PARIS (PAL AIS DE J USTICE) COMPARUTIONS IMMÉ DIAT E S
Les signes de croix n’auront pas suffi
Alcool et querelle de palier. Un mélange explosif pour ce père de famille, qui se présente aux juges pour la troisième fois.
M ésentente entre voisins assortie
d’une bonne dose d’alcool. C’est ce qui semble avoir motivé Paul Koffi, 35 ans, père de trois enfants, Français d’origine libérienne. La justice l’accu- se de « violences ayant entraîné six jours d’incapacité de travail » sur son voisin de palier d’un immeuble social, Cédric Kazmeirzack, trentenaire, pè- re de deux enfants… et flic. Après 48 heures en garde à vue, le pré- venu comparait ce mardi midi devant la XXIIIe chambre du tribunal cor- rectionnel de Paris. C’est la troisième fois qu’il fait face aux juges, après vio- lences sur son épouse en 2009 et con- duite en état d’ivresse en 2014. Grand trapu, mono sourcil épais en V, cheveux rasés et barbe en col- lier, Koffi se tient bras croisés dans le box. Il prend soin de ne pas plisser son ensemble de survêtement Adidas bleu électrique, floqué au logo du club de foot Chelsea.
Trois adultes, trois enfants
et trois trottinettes dans une cage d’ascenseur À l’énoncé des faits, il gesticule, sur- joue avec ses mains, s’offusque. Paris XXe. Ce samedi 12 mars, M. Koffi a bu. Il revient des courses avec sa fille de 11 ans. Se gare à l’arrache sur une place de livraison. Galère à trouver son badge d’ascenseur. M. Kazmeir- zack rentre de promenade avec sa femme et leurs deux filles, de 12 et 4 ans. Les voisins du 4e ne s’aiment pas. Cinq ans que la situation s’enve- nime entre les deux familles et que les menaces de Koffi s’intensifient à l’égard du flic. S’ensuit un huis clos oppressant : trois adultes, trois en- fants et trois trottinettes dans une ca- ge. À l’audience, le président Thouvenot, mâchoire large, raie plaquée côté droit et petites lunettes, condense la suite des faits : « Langage discour- Palais de justice de Paris, mardi 15 mars 2016. Photo Marion SAIVE tois, intimidations, menaces. Vous frappez à deux reprises votre voisin, sante, joue avec un élastique. L’avo- soyez le voisin idéal. » L’avocate ten- me de semi-liberté pendant cinq devant femme et enfants. » « Carot- cate poursuit : « Peut-être que M. Ka- te une nouvelle approche : « On ne mois. tes, champignons, tomates, les cour- zmeirzack se prend pour le gendarme peut pas priver M. Koffi de son tra- « Un dernier mot, M. Koffi ? ». Son ses volent dans la cage d’ascenseur, de l’immeuble, impose sa loi… ça aga- vail. Il a trois enfants à nourrir, son visage se tend, il joint les mains, im- les enfants sont en pleurs », ajoute la ce. » nourrisson est un grand prématuré plore son voisin. Il est devant le mur victime. qui a besoin de soins. » Dans le box des lamentations. « Je suis désolé de Depuis 2008, Paul Koffi est manager « On ne peut pas dire que des prévenus, Koffi pleure, essuie ce qui est arrivé. Tout ça m’a servi de chez Office dépôt, un magasin de mo- vous soyez le voisin idéal » grossièrement ses larmes, comme un leçon, venir ici, pas voir mon fils pen- bilier de bureau à Villepinte. Il gagne enfant grondé. dant trois jours… » Cédric Kazmeir- 1 500 euros par mois et paye 500 de Face à l’enquête de voisinage, l’argu- Viennent les réquisitions. Une voix zack ne daigne même pas le regarder. loyer. Son avocate, Maître Alaoui, pe- ment est léger. Thouvenot prend une puissante s’élève. « Quelle sera la C’est l’heure du jugement. Koffi s’agi- tite quinqua iranienne, cheveux aca- inspiration : « Trouble la résidence, prochaine étape ? Un préjudice plus te sur le banc. Frénétique, il enchaîne jou et grosses lunettes, abat sa pre- régulièrement alcoolisé, ne sait pas important ? Je m’inquiète énormé- les signes de croix, embrasse pouce et mière carte. Tremblante, elle tend communiquer calmement, cache des ment pour l’avenir de ces deux fa- index. L’ensemble collégial a suivi les une feuille au président. « Partout, on canettes derrière le compteur électri- milles. Je suis d’autant plus inquiète réquisitions de la procureure, et ajou- dit de lui qu’il est impeccable et res- que du 4e, peu loquace, comporte- que M. Koffi n’a eu aucun mot pour la te 1 300 euros pour préjudices physi- ponsable dans son travail. Voyez ment à problèmes… Vous n’avez pas victime. » La procureure requiert dix que et moral. La prestation théâtrale vous-même. » Le président se tourne l’air agréable à rencontrer dans les mois d’emprisonnement, dont cinq n’aura pas suffi. vers l’une des deux assesseurs, plai- couloirs, on ne peut pas dire que vous avec sursis, mandat de dépôt et régi- Marion Saive