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ARTICLE ORIGINAL
a
Laboratoire de pathologie clinique et expérimentale (LPCE), hôpital Pasteur, centre
hospitalo-universitaire, BP 69, 06002 Nice, France
b
Tumorothèque-centre de ressources biologiques, hôpital Pasteur, centre
hospitalo-universitaire, BP 69, 06002 Nice, France
c
Institut universitaire de la face et du cou, avenue de Valombrose, 06100 Nice, France
d
Service de dermatologie, hôpital de l’Archet, 06200 Nice, France
e
Service de chirurgie thoracique, hôpital Pasteur, centre hospitalo-universitaire, BP 69,
06002 Nice, France
f
Unité de pneumologie, CLCC Antoine-Lacassagne, 06189 Nice, France
g
Service de pneumologie, hôpital Pasteur, centre hospitalo-universitaire, BP 69, 06002 Nice,
France
h
Laboratoire de pathologie, CHU de Rouen, 1, rue de Germont, 76031 Rouen cedex, France
∗ Auteur correspondant.
Adresse e-mail : hofman.p@chu-nice.fr (P. Hofman).
1 Ces auteurs ont contribué de façon identique à ce travail.
0242-6498/$ — see front matter © 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
http://dx.doi.org/10.1016/j.annpat.2012.12.003
Création d’un secteur de pathologie moléculaire 25
MOTS CLÉS Résumé L’avènement des thérapies ciblées et de la médecine personnalisée en oncologie a
Biologie moléculaire ; provoqué en France la mise en place et la structuration du réseau des plateformes hospita-
Pathologie lières de génétique moléculaire sous l’impulsion de l’Institut national du cancer (INCa). Ces
moléculaire ; plateformes sont, selon les sites concernés, intégrées ou non au sein des services d’anatomie
Assurance qualité ; pathologique. Le développement des techniques de biologie moléculaire, le choix des procé-
Accréditation ; dures, l’établissement du circuit des échantillons, le contrôle de la qualité et la sélection des
NF ISO 15189:2007 ; altérations génomiques à détecter sur chaque plateforme, ont été laissés à l’appréciation des
Thérapie ciblée différents laboratoires. En fonction des appels à projet formulés par l’INCa, les plateformes hos-
pitalières de génétique moléculaire ont pu adapter leur activité selon l’enveloppe budgétaire
attribuée. Alors que la présence de certaines altérations génomiques (comme les mutations
du gène KRAS dans les adénocarcinomes coliques métastatiques ou les mutations du gène de
l’EGFR dans les adénocarcinomes bronchopulmonaires), peuvent avoir comme conséquence
l’administration de thérapies ciblées associée à une autorisation de mise sur le marché (AMM) de
différentes molécules, d’autres sont associées à des essais thérapeutiques. Dans ce contexte,
il est apparu nécessaire d’adapter rapidement le fonctionnement des laboratoires hospita-
liers d’anatomie pathologique réalisant des actes de biologie moléculaire afin de répondre à la
demande croissante des oncologues dans le domaine des thérapies ciblées. Cet article a pour
but de décrire les différentes étapes de la mise en place d’un secteur de pathologie moléculaire
au sein d’un laboratoire hospitalier d’anatomie pathologique (LPCE, CHU de Nice) et de mon-
trer l’expérience dans ce domaine de ce laboratoire plus particulièrement orienté sur la prise
en charge du diagnostic morphologique et moléculaire des cancers du poumon, de la thyroïde
et du mélanome malin.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
KEYWORDS Summary The advent of targeted therapies and personalized medicine in oncology has led in
Molecular biology; France to the settlement and organisation of a network of hospital molecular genetic platforms
Molecular pathology; under the impetus of the National Cancer Institute (INCa). These platforms are, according to
Quality assurance; the concerned sites, integrated or not in pathology laboratories. The development of molecular
Accreditation; biology methods, the choice of the procedures, the establishment of sample workflow, the
ISO 15189; quality control and the selection of the genomic alterations to be detected on each platform,
Targeted therapy have been left to the discretion of the different laboratories. Based on calls for project made by
the INCa, hospital molecular genetic platforms were able to adapt their activity according to the
assigned budgets. While the presence of some genomic alterations (i.e. KRAS gene mutations in
metastatic colon adenocarcinoma or EGFR gene mutations in lung adenocarcinomas), may lead
to administration of targeted therapies under the Marketing Authorization Application (MAA),
others are associated with therapeutic clinical trials. However, increasing number of MAA for
new molecules targeting genomic alterations is likely in the near future. In this context, it
is necessary to quickly adapt the organisation of work of the hospital pathology laboratories
performing molecular biology tests in order to meet the growing demand of oncologists in the
field of targeted therapies. The purpose of this article is to describe the different steps of the
settlement of a molecular genetic platform in an academic pathology laboratory (LPCE, CHU de
Nice) and to show the experience of this laboratory specifically oriented on the support of the
morphological and molecular diagnosis of lung cancer, thyroid cancer and malignant melanoma.
