauffement
PRÈS DE CHEZ VOUS
climatique sont de plus en plus

Grande-Synthe,
perceptibles. Des chercheurs
américains ont déterminé
que, d’ici quelques décennies,

laboratoire écologique
nos océans changeront de
couleur, pour être plus verts
ou plus bleus. En cause ? La

et social
hausse des températures
entraîne des modifications du
phytoplancton. ●

ET ÇA MARCHE
Prenons-en
de la graine
Afin de contribuer à sauver
les abeilles solitaires de
la pollution, l’association
Natur Miel, un groupement
d’apiculteurs, propose
d’envoyer gratuitement des
graines de trèfle, dont les
butineuses sont friandes.
Envoyez une enveloppe
affranchie avec votre adresse
à : Natur Miel association,
Opération Graines de trèfle,
508 route des Termes,
31800 Saux et Pomarède. ●
E
t si, plutôt que de venir du som-
met de l’État, les changements
nécessaires à la transition éco-
logique venaient d’initiatives
locales ? Ici et là émergent des « labo-
ratoires du futur », porteurs d’un autre
modèle de société, tant sur le plan de
l’environnement que du social. C’est
notamment le cas de Grande-Synthe
(Nord). Cette ville industrielle revient
pourtant de loin, touchée de plein fouet
par une crise sociale, écologique et mi-
gratoire : 33 % de sa population vit sous
le seuil de pauvreté, la pollution indus-
trielle est importante, et plusieurs cen-
taines de réfugiés s’y sont installés. Ici,
écologie et économie vont de pair, et ont
permis d’ériger la ville comme modèle
de résilience.
Parmi les nombreuses initiatives mises en
place, le maire, Damien Carême, a dou-
blé l’aide à l’amélioration thermique de
l’habitat, construit un écoquartier acces-
sible aux populations pauvres, et le pre-
mier stade à énergie positive de France. Il
a proposé une aide à l’achat d’un vélo et
le bus gratuit ; des jardins potagers ont été
plantés au pied des barres d’immeubles,
qui permettent de nourrir 150 familles
et de favoriser l’essor de la solidarité. Les
cantines sont fournies à 100 % en bio, et
une ferme urbaine verra bientôt le jour.
Une partie des économies réalisées per-
mettra prochainement à la Ville d’offrir
un revenu de base de 855 € par personne
et par mois. Enfin, un mois après l’appel
de quatre ONG en faveur d’un recours
administratif contre l’État, Damien
Carême a déposé une plainte devant le
Conseil d’État pour « non-respect de ses
engagements climatiques ». Une pre-
mière en France.
Grande-Synthe, la ville où tout se joue, un
documentaire sur le parcours de Damien
Carême (de Béatrice Camurat Jaud). ●

14 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 WUTAO
ÉVEILLER L’ÂME DU CORPS
Le conseil naturo
Au printemps, Cours & stages dans toute la France
faites peau neuve Stages d’été aux Arcs 1600
Et si, au printemps, on prenait soin de soi par la peau ?
Cet organe est en effet le plus vaste émonctoire du 28 juillet - 2 août et 4 - 9 août 2019
corps humain : il permet d’évacuer une partie de nos
déchets par les glandes sudoripares et les glandes Formation WutaoSchool 2019-20
sébacées. Il arrive en soutien des organes d’élimination
primaire que sont le foie et les reins. Au printemps, un Aix - Paris - Bordeaux
nettoyage en profondeur de la peau permet de se
décharger des toxines accumulées pendant l’hiver.
Pour cela, penser à boire, beaucoup, une eau peu
minéralisée, en alternance avec des tisanes. Favoriser la
sudation avec une activité sportive et en pratiquant
sauna, hammam ou bains chauds une fois par semaine,
pendant un mois.

Découvrir le brossage à sec

Le brossage à sec, avec une brosse
spéciale achetée en magasin bio, est une
méthode qui permet de libérer les pores
pour favoriser l’élimination, tout en
activant la circulation sanguine et
lymphatique (et donc la circulation des
déchets).
Avant de prendre sa douche, il consiste à
brosser doucement l’ensemble du corps,
sur une peau nue et sèche, en respectant
le parcours de la lymphe (des pieds jusqu’à
la tête, voir tutoriels sur Internet). Il peut
se pratiquer tous les jours, remplaçant
alors l’utilisation de savon, ou plus
modérément, deux fois par semaine.
PHOTO : SHUTTERSTOCK - STANISLAVSKYI - SWAPAN PHOTOGRAPHY

Une tisane de printemps

Pour faire votre tisane maison, penser à demander un
mélange de plantes qui aideront au nettoyage de la
peau, en herboristerie.
PRÉPARATION Par exemple, la bardane et la
pensée sauvage, aux vertus dépuratives et
cicatrisantes ; la bourrache, sudorifique et
diurétique, ou le pissenlit, qui stimule le
métabolisme hépatique et le flux biliaire.

www.wutao.fr
 Nouvelle Terre Santé

À MÉDITER
Cancer : la
lutte s’organise
Les médecines alternatives
trouvent tout doucement leur
place au sein de nos hôpitaux.
À Saint-Nazaire, une clinique va
proposer aux malades atteints
du cancer un accompagnement
en aromathérapie, associé à
de l’hypnose, dans le but de
remplacer une partie de la prise
d’anxiolytiques. Autre bonne
nouvelle : des scientifiques
anglais ont développé un
complexe à partir d’iridium, un
métal présent principalement
dans les astéroïdes. Il
permettrait de mieux cibler les
cellules cancéreuses, et cela,
sans radioactivité. ●

ESPOIR
Alzheimer PRÈS DE CHEZ VOUS
sur le bout
des lèvres ?
Des chercheurs ont découvert, Vaccins :
quels dangers ?
dans le cerveau d’un patient
atteint d’Alzheimer, une bactérie
présente dans la bouche lors de

parodontites. Cette migration
étonnante s’accompagnerait de
perturbations neurologiques,
et parfois de maladies cardio-
vasculaires, respiratoires,
de diabète… Un espoir de
traitement si la connexion
est confirmée. ●
LA SCIENCE AVANCE
Réalité virtuelle
anesthésiante
HypnoVR est une start-up
alsacienne qui vient de
créer un logiciel permettant
d’effectuer des opérations
chirurgicales sous hypnose,
grâce à la diffusion d’un
programme de réalité virtuelle.
Le patient en état modifié de
conscience peut être opéré
et ainsi ne pas subir tous les
effets secondaires des produits
anesthésiants. ●
D
ans un rapport récent, l’OMS
a publié une liste des dix
plus grandes menaces pour
la santé humaine. Outre le
changement climatique, les conflits ou
le VIH, on y trouve l’hésitation à se faire
vacciner, qui d’après elle, « menace les
progrès accomplis dans la lutte contre les
maladies vaccinables ». L’OMS explique
que la vaccination sauve la vie de deux
à trois millions de personnes annuelle-
ment, alors que 1,5 million de vies sup-
plémentaires pourraient être sauvées si
elle était plus répandue dans le monde.
Mais face aux débats concernant l’in-
nocuité des adjuvants contenus dans
les vaccins, de plus de plus de per-
sonnes doutent : en France, 41 % de la
population seraient méfiants, contre
une proportion moyenne de 17 % en
Europe, où la plupart des vaccins ne
sont pourtant pas obligatoires. Rap-
pelons que onze vaccins infantiles sont
obligatoires en France depuis 2018.
La présence d’aluminium, même à
faible dose, pourrait-elle générer des
troubles ? Tandis qu’aux États-Unis, un
rapport évoque de possibles liens entre
vaccin ROR et autisme, en France, le
Pr Gherardi et son équipe ont établi
que des prédispositions génétiques
pouvaient entraîner une myofasciite
post-vaccinale. Pour continuer son tra-
vail, il a besoin d’un financement, mais
celui-ci lui est pour l’instant refusé par
les instances concernées. Selon lui, « il
faut mesurer les effets à long terme des
adjuvants aluminiques, car une expan-
sion massive des approches vaccinales est
programmée par l’OMS, qui annonce
plus de 120 nouveaux vaccins, en majo-
rité aluminiques ». Au-delà des clivages
suscités par le sujet, il semble urgent de
répondre aux préoccupations des Fran-
çais, avec des études poussées et à l’écart
de tout conflit d’intérêts. ●

16 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 Agenda
Comment
Printemps triompher de ce
2019
qui vous affaiblit !
23
AVRIL
Espace Saint-Martin, Paris Un événement
Ces âmes qui INREES
guident nos pas
Lors de cette conférence INREES, la médium spirite
Anne Tuffigo proposera de comprendre comment le
dialogue médiumnique peut nous guider dans nos
choix et nous aider à accomplir nos missions de vie.
www.inrees.com/bonus/322

Dans plusieurs villes en France

19
MAI
1re journée nationale du
Rêve éveillé libre
Quoi de plus beau que de rêver pour aller mieux ? Le
19 mai, venez rencontrer l’association officielle de la
méthode d’accompagnement psychothérapeutique
du « Rêve éveillé libre », pour explorer une nouvelle
façon d’être au monde.
www.reve-eveille-libre.org

Éléphant Paname, Paris Un événement

11
JUIN
Festival de
l’Extraordinaire
INREES

du 11 au 16 juin 2019

Durant une semaine, venez participer à une

fabuleuse aventure humaine lors de cette 4e édition
du festival organisé par l’INREES. Chaque jour,
découvrez des ateliers, des conférences, ainsi que
des surprises artistiques ou musicales.
www.inrees.com/bonus/323

16,50 €
Grand Rex, Paris
20 Conférence & méditation
PHOTO : SHUTTERSTOCK - FEBRUARY_LOVE

JUIN
avec Neale Donald Walsch
Un événement unique en Europe : l’auteur du best- Disponible en librairie
seller Conversations avec Dieu interviendra à Paris le
temps d’une conférence, pour partager ses
connaissances et outils de développement personnel
et spirituel. Une méditation guidée par l’auteur est
également prévue pour vivre le message du livre !
www.legrandrex.com/en/evenement/1285
 Nouvelle Terre Laboratoire

MYSTÈRE
Saturne
pas rond
Grâce à de savants calculs sur
l’impact des vibrations internes
de Saturne, les astronomes
ont pu déterminer qu’une
journée dure environ 11 heures
sur la planète gazeuse. Autre
nouvelle : ses anneaux seraient
en train de « fondre ». En
effet, le phénomène s’accélère
et environ 10 000 kilos
d’eau glacée et de matières
« coulent » vers Saturne
chaque seconde ! ●

LA SCIENCE AVANCE
Chère planète
Une exoplanète récemment
découverte par une équipe
suisso-anglaise baptisée
HD219134b serait recouverte de
saphirs et de rubis. Située dans C’EST POUR DEMAIN
la constellation de Cassiopée,

L’hydrogène,
elle a une température très
élevée, car elle est à proximité
de son étoile. C’est ce qui

nouvel or vert ?
provoquerait une réaction
chimique à l’origine des
supposés blocs de pierres
précieuses, qui sont des oxydes

d’aluminium dont elle
est constituée. ●
C’EST POUR DEMAIN
Écrans à plier
C’est un rêve qui va bientôt
se réaliser dans l’univers
des nouvelles technologies :
l’entreprise coréenne LG vient
de sortir un modèle d’écran de
165 centimètres entièrement
pliable et pouvant se ranger
dans sa base. Avec l’arrivée
de la 5G, l’année 2020 risque
d’être riche en nouveaux
joujoux électroniques. ●
À
lui seul, le secteur des trans-
ports émet environ 13 % des
émissions de CO2. Solution
possible pour y remédier :
l’hydrogène. En Allemagne, le pre-
mier train à utiliser ce gaz est entré en
exploitation en début d’année. Fabri-
qué en partie en France par Alstom,
le train nommé Coradia iLint a com-
mencé à desservir une ligne régulière
en Basse-Saxe (Allemagne) et pour-
ra parcourir 1 000 kilomètres avec
un plein, à une vitesse maximale de
140 km/h. La Basse-Saxe a prévu de
s’équiper de 14 trains de ce type pour
remplacer sa flotte à moteurs diesel
d’ici fin 2021. Plusieurs autres pays
auraient manifesté leur intérêt, dont
la France. Il est prévu qu’un TER hy-
bride soit ainsi mis en service en 2021.
Plusieurs régions sont sur les rangs :
l’Occitanie, la Nouvelle-Aquitaine,
ou encore la Bourgogne. Par ailleurs,
l’hydrogène se fraye aussi un chemin
dans le secteur des transports routiers.
Entre autres initiatives, une flotte de
600 taxis devrait circuler d’ici à 2020
dans la capitale. Des bus seront aus-
si déployés cet été, dans le nord de la
France.
Mais l’hydrogène est-il vraiment plus
vert ? Si le train fonctionnant grâce à
ce gaz est bel et bien propre, puisqu’il
ne rejette que de la vapeur d’eau, le
problème est que l’hydrogène n’est
quasiment pas présent dans la nature
et qu’il faut donc le fabriquer ; la plu-
part du temps, à partir du reformage
du méthane, qui lui est encore plus
polluant que le CO2. Toutefois, des
études sont en cours pour fabriquer un
hydrogène vraiment propre, au moyen,
par exemple, d’énergie éolienne, ou
grâce à la fermentation. ●

18 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 Nouvelle technologie

✓ S’endormir serein
✓ Récupérer rapidement

LA SCIENCE AVANCE
Lunaire !
Une équipe de scientifiques chinois a réalisé une
prouesse : faire pousser du coton sur la face cachée de la
Lune, à bord d’une sonde. Cette dernière abrite aussi des
semences de pomme de terre, des levures et des œufs
de mouches. De quoi former un véritable écosystème
miniature… et poser des questions sur l’avenir de
l’exploitation spatiale. ●
PHOTOS : JSHUTTERSTOCK - PETRMALINAK - TEXTURIS - SERGEY NIVENS

PRÈS DE CHEZ VOUS

Nasa cherche Pour plus d’informations sur cette nouvelle
protecteur planétaire technologie qui combine la suggestion par
Le saviez-vous ? Depuis 1967, la Nasa emploie un chargé la voix avec la nouvelle luminothérapie
de protection planétaire, qui s’assure que les engins
spatiaux ne transportent pas de microbes terrestres et
pulsée rendez-vous sur la page :
que des bactéries extraterrestres ne contaminent pas non
plus la Terre. Le poste est actuellement vacant… www.psio.com/sommeil
À vos CV ! ●
 Nouvelle Terre Histoire

DRÔLES DE BÊTES
Les insectes
ont leur doyen
Haplocampa wagnelli ne fait que Légende
trois millimètres de long, a six au Ebis dempore,
pattes et n’a pas d’œil. Mais ce offic tem aut quam
qui est épatant, c’est que cette alic temperest,
espèce d’insecte troglodyte, sus et as reptat
récemment découverte en erum eatiorem alit
pligeni hillacc
Colombie-Britannique, pourrait
bien remonter à la dernière
période glaciaire ! ●

AUTOUR DU MONDE
La naissance
d’une île
Il y a quatre ans, une île a
soudainement émergé de
l’océan Pacifique. En octobre
2018, la première expédition
scientifique a été organisée,
avec, à la clé, cette découverte :
une boue étrange et difficile à
identifier la recouvre en partie.
On y a aussi trouvé de
la végétation et plusieurs
espèces d’oiseaux. ● LA SCIENCE AVANCE

Dino-secours !
I
l y a 66 millions d’années, une
météorite de 14 kilomètres de
diamètre percutait violemment la
Terre, exterminant les dinosaures.
On en sait désormais plus sur l’onde
À MÉDITER de choc sans précédent qui a causé leur
tique. Ensuite, 50 à 75 % des espèces
vivantes auraient disparu. Selon les
calculs des chercheurs, pendant les
sept premières heures suivant l’im-
pact, le tsunami aurait véhiculé jusqu’à
29 000 fois plus d’énergie que celui

PHOTOS : ANGEL SIMON / SHUTTERSTOCK - ILLUSTRATION : JORGE A. GONZÁLEZ

Ivresse antique
Trente-neuf papyrus médicaux
antiques, exhumés du site
d’Oxyrhynchos en Égypte,
ont été traduits du grec
ancien. Parmi les nombreuses
prescriptions, il en est une qui
donne des conseils en cas de
difficile lendemain de fête.
Il est recommandé de porter
une chaîne de feuilles de
laurier d’Alexandrie autour
du cou, ainsi qu’une amulette
avec des mots magiques
écrits dessus. Recette
malheureusement compliquée
à reproduire aujourd’hui. ●
mort. Des chercheurs de l’Université
Princeton (États-Unis) ont pu modéli-
ser les événements qui ont suivi, parmi
lesquels un gigantesque tsunami dont
la vague atteint 1,5 kilomètre de haut !
Mais ce n’est pas tout : la météorite
a percuté des eaux côtières peu pro-
fondes, créant un cratère de plus d’un
kilomètre de profondeur, asséché pen-
dant quelques instants. Une série de
vagues immenses touchant l’ensemble
des océans a suivi, mais également des
tremblements de terre, de gigantesques
incendies, ainsi qu’un nuage de pous-
sière obscurcissant le ciel pendant des
années, dans une ambiance apocalyp-
qui a ravagé l’Indonésie en 2004. Par-
mi les magnifiques géants qui ont alors
disparu, on comptait l’herbivore Baja-
dasaurus pronuspinax, découvert ré-
cemment en Argentine. Sa particulari-
té ? Il portait une crête d’épines le long
du cou, le faisant ressembler quelque
peu à un brontosaure croisé avec un
porc-épic. D’après les chercheurs, sa
morphologie unique devait avoir pour
effet de dissuader d’éventuels préda-
teurs, ayant une fonction défensive
passive. D’autre part, les épines au-
raient pu permettre de réguler la tem-
pérature corporelle ou de stocker la
graisse, à la manière des chameaux. ●

20 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 Nouvelle Terre Initiatives

ESPOIR
Bien-être
animal :
pas si bête !
L’enseigne Carrefour a annoncé
qu’elle allait demander à
ses fournisseurs d’équiper
leurs abattoirs de caméras de
surveillance. Elle avait déjà
lancé en 2018 la technologie
blockchain, qui permet une
meilleure traçabilité de ses
poulets pour les consommateurs.
De son côté, Casino s’est
engagée à mettre en place un
étiquetage indiquant le degré de
bien-être animal. Autre progrès,
pour l’environnement cette fois-
ci, la marque Entomojo a lancé
des croquettes pour chiens…
aux insectes ! Les animaux de
compagnie consomment en effet
20 % de la production mondiale
de viande, non sans coût pour
la planète. ●

À MÉDITER
À MÉDITER
Police zen
À Pune, en Inde, les officiers
L’ayurvéda au chevet
de police ont pu participer à
une méditation de 3 heures au
sein de l’ashram du guru Osho.
de l’infécondité

Une parenthèse paisible afin
de mieux gérer un quotidien
parfois stressant. À quand la
même initiative en France ? ●
PRÈS DE CHEZ VOUS
Le monde
bouge
En Australie, les cartouches
d’encre des imprimantes
servent maintenant de
revêtement pour les routes.
En Roumanie, pour lutter
contre l’abattage intempestif
et illégal du bois, des petits
émetteurs placés sur certains
arbres, reconnaissant le bruit
des tronçonneuses, alertent la
police… Enfin, au Portugal, une
compagnie aérienne vient de
lancer ses premiers vols sans
plastique jetable à bord. ●
L
’infécondité, un mal du
siècle ? En France, près d’un
quart des couples rencontre
des difficultés pour avoir un
enfant. Plus les pays s’industrialisent,
plus la question se pose. En Inde, ce
sont 27,5 millions de couples concer-
nés. Les protocoles d’aide médicale à
la procréation pouvant s’avérer longs
et douloureux, des chercheurs s’inté-
ressent aux apports des médecines tra-
ditionnelles. En février dernier, s’est
ainsi tenu en Inde, au Kerala, un sémi-
naire de deux jours sur le management
de l’infertilité par l’ayurvéda. « Face au
manque de traitements efficaces contre
l’infécondité, il convient d’inclure
d’autres disciplines médicales dans la
boucle, dont l’ayurvéda », a souligné le
gouverneur de l’État, dans son discours
d’ouverture. On sait aujourd’hui que
des éléments comme la pollution, l’ali-
mentation, le stress ou le mode de vie
peuvent « perturber l’équilibre éner-
gétique de la personne et ses processus
physiologiques naturels », explique le
médecin ayurvédique Sambhu Pillai.
Par ses processus de détoxification,
l’ayurvéda l’aide à « redevenir elle-
même, du point de vue biologique et
énergétique », poursuit le médecin.
Des changements suivent, observés
cliniquement, comme l’amélioration
des taux d’AMH (une hormone clé de
la fertilité). En février 2019, devant
1 200 participants, le gouverneur du
Kerala a conclu son discours sur « l’im-
portance de disposer de davantage de
recherches cliniques, afin de faire de
l’ayurvéda le premier choix en matière
de gestion de l’infertilité ». Et chez
nous, on en est où ? ●

22 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 Êtes-vous prêt(e) à regarder le monde
par la lucarne du féminin ?

ET ÇA MARCHE
Imprimer le soleil
En Australie, des panneaux solaires à imprimer sont à
l’étude. Grâce à une encre spéciale conductrice d’électricité
et à une imprimante classique, le tout associé
à des films plastiques, les panneaux coûtent moins de
10 euros le mètre carré. L’intérêt est qu’ils sont souples,
s’appliquent partout et capturent même la faible lumière. ●
PHOTOS : VLUNATICTM - NILA NEWSOM / SHUTTERSTOCK CHANDELIER / JULIAN-MELCHIORRI

Avec ce livre, remontez aux origines de l’Humanité,

traversez les époques, et nourrissez-vous de la
vision de penseurs, de traditions et de sagesses
vivantes.
ET ÇA MARCHE
Et restaurez votre part de féminin sacré !
Un chandelier dépolluant
Un ingénieur déjà créateur de la première feuille
biologique synthétique est parvenu à réaliser un
chandelier vivant qui filtre l’air. Composé d’algues vertes
qui absorbent le dioxyde de carbone et rejettent de
l’oxygène, il devrait être développé pour s’adapter à de
grands bâtiments. ●

www.editions-jouvence.com
 Nouvelle Terre Réflexions

À MÉDITER
La pensée
connectée
La start-up Mentalista,
spécialisée dans les
interactions « cerveau-
environnement », vient de
développer un algorithme
capable d’interpréter une
pensée et de la concrétiser
dans la matière. Des électrodes
captent les ondes cérébrales
du cortex, les décryptent et les
associent à un objet connecté.
Ainsi on pourra déplacer des
objets par la pensée, comme
un ballon de foot jeu développé
pour la démonstration. Alors
que nous nous isolons de plus
en plus, absorbés par nos
smartphones, bientôt même les
objets seront déplacés dans un
silence ultra-connecté… ●

ESPOIR
Greenwashing ? À MÉDITER

Je complote,
Afin de faire face à la demande
de plus en plus pressante des
consommateurs, certaines

tu complotes…
marques de grande distribution
se mettent à la consigne.
Ainsi, sur le supermarché en
ligne Loop, on trouvera des

produits Coca-Cola, Danone ou
encore Milka, vendus dans des
contenants à restituer pour
récupérer la caution. ●
À MÉDITER
Le pouvoir
de guérir
Le célèbre guérisseur brésilien
Jean de Dieu, à l’origine de
milliers de miracles, connu pour
ses opérations en direct, est
accusé de harcèlement sexuel
par certaines de ses clientes. Le
médium de 76 ans aurait abusé
de centaines de femmes depuis
2010 et sa propre fille l’accuse
d’inceste. À la tête d’un véritable
temple, Jean de Dieu s’est rendu
de lui-même aux autorités, niant
les faits qui lui sont reprochés. ●
S
e faire taxer de « conspiration-
niste » – parfois à tort et à tra-
vers – est devenu courant sur
les réseaux sociaux et dans les
médias. Si, d’après les grands médias,
les thèses conspirationnistes auraient
le vent en poupe au sein de la popu-
lation française, on peut arguer qu’il
est devenu compliqué, à l’heure où la
désinformation et les fake news sont
monnaie courante, de discerner le vrai
du faux… Pour une étude visant à
mesurer l’influence des théories dites
« complotistes » sur les Français, l’Ifop
(pour la Fondation Jean-Jaurès) a uti-
lisé 10 rumeurs célèbres, comme celle
de l’assassinat déguisé de Lady Diana,
ou les Illuminatis qui chercheraient à
manipuler la population. Les résultats :
65 % des Français croiraient à au moins
une de ces thèses et 21 % à cinq ou plus.
Les personnes qui adhèrent à au moins
5 des 10 théories proposées s’informent
principalement via le Web (27 %) et la
télévision (19 %), et leur confiance en-
vers les institutions (police, justice et
médias) est plus faible que pour ceux
qui n’adhèrent pas aux thèses. Un
« profil du complotiste » a aussi été dé-
peint : 55 % auraient moins de 35 ans,
et seraient peu diplômés. Deux conspi-
rationnistes sur trois (67 %) seraient
en outre issus de catégories pauvres ou
modestes. L’étude semble maîtriser en
tout cas l’art des drôles de mélanges,
puisqu’elle établit aussi que près de la
moitié des complotistes « croient aux
dons de voyance ». Si le sujet mérite sans
nul doute qu’on s’y attarde, un peu de
discernement serait le bienvenu, his-
toire que l’étude ne soit pas discréditée
à son tour… ●

24 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 Ils ont dit Certaines étapes
HENRI-FRÉDÉRIC AMIEL de la vie méritent
Philosophe

La sérénité est une

harmonie chaque jour
d’être comprises pour
reconquise, comme la vie est une
perpétuelle victoire sur la mort. » continuer le chemin
RALPH WALDO EMERSON
Essayiste

Pour l’esprit terne,

toute la nature est terne.
Pour l’esprit illuminé, le monde
entier flambe et rayonne. »

RÛMI
Mystique persan
L’art de la
connaissance,
c’est de savoir ce qui
doit être ignoré. »

CHARLES BAUDELAIRE
Poète
J’aime passionnément
le mystère parce que
j’ai toujours l’espoir
de le débrouiller. »

ALBERT EINSTEIN
Physicien

Le plus beau sentiment 19 €

du monde, c’est le sens du
mystère. Celui qui n’a jamais
connu cette émotion,
PHOTOS : LP2 STUDIO / SHUTTERSTOCK - WIKIPEDIA

ses yeux sont fermés. »

CYNTHIA FLEURY
Philosophe
Parution 11 avril 2019
Seules ces rencontres
inestimables avec l’autre nous
aident à saisir le fait même
de voir ou de penser. »
 PORTRAIT
D E R E K A M AT O
musique LA
INTUITIVE
L
Victime d’une commotion cérébrale,
Derek Amato s’est réveillé du jour au
lendemain initié au piano et à la
composition musicale, sans jamais
avoir appris la musique. Rencontre avec
un personnage singulier dont le
mystérieux talent révèle l’intuition et
l’empathie à un niveau « électrique ».
Par Melanie Chereau
ors d’un barbecue entre amis, Derek Amato,
un père de famille américain de quarante ans, se
cogne violemment la tête contre le rebord d’une
piscine en tentant de rattraper un ballon. Après
quelques jours de coma et avoir fortement inquié-
té ses proches, il semble s’en tirer avec uniquement
d’importants maux de tête. Quelques semaines
plus tard, il rend visite à l’un de ses amis musiciens
et se met au piano pour tapoter quelques notes
au hasard. Il n’est pas musicien et ne sait jouer
d’aucun instrument de musique. Mais ses doigts
semblent savoir d’eux-mêmes comment jouer et se
promènent sur le clavier en composant une mélo-
die. Derek est éberlué par ce qui se passe. C’était
en 2006. Depuis, il est devenu pianiste internatio-
nal. Compositeur reconnu, il vit de sa musique et
partage son talent, sans avoir la moindre idée de
son origine.
 
Ses doigts semblent
savoir d’eux-mêmes
comment jouer.

Un cas neurologique

La première réaction de Derek a été de
consulter des médecins et des neu-
rologues, qui ont pratiqué sur lui
toute une batterie de tests et
d’examens. Aucune explica- Je n’ai aucune
tion certaine n’en est ressortie, idée de comment
seulement des hypothèses. La
plus récurrente est celle d’une
tout cela
activation de neurones dans le fonctionne dans est enregistré : l’énergie, les notes
cerveau de Derek à la suite du ma tête ! de musique, les voix… Moi, je
choc, une sorte de mise en circuit crois que nous emmagasinons
de zones jusqu’alors inutilisées. Ce toutes ces choses, exactement comme
qui reste intrigant, c’est que Derek n’a lorsque je joue du piano, je vois des
jamais été initié à la musique. D’où vient petits carrés noirs et blancs qui tournent
alors ce savoir ? Sa grand-mère était organiste à devant mes yeux 24h/24. Je peux composer de
l’église et il lui est souvent arrivé de s’asseoir à côté la musique tout en parlant à quelqu’un, et je stocke
d’elle lorsqu’elle jouait. À ces occasions, aurait-il cela quelque part dans ma tête pour plus tard, lorsque
engrangé des connaissances dans une partie recu- je suis seul et que je peux tout retranscrire. Je pense
lée de son cerveau ? Ce qui est sûr, c’est que cela que tous, nous agissons ainsi à chaque instant, avec la
ressemble au « syndrome du savant », cas neurolo- reconnaissance des voix, l’amour, la joie, l’empathie et
gique de développement d’une faculté de manière l’intuition… », s’explique Derek.
excessive (voir encadré). « Même si la musique était
dans mon environnement lorsque j’étais enfant, je me
suis très tôt dirigé vers le sport et cela a été mon unique La suractivité
activité. J’ai bien essayé la batterie et la guitare vers L’un des effets secondaires de ce talent soudaine-
PHOTO : BRENDA NECKVATAL

l’adolescence, mais je devais surtout m’entraîner pour ment apparu est que Derek compose en perma-
devenir joueur de base-ball professionnel, ce qui était nence. Son cerveau est en perpétuelle ébullition.
alors mon souhait », raconte-t-il. Alors, activation Père de cinq enfants et grand-père de trois pe-
de zones particulières ou stockage de mémoires ? tits-enfants, il mène une existence extrêmement
« Peut-être avons-nous tous cette capacité à retenir, remplie, dont la musique fait entièrement partie,
que nous ne réalisons même pas vraiment et que tout et alterne ses activités. Ce qui l’amène à ne ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 27

 PORTRAIT
DEREK AMATO

✦✦ ✦ dormir que deux à cinq heures par nuit,

surtout en période de répétitions. N’ayant toujours
aucune notion de technique musicale, il se sert de
la technologie pour composer, enregistrant sur un
clavier électronique toutes les différentes parties de
ses symphonies, le logiciel se chargeant d’écrire les
notes qu’il continue d’ignorer. « Je sais uniquement
où est le do sur le clavier, parce qu’on m’a toujours
dit que la gamme commence par le do. Sinon, je suis
incapable de vous dire où se trouvent les notes ! Je n’ai
aucune idée de comment tout cela fonctionne dans ma
tête, ce sont mes doigts qui savent décrypter les
petits carrés que je vois et qui en font de
la musique ! », continue de s’éton-
ner Derek, non sans un grand
DR

enthousiasme. Les médecins ne C’est une

savent pas non plus comment
et combien de temps il pourra connexion
tenir à ce rythme frénétique, d’énergie, une
ou si tout cela peut s’arrêter un synergie et de
jour. Malheureusement, Derek
souffre aussi d’intenses migraines
l’amour. spécialiste de l’intuition et des À
et de périodes où il s’écroule, ce que recherches sur les phénomènes VOIR
les médecins expliquent par l’intensité d’empathie, pense être à l’origine
avec laquelle il brûle son énergie. du développement de cette intuition
créative. Derek a ainsi passé de nombreux
tests sur les niveaux empathique et intuitif et ob-
De l’intuition à l’émotion tenu le meilleur résultat à chacun d’eux. « Je pense
Le scanner du cerveau de Derek a révélé cinq pe- que mon niveau d’empathie était déjà important En concert
au Rex à Paris
tites marques blanches, comme des étoiles, que le quand j’étais enfant, c’est ce que raconte ma mère, le 6 avril 2019
professeur Beauregard de l’université de Miami, mais depuis l’accident, c’est devenu électrique ! », ex- dans le cadre
 plique Derek, qui associe l’essentiel de ce qui lui
arrive à un déploiement d’énergie colossale au ser-
vice d’un talent qui, intuitivement va toucher les
autres. « Mon intuition est réactive : je réagis avant
de l’événement
« Les mystérieux
pouvoirs de
l’esprit humain ».

que cela se produise. Parfois, je sais juste avant si je

vais parler à quelqu’un, par exemple, et c’est toujours
accompagné d’une grande joie. Cela définit ou am-
Sa connexion plifie l’énergie intuitive qui remplit mon corps, et cela
aux autres s’est prend de la puissance à mesure que je partage ma
joie avec les êtres humains. » Pour lui, sa connexion
totalement déployée, aux autres s’est totalement déployée, notamment
notamment parce parce qu’il ne ressent plus aucune peur. Ni que son
talent s’arrête du jour au lendemain, ni de mou-
qu’il ne ressent plus rir d’une attaque, ni de se confronter à n’importe
quelle situation, comme aller défendre une femme
aucune peur. maltraitée dans la rue : « C’est vraiment nouveau.
Alors que j’avais une vie normale avant, j’ai tout à


coup envie de parler à tout le monde, de partager
mon enthousiasme et, s’il faut intervenir dans une
bagarre, je n’hésite pas, car je n’ai plus peur de rien

28 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019

 », transmet-il. Il ajoute, avec une exaltation effec-
tivement contagieuse : « Mes filtres se sont estompés,
c’est-à-dire que je tourne autour de la vie en criant
de joie ! »
Des personnes singulières
Constamment entre deux mondes, celui qu’il par-
tage avec les « humains normaux » et les espaces de
ses fulgurances créatives, Derek se sent attiré par
les êtres singuliers. Ayant, en effet, le sentiment
d’être particulièrement proche et de comprendre
ceux qui « ne sont pas totalement normaux », il sou-
haite les aider. Ce qu’il explique aussi par le fait
qu’il ne leur inspire pas de peur, comme s’il avait
une vibration particulière reconnaissable par eux.
Ainsi, les SDF ou les autistes, des êtres décalés par
rapport à leur environnement, le touchent parti-
culièrement. « Il y a une compréhension mutuelle
avec ces personnes-là qui est un peu plus profonde,
parce qu’elles n’ont pas peur de moi », explique-t-
il. Il raconte également que lors d’un show télé-
visé dédié à l’autisme, il a joué du piano dans un
champ, entouré d’enfants autistes venus l’entourer
et le toucher après sa performance. « Un petit gar-
çon m’a tiré par le pantalon et m’a fait m’agenouiller.
Il a collé son visage sur le mien, tout le monde était
très ému et se demandait ce qui se passait. Pour moi,
c’est justement cela, le cœur de ma mission… » Pour
Derek, cela prend du sens d’avoir ces capacités ex-
traordinaires, ces singularités qui lui permettent de
se connecter différemment aux autres. « Je sais que
c’est là, c’est puissant et il faut que je travaille dans
ces domaines “en dehors des conventions”. C’est une
connexion d’énergie, une synergie et de l’amour. C’est
fascinant de voir comment cela fonctionne quand
on commence à entrer en contact avec les autres »,
s’émerveille-t-il.
Connecting people
Lorsqu’on lui parle d’avenir et de projets, Derek
répond qu’il n’a peur de rien et qu’il souhaite en-
core être dans le divertissement pour une dizaine
PHOTO : BRENDA NECKVATAL
d’années, si ses dons ne disparaissent pas. Échanger
de l’amour, de l’énergie et toucher le cœur des gens
le passionne. Pour lui, c’est l’occasion de passer un
message : « Il ne s’agit pas seulement de la façon dont
je joue du piano. Même si c’est une belle histoire à ra-
conter, ce n’est qu’un véhicule pour moi. La musique
Le syndrome du savant
Le « syndrome du savant » est la capacité
à exercer un talent avec excès sans l’avoir
appris, de manière autistique la plupart du
temps, ou après une lésion cérébrale, comme
dans le cas de Derek. Selon le psychiatre
américain Darold Treffert, qui a étudié ce
syndrome, l’activation de ces compétences
pourrait résulter de la capacité à capter les
impulsions magnétiques de basse fréquence
qui sont traitées par le lobe fronto-temporal
gauche du cerveau. Cette zone verrait son
action ainsi annihilée, ce qui permettrait à
d’autres parties du cerveau de fonctionner
plus directement et d’exécuter des tâches
de type « savant », dont le calcul rapide,
la réactivation de mémoires associatives
ou encore la musique…
est une découverte, un chemin pour dire :“ok vous
voyez cette expérience profonde et folle qui m’arrive,
être en feu comme cela, eh bien vous devriez regarder
et trouver ce feu en vous, parce que cela peut vous
arriver aussi. Imaginez ce qui se passerait si vous dé-
couvriez cette énergie, votre don – la joie et l’amour
qui en découlent – et si vous pouviez profiter à cent
pour cent de chaque seconde de votre vie ?” » En-
suite, il souhaite se tourner vers ceux qui en ont
besoin, aider les SDF, les orphelins, les drogués,
passer le restant de ses jours à servir les autres. « Je
me suis ouvert à plus de spiritualité et je suis deve-
nu plus curieux. C’est une vraie symphonie que de
partager la vie, ses idées et les énergies communes. »
Assurément un destin particulier qui, au-delà de la
musique, lui a ouvert les portes d’une sorte d’éveil,
de la conscience, de la joie et de l’amour pour
son prochain. ●
PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 29
 Nature Kogis
Drôme
de savoir
Pour une grande première, trois chamanes kogis de Colombie
et une quinzaine de scientifiques occidentaux se sont rencontrés
au chevet d’un territoire de la Drôme. Dialogue entre deux mondes,
pour enrichir leurs savoirs respectifs et diagnostiquer les besoins
de la nature. Par Frederika Van Ingen
d
’un côté, quatre Indiens agiles vêtus de blanc,
gravissant les montagnes et visant les sommets,
droit et sans détour ; sur leurs talons, des scienti-
fiques manifestement plus en difficulté, loin du
confort des pistes en lacets... Telle était l’image
inhabituelle de l’événement initié récemment
dans la Drôme par l’association Tchendukua et
l’École pratique de la nature et des savoirs (voir
encadré), soutenues par les universités de Paris VII et du
Pays de Galles, l’École normale supérieure de Lyon, le
ministère de la Transition écologique, et l’Agence fran-
çaise de développement. Le but ? Mener un diagnostic
sur l’état de santé d’un territoire du Haut-Diois, au sud
du Vercors. « L’intention était de rapprocher les points de
vue de personnes qui ne connaissaient pas, ou à peine, ce
territoire. Et surtout d’essayer de faire dialoguer deux regards,
deux systèmes de compréhension du monde, en sortant pour
une fois des discours abstraits des salles de conférences pour
interroger le terrain », explique Éric Julien, fondateur de
l’association. Tandis qu’ils gravissent les pentes, les trois
invités colombiens et leur traducteur prennent bien soin
de ne rien déplacer. Car tout a sa place, font-ils genti-
ment remarquer à l’un de leurs accompagnants français
qui soulève une pierre. Emprunter le chemin le plus
court pour chercher l’information à la source, sans déran-
ger les équilibres : cette tout autre façon d’être au monde
semble également être à l’origine de leur tout autre fa-
çon d’accéder au savoir. De ces trois chamanes (deux
hommes mamus et une femme saga), deux n’ont jamais
quitté la Sierra Nevada de Santa Marta où ils vivent, en
Colombie, et l’un d’eux s’éloigne pour la première fois de
sa vallée et de son ezuama, un de ces points de reliance
dont il est le gardien à vie et que les Kogis considèrent
30 Inexploré - N°42  PRINTEMPS 2019
comme ce que nous appellerions des points d’acupunc-
ture sur le corps de la « Mère ». Parmi les scientifiques :
des géographes, des spécialistes de la flore, de la faune, de
la géologie, un astrophysicien, un géobiologue, des an-
thropologues, des biologistes, des agronomes, médecins,
philosophes, linguistes...
Des premiers pas éclairants
Première étape du diagnostic, le haut d’une vallée peu
peuplée, situé entre 1 000 et 1 600 mètres. La méthode
des Kogis ? Regarder, sentir, arpenter… et se relier. Le
premier symptôme relevé est la présence de nombreux
pins noirs d’Autriche qui parsèment les sommets de
toute la région. Des « arbres non natifs », qui vivent dans
des écosystèmes très différents, remarquent tout de suite
les Kogis. Et pour cause, leur confirme un connaisseur
de la flore locale : ces arbres furent replantés après la Pre-
mière Guerre pour reboiser la région déforestée. En dette
de guerre, l’Autriche fournit des plants de pins noirs qui
furent replantés en quantité. Le verdict des Kogis est sans
appel : il faut couper ces arbres, et vite, car ils acidifient
les sols et empêchent les arbres natifs, les hêtres, de re-
pousser. Or, ceux-ci, expliquent-ils, retiennent l’eau dans
les sols et la guident vers les réserves d’eau souterraines.
Empêcher la repousse de ces arbres, indiquent-ils, c’est
entraver le cycle naturel de l’eau ! Qu’en disent nos scien-
tifiques ? « Que l’on parle de flore ou de faune, les Kogis
parviennent exactement aux mêmes constats que nous, re-
marque le naturaliste Gilbert Cochet. À ceci près que nous
devons pour cela faire des mesures, comparer, vérifier. Eux
arrivent sur le territoire, l’observent, et savent... Nous gagne-
rions beaucoup de temps à les écouter. »
 Kogis Nature


La méthode des Kogis ?
Regarder, sentir, arpenter…
et se relier.


