55 LUNDI 29 septembre 2008
AEO: un risque accru de responsabilité
(extra)contractuelle?
L’acquisition du statut d’opérateur économique agréé ou ‘autho-
rised economic operator’ (AEO) peut-elle réduire la chance pour
une entreprise de se voir reprocher une faute et partant, de
diminuer le risque de responsabilité (extra)contractuelle qui y
est lié? Pour y répondre, il faut se poser la question de savoir
si une société qui dispose du statut d’opérateur économique
agréé serait jugée plus sévèrement si des tiers devaient tout de
même subir un dommage.
a certification en tant
L que ‘authorised eco-
nomic operator’ (AEO)
a été mise sur pied
par la Commission européenne, et
entre-temps aussi par les autorités
douanières, pour séparer les flux de
marchandises ‘dignes de confiance’
des flux ‘qui présentent des risques’
et qui doivent donc faire l’objet d’un
contrôle plus strict. Grâce à cette cer-
tification, les entreprises souhaitent
accélérer le trafic de leurs marchan-
dises et doivent à cet effet démon-
trer qu’elles exercent des contrôles
internes adéquats, pour minimiser la
chance que surviennent des risques
dans la chaîne des fournisseurs.
MAÎTRISER LES RISQUES
Mais qu’en est-il si ces risques se
manifestent tout de même, malgré
le fait que la société soit certifiée
AEO? Pour cela, il faut rechercher
quel dommage peut se présenter
lors de l’exercice des activités d’un
opérateur économique agréé, ou, en
d’autres mots, quels sont les risques
qui y sont liés.
Dans le Code des douanes moder-
nisé, les risques que les autorités
douanières veulent réglementer
sont définis comme ‘la probabilité
que survienne, en relation avec…


 