© 2013 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.
Le concept de médecine personnalisée et « l’explosion » des nouvelle activité et à de nouvelles obligations [1]. Ainsi,
thérapies ciblées en oncologie ont eu pour conséquence l’association d’une activité de « morphologiste » et de bio-
la mise en place en 2006 des plateformes hospitalières logiste moléculaire (ou de « pathologiste moléculaire »)
de génétique moléculaire par l’Institut national du can- a demandé au pathologiste une formation nouvelle et
cer (INCa) afin de rendre accessibles les tests de détection l’acquisition rapide de connaissances à la fois théoriques
d’altérations génomiques à tous les patients sur l’ensemble et pratiques. Le nombre croissant des publications consa-
du territoire français. Selon les villes, ces plateformes se crées à l’intégration de la biologie moléculaire en anatomie
sont organisées en plateforme centralisée sur un seul labo- pathologique dans les revues anglo-saxonnes de patholo-
ratoire ou réparties sur plusieurs laboratoires au sein d’une gie témoigne de la nécessité de développer ce secteur
même institution ou d’une même ville. Les laboratoires d’activité au sein de nos laboratoires [2—11]. L’obligation
développant une activité de biologie moléculaire à partir de de devoir accréditer (selon la norme ISO 15189) à court
tissus ou de cellules tumorales (ou activité de « pathologie terme l’activité de biologie moléculaire, a entraîné une
moléculaire ») peuvent être des structures « autonomes » autre obligation pour le pathologiste développant ce sec-
dirigées par des biologistes, des pharmaciens ou des histolo- teur au sein de son laboratoire, celle d’appréhender le
gistes, ou bien des structures intégrées dans des laboratoires système de management de la qualité dans ce domaine
d’anatomie pathologique. C’est dans ce dernier cadre et de maîtriser toutes les exigences liées à cette activité
que les pathologistes ont dû rapidement s’adapter à une [12].
26 E. Long et al.
Le but de cet article est de décrire la mise en place d’un muqueux, ou acrolentigineux). En 2011, les mutations du
secteur de « pathologie moléculaire » au sein d’un labora- gène KIT (exons 9, 11, 13, 17, 18) (mélanomes muqueux
toire d’anatomie pathologique (le laboratoire de pathologie et acro-lengitineux), du gène BRAF (V600, K, D, G, M,
clinique et expérimentale [LPCE] du CHU de Nice) avec les A, G464E, G466 V, G469A) (mélanomes, ADCBP, adénocar-
différentes contraintes et obligations liées à ce dévelop- cinome colique métastatique), du gène P13KCA (exons 9 et
pement. Nous détaillons plus particulièrement les étapes 20) (ADCBP), du gène HER2 (ADCBP) et le réarrangement de
préanalytique, analytique et postanalytique nécessaires à EML4-ALK (ADCBP) ont été également recherchées. Seule
la réalisation de ce secteur. Nous décrivons également le cependant, la recherche des mutations des gènes de l’EGFR,
périmètre choisi pour l’engagement du laboratoire dans la de BRAF et de KRAS a été inclue dans le périmètre initial de
démarche d’accréditation selon la norme ISO 15189 de ce la démarche d’accréditation.
secteur de pathologie moléculaire et l’activité de ce secteur L’ensemble des altérations génomiques recherchées et
entre janvier 2010 et avril 2012. des pathologies concernées est résumé dans le Tableau 1.
Tableau 1 Principales altérations génomiques recherchées au sein du laboratoire de pathologie clinique et expérimen-
tale et pathologies d’organe concernées par ces analyses.