PHOTO : DENIS MAUPLOT

PRINTEMPS 2019  N°42  Inexploré 31

 Nature Kogis

Les Kogis nous ont dit :
mais à quoi sert une pensée
si elle ne débouche pas
sur de l’opératif ?
La nature et ses connexions
D’accord sur le diagnostic, les chercheurs sont interpel-
lés par la méthode… Ainsi les Kogis expliquent-ils que
lorsqu’ils voient ce nouveau territoire, ils le comparent
à ce qu’ils connaissent de leur sierra. Dans leur repré-
sentation, les montagnes ont chacune une fonction spi-
rituelle, comme les organes ont une fonction dans un
corps. Lorsqu’ils reconnaissent ici une ou deux mon-
tagnes et leurs fonctions, connaissant le « corps de la
sierra » qui est pour eux le cœur du monde, ils déduisent
que, plus loin, il y aura aussi d’autres « montagnes-or-
ganes » avec d’autres fonctions nécessaires pour que le
corps fonctionne, et d’autres lieux « spirituels », notam-
ment dans les eaux. Toutes ces entités, à la fois naturelles
et spirituelles, sont interconnectées, et de la qualité de
cette connexion dépend l’équilibre des écosystèmes et de
la vie elle-même.
Observer et déduire
Ressenti, connaissance et déduction semblent être à
la base de leur capacité à percevoir la santé d’un terri-
toire. Dans un deuxième lieu situé plus bas dans la val-
lée, c’est un grand coup de tonnerre dans un ciel bleu,
un « signe », dirions-nous, qui leur indique l’existence
d’un problème de sécheresse. Il faut donc « consulter les
eaux », se mettre à leur écoute, pour savoir ce qu’elles ont
à dire. Tandis qu’on les amène sur un site, qu’ils jugent
trop fréquenté par les humains, ils préfèrent choisir un
autre chemin, qui les conduit à découvrir une source
émergeant entre deux rochers. La saga – chez les Kogis,
32 Inexploré - N°42  PRINTEMPS 2019
ce sont les femmes qui sont en charge de l’eau et sa mé-
moire – peut alors écouter les messages de l’eau sur la sé-
cheresse de la région et sur la désespérance des habitants
non humains qui n’ont plus accès à elle.
Ce qui surprend le plus l’historien et réalisateur britan-
nique Alan Ereira, grand connaisseur des Kogis depuis
les années 1980 et présent à cet événement avec son or-
ganisation Tairona Heritage Trust, est leur connaissance
de l’eau. « Ils ont pu dire précisément où se trouvaient diffé-
rents lacs souterrains. Les scientifiques et les cartes ont confir-
mé. À mon sens, ce n’est pas de la connaissance magique,
mais une très bonne perception du terrain, qui démontre
leur capacité à lire les paysages. » Autre surprise autour
d’une montagne effondrée qui réduit le passage de la ri-
vière Drôme dans un imposant fracas de rochers. Pour
les chamanes, cela est dû à « l’industrialisation ». « Cela a
été traduit ainsi, note Alan Ereira. Or cette montagne s’est
effondrée au XVe siècle. Je me suis d’abord dit que les Kogis se
trompaient. Jusqu’à ce qu’on m’explique que l’effondrement
était dû, à l’époque, à une surpopulation et à la construc-
tion d’aménagements trop nombreux. En réalité, les Kogis y
avaient vu un problème généré par l’action humaine, tra-
duit par le terme, impropre, d’industrialisation. »
Les messages de la nature
Quelles réactions des chercheurs face à ces constats ?
« On a envie de comprendre comment ils procèdent pour
faire leurs interprétations. Leur lecture n’est pas une grille
de lecture analytique préétablie au sens occidental du terme.
Cela passe par une connexion, mot qu’ils utilisent souvent.
Il serait intéressant d’en appréhender la nature. Non pas

pour la reproduire, ce qui nécessite des années d’engage-
ment et d’expérience, mais pour comprendre ce sur quoi ils
s’appuient », note Pierre-Yves Longaretti, astrophysicien
et pratiquant bouddhiste qui assistent à la rencontre.
Que sait-on de cette perception qu’ils ont des paysages ?
« Pour eux, tout ce qui nous entoure est vivant et nous en-
voie des messages, explique Falk Parra Witte, anthropo-
logue. Shibulata (un des mamus) entend les montagnes,
les écoute, les comprend et leur parle. C’est une sorte d’in-
tuition. Et tous les Kogis sont conscients que la nature parle,
que le chant d’un oiseau raconte quelque chose. Même s’ils
ne comprennent pas ce qu’il dit, ils ont tous la conscience de
ce langage et de son importance. »
Autre leçon du passage des Kogis : leur système de per-
ception des territoires a montré sa pertinence hors de la
sierra. Est-ce mystérieux ? « Je dirais que c’est une science
que nous n’utilisons pas. Dans leur vision, la Terre est une
entité vivante qui a besoin de l’homme pour maintenir
son “qi”. Nous percevons cela comme mystérieux, mais je
pense que nous sommes juste dans la position d’Européens
du XVIIe siècle qui parleraient électricité avec leurs contem-
porains. C’est difficile à comprendre pour nous, mais ça ne
veut pas dire que c’est magique. Ils ont une approche de la
Terre comme un système biologique. Nous ne savons pas
comment évaluer ce savoir, mais nous devons le prendre au
sérieux, et, en tant qu’Occidentaux rationnels, le tester »,
explique Alan Ereira.
PHOTO : DENIS MAUPLOT
Une vision pragmatique
Autre point mis en lumière par ce dialogue : leur vision
claire de la hiérarchie des problèmes à résoudre. « Les Ko-
Kogis Nature
gis sont très surpris que nous produisions une connaissance
qui n’est pas opératoire, note Éric Julien. C’est-à-dire que
notre science est une collection d’expertises qui arrivent au
même constat qu’eux : il est urgent d’agir. Mais on ne fait
rien... Les Kogis nous ont dit : mais à quoi sert une pensée
si elle ne débouche pas sur de l’opératif ? » Vaste question
philosophique. « Les Kogis ont une excellente vision des
priorités à prendre en compte, souligne Alan Ereira. Nous
avons compris de cet échange que ce ne sont pas forcément
les informations elles-mêmes qui comptent, mais la capa-
cité à pointer ce qui est le plus important. Et là, les Kogis
peuvent nous apprendre beaucoup, parce que leur percep-
tion des informations est holistique. Ce ne sont pas des infor-
mations isolées comme en produit notre système scientifique,
mais des informations reliées. »
Reliées… Dans la langue kagaba, le mot connaissance
se dit shibulama. Shi signifie le fil, shibu, la corde faite
de ces fils, la est la vérité et ma la chaleur. « Shibulama a
été constitué comme LA vérité depuis le début du monde,
qui demeure vraie et vivante, explicite Falk Parra Witte.
Pour les Kogis, la connaissance n’est pas construite par les
humains, mais donnée par les pères et mères spirituels, et
disponible partout. » Où cherchent-ils la connaissance ?
« C’est une différence fondamentale dans notre approche de
la nature, explique Denis Chartier, géographe. Eux ont
des lieux spécifiques pour se connecter à l’information, où
la connaissance vient. Notre démarche occidentale promé-
théenne consiste à forcer les secrets de la nature, quitte à la
torturer, quand eux arrivent à obtenir des savoirs similaires,
mais en se laissant initier par la nature. Fondamentale-
ment, c’est cela que nous devons retrouver. » Retrouver le
chemin le plus court vers la connaissance sans déranger
les équilibres… Scientifiques et mamus se sont promis
de nouveaux rendez-vous sur le terrain pour tenter, par
le dialogue, de faire émerger une nouvelle pensée plus à
même de soutenir les grands équilibres du vivant. Pro-
chain épisode autour des abeilles de la sierra... ●
Préserver les
terres ancestrales
Tchendukua récolte des fonds pour restituer aux
Kogis leurs terres ancestrales et leur permettre de
préserver leur culture unique, qui n’a pas coupé sa
relation à la nature depuis au moins 4 000 ans.
www.ecolenaturesavoirs.com et tchendukua.org
PRINTEMPS 2019  N°42  Inexploré 33
 NIBIRU
la planète
oubliée ?

Depuis un siècle,
une « planète X »
est recherchée
par les astronomes.

 Planète X Science

Le système solaire, que nous pensions familier, s’avère plus riche et

mystérieux que jamais. Selon certains auteurs, les Anciens possédaient
sur l’astronomie et les origines de l’humanité un savoir que nous avons
perdu. En particulier, un astre que les Sumériens nommaient Nibiru
aurait provoqué les catastrophes dont nos mythes se souviennent.
S’agit-il de la « planète X », que les astronomes traquent aujourd’hui
aux confins de l’espace ? Par Morvan Salez

l
e 1er janvier 2019, à l’aube, un objet en
forme de cacahuète, comme deux boules
de glace soudées, de la taille de la région
parisienne, est survolé par la sonde de
la Nasa New Horizons. Nous sommes à
44 UA de la Terre (l’unité astronomique
est la distance Soleil-Terre), presque sept
milliards de kilomètres. Après avoir fourni des
images de Pluton et Charon en 2015, New Horizons
nous fait remonter le temps, puisque Ultima-Thule,
cet « objet de la ceinture de Kuiper » nous montre
comment se formèrent les planètes : par aggloméra-
tion de planétésimaux et effet boule de neige, dans
un disque de gaz et de poussière tourbillonnant. New
Horizons va poursuivre son odyssée vers les confins
du système solaire, dans des contrées mal connues,
que seules les sondes Pioneer et Voyager ont traver-
sées jusqu’ici. Il leur faudra des siècles pour parvenir
PHOTO : PE3K / SHUTTERSTOCK - ILLUSTRATION : ANTON KHRUPIN ANTTONIART
comète aurait frôlé la Terre 1 500 ans avant J.-C.
Son livre Mondes en collision(1), qui paraît en 1950,
connaît un vrai succès populaire, même si les astro-
nomes jugent sa thèse scientifiquement impossible.
Après sa mort, certaines propositions de Velikovsky
s’avèrent pourtant exactes, comme la présence de
matière organique dans les comètes.
En 1976, tandis que l’astronome Carl Sagan réfute
point par point la thèse de Velikovsky, un autre au-
teur reprend une thèse similaire : Zecharia Sitchin,
linguiste et archéologue américain né en Azerbaï-
djan. Il présente dans La 12e planète(2) son interpréta-
tion des tablettes d’argile trouvées en grand nombre
sur les rives du Tigre à partir de 1840. « Le déchiffrage
des tablettes a fait prendre conscience que des récits bi-
bliques de la création existaient des millénaires avant la
rédaction de l’Ancien Testament. Ils s’accordaient, par-
fois mot pour mot, avec ceux de la Genèse. »(3) Sitchin

au nuage d’Oort, ce vaste réservoir de comètes, qui affirme que les « batailles célestes » entre divinités
commence à 1000 UA Croiseront-elles en chemin racontent des événements cosmiques réels. Les Su-
un astre inconnu de notre système solaire ? mériens connaissaient déjà l’existence des planètes
Uranus, Neptune, Pluton, et mentionnaient une
Mondes en collision planète Nibiru (renommée Mardouk en babylo-
Dans les années 1940, le psychiatre et écrivain Im- nien). De la taille de Neptune, selon Sitchin, elle
manuel Velikovsky, en comparant les mythes du aurait une orbite très elliptique, avec une période de
monde, découvre qu’ils décrivent tous les événe- 3 600 ans. Nibiru serait responsable de la formation
ments de l’Ancien Testament comme des interven- de la Terre et de la Lune. Tiamat, une planète tellu-
tions divines. Il émet la théorie selon laquelle une rique grosse comme deux fois la Terre, située entre
 Mars et Jupiter, se serait brisée en deux lors d’un pas-
sage de Nibiru : une moitié serait devenue la Terre,
De la taille de Neptune, elle les débris de l’autre formant une « ceinture marte-
lée » d’astéroïdes. Kingu, lune de Tiamat, aurait été
aurait une orbite très elliptique, capturée par la Terre pour devenir notre Lune. Ni-
avec une période de 3 600 ans.
 biru remplace la comète de Velikovsky dans ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019  N° 42  Inexploré 35

 Science Planète X
À
✦✦ ✦ son rôle d’agent de catastrophes cosmiques...
Mais Sitchin ne se contente pas de refaire la genèse
LIRE du système solaire : il refait celle de l’humanité. « Les
Sumériens, écrit-il, affirment que la vie fut véhiculée
dans le système solaire par Nibiru. Que Nibiru transmit
la “semence de vie” à la Terre au cours de la bataille
céleste contre Tiamat. » Par ailleurs, Nibiru aurait des
habitants, les Annunaki. Environ 400 000 ans avant
J.-C., ils auraient colonisé la Terre et se seraient inti-
(1) mement mêlés de l’histoire humaine.
Mondes en Beaucoup considèrent aujourd’hui Sitchin comme
collision
Immanuel
un affabulateur. L’auteur français Anton Parks, par
Velikovsky exemple, affirme que Nibiru n’est mentionnée sur
Éd. Le Jardin des aucune tablette d’astronomie sumérienne et re-
livres, 2003, 24 € lève des erreurs de traduction. Sitchin indique une
période de 3 600 ans, mais 3 600 est une unité de
mesure courante appelée le SAR (Specific Absorption
Rate soit en français DAS, débit d’absortion spéci-
fique). Rappelons que les Mésopotamiens comp-
taient en base 60. Une durée de « 3 600 » pourrait
juste signifier « de nombreuses » années.
Dans les années 1970, l’idée d’une planète géante
inconnue, avec une orbite de comète, paraissait ri-
sible. Pourtant, depuis un siècle, une « planète X »
est recherchée par les astronomes. Celle-ci ressemble
de plus en plus à Nibiru.
Jeu de billard
Dans un article datant de 1995, l’astronome Alan
Boss écrit qu’aucune planète géante ne peut naître
à moins de quatre ou cinq UA de son étoile. Pour-
tant, quelques jours plus tard, deux astronomes de
Les dieux venus du Ciel
Selon l’auteur Zecharia Sitchin, réinterprétant les grands mythes
sumériens, les Annunaki, venus de la planète Nibiru, auraient créé
la race humaine. Cette thèse et ses avatars sont devenus viraux dans
certains milieux ésotériques ou conspirationnistes. Fantasmagorie
ou réalité ?
Durant des millénaires, les scribes assyriens ont fidèlement recopié
les textes selon les mêmes méthodes, comme au Moyen Âge les
moines recopiaient les livres. Mais l’argile a cet avantage sur le
parchemin : il ne brûle pas. Les incendies ont même cuit les ta-
blettes crues et les ont rendues durables.
Lorsqu’il publie La 12e planète en 1976, l’écrivain Zecharia Sitchin
prétend décrypter le contenu des tablettes...
BONUS
L’ENQUÊTE CONTINUE SUR INREES.COM
Web
Retrouvez un second article de Morvan Salez :
www.inrees.com/bonus/324
36 Inexploré - N° 42  PRINTEMPS 2019

Dans les premiers
millions d’années, notre
système solaire a joué au
billard cosmique.

l’Observatoire de Genève annoncent la première
découverte d’une exoplanète ; or 51 Pegasi B est
une géante gazeuse six fois plus proche de son étoile
que Mercure du Soleil ! Par la suite, nombre de sys-
tèmes planétaires ont montré de similaires « Jupiter
chauds », jouant à se faire rôtir. On comprend que
les planètes géantes naissent loin de leur étoile, puis
migrent, parce qu’elles interagissent avec le disque
de gaz protoplanétaire.
Depuis les années 1980 et grâce aux simulations
informatiques, les experts de mécanique céleste ont
montré que les orbites planétaires sont rarement
stables. Les planètes ne restent pas sagement sur
leur lieu de naissance. Dans les premiers millions
d’années, notre système solaire a joué au billard cos-
mique. Des protoplanètes sont entrées en collision
pour former les planètes géantes. Uranus et Neptune
ont échangé leur place. Jupiter a migré vers le Soleil,
jusqu’à l’orbite de Mars environ, puis, dans un pas
de deux avec Saturne, aurait reculé jusqu’à son or-
bite actuelle. Les planètes géantes ont fait un grand
« nettoyage ». La plupart des petits corps furent
catapultés hors du système solaire. Seule une frac-
tion est restée liée au Soleil, constituant la ceinture
de Kuiper et le nuage d’Oort. « D’après les modèles,
deux à quatre planètes comme Uranus ont pu être éjec-
tées », dit Alessandro Morbidelli, de l’Observatoire
de Nice, auteur du « modèle de Nice » qui fait au-
torité pour décrire la formation du système solaire.
En 2013, on détecte une exoplanète « orpheline »,
ILLUSTRATION : DREAMCREATION / SHUTTERSTOCK - INFOGRAPHIE : JÉRÔME SAIDANI
errant seule, chassée de son système d’origine.
Transneptunia
L’orbite de Neptune, c’est le Mississippi du système
solaire, la frontière au-delà de laquelle se dessine
depuis une quinzaine d’années, détection après dé-
tection, un « paysage » qui commence à la ceinture
de Kuiper et s’étend jusqu’au nuage d’Oort. Cer-
tains objets de la ceinture de Kuiper ont des orbites
très allongées et inclinées par rapport à l’écliptique
(le plan des orbites planétaires). Certains vont se
promener dans l’intérieur du système solaire (les
Centaures), d’autres vers le nuage d’Oort (objets
« transneptuniens »). En 2005, Michael Brown,
de Caltech, annonce la détection d’une « dixième
planète » : Eris, qui ressemble à Pluton par sa taille
et son orbite elliptique et inclinée, mais qui ✦✦ ✦
PRINTEMPS 2019  N° 42  Inexploré 37
 Science Planète X

✦✦ ✦ s’éloigne bien plus du Soleil. Un an plus En 1987, Anderson conclut que la planète X
À
LIRE tard, l’Union astronomique internationale ôte à doit avoir cinq fois la masse de la Terre et qu’elle
Pluton son titre de « neuvième planète », la décla- doit décrire une rotation d’environ mille ans sur
rant « planète naine », comme Eris. Une autre pla- une orbite inclinée. Son confrère du U.S. Naval
nète naine, Sedna, est découverte en 2003, à trois Observatory, Robert Harrington, publie un por-
fois la distance d’Uranus, sur une orbite très allon- trait-robot assez similaire.
gée. Mais Sedna est une banlieusarde : elle vient du Une planète sur une telle orbite pourrait jouer
nuage d’Oort. un rôle de « berger » gravitationnel, donnant à la
(2) Il est concevable que des objets venus d’autres ceinture de Kuiper son aspect tronqué à 48 UA.
La 12e planète
Zecharia Sitchin
systèmes solaires traversent le nôtre, et même le Mais « cette troncature ne me gêne plus, reconnaît
Louise Courteau squattent. Une exoplanète a pu s’inviter chez nous Morbidelli, auteur de l’hypothèse en 2003. Elle peut
éditrice, 2002, quand les étoiles de l’amas étaient encore proches, refléter la composition de la nébuleuse au moment de
20,20 € estime Morbidelli. la formation de planétésimaux. »
Le 20 janvier 2016, Brown et son collègue Konstantin
Cinq fois la Terre Batygin annoncent des « indices d’une planète géante
On peut découvrir une planète de deux façons : en lointaine dans le système solaire » – dix à quinze fois
remarquant sur des séries de clichés qu’un point se plus massive que la Terre, sur une orbite inclinée
déplace sur le fond d’étoiles, ou en déduisant son entre 200 et 1 200 UA. Il ne s’agit pas d’une détec-
existence d’irrégularités dans les orbites de planètes tion, mais du résultat de l’analyse des orbites des
connues. C’est à partir d’anomalies dans l’orbite objets transneptuniens connus. Plusieurs équipes
d’Uranus qu’on découvrit Neptune. ont affiné ces travaux depuis. On a dé-
C’est aussi ce raisonnement qui couvert des dizaines d’autres objets
persuade Percival Lowell, transneptuniens aux orbites allon-
au début du siècle, de re- gées (allant au-delà de 500 UA),
chercher une « neuvième parfois très inclinées et parfois
planète  ». Mais Clyde rétrogrades. Il semble qu’une
Tombaugh, qui découvre perturbation gravitationnelle
Pluton en 1930, pense autre que Neptune les ait sor-
que sa masse ne suffirait tis de la ceinture de Kuiper
pas à affecter Neptune et en leur donnant ces carac-
il continue à chercher une téristiques orbitales.
« dixième planète ». Au Les 23-24 mai 2018, un
début des années 1980, workshop organisé par Cal-
John Anderson, du Jet tech/JPL réunit les cher-
Propulsion Lab, reprend cheurs travaillant sur l’hy-
cette quête de la « dixième pothèse d’une neuvième pla-
planète ». nète(4). Dans un article à pa-
La presse reparle de la pla- raître dans Physics Reports(5), les
nète X en 1983, quand le satel- auteurs concluent : « L’origine dy-
lite d’astronomie infrarouge IRAS re- namique de la structure anormale de la ceinture de
père un « objet géant aux allures de comète » dans le Kuiper nécessite une perturbation supérieure à ce que
système solaire. Sitchin écrit à la Planetary Society peuvent faire les planètes géantes du système solaire. »
en suggérant que cette planète soit nommée Nibiru, Quant au hasard, il aurait moins d’une chance sur
puisque « les Sumériens la connaissaient déjà ». Mais 500 d’en être la cause. Autrement dit, l’existence
PHOTOS : DIMA MOROZ - AUNTSPRAY / SHUTTERSTOCK

c’est une fausse alerte : IRAS a détecté une galaxie d’une neuvième planète semble aujourd’hui la meil-
lointaine. leure explication des caractéristiques dynamiques
des objets transneptuniens. La responsable serait
 une planète de cinq à sept masses terrestres, sur
orbite elliptique inclinée à 15-25°. Son périgée se-
rait à 300 UA et son apogée à 1 000, dans le nuage
Les Sumériens d’Oort. « L’étude des exoplanètes montre que les pla-
affirment que la vie fut nètes du type “super-Terre” sont les plus nombreuses,
véhiculée dans le système et que de telles orbites allongées sont courantes chez les
planètes à longue période », précise Batygin. Voici ce
solaire par Nibiru.
 qu’il imagine : « Je pense que c’est une planète glacée

38 Inexploré - N°42  PRINTEMPS 2019


En octobre 2017, un objet inclassable, ni astéroïde ni comète, nommé Oumuamua, d’une forme très allongée,
est passé à 30 millions de kilomètres de la Terre. Il venait clairement du milieu interstellaire, puis y est reparti.
avec une certaine atmosphère d’hydrogène et d’hélium,
mais rien n’est sûr. »
Des programmes sont en cours pour chercher la
planète X sur l’orbite prédite. Bien que la tâche soit
ardue, si elle existe, elle sera trouvée avant dix ans.
Planète messie
La planète traquée ressemble par certains côtés à la
Nibiru de Sitchin et à la comète de Velikovsky. Tou-
tefois, elle reste un objet transneptunien distant ; à
moins que son périgée fût beaucoup plus proche
autrefois, elle ne peut avoir causé des séismes sur
Terre, donné naissance à la Lune ou à la ceinture
d’astéroïdes. Cette dernière, d’ailleurs, ne résulte sans
doute pas d’une collision cosmique comme on l’a
longtemps supposé. Cette idée est née au XIXe siècle,
la découverte des gros astéroïdes (Cérès, Vesta…)
laissant imaginer qu’ils étaient les débris d’une « cin-
quième planète », Phaeton, que les astronomes se se-
raient attendus à trouver là, d’après la loi empirique
de Titius-Bode.
En revanche, la théorie officielle pour expliquer la for-
mation de la Lune implique une collision titanesque
entre la Terre et une planète de la taille de Mars. Ce
scénario du « grand impact » rappelle la « bataille cé-
leste » ayant cassé Tiamat en deux. La région proche
de la Terre n’a pas toujours été calme, et le fait que
Vénus tourne dans le sens rétrograde suggère qu’elle a
connu une importante collision.
Planète X Science
Le discernement doit nous guider doublement : pour À
ne pas accepter béatement des affirmations auda- LIRE
cieuses ni pour les rejeter d’emblée. Car des pépites
de vérité se trouvent parfois au cœur de thèses peu
fondées scientifiquement ; les auteurs passionnés par
un sujet, jusqu’à l’obsession d’une vie, sont parfois
porteurs de grandes intuitions.
La science nous dit ce qui est « vrai », mais la mytho-
logie nous transmet des « vérités » universelles. Joseph (3)
Campbell disait que les mythes sont les rêves com- Cosmo Genèse,
muns à l’humanité. Qu’elle fût une planète connue le secret à
l’origine de
des Sumériens ou non, Nibiru est un mythe. Chez l’humanité
certains, qui en ont fait un astre-messie dont on at- Zecharia Sitchin
tend le retour, l’accusant même d’être responsable du Macro Éditions,
changement climatique, du basculement des pôles et 2002, 16,95 €
d’autres dangers, Nibiru est devenue la métaphore
d’un monde inquiet pour son avenir. Chez les as-
tronomes, son avatar, la planète X, incarne le chan-
gement de paradigme relatif à notre système solaire,
notre maison. Qu’une telle planète soit découverte
ou non dans les prochaines années, sa quête s’inscrit
dans une « nostalgie des origines » partagée de tous ;
sa réalité est d’ores et déjà celle du miroir dans lequel
nous nous cherchons. ● Merci au
célèbre
(4) https://solarsystem.nasa.gov/planets/hypothetical- physicien
Alessandro
planet-x/in-depth/
Morbidelli pour
(5) K. Batygin et al. The planet 9 hypothesis, Physics Report, sa participation
à paraître en 2019. à cette enquête.
PRINTEMPS 2019  N°42  Inexploré 39
Psycho Triangle dramatique

La
trinité
infernale
Envisagé d’ordinaire sous l’angle des relations interpersonnelles,
le triangle dramatique influencerait aussi les organisations, la société
et la marche du monde. Enquête singulière au cœur du trio infernal

d
« victime/ bourreau/ sauveur ». Par Carine Anselme

u « je » au « jeu » psychologique, il n’y
a qu’un pas... que nous franchissons
sans même nous en rendre compte. « Le
mot “jeu” sonne juste parce que l’exa-
gération, la dramatisation théâtrale et
l’insincérité latente sont perceptibles.
De même, ces situations négatives sont étran-
gement standard et semblent obéir à des règles
quasi immuables », décrypte Christel Petitcollin,
spécialiste de la manipulation et des rouages du
triangle dramatique(1). Qu’il s’agisse d’une dis-
pute familiale répétitive ou d’une négociation
improductive, le jeu est identique : au coup d’en-
voi succèdent des enjeux et des règles codifiées,
où s’immisce le rapport de force. Nous devons à
Éric Berne, célèbre psychiatre américain, fonda-
teur de l’analyse transactionnelle, la découverte
de l’existence de ces jeux psychologiques banale-
ment humains(2). Ses travaux ont été complétés
par Stephen Karpman qui a modélisé le fameux
triangle dramatique, nommé « Triangle de Kar-
pman »(3). Les jeux décrits par Éric Berne bali-
saient plusieurs rôles : le naïf, le chat, la poire...
Stephen Karpman a synthétisé ces personnages
en trois rôles complémentaires, que l’on retrouve
systématiquement dans les jeux : la victime, le
bourreau (ou le persécuteur) et le sauveur. Ils
sont caractérisés par des profils types, que Chris-
tel Petitcollin résume ainsi : « La victime apitoie,
attire, énerve, excite. Le bourreau attaque, brime,
donne des ordres et provoque la rancune. Le sau-
veur étouffe, apporte une aide inefficace, crée la
passivité par l’assistanat. » On endosse ces rôles,
qui s’ancrent dans l’enfance et le rapport à l’au-
torité parentale, aussi bien chez les hommes que
chez les femmes. Lorsque nous sommes englués
dans des relations négatives, frustrantes et dé-
courageantes, il y a fort à parier que nous soyons
tombés dans le panneau de ces jeux psycholo-
giques... « Le triangle dramatique est un vrai
fléau qui nous touche tous. On le retrouve dans la
cour de récré, au sein des couples, en entreprise ou
encore dans les guerres. Ce triangle a l’avantage
de la simplicité : il est très parlant pour déjouer les
mécanismes de la psychologie », partage Françoise
Collard, coach professionnelle et de vie.
Une société qui tourne
en triangle
Notre société tout entière serait bâtie sur ce
triangle, car nombreux sont ceux qui croient à la
réalité des « rôles » attribués à chacun sans nuance
ni réflexion : l’infirmière-sauveuse, l’ouvrier-vic-
time, le fisc-bourreau, etc. « Comme le triangle est
systémique, il est facile de le reporter d’un ✦✦ ✦
 IME
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PHOTO : EKATERINA JURKOVA / SHUTTERSTOCK - ILLUSTRATION : NADEZHDA SHUPARSKAIA

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la psychologie.
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 Psycho Triangle dramatique

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On retrouve
ces rôles, qui s’ancrent
dans l’enfance et
le rapport à l’autorité
parentale.

À ✦✦ ✦ individu à un groupe : une entreprise, une orga-
LIRE nisation ou un pays », relève Françoise Collard, rappe-
lant que des études ont montré qu’en-deçà de huit ou
neuf personnes, les personnalités s’additionnent, alors
qu’au-delà on obtient une nouvelle entité dont le QI
est plus bas. Le groupe est régressif. Certains groupes
peuvent alors subrepticement devenir persécuteurs et
créer des clans qui se figent. Sans généraliser, il arrive
(1) Victime, ainsi que des organisations et initiatives, sous le (bon)
bourreau ou
sauveur : prétexte d’aider sur le plan humanitaire, confortent
comment sortir les populations en position de victimes, glissant in-
du piège ? sidieusement du rôle de sauveteurs à celui de persé-
Christel cuteurs. « Les populations assistées vont alors intégrer
Petitcollin
Éd. Jouvence leur statut de victimes. Ce qui les éloigne de l’autonomie,
(Poches), de leur dignité et peut créer des problèmes capables de soulignant que cela implique un énorme travail de
2011, 8,70 € perdurer de génération en génération, faisant le lit pos- conscience. Pour Anne Ancelin, la sortie de crise,
sible de conflits et de guerres, où les victimes peuvent à quel que soit le conflit, n’est pas seulement politique
leur tour devenir des persécuteurs », poursuit Françoise ou économique. « Elle est peut-être liée au fait de pou-
Collard, prenant le contre-exemple de Matthieu Ri- voir dire l’indicible et l’impensé, de pouvoir se faire en-
card qui, appelé sur des zones sinistrées, encourage tendre, de faire reconnaître les faits, les torts, et essayer de
les victimes à réunir leurs forces et compétences, en “réparer la mort”, l’injustice subie, l’éviction, le rejet. »
préalable à la reconstruction : « Ce qui les sort de l’im-
puissance et de la sidération. » Chaises musicales
(2) Des jeux Bien souvent, les personnages vont donc changer de
et des hommes
Éric Berne
La guerre des mondes rôle à un moment donné, initiant un jeu de chaises
Éd. Stock, Plus largement, l’engramme psychologique de tout musicales délétère. Prenons l’exemple bien connu
1984, 17,25 € mal subi peut se diffuser sur le plan transgénération- de la guerre en ex-Yougoslavie, où les rôles sur la
nel et refaire surface comme un boomerang, parfois scène géopolitique ont été cristallisés par la com-
des générations plus tard. La psychogénéalogiste munauté internationale : « Pour défendre les Croates
Anne Ancelin Schützenberger le soulignait dans son victimes de bourreaux serbes, l’ONU sauveur doit de-
best-seller Aïe, mes aïeux (Éd. Desclée de Brouwer), venir le bourreau du bourreau qui, de ce fait, devient
à propos des génocides ou encore de l’esclavage dont la victime du sauveur », relève Christel Petitcollin...
les traces sont au cœur d’enjeux et de rapports de Et cette bascule d’un rôle à l’autre peut même se
force actuels. Elle envisageait aussi la montée de l’is- vivre au sein des siens. Ainsi, l’exemple de Branko
lamisme comme un contrecoup des croisades et du K., un ex-soldat croate, est parlant : atteint de stress
(3) Le Triangle
Dramatique
vécu des Arabes de l’époque – ressenti, écrivait-elle, post-traumatique en raison de la guerre, il l’était plus
Dr Stephen par les musulmans actuels comme « un massacre encore, disait-il, à cause du rejet qu’il subissait dans
B. Karpman d’innocents et un génocide ». Dans la foulée, certains sa propre communauté. Comme les autres soldats,
Éd. InterÉditions, analystes voient, dans la révolte sociale qui secoue il était passé aux yeux de ses compatriotes du statut
2017, 32 €
actuellement la France, des répliques « sismiques » de de héros-sauveur, à celui de « zéro » (sic), ramené au
la Révolution française. Pour Françoise Collard, il est rang de responsable des maux qui ont miné la Croa-
clair que le triangle dramatique est « le terreau de la tie post-conflit. Après être resté englué des années
guerre ». « A contrario, un processus de paix durable dans son statut de victime, ce père de famille inactif
nécessite de sortir de ce triangle infernal », dit-elle, en était sorti de sa torpeur en s’engageant comme ma-

42 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019

 rionnettiste auprès d’enfants handicapés... « Chaque
rôle a ses spécificités bien définies ; cependant, l’utilisa-
tion des rôles peut être panachée. Ainsi, une personne
qui fait du chantage au suicide tient à la fois le rôle de Géométrie toxique
la victime qui souffre trop pour continuer à endurer la
douleur que son bourreau lui inflige et celui du persé-
du burn-out
cuteur qui menace l’autre. La personne qui se plaint de Ce triangle dramatique est au cœur du burn-out qui
tout le mal qu’elle se donne pour les autres revendique t u e arti uli rement le r fil auveteur le
simultanément la fonction de sauveur et la place de
victime. Celui qui vous gronde paternellement en vous plus à même de s’épuiser. Il est donc intéressant de
traitant d’inconscient allie le sauveur et le persécuteur », re rer l ame n n eille la l ue et
observe Christel Petitcollin. Nous nous retrouvons psychothérapeute Christiane Martin Chambard.
ainsi ballotés d’un angle à l’autre, avec plus ou moins entre ri e eut uer la vi time n e lai nant
d’habilité à piloter ce jeu psychologique maléfique... qu elle traver e une a e iffi ile elle fait a el au
Échapper à la surenchère a rifi e e alari auveteur en leur
« Le triangle dramatique est un système instable qui, r mettant une re nnai an e ternelle utre
sur un coup de théâtre, peut basculer sur une pointe », a e fi ure tenter une man uvre e u ti n l r
témoigne Christiane Martin Chambard. Cette e l em au e u mme une entre ri e
psychologue clinicienne et psychothérapeute, qui e tra r inaire et v u au i l ui le
travaille aussi en énergétique, utilise le triangle dra-
matique en individuel et en collectif, notamment en auveteur va en a er f n et remarquera tr
entreprise. « Ma façon de travailler avec (ce triangle) tard l’écart intenable entre les objectifs et les moyens
est de repérer et de comprendre les situations toxiques mi a i iti n mme n m teur e t
qui peuvent nous mener à l’épuisement », précise-t-elle d’obtenir de la reconnaissance, il va aller voir son
(voir encadré). L’enjeu est de regarder par quel rôle chef pour signaler cette incohérence, qui lui
privilégié nous entrons dans les situations. « Nous
avons tous un rôle de confort qui nous piège. D’ordi- r t rquera qu il n en fait a a e e trian le
naire, nous ne voyons pas le problème ; nous commen- bascule : le chef devient persécuteur et le sauveteur,
çons à le voir quand le système bascule et c’est trop tard. vi time e qu il n aime a u t ut nn te
L’idée est de permettre aux gens de s’en rendre compte et gentil, travailleur, il va mettre les bouchées doubles,
d’éviter de plonger. » Sortir du piège triangulaire né- subissant une alternance de douches chaudes et
cessite en premier lieu une prise de conscience et une
responsabilisation individuelles. Car ce triangle va en froides de la part de sa hiérarchie, jusqu’à s’épuiser.
s’aggravant. « De coups de théâtre en coups de théâtre, n entretien annuel quan n ef i nifiera qu il
les parties deviennent plus fréquentes et on recherche n’a pas atteint les objectifs, il soulignera qu’il avait
une excitation négative de plus en plus forte, donc plus pourtant bien dit qu’il n’en n’avait pas les moyens. Il
PHOTO : EKATERINA JURKOVA / SHUTTERSTOCK - ILLUSTRATION : NADEZHDA SHUPARSKAIA

violente », alerte Christel Petitcollin. Cette intensi-
fication des jeux est en train de se généraliser : jets
de pierre contre les pompiers, violence envers les en-
seignants, attentats... Dans ces jeux psychologiques,
sclérosants et mortifères, nous sommes piégés dans
un rapport au monde « tout extérieur », d’où la né-
cessité d’un travail sur soi. Pour changer les choses,
il faut déjà accepter de se remettre en cause... À cette
fin, il est essentiel de repérer ses propres jeux et ceux
de son entourage en observant le déroulement et le
contenu de ses échanges habituels. Ce recul enlève
la charge dramatique et autorise l’humour : « Les
situations deviennent cocasses », partage Christel Pe-
titcollin. Le jeu, qu’il soit individuel ou collectif,
donne toujours l’impression d’avoir été généré par
« l’autre ». Pourtant, nous sommes forcément partie
prenante, car sans partenaire de jeu consentant, il n’y
a pas de partie possible ! ●
en tirera comme conclusion : je suis nul, je suis fou
u le autre nt m ant l t m e e aut et
c’est le burn-out... ou, en manque de reconnaissance,
il a ule en m e er uteur mai e n e t a
son rôle de prédilection, car il est malhabile pour
er e limite e r fil vi time lui e t m in
im a t ar e n e t amai e a faute an le
triangle dramatique, tout reste confus. Les gens
ima inent qu il ne euvent a en rtir nfie
Christiane Martin Chambard, dont l’approche
humaniste vise à faire prendre conscience du rôle
endossé et accompagner le changement.

PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 43

Nos fantômes
de guerre
Nos ancêtres agissent-ils dans nos vies à notre insu ?
Certains témoignages interrogent... Comment s’affranchir de
ces mémoires de guerre et entrevoir un monde en paix
pour l’avenir ? La psychogénéalogie,
spécialisée dans les loyautés familiales invisibles, nous offre
des perspectives de réponses. Par Catherine Maillard
 Psychogénéalogie Santé


Le non-dit
transgénérationnel, que
l’on appelle un fantôme,
est en relation avec
un traumatisme.

L
ors d’une conférence autour de son
dernier ouvrage La blessure, le grand
reporter de guerre Jean-Baptiste
Naudet témoigne d’une présence
envahissante, un « fantôme » qui, à
son insu, le pousse encore et encore à
prendre des risques dans des zones de conflit, par-
fois même au péril de sa vie et de sa santé mentale.
Tant et tant qu’il décide, pour s’en sortir, d’explorer
la piste familiale… Il découvre le grand amour ca-
ché de sa mère Danièle, un jeune sergent de vingt
ans à qui elle était fiancée, et qui fut tué dans le dje-
bel algérien pendant une opération de ratissage en
1960. « La blessure » est celle de cette femme qui ne
se remettra jamais de cette disparition, gardant ses
lettres et sombrant dans la folie. Un récit poignant,
bouleversant, qui soulève des questions essentielles.
Et si, pour d’autres également, cherchait à s’expri-
mer la mémoire d’ancêtres, de héros de guerre décé-
dés tragiquement et oubliés ? Et si, derrière ces épi-
sodes transgénérationnels, personnels, aux allures
extraordinaires, se cachait une autre perspective,
celle de la paix, peut-être même collective ?

Un fantôme, vraiment ?
Le terme de fantôme n’est en rien une fantaisie lit-
téraire, ou un personnage réservé aux enfants, mais
un terme qui va de pair avec un phénomène particu-
lier, celui d’être hanté littéralement et dépossédé de
son libre arbitre. Un phénomène mis au jour par la
psychogénéalogie, dans les années 1970, par Nicolas
Abraham et Maria Torok. De quoi s’agit-il ? « Le non-
dit transgénérationnel, que l’on appelle un fantôme, est
en relation avec un traumatisme qui n’a pas pu être éla-
boré en son temps, pour différentes raisons », répond
le psychanalyste transgénérationnel Bruno Clavier.
PHOTOS : SHUTTERSTOCK - DAN76 - KOZLIK

« Toutefois, le traumatisme seul ne fait pas le fantôme...

Mais le secret, l’absence de pensée, la sidération qui l’ac-
compagnent, créent une injonction pour les générations
suivantes », ajoute-t-il. Il y a alors une sorte d’expul-
sion de l’émotionnel lié au traumatisme, qui va être
repris par un descendant, dont la tâche inconsciente
consiste à l’élaborer, pour « libérer » ce fantôme...
et la lignée. Les fantômes de guerre ont été ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 45

 Santé Psychogénéalogie

Le fantôme aurait
alors pour mission
de mettre à jour
un secret.
 doute tant du passé », répond le psychanalyste. Les
✦✦ ✦ largement évoqués par la fondatrice de la
psychogénéalogie Anne Ancelin Schützenberger,
principalement sur le plan de la santé. Son cas traité
le plus célèbre est celui de Camille, qui tousse tout
le temps ; la manière dont elle en parle fait penser
à une « loyauté familiale invisible » liée à un événe-
ment tragique. Forte de son expérience des symp-
tômes post-traumatiques de guerre, la thérapeute
vérifie une série d’hypothèses historiques possibles
et remonte la piste. C’est seulement à la lumière de
croisements complexes entre différents événements
ayant trait à la Seconde Guerre mondiale et l’occu-
pation allemande que surgit le maillon psychogénéa-
logique : un grand-père asthmatique, décédé dans
un sous-marin, en poste avec le grand-père, héros de
guerre oublié, du compagnon de Camille ! Comme
si leur rencontre avait été le déclic pour faire resurgir
la mémoire de guerre de leurs deux ancêtres. Difficile
à croire, et pourtant ! Impossible, en peu de lignes,
d’embrasser les enjeux si mystérieux autour de ces
phénomènes. Ce qu’on peut en retenir est que les
loyautés invisibles et la transmission transgénération-
nelle d’un traumatisme sont aussi souvent liées à des
événements historiques. Chacun rejoue un rôle per-
sonnel dans la résurgence de la mémoire collective !
Des répétitions historiques
Il existe différents types de « fantômes ». Dans le cas
des mémoires de guerre, sont impliqués à la fois des
fantômes familiaux, mais aussi des fantômes « col-
lectifs », dans un entremêlement subtil et quasi im-
placable. « Ce sont des répétitions historiques à dates
dites “anniversaires”, qui engagent une communauté,
un pays, une nation », explique Bruno Clavier. Ces
dates sont fortement marquées par les nombreuses
années, qui répètent ces cérémonies officielles. « Pour
exemple de ces fantômes, le 10 avril 2010, l’avion pré-
sidentiel polonais se crashe vers Smolensk, avec près
d’une centaine de cadres et militaires de haut rang qui
se rendent à la commémoration du massacre de Katyn ;
dans la même région, entre avril et mai 1940, la police
soviétique avait assassiné des milliers de cadres et intel-
lectuels constituant l’élite de la Pologne », développe
Bruno Clavier. Curieuse répétition, près de 70 ans
après… Ces événements sont reliés à des fantômes
de type « historique », porteurs de mémoires trau-
46 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019
matiques liées à des événements collectifs tragiques,
voués à se répéter. « Tout comme c’est le cas pour les
fantômes familiaux, sans un travail d’élaboration col-
lective, il peut y avoir la création collective inconsciente
des conditions qui mènent au retour de ce que l’on re-
exemples sont légion !
Une transmission
inconsciente
Ce « fantôme de guerre » se transmet comme une
trace, dans l’inconscient d’un descendant, du secret
inavouable d’un ou plusieurs de ses ancêtres. Il se
manifeste par des voies distinctes, par exemple la
voie somatique, la mémoire corporelle, comme
c’est le cas pour Camille et son asthme, ou encore
pour David. Bruno Clavier relate le cas de ce jeune
homme de trente ans qui se retrouve avec le bassin
bloqué, un beau matin de mars, sans raison appa-
rente organique. « Des recherches dans son arbre gé-
néalogique vont mettre à jour la trace d’un ancêtre mort
d’une salve de balles dans le bassin, en mars 1915. »
Le symptôme va permettre de retrouver sa mé-
moire et d’honorer cet ancêtre « oublié » de tous.
Le fantôme peut également s’exprimer par la voie
psychique et engendrer des passages à l’acte, comme
pour Jean-Baptiste Naudet, poussé à son insu, par
cette présence, à flirter avec la mort. Des accidents
tragiques, à dates anniversaires, peuvent également
signaler sa présence. Pour Anne Ancelin Schützen-
berger, avec les fantômes de guerre, « tout peut partir
en fumée » et les maisons peuvent brûler. C’est ce qui
lui est arrivé le 6 juin 1944, jour du débarquement
allié, dans la France occupée. Loin de tout, dans le
Massif central, alors que la future thérapeute et sa
famille se croyaient en sécurité, la maison a pris feu.
Ils ont tout perdu, sauf la vie. Un événement qu’elle
rattache à l’incendie perpétré à Moscou en 1812 par
le général Rostopchine, pour faire peur à Napoléon
et l’obliger à rebrousser chemin. Une partie de sa fa-
mille maternelle est d’origine russe et la maison a
été brûlée. Un signe flagrant, pour elle, d’une loyau-
té invisible, dont elle va nourrir sa recherche sur la
compréhension de l’inconscient dans les répétitions
d’événements marquants. Il n’y a ni hasard ni fatali-
té, seulement notre histoire qui cherche à s’exprimer,
encore et encore.
Quel message le fantôme, au travers de ces symp-
tômes, répétitions et événements tragiques, cher-
cherait-il à nous transmettre ? « Beaucoup d’entre
nous souffrent de deuils non faits, que ce soit sur le
plan personnel, familial, transgénérationnel et culturo-
national… », répond Bruno Clavier. Ces deuils non
faits, pertes et traumatismes divers non élaborés,
 sont en psychogénéalogie des tâches inachevées qui
restent en mémoire et nous taraudent parce qu’elles
ont besoin d’être complétées et terminées. D’après
Anne Ancelin Schützenberger, « elles travaillent, se
ruminent et se transmettent de génération en généra-
tion ». Il est important de clore toute gestalt, tout tra-
vail commencé et inachevé. Le fantôme aurait alors
pour mission de mettre à jour un secret, le trauma-
tisme de la lignée, pour achever le deuil, pour une
libération de cette mémoire et que l’impact ne se
transmette plus de génération en génération.
Vers une libération
individuelle et collective
Avons-nous tous des fantômes de guerre ? Pourquoi
s’en préoccuper ? La réponse de Bruno Clavier est
glaçante : « Quand on regarde les bilans de pertes hu-
maines de la Première Guerre mondiale, les chiffres sont
si élevés qu’il est difficile de se les représenter réellement.
Ils s’élèvent à environ 18,6 millions de morts... » Il hé-
site alors avant de livrer ceux de la Seconde Guerre
mondiale, le conflit le plus meurtrier de l’histoire,
PHOTOS : SHUTTERSTOCK - PHILIPIMAGE - STOCKFOUR
avec plus de 60 millions de morts à travers le monde.
 américains demandent pardon aux Indiens à Stan-
Le traumatisme seul
ne fait pas le fantôme...
Mais le secret, l’absence de
pensée, la sidération qui
l’accompagnent.
 monde de demain, un monde en paix ! ●
Il ne s’agit pas tant de se plonger avec effroi dans un À
comptage morbide, mais bien de prendre conscience LIRE
de l’importante probabilité de transmission trans-
générationnelle qui en découle. Pourquoi ne pas
mobiliser les ressources à notre portée pour guérir
ces mémoires de guerre ? « Pour un individu, expose
Bruno Clavier, c’est l’élaboration du traumatisme qui
permet qu’il ne fasse pas “fantôme” à une génération
Psychogénéalogie
suivante », et entreprendre un travail psychogénéa- Anne Ancelin
logique permet de comprendre ce qui se passe et de Schützenberger
terminer la gestalt. Quel deuil non fait, quel ancêtre Éd. Payot,
cherche à attirer notre attention ? Il faut du temps 2015, 8 €
et de nombreuses plongées dans le passé pour y voir
clair et libérer ces mémoires.
Quant aux fantômes collectifs, peut-on éviter qu’ils
refassent surface ? « Pour la collectivité, l’importance
des commémorations, des rites, des cérémonies publiques
est cruciale. C’est ce qui distingue par exemple le statut
du génocide juif, qui a eu droit à une reconnaissance
officielle, tandis que le génocide arménien est encore Les fantômes
familiaux
en quête de la sienne. » À ce titre, on peut observer Bruno
qu’au-delà du chaos apparent, certaines initiatives Clavier
vont dans ce sens. Les cérémonies d’hommages Éd. Payot, 2014,
8,50 €
aux victimes ont tendance à se multiplier de par
le monde. Ainsi, le 5 décembre 2016, des vétérans
ding Roch pour les massacres perpétrés par leurs
ancêtres. En février 2008, le premier ministre aus-
tralien présente ses excuses officielles aux aborigènes.
Le 12 Juin 2008, le Canada demande solennelle-
ment pardon aux peuples autochtones. Autant de
lueurs d’espoir sur ce chemin difficile d’affranchisse-
ment des mémoires de guerre, pour donner à voir le
PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 47
 Dossier

corps
Le une voie spirituelle
Il est notre première maison, notre véhicule au cours de la vie.
Il est source de joie et de souffrance, il reste notre lien principal
avec la nature et le monde extérieur... Le corps. Si familier, il peut
soudain se transformer en ennemi, ou se révéler notre meilleur
allié, pour nous offrir des possibilités merveilleuses d’extase ou de
changement. Alors, comment utiliser au mieux un outil-matière,
afin de nous diriger vers la lumière ?

Sommaire
✦ Corps accord perdu 50
PHOTO : GETTY IMAGES - WESTEND61 / ILLUSTRATION : SHUTTERSTOCK - TORTUGA

✦ Tous mutants ? 54
✦ Nos émotions face à la maladie 58
✦ Les messages des symptômes 62
✦ Nos enveloppes suprasensibles 66
✦ Quand le toucher accompagne la psychothérapie 70
✦ Cinq techniques pour tenter de guérir les mémoires du corps 73
✦ Se libérer des mémoires 74
✦ L’éveil par le corps 78
✦ Pour aller plus loin 82
 Reconnexion Le corps

Accord CORPS

Perdu Notre société occidentale contemporaine a tendance à privilégier

le mental au détriment du corps, souvent relégué au second plan.
Parfois tabou et réprimé, le corps est également menacé par

M
la sédentarité de la vie moderne. Il y a aujourd’hui une urgence
vitale de reconnexion… corps et âme. Par Carine Anselme

«  ens sana in corpore sano. » Un esprit sain dans un
corps sain, clamait Juvénal, à l’orée de notre ère.
Pour Spinoza, ce qui est action dans le corps est
action dans l’âme, et vice versa. Il voyait dans cet
accord majeur, pour peu qu’il soit harmonieux,
une source de joie et d’élan vital. Une vision qui
entre en résonance avec les récentes recherches en
psychologie positive. Pour le mythologue Joseph
Campbell, c’est clair : « La majorité des gens croit
que nous recherchons un sens à notre vie... Je crois que
ce que nous cherchons vraiment est l’expérience d’être
vivant, de manière à ce que nos expériences de vie sur
le plan purement physique soient en résonance avec
notre réalité la plus profonde et intime, pour que nous
puissions vraiment ressentir l’extase d’être vivant. »
Un divorce consommé
PHOTO : VIKTORIA MINKOVA/SHUTTERSTOCK
et de l’esprit a donc laissé l’âme aux religieux et a per-
mis aux scientifiques de mieux comprendre l’anatomie
et le fonctionnement de notre organisme », tempère la
psychothérapeute Isabelle Filliozat, à qui l’on doit
notamment Les chemins de la joie et Le corps messa-
ger – ce best-seller coécrit avec Hélène Roubeix, paru
en 1988 et réédité en 2018, qui a ouvert la voie à
l’approche psychosomatique (voir l’article « Maladie
et émotions » page 58). « Nous sommes aussi notre
corps. Ce dernier transmet notre mal-être intérieur, tout
autant que notre bien-être. En prendre soin, l’écouter,
lui prêter attention, c’est se mettre à l’écoute de la vie en
soi », poursuit-elle. Le neuropsychologue Antonio
Damasio, dans L’erreur de Descartes, a réintégré les
émotions dans le cerveau qui pense. Nous pouvons
ainsi de nouveau percevoir le corps et l’esprit dans
une continuité ; réaliser que notre cerveau, machine
fantastique au service du mouvement, permet la prise

Descartes signe, en 1637, le divorce du corps et de
l’esprit, inaugurant le règne du matérialisme scien-
tifique. « Nous avons pris l’habitude de considérer le
corps comme un support de l’esprit. L’esprit serait le
cavalier, le corps le cheval. Mais c’est bien plus complexe
que cela, nous sommes biologie, chimie et électricité... Il
faut se rendre compte qu’à l’époque de Descartes régnait
la scolastique, c’est‐à‐dire la recherche de toute réponse
au sein des écritures religieuses. Cette séparation du corps
de conscience de soi et même les expériences mys-
tiques. Et qu’en retour, nos pensées et nos émotions
l’informent. « Le cerveau nous sert à penser, mais à
la base, il permet surtout notre mobilité. Sa fabuleuse
complexité nous permet de marcher, de courir, de nous
diriger. La pensée est du mouvement intériorisé. Et le
mouvement est utile aux capacités intellectuelles. Grim-
per à un arbre augmente de 50 % les capacités mémo-
rielles », relève Isabelle Filliozat. ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 51

Le corps Reconnexion
À Esprit de corps
LIRE En Occident, nous avons conservé des séquelles
de ce divorce et surdéveloppé l’importance de
l’intellect. Au cœur des voies traditionnelles,
cette séparation corps/esprit n’a pas cours. Dans
le taoïsme, le corps est au même niveau que l’es-
prit, mais aussi que la vitalité, l’énergie ou encore
Encyclopédie le souffle. « Si nous ne laissons pas la place néces-
pratique saire au corps, cela empêche la clarté des émotions, ce
du tao
Serge Augier qui joue sur la vitalité. On se retrouve stressé, tendu.
Éd. Flammarion, Le travail corporel est donc aussi important que le
2018, 29,90 € travail émotionnel et spirituel », témoigne Serge
Augier, l’unique héritier d’une école taoïste née
en 510 dans le nord de la Chine, dont il a ouvert
la tradition au monde occidental. Il souligne le
danger de la seule élévation de l’esprit : « Les gens
qui ont trop développé le spirituel se sentent comme
des géants dans leur corps. C’est source d’incohérence
et de frustration. Travailler le corps en même temps
Les chemins que l’esprit permet d’être plus stable. » Embrasser
de la joie
Isabelle
une vie spirituelle, ce n’est donc assurément pas
Filliozat fuir le corps, mais au contraire « tenter d’incar-
Éd. Marabout, ner, d’enraciner une sagesse au quotidien », dixit le
2019, 6,90 € philosophe Alexandre Jollien, pour qui le corps,
en raison de son handicap, a souvent été perçu
comme un « boulet » (sic). En voyant travailler
l’un de ses amis croque-mort, il dit avoir compris
que le corps tenait du miracle. « Je suis ressorti de
la morgue avec dans le cœur un espoir inattendu. Je
reconnaissais enfin que le corps n’était pas un boulet,
qu’il était l’instrument de l’Éveil et que désormais, la
tâche serait d’y célébrer la vie », confie-t-il. Corps/
Danger esprit, tout est donc une question d’équilibre. La
sédentarité,
Vivre plus en fameuse voie du milieu...
bougeant plus
Pr François
Carré Danger sédentarité
Éd. Cherche Midi,
2013, 11,80 € Le constat est édifiant : aujourd’hui, plus de la moi-
tié des hommes et 60 % des femmes ne pratiquent
jamais d’activité physique de plus de dix minutes.
Pourtant... « Un intellectuel assis va moins loin qu’un
con qui marche », ironisait le dialoguiste Michel
Audiard. « Nous sommes programmés pour bouger,
marcher, courir, nager, pas pour rester assis », partage
le Professeur Carré, cardiologue et cofondateur en
France de l’Observatoire national de l’activité phy-
 société d’immédiateté, qui lui demandent : « En
On assiste à une prise de conscience
du besoin d’avoir un corps plus fort, mais
comme ce dernier est souvent trop faible,
cela se fait dans la révolte.
52 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019
 pratique physique quotidienne ; un échauffement pro-
sique et de la sédentarité (Onaps), auteur de Danger
sédentarité. Un grand nombre d’études alarmantes
pointent le lien avéré entre sédentarité et diminution
de l’espérance de vie. La sédentarité tend aujourd’hui
à tuer davantage que le tabac ; elle est la quatrième
cause de mortalité dans le monde (près de 10 % des
décès, selon l’OMS). « Plus le temps journalier passé
en position assise est élevé et plus courte est l’espérance de
vie », alerte François Carré. Anthropologiquement,
(bio)mécaniquement et physiologiquement, notre
corps est conçu pour se mouvoir. Ainsi, ce ligament
fort qui soutient et stabilise notre tête, le squelette
solide, le rouage de nos articulations et le dessin de
nos muscles, associés à une excellente capacité à éli-
miner la chaleur, font que nous pouvons marcher
et même courir sur de longues distances, beaucoup
plus longues que la plupart des animaux. « Le pro-
blème est que nous avons oublié que nous étions faits
pour ne pas rester en place. Différents facteurs sont en
cause, mais en premier lieu la modernisation de notre
monde et l’emploi que nous en faisons », ajoute Fran-
çois Carré. Nos ancêtres étaient chasseurs-cueilleurs,
ils parcouraient 10 à 16 kilomètres à pied par jour
contre seulement 2,4 en moyenne pour nous. Nous
n’avons presque plus besoin de bouger pour vivre
normalement (achats sur Internet, relationnel via les
écrans, télétravail...). Or, sans entretien, notre corps
se dégrade, s’encrasse, au prix de risques accrus de
cancers (colon, sein), d’obésité, d’hypertension et de
diabète, pour l’aspect physique.
Talon d’Achille
Il est donc urgent de prendre ce fléau de la séden-
tarité... à bras le corps ! Mais pas n’importe com-
ment. « On assiste à une prise de conscience du besoin
d’avoir un corps plus fort, mais comme ce dernier
est souvent trop faible, cela se fait dans la révolte »,
observe Serge Augier. Des personnes parfaitement
sédentaires vont ainsi, pendant quelques heures,
grimper, courir intensivement. Serge Augier pointe
également le péril du CrossFit, où l’on passe direc-
tement de son bureau... à soulever des charges,
avec de nombreuses blessures à la clé. Dans son
enseignement du tao, il voit débarquer chez lui
des personnes imprégnées des injonctions de notre
PHOTOS : SDP - IRINA BG/SHUTTERSTOCK
combien de temps, j’irai bien ? » « Ils se moquent de la
méthode, ils veulent tout, tout de suite ! Or, la trans-
formation demande du temps, il faut que ça infuse. Le
principe clé du travail du corps, c’est de pratiquer tous
les jours, entre vingt minutes et une heure. On vieillit
alors beaucoup plus lentement. L’idéal est d’avoir une

La peur au ventre
Notre société est gangrénée, tétanisée
par la peur. Si celle-ci nous pollue l’esprit,
elle nous prend aussi aux tripes et nous
coupe de notre connexion avec le subtil et
notre intuition. Elle nous pousse aux excès
et au chaos. Cela se vit dedans, cela se voit
dehors... « La peur vient de l’ignorance.
C’est l’inconnu qui amène tous les
problèmes. Si nous comprenons comment
nous fonctionnons – corps, esprit, énergie,
émotions, mais aussi environnement,
relations – on est beaucoup plus serein »,
décrypte Serge Augier, héritier de
la tradition taoïste Ba Men Da Xuan.
BONUS
Web

Notre souplesse
corporelle va de pair avec
notre souplesse cognitive,
comportementale.

voquant une légère sudation, plutôt que de transpirer
à grosses gouttes. Cela stimule l’ensemble des méca-
nismes (lymphatique, articulaire, circulatoire...). C’est
mieux que de courir une fois par semaine », analyse
Serge Augier, tout en soulignant qu’il est pertinent
de pousser un peu son corps une fois de temps
en temps, avec du cardio. Le Professeur François
Carré pointe, lui, un raccourci qui porte à confu-
sion : penser que parce que l’on est sportif, on
n’est pas sédentaire. « Le commercial qui pratique
hebdomadairement deux footings d’une heure ainsi
que quelques compétitions à l’année, mais qui, par
nécessité professionnelle, est assis dans sa voiture de
trois à cinq heures par jour et passe trois heures devant
les écrans, a un comportement sédentaire. » Pour se
reconnecter à un corps accord, l’une des solutions
est à portée de main... Joan Vernikos, médecin à la
Nasa, a étudié le rapport du corps avec la gravité –
qui joue un rôle fondamental pour nos fonctions
physiologiques et dans le processus de vieillisse-
ment. Ce qu’elle a découvert est révolutionnaire :
rester simplement debout se montre plus efficace
que marcher pour contrebalancer les effets délétères
de l’assise, mais c’est le changement de posture qui
a le plus grand impact sur la santé. La meilleure
activité étant donc de se lever depuis la position
assise ! Se lever une fois par heure s’avère plus effi-
cace, pour le système cardiovasculaire comme pour
le métabolisme général, que de marcher pendant
quinze minutes. Pour elle, l’idéal est de s’accrou-
pir, puis de sauter en l’air en levant les bras. « Être
assis sur une chaise en permanence fait perdre de la
connexion avec le corps. Ce faisant, on perd de la
concentration et des facultés. Notre souplesse corporelle
va de pair avec notre souplesse cognitive, comporte-
mentale », complète Isabelle Filliozat. Alors, vibrons
de toutes nos cellules au diapason du conseil de
saint François de Sales : « Prends soin de ton corps
pour que l’âme s’y plaise. » ●
LE TAO ET LA PEUR
Retrouvez Serge Augier, qui étudie
les racines de la peur et nous livre des
pratiques issues du tao pour mieux vivre.
www.inrees.com/bonus/325
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 53
 TOUS

Mutants ?
 Épigénétique Le corps

Nous entrons dans une (r)évolution profonde.

Nous, les humains, avons transformé si rapidement le
monde... que l’environnement que nous avons créé transforme

P
radicalement notre corps et altère l’expression de notre ADN.
Alors, sommes-nous tous mutants ? Par Carine Anselme

rimate Change... Tel est le titre uppercut du récent Homo declinus

ouvrage de Vybarr Cregan-Reid. Clin d’œil
funeste au Climate Change qui nous promet des Cette symphonie du vivant peut donc tourner
saisons en enfer. Ce livre tout juste traduit en fran- à la cacophonie. Vybarr Cregan-Reid souligne
çais(1) pose un regard polémique sur la façon dont que si une friction ou des tensions surviennent
le corps humain a changé depuis que l’humanité entre le corps et son habitat, de l’inconfort, des
s’est levée sur ses deux pieds. L’auteur, qui enseigne pathologies, des maladies et la morbidité peuvent
à l’université d’État du Kent aux États-Unis, livre s’installer : « Un code génétique mal assorti à son
un constat sans appel : nous sommes rattrapés par environnement est annonciateur de problèmes pour
la vie moderne ! son hôte. » Avec son humour so British, il partage
que, certes, la vie moderne présente quelques avan-
tages : « Les chances que vous soyez croqué par un
La symphonie du vivant dinosaure en centre-ville sont infimes », mais elle est
Ce constat nous amène à l’épigénétique, autre- aussi vivifiante pour le corps humain que de « sau-
ment dit l’étude de l’expression des gènes. Cette ter dans un trou creusé dans la glace » ! Les chan-
discipline récente étudie comment les change- gements ont été si rapides que nos corps, fruits
ments génétiques sont induits ou affectés par d’une si longue histoire (certaines de nos parties
des déclencheurs environnementaux. Le scien- anatomiques précèdent notre espèce de plusieurs
tifique prospectiviste Joël de Rosnay, auteur de centaines de millions d’années), ne savent pas dans
La symphonie du vivant(2), parle de quel siècle ils sont nés et se défor-
« partition » (la génétique) et de
« symphonie » (l’épigénétique) pour
*
Alors que
ment. Entre autres (r)évolutions qui
ont jalonné l’histoire de l’humanité,
faire la différence entre ces deux
concepts. « Comprendre l’importance 80 % Vybarr Cregan-Reid met l’accent
sur la révolution industrielle et son
de la taille
de l’épigénétique, c’est se donner la pourrait être impact sur le corps humain. « Avant
chance de devenir chef d’orchestre de génétiquement cette période, il existait une gamme
son propre corps », assure-t-il. Avant déterminée, large et variée de pratiques de tra-
l’apparition de l’épigénétique, la plu- vail ; je ne souhaite pas les idéaliser,
part des biologistes étaient persuadés
que les êtres vivants n’étaient que le
25 % car nombre d’entre elles étaient dures et
comprenaient des risques mortels, mais
de la longévité
produit de leurs gènes. Or, nous est gouvernée elles demandaient un grand nombre
comprenons depuis peu qu’ils dis- par les gènes. de mouvements corporels variés. »
posent d’un réel potentiel d’action L’industrialisation et le travail aux
Le reste semble
sur leur génome. Notre ADN n’est déterminé par machines entraînèrent de nombreux
PHOTO : VICTOR TONGDEE/ADOBESTOCK

donc pas comme un code informa- l’environnement. troubles posturaux et accidents, tan-
tique. Il n’est ni parfait, ni fiable, ni dis que les cheminées crachaient des
définitif. « Notre ADN peut être influencé par notre fumées noires... Mais, contre toute attente, notre
environnement : nourriture, exercice physique, vie révolution 2.0 et ses innovations technologiques
sociale et amoureuse, entourage, lieu de vie, stress », ont créé une déflagration encore plus notoire.
précise Joël de Rosnay. Si l’environnement peut « Cette seconde vague de la révolution industrielle
exercer un pouvoir positif sur nous, il peut aussi n’est pas tout à fait aussi nocive que la première, mais
agir négativement. elle est continuellement toxique. » ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 55

 *
Les premiers
humains
consommaient
l’équivalent de

10
cuillers à soupe
de sucre par an,
soit près de la
consommation
quotidienne
dans le régime
occidental.

Le syndrome de la chaise
Pour écrire ces lignes, je suis assise... « La plus
grande partie du travail aujourd’hui se fait dans
cette position, avec le corps plié à deux angles droits,
posé sur une chaise, légèrement bossu, avec les épaules
arrondies vers l’avant et le ligament de la nuque
engagé, afin d’empêcher notre tête de s’écraser sur le
clavier », observe Vybarr Cregan-Reid. Contraire-
ment à ce que l’on pourrait penser, la chaise est
certes très vieille, mais elle était rare dans l’His-
toire... Avec, en outre, la déferlante de loisirs
sédentaires liés aux écrans, nous sommes pour la
plupart assis pendant près de 70 à 100 heures par
semaine (quatre à six années chaque décennie) !
De l’urine spatiale
Chercheuse à l’Institut pluridisciplinaire Hubert
Curien (Strasbourg), Audrey Bergouignan étudie
depuis quinze ans les dangers de la sédentarité. Dans
ce cadre, elle a recueilli « l’urine spatiale » de Thomas
Pesquet, durant son séjour à bord de la Station
spatiale internationale. La mission Energy cherche
à comprendre les effets de la quasi-immobilité sur
l’organisme, d’autant qu’en apesanteur, les muscles ne
sont plus sollicités. « Nous sommes presque certains
que le fait de rester inactifs peut fragiliser nos organes
comme le foie ou le cœur, mais peut être aussi
n rateur e tre nfie la er eu e
 Épigénétique Le corps

« Personne ne peut s’asseoir huit heures par jour, avec darwinienne, les scientifiques observent des modifica-
tous les effets terribles qu’une telle inactivité engendre, tions des organismes vivants se produisant sur de très À
LIRE
et ensuite s’attendre à ce que trente minutes de yoga longues durées par suite du jeu des mutations et de la
ou de spinning défassent comme par magie la raideur, sélection naturelle. Les modifications épigénétiques, (1)
semblable à du marbre, que nous installons dans notre elles, se réalisent dans des délais très courts. L’inhibi- Nous sommes
corps », alerte Vybarr Cregan-Reid. Le dos, notam- tion ou la surexpression d’un gène peut ainsi conduire les nouveaux
humains
ment, en pâtit. Notre colonne vertébrale haute- à des dérèglements du métabolisme cellulaire, et donc Vybarr
ment fonctionnelle, avec sa courbure naturelle en du fonctionnement de certains organes », précise Joël Cregan-Reid
« S », maintient un bon centre de gravité pendant de Rosnay. Éd. Guy Trédaniel,
tout mouvement bipède et fonctionne comme 2019, 19,90 €
une espèce de ressort capable d’absorber les chocs
lorsque nous marchons ou courons. Mais la vie Antifragile
sédentaire transforme, surtout après quarante ans, A contrario, l’épigénétique ouvre la possibilité
ce « S » en « Z », bien moins efficace pour absor- que nous prenions notre corps en main. Dans
ber les chocs verticaux. D’où des postures de plus Antifragile(3), le philosophe des sciences Nassim
en plus pathologiques. Pour rappel, la marche est Nicholas Taleb explique que ce qui est modéré-
apparue il y a près de deux millions d’années, avec ment maltraité va s’améliorer, à l’image d’un mus-
les premiers hominiens. Si elle a libéré les membres cle, d’un os, qui se renforcent si on les sollicite (2)
avant, permettant des gestes et la (il fait le parallèle avec l’économie). La symphonie
manipulation d’outils simultané-
ment à la marche, le redressement *
Une étude de 2018
Pour étayer sa thèse, il se fonde sur
l’hormèse, soit la capacité des êtres
du vivant
Joël de Rosnay
Éd. Les Liens
qu’elle suppose a aussi permis un montre que
vivants à profiter de l’adversité pour qui Libèrent,
développement du cerveau et des s’adapter, se régénérer et croître har- 2018, 19 €
des cyclistes qui
capacités intellectuelles... restent très actifs
monieusement. Le meilleur exemple
et continuent à de cette antifragilité réside dans les
faire du vélo à performances des Tarahumaras, qui
En état de choc
80
vivent dans la région reculée des Bar-
Alors, certes, notre niveau de vie rancas del Cobre, au Mexique. Ces
actuel est meilleur que celui d’un ans derniers peuvent courir 270 kilo-
« monarque médiéval ». De ce fait, mètres sans s’arrêter ! « En matière de
ont le système
il y a de grandes chances que la immunitaire
très longues distances, rien ni personne (3)
plupart d’entre nous ne meurent d’une personne de ne peut battre un Tarahumara – ni un Antifragile

20
pas de causes naturelles... «  On cheval de course, ni un guépard, ni un Nassim
pense aujourd’hui que les maladies marathonien olympique », souligne Nicholas Taleb
Éd. Les Belles
de l’inadéquation surviennent quand ans.
Christopher McDougall dans son Lettres, 2013,
il existe des tensions entre notre corps best-seller Né pour courir (Éd. Gué- 25,50 €
et la nouveauté de l’environnement dans lequel ce rin). Leur secret ? Ils « volent » avec agilité sur des
corps doit habiter. La plupart de ces maladies nous terrains escarpés pieds nus ou, pour se protéger
sont familières ; le diabète de type 2, par exemple, des cailloux, chaussés de sandales huaraches en
existe depuis les débuts de l’humanité, mais dans cuir, qui reproduisent la technique du pied nu.
l’environnement du Paléolithique et avec le régime Courir ainsi force les pieds à avoir leur utilité de
alimentaire de l’Hominini d’alors, il y avait peu pieds. Ils absorbent naturellement les chocs, d’où
d’opportunités pour que cette disposition génétique moins d’impact néfaste sur le corps. Avec, en bout
se manifeste, car il existait peu d’aliments et de sucre de course, moins de lésions, si banales chez les
transformés pour exacerber cette condition. Si l’on coureurs. Mais les Tarahumaras ne courent pas
avance jusqu’à notre époque actuelle, cette même pré- pour la gloire. Ils le font parce que les villages
disposition génétique se place dans un environnement sont éloignés et pour préserver leur mode de vie
PHOTOS : RH2010/ADOBESTOCK - SDP

plus toxique, qui encourage la surconsommation et autarcique – ils ont fui les colonisateurs et sont
dans lequel il est moins cher d’acheter un paquet de aujourd’hui menacés par la déforestation et le tra-
beignets à la confiture qu’un avocat », relève Vybarr fic de drogue. Ils courent aussi pour célébrer la *
Extraits
Cregan-Reid, tout en soulignant que l’humain a marche du monde, lors de fêtes rituelles... mais du livre Nous
passé l’écrasante majorité de son histoire dans un surtout pour la joie que cela leur procure ! À médi- sommes
mode de vie de chasseur-cueilleur. Notre corps est ter si nous décidons de lutter contre la sédentarité les nouveaux
donc en état de choc. « Dans le cadre de l’évolution en reprenant une activité physique. ● humains.

