10 SOLIDARITÉ LE COURRIER

SAMEDI 16 JANVIER 2010

La Zambie étend sa téléphonie

HONDURAS

Comme Pinochet,
Micheletti député à vie
Roberto Micheletti, porté à la tête du Honduras par le
coup d’Etat qui a destitué le président Manuel Zelaya fin
juin, a été désigné «député à vie» mercredi soir par le
Congrès. Cette décision équivaut à l’assurer d’une immu-
nité à perpétuité. Ce statut, non prévu par la Constitution du
Honduras, lui a été attribué pour ses initiatives «en faveur de
la démocratie», a stipulé le Congrès, largement dominé par
la droite favorable au coup d’Etat du 28 juin et hostile au vi-
rage à gauche qu’avait imprimé M. Zelaya, pourtant élu
sous la bannière du Parti libéral. «Nous reconnaissons les
mérites d’une personne qui s’est distinguée» et «a dû assu-
mer la présidence de la République en vertu de la Constitu-
tion et de nos lois», a déclaré le président du Congrès, José
Alfredo Saavedra, en présence de M. Micheletti.
Des réactions se sont immédiatement élevées au Hon-
duras. «C’est caractéristique d’un régime de nature fascis-
te, où l’on fait des lois pour se protéger contre ses méfaits»,
a déclaré jeudi à l’AFP le président de la Commission des
droits de l’homme, l’avocat Andrés Pavon. «Cela n’empê-
chera pas qu’à l’avenir [M. Micheletti] puisse être jugé par
un tribunal pénal international», a-t-il relevé. «Le Congrès
a abusé de son pouvoir en honorant un dictateur», a ren-
chéri la présidente de la Confédération des disparus au
Honduras, Berta Oliva. Au Chili, l’ex-dictateur Augusto Pi-
nochet s’était autoproclamé «sénateur à vie» pour s’assu-
rer l’immunité. Cela n’a pas empêché son arrestation à
Londres, en 1998, et son jugement dans son pays.
Les putschistes avaient justifié le renversement de
M. Zelaya, arguant qu’il avait violé la Constitution en pré-
parant une consultation populaire sur une réforme de la
loi fondamentale, afin de rendre possible sa réélection.
Un objectif toujours nié par l’ex-président. ATS
PARAGUAY
pour développer les campagnes
COMMUNICATION • La téléphonie cellulaire demeure concentrée
dans les villes. Etat et ONG cherchent à pallier ce manque.
KELVIN KACHINGWE, LUSAKA
Avec son infrastructure de téléphonie fixe
obsolète, la Zambie mise résolument sur
la technologie cellulaire. Mais dans les
zones rurales, l’Etat et les ONG sont
contraints de se substituer au secteur
privé, rétif à s’engager auprès de commu-
nautés majoritairement démunies.
L’entreprise sociale Connect Africa dé-
veloppe un projet de cabines télépho-
niques publiques à énergie solaire. Dans
les zones non couvertes par le réseau na-
tional des télécommunications, des an-
tennes satellites captent et diffusent le si-
gnal téléphonique. Le projet pilote mené
dans les districts de Mumbwa et de Kao-
ma (Province occidentale) garantit un
accès relativement bon marché à cette
technologie de pointe.
«Nous avons encore beaucoup de gens
dans ce pays qui n’ont aucun accès aux
moyens de communication moins coûteux
et abordables, notamment dans les zones
rurales. Cela ne devrait pas être le cas à cet-
te époque», explique Dean Mulozi, coordi-
nateur national pour Connect Africa.
«Il y a une forte demande pour ces ser-
vices. Nous voulons élargir le programme
afin de couvrir l’ensemble du pays et sa-
tisfaire tous les districts ruraux. Tous les

De la viande
districts non connectés [au réseau de télé-
phonie mobile] doivent être atteints»,
ajoute M. Mulozi.