Main genomic alterations determined at the LPCE and corresponding tumour pathology.
Gène Adénocarcinome pulmonaire Mélanome malin Carcinome papillaire Adénocarcinome
de la thyroïde colique métastatique
EGFR Exon 18 (p.G719A ; p.G719S, Non recherché Non recherché Non recherché
p.G719 C)
Exon 19 (Del19)
Exon 20 (p.S768I ; p.T790 M)
Exon 21 (p.L858R ; p.L861Q
ou R)
KRAS Exon 2 (p.G12D ; pG12V ; Non recherché Non recherché Exon 2 (p.G12D ;
p.G12 C ; p.G12S ; p.G12A ; pG12V ; p.G12 C ;
p.G12R ; p.G13D) p.G12S ; p.G12A ;
Exon 3 (p.Q61L ; p.Q61E ; p.G12R ; p.G13D)
p.Q61H ; p.Q61R) Exon 3 (p.Q61L ;
p.Q61E ; p.Q61H ;
p.Q61R)
BRAF Exon 15 Exon 15 (V600E ; V600G ; Exon 15 (V600E ; Exon 15 (V600E ;
(V600E ; V600G ; V600 M ; V600 M ; V600 K ; V600A) V600G ; V600 M ; V600G ; V600 M ;
V600 K ; V600A) V600 K ; V600A) V600 K ; V600A)
Exon 11 (G464E ; G466V ;
G469A)
KIT Non recherché Exon 9 (p.K509I ; Non recherché Non recherché
p.Y503 F504insAY ;
p.F508 K509insFAF)
Exon 11 (p.K550* ; p.Y553* ;
p.W557* ; p.V559* ; p.N566* ;
p.V569* ; p.L576*)
Exon 13 (p.R634* ; p.K642E ;
p.N655 K)
Exon 17 (p.D816* ; p.A829P)
Exon 18 (p.I841V)
PI3KCA Exon 9 (p.E542 ; p.E545 ; Non recherché Non recherché Non recherché
p.Q546)
Exon 20 (p.M1043 ; p.H1047 ;
p.G1049)
ALK Réarrangement ALK Non recherché Non recherché Non recherché
HER2 Insertions exon 20 Non recherché Non recherché Non recherché
zones étendues de nécrose (éléments impactant sur la qua- développées sur son site par le fournisseur pour utiliser un
lité des résultats), sont pris en considération lors de la kit commercialisé ou un équipement. Ainsi cette approche
validation finale des résultats de pathologie moléculaire. autorise une simple « vérification » au sein du laboratoire,
Les différentes étapes concernant l’extraction, la quanti- c’est-à-dire que la mise en application des procédures
fication, et le contrôle de qualité de l’ADN ont été réalisées conduit à des résultats reproductibles (ce qui constitue
comme précédemment décrites [6]. l’une des « exigences » de la norme). L’évaluation de dif-
férents paramètres (fidélité, reproductibilité, répétabilité,
robustesse, contamination inter-échantillons, justesse) a
La phase analytique été conduite pour les différentes techniques automatisées.
Nous avons décidé de mettre en place des méthodes auto- En 2010, les recherches de mutation ont été réalisées
matisées et nous avons utilisé des kits commercialisés avec par pyroséquençage et par séquençage direct de façon sys-
des lots ayant des dates de péremption (« kits » développant tématique pour chaque examen. En 2011, seule la technique
des tests « CE-IVD » correspondant à des tests de diagnostic de pyroséquençage a été utilisée, hormis pour la recherche
in vitro agréés par le conseil de l’Europe). Ce choix nous des mutations des gènes KIT, PI3KA et HER2 qui a été réa-
autorise à « adopter » les « pratiques » et « à vérifier » au sein lisée par séquençage direct (compte tenue de l’absence de
du laboratoire les différentes performances affichées par « kits CE-IVD » disponibles actuellement pour la recherche
les fournisseurs, selon les « exigences » du chapitre 5 de la des mutations par pyroséquençage sur ces trois gènes).
