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RELATION IDIORYTHMIQUE ?
par Érik Bordeleau
7 septembre 2011
1. Lorsque Tsai Ming-Liang filme Lee Kang-Sheng pour la première fois, il ne peut
s’empêcher de lui faire noter que quelque chose cloche dans sa manière d’acter : ses
réactions sont sensiblement plus lentes que celles des autres acteurs, de sorte qu’il
donne l’impression d’être impassible et décalé. Malgré les remontrances de Tsai, Lee
persiste et signe : « Je suis lent. Être lent est naturel pour moi » [1], se plaît-il à nous
rappeler lorsqu’il évoque cette première d’une longue et fructueuse collaboration entre
les deux hommes.
Depuis lors, Lee Kang-Sheng joue dans tous les films de Tsai Ming-Liang. Dans les
nombreuses entrevues accordées suite à la sortie de Visage (2009), œuvre commandée
par le Louvre dans le cadre de la série « Le Louvre s’offre aux cinéastes », série qui vise
à faire de ce lieu mythique un lieu de création et d’expérimentation cinématographique,
Tsai insiste régulièrement sur le rôle essentiel de Lee Kang-Sheng, et en premier lieu, de
son visage, pour sa pratique cinématographique. Tsai n’hésite d’ailleurs pas à dire que
c’est par l’entremise de Lee-Kang-Sheng qu’il a compris le sens profond du cinéma.
Comme si la lenteur innée de Lee en avait fait le médium privilégié d’un cinéma de
l’impermanence et de la durée, au point de devenir un passage obligé pour la pratique de
Tsai, condition dont il ne semble pour rien au monde vouloir se défaire. Authentique
conversion temporelle et cinématographique :
« Lee Kang-Sheng entre en symbiose avec le temps des films, avec le temps dans les
films. J’aime beaucoup l’observer car encore une fois ce travail d’observation est
l’essence du cinéma selon moi. Observer Lee Kang-Sheng, c’est pour moi se mettre en
rapport avec l’idée du temps. Sur le tournage, je suis en état de patience. J’attends
d’observer des signes qui manifestent le passage du temps. » [2] (je souligne)
Dans le cadre de cette analyse, j’aimerais explorer brièvement quelques aspects éthiques
et esthétiques de cette relation si singulière entre Tsai Ming-Liang et Lee Kang-Sheng.
Comment s’opère pour eux le passage de la vie à l’art, et de l’art à la vie ? Comment la
dimension proprement éthique de leur relation se reflète-t-elle dans ce qui constitue une
des propositions cinématographiques les plus fortes de ces dernières décennies ?
2. Dans son cours au collège de France intitulé Comment vivre ensemble ?, Roland
Barthes développe une réflexion autour du concept d’idiorythmie, lequel, comme son
étymologie l’indique, suggère la possibilité pour un être de vivre selon son propre
rythme, en résistant aux hétérorythmies et autres synchronisations forcées du pouvoir.
Reprenant à son compte les remarques de Gilles Deleuze sur la figure de l’idiot dans
une optique cosmopolitique, Isabelle Stengers souligne pour sa part que « l’idiot, c’est
celui qui ralentit les autres » ; c’est celui qui résiste à la manière consensuelle par
laquelle une situation et ses urgences s’imposent à nous. « L’idiot est une présence, ou
comme le dirait Whitehead, il produit un interstice. » [4] Dans cette optique, le cinéma
de Tsai Ming-Liang peut être conçu comme une intervention micropolitique de type
idiorythmique, productrice d’interstices à partir desquels infléchir – ou du moins,
« ralentir » – la mobilisation globale qui tend à synchroniser rythmes et gestes de nos
contemporains. De ce point de vue, la relation idiorythmique qui unit Tsai et Lee en
vient à agir comme puissance d’interruption esthético-politique – quelque chose comme
un début de zone d’opacité offensive ? [5]
3. Ceux qui connaissent le cinéma de Tsai savent que c’est un cinéma qui se veut
particulièrement critique des formes d’isolement et de misère affective produites par le
développement économique global. Dans une conférence tenue à l’université nationale
centrale de Taïwan au mois de mai 2010 et dont une version traduite et éditée en anglais
a été récemment publiée dans la revue Senses of Cinema (la version française
accompagne cet article dans Hors-champ), Tsai a fait part de sa vision plutôt pessimiste
du monde contemporain, de laquelle se déprend un fort souci de préservation à la fois
spirituel et écologique :
« La vie est business, la vie est compétition. Nous voyons comment les cinéastes se
pressent pour produire des films qui auront du succès au box-office. Nous voyons
comment les politiciens tentent de nous convaincre que le développement économique
passe avant tout, malgré l’amincissement de la couche d’ozone, du réchauffement
global et que la terre ne peut manifestement pas être exploitée infiniment. Dans cet
environnement affaibli, une ère du recyclage s’en vient. Je pense que tout devrait être
arrêté, incluant ma conférence ici et maintenant, ma production cinématographique,
tout. » [6]
Il ne s’agit pas ici de gloser sur les positions politiques de Tsai ou de spéculer sur ses
tendances nihilistes (lesquelles d’ailleurs sont suffisamment manifestes dans ses films).
