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L’action de l’administration peut se manifester de manière unilatérale ou bilatérale, par le biais d’actes
administratifs unilatéraux réglementaires ou individuels, ou de contrats administratifs. Dans un cas
comme dans l’autre, l’action de l’administration est soumise au contrôle du juge administratif, mais la
différence de nature des actes unilatéraux et bilatéraux impose une distinction des voies de recours
marquée par l’existence de deux types de recours différents : le recours pour excès de pouvoir contre
les actes unilatéraux, et le recours de plein contentieux contre les contrats.
Dans le cadre du recours de plein contentieux, le juge administratif peut, à la demande d’une des
parties, constater la nullité totale ou partielle du contrat, trancher les litiges relatifs à l’exécution du
contrat, sa modification ou résiliation unilatérale par l’administration, et attribuer le cas échéant au
cocontractant l’allocation de dommages-intérêts en cas de faute ou de responsabilité objective de
l’administration. Dans le cadre du recours pour excès de pouvoir, le juge administratif peut, à la
demande de tout intéressé, annuler un acte administratif unilatéral garantissant ainsi, conformément
aux normes constitutionnelles, internationales et légales, et « conformément aux principes généraux du
droit, le respect de la légalité » (arrêt CE Ass. « Dame Lamotte » du 17 février 1950).
Aux deux modes d’action de l’administration correspondent donc deux recours contentieux différents
de par leur nature, leurs fonctions et leurs implications. Cependant, en pratique, la distinction n’est pas
aussi nette, et l’administration peut agir dans le même acte de manière contractuelle et unilatérale.
Ainsi, certains actes unilatéraux peuvent être « détachables » des contrats administratifs, et certaines
stipulations contractuelles peuvent en réalité prendre la forme de « dispositions réglementaires ». Dans
ce cas, la solution classique est de remettre le contrat dans son ensemble en question par le biais du
recours de plein contentieux. Mais cette solution présente un énorme inconvénient puisque le recours
de plein contentieux n’est ouvert qu’aux parties au contrat, à l’exclusion des tiers même ayant un
intérêt légitime à agir. Or, les contrats administratifs peuvent produire des effets sur les tiers qui ne
trouveront aucune voie de droit ouverte pour déclarer la nullité du contrat ou de l’acte leur portant
préjudice. La jurisprudence a trouvé une solution à ce problème dès 1905 en permettant aux tiers
d’attaquer en excès de pouvoir les actes unilatéraux antérieurs ou postérieurs aux contrats et
détachables de ceux-ci. Mais cette solution ne concerne pas le contrat lui-même qui resta pendant
longtemps totalement étranger au contentieux de l’excès de pouvoir, jusqu’à ce que la loi et la
jurisprudence reconnaissent la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre le contrat dans
certains cas précis. L’incompatibilité apparente entre le recours pour excès de pouvoir et le contrat
administratif n’est donc plus absolue mais relative.
La jurisprudence a longtemps refusé de recevoir les recours pour excès de pouvoir contre les contrats
administratifs, ne les acceptant que contre les actes unilatéraux « détachables » du contrat, car il existe
une incompatibilité apparente entre le recours pour excès de pouvoir et la matière contractuelle (I).
Néanmoins, cette incompatibilité n’est pas totale, la loi et la jurisprudence récente ayant admis que
dans certains cas déterminés, un contrat administratif puisse faire l’objet d’un recours pour excès de
pouvoir (II)
Il existe une incompatibilité entre le contrat administratif et le recours pour excès de pouvoir. De
manière générale, un contrat ne peut pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, car c’est le «
juge du contrat » et non pas le juge de la légalité qui doit connaître du contentieux contractuel. La
nature même du contrat administratif et l’existence d’un recours adapté au contentieux contractuel
rendent irrecevable tout recours pour excès de pouvoir dirigé contre un contrat (A). Cependant, certains
actes unilatéraux, parce qu’ils sont « détachables » du contrat, relèvent du domaine du juge de la
légalité et pourront faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (B).
