Vous êtes sur la page 1sur 1897

Table des matières

édition sba-medecine.com 9

EMC MALADIES INFECTIEUSES 2020 9

livres gratuits 10

notre histoire 11

EMC MALADIES INFECTIEUSES

I - Généralités Et Santé Publique 12

Chapitre 01 - Identification Des Bactéries Par Biologie Moléculaire 13

Chapitre 02 - Classification Et Modes De Transmission Des Virus Humains 24

Chapitre 03 - Classification Et Mode De Transmission Des Parasites 34

Chapitre 04 - Grandes Endémies Spécificités Africaines 46

Chapitre 05 - Infections Nosocomiales 53

Chapitre 06 - Infections Fongiques Au Cours De L’Infection Par Le Virus De


62
L’Immunodéficience Humaine

Chapitre 07 - Chimioprophylaxie Des Maladies Infectieuses 73

Chapitre 08 - Prise En Charge Des Maladies Infectieuses Emergentes 84

Chapitre 09 - Vaccinations 93

II - Grands Syndromes 107

Chapitre 10 - Manifestations Cutanéomuqueuses Des Maladies Infectieuses 108

Chapitre 11 - Arthrites Septiques A Bactéries Pyogènes 135

Chapitre 12 - Arthrites Réactionnelles Et Rhumatismes Poststreptococciques 143

Chapitre 13 - Manifestations Neurologiques Des Infections 152

Chapitre 14 - Méningites Bactériennes Communautaires De L'Adulte A L'Exception


166
Des Méningites Tuberculeuses

Chapitre 15 - Infections Et Toxi-Infections D’Origine Alimentaire Et Hydrique 176

Chapitre 16 - Infections Sexuellement Transmissibles Anorectales 196

Chapitre 17 - Infections Génitales Masculines 208

Chapitre 18 - Infections Oculaires 215

Chapitre 19 - Infections A La Suite De Morsures Et Griffures 220

Chapitre 20 - Choc Septique 227

Chapitre 21 - Bactériémies 240

Chapitre 22 - Conduite A Tenir Devant Un Syndrome Mononucléosique 247

Chapitre 23 - Conduite A Tenir Devant Une Hyperéosinophilie 252

Chapitre 24 - Gastroentérites Aiguës De L'Enfant 264


Chapitre 25 - Dermatologie Tropicale En France Métropolitaine 276

III - Thérapeutique Anti-Infectieuse Et Prévention Des Infections 290

Chapitre 26 - Carbapénèmes 291

Chapitre 27 - Aminoglycosides De La Théorie A La Pratique 301

Chapitre 28 - Tétracyclines 312

Chapitre 29 - Lincosamides Et Streptogramines 325

Chapitre 30 - Macrolides 336

Chapitre 31 - Polymyxines 349

Chapitre 32 - Acide Fusidique 356

Chapitre 33 - Fosfomycine 360

Chapitre 34 - Rifamycines 364

Chapitre 35 - Glycopeptides 372

Chapitre 36 - Kétolides 382

Chapitre 37 - Oxazolidinones 388

Chapitre 38 - Choix D’Une Antibiothérapie 401

Chapitre 39 - Médicaments Antiparasitaires (Paludisme Exclu) 407

Chapitre 40 - Chimiothérapie Antivirale 417

Chapitre 41 - Molécules Antirétrovirales 427

Chapitre 42 - Résistance Bactérienne Définitions, Mécanismes, Evolution 438

Chapitre 43 - Antifongiques 451

Chapitre 44 - Conseils Médicaux Aux Voyageurs 473

IV - Infections Bactériennes 485

Chapitre 45 - Infections A Staphylocoques 486

Chapitre 46 - Thérapeutique Des Infections A Staphylocoques 495

Chapitre 47 - Infections A Pneumocoques 501

Chapitre 48 - Infections A Méningocoques 518

Chapitre 49 - Coqueluche 535

Chapitre 50 - Listériose 545

Chapitre 51 - Fièvre Typhoïde 555

Chapitre 52 - Légionelloses 561

Chapitre 53 - Infections A Pseudomonas Aeruginosa 573

Chapitre 54 - Shigellose Et Infections A Escherichia Coli Entéro-Invasifs 591

Chapitre 55 - Choléra 608


Chapitre 56 - Infections A Vibrions Non Cholériques 618

Chapitre 57 - Infections A Campylobacters 630

Chapitre 58 - Escherichia Coli En Pathologie Digestive 641

Chapitre 59 - Maladie Du Charbon 670

Chapitre 60 - Pasteurelloses 683

Chapitre 61 - Tularémie 689

Chapitre 62 - Mélioïdose 698

Chapitre 63 - Infections Humaines A Chlamydiae 711

Chapitre 64 - Borréliose De Lyme 730

Chapitre 65 - Fièvre Q 737

Chapitre 66 - Rickettsioses Eruptives 749

Chapitre 67 - Ehrlichioses Et Anaplasmoses Humaines 764

Chapitre 68 - Infections A Bartonella 777

Chapitre 69 - Nocardia Et Nocardiose 786

Chapitre 70 - Brucellose 793

Chapitre 71 - Mycobactérioses Non Tuberculeuses Hors Mycobactérioses Cutanées 805

Chapitre 72 - Aspects Cliniques Et Thérapeutiques De La Tuberculose Chez


812
L'Adulte Et L'Enfant

Chapitre 73 - Mycobactérioses Cutanées Dues A Mycobacterium Ulcerans 823

Chapitre 74 - Tétanos 834

Chapitre 75 - Clostridium Difficile Et Pathologie Digestive 842

Chapitre 76 - Syphilis 853

Chapitre 77 - Leptospirose 872

Chapitre 78 - Infections A Mycoplasma Hominis 884

Chapitre 79 - Infections A Mycoplasma Pneumoniae 892

V - Infections Virales 904

Chapitre 80 - Diagnostic Virologique 905

Chapitre 81 - Prise En Charge De L'Infection Par Le Virus De L'Immunodéficience


913
Humaine

Chapitre 82 - Virus De L’Immunodéficience Humaine 925

Chapitre 83 - Epidémiologie, Transmission Et Prévention De L’Infection A VIH 937

Chapitre 84 - Rétrovirus Humains T-Lymphotropes De Type 1 eE 2 947

Chapitre 85 - Manifestations Dermatologiques De L'Infection Par Le Virus De


957
L'Immunodéficience Humaine

Chapitre 86 - Rougeole (I). Le Virus Aspects Epidémiologiques Et Cliniques 973


Chapitre 87 - Rougeole (II). Diagnostic, Traitement Et Prophylaxie 1001

Chapitre 88 - Rubéole 1011

Chapitre 89 - Parvovirus B19 1020

Chapitre 90 - Orthopoxvirus Variole Et Vaccine 1026

Chapitre 91 - Cowpox Et Monkeypox 1034

Chapitre 92 - Varicelle 1044

Chapitre 93 - Virus Herpes Simplex 1054

Chapitre 94 - Infections A Cytomégalovirus 1073

Chapitre 95 - Infections A Papillomavirus 1089

Chapitre 96 - Entérovirus Et Parechovirus 1108

Chapitre 97 - Dengue, Fièvre Jaune Et Autres Arboviroses 1127

Chapitre 98 - Chikungunya 1151

Chapitre 99 - Hantavirus 1162

Chapitre 100 - Rage 1171

Chapitre 101 - Hépatites Virales 1191

Chapitre 102 - Oreillons 1213

Chapitre 103 - Grippe 1217

Chapitre 104 - Infections A Herpèsvirus Humains 6 Et 7 1236

Chapitre 105 - Herpèsvirus Humain 8. Aspects Virologiques, Cliniques Et


1241
Epidémiologiques

Chapitre 106 - Infections A Polyomavirus 1252

Chapitre 107 - Infections A Virus Epstein-Barr 1261

Chapitre 108 - Maladie De Nicolas Et Favre 1275

VI - Infections Parasitaires 1285

Chapitre 109 - Infections A Cryptosporidies Et A Cyclospora 1286

Chapitre 110 - Infections A Cyclospora 1297

Chapitre 111 - Trypanosomoses Africaines, Maladie Du Sommeil 1305

Chapitre 112 - Trypanosomiase Américaine Ou Maladie De Chagas 1317

Chapitre 113 - Leishmanioses 1338

Chapitre 114 - Paludisme D’Importation 1350

Chapitre 115 - Paludisme De L’Enfant 1369

Chapitre 116 - Toxoplasme Et Toxoplasmoses 1394

Chapitre 117 - Cestodoses Larvaires 1407

Chapitre 118 - Bilharzioses 1425


Chapitre 119 - Filarioses 1437

Chapitre 120 - Anguillule Et Anguillulose 1456

Chapitre 121 - Infections Intestinales Humaines A Giardia Duodenalis 1467

Chapitre 122 - Trichinelloses 1481

Chapitre 123 - Traitement Des Parasitoses Digestives (Amœbose Exclue) 1494

Chapitre 124 - Scabiose, Pédiculoses Et Piqûres D'Arthropodes 1504

VII - Infections Fongiques 1516

Chapitre 125 - Infections A Fusarium 1517

Chapitre 126 - Infections A Penicillium 1525

Chapitre 127 - Infections A Pneumocystis Jirovecii 1531

Chapitre 128 - Biologie Et Diagnostic Des Infections A Aspergillus 1539

Chapitre 129 - Aspergilloses Invasives 1549

Chapitre 130 - Infections Dues A Trichosporon spp. Et A Geotrichum spp. 1555

Chapitre 131 - Candidoses Et Autres Levuroses 1561

Chapitre 132 - Malassezioses 1574

Chapitre 133 - Traitement Des Mycoses Rares En Dehors Des Mycoses


1582
Opportunistes

Chapitre 134 - Sporotrichose 1590

Chapitre 135 - Mycoses A Champignons Noirs 1598

Chapitre 136 - Mycétomes 1611

Chapitre 137 - Histoplasmoses 1620

Chapitre 138 - Blastomycose 1630

Chapitre 139 - Cryptococcose 1636

Chapitre 140 - Dermatophytes Et Dermatophytoses 1648

Chapitre 141 - Zygomycoses (I) Généralités Et Mucormycoses 1663

Chapitre 142 - Zygomycoses (II). Entomophthoromycoses Tropicales 1673

Mise à jour IV 2019 1721

EMC Maladies Infectieuse MAJ I 2019 1684

Infections à streptocoques et entérocoques.pdf 1721

Infections à streptocoques et entérocoques 1721

Mucoviscidose physiopathologie, génétique, aspects cliniques et thérapeutiques.pdf 1746

Mucoviscidose : physiopathologie, génétique, aspects cliniques et


1746
thérapeutiques

Anomalies congénitales de glycosylation des glycoprotéines sériques.pdf 1769


Anomalies congénitales de glycosylation des glycoprotéines sériques 1769

Diarrhées aiguës de l'enfant.pdf 1777

Diarrhées aiguës de l’enfant 1777

Dépistage et traitement des anomalies orthopédiques à la naissance.pdf 1787

Dépistage et traitement des anomalies orthopédiques à la naissance 1787

Mise à jour I 2020 1795

Phénicolés (chloramphénicol et thiamphénicol) 1795

Introduction 1795

Structure et propriétés physicochimiques 1795

Caractéristiques pharmacocinétiques 1795

Mécanisme d’action, activité antibactérienne et résistances 1796

Effets indésirables 1797

Indications 1797

Conclusion 1798

Choix d’une antibiothérapie 1800

Introduction 1800

Généralités 1801

Où, quel est le site infecté ? 1801

Par quoi, par quelle(s) bactérie(s) ? 1801

Chez qui, quel terrain ? 1802

Consensus et recommandations, aide à la prescription 1804

Pharmacocinétique/pharmacodynamie : pourquoi ? 1804

Monothérapie ou bithérapie 1805

Conclusion 1806

Légionelloses 1808

Écologie 1808

Épidémiologie 1809

Manifestations cliniques des infections à Legionella spp. 1811

Anatomopathologie et physiopathologie 1814

Diagnostic 1814

Traitement 1816

Prévention 1818

Conclusion 1821
Infections à Mycoplasma hominis 1825

Introduction 1825

Principales caractéristiques de M. hominis 1826

Physiopathologie des infections à M.hominis 1827

Présence à l’état commensal 1827

Manifestations cliniques 1827

Diagnostic bactériologique 1828

Étude de la sensibilité aux antibiotiques 1829

Conclusion 1832

Scabiose, pédiculoses et piqûres d’arthropodes 1834

Introduction 1834

Position taxinomique des arthropodes en cause 1835

Gale 1835

Demodex, démodécie 1838

Pédiculoses et phtiriose 1839

Autres ectoparasitoses 1840

Arthropodes nuisants 1841

Protection personnelle 1845

Syndrome d’Ekbom 1846

Mise à jour II-2020 1849

Fièvre et grossesse 1849

Introduction 1849

Approche diagnostique 1850

Infections urinaires 1851

Varicelle 1852

Infection intra-utérine 1852

Parvovirus B19 1853

Grippe 1853

Fièvre au retour de voyage 1854

Listériose 1855

Fièvre nue 1855

Infections à méningocoques 1858

Introduction 1858
La bactérie 1858

Épidémiologie 1860

Processus infectieux et lésionnel 1860

Facteurs de risque pour développer une infection invasive à méningocoque 1861

Formes cliniques des infections invasives à méningocoques 1861

Diagnostic biologique 1863

Prise en charge des infections invasives à méningocoques 1864

Prévention des infections invasives à méningocoques 1865

Information destinée au public 1867

Diphtérie 1871

Introduction 1871

Historique 1871

Taxonomie, génomique 1872

Toxine diphtérique 1872

Caractères microbiologiques 1872

Méthodes d’identification 1873

Sensibilité aux antibiotiques 1873

Habitat et mode de transmission 1873

Corynebacterium pseudotuberculosis 1874

Épidémiologie 1874

Présentation clinique 1875

Traitement 1877

Prévention 1877

Rage humaine 1880

Historique 1881

Virus 1881

Épidémiologie 1883

Clinique 1886

Diagnostic 1888

Prise en charge des patients atteints de rage 1890

Prévention de la rage 1890

Aspects médicolégaux 1894

Conclusion 1894
I - Généralités Et Santé
Publique
 8-000-A-10

Identification des bactéries par biologie


moléculaire
V. Roux, J.-M. Rolain

L’identification des bactéries, isolées à partir de prélèvements biologiques, pendant des années, a été
basée uniquement sur des critères morphologiques et biochimiques. Le développement des techniques de
biologie moléculaire à partir des années 1990 a permis d’introduire ces approches au sein des labora-
toires d’analyse biologique. Leur intérêt dans l’identification des bactéries s’est accru au fil des années.
Elles permettent d’obtenir un résultat en quelques heures dans les situations d’urgence (identification
et typage du germe, et détection des résistances antibiotiques) ou d’identifier un micro-organisme si les
systèmes utilisés en routine (approche biochimique) sont pris en défaut. De plus, dans des prélèvements
biologiques, elles rendent possible la caractérisation des bactéries si la culture est restée négative, si les
bactéries recherchées sont des bactéries intracellulaires strictes (pour lesquelles la culture est réservée à
des laboratoires spécialisés) ou des bactéries encore incultivables à ce jour. Le gène ciblé est fonction des
informations disponibles sur l’isolat bactérien et/ou sur le patient. Le gène codant l’acide ribonucléique
ribosomique (ARNr) 16S est l’outil de choix si les tests précédemment réalisés n’ont pas permis de définir
le genre ou l’espèce auxquels appartient l’isolat bactérien. Un système d’identification mettant en jeu un
gène plus variable est préférable si des critères d’orientation sont disponibles. La plupart des techniques
mises en œuvre sont basées sur l’utilisation de l’amplification génique (polymerase chain reaction [PCR])
couplée à une réaction de séquençage du fragment obtenu par la technique de Sanger ou de la PCR en
temps réel. Pour cette dernière méthode, la spécificité et la sensibilité sont meilleures, la durée de réalisa-
tion de l’analyse est plus courte et c’est le germe recherché ou le groupe de bactéries à caractériser qui
commandent le système utilisé. Dans les années à venir, le développement des techniques de séquençage
des génomes entiers va ouvrir des possibilités considérables en ce qui concerne l’identification des bac-
téries, leur épidémiologie, l’étude de leur sensibilité aux molécules antibiotiques et la caractérisation de
leurs facteurs de virulence.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Bactéries ; Biologie moléculaire ; PCR ; Séquençage ; RT-PCR ; Électrophorèse en champ pulsé ;
Résistance antibiotique ; Pyroséquençage ; ARNr 16S

Plan ■ Recherche des gènes de résistances aux antibiotiques 7


« Polymerase chain reaction » en temps réel 7
■ Introduction 1 Pyroséquençage 8
■ Séquençage du génome bactérien 8
■ Description des techniques moléculaires employées
en microbiologie 2 ■ Conclusion 8
Extraction de l’acide désoxyribonucléique 2
Amplification génique (« polymerase chain reaction ») 2
« Polymerase chain reaction » en temps réel 2
« High resolution melt analysis » 3  Introduction
Séquençage de l’acide désoxyribonucléique 3
Gènes ciblés 4 Le développement et l’utilisation des techniques de biologie
Analyse des séquences 4 moléculaire ont révolutionné toutes les disciplines biologiques au
Électrophorèse en champ pulsé 4 XXe siècle, y compris pour l’identification des bactéries d’intérêt


clinique. La taxonomie et l’identification des bactéries par bio-
Identification à partir d’un prélèvement biologique 4
logie moléculaire débutent dans les années 1980 et ont pris
Diagnostic d’urgence 4
une importance considérable dans le diagnostic bactériologique.
Culture négative 5
L’identification des bactéries par ces techniques peut être réali-
■ Identification à partir d’un isolat bactérien 6 sée soit à partir de colonies bactériennes isolées, soit directement
Identification basée sur le séquençage du gène codant l’ARNr 16S 6 à partir d’un prélèvement biologique en ciblant des gènes spéci-
Identification basée sur le séquençage de gènes de ménage 6 fiques d’une espèce donnée par polymerase chain reaction (PCR) en
Génotypage 6 temps réel ou en ciblant le gène universel de l’acide ribonucléique

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 11 > n◦ 1 > février 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(13)25999-5
8-000-A-10  Identification des bactéries par biologie moléculaire

ribosomique (ARNr) 16S lorsque la bactérie à identifier n’est entre 30 et 40 cycles. Un cycle reproduit trois températures dif-
pas connue ou mal identifiée par les techniques convention- férentes pendant des durées différentes en fonction de la cible
nelles utilisées au laboratoire (tests biochimiques et surtout à amplifier. On distingue une étape de dénaturation (séparation
maintenant spectrométrie de masse [SM] matrix-assisted laser des deux brins d’ADN), une étape d’hybridation (hybridation des
desorption/ionisation–time-of-flight [MALDI-TOF]). Les techniques deux amorces) et une étape d’élongation (copie des brins d’ADN
de biologie moléculaire peuvent également permettre de détec- grâce à la Taq polymérase).
ter et d’identifier les supports moléculaires des résistances aux
antibiotiques et des facteurs de virulence. Dans cet article, nous « Polymerase chain reaction » multiplex
nous proposons de faire une description des techniques molé-
culaires utilisées en microbiologie clinique, notamment pour Plusieurs paires d’amorces sont introduites dans un tube de réac-
l’identification des bactéries à partir d’un prélèvement clinique tion permettant ainsi d’amplifier simultanément deux cibles ADN
ou à partir d’un isolat bactérien. ou plus. On peut ainsi détecter plusieurs bactéries ou groupes de
bactéries en une seule réaction de PCR.

 Description des techniques « Nested/semi-nested polymerase chain reaction »


Deux paires d’amorces sont introduites successivement dans un
moléculaires employées tube de réaction. La première paire d’amorce utilisée génère un
en microbiologie fragment d’une longueur supérieure à celle d’un fragment généré
par la deuxième paire d’amorces. Le fragment obtenu lors de la
En bactériologie, la plupart des systèmes mis au point sont basés première amplification sert de cible pour amplifier une région
sur l’amplification de l’acide désoxyribonucléique (ADN) et non interne de ce dernier lors de la deuxième amplification. Les deux
de l’ARN car l’ADN est une molécule extrêmement stable contrai- amorces utilisées lors de la deuxième amplification sont diffé-
rement aux ARNm qui ont une durée de vie très courte [1, 2] . rentes de celles de la première (nested) où seule l’une des deux
amorces est différente (semi-nested). Cette méthode est utilisée
pour augmenter la sensibilité de l’amplification.
Extraction de l’acide désoxyribonucléique
L’extraction de l’ADN est une technique permettant d’isoler « Polymerase chain reaction » en temps réel
l’ADN de cellules ou de tissus. Cette technique est surtout utilisée
lorsque l’on travaille directement sur des prélèvements biolo- En 1993, Higuchi décrit une méthode permettant la quantifica-
giques ou environnementaux. La première étape, en général, est tion de l’ADN lors de la réaction d’amplification [5] . Cette méthode
une lyse des cellules ou des tissus, consistant éventuellement en est basée sur l’utilisation de sondes marquées par des fluoro-
un broyage, suivi d’une extraction par des détergents associés à chromes. Elle présente de nombreux avantages par rapport aux
de la protéinase K, qui vont disperser les bicouches lipidiques des méthodes de PCR classiques :
membranes et dénaturer les protéines, en particulier celles qui • le tube de PCR n’étant pas ouvert en fin de manipulation,
sont associées à l’ADN. Les premières méthodes étaient basées les risques de contamination par les amplifiats de PCR sont
sur l’utilisation de phénol/chloroforme/alcool isoamylique [3] . Il minimes. De plus, des 2 -désoxyuridine, 5 -triphosphate (dUTP)
existe aujourd’hui des kits commerciaux permettant de réaliser peuvent être incorporés au cours de la réaction de PCR, ce qui
rapidement ces extractions à l’aide de réactifs prêts à l’emploi [4] . permet une décontamination grâce à une enzyme, l’uracyl-D-
Ils sont basés sur la propriété que la silice a de fixer les acides glycosylase ;
nucléiques dans un environnement de forte force ionique (les • la réaction de PCR est plus rapide ;
cations forment des ponts entre les charges négatives de l’ADN • le système de détection mis en œuvre est plus sensible que la
et la silice). Les acides nucléiques sont ensuite élués avec de l’eau révélation sur gel d’agarose grâce au bromure d’éthydium ;
ou une solution à faible force ionique. • la réaction est plus spécifique grâce à l’utilisation de deux
Il existe des techniques manuelles basées sur l’utilisation de amorces comme lors d’une réaction de PCR classique mais aussi
colonnes et nécessitant des étapes de centrifugation et des tech- à celle d’une sonde ;
niques automatisées utilisant des billes magnétiques recouvertes • il est possible de quantifier le nombre de copies d’ADN présent
de silice ou de la silice magnétisée. L’étape de broyage peut s’avérer dans le prélèvement biologique.
nécessaire pour les bactéries présentant une paroi épaisse (par
exemple Actinomycetes). De la poudre de verre stérile est ajoutée Différents types de sondes
à une suspension bactérienne et le tube Eppendorf est placé dans
Quatre types de sondes peuvent être utilisés suivant les appli-
un appareil type FastPrep® -24 pour lyser les bactéries. La lyse des
cations qui doivent être développées et l’appareillage disponible :
bactéries peut être également réalisée par des cycles de congéla-
• les sondes d’hydrolyse dites « sondes TaqMan® » ;
tion dans l’azote liquide/décongélation. L’ajout d’une étape de
• les sondes d’hybridation dites « sondes LightCycler® » ;
digestion par du lysozyme peut être nécessaire pour les bactéries
• les balises moléculaires ;
à Gram positif.
• les amorces-sondes de type « scorpion ».

Amplification génique (« polymerase chain Interprétation des courbes d’amplification


reaction ») Le principe de la PCR en temps réel repose sur le suivi cycle
par cycle de l’amplification enzymatique grâce à la mesure de
Principe de la « polymerase chain reaction » l’intensité du rayonnement fluorescent émis par le reporter qui
La PCR est une technique de réplication ciblée in vitro. Elle va augmenter au cours de chaque cycle de PCR si la réaction est
permet d’obtenir, à partir d’un échantillon complexe et peu abon- positive. Au cours des premiers cycles de PCR, l’intensité de la
dant, d’importantes quantités d’un fragment d’ADN spécifique et fluorescence émise est très faible et permet de définir la ligne de
de longueur définie. Il s’agit de réaliser une succession de réac- base. Après un certain nombre de cycles (dépendant du nombre
tions de réplication d’une matrice double brin d’ADN grâce à une de copies d’ADN cible présentes dans le prélèvement de départ),
enzyme, la Taq polymérase. Chaque réaction met en œuvre deux l’accumulation des produits de PCR entraîne une variation mesu-
amorces oligonucléotidiques dont les extrémités 3 pointent l’une rable de l’intensité de fluorescence émise qui correspond à la phase
vers l’autre. Les amorces, ou primers en anglais, définissent alors, exponentielle et permet de définir le cycle seuil (Ct). Il est recom-
en la bornant, la séquence à amplifier. Une PCR se déroule dans un mandé, pour chaque échantillon, d’effectuer la réaction sur l’ADN
tube lui-même placé dans un appareil programmable, le thermo- extrait « pur » et dilué au 1/10. Normalement, si le prélèvement
cycleur, qui se contente de placer le tube aux températures voulues est positif, on note environ 3 Ct de différence entre l’ADN extrait
pendant les durées programmées et de recommencer en effectuant pur et la dilution au 1/10e . Si la concentration initiale en ADN

2 EMC - Maladies infectieuses


Identification des bactéries par biologie moléculaire  8-000-A-10

T Figure 1. Principe de la méthode de pyroséquençage. 1. Un


T T T T Flux de dTTP flux de désoxythymidine triphosphate (dTTP) est ajouté dans
T T
T le milieu réactionnel. Un nucléotide T complémentaire du A
présent sur la séquence d’acide désoxyribonucléique (ADN)
Fragment à séquencer est inséré. 2. L’insertion du dTTP induit la libération de pyro-
1
5’ CTATCGCACGTTCTCGG 3’ phosphate (PPi). En présence d’adénosine triphosphate (ATP)
TGCAAGAGCC sulfurylase et d’adénosine monophosphate (AMP), il y a pro-
duction d’ATP. 3. En présence d’ATP, la luciférase convertit
T Dégradation dTTP et ATP la luciférine en oxyluciférine avec production d’un signal
Apyrase
PPi lumineux. 4. Le signal lumineux est détecté par un capteur
charge-coupled device (CDD). Un traitement informatique per-
Sulfurylase 5 met de déterminer la nature et le nombre de bases insérées.
+ 2
On obtient une représentation sous forme de pyrogramme.
AMP 5. L’ajout d’apyrase permet la dégradation des dTTP qui n’ont
pas été incorporés et de l’ATP. Quand la dégradation est
ATP Pyrogramme complète, le flux d’un autre nucléotide est ajouté dans le milieu.

Nombre de bases
Luciférase
+ Signal
lumineux 3
luciférine
2
Oxyluciférine + 1

Bases insérées
CDD + traitement informatique
3 4

cible est très faible, seul l’ADN pur peut donner une réaction posi- (différents d’un seul nucléotide), qui sont ensuite séparés par
tive. Si des inhibiteurs de PCR sont présents dans l’ADN extrait, électrophorèse. Les séquences réalisées et publiées aujourd’hui
le nombre de Ct entre les deux dilutions peut être inférieur à 3. Si sont obtenues grâce à des séquenceurs automatiques. Les élec-
l’on effectue une gamme d’étalonnage à partir d’une suspension trophorèses sont effectuées dans des tubes capillaires de verre
d’ADN de concentration connue, on peut quantifier le nombre de de seulement quelques micromètres de diamètre, sur plusieurs
copies d’ADN présentes au sein de l’échantillon étudié. dizaines de centimètres de longueur (30 à 50 cm en général),
pour réaliser la séparation des brins d’ADN durant l’électrophorèse
grâce à un polymère. Les capillaires auxquels est associée une
« High resolution melt (HRM) analysis » électrode vont être plongés dans les échantillons. Une électro-
injection permet d’introduire l’ADN seul dans le polymère. Les
Cette technique comporte une première étape consistant en fragments d’ADN chargés négativement vont être séparés selon
une amplification par PCR du fragment d’intérêt en présence leur taille. Lorsque les fragments arrivent au niveau de la fenêtre
d’un fluorochrome (LC Green® , SYTO9® , etc.) dont la propriété en quartz du capillaire, le fluorochrome qu’ils portent est excité
est de se fixer sur l’ADN double brin mais pas sur l’ADN simple par le laser et la fluorescence émise est capturée par une caméra.
brin. Lors de sa fixation, il émet une fluorescence. Au cours La caméra convertit la fluorescence émise par le fluorochrome en
de cette étape de PCR, l’intensité de la fluorescence émise per-
signal électrique qui est transféré à l’ordinateur. À partir de ces
met d’avoir une idée de la quantité d’ADN amplifiée. Dans une
données, l’ordinateur construit un électrophorégramme avec en
seconde étape, on réalise une courbe de dissociation en faisant
abscisse le temps et en ordonnée l’intensité du signal. Chaque pic
varier la température de 50 ◦ C à 95 ◦ C. La température de sépa-
de couleur spécifique correspond à l’une des quatre différentes
ration (Tm) des deux brins dépend de la séquence du fragment
bases. On peut lire entre 700 et 1000 nucléotides par séquence en
d’ADN. Cette analyse nécessite des instruments prévus pour ce
1 ou 2 heures selon l’appareillage.
type d’analyse (Rotor-GeneTM 6000, LightScanner® , LightCycler®
480). Cette technologie permet de caractériser des mutations
ponctuelles connues ou de découvrir de nouvelles mutations. Elle Pyroséquençage
est simple, peu coûteuse et rapide.
Cette technique a été introduite en 1988 par Hyman [6] . Contrai-
rement à la réaction de Sanger, les nucléotides sont rajoutés l’un
Séquençage de l’acide désoxyribonucléique après l’autre lors de la réaction de séquençage. Si le nucléotide
ajouté dans le milieu réactionnel est complémentaire de celui du
Méthode de Sanger brin en cours de synthèse, il est incorporé en libérant un pyro-
Dans la méthode de Sanger, la polymérisation de l’ADN est ini- phosphate. Grâce à une adénosine triphosphate (ATP) sulfurylase,
tiée par un petit oligonucléotide (amorce) complémentaire d’une ce pyrophosphate est transformé en ATP en présence d’adénosine
partie du fragment d’ADN à séquencer. L’élongation de l’amorce 5 -phosphosulfate. Cet ATP permet à une luciférase de transfor-
est réalisée par une ADN polymérase dépourvue d’activités exonu- mer la luciférine en oxyluciférine et un signal lumineux est émis.
cléasiques 5 →3 et 3 →5 . Les quatre désoxynucléotides (dNTP) L’apyrase dégrade l’ATP en excès et les dNTP non incorporés. C’est
(désoxyadénosine triphosphate [dATP], désoxycytidine triphos- le signal lumineux qui est capté par un capteur charge-coupled
phate [dCTP], désoxyguanosine triphosphate [dGTP], désoxy- device (CCD) et traduit sous forme d’un pic sur le pyrogramme.
thymidine triphosphate [dTTP]) sont ajoutés, ainsi qu’en faible La hauteur du pic est fonction de l’intensité du signal lumineux,
concentration les quatre 2 -3 didésoxynucléotides (didésoxy- elle-même proportionnelle au nombre de nucléotides incorporés
adénosine triphosphate [ddATP], didésoxycytidine triphosphate au cours de la même étape. On peut donc déduire la séquence de
[ddCTP], didésoxyguanosine triphosphate [ddGTP], didésoxythy- la présence et de la taille des pics obtenus. Par ailleurs, en cas de
midine triphosphate [ddTTP]) marqués par des fluorochromes mélange de nucléotides à une même position (polymorphisme de
différents. Ces didésoxynucléotides, s’ils sont incorporés à la nou- séquence), la taille des pics permet d’avoir une quantification de
velle chaîne synthétisée, empêchent la poursuite de l’élongation. la proportion de brins porteurs de l’un ou l’autre des nucléotides
Il en résulte la synthèse de fragments d’ADN de taille variable (Fig. 1).

EMC - Maladies infectieuses 3


8-000-A-10  Identification des bactéries par biologie moléculaire

Gènes ciblés protéine externe de membrane rOmpB) pour les rickettsies [10, 11] ,
omp2 (codant la protéine externe de membrane Omp2) pour
Gènes codant les acides ribonucléiques les Chlamydiaceae [12] , lytA (codant l’autolysine) et ply (codant la
ribosomaux pneumolysine) pour Streptococcus pneumoniae [13, 14] , ctrA (codant
la protéine externe de membrane CtrA) pour Neisseria meningiti-
Dans les années 1980-1990, Woese et Weisburg ont montré
dis [14] .
l’intérêt du séquençage du gène codant l’ARNr de 16S (ARNr 16S)
pour identifier les bactéries [7, 8] .
L’ARNr 16S a été choisi pour différentes raisons : Analyse des séquences
• il est présent chez toutes les bactéries ;
• il est possible d’obtenir des « amorces universelles » qui per- Les séquences obtenues à partir des produits de PCR doivent être
mettent l’amplification par PCR de la quasi-totalité des bactéries comparées avec une banque de données (Genbank par exemple
connues à ce jour ; [www.ncbi.nlm.nih.gov]) grâce à un programme informatique
• le gène codant l’ARNr 16S peut être multicopie, ce qui permet (Basic Local Alignment Search Tool [BLAST] par exemple) (http://
d’obtenir une sensibilité plus importante lors de l’amplification blast.ncbi.nlm.nih.gov/Blast.cgi?PROGRAM=blastn&BLAST
mais peut présenter un inconvénient lors des réactions de PROGRAMS=megaBlast&PAGE TYPE=BlastSearch&DATABASE=
séquençage si les différentes copies présentent des séquences wgs). On obtient une liste de séquences classées en fonction d’un
différentes ; score prenant en compte la longueur des séquences comparées et
• il est constitué d’une succession de régions constantes qui per- leur similarité. Une interprétation minutieuse des résultats doit
mettent de désigner des amorces consensus pour l’amplification être effectuée (le premier résultat de la liste n’est pas forcément
ou le séquençage et de régions variables ou hypervariables qui celui qui sera retenu) afin d’obtenir une identification correcte de
permettent d’obtenir l’identification de la bactérie au moins au la bactérie étudiée.
niveau du genre ;
• sa taille est raisonnable (1500 paires de base environ).
Le choix international de ce gène comme référence a per-
Électrophorèse en champ pulsé
mis d’obtenir une banque de données à ce jour sans égale et Ce type d’électrophorèse a été décrit en 1984 par Schartz et Can-
librement disponible. Cependant, on sait aujourd’hui que le pou- tor [15] afin de séparer les fragments d’ADN de taille supérieure
voir de discrimination de la comparaison des séquences du gène à 20 kb de façon linéaire en fonction du temps. Le principe de
codant l’ARNr 16S au niveau de l’espèce bactérienne est faible. l’électrophorèse en champ pulsé consiste à alterner l’orientation
On va donc commencer par l’amplification et le séquençage du du champ électrique en fonction du temps d’un angle de 90 à
gène codant l’ARNr 16S si l’on ne possède aucune information 180◦ obligeant les molécules d’ADN à se réorienter constamment.
sur la nature de la bactérie. La région comprise entre les gènes Or, la vitesse de réorientation est directement proportionnelle à la
codant l’ARNr 16S et l’ARNr 23S a également été utilisée pour taille du fragment d’ADN et seules les molécules dont la taille est
l’identification bactérienne car elle présente une variabilité supé- optimale pour les conditions expérimentales choisies vont subir
rieure à celle du gène codant l’ARNr 16S. Les amorces sont choisies une séparation. Pour ce type d’électrophorèse, la préparation de
au niveau de régions conservées des gènes codant l’ARNr 16S et l’ADN est particulière. Pour éviter la cassure mécanique des molé-
l’ARNr 23S. Le séquençage du gène codant l’ARNr 23S a parfois cules d’ADN, les bactéries sont incluses dans des blocs d’agarose
été utilisé mais il n’apporte en général pas plus d’information que qui présente des températures de polymérisation et de fusion
le séquençage du gène codant l’ARNr 16S et sa taille est plus consé- basses. Toutes les réactions ultérieures de digestion sont réalisées
quente, 3000 paires de bases environ. En revanche, si les tests à l’intérieur de ces blocs dans un tampon de lyse adéquat. L’ADN
biochimiques permettent de déterminer le genre auquel appar- emprisonné dans les blocs d’agarose peut être digéré par des endo-
tient l’isolat, une cible plus discriminante est choisie. nucléases de restriction. Les blocs ainsi préparés sont introduits
dans les puits du gel d’agarose. Les conditions de migration sont
Gènes de ménage variables en fonction de la taille des fragments que l’on souhaite
séparer. On peut faire varier le pulse time (durée de chaque impul-
Il s’agit de gènes présents chez l’ensemble des bactéries, nor-
sion, de la seconde à l’heure), le voltage (de 200 V à 50 V) et le
malement monocopies. Leur expression conduit à la synthèse
temps de migration (de quelques heures à quelques jours) pour des
d’une protéine dont l’activité ou la fonction est indispensable
fragments de quelques kb kilobases à la mégabase. Les principales
à la vie. Il n’existe pas d’amorces universelles pour ces gènes.
techniques d’électrophorèse en champ pulsé développées sont
Les systèmes sont mis au point par des équipes de recherche
FIGE (Field Inversion Gel Electrophoresis, angle 180◦ ), OFAGE
qui travaillent sur certains groupes de bactéries. Les amorces sont
(Orthogonal Field Alternating Gel, angle 90◦ ) et CHEF (Contour-
définies à partir de l’alignement des séquences du gène des bac-
clamped Homogeneous Electrical Field, angle 120◦ à l’origine puis
téries phylogénétiquement proches des bactéries d’intérêt. Pour
variable). Cette technique d’électrophorèse peut servir à calculer la
que l’étude soit cohérente, il faut commander la totalité des
taille des génomes bactériens [16, 17] ou à étudier la diversité micro-
espèces reconnues au sein du groupe de bactéries étudié (à une
bienne d’isolats d’intérêt médical ou vétérinaire prélevés dans
banque de collection de souches, collection de l’Institut Pasteur,
l’environnement ou d’intérêt industriel [18–20] .
Paris [CIP], DeutscheSammlung von Mikroorganismen und Zell-
kulturen GmbH, Braunschweig [DSMZ], etc.) et en déterminer les
séquences qui seront déposées dans une banque de données pour
être accessibles à tous (Genbank, European Molecular Biology  Identification à partir
Laboratory [EMBL], DNA Data Bank of Japan [DDBJ]). On peut
citer par exemple les gènes rpoB (codant la sous-unité ␤ de l’ARN
d’un prélèvement biologique
polymérase), rpoA (codant la sous-unité ␣ de l’ARN polymérase), Un arbre décisionnel (Fig. 2) est proposé pour l’identification
groEL (codant la protéine de stress de 60 kDa), ftsZ (codant la pro- des bactéries à partir d’un prélèvement biologique et d’un isolat.
téine FtsZ qui intervient dans la division cellulaire), recA (codant
la protéine RecA qui intervient dans la réparation et le maintien
de l’intégrité de l’ADN), sodA (codant la superoxyde dismutase), Diagnostic d’urgence
gyrB (codant la sous-unité B de l’ADN gyrase), tuf (codant le facteur
d’élongation EF-Tu), etc. [9] . Les méthodes de culture traditionnelles peuvent prendre plu-
sieurs jours pour obtenir une croissance suffisante en vue de
l’identification de la bactérie pathogène présente dans le pré-
Gènes spécifiques lèvement biologique. Les techniques de biologie moléculaire
Ce sont des gènes spécifiques d’un groupe de bactéries ou permettent cette identification en un temps réduit. Si l’on
d’une espèce bactérienne. Par exemple, opmA (codant la pro- recherche un agent bactérien particulier, on va avoir recours à
téine externe de membrane rOmpA) et ompB (sca5, codant la des systèmes de polymerase chain reaction en temps réel (RT-PCR).

4 EMC - Maladies infectieuses


Identification des bactéries par biologie moléculaire  8-000-A-10

Figure 2. Arbre décisionnel. Identification des


Recherche de bactéries incultivables : bactéries à partir d’un prélèvement biologique et
Diagnostic rapide : Neisseria
Mycobacterium leprae, Treponema pallidum d’un isolat. Place de la biologie moléculaire dans
meningitidis, Streptococcus
Recherche de bactéries intracellulaires cette démarche d’identification. RT-PCR : polyme-
pneumoniae,
strictes : Coxiella burnetii, Rickettsia rase chain reaction en temps réel ; ARNr : acide
Mycobacterium sp., etc.
sp., Chlamydia sp. ribonucléique ribosomique.

RT-PCR Prélèvement biologique RT-PCR

Ensemencement
Milieux gélosés de base
Milieux spécifiques

Culture positive Culture négative

Morphologie/biochimie Prise antibiotique


Spectrométrie de masse Bactérie de culture fastidieuse :
Kingella kingae,
Tropheryma whipplei, etc.

Identification – Identification +
PCR 16S ANRr/séquençage
en première intention
PCR 16S ARNr/séquençage Système spécifique si
en première intention Pas de biologie orientation/germe recherché
Système spécifique si moléculaire
orientation/germe recherché

Les premiers proposés étaient des systèmes « maison ». Il existe antibioprophylaxie (rifampicine) et vaccination si sérogroupe C
de plus en plus de systèmes commercialisés par différentes socié- ou plus rarement W135 ou Y. Il n’existe pas de système actuel-
tés. On peut ainsi effectuer la recherche de certaines bactéries en lement commercialisé en France.
moins de deux heures. Les systèmes utilisés sont donc des systèmes « maison » basés
• Streptococcus agalactiae peut être recherché chez les femmes sur l’utilisation des gènes ctrA pour Neisseria meningitidis et
enceintes avant l’accouchement grâce à un système, Xpert® ply pour Streptococcus pneumoniae [14] . Si la RT-PCR méningo-
GBS [21] ; les patientes détectées positives nécessitent un traite- coque/pneumocoque est négative et que l’état du patient est
ment antibiotique afin d’éviter la contamination de l’enfant au préoccupant, on peut réaliser une PCR ARNr 16S associée à un
cours de l’accouchement par voie basse qui pourrait entraîner séquençage si la PCR est positive. En cas d’urgence, il est possible
une méningite chez ce dernier. d’obtenir un résultat en moins de 24 heures.
• Mycoplasma pneumoniae est une bactérie de culture difficile qui
est responsable de 15 à 20 % des pneumonies communautaires
chez les enfants et les adultes. Étant donné que les symptômes Culture négative
ne sont pas spécifiques, un diagnostic de certitude ne peut être
obtenu que par RT-PCR. L’étude de cinq systèmes commercia- Prise d’antibiotique avant la réalisation
lisés basés sur la détection du gène P1 cytadhésine a montré du prélèvement
leur spécificité, le meilleur système étant Nanogen Mycoplasma Lors d’une suspicion de méningite, le clinicien peut décider
pn Q-PCR Alert kit [22] . Une identification rapide du germe res- de traiter le patient avant la réalisation de la ponction lombaire.
ponsable de la pneumopathie permet la plupart du temps de Dans ce cas, la culture est négative mais la PCR est positive car
renvoyer le patient chez lui avec un traitement approprié. l’ADN est une molécule robuste qui va persister dans le liquide
• La détection de l’agent de la coqueluche, Bordetella pertussis, cérébrospinal [24] .
chez les enfants est importante car elle permet de poser un
diagnostic et de laisser l’enfant rentrer chez lui afin de ne pas
contaminer les autres enfants non vaccinés présents dans les Bactéries de culture fastidieuse
établissements de soins. L’étude de quatre systèmes commercia- Kingella kingae est une bactérie impliquée en particulier dans
lisés basés sur la détection de L’IS481 a montré la spécificité de les infections osteoarticulaires chez les enfants [25] . Tropheryma
trois d’entre eux, Argène (Argène, Verniolle), Focus Diagnostics whipplei qui peut être responsable de la maladie de Whipple
et Cepheid [23] . se caractérisant principalement par des arthralgies, des cas
• Un diagnostic rapide est nécessaire pour les recherches des deux d’endocardite ou de symptômes neurologiques [26] . La bactérie fût
principaux agents impliqués dans les méningites purulentes, caractérisée grâce à sa séquence ARNr 16S amplifiée à partir de
Streptococcus pneumoniae et Neisseria meningitidis. De la rapi- biopsies duodénales ou de ganglions, avant que l’on sache la
dité de l’identification de la bactérie dépend la mise en œuvre cultiver [27] . Bartonella henselae, l’agent responsable de la mala-
d’un traitement antibiotique adapté et donc la guérison du die des griffes du chat et de la péliose hépatique, fait également
patient. De plus, pour le méningocoque, le typage de l’isolat partie des bactéries de culture fastidieuse qui est souvent caracté-
responsable du cas de méningite permet de mettre en place risée par biologie moléculaire [28] . Cette bactérie peut également
un traitement prophylactique adapté pour les sujets contact : être responsable de l’angiomatose bacillaire chez les patients

EMC - Maladies infectieuses 5


8-000-A-10  Identification des bactéries par biologie moléculaire

immunodéprimés. Une autre bactérie peut également être impli-


quée dans l’angiomatose bacillaire, Bartonella quintana. La bactérie
 Identification à partir d’un isolat
fût d’abord caractérisée grâce à sa séquence ARNr 16S avant que bactérien
l’on sache la cultiver. Les prélèvements de départ étaient des gan-
glions, de la moelle osseuse ou une biopsie cutanée [29] . Il est important que les bactéries soient correctement identi-
fiées au rang de l’espèce pour retracer l’épidémiologie de l’agent
bactérien en cause et mettre en œuvre les contrôles néces-
Bactéries de culture lente
saires. L’identification des bactéries s’effectuait sur des critères
Dans le groupe des bactéries à croissance lente, on peut clas- biochimiques grâce à des approches semi-automatisées (galeries
ser les bactéries du genre Mycobacterium. Les mycobactéries sont API® ) ou automatisées (VITEK® ), mais la spectrométrie de masse
divisées en deux grands groupes, le complexe Mycobacterium (M.) MALDI-TOF [40] est de plus en plus utilisée. Dans certains cas,
tuberculosis (MTC) et les mycobactéries atypiques. Il faut environ ces techniques ne permettent pas l’identification des bactéries au
15 jours pour obtenir la culture des mycobactéries du MTC. Une niveau de l’espèce :
détection et une identification rapides sont donc nécessaires pour • bactéries nouvellement décrites, ne figurant pas sur les gale-
pouvoir instaurer un traitement antibiotique adapté et mettre en ries API® ou dans les banques SM ;
place des mesures épidémiologiques si nécessaire. Des systèmes de • bactéries présentant des caractères biochimiques ou des
PCR ont été proposés pour différencier les mycobactéries du MTC spectres SM différents de ceux de l’espèce type ;
des mycobactéries atypiques [30] . Le MCT est constitué d’un cer- • bactéries pour lesquelles il n’existe pas de système
tain nombre d’espèces pathogènes chez l’homme (M. tuberculosis, d’identification biochimique ou de spectres SM dans la
M. africanum, M. canettii), chez les bovins (M. bovis), chez les banque de données (bactéries des genres Bacillus, Nocardia,
caprins (M. caprae), chez les rongeurs (M. microti) et chez les certains genres appartenant aux bactéries anaérobies, etc.).
mammifères marins (M. pinnipedii). Il existe des systèmes qui per-
mettent de caractériser une espèce au sein du MTC. On peut citer
par exemple la différenciation de M. tuberculosis et M. canettii [31] . Identification basée sur le séquençage
Comme pour les autres bactéries, le séquençage et la comparai- du gène codant l’ARNr 16S
son des génomes entiers permettent de mettre en évidence de
nouvelles cibles mieux adaptées pour l’identification des myco- De nombreuses publications ont montré l’intérêt du
bactéries [32] . séquençage du gène codant l’ARNr 16S lorsque les techniques
biochimiques sont déficientes et que l’on ne connaît pas la
nature du germe en cause [41–43] . En 1980, dans les listes des
Bactéries intracellulaires dont la culture bactéries reconnues figuraient 1791 espèces. En 2007, ce nombre
est réservée à des laboratoires spécialisés était de 8168, soit une augmentation de 456 %. Ceci est lié
La culture des bactéries intracellulaires strictes est longue et à la facilité de comparer les séquences codant l’ARNr 16S par
laborieuse. Le diagnostic doit donc être établi à partir du prélè- rapport à la réalisation de la réaction d’hybridation ADN/ADN
vement biologique par RT-PCR pour détecter la bactérie en cause qui est encore la méthode de choix pour définir une nouvelle
et prescrire un traitement approprié. Pour les bactéries intra- espèce [44] .
cellulaires telles que les rickettsies du groupe boutonneux qui
sont responsables de fièvres éruptives, on va mettre en œuvre
des systèmes « maison » basés sur l’amplification de gènes carac-
Identification basée sur le séquençage
téristiques des bactéries du genre Rickettsia ou d’une espèce de gènes de ménage
particulière [33] . Des systèmes « maison » sont également utilisés
L’identification d’un groupe de bactéries peut être basée sur la
pour l’agent de la fièvre Q, Coxiella burnetii. La persistance de
comparaison des séquences d’un seul gène comme par exemple
la bactérie chez des personnes immunodéprimées ou présentant
rpoB [45] , gyrB (codant la sous-unité B de l’ADN gyrase) [46] ou
des anomalies au niveau des valves cardiaques peut être res-
hsp60 [47, 48] . Mais de plus en plus souvent, on préfère combiner les
ponsable de cas d’endocardite qui nécessitent des traitements
informations apportées par le séquençage de plusieurs fragments
antibiotiques pendant un an et demi en moyenne. La recherche
de gènes (multilocus sequence analysis [MLSA]) [49–51] .
de la bactérie est le plus souvent effectuée grâce au gène codant
la séquence d’insertion IS1111 qui est multicopie, ce qui permet
d’augmenter la sensibilité de la PCR [34] . La PCR peut également Génotypage
servir de système d’amplification pour mettre en évidence les
immunoglobulines M (IgM) anti-Coxiella burnetii phase II au début Le suivi de l’épidémiologie d’une souche bactérienne peut
de l’infection aiguë [35] . se situer à l’échelle planétaire comme par exemple les épi-
La recherche des bactéries de la famille des Chlamydiaceae, démies de choléra dues à des biotypes différents de Vibrio
Chlamydia trachomatis responsable d’infections génito- cholerae [52] . Ces enquêtes épidémiologiques peuvent concerner
urinaires [36] , et Chlamydophila pneumoniae, responsable d’infec- le milieu hospitalier à type d’infections nosocomiales dues à
tions respiratoires [37] , peut être effectuée par des systèmes des souches d’Acinetobacter baumannii résistantes à l’imipénème
« maison » ou des kits commercialisés. ou d’entérobactéries résistantes aux céphalosporines de troisième
génération ou à l’imipénème [53, 54] . Parfois, ces épidémies peuvent
être communautaires et concerner un nombre restreint de per-
Bactéries incultivables à ce jour sonnes comme l’épidémie due à Legionella pneumophila dans le
La prolifération de ces bactéries ne peut être obtenue que chez Nord de la France en 2003 [55] ou celle due à Clostridium difficile
l’animal. Mycobacterium leprae (agent de la lèpre) est récolté à par- type O27 en 2006 [56] . Enfin, la caractérisation de ces isolats bacté-
tir des coussinets de souris. Il est donc nécessaire de disposer d’une riens peut permettre d’analyser les causes de l’échec à l’éradication
approche diagnostique différente permettant une détection pré- d’une bactérie chez un individu. En cas de rechute (le même isolat
coce de la bactérie et un suivi de l’efficacité du traitement mis en est en cause), on peut incriminer l’échec du traitement antibio-
place. Cet objectif a pu être atteint grâce à une réaction quanti- tique dû à une mauvaise compliance ou à une souche résistante, la
tative de RT-PCR ciblée sur la recherche de l’ADN du gène hsp18 présence d’un foyer infectieux résiduel ou une colonisation persis-
(codant la protéine de choc thermique de 18 kDa) et de l’ARN mes- tante. En cas de réinfection (un isolat bactérien de la même espèce
sager correspondant synthétisé [38] . Treponema pallidum (agent de mais génotypiquement différent est en cause), on s’oriente plutôt
la syphilis) ne peut être récolté qu’à partir des testicules de lapin. vers une prédisposition du patient à l’infection, une malformation
Un article récent a montré une bonne relation entre une réaction ou un déficit immunitaire.
de nested PCR pratiquée sur des écouvillonnages d’ulcérations ou Les techniques de génotypage sont utilisées pour suivre
de lésions cutanées et le diagnostic clinicosérologique des cas de l’épidémiologie des bactéries d’intérêt et peuvent être illus-
syphilis [39] . trées par l’exemple de trois bactéries : Neisseria meningitidis,

6 EMC - Maladies infectieuses


Identification des bactéries par biologie moléculaire  8-000-A-10

Haemophilus influenzae et Streptococcus pneumoniae [57] en ce qui empreintes obtenues après migration sont analysées grâce à des
concerne les multilocus sequence typing (MLST) et les multiple locus algorithmes informatiques qui permettent de clustériser les dif-
variable number tandem repeats (VNTR) analysis (MLVA). férents isolats bactériens étudiés et d’obtenir une représentation
sous forme de dendrogramme. Des systèmes sont commerciali-
« Multilocus sequence typing » sés (DiversiLab® ) pour caractériser 25 genres bactériens (bactéries
des genres Streptococcus, Staphylococcus, Pseudomonas, Escherichia,
Cette technique est basée sur le séquençage de sept fragments etc.). La séparation par électrophorèse s’effectue dans un système
de gène de ménage choisis en fonction de la bactérie étudiée. microfluidique ADN LabChip® et les fragments sont détectés dans
Par exemple, le gènes abcZ (codant une ATP-binding protein), le bioanalyseur Agilent 2100. Le logiciel de comparaison est fourni
adk (codant une adénylate kinase), aroE (codant une shikimate (DiversiLab® ) ainsi que certaines bibliothèques de profils (Myco-
déshydrogénase), fumC (codant une fumarate hydratase classe II), bactéries, Clostridium difficile, etc.). Cette approche a été utilisée
gdh (codant une glucose-6-phosphate 1-déshydrogénase), pdhC pour caractériser des isolats bactériens d’origine médicale ou envi-
(codant une pyruvate déshydrogénase) et pgm (codant une phos- ronnementale [67–72] .
phoglucomutase) pour Neisseria meningitidis. Un site internet
existe qui permet de comparer les différentes séquences avec celles
déjà déposées pour définir le sequence type (ST) et de déposer Électrophorèse en champ pulsé
ses propres séquences si elles ne correspondent pas à celles qui C’est une technique performante pour typer les isolats bacté-
existent déjà (www.mlst.net/databases/). riens, qui est souvent la technique de référence. Cependant, elle
est lourde à mettre en œuvre et n’est donc pas utilisée en rou-
« Multiple locus variable number tandem repeats tine. De plus, il peut être difficile d’avoir une reproductibilité
analysis » interlaboratoires. Elle est effective dans les centres nationaux de
référence ou dans des études épidémiologiques destinées à être
Cette méthode de typage est basée sur le nombre de courtes publiées [70, 72, 73] .
séquences répétées en plusieurs régions du génome. Ces régions
comportant des séquences répétées sont souvent incorrectement
copiées chez les bactéries aboutissant à des séquences plus courtes
ou plus longues comparées à la séquence initiale. La compa-
 Recherche des gènes
raison de la taille des fragments amplifiés par PCR peut être de résistances aux antibiotiques
effectuée après migration sur gel d’agarose ou après séquençage.
Cette approche a également été utilisée récemment pour le typage La détection des bactéries résistantes à certains antibiotiques
d’isolats de Yersinia pestis, Chlamydia trachomatis et Mycobacterium est un nouveau défi devenu possible grâce aux techniques de bio-
intracellulare [58–60] . logie moléculaire. De la rapidité avec laquelle est déterminée la
Le typage par MLVA a un pouvoir discriminant supérieur au sensibilité d’un isolat bactérien aux antibiotiques dépend souvent
typage par MLST ; ce qui peut devenir un inconvénient pour les la guérison d’un patient et la prévention de la transmission des
bactéries qui ont une évolution très rapide (Streptococcus pneumo- souches résistantes.
niae par exemple) car il devient impossible de relier entre elles les
souches dont la divergence n’est pas très récente.
« Polymerase chain reaction » en temps réel
« Multispacer sequence typing »
De nombreux systèmes ont été proposés. Il est possible par cette
Cette méthode de typage est basée sur l’étude de plusieurs technique de détecter, sur des hémocultures, les souches de Sta-
régions intergéniques qui sont décrites comme plus variables que phylococcus aureus résistantes à la méticilline (SARM) ainsi que
les zones codantes. Plusieurs bactéries ont été typées grâce à cette les souches de staphylocoque à coagulase négative méticilline-
approche [61, 62] . résistantes [74] . Pour le test décrit dans cette étude, un couple
d’amorces et une sonde spécifiques du gène mecA (résistance à la
« Clustered regulatory short palindromic repeats » méticilline), un couple d’amorces/sonde femA-SA (identification
de Staphylococcus aureus) et un couple d’amorces/sonde femA-
Ce sont des régions des génomes bactériens caractérisées par
SSE (identification de Staphylococcus epidermidis) sont utilisés. Les
des séries de répétitions directes, courtes et régulièrement espa-
résultats sont comparés à ceux obtenus avec le BD PhoenixTM
cées par des séquences, généralement uniques, de 20 à 40 paires
PMIC/ID-63 permettant l’identification et la sensibilité antibio-
de bases appelées spacers. Ces clustered regulatory short palindro-
tique des différents isolats et sont jugés concordants par les
mic repeats (CRISPR) coderaient pour des mécanismes de défense
auteurs. Une autre utilisation de cette technique est la recherche
contre les bactériophages et les plasmides. Il existe un programme
des souches d’entérocoques résistantes à la vancomycine (surtout
on line, CRISPER finder (http://crispr.u-psud.fr/Server/), qui per-
Enterococcus faecium) dans des écouvillonnages rectaux grâce à
met de rechercher ces séquences d’intérêt à partir de la séquence
un test (XpertTM vanA/vanB). La détection est basée sur l’étude
du génome entier d’une espèce bactérienne par exemple. Cette
des gènes vanA et vanB et les résultats sont obtenus en seule-
recherche permet de dessiner des amorces spécifiques pour typer
ment 1 heure comparée aux 48 à 96 heures nécessaires par la
les isolats de la même espèce. Des méthodes de typages basées
culture qui est la technique de référence. Dans l’étude de Bourdon
sur l’étude de ces régions génomiques ont été mises au point
et al. [75] , la sensibilité, la spécificité, la valeur prédictive positive
pour les bactéries appartenant au genre Salmonella mais également
(VPP) et la valeur prédictive négative (VPN) sont respectivement
pour d’autres genres bactériens [63, 64] . Pour les bactéries du genre
100, 85,4, 8,7 et 100 %. Les hypothèses avancées pour expliquer
Salmonella, cette approche est très prometteuse car elle est aussi
les faux positifs (surtout pour vanB) sont un manque de sensi-
discriminante que l’électrophorèse en champ pulsé pour définir
bilité des amorces et des sondes, une sensibilité insuffisante de
les types mais également les sous-types.
la méthode de référence, la présence de gène van chez des bac-
téries non cultivées. Une réaction de RT-PCR a été utilisée pour
« Repetitive sequence-based PCR » quantifier Helicobacter pylori dans des biopsies gastriques infectées
Cette méthode de typage a été décrite par Versalovic et al. [65, 66] et pour caractériser quatre single nucleotide polymorphisms (SNP)
et permet la différenciation des bactéries au niveau de l’espèce, dans le gène codant l’ARNr 23S responsables de la résistance à la
de la sous-espèce et potentiellement de l’isolat. Elle est basée sur clarithromycine [76] . Un système est également disponible pour la
une amplification par PCR avec des amorces complémentaires bactérie Streptococcus pneumoniae [77] . La caractérisation de la bacté-
de séquences répétées extragéniques palindromiques, hautement rie est obtenue grâce au gène lytA (gène codant la pneumolysine).
conservées et présentes en multiples copies dans les génomes La sensibilité à la pénicilline est corrélée à la présence du type
bactériens. De ce fait, les mêmes amorces peuvent être utilisées sauvage du gène pbp2b (gène codant une penicillin-binding-protein
pour une variété de bactéries à Gram positif et à Gram néga- transpeptidase) et la résistance aux macrolides à la présence des
tif. Une électrophorèse est ensuite réalisée sur gel d’agarose. Les gènes ermB (gène codant une erythromycin ribosomal methylase B)

EMC - Maladies infectieuses 7


8-000-A-10  Identification des bactéries par biologie moléculaire

et mef (gène codant une membrane-bound efflux protein). Une RT- séquençage aux extrémités des lectures. D’autres plateformes de
PCR multiplex a également été utilisée pour détecter les gènes séquençage basées sur des technologies différentes sont actuelle-
codant des sérine-carbapénémases (KPC et OXA-48) chez les bacté- ment disponibles : séquençage par ligation (SOLiDTM ), séquençage
ries de la famille des Enterobacteriaceae [78] . L’approche multiplex par semi-conducteur (Ion TorrentTM ), SMRT® Analysis (single
RT-PCR a été utilisée pour détecter des mutations responsables molecule real-time analysis), séquençage à l’aide de nanopores
des résistances à la rifampicine et l’isoniazide chez Mycobacterium (GeneChip® , NABsys, NobleGen), etc. [89, 90] . Le séquençage des
tuberculosis [79] . Récemment, un test de RT-PCR a été mis au point génomes bactériens commence par la constitution des banques.
pour pouvoir détecter rapidement la présence du gène NDM-1 En général, on réalise deux banques : shotgun et mate-pair [64, 65] .
codant une carbapénémase chez les patients en provenance de La première étape, dans les deux cas, est une fragmentation de
zones d’endémies [80] . l’ADN par une méthode enzymatique ou physique. Dans le cas
de la banque shotgun, on réalise un séquençage des fragments
d’ADN dans un ordre aléatoire. Une analyse bio-informatique per-
Pyroséquençage met ensuite de réordonner les lectures par chevauchement des
séquences communes. Mais des problèmes d’échantillonnage des
Cette technique peut être utilisée pour rechercher des muta- séquences et la présence de séquences répétées ou de régions dupli-
tions ponctuelles (SNP) associées à des résistances antibiotiques. quées peuvent expliquer qu’il existe des régions du génome pour
Cette technique a été utilisée pour mettre en évidence la résistance lesquelles on ne dispose pas de lectures, même si un taux de cou-
de souches d’entérocoques au linézolide [81] . Cette résistance est verture convenable du génome a été obtenu (au moins dix fois
liée à des mutations qui affectent le domaine peptidyltransférase la taille du génome). L’assemblage des lectures chevauchantes ne
du gène codant l’ARNr 23S. Plusieurs copies de ce gène sont pré- produit pas une séquence continue mais des blocs de séquences
sentes sur le chromosome des entérocoques et une corrélation est appelés contigs. La préparation de la banque mate-pair inclut une
retrouvée entre la concentration minimale inhibitrice pour le liné- étape de circularisation de l’ADN grâce à des adaptateurs rappro-
zolide et le nombre de copies présentant un T en position 2576 (ou chant les deux extrémités de l’ADN qui seront séquencées. La
lieu d’un G). La résistance d’isolats de Pseudomonas aeruginosa aux distance d’éloignement des lectures dépend de la taille initiale des
fluoroquinolones est reliée à des SNP dans les gènes gyrA (codant fragments (entre 2 et 20 kb). Cette approche permet de connecter
l’ADN gyrase) et parC (codant la topo-isomérase IV) et dans les les contigs entre eux, de les ordonner et de les réorienter à mesure
gènes régulant l’efflux, mexR, mexZ et mexOZ, pour la résistance que la couverture du génome augmente. Ce principe se retrouve
aux fluoroquinolones et aux aminosides [82] . Le problème de ces dans les algorithmes dits de scaffolding.
approches est que l’on ne peut détecter que les mutations que l’on
sait associées à certaines résistances. Un résultat négatif peut cor-
respondre à une souche dont le mécanisme de résistance n’est pas
connu.  Conclusion
Les techniques de biologie moléculaire ont permis d’améliorer
 Séquençage du génome considérablement la recherche et l’identification des bactéries
présentes dans des prélèvements biologiques et potentiellement
bactérien pathogènes chez l’homme ou l’animal. Des limites sont apparues
au fur et à mesure de leur utilisation. Le gène codant l’ARNr 16S
Les différentes approches permettant la caractérisation d’un était le seul gène séquencé au début de l’ère de la biologie molé-
isolat bactérien (identification au niveau de l’espèce, sensibi- culaire car il était considéré comme l’outil de choix pour obtenir
lité aux molécules antibiotiques, détection des déterminants l’identification des bactéries et sans doute pour des raisons tech-
de virulence, caractérisation et surveillance de la dissémination niques et économiques. On s’est aperçu au fil des années que
des isolats lors d’une épidémie, etc.) pourraient, dans le futur, son manque de variabilité ne permettait pas l’identification au
se résumer au séquençage du génome des bactéries d’intérêt niveau de l’espèce dans un nombre de cas non négligeable. Pour
puisque toutes les informations y sont inscrites, pour peu que pallier à cet inconvénient, d’autres gènes ont été utilisés ; le
l’on sache les interpréter [83, 84] . En 1995, le premier génome plus souvent, des gènes présents chez toutes les bactéries, appe-
bactérien, celui d’Haemophilus influenzae, fut séquencé par la lés gènes de ménage. Ultérieurement, une analyse objective des
méthode de Sanger [85] . Dix ans plus tard, en 2005, le séquençage résultats a montré que le séquençage d’un seul gène n’était pas
du génome de Mycoplasma genitalium fut réalisé grâce à un suffisant pour identifier une bactérie et qu’il fallait associer le
séquenceur de deuxième génération (454 de Roche) [86] . Depuis, séquençage de plusieurs fragments de gènes pour obtenir un
l’accélération des progrès technologiques a permis d’obtenir résultat indiscutable. L’avantage des techniques de biologie molé-
des plateformes de séquençage plus performantes concernant culaire par rapport aux techniques biochimiques est qu’il existe
le débit de séquençage, le temps nécessaire pour séquencer beaucoup plus de gènes qui sont des outils potentiels que de
un génome et le prix de revient du projet. À ce jour, plus caractères biochimiques exploitables. La technique de PCR en
de 6000 projets de séquençage de génomes bactériens ont été temps réel a été un grand progrès dans le domaine du diagnos-
déposés et plus de 2500 génomes ont été complètement séquen- tic car elle est spécifique, sensible, peu contaminante et rapide.
cés et sont disponibles (http://www.genomesonline.org/cgi-
bin/GOLD/index.cgi).
Les premiers appareils pour le séquençage à haut débit étaient
basés sur la technique de pyroséquençage (454 de Roche). Au fil
des années, la taille des fragments obtenus a été significativement
“ Points essentiels
augmentée de 110 à 500 pb de nos jours et la promesse de 1000 pb
dans le futur. Au-delà de quatre à cinq nucléotides identiques, • Les techniques de biologie moléculaire permettent
le caractère proportionnel du signal est perdu. Ces séquences d’obtenir des informations sur l’identité des bactéries, sur
homopolymériques représentent la source majeure d’erreurs de leur résistance aux agents antibiotiques, sur leurs facteurs
séquençage par cette méthode. Actuellement, la plateforme de
de virulence et d’effectuer du génotypage.
séquençage Illumina® /Solexa® est la plus utilisée. Elle est basée
• Les techniques de biologie moléculaire les plus utilisées
sur le séquençage par synthèse appliquée. La grande quantité de
données générées par cette méthode est due à la préparation des en bactériologie de nos jours sont : la PCR, la PCR en temps
fragments. Chaque fragment est isolé sur une plaque de verre puis réel, le séquençage et l’électrophorèse en champ pulsé.
amplifié par une réaction de PCR [87, 88] . Elle présente plusieurs • Dans un futur proche, ce sera sans doute le séquençage
biais notables. Le principal problème de cette technique est la des génomes bactériens qui sera la base de la bactériologie
taille relativement faible des lectures générées, entre 35 et 100 pb. moderne.
L’autre biais de cette technique est la diminution de la fiabilité du

8 EMC - Maladies infectieuses


Identification des bactéries par biologie moléculaire  8-000-A-10

Actuellement, certaines approches pour rechercher les résistances [22] Touati A, Benard A, Ben Hassen A, Bébéar CM, Pereyre S. Eva-
antibiotiques sont encore insatisfaisantes mais le séquençage des luation of five commercial real-time PCR assays for detection of
génomes entiers permettra de mieux connaître les mécanismes Mycoplasma pneumoniae in respiratory tract specimens. J Clin Micro-
d’action de ces résistances et donc de mieux cibler les gènes ou biol 2009;47:2269–71.
les mutations à rechercher. La technologie évoluant très rapide- [23] Lanotte P, Plouzeau C, Burucoa C, Grélaud C, Guillot S, Guiso N,
ment à notre époque, nul doute que ces approches moléculaires et al. Evaluation of four commercial real-time PCR assays for detec-
ont encore beaucoup d’enseignement à nous apporter, pour peu tion of Bordetella spp. in nasopharyngeal aspirates. J Clin Microbiol
que l’imagination humaine sache en tirer partie. 2011;49:3943–6.
[24] Welinder-Olsson C, Dotevall L, Hogevik H, Jungnelius R, Troll-
fors B, Wahl M, et al. Comparison of broad-range bacterial PCR
 Références and culture of cerebrospinal fluid for diagnosis of community-
acquired bacterial meningitis. Clin Microbiol Infect 2007;13:
879–86.
[1] Farkas DH, Drevo AM, Kiechle FL, DiCarlo RG, Haeth EM, Crisan [25] Cherkaoui A, Ceroni D, Emonet S, Lefevre Y, Schrenzel J. Molecular
D. Specimen stability for DNA-based diagnostic testing. Diagn Mol diagnosis of Kingella kingae osteoarticular infections by specific real-
Pathol 1996;5:227–35. time PCR assay. J Med Microbiol 2009;58:65–8.
[2] Steege DA. Emerging features of mRNA decay in bacteria. RNA [26] Lagier JC, Lepidi H, Raoult D, Fenollar F. Systemic Trophe-
2000;6:1079–90. ryma whipplei clinical presentation of 142 patients with infections
[3] Chomczynski P, Sacchi N. Single-step method of RNA isolation by acid diagnosed or confirmed in a reference center. Medicine 2010;89:
guanidinium thiocyanate-phenol-chloroform extraction. Anal Biochem 337–45.
1987;162:156–9. [27] Relman DA, Schmidt TM, MacDermott RP, Stanley Falkow S. Identi-
[4] Cady NC, Stelick S, Batt CA. Nucleic acid purification using micro- fication of the uncultured bacillus of Whipple’s disease. N Engl J Med
fabricated silicon structures. Biosens Bioelectron 2003;19:59–66. 1992;327:293–301.
[5] Higuchi R, Dollinger G, Walsh PS, Griffith R. Simultaneous ampli- [28] Eglantin F, Hamdad F, El samad Y, Monge AS, Sevestre H, Eb F,
fication and detection of specific DNA-sequences. Biotechnology et al. The diagnosis of cat scratch disease associated adenitis: diag-
1992;10:413–7. nostic value of serology and polymerase chain reaction. Pathol Biol
[6] Hyman ED. A new method of sequencing DNA. Anal Biochem 2008;56:461–6.
1988;174:423–36. [29] Relman DA, Loutit JS, Schmidt TM, Falkow S, Tompkins LS. The
[7] Woese CR. Bacterial evolution. Microbiol Rev 1987;51:221–71. agent of bacillary angiomatosis. An approach to the identification of
[8] Weisburg WG, Barns SM, Pelletier DA, Lane DJ. 16S ribosomal uncultured pathogens. N Engl J Med 1990;323:1573–80.
DNA amplification for phylogenetic study. J Bacteriol 1991;173: [30] Richardson ET, Samson D, Banaeil N. Rapid identification
697–703. of Mycobacterium tuberculosis and nontuberculous mycobacte-
[9] Gil R, Silva FJ, Peretó, Moya A. Determination of the core of a minimal ria by multiplex, real-time PCR. J Clin Microbiol 2009;47:
bacterial gene set. Microbiol Mol Biol Rev 2004;68:518–37. 1497–502.
[10] Fournier PE, Roux V, Raoult D. Phylogenetic analysis of spotted fever [31] Reddington K, O’Grady J, Dorai-Raj S, Maher M, van Soolin-
group Rickettsiae by study of the outer surface protein rOmpA. Int J gen D, Barry T. Novel multiplex real-time PCR diagnostic assay
Syst Bacteriol 1998;48:839–49. for identification and differentiation of Mycobacterium tuberculosis,
[11] Roux V, Raoult D. Phylogenetic analysis of members of the genus Mycobacterium canettii, and Mycobacterium tuberculosis complex
Rickettsia using the gene encoding the outer-membrane protein rOmpB strains. J Clin Microbiol 2011;49:651–7.
(ompB). Int J Syst Evol Microbiol 2000;50:1449–55. [32] Dai J, Chen Y, Dean S, Glenn Morris JG, Salfinger M, Johnson JA.
[12] Watson MW, Lambden PR, Clarke IN. Genetic diversity and iden- Multiple-genome comparison reveals new loci for Mycobacterium spe-
tification of human infection by amplification of the chlamydial cies identification. J Clin Microbiol 2011;49:144–53.
60-kilodalton cysteine-rich outer membrane protein gene. J Clin [33] Renvoisé A, Rolain JM, Socolovschi C, Raoult D. Widespread use of
Microbiol 1991;29:1188–93. real-time PCR for rickettsial diagnosis. FEMS Immunol Med Microbiol
[13] Sheppard CL, Harrison TG, Morris R, Hogan A, George RC. 2011;64:126–9.
Autolysin-targeted LightCycler assay including internal process [34] Jones RM, Hertwig S, Pitman J, Vipond R, Aspán A, Bőlske G, et al.
control for detection of Streptococcus pneumoniae DNA in clinical Interlaboratory comparison of real-time polymerase chain reaction
samples. J Med Microbiol 2004;53:189–93. methods to detect Coxiella burnetii, the causative agent of Q fever.
[14] Corless CE, Guiver M, Borrow R, Edwards-Jones V, Fox AJ, J Vet Diagn Invest 2011;23:108–11.
Kaczmarski EB. Simultaneous detection of Neisseria meningitidis, [35] Malou N, Renvoise A, Nappez C, Raoult D. Immuno-PCR for the
Haemophilus influenzae, and Streptococcus pneumoniae in suspec- early serological diagnosis of acute infectious diseases: the Q fever
ted cases of meningitis and septicemia using real-time PCR. J Clin paradigm. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2012;31:1951–60.
Microbiol 2001;39:1553–8. [36] Chernesky M, Jang D, Portillo E, Chong S, Smieja M, Luins-
[15] Schwartz DC, Cantor CR. Separation of chromosome-sized dans by tra K, et al. Abilities of APTIMA, AMPLICOR, and ProbeTec
pulsed field gradient gel electrophoresis. Cell 1984;37:67–75. assays to detect Chlamydia trachomatis and Neisseria gonorrhoeae
[16] Kelly WJ, Ward LJ, Leahy SC. Chromosomal diversity in Lactococ- in PreservCytThinPrep Liquid-Based Pap Samples. J Clin Microbiol
cus lactis and the origin of dairy starter cultures. Genome Biol Evol 2007;45:2355–8.
2010;2:729–44. [37] Benitez AJ, Thurman KA, Diaz MH, Conklin L, Kendig NE, Winchella
[17] Roux V, Raoult D. Genotypic identification and phylogenetic analysis JM. Comparison of real-time PCR and a microimmunofluorescence
of the spotted fever group Rickettsiae by pulsed-field gel electropho- serological assay for detection of Chlamydophila pneumoniae infec-
resis. J Bacteriol 1993;175:4895–904. tion in an outbreak investigation. J Clin Microbiol 2012;50:151–3.
[18] Shariat N, Kirchner MK, Sandt CH, Trees E, Barrangou R, Dudley [38] Lini N, Shankernarayan NP, Dharmalingam K. Quantitative real-time
EG. Subtyping of Salmonella enterica Serovar Newport Outbreak PCR analysis of Mycobacterium leprae DNA and mRNA in human
Isolates by CRISPR-MVLST and determination of the relation- biopsy material from leprosy and reactional cases. J Med Microbiol
ship between CRISPR-MVLST and PFGE results. J Clin Microbiol 2009;58:753–9.
2013;51:2328–36. [39] Grange PA, Gressier L, Dion PL, Farhi D, Benhaddou N, Gerhardt P,
[19] Arthur TM, Ahmed R, Chase-Topping M, Kalchayanand N, Schmidt et al. Evaluation of a PCR test for the detection of Treponema pallidum
JW, Bono JL. Characterization of Escherichia coli O157:H7 in swabs and blood. J Clin Microbiol 2012;50:546–52.
strains isolated from supershedding cattle. Appl Environ Microbiol [40] Croxatto A, Prod’hom G, Greub G. Applications of MALDI-TOF
2013;79:4294–303. mass spectrometry in diagnostic microbiology. FEMS Microbiol Rev
[20] Rasmussen CD, Haugaard MM, Petersen MR, Nielsen JM, Pedersen 2012;36:380–407.
HG, Bojesen AM. Streptococcus equi subsp. Zooepidemicus isolates [41] Drancourt M, Berger P, Raoult D. Systematic 16S rRNA gene sequen-
from equine infectious endometritis belong to a distinct genetic group. cing of atypical clinical isolates identified 27 new bacterial species
Vet Res 2013;44:26. associated with humans. J Clin Microbiol 2004;42:2197–202.
[21] El Helali N, Nguyen JC, Ly A, Giovangrandi Y, Trinquart L. Diag- [42] Keller PM, Rampini SK, Büchler AC, Eich G, Wanner RM, Speck RF,
nostic accuracy of rapid real-time polymerase chain reaction assay for et al. Recognition of potentially novel human disease-associated patho-
universal intrapartum group B Streptococcus screening. Clin Infect Dis gens by implementation of systematic 16S rRNA gene sequencing in
2009;49:417–23. the diagnostic laboratory. J Clin Microbiol 2010;48:3397–402.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-000-A-10  Identification des bactéries par biologie moléculaire

[43] Lee EH, Degener JE, Welling GW, Veloo AC. Evaluation of the Vitek 2 [66] Versalovic J, Schneider M, de Bruijn FJ, Lupski JR. Genomic finger-
ANC card for identification of clinical isolates of anaerobic bacteria. printing of bacteria using repetitive sequence-based polymerase chain
J Clin Microbiol 2011;49:1745–9. reaction. Methods Mol Cell Biol 1994;5:25–40.
[44] Janda JM, Sharon L. Abbott. 16S rRNA gene sequencing for bacterial [67] Czaban S, Sacha P, Wieczorek P, Kłosowska W, Krawczyk M, Ojdana
identification in the diagnostic laboratory: pluses, perils, and pitfalls. D, et al. Rep-PCR genotyping of infectious Acinetobacter spp. strains
J Clin Microbiol 2007;45:2761–4. from patients treated in Intensive Care Unit of Emergency Department
[45] Adékambi T, Drancourt M, Raoult D. The rpoB gene as a (ICU of ED) - preliminary report. Adv Med Sci 2013;20:16–23.
tool for clinical microbiologists. Trends Microbiol 2008;17: [68] Christianson S, Wolfe J, Soualhine H, Sharma MK. Comparison
37–45. of repetitive-sequence-based polymerase chain reaction with random
[46] Watanabe K, Nelson JS, Harayama S, Kasai H. ICB database: the gyrB amplified polymorphic DNA analysis for rapid genotyping of nontu-
database for identification and classification of bacteria. Nucleic Acids berculosis mycobacteria. Can J Microbiol 2012;58:953–4.
Res 2001;29:344–5. [69] Mazzariol A, Lo Cascio G, Ballarini P, Ligozzi M, Soldani F, Fontana
[47] Hung WC, Tseng SP, Chen HJ, Tsai JC, Chang CH, Lee TF, et al. Use R, et al. Rapid molecular technique analysis of a KPC-3-producing
of groEL as a target for identification of Abiotrophia, Granulicatella, Klebsiella pneumoniae outbreak in an Italian surgery unit. J Chemother
and Gemella species. J Clin Microbiol 2010;48:3532–8. 2012;24:93–6.
[48] Sakamoto M, Ohkuma M. Usefulness of the hsp60 gene for the iden- [70] Roussel S, Félix B, Colanéri C, Vignaud ML, Dao TT, Marault M, et al.
tification and classification of Gram-negative anaerobic rods. J Med Semi-automated repetitive-sequence-based polymerase chain reaction
Microbiol 2010;59:1293–302. compared to pulsed-field gel electrophoresis for Listeria monocyto-
[49] Richter D, Postic D, Sertou N, Livey I, Matuschka FR, Branton genes subtyping. Foodborne Pathog Dis 2010;7:1005–12.
G. Delineation of Borrelia burgdorferi sensu lato species by mul- [71] Chon JW, Kim JH, Lee SJ, Hyeon JY, Seo KH. Toxin profile, antibiotic
tilocus sequence analysis and confirmation of the delineation of resistance, and phenotypic and molecular characterization of Bacillus
Borrelia spielmanii sp. nov. Int J Syst Evol Microbiol 2006;56: cereus in Sunsik. Food Microbiol 2012;32:217–22.
873–81. [72] Al Nakib M, Longo M, Tazi A, Billoet A, Raymond J, Trieu-Cuot P,
[50] McTaggart LR, Richardson SE, Witkowska M, Zhang SX. Phy- et al. Comparison of the DiversiLab® system with multi-locus sequence
logeny and identification of Nocardia species on the basis typing and pulsed-field gel electrophoresis for the characterization
of multilocus sequence analysis. J Clin Microbiol 2010;48: of Streptococcus agalactiae invasive strains. J Microbiol Methods
4525–33. 2011;85:137–42.
[51] Pascual J, Macián MC, Arahal DR, Garay E, Pujalte MJ. Multilocus [73] Cholley P, Gbaguidi-Haore H, Bertrand X, Thouverez M, Plésiat P,
sequence analysis of the central clade of the genus Vibrio by using Hocquet D, et al. Molecular epidemiology of multidrug-resistant Pseu-
16S rRNA, recA, pyrH, rpoD, gyrB, rctB and toxR genes. Int J Syst domonas aeruginosa in a French university hospital. J Hosp Infect
Evol Microbiol 2010;60:154–65. 2010;76:316–9.
[52] Quilici ML. Le diagnostic bactériologique du choléra. Rev Francoph [74] Jukes L, Mikhail J, Bome-Mannathoko N, Hadfield SJ, Harris LG,
Lab 2011;431:29–43. El-Bouri K, et al. Rapid differentiation of Staphylococcus aureus.
[53] INVS. Signalement des infections nosocomiales à Acinetobacter bau- Staphylococcus epidermidis and other coagulase- negative staphylo-
mannii résistant à l’imipénème, France, août 2001-mai 2011. Bull cocci and meticillin susceptibility testing directly from growth-positive
Epidemiol Hebd 24 juillet 2012;(no 31–32):355–60. blood cultures by multiplex real-time PCR. J Med Microbiol
[54] INVS. Bactéries multirésistantes (BMR) en milieu hospitalier : 2010;59:1456–61.
entérobactéries productrices de ␤-lactamases à spectre étendu
[75] Bourdon N, Bérenger R, Lepoultier R, Mouet A, Lesteven C, Borgey F,
(EBLSE) et Staphylococcus aureus résistants à la méticilline
et al. Rapid detection of vancomycin-resistant enterococci from rectal
(SARM), Réseau BMR-Raisin, 2002-2010. Bull Epidemiol Hebd
swabs by the Cepheid Xpert vanA/vanB assay. Diagn Microbiol Infect
13 novembre 2012;(no 42–43):473–6.
Dis 2010;67:291–3.
[55] INVS. Épidémie communautaire de légionellose-Pas-de-Calais-
[76] Kargar M, Ghorbani-Dalini S, Doosti A, Negar Souod N. Real-
France. Novembre 2003–janvier 2004. Rapport d’investigation.
time PCR for Helicobacter pylori quantification and detection of
[56] INVS. Émergence d’infections digestives liées à Clostridium difficile
clarithromycin resistance in gastric tissue from patients with gastroin-
de type O27, France, janvier à septembre 2006.
testinal disorders. Res Microbiol 2012;163:109–13.
[57] Harrison OB, Brueggemann AB, Caugant DA, van der Ende A, Frosch
M, Gray S, et al. Molecular typing methods for outbreak detection [77] Srinivasana V, du Plessis M, Bealla BW, McGeea L. Quadriplex
and surveillance of invasive disease caused by Neisseria meningiti- real-time polymerase chain reaction (lytA, mef, erm, pbp2bwt ) for
dis, Haemophilus influenzae and Streptococcus pneumoniae, a review. pneumococcal detection and assessment of antibiotic susceptibility.
Microbiology 2011;157:2181–95. Diagn Microbiol Infect Dis 2011;71:453–6.
[58] Li Y, Cui Y, Cui B, Yan Y, Yang X, Wang H, et al. Features of variable [78] Swaynea RL, Ludlama HA, Sheta VG, Woodfordb N, Currana MD.
number of tandem repeats in Yersinia pestis and the development of a Real-time TaqMan PCR for rapid detection of genes encoding five
hierarchical genotyping scheme. PLoS One 2013;8:e66567. types of non-metallo- (class A and D) carbapenemases in Enterobac-
[59] Peuchant O, Le Roy C, Herrmann B, Clerc M, Bébéar, de Barbeyrac B. teriaceae. Int J Antimicrob Agents 2011;38:35–8.
MLVA subtyping of Genovar E Chlamydia trachomatis individualizes [79] Luo T, Jiang L, Sun W, Fu G, Jian Mei J, Gao Q. Multiplex
the Swedish variant and anorectal isolates from men who have sex with real-time PCR melting curve assay to detect drug-resistant muta-
men. PLoS One 2012;7:e31538. tions of Mycobacterium tuberculosis. J Clin Microbiol 2011;49:
[60] Iakhiaeva E, McNulty S, Brown Elliott BA, Falkinham 3rd JO, Williams 3132–8.
MD, Vasireddy R, et al. Mycobacterial interspersed repetitive- [80] Diene SM, Bruder N, Raoult D, Rolain JM. Real-time PCR assay
unit-variable-number tandem-repeat (MIRU-VNTR) genotyping of allows detection of the New Delhi metallo-␤-lactamase (NDM-
Mycobacterium intracellulare for strain comparison with establish- 1)-encoding gene in France. Int J Antimicrob Agents 2011;37:
ment of a PCR-based database. J Clin Microbiol 2013;51:409–16. 544–6.
[61] Glazunova O, Roux V, Freylikman O, Sekeyova Z, Fournous G, [81] Sinclair A, Catherine Arnold C, Woodford N. Rapid detection and esti-
Tyczka J, et al. Coxiella burnetii genotyping. Emerg Infect Dis mation by pyrosequencing of 23S rRNA genes with a single nucleotide
2005;11:1211–7. polymorphism conferring linezolid resistance in Enterococci. Antimi-
[62] Drancourt M, Roux V, Dang LV, Tran-Hung L, Castex D, Chenal- crob Agents Chemother 2003;47:3620–2.
Francisque V, et al. Genotyping Orientalis-like Yersinia pestis, and [82] Gorgania N, Ahlbrandc S, Pattersonc A, Pourmanda N. Detection of
plague pandemics. Emerg Infect Dis 2004;10:1585–92. point mutations associated with antibiotic resistance in Pseudomonas
[63] Fabre L, Zhang J, Guigon G, Simon Le Hello S, Guibert V, aeruginosa. Int J Antimicrob Agents 2009;34:414–8.
Accou-Demartin M, et al. CRISPR typing and subtyping for impro- [83] Dunne Jr WM, Westblade LF, Ford B. Next-generation and whole-
ved laboratory surveillance of Salmonella infections. PLoS One genome sequencing in the diagnostic clinical microbiology laboratory.
2012;7:e36995. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2012;31:1719–26.
[64] Rodolphe Barrangou R, Horvath P. CRISPR: new horizons in phage [84] Didelot X, Bowden R, Wilson DJ, Peto TE, Crook DW. Transforming
resistance and strain identification. Annu Rev Food Sci Technol clinical microbiology with bacterial genome sequencing. Nature Rev
2012;3:143–62. Genet 2012;13:601–12.
[65] Versalovic J, Thearith Koeuth T, Lupski JR. Distribution of repeti- [85] Fleischmann RD, Adams MD, White O. Whole-genome random
tive DNA sequences in eubacteria and application to fingerprinting of sequencing and assembly of Haemophilus influenzae Rd. Science
bacterial genomes. Nucleic Acids Res 1991;19:6823–31. 1995;269:496–512.