norme ISO15189. L’ « adoption », terme employé dans cette L’analyse ciblée des mutations sur les gènes :
norme, consiste pour un laboratoire à utiliser de façon scru- • EGFR (codons 719, 768, 790, et 858—861, et les délétions
puleuse l’ensemble des procédures (ou des « pratiques ») dans l’exon 19) ;
28 E. Long et al.
analyse immuno-histochimique avec un anticorps anti-ALK cette analyse compte tenu d’un pourcentage de cellules
a été réalisée systématiquement d’emblée en cas de dia- tumorales trop faible (< 5 %), d’un matériel entièrement
gnostic d’ADCBP suivi d’une analyse par FISH sans attendre nécrotique ou plus exceptionnellement d’un diagnostic his-
les résultats des mutations sur les gènes de l’EGFR et de tologique non adapté à la demande de la mutation (erreur
KRAS. La recherche des mutations de BRAF est ensuite réa- d’identification du bloc de paraffine adressé). L’analyse
lisée en cas d’absence de mutations et de réarrangement a concerné 155 pièces opératoires (75 tissus congelés),
détectés précédemment. Une recherche de mutation du 198 biopsies bronchiques (dont 16 biopsies congelées) et
gène HER2 est ensuite réalisée en l’absence de mutation 11 culots cellulaires (réalisés à partir d’aspiration bron-
détectée. chique). Dans la même période, 58 CPT (dont 39 tumeurs
Un certain nombre d’informations présentes sur la fiche congelées) ont été analysés ainsi que 110 mélanomes malins
de prescription et sur le compte rendu de pathologie molé- (dont 45 tumeurs congelées).
culaire permet d’apprécier les délais de transmission des
résultats et les délais pouvant exister entre différentes Altérations génomiques observées
étapes :
• délai entre le prélèvement et la prescription par le patho- L’ensemble des résultats obtenus et le détail des mutations
logiste et/ou le clinicien ; par pathologie d’organe sont indiqués dans le Tableau 3.
• délai entre la prescription et la transmission de En 2010, 11 % des ADCBP présentaient une mutation du
l’échantillon au secteur de pathologie moléculaire ; gène de l’EGFR, correspondant dans 8 % des cas à une muta-
• délai entre la réception de l’échantillon dans le secteur de tion sur l’exon 19 et dans 3 % des cas à une mutation sur
pathologie moléculaire et la signature du compte rendu l’exon 21. Trente-cinq pour cent des ADCBP présentaient une
et sa mise à disposition. mutation sur le gène KRAS, avec une majorité des mutations
sur le codon 12. Ces mutations étaient toujours exclusives.
Ces délais ont été analysés de façon comparative pour De 2011 à 2012, 17,2 % des ADCBP présentaient une mutation
des échantillons provenant du secteur libéral et du secteur du gène de l’EGFR (10,5 % des cas sur l’exon 19 et 5,7 % des
hospitalier. cas sur l’exon 21). Parmi les ADCBP, 33,1 % montraient une
mutation exclusive sur le gène KRAS. Quatorze tumeurs non
mutées pour l’EGFR, KRAS et PI3KA montraient une muta-
Résultats tion du gène BRAF (V600E [six cas] ; G469 [sept cas] ; G466
[un cas]). Le réarrangement du gène ALK était présent chez
Tumeurs analysées 13,7 % des patients sélectionnés non mutés sur les gènes
EGFR, KRAS et PI3KA. 22/41 (54,4 %) des CPT étaient mutés
En 2010, 80 ADCBP ont été analysés, correspondant à sur le gène BRAF (100 % des cas sur V600E). Quarante-deux
75 pièces opératoires (dont 70 tumeurs congelées) et cinq pour cent des mélanomes étaient mutés sur le gène BRAF
biopsies bronchiques (toutes fixées) ; 45 CPT ont été analy- (41 V600E ; 1 V600 K). Une seule mutation sur le gène KIT
sés (tumeurs congelées). Du premier janvier 2011 au 30 avril (exon 13) a été observée. De 2011 à 2012, 3,5 % des patients
2012, 364 ADCBP ont été adressés au LPCE pour une ana- présentaient une mutation du gène P13KA et 1, 5 % du gène
lyse moléculaire. 39/364 (10 %) cas ont été réfutés pour HER2.
30 E. Long et al.
Figure 2. Exemple de compte rendu de résultat d’un test de mutation somatique au sein du laboratoire de pathologie clinique et
expérimentale.
Example of a somatic mutation test report from the LPCE.