Plus intéressant sans doute est de considérer la politique immanente à sa conception et à
sa pratique du cinéma comme art. Nous avons vu que cette pratique repose sur un
engagement éthique et relationnel d’une rare exigence. Cette dimension, nous
l’appellerons, à la suite d’Isabelle Stengers, la composante sédentaire de la pratique de
Tsai. Parler de composante sédentaire nous permet de comprendre l’éthique au sens le
plus littéral, c’est-à-dire comme relatif à l’ethos, à la manière dont un individu habite et
produit un territoire existentiel. Comme le soulignent Deleuze et Guattari dans le
chapitre de Mille Plateaux intitulé « De la ritournelle » où ils discutent de la puissance
territorialisante de l’art, « l’ethos est aussi bien la Demeure. » [7] Les images de Tsai ne
sont pas simplement esthétiques. Elles permettent d’habiter le monde. Elles entrent en
matière – elles importent du temps.
4. Tsai Ming-Liang, Lee Kang-Sheng et Lu Yi-Ching (qui joue le rôle de sa mère dans
Visage) sont les propriétaires d’un café à Taipei (le Tsaileelu), un lieu chaleureux et
familial, authentique point d’ancrage affectif pour le trio de créateurs. Chacun semble y
consacrer beaucoup de temps et d’amour : lors de mon passage là-bas par un bel après-
midi d’avril, j’y ai d’abord croisé Tsai, lequel a tenu à m’offrir d’excellents biscuits
qu’il avait lui-même préparés, puis Lee Kang-Sheng et sa petite famille, et finalement
Lu, qui revenait de faire des courses. C’est dans ce même lieu que Lee Kang-Sheng a
tourné un court-métrage fort émouvant, Remembrance (2009). On y voit Tsai assis dans
le café en compagnie de Lu, le soir à l’heure de la fermeture, écoutant une pièce
tumultueuse de Franz Liszt et pleurant à chaudes larmes la mort de Lou Man-Fei, une
célèbre danseuse et chorégraphe taïwanaise. Une place importante est accordée à la
préparation du café : la caméra accompagne Lu durant le processus de torréfaction, pour
ensuite s’arrêter longuement sur une tasse de café préparé à la manière japonaise en
train d’infuser. De fait, le café qu’eux-mêmes torréfient est devenu un élément essentiel
des dernières installations vidéo de Tsai, se constituant comme marqueur privilégié de
la composante sédentaire de sa pratique, surtout lorsqu’il est mis en relation avec des
sièges de cinéma ou simplement des chaises et des fauteuils, éléments présents aussi
bien dans l’installation vidéo It’s a Dream que dans l’installation permanente du
Xuexue Institute à Taipei, où d’ailleurs l’on retrouve Remembrance ainsi qu’un
magnifique court-métrage de Tsai intitulé Moonlight on the River. Tsai y a ouvert une
petite succursale de son café et on retrouve une quarantaine de chaises et fauteuils de
tout acabit ramassés aux quatre coins de Taïwan et dispersés sur l’étage, dont certains
sont « réfléchis » en peinture. De même, lors de la présentation au musée des beaux-arts
de Taipei à l’été 2010 de It’s a Dream, Tsai a tenu à intégrer la possibilité pour les
visiteurs de consommer son café. Pourquoi ? Question d’usage au sens le plus fort, où
se rencontre à égale mesure ethos et oikos, souci éthique et écologique, et qui donne une
inflexion inédite à l’exigence d’interruption affirmée précédemment :
« Faire du café fait partie intégrante de mon travail. Ça a commencé quand un de mes
amis m’a suggéré d’ouvrir un café après lui en avoir préparé une tasse. Et c’est ce que
j’ai fait. Et maintenant, ça fait partie de l’installation. En ouvrant le café, je m’en suis
tenu à une philosophie : ne pas me soucier du niveau des ventes. Ce qui importe, c’est
de savoir exactement ce que je vends. Le café que je fais est de la nourriture pour
l’esprit, et je peux vous garantir, c’est un délicieux café fait maison. Si vous visitez
l’exposition, vous comprendrez pourquoi j’ai aussi intégré le processus de préparation
du café. Cela s’intègre à un concept de recyclage : rien dans nos vies ne devrait être
facilement mis à l’écart. Ultimement, je veux tout remettre en usage. Je ne peux insister
assez sur cette idée. »
Mais qu’est-ce que le visiteur comprendra nécessairement s’il se laisse tenter à faire
l’expérience proposée par l’installation ? Quel état d’esprit, quel sentiment Tsai espère-
t-il tacitement générer ?
