NUISAN CES
Dictionnaire de la déraison
dans les arts, les scuences
& les métiers
Avril 1992ENCYCLOPEDIE DES NUISANCES, TOME II FASCICULE 2
Directeur de la plication : Jaime Sempra,
Adres: Editions de "Encyclopétie des Nuisances 74, rue de Ménilmomant 75020 Pais
Prix du numéro : 45 francs.
Semestril. Abonnement (4 numéros): 150 francs
Photocomposition : Cicero, 28, rue Basfroi, 75011 Paris
Imprimé en France par Primavera-Quotidienne, 70, rue des Maraichers, 75020 Pars.
Deépée legal: ave 1992.
NE ISSN: 07656424,ABRACADABRA
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On trouve dans le Journal de Gombrowice ces quelques lignes propres @ inzvo-
duire exeellemment notre propos: «Un scientifique trabie le langage commun
‘an profit dela lange de lasetence, mais ine la possi pas, C'est elle qui le pos-
sede. Les formless énoncent dl elles mémes; cst le royaume hermétique de 'Alva-
cadubra.» Quelques progrés scientifiques plus tard, nous sonrmes tous enfermeés
dans ce royaseme bermétique de I'Abracadabra, devenu l’empire universel des spé
cialstes et des experts, ot langage et pensée sont proscrts.
UI n’est pas absolument certain qu'il soit
toujours nécessaire de trés peu connaftre une
matitre pour en discerner les caractéristiques
principales, mais il est en tout cas indispen-
sable de ne'pas connattre qu'elle. En ce qui
concerne la science moderne, il est avéré qu’
trop se pencher sur son histoire on risque fort
de tomber dans le «trou noir» qui Ia englou-
tie. La comme ailleurs, Pessentiel n’est jamais
dic par les splits, On sat (elon a for
mile Pusage & propos de quelque chose qu'il
faut justement rappeler parce que peu de gens
le savent), on sait done que Gide se plaisait
Arapporter lancedote selon laquelle Pintro-
duction de la philosophie de Hegel dans le
cercle de Mallarmé aurait écé due‘ ce que Vil
Hiers de IIsle-Adam avait acheté dans la rue
des patates chaudes, opportunément envelop-
pées dans des pages de la traduction de PEsthé
tique. Cela se voulait sans doute un dénigre-
ment du sérieux intellectual de Villiers, et
‘est un bel hommage la fHanerie et & a pro~
ductivité particuligre. Les grandes questions
sont dans la rue, disait Nietzsche; elles sont
méme, pourraiton ajouter, @ la rue, et dou-
blement quand Mexistence de la rue est elle
aussi mise en question. Armé de ce qu’aucune
connaissance spécialisée n’aurait pu lui appor-
ter, Villiers est done celui qui a su, dés son
temps, constater un fait de la plus grande con-
séquence pour le nétre, et l'exprimer lapidai-
rement: «Le premier des bientaits dont nous
soyons, positivement, redevables & la science,
est d’avoir place les choses simples, essentiel-
les et “naturelles” de la vie, hors de la portée
des pawvres.»
Lisant cette phrase, on pense évidemment
tout de suite aux nombreux biens, dits de
«premibre nécessité», qui sont devenus di
Luxe sans pour autant cesser d’étre nécessai-
res, Mais c’est plus décisivement encore que
Ia réalité élémentaire de la vie a quitté notre
portée, sous effet d'un appauvrissement qui
1'épargne personne. Le monde des sensations
communes, qui n’avait jusque-li été mis en
doute que par quelques philosophes, a été,
cette fois universellement et pratiquement,
récusé par le développement scientifique et
technique. «De méme que nous flottons sur
de eau, nous flottons dans un océan de feu,
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