C. Contrôles intralaboratoire concernant les méthodes d’analyse sur le gène de l’EGFR (année 2010)
L’absence ou la quantité trop faible d’ADN était liée dans l’analyse du test KRAS (codons 12, 13 et 61) dans le cadre
les 15 cas observés à une cellularité en cellules tumorales des l’EQA 2010, 2011 et 2012 nous avons obtenu 100 % de
insuffisante par rapport à l’ensemble des cellules observées concordance. Les principaux résultats sont résumés dans le
sur le prélèvement (généralement inférieur à 5 %) ou à un Tableau 2.
très faible nombre de cellules tumorales.
Figure 3. Fiche de prescription pour une demande de pathologie moléculaire formulée au laboratoire de pathologie clinique et expéri-
mentale.
Prescription form for a molecular biology analysis requested to the LPCE.
Figure 4. Arbre décisionnel pour la recherche d’une altération génomique au sein du laboratoire de pathologie clinique et expérimentale.
Diagnostic flow chart for the detection of genomic alterations at the LPCE.
(cancer du poumon, cancer de la thyroïde et méla- deuxième explication tient à l’enrichissement de la popula-
nome malin). Hormis la recherche des mutations par tion analysée pour le réarrangement de EML4-ALK et pour
pyroséquençage, nous avons inclus au sein du secteur de la mutation de BRAF, puisque seuls les patients non mutés
pathologie moléculaire, la technique FISH, bien que cette pour EGFR (sur les quatre exons 18, 19, 20 et 21) et KRAS
technique puisse être considérée par certains praticiens (sur les codons 12, 13 et 61) ont été analysés.
être « hors champ » d’un secteur de pathologie moléculaire. L’activité de pathologie moléculaire nécessite une ges-
L’ensemble des résultats obtenus au sein de notre labora- tion optimale des processus et impose de s’intégrer
toire est sensiblement comparable à celui décrit dans la rapidement dans une démarche d’accréditation. Nous avons
plupart des publications réalisées sur ce sujet en ce qui choisi pour le secteur de « pathologie moléculaire », une
concerne les types de mutations détectés selon la pathologie accréditation selon une norme ISO 15189. Cette norme est
d’organe [2,4,8,9,11,13,18,19,23,24]. Toutefois, si le pour- utilisée pour l’accréditation des actes de « biologie médi-
centage de mutations détectées dans les mélanomes malins cale » dans le cadre des activités de soin. Il n’existe pas
et les CPT sont similaires à ceux rapportés dans la littéra- en fait de norme ISO parfaitement adaptée à l’activité
ture, le pourcentage des différentes altérations génomiques de « pathologie moléculaire », et certaines étapes devant
trouvées dans les ADCBP est globalement plus élevé, en par- conduire à l’obtention de cette accréditation sont diffi-
ticulier pour EML4-ALK et pour BRAF. Ceci peut s’expliquer ciles à franchir. Ainsi dans certains pays (États-Unis, Grande
par le fait que tous les échantillons reçus sur la plateforme Bretagne), l’accréditation de la pathologie moléculaire
n’ont pas été analysés et qu’un certain nombre de prélève- n’utilise pas cette norme et ce sont les organismes natio-
ments a été écarté compte tenu d’une mauvaise qualité. La naux qui délivrent les autorisations de réaliser les tests
34 E. Long et al.
Tableau 3 Altérations génomiques détectées selon la pathologie d’organe (janvier 2010—avril 2012).
Genomic alterations assessed according to tumor type (January 2010—April 2012).
Gène Total WT Muté Non interprétable Distribution des mutations
n (%) n (%) n (%) n (%)
Adénocarcinome EGFR 325 260 (80) 54 (17) 11 (3) Exon 18 : 3 (6)
pulmonaire Exon 19 : 33 (61)
Exon 21 : 18 (33)
KRAS 324 210 (65) 104 (32) 10 (3) Exon 2 (Codon 12) : 93 (89)
Exon 2 (Codon 13) : 6 (6)
Exon 3 (Codon 61) : 5 (5)
BRAFa 148 133 (90) 14 (9) 1 (1) Exon 11 : 8 (57)
Exon 15 : 6 (43)
Pi3KCA 90 82 (91) 3 (3) 5 (6) Exon 9 : 3 (100)
Exon 20 : 0 (0)
ALKb 110 88 (80) 14 (13) 8 (7) NA
HER2 98 88 (90) 1 (1) 9 (9) Exon 20 : 1 (100)
Carcinome papillaire BRAF 58 26 (45) 31 (53) 1 (2) Exon 15 : 31 (100)
de la thyroïde
Mélanome malin BRAF 104 58 (56) 42 (40) 4 (4) Exon 11 : 1 (2)
Exon 15 : 41 (98)
KIT 33 30 (91) 1 (3) 2 (6) Exon 13 : 1 (100)
a Ces résultats sont obtenus à partir d’une population tumorale sélectionnée EGFR, KRAS, PI3KA, non mutés.
