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du synthétiseur ES P
Rapport de projet ICX02
Après une analyse théorique qui nous permet de comprendre pourquoi certaines des erreurs
sont commises par les utilisateurs, nous soumettons une liste d’améliorations possibles
avant de proposer des nouveaux concepts pour améliorer l’expérience utilisateur. Nous
proposons également une méthode de développement permettant de rapidement
programmer des prototypes fonctionnels, ainsi qu’une preuve de concept d’une interface
pour ce type de plugin.
Ces tests ont pour vocation de mettre en avant les problèmes d’utilisation de ce
synthétiseur, qui utilise des concepts communs à d’autres logiciels de ce type.
Le rapport ci-présent est rédigé dans le cadre du cours ICX02 intitulé Analyse des situations
du Master UXD de l’UTC et à destination des enseignants de ce dernier.
Dans ce rapport nous allons aborder le protocole utilisé pour chacun des testeurs puis le
résultat de ces tests : les données que l’on a extrait des observations, films et exercices
proposés. Nous verrons ensuite notre analyse théorique de ces résultats pas à pas en
essayant de comprendre et d’expliquer les erreurs ou les comportements observés et
mesurés. Enfin nous émettrons d’abord une liste de conseils théoriques puis des
applications concrètes de ces conseils pour améliorer ce logiciel.
Contexte
La Musique Assistée par Ordinateur, souvent nommée par son acronyme MAO, désigne tout
un ensemble de techniques et d’outils exploitant l’ordinateur comme centre de la création
audio. Les logiciels relevant de la MAO permettent entre autre d’enregistrer, de créer,
d’éditer, de mixer et de masteriser divers fichiers de son; que ce soit pour DJs, producteurs,
ingénieurs du son, ou simples débutants.
Quelques chiffres à titre d’exemple, le marché de la musique électronique aux Etats Unis en
2014 représente 217 millions de dollars. Il est composé notamment à 48% de synthétiseurs
électroniques puis 24% de percussions électroniques. La part de marché des synthétiseurs
est donc de de plus de 100 millions de dollars. De plus, depuis 2013 les ventes de plugins
de synthétiseurs sont en hausse.1 C’est donc un marché bien réel qui profite chaque année
des avancées technologiques pour proposer des solutions toujours plus puissantes.
La plupart des solutions de MAO fonctionne sur le même principe. Un logiciel principal,
appelé Digital Audio Workstation (DAW) en anglais, est comme un chef d’orchestre qui fait
circuler le flux audio entre les différents matériels. On peut en citer plusieurs répondants à
des cibles et des besoins différents : Audacity et Garage Band pour les amateurs, Logic Pro
et Cubase pour la composition et l’enregistrement, Ableton Live pour le jeu sur scène, et Pro
Tools pour le mixage professionnel.
1
Voir lien sur le Rapport NAMM en annexes
Le traitement audio à proprement parlé est quant à lui démodularisé au sein d’extensions
appelés Plugins, de telle sorte qu’un même plugin puisse fonctionner sur tous les logiciels
sus-cités. Se devant d’être relativement indépendant, ses plugins contiennent un
programme de traitement de son, ainsi qu’une interface graphique.
En analysant différentes interfaces, nous nous sommes rapidement rendus compte que ces
plugins ciblaient quasi-exclusivement des utilisateurs confirmés. Celles-ci sont en effet
assez complexes à comprendre, à appréhender et à maîtriser. Or, ces dernières années,
nous avons vu arriver sur le marché un certain nombre d’applications de MAO destinées aux
plus novices. Nous pouvons à ce titre citer GarageBand, l’application de composition éditée
par Apple; Djay pro pour le mixage.
Interface d’un plugin audio considéré comme l’un des meilleurs sortis en 2016 d’après le site
“Producer-Spot”.
