Vous êtes sur la page 1sur 6

CONFÉRENCE / DÉBAT « LA FRANCE FACE AUX DÉFIS DU MONDE 

DOMINIQUE DE VILLEPIN
Vendredi 1er Octobre 2010, 14h30 – 16h30
Faculté de Droit de Montpellier, Amphi A.

La France dans le monde c’est notre chance, aujourd’hui comme hier, d’avoir pour mission
de défendre des principes et des valeurs. C’est un privilège que d’avoir été, au XVIII ème, le pays
porteur des Lumières des Droits de l’Homme, d’une certaines conception de l’homme.  Différence
avec les autres pays (RU).

Chaque individu « nu » vaut à égalité avec les autres. Conception égalitaire. La voix de la France et
ses positions sont attendues à travers le monde. Elle est écoutée.

La France est, de part l’Histoire, en obligation d‘agir comme conscience et comme acteur. (Exemple  :
Pérou, Afrique, Chine).
Il ya une histoire française, un engagement de la France, qui fait de nous peut être les 1 er
citoyens du monde.

Nouvelle donne à travers quelques grandes dates :


- La société libérale et de consommation s’impose : chute du mur 1989.

- Effroi et réveil 11 septembre 2001 : réveil dur, arrivée du terrorisme sur une terre
« symbolique ». Naissance du phénomène de la peur : elle frappe notre génération,
l’occident ; elle modifie les rapports de force. Elle génère la conviction (néo conservateur)
que face à une menace, à la peur, la seule réponse était le droit de la force.
« L’administration Bush » ignorait toute réalité humaine : la force appelle la force. En Afrique
cette logique est connue : principe du cocotier. Logique de force, d’aveuglement de haine,
logique qui renie les principes fondamentaux : tolérance, compréhension, ouverture.

- 2003 : on envisage un projet, celui d’attaquer l’Irak. Mais pas seulement pour écarter un
dictateur avec le rêve de stabilité, naissance d’un cercle vertueux ; développer la paix au
Moyen Orient. On sait que cette intervention a été un élément de déstabilisation. La France a
été en première ligne avec le discours (Jacques Chirac) : nous ne devons pas utiliser des
moyens qui ne soient pas légitimes. « résolution 1441 ». Lutter contre le risque de
prolifération des armes nucléaires. Tant qu’il n’y pas la preuve d’une menace nous n’avons
pas de raison de recourir à la force. Il n’y a jamais de légitimité présupposée à l’emploi de la
force. Autre conception des relations internationales : « non pas le droit de la force mais la
force du droit ». Enjeu : éviter un affrontement entre l’Occident et l’Orient. La fracture Nord /
Sud est fondée sur critère économique, culturel, religieux. En refusant cette ligne de partage
avec les Allemands et les Russes, nous avons refusé un conflit de civilisation. Le respect des
autres était plus important.
- 2008 : ordre économique et financier du monde qui bascule. Le monde a changé. Aujourd’hui
nous vivons dans un monde ou la moitié de la croissance mondiale et faite par la Chine (Inde,
Brésil, Afrique du Sud). Nous sommes nés dans un monde Occidental ou nous étions le
centre ; aujourd’hui nous devons apprendre à composer, à organiser, à structurer. Nous
avons le besoin immense de bâtir la convergence mondiale avec les uns et les autres.
Copenhague = échec, pourtant ça aurait pu être un instant de basculement. Nous sommes
devant des échéances majeures, nous devons bâtir une responsabilité mondiale et un intérêt
général mondial avec les biens publics mondiaux : air, eau, forêt. Il nous faut être d’accord
sur la façon dont nous allons les préserver. Il faut développer une solidarité mondiale, nous
avons tous intérêt à voir se développer une gouvernance mondiale.

 Avons-nous tiré des leçons des grandes crises : Afghanistan (pays sans État, formé de tribus
rivales). Une stratégie militaire qui fait que toutes ces tribus se réunissent contre les forces
de l’OTAN  force d’occupation. Lorsqu’on défend des intérêts, même nobles, on engendre
des dégâts collatéraux. Conséquence : les populations civiles se regroupent contre ces
interventions. Stratégie militaire ratée. Le gouvernement Karzaï est défendu, or nous
soutenons des gens qui ne sont pas toujours responsables. Les pays voisins nous regardent :
l’occident fait le jeu de l’Iran, de la Chine… qui ne prennent pas leur responsabilité. Tous ces
pays qui regardent voient l’Occident s’épuiser seraient amenés à agir, au nom du principe de
responsabilité.

 Nous devons marquer des points avec d’autres stratégies : sociale, économique. Aucun État
n’a d’intérêt à se substituer à la souveraineté locale. Erreur de France : revenir dans l’OTAN.
La France doit être indépendante, nous devons avoir la main tendue vers l’Europe, vers les
pays. Elle se banalise avec les forces de l’OTAN, et devient une cible. Elle se fragilise, fait
l’objet de rancœurs et s’expose sans être capable de faire avancer le nouvel ordre mondial.
(Novembre : la France va présider le G20).

