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M. Manuel Goehrs
Avril 2013
Cycle De Développement
Des Compétences Des Hauts Cadres
Des Collectivités Territoriales
Section 2- Les principes du service public
ROUSSET, Michel & BENABDALLAH, Mohammed Amine, Actualités du droit administratif 2003-
2009I, Editions La Porte, Rabat, 2010, p.7-8.
Section 2- Les principes du service public
SP: « (…) activité organisée pour permettre la satisfaction d’un besoin d’intérêt général
(…) On s’accorde généralement pour estimer que le principe le plus évident, c’est celui qui doit permettre que
cette satisfaction soit assurée en tout temps et en tout lieu où ce besoin existe : c’est le principe de continuité
qui est ici concerné.
Par ailleurs, tout administré qui relève de la catégorie de personnes auxquelles le SP est destiné, doit pouvoir
bénéficier de ses prestations dans les mêmes conditions que les autres administrés: le service doit donc obéir
au principe d’égalité.
Enfin, le SP n’est pas immuable; il n’est pas une fin en soi mais une organisation destinée à la satisfaction d’un
besoin collectif qui existe à un moment donné; il est naturel que ce service puisse évoluer en fonction de
l’évolution du besoin, ou en fonction de l’évolution des techniques permettant de le satisfaire; ce sont les
diverses exigences qui sont recouvertes par le troisième principe fondamentale: le principe d’adaptation.
Il faut en outre évoquer la question de savoir si à ces trois premiers principes, il ne conviendrait pas d’en
ajouter deux autres: le principe de gratuité et le principe de neutralité (…) ».
ROUSSET, Michel, Le service public au Maroc, Editions La Porte, 2ème éd., Rabat, 2002, p. 94.
Plan
I. Le principe de continuité
II. Le principe d’adaptation
III.Le principe d’égalité
IV.Les principes de gratuité et de neutralité ; principes
complémentaires
V. D’autres principes ?
Section 2- Les principes du service public
I. Le principe de continuité
A- Un principe général du droit (PGD)
Le principe de continuité des SP repose sur le permanence de l’Etat et sur la nécessité de
répondre aux besoins d’intérêt général. Toute interruption risque d’entrainer des troubles dans
la vie de la collectivité.
I. Le principe de continuité
A- Un principe général du droit (PGD)
Le principe de continuité confère différents types de droits aux usagers du SP, notamment:
- Le droit à la prestation du service (droit à l’information, droit à la compréhension du droit et
des décisions administratives)
- Le droit à un fonctionnement régulier du service
Section 2- Les principes du service public
I- Le principe de continuité
B. Les causes de rupture du principe
- Cause naturelles (intempéries): les autorités publiques ont une obligation d’assurer le
service, sauf en cas de force majeur (tsunami); autrement la mise en œuvre du principe de
continuité nécessite souvent la coordination de différents services.
Ex: en cas d’interruption des télécommunications téléphoniques suite à d’importantes
chute de neige, les électriciens ne pourront venir réparer les pylônes endommagés que si
les routes ont été dégagées.
- Mesures sécuritaires: (plan vigi-pirate): Modifications des horaires / perturbation dans les
transports en commun.
- Grève: le droit de grève étant un droit fondamental, le principe de continuité pose la question
de la conciliation entre ces deux exigences de l’Etat de droit
Section 2- Les principes du service public
I- Le principe de continuité
C. Quelques enjeux liés au principe de continuité, exemples:
- Modalités de remboursement d’un abonnement pour un service non rendu (interruption du
SP des transports, non livraison des repas dans une cantine, etc.)
- Grève dans l’enseignement: les parents d’élève doivent-ils mettre leur activité
professionnelle entre parenthèse afin de s’occuper de leurs enfants?
- Maintien de la sécurité dans le cas d’une grève des forces de police?
- Le règlement des différends contractuels suite à la non-exécution d’un service public en cas
de rupture du principe de continuité soulève notamment la question des coûts liés au
maintien du SP dans les nouvelles conditions.
Section 2- Les principes du service public
I- Le principe de continuité
C. Quelques enjeux liés au principe de continuité (suite)
Le cas du droit de grève: « Quand l’Etat, les départements ou les communes se substituent à la
libre initiative des particuliers pour organiser un service public, c’est le plus souvent afin de
procurer à tous les habitants de la France, sur tous les points les plus reculés du territoire, la
satisfaction de besoins généraux auxquels l’initiative privée ne pouvait assurer qu’une
satisfaction incomplète et intermittente… La continuité est l’essence du service public… La grève
est en contradiction directe avec la notion même de SP ». (Commissaire du Gouvernement,
Tardieu, suite à la décision du Conseil d’Etat du 7 août 1909, arrêt Winkel).
I- Le principe de continuité
D. Le droit de grève dans la fonction publique
La grève est une cessation collective et concertée du travail destinée à appuyer des
revendications professionnelles.
Le droit de grève est reconnu aux fonctionnaires et aux agents non titulaires.