des marchandises qui sont trans-
portées entre le territoire douanier
de la Communauté et des pays ou
territoires en dehors de ce territoire,
et en lien avec la présence des mar-
chandises qui n’ont pas le statut de
marchandises communautaires, un
événement qui:
a) s’écarte de l’application correcte
de mesures communautaires ou
nationales,
b) nuit aux intérêts financiers de
la Communauté et de ses Etats
membres,
c) constitue un danger pour la
sécurité et la protection de la
Communauté et de ses rési-
dents, la santé des personnes,
des animaux ou des plantes,
l’environnement ou les consom-
mateurs”.
Voici quelques exemples de tels
événements: le vol, l’importation en
contrebande, l’importation de jouets
dangereux, des passagers clandes-
tins dans un conteneur ou un navi-
re, la contrebande de cigarettes, le
transport irrégulier d’explosifs, mais
aussi la dénomination inexacte de
marchandises dans une déclaration,
l’exportation sans déclaration, un
accident de la circulation dans le
cadre du transport international de
marchandises, un incendie dans un
entrepôt de douane, etc.
Les premiers certificats AEO belges ont été décernés la semaine dernière.
Remarquons ici qu’on peut rame-
ner nombre de ces événements à
des infractions à des normes de
droit spécifiques, la plupart du
temps même d’ordre pénal. C’est
pourquoi il faudra aussi faire une
distinction selon le type de norme
de droit transgressée : une norme
légale bien précise (par exemple
l’interdiction d’importation en con-
trebande) ou le principe général de
précaution (l’obligation d’agir en
‘personne normalement prudente
et diligente’).
L’infraction matérielle d’une
norme de droit spécifique est illé-
gitime en soi. La faute découle de
l’infraction à la législation doua-
nière qui relève par essence d’une
responsabilité objective. Dans l’ap-
préciation de la responsabilité, que
l’opérateur soit agréé ou non n’a en
principe aucune importance.
Par contre, chez l’opérateur agréé,
la limitation des risques possibles
dans le trafic de marchandises par
le recours aux mesures de contrôle
nécessaires sera considérée comme
une obligation. Si une calamité se
produit tout de même, cela pourra
être considéré comme une faute.
Mais la limitation des risques est par
essence une obligation de moyen
et non une obligation de résultat,
ce qui a pour conséquence qu’une
faute devrait résulter d’un manque-
ment au principe de précaution.
DEVOIR DE PRÉVOYANCE
Les articles 1382 et 1383 du Code
civil édictent un devoir général de
prévoyance. Un manquement au
principe général de précaution con-
duit à la responsabilité.
Quand il faut juger le comporte-
ment de celui qui a occasionné la
faute, on fera appel à un portrait
de référence, un modèle abstrait: la
personne normalement prudente et
diligente qui opère dans les mêmes
circonstances.
S’il faut juger des activités pro-
fessionnelles, cette confrontation
abstraite comportera une certaine
concrétisation dans la mesure où
des tiers vont comparer le compor-
tement de celui qui a occasionné
le dommage, avec des entreprises
de la même catégorie qui ont un
même niveau de connaissance
professionnelle ou spécialité, et se
trouvent dans des circonstances
semblables.
Si, par exemple, un opérateur de
LUNDI 29 septembre 2008 55
que d’autres opérateurs de termi-
nal ont mises en œuvre. Du fait de
son statut d’opérateur économique
agréé, l’opérateur de terminal a créé
un autre cadre d’attentes et on peut
s’attendre à ce que la comparaison
se fasse par rapport à d’autres opé-
rateurs qui sont, eux aussi, certifiés
AEO. Il y a donc un risque qu’il soit
jugé plus sévèrement.
D’un autre côté, un opérateur de
terminal qui peut offrir un niveau
de ’best practice’ dans la sécurité du
traitement des marchandises (ce qui
est nécessaire pour obtenir le statut
d’AEO), pourra limiter le nombre de
cas où un dommage se produit et on
pourra moins vite lui imputer une
faute: justement parce qu’il a fourni
des efforts particuliers pour gérer et
limiter les risques relatés ici.
En conséquence, une entreprise
qui a obtenu le statut d’AEO pour-
ra être jugée plus sévèrement si la
question de responsabilité se pose de
l’extérieur. Mais cette même entre-
prise, grâce aux efforts fournis pour
gérer les risques, aura beaucoup
moins de risques d’occasionner des
dommages, pourra beaucoup mieux
réagir quand un risque surviendra
et pourra de la sorte limiter le dom-
mage. Les entreprises certifiées AEO
peuvent également démontrer beau-
coup plus facilement qu’elles ont
pris, déterminé et testé les mesures
nécessaires pour gérer les risques
existants, pour éviter ainsi la surve-
nance du risque et qu’elles ont donc
agi comme une entreprise ‘normale-
ment prudente et diligente’, ce qui
diminue le risque d’être attaquée
en responsabilité. D’autant qu’une
partie indépendante, la douane, a
évalué ces procédures documen-
tées en sorte qu’elles satisfassent à
ce qu’on peut attendre d’un acteur
 terminal est un opérateur agréé et digne de confiance.
qu’il a pris toutes les mesures pour
limiter les risques décrits ci-dessus,
et que des tiers subissent tout de
même un dommage (par exemple
Une entreprise qui s’est elle-même
organisée de manière à obtenir et
conserver son statut d’AEO, réduit,
selon nous, le risque de provoquer
 








 suite à l’explosion d’une bombe pla- des dommages et partant de voir sa
$!,&+

*"$&%

!%
%"0%&% cée dans un conteneur au moment responsabilité (extra)contractuelle
! &&+ !'%
'






-
))) '% %% où il se trouvait sur le terminal des mise en cause.
conteneurs), sa responsabilité va être
 %
'
%&'$
!2
"'%
#'
'
"$&
'$%

&"%
 %
%
! %
'
&$ %"!$&
&


!%&#'
$.
/
&&
*"$&%
 %
confrontée aux mesures de sécurité www.pwc.be
%&

$ &
%! $
%
%$(%
' 
0#'"
#'/
!&$
! %% 
%
$0%
!'*
'
! 
 &$
!'%
"!'(! %


%%
! 
%(1$
&!'!'$%
"$!,&
+
(!'%
$ &$
%
%$(%
' 
,&0
&
' 
"$0%!
 %
!'$
Dirk Aerts Tom Scheyvaerts

!'%
%"!%! %
' 
*"0$ 
""$!! 
#'
&!'&
( 
/

(&%%
#'
(!'%
(!'+ Director Director
Pricewaterhouse- Pricewaterhouse-
Coopers Coopers
Tax Consultants Tax Consultants


© Wim Beddegenoodts © Wim Beddegenoodts