A- Le contrat, de par sa nature, ne peut pas faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir.
Le contrat de droit commun est l’acte juridique par lequel des personnes consentent à s’obliger
réciproquement l’une à l’égard de l’autre. Le contrat est donc en principe un acte bilatéral, chaque
partie devenant titulaire de droits subjectifs et d’obligations, et la cause abstraite de l’obligation d’une
partie résidant de manière générale pour les contrats synallagmatiques dans l’obligation corrélative de
l’autre partie. Le contrat administratif répond à la même définition générale, mais comporte cependant
deux particularités : une des parties doit en principe être une personne publique, et le contrat doit être
en relation avec une activité publique.
Le recours pour excès de pouvoir est une voie de droit destinée à apprécier la validité d’un acte
administratif unilatéral, réglementaire ou individuel. Sont ainsi susceptibles de faire l’objet d’un recours
pour excès de pouvoirs les actes de l’administration faisant grief, parce qu’ils sont imposés
unilatéralement aux administrés par des personnes publiques. Le recours pour excès de pouvoir est
donc l’outil juridique destiné à veiller à ce que l’action de l’administration ne sorte pas du cadre de la
légalité. Or, le contrat est « la loi des parties », parce que ses effets obligatoires existent uniquement
entre les parties, et qu’ils n’existent que parce que celles-ci ont volontairement choisi de s’engager. Il
serait donc incohérent d’utiliser un recours prévu pour le contrôle de légalité d’actes administratifs
unilatéraux, pour contrôler la validité d’actes bilatéraux résultat de l’accord des volontés des parties.
De plus, il existe une voie de recours plus appropriée pour juger de la validité des contrats : le recours de
plein contentieux (ou de pleine juridiction). Dans le cadre de ce recours, le juge administratif dispose de
pouvoirs plus étendus que dans le cadre du recours pour excès de pouvoirs. Il peut ainsi annuler ou
réformer un acte, et imposer une condamnation pécuniaire à l’administration. Les contractants ayant
automatiquement un intérêt légitime à demander l’annulation ou la réformation du contrat (puisque
c’est eux qu’il oblige), ils pourront exercer un recours de plein contentieux. Or, la possibilité d’exercer un
recours de plein contentieux exclut la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoirs, les deux
recours ne pouvant être cumulés. Par conséquent, les contractants ne pourront pas exercer de recours
pour excès de pouvoir contre le contrat administratif qui les lie.
Cependant, le recours de plein contentieux n’étant ouvert qu’aux parties au contrat, les tiers, même
ayant un intérêt à agir, ne pourront pas utiliser cette voie de droit. Ils ne pourront pas non plus former
de recours pour excès de pouvoir contre le contrat, puisque celui-ci n’est pas adapté à la matière
contractuelle. Pour sortir de cette logique et éviter que toute voie de droit ne soit fermée aux tiers, le
juge administratif a considéré qu’il existait des actes unilatéraux « détachables » du contrat
administratif, et que ces actes pouvaient en toute logique faire l’objet d’un recours pour excès de
pouvoir.
B - Les actes unilatéraux « détachables » du contrat peuvent, eux, faire l’objet d’un recours pour excès
de pouvoir.
Le Conseil d’Etat a reconnu dans l’arrêt « Martin » (1905) l’existence d’actes unilatéraux « détachables »
du contrat, et a admis qu’ils pouvaient faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir. Est ainsi
considéré comme acte détachable du contrat tout acte antérieur à sa conclusion (par exemple, la
décision de passer le contrat), et tout acte postérieur à sa conclusion concernant son exécution, sa
modification ou sa résiliation. L’apport direct de cet arrêt est d’établir que la décision prise par un
conseil général de passer un contrat ne rentre pas dans le champ contractuel, elle reste un acte
unilatéral que les tiers peuvent déférer au juge de l’excès de pouvoir. La jurisprudence ultérieure est
allée dans le même sens que l’arrêt « Martin », admettant que des actes unilatéraux ne soient pas «
absorbés » par le contrat, et posant étape par étape les règles générales de recevabilité d’un recours
pour excès de pouvoir contre un acte détachable du contrat, et les effets sur le contrat de l’annulation
de cet acte détachable.