 Il faut tenir la chaine des principes : justice, paix … et en même temps : principes
d’engagement. Nous devons être là pour organiser le monde. L’Europe a été une idée vivante
au lendemain de la guerre par l’idée politique européenne = fédération d’énergie. Il faut
réinventer cette Europe pour lui donner un avenir. Elle est asphyxiée par les élargissements
successifs (pachyderme). Il faut redéfinir les enjeux, construire des convergences politique,
sociale, économique. Afrique : région des plus prometteuses (ressources, population…) nous
n’avons pas le droit de ne pas développer un partenariat. Là où nous ne nous placerons pas
les autres se placeront.
DÉBAT

- Êtes vous prêt à « secouer le cocotier » France / Afrique ? Êtes-vous prêt à supprimer l’article
16 ? Seriez-vous prêt à intégrer Azouz Begag dans votre gouvernement ?
Il y a un héritage France Afrique que nous devons accepter. Nous devons accepter la réalité  :
l’Afrique a changé nous devons en prendre acte. C’est un acteur important dans les relations
internationales. Il faut que nos relations perdent cette empreinte paternaliste voir confiscatoire
pour passer à la défense d’intérêt commun. Nous sommes en train de rater une relation à
construire : entre Union Européenne, Union du Maghreb arabe et l’Afrique. La France a vocation
à promouvoir des initiatives originales. Exemple 1 : Nous avons un défi en matière universitaire :
pôle universitaire européen de taille mondiale. Développer l’économie de la connaissance
mondiale. Exemple 2 : le secteur sanitaire : aujourd’hui il faut développer des opérations
sanitaires à grande échelle. La relation franco-africaine est réduite à des relations entre chefs
d’États. Nous avons des défis à relever ensemble : immigration, terrorisme, corruption…

Concernant la perspective d’une candidature : il faut sortir de la logique des partis, que chacun
fasse la moitié du chemin. Exemple : question des retraites : il faut changer de philosophie
politique, fonder la politique de demain sur le compromis. Le CPE (Contrat Première
Embauche) : je n’ai pas su et pu l’appliquer compte tenu de la rue et de la trahison de mon parti.

- Que feriez-vous pour supprimer la dette ? la sécu ? l’emploi ?


Enjeu de la dette et de déficit = enjeu crucial de la France. La politique c’est exploiter ces marges
de manœuvres. C’est la première fois qu’on a mis sur la table la question des dépenses
publiques. Espoir du gouvernement : 2011 : 6% de déficit.  C’est impossible. L’autre choix que
nous avons est de nous donner du temps : pour réduire les déficits mais surtout développer la
croissance. Si nous tuons la croissance nous ne financerons pas nos déficits. (Chine : 1er
producteur de voitures au monde, demain : TGV, Avion…).
Il faut faire preuve de réalité. Aujourd’hui le gouvernement veut réduire le déficit par la
croissance et la réduction des dépenses publiques. Résultat : quand on coupe à l’aveugle on
démobilise, on désorganise. Exemple : les ZEP et l’égalité des chances.
Or, il faut augmenter les impôts, mais le président a été élu sur le maintien du niveau
d’imposition. Aujourd’hui suspicion, éloignement du politique  dommageable à l’intérêt
général.

- Les « Rom » : la loi de reconduite à la Frontière de 2006 ?


Ce n’est pas la loi qui est en cause mais ses modalités d’application. On assiste à un défaut
d’application de la loi et de la Constitution. On distingue les citoyens français et les citoyens issus
de l’immigration : c’est en contradiction majeure avec l’article 1 er de la Constitution ! On
stigmatise certaines populations. Depuis 2007, notre politique de sécurité connait des
difficultés : nouvelles formes de violence. Face à ça : surenchère sécuritaire. Il faut être fidèle à
nos principes ! Il faut arrêter de distinguer les outils : type Droite / Gauche et utiliser l’ensemble
des moyens : répression, prévention, et réintégration. Il faut la confiance entre les forces de
l’ordre et les citoyens (Police de proximité).
- L’Afrique : pensez-vous qu’elle aura un rôle d’équilibre, faut-il s’inquiéter de la présence de la
Chine en Afrique ?
De très nombreuses puissances s’intéressent à l’Afrique. Intérêt commercial, humain,
expérience culturelle… La Chine ne peut, à elle seule être un souffle suffisant  ; ne nous réveillons
pas trop tard. Notre intérêt partagé avec le Maghreb peut nous être utile dans le
rapprochement France / Afrique. Il faut développer une capacité à agir mais aussi à se retenir.

