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UNE LECTURE Myriam Benraad

DE LA Sø AH
ø WĀ
OU LES MILLE
ET UN VISAGES
DU TRIBALISME
mutations contemporaines afin d’en souligner
IRAKIEN les continuités et discontinuités. Une deuxième
partie inscrit la Sø ahø wā dans la dynamique
propre à la période post-bacthiste et, plus parti-
culièrement, dans le cadre du conflit qui l’a
opposée aux partisans d’Al-Qaida. Enfin, une
troisième partie tente de replacer ce phénomène
au cœur de la guerre d’Irak et des recomposi-
tions sociopolitiques qu’elle a engendrées.

Un phénomène tribal
entre continuité et rupture

L
A PLACE ET LE RÔLE DE LA TRIBU dans
QU’EST-CE QUE LA TRIBU EN IRAK ?
la société irakienne ont fait, ces dernières
années, l’objet de multiples débats. Anté- Le regard que l’anthropologie et les sciences
rieur à la fondation de l’État moderne, le phé- sociales modernes portent sur la tribu arabe a
nomène tribal en Irak a connu de profondes longtemps souffert des représentations essen-
transformations, dont se fait l’écho, récem- tialistes, voire « orientalistes », appliquées
ment, ce qu’on a qualifié de « réveil » tribal au monde arabo-musulman. Pour certains
(« Sø ahø wā » en arabe). Caractérisé par la mobi- anthropologues, « la “tribalisation” des socié-
lisation, dans les provinces centrales du pays, tés arabes, éliminant toute considération sur
de larges segments tribaux sunnites alliés d’autres aspects de leur culture, a sans doute
aux forces de la coalition étrangère contre la contribué à la marginalisation, jusqu’à une
mouvance jihadiste radicale d’Al-Qaida, ce époque récente, des recherches anthropo-
« réveil » se veut distinct des logiques propres logiques qu’elles ont inspirées » [Bonte et al.
au fonctionnement tribal irakien – n’étant ni 1991 : 14] 1. De manière plus symptomatique,
un sous-système, ni un acteur parallèle ou les travaux sur la tribu arabe n’ont, le plus sou-
concurrent, ni un objet unique dupliqué sur vent, pas dépassé le présupposé d’archaïsme
l’ensemble du territoire – mais emblématique qui leur est habituellement attribué 2. Aujour-
d’une réactivation des espaces tribaux. Outre d’hui encore, sur le plan scientifique mais aussi
le fort intérêt médiatique qu’elle a suscité et sur le terrain, cette perception empêche une
le renforcement de la sécurité qu’elle a per- approche plus fine de l’objet tribal. Comme
mis, la Sø ahø wā interroge la problématique tri-
bale irakienne dans ses dimensions à la fois
anthropologique, historique et sociopolitique. 1. Voir aussi, dans une optique politologique, P.S. Khoury
Cet article propose quelques grilles de et J. Kostiner eds. [1990].
lecture selon trois perspectives. Une première 2. Mentionnons toutefois le travail singulièrement nova-
partie revient sur le tribalisme irakien et ses teur de D. Baran [2004].

Études rurales, juillet-décembre 2009, 184 : 95-106

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Principales provinces et villes d’Irak

TURQUIE
Dohuk N

Mûsul
Arbîl
Nînawâ Kirkûk
SYRIE Sulaymânîyya
Tamîm
Salahaddîn IRAN

Tikrît Diyâla
Baqûba
Ramâdî
Baghdâd

Al-Anbâr Triangle sunnite


Wâsit
Karbalâ Bâbil

Qâdisîyya Maysân

Najaf Dhî Qâr

Basra
ARABIE SAOUDITE Muthannâ
Golfe
arabo-
persique
KOWEÏT
300 km

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Une lecture de la Sø ahø wā ou les mille et un visages du tribalisme irakien