Les moyens invocables contre l’acte détachable du contrat en recours pour excès de pouvoir sont limités
à l’illégalité de l’acte, ou à l’existence d’un vice de forme ou de procédure. Cela implique que dans le cas
d’un acte postérieur à la conclusion du contrat, les moyens ne pourront pas porter sur la
méconnaissance par l’une ou l’autre des parties des stipulations contractuelles.
Concernant la recevabilité du recours, il faut distinguer deux cas : si le requérant est partie au contrat,
ou si le requérant est un tiers. Si le requérant est partie au contrat, il aura automatiquement intérêt à
agir, son recours contre les actes détachables antérieurs à la conclusion du contrat sera donc recevable.
Par contre, il ne pourra attaquer les actes postérieurs à la conclusion du contrat en excès de pouvoir,
puisque le recours de plein contentieux contre le contrat lui-même lui est ouvert. Si le requérant est un
tiers, il devra justifier d’un intérêt légitime à agir découlant par exemple du fait de ne pas avoir été
retenu par l’administration pour passer le contrat. Les tiers n’ayant en aucun cas accès au recours de
plein contentieux contre le contrat, le recours pour excès de pouvoir contre les actes détachables leur
est ouvert, que l’acte attaqué soit antérieur ou postérieur à la passation du contrat.
A l’issue du recours pour excès de pouvoir, l’acte irrégulier est annulé. La règle générale, qui connaît
cependant des exceptions, est que l’annulation de l’acte détachable n’entraîne pas directement la
nullité du contrat. Ainsi, le contrat pourra continuer à produire ses effets dès lors que l’annulation de
l’acte n’y fait pas obstacle. Cette solution s’explique logiquement par le fait que ce n’est pas le contrat
qui est attaqué, mais un acte détachable donc à priori autonome. Si l’acte détachable a été annulé en
raison d’un vice qui lui est propre, la nullité du contrat ne sera pas automatique. En revanche, si c’est le
contrat même qui a été vicié par l’irrégularité de l’acte, il devra être déclaré nul. Les contractants
disposent du recours de plein contentieux pour demander au juge la nullité du contrat s’il estime que
celui-ci ne peut être maintenu suite à l’annulation de l’acte détachable. Les tiers, qui ne peuvent exercer
de recours de plein contentieux contre le contrat, ont, depuis l’arrêt « Epoux Lopez » CE Sect. Du 7
octobre 1994, la possibilité de demander au juge d’astreindre l’administration à saisir le juge du contrat
pour qu’il détermine si le contrat peut être maintenu ou doit être déclaré nul en conséquence de
l’annulation de l’acte détachable.
Le recours pour excès de pouvoir n’est donc normalement pas dirigé directement le contrat, mais contre
des actes unilatéraux détachables de celui-ci. A cette solution traditionnelle vient s’ajouter une nouvelle
solution qui trouve son fondement à la fois dans la loi et dans la jurisprudence récente du Conseil d’Etat
et qui consiste à admettre dans certains cas très précis le recours pour excès de pouvoir non plus contre
des actes unilatéraux en marge du contrat, mais contre les clauses du contrat ou contre le contrat lui-
même.
Si les actes unilatéraux détachables du contrat peuvent faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir
c’est parce qu’ils sont extérieurs au contrat, c’est-à-dire antérieurs ou postérieurs. La théorie de la
détachabilité des actes du contrat administratif ne concerne donc pas le contenu même du contrat ; or,
certaines clauses peuvent prendre la forme de « dispositions réglementaires » et produire des effets sur
des tiers qui ne peuvent normalement exercer aucun recours contre le contrat. C’est dans ce contexte
que le recours pour excès de pouvoir a été reconnu par la loi contre le contrat, et par la jurisprudence
contre les clauses du contrat et contre le contrat lui-même (A). Et bien que récente et limitée, cette
extension du champ d’action du recours pour excès de pouvoir a de multiples implications (B).