5. Pour le dire de manière schématique, l’œuvre de Tsai gagne à être lue dans l’optique
d’une implication existentielle localisée conçue comme réponse conviviale et
circonstanciée à la menace de déterritorialisation dans un monde globalisé. Elle nous
met en présence de ce que François Jullien appelle un plan de connivence : un mode
d’existence qui tend à l’intégration et à la production d’un espace intérieur, viable et
localisé, dont la force réside dans une certaine forme de résistance à l’ab-straction et à
l’explicitation des formes-de-vie selon la logique uniformisante du marché. « Tandis
que la connaissance construit son savoir et l’explicite, nous dit Jullien, la connivence
(qui vient de connivere : cligner des yeux pour s’accorder) le maintient tacite. » [8]
Composante sédentaire et plan de connivence sont deux concepts qui permettent de
penser l’expérience singulière mise en œuvre par Tsai jusqu’à sa pointe proprement
idiotique, à la fois comme mise à l’épreuve temporelle (on sait combien les films de
Tsai peuvent être exigeants à cet égard) [9] et comme ce qui relève de l’affect ou de
l’éprouvé. Ils permettent de rendre compte de la dimension éthique et affective de la
pratique artistique de Tsai, sa manière unique de faire forme-de-vie, sans pour autant
s’abîmer dans le purement personnel et anecdotique. Reste à voir comment cette
invitation à une expérience au seuil du banal quotidien, du vivre ensemble et de l’a-
dramatique se traduit sur un plan proprement cinématographique. Ce passage apparaît,
comme nous le verrons à présent, éminemment paradoxal.
La manière dont j’ai présenté l’œuvre de Tsai jusqu’à présent nous amène
vraisemblablement à penser qu’il s’inscrit dans l’optique d’un devenir-vie de l’art. Tous
les films de Tsai sont en effet, il le souligne lui-même à maintes reprises, plus ou moins
autobiographiques et se caractérisent par leur réalisme radical ; Tsai décrit d’ailleurs
Visage, son film le plus autobiographique d’entre tous, comme un « autoportrait » (nous
verrons plus loin à quel point il faut prendre cette description au sérieux). Cependant,
les choses sont peut-être plus complexes qu’elles n’y paraissent, si seulement on
considère sa manière de considérer Lee Kang-Sheng en tant qu’acteur, et plus
généralement, sa manière d’extraire ou d’abstraire de la pure matérialité
cinématographique. Sa conception passablement autoritaire ou plutôt auctoriale de la
création artistique s’exprime à plein dans Visage, indéniablement favorisée en cela par
le contexte de production privilégié offert par le Louvre. Comme il le souligne lui-
même dans un entretien avec Philippe Azoury, « j’ai été porté par l’envie d’un cinéma
pur », soulignant que « le musée me sauve un peu de l’immédiateté qui écrase la
consommation des films » [11]. Je ne peux guère ici m’attarder sur le rapport de Tsai à
l’institution muséale, mais force est de constater que, outre le fait qu’il multiplie les
projets d’installation ces derniers temps, celle-ci lui offre une liberté ou autonomie qui
s’accorde particulièrement bien à l’idée d’une « forme résistante » de l’art.