Nos Objectifs
Notre étude tente de répondre à trois objectifs. Tout d’abord, comprendre les besoins des
novices en matière de création audio. Ensuite, mettre en évidence les problèmes que l’on
retrouve fréquemment dans ces plugins audio. Enfin, apporter des éléments de solution afin
de faire tendre la cible des plugins vers un panel d’utilisateurs débutants.
Méthodologie
Pour atteindre nos objectifs, nous avons tout d’abord nous-même pris en main un certain
nombre de plugins audio afin d’en apprendre un peu plus sur ce domaine. Nous avons
ensuite rencontrés des utilisateurs débutants et intermédiaires et les avons confrontés avec
une interface générique d’un plugin afin de déterminer comment ils réagissaient face à ce
type d’interface.
Présentation du Plugin
Bien entendu, il est difficile de faire tester efficacement et exhaustivement plus qu’un seul
plugin lors d’un entretien. Le choix de celui-ci était donc crucial pour la suite de l’expérience.
Le plugin se devait d’être toujours disponible dans les logiciels actuels. Il devait également
être très versatile avec un nombre relativement faible de contrôles différents, de telle sorte
qu’un sujet puisse le parcourir exhaustivement en une dizaine de minutes. Enfin, il devait
être suffisamment représentatif des autres plugins du marché en termes de choix de design
afin que nos solutions soient généralisables à l’ensemble du marché.
A ce titre, nous avons choisi de nous focaliser sur le marché des synthétiseurs, un type de
plugin qui a pour but de créer - le terme exact est “synthétiser” - du son, généralement en
réponse à une note donnée par un clavier, à la manière d’un instrument électronique.
En plus de synthétiser du son, ces plugins incluent également un ensemble d’autres effets
sonores que l’on retrouve généralement au sein d’autres plugins indépendants : filtre,
égalisation, écho, réverbération pour ne citer qu’eux. En ce sens, les synthétiseurs sont
généralement les plugins les plus versatiles et les plus complets, et sont donc l’idéal pour
notre étude.
Plus particulièrement, nous avons focalisé notre étude sur le synthétiseur ES P, disponible
depuis la version 6 de Logic Pro sortie en 2004. D’après la documentation du synthétiseur,
“ES P (ES Poly) simule les synthétiseurs polyphoniques classiques des années 80s. C’est
un instrument versatile capable de produire une très grande variété de sons musicaux.”.
Interface du plugin ES P
Déroulement du test
La première phase est un simple entretien avec le sujet afin de mieux le connaître, et de
notamment estimer son niveau d’expertise avec les logiciels de MAO, les plugins audio en
général, et les synthétiseurs.
Nous lui avons également demandé de dessiner une interface de synthétiseur qu’il a
l’habitude d’utiliser ou qu’il aurait déjà vu; ceci afin d’évaluer ce que signifie le concept de
“synthétiseur”.
Lors de la deuxième phase, nous avons montré l’interface graphique au sujet afin que nous
puissions recueillir ses premières impressions concernant l’esthétique ainsi que les
fonctionnalités disponibles. Le but était de mettre en valeur les attentes de l’utilisateur.
Durant cette dernière phase, l’utilisateur était complètement libre, et il n’était pas à
proprement parler à la recherche d’un son intéressant. Or, c’est cette phase de recherche
qui est généralement observée lors d’une utilisation en cas réel de ce type de logiciel, il était
donc important de proposer un exercice de recherche et de prise de décision.
Dans la cinquième phase, nous avons caché l’interface du synthétiseur et avons demandé à
l’utilisateur de nous le dessiner de mémoire. Le but de cette phase est de mettre en
évidence des problèmes de compréhension dans la dénomination et l’organisation des
contrôles.
Enfin, la sixième et ultime phase était l’occasion pour l’utilisateur de nous dessiner une
interface qu’il jugerait idéale.
Ces six phases se sont étalées sur 30 à 50 minutes selon les sujets.