dans d’autres pays de la région, en Irak, les Cet article ne prétend pas éclairer la tota-
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tribus demeurent ainsi largement méconnues. lité du tribalisme irakien mais recourt plutôt
Le tribalisme irakien se caractérise par son à une syntaxe « médiane » pour en illustrer
extrême segmentation et sa grande diversité. certaines composantes et dynamiques à la
L’« cashı̄ra » – ou « qabı̄la » dans le cas des lumière d’une de ses manifestations actuelles :
grandes confédérations – est le terme le plus la Sø ahø wā. Le « réveil » des tribus, tel qu’il
couramment utilisé pour évoquer la tribu ira- s’est produit à l’époque post-bacthiste, aide,
kienne. Conformément à la conception clas- en effet, à mieux comprendre une réalité
sique d’Ibn Khaldoun, cette notion recouvre complexe et plurielle.
une organisation disparate qui rassemble des
individus et des groupes se revendiquant d’une L’INFLUENCE ÉQUIVOQUE DU MONDE TRIBAL
origine patrilinéaire commune, de relations de AVANT 2003
consanguinité, réelles ou imaginées, et de liens
de solidarité (casøabiyyāt) 3. Schématiquement, On serait tenté de voir dans la Sø ahø wā un
une cashı̄ra se décompose en afkhādh (clans), retour en force des tribus sur le devant de
hø awāmil (foyers), buyūt (maisons) et ‘awā’il la scène irakienne. Décrite comme telle par
(familles) et réunit plusieurs centaines à plu- certains médias, « la réémergence des tribus »
sieurs milliers de membres. L’autre caractéris- à partir de 2003 apparaît d’autant plus signi-
tique fondamentale du tribalisme irakien tient ficative que l’autorité des shuyūkh (chefs de
à l’autorité exercée sur un territoire déterminé tribus), considérés comme « arriérés », a été
par le chef de tribu (cheikh), tenant tradi- mise à mal par les processus de construction
tionnel des intérêts et des valeurs du groupe étatique et de modernisation sociale. D’acteurs
[Batatu 1978 ; Baram 1997 ; Yaphe 2000 ; relativement influents sous l’Empire ottoman
Dawod 2003 ; Jabar 2003 ; Dawod et Jabar et dans les premiers temps du Mandat britan-
eds. 2003]. nique, les tribus ont peu à peu perdu de leur
Proposer une nomenclature statique des influence, témoins résiduels d’une histoire
tribus d’Irak est, à plus d’un titre, un exercice émaillée de violents soubresauts [Bozarslan
risqué, le tribalisme irakien étant loin d’être 2007 et 2008].
monolithique. Ses transformations historiques Le délitement des structures tribales a pré-
et l’absence d’une réalité sociopolitique et cédé la création, en 1921, de l’État-nation ira-
culturelle unifiée d’une zone géographique à kien. Pendant plusieurs siècles, les grandes
l’autre sont autant d’obstacles auxquels se confédérations établies dans les provinces qui
heurte inévitablement tout anthropologue. Par composent aujourd’hui l’Irak se sont oppo-
ailleurs, les variations de la question tribale sées au calife d’Istanbul lors de violentes
sont d’autant plus difficiles à saisir que la
société irakienne a, au cours des dernières
décennies, été marquée par une grande opa- 3. Comme cet article tente de le montrer, ces solidarités
cité, tant à l’égard du monde extérieur qu’à tribales ont largement été subverties lors de l’édification
l’intérieur de ses propres frontières. de l’État moderne irakien.