A- Le recours pour excès de pouvoir contre des clauses du contrat et contre le contrat lui-même.
La loi de décentralisation du 2 mars 1982 a instauré un mécanisme très proche du recours pour excès de
pouvoir. Il s’agit du « déféré préfectoral » par lequel le préfet peut saisir le tribunal administratif contre
les actes unilatéraux et les contrats des personnes publiques décentralisées. Cette solution venant
directement de la loi, elle s’impose aux tribunaux qui ne pourront refuser d’examiner un déféré portant
sur un contrat. Cependant, elle reste limitée car la saisine du juge administratif ne peut être faite que
par le préfet, et non pas de manière générale par n’importe quel tiers ayant un intérêt à agir.
A côté de la solution établie par la loi, existent deux solutions jurisprudentielles. La première d’entre
elles ressort de l’arrêt CE Ass. « Cayzeele » du 10 juillet 1996 qui admet que les tiers y ayant un intérêt
légitime puissent attaquer les « dispositions réglementaires » d’un contrat administratif devant le juge
de l’excès de pouvoir pour obtenir leur annulation. Le quatrième Considérant de l’arrêt « Cayzeele » se
réfère ainsi clairement aux « dispositions » contenues dans le contrat, et non pas à ses « stipulations » :
« les dispositions (…) ont un caractère réglementaire ; qu’elles peuvent, par suite, être contestées
devant le juge de l’excès de pouvoir ». Formellement, les clauses attaquées sont contractuelles, car elles
résultent de la rencontre des volontés des contractants, mais elle sont considérées comme ayant un
caractère réglementaire en raison des effets qu’elles produisent, non seulement entre les parties, mais
aussi pour les tiers au contrat.
La deuxième solution jurisprudentielle semble aller encore plus loin, puisqu’elle admet la possibilité d’un
recours pour excès de pouvoir non pas contre une clause du contrat, mais contre le contrat lui-même.
Cette solution provient de l’arrêt CE Sect. « Ville de Lisieux » du 30 octobre 1998. En l’espèce, le juge
estime que le contrat liant l’administration à un de ses agents contractuels place ce dernier dans une
situation proche de celle des fonctionnaires, c’est-à-dire dans une « situation réglementaire ». Dans ce
contexte, le contrat est assimilable à un acte unilatéral et peut donc faire l’objet d’un recours pour excès
de pouvoir : « eu égard à la nature particulière des liens qui s’établissent entre une collectivité publique
et ses agents non titulaires les contrats par lesquels il est procédé au recrutement de ces derniers sont
au nombre des actes dont l’annulation peut être demandée au juge administratif par un tiers y ayant un
intérêt suffisant ». La portée de cet arrêt est néanmoins à nuancer : en l’absence de confirmation dans
d’autres domaines, il est hasardeux bien qu’assez logique de penser que cette solution pourrait être
étendue, voire généralisée, dans le futur.
B - Les implications de l’admission du recours pour excès de pouvoir contre le contrat administratif.
Si la loi de décentralisation a ouvert la voie au recours pour excès de pouvoir contre le contrat
administratif, elle ne l’a fait que dans le cas très précis de l’action du préfet fondée sur ses pouvoirs de
contrôle des actes administratifs pris par les autorités locales. De même, l’arrêt « Cayzeele » n’admet le
recours pour excès de pouvoirs que contre certaines clauses du contrat, et l’arrêt « Ville de Lisieux »
contre certains contrats très ciblés, les contrats de recrutement d’agents publics. L’admission du recours
pour excès de pouvoir contre le contrat administratif n’est donc pas encore généralisée en droit
français, et le principe général reste celui de la distinction entre le recours de plein contentieux destiné à
juger le contrat et le recours pour excès de pouvoir destiné à juger l’acte unilatéral.