Matériel
Le matériel comprend tout d’abord tous les logiciels et dispositifs nécessaires pour faire
fonctionner efficacement le synthétiseur ES P. A ce titre, nous avons utilisé un MacBook Pro
avec le logiciel Logic Pro X, branché à un écran, un clavier, une souris, un clavier MIDI (un
piano directement branché à ES P), et des enceintes de monitoring, généralement utilisées
en studio d’enregistrement, afin que l’utilisateur puisse distinguer de subtiles modifications
dans le son.
Sujets
Nous avons recruté, via une annonce destinée aux musiciens envoyée sur Facebook, 6
sujets âgés de 20 à 26 ans, tous musiciens depuis plusieurs années. Ces sujets ont des
connaissances et des compétences très diverses, en l’occurrence :
- 2 personnes n’ont jamais utilisé de logiciel de MAO;
- 2 personnes ont déjà utilisé un logiciel de MAO mais jamais de synthétiseur;
- 2 personnes ont déjà eu l’occasion d’utiliser un synthétiseur, mais ne sont pas
experts.
Voici un extrait compilé des tests utilisateurs (vidéo non diffusée publiquement, durée : 3
minutes) : https://youtu.be/F4zJxn0Cdmo
Les dessins des trois phases sont en annexes de ce document. Ci-après, la liste des
remarques faites par les testeurs et de nos observations (sans enlever les doublons).
Ludique
+ Les “presets”, des pré-configurations du logiciel proposées par les concepteurs, sont
appréciés pour voir le détail de composition d’un son existant.
+ Les cinq minutes de notre test exploratoire permettent de mieux comprendre le
fonctionnement du logiciel.
+ La phase de test de découverte est amusante (création de sons étranges parfois).
Simplicité
+ Le nombre de contrôles n’est pas effrayant au premier abord
+ Paraît simple à manier
+ Sliders intuitifs (physiquement)
+ Malgré des textes indicatifs peu clairs, certains contrôles sont reconnaissables après
tests / exploration
Fonctionnalités
+ Des possibilités intéressantes
+ On peut faire un son très rapidement
+ Gestion de la hauteur du son rapide et intéressante (4/8/16 et Carré-1 Carré-2)
+ Les différentes formes d’ondes sont utiles
Problème “Workflow”
- La phase exploratoire ne suffit pas pour tout maîtriser
Problème de compréhension
- Incompréhension de certains contrôles
- Mauvaise interprétation de certains contrôles
- Boutons pas compris : Manque d’information sur les boutons
- Incompréhension de certains contrôles
- Ne comprends pas le but des contrôles
- Peu d’indice d’usage donc parait compliqué à première vue
- Ajouter LFO : Mauvaise compréhension (car vib/wah + speed sont LFO)
- Mauvaise compréhension de certains effets (overdrive)
- Mauvaise interprétation de certains contrôles
- Pour un musicien sans notion de MAO, c’est compliqué
- Manque d’une fonction de ON/OFF des différents blocs d’effets
- Difficile de comprendre les interdépendances des contrôles sans connaissances au
préalable
- Incompréhension sur le concept même de “synthétiseur”
- Phase exploratoire ne suffit pas à tout maîtriser, même les boutons basiques (4/8/16,
carré-1)
Face aux performances relativement faibles de nos sujets durant nos entretiens, il était
important d’analyser les comportements de ces utilisateurs à la lumière de certains modèles
théoriques.
Les “5 étapes cognitives de l’action”, proposé par P-H. Dejean dans le cours d’ICX02,
donnent un aperçu des caractéristiques d’une interface qui peuvent entraver la progression
de l’utilisateur dans la réalisation de ses objectifs.
Ces étapes sont imbriquées de telles sortes que pour réussir une étape “n”, il faut d’abord
confirmer l’étape “n-1”. Par exemple, pour prendre une bonne décision, la récupération et
l’interprétation des informations doivent être correctes. Bien que ce modèle cognitif soit
extrêmement simple, il permet d’expliquer et de mettre en valeur certains comportements
des utilisateurs.