10 EMC - Maladies infectieuses


Identification des bactéries par biologie moléculaire  8-000-A-10

[86] Margulies M, Egholm M, Altman WE, Attiya S, Bader JS, Bemben [89] Lim JS, Choi BS, Lee JS, Shin C, Yang TJ, Rhee JS,
LA, et al. Genome sequencing in microfabricated high-density picolitre et al. Survey of the applications of NGS to whole-genome
reactors. Nature 2005;437:376–80. sequencing and expression profiling. Genom Informatics 2012;10:
[87] Shendure J, Ji H. Next-generation DNA sequencing. Nature Biotechnol 1–8.
2008;26:1135–45. [90] Loman NJ, Constantinidou C, Chan JZ, Halachev M, Sergeant M,
[88] Niedringhaus TP, Milanova D, Kerby MB, Snyder MP, Barron AE. Penn CW, et al. High-throughput bacterial genome sequencing: an
Landscape of next-generation sequencing technologies. Anal Chem embarrassment of choice, a world of opportunity. Nature Rev Microbiol
2011;83:4327–41. 2012;10:599–606.

V. Roux, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier.


Comité de lutte contre l’infection nosocomiale (CLIN), Hôpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5, France.
Faculté de pharmacie de Marseille, 27, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France.
Aix Marseille Université, URMITE, UM63, CNRS 7278, IRD 198, Inserm 1095, Faculté de médecine, Aix-Marseille Université, 27, boulevard Jean-Moulin, 13385
Marseille cedex 5, France.
J.-M. Rolain, Professeur des Universités, praticien hospitalier (jean-marc.rolain@univmed.fr).
Service de microbiologie, Hôpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13385 Marseille cedex 5, France.
Faculté de pharmacie de Marseille, 27, boulevard Jean-Moulin, 13385 Marseille cedex 5, France.
Aix Marseille Université, URMITE, UM63, CNRS 7278, IRD 198, Inserm 1095, Faculté de médecine, Aix-Marseille Université, 27, boulevard Jean-Moulin, 13385
Marseille cedex 5, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Roux V, Rolain JM. Identification des bactéries par biologie moléculaire. EMC - Maladies infectieuses
2014;11(1):1-11 [Article 8-000-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 11


 8-000-C-10

Classification et modes de transmission


des virus humains
H. Agut, S. Burrel, D. Boutolleau

Les virus sont des entités biologiques originales définies par leur structure et leur mode de réplication à
l’intérieur des cellules hôtes. Le Comité international de taxonomie virale (ICTV) a élaboré une classifica-
tion universelle des virus, fondée sur ces propriétés et définissant des niveaux taxonomiques de hiérarchie
décroissante allant de l’ordre à l’espèce. Cette classification inclut actuellement sept ordres, plus de
100 familles, plus de 300 genres et plusieurs milliers d’espèces de virus différents infectant les animaux,
homme inclus, les plantes et les bactéries. La structure et la stratégie de réplication des différents virus
humains permettent de comprendre en partie leur mode de transmission. Les sources de virus sont dans
ce cas les êtres humains eux-mêmes et certains animaux infectés. La transmission est soit horizontale,
d’un sujet infecté à un sujet non infecté par propagation de particules virales ou de cellules infectées,
soit verticale, des parents aux enfants par le biais d’une infection préalable des cellules germinales. Les
virus pénètrent dans l’organisme par diverses voies, en infectant les muqueuses digestives, respiratoires,
génitales, oculaires et en franchissant la barrière cutanée à travers des brèches accidentelles, ce qui per-
met ainsi leur inoculation directe dans le milieu intérieur. La barrière d’espèce, de définition imprécise,
limite cette transmission mais n’est pas une protection absolue et son franchissement peut conduire à
des émergences virales. La connaissance des voies et des fréquences de transmission est importante pour
définir les mesures de prévention.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Taxonomie ; Structure ; Réplication ; Épidémiologie ; Prévention

Plan la biologie. Cette classification s’est fondée initialement sur le


pouvoir pathogène des virus, leur tropisme pour certains organes
■ Introduction 1 et leurs caractéristiques épidémiologiques, puis sur leurs proprié-

tés physicochimiques et moléculaires. À cette classification, on a
Structure et réplication des virus 2
associé une nomenclature correspondant aux différents niveaux
Structure virale 2
hiérarchiques du système de taxonomie virale. Ce système permet
Réplication virale intracellulaire 2
d’appréhender de façon unique un virus donné, de l’identifier
Réplication dans l’organisme humain 3
sans ambiguïté que l’approche soit clinique, épidémiologique
■ Classification des virus 3 ou moléculaire, de le nommer en maintenant l’homogénéité
Systèmes de classification virale 3 des connaissances en virologie, et d’intégrer logiquement dans
Taxonomie et nomenclature des virus humains 5 cette classification les nouveaux virus au fur et à mesure de
■ Transmission des virus 6 leur découverte. Si elle valide et impose l’usage de la nomencla-
Sources des virus 6 ture associée, la taxonomie virale n’est pas supposée traduire à
Mode de transmission 7 l’origine l’existence de relations phylogénétiques entre les diffé-
Prévention de la transmission 9 rents taxons, car l’origine commune des virus ne peut être affirmée
■ Conclusion 9 dans l’état actuel des connaissances.
Le mode de transmission des virus est un aspect essentiel
de leur épidémiologie. Interviennent entre autres dans ce pro-
cessus la nature de la source de virus et de la porte d’entrée
 Introduction dans l’organisme humain, le caractère direct ou indirect de la
transmission, l’importance de la charge infectieuse transmise.
Dès l’émergence de la virologie comme discipline autonome, On distingue également les virus à transmission interhumaine
la classification des virus, c’est-à-dire leur regroupement en stricte et ceux qui infectent aussi d’autres animaux. Dans ce
ensembles partageant des propriétés communes et portant le nom deuxième cas, l’existence d’un réservoir animal et la voie par-
générique de taxons, est apparue indispensable mais nécessaire- ticulière de transmission à l’homme, qu’il s’agisse de morsure,
ment distincte de celle en vigueur dans les autres domaines de piqûre par un arthropode, inhalation ou ingestion de déjections

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 13 > n◦ 2 > mai 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(16)73602-7
8-000-C-10  Classification et modes de transmission des virus humains

animales, confèrent des caractères épidémiologiques spécifiques. en fonction de la longueur du génome mais, dans la plupart
À l’extrême, le franchissement de la barrière d’espèce par un virus des cas, restreinte quand on la compare à celle des génomes
ayant jusque-là épargné les êtres humains conduit parfois à une des micro-organismes procaryotes ou eucaryotes. Le génome à
émergence virale, c’est-à-dire l’installation durable d’une forme ADN bicaténaire de certains mégavirus peut certes avoir une lon-
d’infection humaine par ce virus. Dans ce phénomène, inter- gueur dépassant un million de nucléotides mais, là encore, fait
viennent aussi fréquemment des changements plus ou moins figure d’exception. Les génomes des virus à ADN sont constitués
brutaux des paramètres environnementaux. généralement de deux brins complémentaires, excepté ceux des
À l’intérieur d’une famille virale définie au sens taxonomique, Parvoviridae, des Anelloviridae et des Circoviridae qui sont faits d’un
les modes de transmission sont souvent différents. À l’opposé, seul brin. Les génomes des virus à ARN sont constitués générale-
des virus ayant un mode de transmission identique tels les arbo- ment d’un brin, excepté celui des Reoviridae qui est fait de deux
virus peuvent appartenir à des familles virales différentes. Tant brins complémentaires. La variabilité génétique des virus à ARN
la taxonomie que le mode de transmission sont dépendants des est, en général, beaucoup plus grande que celle des virus à ADN.
propriétés structurales et réplicatives des virus. La connaissance Cette variabilité permet des adaptations multiples mais se révèle
de ces propriétés est donc indispensable pour comprendre à la inversement un obstacle pour maintenir la viabilité de longs
fois la classification et l’épidémiologie des virus humains. Par génomes continus du fait de l’accumulation possible de muta-
définition, sont exclus du présent texte les prions ou agents trans- tions létales. Cela expliquerait deux caractéristiques des génomes
missibles non conventionnels responsables d’encéphalopathies à ARN : leur taille restreinte et l’existence de génomes fragmentés
spongiformes, les viroïdes et les acides nucléiques satellites trans- qui permettraient, par complémentation et réassortiment entre
missibles qui ne sont pas des virus au sens propre. fragments, de contrer l’apparition de mutations létales.
La capside est un ensemble de protéines associées à l’acide
nucléique, l’ensemble constituant la nucléocapside. La capside est
 Structure et réplication des virus l’assemblage de multiples copies d’un petit nombre de protéines
différentes. Selon l’agencement de ces protéines autour de l’acide
nucléique, on distingue deux types de capside. Dans les capsides
à symétrie hélicoïdale, les protéines engainent l’acide nucléique
enroulé en hélice, l’ensemble ayant une structure tubulaire. Dans

“ Point fort les capsides à symétrie cubique, les protéines forment un polyèdre
régulier, qui a les propriétés de symétrie d’un icosaèdre et contient
en son sein le génome viral. Certaines capsides virales, comme
celle du virus de l’immunodéficience humaine (VIH), ont une
Structure et classification des virus structure complexe qui n’entre dans aucune des deux catégories.
• Les particules virales ou virions ont une structure phy- L’enveloppe, dérivée des membranes cellulaires, est constituée
sicochimique simple constituée d’un seul type d’acide principalement de phospholipides et a un impact notable sur la
nucléique, d’une capside et, pour les virus enveloppés, transmission des virus. En effet, la structure la plus externe d’une
d’une enveloppe ; cette structure les distingue de tous les particule virale, capside ou enveloppe selon le cas, détermine
autres micro-organismes pathogènes et des cellules euca- l’infectiosité et le tropisme cellulaire des virus car elle porte les
ryotes. molécules permettant la fixation aux récepteurs cellulaires spéci-
• Les virus se multiplient par une réplication des com- fiques. La stabilité de ces structures d’attachement conditionne
donc le succès de l’infection virale qui va suivre. L’enveloppe
posants à l’identique qui est observée exclusivement à
des virus enveloppés est fragile car sa nature lipidique la rend
l’intérieur d’une cellule hôte et est distincte de la repro-
très sensible à l’action de la dessiccation, de la chaleur, des pH
duction par division binaire des autres entités biologiques. extrêmes et des solvants des lipides tels que les détergents. La cap-
• La structure et les mécanismes moléculaires de répli- side protéique est beaucoup plus résistante : ainsi les virus nus
cation des virus sont les fondements de la classification exigent pour être inactivés des agents chimiques agressifs tels que
actuelle des virus et de leur nomenclature. les dérivés chlorés, iodés ou les aldéhydes [1] . Les virus enveloppés
• Dans la classification établie par le Comité international conservent donc mal leur infectiosité dans le milieu extérieur ou
de taxonomie virale (ICTV), les différents niveaux hiérar- dans des compartiments particulièrement hostiles de l’organisme
chiques de classification virale sont, par ordre décroissant : tels que le tube digestif. À l’opposé des virus nus, leur transmis-
les ordres, les familles, les sous-familles, les genres et les sion nécessite des contacts interhumains directs ou rapprochés,
espèces. survenant dans un délai court. Cette règle générale a cependant
• Malgré le fait qu’elle tient peu compte a priori des des exceptions. Les Poxviridae et, dans une moindre mesure, les
Hepadnaviridae sont des virus enveloppés plus résistants, vraisem-
propriétés physiopathologiques virales, la classification
blablement du fait d’une structure particulière de leur enveloppe,
des virus est devenue un outil indispensable pour la de sa richesse en protéines et de ses interactions avec le fluide
compréhension et la prise en charge des infections virales biologique environnant.
humaines.

Réplication virale intracellulaire


Structure virale Les virus ont impérativement besoin d’infecter une cellule pour
être répliqués [2, 3] . Leur structure rudimentaire ne contient pas de
Les particules virales, encore appelées virions, sont de petites système de biosynthèse ni de source d’énergie suffisants pour assu-
structures biologiques, ayant en général de 20 à 300 nanomètres rer leur réplication de façon autonome. Les virus se multiplient à
de diamètre, leur taille pouvant être exceptionnellement plus partir de leur seul matériel génétique par un processus de répli-
grande et dépasser le micromètre dans le cas de certains méga- cation et d’autoassemblage, et non pas par croissance et division
virus. Quelle que soit leur taille, elles ont une structure spécifique binaire comme les bactéries ou les cellules.
comportant trois éléments caractéristiques : l’acide nucléique, la Le génome viral, libéré dans la cellule hôte, dirige la fabrica-
capside et l’enveloppe, cette dernière étant présente seulement tion de protéines virales et sa propre réplication en pratiquant
pour les virus enveloppés et absente des virus nus. un détournement des synthèses cellulaires. Les composants
L’acide nucléique est d’un seul type pour un virus donné, acide viraux s’associent entre eux par un processus d’autoassemblage.
désoxyribonucléique (ADN) ou acide ribonucléique (ARN), ce qui L’acquisition de l’enveloppe se fait par bourgeonnement de la
permet de distinguer deux grands ensembles, les virus à ADN et nucléocapside à travers une membrane de la cellule. Ce processus
ceux à ARN. Cet acide nucléique porte l’information génétique aboutit à la construction et la libération de nouvelles particules
spécifiquement virale. Cette information est de taille variable virales en tous points semblables à la particule virale de départ.

2 EMC - Maladies infectieuses


Classification et modes de transmission des virus humains  8-000-C-10

Chaque virus a un tropisme particulier pour un type cellu-


laire donné. La cellule cible présente à sa surface un ou plusieurs
 Classification des virus
récepteurs spécifiques sur lesquels se fixe le virus avant sa péné- Systèmes de classification virale
tration dans la cellule. La présence de ce ou ces récepteurs définit
la sensibilité cellulaire à l’infection virale. La présence de cofac- Les propriétés prises en compte pour établir la classification des
teurs cellulaires susceptibles d’aider le déroulement du cycle de virus sont diverses :
fabrication du virus définit la permissivité cellulaire vis-à-vis de • morphologiques : la taille et la forme des particules virales, la
l’infection virale. La transcription des ARN messagers (ARNm) présence d’une enveloppe, la symétrie de la capside ;
et la réplication du génome viral mettent souvent en jeu des • génomiques : la nature de l’acide nucléique viral, sa longueur,
enzymes spécifiques qui n’existent pas dans la cellule non infectée sa séquence nucléotidique, son organisation génétique et son
et sont nécessairement codées par ce génome. C’est le cas en par- mode de réplication ;
ticulier pour les virus à ARN, seuls représentants de la biosphère • physicochimiques : la masse de la particule virale, sa densité, le
ayant cette forme d’acide nucléique pour conserver et transpor- coefficient de sédimentation ou la sensibilité à certains agents
ter l’information génétique. Les ARN génomiques viraux ont une inactivateurs ;
polarité positive quand ils portent les mêmes séquences nucléoti- • biologiques : le tropisme cellulaire ou tissulaire du virus, son
diques que les ARNm qui en dérivent et peuvent donc en théorie pouvoir pathogène chez l’homme ou l’animal, son antigéni-
être immédiatement traduits en protéines par les ribosomes cellu- cité ;
laires. Les ARN génomiques viraux sont de polarité négative s’ils • épidémiologiques : la transmission par un vecteur.
ont des séquences nucléotidiques complémentaires de celles des Ainsi, la taxonomie tient compte de la variabilité bien connue
ARNm et nécessitent d’être transcrits par une ARN-polymérase des virus en ne faisant pas dépendre leur classification d’un seul
(ou transcriptase) virale pour aboutir à l’expression protéique. Les paramètre [6, 7] . S’il n’y a pas a priori de hiérarchie définie dans cet
virus à ADN, quant à eux, utilisent de façon variable les enzymes ensemble de propriétés, l’analyse moléculaire, incluant notam-
cellulaires. Ces stratégies de transcription et de réplication virales ment les comparaisons de séquences nucléotidiques, a supplanté
sont complémentaires des données structurales pour la classifica- progressivement les caractéristiques biologiques. Certaines clas-
tion des virus. sifications fondées seulement sur les propriétés biologiques sont
cependant conservées en marge de la taxonomie habituelle pour
leur valeur informative en médecine : par exemple le groupe des
Réplication dans l’organisme humain arbovirus qui rassemble les virus de familles distinctes qui sont
transmis par les arthropodes (arthropod-borne virus).
L’organisme humain est un ensemble complexe de tissus diffé- Parmi les différents modes de classification qui ont jalonné
rents, protégés par l’action du système immunitaire. De multiples l’histoire de la virologie, deux d’entre eux méritent d’être décrits
facteurs interviennent donc dans l’évolution de l’infection et dans plus précisément parce qu’ils sont complémentaires et toujours
la genèse des maladies associées. Cependant, l’infection virale utilisés actuellement.
dans ses grandes lignes se décrit par quelques schémas simples La classification élaborée en 1971 par Baltimore est fondée sur la
qui permettent eux aussi de distinguer les différents virus entre nature moléculaire du génome viral et les mécanismes conduisant
eux [4] . à la transcription des ARNm viraux [8] . Sept classes, désignées par
Après pénétration dans l’organisme, le virus se multiplie près des nombres romains, sont définies d’après la nature et le nombre
de la porte d’entrée, dans un site primaire. L’infection peut ne pas de brins de l’acide nucléique du virus, son caractère éventuelle-
dépasser ce site ou les tissus voisins, et on parle alors d’infection ment segmenté, sa polarité dans le cas des virus à ARN et son
localisée. Les infections respiratoires par les virus grippaux ou les association à une transcriptase inverse (Fig. 1).
rhinovirus en sont de bons exemples. L’infection peut s’étendre À peu près simultanément, l’ICTV a mis en œuvre et déve-
par voie sanguine, lymphatique ou nerveuse, et atteindre un loppé un mode de classification plus ambitieux qui s’applique à
organe cible à distance du site primaire de multiplication. Il s’agit l’ensemble des virus des bactéries, des plantes et des animaux [9] .
alors d’une infection généralisée, illustrée par les exanthèmes L’ICTV publie régulièrement des mises à jour de cette classification
viraux et les hépatites virales où l’organe cible, ici la peau ou qui est devenue la référence en taxonomie virale. Elle se fonde sur
le foie, est atteint après la multiplication virale primaire dans le plusieurs niveaux de taxons classés selon une hiérarchie décrois-
tractus digestif ou respiratoire, suivie d’une virémie. Les signes sante : l’ordre, la famille, la sous-famille, le genre et l’espèce. Ces
cliniques résultant par définition de l’atteinte de l’organe cible, niveaux permettent de regrouper des virus à partir de propriétés
la période d’incubation est ainsi plus longue pour les infections qui leur sont communes et les distinguent spécifiquement d’autres
généralisées que pour les infections localisées. L’excrétion virale groupes de virus occupant un niveau hiérarchique équivalent.
s’effectue à partir du site primaire, puis de l’organe cible. Finale- Jusqu’à un certain degré, ces regroupements reflètent une relation
ment, l’action du système immunitaire inhibe la multiplication phylogénétique entre les virus concernés, relation qui est plus ou
virale et aboutit à la guérison de l’infection, à moins que des moins proche en fonction de la position hiérarchique des taxons
lésions de l’organe cible n’aient été rapidement létales. tels qu’ils sont définis. Cependant, la construction d’un arbre phy-
Après la phase aiguë, l’infection virale peut persister sous forme logénétique unique de l’ensemble du monde viral paraît infondée
chronique ou latente. Un des mécanismes invoqués est l’équilibre dans l’état actuel des connaissances [9] .
entre la production virale induisant l’infection de nouvelles cel- Les ordres sont désignés par le suffixe « -virales ». Sept ordres
lules et la destruction par le système immunitaire des cellules seulement sont reconnus actuellement : chacun d’entre eux
infectées. Un autre mécanisme est la persistance du génome viral regroupe plusieurs familles virales mais l’ensemble ne concerne
au sein du génome cellulaire avec une expression très faible ou que 26 familles virales, soit une minorité d’entre elles. Ces ordres
nulle des gènes viraux. L’intégration par liaison covalente aux sont les Caudavirales et les Ligamenvirales regroupant des virus des
chromosomes cellulaires est réalisée par les Retroviridae pour les- bactéries et des archéobactéries, les Tymovirales regroupant des
quels la transcription inverse de l’ARN en ADN et l’intégration virus des plantes, les Herpesvirales regroupant tous les herpèsvi-
sont des étapes obligées du cycle de multiplication virale. Dans la rus du monde animal, les Nidovirales regroupant en particulier
majorité des autres cas, il n’y a pas d’intégration vraie mais une les coronavirus et les artérivirus, les Mononegavirales regroupant
ou plusieurs copies du génome viral persistent de façon indépen- en particulier les bornavirus, les filovirus, les rhabdovirus et les
dante, souvent sous forme épisomale, dans le noyau cellulaire. paramyxovirus, et les Picornavirales regroupant en particulier les
Cette forme de persistance survient quasi exclusivement pour picornavirus.
les Herpesviridae, mais il faut noter qu’une intégration chromo- Les familles virales sont désignées par le suffixe « -viridae » et
somique vraie de l’herpèsvirus humain 6 (HHV-6) est observée leur nombre dépasse 100 actuellement. Parmi elles, on peut citer
chez environ 1 % de la population générale [5] . Quel que soit son comme exemples les Herpesviridae, les Alloherpesviridae et les Mala-
mécanisme, cette persistance du génome viral peut conduire à des coherpesviridae qui correspondent respectivement aux herpèsvirus
réactivations ultérieures avec expression de l’ensemble des gènes des oiseaux et mammifères (dont les hommes), à ceux des amphi-
viraux et production de virus infectieux. biens et des poissons, et à ceux des mollusques. Les sous-familles,

EMC - Maladies infectieuses 3


8-000-C-10  Classification et modes de transmission des virus humains

Acide Symétrie Présence Structure génome Classification Exemple de


nucléique capside enveloppe (enzyme associée) Baltimore famille

Oui
Complexe Bicaténaire linéaire I Poxviridae

ADN Bicaténaire linéaire I Herpesviridae


Oui

Bicaténaire circulaire
VII Hepadnaviridae
(transcriptase inverse)

Cubique Bicaténaire linéaire I Adenoviridae

Bicaténaire circulaire I Papillomaviridae

Non
Monocaténaire circulaire II Circoviridae

Monocaténaire linéaire II Parvoviridae

Monocaténaire polarité + IV Coronaviridae

Oui
Monocaténaire polarité – V Paramyxoviridae

Hélicoïdale Monocaténaire polarité


V Orthomyxoviridae
– segmenté

Monocaténaire
IV Virgaviridae
ARN Non polarité +

Oui Monocaténaire
IV Flaviviridae
polarité +
Cubique
Bicaténaire segmenté III Reoviviridae

Non Monocaténaire
IV Picornaviridae
polarité +

Oui Monocaténaire polarité +


Complexe VI Retroviridae
(transcriptase inverse)
Figure 1. Organisation schématique de la classification des virus. La figure présente les principaux caractères structuraux et fonctionnels pris en compte
par la taxonomie virale, avec des exemples de familles virales définies selon la classification du Comité international de taxonomie virale (ICTV) et leur position
dans la classification de Baltimore.

désignées par le suffixe « -virinae », correspondent à un niveau (virus chikungunya), lieu géographique (virus West Nile), notion
de classification inconstant, situé entre la famille et le genre, tel d’appartenance à une famille virale et chronologie de sa décou-
que celui des sous-familles Alphaherpesvirinae, Betaherpesvirinae et verte (HHV-6). Le nom courant en langue anglaise, écrit en
Gammaherpesvirinae au sein de la famille des Herpesviridae. caractères italiques et avec une majuscule au premier mot (Measles
Les genres, désignés par le suffixe « -virus », constituent des sous- virus pour le virus de la rougeole) est maintenant proposé comme
ensembles à l’intérieur d’une famille et éventuellement d’une le nom international officiel d’une espèce virale [10] .
sous-famille : par exemple les genres Enterovirus, Aphtovirus, Pare- L’espèce peut être divisée en types, sous-types, variants et
chovirus et Hepatovirus au sein de la famille des Picornaviridae. On souches sur des critères antigéniques et/ou génétiques de plus
compte actuellement plus de 300 genres différents. en plus fins, avec une classification qui, à ce niveau, ne dépend
Les espèces virales constituent le niveau le plus bas de la clas- plus de l’ICTV mais de groupes de spécialistes internationaux.
sification de l’ICTV. Bien qu’il ait fait l’objet d’une réflexion Classiquement, les sérums de sujets infectés convalescents ou
approfondie au sein de l’ICTV et qu’il ait des corollaires intui- d’animaux immunisés permettaient de distinguer les sérotypes
tifs dans les autres classifications du monde vivant, le concept au sein d’une même espèce virale, par exemple les types 1 et 2 du
d’espèce virale reste assez flou et changeant [10–12] . Ainsi, depuis virus herpes simplex. Le degré d’homologie des séquences nucléoti-
2013, une espèce est définie comme un groupe monophylé- diques des génomes viraux assure actuellement la même fonction
tique de virus dont les propriétés peuvent être distinguées de et on parle alors de génotypes au lieu de sérotypes, par exemple
celles des autres espèces par de multiples critères [9] . Une espèce pour les papillomavirus humains. Au sein d’une espèce ou d’un
virale n’apparaît donc pas comme une catégorie universelle défi- type, des distinctions plus subtiles en sous-types et variants sont
nissable par un ou plusieurs caractères nécessaires et suffisants, possibles en utilisant des sérums immuns obtenus après adsorp-
comme le sont les genres et les familles. L’espèce est désignée tion croisée des anticorps ou surtout des anticorps monoclonaux
par le nom courant du virus qui trouve son origine dans une de spécificité très étroite.
des multiples propriétés du virus concerné : maladie associée Une souche correspond à une préparation homogène de virus,
(virus de la rougeole), signes cliniques exprimés en langue locale obtenue après amplification par culture d’un clone viral au

4 EMC - Maladies infectieuses


Classification et modes de transmission des virus humains  8-000-C-10

Tableau 1.
Les principales familles de virus humains à acide désoxyribonucléique.
Famille Sous-famille Genre Exemple d’espèce Enveloppe
(nom courant du virus)
Adenoviridae ND Mastadenovirus Adénovirus –
Herpesviridae Alphaherpesvirinae Simplexvirus Herpes simplex virus +
Varicellovirus Varicelle-zona +
Betaherpesvirinae Cytomegalovirus Cytomégalovirus +
Roseolovirus Herpèsvirus humain 6 +
Gammaherpesvirinae Lymphocryptovirus Virus Epstein-Barr +
Rhadinovirus Herpèsvirus humain 8 +
Polyomaviridae ND Polyomavirus Virus JC –
Papillomaviridae ND Alphapapillomavirus Papillomavirus humain 16 –
Betapapillomavirus Papillomavirus humain 5 –
Parvoviridae Parvovirinae Erythroparvovirus Virus B19 –
Dependoparvovirus Virus adénovirus-associé 2 –
Poxviridae Chordopoxvirinae Orthopoxvirus Vaccine +
Parapoxvirus Virus de l’Orf +
Molluscipoxvirus Virus du molluscum contagiosum +
Hepadnaviridae ND Orthohepadnavirus Virus de l’hépatite B +
Anelloviridae ND Alphatorquevirus TTV –

TTV : Torque teno virus ; ND : non décrite ; + : présence ; – : absence

laboratoire. La notion d’isolat est différente car un isolat, obtenu virus de l’hépatite B ou celle des Anelloviridae pour le Torque teno
lors du processus d’isolement par la mise en culture d’un échan- virus (TTV). Pour les virus identifiés très récemment, on ne dispose
tillon biologique infecté, est parfois hétérogène du fait de la souvent pas de données suffisantes pour effectuer complètement
présence de plusieurs clones viraux distincts présents dans le leur classification dans une famille, un genre ou une espèce. Ces
même échantillon. La purification de l’isolat avec amplification virus sont répertoriés mais restent en attente de classement défi-
d’un des clones viraux au laboratoire conduit effectivement à nitif jusqu’à nouvel ordre. Ainsi, le virus de l’hépatite delta est
une souche. Le développement de l’amplification génique (poly- en attente de création d’une famille qui puisse l’accueillir depuis
merase chain reaction [PCR]) et du séquençage en profondeur à plusieurs années. Pour faciliter la désignation des virus de connais-
haut débit a permis la caractérisation de nombreux virus non sance récente, on tend à leur donner un nom courant fondé sur le
cultivables. Le concept d’une population virale définie seulement numéro d’ordre de découverte sans préjuger de la classification
par sa séquence nucléotidique sans qu’il y ait eu obtention d’un précise qui va être ultérieurement adoptée. Ainsi, les herpèsvi-
isolat ou d’une souche en culture mériterait probablement une rus humains, découverts en 1986, 1990 et 1994, ont été appelés
dénomination spécifique. HHV-6, HHV-7 et HHV-8 respectivement. Cependant, les noms
provisoires ne sont dorénavant acceptés que s’ils s’inscrivent déjà
dans le schéma taxonomique décrit plus haut et ont été approuvés
Taxonomie et nomenclature par l’ICTV.
des virus humains Accolée au système de taxonomie, la nomenclature des virus est
en théorie bien définie. En ce qui concerne l’ordre, la famille et le
Les principales familles virales contenant des virus humains genre, la première lettre est à écrire en majuscule et le nom dans
sont citées dans les Tableaux 1 et 2. Malgré l’aspect arbitraire de son entier en italiques. Cette pratique est souvent peu commode,
certains choix initiaux et les changements introduits du fait des surtout si on doit décliner le nom d’une espèce virale en précisant
progrès technologiques, la taxonomie des virus humains sous sa à la fois la famille, la sous-famille et le genre. En usage courant,
forme actuelle paraît solide. Dans de nombreux cas, elle a anticipé on tend à simplifier les dénominations et à parler de la famille
l’évolution des connaissances et les données de biologie molécu- des flavivirus plutôt que des Flaviviridae. Cependant, parler des
laire ont pleinement confirmé la pertinence de la discrimination flavivirus sans plus de précision introduit une ambiguïté entre la
fondée initialement sur les données morphologiques et biochi- famille, un genre ou un groupe de virus appartenant à un de ces
miques. La stabilité de la taxonomie virale n’est cependant pas genres. Ce type d’usage ambigu est donc à proscrire. Selon les
absolue et des aménagements sont effectués au fur et à mesure récentes recommandations de l’ICTV, les noms officiels d’espèce
que certains virus sont découverts ou mieux caractérisés. Ainsi, le sont les noms en langue anglaise écrits en italique et avec une
genre Flavivirus, dont le prototype est le virus de la fièvre jaune, a majuscule à la première lettre du premier mot. Les autres mots du
quitté, il y a plusieurs années, la famille Togaviridae pour donner nom n’ont une majuscule que s’ils sont des noms propres ou des
naissance à la famille Flaviviridae. À sa suite, le genre Pestivirus, parties de noms propres. On écrit ainsi : Measles virus, Human her-
qui ne contient actuellement que des virus animaux et qui était pesvirus 6, Rift Valley fever virus. Ce mode d’écriture s’applique aux
classé dans les Togaviridae, a été aussi classé dans les Flaviviridae. espèces considérées comme des entités abstraites mais non aux
Le virus de l’hépatite C, identifié en 1989, a été inclus dans cette populations virales de cette espèce que l’on continue à désigner
famille mais s’est révélé différent des virus des genres Pestivirus et dans la langue locale, sans majuscule (sauf pour les noms propres)
Flavivirus, et est ainsi devenu le virus prototype du genre Hepaci- et en caractères romains. Pour reprendre l’exemple précédent,
virus. on écrit en anglais Measles virus, Human herpesvirus 6, Rift Valley
L’utilité de la taxonomie virale pour la classification de virus fever virus et, en français, « virus de la rougeole », « herpèsvirus
nouvellement découverts est bien réelle. La méthode de clas- humain 6 », « virus de la fièvre de la vallée du Rift » pour par-
sification, quelles que soient les propriétés virales prises en ler des virus qui infectent un individu donné ou sont manipulés
considération, doit respecter la hiérarchie des niveaux taxono- dans un contexte expérimental précis. Les noms courants de virus
miques : on définit ainsi séquentiellement la famille, le genre et en anglais ont été ainsi promus de fait au rang de dénominations
l’espèce en veillant bien à utiliser comme bases de comparaison officielles internationales. Une dénomination latine à deux mots,
des niveaux équivalents. La découverte de virus originaux, ne pou- plus consensuelle de prime abord, avait été antérieurement propo-
vant s’intégrer dans aucune famille existante, a conduit à créer sée avec, par exemple, les termes Herpesvirus hominis et Herpesvirus
de nouvelles familles telles que celle des Hepadnaviridae pour le varicellae pour désigner respectivement les virus herpes simplex et

EMC - Maladies infectieuses 5


8-000-C-10  Classification et modes de transmission des virus humains

Tableau 2.
Les principales familles de virus humains à acide ribonucléique.
Famille Sous-famille Genre Exemple d’espèce (nom courant du virus) Enveloppe
Picornaviridae ND Enterovirus Rhinovirus –
Hepatovirus Virus de l’hépatite A –
Parechovirus Parechovirus humain –
Caliciviridae ND Norovirus Virus Norwalk –
Sapovirus Virus Sapporo –
Astroviridae ND Mamastrovirus Astrovirus humain –
Coronaviridae Coronavirinae Alphacoronavirus Coronavirus humain 229E +
Flaviviridae ND Flavivirus Virus de la fièvre jaune +
Hepacivirus Virus de l’hépatite C +
Togaviridae ND Alphavirus Virus Chikungunya +
Rubivirus Virus de la rubéole +
Rhabdoviridae ND Vesiculovirus Virus de la stomatite vésiculeuse +
Lyssavirus Virus de la rage +
Paramyxoviridae Paramyxovirinae Respirovirus Virus para-influenza +
Morbillivirus Virus de la rougeole +
Rubulavirus Virus des oreillons +
Henipavirus Virus Hendra +
Pneumovirinae Pneumovirus Virus respiratoire syncytial +
Metapneumovirus Métapneumovirus humain +
Filoviridae ND Marburgvirus Virus Marburg +
Ebolavirus Virus Ebola Zaïre +
Bornaviridae ND Bornavirus Virus de la maladie de Borna +
Orthomyxoviridae ND Influenzavirus A Virus de la grippe A +
Influenzavirus B Virus de la grippe B +
Influenzavirus C Virus de la grippe C +
Bunyaviridae ND Orthobunyavirus Virus Bunyamwera +
Hantavirus Virus Hantaan +
Nairovirus Virus de la fièvre hémorragique Congo Crimée +
Phlebovirus Virus de la fièvre de la vallée du Rift +
Arenaviridae ND Mammarenavirus Virus Lassa +
Reoviridae Sedoreovirinae Rotavirus Rotavirus humain –
Spinareovirinae Coltivirus Virus de la fièvre à tique du Colorado –
Retroviridae Orthoretrovirinae Deltaretrovirus HTLV de type 1 +
Lentivirus Virus de l’immunodéficience humaine de type 1 +
Hepeviridae ND Orthohepevirus Virus de l’hépatite E –
ND ND Deltavirus Virus de l’hépatite delta +

HTLV : human T-lymphotropic virus ; ND : non décrite ; + : présence ; – : absence.

le virus de la varicelle et du zona. Elle n’a finalement pas été rete- tivement fixée, sans aucune possibilité d’engendrer des formes
nue, en partie du fait des difficultés à définir les espèces virales, transmissibles de haute résistance telles que les spores bacté-
en particulier en virologie des plantes. Avec la consolidation de riennes ou fongiques. Les virus sont ainsi transmis soit en tant
la taxonomie virale, de nouvelles propositions de dénominations que particules virales libres, soit en tant que virus intracellulaires
latines ont été faites mais sans succès auprès de l’ICTV [13] . en cycle réplicatif ou en état de latence. Dans les deux cas, après
Les difficultés dans la désignation des espèces virales se pro- leur libération par la personne infectée, leur survie dans le milieu
longent dans l’utilisation de leurs noms abrégés. Il semble excessif extérieur est conditionnée par la fragilité plus ou moins grande
d’avoir des abréviations propres à chaque langue car les acronymes des particules virales et des cellules infectées et elle est toujours
contribuent peu à la défense et à la promotion d’une langue natio- limitée. La transmission d’un virus met donc en jeu de façon rap-
nale mais, en revanche, rendent les données confuses s’ils sont prochée dans le temps et dans l’espace un organisme infecté et
mal utilisés. Ainsi, pour les virologues français, l’usage conjoint un organisme réceptif. Le premier est qualifié de réservoir quand
de HIV et VIH, de HBV et VHB, de Epstein-Barr virus (EBV) et virus l’infection s’y développe de façon asymptomatique.
d’Epstein-Barr (VEB) n’est pas toujours facile à gérer. Le succès des Pour les virus humains, la source de virus est le plus souvent un
sigles en langue française est d’ailleurs variable en fonction des être humain infecté. Tous les sujets infectés, symptomatiques ou
virus : grand pour VIH (qui a été reconnu comme sigle interna- asymptomatiques, infectés de façon aiguë ou chronique, peuvent
tional) vis-à-vis de HIV, modeste pour VEB vis-à-vis de EBV, nul transmettre les virus dans la mesure où des particules virales ou
pour virus T-lymphotropique humain (VLTH) vis-à-vis de human des cellules infectées sont présents en quantité suffisante dans
T-lymphotropic virus (HTLV). L’usage généralisé des abréviations leurs sécrétions. Les sujets porteurs asymptomatiques ou en phase
dérivées du nom courant en anglais, si elles étaient unanimement d’incubation constituent le danger le plus important car non iden-
reconnues, pourrait simplifier, une fois n’est pas coutume, nos tifié sur le plan clinique. Les collectivités humaines à haute densité
moyens d’expression. de personnes sont un milieu particulièrement propice pour la pro-
pagation des infections virales. Ainsi, le personnel de santé peut
être un maillon de la chaine épidémique, en particulier pour les
 Transmission des virus infections transmises par voie respiratoire ou digestive [14] . Cepen-
dant, la présence de virions ou de cellules infectées dans un
Sources des virus produit biologique d’origine humaine ne signifie pas forcément
que l’infection virale puisse être transmise par un échantillon de
Les virus ont absolument besoin d’un hôte cellulaire pour leur ce produit. D’autres facteurs tels que la charge virale, la présence
réplication et la structure des particules virales libres est défini- de facteurs inhibiteurs ou, au contraire, favorisants dans le milieu

6 EMC - Maladies infectieuses


Classification et modes de transmission des virus humains  8-000-C-10

travers une muqueuse. La transmission verticale, c’est-à-dire d’un

“ Point fort parent à son enfant avant la naissance, se fait par voie transplacen-
taire, génitale ascendante ou plus rarement lors de la fécondation
du fait de l’infection des cellules germinales. Cette transmission
est quantifiable et modélisable [19] . Des études épidémiologiques
Transmission des virus
bien conduites permettent en particulier de déterminer le taux
• Les virus sont transmis sous la forme de particules virales
basal de reproduction de l’infection, exprimé de façon abrégée par
douées de pouvoir infectieux et de cellules infectées conte- l’acronyme R0 . Cette valeur correspond au nombre moyen de nou-
nant des virus en phase de réplication ou en situation de veaux cas d’infection issus de la transmission virale à partir d’un
latence. individu contagieux unique, au sein d’une population totalement
• La structure des particules virales est un facteur essen- sensible à cette infection. À partir de ces mesures, des modèles
tiel de leur capacité de transmission, la majorité des virus mathématiques peuvent être développés pour mieux comprendre
enveloppés étant plus fragiles dans le milieu extérieur que le déroulement des épidémies virales, anticiper leur évolution et
les virus nus. évaluer l’impact potentiel des mesures de prévention.
• Un autre facteur essentiel pour comprendre Plusieurs modes de transmission sont schématiquement recon-
l’épidémiologie des infections virales humaines est la nus en fonction de la porte d’entrée dans l’organisme humain
(Tableau 3).
distinction entre les virus infectant exclusivement les êtres
La peau intacte est un obstacle absolu pour la pénétration des
humains et ceux infectant aussi d’autres animaux. virus dans l’organisme mais la plus minime lésion de la bar-
• La seule présence d’un virus dans un produit biologique rière cutanée peut servir de porte d’entrée : ce sont ces petites
ne suffit pas à affirmer sa transmissibilité ; celle-ci n’est lésions qui sont à l’origine de l’infection par les papillomavirus
démontrée que par des études épidémiologiques. humains responsables des verrues. À l’opposé, le contact avec
• Un même virus peut être transmis par plusieurs voies une muqueuse reste le mode d’entrée privilégié des virus dans
différentes. l’organisme humain. Les muqueuses de la bouche et du pharynx,
• Les actes médicaux et les séjours hospitaliers sont des des tractus respiratoire, digestif et génital sont particulièrement
sources possibles et fréquentes de transmission virale, ce exposées tout comme la conjonctive de l’œil. Les altérations
qui souligne la nécessité de la prévention par les mesures préalables de ces muqueuses, d’origine mécanique, toxique ou
d’hygiène, la reconnaissance des personnes à risque, la infectieuse, favorisent d’une façon générale la transmission virale.
Les cellules locales constituent le plus souvent le site de multipli-
vaccination et la chimiothérapie antivirales quand elles
cation primaire du virus.
sont disponibles. L’effraction de la barrière cutanée ou d’une muqueuse livre
directement accès au compartiment systémique. Cette effraction
peut être accidentelle, provoquée par une morsure, une blessure
biologique concerné, la susceptibilité génétique et la protection par un objet tranchant ou piquant, une piqûre de moustique ou de
immunitaire du receveur sont susceptibles de moduler la trans- tique, ou intervenir lors d’un acte médical. La transmission lors de
missibilité du virus. En fin de compte, cette transmissibilité n’est l’administration de produits sanguins et lors d’une greffe d’organe
démontrée formellement que par des études épidémiologiques. en est un cas particulier aggravé souvent par l’importance de la
La source de virus peut aussi être un animal infecté. La transmis- charge virale et la fragilité des défenses du sujet receveur.
sion à l’homme survient directement, par exemple par morsure, Au cours d’une grossesse, la transmission de la mère à son
indirectement au contact de déjections contaminées, ou par le fœtus par voie transplacentaire ou par infection ascendante du
biais d’un vecteur arthropode qui sert de relais actif entre l’animal liquide amniotique survient préférentiellement lors d’une primo-
et l’homme, le virus se répliquant aussi à l’intérieur du vecteur. infection, la propagation du virus dans l’organisme étant facilitée
Cette transmission de l’animal à l’homme est bien connue pour par l’absence d’immunité maternelle préexistante. Cette infection
des virus comme les virus de la rage, de la grippe, de la fièvre jaune. congénitale est à distinguer des infections périnatales au cours des-
La multiplication anormale de vecteurs ou la mise en contact quelles le virus est transmis à l’enfant par des échanges sanguins,
accidentelle d’hommes et d’animaux occupant des niches éco- des contacts entre muqueuses ou des effractions cutanées dans la
logiques différentes aboutit parfois à l’émergence de nouvelles période qui entoure l’accouchement. L’allaitement maternel est
formes d’infections virales associées au franchissement de la bar- une autre cause de transmission virale dans la période postnatale
rière d’espèce. Cela a été observé récemment pour des virus des immédiate. La transmission verticale du virus, à partir du sperme
familles Hantaviridae, Orthomyxoviridae, Paramyxoviridae, Filoviri- paternel, a été également évoquée, notamment dans le cadre du
dae, Coronaviridae. Des bouleversements écologiques dus à des développement de la procréation médicale assistée [20] .
événements naturels ou à des activités humaines (modification À la diversité des portes d’entrée dans l’organisme, s’ajoute la
des cours d’eau, colonisation des zones forestières, élevage inten- diversité des tissus, cellules et fluides biologiques qui véhiculent
sif) sont susceptibles d’amplifier encore ces processus. L’infection l’infection virale d’un individu à un autre. Leur nature condi-
virale peut s’arrêter lors du premier passage chez l’homme, l’être tionne en grande partie le risque de transmission et les modalités
humain se comportant comme un cul-de-sac sur le plan épidé- de survenue des épidémies.
mique, ou au contraire continuer à se propager par transmission La transmission par voie respiratoire se fait classiquement soit
interhumaine avec une possible adaptation du virus. Beaucoup par des aérosols, soit par des microgouttelettes constitués des
d’arguments permettent actuellement de conclure que l’épidémie sécrétions respiratoires émises par la personne infectée. La diffé-
due au VIH trouve son origine dans la transmission à l’homme rence entre ces deux produits biologiques infectieux tient à la taille
de virus simiens [15] . La pratique des xénogreffes pourrait faire des particules vectrices de l’infection qui conditionne leur capa-
craindre le franchissement de la barrière d’espèce par d’autres cité de dissémination spatiale autour de la personne émettrice,
virus animaux, par exemple des rétrovirus ou des herpèsvirus, les aérosols étant constitués de particules plus petites diffusant
dans des conditions particulièrement défavorables pour le sujet sur une plus longue distance. Ainsi, les virus de la varicelle et de
greffé : implantation directe de l’organe contaminé dans le milieu la rougeole, transportés préférentiellement par des aérosols, sont
intérieur, traitement immunosuppresseur associé [16–18] . considérés comme très facilement transmissibles, avec des valeurs
de R0 dépassant 10. Ils constituent de très bons exemples de virus
enveloppés fragiles mais très contagieux, à l’origine d’infections
Mode de transmission communautaires à développement rapide. La période de conta-
giosité maximale commence à la fin de la période d’incubation
Un même virus peut être transmis par diverses voies. Cette et est le plus souvent reconnue seulement a posteriori ; elle ne se
transmission, quand elle est horizontale, c’est-à-dire entre deux prolonge que quelques jours après le début des signes cliniques. Il
individus distincts, se fait essentiellement par voie percutanée ou à faut noter que le virus respiratoire syncytial, archétype des virus à

EMC - Maladies infectieuses 7


8-000-C-10  Classification et modes de transmission des virus humains

Tableau 3.
Modes de transmission de certains virus humains.
Contact avec muqueuse Effraction cutanée ou muqueuse
Virus Respiratoire Oro-pharyngée et Génitale Oculaire Blesssure, Vecteur Sang Greffe Maternofœtale
gastro-intestinale piqûre arthropode
Adénovirus + + – + – – – – –
Virus herpes simplex – + + + – – – – +
Varicelle-zona + (+) – + – – - - +
Cytomégalovirus – + + – – – + + +
Herpèsvirus humain 6 – + – – – – – + +
Virus Epstein-Barr – + (+) – – – + + –
Papillomavirus humain – + + – + – – – –
Parvovirus B19 + – – – – – + – +
Vaccine – – – + + - – – –
Virus de l’hépatite B – + + – + – + + +
Poliovirus – + – – – – – – –
Virus de l’hépatite A – + – – – – (+) – –
Rhinovirus humain + – – – – – – – –
Norovirus humain – + – – – – – – –
Astrovirus humain – + – – – – – – –
Coronavirus humain + (+) – – – – – – –
Virus de la fièvre jaune – – – – - + – – –
Virus de la dengue – – – – – + – – –
Virus de l’hépatite C – – (+) – + – + + –
Virus de la rubéole + – – - – – – – +
Virus de la rage – – – + + – – + –
Virus para-influenza + – – - – – – – –
Virus de la rougeole + – – – – - – – –
Virus des oreillons + – – – - – – – –
Virus respiratoire syncytial + + – – – – – – –
Virus Ebola – + + (+) + – + – –
Virus de la grippe A + – – – – – - – –
Virus Hantaan + – – – – – – – –
Virus de la fièvre de la vallée du Rift – – – - – + – – –
Virus Lassa – + + + + – + – –
Reovirus humain + + – - – – – – –
Rotavirus humain – + – - – – – – –
Virus de la fièvre à tique du Colorado – – – - – + – – –
HTLV – + + – – – + + –
Virus de l’immunodéficience humaine – – + + + – + + +
Virus de l’hépatite delta – – – – + – + – –

HTLV : human T-lymphotropic virus ; + : mode de transmission établi ; – : mode de transmission non décrit.

transmission aérienne, est aussi transmis par les mains ou les vête- gré leur apparente fragilité : c’est le cas du cytomégalovirus présent
ments, le virus varicelle-zona par contact avec les lésions cutanées. dans les urines des jeunes enfants infectés, des virus Lassa et
La transmission par voie digestive, qualifiée de fécale-orale, Ebola, agents de fièvres hémorragiques, présents dans les urines
concerne des virus nus résistants, aptes à conserver longtemps leur et le sang des sujets atteints. La transmission par voie sexuelle
infectiosité aussi bien dans le tube digestif, compartiment hostile implique les différents virus qui peuvent être présents dans les
de l’organisme, que dans le milieu extérieur. Certains de ces virus lésions ou les sécrétions génitales (Tableau 3). La transmission des
sont des agents de gastro-entérites, tels que les rotavirus, les astro- virus par le sang ou d’autres tissus apparaît comme un des soucis
virus et les norovirus. D’autres infectent le tube digestif de façon majeurs de santé publique des dernières décennies. Elle concerne
asymptomatique et ne donnent des signes cliniques que quand ils des domaines très divers : blessures accidentelles du personnel soi-
ont atteint leur organe cible : le foie pour le virus de l’hépatite A, gnant, toxicomanie par voie intraveineuse, examens médicaux
le système nerveux central pour les poliovirus. L’excrétion fécale invasifs, transfusion des produits sanguins labiles, administra-
de tous ces virus est en général prolongée, pouvant dépasser la tion de médicaments dérivés du sang, transplantation d’organes,
période de symptomatologie clinique. implantation de biomatériaux. Elle implique des virus hautement
La transmission par contact avec les muqueuses concerne à la pathogènes, parmi lesquels le VIH et les virus des hépatites B et C
fois des virus enveloppés et des virus nus. Ces derniers, du fait de qui restent les plus redoutés. Les titres infectieux dans le sang
leur meilleure résistance dans le milieu extérieur, sont plus aptes ou les tissus, la localisation intra- ou extracellulaire du virus, sa
à provoquer des transmissions en série, à l’origine d’épidémies. résistance dans le sang induisent des caractéristiques épidémio-
Ainsi, la transmission iatrogène de virus agents de conjoncti- logiques propres. Le virus de l’hépatite B, relativement résistant
vites se fait plus facilement pour les adénovirus, virus nus, que et présent à très haut titre dans le plasma, présente un risque
pour les virus herpes simplex, virus enveloppés. Cependant, le titre beaucoup plus élevé que le HTLV, présent uniquement dans les
infectieux élevé de certains virus enveloppés dans les sécrétions cellules sanguines et ayant un niveau de réplication plus modeste.
biologiques explique en partie leur caractère très contagieux mal- On évoque volontiers la transmission « sous le toit » du virus de

8 EMC - Maladies infectieuses


Classification et modes de transmission des virus humains  8-000-C-10

l’hépatite B, pour décrire sa propension à être transmis du sujet cales, la classification virale actuelle a confirmé sa validité et son
infecté à son entourage proche par le biais de minimes contami- utilité comme trait d’union entre l’infectiologie clinique et l’étude
nations sanguines. À l’opposé, la virémie du virus de l’hépatite A, biologique approfondie des virus.
qui précède l’apparition des signes cliniques, est de courte durée
et le risque de transmission sanguine de ce virus, même s’il existe,
est très réduit. La transmission à partir du tissu nerveux, incluant
l’œil, a été décrite pour le virus de la rage transmis lors de greffes
de cornée [21] .
“ Points essentiels
• Les virus sont des entités biologiques ayant une struc-
Prévention de la transmission ture simple et un mode de réplication spécifique qui les
L’hygiène reste un des moyens les plus efficaces de la lutte distinguent de tous les autres micro-organismes.
contre la transmission des virus. Toutes les stratégies utilisées • Ils bénéficient d’une classification et d’une nomencla-
contre les infections par d’autres agents que les virus ont leur uti- ture originale qui définissent des ordres, des familles, des
lité et ont contribué à définir des précautions dites « standard » lors sous-familles, des genres et des espèces virales.
de la manipulation de produits biologiques ou lors de l’exposition • Leur mode de transmission est en partie influencé
accidentelle à ceux-ci. Parmi ces recommandations, il faut citer par leurs propriétés structurales mais aussi par d’autres
l’hygiène des mains, l’utilisation préférentielle de matériel médi- paramètres que permettent d’identifier les études épidé-
cal à usage unique, les circuits adaptés d’élimination des déchets, miologiques.
la désinfection des surfaces de travail. Les mesures d’isolement ont • La transmission des virus peut être prévenue par des
une portée plus limitée du fait que la période de contagiosité com-
mence souvent avant le début des signes cliniques. Ces mesures procédures spécifiques.
d’isolement sont indispensables pour les cas de fièvre hémorra-
gique et très souhaitables pour les viroses très contagieuses par
voie respiratoire telles que la rougeole ou la varicelle, notamment
dans les communautés d’enfants. Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
Les vaccins sont un mode de protection individuel très effi- relation avec cet article.
cace et contribuent à réduire la dissémination virale en réduisant
le nombre des individus sensibles à l’infection au sein d’une
population. L’administration d’immunoglobulines polyvalentes
ou spécifiques est un substitut provisoire de la vaccination et
 Références
n’a pas son efficacité de prévention au niveau collectif. Le trai- [1] Chambon M, Bailly JL, Peigue-Lafeuille H. Antiseptiques, désinfec-
tement par des antiviraux spécifiques peut être donné à titre tants chimiques et virus en secteur médical. Virologie 1999;3:367–79.
prophylactique après exposition avérée à un virus pathogène afin [2] Agut H. La multiplication des virus. In: Pour la science; 2007:14–9.
de prévenir la primo-infection et donc le risque de transmission [3] Zamborlini-Basmaciogullari A. Les stratégies de réplication virale. In:
ultérieure. Ce traitement est donné à titre curatif devant une infec- Saïb A, editor. Panorama de la virologie. Paris: Belin; 2013, p. 25–35.
tion diagnostiquée active et limite ainsi le risque de transmission [4] Barin F. Multiplication des virus dans l’organisme. In: Huraux JM,
virale, à court terme en diminuant la charge virale et à plus long Nicolas JC, Agut H, Peigue-Lafeuille H, editors. Traité de virologie
terme en induisant la guérison de l’infection. médicale. Paris: Estem; 2003, p. 43–63.
Pour les virus à transmission parentérale, le criblage des don- [5] Agut H, Bonnafous P, Gautheret-Dejean A. Laboratory and clini-
neurs de sang et d’organes est effectué en vue d’exclure du cal aspects of human herpesvirus 6 infections. Clin Microbiol Rev
don les sujets à risque. Ce crible comporte systématiquement 2015;28:313–35.
actuellement la recherche des infections par le VIH, les virus de [6] Agut H. Les familles virales. In: Saïb A, editor. Panorama de la viro-
l’hépatite B et C, le virus HTLV. La déleucocytation des produits logie. Paris: Belin; 2013, p. 17–24.
sanguins labiles constitue une mesure de prévention particulière- [7] Condit RC. Principles of virology. In: Knipe DM, Howley PM, editors.
Fields virology. Philadelphia: Wolters Kluwer/Lippincott Williams &
ment efficace contre la transmission des virus intraleucocytaires,
Wilkins; 2013, p. 21–51.
au premier rang desquels le cytomégalovirus et le HTLV. En ce [8] Baltimore D. Expression of animal virus genomes. Bacteriol Rev
qui concerne le risque de développer une primo-infection sévère 1971;35:235–41.
à cytomégalovirus chez des receveurs qui ne sont pas infectés [9] Forterre P. Quand les évolutionnistes découvrent l’importance des
par ce virus, les donneurs d’organe sont spécifiquement testés virus. Virologie 2007;11:5–12.
pour l’existence d’une infection à cytomégalovirus dans le but [10] Adams JM, Lefkowitz EJ, King AM, Carstens EB. Recently agreed
de définir au mieux les mesures de prévention : choix du gref- changes to the international code of virus classification and nomencla-
fon en fonction du statut du receveur, indication d’un traitement ture. Arch Virol 2013;158:2633–9.
antiviral prophylactique. [11] Van Regenmortel MH. Virus species and virus identification: past and
current controversies. Infect Genet Evol 2007;7:133–44.
[12] Gibbs AJ, Gibbs MJ. A broader definition of ‘the virus species’. Arch
 Conclusion Virol 2006;151:1419–22.
[13] Agut H. Back to Latin tradition: a proposal for an official nomenclature
La connaissance de la classification des virus et de leur mode of virus species. Arch Virol 2002;147:1465–70.
de transmission est indispensable pour comprendre, traiter et [14] Pozzetto B, Berthelot P. Les infections nosocomiales virales et leur
prévenir les infections virales humaines. La classification virale prévention. Virologie 1997;1:453–62.
universelle proposée par l’ICTV, quasiment la seule utilisée actuel- [15] Van Heuverswyn F, Peeters M. The origins of HIV and implications
lement, est fondée avant tout sur des critères biochimiques. À for the global epidemic. Curr Infect Dis Rep 2007;9:338–46.
ce titre, elle conserve un caractère quelque peu arbitraire. Elle [16] Chastel C. Xénotransplantation et risque viral. Virologie
1998;2:385–92.
ne tient pas compte non plus de l’histoire évolutive des virus,
[17] Allan JS. Understanding xenotransplantation risks from nonhuman
encore très obscure mais englobant d’intenses transferts géné- primate retroviruses. Curr Top Microbiol Immunol 2003;278:101–23.
tiques entre les différentes espèces virales aussi bien qu’entre [18] Michaels MG. Nonhuman primate herpesviruses: importance for xeno-
elles et leurs hôtes cellulaires, ce qui rend encore plus complexes transplantation. Curr Top Microbiol Immunol 2003;278:73–100.
les études phylogénétiques virales [6] . Cette histoire évolutive [19] Nathanson N, Moss WJ. Epidemiology. In: Knipe DM, Howley
permettrait d’imaginer d’autres systèmes de classification, fon- PM, editors. Fields virology. Philadelphia: Wolters Kluwer/Lippincott
dés prioritairement sur d’autres critères que les homologies de Williams & Wilkins; 2013, p. 314–37.
séquence nucléotidique, tels que les similitudes morphologiques [20] Pawlotsky JM, Zorn JR. Virus et assistance médicale à la procréation.
des capsides ou les stratégies de réplication des génomes viraux. In: Denis F, editor. Les virus transmissibles de la mère à l’enfant. Paris:
Cependant, confrontée aux données épidémiologiques et médi- John Libbey Eurotext; 1999, p. 436–45.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-000-C-10  Classification et modes de transmission des virus humains

[21] Javadi MA, Fayaz A, Mirdehghan SA, Ainollahi B. Transmission of King AM, Adams MJ, Carstens EB, Lefkowitz EJ. Virus taxonomy – Ninth
rabies by corneal graft. Cornea 1996;15:431–3. report of international committee on taxonomy of viruses. London:
Elsevier Academic Press; 2011.
Pasquier C, Bertagnoli S, Dunia D, Izopet J. Virologie humaine et zoonoses.
Pour en savoir plus Paris: Dunod; 2013.
Saïb A. Panorama de la virologie. Paris: Belin; 2013.
Huraux JM, Nicolas JC, Agut H, Peigue-Lafeuille H. Traité de virologie Knipe DM, Howley PM. Fields Virology. Philadelphia: Wolters Klu-
médicale. Paris: Estem; 2003. wer/Lippincott Williams & Wilkins; 2013.

H. Agut, Professeur des Universités, praticien hospitalier (henri.agut@aphp.fr).


S. Burrel, Maître de Conférences des Universités, praticien hospitalier.
D. Boutolleau, Maître de Conférences des Universités, praticien hospitalier.
Service de virologie, AP–HP, Hôpitaux universitaires La Pitié Salpêtrière-Charles Foix, 83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
Équipe 1 PVI, UMRS CR7, Centre d’immunologie et des maladies infectieuses (CIMI) Paris, Université Pierre-et-Marie-Curie, Sorbonne Universités, 91, boulevard
de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Inserm, CIMI-Paris U1135, Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Agut H, Burrel S, Boutolleau D. Classification et modes de transmission des virus humains. EMC - Maladies
infectieuses 2016;13(2):1-10 [Article 8-000-C-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Maladies infectieuses


 8-000-D-10

Classification et mode de transmission


des parasites
H. Yera, P. Poirier, J. Dupouy-Camet

Est parasite tout organisme qui se développe aux dépens d’un être vivant pendant toute – ou une partie
de – son existence. Le mode de vie parasitaire est très répandu et est observé aussi bien chez les végé-
taux que chez les animaux. Les parasites, eux-mêmes, appartiennent soit au monde des champignons (le
parasitisme par des champignons n’est pas évoqué ici), soit au monde animal (protozoaires, vers, arthro-
podes). Les modes de transmission des parasites sont très variés : voie orale, pénétration transcutanée, voie
sexuelle, voie transplacentaire, voie transfusionnelle, etc. Un certain nombre de parasitoses (paludisme)
sont des fléaux à l’échelon planétaire et l’augmentation des causes d’immunodépression s’accompagne
d’une augmentation inéluctable de parasitoses opportunistes dont le traitement et le diagnostic sont
délicats. Les voyages et les échanges commerciaux internationaux, la réintroduction d’espèces animales
et de nouvelles habitudes de consommation entraînent une modification de l’épidémiologie de certaines
parasitoses. Un éventuel réchauffement planétaire s’accompagnerait d’une extension de l’aire de répar-
tition de certains parasites et vecteurs, pour l’instant cantonnés aux zones tropicales. Les parasitoses
restent donc toujours un défi pour la santé de l’homme au XXIe siècle.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Parasites ; Parasitoses ; Classification ; Transmission

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Plus d’une centaine de parasites sont susceptibles de parasi-
■ Mode de vie à succès, fruit d’une longue adaptation 2
ter l’homme mais seuls une trentaine représentent un important
Rencontre de l’hôte et entrée du parasite 2
problème de santé publique [1, 2] . Un certain nombre de parasi-
Sortie de l’hôte 3
toses sont des fléaux à l’échelon planétaire et, en particulier,
Échappement à la réaction de l’hôte 3
sous les tropiques (le paludisme tue chaque année environ
660 000 personnes, principalement en Afrique). La pathologie
■ Importance des maladies parasitaires 3 parasitaire est également un souci pour des pays de climat plus
Zones tropicales 3 tempéré tels que la France, non seulement en raison d’une
Pays développés 3 pathologie parasitaire d’importation mais aussi en raison de para-
Regain des parasitoses liées à l’immunodépression 4 sitoses autochtones : toxoplasmose de la femme enceinte (200 à
Parasitoses émergentes 4 300 cas de toxoplasmose congénitale par an), épidémies de tri-
Parasitoses : source d’une mortalité et d’une morbidité importantes 4 chinellose liées à la consommation de viande de cheval ou de
■ Classification des parasites 4 sanglier (plus de 2500 cas depuis 1975), rares mais redoutables cas
Classification zoologique 4 d’échinococcoses alvéolaires dans l’est de la France, retour de la
Localisations très variables chez l’hôte 5 diphyllobothriose sur les bords du lac Léman ou après consom-
■ Modalités de transmission variées 5 mation de saumon sauvage importé, etc. En outre, l’épidémie du
Contamination par voie orale 5 syndrome de l’immunodéficience acquise (sida) des années 1980-
Contamination par pénétration transcutanée 5 1990 et la multiplication des causes d’immunodépression (greffes,
Transmission par voie sexuelle 9 chimiothérapies, etc.) ont donné un regain d’actualité aux para-
Transmission par voie transfusionnelle ou lors de greffes 9 sitoses puisque la toxoplasmose arrivait, avant l’avènement des
Autres modes de contamination 9 trithérapies antirétrovirales efficaces, au deuxième rang des infec-
tions opportunistes chez ces patients. Néanmoins, certaines
■ Pathogénie des parasites 9
parasitoses reculent : un programme d’éradication de la dracun-
Pathogénie variable selon l’hôte ou le parasite 10
culose a fait passer la prévalence de cette maladie de 3 millions
Pathogénie différente chez les protozoaires et les helminthes 10
de sujets infestés dans les années 1980 à quelques centaines de
Lésions tissulaires de mécanismes divers 10
milliers actuellement.
■ Quand penser à une affection parasitaire ? 10 Des parasites connus chez l’animal se sont révélés être de
Symptômes évocateurs au retour d’un séjour tropical 11 redoutables pathogènes chez l’immunodéprimé (cryptosporidies).
Chez un sujet n’ayant jamais quitté la France métropolitaine 11 Un nouveau protozoaire intestinal a été décrit en 1990 : Cyclo-
Diagnostic spécialisé 11 spora cayetanensis et certaines espèces ont été réidentifiées grâce
■ Conclusion 11 aux outils de biologie moléculaire : Entamoeba dispar (amibe
non pathogène morphologiquement identique à Entamoeba

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 12 > n◦ 3 > août 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(15)64835-9
8-000-D-10  Classification et mode de transmission des parasites

Figure 1. Les parasites peuvent accomplir leur cycle


chez un seul hôte (exemple : oxyure) ou chez deux ou
plusieurs hôtes (exemple : le ténia du bœuf dont l’hôte
définitif est l’homme et l’hôte intermédiaire le bovin).

histolytica) est maintenant reconnue, 70 ans après sa description Rencontre de l’hôte et entrée du parasite
par Émile Brumpt [3] , Plasmodium knowlesi, longtemps confondu
avec P. malariae en Asie du Sud-Est, est maintenant reconnu La rencontre avec un nouvel hôte est parfois une étape difficile
comme cinquième Plasmodium humain. et l’entrée du parasite dans cet hôte se fait le plus souvent par voie
Un éventuel réchauffement planétaire s’accompagnerait d’une orale ou transcutanée (active ou par piqûre d’arthropode).
extension de l’aire de répartition de certains parasites et vecteurs, Le cycle peut être simple (cycle « monoxène ») : le parasite est
pour l’instant cantonnés aux zones tropicales. à l’état adulte et se reproduit chez son hôte qui est appelé hôte
« définitif ». Il peut être très complexe (cycle « hétéroxène ») : le
parasite doit impérativement poursuivre son développement chez
d’autres hôtes (hôtes « intermédiaires ») appartenant à des classes
 Mode de vie à succès, fruit d’une zoologiques très variées (mammifères, arthropodes, mollusques,
insectes, poissons, etc.). Par exemple, les embryons de Diphyllobo-
longue adaptation thrium, parasite du tube digestif des mammifères (dont l’homme),
doivent évoluer chez un crustacé microscopique et un ou plusieurs
Tout être vivant a besoin, pour sa croissance et pour assurer sa poissons avant de pouvoir infecter à nouveau un homme.
descendance, d’un biotope favorable apportant des nutriments Certains parasites ont très peu d’exigences de spécificité et se
en quantité suffisante. Dans le milieu extérieur, les éléments développent aux dépens d’un grand nombre d’hôtes mammifères
nutritifs ne sont pas toujours disponibles en abondance et les bio- (parasites « euryxènes » tels que Toxoplasma, Trichinella, etc.). À
topes peuvent être parfois peu accueillants (prédateurs, etc.). Les l’inverse, beaucoup de parasites ne peuvent se développer qu’aux
organismes parasitaires trouvent chez leur(s) hôte(s) une source dépens d’une seule espèce hôte dont la rencontre peut être très
de nutriments quasi inépuisable et un biotope particulièrement aléatoire (parasites « sténoxènes »).
stable. Une longue et remarquable adaptation des parasites à Ces aléas d’une rencontre hypothétique entre le parasite et
leur(s) hôte(s) leur a permis de faire face à différentes contraintes : ses hôtes sont compensés par une prolifération considérable de
rencontrer son hôte, éviter la réaction de celui-ci, établir avec lui certains stades parasitaires (le Diphyllobothrium émet un million
une interaction durable, en sortir et en trouver un autre [4–6] . Ces d’œufs par jour) et par une grande résistance du parasite sous
différents événements conditionnent la réalisation du cycle du forme d’œufs, d’embryophores, d’oocystes ou de kystes dans
parasite (Fig. 1). le milieu extérieur (les œufs d’ascaris survivent des années, les

2 EMC - Maladies infectieuses


Classification et mode de transmission des parasites  8-000-D-10

Tableau 1.
Importance des principales parasitoses [13, 14] .
Sujets infectés Morbidité en AVCI Mortalité/an
Paludisme 135–287 millions 44 millions 0,43–0,79 million
Trypanosomose américaine 10 millions 430 000 10 000
Leishmaniose 12 millions 2 millions 50 000
Trypanosomose africaine 0,05–0,07 million 1,7 million 48 000
Amibiase 1,5 million ? 70 000
Ascaridiose 1,5 milliard 1 60 000
Ankylostomose 1,3 milliard 1,1 million 60 000
Onchocercose 18 millions 0,4 million ?
Filarioses lymphatiques 120 millions 5,9 millions ?
Distomatoses 40 millions ? ?
Schistosomose 207 millions 1,7 million 15 000
Cysticercose 40 millions ? ?
Échinococcose ? 1 million ?