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Myriam Benraad

... rébellions conduites par des tribus alliées. plus particulièrement réduisent quelque peu
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L’instauration, en 1858, par la puissance otto- les privilèges dont jouissent les grands chefs
mane, d’un code foncier favorisant un mode tribaux 7. En 1968, la prise du pouvoir par le
de vie plus sédentaire et permettant aux plus parti Bacth marque une nouvelle étape dans
petits shuyūkh de s’affranchir des grandes la décomposition des structures tribales ira-
tribus a contribué à la fragilisation de ces kiennes. Le nouveau régime s’immisce dans
coalitions et à l’éclatement des solidarités les affaires rurales par le biais d’agents du
traditionnelles en raison d’importants conflits Parti infiltrés dans les coopératives, et para-
fonciers 4. Cette dynamique de sédentarisation chève les réformes du gouvernement pré-
et la disparition des valeurs guerrières propres cédent 8. Plus généralement, le parti Bacth
au monde tribal irakien se sont confirmées
avec la dissolution de l’Empire ottoman et
l’établissement d’un État sous tutelle étrangère. 4. L’application de ce code s’assortit de deux lois,
Certes, les Britanniques et le roi Faysøal ibn adoptées en 1932 et 1933, portant respectivement sur
l’enregistrement des terres et sur le statut des paysans
Hø ussein, soucieux de ne pas s’aliéner les tri- dans les zones irrigables, accélérant la sédentarisation
bus comme lors de la Grande Révolution de des petits chefs tribaux. Voir à ce sujet la thèse d’Hanna
1920 5, reconnaissent à ces dernières une cer- Batatu [1960].
taine autorité dans l’administration des cam- 5. Cette rébellion voit, pour la première fois, s’allier le
pagnes (levée de l’impôt agraire, recrutement monde tribal, alors majoritairement rural, avec les popu-
militaire, fonctions policières). À l’époque, les lations urbaines contre la présence coloniale britannique.
tribus servent principalement d’intermédiaires 6. De nouveaux conflits de classe s’ajoutent ainsi à la
entre les autorités centrales de Bagdad et le déstructuration du paysage tribal à travers la déposses-
monde rural. Mais, à l’exception de quelques sion de petits paysans surexploités et leur aliénation aux
personnalités qui parviennent à intégrer les grands dignitaires. Cette situation renforce, de toute évi-
dence, l’exode massif qui caractérise cette période.
structures du pouvoir, le monde tribal demeure
marginalisé. De façon plus décisive, l’exode 7. La remise en question de ces privilèges est relative
rural qui accompagne l’édification du nouvel étant donné les moyens limités dont dispose le nouveau
pouvoir et, plus significativement, son incapacité à rem-
appareil d’État se traduit par une urbanisation placer les grands propriétaires.
forcenée, qui contribue encore davantage à la
8. La loi agraire de 1970 radicalise les réformes de l’ère
désagrégation des anciens liens de solidarité.
républicaine en abolissant définitivement les privilèges
Le fossé ne cesse de se creuser entre une des grands shuyūkh. Sur fond de mutation de la société,
classe de grands propriétaires terriens et une l’insertion du parti Bacth dans les campagnes se traduit
majorité de petits shuyūkh asservis 6. par une transformation profonde du tissu tribal, de ses
Au lendemain du coup d’État républicain structures patriarcales et clientélistes. Ce qui consolide
ce processus, c’est le fait que le parti Bacth exerce une
de 1958, le régime juridique établi dans les
emprise totale sur les coopératives et les ressources
années 1930 connaît d’importantes modifica- agraires et que les villageois recrutés comme fonction-
tions. Les réformes agraires, l’expropriation et naires et soldats voient, dans ce nouveau régime, l’oppor-
la redistribution des terres aux petits paysans tunité, enfin, de s’émanciper.

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Une lecture de la Sø ahø wā ou les mille et un visages du tribalisme irakien

sape systématiquement l’influence des grands au Koweït, et acculé par les sanctions inter-
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shuyūkh, ce qui a pour effet de supprimer les nationales qui s’abattent sur lui, le régime
liens de subordination des paysans envers leurs irakien recourt, au début des années 1990, à
patrons, en d’autres termes, des petits chefs un véritable « tribalisme d’État » consistant à
envers les principaux dignitaires tribaux. Cette élargir le cercle des tribus qui lui sont inféo-
atteinte portée à l’ordre social établi dans dées. Lorsqu’éclate, en 1991, dans le sud
les campagnes et l’émancipation des petits du pays, une rébellion que ni l’appareil de
shuyūkh cadrent du reste parfaitement avec sécurité ni l’armée régulière ne peuvent mater,
l’idéologie progressiste, révolutionnaire et cen- c’est vers les tribus que se tourne Saddam
tralisatrice dont se prévaut le nouveau régime. Hø ussein. Outre cette visibilité retrouvée – le
Sur le plan symbolique, le parti Bacth s’en raïs se présentant lui-même sous les traits de
prend systématiquement à la référence tribale chef tribal suprême 10 – les tribus sont four-
comme manifestation ultime d’archaïsme. nies en armes pour assurer la protection des
Au-delà du discours que tient le Parti, le frontières et se voient dotées d’importantes
rapport au registre tribal demeure cependant prérogatives pour maintenir l’ordre dans leurs
ambigu. Le régime reste tributaire des tribus, localités. Elles bénéficient des largesses finan-
qui, bien qu’affaiblies, endossent un certain cières et matérielles du régime (terres, rations
nombre de fonctions clés tandis que les casøa- alimentaires) et d’une tolérance envers leurs
biyyāt continuent de façonner les structures activités plus lucratives, la contrebande en par-
du politique et l’ensemble du corps social. On ticulier 11. Le pouvoir dont jouissent les tribus
ne rappellera jamais assez, à cet égard, le durant la décennie d’embargo doit néanmoins
caractère profondément clanique du pouvoir être relativisé en ce qu’il procède d’une instru-
exercé par Saddam H ø ussein, derrière sa façade
mentalisation par le régime et s’accompagne
prétendument moderniste. Les membres de
d’importantes contreparties 12.
la tribu des al Bū Nāsøı̄r, dont est issu le raïs,
occupent ainsi les plus hautes sphères de l’État,
au premier rang desquelles l’armée et les ser- 9. Formé à la même époque, le Comité des tribus (Lajnat
vices de sécurité. Cette contradiction fonda- al-cashā’ir) devient, pour le régime bacthiste, l’un des
principaux instruments de contrôle. Plus tard, la straté-
mentale entre la syntaxe officielle du régime gie politique de Saddam H ø ussein aboutit à la création,
et sa nature tribale s’accentue dans les années en 1996, d’un Haut Conseil des chefs de tribus.
1980 à mesure que le Parti, dans son effort
10. Il semblerait que l’extrême personnalisation du pou-
de guerre contre l’Iran, fait appel à toutes voir ait entraîné dans son sillage sa « tribalisation ».
les ressources disponibles du pays. Saddam
11. À cette « retribalisation par le haut » s’ajoute une
Hø ussein s’appuie sur de nombreuses tribus,
« retribalisation par le bas », la population se repliant
dont les représentants sont cooptés au sein sur ses valeurs identitaires et ses réseaux de sociabilité.
du dispositif militaire et sécuritaire et sont
12. On attend des tribus une allégeance absolue au
envoyés en première ligne de front 9. régime, et aucune forme d’opposition n’est tolérée. C’est
Sorti exsangue de huit années de conflit ainsi que plusieurs rébellions armées sont violemment
contre son voisin iranien et de sa débâcle réprimées.