7. On dit souvent que Lee Kang-Sheng est l’acteur fétiche de Tsai. Par là on signifie
généralement que Lee fait l’objet d’une attention scrupuleuse et quasi-obsessive,
plusieurs personnes spéculant sur la nature exacte du désir de Tsai pour son petit adonis
personnel. Nous ne pouvons que souligner ce qui apparaît d’une certaine manière
comme une contradiction entre la violente objectivation dont Lee est la cible dans les
films de Tsai, objectivation qui le réduit à une forme de passivité radicale, et les
remarques touchantes et bien senties de Tsai à propos de la singularité temporelle de son
visage. Dans Visage, cette tension s’exprime symboliquement par le biais de la viande
crue, omniprésente dans le film. Dans le film, elle joue plusieurs fonctions poétiques :
dans le froid hiver parisien et dans le contexte d’un Louvre éclairé de manière dure et
drue, elle est surtout identifiée à Laetitia Casta, laquelle joue le rôle d’une actrice jouant
le rôle de Salomé et qui souffre silencieusement de sa condition de chair filmique
surexposée. Sa reprise de la danse de Salomé dans le congélateur à viande avec Lee
Kang-Sheng confirme sa cruelle destinée : si le Louvre est un grand congélateur à
beauté, Casta est sa proie la plus recherchée – une grande et prédatrice femme fatale.
8. Tsai partage avec Bresson un souci naturaliste pour la pure corporalité et la vie nue,
bien qu’il ne « dénude » pas sa chair filmique tout à fait de la même manière que le
grand maître français, la différence principale résidant sans doute dans l’hostilité de
longue date témoignée par Tsai à l’égard de la narration. Dans ce qui constitue sans
doute le meilleur article à propos de l’œuvre de Tsai Ming-Liang, Jean-Pierre Rehm
suggère que la dimension narrative des films de Tsai est abandonnée au corps des
acteurs, « c’est-à-dire avant tout à leur opacité. » [14] Nulle part le corps de Xiao Kang
est-il plus opaque et radicalement passif, près de n’être rien de plus qu’une simple
marionnette ou poupée, que durant la troublante séquence de La rivière où il remplace
un mannequin et en est réduit à flotter tel un cadavre dans les eaux polluées du Danshui.
Comme le suggère Rehm dans une section joliment intitulée « Où sont les
macchabées ? », cette scène consiste en une parfaite mise en abîme du jeu de Xiao
Kang :
« Et lorsqu’il se voit proposer, au sein d’un film, un rôle au cinéma, l’offre concerne
une figuration on ne peut plus passive. Exemplairement programmatique, il s’agit
moins, en définitive, de jouer le rôle, déjà modeste, d’un noyé, que la doublure d’un
mannequin balourd, rigide et blanchâtre qui a charge d’incarner, si l’on peut dire, un
mort. Cette performance-là, aux limites d’une terrible inconsistance, lui interdit de faire
la preuve d’un autre talent que celui d’être un corps qui peut retenir son souffle le temps
d’une flottaison. » [15]
Publié en 1999, l’essai de Rehm préfigure plusieurs des aventures cinématiques à venir
de Xiao Kang. Le gigolo bénévole de La rivière deviendra ainsi l’impassible porno star
de La saveur de la pastèque ; et le potentiel de passivité radicale de Xiao Kang sera
exploré plus avant à travers des figures telles que le paraplégique dans I don’t want to
sleep alone, ou encore dans Visage, où Xiao Kang joue le rôle d’un directeur médusé
par la beauté hypnotique de Salomé/ Laetitia Casta durant une scène de danse d’une
grande sensualité, pour finalement devenir lui-même St-Jean Baptiste durant la
reconstitution hautement érotique de sa décapitation. Notons que d’ailleurs que cette
scène fait l’effet d’un renversement des positions de pouvoir sur le plateau de tournage.
Si Casta, en tant qu’actrice, a dû se soumettre au moindre caprice du réalisateur – on
pense par exemple à ce plan d’une grande violence, où Lee, cherchant à obtenir un
« effet de jade », fait appliquer de la glace sur le visage de Casta –, la voilà maintenant
en Salomé dominatrice déployant sa puissance fatale de séduction sur un Xiao Kang
parfaitement immobile, paralysé de désir et d’effroi.