AVCI : année de vie corrigée de l’incapacité. Elle exprime le nombre d’années passées avec le handicap de la maladie considérée.

oocystes de cryptosporidies et les kystes d’Acanthamoeba résistent antigéniquement amorphe mais perméable aux nutriments
à la chloration des eaux). Le parasite peut également se multiplier (membrane anhiste du kyste hydatique, capsule de la fibre
chez un éventuel hôte intermédiaire. Par exemple, un seul œuf musculaire parasitée par Trichinella, etc.), cuticule épaisse des vers,
de ténia échinocoque ingéré par un mouton se transforme en un résistance à l’action cytotoxique du complément, inhibition de
kyste hydatique contenant des dizaines de milliers de protosco- la fusion des lysosomes par le parasite intracellulaire T. gondii,
lex capables de donner chacun un ténia adulte chez un chien. De synthèse de protéases par les vers et certains protozoaires intes-
même, un seul miracidium de bilharzie pénétrant chez un mol- tinaux détruisant les anticorps, acquisition d’antigènes d’hôtes
lusque compatible donne des centaines de cercaires par jour qui (substances de groupes sanguins à la surface des schistosomes,
s’échappent du mollusque pendant plusieurs semaines. Ces phé- etc.), immunodépression (sécrétion de lymphocytotoxines par
nomènes de multiplication sexuée ou asexuée (polyembryonie) Trichinella, etc.), antigènes de surface spécifiques de stades para-
permettent une grande dispersion du parasite, facilitant sa trans- sitaires, variation antigénique (variation des antigènes de surface
mission. La circulation du parasite d’un hôte à l’autre peut être de Trypanosoma gambiense), etc.
favorisée par l’effet pathogène du parasite chez son hôte (Trichi-
nella provoque une atteinte musculaire du rongeur dont la force
musculaire diminuée l’empêche d’échapper à son prédateur). Le  Importance des maladies
dioxyde de carbone et certains dérivés aminés éliminés par les
pores des mammifères attirent efficacement les vecteurs hémato- parasitaires
phages.
Ces différents exemples montrent que beaucoup de parasites Zones tropicales
ne sont pas uniquement spécifiques de l’homme (tels Plasmodium
Les maladies parasitaires sont à l’échelon mondial un impor-
falciparum ou Enterobius vermicularis) mais communs à l’homme et
tant problème de santé publique (Tableau 1). Plus d’un tiers de
à d’autres animaux sauvages ou domestiques (Toxoplasma gondii,
l’humanité est soumis au risque, tout particulièrement dans les
Schistosoma japonicum, Trichinella, etc.) ; on parle alors de zoonoses
zones intertropicales [15] . Les maladies parasitaires y sévissent sous
parasitaires [7–9] .
le mode endémique ; leur prévalence est parfois très élevée et bien
souvent plusieurs parasitoses sont associées (polyparasitisme). De
Sortie de l’hôte nombreuses parasitoses sont favorisées par un mode de vie tra-
ditionnel mais aussi par le sous-développement, par l’absence
Les modes de sortie des parasites de leur hôte sont très varia- d’assainissement, par l’utilisation d’engrais humains et par la pro-
bles : l’issue des parasites intestinaux et génito-urinaires la plus lifération de vecteurs. De fait, une large utilisation d’eau potable,
fréquente se fait par les excréments (œufs d’ascaris, de schisto- de latrines, un traitement adéquat des eaux usées et une amélio-
somes, etc.). Celle de parasites pulmonaires se fait par les crachats ration du niveau d’éducation s’accompagnent inéluctablement
(œufs de Paragonimus). Pour les parasites du sang, il y a inter- d’une disparition de beaucoup de ces parasitoses. Dans le cas
vention d’un vecteur hématophage (anophèle pour Plasmodium, du paludisme, le renforcement de la prévention et des mesures
phlébotome pour Leishmania, etc.). La sortie des parasites de tissus de lutte (distribution des tests de diagnostic rapide et des traite-
profonds nécessite l’intervention d’un prédateur (ingestion par ments) ont permis de faire baisser les taux de mortalité de plus
un homme de larves cysticerques de ténia contenues dans de la de 25 % à l’échelle mondiale depuis l’an 2000 et de 33 % dans la
viande de porc ou de bœuf, etc.). Enfin, certains ectoparasites (sar- région africaine selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
copte, poux, etc.) se transmettent par contact interhumain direct Cependant, malgré la mise en œuvre de moyens considérables, la
ou via des linges contaminés. lutte contre les maladies parasitaires transmises par des vecteurs
Claude Combes a parfaitement résumé les facteurs condition- s’est révélée très décevante car ceux-ci ont développé des résis-
nant la circulation d’un parasite entre ses différents hôtes en tances aux insecticides habituels et les territoires à contrôler sont
définissant deux filtres : le filtre de rencontre et le filtre de com- immenses (Afrique intertropicale).
patibilité. La stratégie du parasite est d’ouvrir ces filtres (par sa
virulence, par sa dispersion, etc.) ; la stratégie de l’hôte est de les
fermer (par sa réponse immune et par son comportement) [4] . Pays développés
Malgré des progrès d’hygiène, les maladies parasitaires
Échappement à la réaction de l’hôte s’observent toujours dans les pays développés mais plutôt sous
le mode sporadique ou épidémique. Ces affections sont liées à
Les parasites ont développé de nombreuses stratégies adapta- la multiplication des voyages touristiques ou professionnels dans
tives permettant d’échapper à la réaction immunitaire de l’hôte des zones tropicales (parfois dans des conditions précaires), à
ou de la moduler [10–12] : séparation anatomique par une structure l’origine d’une pathologie parasitaire d’importation (par exemple,

EMC - Maladies infectieuses 3


8-000-D-10  Classification et mode de transmission des parasites

on estime à 3510 cas le nombre de paludismes d’importations en non ou peu pathogènes, comme responsables d’infections : Dien-
France en 2012). Elles sont également liées : tamoeba fragilis est maintenant suspecté d’être responsable de
• à une modification des habitudes alimentaires faisant préférer diarrhée chronique et peut-être de colite. Les techniques de diag-
des aliments carnés peu cuits et sources de téniasis, de trichi- nostic moléculaire ont également permis de montrer que la
nellose ou d’anisakidose, etc. ; prévalence de Blastocystis spp. était sous-estimée et que sa préva-
• à la vie en collectivité (épidémies de giardioses dans les crèches, lence chez les patients souffrant du syndrome de l’intestin irritable
etc.) ; était jusqu’à deux fois supérieure à celle de sujets sains.
• à l’utilisation sans hygiène correcte de lentilles cornéennes
(kératites amibiennes à Acanthamoeba) ;
• à des accidents au niveau du réseau de distribution d’eaux Parasitoses : source d’une mortalité
publiques (épidémie de gastroentérite à Cryptosporidium parvum et d’une morbidité importantes
en 2001 à Dracy-le-Fort en France) ;
Les maladies parasitaires peuvent être mortelles : le palu-
• à la multiplication des causes d’immunodépresssion (augmen-
disme est la troisième cause mondiale de mortalité par maladies
tation des cas de leishmaniose viscérale chez l’adulte dans le
infectieuses. Cette mortalité par paludisme est particulièrement
Midi de la France).
marquée chez les enfants de moins de 5 ans. La trypanosomose
africaine, la leishmaniose viscérale ou la toxoplasmose dissémi-
Regain des parasitoses liées née, non traitées, sont inéluctablement fatales.
D’autres affections parasitaires, non constamment mortelles,
à l’immunodépression sont néanmoins une source de morbidité très importante et
Le développement mondial de l’épidémie d’infection par le contribuent ainsi au sous-développement. Le paysan africain
virus de l’immunodéficience humaine et des techniques médi- atteint de dracunculose, le plus souvent à la saison des pluies, ne
cales de plus en plus sophistiquées (greffes d’organes, de moelle, peut cultiver son champ (cette parasitose est en voie d’éradication
de cellules, etc.) s’est accompagné d’une recrudescence de para- à la suite d’un programme adéquat initié par l’OMS) ; diverses
sitoses déjà connues et de la découverte d’autres dont le rôle études ont montré que certaines parasitoses intestinales retar-
pathogène était inconnu chez l’homme ; on parle alors de para- daient le développement intellectuel ; quelle sera la force de
sites opportunistes. Des toxoplasmoses cérébrales ou disséminées travail d’un homme anémié par la présence de plusieurs milliers
sont observées chez des malades sidéens ou greffés de moelle, de d’ankylostomes ? De nombreuses zones fertiles ou utilisables pour
cœur et de foie. De même, des parasitoses intestinales en général l’élevage sont inhabitées en raison de l’onchocercose ou de la try-
spontanément curables sont peu sensibles au traitement chez des panosomose. D’autres exemples de morbidités liées aux parasites
malades immunodéprimés : isosporose, cryptosporidiose, etc. De sont donnés dans le Tableau 2.
plus, des parasites habituellement non invasifs ont été identifiés Enfin, le coût des parasitoses n’est pas négligeable : par exemple,
dans les prélèvements profonds de patients immunodéprimés : le dépistage sérologique de la toxoplasmose chez les femmes
Trichomonas observés dans des lavages bronchoalvéolaires, etc. enceintes en France coûtait aux alentours de 43 millions d’euros
Les deux âges extrêmes de la vie sont également des facteurs en 2008 [16] , les 154 à 289 millions de cas annuels de paludisme
d’immunodépression, sources de parasitoses (leishmaniose viscé- enregistrés en 2010 (données de l’OMS, 2013) sont une perte
rale et cryptosporidiose). importante en termes de temps de travail puisqu’on estime qu’un
accès palustre fait perdre deux à six jours de travail (données de
l’OMS, 1999).
Parasitoses émergentes
De nombreux facteurs peuvent expliquer l’émergence ou la
réémergence des parasitoses. Le réchauffement climatique peut  Classification des parasites
augmenter l’aire de répartition du paludisme (les conséquences
climatiques d’El Niño en 1997 se sont traduites par des épidé- Classification zoologique
mies de paludisme sur les montagnes d’Afrique de l’Est) et il peut Les parasites appartiennent à des groupes zoologiques très variés
favoriser localement le cycle du parasite en Europe du Sud (un détaillés dans les Tableaux 3 et 4 [1, 15, 17] . C’est ainsi que l’on trouve,
cas autochtone de paludisme à Plasmodium vivax a été déclaré parmi ces parasites, tous eucaryotes, des organismes unicellulaires,
en Corse en août 2006). Les modifications climatiques pourraient de quelques micromètres, relativement simples (protozoaires)
également favoriser l’extension de la zone d’endémie de leishma- mais également des organismes multicellulaires (helminthes,
niose en France vers le nord du pays (en 2007, un cas possible arthropodes) très complexes, à sexes séparés, disposant de sys-
de leishmaniose humaine acquise dans le Jura a été recensé). La tèmes digestifs, reproducteurs et nerveux sophistiqués [2, 6, 18] . Ils
guerre et les troubles sociaux expliquent l’explosion de la trypano- sont parfois de très grande taille (plusieurs mètres pour les ténias).
somose en Afrique centrale et les foyers résiduels de dracunculose Les protozoaires sont des parasites des muqueuses, surtout intes-
au Soudan. La construction de barrages et de canaux d’irrigation tinales (amibes, flagellés, coccidies), ou du sang et du système
a des conséquences sur l’incidence du paludisme, des schistoso- monocytes-macrophages (hématozoaires, trypanosomes, leish-
moses ou de l’onchocercose dans les pays tropicaux. manies, toxoplasme, theileria).
Le développement des zones boisées en Europe, la multiplica- Deux grandes catégories d’helminthes sont des parasites de
tion des chevreuils peuvent expliquer la prolifération des tiques l’homme : les vers ronds ou némathelminthes (par exemple
vectrices de la maladie de Lyme. L’adaptation récente des animaux l’ascaris, l’oxyure, les filaires, etc.), les vers plats ou plathel-
sauvages à un environnement urbain fait craindre l’extension de minthes. Parmi les plathelminthes, on distingue les cestodes
l’aire de répartition de l’échinococcose alvéolaire en Europe dans (ténias) et les trématodes (douves, schistosomes, etc.).
les régions où les densités de population de renards périurbains et Les arthropodes, parfois parasites directement responsables de
urbains sont élevées, d’autant plus que le chien et le chat peuvent troubles (sarcopte de la gale, poux et morpion), interviennent
être impliqués dans un cycle synanthropique. aussi souvent comme vecteurs dans la transmission des parasitoses
La multiplication considérable des transports aériens, la mon- (Tableau 4) ou de maladies bactériennes ou virales [19, 20] .
dialisation des échanges commerciaux peuvent favoriser le Habituellement, les protozoaires se trouvent dans l’hôte para-
transport de parasites d’une zone géographique à l’autre : palu- sité sous deux formes : une forme mobile appelée forme végétative
disme des aéroports, importation en France de viandes d’ours ou trophozoïte et une forme de résistance (inconstante) appelée
canadiens parasitées par Trichinella, commercialisation de sau- kyste, destinée à sortir de l’hôte. Les helminthes parasites évo-
mons du Pacifique parasités par des larves de Diphyllobotrium, luent entre différents stades : le stade d’œuf, le stade larvaire et
importation aux États-Unis de framboises guatémaltèques ou de le stade adulte sexué. Une sexualité est décrite aussi chez certains
salades mexicaines contaminées par des Cyclospora, etc. protozoaires (Plasmodium, toxoplasme, cryptosporidies, etc.). La
Le développement de méthodes sensibles de diagnostic bio- reproduction sexuée ainsi que le parasite sous sa forme adulte sont
logique a permis d’identifier des parasites, considérés comme présents chez l’hôte « définitif ».

4 EMC - Maladies infectieuses


Classification et mode de transmission des parasites  8-000-D-10

Tableau 2.
Morbidité liée aux parasites.
Fœtopathies Toxoplasmose
Maladies transfusionnelles Paludisme, trypanosomose américaine
Malnutrition, diarrhée chronique Helminthiases et protozooses intestinales
Diminution du développement intellectuel Helminthiases intestinales
Anémies Paludisme, ankylostomose
Cancérisation vessie, voies biliaires Schistosomose, opisthorchiose
Délabrements cutanéomuqueux du visage Leishmaniose
Incapacités temporaires de travail Dracunculose
Cardiopathies chroniques Trypanosomose américaine
Troubles de la vue et cécités Toxoplasmose, onchocercose, toxocarose, acanthamoebose
Manifestations comitiales, épilepsie Cysticercose
Manifestations hépatiques Amibiase, schistosomoses, opisthorchiose, échinococcoses
Insuffisances rénales Schistosomoses
Stérilité Schistosomoses
Coma, défaillance multiviscérale Paludisme à Plasmodium falciparum grave
Maladies post-transplantatoires Toxoplasmose, paludisme, leishmaniose, acanthamoebose, balamuthiase

La classification zoologique des parasites a été considérable- Contamination par voie orale
ment modifiée ces dernières années grâce à l’utilisation des
méthodes d’analyse génotypique : de l’étude des isoenzymes à L’homme peut se contaminer par des aliments (eau, crudités,
l’étude de l’ADN (acide désoxyribonucléique) par des techniques etc.) souillés par des déjections humaines ou animales contenant
de digestion enzymatique, d’amplification et de séquençage [17] . des œufs ou des kystes, ou des oocystes de parasites. Un lavage
Quelques « parasites » ont été reclassés dans le règne des cham- soigneux des aliments et une désinfection de l’eau (chimique
pignons (Pneumocystis et très récemment les microsporidies), ou physique par ébullition ou filtration) permettent d’éviter la
l’analyse de l’ADN ribosomal nucléaire et des gènes de tubuline les plupart de ces parasitoses. Dans certains cas, il peut s’agir de végé-
rapprochant de ces derniers. Certains parasites tel que D. fragilis taux aquatiques (cresson, châtaignes d’eau, etc.) sur lesquels se
ont changé de classe ; longtemps considéré comme une amibe, ce sont enkystés des métacercaires de Fasciola hepatica ou de Fas-
protozoaire s’avère être un flagellé. Blastocystis spp. a quant à lui ciolopsis buski, ou encore de l’ingestion accidentelle de Cyclops,
été reclassé dans le phylum hétéroclite des straménopiles. De nou- petits crustacés microscopiques vivant dans l’eau et hôtes inter-
velles espèces ont pu être identifiées au sein de genres (Trichinella, médiaires de Dracunculus medinensis, agent de la filariose de
Echinococcus, Cryptosporidium), alors qu’elles sont morphologique- Médine. La consommation de jus de palme, de fruits, souillés par
ment indiscernables. Ainsi, les souches précédemment identifiées des déjections de réduves, est source de cas de trypanosomose
Echinococcus granulosus appartiennent à plusieurs espèces ou géno- américaine.
types dont l’espèce E. granulosus sensu stricto (génotype G1) est Un autre mode de contamination par voie orale est l’ingestion
prédominante dans le Bassin méditerranéen. Dans certains cas, la de chair animale mal cuite pour des raisons de traditions culi-
composition du genre a été redéfinie (Leishmania, Trypanosoma, naires ou par goût personnel. Les régions du monde où la
etc.). viande est consommée peu cuite ont une incidence importante
de la toxoplasmose, de la trichinellose et du téniasis ; c’est le
cas de la France, de certains pays d’Europe mais aussi de pays
Localisations très variables chez l’hôte latino-américains (Mexique, etc.) ou asiatiques (Laos, etc.). La
consommation de chair de poisson crue est la cause d’une haute
En pathologie humaine, un grand nombre d’organes et de tissus prévalence de l’opisthorchiose en Asie du Sud-Est et est à l’origine
peuvent être parasités, soit par un ou des adultes, soit par une ou de l’augmentation des cas d’anisakidose rapportés en Europe ou de
des formes larvaires. On distingue ainsi trois grandes catégories de diphyllobothriose observés en Europe et en Amérique. La consom-
parasites : les ectoparasites, les mésoparasites et les endoparasites. mation de mollusques crus provoque l’angiostrongylose nerveuse
Les ectoparasites parasitent la peau ou les phanères et sont en en Extrême-Orient et en Océanie.
général peu pathogènes, bien qu’ils puissent parfois transmettre D’autres modes de contamination par voie orale sont plus anec-
des affections bactériennes graves (la peste, le typhus, etc.). Les dotiques et sont dus à l’ingestion accidentelle d’insectes parasités
mésoparasites vivent au contact des muqueuses et, en particulier, tels que des fourmis (Dicrocoelium dendriticum), des puces de chat
de la muqueuse intestinale, l’intestin étant certainement le site ou de chien (Dipylidium caninum). La contamination peut être
où l’on trouve le plus d’espèces parasites, mais aussi la muqueuse liée à un mode de vie particulier : consommation de larves de
gingivale (Entamoeba gingivalis, Trichomonas tenax), les muqueuses coléoptères (Acanthocéphales) ou de crabes d’eau douce crus au
génitales (Trichomonas vaginalis), etc. Les endoparasites vivent au Cameroun pour augmenter la fertilité et source de paragonimose ;
sein des tissus ou dans les vaisseaux et sont, a priori, plus patho- baby-sitting des enfants par les chiens au Turkana (Kenya) et trans-
gènes que les autres bien que certains mésoparasites puissent mission de l’échinococcose hydatique, etc.
passer au cours de leur cycle par des phases d’endoparasitisme Enfin, une auto-infestation est possible pour des parasites
(E. histolytica, ascaris, ankylostomes, anguillule). Le Tableau 5 tels que l’anguillule, Hymenolepis nana, Capillaria philippinensis
détaille les différents parasites susceptibles d’être retrouvés dans ou l’oxyure, mais probablement aussi pour Giardia intestinalis
le tube digestif ou dans différents organes [2, 15] . et E. histolytica. Dans ces cas, le traitement doit être prolongé
ou répété. Un sujet hébergeant Taenia solium est susceptible de
s’autocontaminer avec des embryophores pouvant provoquer une
 Modalités de transmission cysticercose.

variées
Contamination par pénétration transcutanée
Les modes de contamination sont variés (Tableau 6) et leur
connaissance précise permet d’éviter de contracter un certain C’est un mode très fréquent de contamination, soit par ino-
nombre de parasitoses [21] . culation passive du parasite par un vecteur hématophage, soit

EMC - Maladies infectieuses 5


8-000-D-10  Classification et mode de transmission des parasites

Tableau 3.
Classification zoologique simplifiée des parasites [1, 15] .
Sous-règne des protozoaires Sous-règne des métazoaires
Embranchement sarcomastigophora Embranchement plathelminthes (vers plats)
Sous-embranchement Mastigophora (flagellés) Classe Cestodea (vers rubanés, segmentés, hermaphrodites)
Classe zoomastigophorea (déplacements à l’aide d’un flagelle) Ordre Pseudophyllidea (scolex à deux fentes, hôtes intermédiaires aquatiques),
Spirometra sp.
Ordre Kinoplastida (sanguicole et transmis par vecteurs Ordre Cyclophyllidea (scolex à quatre ventouses) :
hématophages), Trypanosoma brucei gambiense, T. brucei rhodesiense, – famille Taeniidae : Taenia solium, T. saginata, Multiceps sp., Echinococcus
T. cruzi, Leishmania tropica, L. aethiopica, L. infantum, L. donovani, granulosus (kyste hydatique), E. multilocularis
L. mexicana, L. brasiliensis – famille Hymenolepidae : Hymenolepis nana, H. diminuta
– famille Dilepidiidae : Dipylidium caninum
– famille Anoplocephalidae : Bertiella sp.
Ordre Retortamonadida (intestinaux), Chilomastix mesnili, Autres cestodes rarissimes : Inermicapsifer sp., Mesocestoides sp., Raillietina sp.
Retortamonas intestinalis
Ordre Diplomonadida (intestinaux, deux noyaux), Giardia intestinalis, Classe Digenea (vers foliacés, appelés également trématodes)
Enteromonas intestinalis
Ordre Trichomonadida (intestinaux, membrane ondulante), Ordre Strigeatida (cercaires à queue fourchue) : famille Schistosomatidae
Trichomonas hominis, T. vaginalis, T. tenax (schistosomes ou bilharzies, sexes séparés) : Schistosoma haematobium,
S. mansoni, S. intercalatum, S. japonicum, S. mekongi
Superclasse Rhizopoda (déplacement à l’aide de pseudopodes) Ordre Echinostomida (hermaphrodites, cercaires enkystées sur végétaux) :
– famille Fasciolidae (grandes douves) : Fasciola hepatica, Fasciolopsis buski
– famille Paramphistomatidae : Gastrodiscoides hominis, Watsonius watsoni
Ordre Amoebida : Ordre Plagiorchiida (hermaphrodites), Dicroceolium dendriticum, Paragonimus
– famille Entamoebidae (amibes intestinales) : Entamoeba histolytica, kellicoti, P. westermani, Nannophyetus sp.
E. dispar, E. coli, E. polecki, E. hartmanni, Endolimax nanus, Pseudolimax
(Iodamoeba) butschlii
– famille Hartmannellidae : Hartmannella sp. (amibes libres)
Ordre Acanthopodida : famille Acanthamoebidae : Acanthamoeba sp.
(amibes libres)
Ordre Schizopyrenida : famille Vahlkampfiidae : Naegleria gruberi, Ordre Opisthorchiida (petites douves hermaphrodites, cercaires enkystées sur
N. fowleri (amibes libres) poissons), Opisthorchis felineus, Clonorchis sinensis, Heterophyes heterophyes,
Metagonimus yokogawai, Metorchis conjunctus
Embranchement des straménopiles (Heterokonta)
Classe Blastocystea : Blastocystis spp. (intestinal)
Embranchement Apicomplexa (sporozoaires) (complexe apical Embranchement Acanthocephala (infestations humaines rarissimes)
permettant la pénétration des cellules)
Classe Sporozoea Moniliformis sp., Macracanthorynchus sp.
Sous-classe Coccidia Embranchement Nematoda (vers ronds)
Ordre Eucoccidiida Classe Secernentea
Famille Eimeriidae (coccidies intestinales ou tissulaires) : Isospora belli, Ordre Rhabditida (femelles parthénogénétiques) : Strongyloides stercoralis
Sarcocystis sp., Cryptosporidium hominis, C. parvum, Cyclospora (anguillule)
cayetanensis, Toxoplasma gondii
Ordre Haemosporida (sanguicoles) Ordre Strongylida (bourse copulatrice chez les mâles), Ancylostoma duodenale,
A. braziliense, Necator americanus, Trichostrongylus sp., Oesophagostomum sp.,
Angiostrongylus cantonensis, A. costaricensis
Famille Haemosporidae (hématozoaire) : Plasmodium falciparum, Ordre Ascaridida : Ascaris lumbricoides, Toxocara canis, Anisakis sp., Contracaecum
P. vivax, P. ovale, P. malariae (transmis par anophèles) sp., Pseudoterranova sp., Heterakis sp., Enterobius vermicularis (oxyure),
Dioctophyme renale
Famille Piroplasmidae : Babesia microti, B. divergens (transmis par Ordre Spirurida :
tiques) – superfamille Filarioidea (filaires vivipares) : Wuchereria bancrofti, Brugia malayi,
Loa loa, Onchocerca volvulus, Mansonella ozzardi, M. perstans, M. streptocerca,
Dirofilaria repens, D. immitis
– superfamille Dracunculoidea (Cyclops hôte intermédiaire) : Dracunculus
medinensis
– superfamille Gnathostomatoidea : Gnathostoma spinigerum
Embranchement Ciliophora (ciliés) Autres nématodes rares : Gongylonema sp., Lagochilascaris sp.,
Mammomonogamus sp., Micronema sp., Thelazia sp.
Classe Adenophorea
Ordre Trichostomatida Ordre Enoplida (Trichocephalida) :
– famille Trichuridae : Trichuris trichiura (trichocéphale), Capillaria philipinensis
– famille Trichinellidae (vivipare) : Trichinella spiralis (trichine), T. pseudospiralis,
T. nativa, T. britovi, T. nelsoni, T. papuae, T. murelli, T. zimbabwensis
Balantidium coli
Embranchement Pentastomida
Armillatus, Linguatula serrata

6 EMC - Maladies infectieuses


Classification et mode de transmission des parasites  8-000-D-10

Tableau 4.
Classification simplifiée des arthropodes parasites ou vecteurs avec l’indication des principales affections éventuellement transmises [1, 15] .
Embranchement Arthropoda
Sous-embranchement Tracheata Affections transmises ou pathologie
Classe Insecta
Sous-ordre Anoplura (poux)
Pediculus capitis
Pediculus humanus Rickettsia prowazekii (typhus), Bartonella quintana
Phthirus pubis
Ordre Rhynchota (hémiptères ou punaises)
Famille Reduviidae (réduves)
Panstrongylus, Rhodnius, Triatoma Trypanosomose américaine (maladie de Chagas)
Famille Cimicidae
Cimex lectularius (punaise de lit)
Ordre Diptera
Sous-ordre Nematocera
Famille Culicidae (moustiques)
Aedes Fièvre jaune, dengue, chikungunya, filarioses lymphatiques
Culex Filarioses lymphatiques
Anopheles Paludisme, filarioses lymphatiques
Famille Simuliidae (simulies, mouches noires)
Simulium Onchocercose, ozzardiose
Famille Phlebotomidae ou Psychodidae (phlébotomes)
Phlebotomus, Lutzomia Leishmaniose, Bartonella bacilliformis
Famille Ceratopogonidae
Culicoides Mansonelloses
Sous-ordre Brachycera
Famille Tabanidae (taons)
Chrysops Loase
Sous-ordre Cyclorrapha
Famille Glossinidae (mouche tsé-tsé)
Glossina Trypanosomoses africaines
Famille Oestridae
Hypoderma, Dermatobia Myiases
Famille Calliphoridae
Cordylobia Myiase
Ordre Aphaniptera (puces)
Pulex irritans (de l’homme) Peste
Xenopsylla cheopis (du rat) Peste
Ctenocephalides canis/felis (du chien/chat) Dipylidiose
Tunga penetrans (puce-chique)
Sous-embranchement Chelicerata
Classe Arachnida
Ordre Acarina (acariens)
Famille Argasidae (tiques molles)
Ornithodorus Borréliose
Famille Ixodidae (tiques dures)
Ixodes Maladie de Lyme, babésiose
Dermacentor Tularémie, rickettsioses
Rhipicephalus Rickettsioses
Famille Trombiculidae
Trombicula (aoûtats)
Leptotrombidium Typhus des broussailles
Famille Demodicidae
Demodex folliculorum
Famille Sarcoptidae
Sarcoptes scabiei Gale
Ordre Aranea (araignées, scorpions)
Sous-embranchement Branchiata
Classe Crustacea
Sous-classe Copepoda
Cyclops sp. Dracunculose

EMC - Maladies infectieuses 7


8-000-D-10  Classification et mode de transmission des parasites

Tableau 5.
Localisations possibles des différents parasites pathogènes pour l’homme.
Protozoaires Nématodes Plathelminthes Arthropodes
Système nerveux central Plasmodium Toxocara canis Taenia solium Hypoderma sp.
Babesia sp. Trichinella sp. Echinococcus granulosus
Trypanosoma gambiense Angiostrongylus cantonensis Schistosoma sp.
Naegleria fowleri Loa loa Paragonimus sp.
Acanthamoeba sp. Multiceps sp.
Toxoplasma gondii Heterophyes heterophyes
Balamuthia mandrillaris
Œil Acanthamoeba sp. Toxocara canis Taenia solium Hypoderma sp.
Toxoplasma gondii Loa loa Spirometra sp. Demodex folliculorum
Trypanosoma cruzi Onchocerca volvulus Phthirus pubis
Thelazia sp.
Dirofilaria repens
Poumon Toxoplasma gondii Toxocara canis Echinococcus granulosus
Plasmodium sp. Ascaris lumbricoides Schistosoma sp.
Entamoeba histolytica Ancylostoma duodenale Paragonimus sp.
Acanthamoeba sp. Necator americanus
Balamuthia mandrillaris Wuchereria bancrofti
Cryptosporidium sp. Dirofilaria immitis
Strongyloides stercoralis
Cœur Trypanosoma cruzi Trichinella sp. Taenia solium
Trypanosoma rhodesiense Dirofilaria immitis Echinococcus granulosus
Toxoplasma gondii Heterophyes heterophyes
Parenchyme hépatique et Plasmodium sp. Toxocara canis Echinococcus granulosus
voies biliaires Toxoplasma gondii Ascaris lumbricoides Echinococcus
Entamoeba histolytica multilocularis
Trypanosoma gambiense Schistosoma mansoni
Leishmania sp. Opistorchis sp.
Cryptosporidium sp. Fasciola hepatica
Rate, ganglions et Plasmodium Wuchereria bancrofti Echinococcus granulosus
système hématopoïétique Toxoplasma gondii Strongyloides stercoralis Schistosoma mansoni
Trypanosoma gambiense
Leishmania sp.
Muscles Trypanosoma cruzi Trichinella sp. Taenia solium
Sarcocystis sp.
Toxoplasma gondii
Parenchyme rénal Plasmodium sp. Loa loa Schistosoma mansoni
Système génito-urinaire Trichomonas vaginalis Enterobius vermicularis Schistosoma Phthirus pubis
Wuchereria bancrofti haematobium
Intestin Entamoeba histolytica Enterobius vermicularis Taenia saginata
Giarda duodenalis Ascaris lumbricoides Taenia solium
Dientamoeba fragilis Ancylostoma duodenale Hymenolepis nana
Balantidium coli Necator americanus Diphyllobothrium latum
Isospora belli Strongyloides stercoralis Fasciolopsis buski
Cyclospora cayetanensis Trichuris trichiura Heterophyes heterophyes
Cryptosporidium sp. Anisakidés Schistosoma mansoni
Capillaria philippinensis Schistosoma intercalatum
Angiostrongylus costaricensis Schistosoma japonicum
Trichinella sp. Schistosoma mekongi
Peau et phanères Toxoplasma gondii Loa loa Schistosoma sp. Sarcoptes scabiei
Leishmania sp. Onchocerca volvulus Spirometra sp. Tunga penetrans
Entamoeba histolytica Dracunculus medinensis Cordylobia sp.
Acanthamoeba sp. Dirofilaria repens Dermatobia sp.
Balamuthia mandrillaris Strongyloides stercoralis Pediculus sp.
Ancylostoma braziliense Phthirus pubis
Gnathostoma sp. Demodex folliculorum
Trombicula autumnalis

par pénétration active d’une larve. Les rôles majeurs des ano- stériles, de femelles non vectrices ou produisant des anticorps
phèles femelles dans la transmission du paludisme et des glossines qui tuent ou bloquent le développement de P. falciparum per-
(mouche tsé-tsé) comme vecteurs de la maladie du sommeil met d’espérer un contrôle de la transmission du paludisme dans
sont bien connus. D’autres vecteurs, appartenant à la classe des l’avenir.
insectes, sont détaillés dans le Tableau 4 [6] . Une prévention des Pour éviter une contamination par pénétration active de
piqûres par l’emploi de moustiquaires ou de produits insecti- larves vivant dans l’eau (furcocercaires de Schistosoma et
fuges permet de diminuer le nombre de piqûres d’insectes. Une d’ornithobilharzies), dans la boue ou sur les sols humides (larves
lutte antivectorielle coûteuse peut dans certains cas être efficace strongyloïdes d’anguillules ou d’ankylostomes) ou le sable (larbish
(glossines, etc.) et l’amélioration de l’habitat permet de faire dis- provoqué par des larves d’ankylostomes d’animaux, puce-chique),
paraître les réduves vectrices des trypanosomoses américaines. Le il faut prohiber les bains en eau douce et éviter de marcher pieds
développement par transgenèse de moustiques anophèles mâles nus dans la boue ou le sable.

8 EMC - Maladies infectieuses


Classification et mode de transmission des parasites  8-000-D-10

Tableau 6.
Les deux principales modalités de transmission des parasitoses
Voie orale Voie transcutanée
Aliments ou eau Consommation de chair crue contenant des formes larvaires du parasite Piqûre de vecteur Pénétration de larves vivantes
contaminés par œufs, hématophage dans l’eau, la boue ou le sol, ou
larves, kystes ou oocystes après contact cutané
Mammifères Poissons/crustacés/mollusques
Ascaridiose Trichinellose Anisakidose Filarioses lymphatiques Ankylostomose
Oxyurose Gnathostomose Capillariose Onchocercose Strongyloïdose (anguillulose)
Trichocéphalose Angiostrongyloses Loase Larva migrans cutanée
Toxocarose Gnathostomose Mansonellose
Dracunculose Sparganose Dirofilariose
Échinococcoses Téniasis à Taenia saginata Diphyllobothriose
Hymenolepiose ou Taenia solium
Cysticercose
Fasciolose Distomatose Bilharzioses
Fasciolopsiose hépatobiliaire à
Opisthorchis
Distomatoses
intestinales à
Heterophyes et
Metagonimus
Paragonimose
Trypanosomose
africaine
Trypanosomose
américaine
Leishmanioses
Giardiose
Amibiase
Toxoplasmose Toxoplasmose
Cryptosporidiose Sarcocystose
Cyclosporose
Isosporose
Paludisme
Babésiose
Balantidiose
Gale
Myiases
Tungose

Transmission par voie sexuelle des receveurs permet la prévention et le diagnostic de ces parasi-
toses. Récemment, des cas d’acanthamoebose et de balamuthiase
Le principal parasite transmis par voie sexuelle est le flagellé ont été décrits après transplantation.
T. vaginalis. Certaines pratiques sexuelles, notamment bucoanales,
favorisent la transmission de Entamoeba sp. et de G. intestinalis.
Des arthropodes parasites tels que le sarcopte de la gale ou Phthi- Autres modes de contamination
rus pubis peuvent également être transmis au moment des rapports
sexuels. La transmission par voie transplacentaire est responsable Les méningoencéphalites provoquées par les amibes libres
de fœtopathies graves pour T. gondii (hydrocéphalie, chorioréti- (Acanthamoeba, Balamuthia, Naegleria fowleri) peuvent être secon-
nite, etc.) et Trypanosoma cruzi (cardiopathies). daires à une contamination par voie nasale (bains en eau
contaminée, irrigations sinusales avec de l’eau contaminée, etc.),
suivie d’un passage cérébral par la lame criblée de l’ethmoïde
Transmission par voie transfusionnelle (N. fowleri). Une prolifération anormale d’amibes libres (Acan-
thamoeba) sur des lentilles de contact, souillées à cause d’une
ou lors de greffes mauvaise hygiène, peut être à l’origine de kératite amibienne et
d’ulcération de la cornée.
Le mode de transmission transfusionnel était particulièrement
fréquent en Amérique du Sud pour T. cruzi ; il est possible pour le
paludisme, rare pour la leishmaniose et est exceptionnel pour la
toxoplasmose. La prévention de ces parasitoses transfusionnelles  Pathogénie des parasites
repose sur un dépistage sérologique des donneurs et, pour T. cruzi,
sur une décontamination du sang par addition de violet de gen- La connaissance des cycles de développement des parasites chez
tiane. leur hôte humain permet de comprendre la physiopathologie des
Des cas de toxoplasmose disséminée graves sont observés chez différentes maladies parasitaires. Les lésions peuvent être provo-
des greffés d’organes séronégatifs pour la toxoplasmose avec un quées par des parasites adultes ou larvaires dans leur localisation
donneur séropositif. Le risque dépend de l’organe greffé avec par définitive (ankylostomes hématophages dans le duodénum, larves
ordre décroissant : le cœur, le poumon, le foie et le rein. Un trai- cysticerques dans le cerveau, etc.), par une localisation inhabi-
tement préventif est donc instauré dans les cas à haut risque. De tuelle (ectopique) du parasite adulte ou larvaire (localisations
rares cas de paludisme et d’anguillulose lors de greffes d’organes cérébrales de douves adultes, etc.), ou enfin par une localisa-
sont également décrits. Le dépistage sérologique des donneurs et tion transitoire dépendant du cycle du parasite (localisations

EMC - Maladies infectieuses 9


8-000-D-10  Classification et mode de transmission des parasites

pulmonaires des larves d’ascaris, etc.). Parfois, l’homme peut être Des bactéries endosymbiontes ont été identifiées chez cer-
infesté par des parasites d’animaux, qui ne peuvent effectuer tains parasites et pourraient jouer un rôle dans leur pathogénie.
qu’une partie de leur cycle et ne deviennent pas adultes. Il s’agit Des Wolbachia sont retrouvées dans les adultes et les larves des
d’impasses parasitaires qui peuvent parfois provoquer des troubles filaires Wuchereria bancrofti, Brugia malayi et Onchocerca volvu-
de gravité variable : larva migrans viscérale ou oculaire provoquée lus. Symbiontes obligatoires, elles influencent l’infectiosité de ces
par la migration de larves de Toxocara canis (ascaris du chien), filaires car après un traitement antibiotique ciblé (tétracycline ou
larva migrans cutanée provoquée par la migration sous-cutanée tétracycline–rifampicine), la fertilité des filaires est compromise,
de larves d’Ancylostoma braziliense (ankylostome du chien, du chat la production de microfilaires diminuée ou suspendue. Les amibes
et de nombreux carnivores sauvages). hébergent également des endosymbiontes (Chlamydia, Rickett-
sia, Mycobacterium, etc.) auxquels elles servent de vecteur. Ces
bactéries pourraient interférer sur la pathogénie des amibes.
Pathogénie variable selon l’hôte Cependant, les données actuelles ne permettent pas de confirmer
cette hypothèse.
ou le parasite
D’une façon générale, plus un parasite est adapté à son hôte,
moins il est pathogène. Par exemple, le ténia du bœuf, parasite Lésions tissulaires de mécanismes divers
exclusif de l’homme, est très peu pathogène pour celui-ci alors En raison de la grande variété des agents parasitaires, les méca-
que les diverses douves hépatiques, parasites de nombreux mam- nismes précis de leur pathogénie sont très variables.
mifères, sont très pathogènes pour l’homme. La prolifération intracellulaire d’un protozoaire peut désor-
La pathogénie d’un parasite peut être différente d’une variété ganiser le métabolisme de cette cellule (la multiplication des
ou d’un génotype à l’autre au sein d’une même espèce. Des cryptosporidies à l’apex des entérocytes entraîne une diarrhée
souches de toxoplasme de génotypes I, atypiques ou recombi- par perturbation des échanges membranaires, etc.), voire même
nants sont fréquemment associées à des infections aiguës sévères, la détruire (les globules rouges parasités par Plasmodium). La
y compris chez l’immunocompétent, alors que les souches de prolifération d’un parasite au contact d’un épithélium peut
génotype II (prédominant en Europe et en Amérique du Nord) entraîner une irritation mécanique (métaplasie malpighienne de
sont à l’origine d’infections chroniques souvent asymptoma- l’épithélium biliaire induite par F. hepatica, etc.) ou une destruc-
tiques. Les kératites amibiennes résultent presque exclusivement tion de cet épithélium (dysenterie amibienne, kératite amibienne,
d’un seul génotype d’Acanthamoeba T4. Les souches de T. solium etc.). La prolifération d’un parasite dans les tissus peut conduire
se distinguent en deux génotypes : les isolats asiatiques et les iso- à la formation d’abcès (abcès amibiens hépatiques, abcès céré-
lats africains/latino-américains. Cette variabilité génétique serait braux de la toxoplasmose chez les immunodéprimés, etc.) ou à
corrélée à une variabilité clinique de la cysticercose : en Asie, une gêne mécanique importante (kystes hydatiques de plusieurs
les localisations sous-cutanées sont fréquentes et associées à des centimètres de diamètre, larves cysticerques cérébrales, filaires
localisations cérébrales ; en revanche, en Amérique latine, les loca- lymphatiques obstruant les ganglions, ascaris migrant dans les
lisations cérébrales sont prédominantes. voies biliaires ou pancréatiques, etc.).
La sensibilité individuelle de l’hôte humain, qu’elle soit dépen- Dans certains cas, la pathogénie du parasite est liée à une
dante de groupes tissulaires particuliers ou d’une immunité exacerbation de la réponse immunitaire de l’hôte (granulome
déficiente, peut conduire à une pathogénie variable [10, 12] . La fré- inflammatoire autour des œufs de schistosomes présents dans
quence de la giardiose chez des sujets agammaglobulinémiques les tissus, choriorétinite de l’onchocercose liée aux phénomènes
est bien connue. De même, certaines parasitoses (cryptospori- inflammatoires induits par la mort in situ des microfilaires,
diose, etc.) sont graves chez des sujets immunodéprimés alors chocs anaphylactiques lors d’une rupture de kyste hydatique,
qu’elles sont asymptomatiques ou spontanément curables chez etc.) ou encore à la sécrétion de « toxines » par le parasite ou
les sujets à immunité normale. La gravité de la toxoplasmose des macrophages activés (induction de la synthèse de cytokines
chez le fœtus contraste avec sa bénignité chez l’enfant ou par le Plasmodium et action pyrétogène du pigment malarique,
l’adulte non immunodéprimé lors d’infections avec des souches etc.). La variabilité individuelle de la réponse immune inter-
de génotypes considérés comme non virulents. La susceptibilité vient bien entendu dans cette physiopathologie : par exemple,
individuelle de l’hôte peut être liée à des facteurs métaboliques. au cours de la filariose lymphatique, une sécrétion importante
Ainsi Trypanosoma evansi, un trypanosome parasitant habituelle- d’interféron, détruisant les microfilaires, s’accompagne d’une
ment différents animaux, notamment le bétail, peut provoquer pathologie obstructive ; une moindre sécrétion laissant subsister
d’exceptionnelles infections humaines en cas de déficit en des microfilaires circulantes ne s’accompagne pas de pathologie
apolipoprotéine L-I. obstructive [12] .
Certains parasites ont une action spoliatrice sur leur hôte :
hématophagie pour les ankylostomidés, consommation de vita-
Pathogénie différente chez les protozoaires mine B12 par les Diphyllobothrium, etc. Cette action spoliatrice
et les helminthes est d’autant plus importante que la charge parasitaire est
élevée.
Habituellement, une infection par des protozoaires peut être Enfin, la responsabilité de certains parasites a été invoquée dans
provoquée par un inoculum relativement peu important de la survenue de cancers du foie (hyperinfestation par des petites
micro-organismes qui se multiplient jusqu’à atteindre la quantité douves asiatiques) ou de la vessie (bilharziose urinaire).
nécessaire pour provoquer la maladie (un sporozoïte de Plasmo-
dium, inoculé par un anophèle, peut provoquer un paludisme ou
15 kystes de Giardia, une giardiose, etc.).
À l’inverse, la plupart des helminthes ne se multiplient pas
 Quand penser à une affection
à l’intérieur de leur hôte. Des réinfestations sont nécessaires parasitaire ?
pour augmenter leur nombre ; c’est ainsi que, dans la plupart
des helminthiases, la clinique est directement proportionnelle à La principale difficulté dans le diagnostic des maladies parasi-
l’intensité de l’infestation (filarioses, schistosomoses, etc.). Il y a taires réside dans le fait que bien souvent le médecin n’y pense
bien entendu des exceptions : dans le cas de l’anguillulose, en par- pas. En raison de la grande fréquence actuelle des voyages sous les
ticulier chez le sujet immunodéprimé, le nombre de vers peut tropiques, le médecin doit s’enquérir systématiquement d’un tel
considérablement augmenter par un cycle d’auto-infestation et séjour dans tout interrogatoire de malade. La connaissance précise
provoquer une anguillulose disséminée mortelle ; également, dans de la zone géographique dans laquelle a séjourné le malade peut
le cas du kyste hydatique ou de la cysticercose, une pathologie permettre de suspecter ou d’éliminer tel ou tel parasite ; en effet,
grave peut être provoquée par le développement d’un seul parasite certaines affections parasitaires ne sévissent que dans des zones
au sein du parenchyme hépatique ou nerveux. bien déterminées (Tableau 7).

10 EMC - Maladies infectieuses


Classification et mode de transmission des parasites  8-000-D-10

Tableau 7.
Répartition géographique des principales parasitoses.
France métropolitaine Cosmopolite Afrique noire Asie Amérique latine
Anisakidose Amibiase Paludisme Paludisme Paludisme
Diphyllobothriose
Cryptosporidiose Ankylostomose Leishmanioses (viscérales Leishmaniose (viscérale) Leishmanioses
et cutanées) Opisthorchiose (cutanéomuqueuses)
Échinococcoses à Ascaridiose Trypanosomose à Schistosomoses à Trypanosomose à Trypanosoma
Echinococcus granulosus, Trypanosoma gambiense, Schistosoma japonicum, cruzi
E. multilocularis T. rhodesiense S. mekongi
Entérobiose Diphyllobothriose Filarioses à Wuchereria Filarioses à Wuchereria Filarioses à Wuchereria
bancrofti, Loa loa, bancrofti, Brugia malayi bancrofti, Mansonella ozzardi
Mansonella perstans, Anisakidose Onchocercose
M. streptocerca, Capillariose
Dracunculus medinensis
Fasciolose Cryptosporidiose Onchocercose Schistosomose à Schistosoma
mansoni
Giardiose Entérobiose Schistosomoses à Fasciolopsiose Angiostrongyloses à
Schistosoma haematobium, Angiostrongylus costaricensis,
S. mansoni, S. intercalatum A. cantonensis
Leishmaniose Giardiose Paragonimose Paragonimose Paragonimose
Téniasis Hyménolépiose Angiostrongylose nerveuse
Toxocarose Strongyloïdose Gnathostomose
Toxoplasmose Téniasis
Trichinellose Toxoplasmose
Trichomonose Trichinellose
Trichocéphalose
Trichomonose
Cyclosporose Cyclosporose Cyclosporose

Symptômes évocateurs au retour d’un séjour également réalisables. Bien qu’une sérologie positive ne permette
pas habituellement de distinguer une exposition récente d’une
tropical exposition ancienne, ni d’affirmer une affection évolutive, elle
Il faut penser au paludisme et prescrire un frottis-goutte épaisse permet néanmoins une orientation diagnostique et parfois un
devant tout syndrome grippal ou « embarras » gastrique fébrile, diagnostic de certitude (par exemple, sérologie amibiase positive
principalement dans les deux mois suivant un retour des tro- au cours d’une amibiase tissulaire). D’une façon générale, si des
piques. Cependant, d’authentiques accès palustres sont toujours techniques diagnostiques simples (frottis sanguins, examen des
décrits dans le voisinage d’aéroports internationaux européens. selles) sont toujours très utiles pour le diagnostic de parasitoses
Une hépatomégalie douloureuse et fébrile est très évocatrice d’une tropicales, la détection de parasites opportunistes peut nécessi-
amibiase hépatique. Un syndrome diarrhéique, non fébrile, per- ter des techniques plus sophistiquées : colorations spécifiques,
sistant plus de trois à quatre jours, doit bénéficier d’un examen cultures cellulaires, amplification d’acides nucléiques, etc.
parasitologique des selles. Une ulcération cutanée ne guérissant
pas spontanément et persistant plusieurs semaines doit faire évo-
quer le diagnostic de leishmaniose.
 Conclusion
La lutte contre les maladies parasitaires est très difficile car
les parasitoses sévissent surtout dans des pays de bas niveau
Chez un sujet n’ayant jamais quitté la France socioéconomique. Les médicaments antiparasitaires sont souvent
métropolitaine coûteux et inaccessibles pour beaucoup de ces pays. Néanmoins,
les malades peuvent espérer survivre grâce à la fourniture, par
Une hyperéosinophilie dans un contexte fébrile peut être l’OMS et des laboratoires pharmaceutiques, de médicaments gra-
le témoin initial d’une fasciolose (symptomatologie biliaire tuits contre la maladie du sommeil et l’onchocercose, et par le
associée), d’une trichinellose (myalgies, œdème de la face) Fonds mondial de médicaments à très bas prix contre le palu-
ou d’une toxocarose (syndrome de Löffler). Des douleurs épi-
disme. Également, certains laboratoires s’engagent dans l’accès
gastriques pseudo-ulcéreuses ou des manifestations allergiques
aux médicaments dans les « pays du Sud » par une politique
après consommation de poisson de mer doivent faire évoquer
de prix différenciés, adaptés aux revenus des populations. Peu
l’anisakidose. De même, une symptomatologie évocatrice de
de recherches sur de nouveaux produits antiparasitaires sont
lymphome chez un sujet (enfant, immunodéprimé, etc.) ayant
effectuées. Les médicaments de référence de la trypanosomose
séjourné dans le Midi de la France peut être due à une leishma-
humaine ou de la leishmaniose (arsenic, antimoine) ont été mis
niose viscérale. Un prurit anal évoque une oxyurose, etc., une
sur le marché il y a plusieurs dizaine d’années et sont parfois
symptomatologie intestinale polymorphe, un téniasis.
très mal tolérés. L’organisation DNDI (Drugs for Neglected Disease
Initiative) travaille actuellement à la mise au point de nouvelles
Diagnostic spécialisé [21, 22] thérapeutiques dans ce domaine. Les vaccins en sont encore pour
la plupart à des stades d’essais préliminaires ; leur mise au point
Le diagnostic de certitude nécessite, dans la plupart des cas, est rendue difficile par la complexité des structures antigéniques
l’isolement et l’identification de l’élément pathogène. Dans la parasitaires et de la réponse immunitaire de l’hôte. Des espoirs
mesure où en France les affections parasitaires sont rares, le semblent actuellement fondés sur des vaccins conférant une pro-
nombre de cas vus par chaque laboratoire est faible et des tection partielle (paludisme, bilharziose, etc.) mais diminuant
laboratoires spécialisés peuvent être nécessaires pour une iden- malgré tout la morbidité.
tification correcte. Des tests sérologiques permettant d’attester de Un certain nombre d’avancées ont cependant été réalisées ces
l’exposition à tel ou tel helminthe ou protozoaire parasite sont dernières années et beaucoup de parasitoses sont maintenant

EMC - Maladies infectieuses 11


8-000-D-10  Classification et mode de transmission des parasites

curables par des traitements en prise unique utilisables en pratique [2] Mehlhorn H. Parasitology in focus. Springer-Verlag: Berlin; 1988,
de masse. Il faut en particulier citer les traitements des bilhar- 924p.
zioses par le praziquantel, de l’onchocercose par l’ivermectine, [3] Brumpt E. Précis de parasitologie. Paris: Masson; 1949, 2138p.
de la filariose lymphatique par l’association albendazole et dié- [4] Combes C. Interactions durables. Écologie et évolution du parasitisme.
thylcarbamazine ou albendazole et ivermectine, de l’amibiase par Paris: Dunod; 2001.
les 5-nitro-imidazolés, des nématodes intestinaux par les benzi- [5] Esch GW, Fernandez JC. A functional biology of parasitism. London:
midazolés. Bien évidemment, ces traitements de masse doivent Chapman and Hall; 1993, 337p.
s’intégrer dans une stratégie de lutte beaucoup plus large, asso- [6] Noble ER, Noble GA. Parasitology. The biology of animal parasites.
ciant éducation sanitaire, assainissement du milieu, adduction Philadelphia: Lea and Febiger; 1982, 522p.
[7] Acha PN, Szyfres B. Zoonoses et maladies transmissibles communes
d’eau potable, lutte antivectorielle, etc., l’objectif de cette stra-
à l’homme et aux animaux. Paris: Office international des épizooties;
tégie étant d’interrompre le cycle du parasite. Les bithérapies
1989, 1063p.
antipaludiques comprenant un dérivé de l’artémisinine sont éga- [8] Euzeby J. Les parasitoses humaines d’origine animale. Paris: Flam-
lement un progrès majeur dans la prise en charge du paludisme à marion; 1984, 324p.
P. falciparum. [9] Faust EC, Beaver PC, Jung RC. Animal agents 1 vectors of human
L’utilisation des techniques de biologie moléculaire a permis des disease. Philadelphia: Lea and Febiger; 1975, 479p.
avancées dans la connaissance de la prévalence et l’épidémiologie [10] Behnke JM. Parasites: immunity and pathology. London: Taylor and
de nombreuses parasitoses (cryptosporidiose, toxoplasmose, try- Francis; 1990, 437p.
panosomose, échinoccocose, etc.). [11] Englund PT, Sher A. The biology of parasitism. A molecular
Des difficultés thérapeutiques existent néanmoins : c’est le cas and immunological approach. New York: Alan R Liss; 1988,
de l’échinococcose alvéolaire mais dont le pronostic a été modifié 544p.
par l’utilisation prolongée de l’albendazole, de l’hydatidose péri- [12] Wakelin D. Immunity to parasite. Cambridge: Cambridge University
tonéale disséminée où seules des ponctions itératives semblent Press; 1996, 204p.
pouvoir retarder l’issue fatale et de la leishmaniose et la crypto- [13] Rapport sur le paludisme. Genève: Organisation mondiale de la santé;
sporidiose chez les sujets immunodéprimés malgré l’utilisation de 2013.
amphotéricine B liposomale et le nitaxozamide. Enfin, pour les [14] Premier rapport sur les maladies tropicales négligées. Genève: Orga-
années à venir, la survenue de plus en plus fréquente de résis- nisation mondiale de la santé; 2010.
tances aux antiparasitaires (déjà décrits pour le paludisme, les [15] Gentilini M. Médecine tropicale. Paris: Flammarion; 2012, 1308p.
schistosomes, des nématodes parasites d’animaux domestiques, [16] Ancelle T, Yera H, Talabani H, Lebuisson A, Thulliez P, Dupouy-
Camet J. Comment réduire le coût du dépistage de la toxoplasmose
les poux, la giardiose) risque de poser de redoutables défis thé-
chez la femme enceinte ? Rev Epidemiol Sante Publique 2009;57:
rapeutiques. Une meilleure « vectorisation » des médicaments
411–7.
(amphotéricine B liposomale pour le traitement de la leishma- [17] Liu DG. Molecular detection of human parasitic pathogens. New York:
niose viscérale, etc.) et des associations médicamenteuses seront CRS Press Taylors and Francis Group; 2013, 871p.
peut-être des outils du futur. [18] Ripert C. Épidémiologie des maladies parasitaires (4 volumes). Pro-
tozooses, T1. Helminthoses, T2. Opportunistes (Tome 3). Affections
provoquées ou transmises par les arthropodes (Tome 4). Paris: Éditions
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en médicales internationales; 2003, 2007, 2011.
relation avec cet article. [19] Rodhain F. Les maladies à vecteur. Paris: PUF; 1999, 127p.
[20] Rodhain F, Perez C. Précis d’entomologie médicale et vétérinaire.
Paris: Maloine; 1985, 458p.
 Références [21] Anofel. Parasitoses et mycoses des régions tempérées et tropicales.
Paris: Masson; 2013, 367p.
[1] Golvan YJ. Éléments de parasitologie médicale. Paris: Flammarion; [22] Golvan YJ, Ambroise-Thomas P. Les nouvelles techniques en parasi-
1974, 616p. tologie. Paris: Flammarion; 1984, 298p.

H. Yera, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier (helene.yera@cch.aphp.fr).


Service de parasitologie-mycologie, Hôpital Cochin, AP–HP, Université Paris-Descartes, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.
P. Poirier, Praticien hospitalier universitaire.
Service de parasitologie-mycologie, Hôpital Gabriel-Montpied, Université d’Auvergne, 58, rue Montalembert, 63000 Clermont-Ferrand, France.
J. Dupouy-Camet, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de parasitologie-mycologie, Hôpital Cochin, AP–HP, Université Paris-Descartes, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Yera H, Poirier P, Dupouy-Camet J. Classification et mode de transmission des parasites. EMC - Maladies
infectieuses 2015;12(3):1-12 [Article 8-000-D-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Maladies infectieuses


 8-001-E-10

Grandes endémies : spécificités africaines


D. Baudon, N. Barnaud, F.J. Louis

Maladie endémique, du grec « endêmon nosêma », signifie maladie enracinée dans un écosystème
particulier. Il s’agit de maladies infectieuses, enracinées par leurs réservoirs d’agents potentielle-
ment pathogènes. Des facteurs géoclimatiques et environnementaux, le sous-développement et des
comportements humains le plus souvent liés à des facteurs socioculturels, expliquent cet enracinement.
Le concept de grandes endémies (GE) est né en Afrique sub-saharienne. Les GE africaines comprennent
aujourd’hui des maladies transmises par des vecteurs comme le paludisme ou la fièvre jaune ; un hôte
intermédiaire intervient parfois comme dans les bilharzioses ; les facteurs géoclimatiques sont ici pré-
pondérants pour expliquer l’enracinement en zone intertropicale. Certaines GE sont surtout liées au
sous-développement et/ou aux comportements humains, comme par exemple les infections par le virus
de l’immunodéficience humaine, la maladie à virus Ebola, la tuberculose, l’ulcère de Buruli, le choléra, les
tréponématoses endémiques, la méningite à méningocoque. Dans les pays en développement, aussi bien
que dans les pays développés, l’enracinement des endémies est en général multifactoriel avec, selon les
endémies, un facteur prédominant, comme les facteurs géoclimatiques pour les maladies à transmission
vectorielle et la méningite à méningocoque, comme le sous-développement et/ou les comportements
humains pour la plupart des maladies à transmission interhumaine directe. Le changement climatique
peut modifier l’épidémiologie des endémies, et il sera nécessaire d’en évaluer l’impact en santé humaine.
La mise en œuvre de la lutte contre ces endémies, importants problèmes de santé publique, présuppose
une vulnérabilité suffisante et une volonté politique des États. Les objectifs, fonction de ces prérequis, sont
le contrôle, l’élimination ou l’éradication. Faire régresser les GE actuelles à un niveau suffisamment bas
pour qu’elles ne représentent plus un problème de santé publique devrait être l’objectif principal pour les
deux prochaines décennies.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Endémie ; Afrique sub-saharienne ; Pays développés ; Épidémies ; Maladies émergentes ;


Santé publique

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Les maladies infectieuses transmissibles ont connu, surtout
■ Endémie : un agent pathogène enraciné dans un écosystème dans les pays développés, un déclin sensible depuis un siècle,
par un réservoir 2 essentiellement grâce à l’amélioration des conditions de vie

(hygiène, nutrition), sous-tendue par le développement écono-
Facteurs géoclimatiques, facteurs principaux d’enracinement
mique. En Afrique, avant les années 1950, les maladies infectieuses
des endémies 2
représentaient un fléau majeur. L’utilisation des médicaments
Exemples en Afrique sub-saharienne 2
antiparasitaires puis antimicrobiens, la mise en œuvre du pro-
Exemples dans les pays développés 2
gramme élargi de vaccinations (PEV), l’utilisation des insecticides
■ Sous-développement associé aux comportements humains : dans la lutte antivectorielle, la mise en œuvre de stratégies de
facteurs d’enracinement des endémies 3 lutte adaptées au contexte local (lutte contre les maladies diar-
Exemples en Afrique sub-saharienne 3 rhéiques, protection maternelle et infantile) avaient permis de
Exemples dans les pays développés : précarité, comportements contrôler la plupart de ces maladies [1] . À cela s’est ajoutée ces
humains et développement de maladies infectieuses 3 dernières années la volonté mondiale de lutter contre le virus
■ Endémies émergentes 4 de l’immunodéficience humaine (VIH)/sida, la tuberculose et le
■ Grande endémie : un problème de santé publique 4 paludisme [2] . En matière de santé humaine, une conséquence

pour l’Afrique a été la baisse significative de la mortalité infan-
Grande endémie : quelle définition ? 4
tile et une augmentation de neuf ans de l’espérance de vie
■ Lutte contre les grandes endémies 4 moyenne entre 1990 et 2012 [3] . Cependant, ces dernières décen-
■ Conclusion 5 nies, dans quelques pays d’Afrique sub-saharienne, l’instabilité
sociopolitique, les crises économiques, ont entraîné une

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 13 > n◦ 2 > mai 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(16)67702-5
8-001-E-10  Grandes endémies : spécificités africaines

dégradation progressive des systèmes de santé. Du fait des modi-


fications de comportement, les populations vont aller au contact
 Facteurs géoclimatiques,
des réservoirs d’agents pathogènes (déforestation, développement facteurs principaux
de l’agriculture, travail dans les mines). Les années 1980/1990
vont ainsi marquer le réveil d’endémies classiques, parfois sous d’enracinement des endémies
forme épidémique (fièvre jaune), et l’émergence de nouvelles Exemples en Afrique sub-saharienne
endémies comme les infections par le VIH, certaines fièvres
hémorragiques virales et en particulier Ebola, et l’ulcère de Buruli Des conditions nécessaires de chaleur, d’humidité et de pluvio-
en Afrique tropicale. Les succès obtenus contre les maladies métrie favorisent la prolifération et la diffusion des vecteurs et
transmissibles se trouvent ainsi remis en partie en question par hôtes intermédiaires, et expliquent qu’en Afrique certaines endé-
l’émergence de ces agents pathogènes, mais aussi, par exemple, mies sévissent essentiellement dans la zone dite « intertropicale »,
par le développement de résistance des parasites et bactéries aux car située entre les tropiques du Cancer et du Capricorne (23◦
médicaments, et des moustiques aux insecticides. 27 de longitude nord et sud) [6, 7] . C’est le cas pour le paludisme
Décrire aujourd’hui les grandes endémies (GE) en Afrique, c’est (anophèles et plasmodiums), la fièvre jaune (Aedes et virus ama-
d’abord en expliquer les facteurs d’enracinement et de dévelop- ril), la THA (glossines et trypanosomes), l’onchocercose (simulies
pement, c’est ensuite montrer les caractéristiques spécifiques à et Onchocerca volvulus), la dracunculose (cyclops et Dracunculus
l’Afrique par rapport aux pays développés. medinensis), les schistosomoses ou bilharzioses (mollusques et
Le concept de GE étant né en Afrique sub-saharienne [4] , le choix schistosomes).
des exemples est limité à cette partie de l’Afrique. La méningite à méningocoque est l’exemple d’une endémie
cosmopolite, à réservoir de virus strictement humain, à trans-
mission interhumaine directe, où des conditions géoclimatiques
interviennent pour l’enraciner dans sa forme la plus grave, endé-
 Endémie : un agent pathogène moépidémique, dans une zone soudanosahélienne, dénommée
ceinture de Lapeyssonnie ; elle est située entre les isohyètes
enraciné dans un écosystème 300 mm au Nord et 1100 mm au Sud [7, 8] . C’est de janvier à mars-
avril, pendant la saison froide et sèche, que l’on observe une
par un réservoir recrudescence annuelle des cas, avec des taux d’incidence très éle-
vés, de 15 à 100 cas pour 100 000 habitants et par an. La répartition
« Maladie endémique » vient du grec « endêmon nosêma » qui des tréponématoses endémiques non vénériennes est liée au cli-
signifie maladie enracinée. Les agents potentiellement patho- mat et à l’hygrométrie en particulier ; le pian est essentiellement
gènes (APP) sont maintenus de façon pérenne dans un réservoir localisé en zone tropicale humide, la syphilis endémique (Béjel)
qui peut être humain et/ou animal. Ce réservoir qui enracine en zone sèche sahélienne.
l’APP en un écosystème particulier est la source d’infection pour
le sujet sain (le terme APP englobe les virus, bactéries, para-
sites, champignons, agents transmissibles non conventionnels).
Exemples dans les pays développés
L’homme peut représenter le réservoir unique d’APP comme dans La méningoencéphalite européenne se développe dans les forêts
la rougeole, la méningite à méningocoque ou l’infection à VIH. d’Europe Centrale où les sous-bois humides et les nombreux cours
L’animal peut être aussi le seul réservoir (rage, Ebola virus, virus d’eau construisent un écosystème favorable au développement
West Nile, grippe aviaire, Nipah virus, fièvre jaune, leptospi- du réservoir (rongeurs) et du vecteur (tiques) ; les épidémies sur-
rose). Dans le cas de la grippe humaine, les virus, enracinés dans viennent essentiellement du printemps à l’automne (période des
leurs réservoirs d’animaux sauvages ou domestiques, peuvent bas- activités en forêt). À la grande variété de tiques dures (ixodidae) et
culer dans un réservoir humain, avec alors une transmission molles (argasidae) déjà connue (soit près de 900 espèces) se super-
aérienne interhumaine permettant l’épidémisation dans la popu- pose la découverte récente (par technique de polymerase chain
lation. Les chauves-souris représentent le réservoir connu du virus reaction) d’un nombre croissant de bactéries du genre Rickettsia,
Ebola ; elles s’échangent le virus entre elles et, par leurs déjec- dont la topologie géographique s’étend, pour l’Europe, de l’Europe
tions, contaminent l’environnement, en particulier des fruits. du Sud vers la Russie [9] . La maladie ou borréliose de Lyme sévit
Des animaux (singes, antilopes, rongeurs) peuvent être infectés dans les zones boisées en Europe, dans l’est et l’ouest des États-
en mangeant ces fruits ; enfin, l’homme peut être contaminé en Unis, et à un niveau moindre en Alaska et au Canada ; elle est
consommant les animaux ou les chauves-souris infectés, ou en les devenue la plus fréquente des maladies vectorielles transmises à
manipulant [5] . La transmission de l’agent pathogène à l’humain l’homme dans l’hémisphère Nord [10, 11] . La région d’endémie de la
peut faire intervenir un insecte vecteur, anophèle dans le palu- fièvre à tiques du Colorado est représentée par des zones d’altitude
disme, Aedes dans la fièvre jaune et des arboviroses (dengue, avec la présence du vecteur Dermacentor andersoni [12] . L’eau est
chikungunya, zika virus), simulie dans l’onchocercose, glossine indispensable à l’enracinement des encéphalites équines améri-
dans la trypanosomose humaine africaine (THA), Culex pour le caines, dont le foyer est situé dans des zones marécageuses proches
virus West Nile. Parfois, l’agent pathogène effectue une évolu- du Mississipi où peuvent coexister les moustiques vecteurs et des
tion biologique chez un hôte intermédiaire comme un mollusque oiseaux, hôtes du virus. La fièvre Q, cosmopolite, est toutefois
(schistosomoses) ou un crustacé d’eau douce (dracunculose). Dans plus enracinée dans les zones où sont élevés ovins, bovins ou
tous ces cas, c’est alors le couple animal–vecteur (primate non caprins qui constituent l’essentiel du réservoir de Coxiella bur-
humain – Aedes selvatique pour la fièvre jaune), homme–vecteur netii [13] ; l’homme se contamine le plus souvent par l’inhalation
(homme–anophèle dans le paludisme), ou homme – hôte inter- d’aérosols contenant des spores de C. burnetii. En France, la zone
médiaire (homme – mollusque d’eau douce dans les bilharzioses) de forte endémie est située dans le Sud-Est où souffle le mistral
qui doit être considéré dans sa globalité comme le réservoir d’APP. qui facilite la diffusion des bactéries [14, 15] . La fièvre boutonneuse
L’endémie se définit fondamentalement à travers son écosystème méditerranéenne trouve son lieu de prédilection dans tout le pour-
(population, environnement, agents pathogènes) ; les facteurs tour méditerranéen, et notamment dans le sud de la France où vit
géoclimatiques et environnementaux, le sous-développement, les Rhipicephalus sanguineus (tique brune du chien), qui transmet la
facteurs sociaux culturels et en particulier les comportements maladie à l’homme, tant en zone rurale qu’en zone urbaine [16] ;
des populations, interviennent à des degrés variables, iso- l’essentiel des cas a lieu l’été, pendant la période d’activité des
lés ou associés entre eux, comme facteurs d’enracinement de larves des tiques, dépendante des conditions météorologiques
l’APP dans une zone donnée, d’un petit foyer géographique de l’année et du printemps précédents. Les encéphalites virales
caractérisant les endémies en foyers (THA, onchocercose, dra- d’origine vectorielle sont notamment transmises par le mous-
cunculose, ulcère de Buruli), à la terre entière dans le cadre des tique du genre Culex que l’on rencontre à travers le globe excepté
endémies cosmopolites telles que l’infection à VIH, la ménin- aux latitudes nord extrêmes : il est responsable de l’encéphalite
gite à méningocoque, la tuberculose, la grippe humaine, la Murray Valley dans le Nord de l’Australie, de l’encéphalite japo-
rougeole. naise présente dans plusieurs pays développés d’Asie (Corée du

2 EMC - Maladies infectieuses


Grandes endémies : spécificités africaines  8-001-E-10

Sud, Japon, Taïwan), de l’encéphalite à virus du Nil Occidental Exemples dans les pays développés :
(West Nile virus) sévissant dans les zones tempérées notamment
en Amérique du Nord, ainsi que de l’encéphalite de Saint-Louis précarité, comportements humains
aux États-Unis. La leishmaniose, l’une des rares maladies d’origine et développement de maladies infectieuses
parasitaire, est aussi endémique en l’Europe méridionale (surtout
au Portugal), au Mexique, dans le Nord de l’Argentine et le Sud du Malgré le niveau économique important, depuis quelques
Texas ; le phlébotome qui transmet le parasite, le plus souvent du années une population croissante de personnes vivant dans la
chien vers l’homme, prolifère à la période estivale où l’humidité précarité s’est installée dans les pays développés. C’est ainsi que
est plus importante. les poux de corps ont fait leur apparition chez les « sans domicile
fixe », avec comme corollaire la réémergence de maladies autre-
fois endémiques. Par exemple, la fièvre des tranchées, qui était
endémique en Europe au cours de la première guerre mondiale,
 Sous-développement associé fait reparler d’elle (notamment en France et aux États-Unis), avec
de nouvelles formes d’infections à Bartonella quintana et un risque
aux comportements humains : réel de typhus dans ces populations [22] . De même, la gale apparaît
facteurs d’enracinement en augmentation depuis 2005, survenant dans les pays déve-
loppés, par épidémies de collectivités, principalement en saison
des endémies automnohivernale [23] .
Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), les taux
Exemples en Afrique sub-saharienne d’incidence des tuberculoses pulmonaires à frottis positifs stag-
L’homme est l’acteur principal dans le développement de cer- nent, après une augmentation jusqu’en 2006 [24] , avec deux
taines endémies où il est habituellement le seul réservoir de l’agent facteurs de préoccupation : la comorbidité avec l’infection au VIH
pathogène, avec une transmission interhumaine directe. Le et l’apparition de formes pharmacorésistantes. De plus, l’endémie
manque d’hygiène, la concentration des populations et son corol- est irrégulièrement répartie et les disparités observées sont à mettre
laire la promiscuité, les difficultés d’accès à l’eau potable, la mal- en relation, entre autres, avec des facteurs de précarité socioécono-
nutrition, le sous-développement économique, sont des facteurs miques, la toxicomanie ou encore l’immigration en provenance
favorisant le développement de ces endémies. Il s’agit de maladies de pays de forte endémicité tuberculeuse.
liées au péril fécal (choléra, shigelloses, salmonelloses, diarrhée à Le triomphe des traitements anti-infectieux dans nos socié-
rotavirus, giardiose), des maladies à transmission aérienne (tuber- tés hypermédicalisées ne doit pas laisser tomber en désuétude
culose, méningite à méningocoque) et des maladies où la trans- les comportements simples et classiques permettant de lutter
mission cutanéomuqueuse intervient, comme dans la lèpre et les contre les maladies infectieuses (comme par exemple le « lavage
tréponématoses endémiques non vénériennes (pian ou béjel). des mains »). En effet, bon nombre d’épidémies en Occident
Parfois, les comportements humains ont un rôle majeur dans le sont désormais manuportées. L’utilisation massive des traitements
développement de l’endémie. Dans la dracunculose, l’homme se antibiotiques a favorisé l’émergence de bactéries résistantes,
contamine en buvant de l’eau non filtrée contenant des cyclops comme les staphylocoques multirésistants ou les klebsielles à
porteurs de larves infestantes. De par le mode d’élimination des bêtalactamases à spectre élargi ; les infections nosocomiales et
œufs dans l’eau, les schistosomoses font partie des maladies liées iatrogènes sont désormais enracinées dans nos écosystèmes de
au péril fécal : la contamination humaine dépend des habitudes soins. Dans les hôpitaux, la création de comités de lutte contre les
de contact avec l’eau (toilette, bain, lavage du linge, agriculture infections nosocomiales est devenue une nécessité, avec comme
inondée). En Afrique centrale, les femmes sont plus souvent en objectif principal la prévention.
contact avec l’eau – donc avec les glossines – que les hommes, Le brassage massif des populations, l’organisation en méga-
ce qui explique un taux de prévalence de la THA trois fois supé- poles, le développement des voyages internationaux permettent
rieur chez les femmes âgées de plus de 15 ans. Dans le choléra, aujourd’hui la diffusion rapide d’agents comme le virus de la
comme dans la maladie à virus Ebola, des risques importants de grippe qui s’étend ainsi chaque année à l’ensemble de la pla-
contamination, mais surtout de dissémination du vibrion pour le nète. L’environnement moderne urbain favorise la multiplication
choléra et du virus pour Ebola, sont liés aux usages qui entourent de germes dans de nombreux gîtes où l’eau chaude stagne (cli-
la maladie : funérailles et autres rassemblements de populations matisation par exemple), permettant ainsi la transmission de
(pèlerinages et autres fêtes religieuses, marchés, rassemblements légionnelles par des aérosols contaminés. Le développement des
liés au sport) [17, 18] . L’ulcère de Buruli, dû à Mycobacterium ulce- restaurations collectives intervient comme le facteur favorisant
rans, la troisième mycobactériose la plus importante, sévit dans l’apparition de toxi-infections alimentaires collectives. L’infection
les zones intertropicales humides ; les facteurs de risques identifiés, à VIH, dans les pays occidentaux, a connu un enracinement plus
liés aux comportements humains, sont le contact avec l’eau stag- marqué dans les populations toxicomanes et homosexuelles, à la
nante, le port de vêtements courts pendant les activités agricoles, différence de l’Afrique où le principal mode de transmission est la
le soin incorrect des plaies [19] . Par ses comportements, l’homme voie hétérosexuelle.
peut aussi favoriser l’extension des endémies. Les déforestations Au total, quel que soit le niveau de développement d’un pays,
créent de nouveaux écosystèmes favorables au développement de l’enracinement des endémies est en général multifactoriel avec,
gîtes larvaires anophéliens ; elles ont permis en mettant l’homme selon les endémies, un facteur prédominant, comme les facteurs
en contact avec la faune sauvage l’éclosion d’épidémies à virus géoclimatiques pour les maladies à transmission vectorielle et la
Ebola et de Lassa [20, 21] . Les créations de retenues d’eau avec méningite à méningocoque, comme le sous-développement et/ou
des zones d’irrigation expliquent le développement des bilhar- les comportements humains pour la plupart des maladies à trans-
zioses. L’homme, lorsqu’il est porteur asymptomatique de l’APP, mission interhumaine directe.
les diffuse à l’occasion de ses déplacements aériens, maritimes ou L’épidémie d’Ebola observée en Afrique de l’Ouest fin 2014 et en
terrestres : cela s’est vérifié aux XIXe et XXe siècles avec les pandé- 2015 a touché essentiellement la Guinée Conakry, la Sierra Leone
mies de choléra liées au développement des transports maritimes et le Liberia ; si la Sierra Leone a été déclarée exempte de transmis-
puis aériens, et plus récemment par l’extension d’épidémies de sion du virus par l’OMS le 17 novembre 2015, si aucun cas n’a été
viroses (virus du syndrome respiratoire aigu sévère, chikungunya, décrit en Guinée depuis le 29 octobre, le Liberia a notifié trois cas
dengue, virus Zika, Ebola). Aujourd’hui, le choléra est endémique confirmés en novembre 2015. C’est l’association de plusieurs fac-
sur le littoral atlantique de l’Afrique Centrale [6] . Le virus Ebola a teurs qui a permis l’explosion épidémique. Le virus s’est déplacé
pu diffuser largement en Afrique de l’Ouest où les déplacements de de 4000 km depuis l’Afrique Centrale vers l’Afrique de l’Ouest où
populations sont très importants, puis a touché le milieu urbain. il était inconnu. C’est le contact entre le réservoir de virus animal
L’urbanisation anarchique que l’on observe en Afrique depuis une et l’homme en zone forestière qui a permis la contamination de
trentaine d’années s’accélère, avec son déficit sanitaire qui fait le l’homme ; le déplacement de sujets infectés porteurs asymptoma-
lit des maladies du sous-développement, notamment de la tuber- tiques du virus pendant plusieurs jours a facilité la diffusion du
culose et des maladies liées au péril fécal. virus en Afrique de l’Ouest. La méconnaissance de la maladie, la

EMC - Maladies infectieuses 3


8-001-E-10  Grandes endémies : spécificités africaines

faiblesse des systèmes de santé, avec en particulier la quasi-absence En Afrique centrale, le taux de portage de l’antigène HBs, dont on
de protection des personnels soignants, les comportements habi- sait qu’il est corrélé étroitement avec le taux de cancers primitifs
tuels socioculturels (rites funéraires non sécurisés, regroupement du foie, variait de 26,6 % en zone soudano-sahélienne-tchadienne
des familles), ont permis l’explosion de l’épidémie [18, 25] . à 6,7 % en zone littorale gabonaise [37] .
Une GE peut représenter aussi un coût socioéconomique élevé,
lié certes aux stratégies de lutte et de prévention mises en place
 Endémies émergentes (coûts directs), mais aussi aux coûts indirects (production dimi-
nuée, agriculture affaiblie, tourisme en baisse). Le paludisme est
Le phénomène des émergences des maladies infectieuses, sur- responsable, en Afrique sub-saharienne, de 40 % des dépenses de
tout virales, s’est accéléré à partir de la deuxième partie du santé publique [34] . L’épidémie d’Ebola est un exemple typique où
XXe siècle [26] . Parmi les arboviroses, la dengue hémorragique est l’impact économique est très élevé, alors que le nombre de cas et
apparue dans le Sud-Est asiatique dès les années 1950. Le virus de décès est faible comparé à d’autres endémies comme le palu-
chikungunya, alphavirus transmis par des Aedes, isolé en 1952 en disme, l’infection à VIH ou les maladies diarrhéiques. La Banque
Tanzanie, avait son aire de distribution étendue à l’Afrique sub- mondiale a estimé que l’impact cumulé sur les finances publiques
saharienne et à l’Asie du Sud-Est ; l’endémie a émergé brutalement des trois pays les plus touchés (Sierra Leone, Guinée Conakry et
en 2005 dans le sud-ouest de l’océan Indien, touchant sévèrement Liberia) s’est élevé à plus d’un demi-milliard de dollars en 2014,
l’île de la Réunion (près de 40 % de la population touchée), puis soit presque 5 % de leurs PIB cumulés [38] .
en 2006 Madagascar. Les Amériques sont touchées pour la pre-
mière fois en 2013, d’abord à Saint-Martin ; puis l’ensemble des
Caraïbes (Saint Barthélémy, la Martinique et la Guadeloupe), suivi  Grande endémie : quelle
par la Guyane, sont atteints par d’importantes épidémies en 2014.
La région Pacifique avait aussi été atteinte avec les premiers cas définition ?
autochtones décrits en Nouvelle-Calédonie en 2011 ; des épidé-
mies surviennent en Papouasie Nouvelle-Guinée en 2012, puis Lapeyssonnie définissait en 1979 les GE africaines comme des
dans d’autres îles de la région Pacifique (État de Yap, Tonga, Samoa « maladies sociales qui règnent sous les tropiques et contre les-
et Tokelau) [27] . L’Europe n’est pas épargnée ; le chikungunya a fait quelles des services spéciaux de lutte ont été créés » [8] . Les notions
une première incursion en Italie en 2007. En 2014, en France de sous-développement et de gravité en santé publique sont expri-
métropolitaine, quatre cas autochtones de dengue ont été détectés mées dans le concept de maladies « sociales ». Le concept de GE
en région Provence–Alpes–Côte d’Azur et 11 cas autochtones de est né en Afrique [4] et la connaissance de l’historique de la lutte
chikungunya confirmés dans l’agglomération de Montpellier [28] . contre les endémies africaines explique l’importance de la notion
Le virus Zika, flavivirus transmis par des Aedes, était présent lui de capacité de lutte associée dans cette définition [1, 39] . Au début
aussi en Afrique et en Asie ; en 2007, il apparaît d’abord dans l’île du XXe siècle, seules la variole et la THA étaient considérées comme
de Yap, puis est responsable d’une épidémie en Polynésie française GE, car on pouvait lutter par la vaccination contre la première, et
en 2013 à 2014, avant de disséminer dans d’autres îles du Paci- on disposait, avec la Lomidine® , d’un médicament efficace contre
fique dont la Nouvelle-Calédonie [29] . Cette diffusion mondiale la seconde. En 1917, Jamot, médecin militaire français, invente
des arboviroses est liée à la diffusion du moustique tigre Aedes la stratégie de médecine mobile pour lutter contre la maladie du
albopictus. sommeil (THA) qui décimait alors les populations ; cette stratégie
La pandémie du VIH, et les infections par les virus de l’hépatite B allait être appliquée progressivement à d’autres endémies. Pro-
et de l’hépatite C, ne cessent de se développer dans le monde, gressivement, la liste des GE s’est allongée avec la découverte de
avec en Afrique sub-saharienne des co-infections fréquentes [30] . nouveaux moyens de lutte. En 1929 paraît le premier numéro de
En 2000, la fièvre de la vallée du Rift, qui n’avait touché que la revue « Les grandes endémies tropicales » éditée par le service
l’Afrique, a infecté l’Arabie Saoudite et le Yémen. Un corona- de santé des colonies. En 1957 est créé dans les États d’Afrique
rovirus émergeant fin 2002 en Chine méridionale, responsable francophone un « service commun de lutte contre les GE » qui
du « syndrome respiratoire aigu sévère », a entraîné la première cohabitait avec les « services nationaux des GE ».
pandémie du XXIe siècle [26] . Le Middle East respiratory syndrome Nous proposons une définition actualisée des GE qui s’applique
coronarovirus a émergé en 2012 essentiellement dans la péninsule à toutes les situations, quel que soit le niveau de développement
arabique [31] . La maladie à virus Ebola a été décrite pour la première des populations et pays : « Une GE est une affection transmis-
fois au Soudan en 1976, puis a diffusé dans des pays d’Afrique Cen- sible, enracinée par son réservoir d’APP dans un écosystème
trale ; en 2014, elle a « émergé » en Afrique de l’Ouest [5] . Parmi particulier ; des facteurs géoclimatiques et environnementaux, le
les infections bactériennes, l’ulcère de Buruli a été déclaré mala- sous-développement, des comportements humains liés en partie
die émergente par l’OMS en 1998 [32] . À titre anecdotique, on aux facteurs socioculturels interviennent dans cet enracinement,
peut citer la réémergence en 2011 de la bilharziose urogénitale à des degrés variables selon l’endémie. De par ses conséquence en
en Corse [33] . santé humaine, de par son coût pour la société, c’est un problème
de santé publique ».
Il existe d’autres grands problèmes de santé publique qui ne
 Grande endémie : un problème sont pas sous la dépendance d’agents transmissibles. Au cours
des dernières décennies, presque tous les pays du monde ont
de santé publique vécu un transfert de grande ampleur de la mortalité des mala-
dies infectieuses vers les maladies non transmissibles (MNT) et les
Pour être qualifiée de « grande », une endémie doit être un pro- traumatismes, et cela même dans la plupart des pays africains.
blème de santé publique, c’est-à-dire avoir un impact important Les MNT sont les premières causes de décès dans le monde (68 %
actuel ou potentiel, en termes de mortalité, de morbidité et/ou des décès en 2012) ; près des trois-quarts des décès dus aux MNT
d’invalidité. Ainsi, le paludisme reste la première GE parasitaire (28 millions en 2012) sont survenus dans des pays à revenus faible
mondiale. Chaque année, en Afrique sub-saharienne, il se pro- ou intermédiaire [40] .
duit au moins 300 millions de cas aigus, dont la moitié touche
des enfants de moins de 5 ans, avec près de 350 000 décès [34] . Le
choléra s’étend dans toute l’Afrique et l’on assiste à une flambée
d’épidémies de fièvre jaune avec le relâchement de la vaccina-
 Lutte contre les grandes
tion [17, 35] . Plus de deux millions de cas de tuberculose étaient endémies
notifiés à l’OMS en 2014, ce qui représentait 23 % des cas mon-
diaux notifiés [24] . En 2013, selon le rapport ONU-SIDA 2014, La mise en œuvre de la lutte contre une GE présuppose une
environ 35 millions de sujets étaient porteurs du VIH dans le volonté politique, une vulnérabilité de l’endémie, la possibilité
monde dont 24,5 millions pour l’Afrique sub-saharienne ; on a d’une intervention effective et la démonstration faite de la faisa-
observé 1,5 millions de décès et 2,1 millions de nouveaux cas [36] . bilité de cette lutte. La volonté des États de lutter contre les GE