Après analyse des résultats, nous nous sommes rendu compte que des caractéristiques de
l’interface entravent la résolution de chaque étape.
Prise d’information
La prise d’information est bloquée par une très mauvaise lisibilité des labels. Sur les
exemples suivants, certains utilisateurs ont lu “Velo Hitler” au lieu de “Velo Filter” et “Norse”
au lieu de “Noise” .
En marge de cela, certains sujets se sont plaints d’un manque de contraste entre les
différents contrôles : tout se ressemble, ce qui complique la lisibilité de l’état actuel du
logiciel.
Si l’utilisateur n’arrive pas à lire les informations envoyées par l’interface de manière simple
et directe, il semble déjà compliqué d’utiliser le logiciel de manière efficace. Pour résoudre
ce problème, il suffirait d’adopter une typographie et une iconographie plus claire et lisible,
en regard d’une esthétique plus contrastée.
Interprétation de l’Information
Certaines dénomination des contrôles sont lisibles, mais restent toutefois obscures et
incompréhensibles pour l’utilisateur. La faute à des abréviations, des acronymes et des
unités qui ne sont pas clairs pour des novices et qui empêchent la bonne compréhension de
la dénomination à un niveau syntaxique.
L’exemple le plus parlant est le contrôle “4 8 16” situé tout à gauche de l’interface
du synthétiseur censé changer l’octave de la note : 4 étant l’octave normale, 8
l’octave en dessous et 16 l’octave encore en dessous. Cette notation assez
spéciale sous forme de puissance de 2 nous vient du monde des organistes où on
mesure la taille de chacun des tuyaux en pieds, et où doubler la taille des tuyaux
revient à diviser par deux la fréquence de jeu, donc de décrémenter l’octave.
Sans unité ni explication venant soutenir “4 8 16”, l’utilisateur est libre d'interpréter
ce contrôle. En l’occurrence, la plupart de nos sujets ont pensé que ce paramètre
changeait le nombre de bits sur lequel le son est codé, un nombre plus petit
détériorant volontairement la qualité du son - cet effet se nomme habituellement
“bitcrusher”. Ironiquement, même après la phase de test, une part non-negligeable
de ces sujets sont restés avec leur interprétation et n’ont pas compris la vraie
utilité de ce contrôle.
Cependant, il se trouve que les dénominations utilisées par le logiciel sont extrêmement
concrètes et spécifiques, dans le sens où ils désignent directement des caractéristiques de
l’algorithme de synthèse sonore. Il est donc nécessaire de comprendre le comportement
interne du synthétiseur pour pouvoir saisir la signification de chaque contrôle.
Le problème, c’est que notre cible novice n’a pas un modèle mental calibré sur le
fonctionnement des synthétiseurs. Ceci fait émerger des cas où l’utilisateur pense avoir
compris le sens d’un contrôle, alors qu’il n’en est rien.
On se rend donc rapidement compte que le modèle mental de notre cible est
assez abstrait et “haut-niveau”, tandis que ce synthétiseur considère que
l’utilisateur a les connaissances nécessaires pour comprendre les dénominations
concrètes et “bas-niveau”.
Prise de décision
Comme vu précédemment, l’utilisateur débutant n’est pas en mesure de comprendre la
fonction de chaque contrôle, tout du moins il n’y arrive pas en l’espace de 10 minutes
d’utilisation. Dans ce type de situation, il semble donc très difficile de prendre une décision
réfléchie. Mais un autre problème bien plus important, que nous avons pu mettre en valeur
pendant la phase où l’utilisateur devait se rapprocher d’un son, entrave la prise de décision.
Cependant, bien que les sujets sachent ce qu’ils cherchent, ils n’arrivent pas à convertir une
caractéristique sonore abstraite en une procédure impliquant la modification de contrôles
concrets. Nous avons donc observé un certain nombre de décisions qui semblaient
réfléchies mais qui se sont finalement révélées aléatoires dans l'enchaînement des
contrôles utilisés. Ainsi, dans la configuration étudiée impliquant une prise de décision, les
novices ont eu énormément de mal à atteindre leur objectif.