L'exercice du droit de grève est soumis à préavis, fait l'objet de certaines limitations et entraîne
des retenues sur salaires
Limitations du droit de grève dans la fonction publique
Certaines formes de grève sont interdites :
- grève tournante : cessation du travail par intermittence (ou roulement) en vue de ralentir le
travail et désorganiser le service,
- grève politique non justifiée par des motifs d'ordre professionnel,
- grève sur le tas avec occupation et blocage des locaux de travail.
Certaines catégories de personnels n'ont pas le droit de faire grève. Ce sont :
- les personnels de police,
- les membres des compagnies républicaines de sécurité (CRS),
- les magistrats judiciaires,
- les militaires,
- les personnels des services extérieurs de l'administration pénitentiaire,
- les personnels des transmissions du Ministère de l'Intérieur.
Section 2- Les principes du service public
I- Le principe de continuité
E. La question du service minimum
Bien évidemment, continuité ne signifie pas permanence : pour les usagers, continuité signifie
droit de bénéficier des prestations du service public ; pour les agents du service public, cela
signifie que même en cas de grève, ils doivent fournir un service minimum.
En France: dans les écoles maternelles et élémentaires, si l'enseignant est absent, un service
d'accueil des élèves doit être mis en place par la commune ou les services de l'Éducation
nationale. (loi du 23 juillet 2008 relatif à la mise en place d’un service minimum d’accueil dans
les écoles en période de grève).
Une telle loi porte-telle atteinte au droit de grève?
Les syndicats de travailleurs craignent que ce droit soit vidé de sa substance par l’imposition
d’une obligation de maintenir un service minimum.
Section 2- Les principes du service public
I- Le principe de continuité
F. Le règlement des contrats : la théorie de l’imprévision
La théorie de l'imprévision est issue de l'arrêt "Compagnie générale d'éclairage de Bordeaux" de
1916 (Conseil d'Etat, 30 mars 1916). Elle s’applique aux contrats administratifs essentiellement
aux contrats de concessions car ce sont des contrats de longue durée.
Les évènements affectant l’exécution du contrat doivent être
- Imprévisibles : Ce peuvent être des phénomènes naturels, des circonstances économiques
- Extérieurs aux parties;
- ils ne doivent pas être irrésistibles auquel cas on se trouve dans l'hypothèse de la force
majeure;
- Doivent bouleverser l’économie du contrat (nouvelles charges financières);
- Ces circonstances doivent être temporaires sinon on se retrouve dans le cas de la force
majeure.
Section 2- Les principes du service public
I- Le principe de continuité
F. Le règlement des contrats : la théorie de l’imprévision (suite)
Le dernier critère est « ces circonstances doivent être temporaires » sinon on se retrouve dans le cas de la
force majeure.
L’existence de ce critère est capitale pour les modalités d’exécution du contrat.
En effet (Conseil d'Etat, 9 décembre 1932, n° 89655, Compagnie de tramways de Cherbourg) :
« Considérant que, au cas où des circonstances imprévisibles ont eu pour effet de bouleverser le contrat, il
appartient au concédant de prendre les mesures nécessaires pour que le concessionnaire puisse assurer la
marche du service public dont il a la charge, et notamment de lui fournir une aide financière pour pourvoir
aux dépenses extracontractuelles afférentes à la période d'imprévision, mais que cette obligation ne peut lui
incomber que si le bouleversement du contrat présente un caractère temporaire;
que, au contraire, dans le cas où les conditions économiques nouvelles ont créé une situation définitive qui ne
permet plus au concessionnaire d'équilibrer ses dépenses avec les ressources dont il dispose, le concédant ne
saurait être tenu d'assurer aux frais des contribuables, et contrairement aux prévisions essentielles du
contrat, le fonctionnement d'un service qui a cessé d'être viable; que, dans cette hypothèse, la situation
nouvelle ainsi créée constitue un cas de force majeure et autorise à ce titre aussi bien le concessionnaire que
le concédant, à défaut d'un accord amiable sur une orientation nouvelle à l'exploitation, à demander au juge
la résiliation de la concession, avec indemnité s'il y a lieu, et en tenant compte tant des stipulations du
contrat que de toutes les circonstances de l'affaire ».
Section 2- Les principes du service public
I- Le principe de continuité
G. Les Cas de Force Majeure
La Circulaire du 20 novembre 1974 relative à l'indemnisation des titulaires de marchés publics en cas
d'accroissement imprévisible de leurs charges économiques dispose que :
1 - Les éléments constitutifs de la force majeure.
Pour admettre l'existence d'un cas de force majeure, la jurisprudence exige la réunion de trois conditions:
- le titulaire d'un marché se trouve en présence d'une difficulté matérielle imprévisible.
- celle-ci ne provient pas de son fait.
- Enfin, cette difficulté doit être d'une ampleur ou d'une nature telle qu'elle rende l'exécution des
obligations contractuelles impossible soit provisoirement, soit définitivement. Cette dernière condition
n'est pas réalisée lorsque, par suite des circonstances économiques ou sociales, l'exécution du contrat
devient seulement plus onéreuse.
2 - Conséquence de la force majeure.
