Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Films du Québec
Dimanche 20 mars 2010 - Édition 2, Numéro 4
Le film NUAGES
Entrevue avec Simon
SUR LA VILLE sort
en format DVD.
Galiero
À cette occasion, il FQ - Qu'est ce qui t'a poussé à faire un premier film et que retiens-tu de
m’a semblé cette expérience ?
intéressant de
Ce qui m'a poussé : simplement évoquer une parcelle du monde dans
poser quelques
lequel on vit avec les moyens du cinéma. À ma modeste mesure, on
questions à Simon s'entend. Ce que je retiens de l'expérience d'un premier long? J'en
Galiero, réalisateur, retiens que j'aime ce film, qu'il est celui que j'avais en tête. J'ai fait ce
mais aussi et que j'avais à faire et c'est tout. Il m'a aussi servi à apprendre des choses
et j'en ai bien d'autres à apprendre.
surtout analyste de
cinéma
passionnant*. FQ - On sent dans Nuages, une certaine amertume, ou à tout le moins,
une pointe d'ironie à propos de notre société. Est-ce que cette
vision correspond à des expériences vécues ?
Bonne lecture.
Par rapport au film précisément je crois qu'ironie est effectivement plus
Charles-Henri Ramond juste qu'amertume. Quoiqu'il y a sûrement aussi de l'amertume à travers
tel ou tel personnage, mais assez peu de mon point de vue. En tout cas
* Retrouvez ses textes il ne faut pas confondre une vision sceptique avec de l'amertume. Et
dans l’excellente revue même l'ironie ce n'est que jusqu'à un certain point. L'ironie pour elle-
électronique : même m'intéresse peu dans un film, il faut qu'elle crée du sens lié à un
www.horschamp.qc.ca sentiment de réel et non un écran de fumée. Il faut aussi qu'elle soit
bien dosée. Ce qui m'intéresse au-delà de tout c'est de créer (et donc
partager) un sentiment d'incertitude par rapport à notre époque. Je
déteste les films qui nous font célébrer les choses telles qu'elles sont et
qui ne mettent en place aucune perspective. Je veux susciter quelque
chose d'un peu insaisissable. Quelque chose qu'on reconnaît, qu'on
croit comprendre, et puis au moment où on veut mettre un mot dessus
ça nous échappe un peu, on ne parvient pas tout à fait à le saisir et on
doit toujours rester avec une vue d'ensemble. C'est ce qui m'intéresse le
plus sur le fond et ça se reflète dans la forme.
BULLETIN DU BLOGUE FILMS DU QUÉBEC
© Films du Québec – Mars 2010 – Reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur - Page 2 de 6
BULLETIN DU BLOGUE FILMS DU QUÉBEC
NUAGES SUR LA VILLE Même dans les milieux qui se prétendent cinéphiles il y a beaucoup
Sur DVD le 23 mars d'ignorance. Je trouvais ça simplement amusant et gentiment cruel de
mettre Jean Pierre dans cette situation. Tout comme j'ai vu un certain
intérêt à mettre mon ami Marcel Couture dans une situation où il doit
diriger une séance d'aérobie alors qu'il est paraplégique. Tous les
personnages du film sont placés dans ce type de situations à un
moment donné ou un autre, consciemment ou non. C'est parfois de
l'ironie, mais au final il y a l'idée générale que nul n'est tout à fait à sa
place, et que c'est à la fois amusant, cruel et tragique.
Pour ce qui est de Lefebvre et Morin ils y sont parce que je les trouvais
intéressants, capables de jouer un rôle dans un film de pauvre, une
fiction qui se tourne comme un documentaire, avec un scénario mais
sans répétition au préalable. Sur le "fly" et en apportant avec eux un
"non-professionalisme" qui distingue leur jeu de ce que l'on a l'habitude
de voir. Je les connaissais déjà bien alors je les ai approchés de la
même manière que je l'ai fait avec les autres interprètes de mes
Drame en noir et blanc de
précédents films. Ça me semblait naturel et je n'ai rien inventé là. C'est
Simon Galiero avec Jean
la même chose avec Marcel et avec les autres. On peut y voir plus du
Pierre Lefebvre, Robert
fait qu'ils sont d'abord des réalisateurs, d'ailleurs il y a plus, mais ce sont
Morin et Théo Spychalski.
avant tout des personnages et ce n'est que ça qui compte.
Québec, 2009 – 1h25
FQ - Quel est ton avis sur la situation du cinéma québécois et plus
particulièrement sur le cinéma "d'auteur" québécois, peu montré, peu
vu mais toujours aussi vivant ?