A ce stade, il était important de pouvoir comparer ces résultats avec des utilisateurs experts.
Nous avons notamment regardé quelques vidéos postées sur Youtube par le producteur de
musique électronique “Virtual Riot” qui décrivent de vraies sessions de composition en
direct. Durant ses sessions de plusieurs heures, le compositeur est amené à exploiter des
effets audio et des synthétiseurs, notamment le très populaire Massive au fonctionnement
assez similaire à ES P, à de nombreuses reprises afin de définir la forme du son de chaque
instrument. Il n’est pas dans une démarche prospective de recherche de son, mais plutôt
dans de constantes prises de décision pour se rapprocher du son qui l’intéresse.
D’après les remarques qui ponctuent ses sessions, il se trouve que ce compositeur est
capable de lier des caractéristiques très haut niveau avec des contrôles concret. Par
exemple, lors d’une vidéo, il explique “J’ajoute de l’attaque pour rendre le son moins
ennuyeux” : ici “son ennuyeux” est une composante subjective et abstraite du son, tandis
que l’“attaque” est directement liée à un contrôle du logiciel.
Néanmoins, il est difficile de déterminer comment ce type de décision est prise, notamment
selon la classification “Compétence/Règles/Connaissance” établie par Rasmussen. Il est
clair que les compétences physiques n’ont pas d’influence sur la prise de décision, mais
qu’en est-il des deux autres classes ? L’expert a-t-il tellement utilisé ou étudié ce type de
logiciel qu’il en a simplement acquis un certain nombre de configurations de contrôles en
réponse à une caractéristique abstraite ? Ou alors connaît-il le fonctionnement interne du
synthétiseur si bien qu’il a saisi exactement l’influence de chaque contrôle sur le son, auquel
cas il pourrait être capable d’effectuer un raisonnement inverse : à partir d’un son, en
déduire les contrôles.
Ces questions sont données à titre indicatif pour de futures expérimentations, mais ne sont
pas décisives pour nos travaux, dans la mesure où nous avons déjà déterminé que les
novices ne sont pas capables de faire des liens “caractéristiques <-> contrôles”,
contrairement aux experts.
Action
C’est notamment le cas des potentiomètres, ces contrôles rotatifs utilisés dans tous les
synthétiseurs, extrêmement appréciés notamment pour leur aspect compact, rappelant
d’ailleurs les interfaces physiques.
Le principal problème de ces potentiomètres est que leur manipulation est analogue à des
sliders verticaux, ce qui signifie que, pour modifier leur valeur, il faut les faire “glisser de haut
en bas” plutôt que de les faire “tourner”. Ce comportement est commun à tous les logiciels
audio, même ceux pour débutants comme “Garage Band”; mais il n’est pas du tout évident
pour tout le monde. A ce titre, tous les sujets qui n’étaient pas familiers avec les dispositifs
de MAO ont dû avoir un petit temps d’adaptation.
Validation de l’Action
Une fois que l’action est effectuée, il est important que l’utilisateur soit informé que sa
modification a bien été comprise par le système, afin de notamment pouvoir poursuivre ses
prises de décision. A ce titre, l’interface graphique réagit très rapidement aux actions
entreprises par l’utilisateur et nous n’avons pas relevé de frustrations concernant l’interface.
Subtilités de paramètres
Tout d’abord, certains paramètres sont extrêmement subtiles, trop subtiles comparés à
d’autres synthétiseur. Par exemple, la partie de l’interface dédiée au mélange des ondes,
censée définir le timbre du son, ne permet que de mixer des ondes très similaires (en
l’occurrence “signal carré”, “signal triangle” et “signal en dent de scie”). La différence dans
les timbres n’est donc pas suffisamment significative pour être bien remarquée, même pour
les oreilles les plus expérimentées, entraînant une incompréhension dans le fonctionnement
de ce système.