4 EMC - Maladies infectieuses


Grandes endémies : spécificités africaines  8-001-E-10

s’exprime régulièrement dans le cadre de l’Assemblée mondiale moustiquaires imprégnées d’insecticide rémanent. Pour la tuber-
de la Santé (OMS), au Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique [41] culose, on ne dispose pas encore d’outils diagnostiques simples,
et lors des assemblées de chefs d’États et de gouvernements. Il s’en applicables dans tous les centres de santé. L’exemple de l’épidémie
est suivi le lancement par l’OMS de grands projets internationaux à virus Ebola en Afrique de l’Ouest a montré l’impréparation des
comme le Programme africain de lutte contre l’onchocercose, Roll services de santé à la prise en charge des cas avec les conséquences
Back Malaria, la stratégie Halte à la tuberculose, et par l’Union sur la transmission interhumaine et la diffusion [18, 25] .
africaine de la Pan African Tsetse and Trypanosomiasis Eradication Pour ce qui concerne les objectifs de la lutte contre les endémies,
Campaign. Ces politiques ont eu pour effet, au-delà des frontières, l’OMS a défini trois niveaux différents selon la vulnérabilité des
d’harmoniser et de fédérer les actions de lutte. Cette volonté poli- maladies : la maîtrise, l’élimination et l’éradication.
tique de poursuivre sur ces améliorations s’est exprimée entre La maîtrise vise à réduire la morbidité et la mortalité d’une
autres par la Déclaration de Ouagadougou de 2008 sur les soins maladie à un niveau acceptable ; l’endémie persistante, il est indis-
de santé primaires et les systèmes de santé [42] , par l’engagement pensable de poursuivre les actions de lutte pour maintenir ou
de Luanda de 2014 sur la couverture sanitaire universelle en renforcer la réduction obtenue. Entrent dans ce cadre le palu-
Afrique [43] . disme, les schistosomoses, les tréponématoses endémiques, la
La vulnérabilité de l’endémie est d’autant plus importante qu’il tuberculose, le choléra, la méningite à méningocoques, la fièvre
est possible d’interrompre son cycle épidémiologique en luttant jaune, les infections à VIH et l’hépatite B.
contre des cibles bien identifiées. Dans le cas de la THA, c’est la L’élimination vise à réduire la morbidité et la mortalité à un
lutte contre la glossine, seul vecteur de l’endémie. Pour la dra- niveau tel que l’endémie ne soit plus considérée comme un
cunculose, la cible est le cyclops : une simple filtration de l’eau problème de santé publique en termes de morbidité, de morta-
suffit à s’en protéger ; mais c’est la construction de puits autour lité ou d’invalidité, mais comme un problème potentiel en cas
des villages, ou l’approvisionnement continu en eau qui, en modi- d’inefficacité ou d’arrêt de la lutte. C’est le cas :
fiant les comportements des populations, a permis l’élimination • de la lèpre : moins d’un cas par an pour 10 000 habitants ;
de cette endémie. La vulnérabilité de la poliomyélite, de la rou- • de la THA : moins d’un cas par an pour 10 000 habitants exposés
geole, de la diphtérie, de la coqueluche, du tétanos, de la fièvre au risque de THA ;
jaune est démontrée par l’efficacité de la vaccination réalisée • de l’onchocercose : aucune simulie infectée sur 10 000 étudiées
dans le cadre du PEV. L’utilisation du vaccin conjugué contre la dans une zone endémique ; absence de microfilaires, de nodules
méningite à méningocoque A (MenAfriVac) permet de lutter plus et de signes sérologiques d’infection chez les moins de 5 ans et
efficacement contre les épidémies de la ceinture sahélienne ; près les nouveaux arrivants.
de 160 millions de personnes ont déjà été vaccinées dans 12 pays Plusieurs autres endémies entrent dans ce cadre : la rougeole, la
de cette ceinture depuis 2010 [41] . rubéole, la coqueluche, le tétanos néonatal, la filariose lympha-
Ces moyens de lutte (vaccins, antibiotiques, antiparasitaires, tique.
insecticides, etc.) ont été très rapidement disponibles et des résul- L’éradication est l’objectif ultime : c’est la disparition complète
tats spectaculaires obtenus. Mais il s’est avéré également que et définitive d’une maladie (incidence annuelle mondiale égale à
l’utilisation intensive de ces armes pouvait avoir comme grave zéro), c’est-à-dire de son réservoir d’APP. Seule la variole a été éradi-
conséquence l’apparition de résistances qui grevaient leur effica- quée à ce jour, mais l’OMS a engagé un programme d’éradication
cité : dans la lutte contre le paludisme, les anophèles ont appris de deux autres endémies, la dracunculose et la poliomyélite [45] .
à survivre aux premiers insecticides et les parasites sont devenus En 2013, il ne restait que quatre pays endémiques pour la dra-
résistants à de nombreux antipaludiques. La quinine et les asso- cunculose (Éthiopie, Mali, Soudan du Sud et Tchad), contre 20
ciations médicamenteuses intégrant les dérivés de l’artémisinine dans les années 1980. Pour la poliomyélite, les résultats sont
(artemisinin-based combination therapy) restent cependant réguliè- encore plus spectaculaires : en 1988, 250 000 cas par an étaient
rement efficaces [44] . notifiés. Ils n’étaient plus que 416 en 2013, soit une diminution
Pour qu’une intervention soit possible, il faut réunir des moyens de 99 %.
financiers et humains pour une action dans la durée. Depuis Actuellement on ne peut envisager l’éradication de maladies
quelques années de grandes institutions (Fonds monétaire inter- dont le réservoir de virus est strictement animal. La fièvre jaune
national, USAID, Fondation Bill et Melinda Gates, etc.) ont est l’exemple d’une endémie où le relâchement dans la stratégie
mobilisé des sommes considérables pour lutter contre trois endé- de vaccination permet la réémergence des épidémies ; un vaccin
mies, le VIH/sida, la tuberculose et le paludisme ; à ce titre, par très efficace (une seule injection protège toute la vie) est dispo-
exemple, le Fonds mondial investit près de quatre milliards de nible, mais même si la population mondiale était vaccinée, le
dollars US par an [2] . Cette mobilisation commence à porter ses virus continuerait à circuler dans son écosystème forestier entre les
fruits, au moins pour le paludisme et le VIH/sida ; de 2000 à 2012, primates singes et les moustiques Aedes. Dans l’éventualité de la
la mortalité liée au paludisme chez les moins de 5 ans a chuté de mise au point d’un vaccin efficace contre le virus Ebola, l’endémie
48 % [34] . Cependant, la centralisation de la recherche et des cher- ne pourra non plus être éradiquée, le virus continuant à circu-
cheurs sur ces seules pathologies s’est faite au détriment d’autres ler en zone forestière au sein de son réservoir animal naturel, les
endémies, désormais appelées officiellement maladies tropicales chauves-souris.
négligées (MTN) ; l’OMS en dénombre 17 qui touchent plus d’un
milliard de personnes dans le monde (lèpre, tæniasis/cysticercose,
leishmaniose, trachome, dracunculose, trématodoses d’origine
alimentaire, schistosomiase, pian, trypanosomiase humaine afri-  Conclusion
caine, maladie de Chagas, ulcère de Buruli, filariose lymphatique,
échinococcose, dengue et dengue sévère, rage.) La région africaine paye toujours un lourd tribut aux mala-
En conséquence, de grands laboratoires pharmaceutiques dies transmissibles ; la pauvreté persistante et la faiblesse des
apportent leur soutien aux programmes sous forme de fourniture systèmes de santé dans quelques pays africains aggravent cette
gratuite des médicaments nécessaires à la lutte contre ces MTN, situation. Cependant, depuis les années 2010, des progrès consi-
l’ivermectine pour l’onchocercose mais aussi la lutte contre les dérables ont été accomplis avec une régression significative du
filarioses lymphatiques, la pentamidine et la nifurtimox eflorni- paludisme, un meilleur contrôle de l’endémie VIH, une augmen-
thine combination therapy pour la THA, le praziquantel à travers la tation importante des taux de vaccination faisant par exemple
schistosomiasis control initiative par exemple. Les stratégies de lutte baisser significativement la mortalité par rougeole, une élimina-
intégrées sont préférées aujourd’hui aux stratégies verticales avec tion de maladies comme la lèpre, la dracunculose, les maladies
des équipes mobiles. Cela implique pour les personnels de santé bénéficiant du PEV. Faire régresser les GE actuelles à un niveau
aux postes les plus périphériques une formation aux techniques suffisamment bas pour qu’elles ne représentent plus un pro-
de diagnostic et de lutte pour chaque endémie. Cela n’est pas tou- blème de santé publique, c’est-à-dire les éliminer, poursuivre dans
jours réalisé et pose parfois des problèmes : ainsi, le diagnostic l’éradication de la poliomyélite, de la dracunculose, et même de
du paludisme est encore trop souvent présomptif, ce qui compro- la rougeole, devraient être les objectifs principaux des deux pro-
met par exemple l’analyse statistique des résultats de la lutte par chaines décennies du XXIe siècle.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-001-E-10  Grandes endémies : spécificités africaines

Les pays développés ont connu le recul des maladies infectieuses [11] Parola P, Paddock CD, Socolovschi C, Labruna MB, Mediannikov O,
grâce à l’amélioration de l’hygiène individuelle et collective, et Kernif T, et al. Update on tick-borne rickettsioses around the world: a
au développement économique. Leurs infrastructures sanitaires geographic approach. Clin Microbiol Rev 2013;26:657–702.
hypermédicalisées, associées à un système de surveillance des [12] Klasco R. Colorado tick fever. Med Clin North Am 2002;86:435–40.
maladies efficace et à un contrôle vétérinaire systématique de leurs [13] Socolovschi C, Reynaud P, Kernif T, Raoult D, Parola P. Rickettsiae of
populations animales, ont permis de maintenir à des niveaux très spotted fever group, Borrelia valaisiana, and Coxiella burnetii in ticks
bas les endémies préexistantes, et de circonscrire rapidement les on passerine birds and mammals from the Camargue in the south of
France. Ticks Tick Borne Dis 2012;3:355–60.
foyers épidémiques dès leur apparition.
[14] Delord M, Socolovschi C, Parola P. Rickettsioses and Q fever in tra-
Partout, l’homme joue un rôle de plus en plus important velers (2004-2013). Travel Med Infect Dis 2014;5:443–58.
dans l’émergence, le développement et la diffusion de mala- [15] Tissot-Dupont H, Torres S, Nezri M, Raoult D. Hyperendemic focus
dies infectieuses. La croissance démographique exponentielle of Q fever related sheep and wind. Am J Epidemiol 1999;150:67–74.
a imposé, ces 30 dernières années, une exploitation accélérée [16] Parola P. Fièvre boutonneuse méditerranéenne : nouveaux aspects et
des ressources de la planète (développement d’une agriculture nouvelles questions. Med Mal Infect 2008;38(Suppl. 2):S39–40.
intensive, déforestations massives). L’homme a modifié sans y [17] Organisation mondiale de la santé. Choléra. www.who.int/topics/
prendre garde beaucoup d’écosystèmes, facilitant l’émergence cholera/about/fr/.
d’endémies, essentiellement des zoonoses normalement canton- [18] Chowell G, Nishiura H. Transmission dynamics and control of Ebola
nées à un espace géographique limité [46] . L’augmentation du trafic virus disease (EVD): a review. BMC Med 2014;12:196.
aérien international, l’importance des échanges commerciaux et [19] Organisation mondiale de la santé. Ulcère de Buruli (Infection à
les déplacements de populations sont des éléments expliquant la Mycobacterium ulcerans). Aide mémoire OMS (n◦ 194), juillet 2014.
diffusion des agents pathogènes. Ainsi, la mondialisation est un www.who.int/mediacentre/factsheets/fs199/fr/.
[20] Organisation mondiale de la santé. Virus Ebola : l’heure de la
facteur favorisant les émergences infectieuses.
remise en perspective. www.who.int/entitly/bulletin/volumes/88/7/10-
Un nouvel acteur est apparu ces dernières décennies, le réchauf-
030710/fr/.
fement climatique qui est susceptible de modifier les écosystèmes [21] Dowell SF, Mukunu R, Ksiazek TG, Khan AS, Rollin PE, Peters CJ.
et en conséquence les aspects épidémiologiques de certaines Transmission of Ebola hemorrhagic fever: a study of risk factors in
endémies, et de favoriser l’émergence d’autres endémies ; il est family members, Kikwit, Democratic Republic of the Congo, 1995.
nécessaire d’étudier son impact sur la santé humaine. Commission de Lutte contre les Épidémies à Kikwit. J Infect Dis
1999;179(Suppl. 1):S87–91.
[22] Spach DH, Kanter AS, Dougherty MJ, Larson AM, Coyle MB, Brenner

“ Points essentiels DJ, et al. Bartonella (Rochalimaea) quintana bacteremia in inner-city


patients with chronic alcoholism. N Engl J Med 1995;332:424–8.
[23] Boutellis A, Abi-Rached L, Raoult D. The origin and distribution of
human lice in the world. Infect Genet Evol 2014;23:209–17.
• Les endémies sont enracinées par leur réservoir d’agents [24] World Health Organization. Global tuberculosis report 2014 – WHO
potentiellement pathogènes (virus, bactéries, parasites, Library Cataloguing-in-Publication Data. 1. Tuberculosis – epi-
champignons, agents transmissibles non conventionnels) demiology. 2. Tuberculosis, Pulmonary – prevention and control.
3. Tuberculosis – economics. 4. Tuberculosis, Multidrug-Resistant.
dans des écosystèmes particuliers.
5. Annual Reports 2014. 118p. www.who.int/tb/publications/global
• L’enracinement des endémies est le plus souvent mul-
report/en/. Document pdf : http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/
tifactoriel : facteurs géoclimatiques et environnementaux, 137094/1/9789241564809 eng.pdf?ua=1.
sous-développement, comportements humains. [25] Donovan GK. Ebola, epidemics, and ethics. What we have learned.
• Les grandes endémies sont des problèmes de santé Philos Ethics Humanit Med 2014;9:15.
publique. [26] Chastel C. Virus et émergence virale dans un contexte de mondialisa-
• Les objectifs de la lutte contre les grandes endémies sont tion : le grand défi. Med Trop 2007;67:213–4.
[27] Cao-Lormeau VM, Musso D. Emerging arbovirus in the Pacific. Lancet
le contrôle, l’élimination, l’éradication. 2014;384:1571–2.
[28] Septfons A, Noël H, Leparc-Goffart I, Giron S, Delisle E, Chappert
JL, et al. Surveillance du chikungunya et de la dengue en France
métropolitaine, 2014. Bull Epidemiol Hebd 2015;(n◦ 13–14):204–11,
www.invs.sante.fr/beh/2015/13-14/2015 13-14 1.html.
[29] Musso D, Nilles EJ, Cao-Lormeau VM. Rapid spred of emerging Zika
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en virus in the Pacifique area. Clin Microbiol Infect 2014;20:O595–6.
relation avec cet article. [30] Barth RE, Huijgen Q, Taljaard J, Hoepelman AI. Hepatitis B/C and
HIV in sub-Saharan Africa: an association between highly prevalent
infectious diseases. A systematic review and meta-analysis. Int J Infect
 Références Dis 2010;14:e1024–31.
[31] Sanna A, Aït-Belghiti F, Loos S, Campeses C, Fougère E, Gauthier
V, et al. Middle East Respiratory Syndrome coronarovirus (MERS
[1] Richet P. La lutte contre les grandes endémies tropicales en Afrique
CoV) : point épidémiologique international et national deux ans après
noire francophone. Afr Contemp 1980;112:1–8.
l’identification de cet agent pathogène émergent. Bull Epidemiol Hebd
[2] The global fund. Annual financial report, 2014, 56p. www.theglobal
2015;(n◦ 1–2):7–12.
fund.org/fr/.
[32] Janssens P, Pattyn S, Meyers W, Portaels F. Buruli ulcer: a historical
[3] Organisation mondiale de la santé. Statistiques sanitaires mondiales. overview with updating to 2005. Bull Seanc Acad R Sci Outre-Mer
WHO/HIS/HIS/14, 2014. 2005;51:265–99.
[4] Baudon D, Boutin JP, Louis FJ, Drevet D. Les grandes endémies afri- [33] Berry A, Moné H, Iriart X, Mouahid G, Aboo O, Boissier J, et al.
caines à l’aube de l’an 2000. Med Trop 1999;59(Suppl. 2):5–13. Schistosomiasis haematobium, Corsica, France. Emerg Infect Dis
[5] Berche P. La fièvre à virus Ebola. Feuill Biol 2015;324:5–12. 2014;20:1595–7.
[6] Debré P, Gonzales JP. Vie et mort des épidémies. Paris: Odile Jacob; [34] World Health Organization – World Malaria Report 2013. Geneva:
2013, 288p. WHO; 2014. www.who.int/malaria/publications/world malaria
[7] Lapeyssonnie L. Des épidémies. Lyon: Fondation Marcel Mérieux; report 2013/.
1979, 160p. [35] Jentes ES, Poumerol G, Gershman MD, Hill DR, Lemarchand J,
[8] Lapeyssonnie L. Le service de santé dans ses tâches de santé publique Lewis RF, et al. The revised global yellow fever risk map and recom-
en Afrique francophone. Rev Histor Armee 1972;1:27–45. mendations for vaccination, 2010: consensus of the Informal WHO
[9] Renvoisé A, Raoult D. L’actualité des rickettsioses. Med Mal Infect Working Group on Geographic Risk for Yellow Fever. Lancet Infect
2009;39:71–81. Dis 2011;11:622–32.
[10] Lebech A-M. Polymerase chain reaction in diagnosis of Borrelia burg- [36] ONU-SIDA, fiche d’information 2014. Statistiques mondiales et
dorferi infections and studies on taxonomic classification. APMIS régionales. www.unaids.org/sites/default/files/media asset/20140716
Suppl 2002;105:1–40. FactSheet fr 0.pdf.

6 EMC - Maladies infectieuses


Grandes endémies : spécificités africaines  8-001-E-10

[37] Bessimbaye N, Moussa AM, Mbanga D, Tidjani A, Mahamat SO, Nga- Pour en savoir plus
wara MN, et al. Séroprévalence de l’AgHBs et de l’anticorps antiVHC
chez les personnes infectées par le VIH1 à N’Djamena, Tchad. Bull Animaux réservoirs de pathogènes par l’homme. Rev Francoph Lab
Soc Pathol Exot 2014;107:327–31. 2015;(n◦ 472):98p.
[38] World Bank Group. The Economic Impact of Ebola on Sub-Saharan Ratmanov P, Mediannikov O, Raoult D. Vectorborne diseases in West Africa:
Africa: Updated Estimates for 2015. Washington, DC: World Bank; geographic distribution and geospatial characteristics. Trans R Soc
2015 [https://openknowledge.worldbank.org/handle/10986/21303. Trop Med Hyg 2013;107:273–84.
License: CC BY 3.0 IGO]. Dengue et chikungunya en France métropolitaine, une surveillance néces-
[39] Traoré S, Ricossé JH. La lutte contre les grandes endémies en Afrique saire. Bull Epidemiol Hebd 2015;(n◦ 13-14):201–25.
occidentale francophone. Ann Soc Belg Med Trop 1971;51:523–39. OMS, ONU-SIDA, UNICEF. Le VIH/sida en Afrique sub-saharienne :
[40] Organisation mondiale de la santé. Rapport sur la situation mondiale le point sur l’épidémie et les progrès du secteur de la santé
des maladies non transmissibles, 2014 - WHO/NMH/NVI/15.1. vers l’accès universel, Rapport de situation 2011. Publication
http://apps.who.int/iris/bitstream/10665/149294/1/WHO NMH NVI 2012.
15.1 fre.pdf. www.who.int/hiv/pub/progress report2011/africa/fr/.
[41] Gomes Sambo L. Une décennie d’actions de l’OMS dans la région http://whqlibdoc.who.int/hq/2012/WHO HIV 2012.5 fre.pdf?ua=1.
africaine. Œuvrer ensemble pour atteindre les objectifs en matière de Organisation mondiale de la santé. Alerte et action au niveau mondial (GAR).
santé. Bureau régional de l’OMS pour l’Afrique; 2014, 106p. Fièvre jaune : www.who.int/csr/don/archive/disease/yellow fever/fr/.
[42] Adoption de la déclaration de Ouagadougou sur les soins de santé pri- Rougeron V, Sam I-C, Caron M, Nkoghe D, Leroy E, Roques P. Chikungunya,
maires et les systèmes de santé en Afrique : améliorer la santé au cours a paradigm of neglected tropical disease that emerged to be a new health
du nouveau millénaire. http://afrolib.afro.who.int/RC/RC58/fr/AFR- global risk. J Clin Virol 2015;64:144–52.
RC58-11.pdf. Balasegaram M, Bréchot C, Farrar J, Heymann D, Ganguly N, Khor
[43] Première réunion des ministres africains de la Santé organisée conjoin- M, et al. A Global Biomedical R&D Fund and Mechanism for
tement par la CUA et l’OMS Luanda (Angola), 16-17 avril 2014. Innovations of Public Health Importance. PLoS Med 2015;12:
Volume 1, chapitre 2. Les engagements, p. 13–26. e1001831.
[44] World Health Organization. Guidelines for the Treatment of Malaria. International conference Climate change and health, and International
Geneva: WHO; 2010. workshop climate change, health and infectious diseases: towards
[45] Saliou P. L’éradication des maladies infectieuses par la vaccination. an ecosystem approach. Conférence internationale organisée par
Med Trop 2007;67:321–7. le GIS Climat-Environnement-Société, Paris, 2 et 3 octobre 2014.
[46] Moutou F. Rôle des animaux vertébrés dans l’épidémiologie des zoo- www.gisclimat.fr/bilan-de-la-conference-internationale-changement-
noses. Rev Francoph Lab 2015;(n◦ 472):25–33. climatique-et-sante.

D. Baudon, Professeur du Val-de-Grâce, Directeur général de l’Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie (dbaudon@pasteur.nc).


Institut Pasteur de Nouvelle-Calédonie - Réseau International des Instituts Pasteur, BP 61, 98845 Nouméa cedex, Nouvelle-Calédonie.
N. Barnaud, Médecin en chef du Service de santé des armées.
Centre d’épidémiologie et de santé publique des armées, BP 40026, 13568 Marseille cedex 02, France.
F.J. Louis, Docteur.
Association Ceux du Pharo, Résidence Plein-sud 1/B3, 13380 Plan-de-Cuques Marseille, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Baudon D, Barnaud N, Louis FJ. Grandes endémies : spécificités africaines. EMC - Maladies infectieuses
2016;13(2):1-7 [Article 8-001-E-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 7


 8-001-F-10

Infections nosocomiales
D. Talon, D. Hocquet, X. Bertrand

Une infection nosocomiale est une infection acquise dans un hôpital. Elles concernent 5 à 8 % des patients
hospitalisés en court séjour dans les hôpitaux français et européens. Les infections nosocomiales sont très
majoritairement d’étiologie bactérienne. Elles sont d’origine endogène ou exogène, imputables ou non
à la prise en charge. Leur fréquence de survenue varie considérablement en fonction des patients, des
procédures de soin, des dispositifs invasifs et du type de service. Leur survenue est favorisée par les soins
invasifs, l’immunodépression et les comorbidités des patients, et la diffusion de bactéries multirésistantes
aux antibiotiques. S’il existe un taux incompressible d’infection nosocomiale, une partie d’entre elles sont
évitables par la mise en place de mesures de prévention. La formation des personnels, la surveillance
des infections nosocomiales et la connaissance des facteurs de risque sont des prérequis à toute poli-
tique de prévention efficace. Cette prévention repose principalement sur l’application stricte des règles
d’hygiène hospitalières et une prescription raisonnée des antibiotiques. Le développement de techniques
et de matériel réduisant le risque infectieux est également utile. Compte tenu de l’impact des infections
nosocomiales en termes de morbidité, de mortalité, de coût et d’image pour la structure de soin, la lutte
contre les infections nosocomiales représente une priorité de santé publique.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Infections nosocomiales ; Antibiotiques ; Prévalence des infections nosocomiales ;


Bactéries multirésistantes

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Définition de l’infection nosocomiale (IN)
Définition de l’infection nosocomiale (IN) 1
Quelques généralités sur les infections nosocomiales 2 L’IN est une infection acquise dans un établissement de santé [1] .
Pour être considérée comme acquise dans l’établissement, elle ne
■ Problématique des infections nosocomiales 2
doit être ni présente, ni en incubation à l’admission du patient
Imputabilité 2
dans l’établissement [2] . Malheureusement, la durée d’incubation
Évitabilité 2
des infections reste mal connue. En effet, en dehors de quelques
■ Surveillance et données épidémiologiques 2 infections virales pour lesquelles elle est bien identifiée et cons-
Enquête de prévalence 3 tante d’un patient à l’autre, cette durée est très variable pour
Enquêtes d’incidence 3 la plupart des infections liées à des bactéries ou à des champi-
Dispositif de signalement 3 gnons, et une même bactérie pourra déclencher une infection en
■ Organisation de la lutte contre les infections nosocomiales moins de 48 heures ou en plus de trois semaines pour un patient
au sein des établissements de santé 3 donné. Un délai arbitraire de 48 heures entre l’admission et la sur-
■ Infections nosocomiales en fonction du site 3 venue des symptômes infectieux est habituellement retenu. Ce
délai est porté à 30 jours pour les infections du site opératoire
■ Infections sur actes invasifs 3 et à un an après implantation de matériel étranger [3] . Toute-
Infections du site opératoire 3 fois, cette définition ne permet pas toujours d’établir l’origine
Infection urinaire sur sonde 4 nosocomiale de l’infection. Cette définition avait d’ailleurs été
Biofilm et infections nosocomiales 4 proposée initialement à seule fin de surveillance : l’utilisation
■ Infections associées à l’environnement des soins 4 dans tous les établissements de santé d’une seule et même défi-
■ Infections nosocomiales et bactéries multirésistantes (BMR) 5 nition permettant de mesurer la fréquence de survenue de ces
Définition de la multirésistance bactérienne 5 événements indésirables et de comparer les résultats observés
Épidémiologie des bactéries multirésistantes 5 au sein des différentes catégories d’établissements ou des diffé-

rentes spécialités. L’utilisation de cette définition à la fois par les
Coût des infections nosocomiales 6
médias pour informer et effectuer un classement des établisse-
■ Infections nosocomiales et responsabilités juridiques 7 ments et par les juges pour attribuer ou non une indemnisation,
■ Conclusion 7 est une utilisation dévoyée. Elle a sans doute plus brouillé le
message aux yeux du grand public qu’amélioré l’information

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 12 > n◦ 2 > mai 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(15)49463-3
8-001-F-10  Infections nosocomiales

de l’usager en termes de qualité et de sécurité des soins et de mais bien à sa pathologie préexistante (insuffisance respiratoire)
responsabilité des professionnels de santé par rapport au risque et au simple fait qu’il soit resté alité (encombrement pulmonaire).
infectieux. Cette infection est une IN non imputable à la prise en charge.
En 2007, le Haut Conseil de la santé publique a introduit le Évidemment, à travers cet exemple, il n’est pas question de
concept d’infection associée aux soins (IAS) qui englobe « tout nier l’existence d’infections imputables à la prise en charge des
événement infectieux en rapport avec un processus, une struc- patients mais de montrer que l’IN n’est pas systématiquement
ture, une démarche de soins ». Ce concept très large englobe tout synonyme de non-qualité des soins. Admettre cette idée et ana-
épisode infectieux en rapport plus ou moins proche avec un pro- lyser les circonstances de survenue des IN pour identifier celles
cessus, une structure ou une démarche de soins. Une infection qui sont imputables apparaît comme un prérequis pour amélio-
contractée en Établissement d’hébergement pour personnes âgées rer la qualité et la sécurité des patients pris en charge dans les
dépendantes (EHPAD) ou dans un cabinet médical libéral est donc établissements de santé. Analyser les circonstances, c’est aussi se
une IAS au même titre qu’une IN. poser la question de l’évitabilité des IN. Au final, il faut retenir que
l’infection est nosocomiale si elle est acquise à l’hôpital avec ou
sans imputabilité aux soins et que le nouveau concept d’IAS cor-
Quelques généralités sur les infections respond aux seules infections imputables aux soins, que ces soins
nosocomiales aient été prodigués à l’hôpital, au domicile du patient ou dans un
cabinet de ville ou un établissement médicosocial.
La fréquence de survenue d’une IN varie considérablement
en fonction des patients [4] , des procédures de soin [5] , des dis-
positifs invasifs [2] et du type de service [2] . S’il existe un taux Évitabilité
incompressible d’IN, une partie d’entre elles est évitable par la
mise en place de règles de prévention [6] . En dépit des progrès Imputabilité rime-t-elle avec évitabilité ? Là encore un exemple
réalisés dans les établissements de soins, la lutte contre les IN vaut mieux qu’un long discours.
demeure une priorité de santé publique tant les conséquences Un patient est hospitalisé en urgence. Son état nécessite la pose
en termes de morbidité [7] , de mortalité [8] et de coût écono- immédiate d’une sonde urinaire. La pose de la sonde doit se faire
mique [9] sont importantes. Au niveau national, depuis 2006, selon un protocole précis assurant l’asepsie du geste. Si cette asep-
les plans de maîtrise des IN se succèdent proposant à la fois sie n’est pas assurée, ce patient va développer dans les 48 heures
une organisation, des moyens et des actions prioritaires adap- une infection urinaire sur sonde : il s’agit d’une infection impu-
tés à la situation épidémiologique et prenant en compte au table aux soins (pose de la sonde) et probablement évitable (par
fur et à mesure les progrès réalisés. De nombreux éléments de une asepsie rigoureuse). Mais après la pose de la sonde, la colo-
la politique de maîtrise du risque infectieux de l’établissement nisation bactérienne du méat urinaire va reprendre ses droits et
sont pris en compte dans la démarche systématique de cer- progressivement les bactéries vont coloniser la sonde en remon-
tification des établissements de santé et d’accréditation des tant le long de celle-ci, ceci n’étant, aujourd’hui, pas évitable par
médecins qui y exercent. De plus, le niveau d’engagement de des soins particuliers. Au final si l’état du patient nécessite un
chaque établissement de santé dans une politique active de sondage de longue durée (plus de 10 j), alors ces bactéries qui
maîtrise du risque infectieux fait l’objet d’une information sys- remontent le long de la sonde vont atteindre la vessie et pro-
tématique des usagers à travers la publication annuelle de son voquer une infection urinaire. Cette infection est imputable aux
tableau de bord qui comporte des indicateurs d’organisation, de soins (liée à la présence d’une sonde) mais aujourd’hui dans l’état
moyens et de résultats (www.sante.gouv.fr/tableau-de-bord-des- actuel des techniques disponibles, elle est inévitable car liée à la
infections-nosocomiales-dans-les-etablissements-de-sante). durée du sondage nécessitée par l’état du patient.
L’exemple de ces infections précoces ou tardives sur sonde uri-
naire illustre la notion d’infection associée aux actes de soins
 Problématique des infections (IAAS). D’autres infections ne sont pas associées aux actes de soins
mais plutôt à l’environnement du soin : il s’agit des infections
nosocomiales associées à l’environnement des soins (IAES). Parmi celles-ci on
peut citer une grippe acquise à l’hôpital à partir d’un autre patient,
L’IN représente pour la plupart des usagers de l’hôpital une d’un visiteur ou d’un personnel grippé ou en incubation. Pour
entité « unique » : un événement indésirable de gravité variable l’ensemble de ces IAAS et IAES, si la notion d’imputabilité peut
qui reflète toujours un défaut de qualité du soin apporté au toujours être retenue, en revanche, l’évitabilité doit être discutée
patient. Cette image s’est notamment imposée aux yeux du public au cas par cas. En effet, s’il est facile de recommander l’exclusion
à travers le prisme médiatique. Les professionnels de l’hygiène d’un professionnel grippé, en revanche, ce professionnel repré-
hospitalière, à l’opposé, savent à quel point l’IN est diverse à sente un réservoir de contamination impossible à identifier durant
la fois dans son mode de survenue, dans ces causes immédiates la période d’incubation.
et dans ces causes profondes. Pour appréhender cette diver-
sité, deux notions sont importantes et méritent d’être définies :
l’imputabilité de l’infection à la prise en charge du patient et
l’évitabilité.  Surveillance et données
épidémiologiques
Imputabilité
La comparaison des taux d’IN observés dans divers pays est dif-
Il est indispensable aujourd’hui de se poser la question de ficile compte tenu des différences d’organisation hospitalière [4] et
l’imputabilité de l’infection à la prise en charge du patient et pour des variations dans la méthodologie des surveillances. Toutefois,
l’illustrer il est intéressant de prendre un exemple. les données recueillies montrent une situation concordante dans
Une personne âgée insuffisante respiratoire est hospitalisée la plupart des pays européens avec une prévalence des patients
suite à un problème articulaire (douleur vive au genou gauche, infectés variant entre 5 et 8,5 % et une répartition des différents
inflammation). Ce patient est admis dans le service de rhuma- types d’infection également comparable [2, 10–17] .
tologie de l’hôpital le plus proche. Diverses prises de sang sont En France, au cours de la dernière décennie, un dispositif de
réalisées afin d’établir un bilan biologique, et des examens radio- surveillance des IN a été développé et mis en œuvre par le Réseau
logiques sont prescrits. En attendant le rendez-vous dans le service d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections nosoco-
de radiologie, le patient reste alité de longues heures dans sa miales (RAISIN) qui associe l’Institut de veille sanitaire (InVS) et
chambre d’hôpital et trois jours après son admission, il présente les cinq Centres inter-régionaux de coordination de la lutte contre
une fièvre et est très encombré sur le plan pulmonaire. Le diagnos- les infections nosocomiales (CCLIN) [6] . Cette surveillance com-
tic est rapidement posé d’une infection pulmonaire nosocomiale. bine des outils de mesure de la prévalence et de l’incidence et un
Cette infection n’est pas imputable à la prise en charge du patient dispositif de signalement dédié à certaines IN [18] .

2 EMC - Maladies infectieuses


Infections nosocomiales  8-001-F-10

Enquête de prévalence ou encore à Enterobacter sakazakii chez des nouveau-nés ayant


consommé certaines préparations pour leur alimentation.
Tous les 5 à 6 ans (1996–2001–2006–2012), une enquête natio-
nale de prévalence des IN est proposée aux établissements de
santé volontaires. Cette enquête prend en compte l’ensemble des  Organisation de la lutte contre
infections quel que soit le site infectieux et permet d’établir un
taux d’infections parmi les patients présents le jour de l’enquête les infections nosocomiales
par type d’établissement et par type de service et de décrire suc-
cinctement les circonstances de survenue de ces infections par
au sein des établissements de santé
site (infections urinaires, respiratoires, bactériémies, infections du
Depuis maintenant de nombreuses années, les établissements
site opératoire, etc.) et selon certains facteurs de risque liés aux
de santé publics et privés ont été incités à mettre en place
patients (âge, sexe, score de gravité) ou encore selon les actes
une organisation en vue de la surveillance et de la maîtrise
réalisés (sondage urinaire, cathétérisme vasculaire, intervention
des IN [6] . L’organisation proposée repose sur l’existence dans
chirurgicale). Une enquête nationale de prévalence (2012) a été
chaque établissement d’une structure opérationnelle, équipe
réalisée selon le type de séjour, ainsi que la part relative et la
opérationnelle d’hygiène (EOH) composée selon la taille des éta-
prévalence des principaux sites infectieux [2] .
blissements de praticiens spécialistes de l’hygiène hospitalière et
Au cours de cette enquête, les trois micro-organismes les
d’infirmiers(ères) hygiénistes (un praticien pour 800 lits et une
plus fréquemment rencontrés étaient Escherichia coli (part rela-
infirmière pour 400 lits selon les recommandations institution-
tive 26,0 % et prévalence 1,1 %), Staphylococcus aureus (part
nelles), et d’un comité chargé de définir la politique et les objectifs
relative 15,9 % et prévalence 0,7 %), et Pseudomonas aeruginosa
annuels de la lutte contre les IN, le CLIN. Récemment, une évolu-
(part relative 8,4 % et prévalence 0,4 %). Les champignons (très
tion de l’organisation a été proposée avec la volonté de prendre en
principalement des levures) et les virus ne représentaient, res-
charge l’ensemble des risques associés aux soins par un coordina-
pectivement, que 3,7 et 0,4 % des micro-organismes responsables
teur de la gestion des risques associés aux soins et une implication
d’IN. Les données recueillies au cours d’une étude pilote à l’échelle
plus forte de la commission médicale d’établissement dans la ges-
européenne rapportent des résultats comparables [16] .
tion de ces risques. Malgré cette évolution et la disparition de
l’obligation pour les établissements de disposer d’un CLIN, la plu-
part des établissements ont maintenu un comité chargé de la lutte
Enquêtes d’incidence contre les IN. Complémentairement à ces structures EOH et CLIN,
les établissements se sont dotés de correspondants « hygiène »
Parallèlement, le RAISIN [18] et les CCLIN proposent aux établis-
infirmiers et médicaux dans chaque service, ceux-ci ayant pour
sements des méthodes standardisées de mesure de l’incidence de
vocation d’assurer le rôle de courroie de transmission entre l’EOH,
certaines infections sur des périodes définies de l’année, collectent
le CLIN et les professionnels exerçant sur le terrain. Les missions
l’ensemble des données et rétro-informent les établissements
des EOH au sein des établissements peuvent être regroupées sous
participants selon un mode comparatif, incitatif pour ces éta-
trois grandes rubriques : surveillance, formation/information et
blissements. Les thématiques sont variées : infections du site
prévention.
opératoire, bactériémies, accidents d’exposition au sang, bactéries
multirésistantes, consommation d’antibiotiques et IN en réanima-
tion [19] , pour ne citer que les principales. Basées sur le volontariat
des établissements de santé participants, ces thématiques sont  Infections nosocomiales
définies comme prioritaires par le Comité technique national des en fonction du site
infections nosocomiales (CTIN) et les plans et programmes natio-
naux. Les principales IN ont des caractéristiques de fréquence, de fac-
teurs de risque de survenue, de micro-organismes impliqués et de
mesures de prévention qu’il faut connaître.
Dispositif de signalement
Certaines IN répondant à des critères de gravité ou de rareté
doivent faire l’objet d’un signalement externe auprès des autorités
 Infections sur actes invasifs
sanitaires. Ce dispositif prévu en complément du système de sur-
veillance épidémiologique repose sur le dispositif de lutte contre Les infections sur actes invasifs sont a priori celles pour les-
les IN en place dans les établissements de santé, les cinq CCLIN et quelles l’imputabilité et l’évitabilité sont les plus probables.
l’ensemble de leurs antennes régionales (ARLIN). Les objectifs du L’enquête nationale de prévalence des principaux actes invasifs
signalement externe des IN sont : de 2012 ainsi que la prévalence des infections associées à ces actes
• d’alerter les autorités sanitaires (Agences régionales de santé ont été rapportées.
[ARS], l’InVS et les CCLIN) devant un certain nombre La prévalence des patients ayant bénéficié d’intervention chi-
d’événements « sentinelles », afin que l’ARS s’assure de la réali- rurgicale dans les 30 jours précédant l’enquête était de 21,3, la
sation d’investigations à la recherche de l’origine de l’infection prévalence des infections du site opératoire parmi les opérés était
et, le cas échéant, de la mise en œuvre des mesures correctives de 3,58 et le ratio de prévalence pour ces patients était de 1,76 [2] .
nécessaires ;
• d’apporter une aide, en cas de besoin, aux établissements pour Infections du site opératoire
l’investigation, l’évaluation du risque, la maîtrise des épisodes
infectieux et les modalités éventuelles d’information et de prise L’infection du site opératoire, dont la fréquence dépend du type
en charge des patients potentiellement exposés ; d’intervention chirurgicale (digestive versus orthopédique versus
• d’enregistrer, suivre et analyser l’évolution d’événements pou- autre), du mode de prise en charge (intervention urgente ou pro-
vant conduire l’InVS à alerter sur un risque infectieux grammée) et des caractéristiques du patient, survient dans un
concernant tous les établissements de santé et à proposer des délai variable après l’intervention, fréquemment après la sortie
mesures ou à suggérer la diffusion de recommandations natio- du patient de l’établissement [22] . L’infection du site opératoire est
nales, au ministère chargé de la Santé. considérée comme imputable à l’intervention si elle survient dans
Depuis sa mise en place, ce dispositif a permis l’identification le mois qui suit celle-ci en l’absence d’implantation de matériel
de divers événements indésirables et la diffusion de diverses étranger et dans l’année qui suit en cas d’implantation (prothèse
recommandations pour la prévention de ces risques d’ampleur de hanche, de genou, etc.), que le patient soit encore ou non
nationale : risque épidémique lié aux entérobactéries productrices hospitalisé. La recherche du caractère endogène ou exogène de
de carbapénémases [20] , séroconversion au virus de l’hépatite B en la bactérie responsable de l’infection est un élément important
centre de dialyse, infections à Clostridium difficile de type 027 [21] dans la recherche des causes de l’infection du site opératoire, la

EMC - Maladies infectieuses 3


8-001-F-10  Infections nosocomiales

transmission de la bactérie à la victime au décours de l’acte opé- applicable aux autres infections sur dispositif tant sur le plan de
ratoire étant considérée comme la signature d’une absence de la physiopathologie que sur les méthodes de prévention. L’arbre
maîtrise de la qualité. Néanmoins, il est toujours très difficile de urinaire est normalement stérile à l’exception des derniers centi-
présumer de l’origine endogène ou exogène de cette bactérie. De mètres de l’urètre distal. La flore présente à ce niveau reflète à la
plus, le caractère endogène de la bactérie n’est pas synonyme fois la flore digestive, la flore cutanée et la flore génitale. Il existe
de maîtrise de la qualité. La première étape de la survenue de quatre mécanismes d’acquisition des infections urinaires en pré-
l’infection du site opératoire est représentée par la contamination sence de sonde : acquisition lors de la mise en place de la sonde,
du site opératoire qui peut survenir le plus souvent au décours de acquisition par voie endoluminale, acquisition par voie extralumi-
l’intervention mais qui peut survenir aussi lors des soins postopé- nale ou périurétrale, ou encore acquisition par voie lymphatique
ratoires hospitaliers ou extrahospitaliers. En peropératoire, trois ou hématogène.
voies de contamination sont possibles. La première est liée à
l’air du bloc opératoire qui contient un certain nombre de par-
ticules inertes plus ou moins chargées en bactéries. Ces particules
Biofilm et infections nosocomiales
peuvent soit sédimenter directement au niveau du site opératoire, Rapidement après son implantation chez un patient, un maté-
soit sédimenter sur les instruments qui seront ensuite introduits riel étranger peut être colonisé par des micro-organismes organisés
au niveau du site opératoire. Plus les sources de contamination en biofilm. Un biofilm est une communauté multicellulaire de
en provenance du patient sont maîtrisées, notamment dans les micro-organismes adhérant entre eux et à une surface, et mar-
chirurgies dites « propres » (chirurgie orthopédique, cardiothora- quée par la sécrétion d’une matrice adhésive et protectrice [23] . Les
cique ou neurochirurgie), plus il est nécessaire de maîtriser la biofilms jouent un rôle très important dans la survenue des IAS,
contamination particulaire et bactérienne de l’air au bloc opé- notamment celles secondaires à l’implantation de matériel étran-
ratoire. La deuxième source de contamination est représentée par ger. En effet, les cathéters veineux centraux sont responsables de
les berges du site opératoire, les bactéries présentes sur ces berges la survenue d’une forte proportion de bactériémies, les infections
pouvant « tomber » au niveau du site. La préparation cutanée de urinaires sont très souvent associées à la pose de sondes urinaires
l’opéré trouve ici toute son importance. Les recommandations et la quasi-totalité des sondes d’intubation endotrachéales se colo-
faites au patient par rapport à la douche préopératoire et plus géné- nisent par un biofilm contenant le micro-organisme à l’origine de
ralement à l’ensemble des mesures d’hygiène sont une barrière la pneumopathie acquise sous ventilation [24] . L’éradication des
importante à cette voie de contamination. Évidemment, au-delà biofilms par les traitements conventionnels est impossible. En
de la douche, l’application par l’équipe chirurgicale d’une désin- effet, les micro-organismes présents dans les biofilms sont plus
fection rigoureuse selon un protocole strict de la zone opératoire résistants aux antibiotiques et aux antiseptiques que les mêmes
en période préopératoire immédiate est une étape essentielle de espèces à l’état planctonique [25] . Plusieurs raisons sont à l’origine
la prévention du risque d’infection du site opératoire. Une mau- de cette résistance :
vaise préparation cutanée, bien qu’impliquant le plus souvent une • la pénétration incomplète ou ralentie des antibiotiques à travers
bactérie d’origine endogène, illustre l’absence de maîtrise de la la matrice du biofilm ;
qualité des soins. La voie hématogène, troisième voie de contami- • la variabilité des environnements au sein même du biofilm ;
nation, est plus rarement évoquée mais bien réelle. Les bactéries • la survenue de sous-populations de micro-organismes persis-
présentes sur certaines muqueuses peuvent transiter par voie san- tantes ou à l’état de dormance.
guine (bactériémie infraclinique) vers le site opératoire à la fois De plus, la plupart des biofilms hébergent plusieurs espèces
du fait du « choc interventionnel » notamment lié à l’anesthésie bactériennes, favorisant ainsi les échanges de plasmides porteurs
et de l’« abrasion des muqueuses » par la mise en place d’un de gènes codant la résistance aux antibiotiques [26] . En raison de
dispositif invasif (sonde nasotrachéale par exemple). Cette voie l’importance des IN liées au biofilm, des stratégies de préven-
de contamination est peu maîtrisable. L’injection d’antibiotiques tion spécifiques ont fait l’objet de recherche ces deux dernières
(antibioprophylaxie chirurgicale) juste avant et éventuellement décennies. Ces stratégies visent à :
pendant l’intervention peut limiter l’implantation et la multipli- • inhiber l’adhésion des micro-organismes aux surfaces et la colo-
cation de ces bactéries au niveau du site opératoire quelle que nisation ;
soit la voie de contamination. Ces bactéries transportées par voie • inhiber le développement du biofilm en interférant avec ses
sanguine se fixent facilement sur du matériel étranger comme molécules de signalisation ;
une prothèse et peuvent ainsi être à l’origine d’une infection qui • ou inhiber le développement du biofilm en optimisant
peut être tardive par rapport à l’intervention chirurgicale (plu- l’efficacité des traitements permettant la destruction des bio-
sieurs mois, voire plusieurs années). Des décharges bactériémiques films déjà formés.
peuvent également survenir à distance de l’intervention chirurgi-
cale concernée à l’occasion d’une autre intervention chirurgicale
(sur un autre site), d’une ablation de dent de sagesse ou tout évé-  Infections associées
nement particulièrement « stressant » et être ainsi à l’origine d’une
infection non imputable à l’acte chirurgical initialement réalisé. à l’environnement des soins
La deuxième étape de la survenue de l’infection du site opéra-
toire est représentée par l’infection proprement dite. L’évolution Le terme environnement hospitalier est habituellement utilisé
de la simple contamination vers l’infection est dépendante d’un pour parler de l’air, de l’eau, des surfaces, du linge, des aliments
très grand nombre de facteurs : la quantité de bactéries contami- et des déchets. La contamination de l’environnement peut se
nantes restant viables malgré l’antibioprophylaxie, la nature de faire à partir de deux grandes sources : l’homme toujours colonisé
la bactérie contaminante mais également les conditions locales notamment par des bactéries commensales et l’environnement
que rencontre la bactérie au niveau du site opératoire (nécrose, lui-même pour les micro-organismes saprophytes. Pour maîtriser
présence/absence d’oxygène, etc.) et ces conditions sont en par- le risque infectieux généré par l’environnement, deux stratégies
tie dépendantes de la qualité de l’acte opératoire mais aussi de complémentaires peuvent être proposées : mettre en place un iso-
l’évolution ultérieure de l’état de santé du patient. La maîtrise lement protecteur autour des patients à haut risque infectieux (il
des conditions d’intervention à travers la multitude de facteurs s’agit de mettre une barrière à l’entrée des agents infectieux dans
susceptibles d’agir sur le risque infectieux réduit la fréquence des l’environnement immédiat du patient) et mettre en place des
infections du site opératoire mais il est illusoire de croire au risque précautions complémentaires d’hygiène (il s’agit de mettre une
zéro. barrière à la diffusion d’un agent infectieux connu ou présumé à
partir d’un patient suspect d’être très contagieux et de son envi-
ronnement immédiat). La contamination de l’environnement par
Infection urinaire sur sonde des bactéries commensales passe par la desquamation cutanée
et/ou par l’émission de diverses sécrétions (toux, éternuements,
Parmi les infections sur dispositif invasif, l’infection urinaire etc.). Pour les bactéries saprophytes, le réservoir joue également
sur sonde représente à la fois une part importante et un modèle le rôle de vecteur : l’eau pour Legionella pneumophila responsable

4 EMC - Maladies infectieuses


Infections nosocomiales  8-001-F-10

de la légionellose et P. aeruginosa responsable de pneumopa- d’un service, d’un hôpital ou d’une région en fonction de leurs
thies chez les patients intubés–ventilés ou l’air pour Aspergillus caractéristiques épidémiologiques. Cette liste n’est pas exhaustive
fumigatus, responsable de l’aspergillose pulmonaire qui survient et peut s’enrichir d’autres BMR en fonction du contexte. À l’heure
chez les patients fortement immunodéprimés. Si les services de actuelle, les EBLSE et les SARM sont les BMR les plus fréquemment
réanimation, d’hématologie/cancérologie et le bloc opératoire isolées dans les hôpitaux français [30] .
représentent des secteurs à haut risque où la maîtrise du risque
lié à l’environnement est un élément majeur de la politique de
lutte contre les IN, il faut néanmoins se rappeler que dans un Épidémiologie des bactéries multirésistantes
hôpital, le patient circule d’une unité d’hospitalisation à une
autre et passe au niveau du plateau technique (radiologie, explo- L’épidémiologie moléculaire permet de différencier, parmi les
rations fonctionnelles) et est donc exposé à l’environnement de BMR, les souches épidémiques des souches sporadiques et de
secteurs considérés comme à moindre risque. Aussi la stratégie préciser le rôle prédominant de la pression de sélection anti-
consiste plus à identifier le patient comme appartenant à un biotique ou de la transmission croisée. Les facteurs de risque
groupe (patients à haut risque infectieux, patients très conta- d’acquisition de BMR ont été largement étudiés pour certaines
minants, patients standards) et à appliquer les bonnes mesures espèces alors qu’ils sont moins connus pour d’autres [31–34] . Les
autour de celui-ci plutôt que d’établir des mesures spécifiques à caractéristiques épidémiologiques des BMR, sans être uniformes,
chaque secteur. peuvent présenter des similitudes. Les réservoirs principaux des
BMR sont humains et constitués par les patients porteurs. La
maîtrise des BMR repose donc sur deux principaux axes : la préven-
 Infections nosocomiales tion de la transmission croisée et la réduction de l’utilisation des
antibiotiques.
et bactéries multirésistantes (BMR)
Staphylococcus aureus résistant à la méticilline
L’augmentation de la résistance bactérienne aux antibiotiques
SARM est le type même de BMR « clonale » et sa diffusion repose
se traduit dans la pratique hospitalière par une augmentation de
sur la transmission croisée entre patients [34] . L’épidémiologie
la morbidité, de la mortalité et des coûts d’hospitalisation [27] . La
moléculaire a démontré que la dissémination de SARM est un pro-
lutte contre les BMR à l’hôpital, qui s’intègre dans une politique
cessus en constant remaniement avec des épisodes multiples de
globale de prévention des IN et de maîtrise de la résistance aux
transmissions croisées qui tendent à propager de nouveaux clones
antibiotiques, est une priorité nationale qui implique toute la
épidémiques qui peuvent, en vertu de leurs propriétés intrin-
communauté hospitalière et fait partie des indicateurs d’activité
sèques et des conditions environnementales, supplanter les clones
et de qualité, et des référentiels d’accréditation des établisse-
préexistants [35, 36] . Dans la majorité des pays européens, les taux
ments de santé. Au cours des 30 dernières années, l’épidémiologie
de SARM sont stables ou augmentent, à l’exception notable de
des infections bactériennes a été profondément modifiée par
quelques-uns, dont la France comme en témoignent les données
l’émergence de bactéries devenues résistantes à de nombreux
du réseau de surveillance European Antimicrobial Resistance Sur-
antibiotiques. La diffusion rapide et extensive de ce phénomène
veillance Network (EARS-Net), recueillant les taux de SARM parmi
peut conduire dans un délai relativement court à de véritables
les bactériémies à S. aureus, qui sont passés de 34 % en 2001 à 19 %
impasses thérapeutiques avec apparition de bactéries résistantes
en 2012 [37] . Il est difficile d’attribuer cette réduction, en France, à
à tous les antibiotiques disponibles [28] . Les causes de l’émergence
une seule mesure. Toutes les études rapportant un succès dans
et de la dissémination de l’antibiorésistance sont de deux prin-
le contrôle de la dissémination des SARM ont utilisé plusieurs
cipaux ordres : d’une part l’utilisation excessive des antibiotiques
mesures de contrôle, mises en œuvre simultanément ou successi-
et d’autre part l’absence d’application stricte des règles d’hygiène
vement, soulignant, pour le contrôle des BMR, l’importance d’une
hospitalières.
stratégie globale. Le relatif succès obtenu en France semble aussi
tenir à la mise en route d’une politique au niveau national, pilotée
Définition de la multirésistance bactérienne initialement par des leaders d’opinion, reprise par les CCLIN et la
majorité des établissements de santé, et maintenant soutenue par
Donner une définition précise de la multirésistance est des indicateurs nationaux (SARM, Indicateur de consommation
une tâche ardue. Comme souvent, des mots largement usités des solutions hydroalcooliques [ICSHA]).
recouvrent des concepts qui varient en fonction des utilisateurs.
Les BMR peuvent être définies, de façon simple, comme des Entérobactéries productrices de ␤-lactamase
« bactéries résistantes à de nombreux antibiotiques », ou plus
complexe comme des « bactéries résistantes à beaucoup plus
à spectre étendu
d’antibiotiques que la connaissance du phénotype sauvage ne Les BLSE sont des enzymes capables d’hydrolyser la plupart
le laissait prévoir » ou plus scientifique, comme des « bactéries des ␤-lactamines à l’exception des céphamycines et des carbapé-
résistantes à au moins trois classes majeures d’antibiotiques ». Ces nèmes. Les entérobactéries produisant ces enzymes ont émergé
concepts ont été encore compliqués par l’apparition de nouveaux dans les années 1980, elles ont été initialement observées dans
termes comme les bactéries pan- ou totorésistantes (bactéries les services de réanimation, avec à l’origine des espèces prédomi-
résistantes à l’ensemble des antibiotiques commercialisés) ou nantes formées par Klebsiella pneumoniae et Enterobacter aerogenes.
bactéries à résistance très large (extensive-drug-resistance des Anglo- Les enzymes produites dérivaient d’enzymes à spectre restreint
Saxons) [29] . Pour des raisons pratiques, il est important de retenir connues telles que TEM et SHV. Jusqu’au début des années 2000,
une liste de BMR « labellisées » dont les mécanismes de résistance les EBLSE étaient sporadiques ou responsables d’épidémies hos-
sont acquis (et non naturels) et qui posent ou sont susceptibles de pitalières localisées [38, 39] . Dans les années 1990 sont apparues
poser des problèmes pour le contrôle de leur diffusion : des BLSE de type CTX-M qui dérivent d’enzymes chromosomi-
• S. aureus résistant à la méticilline (SARM) ; ques de bactéries de l’environnement [40] . La diffusion de souches
• entérobactéries productrices de ␤-lactamase à spectre étendu ou d’E. coli productrice de BLSE de type CTX-M est très majoritaire-
de carbapénémase (EBLSE, EPC) ; ment responsable de l’augmentation de l’incidence des EBLSE [30]
• entérocoques résistants à la vancomycine ou aux glycopeptides et représente un enjeu majeur de santé publique. Les don-
(ERV ou ERG) ; nées épidémiologiques disponibles suggèrent que l’épidémiologie
• P. aeruginosa multirésistant ; d’E. coli BLSE est complexe. Il existe une diffusion communautaire
• Acinetobacter baumannii multirésistant. certaine de ces bactéries associée à une acquisition nosoco-
Les quatre premières BMR sont aisées à définir car leur multi- miale fréquente comportant des cas d’origine exogène (le patient
résistance est associée à la présence d’un gène spécifique : le gène est infecté avec une souche acquise à l’hôpital) et d’origine
mecA pour SARM, un gène codant une BLSE ou une carbapéné- endogène (le patient développe une infection à partir de sa
mase pour les EBLSE ou les EPC et un gène de type van pour les propre flore). L’augmentation de l’incidence des infections liées
entérocoques. Les deux dernières doivent être définies à l’échelle à E. coli productrices de BLSE est la conséquence, à la fois, de la

EMC - Maladies infectieuses 5


8-001-F-10  Infections nosocomiales

des mesures de contrôle de la diffusion des BMR est difficile. Les


données scientifiques sont incertaines et parfois contradictoires.
En matière d’hygiène hospitalière, l’unité d’analyse est le ser-
vice et non pas le patient. La plupart des études disponibles sont
des études « quasi expérimentales » ou « avant–après », mesurant
Avant geste l’impact d’une intervention. De ce fait, les variations d’incidence
2 aseptique d’une BMR peuvent être attribuées à l’effet de l’intervention,
mais aussi à des facteurs confondants [43] . Les mesures de préven-
Après
Avant 4 tion étant généralement groupées, il est difficile de déterminer
contact 1 contact
l’impact individuel d’une mesure. De plus, si une mesure est tes-
tée individuellement, elle peut être efficace en elle-même, mais
aussi modifier le comportement des personnels soignants pour
le respect d’autres mesures. De plus, il est extrêmement difficile
d’évaluer le degré d’application des mesures préconisées. Il est
Après risque évident que le succès d’une stratégie dépend plus de la façon dont
d’exposition à un
liquide biologique
3 les mesures recommandées sont appliquées par le personnel de
soins que des mesures elles-mêmes.
Bon usage des antibiotiques
L’usage excessif ou inapproprié des antibiotiques en médecine
humaine est le déterminant majeur de la multirésistance obser-
vée chez les bactéries responsables d’IN. La France est, tant en
Europe que dans le monde, parmi les pays les plus consom-
Après contact
avec l’environnement 5 mateurs d’antibiotiques par habitant. Il existe une corrélation
du patient évidente entre la consommation antibiotique et la résistance bac-
térienne à l’échelle européenne. Les pays du nord de l’Europe
Figure 1. Les cinq moments de l’hygiène des mains (d’après
(Scandinavie, Pays-Bas) qui sont les plus faibles consommateurs
l’Organisation mondiale de la santé).
d’antibiotiques connaissent ainsi des niveaux de résistance très
inférieurs à ceux des pays du sud de l’Europe, les plus gros consom-
dissémination de souches bactériennes épidémiogènes (par mateurs d’antibiotiques [44] . À l’échelle d’un service, d’un hôpital
exemple O25 : H4-ST131) [41] et de la dissémination des gènes ou d’un pays, de nombreuses études ont permis de mettre en évi-
codant les BLSE via des éléments génétiques mobiles. Ce phé- dence une relation entre consommation antibiotique et incidence
nomène est d’autant plus complexe qu’il se déroule au sein des des BMR [45, 46] . La pression de sélection exercée par les antibio-
hôpitaux mais également dans la communauté [42] . tiques favorise à la fois l’émergence des BMR et leur diffusion,
même dans des modèles comme SARM où la transmission croi-
Stratégies de contrôle des bactéries sée est à la base de leur dissémination [47] . L’ensemble des classes
d’antibiotiques est concerné par ce phénomène. Cependant, il
multirésistantes semble exister des variations selon les classes ; ainsi, les fluoro-
Mesures d’hygiène quinolones et les céphalosporines de troisième génération ont
La maîtrise du risque infectieux impose le respect par le per- été identifiées comme jouant un rôle majeur dans la diffusion
sonnel soignant de précautions standards pour tous les patients, de la multirésistance bactérienne [48] . Mieux et moins utiliser les
la désinfection hydroalcoolique des mains étant la pierre angu- antibiotiques, c’est diminuer la pression de sélection et par voie
laire des précautions d’hygiène (Fig. 1) associée à des mesures de conséquence, diminuer la résistance bactérienne. Les résul-
de protection en fonction des situations (port de gants, de sur- tats des prélèvements cliniques doivent en effet être interprétés
blouse, de lunettes) et à l’entretien des locaux. En complément selon des critères stricts qui permettent de distinguer les véritables
de ces mesures, la prévention des BMR peut nécessiter la mise infections des simples colonisations. Il faut savoir arrêter un trai-
en œuvre de précautions complémentaires qui comportent, entre tement antibiotique, les durées de traitement prolongées étant
autres, l’isolement géographique, le renforcement de l’hygiène une des causes de la surconsommation. Il faut mieux utiliser les
des mains, le port plus systématique de vêtement de protec- antibiotiques : bien choisir le traitement initial en fonction de la
tion (gants, masque, surblouse, lunettes). Le détail des mesures clinique et des comorbidités des patients, limiter l’usage des asso-
d’hygiène (précautions standards et complémentaires) ainsi que ciations si leur supériorité n’est pas prouvée, choisir les modalités
les circonstances de leur application sont décrits dans différentes d’administration appropriées. À l’hôpital, il est impératif de rééva-
recommandations édictées par la Société française d’hygiène hos- luer toute prescription après 48 heures en fonction de l’évolution
pitalière (SF2H, www.sf2h.net). L’émergence récente de bactéries clinique et des résultats des analyses bactériologiques. Les pres-
hautement résistantes (BHRe) et la nécessité de contenir leur dif- criptions probabilistes associant la plupart du temps des molécules
fusion ont entraîné la publication d’un guide par le Haut Conseil à large spectre doivent être modifiées même si le traitement est effi-
de santé publique (www.hcsp.fr). Ce guide propose une actuali- cace, il faut favoriser la désescalade thérapeutique avec réduction
sation et une harmonisation de l’ensemble des recommandations du nombre d’antibiotiques et remplacement par des antibiotiques
existantes concernant la prévention de la transmission croisée des à spectre plus étroit dès réception des résultats microbiologiques,
BHRe ciblant en 2013 les EPC et Enterococcus faecium résistant aux si ceux-ci l’autorisent.
glycopeptides (ERG). Ces mesures viennent renforcer encore le
niveau d’hygiène impliquant potentiellement des équipes médi-
cales dédiées pour les patients porteurs, des pratiques de dépistage  Coût des infections nosocomiales
et le suivi des patients contact. Si l’importance épidémiologique
des BMR, ainsi que la nécessité de mettre en place des mesures Différentes études ou rapports ont tenté d’établir le surcoût
de contrôle, ne sont plus discutées, les méthodes à appliquer de l’hospitalisation attribuable à la survenue d’une IN : de 338 à
sont encore l’objet de controverse et de débat. Schématiquement, 35 185 D pour l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation
deux approches s’opposent. La première est une démarche active en santé selon l’infection et le service d’hospitalisation (www.has-
avec identification des porteurs par dépistage et mise en place de sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/Couts qualite2
précautions particulières de type contact ou gouttelette (corres- 2004 Rap.pdf) et de 500 à 40 000 D pour une dépense annuelle de
pondant à la mise en « isolement » du patient). La seconde consiste 0,73 à 1,8 milliard d’euros pour le Sénat en 2006 (www.assemblee-
à considérer que l’application des précautions standards est suffi- nationale.fr/12/rap-off/i3188-etude.pdf). Dans tous les cas, les
sante. À l’heure actuelle, la littérature scientifique ne permet pas surcoûts estimés apparaissaient plus importants pour les infec-
de retenir l’approche la plus efficace. En effet, établir l’efficacité tions acquises en réanimation et sont principalement liés à

6 EMC - Maladies infectieuses


Infections nosocomiales  8-001-F-10

la prolongation de la durée d’hospitalisation. Il est estimé


qu’une infection urinaire nosocomiale augmente la durée
 Infections nosocomiales
d’hospitalisation de 2 à 4 jours en moyenne, une infection du site et responsabilités juridiques
opératoire de 2 à 7 jours, voire 20 à 30 jours pour les infections
graves, une pneumopathie nosocomiale de 8 à 15 jours dans une Le régime légal de responsabilité applicable à l’indemnisation
unité de réanimation, une bactériémie de 7 à 14 jours [49] . Les des risques sanitaires, dont font partie les IN, est énoncé aux
infections liées à des BMR, notamment SARM, apparaissaient en articles L 1142-1 et suivants du Code de la santé publique. Il
général plus coûteuses que les infections à bactéries homologues est étroitement lié à l’institution d’une procédure de règlement
sensibles, mais cette différence n’était pas toujours significa- amiable des conséquences des IN gérée par les commissions
tive [50, 51] . Ces surcoûts représentent une perte financière pour régionales de conciliation et d’indemnisation (CRCI) et l’Office
les établissements dont le financement repose sur une dotation national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections
globale ; en revanche, un système de valorisation à l’activité iatrogènes et des IN (ONIAM). Toute personne (ou représentant
(comme le système de tarification à l’activité [T2A] utilisé en légal) victime d’une IN doit être informée par le professionnel ou
France) permet de valoriser financièrement l’IN. Les hôpitaux l’établissement de santé concerné. Les professionnels de santé, ou
financés par la T2A ne sont donc pas obligatoirement pénalisés les établissements, ne sont responsables des conséquences dom-
par la survenue d’IN, même si le surcoût global lié aux IN est mageables qu’en cas de faute avérée. En l’absence de faute, la
imputé à l’Assurance maladie et par voie de conséquence à la solidarité nationale se substitue à la responsabilité sous des condi-
société. tions d’imputabilité, de conséquences anormales et de gravité.

 Conclusion
“ Points essentiels Les IN sont des affections polymorphes au déterminisme
complexe dont l’épidémiologie fait l’objet de nombreuses sur-
• Définition et fréquence veillances dans les établissements de santé français. La tendance
évolutive à la baisse observée en France entre 1996 et 2006 est
Les IN sont des infections acquises dans un établissement
le résultat d’une politique nationale volontariste. Les tendances
de santé. Un délai arbitraire de 48 heures entre l’admission observées entre 2006 et 2012 sont contrastées : diminution de
et la survenue des symptômes infectieux est habituel- la prévalence des patients infectés en soins de suite et réadap-
lement retenu. Ce délai est porté à 30 jours pour les tation, soins de longue durée et psychiatrie, mais stabilité en
infections du site opératoire et à un an après implantation court séjour, diminution des SARM mais augmentation des
de matériel étranger. Elles concernent 5 à 8 % des patients EBLSE, stabilité (pour ne pas dire absence de diminution) de la
hospitalisés en court séjour dans les hôpitaux français et prévalence des patients traités par antibiotiques et forte augmen-
européens. tation des prescriptions pour certaines molécules (ceftriaxone,
• Différents types d’IN et micro-organismes en cause carbapénèmes) particulièrement génératrices de résistances bac-
Dans les établissements de santé français, les infections tériennes. L’impact des IN demeure majeur, tant en termes de
santé publique que de coût économique. Ceci justifie la poursuite
urinaires sont les IN les plus fréquentes (30–35 %), pré-
et l’optimisation des stratégies de prévention afin de réduire au
cédant les pneumopathies (12–18 %) et les infections du maximum le nombre d’IN évitables ; tout en gardant à l’esprit que
site opératoire (12–18 %). Les trois micro-organismes les le risque zéro n’existe pas et qu’une IN est parfois la conséquence
plus fréquemment impliqués sont Escherichia coli (25 %), inévitable d’une prise en charge hospitalière adaptée.
Staphylococcus aureus (20 %), et Pseudomonas aeruginosa
(10,0 %).
• Prévention des IN Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
La formation des personnels médicaux et paramédicaux, relation avec cet article.
la surveillance des IN et la connaissance des facteurs
de risque sont des prérequis à toute politique de pré-
vention efficace. Cette prévention repose principalement  Références
sur l’application stricte des règles d’hygiène hospitalières [1] Horan TC, Andrus M, Dudeck MA. CDC/NHSN surveillance defi-
et une prescription raisonnée des antibiotiques. À titre nition of health care-associated infection and criteria for specific
d’exemple, la prévention des infections urinaires repose types of infections in the acute care setting. Am J Infect Control
notamment sur une limitation des indications et de la 2008;36:309–32.
durée du sondage urinaire. La prévention des infec- [2] Enquête nationale de prévalence des infections nosocomiales 2012.
tions du site opératoire implique l’expertise des équipes Institut de veille sanitaire (InVS); 2013.
[3] Gastmeier P, Kampf G, Wischnewski N, Schumacher M, Daschner F,
chirurgicales, la maîtrise environnementale des blocs opé-
Ruden H. Importance of the surveillance method: national prevalence
ratoires, l’application stricte de mesures d’hygiène validées studies on nosocomial infections and the limits of comparison. Infect
(douche préopératoire, préparation cutanée de l’opéré) et Control Hosp Epidemiol 1998;19:661–7.
une antibioprophylaxie adaptée. [4] Sax H, Pittet D. Interhospital differences in nosocomial infec-
• BMR tion rates: importance of case-mix adjustment. Arch Intern Med
L’augmentation de la résistance bactérienne aux antibio- 2002;162:2437–42.
tiques se traduit dans la pratique hospitalière par une [5] Wilson J, Ramboer I, Suetens C. Hospitals in Europe Link for Infection
Control through Surveillance (HELICS). Inter-country comparison of
augmentation de la morbidité, de la mortalité et des coûts rates of surgical site infection–opportunities and limitations. J Hosp
d’hospitalisation. La lutte contre les BMR (SARM, EBLSE, Infect 2007;65(Suppl. 2):165–70.
EPC, entérocoques résistants aux glycopeptides, Pseudo- [6] Carlet J, Astagneau P, Brun-Buisson C, Coignard B, Salomon V,
monas aeruginosa multirésistant, Acinetobacter baumannii Tran B, et al. French national program for prevention of healthcare-
multirésistant) s’intègre dans une politique globale de associated infections and antimicrobial resistance, 1992-2008: positive
prévention des IN et de maîtrise de la résistance aux anti- trends, but perseverance needed. Infect Control Hosp Epidemiol
2009;30:737–45.
biotiques. La maîtrise des BMR repose sur deux principaux
[7] de Kraker ME, Davey PG, Grundmann H. Mortality and hospital stay
axes : la prévention de la transmission croisée et la réduc- associated with resistant Staphylococcus aureus and Escherichia coli
tion de l’utilisation des antibiotiques. bacteremia: estimating the burden of antibiotic resistance in Europe.
PLoS Med 2011;8:e1001104.

EMC - Maladies infectieuses 7


8-001-F-10  Infections nosocomiales

[8] Bailly P, Gbaguidi Haore H, Crenn D, Talon D. Hospital deaths attri- [29] Magiorakos AP, Srinivasan A, Carey RB, Carmeli Y, Falagas ME,
butable to nosocomial infections: surveillance in a university hospital. Giske CG, et al. Multidrug-resistant, extensively drug-resistant and
Med Mal Infect 2004;34:76–82. pandrug-resistant bacteria: an international expert proposal for interim
[9] de Kraker ME, Wolkewitz M, Davey PG, Koller W, Berger J, standard definitions for acquired resistance. Clin Microbiol Infect
Nagler J, et al. Burden of antimicrobial resistance in European 2012;18:268–81.
hospitals: excess mortality and length of hospital stay associated [30] Carbonne A, Arnaud I, Maugat S, Marty N, Dumartin C, Bertrand
with bloodstream infections due to Escherichia coli resistant to X, et al. National multidrug-resistant bacteria (MDRB) surveillance in
third-generation cephalosporins. J Antimicrob Chemother 2011;66: France through the RAISIN network: a 9-year experience. J Antimicrob
398–407. Chemother 2013;68:954–9.
[10] van der Kooi TI, Mannien J, Wille JC, van Benthem BH. Prevalence of [31] Lepelletier D, Andremont A, Grandbastien B. Risk of highly resis-
nosocomial infections in The Netherlands, 2007-2008: results of the tant bacteria importation from repatriates and travelers hospitalized
first four national studies. J Hosp Infect 2010;75:168–72. in foreign countries: about the French recommendations to limit their
[11] Gordts B, Vrijens F, Hulstaert F, Devriese S, Van de Sande S. The 2007 spread. J Travel Med 2011;18:344–51.
Belgian national prevalence survey for hospital-acquired infections. J [32] Venier AG, Gruson D, Lavigne T, Jarno P, L’Heriteau F, Coi-
Hosp Infect 2010;75:163–7. gnard B, et al. Identifying new risk factors for Pseudomonas
[12] Eriksen HM, Iversen BG, Aavitsland P. Prevalence of nosocomial aeruginosa pneumonia in intensive care units: experience of the
infections in hospitals in Norway, 2002 and 2003. J Hosp Infect French national surveillance, REA-RAISIN. J Hosp Infect 2011;79:
2005;60:40–5. 44–8.
[13] Smyth ET, McIlvenny G, Enstone JE, Emmerson AM, Humphreys [33] Boucher HW, Corey GR. Epidemiology of methicillin-resistant
H, Fitzpatrick F, et al. Four country healthcare associated infec- Staphylococcus aureus. Clin Infect Dis 2008;46(Suppl. 5):
tion prevalence survey 2006: overview of the results. J Hosp Infect S344–9.
2008;69:230–48. [34] Grundmann H, Aires-de-Sousa M, Boyce J, Tiemersma E. Emer-
[14] Lanini S, Jarvis WR, Nicastri E, Privitera G, Gesu G, Marchetti F, gence and resurgence of meticillin-resistant Staphylococcus aureus as
et al. Healthcare-associated infection in Italy: annual point-prevalence a public-health threat. Lancet 2006;368:874–85.
surveys, 2002-2004. Infect Control Hosp Epidemiol 2009;30:659–65. [35] Ayliffe GA. The progressive intercontinental spread of
[15] Lyytikainen O, Kanerva M, Agthe N, Mottonen T, Ruutu P. methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Clin Infect Dis
Healthcare-associated infections in Finnish acute care hospitals: 1997;24(Suppl. 1):S74–9.
a national prevalence survey, 2005. J Hosp Infect 2008;69: [36] Dauwalder O, Lina G, Durand G, Bes M, Meugnier H, Jarlier V,
288–94. et al. Epidemiology of invasive methicillin-resistant Staphylococcus
[16] Zarb P, Coignard B, Griskeviciene J, Muller A, Vankerckhoven aureus clones collected in France in 2006 and 2007. J Clin Microbiol
V, Weist K, et al. The European Centre for Disease Prevention 2008;46:3454–8.
and Control (ECDC) pilot point prevalence survey of healthcare- [37] European Antimicrobial Resistance Surveillance System aahwrne.
associated infections and antimicrobial use. Euro Surveill 2012; available from www.rivm.nl/earss/.
17. [38] De Champs C, Chanal C, Sirot D, Baraduc R, Romaszko JP, Bonnet
R, et al. Frequency and diversity of Class A extended-spectrum beta-
[17] Reilly J, Stewart S, Allardice GA, Noone A, Robertson C, Walker A,
lactamases in hospitals of the Auvergne, France: a 2-year prospective
et al. Results from the Scottish National HAI Prevalence Survey. J
study. J Antimicrob Chemother 2004;54:634–9.
Hosp Infect 2008;69:62–8.
[39] De Champs C, Sirot D, Chanal C, Bonnet R, Sirot J. A 1998 sur-
[18] Desenclos JC. RAISIN - a national programme for early warning,
vey of extended-spectrum beta-lactamases in Enterobacteriaceae in
investigation and surveillance of healthcare-associated infection in
France. The French Study Group. Antimicrob Agents Chemother
France. Euro Surveill 2009;14.
2000;44:3177–9.
[19] Suetens C, Morales I, Savey A, Palomar M, Hiesmayr M,
[40] Bonnet R. Growing group of extended-spectrum beta-lactamases:
Lepape A, et al. European surveillance of ICU-acquired infec-
the CTX-M enzymes. Antimicrob Agents Chemother 2004;48:
tions (HELICS-ICU): methods and main results. J Hosp Infect
1–14.
2007;65(Suppl. 2):171–3. [41] Nicolas-Chanoine MH, Blanco J, Leflon-Guibout V, Demarty R,
[20] Canton R, Akova M, Carmeli Y, Giske CG, Glupczynski Y, Gniad- Alonso MP, Canica MM, et al. Intercontinental emergence of Esche-
kowski M, et al. Rapid evolution and spread of carbapenemases richia coli clone O25:H4-ST131 producing CTX-M-15. J Antimicrob
among Enterobacteriaceae in Europe. Clin Microbiol Infect 2012;18: Chemother 2008;61:273–81.
413–31. [42] Nicolas-Chanoine MH, Gruson C, Bialek-Davenet S, Bertrand X,
[21] Birgand G, Blanckaert K, Carbonne A, Coignard B, Barbut F, Eckert Thomas-Jean F, Bert F, et al. 10-Fold increase (2006-11) in the rate
C, et al. Investigation of a large outbreak of Clostridium difficile PCR- of healthy subjects with extended-spectrum beta-lactamase-producing
ribotype 027 infections in northern France, 2006-2007 and associated Escherichia coli faecal carriage in a Parisian check-up centre. J Anti-
clusters in 2008-2009. Euro Surveill 2010:15. microb Chemother 2013;68:562–8.
[22] Astagneau P, L’Heriteau F, Daniel F, Parneix P, Venier AG, Malavaud [43] Cooper BS, Stone SP, Kibbler CC, Cookson BD, Roberts JA, Medley
S, et al. Reducing surgical site infection incidence through a network: GF, et al. Isolation measures in the hospital management of methicillin
results from the French ISO-RAISIN surveillance system. J Hosp Infect resistant Staphylococcus aureus (MRSA): systematic review of the
2009;72:127–34. literature. Br Med J 2004;329:533.
[23] Costerton JW, Lewandowski Z, DeBeer D, Caldwell D, Korber [44] Goossens H, Ferech M, Vander Stichele R, Elseviers M. Outpatient
D, James G. Biofilms, the customized microniche. J Bacteriol antibiotic use in Europe and association with resistance: a cross-
1994;176:2137–42. national database study. Lancet 2005;365:579–87.
[24] Gil-Perotin S, Ramirez P, Marti V, Sahuquillo JM, Gonzalez E, [45] Muller A, Lopez-Lozano JM, Bertrand X, Talon D. Relationship bet-
Calleja I, et al. Implications of endotracheal tube biofilm in ventilator- ween ceftriaxone use and resistance to third-generation cephalosporins
associated pneumonia response: a state of concept. Crit Care among clinical strains of Enterobacter cloacae. J Antimicrob Chemo-
2012;16:R93. ther 2004;54:173–7.
[25] Aslam S. Effect of antibacterials on biofilms. Am J Infect Control [46] Pakyz A, Powell JP, Harpe SE, Johnson C, Edmond M, Polk RE. Diver-
2008;36. S175 e9-e11. sity of antimicrobial use and resistance in 42 hospitals in the United
[26] Francolini I, Donelli G. Prevention and control of biofilm-based States. Pharmacotherapy 2008;28:906–12.
medical-device-related infections. FEMS Immunol Med Microbiol [47] Carlet J, Jarlier V, Harbarth S, Voss A, Goossens H, Pittet D.
2010;59:227–38. Ready for a world without antibiotics? The Pensieres Antibiotic
[27] Goldmann DA, Weinstein RA, Wenzel RP, Tablan OC, Duma Resistance Call to Action. Antimicrob Resist Infect Control 2012;1:
RJ, Gaynes RP, et al. Strategies to prevent and control the 11.
emergence and spread of antimicrobial-resistant microorganisms [48] Gbaguidi-Haore H, Dumartin C, L’Heriteau F, Pefau M, Hocquet
in hospitals. A challenge to hospital leadership. JAMA 1996;275: D, Rogues AM, et al. Antibiotics involved in the occurrence of
234–40. antibiotic-resistant bacteria: a nationwide multilevel study suggests dif-
[28] Nordmann P, Naas T, Fortineau N, Poirel L. Superbugs in the coming ferences within antibiotic classes. J Antimicrob Chemother 2013;68:
new decade; multidrug resistance and prospects for treatment of Sta- 461–70.
phylococcus aureus, Enterococcus spp. and Pseudomonas aeruginosa [49] Brun-Buisson C, Durand-Zaleski I. Impact économique des infections
in 2010. Curr Opin Microbiol 2007;10:436–40. nosocomiales. Hygiène hospitalière. N. Hygis; 2010. p. 99–110.

8 EMC - Maladies infectieuses


Infections nosocomiales  8-001-F-10

[50] Ben-David D, Novikov I, Mermel LA. Are there differences [51] Rubio-Terres C, Garau J, Grau S, Martinez-Martinez L.
in hospital cost between patients with nosocomial methicillin- Cost of bacteraemia caused by methicillin-resistant vs.
resistant Staphylococcus aureus bloodstream infection and those with methicillin-susceptible Staphylococcus aureus in Spain: a
methicillin-susceptible S. aureus bloodstream infection? Infect Control retrospective cohort study. Clin Microbiol Infect 2010;16:
Hosp Epidemiol 2009;30:453–60. 722–8.