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Myriam Benraad

... LA TRIBU IRAKIENNE À L’HEURE POST-BAcTHISTE usant d’une kyrielle de stratégies pour se
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Au début de la guerre d’Irak, au printemps réapproprier les ressources dont le pouvoir
2003, les tribus, bien que stratégiquement central les a longtemps privées. Cette ambi-
intégrées par Saddam H ø ussein au sein des for- tion est d’autant plus marquée que même
mations militaires et paramilitaires du régime, les shuyūkh les moins influents voient dans
se montrent passives dans leur majorité. Elles l’occupation étrangère et dans la fuite des
sont de surcroît méconnues par la coalition grands propriétaires terriens une occasion
menée par les États-Unis et, par conséquent, unique de dépasser les hiérarchies tradition-
tenues à l’écart du processus de transition qui nelles et d’asseoir leur influence. Ils deviennent
suit la chute du parti Bacth. À l’exception de ainsi, pour la coalition, des intermédiaires de
Ghāzı̄ Mash‘al ‘Ajı̄l al-Yāwar, membre d’une premier plan. « Découvrant » la réalité tribale
importante confédération tribale et nommé en irakienne et les options qu’elle recèle, l’admi-
mai 2004 président du Conseil du gouverne- nistration américaine engage, de fait, dès le
ment intérimaire, aucune personnalité tribale printemps 2004, un dialogue actif avec les
ne jouit d’une quelconque représentation au chefs tribaux de la province d’Al-Anbār, prin-
sein des institutions. De plus, le soulèvement cipal bastion de l’insurrection. Cette coopéra-
naissant et son impact éclipsent largement les tion, initialement rudimentaire, se renforce au
recommandations des leaders tribaux dans les fil des mois à mesure que les tribus prennent
provinces où se déploient les principales opé- conscience qu’une participation aux nouvelles
rations militaires américaines. instances politiques peut se révéler à terme
À l’évidence, l’opportunisme notoire des bien plus avantageuse qu’un soutien aveugle
tribus, conjugué à leur collaboration avec la aux insurgés.
coalition, contribue à les discréditer auprès La politisation accrue du paysage tribal
de la population irakienne dans les premiers de l’après-Saddam et les avancées sécuritaires
temps de la présence étrangère. Par ailleurs, réalisées grâce à la Sø ahø wā ne doivent toute-
les efforts de certains chefs tribaux pour fois pas faire illusion. Si l’extrême visibilité
s’entendre avec les dignitaires religieux sun- et la médiatisation du phénomène l’ont fait
nites locaux et combler le vide politique apparaître comme une refondation de l’auto-
créé par le renversement du parti Bacth ne rité déchue des tribus, sur le terrain il n’en est
débouchent sur aucune alternative viable mais rien. Les privilèges dont disposent les chefs
sur une constellation de positions discordantes. de tribus dépendent avant tout de la présence
L’ascendant que revendiquent certaines tribus des forces étrangères.
sous prétexte de l’attachement de la popula-
tion irakienne à son identité tribale n’occulte L’opposition de la Sø ahø wā à Al-Qaida
que superficiellement le manque d’assise sociale L’ÉMERGENCE DES « CONSEILS DU RÉVEIL »
de ces dernières.
La chute de Bagdad n’en est pas moins C’est en septembre 2006 que, sous la houlette
vécue par les tribus d’Irak comme une oppor- du cheikh cAbd al-Sattār Iftı̄khān al-Rı̄shāwı̄,
tunité historique de refonder leur autorité, est formé le premier « Conseil du réveil »

