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Isabella Pezzini
Eco Umberto, Pezzini Isabella. La sémiologie des Mythologies. In: Communications, 36, 1982. pp. 19-42.
doi : 10.3406/comm.1982.1536
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/comm_0588-8018_1982_num_36_1_1536
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Passion constante (et illusoire) d'apposer sur tout fait, même le plus
menu, non pas la question de l'enfant : pourquoi ? mais la question de
l'ancien Grec, la question du sens, comme si toutes choses frisson
naient de sens: qu'est-ce que ça veut dire? Il faut à tout prix
transformer le fait en idée, en description, en interprétation, bref lui
trouver un autre nom que le sien 4.
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2. L'ENJEU SÉMIOLOGIQUE.
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les espèces sont les emblèmes, les gestes, les images et le langage
verbal (il anticipe donc le projet saussurien d'une science sémio-
logique). Ce n'est qu'à la suite de cette inscription du langage
verbal dans le domaine sémiotique que le modèle linguistique,
certes plus articulé et plus raffiné que les autres modèles sémiolo-
giques, prend le dessus et se constitue comme modèle sémiologi-
que tout court.
Ce que nous essayons de dire, c'est que le Barthes d'Eléments de
sémiologie et de Système de la Mode est victime de cette équivoque
« moderne » et qu'il ne pouvait sans doute faire autrement ; mais
le Barthes de Mythologies y échappe, et instinctivement, il fait de
la sémiologie comme le faisaient les grands maîtres fondateurs de
cette discipline, dans la Grèce antique. Ainsi Mounin reproche à
Barthes ce qui a été son plus grand mérite : avoir compris qu'une
sémiologie est une épistémologie générale, parce qu'elle offre des
instruments pour reconnaître que faire de la science, c'est avant
tout apprendre à voir le monde, dans sa globalité, comme un
ensemble de faits signifiants.
Si tel était le projet de Peirce, plus que de Saussure, nous
aimerions dire que le Barthes de Mythologies n'en propose pas le
fondement théorique, mais l'exemple pratique. Autrement dit,
avant de fonder la sémiologie à l'usage des universitaires, Barthes
l'avait découverte et mise en pratique, précisément comme
pratique sociale d'interprétation critique de l'univers (ou du
moins, de l'univers social des communications de masse). Aujourd
'hui,plus sensibilisés par les développements postérieurs des
disciplines sémiologiques, nous sommes convaincus que la grande
leçon de Barthes tient précisément dans son geste de pionnier, et
que Barthes est d'autant plus sémiologue, au cours de son histoire
d'écrivain, qu'il se rapproche du projet de Mythologies.
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selon la façon dont elles sont mises en jeu par une sorte d'ensemble
de « règles de genre », ce qui constitue la ritualité du spectacle,
ainsi fondée sur la répétition et la prévisibilité comme dans les
récits les plus pauvres. Comme les masques de la commedia
dell'arte, les catcheurs portent déjà l'empreinte, au niveau « phy-
siognomique », des marques anticipant leur rôle dans le match :
« Comme au théâtre, chaque type physique exprime à l'excès
l'emploi qui a été assigné au combattant 16. »
II y a, dans la reconnaissance de cet investissement figuratif des
personnages, une idée qui deviendra fondamentale dans l'analyse
sémiotique : l'actualisation d'un « signe » a en soi un patrimoine
de sens virtuel. Ainsi lorsqu'un personnage qualifié pour l'accom
plissement de certaines actions intervient dans un récit, il ouvre
dans le texte une série de parcours possibles permettant de
« prévoir » le déroulement du récit 17. C'est ce que Barthes observe
dans le « texte » du catch où les figures et les situations dramati
ques possibles sont ramenées à une variation circulaire de
stéréotype qui ne parvient pas à se développer en syntagme, mais
qui répond précisément au type de contrat communicatif stipulé
entre les acteurs du jeu et leurs spectateurs : « le catch exige donc
une lecture immédiate des sens juxtaposés, sans qu'il soit néces
saire de les lier 18 ». C'est seulement à partir de cette analyse, qui
est déjà, comme nous avons essayé de le montrer, une analyse de
texte au sens propre, que l'on peut comprendre et démasquer le
niveau idéologique du catch (mais aussi de bien d'autres produits
de ce qu'on appelle la culture de masse, comme le roman rose par
exemple). Au-delà du premier niveau de signification, au-delà de
l'Exposition de la Douleur comme spectacle sémiotique de simul
ation passionnelle, ce niveau idéologique apparaît comme offrant
une occasion de consommer des passions réduites à leurs moindres
termes : quelque chose de moins héroïque que la lutte entre le Bien
et le Mal, qui pourrait regarder la tragédie, quelque chose comme
l'affirmation d'une justice de petit cabotage, où c'est le plus malin
qui gagne.
4. LA CARTE TEXTUELLE.
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5. LA CARTE ET LE CODE.
Ce qu'on appelle Code, ici, n'est donc pas une liste, un paradigme qu'il
faille à tout prix reconstituer. Le code est une perspective de citations,
un mirage de structures ; on ne connaît de lui que des départs et des
retours ; les unités qui en sont issues (celles que l'on inventorie) sont
elles-mêmes, toujours, des sorties du texte, la marque, le jalon d'une
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digression virtuelle vers le reste d'un catalogue [...] ; elles sont autant
d'éclats de ce quelque chose qui a toujours été déjà lu, vu, fait, vécu :
le code est le sillon de ce déjà 24.
6. LA TENTATION DU SYSTÈME.
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dit qu'il soit omni-effable (il n'est pas dit qu'avec le système
verbal on puisse tout dire, on peut dire tout ce que l'usage du
système verbal nous a habitués à identifier avec la totalité du
dicible 25) .
Mais même si le fait (1) était vrai, dire que le système verbal
peut traduire les messages de tous les autres systèmes n'équivaut
pas à dire que les lois du système verbal sont les lois des autres
systèmes : les deux conclusions sont au départ indépendantes
l'une de l'autre.
Mais ce qui nous intéresse maintenant, ce n'est pas de discuter
ces deux conclusions d'un point de vue théorique ; ce qui nous
intéresse, c'est de relever, du point de vue historiographique, les
contradictions dans lesquelles s'enferme Barthes à partir du
moment où il assume les deux conclusions comme coextensives.
Dans les pages qui suivent, nous verrons comment naissent, de
cette décision, deux embarras : l'un regardant le concept de
connotation, l'autre celui de métalangage. Barthes les emprunte à
Hjelmslev, mais il transforme deux instruments conceptuels qui
chez Hjelmslev étaient très précis (trop peut-être) en deux
instruments plus souples, parfois contradictoires. Il rend ainsi
théoriquement discutable le choix d'Eléments de sémiologie et de
Système de la Mode, mais il laisse la voie ouverte pour ce retour
toujours désiré (et dont nous cherchons ici les symptômes et les
traces) à l'utopie sémiologique globale des premières œuvres.
Du point de vue formel, Barthes est extrêmement précis :
connotation et métalangage « s'opposent donc comme dans un jeu
de miroir 26 » et se représentent, comme tout le monde sait
maintenant, ainsi :
Connotation Métalangage
E C E C
E C E C
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8. CONCLUSION.
Et après ?
— Quoi écrire, maintenant ? Pourrez-vous encore écrire quelque
chose ?
— On écrit avec son désir, et je n'en finis pas de désirer 51.
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NOTES
1. Roland Barthes par Roland Barthes, Paris, coll. « Écrivains de toujours », Seuil,
1979, p. 148.
2. Entretien avec Jean Thibaudeau, Tel Quel 47, automne 1971, p. 98.
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