9. Nous sommes ainsi amenés sur le seuil de ce que l’on pourrait appeler le paradoxe de
l’automate spirituel, un paradoxe que Bresson a exprimé de manière fort suggestive
dans ce qui vaut sans doute comme formule la plus condensée de sa conception de la
corporalité des acteurs : « Modèle. Tout face ». La formule renvoie à une anecdote
racontée par Montaigne :
« Je ne sais qui demandait à un de nos gueux qu’il voyait en chemise en plain hyver
aussi scarrebillat que tel qui se tient ammitoné dans les martres jusqu’aux oreilles,
comme il pouvait avoir patience : « Et vous, Monsieur, répondit-il, vous avez bien la
face découverte : or moy, je suis tout face. » [16]
Cette anecdote exprime avec beaucoup d’humour et d’à-propos quelque chose comme
le degré zéro de la visagéité : un visage réduit à une ouverture inqualifiée, une pure
surface de révélation. La pointe du gueux liquide le visage (humain) par la face
(corporelle) (un commentaire plus politique de cette scène pourrait laisser entendre que
le gueux faisait ironiquement montre de sa position dans la distribution du sensible de
son époque) ; son étrangeté reflète avec vigueur l’effort imaginal requis afin de
transformer la présence et corporalité humaines à l’état de pur matière filmique afin
d’en abstraire de nouvelles propriétés expressives.
10. Le long plan-séquence de quelques six minutes sur lequel se termine Visage résume
et clôture en une magistrale mise en image l’ensemble des considérations présentées
jusqu’ici. Il se présente comme plan-signature, une sorte d’authentification
personnalisée de cette vertigineuse mise en abîme en forme d’autoportrait si justement
nommée Visage. Car si, au départ, Visage ne fut, aux dires de Tsai, qu’un prétexte pour
réunir en un même plan les visages bien-aimés de Jean-Pierre Léaud et Lee Kang-
Sheng, c’est finalement le sien qui s’y esquisse au fil des plans, pour, au final,
apparaître en propre.
Nous sommes dans le jardin du Louvre. Contre-plongée grand angle sur une grande
étendue d’eau circulaire, avec extrême profondeur de champ. Par deux fois une grande
envolée de pigeons fait le tour du plan d’eau autour duquel s’organise l’image, sorte de
grand miroir du ciel gris d’un Paris hivernal et qui, pour peu qu’on s’en tienne à la
logique de la mise en abîme par laquelle se construit le film, se laisse aisément
concevoir comme double réflexif de l’objectif haut perché qui capte la séquence.
« Visage se compose de mes réflexions sur la vie et sur la création. En effet, le film
porte sur la relation entre la vie et la création. Et quoi donc constitue l’essence de l’un et
l’autre ? Rien que l’incontrôlabilité, l’impermanence. Les gens ne peuvent s’empêcher
de vieillir, ni éviter la mort. C’est toujours aléatoire et imprévisible. C’est un cercle sans
fin. Vous contemplez dans ce cercle le sens de la vie. Bientôt vous verrez que ce qui est
parti reviendra un jour. Mais peu importe combien de fois cela revient, jamais il est
possible de s’en saisir et d’en prendre contrôle. »
Notes
[1] Asia Pacific Society, November 13-21 2009, NY. Voir sur Youtube
[3] Asia pacific society, November 13-21 2009, NY (emphasis added). Voir sur
Youtube
[4] Isabelle Stengers, « The Cosmopolitical Proposal », in Bruno Latour et Peter Weibel
(éds.), Making Things Public, MIT Press, Cambridge, 2005, p.995.
[5] Voir Tiqqun, « Introduction à la guerre civile » réédité récemment aux éditions La
fabrique in Contribution à la guerre en cours, Paris, 2009.
[7] Gilles Deleuze et Félix Guattari, Mille plateaux, Éditions de Minuit, Paris, 1980,
p.384.
[8] François Jullien, Le pont des singes, Galilée, Paris, 2010, p.34.
[9] Voir Erik Bordeleau, « Disparaître avec Tsai Ming-Liang », in Taiwan Cinema/le
cinéma taïwanais, Asiexpo Éditions, Lyon, 2009.
[10] Jacques Rancière, Malaise dans l’esthétique, Galilée, Paris, 2004, p.62.
[11] Entretien avec Philippe Azoury, « J’ai été porté par l’envie d’un cinéma pur »,
novembre 2009.
[13] Robert Bresson, Notes sur le cinématographe, Gallimard, Paris, 1988, p.25.
[14] Jean-Pierre Rehm, « Chantiers sous la pluie », in Tsai Ming-Liang, Dis Voir, Paris,
1999, p.11.