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Une lecture de la Sø ahø wā ou les mille et un visages du tribalisme irakien

(Majlı̄s as-Sø ahø wā) 13. Ce cheikh, plus connu dans leurs régions respectives les dépossèdent
...
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en Irak sous le nom d’Abū Rı̄shā, est membre de leur influence et de leurs ressources au nom
du clan des Dulaı̄mı̄. Il est également le du « combat contre l’occupant » et dans une
petit-fils d’un des principaux dirigeants de la optique doctrinale salafiste que peu tolèrent
Grande Révolution de 1920. Après plusieurs car opposée à toute allégeance 17. Il s’agit d’un
années d’un conflit ayant opposé les tribus point essentiel de discorde : le soulèvement,
d’Al-Anbār aux troupes américaines, Abū par sa force militaire et symbolique, et en
Rı̄shā est la première figure à opter pour une cristallisant une logique identitaire articulée
collaboration militaire et politique ouverte avec autour d’un jihad qui transcende l’ensemble
la coalition. Il ralliera progressivement à sa des réseaux traditionnels, bouleverse le tissu
cause de nombreuses figures tribales 14. social des régions où il se déploie, reléguant
La Sø ahø wā s’associe ainsi à la réaction armée au second plan l’influence déjà fragile des
des tribus de la province contre Al-Qaida. À chefs de tribus. Issus de milieux modestes,
ce propos, il importe de souligner les raisons et le plus souvent désocialisés, les insurgés
de la dégradation des relations entre les tribus constituent une menace directe à l’ordre local.
d’Al-Anbār et la frange radicale de l’insurrec-
tion. Au cours des premières semaines suivant « SURSAUT » AMÉRICAIN ET MOBILISATION TRIBALE
l’invasion militaire américaine de 2003, et Au printemps 2007, dans le contexte du « sur-
tandis que s’organise le soulèvement armé saut » (surge) militaire américain qui voit le
contre les troupes étrangères, les dignitaires
tribaux acquis à la résistance offrent soutien
et hospitalité aux insurgés 15 : le « Triangle sun- 13. Alliance de représentants tribaux, dont la taille et la
nite » 16 devient alors le principal sanctuaire sociologie varient d’une localité à l’autre, et chargés,
du soulèvement irakien. À partir de 2005, leurs avec l’appui de l’armée américaine, de rétablir la sécurité
dans les bastions insurgés.
rapports se détériorent pour laisser la place à
une défiance croissante : à l’instar des popu- 14. Voir Sam Dagher, « Sunni Muslim sheikhs join
lations civiles, les chefs tribaux rejettent les US in fighting Al-Qaeda », Christian Science Monitor,
3 mai 2007.
méthodes extrêmes et aveugles de la mou-
vance jihadiste qui ternissent l’image de la 15. L’hospitalité que de nombreuses tribus offrent aux
insurgés, irakiens comme étrangers à la localité, relève
résistance. En outre, Al-Qaida vise de plus en
essentiellement des valeurs de fierté et d’honneur propres
plus les tribus à travers plusieurs campagnes au monde tribal irakien et exacerbées par l’humiliation
d’assassinats. À l’automne 2006, les tensions qu’engendre la présence américaine [Baram 2005].
entre l’insurrection armée radicale et les tribus 16. Soulignons que l’appellation « Triangle sunnite » a
de la province atteignent leur point culminant été élaborée par l’administration américaine et n’est
et convainquent tribus et troupes américaines jamais utilisée dans le language courant irakien.
des avantages d’une alliance de circonstance. 17. Bien que méconnue, la « salafisation » de la jeu-
De nombreux shuyūkh n’acceptent pas non nesse sunnite est une dynamique essentielle de l’Irak
plus que les membres d’Al-Qaida « accueillis » sous embargo.