b Ces résultats (translocation ou non de ALK) sont obtenus à partir d’une population tumorale sélectionnée EGFR, KRAS, PI3KA, BRAF
non mutés.
Figure 5. Délais de rendu des résultats de biologie moléculaire au sein du laboratoire de pathologie clinique et expérimentale selon
l’origine de la prescription (secteur libéral versus secteur hospitalier).
The turn around time for molecular biology results at the LPCE according to the source of prescription (private sector versus university
healthcare institution).
Création d’un secteur de pathologie moléculaire 35
moléculaires. La difficulté d’une démarche d’accréditation des réseaux moléculaires à identifier au sein d’une tumeur
en « pathologie moléculaire » est liée d’une part à sa spécifi- combinée à des échantillons tumoraux de taille de plus en
cité technique combinant souvent des techniques manuelles plus réduite (compte tenu de gestes de moins en moins
et automatisées et d’autre part au manque d’informations invasifs) sur lesquels un diagnostic morphologique optimal
précises sur la mise en œuvre organisationnelle, technique peut devenir plus difficile [28], vont imposer une optimisa-
et méthodologique accessible dans la littérature scientifique tion des méthodes de détection des altérations génomiques.
concernant cette activité. Lors de la mise en place de notre Ainsi les nouvelles techniques de séquençage (next genera-
démarche d’accréditation nous avons défini une politique tion sequencing ou NGS) devraient permettre des détections
qualité orientée sur trois grandes directions : mutationnelles multiples à partir de l’ADN de plusieurs
• amélioration de l’organisation et de la communication ; patients dans un même temps et à partir d’échantillons de
• satisfaction des clients ; petite taille [29,30]. Ces techniques doivent aussi autori-
• qualité de l’instrumentation et des réactifs. ser une diminution du temps d’analyse afin d’obtenir les
résultats plus rapidement. Un des écueils possibles de ces
Nous avons ainsi ciblé des objectifs mesurables avec des
analyses à haut ou moyen débit risque d’être la qualité
indicateurs de performance. La maîtrise de la phase pré-
de l’ADN après fixation formolée et inclusion en paraffine.
analytique est un élément déterminant pour l’obtention de
Cependant certaines études récentes montrent toutefois de
l’accréditation selon la norme ISO 15189. Si cette phase
très bons résultats avec ces méthodes sur de l’ADN extrait de
préanalytique peut être bien contrôlée pour les analyses bio-
tissus fixés [31]. Un des éléments le plus contraignant sera
logiques, la maîtrise de cette phase dans l’environnement
de pouvoir analyser une quantité suffisante d’ADN extrait
d’un laboratoire de pathologie est plus difficile, car elle
à partir du matériel biologique, le seuil étant le plus sou-
fait intervenir de nombreux paramètres dont certains sont
vent fixé à 10 ng d’ADN. Il faudra certainement réaliser
extérieurs à l’enceinte du laboratoire (bloc opératoire ou
des contrôles de qualité de l’ADN avant toute analyse par
d’endoscopie, service clinique, acheminement des prélè-
NGS et faire aussi des tests comparatifs initiaux avec les
vements jusqu’au laboratoire) [6,25]. D’autres éléments
résultats obtenus sur de l’ADN extrait de matériel tissulaire
de cette phase préanalytique doivent être gérés au sein
congelé. À cette complexité méthodologique (qui néces-
du laboratoire d’anatomie pathologique et ont été précé-
sitera l’émergence rapide de nouvelles compétences dans
demment détaillés [6]. Nous avons créé un fonctionnement
les laboratoires hospitaliers, comme l’expertise bioinfor-
associant les départements cliniques et chirurgicaux reliés
matique), s’ajoute aussi la complexité tumorale avec une
par des pneumatiques au laboratoire d’anatomie patholo-
grande hétérogénéité des mutations selon la cartographie
gique [26]. La grande majorité des prélèvements (pièces
réalisée dans une même tumeur [32]. Ainsi, le concept de
opératoires, biopsies chirurgicales, biopsies bronchiques)
médecine personnalisée doit aussi intégrer les difficultés
arrive par les pneumatiques au laboratoire permettant
actuelles pour cerner avec certitude le profil mutationnel
ainsi leur gestion immédiate (fixation ou congélation) par
de l’ensemble d’une tumeur [32].
