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La philosophie
face au handicap
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DU MÊME AUTEUR
Bertrand Quentin
La philosophie
face au handicap
CONNAISSANCES DE LA DIVERSITÉ
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Conception de la couverture :
Anne Hébert
Illustration de couverture :
Marie-Sarah Adenis,
Des existences angoissantes et belles
(photographie montage)
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InTROduCTIOn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9
L’eMPATHIe ÉGOCenTRÉe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 95
Il ne faudrait pas se mettre à la place des handicapés . . . . . . . . 96
des temporalités différentes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 99
Le glissement du « je ne le supporterais pas »
au « c’est insupportable » . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100
être un handicapé heureux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102
COnCLusIOn . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157
BIBLIOGRAPHIe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 169
Introduction
les capacités intellectuelles, mais plutôt leur mise en œuvre (par exemple,
angoisse qui empêche de réaliser des actions simples). Le handicap psychique peut
être associé à des pathologies psychiatriques (bipolarité, schizophrénie, voire
dépression chronique) ou à des accidents tels qu’un traumatisme crânien.
2. Le terme correspondant dans l’univers anglo-saxon est celui de « disability »
(déficience, invalidité, incapacité, désavantage). Mais lorsque erving Goffman
publie en 1963 stigma (stigmate en français, avec pour sous-titre : Les usages
sociaux des handicaps), il ne s’agit pas de ce que nous entendrons par
« handicap ». en effet, dans son ouvrage, Goffman considère comme pâtissant
d’un handicap quant à une évolution sociale normale les prostituées, les homo-
sexuels, les délinquants, les drogués, les noirs et les Juifs, au même titre que les
aveugles, les sourds ou les hémiplégiques. Goffman s’attaque en réalité à un objet
sociologique qui recouvrirait ce qu’aujourd’hui en France on évoque sous le
terme de « discriminations ». Le sous-titre anglais de l’ouvrage est d’ailleurs
« notes on the management of spoiled identity », c’est-à-dire « Remarques sur
les usages sociaux des identités abîmées ». Les « identités abîmées » évoquaient
ceux qui se sentent mal à l’aise socialement, ceux qui doivent cacher quelque
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6. Cf. notre article de 2010 paru dans la revue Alter : « Analogies abusives et
autres paralogismes en territoire de handicap » (Alter, european Journal of
disability Research, n° 4, 2010, p. 48-58).
7. Cf. notre chapitre « Parcourir le chemin du vieillissement », dans l’ouvrage dirigé
par Yves Jeanne, vieillir handicapé, Toulouse, érès, 2011, p. 125-138.
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2. Platon, Criton, dans Luc Brisson (sous la direction de), Œuvres complètes, Paris,
Flammarion, 2008, 47e, p. 277.
3. Ibid., 48b, p. 214.
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4. une question reste cependant ouverte dans un dialogue avec Platon : faut-il
être un Yves Lacroix, un Marcel nuss, un Alexandre Jollien ou une Juliette
schmitt, faut-il être une personne handicapée « exceptionnelle » (parce que
capable d’une participation riche à la vie intellectuelle) pour « mériter » de vivre ?
Le polyhandicap aurait assurément laissé Platon dubitatif.
5. Platon, Timée, dans Œuvres complètes, op. cit., 87c, p. 2045.
6. Ibid., 87c-88a, p. 2045-2046.
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une âme trop grande ? Cette analyse paraîtrait bien vaine à nos
contemporains. La vie humaine semble en effet pouvoir être
accomplie dans des décisions et des actes d’esprit même avec un
corps qui ne correspond pas à l’idéal esthétique de l’époque. La
plupart des dirigeants politiques majeurs de l’histoire n’ont
d’ailleurs visiblement pas été sélectionnés sur les critères de
Hollywood. Les psychologues pourraient même produire des
analyses selon lesquelles la petite taille chez un homme l’amène
à devoir compenser par des actes d’énergie et d’éclat qui feront
oublier son déficit physique.
Mais la trop grande taille pose aussi problème selon Platon :
« un corps qui a des jambes trop longues ou qui est dispropor-
tionné du fait d’une autre dissymétrie est laid ; de plus, pour ces
mêmes raisons, quand ces membres travaillent ensemble, il se
fatigue beaucoup, il se fait nombre d’entorses et, en raison de sa
démarche incertaine, il tombe souvent, étant à lui-même la cause
d’une foule de maux 7. » dans un physique disproportionné,
Platon voit surtout les inconvénients pour un fonctionnement
physique adéquat. La « démarche » sera « incertaine », donnera
des « entorses », des chutes et « une foule de maux » s’ensui-
vant : l’individu ne pourra pas travailler aussi efficacement que les
autres. Il ne pourra pas se mouvoir avec aisance devant un
public scolaire ou amateur de théâtre. Il ne pourra pas être vain-
queur dans un combat militaire. On voit qu’il n’atteindra pas cette
forme humaine parfaite qui permettrait, selon Platon, une vie
réussie. Il ne l’atteindra pas non plus si son âme est déficiente.
elle peut l’être par défaut comme par excès. L’excès, c’est la mania
(l’insania des latins), la folie qui peut mettre le corps « à
genoux » : « Lorsque, dans ce couple [que nous appelons un
vivant], d’un côté, l’âme a, parce qu’elle domine sur le corps, une
ardeur excessive, elle remplit ce vivant de maladies en l’agitant
complètement de l’intérieur 8. » Platon a certes énoncé dans le
Phèdre les formes du délire mental (la mania), qui en tant que