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Myriam Benraad

... renforcement des contingents étrangers, de Un reflet de la conflictualité irakienne


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nombreuses tribus d’Al-Anbār sont déjà ral-
liées à l’initiative d’Abū Rı̄shā et coopèrent LA Sø AHø WĀ, ACTEUR D’UN CONFLIT
PLURIDIMENSIONNEL
avec les forces étrangères pour éradiquer
Al-Qaida. Rapidement, cette mobilisation prend Les tribus n’ont pas échappé aux formes mul-
de l’ampleur, et les « Conseils du réveil » se tiples de la violence, et la Sø ahø wā est devenue
multiplient. un acteur à part entière du conflit irakien. Par
La création de ces Conseils, outre qu’elle ses velléités politiques, la mobilisation tribale
suscite la suspicion des populations locales nourrit d’importantes rivalités, et le sectarisme
– frappées par le revirement des tribus et qui l’entoure attise la suspicion des princi-
perplexes quant aux véritables motivations pales forces chiites et kurdes au pouvoir.
d’Abū Rı̄shā –, décuple surtout l’hostilité des Celles-ci redoutent que la réussite de la stra-
jihadistes, qui voient là une trahison majeure. tégie tribale ne remette en cause leur propre
Qualifiés de « collaborateurs » (cumāla), plu- assise politique et les relations privilégiées
sieurs chefs du mouvement, dont Abū Rı̄shā, qu’elles entretiennent avec les forces améri-
sont assassinés. Le revirement tribal provoque caines. Plus particulièrement, elles redoutent
aussi la colère du monde arabo-musulman et que le « réveil » tribal ne se traduise par un
de personnalités politiques et religieuses sun- regain d’influence des Arabes sunnites, com-
nites favorables à la poursuite du jihad armé munément associés au diktat du régime déchu.
en Irak 18. La stratégie tribale ne s’en révèle En effet, la plupart des figures de la Sø ahø wā
pas moins fructueuse en conduisant à une sont de confession sunnite et ont de la foi une
amélioration de la sécurité qui surprend les conception libérale, en phase avec la vision
plus sceptiques. Selon les estimations alors d’un Irak séculier et nationaliste, et hostile aux
rendues publiques par le commandant des influences réputées sectaires.
forces américaines, David Petraeus, le nombre En janvier 2008, se référant explicitement
moyen d’attaques insurgées dans la province aux partis chiites dominants, Kamal H ø ammād
d’Al-Anbār chute de moitié en l’espace d’un al-Mu’ājal Abū Rı̄shā, leader local de la
an. De plus, au fur et à mesure de ses succès 19, Sø ahø wā, déclare qu’il « rejette l’ingérence des
la Sø ahø wā s’attache de nouveaux segments tri-
baux, créant une puissante dynamique à travers
le pays. Le « modèle d’Al-Anbār », comme 18. Dans une déclaration, le cheikh syrien cAbd al-
l’appellent les stratèges américains, gagne les Mu’mı̄n Mūstafā Halı̄ma, plus connu sous le nom de
Abū Bası̄r al-Tartūsı̄ et figure de proue de la mouvance
provinces du Nord, où Al-Qaida s’est progres- salafiste réfugiée à Londres, condamne les acteurs de la
sivement recentrée – Diyāla, Mūsul, Bagdad Sø ahø wā pour collaboration avec l’ennemi.
et Tanı̄m –, mais s’étend également au sud du 19. Voir Greg Jaffe, « Tribal connections : how cour-
pays où des chefs tribaux chiites décident de ting sheiks slowed violence in Iraq », Wall Street Jour-
s’adosser au mouvement. nal, 8 août 2007.

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Une lecture de la Sø ahø wā ou les mille et un visages du tribalisme irakien