Ironiquement, par défaut, l’amplitude est nulle et la vitesse est proche de zéro, ce qui
complique encore plus la compréhension de ce couple de paramètres. Un utilisateur de
niveau intermédiaire s’est d’ailleurs plaint de l’absence d’un LFO au sein du logiciel, il n’avait
tout simplement pas bien compris comment le manipuler.
Test de modification
Une autre manière d’expliquer les erreurs des utilisateurs est la difficulté à déterminer
comment tester ses modifications. Par défaut, il semblerait que les sujets effectuent leur test
de la façon suivante : l’utilisateur appuie sur des touches du piano pour enclencher la
synthèse et la diffusion du son, puis il modifie plusieurs contrôles afin d’entendre les
modifications en temps réel. S’il n’entend pas directement une modification, il n’hésite pas à
pousser un paramètre à son maximum. Il se trouve que cette méthode semble plus
intéressante et moins sensible à l’erreur que celle consistant à séparer “phase de jeu” et
“phase de modification de contrôle”. Nous faisons ici l’hypothèse que nous entendons plus
facilement les modifications du son pendant un jeu continu qu’entre des jeux discontinus, il
serait donc plus simple de se rendre compte des modifications pendant la diffusion du son,
notamment dans un contexte où l’utilisateur ne sait pas ce qui est censé être modifié.
Cependant, certains contrôles ne peuvent être changés en temps réel, car ils modifient des
caractéristiques très précises du son au cours du temps, il est alors nécessaire d’avoir deux
phases distinctes. C’est le cas des paramètres “Attack” et “Release” qui agissent
respectivement sur l’évolution du son juste après l’appui de la touche, et l’évolution du son
juste après son relâchement. Il est donc nécessaire de recommencer la synthèse du son à
chaque modification de ces paramètres; agir autrement donne l’impression que ces
paramètres n’ont aucune influence sur le son.
C’était le cas avec le contrôle “4 8 16” décrit précédemment où certains sujets, convaincus
qu’il changeait la qualité du son, ne se sont pas rendus compte qu’il modifiait simplement la
hauteur du son.
Un autre exemple concerne le contrôle “Frequency” censé changer la fréquence du filtre
passe-bas. Si cette valeur est nulle, cela signifie que le filtre coupe une grande partie du
spectre fréquentiel du son, ne laissant donc que les fréquences les plus faibles. Un
utilisateur en particulier, ayant quelques difficultés à discerner les basses, a cru qu’il avait
simplement changé le volume du son.
Conséquences
De plus, les décisions étant prises quasiment aléatoirement, l’utilisateur est en constante
exploration. S’approcher du son n’est donc plus vraiment un problème de décision organisé
où le sujet prend le temps de décomposer son travail, mais plutôt un enchevêtrement de
courtes phases de modification, durant lesquelles il agit arbitrairement sur un petit ensemble
de paramètres jusqu’à s’approcher du son recherché. Les décisions sont donc extrêmement
locales et contextuelles, et non globales et prévues à l’avance.
Ces méthodes de raisonnement “pas à pas” peuvent fonctionner dans certains cas, sous
réserve qu’on puisse facilement revenir en arrière en cas d’erreur.
Cependant, le paradigme des contrôles que nous décrivons ici empêche l’utilisateur de
rapidement comprendre son erreur. En effet, il peut arriver qu’il modifie un paramètre qui
n’influe pour l’instant pas sur le son, puis qu’il manipule son contrôle associé, altérant
d’autant plus la synthèse du son. Dans ce cas-là, que nous avons observé à un certain
nombre de reprises, une action effectuée durant une courte phase de modification et de test
peut se révéler fausse que plusieurs itérations plus tard. L’erreur n’est donc pas
nécessairement associée à la dernière action effectuée, ce qui rend inutile les
fonctionnalités de type “Annuler la dernière action” (“CTRL + Z”), et ce qui complexifie toute
la phase de prise de décision.