- (Éric De Mari :) Face aux « défis du monde », il y a des constats économiques, politique
mondiale des taux bas, (crise financière de 2008). Que peut faire la France face à cette
« politique des taux bas » ? BCE, Chine, … obsédés par les taux bas.
La politique internationale est faite de contraintes, le point de départ est la capacité de la France
et de l’Allemagne à s’entendre sur du court, moyen et long terme. Une harmonisation sur le
domaine fiscal et l’évolution sociale, des normes environnementales communes sont autant de
moyens qui nous permettraient d’agir. Il faut trouver un intérêt général nous permettant un
ajustement des taux plus satisfaisants. Politique économique plus convergente et plus
volontaire. La France doit prendre en compte son image financière pour maintenir sa crédibilité
internationale. Le FMI a une responsabilité pédagogique vis-à-vis des États. Nous devons éviter à
l’avenir de répéter ces erreurs. Certes, il ya des contraintes et des marges de manœuvres
faibles : il faut récupérer une capacité à agir en commun et un peu de souveraineté ! G20 : une
solution…

- Votre candidature en 2010 affaiblirait elle la droite ?


Ma conception de la démocratie : il faut un choix donné aux citoyens. Il faut se déterminer à
partir des visions de la France. Il faut une logique de rassemblement, de compromis, aller vers
des gouvernements d’union. Il n’y a pas de grands débats autour des questions fondamentales  !
Or cela devrait être au cœur de la politique : il faut prendre en compte l’opinion des citoyens.

- Ne craignez-vous pas de diviser les voix de la droite et d’amener le parti socialiste à prendre la
place ?
Je n’aime pas la politique fiction. Mais cette hypothèse de candidature de division. Qui divise le
plus aujourd’hui ? La division c’est l’outil du politique aujourd’hui. Moi c’est au nom de la
démocratie et contre cette politique que je me bats : au nom de conviction, de valeurs on ne
défend pas en politique des intérêts politique. Êtes-vous sur que N. Sarkozy sera ou pourra être
candidat. Démocratie : exprime ces idées sans craintes sans peur ? Je prendrai mes
responsabilités et mènerai chaque citoyen à prendre les siennes.
- Les débats d’idées sont sclérosés par les idéologies. Avez-vous des pistes pour forger de
nouveaux modèles politiques notamment dans cette optique que vous avez développée : la
gouvernance mondiale ?
Notre démocratie : la campagne présidentielle est au cœur de la politique, mais ensuite, on se
rend compte qu’il n’y pas de réel exercice du pouvoir. On ne peut plus mener une politique si on
ne rassemble pas ; il faut intégrer plus de continuité politique. En France, il faut nous soumettre
à cette exigence supérieure de l’intérêt national ! Compromis = compromission. Notre système
majoritaire asphyxie la politique, on oublie l’opposition, on fait la guerre. Cette logique est
dangereuse sur le plan démocratique il faut un jeu politique plus fluide. Il faut intégrer une
logique d’union. Chaque camp à tendance à surenchérir sur sa position,  la démocratie n’est
plus vivante, elle se radicalise et se fige. Il faut irriguer la démocratie : référendums,
référendums locaux, NTIC Consultation large. Chirac : « il y a plus d’idée dans deux têtes que
dans une. » ;  l’hyper présidence, sera une exception dans la V ème présidence ! Déséquilibre qui
témoigne de la paralysie française.

- Réforme de la justice en France.


Le principal problème de notre pays aujourd’hui, c’est de s’être éloigné de nos principes
fondamentaux. Exemple : équilibre des pouvoirs et jeu des contre-pouvoirs : aujourd’hui cet
équilibre est rompu. Il y a un doute sur l’indépendance de la justice ; il faut garantir celle-ci, c’est
fondamental !
Indépendance des médias : elle « ne coule pas de source ». Les médias français dans la main des
industriels ? L’information se fait, elle, vis-à-vis de règles fiables. Il faut faire une séparation
entre intérêt économique et la rédaction.

- Comment amener des pays à respecter les droits fondamentaux ?


Il ne faut pas regarder nos différences mais chercher nos points communs. Il faut rester humble
et faire preuve d’exemplarité. Il ne faut pas se positionner en donneur de leçon. Europe : il faut
faire avancer le processus de Paix entre Israël et Palestine. Il ne faut pas oublier nos convictions
pour défendre nos intérêts. Il faut un combat des convictions.

- La lutte contre Al-Qaïda ? Mauritanie ?


La logique militaire face à ce type de crise n’est pas une réponse, en tout cas pas de manière
directe. La bonne action c’est celle qui consiste en liaison avec et par l’intermédiaire de. Il faut
être en cohabitation avec le pays lui-même et ses voisins. Ils ont la connaissance, la faculté
d’adaptation. Il ne faut pas taper n’importe quoi et n’importe quand, au risque de renforcer les
coalitions internes. Il ne faut pas s’exposer sur un terrain qui n’est pas le notre, au risque de
développer des forces de coalition contre nous. Le terrorisme se nourrit de la force d’en face,
d’une force mal maitrisée et surtout de la peur d’en face.

Vous aimerez peut-être aussi