dignitaires religieux dans les affaires poli- restent très dépendantes de la présence étran-
...
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tiques irakiennes » 20. Cette annonce soulève gère. Sans le soutien de leur tuteur américain,
l’indignation des milieux cléricaux chiites et elles n’auraient pas remporté les succès qu’on
l’animosité des milices armées – l’Armée du leur connaît. Le « réveil » tribal ne peut se
Mahø dı̄ de Moqtadā al-Sadr et les Brigades concevoir comme une force autosuffisante et
Badr d’cAbd al-cAzı̄z al-H ø akı̄m 21. Le pouvoir risque d’être grandement ébranlé par le retrait
semi-autonome kurde s’oppose, pour sa part, militaire de la coalition. De plus, les rivalités
au « réveil » tribal au motif que celui-ci repré- au sein du mouvement menacent de causer
sente une menace immédiate pour ses intérêts, son délitement [Benraad 2008]. Un retour
notamment à Kirkūk, et pour le contrôle des de la Sø ahø wā à l’insurrection ne serait ainsi
ressources localisées dans le nord du pays. pas à exclure si les aspirations de ses lea-
En outre, la composition ethnique arabe de la ders n’étaient pas satisfaites 25. Pareil scénario
Sø ahø wā ferait peser, sur les zones passées sous semble d’autant plus probable que les rapports
le contrôle de l’administration kurde après de nombreux chefs de tribus au soulèvement
le renversement de Saddam H ø ussein, l’ombre restent équivoques et que plusieurs personna-
d’une ré-arabisation 22. lités du « réveil » ont déjà rejoint la lutte
De surcroît, la Sø ahø wā est également vue armée. Une déliquescence interne à la Sø ahø wā
d’un mauvais œil par l’insurrection armée,
ce qui tend à complexifier les clivages qui
traversent déjà le champ sunnite. L’Armée 20. Entretien accordé au journal Awsat al-Iraq, 14 jan-
islamique d’Irak, qui prend la tête du soulève- vier 2008.
ment à la suite du déclin d’Al-Qaida et incarne 21. Les miliciens de l’Armée du Mahdı̄ prennent pour
une tendance plus nationaliste, refuse ainsi de cibles des membres des Conseils. Voir « Special groups
supported by the Iranian Quds have started armed activi-
faire cause commune avec les dirigeants de la
ties against elements of the Awakening forces in various
Sø ahø wā, rappelant la nécessité de poursuivre parts of Baghdad », Al-Sharqiyah, 28 janvier 2008.
la lutte contre l’occupant étranger 23. À ces
22. L’article 140 de la Constitution irakienne de 2005
dissensions de la Sø ahø wā avec les insurgés explicite la fin du processus d’arabisation des zones
s’ajoute une opposition aux principales forces kurdes.
politiques d’ancrage sunnite, qui craignent 23. Voir Hervé Bar, « Iraq’s Islamic Army rejects links
que la stratégie tribale ne s’affirme avant tout with “Awakening” », Middle East Online, 8 janvier 2008.
à leur détriment et ne fasse obstacle à la réin- 24. Dans la province d’Al-Anbār, la Sø ahø wā s’oppose au
tégration des Arabes sunnites irakiens dans Parti islamique irakien (al-Hizb al-Islāmı̄ al-cIrāqı̄) pour
le jeu politique post-bacthiste 24. En ce sens, le contrôle des ressources et l’attribution des contrats de
la Sø ahø wā crée de nouvelles lignes de fracture reconstruction. Voir Jawdat Kadhim, « Les tribus d’Al-
dans un paysage conflictuel déjà complexe. Anbār réitèrent leur menace d’exclure le Parti islamique
par la force », Al-Hayat, 10 mai 2008.
ENTRE OPPORTUNISME ET INCONSTANCE 25. Les chefs tribaux souhaitent notamment être inté-
grés dans les instances gouvernementales et les forces
La réémergence des tribus à travers la Sø ahø wā de sécurité, ce à quoi le gouvernement irakien se montre
se doit d’être nuancée. Tout d’abord, les tribus réticent.