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 57

émotions
NOS

maladie
FACE À LA
 Émotionnel Le corps

De plus en plus d’études soulignent que la répression des

émotions peut être à l’origine des maladies et notamment du
cancer. Ce qui ne s’exprime pas s’imprime, et ce qui s’imprime
déprime... Ainsi, se libérer du stress et des traumas « stockés » au

I
fil du temps pourrait initier la guérison. Par Carine Anselme

«  l n’y a pas des maux du corps et des maux de l’âme,
les deux sont la même chose », soulignait Georg
Groddeck, le père de l’approche psychosomatique.
Pour ce précurseur, qui a inspiré nombre de tenants
actuels de la médecine corps/esprit, la maladie ne
vient pas de l’extérieur ; on se rend malade. Ce
n’est pas le Dr Julien Drouin qui le contredira...
De médecin généraliste, il est devenu psychothé-
rapeute, spécialisé en libération émotionnelle. La
maladie de son père, en 2012, lui fait toucher du
doigt le lien délétère entre stress, émotions et can-
cer – auquel il a consacré un ouvrage très docu-
menté(1). À 60 ans, son père prépare le marathon
de Bordeaux, quand on lui diagnostique un cancer
du colon et du foie, dont il décède. Une question
taraude Julien Drouin : comment un marathonien
sexagénaire qui mange bio, sans antécédent fami-
lial d’un tel cancer, peut-il tomber ainsi malade ?
Rapidement, il s’oriente vers le stress psycholo-
gique. « Superdiplomate, mon père exprimait peu ses
émotions et fuyait les conflits. Au cours de l’enquête
émotionnelle, j’ai découvert un stress passé inaperçu,
non exprimé. Quelques mois avant le diagnostic, il
avait appris sur un réseau social la vente, par ma mère
(dont il était divorcé), de la maison familiale qu’il
souhaitait nous léguer. Il a ruminé cette rage, même si
l’orage semblait être passé. »
Le « mal a dit »
« Toute maladie tire son origine d’un état de stress
post-émotionnel », corrobore le Dr Alain Expo-
sito, initiateur de la Gefühltherapie (Thérapie de
l’émotion). Selon l’auteur de Mortelles émotions (2),
« mourir d’amour » (ou de chagrin) n’est pas qu’une
expression... « Il arrive que nous soyons durablement
PHOTO : KASPARS GRINVALDS/ADOBESTOCK
cousse, lui qui est pourtant notoirement incompétent
pour régler un problème psychique. Doué d’une éner-
gie propre et hors contrôle, il va développer une série
de réponses inadéquates qui s’appellent les maladies
psychosomatiques. On dit que la personne somatise,
c’est-à-dire exprime dans son corps un malaise spirituel
ou psychique. » De l’importance de ne pas séparer
la médecine du corps de la médecine psychique...
À travers la maladie, le corps parle, il appelle... Le
« mal a dit ». L’expression des émotions est donc
cruciale. « Quand le message s’exprime par le corps,
que la blessure psychique s’inscrit dans le corps, c’est
que la verbalisation, la conscientisation n’ont pas pu
passer », explique la psychothérapeute Isabelle Fillio-
zat, spécialiste des émotions. Depuis la publication
de son livre novateur, Le corps messager(3), paru en
1988 et réédité en 2018, les intuitions d’Isabelle Fil-
liozat ont été vérifiées par les avancées de la science.
« J’intègre à présent les neurosciences et le microbiote
intestinal dans la compréhension des mécanismes en
jeu dans la maladie. Cela permet de relier le psychisme
à l’organisation du cerveau (des cellules cérébrales) et
au microbiote. Prenons l’eczéma ; j’avais l’intuition
clinique que la racine de cette maladie était liée au fait
de ne pas s’être senti investi. Mais sans preuve... Or, on
sait à présent qu’un choc affectif ou un trauma impor-
tant vécu par un des deux parents durant la grossesse
bouscule le microbiote de la maman et cela impacte
la construction neuronale du fœtus. On retrouvera
cet impact plus tard, et il aura un retentissement »,
explique-t-elle.
Syndrome de la cocotte-minute
Ces blessures psychiques engrammées dans le corps/
esprit, le Dr Julien Drouin les connaît bien. « J’ai

submergés par l’émotion. Le cerveau, qui devrait observé, chez nombre de patients atteints de cancer, le
commander et proposer des solutions, est alors com- “syndrome de la cocotte-minute” : quand ils viennent
plètement dépassé. C’est le corps qui va venir à sa res- me voir, il y a une accumulation de colère, de rage, de
 tristesse au centre de la cocotte. Pourquoi ? Parce qu’il
y a un “couvercle” fermé, fait de peur. En les interro-
Toute maladie tire geant, on se rend compte qu’intervient souvent, durant
l’enfance, la perte (réelle ou symbolique) d’un parent,
son origine d’un état de stress un ami, voire un animal de compagnie. Cet événe-
post-émotionnel.
 ment va graver dans le subconscient la peur ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 59

Le corps Émotionnel
✦✦ ✦ de perdre ceux que l’on aime. Ce programme
pousse à fuir le conflit, à ne jamais dire “non”, à avoir
peur de déranger, de faire de la peine. Même si on a
des avis, des besoins, on ne les dira pas, par crainte de
perdre l’amour. Du coup, on n’exprime pas ses émo-
À tions et la colère s’accumule... La pression monte, elle
LIRE
va déséquilibrer le système nerveux autonome. Jusqu’à
arriver à un moment où se produit l’événement de
trop, qui va faire exploser la cocotte-minute », analyse
Julien Drouin. Cette intoxication émotionnelle
fait le lit, des années plus tard, de différentes mala-
dies. Notion clé de son livre, le stress vécu comme
(2) Mortelles modéré (se faire crier dessus ou être humilié par
émotions
Dr Alain
ses parents ou d’autres figures d’autorité) connaît
Exposito paradoxalement l’association statistique la plus
Éd. Frison-Roche, forte avec le développement, entre autres, du cancer
2010, 35 € colorectal, du sein et de la prostate. « La répétition
de ces microblessures émotionnelles crée le risque. Lors
du traitement de libération émotionnelle, il est donc
important de dépister ces événements considérés comme
banals ou normaux », relève Julien Drouin.
(3) Le corps
Réprimer, c’est renforcer
messager James Gross, un chercheur en psychologie des émo-
Isabelle Filliozat
et Hélène
tions, a découvert que les personnes qui essaient
Roubeix de supprimer une émotion désagréable échouent.
Éd. Desclée de Alors qu’elles pensent que rien ne se voit à l’exté-
Brouwer, 2016 rieur, à l’intérieur, leur système limbique reste activé
(nouvelle édition),
14,90 €
(IRM à l’appui). Essayer de ne pas ressentir une
émotion ne fonctionne pas et, dans certains cas,
cela se retourne contre soi. Mais mettre des mots
dessus fait une grande différence. « Pour réduire
l’activation, conseille le Dr Drouin, il suffit d’utiliser
quelques mots pour décrire l’émotion et idéalement
d’utiliser un langage symbolique, avec des métaphores,
des couleurs... » Résultat : le cortex préfrontal s’ac-
(4) Guérir tive, ce qui réduit l’activation du système limbique.
quand c’est
impossible Reconnaître consciemment une émotion réduit
Antoine son impact. Ce qui explique, peut-être, que les
Sénanque femmes, plus enclines à exprimer leurs émotions,
Éd. Marabout,
2018, 19,90 €
ont un meilleur taux de rémission (face au cancer).
« Pleurer, par exemple, est un mécanisme naturel de
libération émotionnelle. Trop souvent, on dit encore
qu’un garçon ne doit pas pleurer... Or, pleurer allège
la charge allostatique », signale Julien Drouin. La
charge allostatique est le stress émotionnel qui
pèse sur le système nerveux autonome. Ce dernier
 dez-vous avec le sacré », affirme-t-il. En se penchant
Le cerveau, qui devrait
commander et proposer des solutions,
est alors complètement dépassé.
60 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019
 cœur des guérisons inespérées. Dont acte. ●
régule les fonctions biologiques du corps, notam-
ment la prolifération des cellules souches du cancer.
« Quand vous avez une charge allostatique qui grossit
au fur et à mesure de l’existence, cela provoque l’acti-
vation du système sympathique, qui nous met en ten-
sion. Celui-ci libère des neurotransmetteurs stressants
et inhibe les neurotransmetteurs relaxants. Activé, le
système sympathique modifie l’expression de nombreux
gènes, créant un terrain à même de favoriser la pro-
lifération des cellules souches du cancer. Inversement,
lorsque vous libérez cette charge allostatique, le sys-
tème nerveux autonome bascule en réponse “répara-
tion/relaxation”, activant le système parasympathique
et libérant un neurotransmetteur essentiel : le GABA
(acide gamma-aminobutyrique) qui inhibe la libé-
ration d’hormones de stress et bloque la prolifération
des cellules souches du cancer », éclaire le Dr Drouin.
Désamorcer le bug émotionnel
Si nos émotions peuvent nous intoxiquer, tout ce
qui permet de les libérer peut donc, a contrario,
activer la réponse de relaxation et entraîner la libé-
ration du GABA endogène. « Je conseille toujours à
mes patients de faire ce qu’ils aiment (méditer, mar-
cher, danser, chanter, faire du théâtre), car c’est la
meilleure façon d’activer la réponse de relaxation »,
partage Julien Drouin. Il existe aussi de nombreux
outils qui aident à la libération émotionnelle (voir
encadré). Dans son livre, le Dr Drouin expose les
liens qu’il a étudiés entre libération émotionnelle
et rémissions spontanées de cancer. « J’ai notam-
ment lu les travaux de Bernie Siegel. Ce chirurgien,
qui a répertorié 57 cas de rémissions spontanées de
cancer, a observé que ceux qui ont guéri avaient libéré
leurs émotions, et notamment fait la paix avec leurs
proches. » Et si, justement, ce chemin de libération
des émotions permettait certes d’activer les pou-
voirs de guérison qui sont en nous, mais aussi de
revenir à soi ?... De renouer avec le sens profond
de sa vie ? C’est en tout cas ce qu’appelle de ses
vœux Antoine Sénanque, auteur de Guérir quand
c’est impossible(4). Ce médecin, qui écrit sous son
pseudo de romancier, prône une médecine spiri-
tuelle, plurielle, capable de multiplier les chances de
guérir, au-delà même de la maladie. « La médecine
spirituelle ne rejette ni les soins conventionnels, ni le
recours aux influences mentales bénéfiques, ni le ren-
PHOTOS : SDP - SHUTTERSTCOK
sur les guérisons miraculeuses recensées à Lourdes,
il a constaté que pour qu’il y ait miracle... il faut
l’avoir demandé. Libérer les émotions réprimées
et réconcilier le corps et l’esprit campent donc au
 
Essayer de ne pas
ressentir une émotion ne fonctionne
pas et dans certains cas, cela se
retourne contre soi.


Stimuler le nerf vague,

libérer les émotions réprimées
Parmi les outils de la psychologie
énergétique, qui fait le pont entre le corps
et l’esprit, l’EFT (Emotional Freedom
e nique a m ntr n effi a it
« La stimulation des points d’acupuncture
par tapotements est une composante
active de l’EFT, ce n’est pas seulement un
placebo », explique le Dr Julien Drouin,
qui accompagne les patients atteints de
cancer dans ce travail de libération
émotionnelle. Des études ont montré que
la stimulation transcutanée du nerf vague
permet d’éteindre les zones cérébrales
de la peur... tout comme le fait une mère
qui prend instinctivement son enfant À
dans les bras pour l’apaiser. « Cela LIRE
entraîne une augmentation des ondes
cérébrales thêta, synonyme de relaxation
profonde. Ces ondes gouvernent la partie
de notre esprit située entre le conscient
et l’inconscient et qui conserve en
mémoire les souvenirs, les émotions et (1) Cancer.
Et si nos
les croyances. Au niveau biologique, l’EFT, émotions
en désactivant la réponse de stress pouvaient
nous guérir ?
m at fuite fi ement et en a tivant Dr Julien
la réponse de relaxation, entraîne une Drouin
Éd. Guy Trédaniel,
diminution du taux de cortisol, l’hormone 2018, 19,90 €
du stress », explique-t-il.
 
Parfois,
on a besoin d’un
avertissement pour


se réveiller.

Messages LES

DES SYMPTÔMES
 Maux et mots Le corps

De nos jours, de plus en plus de personnes sont convaincues

que les symptômes physiques sont l’expression d’un mal-être
psychologique. Certains praticiens vont même plus loin en « décodant »

A
les messages du corps, afin de prendre conscience de leur cause et
d’accompagner la guérison. Par Melanie Chereau

près plusieurs années de souffrances et de dépres-
sion, Claudia Rainville, chercheuse en microbiolo-
gie médicale, a trouvé le chemin de la guérison en
prenant conscience des origines de son mal. Elle
a créé la « métamédecine », cette médecine qui va
« au-delà » des symptômes et qui en décrypte le
langage. Thérapeute et conférencière depuis plus
de trente ans, elle accompagne les personnes dans
le décodage de leurs maux en mots. De même,
Michel Odoul, praticien de shiatsu et psychoé-
nergéticien, s’est rendu célèbre avec son approche
de la « mal à dit », ce qu’il nomme « les messages du
corps sont des cris de l’âme ». Enfin, le docteur Oli-
vier Soulier a aussi cherché, dans son ouvrage(1),
à décrypter ce que nos symptômes peuvent signi-
fier dans notre inconscient, notamment grâce à
la symbolique et à notre héritage socioculturel.
Tous trois ont une approche holistique de l’hu-
main, considérant la maladie comme un message
et les symptômes comme un langage. Pour ces
trois chercheurs, le principe fondateur des maux
qui émergent serait la perte du sens de la vie, en
plus des traumas emmagasinés. Le besoin fonda-
mental de liberté de soi, dans l’harmonie d’un
chemin de vie cohérent avec ses choix. Joe Dis-
penza, neuroscientifique qui enseigne notamment
des voies méditatives pour accompagner le soin et
qui en étudie scientifiquement les bienfaits, rap-
pelle que « parfois, on a besoin d’un avertissement
pour se réveiller ». Le corps et ses messages symp-
tomatiques seraient aussi une chance de corriger
et réparer des situations insatisfaisantes.  l’environnement énergétique de chacun. Le but
Remonter à la source
PHOTO : ANDREY KISELEV/ADOBESTOCK
pistes en se posant les bonnes questions est une
véritable opportunité pour les individus. « C’est
un éveil de conscience : qu’est-ce qui nous conduit à
la maladie ou à telle ou telle souffrance », explique-
t-elle. Il s’agit souvent de réparer une blessure ou
d’identifier un besoin dont on est séparé et de
soulager une accumulation d’émotions refoulées.
« La symbolique du corps peut nous aider à faire
le lien entre “l’accident” et ce que nous ressentions
avant qu’il ne survienne.» Pour Claudia Rainville,
rien n’arrive par hasard et, en reconnectant les
éléments entre eux dans notre propre histoire,
nous pouvons comprendre, grâce à notre corps,
les chemins de décisions que nous avons pris, et
éventuellement les réorienter. 
Michel Odoul est spécialiste des sagesses asiatiques
et des techniques de soin comme la médecine tra-
ditionnelle chinoise, le tao ou encore la pratique
du shiatsu. Ces voies utilisent, entre autres, les
principes du yin et du yang, la latéralisation et
les méridiens d’acupuncture comme lecture du
corps. Pour lui, les manifestations physiques sont
reliées entre elles par la codification des énergies
et chaque partie du corps, chaque organe a une
fonction, un rôle dont le décodage symbolique
est possible, ce qui permet de comprendre leur
dérèglement. Rappelant le principe de base que
« les liens qui peuvent être établis entre le corps et l’es-
prit ne sont ni magiques ni ésotériques, mais la pure
traduction biologique de nos états psychologiques »,
il propose de lire les symptômes notamment dans
étant de faire coller une trame comportementale
à son histoire personnelle.  
Le docteur Soulier, également homéopathe et

Pour Claudia Rainville, il est primordial de com- acupuncteur, rappelle que les symboles (terme
prendre la cause première qui a créé un déséqui- qui vient de symbolon en grec, objet ✦✦ ✦
libre dans le corps, l’émotion de base ressentie,
souvent lors d’un trauma ou d’une interprétation

de situation dans l’enfance, afin de libérer la bles- Ainsi, les « phrases »
sure ancienne, devenue inconsciente. Travailler
avec des clés pour comprendre le signal qu’est le du corps parleraient un
langage commun.
symptôme, quel est son message et trouver des

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 63
 À
LIRE

(1) Histoires
de vie, messages
du corps
Dr Olivier Soulier
Éd. Sens et
symboles,
2006, 20 €

Le grand ✦✦ ✦ divisé en deux) auraient « une portée acteurs de notre guérison, comme nous sommes
dictionnaire de la universelle, comme les mythes et leur traduction, acteurs de notre maladie. Bouddha disait  :
métamédecine même ramenée à l’histoire de chacun, pourrait « Chaque humain est l’architecte de sa guérison et de
Claudia Rainville
Éd. Guy Trédaniel, avoir une résonance commune aux humains ». sa destinée. » Comprendre ou se rapprocher de sa
2019, 28 € Ainsi, les « phrases » du corps parleraient un légende personnelle peut se faire grâce aux signaux
langage commun permettant de symboliser nos que la maladie envoie ; cela nous permettrait de
histoires et par là même de les comprendre. nous autonomiser, de prendre en charge notre
santé. « Les souffrances que nous vivons sont les mes-
sages de notre non-conscient, de notre maître inté-
Trouver sa voie rieur », rappelle Michel Odoul. Nous pourrions
et son autonomie ainsi suivre une voie de réconciliation personnelle.
Ce qui ressort de ces trois approches, c’est le besoin Souvent, cela passe par un pardon à soi et aux
Dis-moi où tu as de trouver un sens à sa vie, retrouver une unité autres, une libération de mémoires émotionnelles
mal, je te dirai avec soi-même ; le symptôme serait l’expression et une réouverture de notre cœur. S’écouter vrai-
pourquoi d’une dés-union entre le corps et l’esprit, entre le ment, accepter son chemin, tout en continuant à
Michel Odoul
Éd. Albin Michel,
conscient et l’inconscient. Pour Claudia Rainville, suivre les recommandations des médecins, c’est
réédition 2018, trouver les causes permet de guider vers la vraie avancer dans une nouvelle conscience de ce que
19,90 € guérison, qui est l’autoguérison. Nous serions tous nous sommes. ●

64 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019


{ {QUELQUES
SYMPTÔMES ET
pistes de causes
Ce petit lexique présente des exemples
d’interprétation de symptômes, ou comment
le corps peut exprimer un malaise intérieur.
Attention : Ce ne sont que des pistes de réflexion, des
clés pouvant accompagner un chemin de guérison,
mais il faut garder en tête que chaque histoire est sin-
gulière, que les individus réagissent différemment à
des causes communes et que c’est à chacun de faire
ses propres interprétations. On retrouve des jeux de
mots comme en psychanalyse, où le signifiant rejoint
le signifié, des expressions populaires qui sont très
« parlantes ». Claudia Rainville conseille de regarder le
moment précis où le symptôme est apparu : « Qu’est-
ce qu’il se passait dans ma vie à ce moment-là ? »
Les maux de tête
Les phrases populaires comme « se prendre la
tête » ou « s’entêter » peuvent être signifiantes
pour celui qui souffre de maux de tête.
Il s’agirait souvent d’une sensation d’emprison-
nement, d’émotions contrôlées, de tensions dans
l’environnement, avec le souhait de récupérer son
espace (les maux de tête font que l’on s’isole). La
sensation d’insécurité également (épée de Damoclès
au-dessus de la tête), ou encore d’accepter des pen-
sées ou des sentiments qui nous contraignent. Subir
des tensions affectives, souvent familiales, refus de
pensées liées au social, contrariété, rumination…
Les problèmes de cœur
Le cœur du souci peut se situer dans
la motivation de vie, « ce qui nous tient
PHOTOS : ANDREY KISELEV/ADOBESTOCK - SDP
à cœur », se réaliser profondément.
De même, la perte d’un être cher ou de ce qui nous
tient à cœur peut générer ces problèmes de santé.
Les chocs émotionnels, les émotions trop intenses
créent un blocage d’énergie ou un trop-plein, qui
se répercute sur le cœur. Enfin, des difficultés à
vivre l’amour, des déceptions ou renoncements, ou
encore la place que l’on donne à la vie en général,
peuvent se relier aux problèmes de cœur.
Maux et mots Le corps
La peau
C’est l’organe de la relation aux autres, des
échanges, du contact (ou de la perte de contact).
C'est souvent le symptôme de la difficulté à expri-
mer ses frustrations et de se sentir incompris. « Être
mal dans sa peau », dit la phrase populaire, lorsque
l’on n’est pas bien en soi-même. Les problèmes de
peau peuvent aussi révéler un sentiment de soli-
tude, l’envie de se créer une barrière vis-à-vis de
l’extérieur. La peau, c’est aussi un émonctoire, une
capacité à évacuer, à cicatriser, à s’autoréparer…
Le genou
C’est l’articulation qui symbolise l'acte
de s’incliner, « se plier à ». Une demande
de faire preuve d’humilité ou, au contraire,
mal supporter une soumission.
Cela peut aussi exprimer une difficulté à dire non, ré-
sister au lieu de plier, ou encore signifier un besoin
de soutien. C’est l’expression d’une résistance, d’un
manque de souplesse intérieur, ou encore la difficulté
à accepter et lâcher (une émotion, une situation…), à
faire un compromis. C’est aussi le symbole de la re-
lation à l’autre, le fameux « je-nous », notre relation
au monde. Michel Odoul ajoute que le côté gauche
évoque la relation au masculin et le droit au féminin.
Les allergies
Elles sont révélatrices du fonctionnement de
notre système immunitaire et y sont associées.
Elles peuvent signifier le rejet d’une situation et il
faut observer où elles se manifestent (« les yeux :
qu’est-ce que je vois ?, la peau : qu’est ce qui me dé-
mange… ? ») ou le rejet de souvenirs (par exemple,
être allergique à des objets signifiant l’ancien, le
vieux, comme les acariens, la poussière). L’allergie
aux animaux peut évoquer une tristesse qui per-
dure, au pollen le besoin d’une renaissance… Conce-
vons-nous le monde extérieur comme agressif ?
Le système digestif
Plus généralement, il représente la capacité
à transformer le monde extérieur.
Il peut révéler des difficultés à « avaler » à « digérer »
à « assimiler » ce qui se passe dans notre vie. L’expres-
sion « ça reste sur l’estomac » est explicite de quelque
chose qui ne passe pas, dont nous ne nous remettons
pas. L’estomac en particulier parle de déceptions, de
sentiment d’injustice, d’inconfort dans la vie.
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 65

Notre santé est en
lien avec la capacité de
nos différents corps à
traiter de l’information
correctement.


Nos
supra
sensibles
ENVELOPPES

Dans plusieurs traditions spirituelles anciennes, le corps

physique n’est pas le seul que nous possédons. Traversés par
l’énergie universelle, ces différents corps seraient, pour une santé
globale, à entretenir autant que le corps physique.
Découverte des corps subtils. Par Claire Eggermont

C
«  haque partie de votre corps recèle des mer-
veilles, des secrets et des miracles sacrés. Il est
très important que l’être humain regagne un
contact respectueux et même de l’admiration
pour l’Œuvre qui se cache dans son corps »,
affirme Shin, fondateur de l’école MIN-ILIT
pour la paix libre et la dignité humaine.
Pour les traditions anciennes, auxquelles
se réfère ce maître spirituel, il est évident
que notre corps physique ne pourrait exis-
ter sans être animé par une énergie vitale
universelle, appelée selon les cultures qi, ki ou
prâna. Les manuscrits de la mer Morte et les
plurimillénaires védas donnent d’ailleurs
des précisions étonnantes sur l’anatomie
sacrée et énergétique du corps humain et
sur la manière dont il serait « irrigué » par
cette énergie. D’après ce savoir ancestral et
les nombreuses recherches de thérapeutes
et scientifiques actuels qui tendent à le
confirmer, notre structure énergétique
serait infiniment plus grande que notre
corps physique, qui ne serait que la pointe
émergée de l’iceberg de notre être.
Double éthérique
« Partie intégrante du corps physique de
l’homme, mais aussi et surtout partie exté-
rieure à celui-ci, le plaçant comme dans un
cocon, c’est dans cette structure énergétique que
tout se réunit, que tout est mis en place, que
tout s’organise et que la vie prend forme.
Elle est créée dans une architecture parfaite,
dans cette notion de perfection liée à l’état
primordial », écrit Monique Schloupt. Les
recherches de cette énergéticienne rejoignent
les courants de l’ayurvéda ou des soins
esséniens selon lesquels chaque partie de
notre corps aurait sa contrepartie sur le
PHOTO : MAX4E PHOTO/SHUTTERSTOCK
 niens. Si les manuscrits anciens d’Inde
Il n’existe pas la moindre
cellule qui n’ait été
préformée par une autre de
nature éthérique.
 causal. En y ajoutant le corps physique, les ✦✦ ✦
Le subtil Le corps
plan subtil. « Il n’existe pas la moindre cel-
lule qui n’ait été préformée par une autre
de nature éthérique, écrit Daniel Meurois.
Tout organe de chair possède, en amont,
son double éthérique qui lui transmet ses
caractéristiques et sa vitalité. » D’après ces
lois, l’énergie cosmique, universelle ou
divine – selon les appellations –, péné-
trerait par le sommet de notre crâne et
descendrait le long de notre corps par
le « canal sushumna », sorte de double
de notre colonne vertébrale. Décrit par
Monique Schloupt comme le fil électrique
qui permettrait à notre corps de fonc-
tionner, ce canal irriguerait tout notre
corps, rediffusant l’énergie au travers de
sept centres principaux – les chakras – et
de plusieurs dizaines de milliers de petites
veines subtiles, appelées nadis. « Plus une
personne est élevée spirituellement, plus
son canal s’amplifie et plus son corps sera
empreint d’énergies jusqu’à ce qu’il en soit
complètement immergé, accédant à un état
de paix et de sagesse caractéristiques des per-
sonnes éveillées », précise Monique Schloupt.
De nombreux corps subtils
Toutes les médecines qui tiennent compte
de cette structure énergétique de l’être
humain s’accordent à reconnaître l’existence
de plusieurs corps qui se superposeraient
à notre corps physique à la manière de
poupées gigognes. « Nous pensons commu-
nément que ces corps nous entourent. Mais
ce n’est pas le cas. Plus ils sont subtils, plus
ils sont repliés à l’intérieur du corps physique.
Ce que l’on peut voir ou sentir à l’extérieur
n’est que leur émanation, que l’on appelle
aura », nous explique Agnès Labaume,
naturopathe et praticienne en soins essé-
et d’Égypte reconnaissent l’existence de ces
corps, de légères divergences persistent quant à
leur nombre, leur forme et leur qualification.
Dans l’ensemble, les traditions distinguent quatre
corps subtils, tous interreliés : le corps éthérique,
le corps émotionnel, le corps mental et le corps
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 67
 Les différents

{ {
corps Le corps astral
Certains courants de pensée font égale-
ment référence au corps astral, l’assimi-
Le corps D’après Agnès Labaume, « il lant tantôt au corps émotionnel, tantôt
éthérique est la force vitale qui nour- au corps mental. Les anthroposophes le
rit le physique, le point de dénomment ainsi de par sa capacité à
Ce serait le seul qui se rencontre et d’échanges se détacher du corps physique durant le
situerait à l’extérieur d’informations entre l’éner- sommeil, et à se régénérer au contact de
de notre corps, telle gie dense du corps physique la lumière astrale et des sphères plané-
une sorte de manteau et l’énergie subtile des taires. Ce corps serait porteur de nos dé-
de 2-3 cm d’épaisseur. plans spirituels ». sirs et aversions, envies et libido. C’est lui
qui permettrait les voyages hors du corps.

Le corps Il reflète notre manière de

émotionnel gérer nos émotions. Soit
elles se dissolvent au fil
Très fluctuant de notre chemin, soit elles
et instable, il varie s’accumulent et peuvent
au fil des émotions se densifier jusqu’à influer
qui nous traversent sur la couleur de notre
quotidiennement. aura émotionnelle.

Le corps Certaines pensées parti-

mental culièrement fortes et res-
sassées peuvent créer des
C’est là que se amas énergétiques appelés
forment nos pensées, « formes-pensées » qui vien-
nos réflexions, notre dront se cristalliser dans ce
capacité de synthèse corps. « Ces formes-pensées
et d’organisation. vont prendre une forme
géométrique, plus ou moins
harmonieuse ou chaotique, qui se voit sur l’aura mentale,
ajoute Agnès Labaume. Selon ses sens, le praticien peut
voir des odeurs, des images, des scènes qui lui sont asso-
ciées. En général, la personne va revivre des situations qui
vont permettre à cette forme-pensée de se nourrir. À force,
cela va créer une brèche dans les autres corps et éventuel-
lement une maladie. »

Le corps D’après Daniel Meurois,

« il contient toutes les in-
causal formations sources qui
C’est le corps des sont à l’origine de qui nous
causes et des mémoires sommes et de pourquoi
profondes ; celui où nous sommes soumis à
sont inscrits le projet de telle ou telle circonstance
l’âme et les vies passées. de vie ». Les Indiens le
nomment « corps d’intui-
tion » et lui associent la possibilité pour l’être humain
d’accéder à une connaissance directe et de capter des
informations stockées dans l’akasha.

68 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019


✦✦ ✦ védas parlent de Pancha Kosha ou les « cinq
enveloppes » de l’être (voir encadré).
D’après Kiran Vyas, médecin ayurvédique, « nous
naissons tous avec ces cinq premiers corps qui, globa-
lement, se développent normalement chez chacun de
nous. Mais les védas mentionnent que nous pourrions
bénéficier de corps encore plus subtils, à condition de
les développer intentionnellement par une pratique
spirituelle et un art de vie particulier ». Selon lui, à
partir des sixième et septième corps, nous pour-
rions avoir accès à d’autres dimensions de l’espace
et du temps. « En développant ces corps, nous pou-
vons rapporter des informations en provenance du
futur ou accéder à la connaissance du passé, nous
explique-t-il. Ce que décrit la science-fiction, selon
les védas, ce sont des possibilités absolues. Intellectuel-
lement, c’est passionnant ! Mais plus que cela, c’est
la discipline intérieure et l’expérience qui nous per-
mettent d’entrer et de sentir ces autres dimensions. »
Les centres de cure ayurvédique Tapovan(1) créés par
Kiran Vyas accordent une attention particulière aux
périodes de la préconception et de la prénatalité,
considérées comme fondamentales dans le dévelop-
pement des corps subtils du bébé en devenir. « Avec
la diététique, les massages et un certain art de vivre, les
deux parents peuvent travailler de telle manière que le
sperme de l’homme et l’ovule de la femme soient prépa-
rés au mieux pour favoriser le bon développement des
corps subtils du bébé. L’enfant bénéficiera alors d’une
meilleure immunité, d’une sensibilité plus fine et de
capacités artistiques et intuitives plus grandes. Cela
peut paraître étrange, mais c’est tout naturel. Comme
un agriculteur prépare son champ et choisit ses meil-
leures graines avant de l’ensemencer ! »
Troubles et guérisons
D’après les différents médecins et thérapeutes
interrogés sur le sujet, tous les chocs que nous ren-
controns tout au long de notre vie viennent s’ins-
crire sur nos différents corps. S’ils sont en bon état,
harmonieusement développés, ils ont la capacité
de « digérer » les expériences ou informations de
toutes sortes auxquelles nous sommes confrontés
PHOTOS : SERGEY NIVENS/SHUTTERSTOCK - SDP
 Kiran Vyas la rejoint en insistant sur la respiration
À partir des
sixième et septième corps,
nous pourrions avoir accès
à d’autres dimensions de
l’espace et du temps.
 joie qui est notre but ultime. » ●
Le subtil Le corps

Tous les chocs que nous
rencontrons tout au long de
notre vie viennent s’inscrire sur
nos différents corps.

et de nous ramener vers l’équilibre. Mais à force, ce
que nous n’avons pas pu ou pas su intégrer – pollu- À
LIRE
tion environnementale, ondes électromagnétiques,
accidents, agressions, traumas, etc. – vont finir par
les saturer, créant en eux des faiblesses, fuites ou
intrusions, porosités ou rigidités. « Le mouvement
de l’énergie se trouve altéré. Le canal central d’énergie
se ferme, ne laissant plus passer qu’un flux minimum
d’énergie. Les nadis se replient, les centres principaux Les énergies et
sont moins actifs et le taux vibratoire diminue. Le les corps subtils
corps physique, n’étant plus irrigué énergétiquement, Monique
Schloupt
puise dans ses réserves jusqu’à l’apparition de premiers Éd. Le Courrier
symptômes », détaille Monique Schloupt. D’après du Livre, 2016,
Kiran Vyas, il se pourrait même que les différents 16,90 €
corps soient tant abîmés que le corps de félicité ne
puisse plus s’exprimer et attende la mort pour se
déployer de nouveau dans une autre incarnation et
un autre environnement.
Entretenir ses corps
Le grand livre
Pour ces différents thérapeutes, recouvrer la santé, des thérapies
c’est permettre à l’énergie de vie dans son expres- esséniennes et
sion la plus pure de se remettre à circuler à travers égyptiennes
Daniel Meurois
tous nos corps et toute notre structure. Pour cela, et Marie-Jeanne
un travail de purification du corps et de l’esprit Croteau
sera nécessaire, suivi d’une fortification des corps Le Passe-Monde,
2013, 29,95 €
avec des pensées et habitudes positives. « Notre
santé est en lien avec la capacité de nos différents
corps à traiter de l’information correctement. Plus
l’information qu’ils reçoivent est harmonieuse et
structurée, plus elle sera facile à digérer. Il s’agit donc
de faire attention aux carburants avec lesquels on
nourrit chaque jour nos corps et cela concerne autant
ce que l’on mange, ce que l’on boit, que les relations
que l’on entretient, les croyances que l’on porte, le
mode de vie que l’on a », ajoute Agnès Labaume.
et le calme mental comme des vecteurs de santé
pour notre corps vital, permettant de mieux faire
face à ce qui nous vient de l’extérieur et de déve- SITE
lopper une belle aura de protection autour de soi.
WEB
« Au final, conclut Kiran Vyas, ce n’est pas tant une Centres de soin
ayurvédique
question de santé mais de réalisation de soi. Fortifier
nos corps et cheminer intérieurement vers cet état de
Tapovan :
www.tapovan.
com
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 69
 
Ce contact sécurisant
permet que des engrammes,
parfois très traumatiques,
soient libérés.


le toucher
QUAND

accompagne
LA PSYCHOTHÉRAPIE
Développer une sécurité interne pour mieux s’habiter et s’ouvrir
à l’autre, retrouver une santé psychoaffective, affiner son ressenti, tels
sont les objectifs proposés par l’haptopsychothérapie. Par Julie Klotz

Q
uand l’haptonomie se mêle à la psychothérapie et
s’adresse à tous, elle devient l’haptopsychothéra-
pie. « Une thérapie qui part du bas (le corps) pour
aller vers le haut (le mental) et non le contraire »,
souligne Marie-Noëlle Maston, psychologue
clinicienne et psychothérapeute, qui a créé, en
2016, un centre d’« haptoformation » à Ville-
neuve-Loubet, dans le sud de la France. Cela fait
plus de trente ans qu’elle mêle ses connaissances
en haptonomie aux outils de la psychogénéalogie
pour soigner, par exemple, les troubles du som-
meil dont elle fait état dans son dernier livre(1),
mais aussi bien d’autres pathologies ou névroses.
« Avec l’haptonomie, à travers un toucher sensible et
sécurisant, on va accéder à la mémoire affective des
patients et nettoyer en quelque sorte les ressentis du
poids transgénérationnel. Cette technique leur permet
d’être en contact avec leur “moi émotionnel profond”,
de se sentir confirmés affectivement et de cicatriser
leurs carences et traumatismes. Elle leur offre la pos-
sibilité de mobiliser eux-mêmes leurs ressources liées
au désir et au plaisir de vivre ! »
À l’origine du développement de l’haptonomie,
on découvre un homme, Frans Veldman, auprès
de qui Marie-Noëlle Maston s’est formée. Né
aux Pays-Bas en 1921, celui-ci a commencé ses
recherches après la Seconde Guerre mondiale avec
pour but de faire épanouir plus profondément les
valeurs de l’affectivité. Il dit lui-même avoir intro-
duit pour la première fois les notions de « pré-
sence psychotactile » et de « proximité affective »
précédant la notion d’haptonomie : « Je décrivis
cette approche très caractéristique, pleine de respect,
de sollicitude, de tendresse, transparente, sécurisante
et affectivo-confirmante qui, dans la proximité ras-
surante, accompagnée d’un contact tactile très spé-
cifique, […] tient compte de l’état d’être et de la
typologie individuels, ainsi que des souffrances, des
soucis et des angoisses des patients ; assurant de cette
façon une rencontre de confiance, dépassant le corps,
mais embrassant la personne dans son entièreté,
c’est-à-dire sa corporalité animée. » Par là, il entend
PHOTO S : MAKE_STORY STUDIO/ADOBESTOCK - SDP
rencontrer le patient, confirmé dans son être et
éprouvé dans sa corporalité, formant un tout, avec
son âme et son corps. Ce qui ouvre naturellement
à une dimension subtile.
La science de l’affectivité...
Le terme haptonomie (dont la racine grecque
haptein renvoie au toucher, à la sensation dans le
contact, à la sensibilité, aux sentiments) se déve-
Haptonomie Le corps