Il faudrait alors guider l’utilisateur sur les caractéristiques audio qu’il est en train de modifier
à chaque fois qu’il agit sur un paramètre afin qu’il puisse apprendre à lier des contrôles
concrets avec certaines caractéristiques auditives.
Face à autant de problèmes de forme et de fond dans une si petite interface, pourtant bien
représentative des autres solutions du marché, une question nous vient assez vite :
Pourquoi est-ce aussi compliqué ? Nous y voyons deux raisons.
Tout d’abord, la plupart de ces logiciels tentent de mimer le fonctionnement et l’interface des
synthétiseurs physiques, qu’ils soient numériques ou analogiques, que les professionnels
ont l’habitude de voir et d’utiliser. Or, ces solutions physiques répondent généralement à des
contraintes matérielles importantes concernant par exemple le nombre de boutons, la taille
du circuit imprimé, les éléments de feedbacks (écran ou indicateurs lumineux …);
contraintes qui imposent des choix de designs stricts assez difficilement compréhensibles
par les débutants. Le passage au numérique devrait pouvoir satisfaire les designers qui
peuvent ainsi profiter de tout l’écran pour restructurer, simplifier et dynamiser leurs
interfaces, tout en proposant de nouvelles interactions adaptées pour ce support.
Ainsi, si cette transition n’a pas encore été faite, c’est peut-être tout simplement qu’elle ne
peut pas être effectuée. Cela peut être pour des raisons de difficultés de développement - il
est en effet assez difficile de développer ce type de contrôles complexes pour les plugins
audio; pour des raisons de managements d’équipe - les équipes de conception et de
Bien que les technologies de home-studio sont de plus en plus abordables et accessibles,
permettant aux débutants motivés de s’y mettre sérieusement, les solutions dites “plug n’
play” ne sont pas fréquentes. Il y a toujours une certaine complexité latente, que les
utilisateurs ont d’ailleurs rapporté indirectement à l’aide des dessins préliminaires. En effet,
les sujets les plus débutants ont simplement dessiné des contrôles sans toutefois les
nommer pour la plupart. Les synthétiseurs sont donc considérés par les moins initiés comme
“compliqués”.
Améliorer le “Workflow”
● Catégorisation des éléments constituants du son de manière distincte
● Offrir un cheminement des étapes de créations du son (chronologique ou
indépendant)
● Proposer un mode “patchbay”, c’est à dire où l’on a un son de base sur lequel on
applique des modifications couche après couche
● Ajouter un historique des actions et la possibilité d’annuler la dernière opération
Proposition 1 : Interface v2
En prenant en compte la liste d’amélioration ci-après, nous proposons une nouvelle interface
basée sur la version actuelle du plugin.
● Texte plus lisible
● Ajouter des Couleurs par “catégories”
● Afficher les valeurs numériques des sliders et potentiomètres
● Ajouter des infobulles + menu aide
● Label compréhensibles
Le designer I. Sanchez propose une version plus moderne du design3. Cela correspond à
nos attentes. Nous ajoutons le concept des couleurs et le menu d’aide ainsi que les valeurs
numériques.
3
Reférence du design par Isaac Sanchez https://dribbble.com/shots/2191628-Synth-plugin-
redesign-sketch
Axe1
Axe2
Boutons 4 / 8 / 16
Octave
+1
-1
- Utilisation d’un curseur à position
Actuellement - Textes clairs
Actuellement
S Ampli
- ajout d’un écran de visualisation
- utilisation de deux sliders
- mode Wah et Vibrato distinct
Actuellement
Filte Filter
- ajout d’un écran de visualisation
- possibilité de modification
directement sur le graphique
avec la souris :
Actuellement
Proposition 4 : Workflow
Représenter l’interface selon des catégories logiques, et un fil conducteur de la création du
son de gauche à droite :
1) Modification du signal MIDI (Octave)
2) Forme de l’onde
3) LFO
4) Filtre
5) Envelope (ADSR)
6) Autre effets (Chorus, Overdrive, …)
Chacun de ses bloc est alors indépendant, et dispose d’une fonctionnalité On/Off et remise
à zéro.