L’arrêt « Cayzeele », qui admet que des dispositions réglementaires du contrat peuvent faire l’objet d’un
recours pour excès de pouvoir, trouve sa portée limitée par le fait que le contrat dans son ensemble ne
puisse pas faire l’objet d’un tel recours. En effet, le juge administratif devra rejeter les demandes
d’annulation limitées à une partie d’un acte administratif dès lors que les dispositions de cet acte ne
sont pas séparables les unes des autres. Ainsi, pour que le principe posé par l’arrêt « Cayzeele » se
développe, il faudrait soit admettre que les dispositions réglementaires d’un contrat sont
automatiquement séparables du contrat lui-même, soit généraliser la jurisprudence « Ville de Lisieux »
en admettant la recevabilité du recours pour excès de pouvoir contre tous les types de contrats.
Or, la généralisation de la solution apportée par l’arrêt « Ville de Lisieux » pour les contrats de
recrutement d’agents publics à tous les autres contrats administratifs est, en l’état actuel de la
jurisprudence, difficile à envisager. En effet, les tribunaux administratifs continuent de rejeter les
demandes d’annulation de contrats administratifs autres que ceux de recrutement d’agents publics
formulées par des tiers dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoir eu égard à « la matière
contractuelle ».
Cette réticence du juge de l’excès de pouvoir de juger la matière contractuelle pose d’un côté un
problème quant à l’appréciation de la légalité des contrats administratifs, mais garantit d’un autre côté
le principe des engagements basés sur l’autonomie de la volonté. En effet, selon une partie de la
doctrine, la réticence du juge administratif à accepter la généralisation du recours pour excès de pouvoir
contre le contrat entre en contradiction avec les pouvoirs étendus qu’il dispose quant à l’appréciation de
la légalité des actes unilatéraux. Ainsi, alors que tous les actes unilatéraux faisant grief sont susceptibles
de faire l’objet d’un contrôle de légalité, les contractants pourront en partie s’affranchir de cette légalité
qui ne pourra être contrôlée par le juge administratif sur demande des tiers. Néanmoins, en matière
contractuelle c’est le principe de l’autonomie de la volonté qui fonde la force obligatoire entre les
parties des clauses du contrat. Dans cette optique, admettre la généralisation d’un contrôle objectif de
légalité des contrats serait nier l’origine et la spécificité des obligations des parties nées des stipulations
contractuelles.
Conseil d’Etat - 17 février 1950 - Ministre de l’agriculture c/ Dame Lamotte
Conditions
Par la décision Ministre de l’agriculture c/ Dame Lamotte, le Conseil d’État juge qu’il existe un principe
général du droit selon lequel toute décision administrative peut faire l’objet, même sans texte, d’un
recours pour excès de pouvoir.
La loi du 17 août 1940 avait donné aux préfets le pouvoir de concéder à des tiers les exploitations
abandonnées ou incultes depuis plus de deux ans aux fins de mise en culture immédiate. C’est en
application de cette loi que, par deux fois sans compter un arrêté de réquisition, les terres de la dame
Lamotte avaient fait l’objet d’un arrêté préfectoral de concession. Le Conseil d’État avait annulé à
chaque fois ces décisions. Par un arrêté du 10 août 1944, le préfet de l’Ain avait de nouveau concédé les
terres en cause. Mais une loi du 23 mai 1943, dont le but manifeste était de contourner la résistance des
juges à l’application de la loi de 1940, avait prévu que l’octroi de la concession ne pouvait "faire l’objet
d’aucun recours administratif ou judiciaire". Sur le fondement de cette disposition, le juge administratif
aurait dû déclarer le quatrième recours de la dame Lamotte irrecevable.
Le Conseil d’État ne retint pas cette solution en estimant, aux termes d’un raisonnement très audacieux
mais incontestablement indispensable pour protéger les administrés contre l’arbitraire de l’État, qu’il
existe un principe général du droit selon lequel toute décision administrative peut faire l’objet, même
sans texte, d’un recours pour excès de pouvoir et que la disposition de la loi du 23 mai 1943, faute de
l’avoir précisé expressément, n’avait pas pu avoir pour effet d’exclure ce recours. Le même
raisonnement prévaut s’agissant du droit au recours en cassation (CE, Ass., 7 février 1947, d’Aillières, p.