D. Talon, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier.


D. Hocquet, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier.
X. Bertrand, Professeur des Universités, praticien hospitalier (xbertrand@chu-besancon.fr).
Service d’hygiène hospitalière, CHRU de Besançon, 3, boulevard Fleming, 25030 Besançon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Talon D, Hocquet D, Bertrand X. Infections nosocomiales. EMC - Maladies infectieuses 2015;12(2):1-9
[Article 8-001-F-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 9


¶ 8-002-C-10

Infections fongiques au cours


de l’infection par le virus
de l’immunodéficience humaine
P. Charles, P. Loulergue, J.-P. Viard, F. Dromer, O. Lortholary

Les infections fongiques sont les plus fréquentes des infections opportunistes au cours de l’infection par le
virus de l’immunodéficience humaine, même si leur incidence a diminué depuis l’instauration des
traitements antirétroviraux hautement actifs dans les pays occidentaux. Elles s’observent le plus souvent
chez des patients naïfs de traitement, en échec thérapeutique ou non observants. Les différents
problèmes d’actualité sont la fréquence persistante de ces infections et notamment de la plus grave
d’entre elles, la cryptococcose dans l’hémisphère Sud, le risque de syndrome inflammatoire de
restauration immunitaire au cours des mycoses systémiques dans les pays où les traitements
antirétroviraux hautement actifs sont disponibles, et la place des nouveaux antifongiques dans l’arsenal
thérapeutique. Ces derniers n’ont pas encore été évalués dans toutes ces indications et pourraient
améliorer le pronostic encore péjoratif des mycoses systémiques.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Sida ; VIH ; Cryptococcose ; Candidose ; Mycoses endémiques ; Champignons dimorphiques ;
Aspergillose ; Antifongiques ; Amphotéricine B ; Azolés ; Syndrome de restauration immunitaire

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les infections fongiques sont les plus fréquentes des infec-
tions opportunistes au cours de l’infection par le virus de
¶ Pneumocystose pulmonaire 1
l’immunodéficience humaine (VIH), même si leur incidence a
¶ Cryptococcose 1 diminué depuis l’instauration des traitements antirétroviraux
Écologie 1 hautement actifs (HAART) dans les pays occidentaux. Elles
Épidémiologie 2 s’observent le plus souvent chez des patients naïfs de traite-
Pathogénie 3 ment, en échec thérapeutique ou non observants. La pneumo-
Manifestations cliniques 3 cystose pulmonaire et la cryptococcose méningée sont les
Examens complémentaires 3 infections fongiques les plus fréquentes. La cryptococcose
Traitement 4 méningée reste une infection sévère entraînant une morbimor-
¶ Candidoses 5 talité élevée. Avec le développement des voyages, l’histoplas-
Écologie 5 mose et les autres mycoses endémiques doivent être évoquées
Épidémiologie 5 devant des signes aspécifiques (fièvre, asthénie, amaigrissement)
Pathogénie 5 chez des patients ayant un déficit immunitaire marqué (CD4
Manifestations cliniques 5 < 100/mm3).
Diagnostic mycologique 5
Traitement
¶ Mycoses endémiques
5
5
■ Pneumocystose pulmonaire
Histoplasmose 5 L’agent responsable de la pneumocystose pulmonaire, Pneu-
Coccidioïdomycose 7 mocystis jirovecii, est un champignon de la famille des Ascomy-
Paracoccidioïdomycose 8 cetes. Cette infection est déjà traitée dans un chapitre spécifique
Blastomycose 8 de l’EMC et ne sera pas abordée ici.
Pénicilliose à « Penicillium (P.) marneffei » 9
¶ Mycoses rares 9
Aspergillose 9 ■ Cryptococcose (Fig. 1)
Zygomycoses (mucormycoses) 9
Autres mycoses profondes rares 9
Écologie
¶ Mycoses superficielles cutanées et des phanères 10
Dermatophytoses 10 La cryptococcose est causée par Cryptococcus (C.) neoformans,
Pytirosporose 10 une levure basidiomycète encapsulée de 5 à 7 µm de diamètre.
¶ Conclusion 10 La capsule polysaccharidique composée de glucuronoxyloman-
nane, de galactoxylomannane et de mannoprotéines fait la
particularité de C. neoformans car elle est le facteur majeur de

Maladies infectieuses 1
8-002-C-10 ¶ Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine

Figure 1. Arbre décisionnel. Prise en charge


Signes neurologiques focaux ou signes encéphalitiques ou diagnostique et thérapeutique de la cryptococ-
céphalées fébriles ou antigénémie cryptocoque-positive et cose neuroméningée chez le patient infecté par
immunodépression sévère (CD4 < 100/mm3) le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
* Arrêt du traitement d’entretien après une
restauration immunitaire durable. IRM : image-
IRM cérébrale ou rie par résonance magnétique ; TDM : tomo-
TDM cérébrale avec densitométrie ; PL : ponction lombaire ; LCR :
injection liquide céphalorachidien.

PL avec prise de pression


Encre de Chine + ou antigène
cryptocoque + ou culture cryptocoque +

Bilan d'extension :
uroculture, hémoculture,
antigénémie cryptocoque,
radiographie de thorax

Pression d'ouverture Pression d'ouverture


du LCR > 25 cmH2O du LCR < 25 cmH2O

PL évacuatrices Amphotéricine B (0,7 à 1 mg/kg/j)


5 - fluorocytosine (100 mg/kg/j)

Bilan j15 :
PL : encre de Chine, antigène, cryptocoque, culture,
uroculture, hémoculture
Antigénémie cryptocoque, radiographie de thorax

Infection contrôlée Infection non contrôlée :


culture(s) positive(s)

Fluconazole 400 mg/j Traitement


(10 semaines) antirétroviral après
4 semaines de traitement
au minimum

Traitement d'entretien :
fluconazole 200 mg/j *

virulence et permet un diagnostic rapide lors de l’examen direct l’absence de symptômes) ; néanmoins la maladie est rare.
par coloration à l’encre de Chine. C. neoformans existe classi- L’infection par le VIH est le principal facteur de risque d’infec-
quement sous deux variétés et quatre sérotypes : C. neoformans tion extrapulmonaire par C. neoformans ; les autres facteurs de
var. neoformans correspondant aux sérotypes A et D et C, risque sont les hémopathies lymphoïdes, la corticothérapie
neoformans var. gattii correspondant aux sérotypes B et C. Le prolongée, la sarcoïdose, les transplantations d’organes. La
sérotype A a été renommé récemment C. neoformans var. grubii cryptococcose extrapulmonaire est une infection opportuniste
et la variété gattii individualisée en espèce. Les sérotypes A et D définissant le stade « syndrome de l’immunodéficience acquise »
sont cosmopolites, retrouvés dans le sol et les déjections (sida). Actuellement, elle est inaugurale de l’infection par le VIH
d’oiseaux (notamment les pigeons). Les sérotypes B et C sont chez 29 % des patients et définit le stade sida chez 58 % des
présents en zone tropicale et subtropicale et sont exceptionnel- patients. Ces chiffres sont en augmentation même si, depuis les
lement responsables d’infection en zones tempérées. Le sérotype traitements antirétroviraux, l’incidence de la cryptococcose a
B est associé aux eucalyptus et le sérotype C associé aux chuté en France de 46 % entre 1997 et 2002 [2]. Cette infection
amandiers [1].
opportuniste reste d’actualité particulièrement chez les sujets en
Le sérotype A est responsable de presque tous les cas de
situation de précarité. La cryptococcose est une infection très
cryptococcose du sujet infecté par le VIH, sauf en Europe où le
fréquente en Asie du Sud-Est et en Afrique subsaharienne
sérotype D est également isolé.
puisqu’elle touche un tiers des sujets porteurs du VIH et qu’elle
est responsable de plus de 50 % de l’ensemble des méningites
Épidémiologie dans certains pays africains.
La prévalence de l’exposition à C. neoformans est élevée (80 % Elle atteint au moins deux fois plus d’hommes que de
des sujets adultes ont des anticorps anti-C. neoformans en femmes et peu les enfants, même infectés par le VIH.

2 Maladies infectieuses
Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine ¶ 8-002-C-10

Pathogénie possible. La radiographie et le scanner thoracique peuvent


retrouver un syndrome interstitiel, des nodules (uniques ou
La porte d’entrée est le plus souvent pulmonaire par inhala- multiples) parfois pseudotumoraux, une pleurésie, des adénopa-
tion de la levure contenue dans des poussières. La colonisation thies hilaires, voire des images cavitaires.
pulmonaire est le plus souvent asymptomatique si le sujet est
immunocompétent. Il y aurait multiplication des levures et Atteinte cutanée
dissémination avec fongémie à la faveur d’une immunodépres-
sion profonde. L’atteinte la plus typique est l’aspect ressemblant à un
Une porte d’entrée cutanée a déjà été décrite après inocula- molluscum contagiosum mais on peut observer d’autres formes :
tion directe mais la symptomatologie reste circonscrite à la zone « acné », papules, pustules, nodules, pseudotumeurs, abcès,
de traumatismes en l’absence d’immunodépression [3]. cellulites autour de cathéter, aspects herpétiformes. Aucune
Les facteurs de virulence de C. neoformans sont multiples mais atteinte n’est spécifique : ainsi toute nouvelle lésion cutanée
le principal est la capsule polysaccharidique. Le polysaccharide compatible chez un patient infecté par le VIH très immunodé-
soluble est sécrété au cours de la croissance dans les tissus et les primé doit être biopsiée et mise en culture notamment en
liquides biologiques. Il a de nombreux effets immunomodula- mycologie. Au cours du sida, l’atteinte cutanée de la cryptococ-
teurs et peut entraîner une hyperpression du liquide céphalora- cose est le témoin de la dissémination hématogène des levures
chidien (LCR) sans dilatation ventriculaire. et impose un bilan d’extension complet. L’atteinte cutanée peut
L’immunodépression cellulaire et l’altération des capacités de aussi être satellite d’une infection ostéoarticulaire sous-jacente.
phagocytose des monocytes/macrophages qui en résulte Elle est rarement due à une cryptococcose cutanée primaire.
sont déterminants dans l’apparition d’une cryptococcose
extrapulmonaire. Atteinte urinaire
Cette atteinte est le plus souvent asymptomatique et doit être
Manifestations cliniques recherchée de principe. La cryptococcose urinaire ne doit pas
être méconnue, notamment chez l’homme où la prostate est un
La méningoencéphalite est la manifestation la plus classique
sanctuaire pour la levure. Pour envisager d’arrêter un traitement
de la cryptococcose (environ 90 % des cas au cours de l’infec-
d’entretien, il faut s’assurer de la négativité de l’uroculture
tion par le VIH). À cette occasion, on découvre d’autres atteintes
(prélèvement urinaire prélevé au mieux après massage
lors du bilan d’extension qui doit être systématique et compor-
prostatique).
ter au minimum la réalisation d’une hémoculture et une culture
d’urines. L’infection peut toucher tous les organes.
Examens complémentaires
Manifestations neurologiques
Examen direct
La symptomatologie est le plus souvent subaiguë mais peut
être brutale, ce qui est un élément de mauvais pronostic. Les L’examen au microscope permet un diagnostic rapide.
signes cliniques sont le plus souvent une fièvre et des céphalées. L’examen à l’encre de Chine du culot de centrifugation du LCR
Le syndrome méningé n’est pas constant. Les autres signes sont (mais aussi d’autres liquides) permet de faire le diagnostic de
les signes encéphalitiques comme les vertiges, l’irritabilité, les cryptococcose méningée chez plus de 80 % des patients atteints
troubles de conscience allant de l’obnubilation au coma, une par le VIH, en montrant la levure entourée d’un halo clair
paralysie d’un nerf crânien et/ou un déficit moteur. La baisse de (capsule). Dans les tissus, les levures sont entourées d’un halo
l’acuité visuelle est le plus souvent le reflet de l’hypertension non coloré correspondant à leur capsule.
intracrânienne. Les caractéristiques de la cryptococcose ménin-
gée du patient VIH sont l’installation brutale, la dissémination Culture
et la possibilité d’une autre maladie opportuniste concomitante.
Devant une suspicion de cryptococcose méningée, une L’isolement de C. neoformans en culture est toujours signe
imagerie cérébrale (scanner ou imagerie par résonance magné- d’infection. C. neoformans croît à 37 °C ou moins sur tous types
tique [IRM]) doit être réalisée initialement. Les données d’ima- de milieux, sauf ceux contenant de la cycloheximide. La culture
gerie sont normales dans la moitié des cas et ne montrent pas peut se positiver en 2 à 7 jours mais elle doit être conservée au
de lésions spécifiques. On retrouve une atrophie corticale au mieux 4 semaines. Le rendement des cultures est amélioré par
scanner dans environ un tiers des cas (atrophie liée à l’infection le grand volume de prélèvement (il est recommandé de cultiver
par le VIH), une hydrocéphalie dans environ 10 %, des nodules le culot obtenu à partir d’au moins 1 ml de LCR).
uniques ou multiples prenant plus ou moins le contraste dans Le rendement des hémocultures pourrait être amélioré par les
environ 10 % des cas [1]. L’IRM, plus sensible, retrouve des techniques de leucoconcentration. Elles peuvent rester positives
hypersignaux T2 dans les ganglions de la base, un aspect de plusieurs semaines et peuvent donc être réalisées après la mise
miliaire, une dilatation des espaces de Virchow-Robin. en route du traitement.
La ponction lombaire doit être pratiquée en décubitus latéral.
En effet, la prise de pression d’ouverture du liquide céphalora- Antigène capsulaire polysaccharidique
chidien (LCR) doit être systématique car l’hyperpression du LCR
retrouvée dans 30 à 50 % des cryptococcoses méningées des La recherche de l’antigène capsulaire doit se faire dans le
patients infectés par le VIH est un élément très important du sérum et le LCR. Il est inutile dans les urines et n’est pas validé
pronostic et conditionne la prise en charge thérapeutique. Le pour le lavage bronchioloalvéolaire (LBA). Les tests commercia-
LCR est clair, lymphocytaire ou à formule panachée mais lisés sont sensibles (plus de 95 %) et spécifiques (plus de 95 %).
souvent paucicellulaire. Les faux positifs sont rares (présence de facteur rhumatoïde,
perfusion d’hydroxyéthylamidon ou infection à un autre
Atteinte pulmonaire champignon ayant des antigènes croisés avec C. neoformans
[autres espèces de Cryptococcus, Trichosporon asahii]). Les faux
La cryptococcose pulmonaire des patients infectés par le VIH négatifs peuvent être dus à un effet prozone (le prélèvement
est souvent symptomatique contrairement aux autres patients doit alors être dilué pour rechercher l’antigène) ou l’absence de
immunodéprimés. Les principales manifestations sont la fièvre prétraitement des échantillons par la pronase. La recherche de
et la toux, plus rarement des douleurs thoraciques ou une l’antigène cryptococcique en l’absence de symptômes n’est pas
hémoptysie [4]. La cryptococcose pulmonaire peut être associée recommandée en France, néanmoins, la positivité du test
à une autre infection opportuniste. La dissémination est quasi témoigne d’une infection cryptococcique et nécessite un bilan
constante. Un syndrome de détresse respiratoire aiguë est d’extension complet et la mise en route d’un traitement

Maladies infectieuses 3
8-002-C-10 ¶ Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine

antifongique en cas de déficit immunitaire profond. La forte Quand instituer un traitement antirétroviral
positivité de l’antigène cryptococcique dans le sérum est un des hautement actif ? Problème du syndrome
facteurs associés à l’échec du traitement [5]. En revanche, sa inflammatoire de reconstitution immunitaire
décroissance n’est pas corrélée à l’évolution sous traitement.
L’augmentation des titres d’antigène cryptococcique dans le Le syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire
LCR est prédictive de rechute. regroupe l’ensemble des manifestations pathologiques qui sont
attribuées à la reconstitution de la réponse immunitaire contre
Traitement les agents infectieux après introduction d’un traitement antiré-
troviral actif [9] . Les critères diagnostiques du syndrome de
Les antifongiques utilisables sont l’amphotéricine B, la reconstitution immunologique proposés sont : l’administration
5-fluorocytosine et le fluconazole. Dans le traitement d’attaque, d’un traitement antirétroviral hautement actif avec une augmen-
l’association amphotéricine B/5-fluorocytosine est supérieure à tation des CD4 et/ou une baisse de charge virale et des symptô-
une monothérapie. L’association 5-fluorocytosine/fluconazole mes compatibles avec un processus inflammatoire en excluant la
est également plus efficace que le fluconazole seul mais cette récidive de l’infection opportuniste traitée, une nouvelle infec-
association est souvent mal tolérée. L’utilisation de la tion opportuniste ou une toxicité médicamenteuse [10].
5-fluorocytosine en association est un facteur indépendant du Dans la cryptococcose, l’incidence du syndrome inflammatoire
contrôle mycologique précoce dans les formes sévères [5]. de reconstitution immunitaire est variable : de 4 à 15 pour
100 patients/année. Les facteurs de risque retrouvés dans les
Atteinte méningée et infection disséminée études sont un traitement antirétroviral initié dans les 60 jours
suivant le diagnostic de la cryptococcose, un taux d’antigène
La prise en charge initiale de l’hypertension intracrânienne cryptococcique très élevé dans le LCR, une fongémie, un traite-
conditionne la morbimortalité. Cette dernière reste de 17 % à ment antirétroviral concomitant au diagnostic de cryptococcose,
3 mois, alors que la mortalité tardive a considérablement chuté une charge virale élevée, des lymphocytes T CD4+ bas [11, 12]. Le
à l’ère des traitements antirétroviraux hautement actifs [6]. syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire peut
Le traitement recommandé est : amphotéricine B (0,7 mg/ survenir lors du traitement de la cryptococcose sous la forme
kg/j à 1 mg/kg/j) par voie intraveineuse associée à la d’une méningite aseptique avec éventuellement une hyperten-
5-fluorocytosine (100 mg/kg/j en quatre prises per os ou sion intracrânienne. La culture du LCR est alors habituellement
intraveineuse) pendant une durée minimale de 14 jours [7]. Si stérile. L’évolution est le plus souvent favorable sans traitement
l’évolution clinique est favorable et que le LCR est stérile à la ou avec un traitement anti-inflammatoire (corticoïdes, anti-
ponction lombaire du 15e jour, un traitement de consolidation inflammatoires non stéroïdiens, voire thalidomide). Les autres
par fluconazole 400 mg/j per os doit être entrepris pour une manifestations sont des adénopathies médiastinales nécrotiques,
durée de 8 à 10 semaines. Ensuite, un traitement d’entretien par une pneumopathie nécrosante, des lésions inflammatoires
fluconazole 200 mg/j doit être poursuivi jusqu’à une restaura- intracérébrales ou intramédullaires, des abcès sous-cutanés, des
tion durable de l’immunité. abcès rétropharyngés. Le syndrome inflammatoire de reconstitu-
Si le patient est insuffisant rénal, l’amphotéricine B doit être tion immunitaire peut aussi démasquer une infection cryptococ-
remplacée par la forme liposomale Ambisome® 3mg/kg/j. Pour cique latente. Dans ce cas, la culture peut être positive.
éviter la toxicité hématologique de la 5-fluorocytosine, il est L’initiation du traitement antirétroviral hautement actif après
recommandé de réaliser des dosages sanguins du médicament ; le diagnostic de cryptococcose doit être précoce pour éviter la
la concentration au pic doit être inférieure à 100 µg/ml. S’il y a survenue d’autres infections opportunistes mais elle doit tenir
une intolérance au fluconazole, le traitement par itraconazole compte du risque de syndrome inflammatoire de reconstitution
aux mêmes doses est possible. immunitaire. Il est donc licite d’attendre au moins la confirma-
Si la pression d’ouverture du LCR est supérieure à 25 cmH2O, tion de la négativation des cultures de j15 avant de débuter le
il faut réaliser des ponctions lombaires évacuatrices dont traitement antirétroviral.
l’objectif est de la ramener à la normale [7]. En cas d’échec ou si
l’hypertension est majeure (plus de 40 cmH2O), il faut envisager Arrêt du traitement d’entretien
une dérivation du LCR soit par dérivation ventriculopéritonéale,
soit par cathéter lombaire. Les traitements par mannitol ou Avant l’ère des traitements antirétroviraux hautement actifs,
acétazolamide n’ont pas fait la preuve de leur efficacité dans le l’arrêt du traitement d’entretien de la cryptococcose entraînait
traitement de l’hypertension intracrânienne de la cryptococcose de 37 % à 60 % de rechute, ce qui conduisait à prescrire le
méningée. Les corticoïdes sont délétères dans cette traitement d’entretien à vie. Actuellement, plusieurs études
indication [8]. prospectives et rétrospectives montrent que, sous traitement
antirétroviral, avec des CD4 supérieurs à 100/mm 3 et une
Cryptococcose extraméningée charge virale indétectable depuis au moins 3 mois, il n’y a pas
plus de rechutes de cryptococcose, qu’il y ait un traitement
En l’absence d’autre atteinte signant une dissémination, le
d’entretien par fluconazole ou pas [6, 13-15]. Les recommanda-
traitement recommandé est le fluconazole (400 mg/j) ou
tions françaises proposent un arrêt du traitement d’entretien si
l’itraconazole à la même dose s’il y a une intolérance au
la durée de traitement anticryptococcique est supérieure à
fluconazole. Ce traitement ne peut être interrompu qu’après
6 mois, l’infection est contrôlée, les cultures sont négativées
une restauration durable de l’immunité.
après le traitement d’attaque, l’antigène cryptococcique est
Une association de fluconazole (400 mg/j) et de 5-fluo-
négatif et le nombre de CD4+ est supérieur à 200/mm3 depuis
rocytosine a été proposée pour une durée de 10 semaines mais
plus de 6 mois (rapport Yeni 2006) [16].
elle peut être mal tolérée au plan digestif.
Si la symptomatologie est sévère, l’amphotéricine B intravei-
Traitement chirurgical
neuse doit être utilisée.
Ce traitement est exceptionnel car les cryptococcomes
Cas d’une antigénémie cryptococcique positive répondent aux antifongiques. Il est réservé aux lésions de
isolée chez un patient séropositif pour le VIH grande taille pulmonaire évoluant malgré un traitement anti-
fongique bien conduit.
Cette situation doit faire réaliser un bilan complet de crypto-
coccose (ponction lombaire, hémocultures, culture d’urine) car Prévention primaire
elle peut être un signe précurseur d’infection. On recommande
un traitement par fluconazole (200 à 400 mg/j) si les lympho- La prophylaxie primaire par fluconazole ou itraconazole
cytes T CD4+ circulants sont inférieurs à 200/mm3, si le bilan entraîne une réduction des infections cryptococciques, mais
microbiologique est négatif. sans impact sur la mortalité. Il n’est donc pas recommandé

4 Maladies infectieuses
Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine ¶ 8-002-C-10

actuellement de donner une telle prophylaxie dans les pays Diagnostic mycologique
industrialisés. En revanche, en Thaïlande, pays où la prévalence
de la cryptococcose chez les patients infectés par le VIH L’écouvillonnage ou le prélèvement à la curette de lésions
hospitalisés est de 38 %, une étude prospective randomisée a buccales montre des levures et filaments à l’examen direct. Le
montré une baisse de la mortalité à la limite de la significativité prélèvement permet de cultiver la souche responsable et d’en
dans le groupe traité par fluconazole 400 mg/semaine [17]. La déterminer la sensibilité aux antifongiques en cas d’échec
prophylaxie se discute donc dans les zones de forte endémie thérapeutique. Le diagnostic de candidose œsophagienne est
(Afrique noire, Asie du Sud-Est) où les patients n’ont pas un confirmé par biopsie.
accès large aux antirétroviraux.
Traitement
■ Candidoses Le traitement de première intention de la candidose bucco-
pharyngée est le fluconazole par voie orale : 100 mg le premier
Écologie jour puis 50 mg/j pendant 7 à 14 jours [19]. Ce traitement est
bien toléré, efficace dans plus de 90 % des cas et a montré sa
Les candidoses du patient infecté par le VIH sont le plus supériorité sur les bains de bouche d’amphotéricine B ou de
souvent dues à Candida (C.) albicans. C. albicans est une levure nystatine®. Le traitement de la candidose œsophagienne à C.
cosmopolite commensale du tube digestif et du vagin. Le rôle albicans sensible est le fluconazole 200 mg le premier jour puis
pathogène de C. krusei et C. glabrata est discuté notamment 100 mg/j pendant 21 jours. Des souches de C. albicans de
dans les infections muqueuses. sensibilité intermédiaire (16 mg/l ≤ concentration minimale
inhibitrice [CMI] ≤ 32 mg/l) ou résistantes (CMI ≥ 64 mg/l)
selon la technique du Clinical and Laboratory Standard Institute
Épidémiologie (CLSI) au fluconazole sont décrites surtout chez les patients en
Avant 1996, les localisations œsophagiennes et/ou buccopha- échec virologique et ayant reçu une dose cumulée de flucona-
ryngées atteignaient plus de 90 % des patients. L’incidence de zole très importante. En deuxième intention, l’itraconazole peut
ces pathologies a diminué mais elles restent fréquentes et être utilisé (si la souche est sensible) à 200 mg deux fois par jour
entraînent une morbidité toujours importante chez les patients pendant 15 jours pour la candidose buccopharyngée. Le vorico-
en échec virologique ou dans les pays en développement. nazole, la caspofungine ou le posaconazole sont actifs in vitro
L’augmentation de l’incidence des atteintes vulvovaginales reste et peuvent être utilisés en cas d’échec du fluconazole avec un
discutée au cours de l’infection par le VIH. Les candidoses isolat démontré résistant. Ces trois derniers médicaments n’ont
profondes sont rares et surviennent souvent en présence cependant pas obtenu d’autorisation de mise sur le marché
d’autres facteurs favorisants (cathéter central, nutrition parenté- (AMM) dans cette indication.
rale, neutropénie). Il n’y a pas d’indication à utiliser une prophylaxie primaire
de la candidose muqueuse car elle risque de favoriser les
résistances, et la gravité de cette infection est faible. L’institu-
Pathogénie tion d’un traitement antirétroviral efficace est le principal
L’immunité cellulaire est déterminante pour prévenir les facteur de prophylaxie primaire et secondaire car il permet la
localisations muqueuses alors que les candidoses profondes sont restauration immunitaire. De plus, les antirétroviraux antipro-
favorisées par un déficit de la fonction phagocytaire et la téases ont une action contre l’aspartyl protéinase de C. albicans
neutropénie, éventuellement observés à un stade tardif de (facteur de virulence majeur).
l’infection par le VIH. La candidose buccopharyngée peut Une prophylaxie secondaire par fluconazole ne se discute
survenir à n’importe quel stade d’immunodépression, mais elle qu’en cas de candidose récidivante notamment œsophagienne
est prédictive de l’évolution de l’infection par le VIH et sa entraînant un retentissement notable sur l’état général, dans
fréquence augmente avec la profondeur de l’immunodépression. une situation d’échec immunovirologique [20].
L’œsophagite candidosique est une infection classante du sida.

Manifestations cliniques ■ Mycoses endémiques


La candidose buccopharyngée peut se manifester sous trois Histoplasmose (Fig. 2)
formes : la chéilite angulaire, la glossite érythémateuse et la
forme pseudomembraneuse [18]. Les deux dernières sont prédic-
Écologie
tives de l’évolutivité de l’immunodépression. La chéilite
angulaire est un érythème fissuraire des commissures labiales. La Histoplasma (H.) capsulatum var. capsulatum est un champi-
glossite érythémateuse, parfois méconnue, correspond à des gnon dimorphique qui se trouve dans les sols humides enrichis
zones dépapillées de la langue et du palais. L’atteinte pseudo- par des déjections d’oiseaux (pigeons, étourneaux) ou de
membraneuse se manifeste par des plaques blanchâtres déta- chauve-souris. Le champignon peut être transporté par le vent
chables sur l’ensemble de la muqueuse buccopharyngée. Les sur plusieurs kilomètres. H. capsulatum variété capsulatum est la
symptômes éventuels sont des brûlures ou une dysgueusie. forme pathogène la plus fréquente et c’est celle qui est cosmo-
En présence d’une candidose buccopharyngée, l’existence polite bien qu’endémique. La variété duboisii se rencontre
d’une dysphagie ou de brûlures rétrosternales ou de nausées uniquement dans certains pays d’Afrique mais est exception-
avec vomissements rend le diagnostic d’œsophagite vraisembla- nelle chez les patients infectés par le VIH.
ble. L’endoscopie digestive haute est réalisée en absence
d’amélioration sous traitement pour rechercher une souche de Épidémiologie
Candida sp. résistante au fluconazole ou une autre cause
d’œsophagite (cytomégalovirus [CMV], herpès), notamment en L’histoplasmose dans sa forme disséminée (ou extrapulmo-
cas d’odynophagie. L’endoscopie retrouve des ulcérations naire) est une infection opportuniste définissant le stade sida.
diffuses érythémateuses et des plaques blanchâtres. Vingt pour Les régions où l’histoplasmose est fréquente sont les États-
cent des œsophagites surviennent en absence de lésion buccale ; Unis d’Amérique (bassins de l’Ohio et du Mississippi), les
ainsi toute symptomatologie œsophagienne sans lésion évoca- Caraïbes (Haïti, les Antilles), l’Amérique latine. Il existe quelques
trice de candidose buccale doit faire réaliser une endoscopie foyers en Afrique équatoriale et australe ainsi qu’en Asie du Sud-
digestive haute. Est. L’épidémie d’infections par le VIH a entraîné une augmen-
Les onyxis, périonyxis et intertrigos candidosiques sont rares. tation des cas d’histoplasmose disséminée dans les zones

Maladies infectieuses 5
8-002-C-10 ¶ Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine

Figure 2. Arbre décisionnel. Conduite à tenir


devant une suspicion d’histoplasmose chez un
Fièvre, altération de l'état général
+ CD4 < 100/mm3 malade infecté par le virus de l’immunodéfi-
+ voyage en zone d'endémie (même ancien) cience humaine (VIH). LBA : liquide de lavage
+/- pneumopathie, lésions cutanées, bronchioloalvéolaire.
hépato-spléno-mégalie, polyadénopathies,
méningoencéphalite, insuffisance
surrénalienne

Bilan mycologique

LBA Biopsie : Hémoculture Sérologie


cutanée,
médullaire,
hépatique

Confirmation diagnostique d'histoplasmose

Traitement d'attaque

Forme sévère Forme modérée

Amphotéricine B 1 mg/kg/j 14 jours Itraconazole 200 mg x 2/j


ou Ambisome 3 mg/kg/j
puis
Itraconazole 200 mg x 2/j

d’endémie (2 à 5 % des patients infectés par le VIH avant Manifestations pulmonaires


1996) [21]. L’histoplasmose chez les patients infectés par le VIH
Les signes fonctionnels sont en général la toux et la dyspnée.
est rare en Europe (prévalence inférieure à 1 %) et résulte d’une
La radiographie de thorax peut retrouver une miliaire, un
contamination récente en zone d’endémie ou d’une réactivation
syndrome interstitiel réticulomicronodulaire et plus rarement
parfois tardive de l’infection.
des macronodules, des infiltrats localisés, une caverne ou un
épanchement pleural. Des adénopathies médiastinales sont
Pathogénie possibles.
Les microconidies (petites spores) d’H. capsulatum sont Les symptômes ainsi que le syndrome interstitiel sont aspéci-
inhalées et germent ensuite sous forme de levures dans le fiques chez un patient immunodéprimé et la documentation
cytoplasme des cellules du système des phagocytes mononu- microbiologique par LBA s’impose car la co-infection par P.
cléés. Elles peuvent rester à l’état quiescent asymptomatique ou jirovecii est fréquente (25 % des cas).
entraîner des symptômes respiratoires et éventuellement des
signes généraux 15 jours plus tard s’il y a une dissémination Syndrome « septique »
hématogène. Cependant, cette phase de primo-infection est le Il survient tardivement dans l’évolution de la maladie. Ce
plus souvent asymptomatique avec le développement d’une syndrome associe une hypotension artérielle, une insuffisance
immunité spécifique contre H. capsulatum chez l’immunocom- respiratoire aiguë, une défaillance hépatique et rénale et une
pétent. Le « réveil » de l’infection se fait lors de l’apparition rhabdomyolyse. Il représente un facteur de gravité de
d’un déficit immunitaire (le plus souvent chez des patients l’infection.
ayant moins de 50 CD4/mm3 [médiane 20/mm3 en France]).
Manifestations neurologiques
Manifestations cliniques L’atteinte neurologique de l’histoplasmose peut comporter
Chez le patient infecté par le VIH, l’histoplasmose est une une méningite lymphocytaire, une encéphalite ou des déficits
maladie disséminée dans environ 95 % des cas et classante du focaux. Les principales manifestations sont des céphalées, une
sida. Une atteinte pulmonaire limitée peut survenir chez des fièvre, une confusion, des crises convulsives et un déficit
patients peu immunodéprimés (plus de 300 CD4/mm3). sensitivomoteur. La ponction lombaire peut retrouver une
Une altération de l’état général sur 1 à 3 mois associant méningite lymphocytaire hypo- ou normoglycorachique. Le
fièvre, asthénie et perte de poids est caractéristique mais une scanner ou l’IRM cérébrale montre des lésions prenant le
évolution très rapidement fatale est possible. contraste, de mauvais pronostic, dans 33 % des cas.
Une atteinte respiratoire est présente chez 50 % des patients,
Manifestations gastro-intestinales
une hépatomégalie, une splénomégalie et/ou des adénomégalies
dans 25 % des cas, un syndrome « septique », une atteinte Les lésions peuvent intéresser tout le tube digestif mais sont
méningée ou une atteinte digestive dans 10 à 20 % des cas. plus fréquentes au niveau de l’intestin grêle ou du côlon droit.

6 Maladies infectieuses
Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine ¶ 8-002-C-10

L’atteinte digestive peut se manifester par une diarrhée, des Traitement


douleurs abdominales, un syndrome occlusif, une perforation
digestive, une péritonite, une hémorragie digestive. Le traitement d’attaque de l’histoplasmose disséminée du
L’endoscopie digestive peut retrouver un érythème localisé, patient infecté par le VIH repose sur l’amphotéricine B ou
des ulcérations, des pseudopolypes, des nodules, un amincisse- l’itraconazole. Dans les formes sévères, le traitement comporte
ment des parois. La présence de petites levures évoquant H. une phase d’attaque de 12 semaines avec initialement de
capsulatum sur l’examen direct des biopsies permet de porter le l’amphotéricine B 0,7 à 1 mg/kg/j puis de l’itraconazole 200 mg
diagnostic. Le scanner abdominal peut montrer une hépatomé- deux fois par jour institué dès l’amélioration notable clinique et
la négativation des hémocultures [23]. En absence de signe de
galie, une splénomégalie, une hypertrophie des surrénales.
gravité, si un traitement ambulatoire est envisagé, il ne com-
Manifestations cutanées porte que de l’itraconazole d’abord 200 mg trois fois par jour
pendant 3 jours puis 200 mg deux fois par jour. Après le
Elles surviennent dans 10 % à 40 % des cas et sont polymor- traitement d’attaque, un traitement d’entretien par itraconazole
phes : papules érythémateuses ou hyperpigmentées, maculopa- 200 mg à 400 mg/j doit être institué. Dans les formes ménin-
pules diffuses, pustules, folliculites, plaques ulcérées, lésions gées, le traitement d’attaque est l’amphotéricine B 0,7 à 1 mg/
eczématiformes, pseudorosacée, érythème polymorphe. La kg/j. Le relais est ensuite pris par du fluconazole 800 mg/j
biopsie cutanée est indispensable dans ce contexte d’immuno- pendant 9 à 12 mois. En cas d’échec, la forme liposomale
dépression et peut montrer de petites levures évoquant H. d’amphotéricine B peut être utilisée et, en dernier recours, des
capsulatum à l’examen direct. Les érosions et ulcérations injections intrathécales d’amphotéricine B. Dans les formes
buccales sont fréquentes. sévères, malgré le traitement, la mortalité est proche de 50 %
mais dans les autres formes, la réponse au traitement est quasi
Manifestations rares constante. Il faut surveiller les taux sériques d’itraconazole pour
éviter un sous-dosage. Le kétoconazole n’est pas recommandé
L’insuffisance surrénale aiguë est rare mais la maladie d’Addi-
dans le traitement de l’histoplasmose car le taux de réponse est
son peut atteindre 10 à 20 % des patients. L’hypertrophie des
inférieur à 20 %. La place des nouveaux antifongiques (vorico-
surrénales est fréquente (80 % des cas) [22]. nazole, posaconazole) est imprécise. Des rechutes ont été
Les autres manifestations possibles sont une péricardite, une documentées sous voriconazole.
endocardite, une pleurésie, une pancréatite, une prostatite ou
une rétinite. Quand instituer un traitement antirétroviral
hautement actif ? Le problème du syndrome
Examens complémentaires inflammatoire de reconstitution immunitaire
Biologie Le syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire est
Une anémie est retrouvée chez 50 % des patients, une moins bien décrit dans l’histoplasmose que dans la cryptococ-
leuconeutropénie chez 33 % et une thrombopénie moins cose. Seulement quelques cas sont rapportés dans la littérature
fréquemment. L’augmentation des lacticodéshydrogénases avec des manifestations cliniques variées : uvéite, abcès hépati-
(LDH) et une hyperferritinémie sont habituelles. L’hypoxémie, que, arthrite, adénopathies nécrotiques [24]. L’examen anatomo-
l’insuffisance rénale, l’insuffisance hépatocellulaire sont des pathologique retrouve un granulome épithélioïde et
signes de gravité. gigantocellulaire. Il n’y a classiquement pas de levure à l’exa-
men direct et les cultures sont négatives. Par analogie avec les
Examen direct autres infections opportunistes, il paraît raisonnable de n’insti-
tuer un traitement antirétroviral qu’une fois l’infection contrô-
C’est le moyen le plus rapide de faire le diagnostic mais la lée, après au moins 4 semaines de traitement antifongique.
sensibilité de cet examen est variable : de 50 à 70 % au myélo-
gramme à 25 % sur d’autres sites. Un frottis médullaire ou de Arrêt du traitement d’entretien
LBA coloré au May-Grünwald-Giemsa (MGG) permet de mettre
en évidence de petites levures ovalaires de 2 à 3 µm. Les levures Avant 1996, le taux de rechute à l’arrêt du traitement était de
sont visualisées par l’acide périodique Schiff (PAS) ou par la 35 % à 80 % selon les séries. Il était recommandé de poursuivre
coloration argentique (Grocott-Gomori). On observe rarement le traitement à vie. Une étude prospective sur 32 patients en
un granulome inflammatoire patent, des amas lymphohistiocy- 2004 a montré une absence de rechute avec un recul de
taires ou des infiltrats macrophagiques. 24 mois en interrompant le traitement chez des patients ayant
reçu au moins 12 mois de traitement d’entretien de l’histoplas-
Culture mose, en rémission, avec deux valeurs de lymphocytes
CD4 supérieurs à 150/mm3 dans les 6 mois et sous traitement
Les cultures doivent être manipulées en laboratoire de antirétroviral depuis au moins 24 semaines [25]. Il est recom-
confinement P3. La culture d’une leucoconcentration sanguine, mandé de represcrire le traitement d’entretien si le nombre de
de moelle osseuse, du culot de LBA, d’une biopsie ou écou- CD4 devient inférieur à 100/mm3.
villonnage de lésions cutanées ou buccales permet de faire le
diagnostic d’histoplasmose dans plus de 85 % des cas. La
myéloculture est la culture la plus sensible. La culture du LBA Coccidioïdomycose
peut être positive si le patient a des symptômes respiratoires
même avec une radiographie de thorax normale. L’isolement Écologie et épidémiologie
d’H. capsulatum en culture peut prendre plusieurs semaines.
Coccidioides immitis est un champignon dimorphique. Il est
Sérologie présent dans le sol des régions semi-arides ou désertiques à
plantes cactées du continent américain (Texas, Californie,
Si la sérologie de l’histoplasmose est un des examens de choix Arizona, Amérique centrale et nord de l’Amérique du Sud). Ses
pour le diagnostic des formes pulmonaires limitées de l’immu- spores sont disséminées par le vent, particulièrement à la fin de
nocompétent, elle est le plus souvent négative chez le patient l’été et en automne.
infecté par le VIH. On estime que 50 % des individus habitant la zone frontière
Antigène H. capsulatum. La détection de l’antigène dans les entre les États-Unis et le Mexique ont été exposés au champi-
urines ou le sang est la technique la plus sensible (proche de gnon. Avant 1996, la coccidioïdomycose pouvait représenter
100 %) et très spécifique (98 %) mais ce test n’est disponible 25 % des infections opportunistes chez les patients porteurs du
que dans le centre de référence aux États-Unis. VIH dans ces zones d’endémie. Le diagnostic peut être difficile

Maladies infectieuses 7
8-002-C-10 ¶ Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine

car la maladie peut être une réactivation ou survenir après un la Guyane, des Antilles et du Chili. La paracoccidioïdomycose,
voyage court en zone d’endémie [26]. La coccidioïdomycose mycose endémique la plus importante en Amérique du Sud, est
extrapulmonaire est une infection classante du sida rare au cours de l’infection par le VIH puisque seulement 79 cas
avaient été décrits jusqu’en 2000, en majorité au Brésil.
Pathogénie
Pathogénie
C. immitis est inhalé sous forme d’une arthroconidie qui
grossit dans l’organisme et forme des sphérules qui développent P. brasiliensis est inhalé sous forme de conidies puis dissémine
des endospores. Après une période de maturation, la sphérule se par voie lymphaticosanguine. Les manifestations cliniques
rompt et relâche les endospores, ce qui provoque une extension peuvent suivre l’inhalation ou être le résultat d’une réactivation
locale et générale de la maladie. L’immunité cellulaire est à la faveur de l’immunodépression. Chez les patients infectés
déterminante dans le contrôle de la maladie. L’infection par le VIH, l’infection survient à un taux de CD4 inférieur à
survient le plus souvent chez le patient atteint du VIH ayant 200/mm3.
moins de 150 CD4/mm3. Les facteurs de survenue de l’infection
après exposition au champignon sont : l’origine ethnique noire, Manifestations cliniques
la candidose oropharyngée et l’absence de traitement antirétro- Chez les patients infectés par le VIH, la paracoccidioïdomy-
viral hautement actif [27]. cose est disséminée dans 71 % des cas. Il y a une atteinte
respiratoire avec syndrome interstitiel radiologique (74 %), des
Manifestations cliniques adénopathies cervicales (73 %), une atteinte cutanée sous la
forme de papules ulcérées à centre potentiellement nécrotique
C’est une infection sévère et souvent fatale. Près de 80 % des
(61 %), une hépatomégalie (43 %), une splénomégalie (29 %),
patients VIH ont une atteinte pulmonaire, les autres présentent
des lésions buccales ulcérées ou granulomateuses (10-32 %), une
une atteinte extrapulmonaire pouvant toucher tous les organes.
atteinte ostéoarticulaire (18 %). L’âge moyen est d’environ
L’évolution est subaiguë sur quelques semaines à quelques
30 ans au diagnostic. Trente-sept pour cent des patients avaient
mois. Les signes les plus fréquents sont une fatigue, une fièvre,
une autre infection opportuniste (candidose œsophagienne
une perte de poids, des sueurs nocturnes, une douleur thoraci-
et tuberculose surtout). La coexistence des lésions buccales et de
que, une toux ou une dyspnée.
l’atteinte disséminée est caractéristique du sujet immunodé-
La radiographie de thorax peut montrer un syndrome inter-
stitiel réticulomicronodulaire diffus, des infiltrats localisés, plus primé [31].
rarement des nodules, cavernes, adénopathies médiastinales ou
Diagnostic
épanchements pleuraux. L’atteinte diffuse entraîne une insuffi-
sance respiratoire associée à une mortalité proche de 70 %. La Il est fait par examen direct et mise en culture de prélève-
coccidioïdomycose peut aussi se manifester par des arthrites ou ments cutanéomuqueux ou de sécrétions bronchiques.
ostéites, une méningoencéphalite souvent accompagnée de
vascularite cérébrale avec un LCR lymphocytaire hypoglycora- Traitement
chique. Les lésions cutanées, rarement présentes, aspécifiques,
doivent être biopsiées. Les autres manifestations sont rares : Le traitement n’est pas consensuel. Il est proposé de traiter les
atteinte ganglionnaire, hépatique, péritonéale, rénale, thyroï- formes sévères par amphotéricine B et de prendre le relais par
dienne, cardiaque, surrénalienne, hypophysaire, œsophagienne, l’itraconazole ≥ 200 mg/j. La prophylaxie de la pneumocystose
pancréatique. par cotrimoxazole ou un traitement par fluconazole prévient
l’apparition de la paracoccidioïdomycose.
Diagnostic
Il est réalisé par examen direct et culture. La culture doit être
Blastomycose
réalisée dans un laboratoire avec un niveau de confinement
Écologie et épidémiologie
P3 en raison du risque de contamination du personnel. La
sérologie est utile mais il y a des risques de faux négatif chez les Blastomyces (B.) dermatitidis est un champignon dimorphique
patients porteurs du VIH. La « sérologie » dans le LCR peut tellurique dont la croissance est favorisée par l’acidité du sol, les
permettre le diagnostic, particulièrement difficile en cas de moisissures et la présence de matières organiques. Sa distribu-
forme méningoencéphalique. tion géographique est à peu près superposable à celle d’H.
capsulatum. Le Canada est aussi une importante zone d’endémie
Traitement de la maladie. La blastomycose est très rare chez les patients
infectés par le VIH.
C’est la mycose systémique la plus difficile à contrôler.
Dans les formes pulmonaires non compliquées ou les formes Pathogénie
disséminées non méningées, le traitement repose sur un azolé
(fluconazole ou itraconazole à 400 mg/j, plus récemment B. dermatitidis est inhalé sous forme de conidies et reste
posaconazole 800 mg/j [28, 29]), puis un traitement d’entre- d’abord localisé au poumon. Puis il existe une dissémination
tien [30]. Dans les atteintes pulmonaires diffuses, l’amphotéricine hématogène. L’immunité cellulaire est déterminante dans le
B à 0,5 à 0,7 mg/kg est utilisé jusqu’à amélioration puis contrôle de l’infection. La blastomycose survient chez les
utilisation d’un azolé. En cas d’atteinte méningée, le traitement patients VIH ayant moins de 200 CD4/mm3.
comporte du fluconazole (≥ 400 mg/j) auquel certains associent
systématiquement de l’amphotéricine B intrathécale (à doses Manifestations cliniques
progressives) : les ponctions lombaires peuvent être de quoti- La blastomycose est uniquement pulmonaire dans 50 % des
diennes à hebdomadaires. Le traitement chirurgical est indis- cas avec des signes non spécifiques : toux, dyspnée, douleur
pensable dans les localisations ostéoarticulaires. thoracique, perte de poids, infiltrats localisés ou diffus à la
radiographie de thorax. Des nodules, cavités ou épanchements
Paracoccidioïdomycose pleuraux sont possibles. Les formes disséminées représentent les
50 % restants avec une atteinte méningée ou des lésions
Écologie et épidémiologie cérébrales focales dans 40 % des cas. L’atteinte cutanée est plus
rare que chez le patient immunocompétent. Les sites potentiel-
Paracoccidioides (P.) brasiliensis est un champignon dimorphi- lement atteints sont multiples. La mortalité de la forme dissé-
que endémique en Amérique du Sud et centrale à l’exception de minée est de 75 % [21].

8 Maladies infectieuses
Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine ¶ 8-002-C-10

Diagnostic présent dans l’air, particulièrement s’il y a des travaux de


terrassement. Il est également très présent dans les végétaux et
L’examen direct est très souvent positif. La culture du LBA, le poivre. Les espèces habituellement rencontrées sont A.
du LCR, du sang, de la peau a une sensibilité supérieure à 90 % fumigatus, A. flavus, A. niger, A. terreus. Des séries de patients
et est généralement positive dans les 7 jours. La sérologie est porteurs du VIH atteints d’aspergillose invasive ont été décrites
rarement contributive au cours de l’infection par le VIH. dans les années 1990. Dans une d’entre elles portant sur
33 patients, 50 % seulement des cas avaient les facteurs de
Traitement risque habituels de l’aspergillose invasive (neutropénie prolon-
Chez le patient infecté par le VIH, l’amphotéricine B 0,7 à gée ou corticothérapie) [36] ce qui conduit à penser que l’asper-
1 mg/kg/j jusqu’à une dose totale de 1,5 à 2 g semble effi- gillose peut compliquer l’infection par le VIH par le biais de la
cace [32]. Un relais est ensuite pris par itraconazole. Dans les lymphopénie CD4 profonde et/ou de la dysfonction des poly-
formes non sévères, l’itraconazole est utilisé en première nucléaires neutrophiles observée à ce stade du déficit immuni-
intention. Le fluconazole est préconisé en cas d’atteinte taire. Cette infection a toujours été très rare et a actuellement
méningée. quasiment disparu depuis les traitements antirétroviraux
hautement actifs.

Pénicilliose à « Penicillium (P.) marneffei » Pathogénie


Les mécanismes de défense contre l’aspergillose invasive font
Écologie et épidémiologie surtout intervenir les macrophages alvéolaires et les polynu-
P. marneffei est un champignon dimorphique. Il est endémi- cléaires neutrophiles. Les lymphocytes T interviennent aussi
que dans toute l’Asie du Sud-Est, le sud de la Chine et l’est de dans la défense contre Aspergillus sp. L’aspergillose du sujet
l’Inde. La fréquence de la pénicilliose a augmenté avec l’épidé- infecté par le VIH survient à un stade d’immunodépression
mie d’infection par le VIH. Elle est devenue la troisième avancée (CD4 ≤ 50/mm3) où les fonctions phagocytaires sont
infection opportuniste après la tuberculose et la cryptococcose altérées.
dans certaines régions où elle atteint jusqu’à 15 à 20 % des
patients infectés par le VIH [33]. Le mode de transmission n’est
Manifestations cliniques
pas encore élucidé mais il semble qu’un contact avec le sol lors Soixante-quinze pour cent des patients ont une atteinte
de la saison des pluies soit un facteur de risque important. La pulmonaire et 25 % une atteinte disséminée. Les symptômes les
pénicilliose peut se développer quelques semaines à quelques plus fréquents sont la fièvre et la toux. L’atteinte respiratoire
mois après un séjour en zone d’endémie. La pathogénie est peut comporter une douleur thoracique, une dyspnée ou une
incertaine mais les patients atteints par P. marneffei sont très hémoptysie. Chez le patient infecté par le VIH, les aspergilloses
immunodéprimés (moins de 50 CD4/mm3). trachéobronchiques nécrosantes sont observées dans 10 à 30 %
des cas [37] . Le scanner thoracique est indispensable pour
Manifestations cliniques pouvoir faire un diagnostic précoce. Il peut retrouver des lésions
excavées des sommets ainsi que d’autres lésions peu spécifi-
L’infection à P. marneffei est disséminée et se manifeste le plus
ques : nodules, épaississements pleuraux, infiltrats diffus [38].
souvent par une fièvre, une anémie, une perte de poids et des
Tous les organes peuvent être atteints, particulièrement le cœur
lésions cutanées. La manifestation cutanée la plus typique est
et le système nerveux central.
une éruption généralisée de papules ombiliquées dont le centre
peut être nécrotique. Une hépatomégalie et des adénopathies Diagnostic
peuvent être rencontrées chez 50 % des patients.
La culture du LBA semble être un examen sensible et spécifi-
Diagnostic que (bien corrélé avec les examens anatomopathologiques). La
détection de l’antigène galactomannane dans le sérum et la
Il peut être fait très rapidement par examen direct d’un polymerase chain reaction (PCR) n’ont pas été spécifiquement
myélogramme ou sur la biopsie cutanée. Le diagnostic est le évaluées au cours de l’infection par le VIH.
plus souvent apporté par les cultures : la myéloculture a une
sensibilité de 100 %, la culture de peau 90 % et les hémocultu- Traitement
res 70 % [34].
Les patients décrits dans la littérature ont reçu de l’amphoté-
ricine B et gardaient un pronostic péjoratif puisqu’ils survivaient
Traitement en moyenne moins de 2 mois après le diagnostic. Par analogie
L’évolution spontanée de la maladie conduit au décès. Malgré avec le patient neutropénique, il est important de traiter
une prise en charge adaptée, la mortalité de la pénicilliose reste l’aspergillose du patient infecté par le VIH par du voriconazole
de 20 %. Le traitement recommandé chez le patient infecté par en première intention et de vérifier l’absence d’interactions
le VIH est l’amphotéricine B 0,6 mg/kg/j pendant 15 jours puis médicamenteuses avec les antirétroviraux hautement actifs
itraconazole 200 mg 2 fois par jour pendant 10 semaines [35]. (antiprotéases ou inhibiteurs non nucléosidiques de la trans-
Un traitement d’entretien par itraconazole 200 mg/j est ensuite criptase inverse).
institué sinon le risque de récidive est de 50 % dans les 6 mois
suivant l’arrêt du traitement. Le fluconazole et le kétoconazole Zygomycoses (mucormycoses)
sont moins efficaces que l’itraconazole dans le traitement de la
Plusieurs cas de zygomycoses ont été rapportés chez des
pénicilliose. L’itraconazole s’est avéré efficace en prophylaxie
patients infectés par le VIH, en particulier chez des toxicomanes
primaire de l’infection à P. marneffei dans les zones d’endémie.
intraveineux. Les localisations cérébrales ont un très mauvais
pronostic. Le traitement repose sur l’association d’amphotéricine
■ Mycoses rares B (ou de sa forme liposomale) et d’une chirurgie d’exérèse des
tissus infectés. Les différents champignons rencontrés lors de ces
infections sont : Absidia corymbifera, Cunninghamella bertholletiae,
Aspergillose Mucor sp., Rhizopus sp.

Écologie et épidémiologie Autres mycoses profondes rares


Aspergillus (A.) sp. est un champignon filamenteux qui se Des observations ont été rapportées de façon sporadique de
développe sur des matières organiques en décomposition. Il est mycoses invasives à Alternaria alternata, Aureobasidium pullulans,

Maladies infectieuses 9
8-002-C-10 ¶ Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine

Chrysosporium parvum var. parvum, Cryptococcus curvatus, Exo- [3] Neuville S, Dromer F, Morin O, Dupont B, Ronin O, Lortholary O, et al.
phiala jeanselmei, Fusarium sp., Geotrichum candidum, Hansenias- Primary cutaneous cryptococcosis: a distinct clinical entity. Clin Infect
pora guilliermondii, Penicillium decumbens, Rhinocladiella atrovirens, Dis 2003;36:337-47.
Rhodotorula rubra, Saccharomyces cerevisiae, ou prolificans, [4] Lortholary O, Nunez H, Brauner MW, Dromer F. Pulmonary
Schizophyllum commune, Sporobolomyces salmonicolor, Sporothrix cryptococcosis. Semin Respir Crit Care Med 2004;25:145-57.
schenckii, Trichosporon sp. [5] Dromer F, Mathoulin-Pélissier S, Launay O, Lortholary O, and the
French Cryptococcosis Study Group. Determinants of disease
presentation and outcome during cryptococcosis: The CryptoA/D
■ Mycoses superficielles cutanées Study. PLoS Med 2007;4:e21.
[6] Lortholary O, Poizat G, Zeller V, Neuville S, Boibieux A, Alvarez M,
et des phanères et al. Long-term outcome of AIDS-associated cryptococcosis in the era
of combination antiretroviral therapy. AIDS 2006;20:2183-91.
Dermatophytoses [7] Saag MS, Graybill RJ, Larsen RA, Pappas PG, Perfect JR,
Powderly WG, et al. Practice guidelines for the management of
Les lésions cutanées comme l’herpès circiné ou l’intertrigo des cryptococcal disease. Infectious Diseases Society of America. Clin
grands plis ne sont pas plus fréquentes chez les patients infectés Infect Dis 2000;30:710-8.
par le VIH que dans la population générale. Le traitement [8] Graybill JR, Sobel J, Saag M, van Der Horst C, Powderly W, Cloud G,
comporte des azolés ou de la terbinafine par voie locale. Les et al. Diagnosis and management of increased intracranial pressure in
onyxis des pieds, souvent associés à un intertrigo interorteil patients with AIDS and cryptococcal meningitis. The NIAID Mycoses
sont fréquents. Trichophyton rubrum est le champignon le plus Study Group and AIDS Cooperative Treatment Groups. Clin Infect Dis
souvent retrouvé à la culture des prélèvements locaux. Les 2000;30:47-54.
traitements locaux des onyxis sont souvent décevants et les [9] Jenny-Avital ER,Abadi M. Immune reconstitution cryptococcosis after
traitements généraux prolongés par griséofulvine, kétoconazole initiation of successful highly active antiretroviral therapy. Clin Infect
ou terbinafine posent le problème de leur toxicité et des Dis 2002;35:e128-e133.
interactions médicamenteuses chez des patients recevant le plus [10] Shelburne SA, Montes M, Hamill RJ. Immune reconstitution
souvent de nombreux traitements. inflammatory syndrome: more answers, more questions. J Antimicrob
Chemother 2006;57:167-70.
[11] Lortholary O, Fontanet A, Memain N, Martin A, Sitbon K, Dromer F,
Pytirosporose et al. Incidence and risk factors of immune reconstitution inflammatory
Malassezia furfur est responsable du pityriasis versicolor, de syndrome complicating HIV-associated cryptococcosis in France.
folliculite du dos ou diffuse et pour certains de la dermite AIDS 2005;19:1043-9.
séborrhéique. La présence de ce champignon est objectivée à [12] Shelburne SA, Visnegarwala F, Darcourt J, Graviss EA, Giordano TP,
l’examen direct des squames, par la culture sur milieu à l’huile White Jr.AC, et al. Incidence and risk factors for immune reconstitution
ou l’histologie d’une lésion de folliculite. inflammatory syndrome during highly active antiretroviral therapy.
Le traitement local par un azolé est efficace. Le kétoconazole, AIDS 2005;19:399-406.
l’itraconazole ou le fluconazole sont utilisés pour traiter les [13] Vibhagool A, Sungkanuparph S, Mootsikapun P, Chetchotisakd P,
folliculites. Les récidives en sont fréquentes. Tansuphaswaswadikul S, Bowonwatanuwong C, et al. Discontinuation
of secondary prophylaxis for cryptococcal meningitis in human
immunodeficiency virus-infected patients treated with highly active
■ Conclusion antiretroviral therapy: a prospective, multicenter, randomized study.
Clin Infect Dis 2003;36:1329-31.
[14] Mussini C, Pezzotti P, Miro JM, Martinez E, de Quiros JC, Cinque P,
Les mycoses systémiques au cours de l’infection par le VIH et al. Discontinuation of maintenance therapy for cryptococcal
restent un problème d’actualité à cause de leur morbimortalité. meningitis in patients with AIDS treated with highly active
Le risque de syndrome inflammatoire de restauration immuni- antiretroviral therapy: an international observational study. Clin Infect
taire rend nécessaire la vérification de la négativation des Dis 2004;38:565-71.
cultures fongiques avant de débuter un traitement antirétroviral [15] Kirk O, Reiss P, Uberti-Foppa C, Bickel M, Gerstoft J, Pradier C,
hautement actif. Chez les patients infectés par le VIH à un stade
et al. Safe interruption of maintenance therapy against previous
avancé d’immunodépression consultant pour une fièvre, la
infection with four common HIV-associated opportunistic pathogens
cryptococcose doit être recherchée et il faut savoir évoquer
during potent antiretroviral therapy. Ann Intern Med 2002;137:
l’histoplasmose qui peut survenir plusieurs années après un
239-50.
voyage en zone d’endémie car le retard diagnostique peut
[16] Recommandations du groupe d’experts sous la direction du Professeur
aggraver le pronostic déjà sévère de ces infections. Un bilan
Patrick Yeni. Prise en charge médicale des personnes infectées par le
d’extension de la cryptococcose doit être systématiquement
VIH, rapport 2006. Paris: Médecine-Sciences Flammarion; 2006.
réalisé.
[17] Chetchotisakd P, Sungkanuparph S, Thinkhamrop B, Mootsikapun P,
Les traitements de ces infections par les nouveaux antifongi-
Boonyaprawit P. A multicentre, randomized, double-blind, placebo-
ques n’ont pas encore été évalués mais pourraient permettre controlled trial of primary cryptococcal meningitis prophylaxis in HIV-
d’améliorer l’évolution de ces maladies. infected patients with severe immune deficiency. HIV Med 2004;
Dans les pays en développement où l’endémie de VIH est 5:140-3.
importante, les mycoses systémiques sont un problème de santé [18] Greenspan D, Greenspan JS. HIV-related oral disease. Lancet 1996;
publique majeur : la cryptococcose est ainsi la première cause de 348:729-33.
méningite en Afrique, la pénicilliose à P. marneffei est la [19] Charlier C, Lortholary O, Lecuit M. Treatment of oropharyngeal and
troisième infection opportuniste en Thaïlande. oesophageal candidiasis in HIV infected patients. Antibiot Clin 2006;
.

10:337-42.

■ Références
[20] Pagani JL, Chave JP, Casjka C, Glauser MP, Bille J. Efficacy,
tolerability and development of resistance in HIV-positive patients
[1] Mitchell TG, Perfect JR. Cryptococcosis in the era of AIDS--100 years treated with fluconazole for secondary prevention of oropharyngeal
after the discovery of Cryptococcus neoformans. Clin Microbiol Rev candidiasis: a randomized, double-blind, placebo-controlled trial.
1995;8:515-48. J Antimicrob Chemother 2002;50:231-40.
[2] Dromer F, Mathoulin-Pelissier S, Fontanet A, Ronin O, Dupont B, [21] Wheat J. Endemic mycoses in AIDS: a clinical review. Clin Microbiol
Lortholary O, et al. Epidemiology of HIV-associated cryptococcosis in Rev 1995;8:146-59.
France (1985-2001): comparison of the pre- and post-HAART era. [22] Wheat J. Histoplasmosis. Experience during outbreaks in Indianapolis
AIDS 2004;18:555-62. and review of the literature. Medicine 1997;76:339-54.

10 Maladies infectieuses
Infections fongiques au cours de l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine ¶ 8-002-C-10

[23] Wheat J, Sarosi G, McKinsey D, Hamill R, Bradsher R, Johnson P, et al. [32] Chapman SW, Bradsher Jr. RW, Campbell Jr. GD, Pappas PG,
Practice guidelines for the management of patients with histoplasmosis. Kauffman CA. Practice guidelines for the management of patients with
Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2000;30: blastomycosis. Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis
688-95. 2000;30:679-83.
[24] Breton G, Adle-Biassette H, Therby A, Ramanoelina J, Choudat L, [33] Vanittanakom N, Cooper Jr. CR, Fisher MC, Sirisanthana T.
Bissuel F, et al. Immune reconstitution inflammatory syndrome in HIV- Penicillium marneffei infection and recent advances in the
infected patients with disseminated histoplasmosis. AIDS 2006;20: epidemiology and molecular biology aspects. Clin Microbiol Rev 2006;
119-21. 19:95-110.
[25] Goldman M, Zackin R, Fichtenbaum CJ, Skiest DJ, Koletar SL, [34] Sirisanthana T, Supparatpinyo K. Epidemiology and management of
Hafner R, et al. Safety of discontinuation of maintenance therapy for penicilliosis in human immunodeficiency virus-infected patients. Int
disseminated histoplasmosis after immunologic response to J Infect Dis 1998;3:48-53.
antiretroviral therapy. Clin Infect Dis 2004;38:1485-9.
[35] Supparatpinyo K, Perriens J, Nelson KE, Sirisanthana T. A controlled
[26] Stevens DA. Coccidioidomycosis. N Engl J Med 1995;332:1077-82.
trial of itraconazole to prevent relapse of Penicillium marneffei infec-
[27] Woods CW, McRill C, Plikaytis BD, Rosenstein NE, Mosley D,
tion in patients infected with the human immunodeficiency virus. N
Boyd D, et al. Coccidioidomycosis in human immunodeficiency virus-
infected persons in Arizona, 1994-1997: incidence, risk factors, and Engl J Med 1998;339:1739-43.
prevention. J Infect Dis 2000;181:1428-34. [36] Lortholary O, Meyohas MC, Dupont B, Cadranel J, Salmon-
[28] Anstead GM, Corcoran G, Lewis J, Berg D, Graybill JR. Refractory Ceron D, Peyramond D, et al. Invasive aspergillosis in patients with
coccidioidomycosis treated with posaconazole. Clin Infect Dis 2005; acquired immunodeficiency syndrome: report of 33 cases. French
40:1770-6. Cooperative Study Group on Aspergillosis in AIDS. Am J Med 1993;
[29] Keating GM. Posaconazole. Drugs 2005;65:1553-67. 95:177-87.
[30] Galgiani JN, Ampel NM, Catanzaro A, Johnson RH, Stevens DA, [37] Denning DW, Follansbee SE, Scolaro M, Norris S, Edelstein H,
Williams PL. Practice guideline for the treatment of Stevens DA. Pulmonary aspergillosis in the acquired
coccidioidomycosis. Infectious Diseases Society of America. Clin immunodeficiency syndrome. N Engl J Med 1991;324:
Infect Dis 2000;30:658-61. 654-62.
[31] Benard G, Duarte AJ. Paracoccidioidomycosis: a model for evaluation [38] Zaspel U, Denning DW, Lemke AJ, Greene R, Schurmann D,
of the effects of human immunodeficiency virus infection on the natural Maschmeyer G, et al. Diagnosis of IPA in HIV: the role of the chest
history of endemic tropical diseases. Clin Infect Dis 2000;31:1032-9. X-ray and radiologist. Eur Radiol 2004;14:2030-7.

P. Charles.
P. Loulergue.
J.-P. Viard.
Université Paris V, Centre d’infectiologie Necker-Pasteur, Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149-161, rue de
Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.
F. Dromer.
Centre national de référence mycologie et antifongiques, Unité mycologie moléculaire, CNRS FRE 2849, Institut Pasteur, 25, rue du Docteur-Roux, 75724
Paris cedex 15, France.
O. Lortholary (olivier.lortholary@nck.aphp.fr).
Université Paris V, Centre d’infectiologie Necker-Pasteur, Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Necker-Enfants Malades, 149-161, rue de
Sèvres, 75743 Paris cedex 15, France.
Centre national de référence mycologie et antifongiques, Unité mycologie moléculaire, CNRS FRE 2849, Institut Pasteur, 25, rue du Docteur-Roux, 75724
Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Charles P., Loulergue P., Viard J.-P., Dromer F., Lortholary O. Infections fongiques au cours de l’infection
par le virus de l’immunodéficience humaine. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-002-C-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Maladies infectieuses 11
¶ 8-002-D-10

Chimioprophylaxie des maladies


infectieuses
E. Bouvet, E. Casalino

La chimioprophylaxie consiste à administrer en prévention, un médicament anti-infectieux, antiviral,


antibiotique ou antiparasitaire dans certaines situations bien définies : après une exposition potentielle
ou documentée à un agent infectieux : prophylaxie postexposition (virus de l’immunodéficience humaine,
diphtérie, virus zona-varicelle, méningocoque), avant l’exposition potentielle au risque (prophylaxie de
l’endocardite bactérienne lors de certains gestes buccodentaires ou chirurgicaux, lors d’un voyage), en
cas d’infection, documentée ou non, afin d’éviter l’extension vers une maladie (traitement de l’infection
latente en prophylaxie de la tuberculose maladie, traitement de l’angine à streptocoque A pour éviter le
rhumatisme articulaire aigu). Nous abordons ici la chimioprophylaxie recommandée dans certaines
situations bien cadrées et qui ont fait l’objet de travaux et de recommandations par les instances
nationales ou internationales et les sociétés savantes concernées. L’antibioprophylaxie chirurgicale n’est
pas traitée ici de même que la vaccination.
© 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Préexposition ; Postexposition ; Endocardite ; VIH ; Méningocoque ; Tuberculose ; Voyages ;


Paludisme

Plan des médecins de prévention que sont les consultants de centres


de dépistage anonyme et gratuits (CDAG) et de dispensaires
¶ Introduction 1 antivénériens, des médecins des centres de lutte antitubercu-
leux, des médecins scolaires, et d’autres médecins de santé
¶ Indications selon les maladies ou les agents infectieux 1 publique. Cette pratique de prophylaxie est donc à la jonction
Prophylaxie postexposition VIH 1 entre les soins et la prévention et reste insuffisamment connue
Antibioprophylaxie de l’endocardite bactérienne 4
et évaluée.
Tuberculose 4
On peut distinguer la prophylaxie visant tel ou tel agent
Infection à meningocoque 4
infectieux et les situations particulières à risque qui peuvent
Prophylaxie des méningites à Haemophilus influenzae 5
conduire à la prescription d’une chimioprophylaxie, telles que
Diphtérie 5
les voyages.
Légionellose 5
Elle consiste à administrer, en prévention, un médicament
Grippe 5
anti-infectieux, antiviral ou antibiotique ou antiparasitaire dans
Streptocoque A 5
certaines situations bien définies :
Prophylaxie postexposition VZV 6
• après une exposition potentielle ou documentée à un agent
Herpès 6
Coqueluche 6
infectieux ;
• avant l’exposition potentielle au risque ;
¶ Situations particulières 6 • en cas d’infection, documentée ou non, afin d’éviter l’exten-
Le voyageur 6 sion vers une maladie.
Risques biologiques 9
Morsures 9
Infections spontanées du liquide d’ascite 10
■ Indications selon les maladies
¶ Conclusion 10
ou les agents infectieux
Prophylaxie postexposition VIH
■ Introduction
La prophylaxie postexposition du virus de l’immunodéfi-
La prescription d’une prophylaxie médicamenteuse suppose cience humaine (VIH) a été introduite chez les soignants dès
une connaissance des conditions d’émergence du risque, et que le premier antirétroviral, la zidovudine (AZT), a été dispo-
l’identification du ou des agents infectieux dont on veut éviter nible. Son efficacité a été démontrée a posteriori par une étude
l’émergence ou la multiplication. Elle obéit donc à des règles cas-témoin américaine qui a conduit la plupart des pays à
définies selon des principes de santé publique. recommander son utilisation chez les soignants exposés.
Elle doit être connue de différents intervenants de santé, Ultérieurement, en France, des recommandations de traitement
souvent différents de ceux qui prennent en charge le traitement postexposition (TPE) ont été énoncées dans les situations
des infections. Il s’agit en particulier des médecins du travail, d’exposition non professionnelles, en particulier sexuelles [1]. La

Maladies infectieuses 1
8-002-D-10 ¶ Chimioprophylaxie des maladies infectieuses

mise en œuvre de ces recommandations suppose un dispositif charge virale plasmatique indétectable). La circoncision dimi-
hospitalier efficient et rapide, ce qui a conduit à la rédaction de nuerait des deux tiers la susceptibilité de l’homme à l’infection.
circulaires ministérielles définissant ses objectifs et son organi-
sation. La circulaire du 13 mars 2008 représente actuellement le Partage de matériel d’injection
texte de référence. Les médecins prenant en charge les patients
infectés par le VIH doivent les informer de la possibilité d’un Le risque de contamination par le VIH en cas de partage de
traitement postexposition en cas d’exposition accidentelle de matériel d’injection (seringue et/ou aiguille) chez les usagers de
leur partenaire. drogues a été évalué à 0,67. Les facteurs augmentant le risque
À ce jour, peu de données cliniques sont disponibles sur de transmission sont notamment le caractère immédiat du
l’efficacité d’un traitement prophylactique postexposition au partage (par rapport à un partage différé), le cadre collectif. À
VIH chez l’homme. l’inverse, les facteurs diminuant le risque sont le nettoyage du
Une étude cas-témoin réalisée chez des soignants victimes matériel, avec par ordre d’efficacité l’alcool à 70°, l’eau de javel
d’accident par exposition au sang (AES) a montré que la prise et enfin le simple usage de l’eau.
d’AZT avait un effet protecteur, réduisant d’environ 80 % le
risque de contamination. Cependant, des cas de transmission Autres situations à risque d’exposition
ont été rapportés malgré la mise en place d’un TPE. Deux cas
de séroconversion bien documentés malgré une trithérapie Les autres situations à risque potentiel d’exposition au VIH
adaptée et débutée rapidement, dans les 4 heures après exposi- sont celles des expositions accidentelles à du sang (AES).
tion ont été rapportés en France et aux États-Unis en 1997 et Une transmission par le VIH suite à une piqûre par seringue
1998, illustrant l’efficacité incomplète de ce type de TPE [2]. abandonnée n’a jusqu’à aujourd’hui jamais donné lieu à
La prophylaxie postexposition est indiquée dans deux types publication dans la littérature internationale. Le risque de
d’indication : contamination y est beaucoup plus faible qu’après exposition
• chez les professionnels de santé exposés accidentellement au professionnelle, en raison le plus souvent du faible calibre de
sang des patients infectés ou à risque de l’être ; l’aiguille en cause et du fait que le sang est souvent coagulé et
• chez les personnes exposées par voie sexuelle ou autre obture la lumière de l’aiguille.
(matériel d’injection ou contact sanglant hors des soins) avec Les contacts ou projections de sang sur une peau abîmée ou
un patient infecté par le VIH ou à risque de l’être. sur une muqueuse, souvent observés dans un contexte non
Le risque de transmission moyen après exposition percutanée professionnel lors de bagarres, représentent un risque de
(piqûre, coupure) avec un dispositif contaminé (aiguille, contamination par le VIH très faible, proche de celui observé
bistouri, lame, etc.) est estimé à 0,32 % (IC 95 % 0,18- 0,45) ; il chez les professionnels de santé, de l’ordre de 0,09 %.
est dix fois plus faible après exposition cutanéomuqueuse. La prescription de la chimioprophylaxie postexposition du
Si les professionnels de santé sont les plus exposés aux risques VIH se fait dans le cadre d’un dispositif de prise en charge
d’exposition au sang, d’autres professions sont confrontées à ce organisé dans les hôpitaux disposant d’un service d’urgences.
type d’accident avec un risque très faible de contamination par Le dispositif repose aux heures ouvrables sur les structures de
le VIH : personnels de secours et de sécurité (policiers, ambu- consultation externe des hôpitaux qui assurent habituellement
lanciers, secouristes, personnel pénitentiaire), personnels en la prise en charge des personnes infectées par le VIH (dont
charge du ramassage, du traitement et de la récupération des certaines CDAG hospitalières) et aux heures non ouvrables sur
déchets. les services des urgences. Il est également prévu, qu’afin d’aider
D’autres situations exposent à un risque de contamination les urgentistes dans les décisions difficiles (évaluation du risque
par le VIH, avec un niveau de risque assez proche de celui des ou choix des molécules si le sujet source est déjà traité), ceux-ci
expositions professionnelles. devraient pouvoir solliciter un avis téléphonique auprès d’un
médecin référent.
Transmission sexuelle Le dispositif a prévu une prescription initiale dans le cadre de
l’urgence, et une réévaluation du bien-fondé de celle-ci dans les
Dans le cadre d’une exposition sexuelle, le risque de trans- 48-96 heures par un médecin référent pour la prophylaxie du
mission par le VIH s’échelonne de 0,82 % après un rapport anal VIH, le plus souvent dans un service prenant en charge les
réceptif entre hommes (pénétration par un partenaire VIH+ ) à patients infectés par le VIH.
0,04 % après un rapport oral (fellation réceptive). Le risque de Il convient d’expliquer et de prescrire une contraception
transmission lors d’un rapport vaginal est intermédiaire, de mécanique (préservatifs) pendant 3 mois (ou 4 mois si traite-
l’ordre de 0,1 %, les femmes ayant un risque d’être contaminées ment) et d’indiquer aux victimes d’AES qu’elles doivent
plus élevé que les hommes. s’exclure du don du sang pendant la même durée. Une déclara-
Certains facteurs augmentent le risque de transmission après tion d’accident du travail en cas d’AES professionnel doit être
un rapport sexuel, le plus important étant la contagiosité du faite dans les 24 heures.
partenaire infecté, représentée par la charge virale dans les Une évaluation du risque de transmission est nécessaire pour
sécrétions génitales qui est relativement bien corrélée avec la décider de l’opportunité de mettre en route une chimio-
charge virale plasmatique. Du fait de l’importance de la virémie, prophylaxie.
la primo-infection est une période de haute transmissibilité. Le
risque de transmission sexuelle y serait multiplié par 20. En ce qui concerne les personnels de santé
Une infection et/ou une lésion génitale chez le partenaire
Il convient de déterminer la profondeur et l’heure de la
infecté augmente la quantité de virus dans les sécrétions
blessure et le type de matériel en cause. Le risque est élevé en
génitales, et donc sa contagiosité particulièrement chez
cas d’aiguille à prélèvement veineux ou artériel contenant du
l’homme. Parallèlement, les infections sexuellement transmissi-
sang. Le risque est moindre si l’accident implique une aiguille
bles chez la personne exposée augmentent sa susceptibilité au
préalablement utilisée pour injection sous-cutanée ou intramus-
VIH par divers mécanismes (ulcères génitaux, inflammation
culaire, ou une aiguille pleine (aiguille à suture), ou une piqûre
locale, augmentation du pH des sécrétions vaginales).
au travers de gants. De plus, le risque est encore moindre en cas
Chez la femme, l’ectropion du col de l’utérus, les menstrua-
de projection cutanéomuqueuse.
tions ou des saignements au cours des rapports sexuels sont
aussi des facteurs augmentant la susceptibilité à l’infection VIH.
En cas d’exposition sexuelle
À l’inverse, le fait que le partenaire infecté soit sous traite-
ment antirétroviral diminue le risque de transmission, sans Il convient de déterminer la nature et l’heure du rapport à
pouvoir déterminer de valeur-seuil de la charge virale en risque. La situation comportant le plus de risque est la pénétra-
dessous de laquelle le risque n’existe pas (le virus est détectable tion anale réceptive non protégée. On recherche des facteurs de
dans le tractus génital chez 10 à 20 % des hommes ayant une risque de contamination : infection génitale, lésion génitale,

2 Maladies infectieuses
Chimioprophylaxie des maladies infectieuses ¶ 8-002-D-10

Tableau 1.
Prophylaxie postexposition vis-à-vis du VIH à débuter au plus tard dans les 48 heures suivant l’exposition : critères de décision.
Risque et nature de l’exposition Patient source reconnu infecté Patient source de sérologie inconnue
par le VIH

Accidents exposant au sang


Important : Prophylaxie recommandée Prophylaxie recommandée uniquement si personne
piqûre profonde, aiguille creuse, dispositif intravasculaire source ou situation reconnue à risque
(artériel ou veineux)
Intermédiaire : Prophylaxie recommandée Prophylaxie non recommandée
- coupure avec bistouri
- piqûre avec aiguille à intramusculaire ou sous-cutanée
- piqûre avec aiguille pleine
- exposition cutanéomuqueuse avec temps de contact
supérieur à 15 minutes
Minime : Prophylaxie non recommandée Prophylaxie non recommandée
- autres cas
- morsures ou griffures
Expositions sexuelles
Rapports anaux Prophylaxie recommandée Prophylaxie recommandée uniquement si personne
source a ou situation reconnue à risque b
Rapports vaginaux Prophylaxie recommandée Prophylaxie recommandée uniquement si patient source
à risque ou situation à risque
Fellation réceptive avec éjaculation Prophylaxie recommandée Prophylaxie non recommandée
Accidents exposant aux seringues chez les toxicomanes
Important : Prophylaxie recommandée Prophylaxie recommandée
partage de l’aiguille, de la seringue et/ou de la préparation
Intermédiaire : Prophylaxie recommandée Prophylaxie non recommandée
partage du récipient, de la cuillère du filtre ou de l’eau de
rinçage
a
Notion de personne source à risque :
• usager de drogue par voie intraveineuse ;
• homme homosexuel et/ou bisexuel, personne ayant eu des rapports sexuels non protégés et à risque avec des personnes au statut sérologique inconnu et appartenant à un
groupe dans lequel la prévalence de l’infection est supérieure à 1 %.
Situation à risque : prise de substance à effet psychotrope, soirées d’échanges multipartenaires. Dans les autres cas d’exposition, le rapport bénéfice/risque de la mise en route
d’un TPE est insuffisant.
b
Situation à risque : prise de substance à effet psychotrope, soirées d’échanges multipartenaires.
• Dans les autres cas d’exposition, le rapport bénéfice/risque de la mise en route d’un TPE est insuffisant.

ulcération, rapport sexuel pendant les règles, saignement au Prophylaxie antirétrovirale


cours des rapports, nombre de rapports, partenaire appartenant
à un groupe à risque. Si une prophylaxie antirétrovirale est décidée, elle doit être
débutée le plus rapidement possible (au mieux dans les
En ce qui concerne le partage de matériel d’injection 4 heures qui suivent l’AES, mais peut être proposée jusqu’à
48 heures). Ainsi, la prophylaxie doit être accessible dans
Il convient de déterminer l’heure du partage, le type de chaque service d’urgences. Il est conseillé de prévoir des
matériel en cause et l’ordre dans lequel les différents usagers se trousses d’urgence si la dispensation des antirétroviraux n’est
sont injectés le produit. pas réalisée 24 h/24.
Le traitement doit préférentiellement consister en une
Statut sérologique du patient source trithérapie (généralement deux inhibiteurs nucléosidiques de la
Il est toujours nécessaire de tenter d’obtenir des informations transcriptase inverse et une antiprotéase). Parmi les inhibiteurs
concernant le statut sérologique VIH du sujet source et en cas de protéase, l’association fixe de ritonavir/lopinavir (Kaletra®,
de positivité, le stade clinique, les traitements antérieurs et en 2 comprimés matin et soir) qui présente l’avantage d’une
cours, le taux de lymphocytes CD4+ , et la charge virale VIH. efficacité plus constante sur des souches mutées est considérée
Si le statut sérologique n’est pas connu, et après accord de la comme étant particulièrement adaptée. D’autres antiprotéases
personne source (sauf dans les cas où ce dernier n’est pas en peuvent être prescrites : saquinavir (Invirase®), fosamprénavir
mesure de donner son consentement) il faut faire réaliser, en (Telzir®), darunavir (Prezista®) en association avec le Norvir®.
urgence, grâce à un test rapide, une sérologie VIH. Si le statut En accord avec les données publiées, l’utilisation de l’associa-
sérologique du patient source reste « non identifié » (AES avec tion Truvada® + Kaletra® ou Combivir® + Kaletra® apparaît
une aiguille/seringue « perdue », patient source non présent, comme l’association antirétrovirale recommandée en première
refus du test diagnostique), il incombe au médecin référent de intention. Afin de simplifier au quotidien les conditions
déterminer, au cas par cas, si la personne exposée doit ou non d’administration d’un premier TPE, des trousses d’urgence sont
bénéficier d’un TPE. Dans les situations d’exposition sexuelle, la en général constituées. La durée du traitement est de
connaissance du statut sérologique du partenaire source doit 4 semaines.
être vivement encouragée. Un bilan clinique et/ou biologique de tolérance du traitement
Le TPE doit être réservé aux situations à risque identifiable. est répété à 2 et 4 semaines. Le suivi sérologique pour apprécier
L’indication du traitement est posée en prenant en compte le l’éventualité d’une contamination est réalisé à 1 ou 2 mois et
bénéfice lié à la possibilité d’une réduction du risque de 3 ou 4 mois selon qu’un TPE a été instauré ou non. Le suivi est
transmission du VIH et le risque d’effets indésirables graves liés assuré par un médecin référent en cas de traitement pendant la
au traitement (Tableau 1). durée du TPE.