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Myriam Benraad

... est par ailleurs porteuse d’une exacerbation l’empreinte tribale, reste une pièce maîtresse
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des rivalités intertribales et d’une redétériora- du nouvel échiquier irakien. Une question se
tion de la sécurité 26. pose toutefois : face au déficit institutionnel
D’un point de vue plus structurel se pose qui continue à marquer l’après-Bacth, le tri-
la question de la légitimité du « réveil ». Pour balisme peut-il s’imposer comme un mode
certains, le phénomène ne ferait qu’illustrer d’organisation sociopolitique distinct de l’appa-
l’allégeance des tribus à un nouveau patron : reil d’État ?
les forces étrangères auraient ainsi « acheté » Sur le plan historique, les tribus ont entre-
la loyauté des chefs tribaux, reprenant les pra- tenu avec les autorités politiques officielles
tiques clientélistes du parti Bacth. La Sø ahø wā des rapports d’une grande ambiguïté. Si l’édi-
s’est souvent vue fustigée pour ses motiva- fication de l’État moderne en 1921 a constitué
tions matérielles et pour son opportunisme une véritable rupture avec le passé, ouvrant
qui lui ont valu d’abondantes critiques 27. de nouveaux horizons à une population qui
Ses membres ont, en effet, reçu des subsides jusque-là n’avait expérimenté que des formes
et se sont vu attribuer d’importants contrats d’organisation patriarcales et tribales, cet État
de reconstruction. On rapporte aussi qu’Abū a échoué dans sa tentative d’éradication du
Rı̄shā aurait été impliqué dans des affaires de tribalisme. Au contraire, en Irak, la culture tri-
contrebande et de rançonnage. L’élimination bale n’a jamais cessé d’infiltrer les structures
d’Al-Qaida aurait donc moins relevé d’un
sociales et politiques.
souci sécuritaire que d’une logique de profit
La fragilité du processus né des ruines
économique 28.
du régime de Saddam H ø ussein, conjuguée au
Concevoir la Sø ahø wā comme un groupe de
retrait militaire américain et à la permanence
« citoyens impliqués » (« concerned citizens »),
ou comme des « fils d’Irak » (« sons of Iraq »),
pour reprendre le jargon de la coalition améri-
caine, luttant avec patriotisme contre Al-Qaida, 26. Abū Macrūf, membre de la puissante tribu des Zubaı̄
est en conséquence une erreur d’interpréta- à Fallūja et leader local de la Sø ahø wā, déclare en janvier
tion. Au-delà de l’absence de pratiques homo- 2008 : « Si les Américains pensent qu’ils peuvent nous
gènes et d’une stratégie partagée par tous utiliser pour écraser Al-Qaida et ensuite nous rejeter :
les « Conseils du réveil », les motifs de ses ils se trompent. » Voir également Mark Kukis, « The
limits of an Iraq tribal strategy », Time, 10 juillet 2007.
dirigeants restent obscurs. Le « réveil » s’est
régulièrement vu reprocher de n’articuler aucun 27. Pour de nombreux Irakiens, aux chefs de tribus
programme cohérent. Or, pour assurer sa sur- « des années 1990 » ou « made in Taiwan » se sont ainsi
substitués les chefs de tribus « des années 2000 », réfé-
vie, la Sø ahø wā ne saurait faire l’économie de
rence explicite à leur dévoiement.
cette légitimité.
28. Selon une hypothèse largement répandue, l’alliance
Conclusion d’Abū Rı̄shā avec les forces américaines résulterait d’un
conflit économique l’opposant à Al-Qaida pour ce qui
À l’heure où de sérieuses incertitudes pèsent est du contrôle de la contrebande pratiquée le long de
sur l’avenir de l’Irak, la Sø ahø wā, et, avec elle, l’autoroute Bagdad-Amman.

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Une lecture de la Sø ahø wā ou les mille et un visages du tribalisme irakien

de la violence, offre ainsi aux tribus la possi- historique du champ tribal, dont la Sø ahø wā
...
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bilité d’avoir une vraie influence. Mais il est n’est qu’un reflet, ne relèguent, une fois de
à craindre que l’opportunisme des chefs tri- plus, les tribus d’Irak au rôle d’acteurs de
baux et, plus profondément, la décomposition second plan.

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Myriam Benraad

... Résumé Abstract


106 Myriam Benraad, Une lecture de la Sø ahø wā ou les mille Myriam Benraad, An Interpretation of the Søahø wā: The
et un visages du tribalisme irakien Thousand and One Faces of Iraqi Tribalism
Né à l’automne 2006 de l’alliance de tribus sunnites de The Sø ahø wā arose in the autumn of 2006 out of an
la province d’Al-Anbār avec les forces de la coalition alliance between Sunnite tribes in Al-Anbār Province
étrangère contre Al-Qaida, le phénomène de la Sø ahø wā and the foreign coalition forces fighting against Al-
(« réveil » tribal) reflète les mutations, décompositions Qaeda. This tribal “awakening” reflects the reworking
et recompositions du champ tribal irakien. Alors que de of tribalism in Iraq. While much uncertainty still sur-
nombreuses incertitudes continuent de peser sur la tran- rounds the transition arising out of the ruins of Saddam
sition issue des ruines du régime de Saddam H ø ussein Hø ussein’s regime at a time when American forces have
et que s’amorce le retrait militaire américain, l’auteure begun withdrawing, grids are proposed for interpreting
propose quelques grilles de lecture de la Sø ahø wā, et ce the Sø ahø wā anthropologically, historically and sociopoli-
dans une perspective anthropologique, historique et socio- tically. After reviewing continuities and discontinuities
politique. Elle revient sur les continuités et disconti- in contemporary Iraki tribalism, the tribal “awakening”
nuités du tribalisme irakien contemporain puis inscrit is placed in the context of the conflict between it and
ce « réveil » tribal dans le contexte du conflit qui l’a the radical jihadist movement and in the broader context
opposé à la mouvance jihadiste radicale et, plus large- of the war in Iraq and the violence generated by it.
ment, dans le contexte de la guerre d’Irak et des formes
de violence qu’elle a engendrées. Keywords
Al-Qaeda, war in Irak, Baath Party, Sø ahø wā (tribal “awa-
Mots clés kening”), Sunnite Triangle, tribalism
Al-Qaida, guerre d’Irak, parti Bacth, Sø ahø wā (« réveil »
tribal), Triangle sunnite, tribalisme

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