Le contact psychotactile
change d’emblée le ressenti
émotionnel et corporel.
loppe grâce à lui et malgré les résistances du corps

médical de l’époque à accepter un toucher affectif
sur les patients. Il ne s’agit pas à proprement dit
d’une thérapie, mais plutôt d’une science humaine,
aux confins des neurosciences, ou d’une approche À
transdisciplinaire du soin. « Elle est fondée sur une LIRE
approche phénoménologique de facultés humaines
à ressentir et à être présent, celles-ci étant en grande
partie enfouies par une société hyperrationnelle dans
laquelle l’affectivité, les émotions, le ressenti – et tout
particulièrement le sens du toucher – ont été relégués »,
explique Marie-Noëlle Maston. Cette science de (1) Je ne dors
l’affectivité implique une « manière d’être » qui pas et pourtant
imprègne la pratique de chaque professionnel, qu’il j’ai tout essayé
Marie-Noëlle
soit kinésithérapeute, psychologue, infirmier, sage- Maston
femme... Elle s’est d’ailleurs surtout développée Albin Michel,
dans le cadre périnatal pour favoriser les premiers 2014, 15,90 €
contacts entre la maman, le papa et le bébé, celui-ci
dans le ventre, puis une fois né. Elle est aussi prati-
quée dans l’accompagnement de fin de vie.
... et des particularités
Frans Veldman a créé son école, le CIRDH (2) L’haptonomie
(Centre international de recherche et de dévelop- Dominique
pement de l’haptonomie), au début des années Décant-Paoli
1980 en France, à la suite de sa rencontre avec des Que sais-je ?
Presses
chercheurs du Groupe d’études et de recherche Universitaires de
du nouveau-né (GRENN), animé, entre autres, France, 2014, 9 €
par Françoise Dolto. Aujourd'hui, le centre veille
à poursuivre son œuvre (son fondateur étant
décédé), avec les Drs Catherine Dolto et Domi-
nique Décant-Paoli, la présidente. Et même si la
technique est définie avec soin par Frans Veldman,
son application peut prendre des formes différentes
d’un thérapeute à l’autre et, bien sûr, d’un patient à
l’autre en fonction de son ressenti. Comme Domi-
Les fondations
nique Décant-Paoli le souligne dans son livre(2), de l’être
l’haptonomie « est très complexe à transmettre parce Marie-Noëlle
que tel est l’humain contemporain : divisé, de plus en Maston
Éd. Quintessence,
plus éduqué intellectuellement [...], de plus en plus 2008, 17 €
techniciste et pris dans le visuel et non dans le subtil
du sensible. Chacun aborde donc la réalité qu’il doit
partager avec autrui, avec son propre monde interne
et des représentations très différentes du fait de la
culture et de l’histoire personnelles. » ✦✦ ✦
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 71
Une qualité de présence
Mais que se passe-t-il exactement quand on met
en place cette technique dans le cadre de la thé-
rapie ? Car au-delà des mots, c’est avant tout de
ressenti dont il s’agit. « Il faut faire l’expérience pour
savoir, au plus profond de son être, ce qu’est vraiment
l’haptonomie », précise Marie-Noëlle Maston, qui
s’est retrouvée confrontée aux limites de la théra-
pie verbale en faisant sa psychanalyse, mais aussi
en travaillant au contact des bébés, dans un centre
d’aide sociale à l’enfance, alors qu’elle était jeune
psychologue. Il s’agissait pour elle de trouver une
thérapie émotionnelle permettant à ces enfants
de se sentir « entiers », malgré leurs traumatismes
précoces et leurs vécus abandonniques. Or, l’hap-
tonomie permet de contacter le patient par le tou-
cher au niveau du ventre, qualifié de deuxième
cerveau, ainsi révélé par les récentes recherches en
neurosciences. « Ce contact sécurisant permet que des
engrammes, parfois très traumatiques, soient libérés.
La qualité de présence active le système limbique et
notamment l’amygdale de l’hippocampe du cerveau,
qui joue un rôle essentiel dans le stress ou la sécurité de
base », note celle qui a aussi écrit sur l’importance
des fondations de l’être, de la conception à la nais-
sance, jusqu’à la première année de vie.
Lors du stage de sensibilisation à l’haptonomie de
premier niveau, on apprend, en groupe de travail, à
contacter cette « présence affective » à travers diffé-
rents jeux de rôle. Comment prendre sa place alors
que notre voisin s’avachit sur nous dans le bus ou
occupe notre accoudoir dans l’avion ? Comment
inviter un patient lourd et impotent à se lever faci-
lement de sa chaise ou de son lit ? Comment se
laisser tomber en arrière en toute confiance dans
les bras d’un inconnu ? Il est impressionnant de
constater que la présence bienveillante de l’un
permet à l’autre de prendre toute sa place et de
se sentir profondément sécurisé. Le contact psy-
chotactile permet de développer sa capacité à être
présent à soi et aux autres, mais aussi d’accéder à
une réelle conscience et connaissance de soi. Ce
qui se fait avec une facilité déconcertante, selon
Marie-Noëlle Maston : « Le contact psychotactile
change d’emblée le ressenti émotionnel et corporel. On
peut inviter quelqu’un à venir à soi simplement en
développant sa qualité de présence, un peu comme si
on le touchait à distance... Mais il n’y a pas de magie.
Ces dons sont naturels. »
Autre test : celui de la vulnérabilité, dans lequel
on va utiliser le chatouillement ou la douleur.
L’un chatouille son voisin, pendant que l’autre
lui pince fortement la cuisse. Les réactions sont
immédiates. Quand l’un a du mal à contenir un
rire nerveux, l’autre s’exprime par un cri. Et même
si le sujet veut modifier cela, il reste vulnérable.
Face au contact tout en subtilité de Marie-Noëlle,
les réactions changent : en fait, il n’y en a plus !
Ni chatouillement, ni douleur ! Explication : « Le
tonus musculaire est modifié, une profonde détente
s’instaure. » Et les bienfaits de l’haptonomie ont
plusieurs champs d’application. On comprend
mieux ainsi pourquoi certains patients qui ne
dormaient pas parce qu’ils se sentaient insécures
peuvent enfin retrouver le sommeil lorsqu’ils se
sentent affectivement confirmés, comme tout être
humain – et notamment tout enfant – attend de
l’être. Marie-Noëlle Maston précise : « En fait, le
thérapeute ne provoque rien, il accueille ce qui émerge
à la conscience. » Et le patient découvre ses propres
facultés affectives, ce qui aura un effet sur sa pré-
sence au monde et sa confiance en soi. ●

5 {
techniques
pour tenter
de guérir
LES MÉMOIRES
DU CORPS
Par Julie Klotz
{
Soigner les traumatismes
grâce à la théorie polyvagale
Avec sa théorie polyvagale (TPV), le docteur et cher-
cheur américain Stephen Porges révolutionne le
monde de la psychothérapie, tant dans le traitement
de la douleur physique que des traumatismes psy-
chiques. Celui-ci identifie, dans le système nerveux
autonome, trois branches, et non plus deux (ortho-
sympathique et parasympathique) qui sous-tendent
nos modes d’interaction au monde.
En agissant sur le système nerveux
par les mains et les mots, les thérapeutes
remettent le patient en sécurité.
Mieux s’affirmer
avec la danse-thérapie
Depuis toujours, la danse fait partie des rituels de
guérison. À travers le geste, la danse-thérapie per-
met de rencontrer des émotions difficiles à exprimer
verbalement. En travaillant sur la dimension symbo-
PHOTO : PUHHHA/ADOBESTOCK
lique, elle vise la connaissance de soi et la libération
de tensions inscrites dans la mémoire du corps.
Une technique qui, selon la psychanalyste
France Schott-Billmann, renforce la confiance
en soi, développe la vitalité et ravive
les capacités intellectuelles et la créativité.
Techniques Le corps
Se réconcilier
grâce à la psychanalyse
corporelle
C’est en découvrant chez ses patients l’existence de
mouvements involontaires et non moins conscients,
appelés « lapsus corporels », que Bernard Montaud
a créé la psychanalyse corporelle il y a presque qua-
rante ans. Cette technique permet de revivre, à tra-
vers la mémoire du corps, les événements clés de
notre passé et d’assister psychiquement aux films
de nos différents traumatismes.
Une façon de se libérer,
de se réconcilier avec soi-même,
avec les autres et de mieux s’aimer.
Libérer les mémoires
avec le shiatsu
Issu des techniques traditionnelles de massage
chinois, le shiatsu est une médecine énergétique
reconnue au Japon qui s’est développée en France
depuis une vingtaine d’années, notamment grâce
à Michel Odoul, fondateur de l’Institut français de
shiatsu.
Via les étirements et les pressions exercées
sur les lignes et points connus en acupuncture,
cette technique libère des tensions
emmagasinées, témoins de déséquilibres
dans les flux énergétiques, et touche aussi
à l’esprit, donc aux mémoires.
Mettre fin aux peurs
grâce à la méthode TIPI
La technique d’identification sensorielle des peurs
inconscientes, inventée par Luc Nicon, est simple :
permettre à la personne de revivre sensoriellement
ce qui, à un moment donné de sa vie, a engendré
une peur. Une peur inconsciente qui peut se réacti-
ver dans certaines situations et créer des blocages
d’apprentissage, des phobies, des états dépressifs
ou encore des addictions.
Pour se libérer, il n’y a pas besoin de
comprendre mentalement son origine.
Il suffit de la revivre dans son corps
en une, deux ou trois séances.
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 73
 Se libérer
Mémoires DES
Des mémoires issues de notre histoire ou
de notre famille seraient-elles « engrammées »
dans notre corps, nous poussant à reproduire des schémas limitants ? C’est ce que
soutiennent Myriam Brousse, psychothérapeute, fondatrice de l’École en Mémoire
Cellulaire, et sa fille Véronique Brousse, créatrice de la Bio Résonance Cellulaire.
Toutes deux transmettent une « descente progressive dans le corps », un courageux
chemin de conscience et de libération. Par Claire Eggermont

M yriam Brousse a quarante ans lorsqu’elle se retrouve
hospitalisée, baignant dans son sang, condamnée par
la médecine pour cause de cancer des ovaires trop
avancé. Impuissante et écartelée de douleur, elle reçoit
alors la visite d’un sage tibétain, envoyé par l’une de
ses amies, qui peu à peu va lui apprendre à porter sur
la vie un nouveau regard... « Il m’a ouvert les portes
d’une autre existence où l’on se libère plus qu’on se gué-
rit. Il m’a aidée à réveiller la mémoire de ma chair, qui
portait en elle l’origine de mes douleurs, les empreintes
et les impacts de toutes les crispations de mon existence
et de mon héritage. Il m’a montré comment ne pas en
avoir peur et suivre cette mémoire jusqu’à sa source pour
la désamorcer et m’en délivrer », écrit-elle dans son livre
Votre corps a une mémoire. Au fil des années, au plus
profond de ses cellules, Myriam retrouva la trace de
la disparition de sa mère, de l’indifférence cruelle de
son père, de la haine tenace de sa famille... « Rien de
tout cela ne m’avait été raconté mais tout était là, en moi,
engrammé dans ma chair », insiste-t-elle. Aujourd’hui
âgée de 80 ans, elle accompagne à son tour de nom-
breuses personnes, leur donnant les moyens de ne
plus être victimes de leur passé. Inspirée par le travail
de Mère(1) et Sri Aurobindo, la méthode d’investi-
gation en mémoire cellulaire qu’elle a mise au point
repose sur le constat que « tout ce que notre esprit s’est
efforcé d’oublier, notre corps le porte en lui. Il s’en souvient
et continue d’agir en fonction ».
Le projet d’incarnation
Notre corps serait ainsi pétri des mémoires heureuses
et malheureuses qui ont jalonné notre existence
depuis notre conception, mais aussi de celles de nos
parents et ancêtres. D’après Véronique Brousse, si le
mental trie et analyse ce que nous vivons et cherche
toujours à nous maintenir dans notre zone de confort,
quitte à déformer ou amnésier le souvenir de ce qui a
été vécu, le corps, lui, n’a pas cette capacité. « Quand
un événement survient, une vibration se propage. Tous
nos sens s’en imprègnent et celle-ci vient s’inscrire brute de
forme dans notre corps. » Rejoignant la pensée de Teil-
hard de Chardin selon laquelle nous serions des êtres
spirituels venus faire une expérience dans la matière,
PHOTO : LILIGRAPHIE/ADOBESTOCK
les deux femmes ajoutent que notre corps est égale-
 organe sensitif a la capacité de stocker des informations
Nous serions des êtres
spirituels venus faire une expérience
dans la matière.
 le corps du bébé. Il s’inscrit partout en lui. Il ✦✦ ✦
Mémoires Le corps
ment chargé de toutes les mémoires émanant de notre
« continuum de conscience ». Pour Véronique, notre
vie actuelle ne serait qu’un passage parmi d’autres
passages sur différents plans : « Lorsque nous nous
incarnons, nous arrivons avec un projet-sens. Nous atti-
rons les parents dont nous avons besoin pour accomplir
ce projet qui va imprégner notre corps dans les 18 mois
précédant notre naissance. Ce projet est en lien avec la
masse d’expériences que nous avons déjà faites sur notre
chemin d’évolution et avec les nouveaux défis que nous
nous proposons. Cela nous donne une vibration de base
qui va “résonner” en nous et autour de nous et qui pourra
évoluer au fil de notre vie en fonction de notre ouverture
de conscience. » « Cette capacité de se voir être, pensant et
agissant, est le grand cadeau qu’a fait l’énergie créatrice à
l’être humain ! s’exclame Myriam. Plus notre conscience
va s’éveiller, plus on va pouvoir se voir et se libérer. »
La blessure initiale
Si nous pouvons généralement identifier plusieurs
événements traumatiques qui ont marqué notre
existence, pour Myriam et Véronique Brousse, tous
ces chocs de notre vie viendraient en résonance avec
une blessure, plus profonde que les autres, autour
de laquelle nous nous serions construits. D’après
les vingt-huit années d’expérience de Véronique, cet
impact de l’origine venu choquer et marquer notre
corps se situerait toujours dans les dix-huit mois pré-
cédant notre naissance. Durant les neuf mois avant
la conception, nous n’existons pas encore dans la
matière, mais nous nous imprégnerions déjà de la
pensée et de la vibration de nos parents. « Cette période
pendant laquelle ils ont caressé ou pas le projet d’avoir un
enfant compte beaucoup dans notre construction, insiste
Myriam. Nous venons de leur imaginaire, de leur uni-
vers mental et psychique, de leur propre existence, elle-
même chargée d’une multitude de paramètres conscients
ou inconscients. » L’acte créateur dont chacun de nous
est issu serait un autre élément important de notre
constitution, ainsi que les neuf mois de la gestation,
pendant lesquels nous enregistrons toutes les données
du contexte parental. « L’embryologie nous indique que
la peau du fœtus vient du même feuillet embryonnaire
que celui des cellules du cerveau. Tout comme lui, cet
dans sa mémoire », écrit Véronique dans son livre
Si mon corps m’était conté. « Tout ce que les parents,
et notamment la mère, vont vivre, penser, rêver, etc. va
impacter le fœtus. Cet environnement vibratoire informe
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 75
Le corps Mémoires
✦✦ ✦ coule à travers nous comme le sang coule dans
À nos veines ! »
LIRE Dans cet univers de sensations matricielles au cœur
duquel nous nous sommes bâtis, Myriam décrit la
Au risque
d’être soi
blessure initiale comme une écharde dans la chair.
Myriam Brousse Un caillou qui empêche l’énergie créatrice de circu-
Éd. Eyrolles, à ler librement dans notre vie. Grandissant, nous nous
paraître 2019 arrangeons pour ne pas le réveiller, mais un certain
nombre d’autres événements vont venir le faire gros-
sir jusqu’à devenir un roc qui nous empêche d’avan-
cer. « L’énergie concentrée dans ce point d’impact va se
diffuser par ondes de plus en plus larges, nous amenant
à revivre les mêmes actions et réactions dans un cercle
infernal, reprend-elle. Ces schémas répétitifs ne sont pas
que ravageurs. Tout comme nos maladies et symptômes,
Votre corps a ils sont presque des bénédictions qui nous obligent à aller
une mémoire voir ce qui est écrit au plus profond de notre chair. En
Myriam Brousse
Éd. Marabout,
réveillant la blessure initiale, ils nous mettent sur son
2007, 6,90 € chemin. Comme le disait Jung, “ce qui ne remonte pas à
la conscience, revient sous forme de destin”. « En ce sens,
la mémoire cellulaire n’est pas quelque chose d’“ésopété”,
ajoute Véronique avec humour. Elle est très réelle,
concrète, vérifiable dans les événements de notre vie. »
Transformer dans la matière
Dans l’accompagnement de leurs patients, tout com-
Si mon corps
m’était conté mence par une écoute profonde : « Raconte-moi ton
Véronique histoire... » Puis les deux femmes utilisent l’outil des
Brousse Cycles biologiques mémorisés mis au point par Marc
Éd. Quintessence,
2013, 13 €
Fréchet, afin de commencer à repérer, au travers des
événements répétitifs et des dates anniversaires, les
messages de l’inconscient et le projet-sens. Enfin,
elles accompagnent les personnes dans un processus
de descente dans le corps, traversant une à une les
couches intellectuelle, émotionnelle et sensorielle,
pour arriver enfin à la couche physique au creux de
laquelle est « engrammée » la mémoire du corps.
« La mentalisation est souvent énorme. La personne s’en
tient à ce qu’elle sait, à ce qu’elle pense de son histoire et
à ce qu’elle veut bien en retenir. Mais il faut aller plus
loin ! On ne peut transformer autrement que dans la
matière ! », soutient Myriam.
À la méthode mise en place par Myriam, Véronique
Brousse ajoute la Bio Résonance Cellulaire, qu’elle a
elle-même développée dans le but de donner la parole
BONUS
UNE RENAISSANCE SALVATRICE
Web
Un article sur l'ICV (Intégration du cycle de la vie)
une thérapie psychocorporelle brève permettant
de replonger dans les premiers jours de la vie.
www.inrees.com/bonus/331
76 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019
au corps « qui connaît sa vérité ». Cet outil permet
de capter l’onde de résonance du corps du patient, à
partir de son avant-bras, de la mettre en mots et de
remonter jusqu’à l’empreinte initiale. Issue de la kiné-
siologie, la Bio Résonance Cellulaire s’en distingue,
étant fondée sur l’écoute vibratoire du corps et non
sur la résistance musculaire. « D’un point de vue pra-
tique, la méthode s’appuie sur une succession de tableaux
passant par les différents stades de la vie humaine. Pour
naviguer dans ce fichier, j’ai créé un protocole construit
en fonction du trajet de la mémoire du corps. Dès que le
praticien sent une différence de fréquence dans sa main,
il s’arrête sur le mot donné par le corps. La résonance du
mot juste va immédiatement impacter la matière. »
Les informations rapportées par Véronique et Myriam
Brousse et par les praticiens qu’elles forment à leurs
méthodes respectives viendront compléter celles que
les patients iront d’eux-mêmes chercher en interro-
geant leurs parents, en fouillant leur généalogie, en
réveillant leurs souvenirs, en reconstituant leur his-
toire. Au fil du temps, un faisceau de preuves apparaît,
pointant comme un laser l’évidence de la blessure.
« C’est un travail bousculant, car il demande à la per-
sonne de s’investir complètement. En ce sens, ce n’est pas
une thérapie. C’est un chemin de conscience à visée thé-
rapeutique, précise Véronique. Mais être informé de ce
dont je suis porteur ne suffit pas. Il me faut maintenant
l’accepter. L’acceptation est fondamentale pour que le
retournement ait lieu. Est-ce que j’accepte d’avoir reçu
en legs ceci ou cela de ma mère ou de mon père ? Est-ce
que j’accepte d’être fait de ça, issu de ça, porteur de cette
ombre comme de cette lumière ? »
« Les sensations nous font descendre dans un endroit où se
cache la résistance la plus forte, ajoute Myriam. Là, on se
heurte à un mur, un refus massif d’aller au-delà de ce qui
nous bouleverse dans tous nos sens. Il n’y a qu’un moyen
de franchir ce mur, c’est d’accepter de ne pas y arriver.
Baisser les armes. Se rendre compte qu’on est impuissant à
se protéger des douleurs, des peurs, des chagrins dont on est
miné. Se laisser prendre par eux pour y plonger jusqu’au
bout, et se retrouver enfin au cœur de soi-même ! Cela se
fait quand on lâche ! »
Quand, enfin, la blessure a été reconnue et éprouvée
dans le corps, un éclair de conscience vient toucher
la matière et l’écharde peut quitter la chair. L’énergie
peut se remettre à circuler. « La mémoire ne disparaît
pas, conclut Myriam. Mais elle est vue, visible. Ce n’est
PHOTOS : SDP - ZFFOTO/ADOBESTOCK
plus elle qui tient les rênes de notre vie. L’homme, corps-
âme-esprit, debout, libre de se voir, devient acteur de sa
vie, responsable de lui-même et de l’univers. » ●
(1) : compagne spirituelle du philosophe indien Sri Aurobindo,
Mirra Alfassa, surnommée « Mère », créa avec lui la cité expé-
rimentale d’Auroville et poursuivit son œuvre d’exploration du
« mental des cellules », une « percée au cœur de la matière » en
vue de donner naissance à ce qu’elle nomme « l’espèce nouvelle ».
 
Tout ce que
les parents, et notamment
la mère, vont vivre, penser,
rêver, etc., va impacter
le fœtus.

 
L’humain
est un être de désir
et il urifie ar
le désir.


L’éveil
le corps
PAR
 Tantra yoga Le corps

Véhicule ou outil de l’esprit, moyen de se lier aux autres,

justification de l’incarnation terrestre, le corps est aussi une possibilité
de se libérer. Souvent méconnues et mal interprétées en Occident, des
sagesses millénaires issues de l'Asie, comme le yoga et le tantra, ont

D
transmis des enseignements et techniques permettant d’atteindre l’éveil
spirituel au travers du corps. Par Melanie Chereau

epuis quelques décennies, l’Occident s’intéresse
à toutes sortes de sagesses et techniques le plus
souvent issues de l’Asie, pour pallier un désir de
spiritualité, une recherche de mieux-être dans une
société exigeante, ou combler un éloignement de
la nature. Afin de renouer avec ce qui pourrait être
essentiel, des dizaines de courants ont émergé, par-
fois se sont délités et profondément éloignés de
leur substantifique moelle de départ, le but pour
lequel ils étaient pratiqués, à savoir l’éveil spirituel,
la libération de la conscience. Les termes tantra et
yoga, désignant chacun plusieurs éléments souvent
différents et confondus, n’en sont pas moins des
traditions, voies, techniques, textes et actions en
eux-mêmes, dont l’enseignement et la pratique
peuvent transcender l’homme. De même que
souvent le chemin spirituel est confondu
avec une quête de bonheur, alors qu’il est
parsemé d’épreuves et demande bien des
sacrifices, le yoga, le tantra, et la méditation
peuvent être assimilés, à tort, à ce qu’ils fuient : la
satisfaction éphémère.
De l’origine des termes
Le yoga, aujourd’hui, est le plus souvent pratiqué
comme un sport de détente. Le tantrisme est asso-
cié, dans l’imaginaire occidental, à des pratiques
PHOTO : PAOLO GALLO/SHUTTERSTOCK
sont justement les causes de la souffrance.
Le tantra, qui signifie « continuité » ou « trame »
de la nature véritable de toute chose, est aussi la
voie qui permet de réaliser cette nature ultime
(« comprendre le sens caché de l’existence phénomé-
nale », in Dictionnaire du bouddhisme, Philippe
Cornu, Éd. Seuil). Le tantra est donc aussi un
rassemblement de textes, dont le contenu expose
en détail les « moyens habiles », techniques corpo-
relles et parfois sexuelles, permettant d’atteindre
cette connaissance, cet éveil de l’esprit. Peu trans-
mis en occident, hormis par Osho, maître indien
parfois controversé, le tantra est moins connu
dans son essence originelle.
Le tantrisme, le corps divin
Le tantrisme est un phénomène religieux et
philosophique qui trouve son origine en
Inde et qui a ensuite influencé l’hindouisme et
le bouddhisme. Ces deux derniers en ont intégré
un certain nombre de principes, ce qui aujourd’hui
lui confère un aspect multiple. Le tantrisme, lors-
qu’il est pratiqué, est vécu dans une indissociable
totalité corps-esprit, essentiellement ritualiste, dont
l’implication du corps est primordiale. « C’est par
son aspect rituel que l’on a parfois tenté de définir le
phénomène tantrique. Les rites sont des actions accom-

sexuelles, souvent extravagantes et dénuées de spi- plies corporellement par des gestes et des attitudes, avec
ritualité. L’habitude occidentale de réinterpréter parfois des actions effectuées sur ou avec le corps, lequel
les apports d’autres cultures afin de subvenir à ses est sexué », rappelle André Padoux, spécialiste du
besoins – séduction, efficacité – pouvant nuire à tantrisme. Dans cette logique spirituelle, il importe
l’instruction originelle des pratiques, mène aux de comprendre que l’on ne peut se libérer que parce
malentendus. Ce qui est intéressant, dans ces que nous sommes incarnés. C’est le fait d’avoir un
chemins spirituels, c’est qu’ils utilisent le désir et corps qui va permettre la libération, l’éveil, en l’uti-
le corps comme moyens de se libérer, parce qu’ils lisant pour transcender la matière et y faire entrer le
 divin. Mais il faut concevoir également le rapport
qu’ont les Indiens, ainsi que leur compréhension
Le yoga était à l’origine de la divinité. Des conceptions pour le moins éloi-
gnées de la vision occidentale. « La façon tantrique
en Inde « l’art de mourir de concevoir le corps n’est qu’une variante tradition-
i m me
 nellement indienne de voir le corps, envisagé ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 79

 Le corps Tantra yoga
À ✦✦ ✦ comme un microcosme et le macrocosme
LIRE comme un corps immense. Dans le monde hindou,
corps et cosmos ne se séparent pas », explique André
Padoux. Le corps comme petite partie du cosmos,
qu’il s’agit de réveiller, d’utiliser par des techniques
spéciales, en concevant un isomorphisme humain/
dieux. Encore faut-il, pour cela, avoir cette foi,
reconnaître les voiles et avoir la soif de les déchi-
Le yoga rer. L’Univers, chez le pratiquant du tantrisme, est
tantrique pénétré par l’énergie divine divisée en féminin et
du Cachemire masculin (la shakti), que l’humain peut également
Éric Baret
Éd. Le Relié Poche,
utiliser. Au panthéon des dieux tantriques, on
2018, 10 € retrouve des individus masculins et leurs parèdres
féminins, d’où la notion de complémentarité
sexuelle et énergétique (exemple Shiva et Bhakti).
Cela nécessite de concevoir la dimension énergé-
tique sacralisée donnant aux activités mentales et
sensuelles humaines leur puissance inhérente,
capable de mener l’humain à se dépasser, à
atteindre une dimension surnaturelle.  la recherche du vrai, en partant de la sexualité,
Comprendre
le tantrisme
André Padoux
Le tantra et la sexualité
Éd. Albin Michel, De nature révolutionnaire par rapport à la tra-
2010, 9,90 € dition védique en Inde, le tantrisme a une réputa-
tion sulfureuse et transgressive qui s’explique par
la nature secrète et parfois impure de ses préceptes
(notamment selon la tradition brahmanique). Il
existe, dans le tantrisme traditionnel indien, des
pratiques rituelles complexes – telles que l’absorp-
tion des sécrétions sexuelles offertes à la divinité,
permettant à l’individu de se diviniser – mais aussi
La quintessence
du yoga à mener par l’orgasme, un dépassement des limites
Claude du soi empirique, pour fusionner avec le divin.
Maréchal et
Jean Dethier Selon cette doctrine, la parole divine serait des-
Éd. Pardès, cendue pour être transmise à l’humain, le conduit
2017, 29 € à son salut de manière adaptée, « particulièrement
dans cet âge cosmique où il vit, dominé par le désir »,
note André Padoux. Plusieurs traditions, notam-
ment bouddhiques, rappellent que l’humain est
un être de désir et qu’il « purifie » par le désir. La
place du corps dans le tantrisme est donc à la fois
l’origine des désagréments, l’outil de progression
et la solution unique de libération, afin d’obtenir
les jouissances spirituelles, mais aussi mondaines.
Pour Jacques Lucas, psychothérapeute et prati-
quant du tantrisme, l’intérêt de travailler avec la
sexualité est multiple : « Il se joue en condensé, ce
 C'était même le but suprême de l'Inde ancienne,
C’est le fait d’avoir
un corps qui va permettre
la libération.
80 Inexploré - N°42  PRINTEMPS 2019
 tiques yogiques. Pour Philippe Filliot, enseignant
que nous sommes et tout ce que nous mettons en acte
dans notre vie de tous les jours : l’intimité, la rela-
tion au désir, à l’autre, à la transcendance. » Ainsi,
tous les besoins et les peurs sont mis en lumière,
l’individu peut voir ses fonctionnements les plus
intimes se révéler, mais aussi observer sa relation à
l’autre, au pouvoir, à la confiance… C’est le terrain
pour une évolution en profondeur, qui va lever les
blocages les plus intimes. C’est dans la relation que
tout va se jouer et grâce au partenaire que l’accès
à la connaissance et au divin peut se faire. Par la
circulation énergétique, l’activation des chakras
et la libération de la vitalité sexuelle (kundalini),
l’émergence d’émotions, d’attitudes, de gestuelles
divinisées est possible. Ainsi transcendé, tout en
court-circuitant le mental, l’individu sublimé se
réalise et met en lumière son véritable Soi, son
appartenance à un « tout » divin.
Ce qu’Osho a transmis comme étant le tantra est
sans morale et sans masque, pour atteindre le
véritable orgasme : l’orgasme cosmique. En
transcendant le sexe, on obtient les secrets
révélés dans l’expérience : « Vous touchez un élé-
ment de félicité grâce à trois des éléments de base du
sexe : l’éternité car le temps s’arrête, l’ego disparaît, une
nouvelle réalité se dessine et enfin vous êtes naturels,
le faux est abandonné et vous êtes sans masque, vous
faites partie de la nature ! », explique Osho dans ses
enseignements Tantra, spiritualité et sexe. 
Yoga tantrique, yoga spirituel
Le yoga était à l’origine en Inde, « l’art de mourir
à soi-même ». Aujourd’hui, c’est une technique de
mieux vivre… Il y aurait comme un malentendu
théorique et pratique. La définition exacte du
Yoga-sutra, texte central du yoga, est : « le yoga est
l’arrêt (la mise au repos) de l’activité automatique
du mental », afin de libérer l’humain du cycle des
renaissances infinies (le samsara), qui est le résultat
du karma (actions) emmagasiné par les individus.
Le yoga est une véritable discipline qui demande
un investissement personnel très intense, fait de
méditation, d’ascèse, d’exercices, associés à une
forte compréhension du chemin spirituel. En plus
d'atteindre une grande humilité, il convient de
se libérer des souffrances inhérentes à ce monde.
au-delà de la recherche des biens matériels et des
plaisirs éphémères. En Inde, les pratiquants se
livrent souvent encore aujourd’hui, à des pratiques
de purification extrême, avant même leurs pra-
 et formateur de yoga, même si la fonction onto-
logique et sotériologique de la spiritualité du yoga
ne semble plus d’actualité pour les pratiquants
occidentaux, il n’en reste pas moins spirituel, dans
une variation plus contemporaine. Aujourd’hui, le
yoga prendrait une forme nouvelle adaptée à l’Oc-
cident, donnant une place très importante aux
âsanas (postures) qui n’étaient que mineures dans
le Yoga-sutra, mais resterait, selon ses termes, « une
spiritualité incarnée », car « l’expérience authentique
de l’âsana est […] un moyen paradoxal de s’ouvrir
à une forme de transcendance et d’immanence. Une
technique subtile pour expérimenter une certaine
forme de sacré qui se vit à l’intérieur du corps ».(1) 
Enfin, le tantra-yoga est une compréhension de ce
qui se passe dans la vie de l’humain, afin d’en faire
la source même de son éveil spirituel. « C’est un
yoga de l’action dans le monde des sens, il n’y a plus de
scission entre la vie mystique et la vie phénoménale.
Toute perception, toute pensée, toute émotion permet
de glisser spontanément dans la conscience, le divin en
soi […] une immersion intégrale dans ce que la vie a
de plus frémissant », explique Daniel Odier, spécia-
liste du tantra-yoga, dans Le tantra de la connais-
sance suprême.  de la valeur spirituelle du corps et s’en servir comme
PHOTOS : SDP -
Pratiques de silence, retraites dans le noir, exercices
physiques extrêmes, recherche de compréhension
des enseignements, pratiques sexuelles intenses et
Harmonie du corps
e r au en in ien
« Le corps se présente comme une perception parmi
d’autres, qui apparaît et disparaît dans le silence.
En soi, le corps n’existe pas. Il n’est que prolongation,
expression de la conscience. Du point de vue
phénoménal, le corps apparaît comme sonorités,
vibrations, ensemble de sons tantôt harmonieux,
tantôt inharmonieux. L’écoute du corps s’apparente
l art en uvrir l arm nie f n amentale
Le yoga tantrique du Cachemire, Éric Baret.
complexes, tous ces tantra et ces yoga sont des voies
mystiques de réalisation de l’éveil, qui demandent
une abnégation et un investissement personnels
immenses, à l’image du but qu’ils suivent, celui de
la réalisation totale et divine de l’individu, qui sans
le corps ne pourrait y parvenir. Prendre conscience
outil divin est le premier pas de la compréhension
du sens de la vie terrestre. ●
(1) Le chemin du yoga une spiritualité pas à pas, Ultreïa n°16.
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 81
 POUR ALLER PLUS LOIN

SUR LE THÈME DU CORPS

À À
LIRE VOIR

1. Deepak Chopra DOCUMENTAIRES

Le corps quantique
2. Laisse parler ton corps…
Bernard Montaud
3. Le corps révélé 1 2
Chantal Deravin 3
et Régis Belamich
Yogananda
4. Stéphane Drouet Paola di Florio et Lisa Leeman
L’intelligence autonome Jupiter films, 2014
du corps
5. Le corps n’oublie rien
Bessel van der Kolk
6. La révolution épigénétique
Collectif
4 5
6

Heal
Kelly Noonan
MAIS AUSSI... Netflix, 2018

7 8 9 10 11 e uf e e ieu
Jan Schmidt-Garre
7. Jean Varenne, Aux sources du Yoga 8. La médecine spirituelle, D Luc Bodin
r
Jupiter films, 2013
9. Tantra Yoga, Daniel Odier 10. Danser à corps joie, Carine Anselme et Dominique Hautreux
11. Les plaisirs secrets de la ménopause, Dr Christiane Northrup INREES TV

SUR LE
WEB
Articles EXCLUS WEB

INREES.COM
à découvrir
Les reins, siège The Living Matrix

Conférences de la mémoire ancestrale

à retrouver
sur INREES TV :
www.inrees.com/bonus/329
à revivre
Selon la médecine chinoise, ils représentent le
rapport à l’eau, aux émotions, aux ancêtres...
www.inrees.com/bonus/327
Conscience et santé : la révolution
Qu’est-ce qui conditionne vraiment notre santé
et notre bien-être ? Une rencontre avec
Mémoire extratemporelle
SERGE AUGIER, LUC BODIN, DENIS BEDAT, et guérison Extra Lab S4E2 maladies
de civilisation
Comment mêler science occidentale,
VÉRONIQUE JANNOT ET SOFIA STRIL-RIVER à retrouver
chamanisme et synchronicité... sur INREES TV :
www.inrees.com/bonus/326 www.inrees.com/bonus/328 www.inrees.com/bonus/330

82 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 Explorer

l’esprit
cherche et c’est
le coeur
qui trouve
GEORGE SAND
 Bio express
Ancien chercheur en mathématiques,
Jean-Pierre Goux a travaillé quatre ans à
Chicago dans la recherche pour de grands
laboratoires de mathématiques appliquées,
avant de rentrer en France pour faire
carrière dans le secteur de l’énergie. Sa
conscience écologique s’affirme en 2010
avec un roman original, Siècle bleu, qui
marque les esprits. Il cofonde en 2016 le
projet Blueturn, qui contribue à changer le
monde avec une force poétique inégalée.
 L’INVITÉ
JEAN-PIERRE GOUX

Un rêve
à l’échelle
planétaire
Jean-Pierre Goux incarne à lui seul la pluridisciplinarité. Son roman Siècle bleu
mêle avec maestria le thriller à des thématiques multiples autour de l’écologie,
la conquête spatiale, la géopolitique, la finance folle,
mais aussi le chamanisme, les synchronicités et l’éveil des consciences.
Propos recueillis par Jocelin Morisson

La première édition de Siècle bleu, en 2010, a
eu du succès, mais cette nouvelle version
suscite un réel enthousiasme. Pourquoi, selon
vous, et pourquoi cette réédition ?
L’édition originale était épuisée et beaucoup de lec-
teurs me disaient que l’actualité résonnait de plus en
plus étroitement avec les thématiques du livre. La
rencontre s’est faite avec l’éditeur La Mer Salée, puis
nous avons lancé une campagne de financement
participatif, au mois de juin 2018, et cela a créé
un réel enthousiasme. J’ai affiné le texte et ajouté
le « manifeste Gaïa », un manuel tactique pour réa-
liser une révolution écologique et citoyenne. Après
une décennie auprès des acteurs du changement, je
voulais apporter ma pierre à l’évolution en cours.
PHOTO : OLIVIER SEIGNETTE
au profit d’une intrigue. Dix ans en arrière, les gens
se disaient peut-être que nous n’étions pas obligés de
passer par une révolution des consciences à l’échelle
planétaire pour faire la transition écologique, alors
qu’aujourd’hui, c’est perçu comme indispensable.
Mon héros est un scientifique et, secrètement, le lea-
der d’une organisation écoactiviste clandestine non
violente, Gaïa. Il se retrouve au cœur d’un conflit
géopolitique entre les États-Unis et la Chine, mais
il est aussi initié au chamanisme, et profondément
déterminé…
À quand remonte votre intérêt pour ces
thèmes qui relèvent de l’inexpliqué :
chamanisme, synchronicités, noosphère… ?

C’est une chance que le livre puisse reparaître à un
moment où il résonne davantage. Les personnes qui
s’intéressent à la marche du monde ne lisent pas
spontanément de romans sur ces thèmes, car elles
pensent que les vraies questions vont être survolées
Ça vient de lectures d’adolescent, de jeune adulte,
comme Carlos Castaneda, Le matin des magiciens,
la revue Planète. Le fait que la réalité perçue puisse
ne pas être la réalité ultime a été pour moi un choc
cognitif, et c’est resté une espèce de fil rouge. ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 85

 L’INVITÉ
JEAN-PIERRE GOUX


Nous prenons les utopies
et nos rêves très au sérieux
pour en faire des armes de
construction massive.