en guise de rançon Grand succès

Quelque 4000 familles pauvres ont reçu cette semaine
un cadeau qui n’a pas fini de remuer le Paraguay: pas
moins de 12 000 kilos de viande de bœuf provenant de l’é-
levage Zavala, l’un des principaux du pays. Ces distribu-
tions, réalisées dans trois localités, répondaient à la re-
vendication express d’une mystérieuse Armée
paraguayenne du peuple (EPP), qui retiendrait en otage
Fidel Zavala, patron du latifundio familial, enlevé il y a
trois mois. D’une valeur de 25 000 dollars, le «don» consti-
tue une avance sur les 5 millions de dollars réclamés par
les «guérilleros». Selon la presse locale, certains habitants
auraient refusé le «cadeau» par solidarité avec l’otage.
Des graffitis en appui au groupe armé sont toutefois ap-
parus cette semaine dans la capitale, Asunción. Jusqu’à
l’enlèvement de M. Zavala, l’EPP ne s’était fait connaître
que par des attaques de commissariats dans les départe-
ments ruraux de San Pedro et Concepción (nord).
Au niveau politique, l’opposition a dénoncé l’autorisa-
tion des distributions par le gouvernement de Fernando
Lugo (gauche), laissant supposer une collusion entre le
président – ancien activiste pro-paysans – et les preneurs
d’otage. L’exécutif a réagi en menaçant de déclarer l’état
d’exception dans le nord du pays. De l’extrême droite à
l’extrême gauche, l’ensemble de la classe politique a dé-
noncé les méthodes de l’EPP et pointé du doigt une pos-
sible connexion avec la guérilla colombienne. Dans la ré-
gion, l’opération fait toutefois davantage écho aux
pratiques de groupes d’extrême gauche argentins durant
les années 1960 et 1970.
Au Paraguay, la terre est source constante de conflits
violents. Elu en 2008 sur la promesse d’une réforme agrai-
re (2% de la population détient 80% des terres), Fernando
Lugo a vu ses projets bloqués par le parlement. BPZ
Dans les deux districts où le projet est
en cours d’exécution, la demande pour le
service de téléphone a déjà dépassé
l’offre, avec des milliers de gens qui mar-
chent jusqu’à 10 kilomètres pour effec-
tuer des appels.
A Kaoma, il y a seulement six com-
binés qui desservent environ 4000 per-
sonnes par téléphone. Lubinda Sitenge,
un fermier de 40 ans à Kaoma, utilise le
téléphone pour se renseigner sur l’arrivée
des produits agricoles au dépôt le plus
proche et vérifier les prix pour sa récolte
qui vient.
Il était habituellement obligé de par-
courir plus de 20 kilomètres à pied pour
obtenir ces informations fondamentales; Le développement de la téléphonie en Zambie est destiné surtout aux agriculteurs,
de nos jours, si les produits n’ont pas été qui auront ainsi accès aux informations sur le prix des récoltes ou les prévisions
livrés, si le prix du gouvernement pour sa météorologiques. KEYSTONE
récolte n’a pas encore été fixé, ou s’il n’est
pas content de ce que le marché est en
train d’offrir, il attend tout simplement à les téléphones maintenant, nous gagé tous les acteurs, y compris le secteur
la maison. sommes en mesure d’obtenir une répon- privé, dans la recherche et la mise en œuvre
«Parfois, à cause de la distance, nous se immédiatement.» des solutions pour donner aux zones ru-
écrivions une lettre et demandions à rales l’accès aux moyens de communica-
quelqu’un qui va près du dépôt ou du bu- Initiative publique tion dont bénéficient les centres urbains.
reau de l’agent agricole du district de re- Le gouvernement de Zambie recon- Dans le cadre de sa stratégie, le gou-
mettre cela pour nous, déclare M. Sitenge. naît le besoin impérieux de télécommuni- vernement envisage d’ouvrir des centres
Mais nous n’étions pas en mesure d’ob- cations dans les zones rurales. La poli- téléphoniques ruraux qui offriront l’accès
tenir une réponse de là-bas, puisque tique nationale des technologies de au téléphone ainsi qu’à l’internet haut dé-
l’agent disait qu’il communiquerait par l’information et de la communication bit. Les NTIC visent particulièrement à
l’intermédiaire du chef. Alors, nous (NTIC) vise à améliorer cet accès. soutenir le secteur agricole, en diffusant
continuions d’attendre pendant des se- Le professeur Godfrey Lungwangwa, les informations sur les prix, la disponibi-
maines et parfois des mois avant que ministre des Communications et des trans- lité des semences ou des engrais, ou les
nous n’obtenions le message. Mais avec ports, affirme que le gouvernement a en- prévisions météorologiques. IPS/INFOSUD

