Division Afrique
Division régionale Sahel et Afrique de l’Ouest
LES MUTILATION GENITALES FEMININES, SANTE ET DROITS HUMAINS
Après environ vingt ans d’efforts concertés et
d’expériences dans la lutte contre les mutilations géni-
tales féminines (MGF), beaucoup d’informations ont
été réunies, qui permettent aujourd’hui d’évaluer
l’impact des actions entreprises, de cerner leurs fai-
blesses et d’en tirer des enseignements. Les appro-
ches présentées ci-après se concentrent principale-
ment sur les interventions menées au niveau commu-
nautaire. La structure adoptée pour présenter ces ap-
proches est quelque peu artificielle, étant donné que
la plupart des programmes ont appliqué une combi-
naison de plusieurs approches. Elle permet néan-
moins d’en donner un bref aperçu.
L’approche des droits humains
Au niveau international, le débat autour des mutila-
tions génitales féminines est étroitement lié à la ques-
tion des droits de la personne humaine. Aux États-
Unis d’Amérique et dans l’Union européenne, des dis-
cussions sont actuellement en cours sur la question
de l’éligibilité au droit d’asile des femmes qui ont fui
leurs pays pour échapper aux MGF et à la violence
physique.
La Conférence internationale sur la population et le
développement (CIPD) de 1994 a beaucoup contribué
à la thématisation des droits à la santé reproductive
au niveau mondial. Aujourd’hui, les MGF sont interna-
tionalement reconnues comme une violation de droits
des femmes. La plupart des programmes de sensibili-
sation sur les MGF associent cette question à celle
des droits humains et se réfèrent aux conventions in-
ternationales dans leur argumentation. Les organisa-
tions non gouvernementales incluent le thème des
droits humains et en particulier des droits des femmes
et des enfants dans leurs programmes éducatifs. Il a
été constaté que le fait de rendre les femmes plus
conscientes de leurs droits avait pour effet de renfor-
cer leurs capacités d’action et que l’introduction de la
question des droits humains dans les cours organisés
pour les femmes ne rencontrait pas d’opposition ma-
jeure de la part des autres membres des communau-
tés, lorsque la question était traitée avec suffisam-
ment de sensibilité et d’une manière adaptée à la
culture locale et n’était qu’un élément d’un plus vaste
programme d’information sur la santé, l’hygiène et
d’autres sujets.
Bien que les arguments se référant aux droits hu-
mains puissent avoir leur place dans une argumenta-
tion plus vaste contre les MGF, ils produisent habituel-
lement peu d’effet lorsqu’ils sont utilisés de manière
isolée ou sont placés au centre du débat. Des argu-
ments paraissant pertinents dans un contexte eu-
ropéen peuvent se révéler beaucoup trop abstraits
pour bon nombre des personnes concernées, s’ils ne
sont pas adaptés à leurs réalités.
L’approche légale
Outre les pays africains, qui ont promulgué des lois in-
terdisant les MGF, les pays du monde industrialisé ont
également prohibé légalement ces pratiques. Dans la
plupart des pays européens, les MGF sont un acte
criminel passible de peine conformément aux disposi-
tions légales condamnant les blessures physiques ou
les mauvais traitements infligés à des enfants.
La promulgation de lois contre une pratique tradition-
nelle à laquelle adhèrent un grand nombre de person-
nes est très controversée. Les principaux avantages
d’une telle législation sont de fournir une plate-forme
légale officielle pour les activités des projets, d’offrir
une protection juridique aux femmes et de décourager
les exciseuses et les familles, qui craignent d’être
poursuivies. Une telle législation peut également aider
les professionnels de la santé à justifier leur engage-
ment dans la lutte contre les MGF et leur donner une
raison officielle de rejeter la médicalisation de la prati-
que ou de refuser de répondre à des demandes de
resuture après un accouchement.
D’un autre côté, les lois ne peuvent pas changer les
traditions. Les craintes de voir la pratique des MGF
reléguée à la clandestinité par la législation pénale
sont justifiées dans beaucoup de pays : avec le risque
que les victimes de complications ne se fassent pas
traiter adéquatement, par peur des sanctions.
Dans la plupart des pays africains, les lois contre les
MGF sont rarement appliquées. Il est difficile de trou-
ver un juste équilibre entre l’application des lois,
l’éducation du public et le dialogue, et le risque d’un
rejet de la part des communautés en appliquant de
telles lois est bien réel.
L’approche santé
Le recours à des professionnels de santé et autres
groupes influents pour mettre les populations en
garde contre les risques sanitaires associés aux diffé-
rentes formes de MGF est une autre approche qui a
été couramment appliquée au cours des 15 à 20 der-
nières années.