✦✦ ✦ Il y a ce théâtre dans lequel on vit, et il faut
comprendre la géopolitique, le fonctionnement
du monde, mais derrière il y a d’autres énergies,
d’autres réalités sur lesquelles on peut s’appuyer
pour changer le monde. La deuxième chose est que
j’ai toujours été porté par le mouvement de la mu-
sique électro et la transe est très liée à tout cela.

Vous faites partie de l’Institut des

futurs souhaitables. Quelle est son
activité ?
C’est un institut de formation et L’idée est de
de prospective créé en 2012 par former des gens à
Mathieu Baudin, historien et pros-
pectiviste, en partenariat avec le devenir des
Cnam. Il s’agit d’identifier les fu- « conspirateurs se parlent pas et cela crée des fic- À
turs souhaitables, c’est-à-dire com- positifs ». tions qui sont des dystopies plutôt LIRE
patibles avec l’avenir du genre hu- que des utopies. Or, nous prenons
main et de la planète, et d’observer, par- les utopies et nos rêves très au sérieux,
mi les émergences actuelles, les initiatives pour en faire des armes de construction
qui pourraient passer à grande échelle et changer massive. Nous accueillons par exemple l’ani-
le monde à l’horizon 2040. L’idée est de former des mateur Frédéric Lopez, le philosophe Patrick Vi-
gens à devenir des « conspirateurs positifs », de sorte veret ou l’ingénieure agronome Isabelle Delannoy.
que, dans leur organisation, leur parti politique, leur Nous faisons des allers-retours entre le monde en
entreprise, leur ONG, etc., ils soient à même d’in- 2040 et le monde d’aujourd’hui pour se projeter et
fluencer les choix. Comme dans Siècle bleu, nous définir une trajectoire, créer un « attracteur ». Plus
cherchons à décrire des trajectoires souhaitables on visualise, par l’intention, le futur vers lequel on
pour l’humanité et montrer qu’elles sont possibles veut aller, et plus on crée des champs morphiques
et réalistes. Le roman est un excellent simulateur de ou des champs de force pour que ce futur advienne.
réalité, car il permet la pluridisciplinarité et véhicule La crise actuelle est une crise narrative et une crise Siècle Bleu,
des émotions via ses personnages. Or, pour bâtir une d’imaginaire. Les gens n’arrivent plus à penser le tomes 1 & 2
contre-narration par rapport au récit de l’effondre- futur autrement qu’en faisant l’extrapolation de ce Jean-Pierre
ment, les personnages sont la clé. Nous avons besoin qu’il y a de plus noir dans la société. Or, si les per- Goux
Éd. La Mer Salée,
de « héros » et « héroïnes » du quotidien, et le roman sonnes en charge de l’imaginaire n’ont plus la force 2018, 16 €
est un moyen de les montrer en action. de construire des futurs souhaitables, le monde se
délitera. Pour réussir la transition, il faut l’imagi-
Cet institut compte des personnalités naire et l’engagement : l’imaginaire est la capacité
d’horizons très divers. Est-ce la clé ? à se projeter, et la vie propose des embranchements
Oui, à l’heure actuelle, le monde des porteurs de que l’on peut décider de suivre ou non. De ce point
solutions émergentes et le monde de la narration ne de vue, le développement personnel est très impor-

86 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019

 tant, parce que les personnes qui rêvent des ces fu-
turs souhaitables sont souvent fragiles, blessées par
le monde tel qu’il est aujourd’hui. Aller vers une
meilleure acceptation de soi pour devenir une ver-
sion augmentée de soi-même permet de dépasser les
peurs et les obstacles.
Parlons de Blueturn, votre incroyable projet
connexe à Siècle bleu…
Il y a vingt ans, mon ami Michaël Boccara, cofonda-
teur de Blueturn, m’a offert l’ouvrage Clairs de Terre,
et j’ai été submergé d’émotions. Il rassemble des
photos de la Terre prises depuis l’espace, accompa-
gnées de textes écrits par des astronautes. Bien qu’il
s’agisse souvent de militaires, ils y parlent de choses
très poétiques et fondamentales : la conscience que
le monde est fini, fragile, magnifique et que tout
est interconnecté. Ce sont des notions clés pour un
changement de conscience. Le fait que nous respi-
rions le même air et que nous partagions les mêmes
ressources ne se vit aujourd’hui qu’à travers la di-
mension économique, mais on peut le vivre aussi
à travers des expériences plus profondes, comme
la méditation. Pour les astronautes, cet effet a été
analysé et il s’appelle l’overview effect (effet de sur-
plomb). Ils sont tombés viscéralement amoureux de
la Terre et cela a tout changé pour eux. Cet effet a
la capacité de nous élever et de nous reconnecter à
Gaïa, mais surtout de mettre les humains à l’unis-
son par la beauté, pour entamer la grande transition
écologique. La photo baptisée Blue Marble, prise le
7 décembre 1972 par les astronautes de la mission
Apollo 17, a été la première photo de la Terre entiè-
rement éclairée par le Soleil. À l’époque, elle avait
déclenché les premiers mouvements d’écologie glo-
bale, mais son pouvoir émotionnel s’est érodé. Avec
Blueturn, lancé en 2016, nous avons voulu faire
partager à tous l’overview effect. En proposant des
images de la Terre éclairée en quasi-temps réel, on
recrée le mouvement lancinant qui a hypnotisé et
émerveillé les astronautes.
L’histoire de Blueturn est pleine de
rebondissements. Où en est le projet
aujourd’hui ?
PHOTOS : OLIVIER SEIGNETTE
C’est en effet un thriller en soi. Au départ, en 1998,
il y a un acte très politique d’Al Gore qui voulait
envoyer un satellite pour filmer la Terre dans l’axe
du Soleil, de sorte qu’elle soit toujours éclairée. Il n’y
a qu’un seul point dans l’Univers pour cela, que l’on
appelle le point de Lagrange L1, situé à 1,5 million
Percolons ensemble
Jean-Pierre Goux évoque l’effet mathématique de
« percolation » pour décrire la façon dont un
système peut basculer brutalement d’un état à un
autre : « La volonté de vivre une autre réalité est
partout et l’on se rend compte qu’un tout petit
changement pourrait déclencher une transformation
de l’état d’esprit à l’échelle de l’humanité. En physique
statistique, l’effet de percolation décrit la façon dont
des changements microscopiques dans un système qui
a deux états possibles peuvent faire basculer
brusquement le système. C’est un effet de seuil, de
masse critique, qui est lié au “hasard”, et c’est
d’ailleurs cela qui fait peur aux pouvoirs en place.
L’idée est que pour faire basculer l’humanité, il n’y a
pas besoin de faire changer sept milliards d’individus
en em le mai qu il uffit un n au e er nne
éveillées qui pensent extrêmement fort à un autre
système de valeurs. »
de kilomètres de la Terre. Mais le projet a été an-
nulé par Georges W. Bush en 2001, pour se venger
de Gore. Finalement, la caméra a été embarquée en
2015 presque secrètement sur une autre mission,
suite à l’intervention d’Obama et Al Gore auprès
de la Nasa. Mais elle ne prend qu’une dizaine de
photos par jour. Michaël Boccara a alors imaginé
l’algorithme qui permet de transformer ces photos
en animation et nous avons lancé Blueturn. Au-
jourd’hui, c’est un site web et une application gra- SITE
tuite pour smartphone. Des projections ont lieu dans WEB
le monde entier et les gens pleurent… Des centaines
de milliers de personnes ont installé l’application, Siècle bleu
www.sieclebleu.org
mais nous voulons aller plus loin et repenser le logi- Blueturn
ciel en cours d’année, pour le rendre addictif et vi- www.blueturn.earth
ral. Nous travaillons pour projeter ces images lors de
grands rassemblements comme le G8 ou à l’ONU.
Les équipes d’Al Gore nous ont contactés pour un
projet commun avec le Climate Reality Project. Nous
espérons générer un nouvel enthousiasme autour de
la Terre-Mère avec des projets artistiques, méditatifs,
éducatifs…, pour nous amener collectivement au
prochain niveau de conscience planétaire. Siècle bleu
et Blueturn sont les deux facettes d’un même grand
rêve : aider l’humanité à changer de conscience. ●
PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 87
 
Prendre le temps
de laisser
filer le tem


 Reportage
À gauche, les Maasaï vénèrent un arbre sacré, l’oreteti,
dont les racines se transforment en tronc. Tout un symbole.
Ci-dessus, le Kenya et ses terres arides.
Les
e n écoutant une amie me dire qu’elle
Maasaï
une autre vision
La journaliste, auteure et conférencière Natacha
Calestrémé s’est offert une parenthèse dans le
temps, un voyage au Kenya à la rencontre des
Maasaï, qui vivent en osmose avec la nature.
Une aventure à la découverte d’un peuple
authentique et de ses secrets.
Textes et photos de Natacha Calestrémé
part à l’étranger, je réalise que je n’ai
pas voyagé depuis trois ans. Dans mon
agenda, une fenêtre de onze jours
se présente entre deux conférences
et je n’ai pas d’autres opportunités
avant longtemps. Le Kenya, que je
ne connais pas, s’impose comme une
évidence. Le soir même, on me donne les coordon-
nées de Coralie, une Française fiancée à un Maa-
saï kenyan, qui vit en bordure du Masaï Mara, une
réserve d’animaux sauvages. La jeune femme envi-
sage de créer une structure touristique qui contribue-
rait, par ses bénéfices, au bien-être des populations
locales. Je lui propose de tester sa formule. Quelques
jours plus tard, j’arrive à Nairobi, la capitale.
Un autre rapport au temps
Coralie voulait venir me chercher, mais je veux vivre
mes premiers instants d’Afrique seule, pour me libé-
rer de mon quotidien. Nous devons nous retrouver le
lendemain à Narok, une ville importante située à trois
heures de Nairobi. Il est 22 heures, la température est
de 20 degrés, je dépasse la douane et sors de l’aéroport.
Une trentaine de personnes me dévisagent et lèvent une
pancarte avec un nom. Il s’agit des taxis commandés
par les hôtels. Le mien n’y est pas. Je patiente, pas très à
l’aise devant ces hommes qui se demandent pourquoi
j’attends seule, en pleine nuit. Un coup de fil m’ap-
prend que le taxi que j’avais mandaté ne m’a ✦✦✦
PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 89
 Reportage Maasaï

Je suis impressionnée
par leurs connaissances en
lante m i inale

✦✦ ✦ pas attendue. Déjà, le temps se moque de moi.
Je demande de l’aide auprès des autorités. Humphrey,
un grand black d’une trentaine d’années, connaît mon
hôtel – une chance dans une mégapole qui compte
4 millions d’habitants – et, une demi-heure plus tard, je
pose ma valise dans une chambre spartiate, mais dont le
lit est confortable. Je souris en voyant la moustiquaire,
symbole de chaleur et de dépaysement. Je m’endors
heureuse. Coralie m’a conseillé cet hôtel bon marché,
car il est proche des bus qui se rendent à Narok. Pas
d’horaires fixes pour ces navettes qui ne partent que
lorsqu’elles sont pleines, mais qui, en général, se rem-
plissent vite. Je dois pourtant patienter deux heures,
subir une avarie de moteur, une roue à remplacer…
Je réalise que ces cinq longues heures sont un test de
lâcher-prise. Prendre le temps de laisser filer le temps.
Une barrière anti-lions,
un sourire et au lit
Je rencontre enfin Coralie. Elle porte bien le nom
que les Maasaï lui ont donné : Nashipaï, qui signi-
fie « joie de vivre ». Siranka, son fiancé maasaï, l’ac-
compagne. Mince et de taille moyenne, il porte
une tunique rouge – LA couleur des Maasaï –, des
dreadlocks, il a les oreilles percées d’un grand trou (un
critère de beauté pour eux) et des colliers de perles.
Conducteur hors pair, il nous emmène vers le Masaï
Mara et ma fatigue s’envole en voyant des gnous,
puis d’élégantes girafes. Alors que le soleil s’éloigne,
nous nous arrêtons au milieu de la savane, dans une
forêt d’arbres rabougris. Pour ma deuxième nuit, j’ai
souhaité dormir chez l’habitant, mais je ne vois rien
qui ressemble à un village. J’ignore que ce cercle de
branchages haut de deux mètres marque le territoire
d’une habitation maasaï. Couverte d’épines acérées,
la barricade protège efficacement des lions, léopards
et hyènes. À l’intérieur sur de la terre nue, de jolis
tabourets de bois, une chaise en plastique que l’on
me réserve comme un honneur, un feu sur lequel
chauffe une bouilloire, un enclos pour les chèvres
et moutons et une seule maison. Paisiblement cou-
chées dans un coin, quinze vaches ruminent. Elles
sont la fierté des Maasaï, leur plus grande richesse. Je
rencontre mes hôtes, une femme d’une quarantaine
d’années et son mari, qui travaille à quatre heures
de marche de là. Il a fait le trajet pour me rencon-
trer. La dame m’offre un thé au lait très sucré – la
90 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019
Les jeunes passent une série
d’initiations qui leur donnent une
la e au ein e la mmunaut
1. Les zèbres boisson préférée des Maasaï – et avec un immense
s’approchent de sourire, me fait visiter sa maison. Il y fait très bon.
moi un peu plus
chaque jour.
Il y a deux chambres de la taille du lit posé à même
2. Siranka et le sol et une pièce commune très sombre et basse
Moran, mes de plafond, qui abrite quelques braises. Elle m’ex-
guides. plique qu’il lui a fallu un bon mois pour construire
3. Les buissons
d’épines, sa demeure et que les murs sont faits de bouse de
forteresses vache. Je suis stupéfaite. Aucune mauvaise odeur.
contre les lions. De petites ouvertures laissent passer l’air. Alors
4. Faire un feu
sans allumette.
que la nuit tombe, elle allume fièrement deux
ampoules alimentées par des capteurs solaires. La
porte du camp est fermée par une grosse branche
de piquants. L’heure est aux animaux sauvages et,
désormais, personne n’est autorisé à sortir de l’en-
clos. Nous avalons un repas fait de riz et de légumes
marinés à la tomate et, avant de me coucher, je
m’inquiète de l’endroit où vont dormir le grand-
père et le fils de 18 ans. « Près du feu, ils ont l’ha-
bitude », me rassure-t-on. En me glissant sous les
couvertures, je me demande si j’aurais marché huit
heures aller-retour pour recevoir une personne que
je ne verrais qu’une fois dans ma vie, si je lui aurais
laissé mon lit pour dormir à même la terre, si j’affi-
cherais un sourire aussi lumineux que cette femme
qui n’a qu’une simple maison sans eau courante,
sans frigo ni appareil ménager et juste un peu de
bétail. Assurément, voyager est le meilleur moyen
de comprendre la chance que nous avons de vivre
en France.

Les guerriers et
leurs arbres sacrés
Coralie a tissé des liens de confiance avec cette com-
munauté. Elle me propose une immersion au cœur
de la forêt sacrée de Naimina Enkiyio, située dans
les montagnes de Loïta. La terre rouge et désertique
a laissé place à une végétation dense, des arbres
immenses et un sol gorgé d’eau. D’autres Masaaï,
toujours vêtus de rouge et de perles tissées, vivent là.
Dans cette société traditionnelle, les jeunes passent
une série d’initiations qui leur donnent une place au
sein de la communauté et leur permettent de tester
leur bravoure. Durant un à dix ans, ils apprennent
à vivre en harmonie avec la nature. Ces experts de
la vie sauvage portent le nom de morans. Autrefois,
ils devenaient adultes après avoir tué un lion au cou-
teau. Aujourd’hui, à cause de l’extension des villes,
les animaux se font rares et un seul lion est tué pour
symboliser la fin de l’initiation de l’ensemble des
morans. Ces guerriers maasaï vont assurer notre sécu-
rité et nous guider, un privilège unique. J’ai hâte de
découvrir la nature à travers leurs yeux. John, visage
aux traits d’une grande finesse, sympathique et sou-
riant, est notre traducteur car les morans ne parlent
pas anglais. Tous les hommes portent un grand cou-
teau à la ceinture. Ils se saisissent de lances pour éloi-
gner les buffles ou les hippopotames et nous entrons
dans une jungle épaisse où quelques fleurs attirent le
regard. Je suis impressionnée par leurs connaissances
en plantes médicinales. Celle qui enlève la fièvre,
celle qui lave les dents, les grappes cotonneuses pour
dormir à même le sol, celles qui empêchent les cau-
chemars ou les maux de tête. Coralie veut prendre
cette dernière, mais Siranka l’en empêche. « Nous
avons les mêmes chez nous au Maasaï Mara. Je t’en
donnerai. Si tu coupes la branche, l’arbre souffrira et
ici c’est un lieu sacré. » Je suis séduite par la sincérité
de leur relation à la nature. Soudain, le moran lève la
main, il se penche en avant et tend le doigt vers des
phacochères qui s’éloignent en courant. Nous arri-
vons vers l’arbre sacré. Il s’agit d’un oreteti, un figuier
étrangleur, de la famille des ficus. Il suffit qu’un singe
mange une figue sur un arbre et qu’une graine reste
sur le tronc pour que poussent des racines qui rejoin-
dront la terre en entourant l’arbre. Ces racines, en
fusionnant entre elles, créent un maillage qui finit
par étouffer l’hôte. Vu sa taille, il a au moins trois
cents ans. Quelle émotion ! La tête penchée vers
le tronc, chuchotant quelques mots, les Maasaï se
recueillent devant son pouvoir de protection. Des
guerriers qui vénèrent un arbre, le message est fort.
La magie au cœur de leur vie
Nous montons nos tentes. Quelle joie d’apprendre
à faire du feu sans allumette. Il faut rouler une
branche d’oreteti le plus vite possible entre ✦✦✦
PRINTEMPS 2019 - N°42 - Inexploré 91
 Reportage Maasaï

✦✦ ✦ ses mains, l’extrémité enfoncée dans un bois

léger. Les frottements créent de petites braises que
l’on pose sur de l’herbe sèche. La nuit est tombée
et j’entends des feulements au loin. Un autre feu a
été allumé avec des branches spéciales libérant une
fumée odorante rappelant l’anis, qui éloigne les pré-
dateurs. De la viande cuit dans une soupe épaisse
de légumes. L’Oliboni, le sage de ces terres, nous
fait l’honneur de partager notre repas. Peau ridée,
sec, immense, il ne présente aucun signe qui le dis-
tingue des membres de la communauté. Il descend
d’une lignée de chamanes et son rôle est de protéger
la forêt sacrée et les Maasaï de tout ce qui pour-
rait les faire disparaître. Les Maasaï sont animistes
et croient en l’existence des esprits de la nature. Il
m’explique que les arbres permettent de créer un
lien entre la terre et le ciel. Si la forêt disparaît, les
connexions avec leur dieu et les esprits des ancêtres
s’arrêtent. Pour prendre les bonnes décisions, l’Oli-
boni demande conseil aux arbres sacrés en ressen-
tant les vibrations qu’ils émettent. Je m’endors avec
le sentiment que la végétation me connecte à la
subtilité du ciel. Le lendemain, la marche reprend.
Des guerriers qui vénèrent un arbre, Face à une étendue de hautes herbes, on m’explique
le me a e e t f rt qu’il y a 25 ans, un lac existait là et que la vie sau-
vage y foisonnait. Des Britanniques, comprenant
l’intérêt touristique du lieu, avaient proposé aux
Maasaï de construire des bâtiments autour du point
d’eau. Certains acceptèrent, d’autres pas. Divisée,
la communauté était en péril. Alors, l’Oliboni a fait
intervenir sa magie : il a demandé que l’eau du lac
disparaisse sous terre. Désormais, il ne reste qu’un
ruisseau. Quelle sensation étrange de sentir l’eau
sous la terre !

Pour achever mon séjour, Coralie et Siranka me

1. L’arbre sacré des montagnes de Loïta.
2. Se sentir maasaï. 3. L’Oliboni, le chamane.
Une association
Une partie des bénéfices de chaque voyage organisé par la structure
Olchani Community Projects de Coralie permettra d’installer des
points d’eau potable, des puits avec pompe à eau solaire, mais aussi
une accession à l’école pour les filles et un éco-camp qui utilise le
principe de la permaculture. Un voyage à la découverte de la culture
traditionnelle maasaï :
Facebook : Olchani Maasai Eco Camp & Community.
déposent au merveilleux camp Olkoroi tenu par
André et Corneli, un couple de Sud-Africains
eux aussi associés à la communauté Walking with
Maasaï. Doté de grandes tentes aménagées de lits
confortables, de tables et de salles d’eau, le lieu
offre une petite cascade où je passe mes journées.
Quelques gazelles et un oryx vivent au camp et ce
dernier vient jusque dans ma tente. J’échange de
longs regards avec des zèbres dont j’imite les mou-
vements de tête. Chaque jour, ils s’approchent un
peu plus. À la tombée de la nuit, on allume mon feu
et je reste des heures à écouter les bruits de la forêt.
Les Maasaï qui s’occupent du camp s’évertuent à
partager leur culture et leur approche de la vie sau-
vage. Sourire aux lèvres, ils vivent l’instant présent,
en perpétuelle connexion avec la nature. Ce voyage
renforce en moi le lien sacré qui nous lie à la Terre et
me rappelle que les plantes, les arbres en particulier,
sont générateurs de joie intérieure. ●

92 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019

 Incarner

LEest cetteCORPS
portion
de l’univers que
ma pensée
peut modifier
GEORGE CHRISTOPHE LICHTENBERG
THÉRAPIE


En acceptant
profondément notre
humanité, nous
pouvons alors aimer
toute l’humanité parce
qu’elle est comme nous.

 L’âme
guérisseuse Si nous nous sentons décalés dans nos vies, ou face à
des mécanismes qui se répètent, la sophro-analyse propose,
par sa méthode singulière, d’aller à la rencontre des mémoires
les plus impactantes de nos existences. Qu’elles soient nôtres,
de nos parents, de notre vie embryonnaire ou encore plus anciennes,
leur décodage psychologique et émotionnel serait la clé de
notre libération. Et si notre âme avait des choses à nous dire ?
Par Melanie Chereau

harmacienne puis chercheuse en neu- redoutablement efficace, permettant d’avancer de

robiologie, Christine Louveau, scien-
tifique chevronnée spécialisée dans les
médicaments antidépresseurs, s’est inter-
rogée sur l’omniprésence des effets secon-
daires souvent lourds pour les patients. Souhaitant
se diriger vers une dimension plus psychoémotion-
nelle de l’humain, elle s’est formée au décodage des
mémoires prénatales, auprès du Dr Claude Imbert.
Elle a enrichi cet enseignement d’autres forma-
tions comme la PNL, l’hypnose ericksonienne et
les constellations familiales et a fini par accom-
pagner à son tour de nombreuses personnes à la
rencontre d’elles-mêmes. Au cours de ses années
de praticienne et de formatrice, elle développera sa
propre technique, inspirée par l’expérience de ter-
rain : la sophro-analyse des mémoires prénatales, de
la naissance et de l’enfance. Le principe qui émer-
PHOTO : TRIFF / SHUTTERSTOCK
manière profonde et radicale, tout en respectant le
rythme et les possibilités de chacun. Car qui mieux
que notre âme peut nous connaître et nous guider ?
L’âme aux commandes
Le principe d’une sophro-analyse est de se laisser
guider par les messages que l’on reçoit de ce qui
serait « notre âme », « mais qui peut très bien
être votre Soi ou votre sagesse intérieure – appelez
cela comme vous le souhaitez », précise Christine
Louveau, car l’essentiel est d’apprendre à écouter
et à faire confiance à ce qui se révèle et se ressent
intérieurement. Pour cela, le thérapeute nous
conduit dans une forme de relaxation, qui n’est pas
de l’hypnose, et nous apprend à ouvrir une sorte de
canal de réception d’informations. Pour chacun,

gera et qui en fera sa spécialité, c’est l’intervention
de l’âme elle-même, au service de l’exploration de
souffrances répétitives, guidant le cheminant vers
son évolution et sa libération. Aujourd’hui, de
nombreux thérapeutes formés par Christine Lou-
veau utilisent cette méthode singulière, qui serait
cela prendra des circuits différents – une voix
intérieure, des images, des sons ou des sensations
corporelles – , le but étant de se familiariser avec
la technique pour ensuite, avec le thérapeute, aller
à la rencontre de ce qui doit être exploré, libéré,
ressoudé. « L’âme va à l’essentiel, elle va nous ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 95

 THÉRAPIE
L’ÂME
du thérapeute
Comment travaille le sophro-analyste, qu’est-ce
qui le guide lui-même dans l’accompagnement
qu’il mène, son âme est-elle aussi présente ?
« Avant de devenir thérapeutes, nous avons
nous-mêmes fait un parcours, ce qui fait que
nous sommes guidés par quelque chose à
l’intérieur, une sorte d’intuition ; lorsque notre
cœur est ouvert, nous sommes nous-mêmes
reliés et nous écoutons la parole du cheminant
dans un état qui pourrait s’approcher de la
méditation. Nous sommes dans une écoute
particulière et nous aussi, nous pouvons avoir
e er e ti n que l n nfirme ave le lient
On propose notre ressenti. Est-ce notre propre
âme qui nous guide ? En tout cas, c’est une
forme de reliance au sens large. »
Anath Yaïsh, sophro-analyste formée par
Christine Louveau.
96 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

L’accès à ces vécus nous permet
de changer notre vision, mais
aussi l’énergie à laquelle nous
nous sommes accrochés.

✦✦ ✦ permettre de retourner à des moments difficiles
de nos vies où nous avons mis en place des croyances
et des stratégies de survie très limitantes qui ont été
utiles à l'époque où nous les avons vécus (embryon,
enfant…), puis qui se sont renforcées et sont devenues
obsolètes à l’âge adulte, jouant même contre nous »,
explique Christine Louveau. Pour changer ces
croyances, il faut revenir dessus et heureusement,
cela peut se faire de manière allégée, car il ne
s’agit pas de revivre le trauma aux mêmes degrés.
Nous allons pouvoir prendre conscience de la
manière dont nous avons interprété une situation.
Puisque notre âme nous connaît parfaitement,
elle nous fait avancer à notre rythme, détermine
les étapes de guérison, nous permettant d’intégrer
les informations suivant le degré d’intensité des
empreintes. « Imaginons que j’ai vécu une tentative
d’avortement en tant qu’embryon ; je peux ne pas être
prête à revivre cela, un moment tellement intense de
terreur, de désespoir et de dévalorisation. Mon âme
me connaît et sait qu’émotionnellement, je n’en ai
pas encore les capacités. Elle va alors me conduire à
d’autres étapes, dans un parcours sur mesure. Celles-ci
me permettront de libérer d’autres poids, de lâcher des
croyances inutiles et d’élargir mon champ de conscience
en ouvrant mon cœur. Forte de ces nouvelles ressources,
mon âme m’amènera alors, en sécurité, à vivre une
séance où j’ai failli mourir, avec les atouts nécessaires
pour la transformer », précise la thérapeute. Le
voyage que nous allons faire va nous ramener à
notre vie embryonnaire, à notre petite enfance,
mais aussi à des vies « passées », à des informations
concernant nos parents… tout ce que notre « âme »
a emmagasiné et qui a créé de l’émotionnel, des
mécanismes de survie et des nœuds de douleurs.
La mise en conscience
Nous allons ainsi porter à la conscience tout un
pan de notre construction et exprimer, autant
par oral qu’émotionnellement, des « poches »
de colère, de haine, de souffrance… qui, tant
qu’elles ne sont pas libérées, ont tendance à se
  donne accès immédiatement à ce qui s’est passé à
L’essentiel est de croire
qu’il y a une lumière
quelque part, même si
on en ignore l’origine.

retourner contre nous. Notre âme va également
nous donner des informations sur ce que nous
PHOTOS : Y4691 - TRIFF - RANDY KOSTICHKA / SHUTTERSTOCK
ne connaissions pas et permettre de comprendre
des épisodes de notre histoire : « J’ai retrouvé
que, lorsque j’étais fœtus, j’ai reçu un coup que j’ai
interprété comme une tentative de me tuer. J’en ai
développé une hyper vigilance et, à l’âge adulte,
j’ai continué à souffrir d’insomnie, de méfiance de
l’autre… En sophro-analyse, mon âme est revenue
sur ce moment. Soulagée, j’ai retrouvé le sommeil et
pu créer des liens de confiance », raconte Sylvie, une
cliente de Christine Louveau.
Parce que notre âme est connectée à tout « le
champ expérientiel », tout le champ connais-
sant – comme les mémoires akashiques –, elle nous
l’époque, dans nos vies, mais aussi dans la vie de À
LIRE
nos parents ou grands-parents. « J’ai vu une scène
terrible entre mon père et sa mère lorsqu’il était petit,
un trauma incestueux dont je ne suis pas sûr qu’il
ait lui-même gardé le souvenir, mais ça m’a permis
de mieux comprendre son attitude avec moi, sa rigi-
dité… et j’ai aussi vu la vie qu’il aurait eue sans cet
épisode. J’ai beaucoup pleuré sur cette histoire ratée,
mais ça m’a aussi fait avancer », témoigne Antoine,
en sophro-analyse depuis un an. L’accès à ces vécus
nous permet de changer notre vision, mais aussi
La sophro-
analyse des
mémoires
prénatales
l’énergie à laquelle nous nous sommes accrochés,
Christine
et nos stratégies de vie deviennent différentes, ins- Louveau
tantanément. « Nous interrogeons le client pour faire Éd. Grancher,
émerger ses croyances et les stratégies – celles de l’em- 2017, 24 €
bryon, de l’enfant que le client était – et le thérapeute
va prendre le relais sur ce qu’il y a à comprendre.
C’est très factuel et très rationnel », analyse Karine
Hury, sophro-analyste et formatrice.
Ainsi, nous allons comprendre comment notre
personnalité s’est construite, au sens de la persona
de Jung, comment nous avons finalement joué des
rôles différents, créé des masques, pour arrêter de
souffrir, pour nous protéger ou encore tenter de
nous faire aimer. ✦✦ ✦
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 97
 THÉRAPIE

La notion d’empreinte
Notre âme va particulièrement insister sur ce
qui s’est passé dans cette vie-ci, parce que c’est là
qu’énergétiquement nous sommes le plus concer-
nés, le plus actuel. Mais, de temps en temps, notre
âme nous expose une vie du passé, dans un but
pédagogique. Par exemple, cela peut nous montrer
que nous répétons un schéma sur plusieurs vies et
qu’il serait temps d’en tirer les enseignements. Ou
encore mettre en lumière ce que nous pensons être
une injustice, afin de considérer une relation sous un
autre angle, ou changer notre ressenti vis-à-vis d’une
situation. « Par exemple, vous vivez un accouchement
au cours duquel vous souffrez et vous nourrissez de la
rage contre votre mère en trouvant injuste de com-
mencer votre vie dans ces conditions… Votre âme vous
emmène à l’origine et vous montre que, dans une autre
vie, c’est vous qui n’avez pas été tendre avec elle… C’est
un apprentissage. Finalement, nous ne sommes pas des
oies blanches et cela fait partie d’un processus d’évo-
lution », précise Christine Louveau. Ce nouveau
regard permet de dépasser la notion de victime,
mais aussi de comprendre ce qu’est le vrai pardon, Christine Louveau appelle également la nécessité
celui que l’on doit se faire à soi-même sous peine de guérir l’enfant intérieur. Ainsi, nous pouvons
de ne jamais dépasser la culpabilité que l’on peut récupérer des qualités que nous avons, ces ombres
ressentir. « J’ai été un vrai tyran dans une autre vie et, transmutées en lumière et que nous ne pourrions
en y revenant, j’ai aussi compris pourquoi, quel petit pas atteindre sans cette prise de conscience.
garçon maltraité avait été ce tyran… Cela m’a per-
mis d’avoir enfin un rapport sain avec le pouvoir que
je fuyais jusqu’alors et qui me faisait horreur. Même La découverte de soi
au-delà de cela, j’ai maintenant plus de charisme dans Parfois, nous avançons de manière paradoxale, nos
mon activité professionnelle parce que ce n’est plus une désirs et la réalité de nos vies étant en contradiction.
honte pour moi et que je peux utiliser ma puissance Nous pouvons être dans une confusion alimentée
au service de la vie », raconte Thierry, ancien client par des forces contraires qui agissent en nous et dont
de Christine Louveau. Ces empreintes seraient des nous ne comprenons pas l’origine. Notre âme ainsi
« bouts de nous enclavés dans le temps », qui n’ont « aux commandes » en sophro-analyse, permet de
pas la notion de ce qui se passe ensuite et conti- démêler les fils complexes qui nous constituent.
nuent à souffrir. Pour les soulager et nous permettre « Nous ne savons pas vraiment qui nous sommes,
d’avancer, il faut réinstaller une vision du futur et, parce que nous avons installé des voiles de croyances et
finalement, sécuriser notre présent. C’est ce que d’émotions qui nous cachent notre nature spirituelle.
Nous sommes tous des êtres lumineux qui avons ver-
 rouillé notre lumière. La retrouver devient une quête de
l’amour de soi qui passe par l’acceptation de nos expé-
riences pour grandir. En acceptant profondément notre
humanité, nous pouvons alors aimer toute l’humanité
Nous ne savons pas vraiment parce qu’elle est comme nous – moi c’est l’autre », ana-
qui nous sommes, lyse Christine Louveau. Ce que nous pouvons faire
dans ce cheminement, c’est nous remplir de l’amour
parce que nous avons qui nous a manqué, reconnaître que les difficultés
installé des voiles rencontrées n’étaient pas « contre nous », mais dans
de croyances et d’émotions. une perspective pédagogique, et apprendre à nous
aimer comme nous sommes. Pour Christine Lou-
veau, l’âme n’a pas de notion de temps. Elle « voit »

 tout à 360 degrés et cela lui permet de nous aider

98 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 et nous envoyer les expériences dont nous avons
besoin. C’est souvent en vivant l’expérience soi-
même que l’on peut comprendre ce que l’on a pu
faire vivre à quelqu’un. La Terre serait une école où
nous apprendrions de vie en vie, souvent avec des
répétitions, l’ouverture du cœur et des consciences,
dans le but de se rapprocher d’une sagesse et d’un
amour universels. La sophro-analyse permet de
mieux comprendre notre chemin, pourquoi nous
avons choisi ces parents-là, et d’accepter nos his-
toires de vies, pour avancer. D’ailleurs, Christine
Louveau conseille d’approfondir ce travail en faisant
une constellation familiale, ce qui permet de mettre
en lumière d’autres traumas transgénérationnels.
Le lien spirituel
La question qui se pose est celle du rapport à la spi-
ritualité. Les personnes qui viennent consulter pour
une sophro-analyse ont-elles un chemin spirituel
déjà engagé ou croient-elles en l’existence de l’âme ?
Christine Louveau répond qu’environ 40 % de ses
clients n’ont pas ces croyances-là, mais acceptent la
PHOTOS : WIDEONET / SHUTTERSTOCK - SDP
notion d’une sagesse intérieure, ou d’un « moi » qui
serait mieux informé. L’essentiel est de croire qu’il
y a une lumière quelque part, même si on en ignore
l’origine, de savoir que nous pouvons tendre à plus
aimant, plus lumineux, plus fluide, dans nos vies et
dans le monde. « Je ne sais toujours pas si les vies anté-
rieures que j’ai vues en séance ont eu lieu ou pas, mais
pour moi c’est comme si cela faisait partie de ma légende
personnelle, et je sais qu’à un niveau inconscient cela
fait du sens pour moi de recoller ces morceaux. Comme
les rêves ont un sens pour notre inconscient, ces histoires
veulent dire quelque chose. Les retrouver, avec leurs
émotions, est libérateur », raconte Antoine. « La ques-
tion du vrai ne se pose pas puisque chacun va avoir sa
propre vérité. Ce qui ne ment pas, c’est votre corps, votre
ressenti et le sens que ça prend pour vous. Au fur et à
mesure des séances, apparaît un sens plus global d’avoir
vécu tout cela. Apprenant alors ce que vous êtes venu
dépasser dans cette incarnation, vous vous rassemblez au
fur et à mesure et vous allez construire votre trame, celle
du sens de l’existence », explique Karine Hury. Cette
méthode est fondée sur le ressenti et non sur le men- SITE
tal. Paradoxalement, notre compréhension est meil- WEB
leure, mais émotionnellement, la libération se ferait à
Plus d'info
un autre niveau que celui de la compréhension pure
du mental. « Beaucoup de mes clients viennent me
sur Christine
Louveau :
consulter sans vraiment savoir comment cela marche. emergence-
Ils ont vu les résultats chez quelqu’un qu’ils connaissent. harmonique.fr
Comme ils vont vivre les choses de l’intérieur, ils ne les
remettent pas en question, c’est totalement naturel pour
eux. Ensuite, l’intuition se développe, la conscience
s’ouvre, le cœur aussi et l’amour de l’autre se développe.
C’est en cela que cela mène à la spiritualité », témoigne
Karine Hury. C’est aussi une forme de lâcher-prise,
en confiance, guidés par notre âme. Le but étant de
se réunifier, de transmuter nos ombres en lumière et
de ne plus faire qu’un en acceptant notre histoire, de
s’aligner et ainsi, de pouvoir exprimer notre potentiel
à son maximum pour grandir encore dans la joie, en
trouvant sa juste place. La sophro-analyse, un lien
entre la psychologie et la spiritualité ? ●
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 99
 PRATIQUE

Nos intentions
pour se prot?ger
Purifier
gr?ce aux sons
Utiliser
les plantes et
la fumigation
Faire une offrande
au g?nie du lieu

Sentir les
perturbations

ett a e
ner tique
de printemps
Notre habitat exerce sur notre santé physique comme psychique
une in uen e im rtante te ter le ertur ati n n ative m m ire
en e n ative u ta nante e t un remier a avant rer
un nett a e ner tique en r f n eur Par Catherine Maillard ILLUSTRATION : VECTOR TRADITION / SHUTTERSTOCK