les pathologistes en association avec l’équipe technique.
L’avenir d’un secteur de pathologie moléculaire dans
L’organisation mise en place conduit à une prise en charge
un laboratoire d’anatomie pathologique devra aussi tenir
multidisciplinaire associant la pathologie clinique, la bio-
compte des nouveaux développements dans le domaine
banque et la pathologie moléculaire. Ce fonctionnement
de l’immuno-histochimie avec l’arrivée d’anticorps pouvant
conduit à transmettre les résultats de pathologie molécu-
mettre en évidence les mutations et les réarrangements
laire dans un délai optimal aboutissant ainsi à une meilleure
génomiques (par exemple avec les anticorps anti-ALK, anti-
prise en charge thérapeutique.
EGFR [pouvant reconnaître les formes mutées du gène de
Dans la démarche d’accréditation, il est primordial
l’EGFR] ou anti-BRAF) [33—37]. C’est dans ce contexte que
d’effectuer des contrôles de qualité intra- et interlabo-
la confrontation précise des signaux obtenus sur une ana-
ratoires. Ces contrôles doivent concerner chaque gène et
lyse histologique avec les résultats de biologie moléculaire
chaque mutation d’intérêt recherchée, en les adaptant
« classique » s’avère incontournable [33—37]. La présence
à la pathologie d’organe. Les contrôles interlaboratoires
de pathologistes ayant une compétence en biologie molé-
peuvent être réalisés ou non en utilisant les mêmes tech-
culaire sera l’une des garanties de l’utilisation optimale de
niques d’analyse, ce qui peut permettre de comparer les
ces anticorps et d’une bonne interprétation des résultats.
sensibilités des méthodes, notamment en fonction du pour-
Au-delà de l’apport dans le cadre de l’offre de soin
centage de cellules tumorales présent dans l’échantillon à
aux patients, on ne peut ignorer le fait que l’intégration
analyser. Les contrôles de qualité doivent se faire sur toutes
d’un secteur de pathologie moléculaire dans les laboratoires
les étapes (préanalytique, analytique et postanalytique) du
d’anatomie pathologique doit permettre à la nouvelle géné-
processus, mais en particulier depuis la prise en charge
ration de pathologistes, l’acquisition d’une nouvelle culture
initiale du tissu jusqu’à la détermination des altérations
en biologie et de nouvelles connaissances dans la physiopa-
génomiques. Les contrôles externes de qualité bénéficient
thologie du cancer au bénéfice des futurs patients [38—43].
de la mise en place de tests nationaux et européens qui
Enfin, la possibilité d’établir un lien étroit avec une bio-
permettent au laboratoire qui y participe d’obtenir une cer-
banque, idéalement au sein d’un même laboratoire, doit
tification et une reconnaissance objective [27].
permettre également de renforcer l’optimisation d’un sec-
L’évolution constante des nouvelles thérapies ciblées
teur de pathologie moléculaire et de faire naître le concept
dans le domaine de l’oncologie, leur éventuelle combinaison
de « pathologie intégrative » dans les hôpitaux [39,44,45].
adaptée à la présence de plusieurs mutations simultané-
Ce concept de « pathologie intégrative » ou de biopathologie
ment présentes dans la même tumeur, laissent envisager
pourra associer les données moléculaires, la morphologie en
le transfert à court dans le secteur de l’offre de soin de
pathologie clinique et la gestion des différentes collections
nouvelles technologies d’extraction des acides nucléiques et
biologiques.
aussi de l’analyse des altérations génomiques. La complexité
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