Maladies infectieuses 3
8-002-D-10 ¶ Chimioprophylaxie des maladies infectieuses

Tableau 2. • la prophylaxie de la maladie tuberculeuse chez un sujet dont


Conduite à tenir en cas de soins dentaires et d’actes portant sur les voies l’infection tuberculeuse est documentée et chez qui le risque
aériennes supérieures en ambulatoire. d’évolution vers la tuberculose maladie est important (infec-
Situation Produit Posologie tion récente, terrain à risque : petit enfant, immunodéprimé).
Le traitement est alors celui de l’infection latente et répond à
Pas d’allergie Amoxicilline 3 g 1 heure avant des critères définis par l’Organisation mondiale de la santé
aux bêtalactamines le geste (OMS).
Allergie aux Clindamycine ou 600 mg Il repose sur l’isoniazide en monothérapie à la dose de 3 à
bêtalactamines 5 mg/kg pendant une durée de 9 mois. Les études internationa-
pyostacine 1g
les ont démontré une meilleure efficacité de 9 mois versus
6 mois mais l’absence d’avantage de 12 mois versus 9 mois, sauf
chez les patients infectés par le VIH où la durée de 12 mois
Antibioprophylaxie de l’endocardite reste recommandée.
bactérienne [3] D’autres schémas sont possibles et reposent soit sur :
• l’association isoniazide (INH) + rifampicine pendant 3 mois
Le risque de survenue de bactériémies lors de certains gestes dont l’efficacité a été démontrée comme équivalente à celle
médicochirurgicaux est bien identifié. Il peut occasionner une de l’INH seule 6 mois et dont l’observance est meilleure
greffe bactérienne ou infectieuse sur une valve cardiaque préala- (méta-analyse). Ce schéma est préféré en France mais suppose
blement fragilisée ou porteuse de prothèses. Ces germes sont une surveillance hépatique rapprochée, surtout en début de
habituellement sensibles aux antibiotiques et assez prévisibles. Il traitement. Elle permet de couvrir les situations où le bacille
est donc théoriquement possible d’éviter le risque d’endocardite est résistant à l’isoniazide (plus de 5 % des souches en France
en administrant un antibiotique à l’occasion de la réalisation de dans les primotraitements et plus de 10 % dans les rechutes) ;
gestes médicochirurgicaux chez des patients ayant une cardiopa- • l’association rifampicine + pyrazinamide, théoriquement très
thie à risque de survenue d’une endocardite infectieuse (EI). Les intéressante, s’est révélée plus toxique et ne doit pas être
recommandations françaises sont issues de la conférence de proposée en première intention ;
consensus de mars 1992 actualisée en octobre 2002. • rifampicine seule 4 mois, en particulier pour les souches
On sépare les cardiopathies en deux groupes : les cardiopa- résistantes à l’INH.
thies à haut risque (prothèse valvulaire, antécédent d’endocar-
dite, et cardiopathies congénitales cyanogènes non opérées et Infection à meningocoque [5]
dérivations chirurgicales) et les cardiopathies à risque moins
élevé. Les indications de l’antibioprophylaxie sont différentes La chimioprophylaxie des cas secondaires d’infection à
selon le groupe d’appartenance. Elles sont résumées dans les méningocoque repose sur la chimioprophylaxie des sujets
Tableaux 2, 3 et 4 concernant les actes buccodentaires et les contact. L’objectif de la chimioprophylaxie est d’éliminer un
actes autres que buccodentaires. éventuel portage chez les sujets exposés aux sécrétions oropha-
Les modalités, nature du produit, posologie, durée sont ryngées du patient et de prévenir la diffusion à partir de
différentes selon le type d’intervention, l’existence ou non porteurs sains et d’éviter d’éventuels cas secondaires.
d’une allergie aux bêtalactamines. La chimioprophylaxie doit être réalisée dans les plus brefs
délais, autant que possible dans les 24 à 48 heures suivant le
diagnostic d’un cas d’infection invasive à méningocoque.
Tuberculose
La prophylaxie de la tuberculose concerne deux situations
Indications
différentes [4] : Elle concerne les sujets contact définis par la proximité
• la prophylaxie postexposition de sujets immunodéprimés ou (moins de 1 mètre) avec le cas dans les 8 jours précédant le
particulièrement fragiles (nouveau-nés ou petits enfants début des symptômes. Cela concerne la famille du cas, c’est-à-
exposés à un cas de tuberculose contagieuse par voie dire les personnes vivant sous le même toit, les camarades
aérienne). Dans ces cas la notion d’une exposition documen- d’école (même classe, voisins de cantine, compagnons de jeu) et
tée ou probable avec un patient source atteint de tuberculose pour les soignants celles qui auraient pu examiner ou donner
respiratoire conduit à la prescription d’un traitement prophy- des soins au cas sans protection avant la mise en œuvre du
lactique afin d’éviter infection et maladie ; traitement. La probabilité de transmission augmente avec la

Tableau 3.
Soins dentaires et actes portant sur les voies aériennes supérieures sous anesthésie générale.
Situation Produit Posologie, voie d’administration Posologie, voie d’administration
dans l’heure précédant le geste 6 heures après le geste

Pas d’allergie aux bêtalactamines Amoxicilline 2 g i.v. (perfusion de 30 min) 1 g per os


Allergie aux bêtalactamines Vancomycine ou teicoplanine 1 g i.v. (perfusion ≥ 60 min) Pas de 2e dose
400 mg IVD
i.v. : intraveineuse ; IVD : injection intraveineuse directe.

Tableau 4.
Interventions urogénitales et digestives.
Posologie, voie dans l’heure d’administration Posologie, voie d’administration
après le geste

Pas d’allergie aux bêtalactamines Amoxicilline puis 2 g i.v. (perf 30 min) puis gentamicine 1,5 mg/kg i.v. (30 min) 1 g per os
Pas de 2e dose
Allergie aux bêtalactamines Vancomycine ou teicoplanine Pas de 2e dose
400 mg IVD ou 1 g i.v. (perf ≥ 60 min) puis gentamicine 1,5 mg/kg i.v. 30 min

4 Maladies infectieuses
Chimioprophylaxie des maladies infectieuses ¶ 8-002-D-10

durée de contact. En cas de contact bouche à bouche le risque associée à une dose de vaccin, sauf si on peut documenter une
est particulièrement élevé. vaccination d’au moins 3 doses avec une dernière injection
La chimioprophylaxie consiste en rifampicine par voie orale datant de moins de 1 an.
pendant 48 heures :
• chez l’adulte la posologie est de 600 mg, deux fois par jour ;
• chez l’enfant de 1 mois à 15 ans : 10 mg/kg deux fois par
Légionellose [3]
jour ; En cas d’une exposition possible par voie orale ou respiratoire
• chez le nouveau-né : 5 mg/kg deux fois par jour. à un aérosol contaminé, peut se discuter chez certains sujets
Certaines contre-indications sont à connaître : porphyrie, fragiles l’intérêt d’une prophylaxie antibiotique pour limiter le
hypersensibilité à la rifampicine. risque de survenue d’une pathologie grave. On utilise dans ces
Des interactions fréquentes avec d’autres médicaments cas un macrolide, par exemple la roxithromycine pendant une
métabolisés par le cytochrome P450 doivent être connues et durée de 10 jours.
prises en compte : contraceptifs oraux, progestatifs, antirétrovi-
raux, antivitamine K.
Il existe un risque de coloration des lentilles de contact.
Grippe [3]
En cas de contre-indication de la rifampicine on peut pres- Plusieurs types de chimioprophylaxie peuvent être envisagés.
crire : Actuellement, seul l’oseltamivir peut être utilisé dans cette
• ciprofloxacine = 500 mg en dose unique par voie orale chez indication.
l’adulte ; Il peut s’agir :
• ceftriaxone par voie injectable en dose unique de 250 mg • d’une prophylaxie postexposition chez un sujet de plus de
chez l’adulte et 125 mg chez l’enfant et le nourrisson. 13 ans après contact avec un cas de grippe cliniquement
La chimioprophylaxie est administrée en association avec le diagnostiqué en période épidémique. L’efficacité est impor-
vaccin antiméningococcique dans le cas de sérogroupe A, C, Y tante, estimée à 92 % de la grippe symptomatique chez les
ou W 135. sujets en contact avec un cas de grippe confirmé. La réduc-
L’antibioprophylaxie s’adresse aux sujets contact, à savoir les tion est de 67 % en milieu familial ;
sujets exposés aux sécrétions pharyngées du cas : entourage • en prophylaxie saisonnière dans certaines situations très
familial direct ou personnes ayant dormi dans la même pièce particulières où on observerait une pandémie avec un virus
que le malade dans les 10 jours précédant l’hospitalisation, non pris en compte dans le vaccin. Les indications de la
enfants et personnels de crèches, dortoirs de collectivités prophylaxie seraient déterminées par les autorités sanitaires et
d’enfants, camarades de jeux, d’étude ou de réfectoire, voisins viseraient en particulier les professionnels de santé.
de classe dans les écoles primaires, collèges et lycées. La La posologie est de 75 mg/j pendant au moins 7 jours en
prophylaxie est étendue à l’ensemble de la classe en cas postexposition et jusqu’à 6 semaines en prophylaxie saisonnière
d’apparition d’un deuxième cas seulement. Elle concerne chez l’adulte. Chez l’enfant, la posologie est adaptée au poids :
également le personnel soignant soumis à la contamination 30 mg pour les enfants de moins de 15 kg, 45 mg de 15 à
oropharyngée (intubation trachéale par exemple). Elle ne doit 23 kg, 60 mg de 23 à 40 kg et 75 mg pour les plus de 40 kg.
pas être administrée aux autres personnes de l’équipe hospita-
lière, ni aux personnels de laboratoire, ni aux ambulanciers. Elle
doit être réalisée dans les plus brefs délais et au plus tard dans
Streptocoque A
les 10 jours après le dernier contact avec le cas. On distingue la chimioprophylaxie du rhumatisme articulaire
aigu (RAA) et la prophylaxie des sujets contact d’un cas d’infec-
tion invasive à streptocoque A afin d’éviter le risque de survenue
Prophylaxie des méningites à Haemophilus d’un autre cas de forme grave d’infection à streptocoque A [7].
influenzae
Prévention du rhumatisme articulaire aigu
L’épidémiologie des méningites à Haemophilus influenzae a été
profondément modifiée par la vaccination anti-Haemophilus qui La meilleure prévention du RAA est le traitement des angines
est désormais recommandée chez tous les nourrissons à partir streptococciques par un antibiotique : pénicilline A ou V ou
de l’âge de 2 mois. Son incidence a spectaculairement diminué. azithromycine.
La prophylaxie au sein de l’entourage familial (sujet vivant au Chez les patients ayant fait un RAA, une prophylaxie
domicile ou ayant passé 4 heures ou plus avec le malade au s’impose pour diminuer le risque de nouvelles infections
cours de la semaine précédente si des enfants de moins de 4 ans streptococciques et de récidive du RAA. Cependant, seulement
vivent à domicile) et les sujets contact non vaccinés (en crèches 20 % des angines sont d’origine streptococcique. De plus, le
ou en école si le contact est de 25 heures ou plus par semaine RAA est devenue exceptionnel en France avec une incidence de
et si les sujets contact sont âgés de moins de 2 ans) est l’ordre de 0,5 pour 100 000 enfants âgés de 5 à 18 ans. Il n’est
conseillée [3]. donc plus recommandé de traiter toute angine aiguë. Les tests
Elle fait appel à la rifampicine en une fois à la dose de de diagnostic rapide (TDR) streptococcique doivent être utilisés
10 mg/kg avant 1 an, 20 mg/kg chez l’enfant et 600 mg chez devant une angine aiguë non traitée. Seules les angines avec
l’adulte durant 4 jours pour éradiquer le portage nasopharyngé. TDR positif doivent être traitées par antibiotique.
Cette prophylaxie doit également être administrée chez l’enfant
atteint de méningite, après traitement de celle-ci. Modalités
La benzathine pénicilline intramusculaire à la dose de 1,2 M
Diphtérie [6] (tous les 28 jours) est le régime qui est le plus efficace, permet-
tant de plus d’assurer un meilleur suivi et une meilleure
Une prophylaxie antibiotique est indiquée chez les sujets adhérence au traitement, l’alternative étant la prise quotidienne
contact vaccinés ou non vaccinés d’un cas de diphtérie prouvé de pénicilline V à la dose de 250 000 unités deux fois par jour.
ou fortement suspect. L’antibioprophylaxie doit être prescrite En cas d’allergie aux pénicillines, l’alternative est représentée
pour les sujets ayant été en contact proche (contact direct avec par l’érythromycine à la dose de 200 mg/j.
la bouche du patient à moins de 1 mètre) par soit une dose
Durée
unique intramusculaire de benzylpénicilline (1,2 M), soit
amoxicilline (3 g/j) ou érythromycine si allergie aux bêtalacta- La durée de cette prophylaxie est très discutée. Elle est
mines pendant 7 à 10 jours. Cette antibioprophylaxie est théoriquement de toute la vie.

Maladies infectieuses 5
8-002-D-10 ¶ Chimioprophylaxie des maladies infectieuses

Cependant, certaines situations doivent être individualisées. instauré pour une durée de 6 à 12 mois par l’aciclovir ou mieux
Chez un sujet âgé de plus de 25 ans présentant une atteinte le valaciclovir per os à la dose de 500 mg/j. Il supprime les
cardiaque séquellaire, n’ayant pas un haut risque d’infection par poussées ou réduit très nettement leur fréquence pendant la
le streptocoque (c’est-à-dire travail au contact d’enfants en âge durée du traitement. Il ne permet pas d’éradiquer le virus. Ce
scolaire, de recrues du service militaire ou de patients dans les traitement peut être utilisé chez les immunodéprimés ayant eu
hôpitaux) et dont la dernière poussée de RAA est ancienne de des poussées d’herpès afin d’éviter leur récurrence pendant la
10 ans ou plus, on peut discuter l’arrêt de cette prophylaxie. durée de l’immunodépression.
Les patients âgés de 25 ans ou plus, n’ayant pas un haut
risque d’infection par le streptocoque, n’ayant pas eu d’accès de Coqueluche [8]
RAA depuis 5 ans et n’ayant pas de cardiopathie séquellaire,
peuvent vraisemblablement interrompre leur prophylaxie. Depuis quelques années, on observe une recrudescence des
Dans ces situations, toute infection supposée streptococcique cas de coqueluche chez des adultes, en particulier des adultes
doit être traitée le plus rapidement possible. Chez les patients jeunes, notamment des soignants. Cette recrudescence est liée
ayant une atteinte cardiaque rhumatismale pour qui la prophy- à la perte de l’immunité des jeunes adultes dont la vaccination
laxie ne peut être arrêtée, il ne faut pas oublier de prévenir les est ancienne et chez qui l’immunité naturelle n’a pas été
risques d’endocardite en associant une antibioprophylaxie autre entretenue.
que par une pénicilline (cf. supra). Un traitement antibiotique identique au traitement curatif
mais de durée raccourcie de 10 jours permet d’éviter la trans-
mission de la maladie ou d’atténuer la gravité des symptômes.
Chimioprophylaxie autour d’un cas d’infection
L’antibioprophylaxie peut être prescrite dans les 14 jours après
invasive à streptocoque A le premier contact avec le cas, voire jusqu’au 21e jour en milieu
Dans les cas où un ou plusieurs cas d’infection invasive à familial. Si le sujet exposé est déjà symptomatique il ne s’agit
streptocoque du groupe A sont survenus dans une collectivité plus d’une prophylaxie mais d’un traitement curatif précoce qui
n’empêche pas la survenue de quintes mais qui peut diminuer
ou à l’hôpital, on peut se poser la question de la prophylaxie
la gravité et la durée de la maladie.
des sujets contact. On peut distinguer deux situations différen-
L’antibioprophylaxie doit être systématique pour tous les
tes. La première concerne le traitement antibiotique à visée
membres de la famille, quels que soient leur âge et leur situa-
d’éradication du portage du streptocoque A dans la gorge des
tion vaccinale. Pour les sujets contact occasionnels, elle n’est
personnes exposées. Les recommandations de l’Agence française
indiquée que pour les sujets à risque (nourrissons non ou
de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) proposent
incomplètement vaccinés, femmes enceintes, malades pulmo-
soit la prescription d’une céphalosporine de deuxième
naires chroniques). Dans les crèches, l’antibioprophylaxie est
ou troisième génération par voie orale (céfotiam-hexétil,
systématique pour les nourrissons incomplètement vaccinés et
cefpodoxime-proxétil ou céfuroxime axétil) pendant 8 à
pour le personnel en contact avec le cas, quel que soit leur
10 jours. En cas de contre-indication aux céphalosporines on
statut vaccinal. Dans les écoles la présence d’au moins deux cas
peut proposer l’azithromycine per os à une dose supérieure à de coqueluche dans une classe impose l’antibioprophylaxie des
500 mg chez l’adulte ou de 20 mg/kg en une prise chez l’enfant enfants non à jour de leur vaccination et aux enseignants, quel
ou de clindamycine à la dose de 20 mg/kg chez l’enfant ou que soit leur statut vaccinal.
l’adulte pendant 10 jours. L’antibiotique de choix est l’érythromycine à la dose de
En cas de suspicion ou de preuve de souche résistante aux 50 mg/kg/j chez l’enfant et de 2 g/j chez l’adulte pendant
macrolides il faut proposer l’association pénicilline (10 j) 10 jours. On préfère en général la josamycine ou la roxithromy-
+ rifampicine (les 4 derniers jours). La prévention du portage cine, mieux tolérés. En cas de contre-indication aux macrolides,
chez les patients exposés ne fait pas l’objet d’une recommanda- le cotrimoxazole est recommandé (Tableau 5).
tion définie. Par extrapolation, on peut recommander la même
attitude que vis-à-vis des porteurs prouvés.

Prophylaxie postexposition VZV [3]


■ Situations particulières
Les indications et les schémas de chimioprophylaxie anti-
Après un contact avec un cas de varicelle ou zona chez un
infectieuse peuvent varier en fonction du terrain et du contexte.
sujet non immunisé il est possible de prévenir la survenue
Certaines situations particulières méritent donc une description
d’une varicelle par plusieurs types d’intervention. On considère
plus détaillée.
la possibilité d’une prophylaxie chez les adultes non immuns
chez qui la varicelle est plus grave que chez l’enfant et chez les
adultes et enfants immunodéprimés qui sont à risque de formes Le voyageur [9-11]
graves, parfois létales. L’aciclovir est efficace en prévention
jusqu’à 15 jours après l’exposition ; il peut être associé au Il est couramment accepté que le nombre de voyageurs en
vaccin. Les doses utilisées sont de 40 à 80 mg/kg d’aciclovir 2004 a été de 763 millions, soit une progression de 73 % en
pour une durée de 7 jours. Cette indication se fait hors autori- 15 ans. Parmi eux, 50 millions de voyageurs se rendent chaque
sation de mise sur le marché (AMM). Chez l’adulte immunodé- année dans des zones tropicales ou des pays en voie de déve-
primé, les immunoglobulines spécifiques (Varitect® disponible loppement. Si la plupart des voyages sont liés à des vacances
en autorisation temporaire d’utilisation [ATU]) ont un effet (55 %), certains sont des voyages d’affaires (15 %) et de plus en
protecteur lorsqu’elles sont utilisées dans les 96 heures après plus des voyages en zones tropicales de migrants vivant dans
l’exposition. Le vaccin n’est pas indiqué chez les immunodépri- des pays développés. Il est estimé que 22 % à 64 % des voya-
més en postexposition alors qu’il reste efficace et protecteur geurs dans des zones tropicales développeront des symptômes
dans les trois jours suivant une exposition chez les adultes au cours ou après le retour, principalement des diarrhées, des
immunocompétents. infections respiratoires et des problèmes cutanés. Chez 8 % des
voyageurs, les symptômes sont assez importants pour motiver
une consultation pendant le voyage ou au retour, soit 4 mil-
Herpès lions de personnes.
Bien que les manifestations diarrhéiques (« turista ») touchent
Un traitement prophylactique des récurrences d’herpès 20 % à 50 % des voyageurs, et que les agents bactériens les plus
génital ou cutanéomuqueux peut être proposé chez les sujets fréquemment en cause soient assez bien identifiés, principale-
ayant plus de six récurrences annuelles. Le traitement est ment Campylobacter, Shigella, Salmonella spp. (mineures), aucun

6 Maladies infectieuses
Chimioprophylaxie des maladies infectieuses ¶ 8-002-D-10

Tableau 5.
Récapitulatif des principales indications de chimioprophylaxie infectieuse.
Agent ou Indications Schémas et molécules Niveaux de preuves
pathologie

Méningocoque Sujets contact dans les 8 jours précédents : domicile, voisins de classe, Rifampicine 48 heures Recommandation
soignants avec contact étroit avant antibiotique (10 mg × 2) + vaccination si Circulaire ministérielle
sérogroupe A ou C ou W135
Tuberculose Postexposition si immunodéprimé ou nourrisson/nouveau-né Idem
Tuberculose Infection latente INH seule (9 mois) ou RMP OMS, CDC,
+ INH (3 mois)
Anthrax Postexposition si doute Ciprofloxacine
Paludisme Préexposition si voyage prévu en zone d’endémie Cf. Tableau 6 Conférence de consensus
Endocardite Cardiopathies à risque avant un geste buccodentaire Amoxicilline Conférence de consensus
2002
Cardiopathie à risque avant un geste urodigestif Conférence de consensus
2002

RAA Angine bactérienne à streptocoque A Amoxicilline ou pénicilline Expert


V ou azithromycine
Infection à Contact avec un cas d’infection invasive à streptocoque A Céphalosporine 2e ou 3e AFSSAPS
streptocoque A génération
Diphtérie Contact proche avec un cas Benzylpénicilline ou Expert
amoxicilline
Érythromycine si allergie
Légionellose Contact avec une source environnementale Non recommandé CSHPF
Grippe Préexposition Oseltamivir Expert
Postexposition en milieu fermé Oseltamivir Expert
VZV Postexposition Aciclovir Expert
Récurrence herpès 2 Plus de 2 épisodes de récurrence en 6 mois Valaciclovir Consensus
Coqueluche Sujets exposés à un cas ; milieu familial ou collectivités d’enfants, Macrolide CSHPF
ou maternité
Haemophilus Collectivités d’enfants Rifampicine
IST Postexposition Traitement des partenaires
(cf. chapitre IST)
Streptocoque B Traitement du portage au moment de l’accouchement en prévention Pénicilline G ou amoxicilline CDC
de l’infection du nouveau-né
Pneumocoque Prévention des infections invasives à pneumocoque chez les splénectomies Pénicilline V
INH : isoniazide ; RMP : rifampicine ; OMS : Organisation mondiale de la santé ; CDC : Center for Disease Control ; RAA : rhumatisme articulaire aigu ; AFSSAPS : Agence
française de sécurité sanitaire des produits de santé ; VZV : virus zona varicelle ; CSHPF : Conseil supérieur d’hygiène publique de France ; IST : infections sexuellement
transmissibles.

argument ne permet de proposer une antibioprophylaxie. les piqûres d’insectes et chimioprophylaxie. La chimioprophy-
Lorsqu’un traitement probabiliste est proposé au voyageur laxie du paludisme est le deuxième axe de cette stratégie de
symptomatique, il s’agit alors d’un traitement curatif. L’intérêt prévention du paludisme. Le choix du schéma à proposer repose
actuel et futur des stratégies de prévention par vaccination est sur une évaluation du risque d’exposition, lequel est fonction
à souligner [12]. des paramètres suivants :
Le paludisme affecte 300 à 500 millions de personnes et il est • le patient :
responsable de 1,5 à 2,7 millions de décès chaque année dans C l’âge ;
les zones d’endémie. Les cas de paludisme d’importation chez C les antécédents : allergies, troubles neuropsychiatriques,
le voyageur dans les pays développés représentent 1 500 cas par notion d’épilepsie ou de convulsions, notion de grossesse,
an aux États-Unis dont 80 % de Plasmodium vivax, et 16 000 cas traitement en cours et risque d’éventuelles interactions
en Europe. En France nous enregistrons le plus grand nombre médicamenteuses ;
de cas de paludisme d’importation, environ 6 500 à 7 000 cas C le contexte socio-économique : le prix des molécules
estimés par an entre 2001 et 2004, et 6 100 cas en 2004, puis prescrites pouvant être un facteur limitant de l’observance ;
5 300 cas en 2005 et 5270 en 2006. Il est important de noter • le séjour : la région visitée ou les zones traversées, la durée du
que plus de 80 %-90 % des cas sont liés à Plasmodium falcipa- voyage, la saison (humide ou sèche), le caractère rural ou
rum. Le nombre de décès reste également stable ces dernières urbain des sites d’hébergement.
années, de l’ordre d’une vingtaine par an. Le paludisme reste la La prescription de la chimioprophylaxie antipalustre doit
première cause de fièvre au retour de zone tropicale, notam- reposer sur une évaluation du rapport risque-bénéfice pour le
ment chez les voyageurs en Afrique subsaharienne [13]. patient. Dans certains cas, voyages à très faible risque d’exposi-
Le constat est clair : plus de 90 % des cas de paludisme tion et avec un respect strict des mesures de prévention
d’importation surviennent chez des patients non observants ou antivectorielles, elle peut ne pas être proposée, par exemple lors
n’ayant pas bénéficié de conseils de prévention du paludisme de séjours de moins de 7 jours dans des zones à faible risque,
lors du voyage en zone tropicale endémique : protection contre ou les voyages en Asie ou en Amérique du Sud.

Maladies infectieuses 7
8-002-D-10 ¶ Chimioprophylaxie des maladies infectieuses

Tableau 6.
Schémas prophylactiques recommandés chez l’adulte (hors femme enceinte) en fonction des pays de destination [14].

Pays de destination Schémas prophylactiques Durée

Pays du groupe 1 Chloroquine 100 mg (Nivaquine®) Séjour + 4 semaines après


une prise par jour
Pays du groupe 2 Chloroquine 100 mg + proguanil 200 mg Séjour + 4 semaines après
(Nivaquine® + Paludrine®) ou Savarine®
une prise par jour au cours d’un repas
ou Atovaquone 250 mg + proguanil 100 mg (Malarone®) Séjour + 1 semaine après
une prise par jour au cours d’un repas Limitée à 3 mois consécutifs
Pays du groupe 3 Atovaquone 250 mg + proguanil 100 mg (Malarone®) Séjour + 1 semaine après
une prise par jour au cours d’un repas Limitée à 3 mois consécutifs
ou Méfloquine 250 mg (Lariam®) 10 j avant + séjour + 3 semaines après
une prise par semaine
ou Monohydrate de doxycycline 100 mg Séjour + 4 semaines après
(Doxypalu®, Granudoxy®Gé)
une prise par jour, le soir

Tableau 7.
Chimioprophylaxie antipaludique chez l’enfant en France en 2007 [14].

Molécule Présentation Posologie Commentaires, durée, indications

Nivaquine® (chloroquine) Sirop à 25 mg = 5 ml 1,5 mg/kg/j Attention aux intoxications accidentelles


Comprimés sécables à < 8,5 kg : 12,5 mg/j Séjour + 4 semaines après
100 mg ≥ 8,5-16 kg : 25 mg/j Pays du groupe 1 (et 2 en association
≥ 16-33 kg : 50 mg/j avec le proguanil)
≥ 33-45 kg : 75 mg/j
Paludrine® (proguanil) Comprimés sécables à 3 mg/kg/j Uniquement en association avec la chloroquine
100 mg 9-16 kg : 50 mg/j Séjour + 4 semaines après
≥ 16-33 kg : 100 mg/j Pays du groupe 2
≥ 33-45 kg : 150 mg/j
Lariam® (méfloquine) Comprimés sécables à 5 mg/kg/semaine Contre-indications : convulsions, pratique de la plongée
250 mg 15-19 kg : 1/4 cp/sem 10 j avant + séjour + 3 semaines après
> 19-30 kg : 1/2 cp/sem Pays du groupe 3
> 30-45 kg : 3/4 cp/sem
Malarone Enfants® Comprimés à 5 à 7 kg : 1/2 cp/j (hors AMM) Prendre avec un repas ou une boisson lactée
(atovaquone-proguanil) 62,5 mg/25 mg ≥ 7-< 11 kg : 3/4 cp/j (hors AMM) Séjour + 7 jours après
≥ 11-< 21 kg : 1 cp/j Durée : 3 mois consécutifs maximum
≥ 21-< 31 kg : 2 cp/j Pays du groupe 2 et 3
≥ 31-≤ 40 kg : 3 cp/j
Malarone® (atovaquone- Comprimés à 1 cp/j
proguanil) 250 mg/100 mg poids ≥ 40 kg ou âge ≥ 12 ans
®
Doxypalu (doxycycline) Cp à 50 mg < 40 kg : 50 mg/j Contre-indication : âge < 8 ans
Cp à 100 mg Prendre au dîner
Séjour + 4 semaines après
®
Granudoxy Gé (doxycycline) Cp à 100 mg ≥ 40 kg : 100 mg/j
Pays du groupe 3
Avant l’âge de 6 ans, les comprimés doivent être écrasés.

Les Tableaux 6 et 7 présentent les principales molécules Certaines caractéristiques des patients méritent un commen-
proposées dans cette indication chez l’adulte et chez taire. Les populations migrantes doivent bénéficier de la même
l’enfant [14]. chimioprophylaxie que les autres sujets non immuns. La limite
Le séjour en zone tropicale doit être évité chaque fois que peut être financière, il faut alors privilégier les molécules les
possible chez une femme enceinte. Si le séjour ne peut être moins onéreuses à efficacité égale (intérêt de la doxycycline).
évité, la chloroquine pour le groupe 1, et l’association Chez le patient VIH+ , le peu de données disponibles ne fait pas
chloroquine-proguanil pour le groupe 2, peuvent être proposées. apparaître de risque évident d’interactions entre antirétroviraux
La méfloquine ou l’association atovaquone-proguanil sont et antipaludiques, qui doivent être utilisés aux doses usuelles.
possibles, en cas de séjour dans les pays du groupe 3. En cas de séjours longs et d’expatriation, on recommande aux
La doxycycline est déconseillée pendant le premier trimestre voyageurs et expatriés une chimioprophylaxie de 6 mois au
de la grossesse, et contre-indiquée à partir du deuxième trimes- minimum, puis de prendre contact localement avec un médecin
tre, car elle expose l’enfant à naître au risque de coloration des ou un organisme qualifié, pour évaluer la pertinence d’une
dents de lait. Une grossesse doit être évitée pendant cette chimioprophylaxie prolongée, selon le type de séjour et la zone
prophylaxie et pendant les 8 jours suivant la dernière prise visitée. En zone sahélienne, plutôt que l’absence totale de
(contraceptifs ?). chimioprophylaxie, elle peut se limiter à couvrir la saison des

8 Maladies infectieuses
Chimioprophylaxie des maladies infectieuses ¶ 8-002-D-10

Tableau 8. agents reçoivent un traitement curatif/préventif, mais lorsque


Traitements antibiotiques préventif/curatif habituellement proposés en des cas de transmission sont possibles, les personnes contact des
fonction des agents concernés. personnes exposées reçoivent également un traitement préven-
Bacillus anthracis Ciprofloxacine, doxycycline tif. C’est le cas des infections avec Yersinia pestis.
Yersinia pestis Streptomycine, ciprofloxacine,
gentamicine, chloramphénicol
Francisella tularensis Ciprofloxacine, doxycycline, Morsures
chloramphénicol
Coxiella burnetii Doxycycline
On estime en France de 250 000 à 500 000 les cas de morsu-
res déclarés chaque année (chiffres émanant du Centre de
Burkholderia mallei Ceftazidime, doxycycline,
cotrimoxazole, ciprofloxacine documentation et d’information de l’assurance (CDIA), entraî-
Vibrio cholerae (0O et O139) Tétracyclines, cotrimoxazole,
nant 60 000 hospitalisations. Entre 0,5 % et 1 % des urgences
erythromycine chirurgicales sont dues aux morsures d’animaux [19].
Les recommandations concernant la chimioprophylaxie suite
à des morsures animales divergent. En dehors des lésions des
mains par morsures ou griffures avec atteinte documentée ou
pluies (en poursuivant 1 mois après la fin des pluies) (chimio- suspectée des gaines tendineuses ou des articulations où le
prophylaxie saisonnière) [15-17]. risque d’infection est majeur, et des morsures par des rats, bien
Au retour, chez les patients traités pour une crise de palu- que cette indication ne soit pas consensuelle, il ne semble pas
disme, il n’est pas nécessaire de poursuivre une chimioprophy- y avoir d’indication réellement documentée d’une chimiopro-
laxie. Si le traitement curatif se termine moins de 10 jours après phylaxie dans le cas des morsures animales.
le retour, il persiste un risque théorique de deuxième accès (en Les morsures humaines sont un motif relativement fréquent
cas de piqûre infectante en fin de séjour). Il convient de de recours aux soins dans les services d’urgences. Leur fréquence
prévenir le patient de ce risque, et d’insister sur la nécessité et leur gravité est liée au contexte de survenue : agression, prise
d’une surveillance avec contrôle du frottis goutte épaisse à j7 et d’alcool, sujets institutionnalisés (psychiatrie, prison). Dans la
j28 après le traitement curatif. littérature, ces situations sont plus fréquentes la nuit, dans un
contexte professionnel exposant aux agressions, dans un
contexte récréatif avec consommation d’alcool. Elles affectent
Risques biologiques
essentiellement les mains, le visage (dont le nez), les oreilles, le
La notion de risque biologique est souvent associée au seul cou. Des complications infectieuses sont rapportées dans plus de
aspect lié à l’emploi des agents biologiques et des toxines 10 % à 20 % des cas. Des complications infectieuses telles
comme des armes. Or, le risque biologique doit également être arthrite septique, ténosynovite et ostéomyélite sont rapportées
considéré dans d’autres domaines [18]. dans 25 % à 50 % des cas des morsures de la face, des mains et
Au travail, le risque biologique est lié à plusieurs facteurs. Les des pieds. Les infections sont dans ce cas le plus souvent
chaînes épidémiologiques peuvent être complexes, avec des polymicrobiennes. Les germes aérobies les plus fréquents sont
sources d’infection souvent correspondant aux réservoirs. Les les streptocoques et Staphylococcus aureus. Des germes à Gram
sources d’infection peuvent être des animaux, des humains, le négatif et des germes anaérobies se retrouvent plus souvent
sol ou l’eau. Les modes de transmission ainsi que les portes dans les morsures humaines que dans celles d’origine animale.
d’entrée peuvent être multiples, et comprennent le passage Eikenella corrodens est un germe à Gram négatif anaérobie
transcutané ou à travers une peau lésée ou une blessure, la voie facultatif qui peut être présent dans la plaque dentaire, et qui
respiratoire par aérosols ou gouttelettes, la voie digestive par est retrouvé dans presque 30 % des infections provoquées par
ingestion ou mains portées à la bouche. À titre d’exemple, nous
un coup de poing.
pouvons citer la leptospirose par passage transcutané à partir de
La prise en charge des morsures animales et humaines suit les
sols ou eaux contaminées, la transmission des agents viraux
VIH, virus de l’hépatite B et C par effraction cutanée par des mêmes règles de management que les plaies chirurgicales
accidents type piqûre ou coupure avec un objet souillé par du contaminées. Les plaies doivent être lavées (irrigation abon-
sang, ou la légionellose par inhalation d’aérosols d’eau conta- dante), un débridement doit être réalisé si nécessaire, et elles
minée. Les indications de chimioprophylaxie concernent doivent être refermées chaque fois que possible. La fermeture ne
essentiellement les indications de la chimioprophylaxie par des doit être différée que pour les plaies insuffisamment nettoyées
antirétroviraux après des accidents d’exposition au VIH. ou en cas de signe d’infection évidente. Les plaies des mains et
Le bioterrorisme ou biodéfense et l’utilisation d’armes de la face justifient une orientation systématique dans un
biologiques telle que l’envoi de spores de charbon par des service de chirurgie spécialisée pour un parage dans de bonnes
courriers comme en 2001 aux États-Unis, est une source conditions techniques, voire des gestes de chirurgie plastique et
d’inquiétude et justifie des stratégies complexes d’organisation reconstructive.
du système de soins pour y faire face. Certains agents biologi- Il est actuellement recommandé de proposer une antibiopro-
ques utilisés comme des armes ont fait l’objet de révisions phylaxie pour toutes les plaies liées à des morsures humaines
approfondies suite aux évènements géopolitiques récents. situées sur les mains, les pieds, la peau à proximité des articu-
L’indication des traitements postexposition prouvée ou suspec- lations ou de structures cartilagineuses. Les plaies superficielles
tée rentre dans un cadre très précis, et en France des centres
(pas de franchissement de l’épiderme) en dehors de ces sites
référents ont été identifiés. Nous n’abordons pas ici les aspects
pourraient ne pas être traitées.
organisationnels, diagnostiques et les procédures de prise en
charge des victimes éventuelles d’une attaque bioterroriste. Exceptionnellement, les morsures humaines peuvent provo-
Rappelons pour certains agents l’indication d’une antibiothéra- quer la transmission de certaines maladies telles que l’actino-
pie préventive en cas d’exposition suspectée ou une antibiothé- mycose, la syphilis, des mycobactérioses, l’herpès, l’hépatite B et
rapie curative d’emblée en cas d’exposition avérée. Les limites C, et le VIH. La prophylaxie postexposition par des antirétrovi-
entre la prophylaxie et le traitement curatif sont tenues dans ces raux n’est pas recommandée dans le cas de morsure ou griffure
cadres d’une extrême gravité potentielle et dans un contexte de humaine, même lorsque le sujet source est connu infecté par le
panique et de stress collectif. VIH.
Les traitements antibiotiques préventif/curatif habituellement Le Tableau 9 présente les caractéristiques et les principaux
proposés en fonction des agents concernés sont présentés dans agents infectieux en cause et les indications pouvant être
le Tableau 8. Les personnes exposées ou supposées exposées aux retenues pour une antibioprophylaxie [19-22].

Maladies infectieuses 9
8-002-D-10 ¶ Chimioprophylaxie des maladies infectieuses

Tableau 9.
Principaux agents infectieux en cause dans les morsures et indications pouvant être retenues pour une antibioprophylaxie [19-22].

Individu source Germes Antibioprophylaxie

Humain Streptocoques alpha-hémolytiques, S. aureus, Oui


Eikenella corrodens, Haemophilus species, Amoxiclav
et anaérobies
ou doxycycline ou fluoroquinolone
pendant 3 à 7 jours
(sauf plaies superficielles en dehors des mains, pieds, tête, zones
articulaires ou cartilagineuses)
Tout Pasteurellose Non
Sauf si parage difficile ou plaie tendineuse ou articulaire
ou > 24 h
Amoxicilline ou doxycycline ou fluoroquinolone
Tout Anaérobies Non
Staphylocoque et streptocoque Sauf si parage difficile ou > 24 h (amoxiclav ou pristinamycine)
Tout Rage Non
Tout Tétanos Non
Mais indication vaccination et sérothérapie si besoin
Chat, chien Maladies des griffes du chat (Bartonella henselae, Non (Doxycycline ou macrolide ou rifampicine ou fluoroquinolone si
Bartonella clarridgeiae, Afipia felis) lymphoréticulose bénigne d’inoculation)
Chat, chien Capnocytophaga canimorsus Non
Sauf chez le sujet splénectomisé
Rat Sodoku (Spirillum minus) Pénicilline G ou amoxicilline
Rat et rongeurs Haverhilliose (Streptobacillus moniliformis) Pénicilline G ou amoxicilline
Rat ++ Leptospirose Pénicilline G ou amoxicilline
Lièvre Tularémie Doxycycline ou thiamphénicol ou aminoside
NAC (nouveaux animaux Non
de compagnie) À discuter au cas par cas, en fonction du délabrement de la plaie,
Hamsters, cochons d’Inde, Salmonellose, yersiniose, leptospirose, du temps d’évolution et de la possibilité d’un parage/nettoyage et
souris, rats, chinchillas, streptobacillose débridement optimaux
écureuils
Singes Pasteurelloses, lymphogranulomatose,
campylobactériose
Reptiles (serpents, lézards, Salmonelloses, campylobacter, cryptosporidies
caméléons,
iguanes, tortues)

Infections spontanées du liquide d’ascite [23] comme la fréquence croissante de souches d’entérobactéries
résistantes aux quinolones et aux céphalosporines.
Les infections spontanées du liquide d’ascite, chez les patients
cirrhotiques et chez les enfants et les adultes présentant un
syndrome néphrotique, surviennent chez plus de 10 % à 20 % ■ Conclusion
des patients, avec une mortalité de l’ordre de 10 % à 50 %, et
un taux de récurrence au cours de la première année après le La liste des situations pouvant donner lieu à une chimiopro-
premier épisode infectieux de 70 %. phylaxie s’allonge au fur et à mesure que l’on connaît mieux les
Au cours des péritonites spontanées communautaires, les mécanismes de transmission des agents infectieux et les situa-
streptocoques et les entérobactéries sont les germes les plus tions à risque. L’essentiel est de bien connaître la frontière entre
fréquemment isolés, principalement E. coli, pneumocoque, le préventif et le curatif et de rester strict sur les indications et
Haemophilus spp. et Klebsiella spp. Au cours des péritonites les durées de la prophylaxie afin de préserver l’écologie bacté-
spontanées nosocomiales, S. aureus et staphylocoque doré rienne chez les sujets, non malades, qui en sont la cible.
méthicillinorésistant (SDMR) deviennent de plus en plus .

fréquents.
Il est actuellement proposé de traiter les péritonites primaires ■ Références
par des céphalosporines de 3e génération ou des fluoroquinolo-
nes. L’amoxiclav est également utilisé dans cette indication. [1] Rapports 2006 et 2008. Sous la direction du Pr Patrick Yeni. Prise en
charge médicale des personnes infectées par le VIH. Sous la direction
Compte tenu du risque élevé de récurrence et de la forte
du Pr E. Bouvet. Prise en charge des situations d’exposition au risque
mortalité associée, il est recommandé d’utiliser une prévention
viral. Paris: Médecine Sciences Flammarion; 2009.
secondaire au long cours chez ces patients, jusqu’à disparition [2] Les accidents d’exposition au sang. Hygiènes 2003;XI(suppl2):1-200.
de l’ascite. Les molécules proposées sont habituellement la [3] Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Édition; 2008.
norfloxacine, la ciprofloxacine et la lévofloxacine en fonction [4] Bouvet E. Prévention et prise en charge de la tuberculose en France.
de la flore et du profil de résistance de l’unité, le cotrimoxazole Synthèse et recommandation d’un groupe de travail du CSHPF (2003-
est proposé aux patients intolérants aux quinolones. Si dans la 2003). Traitement de la tuberculose infection latente: vers un change-
littérature cette indication semble retenir les faveurs des auteurs, ment des pratiques en France. Rev Mal Respir 2003;20(suppl):
certains articles récents signalent l’accroissement du rôle des 7S41-7S44.
entérocoques dans les épisodes de péritonite communautaire [5] Circulaire DGS/SD5C/2002/400 du 8 novembre 2002 sur la conduite à
survenant chez les patients sous quinolone en prévention, tout tenir autour d’un cas d’infection invasive à méningocoque.

10 Maladies infectieuses
Chimioprophylaxie des maladies infectieuses ¶ 8-002-D-10

[6] Baron S, Bimet F, Lequellec-Nathan M, Patey O. Conduite à tenir lors [15] Chen LH, Wilson ME, Schlagenhauf P. Prevention of malaria in long-
de l’apparition d’un cas de diphtérie. Bull Epidémiol Hebd 1998;n°23: term travelers. JAMA 2006;296:2234-44.
97-101. [16] Leder K, Tong S, Weld L, Kain KC, Wilder-Smith A, von
[7] Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France : avis du 18 novembre Sonnenburg F, et al. Illness in travelers visiting friends and relatives:
2005 relatif à la conduite à tenir autour d’un ou plusieurs cas d’origine a review of the GeoSentinel Surveillance Network. Clin Infect Dis
communautaire d’infection invasive à streptococcus pyogènes (ou 2006;43:1185-93.
streptocoques du groupe A). [17] Bouchaud O, Caumes E. Travel medicine. Prevention strategies that
[8] Conseil Supérieur d’Hygiène Publique de France : avis du 22 septem- general practitioners should adopt. Rev Prat 2007;57:829-30.
bre 2006 relatif à la conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de [18] Buehler JW, Berkelman RL, Hartley DM, Peters CJ. Syndromic sur-
coqueluche. veillance and bioterrorism-related epidemics. Emerg Infect Dis 2003;
[9] Freedman DO, Kozarsky PE, Weld LH, Cetron MS. GeoSentinel: the 9:1197-204.
global emerging infections sentinel network of the International [19] Philipsen TE, Molderez C, Gys T. Cat and dog bites. What to do?
Society of Travel Medicine. J Travel Med 1999;6:94-8. Guidelines for the treatment of cat and dog bites in humans. Acta Chir
[10] Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE, Fisk T, Robins R, von Belg 2006;106:692-5.
Sonnenburg F, et al. Spectrum of disease and relation to place of [20] Borchardt SM, Ritger KA, Dworkin MS. Categorization, prioritization,
exposure among ill returned travelers. N Engl J Med 2006;354:119-30. and surveillance of potential bioterrorism agents. Infect Dis Clin North
[11] Wilson ME, Weld LH, Boggild A, Keystone JS, Kain KC, von Am 2006;20:213-25.
Sonnenburg F, et al. Fever in returned travelers: results from the [21] Elliott SP. Rat bite fever and Streptobacillus moniliformis. Clin
GeoSentinel Surveillance Network. Clin Infect Dis 2007;44:1560-8. Microbiol Rev 2007;20:13-22.
[12] Diemert DJ. Prevention and self-treatment of traveler’s diarrhea. Clin [22] Talan DA, Citron DM, Abrahamian FM, Moran GJ, Goldstein EJ.
Microbiol Rev 2006;19:583-94. Bacteriologic analysis of infected dog and cat bites. Emergency
[13] Legros F, Arnaud A, El Mimouni B, Danis M. Paludisme d’importation Medicine Animal Bite Infection Study Group. N Engl J Med 1999;340:
en France métropolitaine : données épidémiologiques 2001-2004. Bull 85-92.
Epidémiol Hebd 2006;n°32:235-6. [23] Ghassemi S, Garcia-Tsao G. Prevention and treatment of infections in
[14] Recommandations sanitaires pour les voyageurs 2007. Bull Epidémiol patients with cirrhosis. Best Pract Res Clin Gastroenterol
Hebd 2007;n°24:207-16. 2007;21:77-93.

E. Bouvet, Professeur des Universités, praticien hospitalier (elisabeth.bouvet@bch.aphp.fr).


Service des maladies infectieuses, Centre hospitalier universitaire Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
E. Casalino, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service d’accueil et de traitement des urgences, Centre hospitalier universitaire Bichat, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bouvet E., Casalino E. Chimioprophylaxie des maladies infectieuses. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Maladies infectieuses, 8-002-D-10, 2009.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Maladies infectieuses 11
¶ 8-002-E-10

Prise en charge des maladies infectieuses


émergentes
P. Bossi, F. Bricaire

En ce début du XXIe siècle, l’actualité est constamment marquée par des épidémies ayant un impact
sanitaire important. Ces épidémies liées à des agents infectieux le plus souvent émergents sont
fréquemment associées à un risque de transmission interhumaine potentiellement élevé défiant ainsi,
avec les moyens de transport croissants, toute limite géographique. Une infection émergente est définie
comme une infection dont l’incidence chez les humains a augmenté au cours des deux dernières
décennies ou dont le risque d’augmentation de l’incidence est vraisemblable dans un futur proche. En
France, de nombreux plans ont été élaborés afin d’anticiper et de faire face à une éventuelle épidémie liée
à une infection émergente. Les agents infectieux émergents de forte menace épidémique sont considérés
comme étant à haut risque de dissémination et de transmission interhumaine, pouvant être responsables
de pathologies graves et d’une mortalité élevée, ayant un impact majeur en termes de santé publique et
nécessitant une réponse prompte et adaptée par les services de santé publique. De la rapidité du
diagnostic dépendent l’alerte des structures sanitaires et la réponse des pouvoirs publics.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Infections émergentes ; Épidémie ; SRAS ; Chikungunya ; Virus des fièvres hémorragiques ;
Virus aviaire H5N1 ; Maladie du charbon

Plan émergents sont fréquemment associées à un risque de transmis-


sion interhumaine potentiellement élevé défiant ainsi avec les
moyens de transport croissants, toute limite géographique.
¶ Introduction 1
Outre l’impact économique catastrophique qu’elle peut engen-
¶ Principales infections émergentes du début du XXIe siècle 2 drer, à l’heure de la mondialisation et de l’accroissement très
Coronavirus et syndrome respiratoire aigu sévère 2 important des échanges internationaux, la diffusion d’agents
Virus du West Nile 3 infectieux au-delà de toute frontière est à prendre en compte de
Chikungunya 3 façon très sérieuse.
Virus des fièvres hémorragiques 4 Bien que les maladies infectieuses n’aient jamais cessé
Virus aviaire H5N1 et risque de pandémie grippale 5 d’émerger de par leur grande capacité d’adaptation à leur
Bioterrorisme 5 environnement, la définition d’infection émergente a été
¶ Préparation des structures hospitalières face à une infection réactualisée récemment. Pour de nombreux acteurs de la santé
émergente 7 publique, la fin des années 1970 devait être marquée par la
¶ Formation des médecins 7 disparition des épidémies importantes et de nombreuses infec-
tions. Les campagnes de vaccination antivarioliques menées par
¶ Prise en charge d’une infection émergente hautement
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à la fin des années
contagieuse 7
1960, avaient permis d’éradiquer cette infection à la surface de
¶ Rôle des centres référents 7 la terre. Les antibiotiques permettaient de traiter quantité
¶ Cellules de crise 8 d’infections bactériennes, les programmes élargis de vaccination
¶ Communication 8 s’accompagnant d’une baisse de la mortalité par infection.
Malheureusement, les années suivantes ont été marquées par
¶ Conclusion 8 l’explosion de la pandémie du syndrome de l’immunodéficience
acquise (sida), les épidémies d’Ebola, du syndrome respiratoire
aigu sévère (SRAS) ou de West Nile virus, ainsi que par la
découverte des encéphalopathies à prions, par les infections
■ Introduction nosocomiales, par l’acquisition de résistances aux antibiotiques
ou aux antiviraux. Ces faits récents nous ont ainsi rappelé que
La notion de maladie infectieuse émergente, associée ou non les maladies infectieuses étaient les compagnes constantes de
à un caractère de contagiosité, est ancienne. En ce début du notre vie, comme, de façon visionnaire, Charles Nicolle l’avait
e
XXI siècle, l’actualité est constamment marquée par des déjà souligné en 1933.
épidémies d’apparition récente qui se propagent rapidement et Actuellement est définie comme infection émergente toute
qui ont un impact sanitaire local, régional ou international infection dont l’incidence chez les humains a augmenté au
dont l’ultime étape catastrophique tant redoutée est la pandé- cours des deux dernières décennies ou dont le risque d’augmen-
mie. Ces épidémies liées à des agents infectieux le plus souvent tation de l’incidence est vraisemblable dans un futur proche.

Maladies infectieuses 1
8-002-E-10 ¶ Prise en charge des maladies infectieuses émergentes

Plus de 30 nouvelles maladies infectieuses ont été découvertes Tableau 1.


au cours des dernières décennies. En 2006, selon l’OMS, environ Principaux agents infectieux émergents à haut potentiel de transmission
14 millions de sujets sont décédés dans le monde de maladies interhumaine.
infectieuses (1/3 décès). Maladies Agents infectieux suspects
Les infections émergentes peuvent résulter de l’apparition de ou confirmés
nouvelles infections jusque-là inconnues (SRAS, virus Ebola...),
de nouvelles infections résultant de changement ou de modifi- SRAS Coronavirus
cations d’agents infectieux déjà connus (transmission à Fièvres virales hémorragiques Virus Ebola
l’homme d’agents infectieux d’origine animale comme le virus Virus Marburg
grippal aviaire H5N1...), de nouvelles infections qui apparaissent Virus de Lassa
dans de nouvelles zones géographiques ou qui atteignent de
Virus Machupo
nouvelles populations jusque-là indemnes (virus de la dengue,
Virus Junin
du West Nile ou du chikungunya...), de nouvelles infections qui
apparaissent dans des zones où une transformation écologique Virus Guanarito
a été effectuée (bilharziose sur création de barrages, virus de la Virus Sabbia
vallée du Rift...), voire d’infections anciennement connues qui Virus Crimée-Congo
réémergent par acquisition de résistance aux molécules anti- Virus de la vallée du Rift
infectieuses ou à la suite d’un échec de mesures de santé
Variole Variola major et minor
publique visant à la supprimer (tuberculose multirésistante,
entérocoque vancomycine-résistant, syphilis...). Monkeypox Virus monkeypox
Il est également à ajouter au concept d’émergence la décou- Acte de bioterrorisme dont l’agent
verte d’agents infectieux responsables d’une pathologie ancien- n’est pas encore identifié
nement connue, mais dont l’évolution des moyens
Toute infection non déterminée
diagnostiques a permis d’en démontrer la responsabilité (Helico-
faisant craindre une transmission
bacter pylori et ulcères gastroduodénaux...). Enfin, il convient interhumaine, en particulier toute
d’ajouter à cette liste la notion d’émergence virtuelle liée à infection respiratoire
l’utilisation d’agents infectieux comme arme biologique. Dans « inhabituelle »
ce cas, il apparaît clair que la frontière séparant le virtuel du réel
est souvent bien étroite : en effet, plus de 150 agents infectieux Peste, principalement dans sa Yersinia pestis
forme respiratoire
ou toxiniques pourraient être utilisés à des fins belligérantes.
De multiples pandémies liées à des maladies infectieuses Grippe aviaire (en l’absence de Myxovirus influenzae H5N1...
hautement contagieuses ont jalonné l’histoire de notre civilisa- données concernant une
tion : de la seconde pandémie de peste ou peste noire qui a éventuelle transmission
décimé 25 millions d’habitants en Europe de 1346 à 1350 et interhumaine avérée)
probablement autant en Asie, à l’actuelle pandémie de sida qui Grippe pandémique Myxovirus influenzae à virus muté
a été responsable de plus de 40 millions de décès depuis 1983.
SRAS : syndrome respiratoire aigu sévère.
Il convient également de rappeler les pandémies de grippe du
e
XX siècle, dont la principale, la grippe espagnole, a été respon-
sable du décès de 30 à 50 millions de sujets entre 1918 et 1920. collaborative entre les services d’urgences et les services de
Le concept d’infections émergentes correspond donc parfaite- maladies infectieuses ou de réanimation rompus à la prise en
ment à la réalité. Actuellement, sa prise en compte joue un rôle charge de telles infections. Dans la mesure du possible, tout
fondamental afin d’orienter au mieux les politiques de santé patient suspect ou présentant une infection due à un agent
publique, mais également les financements de la recherche hautement contagieux doit être isolé dans une chambre à
publique. De plus, ce concept a permis de réorganiser certaines pression négative dans l’un des services désignés par les tutelles
grandes institutions internationales (Centre for Disease Control comme centres référents de lutte contre les infections
[CDC], OMS...) mais également d’en créer d’autres comme émergentes.
l’Institut de veille sanitaire (InVS) en France ou l’European
Centre for Disease Prevention and Control (ECDC) qui est né à
Stockholm en 2004. Le principal objectif de ces structures en ■ Principales infections
termes de maladies infectieuses est de définir une politique de
santé publique homogène, afin de lutter activement et rapide- émergentes du début du XXIe siècle
ment contre toute infection ayant ou non un caractère émer-
gent. L’efficacité de telles structures passe par la rapidité de la Coronavirus et syndrome respiratoire aigu
mise en place d’un système de surveillance et d’alertes épidé-
miologiques, et des réponses des pouvoirs publics afin d’en
sévère
limiter au maximum les conséquences humaines. De même, les En 2003, 8 098 cas de SRAS ont été rapportés en quelques
différents acteurs rompus à la médecine d’urgence ont un rôle semaines (12 mars-5 juillet) dans 29 pays. En France, des cas
fondamental à jouer, non seulement pour reconnaître les ont été observés chez sept patients : l’un d’entre eux est décédé.
prémices d’une infection émergente, mais également pour tout Cette première pandémie du XXIe siècle a permis d’illustrer
mettre en œuvre afin d’en limiter sa propagation. comment un nouvel agent infectieux, décrit initialement au
En France, de nombreux plans ont été élaborés afin d’antici- Vietnam et en Chine, pouvait disséminer rapidement à la
per et de faire face à une éventuelle épidémie liée à une surface de la terre grâce aux moyens de transport aériens. Cette
infection émergente (Biotox, grippe, SRAS...). Ils sont régulière- infection a été caractérisée, entre autres, par une transmission
ment réactualisés en fonction des données épidémiologiques et interhumaine importante et par une forte mortalité (9,6 %) [1].
scientifiques disponibles. En l’absence de toute précaution standard de protection
Les agents infectieux émergents de forte menace épidémique respiratoire au début de l’épidémie, un lourd tribut a été payé
sont considérés comme étant à haut risque de dissémination et par les personnels médicaux en contact avec des patients
de transmission interhumaine (à la fois pour le personnel infectés : 22 % de l’ensemble des cas de SRAS à Hong Kong,
médical, mais également pour la communauté), pouvant être 43 % à Toronto et 41 % à Singapore [2, 3]. En quelques semaines,
responsables de pathologies graves et d’une mortalité élevée, l’agent émergent responsable du SRAS a été identifié comme
ayant un impact majeur en termes de santé publique et néces- étant un nouveau coronavirus [4]. Le principal mode de trans-
sitant une réponse prompte et adaptée par les services de santé mission de ce virus était interhumain par contact étroit avec un
publique (Tableau 1). La prise en charge des patients infectés par sujet infecté (< 1 m) [2, 3]. Bien que le coronavirus responsable
ce type d’agents doit être effectuée de façon étroitement du SRAS ait été retrouvé dans les selles et les urines de sujets

2 Maladies infectieuses
Prise en charge des maladies infectieuses émergentes ¶ 8-002-E-10

infectés plus de 20 jours après le début des premiers signes Depuis 2003, aucun cas épidémique de SRAS n’a été rapporté.
cliniques, aucune donnée n’a permis de conclure quant à un Mais nul ne peut prédire qu’une nouvelle épidémie surviendra
éventuel mode de transmission interhumaine par ces voies, y un jour.
compris durant la période de convalescence. Actuellement, il
semble établi que le réservoir de ce virus est probablement une Virus du West Nile
chauve-souris.
Très rapidement, en l’absence de traitement spécifique, des Identifié pour la première fois en 1937 dans le district du
mesures prises à l’échelle internationale ont permis le contrôle West Nile en Ouganda, le virus du West Nile a été associé au
de la dissémination du virus : identification rapide des cas et premier cas de méningoencéphalite humaine en 1957 en Israël.
isolement précoce des patients ou des sujets contacts, mise en Un certain nombre d’épidémies humaines ont été rapportées au
place des précautions standards à adopter devant un sujet cours des années 1990 en Algérie, Roumanie, République
suspect de SRAS. En France, différents centres médicaux ont été Tchèque, République Démocratique du Congo, Russie et Israël.
désignés comme étant centres référents pour le SRAS. La Le virus du West Nile est un flavivirus transmis par différen-
répartition de ces centres a été calquée sur celle du plan Biotox, tes espèces de moustiques (Culex, Aedes, anophèles...), responsa-
plan national de gestion des actes de bioterrorisme en France. ble de zoonose atteignant principalement les oiseaux sauvages.
Sa transmission à l’homme et à d’autres animaux (chevaux,
La majorité des cas de SRAS a été rapportée chez des sujets
oiseaux domestiques...) est de même possible. De rares cas de
adultes de 40-45 ans (extrêmes : 23-78 ans), 30 % à 50 %
transmission interhumaine par des produits sanguins ou lors de
d’entre eux travaillant dans des structures hospitalières [2, 3]. La
greffes d’organes ont également été rapportés. La période
période d’incubation caractérisée par l’absence de transmission
d’incubation de l’infection varie de 1 à 6 jours. Seuls 20 % des
virale était en moyenne de 6 jours (extrêmes : 3 à 10 j). Les
sujets infectés présentent une symptomatologie fruste à type de
signes cliniques étaient non spécifiques : fièvre > 38 °C,
syndrome pseudogrippal, et moins de 1 % de ces patients
céphalées, sensation de malaise, myalgies, toux sèche et dyspnée
développe des troubles neurologiques graves (méningite,
plus ou moins sévère [2, 3]. La fréquence des autres signes était
radiculite, méningoencéphalite...) pouvant être responsables
plus variable : frissons, diarrhée, nausées, vomissements, perte
d’un décès dans 5-14 % des cas. La mortalité est principalement
d’appétit, pharyngite, arthralgies, douleurs thoraciques, toux
liée à l’âge et aux pathologies chroniques associées. En l’absence
avec expectoration, vertiges, douleurs abdominales et rhinor-
de traitement spécifique et de vaccin humain, la lutte contre
rhée. L’auscultation pulmonaire retrouvait fréquemment des
cette infection passe par une lutte contre les vecteurs de la
râles crépitants aux deux bases [3]. Les anomalies biologiques
maladie [9].
étaient également non spécifiques : leucopénie, lymphopénie,
En France, 13 cas humains de méningoencéphalites ont été
thrombopénie, cytolyse hépatique, élévation des lacticodéshy-
rapportés en 1962 dans la région de la petite Camargue parti-
drogénases (LDH) et des créatine-phosphokinases (CPK) [2, 3].
culièrement riche en moustiques et haut lieu de passage
Habituellement, la radiographie pulmonaire objectivait initiale-
d’oiseaux migrateurs. En 2000, 76 chevaux ont été atteints sans
ment une atteinte pulmonaire périphérique, localisée, prédomi-
qu’aucun cas humain n’ait été rapporté. Il semblerait qu’envi-
nant aux bases, à type d’infiltrats ou d’opacités alvéolaires uni-
ron 5 % des habitants de cette région française soient porteurs
ou bilatéraux, mono- ou plurifocaux [2]. Ces opacités pouvaient
d’anticorps dirigés contre le virus (patients asymptomatiques).
s’étendre aux deux poumons et prendre un aspect de SDRA [5].
Les derniers cas d’infections humaines ont été observés en
L’évolution des patients était marquée par une amélioration
octobre 2003 dans le Var : sept sujets ont présenté des signes
rapide et une récupération totale de l’état clinique habituelle-
d’infection, dont trois cas d’encéphalites. Les derniers cas
ment dans les 15 jours suivant la sortie de l’hôpital. Chez un
d’encéphalites à virus West Nile observés chez des chevaux
certain nombre de patients (10-40 %), une aggravation de la
situés dans les Pyrénées-Orientales ont été signalés en septembre
symptomatologie respiratoire survenait vers le 8-10e jour après
2006.
le début des premiers signes. Un troisième pic d’évolution vers
Actuellement, le réel problème de cette infection est son
un SDRA était noté vers le 20e jour d’évolution nécessitant une
émergence depuis 1999 aux États-Unis, au Canada, au Mexique
ventilation artificielle (15-15 %) [2, 5]. La mortalité de cette
et dans différents états des Caraïbes. Apparue pour la première
pandémie a été de 9,6 %. Celle-ci a été estimée à moins de 1 %
fois aux États Unis en 1999 (New York), l’épidémie s’est
chez les sujets de moins de 24 ans, à 6 % chez ceux ayant entre
rapidement étendue à l’ensemble des états américains. Cette
25 et 44 ans, 15 % pour ceux ayant 45 à 64 ans et supérieure à
infection y est responsable d’une forte morbimortalité : d’octo-
50 % chez les plus de 65 ans. Outre l’âge, la mortalité dépendait
bre 1999 à septembre 2007, environ 26 000 cas prouvés ont été
du pays où l’épidémie sévissait, des infrastructures hospitalières
rapportés (4 % de décès). Il semblerait que ce soit des oiseaux
utilisables et de la rapidité de prise en charge des patients
migrateurs en provenance d’Israël qui aient introduit ce virus
infectés. La mortalité plus élevée chez les sujets âgés s’expliquait
sur le continent nord-américain. De grandes campagnes de
par le fait que la symptomatologie clinique était souvent plus
surveillance, de prévention et de contrôles de l’épidémie ont été
sévère chez eux, et qu’ils avaient fréquemment d’autres patho-
réalisées, sans toutefois actuellement endiguer cette épidémie.
logies sous-jacentes, chroniques, voire graves. D’autres maladies
Cette infection émergente demeure donc un réel problème de
associées à une plus forte mortalité ont également été observées
santé publique, tant sur le plan humain que sur le plan animal.
comme le diabète, la cirrhose alcoolique, une infection chroni-
En France, le risque existe particulièrement dans les zones
que par le virus de l’hépatite B ou un cancer [2, 6]. L’évolution
situées sur le pourtour méditerranéen : la surveillance des cas
clinique était le plus souvent satisfaisante chez les enfants.
humains repose sur le signalement, à l’InVS, par le Centre
Enfin, certaines données biologiques ont été associées à une
national de référence des arbovirus (Institut Pasteur de Paris),
plus grande mortalité : hyperleucocytose, pics élevés de CPK et
des patients ayant une sérologie positive. La surveillance des
de LDH ou hyponatrémie [2, 6].
chevaux repose sur le signalement des cas d’encéphalite et la
Initialement observé au microscope électronique, le nouveau recherche sérologique de l’infection (Direction générale de
coronavirus a été identifié par les techniques de biologie l’alimentation et Agence française de sécurité sanitaire des
moléculaire. Sa séquence génomique est maintenant entière- aliments). La surveillance des oiseaux repose sur le recensement
ment connue [7, 8]. La connaissance de ce génome a permis le de la mortalité aviaire (Office national de la chasse et de la
développement de tests diagnostiques très fiables par reverse faune sauvage). Elle est complétée par des tests à la recherche
transcriptase-polymerase chain reaction (RT-PCR). De même des du virus West Nile chez des volailles sentinelles réparties sur les
tests sérologiques, confirmant le diagnostic de façon rétrospec- zones à risque. Ce système de surveillance est renforcé de début
tive, par immunofluorescence indirecte et méthode enzyme- juin à fin octobre chaque année.
linked immunosorbent assay (Elisa) ont été développés.
Tout patient suspect d’avoir un SRAS devait impérativement
être hospitalisé et placé en isolement strict. Cette mesure a
Chikungunya
constitué l’élément majeur permettant de rompre la transmis- Les années 2005-2006 ont été marquées par une épidémie
sion interhumaine et d’endiguer la propagation de l’épidémie. sans précédent de chikungunya dans un certain nombre d’îles

Maladies infectieuses 3
8-002-E-10 ¶ Prise en charge des maladies infectieuses émergentes

de l’océan Indien (Réunion, Comores, Maurice, Seychelles, travers le monde, responsables de milliers de décès, surtout chez
Mayotte, Maldives...). Près de 266 000 habitants de l’île de la les enfants [13]. À l’opposé, les fièvres hémorragiques d’Omsk, de
Réunion ont été infectés par ce virus (un tiers de la population) Bolivie ou du Venezuela évoluent par petites épidémies extrê-
principalement au cours de la saison des pluies. Les conséquen- mement localisées géographiquement.
ces humaines et économiques ont été catastrophiques. Le virus En France métropolitaine, seul le virus Hantavirus du séro-
du chikungunya est un arbovirus du genre alphavirus, transmis type Puumala est associé à de petites épidémies récurrentes. Ce
à l’homme par des moustiques, Aedes albopictus principalement virus, responsable de fièvre hémorragique avec syndrome rénal,
et Aedes aegypti. Ce virus, qui a été isolé initialement en 1953 en est transmis par les déjections de rongeurs sylvatiques, le
Tanzanie, est responsable d’une symptomatologie d’apparition campagnol roussâtre. Les professions forestières et les tra-
brutale après 2 à 4 jours d’incubation (extrêmes : 1-12 j) vailleurs du bâtiment (rénovation de maisons anciennes) sont
associant fièvre, exanthème, myalgies, céphalées et arthralgies plus particulièrement exposés à cette infection, principalement
invalidantes. Les signes hémorragiques sont plus rares. De observée dans les Ardennes. Environ 1 000 cas ont été recensés
même, quelques cas de défaillances d’organes, de ménin- entre 1991 et 2007 dans le quart Nord-Est de la France [14, 15].
goencéphalites et de transmissions maternofœtales ont été Les cas importés d’autres FHV depuis les régions tropicales sont
rapportés. Au cours de l’épidémie de l’île de la Réunion, extrêmement rares, car l’incubation est relativement courte et
155 décès ont été rapportés, sans toutefois pouvoir attribuer les habitants des zones où sévissent les épidémies n’ont habi-
l’ensemble de ceux-ci au virus du chikungunya. L’évolution tuellement pas les ressources nécessaires pour envisager un
clinique est habituellement simple, mais peut fréquemment être transport vers un centre de soin français. La dengue est endé-
marquée par la persistance d’arthralgies invalidantes, pendant mique dans les territoires et départements d’outre-mer Français
des semaines, voire des mois. Actuellement, seul le traitement (Antilles, Guyane, Réunion, Nouvelle-Calédonie), avec des
symptomatique par antalgiques non salicylés ou anti- dizaines voire des centaines de cas répertoriés selon les
inflammatoires non stéroïdiens essentiellement est utilisé [10]. années [16, 17]. Un cas de fièvre hémorragique de Crimée-Congo
En période épidémique, l’homme reste le principal réservoir du a été importé en France en 2004 [18] . Depuis 2002, cette
virus. En l’absence de vaccin actuellement disponible, il a été infection est endémique en Turquie où plusieurs centaines de
établi que le virus du chikungunya induisait une protection cas ont été rapportés.
immunitaire prolongée. Quatre virus ont été décrits comme transmissibles d’homme
Au cours de l’épidémie réunionnaise, plus de 300 cas d’infec- à homme, par le biais de liquides biologiques infectés (sang,
tions ont été importés en France métropolitaine, essentiellement selles, urines, gouttelettes de salive - transmission nosocomiale) :
observés chez des voyageurs [11]. De même, en 2006, l’épidémie les virus de Crimée-Congo, Lassa, Ebola, et Marburg [12]. Bien
s’est étendue en Inde où plus de 1,4 million de cas ont été que rare, la transmission interhumaine de ces virus est possible,
rapportés. le plus souvent à la suite de contacts rapprochés, directs ou
Très rapidement après le début de l’épidémie dans les îles de indirects. La transmission aérienne est également possible par
l’océan Indien, des campagnes massives de démoustications ont aérosolisation de liquides hémorragiques (virus de la vallée du
été entreprises (réduction du nombre de gîtes larvaires par Rift, de Marburg et arénavirus). Il semblerait que ce mode de
suppression des récipients contenant de l’eau stagnante à contamination soit également à l’origine de cas observés dans
proximité des domiciles, insecticides...). Ce plan de lutte des laboratoires (virus Ebola, Marburg, Lassa, de la vallée du
antivectoriel a pour l’instant permis de juguler l’épidémie. Rift...). Il a également été rapporté des cas de transmissions
L’émergence du virus chikungunya dans les îles de l’océan sexuelles avec des filovirus (Ebola et Marburg) et certains
Indien et son extension géographique à d’autres pays comme arénavirus (virus de Lassa) à partir de patients convalescents.
l’Inde ont témoigné de la capacité d’implantation et de dissé- Des cas de transmissions nosocomiales avec les virus Machupo,
mination de l’épidémie. Selon certains épidémiologistes, Lassa, de la fièvre hémorragique de Crimée-Congo, Ebola,
l’introduction du virus par des voyageurs infectés au cours d’un Marburg et de la vallée du Rift ont également été rapportés.
séjour dans une zone épidémique et virémique au moment de Aucun cas de transmission interhumaine directe n’a jamais été
leur retour en France métropolitaine, dans des régions où est observé avec les virus de la dengue ou de la fièvre jaune (à
présent l’Aedes albopictus (Alpes-Maritimes et Haute-Corse), serait l’exception des rares accidents d’exposition au sang par piqûre
possible. Pour l’instant aucun cas autochtone n’a été rapporté. avec une seringue contaminée). De même, seul un cas a été
Il demeure nécessaire de rester vigilant face à un risque poten- colligé avec un Hantavirus en Argentine (virus Andes).
tiellement non négligeable. Les FVH sont hétérogènes dans la gravité de leur présentation
clinique. Il existe des formes asymptomatiques [19]. Au contraire,
Virus des fièvres hémorragiques certains virus sont responsables d’une mortalité pouvant aller
Les fièvres hémorragiques virales (FHV) sont dues à une jusqu’à 70 %, comme pour le virus Ebola. L’incubation des FHV
vingtaine de virus à acide ribonucléique (ARN) appartenant à varie, en fonction du type de virus incriminé, de 1 à 21 jours.
quatre familles distinctes : Flaviviridae (virus de la fièvre jaune, Schématiquement, et pour la plupart des FVH, il existe deux
de la dengue hémorragique, de la fièvre hémorragique d’Omsk phases cliniques :
et de la forêt de Kyanasur), Bunyaviridae (virus Hantaan, virus de • une phase fébrile, d’apparition brutale ou progressive, avec
la fièvre de la vallée du Rift et de la fièvre hémorragique de frissons et syndrome pseudogrippal : céphalées, myalgies,
Crimée-Congo), Arenaviridae (virus Lassa, Machupo, Junin, arthralgies, pharyngite, douleurs lombaires, douleurs rétro-
Guanarito, Sabia) et Filoviridae (virus Ebola et de Marburg). Ces orbitaires, nausées, vomissements. Il existe souvent une
virus sont désignés comme arbovirus lorsqu’ils sont transmis par hyperhémie conjonctivale, parfois un exanthème maculopa-
des piqûres d’arthropodes (moustiques ou tiques) ou rodovirus puleux, une hépatosplénomégalie, des adénopathies superfi-
lorsqu’ils sont transmis par des rongeurs (urines ou selles cielles. Cette phase est souvent courte, de l’ordre de 3 à
infectées). Ces infections sont responsables de fièvre et de signes 4 jours ;
hémorragiques qui ne sont pas constants. Les manifestations • une phase hémorragique, survenant quelques jours après la
cliniques sont très variables dans leur sévérité, du syndrome phase fébrile, parfois après une période transitoire d’apyrexie.
grippal bénin au syndrome de choc avec signes hémorragiques Les signes hémorragiques peuvent être diffus et de gravité
diffus. Le pronostic vital des patients infectés peut alors être variable : pétéchies, ecchymoses, purpura, épistaxis, gingivor-
engagé. ragies, hématuries, métrorragies, hémorragies digestives. Des
Des virus responsables de FHV sont retrouvés sur les cinq signes d’hyperperméabilité capillaire, définissant toute la
continents. L’Afrique subsaharienne et l’Amérique du Sud sont gravité de l’infection, peuvent apparaître et être responsables
les régions les plus exposées. Les FHV sont souvent responsables d’épanchements séreux et d’un état de choc. Une insuffisance
d’épidémies récurrentes, comme cela est le cas du virus Ebola à rénale, une insuffisance hépatocellulaire, une myocardite avec
l’origine de plusieurs épidémies depuis 1976 [12]. L’incidence des insuffisance cardiaque sont souvent présentes à ce stade.
infections liées aux virus des FHV est très variable : 50 à Des signes spécifiques à chaque virus peuvent être observés
100 millions de cas de dengue sont rapportés chaque année à au cours de cette seconde phase : hépatite aiguë dans le cadre