T
out comme notre corps au prin-
temps, notre maison a besoin d’un
bon nettoyage énergétique ! Notre
lieu de vie exerce sur notre santé physique,
psychique et énergétique des influences
importantes. « Toutes proviennent de vos
formes de pensées, vos disputes, de l’em-
preinte de personnes qui sont passées, ou
de mémoires plus anciennes », détaille Luc
Bodin, docteur en médecine spécialisé en
énergétique. Ces situations peuvent impré-
gner l’espace, les murs, de façon positive ou
négative. Or la maison, notre foyer, a pour
vocation première d’être un lieu de ressour-
cement. Il est ainsi possible de détecter et
de corriger les perturbations. Relevant de la
géobiologie (failles, cours d’eau, courants
telluriques), d’un travail en profondeur sur
les mémoires ou sur des entités, certaines
nécessitent le recours à un profession-
nel. D’autres perturbations « peuvent être
corrigées par soi-même grâce à quelques
techniques simples et efficaces, avec
comme principale intention d’amener des
énergies de joie, d’amour et de vitalité »,
assure Joëlle Chautems, géobiologue, dro-
guiste-herboriste. ●

100 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 entir le
perturbations
Notre lieu d’habitation est un véritable
écosystème, dont l’équilibre est en per-
pétuel mouvement. L’harmoniser per-
met de maintenir une structure éner-
gétique favorable à notre bien-être.
Certains signes peuvent vous alerter
sur un besoin de nettoyage ; les détec-
ter est un premier pas. La présence de
basses énergies dans un lieu entraîne
des états de fatigue et le sentiment de
ne jamais récupérer complètement, les
nuits sont perturbées. Si, à l’extérieur,
maintenir une vibration élevée est par-
fois difficile, chez soi, c’est une décision
qui nous appartient.
Comment s’y mettre ?
Établir un diagnostic énergétique de votre
lieu est nécessaire. Posez-vous la question
en conscience. Comment vous sentez-vous
quand vous rentrez ? Joyeux, enveloppé
d’une énergie chaleureuse, en sécurité ?
Les sensations peuvent être subtiles, mais
facilement décelables, si on y prête atten-
tion. Certains signes sont à prendre
en compte : une certaine lourdeur,
de la fatigue, de la tristesse. Faites
la différence entre votre état intérieur
et l’atmosphère de la maison. « Certains
lieux peuvent avoir accumulé de la colère,
on peut y sentir des présences », précise le
Dr Luc Bodin. Vous pouvez aussi ressentir un
mal-être, des tensions, parfois même des
angoisses. Le fait que cela persiste est à
prendre en compte. Faites-vous confiance !
Par ailleurs, ces sensations peuvent aussi
être partagées par l’entourage. ●
urifier
grâce aux sons
« Afin de purifier un lieu, j’utilise les
tambours chamaniques », confie Joëlle
Chautems. Le lieu mémorise ce
qui est vécu à l’intérieur même
des murs, sous forme de charge ;
le son grave du tambour va
décristalliser ce qui est figé. « Il
m’arrive aussi de chanter pour un
mur, ou de lui chuchoter des mots
doux », ajoute la jeune femme. Le verbe
transporte une vibration puissante, mise
en évidence par les travaux du Dr Masaru
Emoto sur l’eau, dont les effets sont iden-
tiques sur la matière. Les carillons, avec des
sons plus aériens, scintillants, comme de
petits impulses, purifient l’atmosphère, la
sphère aérienne. Les perturbations prennent
différentes formes : « Vous pouvez ressentir
une forme d’inertie, une pesanteur, ou un
sentiment d’étouffement. » Utiliser diffé-
rents instruments permet d’intervenir sur
différentes fréquences de nettoyage.
À
LIRE
ett a e et
protection
ner tique
e er nne et
e lieu
Dr Luc Bodin
Éd. Guy Trédaniel,
2016, 18 €
anuel e
i l ie
et ma ie e
l a itat
Joëlle Chautems
Éd Favre,
2017, 17 €
Comment s’y mettre ?
Placez-vous au centre, avec votre tam-
bour, votre carillon… et déplacez-vous
dans la pièce, allez là où l’énergie
vous appelle. Inondez cet endroit de
sons. Parcourez l’espace, ouvrez les
placards, derrière les rideaux, sous
les fauteuils… Changez de pièce. « La
phase de nettoyage se fait les fenêtres
fermées, pour rassembler les énergies
négatives qui ont été libérées », recom-
mande Joëlle Chautems. Un peu comme
avec un balai. Puis, une fois votre lieu
« sonorisé », ouvrez les fenêtres en
grand, créez des courants d’air, pour
renouveler l’atmosphère. Ensuite sor-
tez un moment. Entrez avec l’intention
d’un nouveau départ. Sa proposition :
« Une fois le vide fait, réinformez avec
des intentions positives ! » Qu’est-ce
que vous vous souhaitez dans cette
maison ? Quelle énergie souhaitez-vous
cultiver : la joie, la vitalité, la pleine
entente avec votre famille ? Inscrivez-
les sur des post-its, ou encadrez des
phrases positives. ●
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 101
 PRATIQUE
Faire
une ffran e
au nie u lieu
« Le génie du lieu habite la maison
depuis sa création. Il s’agit d’une forme
de conscience, un esprit qui se teinte des
événements qui se sont succédées au fil
du temps », définit Joëlle Chautems. Les
traditions anciennes recommandent de
créer une collaboration avec lui pour s’as-
surer d’une protection et de bonnes ondes
dans la maison. L’offrande est la pratique
la plus utilisée et la plus appréciée. Elle
repose sur l’intention d’inclure la pré-
sence du génie du lieu dans la vie de la
maison, les repas, les célébrations. C’est
également un signe de gratitude pour sa
présence bienveillante et joyeuse.
Pour commencer
Ouvrez un espace spécifique pour la ren-
contre. Vous pouvez prendre du temps
pour faire une prière, une méditation, ou
toute autre pratique qui permet un retour
sur soi, un lâcher-prise. Une fois entré en
contact, posez vos intentions, comme avoir
une vie agréable dans ce lieu, ressentir de
la joie… Et en retour, demandez-lui aussi
de quoi il a besoin. « Renouvelez cette pra-
tique régulièrement. Au fur et à mesure,
vous pourrez sentir une présence, et avoir
un dialogue qui s’établit… », assure la
thérapeute. En guise d’offrandes, Joëlle
Chautems préconise le petit panier dans
un endroit qui est dédié au génie du
lieu, avec des fruits secs, des quartiers
de pomme, des cailloux qu’on a ramas-
sés en nature, une création… « Ce n’est
pas tant ce qu’on y met que l’intention
avec laquelle on le fait », rappelle-t-elle.
L’important est de lui rendre grâce. ●
102 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019
Utiliser
le lante et
la fumi ati n
De tout temps, les plantes ont été au
cœur des rituels de purification. Sauges,
armoises, absinthes dispensent leur pré-
cieuse fumée en abondance pour net-
toyer. « La médecine purificatrice de la
plante réside dans la fumée, c’est à la
fois un bactéricide puissant et un purifiant
énergétique », explique Joëlle Chautems.
La fumigation opère une dispersion des
énergies négatives et un nettoyage du
lieu. Son observation : « La sauge blanche
est intéressante, elle fume plus que l’offi-
cinale. » Pour rester local, d’autres plantes
jouent ce rôle, comme le thym, le romarin,
le cèdre, le genévrier.
Nos intentions
pour se protéger
« Sur le plan énergétique, tout fonctionne
avec la demande, selon la loi de la réso-
nance », explique Luc Bodin. En clair, deux
énergies de même fréquence s’attirent. La
physique quantique confirme ce principe
selon lequel nos pensées attirent vers
nous des événements de même nature
qu’elles. D’où l’importance d’identifier
nos besoins et de formuler clairement
notre intention. La technique du « mur
de lumière » repose sur cet axiome. Pour
créer un mur énergétique chargé de puri-
fier un lieu, il est nécessaire de deman-
der à l’énergie. « Ce n’est pas nous qui
agissons, mais l’univers à travers nous »,
rappelle notre expert. Selon les croyances
de chacun, la demande est adressée aux
guides, à l’Univers, au divin, peu importe.
Comment s’y mettre ?
Pratiquez-le comme un rituel, où vous
allez invoquer l’esprit de la plante et son
génie médicinal. Ce procédé repose sur
une fumigation importante ; attention aux
détecteurs à incendie, déconnectez-les.
Rendez-vous disponible et choisissez un
moment où vous êtes seul(e) dans la mai-
son ; éloignez également les animaux.
Le rituel est déconseillé aux femmes
enceintes. Rassemblez votre matériel, la
plante de votre choix, des charbons ronds,
un récipient qui supporte la chaleur. Dans la
pratique religieuse, ce procédé se fait avec
un encensoir, dans la pratique chamanique
avec un coquillage, un abalone. « Placez-
vous au centre de la pièce, appelez l’éner-
gie de la plante par son nom, et procédez
en 4 étapes », détaille la géobiologue. Par
exemple, je demande à l’esprit de la sauge
de : 1. M’accompagner dans le processus de
purification. 2. Libérer. 3. Mettre de la clarté.
4. Remercier. Le processus repose à la fois
sur la libération des charges et la refor-
mulation positive. Après avoir enfumé la
totalité de la maison, laissez agir, sortez.
Revenez une heure après et ouvrez les
fenêtres, pour renouveler l’air. ●
Comment s’y mettre ?
Formulez clairement votre demande,
avant de vous placer dos contre le mur de
la pièce, à son extrémité et d’étendre les
bras de chaque côté du corps. « Visualisez
que vous êtes à l’intérieur d’un mur de
lumière qui s’étend du sol jusqu’au pla-
fond et qui relie les deux murs latéraux »,
détaille le Dr Bodin. Et demandez menta-
lement que ce mur absorbe les énergies
nuisibles perturbatrices ou négatives dans
la pièce. Puis avancez lentement jusqu’au
ILLUSTRATION : VECTOR TRADITION / SHUTTERSTOCK
mur opposé, en balayant tout l’espace sur
votre passage. Le plus important est de
rester concentré sur votre demande. Une
fois arrivé de l’autre côté, demandez à
ce que tout ce qui a été « ramassé » soit
envoyé à l’Univers et transmuté positive-
ment. Une fois le processus achevé, vous
pouvez vérifier que la pièce devient plus
lumineuse ; il y a une douceur, comme si
on y respirait mieux. ●
 « Les Maasaï m’ont appris que la Terre,
l’Univers, tout ce qui nous environne est sacré
dans le sens où il s’agit d’un immense champ
d’énergie qui nous permet de communier, de
partager et d’être en relation avec l’ensemble
de la Création… »
Xavier Péron
27 − Megel empere nkishu
in amu ilngojin
ia 40 − Kinter olem
i pook odaï pee kint
14 − Ake eboroshi ilkumok olengeno oki

dakule 6 − Mme kw
aï ten etita to
oy u ene Nk ki bara
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1 − Merr

Ne te sers pas de ta lance

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VISION D’AVENIR
CLÉ D’UNE SÉRÉNITÉ COLLECTIVE
Au regard des conflits actuels
sur le plan mondial ou personnel,
la paix prend des allures de
lointaine utopie. Fervente
militante pour le maintien de la
paix par l’ONU et la résolution
de conflits, Amandine Roche
choisit le chemin de la paix
intérieure, voie véritable pour un
changement durable.
Par Catherine Maillard
104 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019
Vous êtes spécialiste des droits de l’homme
et vous avez exercé auprès des Nations
unies et de la Commission européenne pour
le maintien de la paix jusqu’en 2016. En
quoi cela consiste-t-il exactement ?
À la fin de chaque conflit, l’ONU signe des accords
de paix avec les parties en jeu. Se pose alors la ques-
tion du régime à instaurer après une dictature ou
une guerre. Mon rôle pendant 15 ans, dans ce grand
dessein de processus de paix et de démocratisation,
est d’éduquer la population au civisme, à la non-vio-
lence, à la compréhension des lois, des droits et des
devoirs en tant que citoyen et d’encourager par voie
de communication la population à aller voter. 
 D’où vous vient ce désir de contribuer à la
paix dans le monde ?
Différents moments clés ont jalonné ce chemin,
dès mon enfance. À 12 ans, je rends visite à ma
famille en Pologne, qui vit sous le régime commu-
niste. Une prise de conscience qui orientera mes
études pour la défense des droits de l’homme. À
18 ans, à la fac de droit, le dalaï-lama donne une
conférence sur la violation des droits de l’homme
au Tibet et la résistance non violente du peuple
tibétain. Une révélation ! À 23 ans, je pars à Dha-
ramsala pour l’interviewer ; je découvre l’exis-
tence du plus jeune prisonnier politique, Gedhun
Choekyi Nyima, six ans, arrêté par les autorités
chinoises. Je rêve de rejoindre les Nations unies
pour ramener le dalaï-lama au Tibet. 
Vos déclics sur ce chemin de la paix
extérieure, vers le véritable pouvoir de la
paix intérieure ?
Détenue par les talibans, puis échangée à la fron-
tière pakistanaise, j’ai dû fuir l’Afghanistan avant
les bombardements américains, en septembre
2001. Je suis alors sommée de laisser une petite
fille afghane à la frontière, un profond déchire-
ment. Face à ce constat d’impuissance, après deux
années à œuvrer pour la démocratie en Afghanis-
tan, et après la prise d’otages de mes collègues,
je rentre en France, traumatisée. À Marseille, je
commence l’écriture d’un livre. Mes visites quoti-
diennes auprès d’un guérisseur ayurvédique m’ont
fait prendre conscience d’un élément essentiel : je
souffrais de stress post-traumatique, j’étais en état
de choc. Je ne pouvais pas continuer ainsi, à tout
prendre sur moi.
Je suis partie à Dharamsala, où enseignait le
dalaï-lama, pour suivre ses cours. Il a prononcé
cette phrase qui a changé ma vie : « Vous ne pou-
vez pas apporter la paix extérieure si vous n’êtes pas
en paix intérieurement. » Ça a ébranlé toutes mes
fondations. Sur le terrain, je voyais bien que mal-
gré tous nos efforts conjugués, il n’y avait pas de
changement durable. Ça devait passer par l’inté-
rieur. Commence alors une quête d’authenticité,
ILLUSTRATION : ANINATA / SHUTTERSTOCK - PHOTO : DR
avec moi-même.
Vous dites que nous avons tous un terreau
fertile que représente la paix intérieure.
C’est-à-dire ?
Il y a un endroit, en chacun de nous, où réside la
paix intérieure. Au plus profond de soi, c’est ce
lieu de calme, de sérénité, là où siège notre âme,
universelle, lumineuse, avec lequel nous devons
nous connecter. Pour y accéder, il nous faut des
clés et une forte motivation/détermination. Nous
Amandine Roche
Avocate française des droits de l’homme auprès
des Nations unies et de la Commission européenne,
Amandine Roche est également journaliste, écrivaine,
et photographe. Elle suit les enseignements du dalaï-
lama, d’Amma et d’Arnaud Desjardins et devient
prof de yoga et de méditation. Elle crée en 2011 la
fondation Amanuddin, pour promouvoir la culture de
la paix et de la non-violence auprès de la population
afghane, et anime des retraites dans le monde entier.
naissons libres et en paix. Nous sommes des êtres
de paix… en potentiel. Au cours de mes nom-
breux voyages en zone de conflit, j’ai pu observer
la prédominance de l’ego comme principal obs-
tacle à cet état. Einstein en parlait déjà : la tête
devrait être au service de son maître, le cœur, et
le voyage le plus long est celui du retour de la tête
au cœur.
Le traitement des syndromes post-
traumatiques est central dans vos
programmes. Cela ferait-il partie des
mesures d’urgence, pour un changement
durable ?
Le trauma est au cœur de l’humanitaire. C’est le
cas des réfugiés, bien sûr. Les ONG cherchent
avant tout à leur donner un toit et des soins, mais
à l’intérieur ils sont fracassés, en délabrement. La
santé mentale devrait être une priorité, au sein éga-
lement des équipes humanitaires. Il a fallu moi-
même que je guérisse de tous les traumatismes
vécus. Si j’ai choisi d’aider les femmes réfugiées,
c’est aussi sans doute parce que ce sont les plus
vulnérables et donc les plus réceptives. Il n’y a plus
la résistance de l’ego, il n’y a plus de façade… De
leur statut de victimes et de butin de guerre, elles
deviennent alors des ambassadrices de la paix. La
vulnérabilité est une clé d’accès privilégiée à l’âme.
Ce qui est difficile dans nos sociétés actuelles,
c’est la force d’inertie des conditionnements, des
masques, des barrières et des boucliers…
Pourquoi sommes-nous aussi concernés
par l’urgence de traiter ce stress post-
traumatique ?
Lors d’une conférence, une femme chef d’en-
treprise est venue me solliciter pour enseigner
ces outils de paix intérieure aux salariés. ✦✦ ✦
PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 105
VISION D’AVENIR

✦✦ ✦ J’ai pris conscience que en toi, et elle irradiera autour de

ce que j’avais mis en place pour toi. » La paix est contagieuse, c’est
des humanitaires sur les lignes de avant tout un niveau de fréquence,
front pouvait s’appliquer à d’autres qui touche les personnes autour de
situations. Au sein des entreprises vous, avec un effet de résonance.
aussi, c’est le champ de bataille, avec
une pression énorme, des échéances et Quelle est votre vision, pour que
des objectifs couplés à un manque l’être humain soit une terre
de sens. À la différence des fertile pour les
humanitaires, nombre graines de paix ?
de salariés n’ont pas le L’introspection est au
sentiment de contri- cœur du processus de
buer à un monde meil- paix. Vivre en paix,
leur, qui viendrait com- c’est être conscient
penser le stress. Forte an- de sa respiration, ses
xiété et pensées suicidaires peuvent émerger face à pensées ses sensations, ses émotions… Identifiez
l’absence de solutions. Au final, une souffrance est qui en vous réagit, qui est blessé, quelles sont les
une souffrance. Peu importe que ce soit dans un parts d’ombre qui vous animent à votre insu. Qui
pays en guerre, au sein d’une entreprise ou d’une prend les commandes ? Personne ne nous enseigne
famille, les symptômes du trauma sont les mêmes.  notre mode de fonctionnement et l’on cherche, de
ce fait, les réponses à l’extérieur.
Vous avez créé un programme appelé Inner Comme le disait Ella Maillart : « Chacun doit
Peace Keeping. Quels sont sa philosophie prendre son bâton de pèlerin et partir à la décou-
et ses outils ? verte de soi-même. » Personne d’autre que vous ne
La philosophie repose sur la préexistence de la paix pourra faire ce chemin ; il ne sera sans doute pas
à l’intérieur de soi. À partir de cette conscience aisé, mais il est fascinant. Pour avoir fait le tour du
qu’elle existe, il est possible de faire le choix de lamonde, je peux dire que le plus beau des voyages
contacter et de la maintenir durablement. De ma- est bel et bien intérieur.
nière symbolique, nous pouvons considérer la paix
comme un lac, et l’ego comme les vagues. À nous Vous faites preuve d’une profonde foi dans
de choisir si nous souhaitons mettre notre inten- l’avènement de la paix. Comment
tion sur le lac qui est au fond de nous-mêmes, ou l’expliquez-vous ?
sur l’ego dans notre tête. Il y a différentes façons Je suis optimiste, notre état actuel appelle im-
de trouver le chemin et différents outils : la médi- périeusement une situation de paix. C’est le
tation, le yoga, le qi gong, la respiration, le silence, cœur même de notre processus d’évolution et
tenir un journal… Je souhaiterais préciser que ces de transformation intérieure qui est en marche.
pratiques ne visent pas à Notre puissant désir de
faire disparaître l’ego, qui paix provient de la situa-
a son rôle à jouer, mais de tion chaotique actuelle.
le remettre à sa place, qui Si chacun fait Transformons ce chaos
n’est pas le leadership… en terreau fertile pour
mais bien le service au sa part de travail faire émerger les graines
« maître cœur ».
Le reflet extérieur de la intérieur, alors de paix. Comme le dit si
bien Thich Nhat Hanh :
ILLUSTRATION : ANINATA / SHUTTERSTOCK

situation actuelle n’est

que celui de notre conflit
la paix adviendra. « Pas de boue, pas de lo-
tus. » Porter cet éclairage
intérieur. Notre société ac- va nous aider à soutenir
tuelle a misé sur l’accumu- notre profond élan de
lation des richesses extérieures, plus que celles inté- paix, avec moins de colère perturbatrice. Je fais
rieures. Nous sommes tous responsables du monde ma part, selon la parabole du colibri, et si chacun
dans lequel nous vivons. Le dalaï-lama disait : « Si fait sa part, on éteindra le feu. Si chacun fait sa
tu veux contribuer à la paix dans le monde, mets-là part de travail intérieur, alors la paix adviendra. ●

106 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

S'émerveiller

La beauté
des choses existe dans
l’esprit DE
celui qui les
contemple
DAVID HUME
Plus près des étoiles

On compterait de nombreux
témoignages de militaires et des
preuves physiques sans équivoque.
 Alerte au-dessus des
CENTRALES
D’un côté les ovnis, objets volants dont on ne connaît ni la nature ni l’origine, de l’autre la
technologie nucléaire, capable d’éradiquer toute vie sur Terre en un funeste souffle. Si le
lien entre les deux ne semble pas évident, on dénombre pourtant, depuis la fin
de la Seconde Guerre mondiale, un nombre impressionnant de survols, par ces engins,
de centrales civiles et militaires. Enquête sur un phénomène stupéfiant.
Par Aurélie Aimé

Le 24 juin 1947, État de Washington,
le pilote civil Kenneth Arnold survole
les Rocheuses. C’est alors qu’il aper-
çoit neuf objets étranges en forme de
disques, volant à toute allure. Grâce à
deux sommets de montagne, il par-
vient à estimer leur vitesse : environ
2 800 kilomètres/heure ! Un chiffre bien
PHOTO : MONTAGE PHOTO D’APRÈS 2 IMAGES SHUTTERSTOCK - TTSTUDIO - IGORZH
de nombreux témoignages de militaires
et des preuves physiques sans équi-
voque… Pour autant, la corrélation
entre ovnis et nucléaire est-elle avérée ?
Bombe nucléaire
et premiers ovnis
Jean-Jacques Velasco est une figure
incontournable du sujet ovni en France.
Il a dirigé le Gepan (Groupe d'étude
des phénomènes aérospatiaux non
identifiés, créé en 1977) organisme
officiel, de 1981 à 2004. Il souligne
que « la puissance totale dégagée [par les
explosions nucléaires, NDLR] a été de

supérieur aux capacités des aéronefs de
l’époque. Quatre jours plus tard, dans
le Nevada, un pilote de chasse aperçoit
six objets discoïdaux, qui le suivent et le
dépassent à vive allure. Le Pentagone est
alerté. Suite à ces événements, le nombre
de survols d’ovnis sera croissant et leur
nature de plus en plus inquiétante. En
effet, certains d’entre eux semblent
se concentrer sur des sites militaires
nucléaires. L’Amérique est en ébullition :
s’agit-il d’une arme secrète russe ou alle-
mande ? D’un phénomène naturel ? Ou
bien d’aéronefs exogènes ? Étonnam-
ment, le sujet est très largement docu-
menté depuis 70 ans : outre les centaines
de documents déclassifiés, on compterait
La technologie atomique a été mise au
point aux États-Unis en pleine Seconde
Guerre mondiale. En 1942, l’ingénieur et
conseiller scientifique du président Roo-
sevelt, Vannevar Bush (qui jouera aussi un
rôle prépondérant dans l’étude des ovnis)
annonce au président la faisabilité de la
bombe atomique. Un vaste programme
ultra-secret est lancé : le projet Manhat-
tan. Dès juillet 1945, la première bombe
expérimentale explose dans le désert du
Nouveau-Mexique. En août, deux autres
sont lancées, pulvérisant Hiroshima et
Nagasaki, au Japon. Cet événement
marquera la fin de la guerre. Mais aussi
les prémices de la guerre froide, durant
laquelle un arsenal massif est développé.
440 mégatonnes (la puissance des deux
bombes sur Hiroshima et Nagasaki fut de
15 et 21 kilotonnes) […]. Au plus fort des
essais dans l’atmosphère, dans les années
1961 à 1963, on enregistra jusqu’à une
explosion tous les trois jours ! »
La première vague
C’est aux États-Unis, aujourd’hui
deuxième détenteur d’armes nucléaires
après la Russie et seul État à avoir
utilisé l’arme nucléaire en temps de
guerre – que se serait concentré le plus
grand nombre de « visites ». En effet,
entre juin et juillet 1947, soit deux ans
après l’explosion de la première ✦✦ ✦

PRINTEMPS 2019  N°42  Inexploré 109

 Plus près des étoiles
Plusieurs groupes
d’étude secrets
sont constitués
afin de mettre
en lumière
le phénomène.
✦✦ ✦ bombe, une vague d’ovnis
s’abat sur l’ouest du pays. Nagib Kary,
responsable du média Ovnis-Direct,
collecte et étudie les faits relatifs aux
ovnis et à la phénoménologie, et s’in-
téresse particulièrement au rapport
avec le nucléaire. D’après lui, « entre
1947 et 1952, on dénombre 37 obser-
vations d’ovnis au-dessus des périmètres
du complexe d’Oak Ridge et de la base
de Clarksville, hauts lieux de la recherche
nucléaire. Le centre d’essai de fusées de
White Sands et les complexes de Kirtland
et Sandia, au Nouveau-Mexique, sont à
cette époque le théâtre de remarquables
observations d’ovnis, si bien que les hauts
responsables militaires américains com-
mencent à tirer la sonnette d’alarme ».
Plusieurs groupes d’étude secrets sont
constitués afin de mettre
À en lumière le phénomène.
LIRE
Le 23 septembre 1947, le
général Nathan Farragut
Twining indique, à propos
des diverses occurrences,
que « le phénomène signalé
est quelque chose de réel et
Troubles non visionnaire ou fictif. Il y
dans le ciel a des objets se rapprochant de
Jean-Jacques
Velasco
la forme d’un disque, dont
Éd. Presses certains apparaissent plats en
du Châtelet, dessous et en forme de dôme
2007, 26 € au-dessus. Ces objets sont
aussi grands que des appareils construits
par l’homme, ont une surface métallique
ou réfléchissant la lumière, montrent des
rapidités d’ascension et de manœuvrabilité
extrêmes sans son associé et entreprennent
des actions qui doivent être considérées
comme d’échappement lorsqu’ils sont
110 Inexploré - N°42  PRINTEMPS 2019
contactés par des appareils ou un radar ».
Des capacités technologiques dont ni
les Soviétiques ni les Américains ne
disposaient à cette époque, ni même
aujourd’hui.
Puis en décembre 1948, d’étranges
« météores » survolent les bases d’Hol-
loman AFB (Air Force Base) et de Kirt-
land AFB, qui abritent des laboratoires
voués à la recherche nucléaire. D’après
de nombreux experts dont Nagib Kary,
on commence alors à suspecter une
corrélation entre nucléaire et ovnis :
« Un groupe de réflexion travaillant dans
l’ombre, composé de scientifiques de haut
niveau, dirigé par le Dr Vannevar Bush,
publie un rapport top-secret en décembre
1948, intitulé “Analysis of Flying Objects
Incidents in the US”, dans lequel il fera
l’hypothèse que les apparitions d’ovnis sont
provoquées par les essais nucléaires. »
Des ovnis qui inter-
fèrent avec le matériel
Au-delà de témoignages visuels, poten-
tiellement soumis à des variables, cer-
tains objets volants auraient eu un
impact sur le fonctionnement des
centrales. Le 27 septembre 2010, une
conférence de presse, retranscrite en
direct sur la chaîne CNN, est organi-
sée par Robert Hastings, un enquêteur
américain. Depuis 1973, il a inter-
viewé plus de 120 membres du per-
sonnel militaire, anciens ou retraités,
témoins d’ovnis sur des sites de missiles
nucléaires, des aires de stockage et des
sites d’essais d’armes nucléaires.
Lors de cet événement exceptionnel,
sept vétérans ont partagé leur récit
à visage découvert. Robert Hastings
explique qu’en mars 1967, sur la base
aérienne de Malstrom (Montana), « des
ovnis ont plané au-dessus de deux groupes
de missiles nucléaires, lors de deux inci-
dents à huit jours d’intervalle. Trois des
quatre officiers de lancement qui étaient
sur place ont confirmé publiquement
que les incidents ont bien eu lieu ». À
l’époque, le capitaine Robert Salas
était officier de lancement, le capitaine
Robert Jamison, officier de ciblage de
missiles nucléaires. Voici ce qu’a rap-
porté le capitaine Salas, appuyé par
son ex-confrère : « Nos missiles se sont
mis à entrer dans ce qu’on appelle un état
“No-Go” ou non lançable… Ils avaient
été mis hors-service, tandis que cet objet
stationnait toujours au-dessus de notre
site, de notre base de contrôle de lance-
ment. […] Nous avions aussi des voyants
de sécurité allumés, ce qui signifiait des
incursions de sécurité sur certaines des
bases de lancement. »
Un autre cas surprenant est celui de
l’Hudson River, qui a fait l’objet d’un
livre : Ovnis sur l’Hudson River(1). Entre
1983 et 1985, une vague d’ovnis touche
plusieurs États au nord de la ville de
New York. Plusieurs milliers de témoins
décrivent un ovni gigantesque d’un,
voire deux kilomètres de long ! L’une
de ces apparitions a lieu au-dessus de
la centrale civile d’Indian Point. Onze
gardiens du site auraient été témoins du
survol d’un objet faisant du sur-place à
moins de 300 mètres d’altitude. L’un
d’eux dira que « lorsque l’objet s’est appro-
ché de la barrière et du réacteur numéro
trois, le système de sécurité de la centrale
nucléaire a cessé de fonctionner. Les détec-
teurs de mouvement se sont éteints et tout
le système est tombé en panne. Au niveau
des écrans de contrôle, l’ordinateur qui gère
tous les systèmes de sécurité et de communi-
cation s’est éteint ». Le lendemain, le chef
des agents de sécurité leur a annoncé
que rien ne s’était passé, et que l’événe-
ment devait être oublié.
Opacité gouvernemen-
tale et témoins tardifs
Le sujet ovni a suscité l’intérêt du gou-
vernement américain dès les premières
observations, bien qu’il ait parfois
affirmé le contraire. Dès 1947, l’USAF
met en place une commission chargée
d’étudier le phénomène. Ainsi naît le
projet Sign, remplacé par Grudge puis
face à la recrudescence des observa-
tions, naît le projet Blue Book, dirigé par
Edward Ruppelt.
Ce dernier, parallèlement à l’étude des
cas rapportés, contacte secrètement un
organisme de recherche. Jean-Jacques
Velasco explique que le rapport ✦✦ ✦
PHOTO : SHUTTERSTOCK - LIGHTRAIN

PRINTEMPS 2019  N°42  Inexploré 111

 Plus près des étoiles

Certains objets
volants auraient eu
un impact sur
le fonctionnement
des centrales.

✦✦ ✦ qui en découle, de l’institut Bat-

telle, « recense sur un plan statistique les
différents cas d’observations aux États-Unis.
Il est extraordinaire et confirme l’existence
d’une catégorie de phénomènes non iden-
tifiés. Un travail exceptionnel de locali-
sation spatiotemporelle a été effectué, qui
met en avant le fait que la plupart des cas
de catégorie D [non identifiés, NDLR] se
positionnaient au-dessus des centres straté-
giques et nucléaires américains ». Près de
20 % des phénomènes aériens inconnus
observés depuis le territoire américain
le seraient près de sites stratégiques.
Pourtant, lorsque Blue Book est dissout
en 1969, on peut lire dans sa conclu-
sion : « Aucune preuve n’a été soumise à
l’Air Force, ni découverte par elle, que des
observations entrant dans la catégorie “non
identifiés” démontrent des capacités techno-
logiques ou des principes qui dépasseraient
nos connaissances scientifiques actuelles. »
Face à la désinformation ambiante, il faut
attendre le processus de déclassification
du FOIA (Freedom of Information Act),
amendé en 1974, pour que les langues
se délient. Cette loi exige que le gouver-
nement américain ouvre une partie de
ses dossiers à ceux qui auraient vu passer
des informations à propos d’incidents
ainsi que d’activités classées. Plus de
1 500 documents de l’USAF, du FBI et
de la CIA sont rendus publics.
PHOTO : SHUTTERSTOCK - SERGEY NIVENS

Ovnis en France
Outre les États-Unis, il existerait des
rapports fiables faisant état du sur-
vol de centrales dans d’autres pays
nucléarisés : Russie, Inde, Pakistan,
Royaume-Uni... et France.

112 Inexploré - N°42  PRINTEMPS 2019

La plus grande vague d’observations
dans l’Hexagone (tous types de sur-
vols confondus) s’est produite durant
l’année 1954. Jean-Jacques Velasco
explique que « la plupart des 4 000 bri-
gades de gendarmerie avaient un livret
pour recueillir les témoignages. Ceux
qu’elles nous ont confiés remontaient aux
années 1950. Grâce aux statisticiens,
nous avons créé une base de données avec
une préclassification : catégorie A pour les
objets parfaitement identifiés, B pour les
éléments pratiquement identifiables pour
lesquels il manquait des informations, C
pour les phénomènes qui ne pouvaient
pas être vérifiés faute d’informations suf-
fisantes, puis D, les phénomènes aérospa-
tiaux non identifiés ». Entre septembre
et décembre 1954, 120 témoignages
ont été enregistrés par la Gendarmerie
nationale, dont près de 40 % de caté-
gorie D. Rappelons que la décision
d’utiliser le nucléaire à des fins mili-
taires sera prise par la France en 1954
et que l’année suivante est marquée
par la mise en service des premiers
sous-marins français porteurs de mis-
siles balistiques.
Plus récemment, 2014 et 2015 en
France correspondent à une vague de
survols sans précédent des centrales
nucléaires par des engins a priori non
identifiés. D’octobre 2014 à février
2015, 17 des 19 sites nucléaires ont
ainsi été survolés de nuit, en toute
impunité. Un directeur national
d’EDF les qualifiera, sur une chaîne de
télévision, d’« engins volants non identi-
fiés », tandis que le directeur de la cen-
trale du Blayais (Gironde) a déclaré :
« Ici, on n’a pas vu de drone, on a vu un
ovni. » Greenpeace, habitué des survols
pour des opérations de communication
déclarera : « Nous sommes très inquiets
de la survenue et de la répétition de ces
survols suspects sans qu’aucune réponse
sur leur origine ne soit fournie ni par
EDF ni par les forces de l’ordre. Car
les sites nucléaires sont vulnérables, tout
particulièrement par les voies aériennes. »
Pascal Fechner est l’actuel directeur du
Mufon France, le plus ancien orga-
nisme privé indépendant de recherche
sur le phénomène ovni. Il explique que gnages affirmant que
« plusieurs sites ont été survolés de façon ces survols étaient le fait À
LIRE
concomitante. On a parlé de drones, sauf d’ovnis. » Il confirme
qu’il n’y a aucune explication officielle d’autre part un mes-
quant à la concomitance de ces survols, sage souvent relayé par
qui nécessitaient des moyens techniques ses patients : « Dans le
très importants et une prise de risque discours des abductés, la
avérée ». question du nucléaire
est souvent prise dans les (1) Ovnis sur
messages d’avertissement l’Hudson River
Nature et intention écologiques. Ce n’est pas D J. Allen Hynek
r
des ovnis seulement le nucléaire et Philip J.
Imbrogno
Si peu de doutes subsistent quant aux qui est pointé, mais la Éd. Trajectoire,
survols répétés de centrales nucléaires, destruction de toute vie 2011, 22,30 €
quelle intention peut-on y lire  ? sur notre planète, par
Puisqu’aucun incident découlant de tous les moyens que nous
ces incursions n’a été déclaré à ce jour, avons créés pour cela. »
malgré la supériorité technologique Certains témoignages
des engins, il n’y aurait donc pas de évoquent même l’idée
volonté de nuire. Et si, au contraire, que certains essais
ils souhaitaient nous prévenir, ou nous nucléaires perturbe-
protéger des dangers du nucléaire ? raient l’ensemble de Les ovnis
C’est la théorie de Robert Hastings : l’Univers. On pourrait et le nucléaire
« Une possibilité serait que les ovnis, s’ils y lire une invitation à Daniel Harran
Éd. Le Temps
sont pilotés par des aliens, sont utilisés voir « plus loin », à sor- présent, 2017,
pour interférer, ici et là, avec les armes tir de l’illusion de notre 21,50 €
nucléaires américaines, peut-être pour omniscience, comme
transmettre le message que les humains le suggère Nagib Kary : « Les corréla-
“jouent avec le feu” et que, par la simple tions entre les ovnis, l’atome, l’écologie et
présence du nucléaire, nous mettons en la conscience, qui est primordiale dans
péril l’avenir de l’humanité. Une guerre l’étude de ce phénomène, sont à mon sens
nucléaire à grande échelle serait catastro- aujourd’hui quasiment évidentes. L’atti-
phique pour la civilisation et l’intégrité tude de l’être humain suite à la décou-
de la planète, à cause des radiations. » verte de l’atome est identique à celle d’un
Les intelligences à l’œuvre auraient- enfant qui vient de déballer son cadeau
elles une conscience écologique ? Pour de Noël. Et c’est selon moi à ce moment
Nicolas Dumont, psychologue cli- que nous avons été mis sous surveillance
nicien et psychothérapeute transper- très accrue, car nous risquons non seule-
sonnel qui est intervenu auprès d’une ment de causer des dégâts irréversibles sur
centaine de personnes victimes d’ab- notre belle planète, mais également dans
duction [des rencontres avec des enti- les galaxies, voire même sur les dimen-
tés non humaines en états modifiés de sions qui nous entourent. » ●
conscience, NDLR], cela ne fait aucun
doute : « L’année du survol des centrales
nucléaires par les fameux “drones”, une
abductée avait reçu deux mois avant BONUS DÉCOUVREZ
Web les confidences
le message par ses “visiteurs” qu’une surprenantes
action serait faite autour des centrales de Robert Hastings et
pour éveiller l’attention civile au fait Nicolas Dumont sur
d’arrêter le nucléaire maintenant. S’en le lien entre ovnis et
est suivi le survol de toutes les centrales centrales nucléaires :
par des “drones”, action qui n’a jamais www.inrees.com/bonus/332
à ma connaissance été revendiquée...
Par contre, on a de nombreux témoi-
PRINTEMPS 2019  N°42  Inexploré 113
 Chemin Glastonbury Tor
GLASTONBURY TOR
La porte sur
la colline
Colline sur laquelle se dresse une tour solitaire,
Glastonbury Tor est un lieu chargé d’histoires, des plus
singulières aux plus funestes. Porte vers le Graal, tombe,
lieu sacré, elle est encore aujourd’hui visitée par
les adeptes du nouveau celtisme. Par Melanie Chereau
S
ituée dans le comté du Somerset en An-
gleterre, Glastonbury Tor (tor signifiant
colline en celte) est considérée comme
le lieu le plus sacré du pays. En effet,
des vestiges sont retrouvés depuis la Préhis-
toire jusqu’au Moyen Âge sur ce monticule aux
pierres ferreuses. Une source intarissable coulant
114 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019
dans la plaine, autrefois marécageuse, est gorgée
de fer et recouvre les pierres, les rendant quasi-
ment incassables. En soi, ce phénomène naturel
datant de millions d’années est déjà étonnant,
faisant de cet endroit un espace empreint d’une
énergie particulière.
Les premiers vestiges
retrouvés datent
du Néolithique
et montrent que cette colline était déjà habitée
à la préhistoire. Ensuite, des restes d’un village
voisin semblent indiquer qu’à l’âge de fer, les
lieux l’étaient toujours et comportaient une île
au centre d’un marécage. Cela rappelle la lé-
gende arthurienne d’Avalon, qui raconte qu’une
île aux fées – les prêtresses d’Avalon – se trouvait
au milieu d’un marécage et qu’elle n’était acces-
sible qu’aux initiés.
Une première église médiévale a été construite,
puis détruite par un séisme en 1275. Une se-
conde église a été montée sur les ruines de la
précédente, aux environs de 1360, puis est de-
venue un lieu d’exécution vers 1539. N’en reste
que la tour Saint-Michel, aujourd’hui monu-
ment historique.
Le Tor est associé à la légende d’Avalon depuis
que deux tombes ont été retrouvées en 1191,
selon l’auteur Gérard de Galles. Il s’agirait d’Ar-
thur et Guenièvre, mis en terre devant l’entrée
de la mystérieuse île, d’où viendraient la mère
d’Arthur ainsi que sa sœur Morgane, toutes
deux initiées comme prêtresses. L’île, dirigée par
Viviane, aurait également été de nombreuses
fois visitée par Merlin l’enchanteur.
Enfin, au XIXe siècle, Glastonbury Tor est consi-
dérée, lors d’un renouveau celtique, comme la
porte menant aux enfers du dieu Gwynn ap
Nudd, littéralement Lord des enfers. Aujourd’hui
encore vénérée comme un endroit sacré par les
adeptes du celtisme, cette colline inspire l’idée
d’un passage d’un monde à un autre, gardienne
de secrets et menant peut-être au Graal. ●
PHOTO : TWYMANPHOTO / SHUTTERSTOCK
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Médiumnité et
transmission
Marylène Coulombe est une médium
qui a décidé de transmettre son savoir et ses techniques
pour que nous puissions tous entrer en contact
avec l’au-delà. Par Melanie Chereau
L
À orsqu’elle est enfant, Marylène perçoit
LIRE constamment des messages intuitifs sur
ce qui va se passer. Des prémonitions
constantes sur la vie courante : des amis
qui viennent ou pas, ses notes à l’école, des dates
d’examen... Plein de petites informations viennent
à elle et elle s’y habitue. À douze ans, elle vit ce
Pour qu’elle s’expliquera plus tard comme étant une
communiquer montée de kundalini. « À partir de ce moment-là,
avec ses défunts j’ai pris conscience que j’étais différente, même si je
Oracle de cartes n’en ai parlé à personne. » C’est un premier palier
et livret
Éd. Québec-Livres, vers des perceptions encore plus fines. Elle va lire
2018, 15 € les livres d’Allan Kardec, qui vont l’aider à s’infor-
mer sur ses capacités. Mais ensuite, elle referme
temporairement la porte : « Pendant mes trois gros-
sesses j’ai mis de côté tout cela parce que je ne voulais
pas influencer la petite âme qui s’en venait au monde,
mais je l’ai fait de manière intuitive et inconsciente. »
116 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019

À partir de ce
moment-là, j’ai pris
conscience que j’étais
différente, même
si je n’en ai parlé à
personne.