Portrait de quelques
personnages en marge
Pour moi il n'est pas forcément si vivant que ça. Quand ça grouille, ça
d'une société qui ne leur
peut être vivant mais ça peut aussi être quelque chose de mort qui se
correspond plus
fait bouffer par des vers. Des films intéressants je ne trouve pas qu'il s'en
vraiment. L'un des films
fait tant que ça. Si ça brille dans le petit milieu cinéphile montréalais ou
de mon trio de tête de
ailleurs, ça ne veut pas dire que c'est pour le mieux (ceux qui voudront
2009.
inclure mon dernier film là-dedans ne se gêneront pas...). Je sais que le
terme de cinéma d'auteur est pratique, mais il m'intéresse de moins en
Critique personnelle ici :
moins. Et s'il n'y avait que le cinéma tout court? Et, de ce fait, la
http://filmsquebec.over-
responsabilité sans étiquettes de ceux qui le font? Avoir le désir de faire
blog.com/article-critique-
des comédies populaires ne devrait pas entrer en conflit d'intérêt avec
nuages-ville-galiero-
une ambition de profondeur. C'est prouvé depuis au moins Molière que
40951757.html
ce n'est pas incompatible. La lucidité est d'ailleurs très souvent une
vertu proprement populaire, malheureusement rarement mise en
valeur.
Quant au branding de cinéma d'auteur, ça ne devrait pas être une
astuce pour faire la même chose qui se fait partout avec la seule vertu
d'être à échelle réduite. Buñuel disait que quand on écrit un scénario
on devrait avoir en tête l'idée de "violer sa mère, de tuer son père et de
trahir sa patrie". Derrière ça je retiens surtout l'idée d'essayer, au moins
essayer, d'être un peu du mauvais bord. De faire voir les choses par le
mauvais bout de la lorgnette, de fuir les vertus du moment, d'essayer
de voir où sont les contradictions de notre monde, les leurres, les demi-
vérités. Or en ce moment on célèbre beaucoup, sous l'égide du
cinéma d'auteur, ce qui est dans l'air du temps.
© Films du Québec – Mars 2010 – Reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur - Page 3 de 6
BULLETIN DU BLOGUE FILMS DU QUÉBEC
Attention aussi aux films "qui ne disent rien". Vous savez, ceux qui ont
l'étampe de l'"indicible" et qui suscitent le même sentiment
d'évanescence que la pop branchée qui circule dans des millions de
iPods tous les jours dans toutes les villes du monde. Quand il n'y a rien il
n'y a rien. Vous connaissez l'expression anglaise "If it looks like shit, smells
like shit... it's probably shit"? Eh bien si ça fait le son d'un coquillage posé
sur l'oreille, que ça sonne creux quand on tapote dessus et qu'on n'en
voit pas le fond, c'est probablement qu'effectivement il n'y a rien. Ça
peut donner l'impression contraire, ça émoustille les plus jeunes en leur
donnant le sentiment d'accéder à quelque chose qui arbore les
apparats de la complexité, mais ce n'est que de la pêche aux algues.
© Films du Québec – Mars 2010 – Reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur - Page 4 de 6
BULLETIN DU BLOGUE FILMS DU QUÉBEC
FQ - Et la critique?
Tout ça ne touche donc pas juste la critique. Les réalisateurs aussi sont
là-dedans, ils répondent à ça et ils en sont responsables, tout comme
les directeurs de festivals et les programmateurs en tous genres avec
leurs attractions quétaines (présenter des films ne suffit plus : il faut les
placer quelque part entre un cracheur de feu et une femme à barbe).
Tout ça se répond, main dans la main, pour accoucher d'une sorte de
cirque mi-glauque mi-loufoque.
© Films du Québec – Mars 2010 – Reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur - Page 5 de 6
BULLETIN DU BLOGUE FILMS DU QUÉBEC
Je ne suis pas sûr de pouvoir faire des films, mais je suis sûr de ne pas
pouvoir faire autre chose. C'est une sorte de one way. On verra bien.
À propos de nous
Le blogue Films du Québec est un blogue personnel rédigé et administré sans but lucratif par Charles-Henri Ramond, montréalais, vieil étudiant de
plus de 40 ans et surtout, amoureux de cinéma québécois. Le principal objectif de ce blogue est de faire connaître les productions de fiction
québécoises et canadiennes francophones. La base de données des films est riche de plus de 800 films est mise à jour régulièrement. Pour chaque
film, une fiche descriptive reprend les informations générales et techniques du film. Aussi sur le blogue : des critiques, des résumés détaillés, le
programme télé, les sorties DVD et autres nouvelles brèves. Un article paraît chaque jour.
© Films du Québec – Mars 2010 – Reproduction interdite sans l’autorisation de l’auteur - Page 6 de 6