Lorsque la force majeure est reconnue, le titulaire du marché peut, sans être tenu au paiement d'une
indemnité, obtenir la résiliation de son contrat. Par ailleurs, si la force majeure, sans rendre définitivement
impossible l'exécution du contrat, l'a retardée pendant un certain temps, le titulaire peut :
- prétendre à l'exonération des pénalités de retard pour la fraction du retard imputable à la force majeure ;
- et, s'il poursuit l'exécution du contrat, demander qu'il lui soit fait application de la théorie de l'imprévision
lorsque ce retard aura entraîné le bouleversement de l'économie de son contrat.
Section 2- Les principes du service public
II
Le principe de mutabilité
Section 2- Les principes du service public
ROUSSET, Michel & BENABDALLAH, Mohammed Amine, Actualités du droit administratif 2003-2009I, Editions La Porte,
Rabat, 2010, p.93.
Section 2- Les principes du service public
Principe général d’organisation de la société selon lequel les politiques publiques doivent être
définies et mises en œuvre au niveau le plus adéquat, c’est-à-dire en limitant l’action de
l’échelon supérieur aux seuls cas ou l’action de l’échelon inférieur s’avérerait inefficace, voire
contre-productive.
- Acteur central dans l’articulation des multiples niveaux de gouvernance, local, régional,
étatique et supra-étatique;
III
Le principe d’égalité
Section 2- Les principes du service public
III. Le principe d’égalité
A. L’égalité formelle et la neutralité bienveillante
Selon une conception classique s’inspirant largement de la conception unitaire « à la française », le principe
d'égalité devant le service public signifie l’application absolument identique des mêmes règles, procédures,
droits et obligations à l’ensemble des usagers du SP, indépendamment de leur situation réelle: c’est l’égalité
formelle, celle des grands principes.
Tout SP doit fonctionner de manière identique pour tous les usagers qui recevront la fourniture de
prestations identiques.
L’organe chargé de la gestion du SP n’est pas fondé à privilégier ou à défavoriser une catégorie particulière
d’usagers sur le fondement de l’appartenance religieuse, politique, philosophique, ethnique, culturelle ou
sexuelle de ses membres:
L’administration a une obligation d’impartialité et de neutralité. Ce principe a été reconnu comme un PGD
qui "régit le fonctionnement des services publics" (CE, 1951, Sté des concerts du conservatoire). Il implique
notamment l'égalité d'accès aux emplois publics, l'égalité des usagers devant le service public, l'égalité au
regard de l'impôt et des charges publiques. Il est proclamé à plusieurs reprises dans la DDHC :
art. 1er DDHC : "les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droit" ;
art. 6 DDHC : la loi "doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse. Tous les citoyens, étant égaux à ses yeux, sont
également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leurs capacités et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de
leurs talents" ;
art. 13 DDHC : "pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit
être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés".
Section 2- Les principes du service public
III. Le principe d’égalité
B. Emergence du principe de non-discrimination
Depuis les années 1980, le principe d’égalité s’est enrichi d’une composante antidiscriminatoire.
Son respect et sa mis en œuvre justifient l’introduction de mesures spécifiques à certaines
catégories, d’une plus grande différenciation dans les modalités de concrétisation des droits
attachés au SP.
Le principe d'égalité devant le service public désigne le fait que des situations identiques
doivent être traitées de la même manière. Inversement, des traitements différents peuvent être
réservés à des situations différentes.
égalité réelle ou substantielle
Section 2- Les principes du service public
La révision de 1999 a été nécessaire pour qu'eu égard aux exigences formulées par le CC, la loi
puisse édicter des mesures visant à accroître la part des femmes dans la représentation
politique (ajout à l'art. 3 C de la mention suivante : "la loi favorise l'égal accès des femmes et des
hommes aux mandats électoraux et fonctions électives") ;
La révision de 2008 déplace la mention de l'art. 3 C à l'art. 1er C et ajoute que la loi peut
favoriser l'égal accès des femmes et des hommes non seulement aux "mandats électoraux et
fonctions électives", mais aussi aux "responsabilités professionnelles et sociales". La
jurisprudence avait, en effet, considéré que la rédaction de l'art. 3 C faite par la révision de 1999
ne pouvait s'étendre ni au droit du travail (CC, 2006, Loi relative à l'égalité salariale entre les
femmes et les hommes), ni au droit de la fonction publique (CE, 2007, Lesourd).
Section 2- Les principes du service public
Au-delà des textes, la neutralité, la laïcité et l'indépendance du service public sont des impératifs
de valeur constitutionnelle. Concernant la neutralité, le CC juge que les cahiers des charges des
sociétés de télévision "doivent nécessairement se conformer aux principes fondamentaux du
service public et notamment au principe d'égalité et à son corollaire, la neutralité du service"
(CC, 1986, Liberté de communication).
Avec la nouvelle acception du principe d’égalité, permettant des distinctions entre catégories
d’usagers, on passe d’une « neutralité bienveillante » ou « neutralité passive » à une
« neutralité pluralisme » favorisant la prise en compte des intérêts réels des individus
Section 2- Les principes du service public
Fin de la section 2