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La fiancée abandonnée

En plein milieu du 21ème siècle, la gauche reprit le pouvoir en France. La situation économique
étant plus favorable qu’au début du 21ème siècle, les questions de pouvoir d’achat, de chômage
et de précarité de l’emploi n’étant plus d’actualité. Nous passerons sur les différents qui
opposent depuis toujours ce clivage gauche/droite particulier à la France, pour se concentrer
sur un point sensible, du moins selon le point de vue de Marie et Stéphane. Penchons nous sur
ce couple de 21 et 23 ans respectivement. Marie est une jeune fleuriste qui a rencontré
Stéphane alors qu’il venait choisir des fleurs pour l’enterrement de sa mère. (Oui, parfois, un
événement triste peut en entraîner un autre joyeux, vous ne pensez pas ?) Et c’est en entrant
dans cette petite boutique tenue par Marie, que Stéphane oublia sa mère, frappé par ce que
j’appellerais ironiquement le « coup de foudre ». Passons sur les fleurs qui furent apportées
pour le cortège de la mère de Stéphane, mais ce qui est important, c’est qu’après trois achats
suspects de fleurs la même semaine, Stéphane s’est vu invité à prendre un café par Marie.
Technique on ne peut plus douteuse, mais apparemment, ça marche.
La vie commune de notre couple étant passablement ennuyeuse pour nous autres qui
attendons du sang, de la dispute, ou du sexe. Bien que ce dernier point puisse être intéressant,
nous le passerons sous silence par respect de leur vie privée.

Revenons-en à cette mesure qui les concerne particulièrement. Le gouvernement de gauche,


afin d’éviter l’accroissement du nombre de divorce qui semblait impossible à endiguer, décida
de mettre au point une nouvelle technique. Selon moi, c’est un prétexte pour diminuer les
coûts de l’Etat, vous me direz ce que vous en pensez. Donc, arrêtons de tourner autour du pot,
le gouvernement décida d’interdire les mariages. Ne vous affolez pas, il est remplacé par un
bail. Oui, un bail de vie commune. Etrange comme idée pour les éternels romantiques pour
qui le mariage est une institution sacrée consacrant l’Amour, celui avec un grand A. Voici un
extrait de la présentation officielle de ce nouveau type de bail :

« Ce contrat remplace le contrat de mariage, mais conserve les même avantages que ce
dernier. La seule procédure qui change est que l’acte ne se produit plus devant le maire mais
devant un notaire. […] Les listes d’attentes devraient ainsi être diminuées et la crise d’emploi
frappant les notaires devraient petit à petit se résorber. […] Ces changements ne concernent
absolument pas le mariage religieux, mais uniquement le mariage civil. […] »

Pour en revenir à nos tourtereaux, cette mesure les partageait. Stéphane étant plutôt pour :
« Après tout, pourquoi s’engager pour une vie toute entière, avec des risques de divorces de
plus en plus grand, alors qu’avec ce nouveau système, si on ne s’entend plus, il suffit
d’attendre la fin du bail ! » et Marie étant totalement contre, ce qui est étonnant (vous avez
déjà vu une femme d’accord avec son mari/conjoint ?) : « Tu te rends compte ? Et l’esprit du
mariage ? Le passage devant le maire, le petit cortège qui nous emmène ensuite à l’église et
tout ce qui s’en suit ?? » .

Une telle loi vous étonne ? Comment le Parlement a pu voter cela ? Le Parlement ? Pas
besoin ! En effet, c’est grâce à l’article 49-3 de notre Constitution que le gouvernement a fait
passer cette loi. Rappelons juste qu’au début du 21ème siècle, la gauche critiquait l’usage de cet
article par la droite. Détaillons ce qu’est cet article mystérieux qui s’intitule : 49-3. L'article
49-3, dit d' « engagement de responsabilité », permet au gouvernement de faire passer le texte
qu'il présente, sans vote, sous couvert du rejet de la motion de censure que l'opposition se doit
de déposer pour la forme, avec peu d'espoir de réussite. Autrement dit, le gouvernement qui
représente le pouvoir exécutif élimine le pouvoir législatif sur le vote d’une loi. Nous
appellerons cela un « passage en force ».

Et alors que notre couple phare projetait de se marier, avoir des enfants, et passer une vie de
couple dite « banale », cette décision du gouvernement les déchirait. Elle était contre, lui était
pour, mais se déclarait sans avis pour ne pas choquer sa conjointe. Il est drôle de voir comme
les personnes peuvent se disputer pour des choses sans intérêt, et finalement se séparent. Ca
finit mal ? Bon allez, je vous avoue, c’était un tour de théâtre, ils ne se sont pas séparés, mais
ont simplement décidé de suivre cette loi qui ne fut pas déclarée contraire par le Conseil
Constitutionnel tout simplement car il n’a pas été saisi. Après tout, il restait les avantages, et
ils se décidèrent sur un mariage religieux, bien que ce fut aussi compliqué qu’avec cette loi.
Vous ne le saviez pas ? Pour se marier à l’église (ils étaient catholiques) il faut avoir passé sa
première et sa deuxième communion, et bien qu’il fût baptisé, Stéphane n’avait jamais passé
sa première communion et encore moins la confirmation. Et bien que ce ne soit pas
canoniquement obligatoire, l’église où voulait absolument se marier Marie le demandait.
Même en ayant essayé plusieurs fois de convaincre le prêtre de passer outre ces petites
dispositions, celui-ci n’avait jamais changé d’avis. Rien de ce que Stéphane avait dit, proposé,
ou envisagé ne pouvait changer la solution qui est : passer cette foutue communion puis la
confirmation. Ce qui, bien sûr, n’arrangeait pas Stéphane qui n’avait, d’une, pas envie, et
d’autre, pas le temps. Mais ceci est une autre petite histoire…

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