Ce n’est donc qu’à l’âge de vingt-six ans, après
avoir eu trois enfants, qu’elle s’ouvre de nouveau
à ses perceptions. Tout d’abord en tirant les cartes,
support à son intuition et aux messages qu’elle
reçoit. « Au cours d’une séance, j’ai vu et entendu
une personne décédée et je sentais une odeur de feu…
C’était un ancien pompier qui était mort dans un in-
cendie. » À partir de là, les défunts ont commencé à
venir la voir : « Ma lumière dans le monde subtil s’est
ouverte et tous les défunts à la recherche des médiums
se sont présentés ! »
Pendant vingt-cinq ans, elle sera consultante
pour les particuliers. Avec le tarot, elle déduit ce
qu’elle appelle des probabilités « parce qu’on reste
maître de son destin », précise-t-elle. Avec ses dons
de médium, elle donne aux consultants des mes-
sages de leurs défunts. Très connue au Canada, elle
décide ensuite de transmettre son savoir. Elle va
aider ceux qui ont des dons et des capacités pour
qu’ils en prennent conscience et les développent,
mais aussi ceux qui n’en n’ont pas, en donnant
des outils simples. « Même si on vient au monde
avec ces capacités et qu’elles ne se transmettent pas,
on peut travailler son intuition et son ouverture de
cœur pour recevoir des messages », explique-t-elle. En
conférence ou au travers de ses livres, elle enseigne
comment percevoir une présence ou lire des signes
envoyés par nos défunts ou notre ange : « Cela peut
être un frisson, une odeur, un papillon qui passe, voir
11h11 ou 22h22 sur l’horloge… Ensuite, il faut tra-
vailler l’intuition, car au moment où le signe arrive,
on peut écouter : la réponse de qui est là va monter à
l’intérieur de nous. C’est dans le canal intuitif et tout
le monde peut le développer. »
Pour Marylène, chaque individu a un ange gardien
qui l’accompagne toute sa vie. C’est ce qu’elle a
perçu au fur et à mesure des séances : « Je m’en suis
rendu compte parce que les défunts ne transmettent
pas ce genre de messages, sur l’avenir, sur les chemins
de vie, etc. » Elle s’ouvre encore plus à ces enseigne-
ments transmis par les anges et aujourd’hui, grâce
PHOTO : DR
à eux, peut nous offrir des conseils pour les « en-
tendre » à notre tour. ●
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Les trésors
DE GISORS
Sous le château de Gisors, en Normandie,
existerait une chapelle souterraine cachant l'un des trésors
des Templiers. C’est ce qu’affirmait un jardinier juste
après la guerre. Pourtant, après de nombreuses fouilles,
le mystère reste entier… Par Melanie Chereau
L
’ordre médiéval des Templiers est connu
notamment pour avoir été immensé-
ment riche, mais aussi pour les légendes
qui entourent ses chevaliers. Auraient-ils
découvert un trésor à Jérusalem, ou encore le vrai
tombeau du Christ ? Arrêtés en 1307 par le jaloux
Philippe le Bel, ils auraient emporté, pour ceux
ayant réussi à fuir, leurs secrets, mais aussi leur tré-
sor. Le château de Gisors en Normandie hébergea
des membres de cet ordre, mais fut aussi leur pri-
son, comme en attestent les gravures retrouvées en
son cœur. Les Templiers y auraient-ils fait escale en
fuyant vers l’Angleterre ?
Un jardinier du nom de Roger Lhomoy en était
convaincu. Embauché en 1929, il passa plus de
quinze ans à faire des fouilles sous le château. Or,
après la guerre, il annonce aux services de la mairie
avoir fait une découverte incroyable au fond d’un
puits qu’il a creusé dans le donjon. Une chapelle,
comprenant 19 sarcophages de pierre de deux
118 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019
mètres de long et trente coffres de métal précieux,
serait construite sous le château ! Les autorités se
rendent sur place et découvrent un trou gigantesque
dans lequel il semble très périlleux de descendre. Le
capitaine des pompiers jette une pierre qui fera re-
tentir un écho… Une chapelle s’y trouverait-elle ?
Personne n’ose descendre, le maire ordonne que l’on
rebouche le tout, et le jardinier est licencié.
Dans les années 1960, le
journaliste Gérard de Sède
s’empare de cette histoire
et écrit Les Templiers sont parmi nous, un best-sel-
À
LIRE
ler qui passionne le public à tel point que le mi-
nistre André Malraux est convaincu que Gisors
cache bien un trésor. Il ordonne des fouilles tout
d’abord à une équipe d’archéologues, qui revient
bredouille. Puis il envoie l’armée, plus efficace
selon lui. Le rapport remis sera extrêmement suc-
cinct et abscons, concluant qu’il n’existe pas de
chapelle cachée.
PHOTO : CLAUDIO GIOVANNI COLOMBO / SHUTTERSTOCK
Inexploré
Hors-série N°7, Le jardinier Roger Lhomoy aurait-il tout inventé,
novembre 2018, mais dans quel but ? On le savait proche de Pierre
9,90 € Plantard, fondateur du Prieuré de Sion. Cette as-
sociation, issue d’une confrérie qui aurait été liée
aux Templiers, avait pour but de cacher la descen-
dance qu’auraient eue Jésus et Marie-Madeleine
et qui serait le vrai Graal. Pierre Plantard s’in-
téressait fort à Gisors et aurait montré les plans
d’une chapelle souterraine à Roger Lhomoy.
Alors, affabulation ou réalité ? Il faudrait relancer
des fouilles pour le savoir… ●
 Un voyage à la rencontre
de ces FEMMES EXCEPTIONNELLES
qui soignent à partir de dons.
« Les femmes que j’ai invitées dans
ces pages et qui ont accepté mon
invitation sont des servantes de la
vie, des guérisseuses d’âme et de
corps, des bienfaitrices qui réveillent
notre désir de faire en sorte que la
volonté de préserver, de protéger, de
réparer l’emporte sur la volonté de
détruire. Nous détruire.

Notre espèce se suicide mais, dans

le même temps, des femmes se
penchent sur les plaies de nos âmes.
La vie pendant que nous l’insultons,
plus déterminée que jamais peut-
être, travaille à sa perpétuation et à
notre éveil. Un éveil spirituel. »

15 x 22 cm
312 pages
19,90 €

JEAN-PHILIPPE DE TONNAC

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 Une histoire Michel Vaujour

Le bandit
S A U V É PA R L ’ A M O U R
C’est l’histoire vraie d’un homme qu’une blessure d’enfance entraînera dans les méandres
de la délinquance. Entre cavales, braquages et évasions répétées, il passera 27 ans en prison.
L’amour et la découverte du yoga lui permettront de refaire surface. Par Aurélie Aimé

L
’histoire chaotique de Michel Vaujour
commence à quatre ans. Victime d’un
père violent, il vit un traumatisme fon-
dateur : « Mes parents m’embarquèrent
à Reims voir ma tante Germaine, comme ils le
faisaient parfois. Si ce n’est que cette fois-ci, ils re-
partirent en me laissant derrière eux. » Quelques
années plus tard, un second abandon le heurte de
plein fouet : sa tante bien-aimée décède. Il doit
retourner chez ses parents.
À 19 ans, il est incarcéré pour la première fois.
À l’époque, il « emprunte » parfois des voitures,
pour aller danser avec sa compagne… Un matin,
la police sonne à la porte. Le jeune homme écope
de 30 mois de prison et cinq ans d’interdiction
de séjour dans le lieu du méfait. Une sentence
lourde, qu’il vit comme une terrible injustice.
Après plusieurs années difficiles en prison, il est
libéré. Mais pas pour longtemps : pris en train de
conduire sans permis, il est à nouveau emprison- Un amour tel qu’elle tentera de l’aider à s’évader,
né. « J’étais comme un animal dont la captivité lui ce qui lui coûtera de nouveau plusieurs années À
était insupportable ; la cage n’est pas sa place, comme en prison. LIRE
la prison n’était pas la mienne. M’évader ! Là était Après un an en isolement total, désespéré,
la solution. » Cette évasion sera la première d’une l’homme met un plan à exécution pour en sor-
longue série, entrecoupée de délits de plus en plus tir. Il veut se faire passer pour fou et pour cela se
graves, jusqu’à des braquages de banques. douche, se nourrit de moins en moins. « Je restais
sans manger quoi que ce soit durant des jours […]
Au cours d’une de ses J’appliquais une technique de yoga qui me permet-
tait d’absorber un maximum d’énergie à partir des
incarcérations, rations minuscules que j’avalais. » Il obtient gain L’amour m’a
sauvé du
il découvre le yoga. de cause et retourne en détention normale. Dans naufrage
l’espoir de pouvoir un jour offrir un quotidien Michel
C’est une révélation : « Cette technique finit par à Jamila, il décide alors de ne plus envisager la Vaujour
XO Éditions, 2018,
me faire glisser dans des états de conscience très dif- moindre évasion. « Elle emplissait mon existence 21,90 €
férents de tout ce que j’avais pu connaître aupara- d’une lumière que rien ne pouvait atteindre. »
vant. » La pratique sera un soutien permanent Michel Vaujour, véritable légende dans le mi-
dans les moments difficiles. lieu du grand banditisme, aura fait plus d’une
L’année 1990 marque un tournant. Il reçoit une fois la une des journaux. Condamné douze
lettre : Jamila, une étudiante en droit veut l’inter- fois, il s’évadera cinq fois, dont une en héli-
roger sur le régime d’isolement total. Ainsi naît coptère. L’homme passa la majeure partie de sa
une correspondance, formelle, puis de plus en vie à se mettre hors la loi pour reconquérir sa
plus personnelle, jusqu’à ce que l’amour naisse. liberté, dont la réponse sera l’amour. ●

120 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

Livres 3 questions à
VÉRONIQUE DESJARDINS
Épouser
son maître
Le chemin spirituel est souvent long et difficile,
mais il est d’autant plus singulier lorsque l’on devient
la compagne de son maître. Véronique Desjardins raconte
son histoire sans détour. Par Melanie Chereau
À Ce livre est d’une grande honnêteté, vous
LIRE vous y livrez sincèrement. Pourquoi avoir
écrit un tel ouvrage ?
En fait, l’idée s’est imposée assez vite quand j’ai
entamé une démarche auprès d’Arnaud Desjar-
dins, à l’âge de 21 ans. J’étais passionnée par la
voie spirituelle sur laquelle j’étais engagée. La voie
de Swâmi Prajnânpad – le maître d’Arnaud – re-
joint chaque élève tel qu’il est, au cœur même
Dans l’intime
d’un chemin des circonstances de sa vie. C’est au cours d’en-
Éd. Le Relié, tretiens en tête à tête que l’élève est écouté puis
2018, 18 € amené à voir clair en lui-même, les situations de
sa vie quotidienne étant le point d’appui de cette
démarche de connaissance de soi.
Dans ce livre, j’ai voulu montrer comment un
maître guide une élève pas à pas. Je n’avais donc
pas d’autre choix, si je voulais que ce récit soit
vivant et incarné, que de rentrer dans certains dé-
tails intimes de ma vie de jeune femme. En par-
tageant les difficultés très concrètes auxquelles je
me suis heurtée, j’ai beaucoup pensé à ceux qui
sont engagés sur une voie, qui peuvent sentir que
122 Inexploré - N°42 - PRINTEMPS 2019

Tu perdras ton mari,
mais tu ne perdras pas
ton maître.

le chemin est ingrat et laborieux et donc se dé-
courager. J’espère que ce livre rejoindra certains
lecteurs en les incitant à ne rien nier de leur part
d’ombre et de leurs faiblesses et à les intégrer dans
leur parcours spirituel.
Lorsque vous racontez les débuts de votre
relation intime avec Arnaud Desjardins,
vous ne parlez pas d’amour, mais de
proposition et d’acceptation. Est-ce pour
montrer le côté spirituel du chemin fait
ensemble ?
L’amour est au cœur de la relation maître à dis-
ciple, un amour inconditionnel de la part du
maître, mais plus fluctuant du côté de l’élève,
car entaché d’attentes, de peurs et de projections.
L’amour du maître est l’ingrédient essentiel qui
permet à la confiance de s’instaurer sur le long
terme. L’élève se sent alors en sécurité, quelles que
soient les crises qu’il traverse.
Cela dit, c’est dans le cadre d’une relation spiri-
tuelle installée depuis 13 ans que notre relation
intime s’est inscrite. Ce n’était pas un amour au
sens ordinaire du terme, fondé sur le coup de
foudre ou la passion, mais un amour profond,
en lien direct avec la voie. L’existence d’Arnaud
étant vouée au service d’autrui, il était clair, d’em-
blée, que si je devenais sa compagne, j’allais de-
voir du même coup embrasser ce à quoi il consa-
crait sa vie. Cela incluait les moments heureux
que peuvent connaître deux compagnons, mais
les situait dans un ensemble plus vaste, qui avait
toujours la priorité. Arnaud avait des centaines
d’élèves et mon rôle était d’être à ses côtés dans sa
fonction de maître.
Vous dites que votre relation avec Arnaud
continue après la mort. Qu’est-ce que cela
i nifie
Arnaud et moi avions une grande différence
d’âge, il était donc vraisemblable qu’il partirait
avant moi. Arnaud m’a dit, un jour : « Tu perdras
ton mari, mais tu ne perdras pas ton maître. » Sa
mort m’a plongée dans une crise intense, mais j’ai
découvert qu’il guidait cette traversée. Cela n’a
rien de mystérieux : grâce à lui, j’avais des outils
pour faire face à des temps difficiles. Je me suis
PHOTO : ROGER FAGIN
appuyée, jour après jour, sur ce qu’il nous avait
transmis, en acceptant les remous que sa mort
suscitait en moi. Un maître reste ainsi vivant dans
le cœur de ceux qui l’ont connu. ●
 Livres Notre sélection

Carole Sédillot et Thierry Gaufillet

Jung, explorateur de
l’esprit
Voici un ouvrage d’une grande origina-
lité, un nouvel accès à la vie et l’œuvre
de Carl G. Jung, par le biais de nom-
breuses illustrations en plus de textes clairs et très bien
documentés. On y retrouve les éléments principaux de
sa recherche, ainsi que ses élaborations théoriques
comme les archétypes, l’anima-animus, l’inconscient,
les rêves… mais aussi les moments clés de sa vie.
Éd. Dervy, 2018, 27 €

Patrick Baudin
Projet Home
Docteur en médecine, formé à la res-
piration holotropique, l’auteur nous
propose ici son parcours, mais aussi
sa méthode pour un retour à soi, une
approche holistique du soin et de ce
qu’il nomme « notre écologie intérieure ». Un vrai che-
minement pour faire le point sur sa vie, son corps et
son rapport à son environnement et, au besoin, s’initier
au changement.
Éd. Médicis, 2018, 22 €

Collectif
Généalogies et nature
du transhumanisme
Ce livre regroupe un certain nombre de
textes sociologiques, philosophiques et
scientifiques sur le thème du transhu- ROMAN
manisme, en faisant le point sur
Isalou Regen & Sabchou Rinpoché
« l’état actuel du débat ». L’occasion d’avoir une vue
d’ensemble, de bien comprendre le phénomène et les Je voulais te dire… I love you
nombreuses questions qui en découlent. Un travail très
sérieux et très pointu sur le sujet. Dans ce livre joyeux, l’auteure
Éd. Liber, 2018, 22 € cherche les clefs de l’amour en sor-
tant des stéréotypes. Aidée par un
maître tibétain, elle explique que
Lionel Coudron nous serions sans arrêt en représen-
tation, cherchant à évaluer l’autre en
Le vrai nom du fonction de ce qu’il peut nous appor-
PHOTO AMBIENCE : SHUTTERSTOCK / DAVIES ABIE

bonheur est la sérénité ter en termes de bonheur. Or cet

Médecin et professeur de yoga, l’au-
teur nous propose ici de faire le point
sur notre santé et notre rapport à la
vie. Si nous sentons que nous sommes
débordés par le stress ou les émotions, que nous avons
besoin de nous poser et de trouver un autre équilibre,
ce livre offre des pistes pratiques ainsi que des exer-
cices pour s’équilibrer et retrouver un apaisement.
Éd. Kero, 2018, 17 €
espoir serait une illusion. L’idéal se-
rait de dire « Je sais que tu n’es pas
parfait, je ne le suis pas non plus. Tu
es d’accord ? Ok, alors mettons-nous
ensemble ». Demander à notre ego
de se faire plus petit, c’est donner
un peu plus de place à l’autre dans
notre cœur. Et bien d’autres ensei-
Éd. Rabsel, 2018, 18 € gnements. Un livre réussi.

PRINTEMPS 2019 - N° 42 - Inexploré 123

 Livres Notre sélection

Docteur Florence Pousset

À la frontière du
visible et de l’invisible
Docteur en sciences et praticienne en
thérapies complémentaires, l’auteure
présente ici un ouvrage sur les liens
entre science et spiritualité, sur l’approche de l’humain
au regard des dernières découvertes en physique quan-
tique. Avec un regard scientifique et des schémas précis,
elle explique les bienfaits des médecines complémen-
taires, indispensables dans le domaine de la santé.
Auto-édition sur le site florencepousset.com, 2019, 23 €

Linda Howe
Guérir grâce aux
mémoires akashiques
Les mémoires akashiques, qui seraient
les archives énergétiques de l’âme,
peuvent être lues, et ainsi apporter
des réponses quant à nos blocages,
nos schémas répétitifs… Appréhender nos blessures et
apprendre à nous connaître en profondeur permettra
ensuite de nous ouvrir à une guérison spirituelle et à un
amour inconditionnel de soi, la guérison ultime.
Éd. Véga, 2019, 22 €

Bob Roth
La force du silence
Enseignant en méditation transcen-
dantale depuis une quarantaine d’an-
nées, l’auteur propose ici un ouvrage
de base sur cette technique, comment Sabrina Philippe
la pratiquer et pourquoi. La MT, ensei-
gnée en Inde depuis 5 000 ans, offre Et que nos âmes reviennent…
un véritable outil, efficace pour réduire le stress, apai-
À travers ce roman, la psychologue
ser l’esprit face aux difficultés de notre vie contempo-
explore avec brio et beaucoup
raine et trouver son chemin spirituel.
d’émotion plusieurs questions es-
Éd. Guy Trédaniel, 2019, 17 €
sentielles. Les rencontres ont-elles
un sens ? Même celles qui sont,
Christelle Chantreau-Béchouche d’un premier abord, si destruc-
et Morgane Carlier trices ? Les épreuves, la mort, ont-
elles des choses à nous ap-
DYS, TDAH, EIP
PHOTO AMBIENCE : USHUTTERSTOCK / DAVIES ABIE

prendre ? Au fil de ces interroga-

Enfin un guide sur toutes les terminolo-
gies tentant de répertorier les compor-
tements troublés de certains enfants,
avec les méthodes d’aide les plus efficaces et les
points faibles et forts de chacune d’entre elles. Avec
des adresses de sites web pour trouver des outils, des
techniques adaptées à chacun, ce livre aidera beau-
coup de parents et d’enseignants parfois dépassés par
ces enfants particuliers.
Éd. Josette Lyon, 2018, 22,90 €
tions, l’auteure nous donne à réflé-
chir sur l’ambiguïté des relations
qui se tissent au cours d’une vie.
Trouvent-elles leurs racines, leur
explication avant, dans d’autres
vies, antérieures ? Comment s’en
libérer le cas échéant, comprendre
la nature des liens qui semblent
survivre au temps ?
Éd. Flammarion, 2019, 18,00 €

124 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 “ Croire ne suffit pas,
nous avons besoin de comprendre. ”
Omraam Mikhaël Aïvanhov

Samuel Ganes
Mon coach Centres et corps subtils :
ayurvéda
aura, plexus solaire, centre hara, chakras...
Diplômé du prestigieux hôpi-
tal Somatheeram en Inde, ce
consultant en médecine
ayurvédique nous propose
un ouvrage très pratique
pour adopter un nouveau
mode de vie équilibré. Des
tests pour déterminer son
profil, un programme sur 5 semaines à réaliser, des
habitudes à prendre et des mémos-conseils utiles
pour tous les jours : ce livre est indispensable pour
qui s’intéresse à cette technique de mieux-être du
corps et de l’esprit.
Éd. Eyrolles, 2018, 22,90 € Collection Izvor
140 pages

Anne Lorch
Une année
au jardin Notre anatomie spirituelle
avec les micro-organismes
efficaces (EM)
Voici une pépite pour tous les
passionnés du jardinage,
mais aussi les débutants, et
même les personnes en ap-
Hrani yoga
partement. Tout ce dont on
Le sens alchimique et magique de la nutrition
peut avoir besoin pour culti-
ver intelligemment, utiliser les bienfaits de la terre et
ses micro-organismes, est détaillé ici. Un ouvrage qui
accompagne chacun, mois par mois, de manière pé-
dagogique et illustrée. Passionnant !
Éd. Le Souffle d’Or, 2018, 28,50 €

Bernadette Klein
Révélations et
confidences d’une
médium Collection Œuvres complètes
Voici un livre qui raconte le 216 pages
parcours d'une médium, de-
puis ses premières révéla-
tions jusqu'à ses consulta- Apprendre à se nourrir
tions. L'auteure nous dévoile
ici les coulisses de sa vie, la en pleine conscience
singularité d'être en commu-
nication avec l'au-delà et avec des êtres de lumière.
Une histoire passionnante, remplie d'informations
inédites. Éditions PROSVETA
Éd. Images & Découvertes, 2019, 20 €
www.prosveta.fr prosvetafrance

Benelux : www.prosveta.be – Suisse : www.prosveta.ch

 Livres Notre sélection

Catherine Davau
Grandir avec
les arbres
Et s’il était possible d’apprendre
des leçons de vie grâce aux
arbres ? C’est ce que va expéri-
menter Anastasia, jeune épilep-
tique qui suit les conseils d’un
vieux sage. Elle va se rapprocher
de douze arbres et en retirer
douze enseignements qui vont
l’accompagner dans son exis-
tence, grâce à un petit carnet où elle note ces trans-
missions particulières. Un joli conte initiatique.
Éd. Eyrolles, 2018, 13 €

Juliette Allais, Didier Goutman

Le scribe et
la princesse
Ce récit romanesque, écrit à
quatre mains, alterne les voix
d’une femme venue de l’Est, prin-
cesse échappée, fière, mysté-
rieuse et d’un homme scribe de
Rome sans doute, menant à bien
sa mission dans le désert. En-
semble, ils traverseront les
épreuves, avec courage et discer-
nement. Ils accueilleront les enseignements de la vie,
de la guerre, de la captivité. Texte très élégant et poé-
tique qui fait voyager à travers le temps, en accompa-
gnant ces deux âmes… POUR LES ENFANTS
Éd. Eyrolles, 2019, 13 € Annique Lavergne & Yves Dumont
Le deuil de mon animal de compagnie
C’est un album très malin et lu-
Collectif de scientifiques dique, pour accompagner l’enfant
La science qui a perdu un animal, en exprimant
PHOTO AMBIENCE : USHUTTERSTOCK / VADYM ANDRUSHCHENKO
ses questions, ses émotions, avec le
comment ça parent. À lire à deux, ce cahier pra-
marche ? tique aidera votre enfant à faire le
Ce mook extrêmement complet point sur la mort, sur son attache-
aborde tous les principes scien- ment à l’animal et à faire le deuil.
tifiques de base, avec de très Des pages à remplir ensemble pour
nombreuses illustrations détail- créer de beaux souvenirs à conser-
lées. Véritable mini encyclopédie des savoirs, qu’ils ver. Outil utile pour un moment par-
soient techniques, astronomiques, mécaniques, élec- fois désarmant, dont il est possible
triques, relatifs à l’humain ou à la vie, tout est expli- de mesurer l’importance grâce à ce
qué et compréhensible de manière claire. Un objet in- média illustré, puis de le dépasser
dispensable pour tous ceux qui ont besoin d’avoir un en disant au revoir paisiblement.
ouvrage compilant l’essentiel de la science.
Éd. Le Courrier du Livre, 2019, 23 € Éd. de l’Homme, collection Petit homme, 2018, 12,90 €

126 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019

 « Une approche spirituelle
pour transformer ses désirs
en réalité. »
NETWORK QUARTERLY

FOCUS BD
Claire Thomas et Jérémy Averous
Essenciel tomes 1 & 2
Deux premiers tomes d’une série qui
sera longue on l’espère, sur les es-
sentiels de la spiritualité. Karma,
âme, le soi, mais aussi la méditation,
l’ego, l’énergie, l’univers… grâce à
des situations claires et très bien dé-
taillées, à des dessins agréables, tous
ces thèmes sont abordés de manière
claire et pédagogique, humoristique
et très didactique. L’occasion de faire
Éd. Améthyste, le point sur ses connaissances de
2017-2018, 17,95 € manière très ludique.

Denis Pic Lelièvre

Jardiner bio en bandes dessinées
Tout savoir sur le sol, les plantes, le
compost, l’humus, cultiver bio et

WWW.ORINDABEN.COM
sain, etc. est expliqué et illustré
dans cet album drôle et clair. Le
b.a.-ba du jardinier écoresponsable,
mais aussi instruit sur la logique de
la nature, son fonctionnement na-
turellement intelligent et efficace,
tout pour accompagner son jardin
Mama Éditions, ou ses cultures, dans le respect de
2019, 35 € l’environnement.

Laurent Schafer
Quantix, la physique quantique et la relativité en BD
Comment s’attirer
Cette bande dessinée, aussi drôle
que claire, nous permet de com-
prendre enfin les théories scienti-
l’abondance
fiques basiques comme la physique
quantique et la relativité. Grâce à
des illustrations précises, mais aus-
de l’univers.
si un découpage historique et hu-
moristique, les théories les plus
complexes deviennent accessibles
Éd. Dunod, 2019, 18,90 € à tous. Un vrai bonheur !
 Films Notre sélection

DVD
First Man, le premier homme sur la lune
Deux ans après La La Land, le réalisateur Damien Cha-
zelle propose cette fois-ci un biopic sur Neil Armstrong
et son incroyable expédition sur la Lune. Une épopée
COULISSES DU FILM
grandiose incarnée par Ryan Gosling (Neil Arsmtrong)
et Claire Foy (Janet Armstrong), qui a la particularité
d’être tout autant axée sur cette mission d’une am-
ABC de la langue
pleur sans précédent pour l’humanité, que sur le
drame intime qui s’est joué pour les protagonistes.
des oiseaux
En DVD, 19,99 € Patrick Burensteinas, physicien de
formation, s’investit dans la vulgarisation
DOCUMENTAIRE et la transmission des sciences
traditionnelles, comme l’alchimie…
Et je choisis de vivre
Amande, une jeune femme de 30 ans vient de perdre
Qu'est-ce que la langue des oiseaux ?
son fils. Face à une douleur incommensurable, elle
C’est une langue volatile, une langue
se demande comment retrouver goût à la vie. Avec
de l'esprit, qui a servi de tout temps
des amis, parmi lesquels le réalisateur Nans, elle dé-
à transmettre des secrets auprès des
cide d’entamer un voyage initiatique à la rencontre
initiés, des alchimistes, etc. Quand les
d’hommes et de femmes porteurs de sagesses qui
troubadours du Moyen Âge avaient des
lui permettront peut-être de renouer avec l’espoir.
histoires à raconter qui devaient être
Un documentaire d’une grande délicatesse.
comprises uniquement par certains, ils
Informations sur etjechoisisdevivre.com
utilisaient plusieurs niveaux de lecture
pour partager leurs messages. De même,
DOCUMENTAIRE quand les compagnons construisaient
Earth - Un nouveau jour sur terre des cathédrales et qu’ils voulaient
Rien de tel que d’admirer la splendeur et la diversité garder des secrets de fabrication, ils les
du monde grâce aux dernières avancées technolo- tran mettaient ar ette lan ue afin e
giques. Un nouveau jour sur terre propose une immer- se faire comprendre entre eux.
sion en pleine nature, des hauts sommets de mon-
tagnes à la savane africaine, au travers des aventures À quoi ressemble cette langue ?
et des instants de grâce vécus par les animaux qui les Il faut tendre l’oreille pour découvrir
peuplent. Un documentaire exceptionnel, pour toute le sens caché des mots et du monde. Il
la famille. existe plusieurs manières d’entendre la
Sortie DVD printemps 2019 langue des oiseaux, dont le jeu de mots
qui révèle des secrets, entendez l’endroit
où ça « se crée » !

Comment expliquer
NOS COUPS DE CŒUR INREES TV son fonctionnement ?
C’est un alphabet « sacré », donc avec
une double lecture, un alphabet de
DOCUMENTAIRE DOCUMENTAIRE création, comme il est dit dans les
L'Académie Ma mère textes : au début était le Verbe... utilisé
des médiums parle aux par les dieux. De la vibration est donc
extra- née la forme. Aujourd’hui, en partant
Et si Poudlard terrestres de la forme, nous pouvons remonter
existait vraiment ?
Loin des clichés, jusqu’à la vibration et retrouver ce
The Arthur Findlay
découvrez l'en- Verbe créateur. Car toutes les lettres
College n’est pas
quête menée de tous les alphabets représentent
une école de sor-
par un fils, Chris, cherchant à com- une musique particulière, un cri dans
cellerie où se pressent de jeunes sor-
prendre pourquoi sa mère – Mary Rod- le silence... Découvrir la langue des
ciers, mais bien des apprentis médiums
well, une référence dans le milieu oiseaux, c’est ainsi remonter jusqu’au
venus du monde entier pour entraîner
ufologique australien – pense que le sens premier des choses ! ●
PHOTOS : SDP

leurs facultés extraordinaires…

contact extraterrestre est une réalité.
En ligne sur INREES TV En ligne sur INREES TV Bientôt sur INREES TV
 INREESTV
DÉCOUVREZ BEYOND
une émission animée par Stéphane Allix pour INREES TV

Les rendez-vous
incontournables
d’INREES TV...
En tête à tête et à cœur ouvert,
Stéphane Allix interviewe des
invité(e)s d’exception dont les
parcours de vie sont ponctués
d’expériences extraordinaires...

L’EXTRAORDINAIRE
au cœur de toutes nos émissions sur INREES TV

TOUTES LES INFORMATIONS SUR WWW.INREES.COM

 Le billet de Stéphane Allix
Stéphane Allix
Fondateur de l’INREES
Réel dévoilé
Le petit livre est arrivé au bureau à
la fin de l’automne dernier.
L’auteur, un certain Ali Mitchell,
m’est inconnu mais…
... son titre, Psychedelia, n’a pas manqué de capter
À mon attention.
LIRE La rencontre entre, d’une part des enseignements
ancestraux issus de différentes formes de chama-
nisme utilisant des substances psychoactives, et
d’autre part la psychologie ou les neurosciences
occidentales, offre un champ d’exploration scien-
tifique qui mobilise toute une communauté de
chercheurs – je pense notamment au psychiatre
Psychedelia Stanislav Grof, qui est l’un des pionniers en la ma-
Ali Mitchell tière, mais il y en a de nombreux autres – et c’est un
Éditions Galilée,
2018, 12 €
domaine sur lequel je garde un œil attentif.
Je suis tout de suite rassuré par l’avertissement figu-
rant en préambule de l’ouvrage. Les drogues psy-
chédéliques, rappelle l’auteur, sont d’usage interdit
et ce livre n’incite en aucun cas à leur consomma-
tion, mais veut susciter la réflexion. Cette intention
est louable, et tandis que je commence la lecture, je
me rends compte que l’exercice est réussi.
En France, les psychédéliques sont inscrits au
registre des stupéfiants et leur consommation
est interdite, mais dans d’autres pays comme le
Brésil notamment, ou les États-Unis, la consom-
130 Inexploré - N° 42 - PRINTEMPS 2019
mation de l’ayahuasca, par exemple, est légalisée
dans le cadre de certaines pratiques religieuses.
Au Pérou, l’usage traditionnel de l’ayahuasca a
même été déclaré patrimoine culturel de la na-
tion en 2008. Cette ambivalence est source de
questionnement. Un questionnement qu’explore
Ali Mitchell avec brio.
Au-delà des apports psychothérapeutiques in-
déniables proposés par les états modifiés de
conscience, la question plus philosophique de la
nature de la conscience peut être observée sous un
prisme inhabituel dès lors que l’on change les ré-
glages de nos outils perceptifs, soit par l’ingestion de
substances psychoactives, dans le cadre traditionnel
du chamanisme amazonien par exemple, soit par
l’induction de tels états au moyen de différentes
techniques psychocorporelles.
Ali Mitchell rejoint certaines hypothèses émises en
neurosciences, expliquant que l’induction d’un état
modifié de conscience ne provoque pas confusion
et hallucination, mais au contraire nous donnerait
accès à un autre angle de la réalité, imperceptible
d’ordinaire. En effet, il est aujourd’hui sérieusement
envisagé que notre cerveau, plutôt que de fabriquer
la conscience, serait à l’inverse une sorte de filtre, un
organe qui éliminerait de grandes parties de la réa-
lité pour nous permettre de n’en capter qu’une part
« utile » à notre fonctionnement social. Une réalité
par défaut. Citant Bergson et Aldous Huxley, Mit-
chell écrit ainsi que le cerveau serait davantage une
« valve de réduction » du réel, ou pour reprendre le
mot de William James, un « tamis ». « L’idée de cette
“valve” est que le cerveau ne produit pas la conscience
mais la filtre, comme un tuner, selon un objectif pra-
tique. Ce qui impliquerait enfin qu’une diminution de
l’activité cérébrale par défaut augmenterait la masse de
conscience non filtrée… Partant, le cerveau n’est plus
un “accès au monde extérieur”, mais un inhibiteur de
réel » (page 34).
Induire un état modifié de conscience augmenterait
la quantité de « réel » perçu !
« Dans notre état normal, nous ne sommes manifeste-
ment pas machinés pour voir d’autres types de réalités.
Comme on peut l’imaginer, notre réel par défaut n’est
peut-être qu’un dialecte local utilisé par quelques in-
sulaires nichés dans un multivers de topologies dispo-
nibles. Comme l’avait anticipé le philosophe américain
William James, le mode de conscience par défaut loge
parmi une myriade de modalités de consciences sépa-
DELPHINE BLAST - HANS LUCAS
rées par “le plus transparent des films” » (page 67).
La transe, les états modifiés de conscience comme
une porte d’accès à un réel d’ordinaire voilé.
La rencontre entre chamanisme, philosophie et
neurosciences est en train de nous faire changer
de paradigme.
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