4 Maladies infectieuses
Prise en charge des maladies infectieuses émergentes ¶ 8-002-E-10

d’une infection par le virus de la fièvre jaune, atteinte cardio- Ainsi, le risque de transmission interhumaine serait important
pulmonaire avec pneumopathie interstitielle lors du syndrome et responsable d’une pandémie tant redoutée. Des travaux
pulmonaire dû aux Hantavirus. Dans le cadre de la fièvre récents ont confirmé que les grandes pandémies grippales du
e
hémorragique avec syndrome rénal, une insuffisance rénale XX siècle étaient dues à des virus aviaires qui avaient muté ou
aiguë oligoanurique, réversible est présente dans 50 % des cas, s’étaient recombinés avec des virus grippaux saisonniers. Ces
le plus souvent sans signe hémorragique ; une myopie transi- pandémies ont été responsables de millions de décès (30 à
toire est un signe pathognomonique à rechercher à l’inter- 50 millions avec le virus H1N1 pour la grippe espagnole en
rogatoire [14]. 1918-1919, 1 million avec le H2N2 pour la grippe asiatique en
Biologiquement, des stigmates non spécifiques d’infection 1957-1958 et 800 000 avec le H3N2 de la grippe de Hong Kong
virale peuvent être présents : leuconeutropénie, thrombopénie, en 1968-1969).
cytolyse hépatique. Dans les cas plus graves, on observe une Il apparaît actuellement certain qu’une pandémie surviendra
insuffisance rénale avec protéinurie, un ictère à bilirubine dans les années à venir : nul ne peut prédire quand, où, et de
conjuguée, une coagulopathie de consommation. quelle intensité cette pandémie sera (mortalité superposable à
Les malades suspects de FHV doivent être orientés impérati- celle d’une épidémie saisonnière ou d’une pandémie). De
vement et rapidement vers un centre de référence de prise en même, il n’apparaît pas certain qu’elle sera liée au H5N1 (peut-
charge des fièvres hémorragiques. Aucun signe clinique ne être un autre virus aviaire).
permet de préjuger du type de virus incriminé et des mesures Actuellement, en période prépandémique, de nombreux plans
d’isolement des malades doivent être prises rapidement, ont été élaborés afin d’anticiper toute pandémie. Des stocks de
d’autant plus qu’il existe une suspicion d’infection avec les virus masques, de traitements antiviraux (essentiellement les inhibi-
de Lassa, de Congo-Crimée, d’Ebola ou de Marburg (retour de teurs de la neuraminidase) ont été réalisés à l’échelon national.
voyage d’une zone d’épidémie connue) [12]. Les patients présen- De même, des essais vaccinaux, avec des vaccins prépandémi-
tant un risque élevé d’être infectés par ces virus sont ceux qui ques sont en cours de réalisation.
présentent de la fièvre, au retour d’une zone d’endémie connue, Les structures hospitalières se préparent et incluent dans leurs
et qui ont eu un contact avec un sujet infecté, ou des liquides plans blancs l’ensemble des procédures à adopter en cas de
organiques de sujets infectés, ou qui présentent des signes pandémie (accueil de patients grippés ou non, séparation de
hémorragiques, et ce quelle qu’en soit la gravité [12]. Dans ces bâtiments, formation personnels, stocks d’antiviraux, d’antibio-
situations à risque de transmission interhumaine nosocomiale, tiques et de masques, accueil en réanimation...). De même, les
les patients doivent être placés en isolement strict, si possible plans nationaux prévoient la limitation des voyages, la ferme-
dans une chambre à pression négative, avec application des ture des écoles, la distribution de masques à la population, les
mesures de protection pour le personnel (gants, masques, modes de dispensation des traitements curatifs et prophylacti-
lunettes, bottes, blouses à usage unique). Une désinfection de ques aux sujets contacts, et la préparation à la fabrication d’un
tout matériel utilisé pour le patient, de ses excrétas et des vaccin pandémique (après 6 mois) et sa diffusion... Ces diffé-
produits pathologiques doit être effectuée [12]. rents plans, constitués à l’échelon national mais également local
Dans les formes peu sévères, un traitement symptomatique (hôpitaux, entreprises, bâtiments administratifs...), sont fonda-
par antalgiques et antipyrétiques peut être suffisant. Les formes mentaux et doivent s’intégrer dans la réalisation de plans plus
sévères nécessitent une prise en charge en réanimation où sont globaux visant à lutter contre toute infection émergente à fort
pratiqués des traitements symptomatiques adaptés aux signes potentiel de contagiosité interhumaine et à haut risque
cliniques, sous étroite surveillance : remplissage vasculaire, épidémique.
drogues inotropes, nutrition entérale ou parentérale, prévention
de l’hypoglycémie, de l’œdème cérébral, correction d’une Bioterrorisme
acidose métabolique, transfusion de concentrés plaquettaires [20]. Peu après les attentats terroristes du 11 septembre 2001, les
Un traitement spécifique par ribavirine peut être utilisé en cas États-Unis ont été frappés par une vague d’actes bioterroristes
d’infection liée aux virus de Lassa (voire l’ensemble des aréna- ayant utilisé des spores de Bacillus anthracis. Ces spores dissémi-
virus), de Crimée-Congo et les Hantavirus. Il doit être débuté le nées par le système postal américain ont infecté 22 sujets : cinq
plus tôt possible. Lorsque la présentation clinique initiale est en sont décédés. Ces actes de bioterrorisme ont eu des répercus-
grave, la ribavirine doit être administrée avant l’obtention de sions internationales. En Europe, les services de protection civile
l’identification du virus en cause [20]. et de sécurité, ainsi que les forces armées, ont été mis en alerte ;
les systèmes de santé publique ont dû faire face à de très
Virus aviaire H5N1 et risque de pandémie nombreux envois postaux contenant des poudres suspectes
grippale d’être contaminées par le bacille du charbon ou un autre agent
infectieux. À l’exception d’une lettre contaminée avec des
Les virus responsables de la grippe aviaire sont connus de spores de Bacillus anthracis découverte à l’ambassade des États-
longue date comme étant responsables d’épizootie aux consé- Unis à Vienne en Autriche, aucun autre acte bioterroriste n’a été
quences économiques catastrophiques. Aux cours des vingt colligé en Europe. Les gouvernements et les instances interna-
dernières années, des millions de volailles ont été abattues à la tionales dotées de compétences dans le domaine de la protec-
suite de ces épizooties. Les sous-types de virus responsables de tion de la santé publique ont étudié, réévalué, développé et
ces infections sont le plus souvent H9, H7 ou H5. La transmis- renforcé les moyens disponibles afin de prévenir et de combat-
sion de l’animal infecté à l’homme est exceptionnelle. Il est tre ce type de menaces terroristes et d’en atténuer les éventuels
cependant à noter qu’une épidémie humaine a été rapportée en effets. Tous les pays européens se sont mobilisés avec prompti-
2003 aux Pays-Bas, avec le virus H7N7 : 86 sujets ont été tude afin de faire face à ce nouveau type de menace. En France,
contaminés par des volailles malades, avec essentiellement des le plan de lutte contre le bioterrorisme, dénommé Biotox, a
conjonctivites, plus rarement des syndromes grippaux, mais un permis de créer ou de renforcer différentes cellules de lutte
sujet est décédé [21]. contre un tel acte. À côté des services de renseignements dont
La réémergence du virus H5N1, en 2003, initialement décrit l’objectif principal est de travailler en amont d’un acte terro-
à Hong Kong en 1997, son extension sous forme d’épizooties à riste, ce plan intéresse de très nombreuses structures : forces de
la surface de la terre (environ 60 pays concernés en juin 2007), l’ordre publiques, services d’urgence (Samu, pompiers...),
sa possible transmissibilité à l’homme, et surtout son fort laboratoires, structures cliniques hospitalières... Des centres
pouvoir pathogène (334 cas rapportés dans 12 pays en novem- cliniques référents, le plus souvent des services de maladies
bre 2007 avec 205 décès [61 %]) ont alerté les pouvoirs publics infectieuses localisés dans des centres hospitalo-universitaires,
afin d’anticiper une nouvelle pandémie. De plus, la capacité de ont été désignés afin d’accueillir et de prendre en charge
mutation de ce virus essentiellement et son aptitude à se rapidement les premiers sujets infectés ou suspects de l’être.
recombiner avec un virus saisonnier sont importantes [22]. Un Outre un rôle de soins, ces centres ont également un devoir
tel virus muté capable de s’adapter à l’homme dépourvu de d’information et de formation. De même une équipe nationale
toute immunité à son égard serait capable de s’y répliquer. dédiée uniquement à la prise en charge de cas suspects de

Maladies infectieuses 5
8-002-E-10 ¶ Prise en charge des maladies infectieuses émergentes

Tableau 2.
Principales maladies potentiellement liées à l’utilisation délibérée d’un agent microbiologique ou toxinique.
Bactéries Virus Champignons Toxines
Charbon Variole Coccidioïdomycose Botulisme
Peste Fièvres hémorragiques Histoplasmose Diphtérie
Tularémie Encéphalites virales Entérotoxine B staphylococcique
Brucellose Grippe Ricine
Fièvre Q et autres Monkeypox Saxitoxine
Rickettsioses Tétrodotoxine
Morve Palytoxine
Mélioïdose Conotoxine
Choléra Microcystine
Shigellose salmonellose
Fièvres typhoïde et paratyphoïde
Légionellose
Méningocoque
Diphtérie
Tuberculose

variole a été créée : cette équipe constituée de volontaires ces trois dernières formes cliniques, la mortalité reste élevée et
revaccinés contre la variole est capable d’intervenir 24 h/24 en rapide en l’absence de diagnostic précoce. En l’absence de
tout point du territoire français. Un pouvoir également fonda- transmission interhumaine, l’isolement du patient n’est pas
mental a été donné aux instituts de surveillance épidémiologi- nécessaire. Actuellement, la ciprofloxacine représente le traite-
ques des maladies infectieuses (InVS, Direction départementale ment de première intention recommandé. Amoxicilline et
des affaires sanitaires et sociales [DDASS]...). Le dispositif est doxycycline peuvent être utilisées lorsque leur sensibilité a été
enfin constitué de cellules décisionnelles de crise à l’échelon confirmée [23]. En cas de suspicion d’exposition à un aérosol de
local et national. Très régulièrement, les plans de lutte contre le spores, un traitement prophylactique, utilisant les mêmes
bioterrorisme sont réactualisés en fonction des données récentes antibiotiques, doit être proposé et poursuivi jusqu’à ce que le
et des connaissances acquises sur le sujet. risque ait été exclu. La durée du traitement est de 60 jours en
Le bioterrorisme est défini par l’utilisation intentionnelle ou cas de culture positive d’un prélèvement suspect. La précocité
la menace d’emploi d’organismes vivants quelle que soit leur du traitement antibiotique réduirait de façon significative la
nature ou de substances dérivées de ces organismes utilisés à des mortalité. En France, il n’existe pas de vaccin humain.
fins hostiles, et dont l’objectif est de provoquer une maladie ou
la mort chez l’homme, les animaux ou les plantes. Plus de Peste
150 agents infectieux pourraient être utilisés à des fins terroris- L’agent de la peste est Yersinia pestis. Elle est observée de
tes (Tableau 2) [23]. Des recommandations cliniques et thérapeu- façon endémique dans certains pays d’Afrique, d’Asie, d’Améri-
tiques ont été émises récemment par de nombreux pays. En que du Sud et dans certaines zones rurales du sud-ouest des
dépit des mesures prises, les risques sont difficiles à prévoir, tant États-Unis, principalement dans sa forme bubonique. Mille à
sont nombreuses les possibilités d’utilisation d’agents infectieux. 6 000 cas de pestes sont rapportés dans le monde chaque
Les cliniciens doivent cependant être avertis de ces risques et année [23]. Les trois principales formes cliniques de la peste sont
penser à évoquer un acte de bioterrorisme devant la survenue les formes buboniques, pulmonaires, et septicémiques [23]. La
d’une épidémie inhabituelle avec un organisme émergent. Le transmission interhumaine est possible par les gouttelettes
rôle des médecins et particulièrement des urgentistes dans la respiratoires à partir de patients présentant une localisation
reconnaissance rapide des infections liées au bioterrorisme pulmonaire, primaire ou secondaire à un sepsis, de l’infection.
apparaît donc fondamental. Une réactualisation des connais- Les autres formes cliniques de la peste ne sont pas contagieuses.
sances sur ces infections potentiellement émergentes ou réé- Cinquante kilogrammes de Yersinia pestis aérosolisés sur une
mergentes est donc nécessaire. ville de 5 millions d’habitants seraient responsables de 150 000
Parmi les principaux agents utilisables à des fins terroristes, pestes pulmonaires et de 36 000 décès [24]. En l’absence de
Bacillus anthracis, Yersinia pestis et le virus de la variole tiennent traitement antibiotique, la mort survient en 2 à 3 jours. Lorsque
une part importante, ces deux derniers agents pouvant être le traitement antibiotique est débuté tôt, la mortalité devient
associés à un haut risque de transmission interhumaine. Au inférieure à 10 %. Les patients ayant une forme pulmonaire de
cours des siècles passés, des millions de sujets en sont décédés l’infection doivent être isolés dans une chambre à pression
au cours d’épidémies historiques. négative au moins les trois premiers jours de l’antibiothéra-
pie [25]. Le traitement doit être débuté rapidement (gentamicine
Maladie du charbon ou streptomycine, fluoroquinolones) [25]. En cas de contact avec
La maladie du charbon est une infection due à Bacillus un patient ayant une forme pulmonaire de la peste (contact
anthracis qui atteint essentiellement les herbivores dans les pays < 2 m) ou en cas de contact avec un aérosol suspect de contenir
en voie de développement [23]. Chez l’homme, la transmission le bacille de la peste, une antibioprophylaxie par doxycycline ou
s’effectue par contact avec un animal ou un produit animal ciprofloxacine doit être prescrite pour 7 jours [25].
infecté, ou par exposition directe à Bacillus anthracis. Environ
2 000 cas humains sont rapportés annuellement dans le Variole
monde [23]. En 2003, des cas de contaminations humaines ont La variole est une maladie éruptive hautement contagieuse
été rapportés en Inde et au Kazakhstan. dont l’éradication à la surface de la terre a été prononcée par
La manifestation clinique le plus fréquemment observée chez l’OMS en 1979 après les campagnes mondiales de vaccination.
l’homme est la forme cutanée (95 %) [23]. La forme inhalée En France, la vaccination antivariolique a été arrêtée pour les
serait cependant le plus fréquemment observée au cours d’un primovaccinations chez les enfants de moins de 2 ans en 1978,
acte bioterroriste, en rapport avec le mode respiratoire de et définitivement stoppée pour les revaccinations en 1984. Cela
contamination. Les formes gastro-intestinale et oropharyngée signifie que la population née après 1978 ne serait pas protégée
sont plus rares et surviennent après ingestion de spores conte- contre le virus de la variole en cas de réapparition de celui-ci.
nus dans de la viande contaminée crue ou mal cuite [23]. Pour Le virus de la variole est actuellement conservé dans deux

6 Maladies infectieuses
Prise en charge des maladies infectieuses émergentes ¶ 8-002-E-10

laboratoires : le Centers for Disease Control and Prevention à leur connaissance des cliniciens est faible. Néanmoins, tout
Atlanta aux États-Unis, et le State Research Center of Virology clinicien doit rester conscient qu’il peut être le premier à identifier
and Biotechnology à Novossibirsk en Russie [26]. Cependant, une infection émergente. Dans un tel cas, il doit immédiatement
rien ne permet actuellement de certifier que des souches virales contacter un service de maladies infectieuses dans un centre
ne soient pas détenues par d’autres laboratoires. La très haute référent ou le Samu.
contagiosité d’un aérosol contenant du virus de la variole, la
grande stabilité de celui-ci et son grand risque de mortalité sont
des arguments supplémentaires pour ne pas négliger ce virus ■ Prise en charge d’une infection
comme arme biologique. Cependant, pour certains spécialistes,
l’impact de ce virus semble limité par l’existence d’un vaccin émergente hautement contagieuse
efficace [22]. De plus, la fabrication d’une telle arme biologique
Il existe un certain nombre de procédures qui sont suscepti-
par des groupes terroristes semble difficile, et non dénuée de
bles d’être modifiées en fonction de l’acquisition des connais-
risque pour ceux qui auraient à la manipuler dans des labora-
sances épidémiologiques, cliniques ou diagnostiques. Elles ont
toires clandestins. Il a été suggéré que d’autres poxvirus tels que
pour objectif de repérer les premiers cas, d’élaborer un diagnos-
des virus recombinants de la variole pourraient être utilisés à
tic dans des conditions optimales et d’instaurer un traitement
des fins terroristes. Le virus monkeypox (virus de la variole du
si cela est indiqué. Elles ne sont définies que pour la prise en
singe) pourrait également être utilisé, mais sa transmission
charge initiale des tout premiers cas de patients susceptibles
interhumaine est limitée. Des cas d’infections à monkeypox ont
d’être infectés par un agent infectieux émergent hautement
été rapportés aux États-Unis ainsi qu’au Congo en 2003 [27].
contagieux. Elles s’appliquent à tout cas suspect (jusqu’à
Tout patient suspect de variole devrait être hospitalisé et isolé,
infirmation du diagnostic) et à tout patient ayant un diagnostic
si possible dans une chambre à pression négative et dans le
confirmé.
meilleur des cas jusqu’à ce que les croûtes tombent (environ
Ainsi, tout patient suspect d’être infecté par un agent infec-
3 semaines) [25]. Le seul traitement efficace au cours de la variole
tieux émergent hautement contagieux doit être pris en charge
reste la vaccination précoce qui permet une réduction de 50 %
par une équipe du Samu rompue à cet exercice. Le patient doit
de la mortalité si elle est réalisée dans les 4 jours suivant
être dirigé vers un service de maladies infectieuses ou de
l’exposition au virus [28]. De nombreux pays de l’Union Euro-
réanimation appartenant à un centre référent pour la prise en
péenne, Israël et les États-Unis, ont débuté en 2002 une
charge des infections émergentes. Cette situation doit être la
campagne de revaccination contre la variole. En France, cette
règle et constitue notamment le mode retenu d’arrivée d’un
vaccination s’adresse à des volontaires appartenant à l’équipe
patient suspect de maladie infectieuse émergente à fort potentiel
dédiée nationale de lutte contre la variole. L’objectif de cette
de transmission interhumaine dans un service référent. Le
équipe est de pouvoir intervenir en n’importe quel endroit du
patient doit être immédiatement hospitalisé et isolé si possible
territoire dès lors qu’il existe une suspicion d’attaque biologique
dans une chambre à pression négative. En l’absence de telles
avec le virus de la variole. Des stocks vaccinaux (72 millions de
chambres, il doit être hospitalisé dans une chambre seule (arrêt
doses) ont été constitués afin de pouvoir vacciner l’ensemble de
du système de ventilation, isolement dans chambre fermée,
la population française en cas de nécessité. Tout cas de variole
aérations fréquentes de la chambre...). Les patients étant en
en France serait assimilé à un acte de bioterrorisme.
quarantaine, les visites sont limitées, voire interdites en
fonction de l’agent infectieux. L’ensemble du matériel nécessaire
■ Préparation des structures à la protection du personnel doit être fourni en quantité
suffisante (gants vinyle/latex sans poudre, masques FFP2,
hospitalières face à une infection surblouses, charlottes et lunettes de protection à usage unique,
conteneur et sac pour élimination des déchets, solution
émergente hydroalcoolique, détergents, désinfectants...). Les prélèvements
Face à une menace d’infection émergente, les hôpitaux biologiques sont à limiter au strict minimum. Selon l’agent
doivent se préparer de façon efficace. La prise en charge de suspecté, ces prélèvements doivent être transportés dans un kit
patients infectés ou suspects d’être infectés par un agent d’emballage conforme aux normes prescrites par l’Organisation
émergent doit être anticipée et pluridisciplinaire : services des nations unies (ONU) (IATA 6.2) (triple emballage). Il en est
d’urgences et de secours (Samu...), services de maladies infec- de même pour les prélèvements microbiologiques qui doivent
tieuses et de réanimation, laboratoires de biologie, de microbio- être adressés aux centres de référence dans les plus brefs délais
logie et centres nationaux de référence, pharmacies, services pour confirmation diagnostique (sang, prélèvements respiratoi-
administratifs et sécurité, services de communications et res...). Tout examen radiologique doit également être limité au
d’information, transport/messageries... La bonne préparation à strict minimum. Les déchets, qui sont conditionnés dans les
de telles menaces passe par la réalisation d’exercices, si possible emballages réservés aux risques infectieux, sont évacués et
grandeur nature. Il est de même à prendre en compte qu’en incinérés quotidiennement. Les traitements sont prescrits en
période épidémique, les hôpitaux se devront d’assurer la fonction de l’état du patient et de l’agent infectieux.
continuité des soins pour les patients non infectés. Dans tous les cas, les structures de tutelle doivent être
rapidement contactées afin de mener une enquête épidémiolo-
gique autour du cas suspect d’être infecté avec un agent
■ Formation des médecins infectieux émergent hautement contagieux.

Un diagnostic clinique précoce avec l’établissement prompt


des mesures de contrôle efficaces sont déterminants dans la ■ Rôle des centres référents
prise en charge d’une infection émergente [29]. Face au risque
d’être confronté à une atteinte respiratoire à Bacillus anthracis, Le plan de lutte contre le bioterrorisme (Biotox) a été à
à une infection par un virus H5N1 muté, à un cas de SRAS l’origine de la création de différentes structures, médicales et
réémergent, ou de FVH importée, tout clinicien doit être administratives, capables de réagir rapidement et efficacement
capable d’en porter le diagnostic. Pour cela, il lui est possible de en cas d’attaque ou de suspicion d’attaque avec des agents
s’informer au quotidien par des systèmes d’alerte sur internet. biologiques. Ces structures ont été par la suite confirmées dans
Les principales sources utiles et fiables à consulter incluent entre leur rôle face à toute infection émergente hautement conta-
autres les sites développés par la Société américaine de maladies gieuse. Les centres référents sont des services hospitalo-
infectieuses (ProMed ; http://www.promedmail.org), l’OMS universitaires de maladies infectieuses et tropicales ayant pour
(http://www.who.int/csr/don/en/) l’ECDC (http://www.ecdc. objectifs de coordonner toutes les actions à entreprendre en cas
eu.int/) et l’InVS (http://www.invs.sante.fr/). d’alerte infectieuse émergente, de former et d’informer le
La plupart des maladies provoquées par des agents émergents personnel médical et paramédical à la gestion des patients,
hautement contagieux sont rares dans les pays industrialisés et d’informer le public, d’assurer l’accueil, la prise en charge et

Maladies infectieuses 7
8-002-E-10 ¶ Prise en charge des maladies infectieuses émergentes

l’isolement éventuel des sujets contacts et des personnes l’alerte déclenchée. Au niveau central, une cellule constituée de
possiblement infectées, de coordonner l’information technique représentants et d’experts émanant de structures ministérielles
aux diverses structures activables, et de conseiller ou d’aider les doit rapidement être mise en place (DHOS, DGS pour le
autres centres hospitaliers pouvant être amenés à être confron- ministère de la Santé). Au niveau des centres hospitaliers
tés à un agent infectieux émergent. La répartition de ces centres référents, une cellule rassemblant médecins, experts et person-
coïncide avec les sept zones de défense françaises. Dans chacune nels administratifs, nécessaire à la gestion de l’ensemble des
de ces zones un centre médical référent a été désigné : Lille pour décisions à prendre et des actions à conduire pour la bonne
la région Nord, Lyon et Marseille pour le Sud-Est, Bordeaux marche du plan au niveau régional et départemental, serait
pour le Sud-Ouest, Rennes aidé de Rouen pour l’Ouest, Nancy constituée. Personnels médicaux et administratifs doivent être
aidé de Strasbourg pour l’Est. Pour la région Île-de-France, joignables 24 h/24.
l’Assistance publique-hôpitaux de Paris est le centre administra-
tif de référence. Deux hôpitaux parisiens ont été désignés
centres référents (Pitié-Salpêtrière et Bichat-Claude Bernard). La
prise en charge des enfants serait effectuée par l’Hôpital Necker- ■ Communication
Enfants malades. Dans chacun de ces centres, une équipe dite
« dédiée », pouvant intervenir promptement en cas d’alerte à un Une communication efficace apparaît essentielle à la gestion
agent émergent a été désignée. Le rôle de cette équipe est de des urgences infectieuses et doit faire partie intégrante de tout
prendre en charge les sujets concernés par un tel agent dans les plan de gestion d’une épidémie. Celle-ci doit permettre de
centres référents. Cette équipe est constituée de médecins ayant fournir une information précise, opportune, complète, facile-
des compétences en infectiologie, de personnels paramédicaux ment comprise par la communauté non scientifique ; elle doit
et de laboratoire, d’ambulanciers et de personnels administratifs. être également destinée aux professionnels de santé.
De façon particulière, une équipe dédiée nationale, plus
spécifiquement destinée à lutter contre une attaque biologique
utilisant le virus de la variole, a été créée en 2003. L’ensemble
des membres de cette équipe a été systématiquement revacciné ■ Conclusion
contre ce virus. Cette équipe, créée sur une base de volontariat,
La reconnaissance d’une infection émergente en France, que
regroupe des experts médicaux ou administratifs particulière-
celle-ci ait une origine autochtone ou qu’elle ait été importée,
ment impliqués dans la gestion des actes bioterroristes. L’objec-
tif de cette cellule nationale est de pouvoir intervenir apparaît fondamentale. De la rapidité du diagnostic dépendent
immédiatement en tout point du territoire français afin d’aider l’alerte des structures sanitaires et la réponse des pouvoirs
au diagnostic à la suite d’un acte terroriste utilisant le virus de publics. En ce début de XXIe siècle, il apparaît fondamental
la variole, d’assurer une prise en charge immédiate des prélève- . d’anticiper toute crise sanitaire liée à un agent infectieux
ments et le transport d’un sujet suspect ou contaminé vers le émergent, afin de limiter au mieux les risques de dissémination
centre référent pour y être isolé dans les meilleurs délais. Le rôle et de pandémie.
de cette équipe est d’intervenir brièvement, le temps que les
équipes zonales puissent être vaccinées et activées.
En cas d’épidémie liée à un agent infectieux émergent,
d’autres structures hospitalières n’appartenant pas aux centres
■ Références
référents sont susceptibles d’être activées par les autorités [1] Drazen J. Case clusters of the severe acute respiratory syndrome. N
administratives. Ainsi, des services médicaux disposant de Engl J Med 2003;348:e6-e7.
chambres permettant un isolement et de l’équipement néces- [2] Booth C, Matukas L, Tomlinson G, Rachlis A, Rose D, Dwosh H, et al.
saire à la protection des personnels peuvent être activés. Clinical features and short-term outcomes of 144 patients with SARS in
Il a été demandé à chaque structure hospitalière potentielle- the greater Toronto area. JAMA 2003;289:2801-9.
ment concernée de rédiger un plan blanc, ou de le compléter [3] Poutanen S, Low D, Henry B, Finkelstein S, Rose D, Green K, et al.
s’il en existait déjà un. Ce plan doit préciser l’ensemble des Identification of severe acute respiratory syndrome in Canada. N Engl
modalités d’accueil des sujets contacts ou contaminés, les J Med 2003;348:1995-2005.
moyens de dégagement des lits nécessaires à l’admission des [4] Peiris J, Lai S, Poon L, Guan Y, Yam L, Lim W, et al. Coronavirus as a
patients et les procédures destinées à gérer et à modifier les possible cause of severe acute respiratory syndrome. Lancet 2003;361:
autres activités habituelles de l’hôpital. En effet, un nombre 1319-25.
conséquent de patients à accueillir pourrait obliger l’hôpital à [5] Tsang K, Ho P, Ooi G, Yee W, Wang T, Chan-Yeung M, et al. A cluster
modifier ses modalités de fonctionnement au quotidien, à of cases of severe acute respiratory syndrome in Hong Kong. N Engl
différer des activités moins ou non urgentes, à décommander J Med 2003;348:1977-85.
certaines explorations ou des interventions chirurgicales [6] Lee N, Hui D, Wu A, Chan P, Cameron P, Joynt GM, et al. A major
programmées. outbreak of severe acute respiratory syndrome in Hong Kong. N Engl
Les modalités de fonctionnement des laboratoires (microbio- J Med 2003;348:1986-94.
logie, biochimie, hématologie), les procédures de transports des [7] Marra M, Jones S, Astell C, Holt R, Brooks-Wilson A, Butterfield Y,
patients lorsque cela est nécessaire, les soins de réanimation et al. The Genome sequence of the SARS-associated coronavirus.
Science 2003;300:1399-404.
ainsi que la gestion des personnes décédées doivent être prévus
[8] Rota PA, Oberste MS, Monroe SS, Nix WA, Campagnoli R, Icenogle J,
et structurés. Les conditions d’évacuation des produits et
et al. Characterization of a novel coronavirus associated with severe
déchets infectés ou souillés doivent être rigoureusement
acute respiratory syndrome. Science 2003;300:1394-9.
énoncées.
[9] Sampathkumar P. West Nile virus: epidemiology, clinical presentation,
La mise en place d’une surveillance rapprochée du personnel
diagnosis, and prevention. Mayo Clin Proc 2003;78:1137-43.
soignant et de tout personnel amené à être en contact des sujets
[10] Pialoux G, Gauzère BA, Jaureguiberry S, Strobel M. Chikungunya, an
infectés doit être prévue par le service de médecine du travail. epidemic arbovirosis. Lancet Infect Dis 2007;7:319-27.
Enfin, en fonction de l’agent incriminé, une éventuelle prophy- [11] Hochedez P, Hausfater P, Jaureguiberry S, Gay F, Datry A, Danis M,
laxie médicamenteuse, si celle-ci existe, doit être mise à et al. Imported cases of chikungunya fever from the islands in the South
disposition de l’ensemble du personnel en contact avec les Western Indian Ocean. Euro Surveill 2007;12(1).
sujets infectés. [12] Fièvres hémorragiques virales. Euro Surveill 2002;7:31-52.
[13] Guzman MG, Kouri G. Dengue: an update. Lancet Infect Dis 2002;2:
33-42.
■ Cellules de crise [14] Vanhille P, Binaut R, Kyndt X, Launay D, Thomas C, Fleury D.
Hemorrhagic fever with renal syndrome. Nephrologie 2001;22:301-5.
En cas d’épidémie liée à un agent émergent hautement [15] InVS 2007. Fièvre hémorragique avec syndrome rénal (FHSR). Point
contagieux, différentes cellules de crise doivent être activées dès au 07/09/2007.

8 Maladies infectieuses
Prise en charge des maladies infectieuses émergentes ¶ 8-002-E-10

[16] Strobel M, Jattiot F, Boulard F, Lamaury I, Salin J, Jarrige B, et al. [23] Bossi P, Garin D, Guihot A, Gay F, Crance JM, Debord T, et al.
Emergence of dengue hemorrhagic fever in French Antilles. Presse Bioterrorism: management of major biological agents. Cell Mol Life
Med 1998;27:1376-8. Sci 2006;63:2196-212.
[17] Carme B, Sobesky M, Biard MH, Cotellon P, Aznar C, Fontanella JM. [24] Health aspects of chemical and biological weapons. Geneva: World
Non-specific alert system for dengue epidemic outbreaks in areas of Health Organization; 1970.
endemic malaria. A hospital-based evaluation in Cayenne (French [25] The European Agency for the Evaluation of Medicinal Products/CPMP
Guiana). Epidemiol Infect 2000;130:93-100. guidance document on use of medicinal products for treatment and
[18] Jaureguiberry S, Tattevin P, TarantolaA, Legay F, TallA, Nabeth P, et al. prophylaxis of biological agents that might be used as weapons of
Imported Crimean-Congo hemorrhagic fever. J Clin Microbiol 2005; bioterrorism. Feb 2002; www.emea.eu.int.
[26] Henderson DA, Inglesby TV, Bartlett JG, Ascher MS, Eitzen E,
43:4905-7.
Jahrling PB, et al. Smallpox as a biological weapon. Consensus
[19] Le Guenno B. Les fièvres hémorragiques virales : quel risque pour le
statement. JAMA 1999;281:2127-37.
voyageur ? Méd Trop 1997;57(bis):511-3. [27] Reed K, Melski J, Graham M, Regnery R, Sotir M, Wegner M, et al. The
[20] Bray M, Huggins J. Antiviral therapy of haemorrhagic fevers and detection of monkeypox in humans in the western hemisphere. N Engl
arbovirus infections. Antivir Ther 1998;3:53-79. J Med 2004;350:342-50.
[21] Du Ry Van Beest Holle M, Meijer A, Koopmans M, de Jager CM. [28] Frey SE, Couch RB, Tacket CO, Treanor JJ, Wolff M, Newman FK,
Human-to-human transmission of avian influenza A/H7N7, The et al. Clinical responses to undiluted and diluted smallpox vaccine. N
Netherlands, 2003. Euro Surveill 2005;10:264-8. Engl J Med 2002;346:1265-74.
[22] Monto A, Comanor L, Shay D, Thompson W. Epidemiology of [29] Ippolito G, Puro V, Heptonstall J. Hospital preparedness to bioterrorism
pandemic influenza: use of surveillance and modeling for pandemic and other infectious disease emergencies. Cell Mol Life Sci
preparedness. J Infect Dis 2006;194(suppl2):S92-S97. 2006;63:2213-22.

P. Bossi (philippe.bossi@psl.ap-hop-paris.fr).
F. Bricaire.
Service de maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bossi P., Bricaire F. Prise en charge des maladies infectieuses émergentes. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Maladies infectieuses, 8-002-E-10, 2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Maladies infectieuses 9
 8-002-Q-10

Vaccinations
B. Autran, O. Launay, D. Floret

Les vaccinations sont les interventions médicales de santé publique les plus efficaces dans la protection
contre les maladies infectieuses. De nombreux vaccins ont été développés depuis les premières découvertes
de Jenner et Pasteur selon des principes empiriques mis au point par l’école pasteurienne et, plus récem-
ment, grâce aux progrès du génie biologique. Leurs mécanismes d’action, longtemps méconnus, reposent
sur la capacité des vaccins à activer et à mettre en mémoire, avant l’exposition au pathogène, les multiples
étapes des défenses immunitaires proches de celles induites par l’infection « naturelle », permettant leur
réexpansion rapide lors du contact ultérieur avec le pathogène, limitant ainsi de façon majeure le risque
infectieux. Les immenses succès des vaccins rendent cependant de plus en plus complexes les calendriers
vaccinaux. Ils sont confrontés à des défis croissants face aux modifications de l’écologie microbienne, à la
nécessité de protéger de nouvelles tranches d’âge ou de nouvelles populations, ou aux changements de la
perception sociétale de la balance bénéfices/risques de certains vaccins. Ce chapitre décrit tout d’abord les
principes et la composition des vaccins disponibles en France, leurs mécanismes d’action immunologique
ainsi que ceux des adjuvants, les phases du développement clinique et les principes de leur pharmacovi-
gilance. L’organisation de la politique vaccinale française est définie ainsi que les éléments objectifs de la
balance bénéfices/risques conduisant au maintien ou à la modification des recommandations vaccinales.
L’ensemble de ce document devrait permettre au lecteur de s’approprier pleinement les principes des vac-
cinations afin de pouvoir mettre en œuvre en toute sécurité ces formidables instruments de prévention
des maladies infectieuses.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Vaccins ; Vaccins vivants atténués ; Vaccins inactivés ; Vaccins sub-unitaires ; Adjuvants ;
Mémoire immunitaire

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Les vaccinations, interventions médicales de santé publique les
plus efficaces après l’assainissement des eaux dans la protection
■ Historique 2 des enfants et des adultes contre les maladies infectieuses, ont
■ Principes et composition des vaccins 2 permis de contrôler, voire d’éradiquer, des maladies infectieuses
Vaccins vivants atténués 2 sévères contre lesquelles aucun traitement n’était disponible [1–5] .
Vaccins inertes 3 La raison de ce succès réside dans leur capacité à déclencher, avant
■ Bases immunologiques des vaccins 5 exposition à un pathogène, les multiples étapes de l’éducation
Double coopération entre immunité cellulaire innée et adaptative immunitaire nécessaire à l’élaboration de défenses protectrices.
indispensable à l’induction de l’immunité vaccinale 5 En inscrivant dans le code génétique des cellules immunitaires,
Armes effectrices de l’immunité vaccinale : l’immunité adaptative la mémoire de cette éducation, véritable capital immunitaire, la
médiée par anticorps et lymphocytes 5 vaccination permet l’expansion rapide de ces défenses lors du
Mécanismes d’action des adjuvants 7 contact avec le pathogène, limitant ainsi de façon majeure le
Mémoire immunitaire, principe fondamental de la prévention risque infectieux. L’efficacité préventive des vaccins repose sur
vaccinale 7 l’induction de défenses immunes conférant une protection indi-
Mécanismes de l’efficacité vaccinale : protection individuelle viduelle et collective contre l’infection, sans exposer l’organisme
et de groupe 8 à la sévérité potentielle de cette infection et à sa dissémination

dans l’entourage.
Principes d’administration des vaccins 8
L’immense essor des vaccins se confronte aujourd’hui à des défis
Voies d’administration 8
croissants liés à la complexité de maladies infectieuses, telles que
Principes et schémas d’administration vaccinale 8
la tuberculose, le paludisme ou le syndrome d’immunodéficience
Associations vaccinales 8
acquise (sida), et à la nécessité de protéger de nouvelles tranches
Risques d’effets indésirables des vaccins 9
d’âge ou de nouvelles populations. Le nombre croissant de nou-
Contre-indications des vaccins 9
veaux vaccins rend de plus en plus complexes les stratégies
■ Développement des vaccins, aspects réglementaires 9 vaccinales et leur calendrier. Les modifications de l’écologie micro-
■ Politiques vaccinales 9 bienne engendrées par ces succès génèrent de nouveaux défis en
Processus de décision 9 modifiant la balance bénéfices/risques dans nos pays où la forte
Mise en œuvre de la politique vaccinale 9 pénétration vaccinale a fait disparaître certaines de ces maladies.
Vaccination en France 10 Enfin, ces succès ont modifié la perception sociétale, voire médi-
Vaccins du calendrier vaccinal : balance bénéfices/risques cale, des vaccinations, conduisant les sociétés à minimiser les
et impacts attendus 11 risques liés aux infections et à négliger (voire à refuser) les vac-
■ Conclusion 13 cins vécus lors de leur apparition comme des conquêtes médicales
exceptionnelles.

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 13 > n◦ 1 > février 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(15)49465-7
8-002-Q-10  Vaccinations

 Historique d’immunodépressions, exigeant d’améliorer l’immunogénicité et


l’efficacité vaccinale dans ces populations niches, et faisant ainsi
Il est classique de dire que Jenner inventa la vaccination et évoluer un concept de vaccination de masse vers une vaccination
Pasteur les vaccins. plus personnalisée.
Les premières immunisations volontaires remontent néan- Enfin, la diminution, voire l’élimination, de certaines maladies
moins à l’antiquité avec la variolisation consistant à déposer une infectieuses à prévention vaccinale est telle que la conscience
goutte de pustule de variole dans la narine des nourrissons, les du risque de maladie infectieuse sévère diminue au profit de
protégeant des varioles à venir. Cette pratique était connue de la crainte d’effets indésirables. Les vaccins sont ainsi malades
Lady Montagu, de Voltaire, du mathématicien Bernoulli, qui en de leurs succès. Face à la méfiance croissante des sociétés, ces
décrivit en 1760 la première étude d’efficacité [3, 6] , et de Jenner. remarquables instruments de santé publique et ce précieux capi-
Celui-ci inventa en 1796 la vaccination par un pathogène atténué : tal de connaissances que nous ont légués Jenner, Pasteur et
en inoculant du pus de main de fermière provenant de pustules leurs descendants, doivent impérativement être préservés. Cela
des pis de vache, il démontre que l’inoculation d’un pathogène nécessite des recherches visant à réduire les risques d’effets indé-
proche, la vaccinia (de vacca) ou cowpox virus responsable de la sirables ou encore à développer des alternatives aux adjuvants,
vaccine bovine, protège l’homme de varioles ultérieures. La vac- afin d’améliorer l’acceptabilité sociétale des vaccins.
cination se répand ensuite par transmission directe de bras à bras
avec de fréquentes complications à l’origine des premières ligues
antivaccinales. En 1902, la vaccination antivariolique se fait par  Principes et composition
un vaccin développé sur peau de génisse, évitant les contamina-
tions inter-humaines, et est rendue obligatoire en France. En 1959,
des vaccins [3, 8–10]

les campagnes de vaccination de masse de l’Organisation mon- Les vaccins sont des préparations antigéniques induisant, avant
diale de la santé (OMS) conduisent à l’éradication définitive de contact avec le pathogène, une immunité protectrice et durable
la variole en 1980. La balance bénéfices/risques conduisit alors à prévenant les maladies sous contrôle immun. Deux grandes
arrêter définitivement cette vaccination. classes de vaccins sont issues des découvertes de Jenner et Pasteur :
Pasteur inventa avec ses élèves les concepts et les processus les vaccins atténués, composés de formes vivantes non ou peu
de préparation des vaccins atténués et inactivés contre de nom- pathogènes de l’agent infectieux responsable de la maladie (vac-
breux pathogènes [3, 7] . L’« atténuation artificielle » par « cultures cins contre la rougeole, la polio et la fièvre jaune), et les vaccins
vieillies » de pathogènes virulents tels que le choléra des poules inertes, sous formes inactivées du pathogène entier comme les
ou la rage. L’école pasteurienne développa ensuite le concept de vaccins antigrippe ou antipolio, ou formés d’un des composants
vaccins et d’anatoxines (toxines inactivées chimiquement, néces- du pathogène, comme les vaccins sous-unitaires contre le tétanos,
sitant de les mélanger à des adjuvants pour induire la protection, la diphtérie, l’hépatite B et H. influenzae, etc. De nouveaux vaccins
ou encore le concept de vaccin atténué chimérique par combinai- sont élaborés par génie génétique ou biotechnologie, comme les
son de plusieurs bactéries comme le bacille de Calmette et Guérin vaccins atténués antirotavirus, ou sous-unitaires antipapillomavi-
(BCG), génie génétique avant la lettre. Ces concepts aboutirent à rus (Tableau 1).
l’élaboration industrielle de nombreux vaccins.
Dans la deuxième moitié du XXe siècle, le progrès des connais-
sances immunologiques a permis un nouvel essor avec les vaccins Vaccins vivants atténués
conjugués anti-Haemophilus influenzae puis antipneumocoques.
Plus récemment, les progrès du génie génétique facilitèrent la La principale propriété de ces vaccins est leur très grande
création des vaccins contre le virus de l’hépatite B (VHB), le papil- immunogénicité, liée à leur capacité réplicative in vivo dictant
lomavirus humain (HPV) ou le rotavirus, ainsi que l’adaptation également leurs modalités d’administration et leur profil de tolé-
saisonnière des vaccins antigrippe [1–6] . rance.
Que sont les nouveaux défis vaccinaux [5, 8, 9] ?
Le monde des maladies à prévention vaccinale s’élargit sans Composition
cesse. Outre les trois grandes maladies de la pauvreté (tuberculose, Trois modalités sont proposées. Le vaccin atténué provenant
paludisme et sida), les épidémies ou pandémies de pathogènes d’un pathogène touchant une espèce animale, comme la vac-
émergents comme la grippe aviaire, les infections respiratoires à cine bovine de Jenner peu pathogène chez l’homme et présentant
coronavirus, les fièvres virales hémorragiques stimulent sans cesse une forte réactivité croisée avec le virus humain. Les vaccins atté-
de nouveaux développements vaccinaux. nués selon la méthode pasteurienne sont composés de souches
De nouvelles populations cibles apparaissent du fait atténuées après de longues cultures (ou passages) sélectionnant
du vieillissement, de l’augmentation de prévalence des des souches mutées ayant perdu des gènes de virulence. Ainsi,
maladies chroniques, des situations de multimorbidité ou Calmette et Guérin dérivèrent le BCG d’une souche atténuée

Tableau 1.
Composition des vaccins.
Vaccins vivants atténués Dérivés de pathogènes voisins Vaccine, BCG, rotavirus
réplicatifs
Dérivés du pathogène humain Fièvre jaune, polio, rougeole, rubéole, oreillons, varicelle, zona, grippe
atténué Choléra
Vecteurs viraux recombinants Encéphalite japonaise
Vaccins inertes Vaccins à germes entiers Grippe (fractionné), polio, Hépatite A, typhoïde, encéphalite à tiques, encéphalite
japonnaise, leptospirose, peste, choléra a , rage
Vaccins sous-unitaires Anatoxines Tétanique, diphtérique, coqueluche a , choléra a
Vaccins protéiques (et pseudoparticules) Coqueluche a , hépatite B, papillomavirus,
méningocoque B
Vaccins polyosidiques Typhoïde, Haemophilus influenzae, pneumocoque
23-valent non conjugué, pneumocoque 13-valent
conjugué
Méningocoque C conjugué, méningocoque
quadrivalent (A,C,Y,W135), méningocoque A + C

BCG : bacille de Calmette et Guérin.


a
Vaccin complexe formé du pathogène entier inactivé et de sous-unités protéiques.

2 EMC - Maladies infectieuses


Vaccinations  8-002-Q-10

de Mycobacterium bovis après 230 passages sur milieu de culture. Immunogénicité, modalités d’administration
La quasi-totalité des vaccins atténués classiques dérive de cette Ces vaccins conservant plusieurs propriétés du pathogène
méthode. Plus récemment, le génie génétique a permis de créer d’origine activent efficacement l’immunité innée et adapta-
de nouveaux vaccins atténués contre le rotavirus selon le prin- tive. Ainsi, la composition microparticulaire, facteur critique
cipe du « réassortiment génétique » ou contre la dengue utilisant de l’immunogénicité, et le maintien de nombreux composants
comme vecteur le vaccin vivant atténué anti-fièvre jaune modifié activant directement les cellules présentatrices d’antigènes per-
génétiquement (cf. infra). mettent à certains de ces vaccins de ne pas nécessiter d’adjuvants.
Cependant, la perte de capacité réplicative diminue leur immuno-
Immunogénicité, modalités d’administration génicité et impose de répéter les injections, et le plus souvent d’y
associer des adjuvants. Des injections de rappels sont également
L’infection inapparente créée par ces souches faiblement répli-
nécessaires dans la plupart des cas pour maintenir une protection
catives active de façon puissante et rapide l’immunité innée
à long terme.
et adaptative contre l’agent infectieux atténué (rougeole ou
oreillons) ou proche du pathogène (BCG). Aucun adjuvant n’est Tolérance
nécessaire. L’absence d’agent infectieux prolifératif et potentiellement
La dose administrée est inférieure à celle obtenue après multi- virulent permet une meilleure tolérance et des recommandations
plication in vivo. Une seule injection dès la petite enfance suffit larges, particulièrement chez les immunodéprimés. Cependant,
pour le BCG, deux injections dans le cas des vaccins contre la rou- des réactions inflammatoires importantes ont pu conduire à la
geole ou le rotavirus. Cependant, les vaccins atténués contre les recherche de solutions alternatives, notamment par des vaccins
oreillons ou la varicelle semblent nécessiter une troisième dose. La sous-unitaires. Ainsi, la réactogénicité importante du vaccin entier
réponse à cette infection vaccinale atténuée induit généralement anticoqueluche a conduit à le remplacer par le vaccin acellulaire.
une mémoire immunitaire protectrice de très longue durée. Les
injections de rappel ne sont pas nécessaires mais ont été préco- Vaccins sous-unitaires
nisées de façon empirique tous les dix ans pour certains vaccins
historiques anti-variole ou fièvre jaune. Cette stratégie, initiée avec les anatoxines par l’école pasteu-
rienne, consiste à isoler la fraction active du pathogène contre
lequel il est nécessaire et suffisant d’induire des anticorps, per-
Tolérance et balance bénéfices/risques mettant ainsi de réduire les effets indésirables liés au germe entier.
Ces vaccins atténués réplicatifs sont contre-indiqués en cas Cette classe a connu une expansion majeure avec les progrès en
d’immunodépression du fait du risque de prolifération incontrô- immunologie et le développement des biotechnologies.
lée. Deux vaccins illustrent l’adéquation nécessaire de la balance
bénéfices/risques : Composition
• le BCG peut être autorisé chez des nouveau-nés infectés par On considère plusieurs classes de vaccins sous-unitaires :
le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sans signe • les anatoxines antidiphtérique et tétanique sont des formes
d’immunodépression, en cas de forte endémie tuberculeuse où inactivées des toxines bactériennes responsables de ces mala-
le risque lié au BCG est inférieur au risque de tuberculose. Inver- dies létales, contre lesquelles les anticorps neutralisants sont
sement, dans les pays à faible endémie, le risque de prolifération protecteurs. Le vaccin contre le choléra est composé, outre du
à bas bruit après administration intradermique du BCG peut pathogène entier inactivé, de la sous-unité B de l’anatoxine
devenir supérieur au risque de tuberculose. Ainsi, l’obligation cholérique, principale toxine source de dysenterie. D’autres
du BCG a été suspendue en 2007 dans toutes les régions à faible anatoxines sont en cours de développement comme le vac-
incidence de tuberculose mais reste fortement recommandé cin anti-Clostridium difficile en phase III de développement
dans les régions à forte incidence ; clinique ;
• le vaccin antipolio est disponible sous deux formes : atténuée • les vaccins sous-unitaires protéiques et les pseudoparticules
(souche Sabin) ou inactivée (souche Salk). Lors de son introduc- virales : ces vaccins sont composés de protéines des patho-
tion, la supériorité protectrice du vaccin atténué fut rapidement gènes cibles des réponses protectrices. Le vaccin anticoqueluche
démontrée. Néanmoins, 20 ans plus tard, alors que la poliomyé- « acellulaire » composé des protéines de Bordetella pertussis :
lite était quasiment éradiquée dans certains pays, des paralysies l’anatoxine pertussique, la pertactine et les hémagglutinine fila-
flasques apparurent après vaccination, voire dans l’entourage menteuse (FHA), ont remplacé le vaccin entier. De même, les
du sujet vacciné, avec une fréquence d’environ 0,13 cas par vaccins antirabique et anti-anthrax sont composés d’une gly-
million de doses en France. Face au faible risque de polio- coprotéine cible de l’immunité protectrice ;
myélite, ces effets indésirables firent recommander le vaccin • le vaccin anti-hépatite B contient l’antigène de surface du virus
inactivé (cf. infra) dans les pays où la poliomyélite était éra- (AgHBs) contre lequel les anticorps neutralisent la pénétration
diquée. Le vaccin atténué reste recommandé lorsque le risque du virus. Les protéines S et pré-S purifiées, initialement dérivées
de poliomyélite persiste. Enfin, la recherche d’une meilleure de sérums inactivés de patients, sont aujourd’hui produites par
tolérance a conduit à l’atténuation maximale de vaccins contre génie génétique. Leur excellente immunogénicité tient à leur
la variole dans l’hypothèse d’alertes bioterroristes, réduisant réorganisation spontanée en pseudoparticules virales repro-
néanmoins simultanément la dose immunisante in vivo et duisant la forme particulaire du virus, mais dépourvue des
l’immunogénicité. protéines internes et des acides nucléiques viraux. Les vaccins
anti-HPV sont également composés de pseudo-particules virales
faites de la protéine L1 de capside produite par génie génétique
Vaccins inertes et cible des anticorps protecteurs ;
• les vaccins polyosidiques et polyosidiques conjugués : les anti-
Vaccins inactivés à germe entier gènes cibles des défenses protectrices contre H. influenzae de
La principale propriété de cette classe historique est aussi sa type b (Hib), les pneumocoques ou les méningocoques, sont
grande immunogénicité. composés de sucres d’enveloppe ou de capsule de ces bactéries.
Les vaccins polyosidiques non conjugués contre le pneumo-
Composition coque contiennent les 23 sérotypes les plus fréquents, et contre
L’inactivation physique ou chimique d’un pathogène entier Salmonella typhi, un polyoside capsulaire, l’antigène Vi de viru-
permit l’élaboration des vaccins antipoliovirus (souche Salk), lence. Néanmoins, la faible immunogénicité de ces polyosides
contre la typhoïde, la peste, le choléra, ou les hépatites A, les (cf. infra) limite le développement d’une immunité durable. La
encéphalites à tique, japonaise notamment. Le vaccin anticoque- conjugaison de ces sucres à une protéine porteuse très immu-
luche utilisé jusque récemment était composé de germes entiers nogène, provenant ou non du même pathogène, a permis
inactivés. Le vaccin anti-influenza entier inactivé est secondaire- l’élaboration de nouveaux vaccins fondés sur les principes de la
ment fragmenté afin d’en augmenter l’immunogénicité et d’en coopération entre lymphocytes T et B nécessaire à l’induction
diminuer les effets indésirables. d’anticorps de haute efficacité et de la mémoire immunitaire.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-002-Q-10  Vaccinations

Le premier vaccin conjugué a été le vaccin anti-Hib dont le Tableau 2.


polyribosyl de surface est conjugué à l’anatoxine tétanique. Son Adjuvants et vaccins disponibles en France.
efficacité préventive des méningites n’est plus à démontrer. Les Adjuvants Vaccins
mêmes procédés sont appliqués au vaccin antipneumocoque
conjugué à une fraction de l’anatoxine diphtérique, et plus Sels d’aluminium Anatoxines Tétanique, diphtérique
récemment aux vaccins antiméningocoques. Germes entiers Coqueluche
inactivés Polio
Immunogénicité, mode d’administration
Sous-unitaires Coqueluche
Dès le début des années 1920, Ramon, élève de Pas- Hépatite A
teur, et d’autres vaccinologues observèrent que l’administration Hépatite B
d’anatoxine seule ne pouvait induire de protection sans la « boîte Haemophilus influenzae
à outils » conférée par l’association à des « adjuvants » qui seule Pneumocoque conjugué
permettait d’atteindre le seuil protecteur [3, 5–7] . Enfin, comme pour Méningocoque C conjugué
tout vaccin non réplicatif, il est nécessaire de répéter les injections Méningocoque B
lors de la primovaccination et la dose de l’antigène est détermi- HPV quadrivalent
nante pour l’immunogénicité. Pour l’anatoxine diphtérique, la MF59® Germe entier Grippe saisonnière a ,
dose totale nécessaire à la primovaccination (D = 30 UI) doit être fractionné pandémique a
réduite en rappel à 2 UI du fait des effets indésirables de la pleine Sous-unitaire Grippe saisonnière a
dose dans ce contexte.
AS03 Germe entier Grippe pandémique a
Tolérance fractionné
La tolérance de ces vaccins est généralement excellente du fait AS04 Sous-unitaire HPV bivalent
de l’élimination de la majorité des composants de pathogènes,
HPV : papillomavirus humain.
sources d’inflammation. Le profil de tolérance des adjuvants, lui- a
Dans certains vaccins uniquement.
même excellent, dicte la tolérance à ces vaccins. Le risque de
sclérose en plaques (SEP) suggéré par certaines études françaises
après vaccination anti-HBV, et plus récemment anti-HPV, n’a pas ébola, des vecteurs génétiquement modifiés seuls ou combi-
été retrouvé dans les multiples études épidémiologiques inter- nés à des fragments d’acide désoxyribonucléique (ADN) « nu »
nationales de qualité [11–13] . Des facteurs confondants tels que sont en développement. Les vecteurs viraux recombinants uti-
l’administration de ces vaccins chez des jeunes filles semble être lisent un vaccin vivant immunogène et bien toléré, modifié
la source d’associations temporelles du fait de la fréquence des génétiquement par insertion des gènes du pathogène cible de
poussées de SEP à cet âge, sans lien de causalité. De même la l’immunité protectrice. Les premiers vaccins humains de ce
surveillance généralisée de la vaccination anti-HPV depuis son type, dirigés contre l’encéphalite japonaise ou la dengue, uti-
introduction n’a pas détecté d’augmentation de fréquence des lisent comme vecteur le vaccin contre la fièvre jaune modifié
SEP ou de pathologies auto-immunes. L’avancement du calen- pour exprimer les antigènes d’intérêt. Ces vecteurs conservent
drier de ces vaccinations à la petite enfance pour l’HBV, et l’immunogénicité des vaccins vivants mais leur usage peut être
chez les jeunes adolescentes pour l’HPV, a permis une réduc- limité par la présence d’anticorps neutralisants préexistants
tion notable de ces signalements, confirmant ainsi la relation de contre le virus vecteur. Ce type de vaccins n’est pas encore
temporalité [13] . commercialisé à ce jour.
Par ailleurs, les virosomes, pseudoparticules à la fois vecteur et
Vaccins issus du génie génétique adjuvant, sont formés des bicouches de la membrane d’un virus
enveloppé dénué de pouvoir réplicatif ou infectieux, contenant
Les traditionnels « passages en culture » initiés par Pasteur, des lipides de la cellule hôte ayant produit le virus et des pro-
véritable génie génétique avant la lettre, sélectionnaient des téines virales. Deux vaccins virosomaux à l’autorisation de mise
mutants faiblement pathogènes. Aujourd’hui, de nombreux vac- sur le marché (AMM) européenne contre la grippe saisonnière
cins reposent sur le génie génétique et les développements actuels sont utilisables dès 6 mois, ou contre l’hépatite A. Enfin, des vac-
résident quasi exclusivement sur ces méthodes [8, 9] . cins composés de peptides porteurs des antigènes d’intérêt sont
Vaccins disposant d’une autorisation de mise sur le marché également à l’étude.
Le génie génétique est utilisé pour produire des vaccins vivants
inactivés, atténués ou sous-unitaires avec une grande sécurité et Adjuvants (Tableau 2)
une meilleure tolérance, selon plusieurs technologies : La nécessité d’amplifier la réponse immunitaire à des vaccins
• les protéines recombinantes remplacent la purification à partir sous-unitaires incapables d’induire seuls une immunité protec-
de cultures virales et permettent la fabrication des vaccins sous- trice et durable a amené les pionniers de la vaccination à
unitaires tels que les vaccins contre l’hépatite B ou l’HPV ; ajouter des adjuvants tels que les sels d’aluminium aux vaccins
• l’induction de mutants non pathogènes : deux vaccins vivants afin d’atteindre un niveau de protection efficace [5, 8, 14] . Plusieurs
bactériens sont produits contre la typhoïde et le choléra par classes d’adjuvants ont depuis été élaborées. Les propriétés physi-
mutation induite pour éliminer les enzymes de virulence ; cochimiques de ces adjuvants activent puissamment la première
• le réassortiment génétique de virus à acide ribonucléique (ARN) vague d’immunité innée nécessaire à l’élaboration d’une réponse
permet de développer des vaccins vivants atténués ou inactivés. immunitaire efficace et de longue durée.
Les souches vaccinales anti-influenza adaptées aux variations
saisonnières sont produites par coculture de deux virus, l’un Adjuvants à base de sels de minéraux
ayant des propriétés réplicatives importantes, l’autre porteur Ce sont des précipités d’hydroxyde ou phosphate d’aluminium
des antigènes hémaglutinine A (HA) et neuraminidase (NA) de sur lesquels sont adsorbés les antigènes vaccinaux. La composi-
la prochaine saison grippale, permettant le réassortiment géné- tion particulaire de ces complexes favorise leur dépôt prolongé
tique en un clone unique porteur des deux caractéristiques. au site d’injection, permettant l’induction d’une puissante pro-
Des technologies similaires ont permis l’élaboration des vaccins duction d’anticorps, particulièrement utile contre les pathogènes
vivants atténués antirotavirus contenant l’ARN d’un rotavirus et toxines qui requièrent des taux élevés d’anticorps pour leur
bovin et des antigènes de surface du rotavirus humain cibles des prévention. Ces adjuvants ne sont cependant pas efficaces pour
anticorps protecteurs. La génétique inverse a permis de générer certains vaccins inactivés antityphoïde ou grippe. Les quantités
des souches virales atténuées du vaccin vivant anti-influenza d’aluminium administrées avec les vaccins restent très inférieures
ou un vaccin antiméningocoque B ; aux seuils de toxicité de ce métal [15] . Les sels de phosphate de cal-
• vaccins en développement : afin de répondre aux nouveaux cium développés à la recherche de solutions alternatives n’ont pas
défis, notamment contre les trois grandes maladies, tubercu- montré de supériorité en termes de tolérance et ont été abandon-
lose, VIH et paludisme, ou contre les virus de la dengue ou nés.

4 EMC - Maladies infectieuses


Vaccinations  8-002-Q-10

Adjuvants phospholipidiques Le type HLA propre à chaque individu détermine donc la qua-
De développement plus récent, ils sont composés d’émulsions à lité de la présentation de l’antigène et les bonnes ou mauvaises
base de phospholipides seuls ou combinés aux sels d’aluminium. réponses vaccinales. Cependant, un vaccin protecteur utilisable
Ainsi l’adjuvant system 04 (AS04) est composé d’un dérivé de en santé publique doit induire de bonnes réponses quel que soit le
bactéries à Gram négatif, le monophosphoryl lipid A (MPL) adsorbé type HLA des populations vaccinées. Les CPA doivent également
sur hydroxide d’aluminium. Il entre dans la composition du envoyer des cytokines aux lymphocytes T CD4 naïfs pour acti-
vaccin anti-HPV-16 et -18. D’autres émulsions d’huile dans l’eau, ver les défenses immunes appropriées au pathogène ciblé. Ainsi,
telles que le MF59® ou l’AS03, sont associées à certains vaccins l’interleukine (IL)-12 produite par les CPA au contact d’un BCG
contre la grippe saisonnière, cependant peu utilisés, chez les per- dicte aux lymphocytes CD4 une différenciation Th1 leur faisant
sonnes âgées, ou contre la grippe aviaire H5N1 ou pandémique produire l’IL-2 et l’interféron-gamma ou le TNF activant les lym-
H1N1. L’AS01 entre dans le développement d’un vaccin contre le phocytes T CD8 antivirus et les monocytes/macrophages engagés
paludisme. contre les bactéries intracellulaires. À l’inverse, l’IL-10 sécrétée par
les CPA au contact des bactéries extracellulaires comme B. pertussis
dicte la différenciation Th2 des lymphocytes CD4 qui vont pro-
 Bases immunologiques duire les IL-4, -5, -6 activant les lymphocytes B, clés de l’immunité
humorale requise contre ces germes.
des vaccins [5, 8, 10, 16–20]

Les vaccins ont été développés avant que ne soient compris Coopération cellulaire entre lymphocytes B et T
les principes de fonctionnement du système immunitaire. Le CD4, condition absolue de l’induction d’anticorps
principe de prévention vaccinale repose sur la mémoire enregis- de haute affinité et d’une mémoire vaccinale
trée dans les cellules immunes qui vont remobiliser ces défenses protectrice
avec une puissance décuplée lors de l’exposition ultérieure au
pathogène ciblé. La mise en place de cette mémoire nécessite de Lors de la primovaccination, les lymphocytes B du ganglion de
longues étapes de coopération entre les deux lignes de défenses : drainage du site d’injection vaccinale s’activent au contact des
l’immunité adaptative médiée par les anticorps et les lympho- antigènes vaccinaux pour se transformer en plasmocytes produc-
cytes T, et l’immunité innée indispensable à l’activation de ces teurs d’anticorps et en cellules mémoire. En l’absence de cellules
défenses. Cette éducation du système immunitaire permet de CD4, le lymphocyte B ne produit que des anticorps de type IgM
gagner la course contre la montre engagée lors d’une infection [5, 16] de faible efficacité, et pas de mémoire. L’aide fournie par les lym-
(Fig. 1). phocytes T CD4 auxiliaires permet en effet aux lymphocytes B de
réaliser une longue chaîne de modifications génétiques naturelles
pour produire des anticorps protecteurs de type IgG ou IgA de
Double coopération entre immunité cellulaire haute affinité et la mémoire. Cette chaîne inclut :
innée et adaptative indispensable à • la commutation isotypique des gènes codant pour les IgM vers
les IgG ou IgA ;
l’induction de l’immunité vaccinale • des mutations de ces gènes générant des anticorps de haute
L’induction de défenses protectrices et d’une mémoire durable affinité, plus efficaces ;
lors du premier contact avec le vaccin nécessite une chaîne • la transformation des lymphocytes B activés en plasmocytes
complexe de coopérations cellulaires. L’aide des lymphocytes T producteurs de grandes quantités de ces anticorps, et (intra-
auxiliaires CD4 est nécessaire aux lymphocytes B vierges pour pro- veineuse) le développement en lymphocytes B mémoires
duire des anticorps de haute efficacité et pour que se mette en et plasmocytes mémoires. Cette phase peut durer plusieurs
place la mémoire immunitaire. Ces lymphocytes CD4, eux-mêmes semaines et détermine les modalités de primovaccination.
naïfs, requièrent que les antigènes vaccinaux leur soient présentés De plus, la nature des antigènes vaccinaux influence cette étape.
par des cellules spécialisées présentant l’antigène (CPA) : macro- Les antigènes polyosidiques thymo-indépendants des vaccins non
phages et cellules dendritiques. Ces lymphocytes T CD4 jouent conjugués contre H. influenzae, Streptococcus pneumoniae ou Neis-
donc un rôle de pivot central dans cette chaîne de coopérations seria meningitidis ne peuvent ni activer les lymphocytes CD4 et
cellulaires nécessaire à l’établissement de l’immunité vaccinale. la production d’IgG ni induire de mémoire. À l’inverse, les pro-
téines vaccinales « thymodépendantes » des vaccins entiers ou
Coopération entre cellules présentatrices sous-unitaires activent simultanément les lymphocytes B et CD4
d’antigènes et lymphocytes T CD4 : étape critique auxiliaires, permettant la production d’IgG ou d’IgA et d’une
de la primovaccination mémoire. La conjugaison des vaccins polyosidiques à des pro-
téines, même de source différente, permet aux vaccins conjugués
La formulation vaccinale influence dès la primovaccination la en activant les lymphocytes CD4 d’induire des IgG de haute affi-
présentation des antigènes vaccinaux aux lymphocytes T CD4 nité et la mémoire spécifiques des antigènes polyosidiques du
auxiliaires naïfs. En effet, la forme particulaire d’un vaccin, à pathogène ciblé. Cette conjugaison est la clé du succès des vaccins
germe entier notamment, facilite sa capture par les CPA au anti-Hib, pneumocoques ou méningocoques.
site d’injection. De plus, des motifs moléculaires (lipides, acides Ces propriétés sont alors inscrites de façon définitive dans le
nucléiques, polyosides ou protéines), ou « signaux de danger » noyau des cellules B et plasmocytes à mémoire et permettent à
propres au pathogène de ces vaccins entiers, se lient à des récep- celles-ci lors d’un nouveau contact la mise en place plus rapide et
teurs membranaires des CPA comme les toll-like receptors (TLR), plus efficace de la réponse secondaire anamnestique.
informent la CPA de la nature bactérienne ou virale du vaccin
et activent dans la CPA une cascade inflammatoire. Ces CPA
transportent alors les fragments du vaccin dans le ganglion de Armes effectrices de l’immunité vaccinale :
drainage où elles les présentent aux lymphocytes CD4 auxiliaires.
Ces propriétés des vaccins entiers font défaut aux vaccins non
l’immunité adaptative médiée par anticorps
particulaires ou dépourvus de signaux de danger, comme les ana- et lymphocytes
toxines et les vaccins sous-unitaires. Les adjuvants corrigent ce
défaut. Les pasteuriens, Ramon et ses contemporains, inventèrent
Anticorps
ce concept en complexant les anatoxines à des sels minéraux Le succès des vaccins préventifs repose essentiellement sur la
ou autres permettant la floculation des anatoxines. En recréant production d’anticorps. Ceux-ci reconnaissent directement les
ainsi des propriétés particulaires activant les CPA, ils lançaient la antigènes vaccinaux ou l’agent infectieux sans nécessiter de pré-
machinerie immunitaire vers une réponse vaccinale protectrice. sentation par les CPA, et avant même que le pathogène ne
Les lymphocytes CD4 ne détectent ces antigènes vaccinaux que pénètre dans les cellules cibles. Ainsi, les anticorps neutralisants,
sous forme dégradée et présentée sur les molécules human leu- en s’associant aux antigènes de surface des pathogènes ou à leurs
cocyte antigen (HLA) de classe II (comme HLA-DR) sur les CPA. toxines, inhibent leur fixation et leur pénétration dans les cellules

EMC - Maladies infectieuses 5


8-002-Q-10  Vaccinations

cibles. Les anticorps antihémaglutinine du virus influenzae neu- facilitant leur phagocytose, propriété des vaccins antipneumo-
tralisent sa fixation à son récepteur sur les cellules bronchiques. cocciques. D’autres encore se fixent sur des cellules tueuses
De même les anticorps anti-anatoxine inhibent la fixation de la non spécifiques (lymphocytes natural killer, macrophages) et
toxine à son récepteur cellulaire, prévenant ainsi tétanos ou diph- déclenchent la cytotoxicité cellulaire dépendant des anticorps
térie. (ADCC).
D’autres fonctions protectrices sont médiées par les régions Ces anticorps peuvent être libres dans le plasma ou les liquides
constantes des IgG, IgA ou IgM. Certaines activent le complément biologiques (IgG et IgM surtout), être présents dans les muqueuses
pour lyser des bactéries, propriété clé des vaccins antiménin- (IgA essentiellement), ou pénétrer dans la plupart des tissus de
gocoques. D’autres déclenchent l’opsonisation des bactéries, l’organisme, traverser le placenta et passer dans le lait.

Figure 1. Mécanismes des


Toll-R
réponses immunes vaccinales.
IL-4 A. Chaîne de coopération cel-
lulaire au cours de l’induction
IL-5
Plasmocytes
des réponses vaccinales. CMH :
Tfh
complexe majeur d’histocom-
B patibilité ; IL-4, -5, -6, -10 : inter-
B leukines 4, 5, 6, 10 ; TCR : T cell
Plasmocytes
B receptor ; DC : dendritic cell ; Ag :
Th2
B
CMH TCR antigène ; Ac : anticorps ; IgM,
G, A : immunoglobulines M, G,
B A ; Tfh : T follicular helper ; Th2 : T
IL-10 IL-6 helper 2.
Tfh B
Plasmocytes B. Réponses immunes et mémoire
Zones extrafolliculaires IL-10 immunitaire impliquant les anti-
Activation DC
corps IgG et lymphocytes (Ly) T
=> Présentation d’Ag aux T CD4
CD4 et CD8 à des vaccins vivants
Activation et polarisation T CD4
atténués.
Follicule, Centre Germinatif : C. Réponses immunes et mémoire
CD4 Th2 et Tfh => Activation Ly B : immunitaire impliquant les anti-
Prolifération, différenciation corps IgG et lymphocytes T CD4
Adjuvants Commutation isotypique : IgM => IgG, IgA, seuls à des vaccins entiers ou
mutation Ig protéiques adjuvantés.
Adjuvants => Activation des DC Sélection d’Ac de haute affinité
A

T CD4 CD8 T CD4


Ly T memory
memory
memory mémoires
mémoires mémoires
LyCD4
memory T CD8 effecteur CD4 T CD8
naifs activées mémoires effecteur mémoires

Ly B effector
Vaccin B effector
naïfs B B mémoires B effecteur B
Plasmocytes
Plasmocytes
activé mémoires mémoires mémoires

Anticorps IgM puis IgG


Ly T CD4 + CD8

Vaccin/infection
B

T CD4 CD4 T CD4


Ly T memory
memory
memory mémoires CD4
mémoires
LyCD4
memory T CD4 effector
Effe cteurs T CD4
naifs activées mémoires effecteur mémoires

Ly B effector
Vaccin B effector
naïfs B B mémoires B effecteur B
activé mémoires mémoires Effecteur
Effecteurs mémoires

Anticorps IgM puis IgG


Ly T CD4

Vaccin/infection
C

6 EMC - Maladies infectieuses


Vaccinations  8-002-Q-10

Figure 1. (suite) Mécanismes des réponses immunes vacci-


Ly B nales.
naïfs D. Réponses immunes de type IgM seules sans mémoire immu-
effector nitaire à des vaccins polyosidiques non conjugués.
B Plasmocyter
activé Plasmocyte
Plasmocyte
Vaccin

Anticorps IgM

Vaccin/infection

La mesure des taux d’anticorps est le moyen le plus utilisé pour et leur captation par les CPA dans lesquelles ces sels stimulent
évaluer l’immunisation induite par les vaccins (exemple : anti- l’inflammasome. La persistance accrue de l’antigène est essentielle
corps anti-HBs pour le vaccin anti-hépatite B), mais l’évaluation à l’induction de la voie Th2 amplifiant la stimulation des lym-
de leur caractère protecteur peut imposer des méthodologies phocytes B et des plasmocytes et induisant des taux plus élevés et
beaucoup plus complexes telles que les anticorps opsonisants anti- durables d’IgG spécifiques.
pneumocoques. Cependant, ces corrélats de protection ne sont
pas définis pour tous les vaccins. En leur absence, il n’est pas Adjuvants phospholipidiques
possible d’associer un titre d’anticorps à un effet protecteur [5, 20] .
En pratique, les vaccins recommandés ne nécessitent pas de sur- Ils stimulent l’immunité en fonction de leur capacité à activer
veillance des taux d’anticorps induits par la vaccination. les TLR sur les CPA. Inhérente à cet effet adjuvant est l’activation
de réactions inflammatoires essentiellement locales, parfois sys-
Lymphocytes T cytotoxiques : arme témiques, mais transitoires [5, 8, 10, 14] . Ainsi, le MPL adsorbé sur
hydroxyde d’aluminium dans l’AS04 active la production de cyto-
complémentaire des vaccins vivants atténués
kines pro-inflammatoires et une réponse CD4 auxiliaire Th1, ce
L’immunité cellulaire T est toujours indispensable. Outre les que ne font pas les sels d’aluminium seuls.
lymphocytes CD4 auxiliaires, des lymphocytes T CD8 peuvent Le recul actuel d’environ 80 ans sur l’utilisation de ces
protéger grâce à leurs fonctions tueuses capables de détruire des adjuvants permet de confirmer le maintien d’un rapport béné-
cellules infectées en l’absence d’anticorps. Ici aussi la formulation fices/risques très en faveur de l’utilisation des adjuvants à base
vaccinale est clé. En effet, les vaccins vivants induisent puissam- d’aluminium [11–14, 21–23] .
ment des lymphocytes T CD8 cytotoxiques qui ne détectent les D’importantes recherches actuelles visent à définir de nouveaux
antigènes que s’ils leur sont présentés par les molécules HLA adjuvants en fonction de ces divers ciblages afin de potentialiser
de classe I (HLA-A, -B ou -C). Mais ces molécules HLA ne pré- la réponse immune tout en limitant leurs effets inflammatoires.
sentent que des antigènes synthétisés dans la cellule infectée par le
pathogène ou le vaccin vivant. L’activation des lymphocytes CD8
naïfs requiert aussi l’aide des lymphocytes CD4 Th1 pour acqué- Mémoire immunitaire, principe fondamental
rir le potentiel cytolytique et se transformer en cellules mémoires.
Cette étape dure environ une semaine. Lors des rencontres ulté- de la prévention vaccinale
rieures avec le pathogène, ces lymphocytes T CD8 mémoires se La mémoire immunitaire enregistre dans les lymphocytes T et
transforment directement en lymphocytes tueurs au contact des B les phases de préparation de la primovaccination pour restituer
cellules infectées, sans aide des lymphocytes CD4. Cependant, immédiatement des fonctions protectrices lors de contacts ulté-
à la différence des anticorps, les lymphocytes CD8 ne peuvent rieurs. Le nombre des lymphocytes à mémoire n’est maximal que
que limiter le foyer au site d’entrée et inhiber la dissémination trois à quatre mois après la primovaccination. Ces lymphocytes
de l’infection. Cette caractéristique semble être particulièrement à mémoire T ou B persistent d’autant plus longtemps que leur
utile aux vaccins vivants. nombre initial, dépendant de la qualité de la primovaccination,
est plus grand [17, 18] . Lors d’un contact ultérieur, les cellules CD8
Mécanismes d’action des adjuvants (Tableau 2) à mémoire ou B se transforment directement en cellules tueuses
ou en plasmocytes. La mémoire immunitaire enregistrée dans les
Les vaccins sous-unitaires et, à un moindre degré, les vaccins gènes des lymphocytes B à mémoire leur permet de reproduire
inactivés n’ont pas les propriétés des vaccins vivants qui gardent en quelques jours des anticorps IgG ou IgA d’emblée efficaces car
l’essentiel des capacités des pathogènes à activer l’immunité dotés d’une affinité maximale, et à des taux élevés. L’infection
innée. Afin de pallier ces limitations, les adjuvants sont utilisés peut ainsi être rapidement contrôlée avant l’expression clinique
pour : de la maladie.
• accroître l’amplitude et la durabilité de la réponse immune afin La mémoire immunitaire induite lors de la primovaccination ne
d’induire une protection identique aux vaccins entiers, voire nécessite pas pour se maintenir de restimulation par les rappels
augmenter la proportion de sujets protégés ; vaccinaux ni la présence du pathogène dans l’environnement.
• réduire la quantité d’antigènes vaccinaux et le nombre Ainsi, les études réalisées au début des années 2000 ont montré la
d’injections nécessaires afin d’immuniser rapidement de très persistance de la mémoire antivariolique chez des sujets de plus
larges populations, comme en situation de pandémie grippale. de 50 ans, alors même que le virus avait été éliminé et la vaccina-
La nature de ces adjuvants, sels minéraux ou phospholipides, tion arrêtée 20 ans plus tôt [24] . Cependant, cette mémoire ne suffit
confère une structure particulaire à l’association vaccin plus pas, à elle seule, à maintenir la protection, d’où l’intérêt des rap-
adjuvant, et active puissamment les CPA à l’instar de vaccins pels qui ont pour but, en restimulant périodiquement ces cellules
à base de germes entiers, guidant la réponse immune à mettre à mémoire, de relancer la production d’effecteurs de l’immunité
en place [14, 16, 17, 19] . protectrice et de maintenir des taux protecteurs d’anticorps. Ces
rappels sont particulièrement indiqués pour maintenir tout au
Adjuvants à base de sels de minéraux long de la vie l’efficacité protectrice de vaccins dirigés contre des
Ils forment avec les antigènes vaccinaux des complexes micro- toxines bactériennes (diphtérie, tétanos, coqueluche). La notion
particulaires favorisant leur dépôt prolongé au site d’injection de la persistance de la mémoire, indépendamment des rappels, a

EMC - Maladies infectieuses 7


8-002-Q-10  Vaccinations

permis de proposer dans le calendrier des vaccinations français de Primovaccination


2013, d’augmenter l’intervalle entre rappels des vaccins contre le
Elle a pour fonction d’éduquer les lymphocytes naïfs, T auxi-
tétanos ou la diphtérie passant à tous les 20 ans chez l’adulte d’âge
liaires et B, pour induire en trois à six mois des anticorps de haute
moyen [25] .
efficacité protectrice et la mémoire immunitaire.
Pour les vaccins atténués ayant une immunogénicité quasi
identique aux pathogènes du fait de leur multiplication in vivo
Mécanismes de l’efficacité vaccinale : pendant une à deux semaines, de leur structure particulaire et
protection individuelle et de groupe de la présence des signaux de danger, une seule injection peut
suffire comme dans le cas du BCG. Mais les vaccins contre la
Les mécanismes précis de l’efficacité vaccinale varient avec le rougeole, la rubéole et les oreillons, ou la varicelle nécessitent
pathogène considéré et le niveau d’exposition. La prévention de une deuxième dose vaccinale plusieurs mois après la première
la polio en zone à haut risque requiert une inhibition dès la porte injection faite vers 1 an, afin d’obtenir un niveau protecteur
d’entrée, d’où l’intérêt dans ces zones du vaccin vivant source durable dans toute la population vaccinée. Ainsi, les récentes
de hauts taux d’anticorps IgA et de cellules tueuses CD8. Pour épidémies de rougeole ont atteint, outre les sujets non vacci-
d’autres infections, telles que la rougeole ou la rage, la préven- nés, les jeunes adultes n’ayant pas ou mal répondu à une seule
tion de leur dissémination vers des tissus cibles permet d’éviter la injection [26] .
maladie puis d’éliminer le pathogène. L’absence de réplication des vaccins inertes impose plusieurs
L’efficacité d’un vaccin se mesure à la proportion de sujets vac- injections de primovaccination afin d’exposer suffisamment
cinés protégés de la maladie par rapport aux sujets vaccinés. La le système immunitaire aux antigènes vaccinaux et d’induire
mesure de corrélats immunitaires de protection, s’ils sont connus des taux protecteurs d’anticorps au long cours. Le succès du
comme des titres d’anticorps anti-HBs ou antipneumocoques, schéma empirique de primovaccination à trois doses à un mois
peut se substituer à la mesure des événements cliniques, per- d’intervalle, instauré il y a près de 70 ans pour les vaccins contre
mettant de réduire la taille des populations testées. L’effectiveness le tétanos et la diphtérie, et l’utilisation de vaccins multiva-
vaccinale se mesure par l’évaluation de l’efficacité protectrice d’un lents ont conduit à étendre ce principe à la majorité des vaccins
vaccin dans une population après implémentation d’une stratégie inertes. Le progrès des connaissances et la volonté de minimiser
vaccinale. le nombre d’injections vaccinales tout en maintenant le rapport
Les vaccins induisent une protection individuelle. Celle-ci bénéfices/risques, a conduit à réduire ce schéma à deux injec-
protège contre des maladies peu ou non transmissibles telles tions de primovaccination de la petite enfance dans de nombreux
que le tétanos ou d’autres. Mais la vaccination à large échelle pays, schéma validé par les données épidémiologiques d’efficacité
d’une population diminue l’incidence de l’infection à un niveau vaccinale et adopté dans les recommandations françaises
tel que les sujets non vaccinés bénéficient de l’immunité des en 2013 [25] .
sujets vaccinés, permettant ainsi de stopper une épidémie à
forte contagiosité comme la rougeole [26] , la méningite ou la
grippe, à condition que la proportion de la population vacci- Rappels et maintien d’une immunité protectrice
née soit suffisante. On parle alors d’immunité de groupe ou herd Le maintien au long cours de taux protecteurs d’anticorps de
immunity et de vaccination altruiste. Ainsi, un taux de vacci- haute affinité dépend de la qualité de la primovaccination, ainsi
nation antirougeole de plus de 92 % de la population devrait que de la restimulation périodique des lymphocytes B à mémoire.
permettre l’élimination, puis l’éradication de la maladie. De Un premier rappel « précoce » est nécessaire environ un an après
même, l’introduction à large échelle du vaccin conjugué anti- la primovaccination du fait du déclin des anticorps reflétant le
pneumocoques chez le nourrisson a été suivie d’une réduction faible nombre de plasmocytes et cellules B à mémoire à longue
de l’incidence des infections invasives à pneumocoques du sujet durée de vie à cette phase : ces cellules doivent être restimulées
âgé [27] . par rappel 12 à 18 mois plus tard, afin de produire des taux élevés
et durables d’anticorps et d’amplifier le nombre de ces cellules à
mémoire à longue durée de vie. Ce premier rappel achève en fait
 Principes d’administration la primovaccination.
Les rappels ultérieurs ont pour mission de maintenir des taux
des vaccins protecteurs d’anticorps et de lymphocytes effecteurs. Ils sont par-
ticulièrement indiqués si des taux élevés permanents d’anticorps
Voies d’administration sont nécessaires pour protéger rapidement en cas d’incubation
très courte telle que le tétanos ou la diphtérie. Ils s’imposent éga-
Ces voies varient en fonction de la pathologie ciblée ou du type lement pour maintenir l’immunité protectrice anticoqueluche,
de vaccin [5, 9, 10] . peu durable, particulièrement depuis que le vaccin acellulaire a
Les voies intramusculaire ou sous-cutanée sont les plus utili- remplacé le vaccin inactivé à germes entiers.
sées, induisant des anticorps systémiques de type IgG capables de Les schémas historiques préconisaient des rappels périodiques
diffuser dans tous les tissus, y compris à travers les muqueuses tous les dix ans afin de maintenir des taux élevés de protection vac-
pour le vaccin inactivé antipoliovirus, ou pour le vaccin cinale. La fréquence de ces rappels a pu cependant être espacée à
anti-HPV. 20 ans tout en maintenant une protection efficace [25] . Ainsi, dans
Les voies muqueuse et intradermique ciblent mieux les CPA le cas d’une exposition au risque de tétanos, une injection de rap-
présentes en abondance dans ces tissus. La voie muqueuse pel suffit et il n’est pas nécessaire de refaire une primovaccination
permet en outre d’induire des IgA utiles contre les infec- en l’absence de rappels antérieurs.
tions hautement contagieuses à porte d’entrée digestive. Ainsi,
l’administration orale d’un vaccin vivant atténué prévient
plus efficacement les infections dues aux virus entériques. Associations vaccinales [5, 8, 10]
De même, l’administration intranasale du vaccin vivant atté-
nué anti-influenza protège efficacement l’enfant de moins de Les vaccins administrés aux nourrissons sont fréquemment
10 ans. associés entre eux afin de limiter le nombre d’injections et
d’éduquer simultanément leurs défenses. Les plus utilisées
sont les associations de vaccins inactivés et sous-unitaires qua-
Principes et schémas d’administration drivalents (diphtérie–tétanos–coqueluche–Hib), voire penta-,
vaccinale hexavalents administrées dès 2 mois, ou de vaccins atténués
anti-rougeole–oreillons–rubéole (ROR). Le système immunitaire
La nature des vaccins et le type d’infection dictent les sché- de l’enfant discrimine aisément ces associations et induit une
mas d’administration qui comprennent une primovaccination, réponse immunitaire adaptée contre chaque antigène vaccinal,
unique ou en plusieurs doses, et parfois des rappels. ainsi qu’une mémoire d’aussi bonne qualité que contre des