50).
Certes, en principe, le législateur, s’il le précisait, pourrait interdire le recours pour excès de pouvoir
contre certaines décisions. Mais, dans le contexte normatif actuel, une telle disposition se heurterait
sans doute aux stipulations du droit international relatives aux droits des individus à exercer un recours
effectif contre les décisions administratives. La Cour de justice des communautés européennes en a fait
un principe général du droit communautaire (15 mai 1986, Johnston, p. 1651) et l’article 13 de la
Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales prévoit le
droit à un recours effectif pour toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la Convention
auraient été méconnus. Elle serait également et surtout contraire aux normes et principes de valeur
constitutionnelle puisque, dans une décision du 21 janvier 1994 (93-335 DC, p. 40), confirmée par une
décision du 9 avril 1996 (96-373 DC), le Conseil constitutionnel a rattaché le droit des individus à un
recours effectif devant une juridiction en cas d’atteintes substantielles à leurs droits à l’article 16 de la
Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui fait partie du bloc de constitutionnalité.
Phrase d’accroche : une citation sur le thème principal, la phrase – choc de
CC, TC, etc., mais aussi, si c’est pour le CE, si l’arrêté est rendu en
estime que ce dernier n’était pas compétent en raison d’une loi interdisant
est réputé n’avoir jamais existé, donc n’avoir entraîné aucun effet. En
adopté, de type SVP. La méthode « SVP » peut être utilisée aussi bien en
acceptable : par exemple lorsque dans un arrêt, deux questions de droit très
différentes se posent.
JURIDICTIONNELLES
d’entre vous l’ont vu. Pourtant, le CE n’a de cesse d’annuler les arrêtés de
pour éviter les recours en ce sens. Le CE, dans sa Jpdce Lamotte, souhaite
donc, en premier lieu, assurer l’exécution de ses décisions ; non pas pour
prouver au correcteur que vous avez bien senti l’intérêt, même secondaire,
Pour éviter les anachronismes, bien faire remarquer que vous utilisez cette
Mais principe relatif qui s’impose au juge et aux particuliers pour l’objet
forcer l’administration.
qui en apparence n’ont que peu de lien avec l’arrêt commenté ? Parce que
d’Etat en l’espèce.
raison d’une loi de 1943. Ici, il faut présenter les différents arguments
en cause
les concessions, ne les interdisent pas pour les décisions de classement (ou
1913).
arguments de la D. Lamotte.
Raisonnement : jeu sur le flou des textes : «tant que la nullité n’est pas
Pourquoi ? Qu’il nous soit ici permis d’émettre une hypothèse. Il est
possible que le CE n’a pas voulu restreindre les cas du R.E.P. ; surtout, ne
pas faire reposer un principe sur acte dont on ignore la valeur, aussi
actuelle que future.
Remarque : Ne pas oublier que le R.E.P. n’est qu’un moyen, parmi d’autres,
etc.
texte en cause ?
car ce n’est pas une loi (pas votée selon les formes prévues) ! Pour cela,
interprétation de la volonté du législateur de la IVe (ordonnance du 9 août
légalité.
Remarque : Cela peut paraître paradoxal avec ce qui a été dit plus haut…mais
justement, c’est cela qui est audacieux pour le CE. Faire dire à un texte
public.
L’acte en cause n’est pas une loi (cf. paragraphe précédent), donc le CE
l’objet d’un REP : lois, actes de gouvernements, etc. (Cf. GAJA et manuels).
commun. Seule une loi peut y déroger. Mais cette dérogation potentielle perd
Remarque : On sort ici du texte strict de l’arrêt. Vous devez démontrer que
constitutionnelle
du REP :
implicites. Dès lors, il n’est pas porté atteinte au trois des intéressés
d’égalité.
commun
des atteintes mineures ou ne relevant pas des compétences de la Cour n'a pas
de valeur.
dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours
effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait
été commise par des personnes agissant dans l'exercice de leurs fonctions
officielles.