Cette division en blocs indépendants pourrait permettre d’afficher aux utilisateurs les plus
débutants uniquement les blocs indispensables. Au fur et à mesure de leur maîtrise ils
peuvent choisir d’en rajouter pour aller dans le détail. C’est le principe du progressive
disclosure4.
4
Référence à l’article de J. Nielsen voir lien à la section bibliographie
La véritable difficulté fut de trouver les outils de développement. En effet, nous n’avions pas
les connaissances pour programmer tout un algorithme de synthèse de son, nous avons
donc cherché un moyen de faire fonctionner une interface graphique quelconque avec le
moteur de synthèse sonore de ES P. Après un certain nombre de recherches, nous avons
découvert le logiciel OSCulator capable de modifier à distance les paramètres d’un
synthétiseur de Logic Pro, en utilisant le protocole OSC.
Pour réaliser un prototype d’une interface graphique d’un plugin audio, il suffit seulement de
programmer cette interface à l’aide d’une technologie quelconque, puis de l’interfacer à ce
plugin en envoyant des requêtes au format OSC vers le logiciel OSCulator.
Nous nous sommes alors inspirés de l’interface originale mais efficace de Logic Pro
Drummer, un plugin de Logic Pro permettant de générer à la volée des rythmes de batterie.
En l’occurrence, la partie centrale de cet utilitaire est un espace décrivant le rythme généré
selon deux axes : un axe représentant la complexité temporelle du rythme (nommé
“Simple/Complex” en anglais), et un autre encodant la puissance du jeu (nommé “Soft/Loud”
en anglais).
Les terminologies utilisées nous semblaient respecter nos critères de sémantique, nous
avons donc repris les mêmes termes pour organiser notre espace de son.
Organisation de notre interface. Les sons “classiques” sont ceux représentant une note bien
définie. Les sons “organiques” sont des bruits dynamiques.
Nous avons ensuite implémenté cette interface en python à l’aide du moteur Pygame. La
principale difficulté était de faire correspondre chaque axe aux paramètres du synthétiseur, il
nous fallait à ce titre bien comprendre le fonctionnement de chaque contrôle et les liens qui
existent entre eux.
Nous avons eu l’occasion de faire tester, de manière qualitative, cette nouvelle interface à
l’utilisateur le plus débutant. Ce sujet a assez rapidement compris le fonctionnement de
l’interface et le but de ces deux axes. Cependant, cet utilisateur, qui se plaignait du nombre
de contrôles trop important de l’interface initiale, était maintenant déçu du manque de
possibilités offertes par cette nouvelle interface. Il propose à ce titre de mettre plusieurs
curseurs, chacun spécifiant le son à l’aide d’un nouveau jeu de paramètres; ou alors
d’afficher à côté l’interface initiale afin de modifier plus finement le son.
Le prototype fonctionnel que nous avons développé permet d’envisager de nouveaux tests
utilisateurs afin de vérifier certaines hypothèses ou pistes d’amélioration.
Sur le plan académique nous avons appris à mettre en place un protocole de test utilisateurs
et analyser des comportements ou des actions en mettant en application les principes
théoriques vus en cours. Nous nous sommes notamment rendus compte que les utilisateurs
ne pensent pas tout le temps ce qu’ils disent, et qu’ils ne disent pas nécessairement ce
qu’ils pensent; et qu’il faut alors bien mesurer la pertinence des propositions.
A l’avenir pour faire suite à cette étude, nous pourrions développer d’autres prototypes
fonctionnels sur la base de nos recommandations et recommencer des tests utilisateurs.
Cela permettrait de confirmer ou d’affiner les propositions d’amélioration.
- “100 Things Designer Should Know About People”, Susan Weinchenk (2011)
Dessins préliminaires