Le principal message de ces campagnes était que les
MGF sont dangereuses et qu’il faut y mettre un terme
le plus vite possible. Il était présumé que l’aspect san-
té serait une bonne entrée en matière pour aborder un
sujet aussi délicat. Dans certains pays (Égypte, So-
malie), le thème de l’infibulation était présenté essen-
tiellement comme un problème de santé, dans le sou-
ci d’exclure de la discussion ses implications religieu-
ses et culturelles.
L’emploi d’une approche simpliste, focalisée sur
l’aspect sanitaire et sur les complications pouvant en
découler, a entraîné un certain nombre de problèmes.
L’un d’eux est la médicalisation croissante des MGF
(l’intervention est pratiquée par le personnel sani-
taire). Par voie de conséquence, l’excision est deve-
nue une source de revenus supplémentaires pour les
prestataires de soins de santé et même pour le per-
sonnel non qualifié des hôpitaux.
L’argument selon lequel une forme modérée
d’excision exécutée par un personnel médi-cal bien
formé serait une option plus sûre est souvent avancé
dans les pays où les MGF sont très courantes. Dans
les pays où les MGF sont pratiquées par des commu-
nautés éduquées et/ou suffisamment nanties, la mé-
dicalisation a pris beaucoup d’extension, par exemple
chez les Kisii au Kenya. La GTZ se rallie à la position
de l’OMS qui rejète fermement toute forme de médi-
calisation.
Toute campagne contre les MGF devrait inclure des
éléments permettant une compréhension fondamen-
tale de l’anatomie génitale féminine ainsi que des
changements apportés par les différentes formes de
mutilation. Elle peut ensuite engager la discussion sur
les complications médicales à court, moyen et long
terme. La confrontation avec les conséquences médi-
cales et physiques des MGF ne devrait être qu’un
élément d’une stratégie plus vaste d’IEC (information,
Publié par Projet supra régional:
Deutsche Gesellschaft für L’abandon des mutilations génitales féminines
Technische Zusammenarbeit (GTZ) GmbH
Dag Hammarskjöld-Weg 1-5 Tel. +49(0)6196-79-1578, -1579, -1553
65760 Eschborn Fax +49(0)6196-79-7177
E-Mail kerstin.lisy@gtz.de
Web www.gtz.de/fgm
Juillet 2007
éducation, communication) traitant également des
troubles psychologiques et sexuels pouvant en décou-
ler et examinant de plus près les aspects sociaux,
économiques, culturels et historiques de la question.
Formation des agents de santé pour en
faire des agents du changement
Les agents de santé sont confrontés de diverses ma-
nières au problème des MGF :
- Eventuel dilemme entre leurs obligations profes-
sionnelles et une société traditionaliste.
- Ils jouent un rôle important dans la médicalisation
des MGF et peuvent être sollicités pour une ré-
infibulation.
- Management des complications dues aux MGF.
De graves complications sont probables dans tous
les cas de MGF, en particulier les formes les plus
radicales. Autrefois, le personnel médical est peu
formé au traitement de ces complications. Il y a
donc souvent un manque des compétences requi-
ses pour conseiller et traiter les femmes ayant subi
des MGF.
- Rôle important dans l’orientation des femmes et
des couples. Les agents de santé sont bien placés
pour conseiller les femmes souffrant de problèmes
psychologiques ou sexuels imputables aux MGF.
Ils devraient amener les femmes et leurs maris à
renoncer à la ré-infibulation après un accouche-
ment et recommander aux familles de ne pas
soumettre leurs filles aux MGF.
- Position de leaders d’opinion. Comme pour
d’autres comportements impliquant des risques
pour la santé, les agents de santé jouent un rôle
important dans toute campagne d’IEC et de chan-
gement des comportements abordant la question
des MGF. Cependant lorsqu’ils ne possèdent pas
de compétences de communication adéquates
pour une telle tâche et qu’ils sont constamment
surchargés de travail, ils ne peuvent pas consacrer
suffisamment de temps à l’éducation sanitaire au
niveau des communautés. Néanmoins, ils peuvent
jouer un rôle essentiel en organisant des forma-
tions et en supervisant les activités d’éducation
sanitaire. Des contacts interpersonnels réguliers
contribueraient aussi à changer les attitudes.
Pour cela, les agents de santé à tous les niveaux du
système, y compris le personnel paramédical et les
volontaires, doivent bénéficier d’une formation appro-
priée, adaptée à leurs besoins spécifiques.