L’adversaire de Morales s’est exilé à Miami

BOLIVIE • Dans le collimateur de la justice,le leader de la droite Manfred Reyes Villa s’estime «persécuté politique du gouvernement d’Evo Morales».
BERNARD PERRIN
Il n’est plus «présumé en fuite» ou suspecté de
s’être exilé aux Etats-Unis: c’est confirmé, le prin-
cipal opposant au président Evo Morales a quitté
la Bolivie en décembre et vit désormais à Miami.
Son exil est plutôt doré: Manfred Reyes Villa,
leader de la droite conservatrice (il a obtenu 26%
des voix lors de l’élection présidentielle du 6 dé-
cembre, loin derrière les 64% obtenus par Evo
Morales), vit en effet avec son épouse dans un
appartement de luxe acheté en 2004 déjà pour
330 000 dollars, au 17e étage d’un immeuble de
Collins Avenue.
Le fugitif a rompu le silence mercredi dans une
interview accordée au Nuevo Herald de Miami,
s’estimant «persécuté politique du gouvernement
d’Evo Morales» et accusant le président bolivien
d’avoir ordonné son arrestation de manière arbi-
traire, et d’avoir lancé une chasse aux sorcières
contre ceux qui s’opposent à son gouvernement.
Le gouvernement bolivien, justement, a
confirmé qu’il demanderait officiellement l’ex-
tradition de Manfred Reyes Villa, afin de le juger,
si le président Obama ne le remet pas dans un
bref délai à Interpol. Manfred Reyes Villa affronte
désormais dix-neuf procédures judiciaires en
Bolivie, notamment pour vente frauduleuse et
corruption. Il est notamment soupçonné d’avoir
détourné plusieurs millions de dollars lors de
son mandat de préfet du département de Cocha-
bamba, un mandat révoqué par le peuple par
référendum en août 2008.
Dans la foulée, l’ancien préfet du département
de La Paz José Luis Paredes, surnommé «Pepe
Lucho», est également soupçonné d’avoir quitté
le pays en catimini. L’homme, qui fut porte-pa-
role de Manfred Reyes Villa lors de la dernière
campagne électorale, est lui aussi dans le colli-
mateur de la justice, qui l’a inculpé pour diverses
malversations lors de sa gestion, enrichissement
illégitime ou encore détournement de près de
deux millions de francs.
Enfin, une autre personnalité bolivienne de
premier plan, Branko Marinkovic, est aussi
passée à la clandestinité et aurait discrètement
quitté le pays, selon les informations révélées par
le ministre de l’Intérieur Alfredo Rada.
L’industriel Branko Marinkovic est l’ancien prési-
dent du Comité Pro Santa Cruz, une institution
qui regroupe des organisations corporatives de
ce département de l’est bolivien. L’institution
conservatrice, positionnée très à droite, est sou-
vent taxée de racisme à l’égard des population in-
diennes, et s’est toujours violemment opposée au
processus de changement impulsé par Evo Mo-
rales, en particulier à la redistribution des terres en
faveur des paysans et des peuples indigènes.
Branko Marinkovic était activement recher-
ché par la justice bolivienne, qui a émis un man-
dat d’appréhension au mois de septembre. Il est
soupçonné notamment d’être lié au finance-
ment d’un groupe de terroristes démantelé en
avril 2009 à Santa Cruz. Ce groupe, dirigé par le
boliviano-croate Rozsa Flores, avait pour mis-
sion de déstabiliser la Bolivie et d’aboutir à
l’indépendance de Santa Cruz. Il envisageait no-
tamment, selon le rapport de la commission
d’enquête parlementaire, l’assassinat du prési-
dent Evo Morales. I