8 EMC - Maladies infectieuses


Vaccinations  8-002-Q-10

vaccins administrés seuls. À la question du risque d’AMM dans aucun État de l’Union européenne : le dossier est
d’hyperactivation immune, il convient de comparer ces associa- évalué par un État, les autres États membres octroyant l’AMM
tions au déluge d’antigènes activant le système immunitaire du séparément.
nouveau-né à sa sortie de l’utérus. Chaque association résulte L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits
d’études longues et rigoureuses vérifiant qu’elles induisent les de santé (ANSM) contrôle les vaccins avant leur commercialisa-
mêmes défenses immunitaires, de même intensité et de même tion selon les normes de la pharmacopée européenne, vérifiant
durée qu’après les vaccins isolés. l’identité, l’activité, la sécurité microbiologique et virale, la stabi-
lité, et permet la délivrance d’un certificat de libération européen.
Risques d’effets indésirables des vaccins [5, 8, 10]
Les vaccins, avec ou sans adjuvants, en associations ou non,  Politiques vaccinales
ne peuvent induire des anticorps et des défenses immunitaires
protectrices sans une activation puissante, comme pour toute Processus de décision [29, 31]
réponse immune. Cela peut engendrer des effets indésirables La politique de vaccination est élaborée par le ministre chargé
locaux ou systémiques, le plus souvent de faible intensité, tels de la Santé qui fixe les conditions d’immunisation, les recomman-
qu’une inflammation au site d’injection ou une fièvre passagère. dations et le calendrier vaccinal après avis du Haut Conseil de la
L’association à des adjuvants conduit souvent à des effets indé- santé publique (HCSP). L’expertise de la vaccination est confiée
sirables locaux plus intenses, en relation avec l’inflammation. en aval de l’AMM au Comité technique des vaccinations (CTV)
Les effets indésirables fréquents sont essentiellement locaux (dou- dont les missions consistent à :
leur, inflammation au point d’injection). Des réactions générales • assurer la veille scientifique sur les évolutions et les perspectives
(fièvre) peuvent également être observées, en général transitoires en matière de vaccins ;
et bénignes. • élaborer la stratégie vaccinale en fonction des données épidé-
Les effets indésirables graves sont très rares et la plupart de miologiques, d’études bénéfices/risques individuel et collectif
ceux qui sont attribués aux vaccins (maladies auto-immunes, SEP, et médico-économiques relatives aux mesures envisagées ;
myofasciite à macrophage, autisme, etc.) par les détracteurs de la • proposer des adaptations des recommandations et obligations
vaccination, ne sont pas retrouvés de manière significative dans vaccinales pour la mise à jour du calendrier vaccinal.
les études scientifiques nationales et internationales [11–13, 21, 22] . L’indépendance du CTV est garantie par une procédure de ges-
tion des conflits d’intérêt. Des groupes de travail ad hoc incluant
des personnalités extérieures préparent un projet d’avis et un rap-
Contre-indications des vaccins [5, 8, 10] port sur le positionnement d’un nouveau vaccin dans le schéma
Deux contre-indications générales s’appliquent à tous les vac- vaccinal, tenant compte des avancées techniques, de l’évolution
cins : un antécédent de réaction allergique à l’un des composants épidémiologique de la maladie en France et à l’étranger, de
du vaccin, et la présence d’une pathologie intercurrente aiguë l’évaluation du vaccin et ses effets indésirables, des recommanda-
qu’elle soit fébrile ou non. Par ailleurs, les vaccins vivants atté- tions internationales et de l’organisation du système de soins et de
nués sont généralement contre-indiqués chez les sujets à risque prévention, afin d’en apprécier la balance bénéfices/risques. Des
d’immunodépression sévère, mais peuvent être autorisés en cas de études médico-économiques peuvent être nécessaires. Cela a été
balance bénéfices/risques favorable, comme chez les enfants VIH+ le cas pour la plupart des nouveaux vaccins contre le papilloma-
en région d’endémie tuberculeuse [28] . Ces vaccins sont également virus [32] , le rotavirus [33] , le méningocoque de types C [34] et B [35]
généralement contre-indiqués pendant la grossesse. Les contre- et le zona [36] . Le projet d’avis du CTV, soumis à la commission
indications spécifiques doivent être mentionnées sur le résumé spécialisée « maladies transmissibles » du HCSP, comporte :
des caractéristiques du produit. • recommandation ou non du vaccin, éventuellement obliga-
tion ;
• généralisation ou ciblage de populations à risque ;
 Développement des vaccins, • âge de la vaccination, nombre de doses, périodicité des rappels
éventuels ;
aspects réglementaires • nécessité d’un suivi épidémiologique de l’impact de la vaccina-
tion ;
Les modalités de développement et d’évaluation des vaccins • nécessité d’une vaccino-vigilance renforcée, notamment en cas
sont identiques à celles de tout médicament immunologique et d’alerte sur un effet indésirable.
imposent une AMM. La réglementation européenne exige un L’avis est transmis à la Direction générale de la santé (DGS), puis
dossier pharmaceutique complet de sécurité virale et de dévelop- à la Commission de transparence de la Haute Autorité de santé
pement préclinique et clinique [29, 30] . (HAS) qui en évalue l’amélioration du service médical rendu par
Les études précliniques pharmacologiques et toxicologiques rapport à d’autres modes de prévention, et au Comité économique
vérifient l’immunogénicité et la tolérance du vaccin sur diverses des produits de santé qui en négocie le prix. Le ministre de la Santé
espèces animales dans les conditions d’utilisation humaine. décide de l’inscription du vaccin au calendrier vaccinal et sur la
Les études cliniques comportent les trois phases classiques : liste des médicaments remboursables, du taux de remboursement
phase I évaluant la sécurité et la relation dose/réponse immune, et du prix.
phase II évaluant l’immununogénicité, le schéma de vaccina-
tion, les interactions vaccinales et la tolérance, phase III évaluant
l’efficacité vaccinale et la tolérance sur de très grands nombres Mise en œuvre de la politique vaccinale [29]
(plusieurs dizaines de milliers) d’individus ayant une exposition
Elle est la responsabilité de l’État, par l’intermédiaire de la DGS.
connue au pathogène.
L’ensemble des résultats doit être soumis à l’Agence euro-
péenne du médicament (EMA) pour aboutir à l’enregistrement Prise en charge financière de la vaccination [37]
du vaccin selon trois types de procédures [29] . La procédure cen- Les vaccins inscrits au calendrier vaccinal en population géné-
tralisée est la plus utilisée où le Comité des médicaments à usage rale sont habituellement remboursés par l’assurance maladie,
humain (CHMP) donne un avis scientifique, puis la Commission généralement à hauteur de 65 %. Le vaccin ROR est gratuit jusqu’à
européenne donne l’AMM après avis des États. La procédure de 18 ans et celui contre la grippe l’est selon les recommandations
reconnaissance mutuelle permet de reconnaître l’AMM octroyée du HCSP. En 2011, le coût des vaccinations a représenté envi-
par l’un des États. Cette AMM comprend en France la décision ron 1/1000 des dépenses de l’assurance maladie. Les vaccinations
nationale, le résumé des caractéristiques du produit, des notices en milieu professionnel sont à la charge de l’employeur. Les vac-
et étiquetage harmonisés, un rapport public d’évaluation. La pro- cinations internationales sont à la charge des personnes ou des
cédure décentralisée est utilisée pour les vaccins ne disposant entreprises.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-002-Q-10  Vaccinations

Réalisation des vaccinations Vaccins d’indication ciblée


Environ 85 % des vaccinations sont réalisées en système libé- Ils ne s’adressent qu’à certaines catégories de la population. Les
ral, dont 70 % par les généralistes et 30 % par les pédiatres. Les vaccins recommandés sont [10, 25, 40, 41] :
sages-femmes peuvent vacciner sans prescription (DTPolio® , ROR, • BCG : dès la naissance chez les enfants à risque de tubercu-
coqueluche, BCG, hépatite B, grippe, méningocoque C et HPV). lose : issus d’un pays à haute incidence (Afrique, Asie, Amérique
Les infirmiers vaccinent sur prescription et depuis 2008 sans pres- du Sud et Europe de l’Est) ou dont au moins un des parents
cription contre la grippe, à l’exception des primovaccinations. en est originaire, ou vont séjourner dans ces pays. Sont
Les vaccinations du calendrier vaccinal peuvent être réalisées également concernés les enfants vivant en Île-de-France, en
gratuitement en population générale dans des centres de vacci- Guyane et à Mayotte ainsi que ceux ayant dans leur entou-
nation, des hôpitaux, des centres de médecine préventive, et les rage une personne atteinte de tuberculose. Une seule dose
centres de protection maternelle et infantile (PMI). Les vaccina- est nécessaire sans contrôle ultérieur des réactions tuberculi-
tions peuvent être réalisées par la médecine du travail. niques ;
• antigrippe recommandé annuellement chez les personnes âgées
Surveillance de la couverture vaccinale et des de 65 ans et plus, ainsi qu’à partir de 6 mois pour les enfants
maladies à prévention vaccinale et adultes à risque de grippe grave : atteintes de maladies
chroniques respiratoires, cardiaques, rénales ou hépatiques, dia-
Ces missions sont assurées par l’Institut de veille sanitaire (InVS)
bète, etc. La vaccination est aussi recommandée aux femmes
grâce aux certificats de santé de 2 ans des nourrissons, des enquêtes
enceintes et aux personnes obèses ;
trisannuelles dans les écoles pour les enfants, des données de
• anticoqueluche : chez les adultes afin d’éviter la contami-
remboursement de l’assurance maladie [38] . L’épidémiologie des
nation des nourrissons de moins de 6 mois. La durée de
maladies à prévention vaccinale est déterminée à partir des
protection limitée conférée par la maladie ou la vaccina-
maladies à déclaration obligatoire, des divers réseaux épidémiolo-
tion dans l’enfance rend en effet tous les adultes réceptifs à
giques, des centres nationaux de référence des divers pathogènes.
la coqueluche. Cette stratégie du cocooning s’applique aux
couples ayant un projet parental et à toute personne sus-
Surveillance des effets indésirables [30] ceptible d’être en relation étroite avec le futur nourrisson
Les vaccins sont des produits sûrs sous surveillance particu- pendant ses six premiers mois. La mère peut être vaccinée
lière : leur administration à des personnes bien portantes rend immédiatement après l’accouchement. Les adultes déjà vacci-
le risque d’effet adverse grave inacceptable. Une attention toute nés contre la coqueluche et en situation de cocooning doivent
particulière est portée à la bonne tolérance des vaccins lors des être revaccinés si la précédente dose date de plus de dix
phases de développement ; mais on ne peut exclure la survenue ans [42] ;
d’événements indésirables inattendus et rares après leur commer- • anti-hépatite A : pour les enfants dont un parent est issu
cialisation, quand ils sont administrés en très grand nombre, voire de pays de haute endémicité (Maghreb, Afrique subsaha-
à la population mondiale. rienne) et susceptibles d’y retourner, ainsi qu’aux personnes
La surveillance des effets indésirables est assurée par l’ANSM atteintes d’hépatopathie chronique, aux personnes handica-
qui s’appuie sur les déclarations des professionnels aux Centres pées en internats, aux personnels de la restauration, aux
régionaux de pharmacovigilance (CRPV). homosexuels masculins. Le vaccin administré dans les 14 jours
Tout personnel de santé ayant constaté un effet indésirable suivant un comptage intrafamilial peut éviter la mala-
grave ou inattendu susceptible d’être lié à un vaccin, qu’il l’ait ou die. Le schéma vaccinal comporte deux doses à six mois
non prescrit, doit (médecins et pharmaciens) ou peut (autres pro- d’intervalle ;
fessions de santé) le déclarer immédiatement à son CRPV. Toute • antivaricelle : chez les personnes à risque non immunisées par
firme exploitant un vaccin doit enregistrer et déclarer sans délai la maladie dans l’enfance comme les adolescents de 12 à 18 ans
au directeur général de l’ANSM tout effet indésirable grave suscep- ou les femmes en âge de procréer ou ayant un enfant. Elle est
tible d’être dû à ce vaccin. Depuis 2011, le public peut signaler un aussi recommandée dans l’entourage d’un immunodéprimé,
effet indésirable. avant transplantation d’organe et chez l’adulte et l’adolescent
L’introduction d’un nouveau programme de vaccination en postexposition (au plus tard dans les cinq jours après
s’accompagne toujours d’un plan de gestion des risques (PGR), l’exposition). Le schéma vaccinal comporte l’administration de
permettant une pharmacovigilance renforcée afin de repérer en deux doses [43] ;
vie réelle des effets indésirables rares non mis en évidence dans • antiméningocoques non C : chez les personnes à risque élevé
les essais cliniques. d’infection invasive à méningocoque : les vaccins quadrivalents
conjugués A, C, Y, W135 et le vaccin Bexsero® sont recom-
mandés chez les sujets aspléniques et drépanocytaires, avec
Vaccination en France déficit en complément ou properdine, recevant un traitement
anti-C5. Le vaccin quadrivalent peut être administré chez les
Trois catégories de vaccins sont administrées en population sujets contacts d’une infection invasive à méningocoque A,
générale (hors milieu professionnel). Y ou W. Le vaccin Bexsero® peut être utilisé en situation
épidémique ;
Vaccins obligatoires [10, 37, 39] • antipneumocoques : au-delà de 2 ans, la vaccination est recom-
La distinction entre vaccins obligatoires et non obligatoires ne mandée pour les personnes à risque d’infections invasives.
repose pas sur leur utilité ou efficacité respective mais n’est que Les immunodéprimés ainsi que les sujets atteints de syn-
l’héritage de l’histoire, lorsque ces maladies graves étaient fré- drome néphrotique, ou porteurs de brèches ostéoméningées
quentes et le niveau sanitaire de la population bas. L’obligation ou d’implants cochléaires devraient recevoir le vaccin conjugué
vaccinale contre la diphtérie, tétanos et poliomyélite concerne la puis le vaccin non conjugué. Les personnes à risque atteintes
primovaccination des nourrissons avant l’âge de 18 mois et les de maladies chroniques sans immunodépression (respiratoires,
rappels de poliomyélite de 6 et 11–13 ans. La vaccination contre cardiaques, rénales, diabète, etc.) devraient recevoir le vaccin
la fièvre jaune est obligatoire en Guyane. Du fait de l’évolution de pneumococcique non conjugué.
la société, aucun des nouveaux vaccins n’a été rendu obligatoire Par ailleurs, les voyageurs font l’objet de recommandations spé-
depuis 1964. cifiques mises à jour annuellement [44] en fonction des pays de
destination. Certains vaccins sont obligatoires comme le vaccin
anti-fièvre jaune en fonction du règlement sanitaire internatio-
Vaccins recommandés en population générale nal ou le vaccin quadrivalent A, C, Y, W135 pour les pèlerins de
Ce sont les plus nombreux [10] : vaccins coqueluche, Hib, hépa- La Mecque. Les autres recommandations portent sur les vaccins
tite B, pneumocoque, méningocoque C, ROR chez les nourrissons, contre les hépatites A et B, l’encéphalite à tiques ou japonaise, la
et contre les papillomavirus chez les filles. typhoïde, la rage.

10 EMC - Maladies infectieuses


Vaccinations  8-002-Q-10

Vaccins du calendrier vaccinal : balance couverture est insuffisante. Les nourrissons de moins de 1 an
sont les plus affectés mais l’incidence augmente surtout chez
bénéfices/risques et impacts attendus les adultes de plus de 25 ans ;
• la rougeole fait l’objet d’un plan national d’élimination pour
L’introduction d’un vaccin dans le calendrier vaccinal se fait 2015 [50] suivant le plan OMS. Du fait d’une couverture vac-
après évaluation de sa balance bénéfices/risques entre l’impact de cinale insuffisante, la France a connu entre 2008 et 2011
cette vaccination sur l’épidémiologie de la maladie à prévenir et une vaste épidémie avec plus de 22 000 cas notifiés, près de
ses effets indésirables. Les vaccins du calendrier vaccinal ont un 5000 hospitalisations, 27 encéphalites et 10 décès [43] chez des
impact majeur sur le fardeau des maladies à prévenir [3, 10, 25, 40, 41] : personnes non ou insuffisamment vaccinées dans 95 % des cas.
• diphtérie : le dernier cas autochtone a été déclaré en 1989. Les Si l’épidémie a cessé en France, la rougeole continue à circuler à
sept cas rapportés entre 2002 et 2011 étaient tous importés chez bas bruit [51–53] . La survenue d’une nouvelle épidémie n’est pas
des personnes incomplètement ou non vaccinées. Par ailleurs, exclue du fait d’une couverture vaccinale n’atteignant pas les
20 cas de diphtérie à Corynebacterium ulcerans ont été signalés objectifs d’élimination et de l’existence de « poches » de récep-
en France entre 1999 et 2011 chez des adultes surtout âgés et tifs (adolescents, adultes) ayant échappé à la maladie et à la
exposés à un animal domestique. La vaste épidémie de diphté- vaccination ;
rie dans l’ex-URSS des années 1990 et la circulation active de • La rubéole [54] fait également l’objet d’un plan OMS
la maladie dans le Sud-Est asiatique et, à un moindre degré, d’élimination pour 2015. En France, seules sont surveillées les
en Amérique du Sud, Moyen-Orient et Afrique (notamment rubéoles pendant la grossesse. Entre 2001 et 2007, ce nombre a
Madagascar) imposent le maintien de cette vaccination ; été réduit de 80 %. En 2012, 13 cas ont été répertoriés. Depuis
• tétanos : malgré la généralisation de la vaccination cette mala- 2006, le nombre annuel d’interruptions thérapeutiques de
die létale dans environ 30 % des cas n’a pas disparu en France. grossesse liées à une rubéole a été inférieur à cinq, et celui
Quelques cas à quelques dizaines sont déclarés par an (28 en d’infections congénitales malformatives a été inférieur à deux.
2001, 17 en 2005, neuf en 2011), surtout chez des personnes Ces données confirment l’existence d’une circulation à bas
âgées (moyenne de 78 ans), notamment les femmes moins bien bruit du virus en France, du fait d’une couverture vaccinale
protégées que les hommes jusque-là revaccinés lors du service insuffisante ;
militaire. Cette maladie dont le réservoir du germe est tellurique • les oreillons étaient, avant la vaccination, la première cause de
n’est pas éradicable et impose la poursuite de la vaccination ; méningite de l’enfant. Entre 1986 et 2011, leur incidence a été
• poliomyélite : aucun cas autochtone n’a été notifié en France divisée par 100 et l’âge médian s’est déplacé de 5 à 16,5 ans.
depuis 1990 et le dernier cas importé a été observé en 1995. Alors qu’en 2006, 98 % des cas n’étaient pas vaccinés, 69 %
Toutefois, en 2014 [45] , une circulation active de virus polio sau- l’étaient en 2011 [55, 56] . En 2013, des épisodes de cas groupés
vages persiste dans dix pays dont trois exportent des virus polio sont survenus dans des collectivités d’adultes jeunes dont 73 %
(Pakistan, Syrie, Cameroun). Dans les sept autres (Afghanistan, étaient vaccinés à deux doses. Outre la couverture vaccinale
Guinée équatoriale, Éthiopie, Iraq, Israël, Nigéria, Somalie), les insuffisante, une durée de protection limitée conférée par le
virus circulent sans exportation documentée. En Israël, des virus vaccin expose à la survenue de flambées épidémiques. Dans ce
polio sauvages ont été isolés mais aucun cas clinique n’a été contexte, une troisième dose de vaccin peut être proposée aux
enregistré. Le risque de réintroduction de la maladie justifie la personnes dont la seconde dose date de plus de dix ans ;
poursuite de la vaccination ; • les papillomavirus sont responsables de la quasi-totalité des
• la coqueluche affecte, en France et dans les pays ayant mis cancers du col de l’utérus. En France, on estime que 3000
en place un programme de vaccination des nourrissons, et en nouveaux cas surviennent par an et plus de 1000 morts. Les
dépit de taux de couverture vaccinale élevée, essentiellement les deux vaccins existants couvrent les génotypes 16 et 18 respon-
petits nourrissons trop jeunes pour être protégés et les adoles- sables d’environ 70 % de ces cancers. La stratégie de prévention
cents et adultes ayant perdu leur immunité, souvent à l’origine recommandée en France associe un dépistage organisé et la vac-
de la contamination des nourrissons. En 2011, 234 cas pédia- cination des filles avant qu’elles ne soient infectées. Bien que
triques confirmés ont été notifiés dont 74 avant 6 mois parmi l’efficacité de prévention du cancer ne soit pas encore définie,
lesquels 68 % survenus avant 3 mois. Près de 20 % d’entre eux des données de plusieurs pays montrent que cette vaccina-
ont fait un séjour en réanimation pour forme grave. Un à dix tion réduit significativement la circulation des papillomavirus
enfants décèdent chaque année de coqueluche, la plupart âgés contenus dans le vaccin ainsi que l’incidence des lésions pré-
de moins de 3 mois [42] ; cancéreuses [12, 32, 57] .
• infections à Hib : leur incidence a été réduite de 18 à 0,8/100 000
en trois ans après l’introduction du vaccin en 1992, celle des
méningites à Hib chez les enfants de moins de 5 ans a été réduite
Calendrier vaccinal [10, 25, 40, 41]
de 96 %. Les cas résiduels (60 cas entre 1999 et 2007) touchent Le calendrier vaccinal est le recueil officiel des vaccinations
des enfants non vaccinés ou en attente du rappel jusque-là obligatoires et recommandées par le ministère de la Santé, mis
recommandé à 18 mois ; à jour annuellement sur proposition du CTV et publié sur le
• le VHB [46, 47] est responsable d’environ 2500 cas annuels site du ministère. La mise à disposition de nouveaux vaccins,
d’infection aiguë, au moins 1300 décès par cirrhose et cancer du l’évolution de l’épidémiologie des maladies infectieuses à pré-
foie et 280 000 porteurs chroniques en France. La prévention de vention vaccinale et les programmes OMS concernant certaines
cette maladie, à transmission essentiellement sexuelle, repose maladies (hépatite B, poliomyélite, rougeole) justifient la mise à
sur deux stratégies : identification et vaccination des personnes jour annuelle de ce calendrier.
à risque élevé et, à plus long terme, sur la vaccination des nour- En 2013, le CTV/HCSP a proposé une simplification du calen-
rissons et le rattrapage des enfants et adolescents jusqu’à l’âge drier vaccinal [40, 41] portant à la fois sur la vaccination des
de 15 ans ; nourrissons (notamment la suppression d’une dose de primo-
• le pneumocoque est le principal agent des infections bacté- vaccination contre diphtérie, tétanos, etc.) et sur les rappels de
riennes invasives de l’enfant, notamment des méningites de la l’adulte. Le Tableau 3 résume ce nouveau calendrier.
première année de vie. La vaccination des nourrissons depuis
2003, puis l’introduction du vaccin conjugué 13-valent en Calendrier vaccinal des nourrissons
2010 ont réduit en 2012 [27, 48] de plus de 40 % l’incidence Il recommande de débuter dès 2 mois (huit semaines) la vac-
des infections invasives et des méningites à pneumocoque des cination contre diphtérie, tétanos, poliomyélite, coqueluche,
nourrissons, avec un impact significatif dans les autres tranches infections à Hib et hépatite B, en privilégiant le vaccin hexavalent
d’âge – et chez les adultes – par l’immunité de groupe ; (DTCaPHib-HB). Le schéma vaccinal comporte deux injections à
• le méningocoque de sérogroupe C est responsable d’une cen- 2 et 4 mois et un rappel à 11 mois. Une coadministration du vac-
taine de cas annuels d’infections invasives à méningocoque cin pneumococcique conjugué est recommandée pour chacune
(IIM), soit, en 2012, 18 % des IIM [34, 35, 49] . L’incidence aug- de ces injections. À 12 mois, est recommandée l’administration
mente malgré l’introduction de la vaccination en 2010 dont la de la première dose de vaccin ROR, et ce quel que soit le mode de

EMC - Maladies infectieuses 11


8-002-Q-10  Vaccinations

Tableau 3.
Calendrier vaccinal simplifié en population générale [41] .
Âge approprié Naissance 2 mois 4 mois 11 mois 12 mois 16–18 mois 6 ans 11–13 ans 14 ans 25 ans 45 ans 65 ans et
plus
BCG X
Diphtérie–tétanos–poliomyélite X X X X X X X X tous les
10 ans
Coqueluche X X X X X X
Haemophilus influenzae de type X X X
b (Hib)
Hépatite B X X X
Pneumocoque X X X
Méningocoque C X
Rougeole–oreillons–rubéole X X
Papillomavirus humain (HPV) X X
Grippe X tous les
ans

BCG : bacille de Calmette et Guérin.

garde. Ce vaccin est coadministré avec le vaccin méningococcique spécialistes, ont la responsabilité de vacciner ces patients et leur
conjugué C. La seconde dose de vaccin ROR est recommandée à entourage. Ces situations justifient des recommandations spéci-
18 mois. fiques.
Le risque de survenue de maladie vaccinale après vaccination
Calendrier vaccinal des enfants et des adolescents par vaccins vivants contre-indique de principe leur utilisation
Un rappel DTPolio® est recommandé à 6 ans, contenant la chez l’immunodéprimé. La diminution de l’immunogénicité des
valence coqueluche (DTCaP). Un nouveau rappel est recommandé vaccins, en particulier des vaccins sous-unitaires, peut justifier
entre 11 et 13 ans comportant également la valence coqueluche des schémas vaccinaux particuliers. Enfin, un risque accru pour
mais avec (chez les enfants ayant reçu le vaccin DTCaP à 6 ans) certaines infections justifie la recommandation de vaccinations
le vaccin sous-dosé en antigène diphtérique et coquelucheux spécifiques. Ces recommandations s’appliquent différemment en
(dTcaP). Chez les filles, il est recommandé de coadministrer ce fonction du déficit immunitaire dont on distingue deux grands
rappel avec une des doses de vaccin papillomavirus lui-même types : les déficits héréditaires primitifs ou congénitaux et les défi-
recommandé entre 11 et 14 ans selon deux doses à six mois cits secondaires ou acquis après transplantation d’organe solide
d’intervalle. ou de cellules souches hématopoïétiques, infection par le VIH,
Calendrier vaccinal des adultes traitements immunosuppresseurs, anti-tumor necrosis factor (TNF),
chimiothérapies anticancéreuses et autres. Le déficit, souvent dif-
Le premier rappel est recommandé à 25 ans avec la valence
ficile à quantifier, peut concerner l’immunité humorale et/ou
coqueluche (dTcaP) pour les personnes qui n’en ont pas reçu
cellulaire selon la situation clinique. La mise à jour des vaccina-
depuis plus de cinq ans. Les rappels ultérieurs sont recommandés
tions doit se faire le plus tôt possible au cours de la maladie, si
à 45 et 65 ans. Il s’agit de rappel dTP.
possible avec la mise en route du traitement immunosuppresseur.
À partir de 65 ans, et en raison du phénomène Les données disponibles sur la vaccination des personnes
d’immunosénescence, les rappels de vaccin dTP sont recom- immunodéprimées ou aspléniques sont peu nombreuses, notam-
mandés avec un intervalle de dix ans, soit à 75, 85 et 95 ans. À ment les données d’enregistrement dont ces personnes sont le
partir de 65 ans, la vaccination contre la grippe est recommandée plus souvent exclues. Malgré la contre-indication des vaccins
annuellement, et peut être coadministrée avec le vaccin dTP. vivants en cas d’immunosuppression, ces vaccins peuvent être
Rattrapage vaccinal envisagés au cas par cas, après avoir confronté le risque de la
vaccination d’une part, et le risque de la maladie infectieuse que
Il consiste à administrer un vaccin en dehors de l’âge ciblé
l’on cherche à prévenir d’autre part. Les vaccins recommandés
par les recommandations pour des personnes n’ayant pas reçu
sont ceux du calendrier vaccinal de la population générale et
le vaccin à l’âge requis. Il concerne le rattrapage de la vaccination
des vaccins spécifiquement recommandés (grippe, pneumocoque,
contre :
hépatite B pour les personnes exposées).
• la coqueluche : jusqu’à l’âge de 39 ans révolus si le rappel n’a
Dans certaines situations, le dosage des anticorps sériques
pas été administré à 25 ans ;
protecteurs peut être proposé quatre à six semaines après vaccina-
• la rougeole : une ou deux doses de vaccin pour les personnes
tion afin de vérifier l’immunogénicité et proposer des injections
nées depuis 1980 n’ayant pas reçu deux doses de vaccin ;
supplémentaires en cas de réponse insuffisante. De même, une
• l’hépatite B : jusqu’à 15 ans révolus. Entre 11 et 15 ans, le
surveillance sérologique peut être proposée pour apprécier la per-
schéma habituel peut être remplacé par un schéma simplifié
sistance de la réponse et la nécessité de rappels supplémentaires.
à deux doses espacées de six mois, en utilisant un vaccin dosé
Il est recommandé également de maintenir les rappels diphtérie-
à 20 ␮g ;
tétanos polio tous les dix ans y compris chez l’adulte jeune.
• les papillomavirus : jusqu’à 19 ans. Initiée au-delà de 14 ans, la
L’entourage immédiat des personnes immunodéprimées est
vaccination doit comporter trois doses (M0, M1 ou M2, M6
une source potentielle de contamination. En raison des incer-
selon le vaccin) ;
titudes sur l’efficacité de la vaccination chez les personnes
• le méningocoque de sérogroupe C : jusqu’à 24 ans révolus (une
immunodéprimées et de la contre-indication des vaccins vivants,
dose) (Tableau 3).
il est fortement recommandé de créer un « cercle de protec-
tion » en vérifiant le statut vaccinal de l’entourage immédiat
Vaccination des immunodéprimés [58, 59] et ses mises à jour conformément au calendrier vaccinal en
Les personnes immunodéprimées et/ou aspléniques sont expo- vigueur. Il est recommandé de vacciner cet entourage immédiat
sées à un risque accru d’infections sévères responsables d’une contre la grippe saisonnière ; inversement, il est contre-indiqué
morbidité et d’une mortalité importantes. La vaccination est de vacciner, par un vaccin vivant atténué, contre la varicelle en
encore insuffisamment utilisée pour prévenir le risque infec- l’absence d’antécédents ou de sérologie négative (en cas de rash
tieux dans ces populations à risque. Les médecins, généralistes et ou d’éruption secondaire à la vaccination contre la varicelle, tout

12 EMC - Maladies infectieuses


Vaccinations  8-002-Q-10

contact avec la personne immunodéprimée doit être évité jusqu’à


Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
résolution complète, en raison du risque de transmission du virus
relation avec cet article.
vaccinal) ; contre le rotavirus chez le nourrisson. Le vaccin contre
les méningocoques A, C, Y, W et B est recommandé chez les per-
sonnes au contact d’un patient traité par anticorps anti-C5.
Remerciements : les auteurs souhaitent remercier le Dr H. Partouche et le Pr
J. Beytout pour leur relecture du manuscrit.
Vaccination en milieu professionnel [10]
Des recommandations ou obligations vaccinales sont spéci-
fiques à certaines professions, comme les vaccinations contre la  Références
leptospirose chez les personnes exposées (travail dans les canaux,
rivières, etc., égoutiers, etc.), et contre la rage pour les vétérinaires. [1] Perronne C. La vaccination : première méthode de prévention. Actual
Chez les professionnels de santé, un double but est recher- Doss Sante Publique 2010;71:2.
ché : protection individuelle des personnes exposées à des patients [2] Floret D, Torny D. Les vaccinations. Actual Doss Sante Publique
contaminants et la protection des soignés. 2010;71:13–48.
Les obligations concernent la diphtérie, le tétanos et la polio- [3] Plotkin SA. History of vaccination. Proc Natl Acad Sci U S A
myélite à 25, 45 et 65 ans. Le BCG reste obligatoire à l’embauche 2014;111:12283–7.
avec preuve de vaccination. La vaccination contre la typhoïde [4] Moulin AM. De l’inoculation à la vaccination. Actual Doss Sante
est obligatoire pour les personnels de laboratoire manipulant des Publique 2010;71:14–6.
selles. La vaccination contre l’hépatite B est obligatoire pour les [5] Plotkin SA, Orenstein WA, Offit PA. Vaccines. Amsterdam: Elsevier;
professionnels de santé exposés exerçant dans les établissements 2013.
de santé ou médico-sociaux et pour tous les étudiants des filières [6] Bazin H. L’Histoire des vaccinations. Paris: John Libbey; 2008.
de santé, avec désormais exigence d’une preuve de protection. [7] Debré P. Louis Pasteur. Paris: Flammarion; 1999.
[8] Bloom B, Lambert PH. The Vaccine book. Boca Raton: Academic
Les recommandations concernent les vaccinations contre :
Press; 2003.
• la grippe (annuelle en cas de contact avec des malades), et
[9] Rappuoli R, Black S, Lambert PH. Vaccine discovery and translation
la rougeole (une dose pour les personnes nées avant 1980 en
of new vaccine technology. Lancet 2011;378:360–8.
l’absence d’antécédent de rougeole ou de vaccination par deux [10] Direction générale de la santé. Comité technique des vaccinations.
doses) surtout pour les personnels travaillant au contact des Guide des vaccinations. Édition 2012. Saint-Denis: INPES; 2012,
immunodéprimés ; 488p.
• la coqueluche pour tous les professionnels de santé (rappels à [11] Langer-Gould A, Qian L, Tartof SY, Brara SM, Jacobsen SJ, Bea-
25, 45 et 65 ans avec la valence coqueluche) surtout pour les ber BE, et al. Vaccines and the risk of multiple sclerosis and
personnes travaillant au contact des nourrissons de moins de other central nervous system demyelinating diseases. JAMA Neurol
6 mois ; 2014;71:1506–13.
• la varicelle pour tous les professionnels de santé n’ayant pas [12] Lu B, Kumar A, Castellsagué X, Giuliano AR. Efficacy and safety
eu la maladie (sérologie négative), surtout pour les personnes of prophylactic vaccines against cervical HPV infection and diseases
travaillant au contact de patients immunodéprimés. among women: a systematic review and meta-analysis. BMC Infect Dis
2011;11:13.
[13] Siegrist CA, Lewis EM, Eskola J, Evans SJ, Black SB. Human papillo-
 Conclusion mavirus immunization in adolescent and young adults. a cohort study to
illustrate what events might be mistaken for adverse reactions. Pediatr
Infect Dis J 2007;26:979–84.
Ainsi, les vaccins offrent l’inestimable avantage d’éduquer [14] Bégué P, Girard M, Bazin H, Bach JF. Les adjuvants vaccinaux: quelle
le système immunitaire et d’induire l’élaboration des défenses actualité en 2012. Académie nationale de médecine, 2012.
immunitaires en évitant la maladie elle-même. Les vaccinations, [15] Mitkus RJ, King DB, Hess MA, Forshee RA, Walderhaug MO. Upda-
associées aux mesures d’hygiène, permettent de combattre ou ted aluminum pharmacokinetics following infant exposures through
d’éliminer des maladies infectieuses potentiellement mortelles et diet and vaccination. Vaccine 2011;29:9538–43.
d’éviter plus de deux millions de décès par an. L’éradication de [16] Autran B. Les bases immunologiques de la vaccination. Actual Doss
la variole, infection dont le taux de mortalité était d’environ Sante Publique 2010;71:25–7.
un tiers, par la vaccination est certainement la plus brillante [17] Chatenoud L, Bach JF. Immunologie. Paris: Médecine Sciences Publi-
démonstration de l’efficacité de ces stratégies. La vaccination anti- cations; 2012.
poliomyélite a permis d’éliminer de la plupart des pays cette [18] Janeway S. Immunobiology. London: K Murphy; 2012.
infection aux séquelles redoutables, et la vaccination antirou- [19] Coffman RL, Sher A, Seder RA. Vaccine adjuvants: putting innate
geole devrait permettre d’éradiquer une infection faussement immunity to work. Immunity 2010;33:492–503.
réputée bénigne, représentant une des premières causes de mor- [20] Plotkin SA. Correlates of protection induced by vaccination. Clin Vac-
talité infantile dans le monde. L’immunité induite par les vaccins cine Immunol 2010;17:1055–65.
confère non seulement un bénéfice individuel mais aussi une [21] Maisonneuve C, Bertholet S, Philpott DJ, De Gregorio E. Unleashing
protection de l’ensemble de la société pourvu que la couverture the potential of NOD- and Toll-like agonists as vaccine adjuvants. Proc
vaccinale atteigne un certain seuil. Ainsi, parmi les vaccins les Natl Acad Sci U S A 2014;111:12294–9.
plus récemment introduits, les vaccinations antipneumocoques [22] Comité consultatif mondial de la sécurité vaccinale. Adjuvants à base
de l’enfant limitent le taux d’infections invasives du sujet âgé, d’aluminium. Wkly Epidemiol Rec 2012;87(30):282–3.
et le vaccin anti-HPV multivalent destiné aux jeunes filles pro- [23] Siegrist CA. Les adjuvants vaccinaux et la myofasciite à macrophages.
tègent les garçons des papillomatoses HPV. La liste des succès des Arch Pediatr 2005;12:96–100.
réponses immunitaires engendrées par les vaccins est aussi longue [24] Combadière B, Boissonnas A, Carcelain G, Lefranc E, Samri A,
Bricaire F, et al. Distinct time-effects of vaccination on long-term pro-
que la mémoire immunitaire qu’ils induisent. Néanmoins, cette
liferative and IFN-␥ producing T cell memory to smallpox in humans.
mémoire peut s’épuiser telle la mémoire induite par le vaccin anti-
J Exp Med 2004;199:1585–93.
coqueluche nécessitant un rappel à l’adolescence et à l’âge adulte [25] Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à la simplification
afin de protéger le nouveau-né de cette maladie létale, grâce à la du calendrier vaccinal. 21 décembre 2012. www.hcsp.fr/explore.cgi/
stratégie du cocooning. Enfin, les succès des décennies de vacci- telecharger/hcspr20121221 simplificationcalendriervaccinal.pdf.
nations ont fait perdre, dans les sociétés modernes, la mémoire [26] Parent du Châtelet I, Antona D, Waku-Kouomou D, Freymuth F, Maine
des risques majeurs liés aux maladies infectieuses sévères. Cette C, Lévy-Bruhl D. La rougeole en France en 2008 : bilan de la déclara-
arme unique et irremplaçable de santé publique que constituent tion obligatoire. Bull Epidemiol Hebd 2009;(39–40).
les vaccins doit être préservée afin que l’engagement des généra- [27] Van Hoek AJ, Sheppard CL, Andrews NJ, Waight PA, Slack MP, Har-
tions passées contre les maladies à prévention vaccinale perdure et rison TG, et al. Pneumococcal carriage in children and adults two
s’étende à la prévention de nouvelles maladies ou que de nouvelles years after introduction of the thirteen valent pneumococcal conjugate
populations en bénéficient. vaccine in England. Vaccine 2014;32:4349–55.

EMC - Maladies infectieuses 13


8-002-Q-10  Vaccinations

[28] OMS. Révision des lignes directrices relatives à la vaccination par le [43] Lévy-Bruhl D, Bonmarin I, Desenclos JC. De l’utilisation de la modéli-
BCG des nourrissons exposés au risque d’infection par le VIH. Rel sation : l’exemple de la varicelle. Actual Doss Sante Publique 2010;71.
Epidemiol Hebd 2007;(21):18–24. [44] Recommandations sanitaires pour les voyageurs 2014. Bull Epidemiol
[29] Floret D. Procédures aboutissant à une recommandation vaccinale : Hebd 2014;(16–17).
rôle des institutions. De l’AMM aux remboursements. Actual Doss [45] Déclaration de l’OMS suite à la réunion du Comité d’urgence du
Sante Publique 2010;71:18–20. Règlement sanitaire international concernant la propagation inter-
[30] Jacquet A, Ouaret S, Kreft-Jaïs C. La pharmacovigilance des vaccins. nationale du poliovirus sauvage. http://www.who.int/mediacentre/
Actual Doss Sante Publique 2010;71. news/statements/2014/polio-20140505/fr/.
[31] Floret D, Deutsch P. The French Technical Vaccination Committee [46] Pequignot F, Hillon P, Antona D, Ganne N, Zarski JP, Mechain M, et al.
(CTV). Vaccine 2010;28(Suppl.):A42–7. Estimation nationale de la mortalité associée et imputable à l’hépatite C
[32] Comité technique des vaccinations. Conseil supérieur d’hygiène et à l’hépatite B en France métropolitaine en 2001. Bull Epidemiol
publique de France. Groupe de travail sur la vaccination contre les Hebd 2008;(27):237–40.
papillomavirus. 23 mars 2007. www.hcsp.fr/explore.cgi/a mt 090307 [47] Rapport de Recommandations 2014. Prise en charge des per-
papillomavirus.pdf. sonnes infectées par les virus de l’hépatite B ou de l’hépatite
[33] Haut Conseil de la santé publique. Vaccination contre le rotavirus des C. Sous la direction du Pr Daniel Dhumeaux et sous l’égide
nourrissons de moins de 6 mois. 28 mai 2010. www.hcsp.fr/explore. de l’ANRS et de l’AFEF. http://www.seronet.info/article/hepatites-
cgi/hcspr20100528 vacnourota6mois.pdf. virales-le-rapport-dexperts-2014.
[34] Haut Conseil de la santé publique. Commission spécifique « maladies [48] Institut de veille sanitaire. Infections invasives d’origine bactérienne.
transmissibles ». Comité technique des vaccinations. Rapport du Le réseau EPIBAC. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-thematiques/
groupe de travail. Vaccination par le vaccin conjugué contre le Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-vaccinale/Infections-
méningocoque C. 24 avril et 26 juin 2009. www.hcsp.fr/explore.cgi/ invasives-d-origine-bacterienne-Reseau-EPIBAC/Bulletin-du-reseau-
hcspr20090424 meningC.pdf. de-surveillance-des-infections-invasives-bacteriennes.
[35] Haut Conseil de la santé publique. Annexe 1 du rapport du [49] Barret AS, Deghmane AE, Lepoutre A, Fonteneau L, Maine C, Taha
HCSP Vaccination par le vaccin méningococcique Bexsero® . Ana- MK, et al. Les infections invasives à méningocoques en France en
lyse coût/efficacité de la vaccination par le vaccin Bexsero® contre 2012 : principales caractéristiques épidémiologiques. Bull Epidemiol
les infections invasives à méningocoque de sérogroupe B (IIM Hebd 2014;(1–2):25–31.
B). Octobre 2013. www.hcsp.fr/explore.cgi/Telecharger?NomFichier= [50] Ministère de la Santé et des Solidarités. Plan d’élimination de la rou-
hcspr20131025 vaccmeningocoqueBBexsero.pdf. geole et de la rubéole congénitale en France – 2005–2010. http://www.
[36] Haut Conseil de la santé publique. Vaccination des adultes contre sante.gouv.fr/IMG/pdf/plan elimination rougeole.pdf.
le zona. Place du vaccin Zostavax® . 23 octobre 2013. www.hcsp.fr/ [51] Antona D, Lévy-Bruhl D, Baudon C, Freymuth F, Lamy M, Maine
explore.cgi/hcspr20131025 vaccadultzonazostavax.pdf. C, et al. Measles elimination efforts and 2008–2011 outbreak, France.
Emerg Infect Dis 2013;19:357–64.
[37] Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à la politique vaccinale
[52] Floret D. Rougeole : quelles leçons tirer de l’épidémie ? J Anti Infec-
et à l’obligation vaccinale en population générale (hors milieu
tieux 2014;16:131–6.
professionnel et règlement sanitaire international) et à la levée des
[53] Floret D. La rougeole : comparaisons internationales. Actual Doss
obstacles financiers à la vaccination. 13 mars 2013 et 6 mars 2014.
Sante Publique 2010;71:27–31.
www.hcsp.fr/explore.cgi/hcspa20140306 poletobligvaccinalepopgene.
[54] Institut de veille sanitaire. Rubéole. http://www.invs.sante.fr/Dossiers-
pdf.
thematiques/Maladies-infectieuses/Maladies-a-prevention-
[38] Guthmann JP, Fonteneau L, Lévy-Bruhl D. Intérêts et limites de nou-
vaccinale/Rubeole/Donnees-epidemiologiques.
veaux outils d’évaluation de la couverture vaccinale en France. Bull [55] Coffinières E, Turbelin C, Riblier D, Aouba A, Levy-Bruhl D, Arena
Epidemiol Hebd 2013;(8–9):67–71. C, et al. Mumps: burden of disease in France. Vaccine 2012;30:7013–8.
[39] Torny D. De l’obligation vaccinale à la recommandation. Actual Doss [56] Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif à la conduite à tenir
Sante Publique 2010;71:16–8. en cas d’épisodes de cas groupés d’oreillons en collectivité. 11 juillet
[40] Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2014. 2013.
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Calendrier vaccinal ministere [57] Haut Conseil de la santé publique. Rapport : vaccination contre les
sante 2014-2.pdf. papillomavirus humains. 10 juillet 2014. www.hcsp.fr/explore.cgi/
[41] INPES. Calendrier vaccinal simplifié. http://www.inpes.sante.fr/ hcspr20140710 vachpvdonneesactualisees.pdf.
CFESBases/catalogue/pdf/1175.pdf. [58] Rubin LG. 2013 IDSA Clinical Practice Guideline for Vaccina-
[42] Launay O, Toneatti C, Bernède C, Njamkepo E, Petitprez K, Leblond tion of the Immunocompromised Host. Disponible sur http://cid.
A, et al. Antibodies to tetanus, diphtheria and pertussis among healthy oxfordjournals.org/content/early/2013/11/26/cid.cit684.full.
adults vaccinated according to the French vaccination recommenda- [59] HCSP. Rapport vaccination immunodéprimés et/ou aspléniques 2012,
tions. Hum Vaccin 2009;5:341–6. mise à jour 2014.

B. Autran (brigitte.autran@psl.aphp.fr).
Département d’immunologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, AP–HP, 83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.
UMR-S 1135 Inserm/UPMC, Centre de recherches en immunologie et maladies infectieuses, Université Pierre-et-Marie-Curie, 4, place Jussieu, 75005 Paris,
France.
O. Launay.
Inserm, CIC 1417 et F-CRIN, CIC Cochin-Pasteur, Innovative clinical research network in vaccinology (I-REIVAC), Hôpital Cochin, AP–HP, 27, rue du Faubourg-
Saint-Jacques, 75014, Paris, France.
Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, 12, rue de l’École-de-Médecine, 75006 Paris, France.
D. Floret, Professeur émérite.
Université Claude-Bernard Lyon 1, 45, rue des Essarts, 69500 Bron, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Autran B, Launay O, Floret D. Vaccinations. EMC - Maladies infectieuses 2016;13(1):1-14 [Article
8-002-Q-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

14 EMC - Maladies infectieuses


II - Grands Syndromes
8-003-A-10
ENCYCLOPÉDIE MÉDICO-CHIRURGICALE 8-003-A-10

Manifestations cutanéomuqueuses
des maladies infectieuses
C Brue R é s u m é. – Pour chaque type de lésion dermatologique cutanée ou muqueuse, nous
É Caumes citons les éventuels agents infectieux étiologiques. Pour chaque agent infectieux bactérien,
O Chosidow viral, fongique ou parasitaire, nous énumérons la (ou les) manifestation(s) dermatologique(s)
qu’ils peuvent provoquer.
© 1999, Elsevier, Paris.

Introduction – Dishydrose et eczéma dishydrosique R (secondaires à des infections


bactériennes ou fongiques ?).
La plupart des agents infectieux (bactéries, virus, champignons ou parasites)
peuvent être responsables de dermatoses extrêmement variées. Ainsi, devant Infections bactériennes
une lésion dermatologique, une origine infectieuse est régulièrement discutée. – Charbon ou pustule maligne (Bacillus anthracis) IN.
Dans un contexte infectieux, l’identification d’une lésion cutanée ou – Fièvre vésiculeuse ou Rickettsialpox (Rickettsia akari) T (États-Unis,
muqueuse peut, entre autres, aider de façon déterminante à établir Afrique).
précisément un diagnostic. L’identification d’un agent pathogène sur les
analyses microbiologiques ou anatomopathologiques de prélèvements Infections virales
pratiqués sur ces lésions permet parfois de confirmer ce diagnostic. – Herpès : herpes simplex virus (HSV).
Mode d’emploi : devant une lésion cutanée ou muqueuse, le lecteur pourra se – Zona : virus varicelle zona (VZV).
reporter à la première partie de l’article afin de voir quels agents infectieux – Varicelle (VZV).
peuvent être à l’origine de cette lésion.
– Syndrome mains-pieds-bouche (coxsackies A16, Echovirus [enteric
La lettre R indique qu’il s’agit d’une lésion réactionnelle à un agent cytopathogenic human orphan]).
infectieux.
D’autres lettres indiquent le contexte dans lequel surviennent certaines Infections parasitaires
infections : T : spécificité tropicale ; TI : terrain immunodéprimé ; IN : – Gale.
maladie d’inoculation. – Infections fongiques.
La deuxième partie de l’article énumère pour chaque agent infectieux les – Dermatophytie de la peau glabre : tous les dermatophytes.
différentes lésions cutanées qu’il peut causer.
– Dermatophytie inguinocrurale : Trychophyton rubrum, Epidermophyton
La troisième partie regroupe des iconographies de maladies bactériennes, floccosum, T. interdigitale.
virales, parasitaires ou mycosiques.
– Dermatophyties des mains et des pieds : T. rubrum, T. interdigitale, E.
floccosum, T. mentagrophytes : dermatophytie interdigitoplantaire ou « pied
Étiologies infectieuses à évoquer d’athlète », forme dyshydrosique.
devant des lésions cutanées
Bulles
Vésicules Infections bactériennes
• Eczémas – Impétigo : streptocoque, staphylocoque.
– Eczéma nummulaire R (focal sepsis). – Impétigo staphylococcique du nouveau-né.
– Eczéma microbien : eczéma microbien des plis, eczéma périorificiel, – Épidermolyse staphylococcique aiguë ou staphylococcal scaled skin
eczéma au pourtour d’un ulcère de jambe (bactéries et/ou produit de leur syndrome (SSSS) : S. aureus.
métabolisme). – Syphilis congénitale (Treponema pallidum).
– Ecthyma gangréneux (TI) ; septicémie à Pseudomonas aeruginosa.

Infections fongiques
Caroline Brue : Dermatologue. Dermatophytie dishydrosique : T. rubrum, E. floccosum, T. mentagrophytes.
Éric Caumes : Praticien hospitalier, service des maladies infectieuses et tropicales.
Olivier Chosidow : Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier, dermatologue,
service de médecine interne. Prurigo strophulus
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13,
France. Piqûres d’insectes.
© Elsevier, Paris

Toute référence à cet article doit porter la mention : Brue C, Caumes É et Chosidow O.
Érythème polymorphe vésiculobulleux R
Manifestations cutanéomuqueuses des maladies infectieuses. Encycl Méd Chir (Elsevier,
Paris), Maladies infectieuses, 8-003-A-10, 1999, 27 p.
HSV, vaccination antivariolique, antihépatite B, nodule d’orf (IN), nodules
des « trayeurs » (IN), oreillons, poliomyélite, VZV, adénovirus, grippe,
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

mononucléose infectieuse (MNI), hépatite virale, coxackie B5, Mycoplasma – Coxsackie.


pneumoniae, psittacose, ornithose, maladie de Nicolas et Favre, maladie des – Primo-infection au virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
« griffes du chat » (IN), salmonelloses, tuberculose, choléra (T), foyer – Parasitoses digestives : phase de migration de l’ascaridiase,
infectieux, streptococcies, histoplasmose, dermatophytes, parvovirus B19... ankylostomose, anguillulose, bilharzioses, distomatoses hépatiques ;
Porphyrie cutanée tardive trichinellose, toxocarose, taeniases ( ?) ; hydatidose fissuraire T.
– Mycoses.
VIH, hépatite C (R).
– C. albicans.
– Dermatophytes.
Pustules – Foyer infectieux bactérien dentaire, oto-rhino-laryngologique ou génito-
Pustules non folliculaires urinaire. Entérites à C. jejuni.
• Urticaires de contact
Pustulose microbienne
– Chenilles processionnaires, arthropodes, anémone de mer.
• Bactériennes
– Érythème polymorphe (Herpes HSV1 et HSV2, Mycoplasma
Impétigo staphylococcique. pneumoniae...) R.
• Virales – Prurigo (piqûres d’arthropodes, VIH).
– Maladie de Kaposi-Juliusberg : HSV. – Lésions annulaires :
– Zona, varicelle : VZV. – aiguës :
– Variole (small-pox). – érythème marginé rhumatismal (rhumatisme articulaire aigu [RAA]) ;
– Vaccine (cowpox). – trypanosomiase ouest-africaine (trypanides) T ;
– Monkeypox virose T. – mégalérythème épidémique ou cinquième maladie (parvovirus B19) ;
– chronique :
• Fongiques
– erythema migrans (borréliose de Lyme : Borrelia burgdorferi) IN
– Intertrigo candidosique. (morsure de tique).
– Dermatophyties de la peau glabre.
Papules par infiltrats cellulaires
Pustulose amicrobienne R
– Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter secondaire à une infection digestive Papules bactériennes
(shigelles, salmonelles, Campylobacter, Yersinia), génitale (Chlamydia – Syphilides : syphilis secondaire.
trachomatis, Ureaplasma urealyticum, Neisseria gonorrhϾ ?) ou autres R.
– Tuberculose cutanée :
– Bactérides pustuleuses d’Andrews (foyer infectieux) R.
– tuberculose verruqueuse ;
– SAPHO (synovite-acné-pustulose-hyperostose par ostéite) (Propio-
nibacterium acnes ?). – lupus tuberculeux ;
– tuberculose miliaire généralisée ;
Pustules folliculaires : folliculites – tuberculides papulonécrotiques ;
Bactériennes – lichen scrofulosorum.
– Folliculites staphylococciques. – Lèpre lépromateuse.
– Folliculites superficielles. – Angiomatose bacillaire (Bartonella henselae, B. quintana) TI.
– Folliculites profondes. – Verruga peruana (B. bacilliformis) T (Amérique du Sud).
– Sycosis staphylococcique. Papules virales
– Furoncle, anthrax. – Acrodermatite de Gianotti-Crosti (virus des hépatites A, B, C et CMV, virus
– Hidrosadénite. Epstein-Barr [EBV], Adénovirus, Echovirus, Coxsackie...) R.
– Pustulose gonococcique : septicémie à gonocoque (N. gonorrhœæ). – Lichen plan (hépatite C ? ; après vaccination hépatite B) (R).
– P. aeruginosa TI. – Lymphome human T-lymphotropic virus type 1 (HTLV1) T et TI.
– Acné (P. acnes). – Maladie de Kaposi (HHV 8) TI.
Parasitaires Papules parasitaires
– Rosacée : Demodex folliculorum (?). – Tungose (Tunga penetrans) T.
– Folliculite ankylostomienne : Ancylostoma sp. T. – Leishmaniose cutanée localisée de l’Ancien Monde (L. tropica, L. major...)
– Gale. et du Nouveau Monde (L. braziliensis, L. guyanensis...) T.
Fongiques – Surélèvements épidermiques serpigineux (cheminement de parasites) :
– Folliculites trichophytiques. – myiase sous-cutanée à Gastrophilus T ;
– Dermatophytie du cuir chevelu et de la barbe, kérion, sycosis – syndrome de larva migrans cutanée ankylostomienne T ou de Strongyloïdes
trichophytique. stercoralis (larva currens) T ;
– Folliculites des jambes : T. rubrum ou autre. – loase (loa loa) T ;
– Folliculites à Malassezia furfur. – gnathostomose T.
– Folliculite à Candida albicans. Papule furonculoïde
– Furoncles : Staphylococcus aureus, S. pyogenes.
Papules – Myiases : Hypoderma bovis, H. lineatum, Cordylobia anthropophaga,
Dermatobia hominis T.
Papules épidermiques
– Verrues planes communes : Papillomavirus humain (PVH) [3, 10] (TI).
– Épidermodysplasie verruciforme : PVH [5, 17] (TI).
Érythèmes

Papules œdémateuses Exanthèmes

Urticaire R Exanthème érythémateux maculeux et/ou papuleux


• Urticaire commune • Infections bactériennes
– Viroses. – Syphilis secondaire (syphilides, roséole).
– Hépatites A, B, C. – M. pneumoniae.
– MNI. – Rickettsioses IN :

page 2
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

– fièvre « pourprée » des montagnes Rocheuses (Richettsia rickettsi) T ; Érythème localisé


– fièvre boutonneuse méditerranéenne (R. conori) ;
Intertrigo
– typhus exanthématique (R. prowaseki) ;
– typhus murin (R. typhi) ; • Bactérien
– typhus des broussailles (R. tsutsugamuchi) T. – Erythrasma (Corynebacterium minutissimum).
– Bartonellose : fièvre des tranchées (B. quintana). – Dermoépidermites infectieuses (cf Vésicules).
– Fièvre Q (Coxiella burnetti). • Fongiques
– Sodoku (Spirillum minus, transmission par morsure de rat) IN. – Dermatophytie :
– Fièvre typhoïde : taches rosées lenticulaires. – dermatophytie inguinocrurale : T. rubrum, E. floccosum, T. interdigi-
– Brucellose. tale ;
– Méningococcémie. – dermatophytie interdigitoplantaire « pied d’athlète » : T. rubrum,
– Gonococcémie. T. interdigitale, E. floccosum, T. mentagrophytes.
– Leptospirose (bacille à Gram négatif [BG -] Leptospira, – Candidoses.
L. icterohemorragiae).
Érythème fessier du nourrisson
– Haverhilliose (Streptobacillus moniliformis BG-) (cosmopolite) IN.
– Atteinte primitive des plis :
– Roséole lépreuse.
– dermite séborrhéique : Malassezia furfur ?
• Viroses – infection à C. albicans.
– Rougeole (paramyxovirus). – atteinte des convexités : surinfection bactérienne et candidosique.
– Rubéole (togavirus)
Érythème d’origine parasitaire
– Herpès virus :
– MNI (EBV) ; Piqûres d’insecte ou simple contact.
– primo-infection CMV ; Érythèmes en « nappes » ou en « plaques »
– exanthème subit ou « sixième maladie » ou « roséole enfantine » (Herpès – Lymphangites.
virus type 6 et 7 : HHV6, HHV7). – Cellulites infectieuses :
– HHV7 : pityriasis rosé de Gibert ? – érysipèle : streptocoque β-hémolytique du groupe A ;
– Parvovirus B19 : mégalérythème épidémique ou « cinquième maladie ». – cellulite staphylococcique (staphylococcie maligne de la face) ;
– Entérovirus : Echovirus, coxackies. – cellulite nécrosante : streptocoque, staphylocoque, BG -, anaérobies,
– Adénovirus. Haemophilus influenzae, Pasteurella multocida, Acinetobacter...).
– Virus respiratoire syncytial. – Dermoépidermite microbienne.
– Hépatites A, B, C. – Dermite du bacille du rouget du porc (érysipéloïde de Baker-Rosenbach)
– Primo-infection VIH. (Erysipelothrix rusiopathiae) IN.
– Viroses tropicales avec syndrome algoéruptif T : – Lèpre.
– dengue ; – Syphilis tertiaire.
– fièvre West-Nile ; – Macules érythémateuses palmoplantaires de Janeway (endocardite lente).
– fièvre de Chikungunya ;
– fièvre O’Nyong-Nyong ; Dermatoses érythématosquameuses
– fièvre Sindbis ; – Pityriasis rosé de Gibert (HHV7 ?).
– polyarthrite épidémique ; – Psoriasis postinfectieux (rétrovirus ?).
– fièvre de Mayaro ; – Psoriasis en « goutte » : streptocoque R.
– fièvre de Crimée-Congo ; – Eczématides.
– fièvres hémorragiques (FH) virales. – Dermoépidermite microbienne ou mycosique.
– HTLV1 T. – Erythrasma.
• Infections parasitaires – Mycoses :
– Toxoplasmose aiguë bénigne. – Pityriasis versicolor (Malassezia furfur) ;
– Trypanosomiase (trypanides) T. – dermatophytie hyperkératosique des mains et des pieds : T. interdigitale,
T. rubrum, E. floccosum, T. mentagrophytes asteroides.
– Trichinose.
– dermatophyties de la peau glabre : tous les dermatophytes ;
• Agent infectieux suspecté mais non identifié – tokelau T. concentricum : T.
– Acrodermatite papuleuse infantile de Gianotti-Crosti : réactions – Lymphome HTLV1 T
postvaccinales ? Coxsackies ? EBV ? CMV ? toxoplasme ?
– Exanthème unilatéral latérothoracique Nécroses cutanées
– PRG : HHV7 ? – Purpura fulminans : méningocoque, Haemophilus, streptocoque,
pneumocoque, staphylocoque ; rarement viral ou mycosique.
Érythèmes scarlatiniformes
– Fasciites nécrosantes TI : streptocoque β-hémolytique, bacilles à Gram
– Scarlatine (streptocoque bêtahémolytique du groupe A) R. négatif, anaérobies, staphylocoque doré, Clostridium perfringens (gangrène
– Syndrome de choc toxique (TSS) (staphylocoque et streptocoque du gazeuse), fasciite nécrosante du périnée ou gangrène de Fournier.
groupe A) R. – Ecthyma gangréneux : septicémies à P. aeruginosa TI.
– Épidermolyse staphyloccocique aiguë. – Coagulation intravasculaire disséminée : septicémies, infections virales,
– Maladie de Kawasaki mycosiques (levures), parasitaires (paludisme), venins de serpent,
– Angine à Corynebacterium hemolyticum. P. fulminans, FH virales.
– Nécrose cutanée liée à une mucormycose : Rhizopus, Mucor, Absidia TI.
Érythrodermie
– Gale croûteuse généralisée. Nodules
– Lymphome HTLV1 T.
– Érythrodermie de Leiner Moussous ou dermite séborrhéique généralisée Bactéries
du nourrisson. – Angiomatose bacillaire (B. henselae, B. quintana) TI.
– Érythrodermie VIH CD8 + . – Verruga peruana (B. bacilliformis).
– TSS, épidermolyse staphylococcique aiguë. – Lymphocytome cutané (Lyme).

page 3
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

– Nodosités de Meynet (RAA). Gommes sous-cutanées


– Rhinosclérome (Klebsiella rhinoscleromatis). – Tuberculose (gommes : abcès froids métastatiques).
– Méningococcémie chronique. – Mycobactéries atypiques.
– Mycobactérioses atypiques (M. marinum). – Pasteurellose IN.
– Mycétome actinomycosique (Actinomycétome) T. – Syphilis tertiaire.
Virus – Sporotrichose (Sporothrix schenkii).
– Molluscum contagiosum (poxvirus). – Actinomycose (souvent cervicofaciale) (Actinomyces israeli).
– Maladie de Kaposi (HHV8) TI. – Botriomycose (S. aureus, S. pyogenes, P. aeruginosa).
– Nodule d’orf (parapoxvirus) IN.
– Nodule des « trayeurs » (Parapoxvirus) IN. Érosions, ulcérations
– Tanapox.
Ulcérations bactériennes
– Catpox cowpox.
– Ecthyma (S. pyogenes).
– Lymphome HTLV1 T.
– Ecthyma gangréneux : septicémie à P. aeruginosa TI.
Parasites et mycoses – Morve : P. mallei (BG-) T IN.
– Cysticercose sous-cutanée (larves cysticerques de Taenia solium). – Tularémie : Francisella tularensis IN.
– Onchocercose (Onchocerca volvulus) T. – Mélidoïdose : P. pseudomallei T (réservoir animal, transmission par
– Mycétomes fongiques (Eumycétome) T. contact du sol infecté).
– Mycoses profondes T et/ou TI : cryptococcose, histoplasmose, – Diphtérie cutanée : C. diphteriae.
blastomycose, coccidioïdomycose, pénicilliose, lobomycose. – Ulcère à Actinomyces pyogenes.
– Ulcérations syphilitiques (secondaire et tertiaire).
Végétations – Tréponématoses non vénériennes (pian, bejel) T.
– Ulcère tropical phagédénique (étiologie multifactorielle) T.
Bactéries et mycobactéries
– Syphilides végétantes (période II) et condylomata lata (syphilis Ulcérations à mycobactéries
secondaire).
– Mycobacterium tuberculosis : chancre tuberculeux, ulcérations
– Pian T (Treponema pertenue). tuberculeuses secondaires des lupus tuberculeux, du scrofuloderme, des
– Pyodermites végétantes (staphylocoque, streptocoque). gommes, des hypodermites.
Virus – Ulcère de Buruli (M. ulcerans) T.
– Verrues. – Autres mycobactérioses atypiques.
– Végétations vénériennes (PVH) : – Vaccination par le BCG.
– condylomes acuminés ; – Érythème noueux lépreux T.
– tumeur de Buschke-Loewenstein. – Actinomycétome T.

Mycoses T et/ou TI Ulcérations virales


– Blastomycose. – Herpès simplex.
– Cryptococcose. – CMV TI.
– Histoplasmose.
– Coccidioïdomycose. Ulcérations parasitaires
– Paracoccidioïdomycose. – Dracunculose T.
– Chromoblastomycose. – Leishmaniose cutanée T.
– Rhinosporidiose. – Amibiase T.
– Trypanosomiase (trypanome) T.
Tubercules Ulcérations fongiques T
– Syphilides tuberculeuses. – Aspergillose TI.
– Lupus tuberculeux (lupome). – Blastomycose : Amérique du Nord et du Sud, Afrique, Asie.
– Mycobactérioses atypiques. – Chromomycose T surtout mais cosmopolites.
– Mycobacterium marinum : granulome des piscines et des aquariums. – Coccidioïdomycose : Amérique du Nord et du Sud.
– Lèpre : lèpre lépromateuse (léprome) T. – Cryptococcose TI.
– Leishmaniose lupoïde T. – Eumycétome T.
– Histoplasmoses.
Infiltrat hypodermique – Paracoccidioïdomycose : Amérique latine.
Dermohypodermites nodulaires aiguës – Pénicilliose T.
– Érythème noueux R. – Phaeohyphomycose T mais cosmopolite.
– Streptocoque.
Ulcérations de localisation génitale ou périanale
– Yersiniose : Yersinia enterolitica et Y. pseudotuberculosis.
(cf Lésions muqueuses)
– Tularémie (Francisella tularensis) IN.
– Maladie de Nicolas et Favre (Chlamydia trachomatis).
– Maladie « des griffes du chat » IN, ornithose, psittacose, syndrome de
Purpura
Fiessinger-Leroy-Reiter... – Purpura « en gants et en chaussettes » : Parvovirus B 19, EBV, virus de la
rougeole.
– Primo-infection tuberculeuse.
– Purpura fulminans : cf nécroses cutanées [1, 7] .
Dermohypodermites aiguës : cf érysipèles – Purpura rhumatoïde : streptocoque ? (R ?).
et cellulites infectieuses (érythèmes) – FH (tableau I).
Dermohypodermites subaiguës nodulaires
– Tuberculose nodulaire dermohypodermique : érythème induré de Bazin. Vascularites
– Érythème noueux lépreux. – Streptocoque (endocardites).
– Périartérite noueuse (hépatite B, hépatite C). – Staphylocoque.

page 4
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

– BK (bacille de Koch). Œdème


– Rickettsioses.
– Bartonelloses. Face
– HBV. – Trichinose T.
– VHC (cryoglobulinémie, PAN [périartérite noueuse] cutanée). – Trypanosomiase T.
– VIH. – Cellulite infectieuse.
– Parvovirus B19. Membres
– Onchocercose : « gros bras camerounais » T.
Kératodermies palmoplantaires – Loase : œdème de Calabar T.
– Tréponémiques (syphilis, pian, bejel, pinta). – Filariose lymphatique T.
– « Clous cornés » blennorragiques : N. gonorrhœæ. – Cellulite infectieuse (cf Érythèmes).
– Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter secondaire à une infection digestive – Maladie de Kawasaki (mains).
(shigelles, salmonelles, Campylobacter, Yersinia), génitale (C. trachomatis,
Ureaplasma urealyticum) ou autres R. Pénis
– Dermatophyties palmoplantaires : T. rubrum, T. interdigitale, E. floccosum, – Herpès génital.
T. mentagrophytes. – Cellulite bactérienne.

Dyschromie Alopécies
Achromie Alopécies diffuses aiguës
– Leucomélanodermie de la syphilis secondaire (« collier de Vénus »). – Effluvium télogène secondaire à une infection aiguë R.
– Pityriasis versicolor. – Érysipèle du cuir chevelu : alopécie précoce locale et tardive diffuse.
– Épidermomycoses. – Syphilis : alopécie diffuse ou en « clairières », atteinte possible de la barbe,
– Lèpre tuberculoïde T. des cils et des sourcils « signe de l’omnibus ».
– Mal del Pinto (pinta, caraté) (Treponema carateum) T.
Alopécies diffuses progressives
– Pian T.
– Kala-azar T. Infections subaiguës ou chroniques (tuberculose).
– Onchocercose T.
Alopécies circonscrites non cicatricielles
Hyperpigmentations Teignes tondantes :
– Mélanodermie des vagabonds (phtiriase, gale chronique). – teignes microsporiques à grandes plaques : M. audouini, M. langeroni,
– Séquelles d’érythrodermie. M. canis, M. versicolor, M. gypseum, M. cookei ;
– Épidermomycose pigmentogène (tinea nigra) T (Cladosporium mansonii). – teignes trichophytiques à petites plaques : T. violaceum, T. tonsurans,
– Syphilides. T. soudanense.
– Lupus tuberculeux. Alopécie cicatricielle
– « Taches bleues » (Phtirius inguinalis). – Favus : T. schönleinii, T. quinckeanum, M. gypseum.
– États pyococciques : folliculite décalvante de Quinquaud, dermatose
Atrophies érosive pustuleuse du scalp, cellulite disséquante du scalp.
– Cicatrices et atrophies cicatricielles :
– cicatrice postinfectieuse ; Chute de la queue des sourcils et des cils
– syphilides et tuberculides atrophiantes ; Lèpre lépromateuse T.
– morphée lépreuse.
– Acrodermatite chronique atrophiante (maladie de Pick-Herxheimer) Atteinte des ongles
Borrelia burgdorferi.
Altération de la forme générale de l’ongle
Prurit, prurigo, lichénification
Hippocratisme R
Prurit généralisé sans lésion cutanée primitive – Atteinte thoracique :
– Viral : VIH, VHC. – affections bronchopumonaires : bronchectasies suppurantes, abcès du
poumon, tuberculose, blastomycose, pneumonie, P. carinii (TI) ;
– Parasitaire :
– affection cardiovasculaire : maladie d’Osler (endocardite bactérienne
– gale (Sarcoptes scabiei) ; subaiguë).
– filarioses : onchocercose, loase (?) T. – Atteinte hépatique : cirrhose.
– Prothèse aortique septique.
Prurit généralisé avec lésions cutanées
– Formes chirurgicales : infections.
– Prurigos :
– gale, phtiriase ; Koïlonychie
– VIH.
Onychomychoses et syphilis.
– piqûres d’insectes, prurigo strophulus.
– Urticaire (cf supra). Hypercourbure transversale de l’ongle
– Dermatoses spongiformes :
Ostéoarthrite.
– dermatophyties ;
– PRG. Altération de la surface de l’ongle
– Éruption vésiculobulleuse ou autre : varicelle.
Lignes transversales
Prurit localisé – Fièvre élevée.
– Prurit du cuir chevelu : phtiriase. – Rougeole.
– Prurit avec papules serpigineuses (cf supra : Papules œdémateuses). – Syphilis.

page 5
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

Érosions ponctuées Autres dyschromies


– Pytiriasis rosé de Gibert. – Jaune : sida, onychomycoses à dermatophytes.
– Syphilis secondaire. – Verte : P. aeruginosa, Aspergillus, leptospirose ictérohémorragique.
– Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. Ongle douloureux
– Paronychie aiguë et chronique.
Altération de l’ongle et des tissus périunguéaux – Abcès sous-cutané ou sous-unguéal (panaris).
– Tuberculose verruqueuse.
Onycholyse
– Ostéite, ostéomyélite.
– Fongiques.
– Herpès simplex.
– Virales (verrues, herpès, zona).
– Verrue sous-unguéale.
– Bactériennes (Pseudomonas, Proteus mirabilis, Corynebactéries, syphilis
secondaire, lèpre). – Maladie de Bowen.
– Infection secondaire.
Onychomadèse et chute de l’ongle
– Cause locale : inflammation (paronychie...). Étiologies infectieuses à évoquer
– Cause systémique : syndrome de Kawasaki, pyrexie élevée, syphilis. devant des lésions muqueuses
Hypertrophie de l’ongle et hyperkératose sous-unguéale Atteinte de la muqueuse buccale
– Onychogryphoses : onychomycose, syphilis, variole. Érosions et ulcérations buccales
– Hyperplasies unguéales (souvent associée à une onycholyse) : syndrome
de Reiter, onychomycose, gale croûteuse généralisée. Infections non spécifiques
– Hyperkératoses sous-unguéales : onychomycose distolatérale, gale – Gingivites et stomatites ulcéreuses.
croûteuse généralisée, syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter. – Gingivites et stomatites nécrotiques.
– Noma.
Hémorragies filiformes
– Arthrite (RAA). Virales
– Endocardite bactérienne subaiguë. – Herpès (primo-infection ou herpès récurrent).
– Onychomycoses – Varicelle et zona.
– Pneumopathies. – Virus coxsackie (maladie mains-pieds-bouche coxsackie, herpangine).
– Septicémie. – CMV
– Trichinose. – VIH.
– Toxocarose. – Maladie de Kaposi ulcérée (HHV8) TI.
Bactériennes
Altération des tissus périunguéaux – Syphilis et bejel.
Paronychies – Tuberculose.
– Aiguë : virale, bactérienne, fongique, parasitaire (tungose). – Pyodermite chancriforme.
– Chronique : mycotique, mycobactérienne, syphilitique, syndrome de – Gingivite streptococcique aiguë.
Fiessinger-Leroy-Reiter. – Gonococcie.
– Diphtérie.
Tumeurs et tuméfactions de l’appareil unguéal – Typhoïde.
– Verrues sous-unguéales et périunguéales. – Donovanose T.
– Maladie de Bowen, carcinome épidermoïde. – Tularémie IN.
– Maladie de Kaposi TI. – Lèpre.
– Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter.
Pustules
– Herpès simplex (primo-infection et récidives). Mycosiques T ou TI
– Syndrome mains-pieds-bouche. – Paracoccidioïdose.
– Infection sous-unguéale du nouveau-né à Veillonella. – Sporotrichose.
– Impétigo. – Cryptococcose.
– Paronychie aiguë. – Mucormycose.
– Dactylite bulleuse distale : streptocoque β-hémolytique. – Histoplasmose classique.
– Maladie de Fiessinger-Leroy-Reiter. – Histoplasmose à grandes formes.
– Gonorrhée. – Coccidioïdomycose.
Parasitaires
Modification de la couleur de l’ongle
Leishmanioses T.
Leuchonychie (« ongles blancs ») Perlèche : intertrigo du pli commissural des lèvres
– Onychomycose distolatérale, sous-unguéale proximale et leuco- – Mycosique : C. albicans.
nychomycose superficielle. – Bactérienne : streptocoques, staphylocoques, entérocoques, syphilis.
– Lèpre T. – Mixte : bactérienne et mycosique.
– Érythème polymorphe.
– Maladies infectieuses et fébriles Chéilite : état inflammatoire de la demi-muqueuse des lèvres
Staphylocoque et streptocoque.
Mélanonychie (ongles brun/noir) Verrues, papillome, condylome acuminé, hyperplasie épithéliale
– Onychomycoses à saprophytes. et focale (maladie de Heck) : PVH
– Mélanonychie longitudinale :
– syphilis secondaire ; Leucoplasies (PVH), Carcinome malpighien (PVH) ?
– maladie de Bowen ; Kératoses
– infection bactérienne ; – Candidoses chroniques.
– infection fongique. – Kératoses syphilitiques.

page 6
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

Stomatites Ulcérations avec ou sans adénopathies


Lésions localisées ou diffuses d’apparition aiguë de la muqueuse buccale. – Syphilis primaire.
– Chancre mou (H. ducreyi).
Stomatites vésiculeuses – Donovanose.
– Herpès : primo-infection et infection réccurente. – Lymphogranulome vénérien.
– Varicelle. – Herpès génital.
– Zona.
– Syndrome pieds-mains-bouche. Nodules et tumeurs avec ou sans ulcérations
– Primo-infection VIH. – Infection à PVH : condylome acuminé, tumeur de Buschke-Lowenstein,
néoplasie intraépithéliale.
Stomatite bulleuse – Lymphogranulome vénérien T.
– Érythème polymorphe. – Mycose profonde.
– Variole. – Ulcération herpétique chronique TI.
– Maladie de Kaposi TI.
Stomatite pustuleuse
– Impétigo des muqueuses : streptocoque et staphylocoque. Masses de la région anogénitale avec ou sans abcès, fistule
– Vaccine. ou formation granulomateuse
– Variole : poxvirus. • Maladies sexuellement transmissibles (MST)
– Lymphogranulome vénérien.
Aphtose – Donovanose T.
VIH. • Autres
Muguet : C. albicans et parfois non albicans TI. – Infections staphylococciques : furoncles.
– Lymphadénites.
Stomatite érythématoérosive : C. albicans. – Tuberculose orificielle.
Leucoplasie orale chevelue (EBV) TI – Amibiase cutanée T.
Complications locales – Actinomycose.
ou de voisinage – Filariose lymphatique (éléphantiasis scrotal) T.
– Abcès.
Prurit anal
– Cellulites circonscrites aiguës.
– Bactérien : staphylocoque doré, Streptocoque β-hémolytique du groupe A
– Cellulites chroniques. (anite streptococcique).
– Fistules cutanées d’origine dentaire. – Mycose : C. albicans.
– Actinomycose : A. bovis, Nocardia asteroides, Actinobacterium israeli. – Parasites : gale, oxyures.
Inflammations aiguës de l’oropharynx Lésions muqueuses génitales chez l’homme
Angines érythémateuses ou érythématopultacées Balanoposthite : inflammation du gland et du prépuce
– Bactéries : – C. albicans.
– streptocoque β-hémolytique du groupe A ; – Gardnerella vaginalis.
– Haemophilus influenzae ; – Trichomonas vaginalis.
– staphylocoque ; – Syphilis.
– méningocoque et pneumocoque. – Balanite circinée du syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter.
– Virus :
Papules et plaques génitales
– Adénovirus ;
– Verrues génitales : M. contagiosum et condylomes.
– grippe ;
– Syphilis.
– MNI.
– Nodules scabieux (en général multiples).
Angines pseudomembraneuses – Syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter avec balanite circinée R.
– MNI. – Papulose bowénoïde et néoplasie intraépithéliale (PVH).
– Diphtérie. Urétrites chez l’homme
Angines ulcéronécrotiques unilatérales – Neisseria gonorrhœæ.
– Angine de Vincent. – C. trachomatis.
– MNI. – Ureaplasma urealyticum.
– Chancre syphilitique. – M. genitalium.
– T. vaginalis.
Angines vésiculeuses
Lésions de la muqueuse génitale chez la femme
Herpangine
Vulvovaginites
Suppurations intra- et péripharyngées – T. vaginalis.
– Phlegmon périamygdalien. – C. albicans.
– Abcès rétropharyngé. – Vaginose bactérienne : G. vaginalis.
Amygdalites chroniques – M. hominis.
– Virus Herpès simplex.
Atteinte des muqueuses génitales – N. gonorrhœæ.
– C. trachomatis.
Lésions muqueuses génitales chez l’homme et la femme
Papules et plaques génitales
Vésicules ou bulles – Verrues génitales : M. contagiosum et condylomes.
– Érythème polymorphe R (Herpès simplex ou mycoplasme). – Syphilis.
– Herpès génital. – Papulose bowénoïde et néoplasie intraépithéliale (PVH).

page 7
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

Manifestations cutanées et muqueuses Bactéries


des agents infectieux
Infections dues à des bactéries à Gram positif
(tableaux I à VI).
Streptocoques
Tableau I. – Principales fièvres hémorragiques [15].
Impétigo, ecthyma, pyodermites végétantes, cellulite infectieuse aiguë,
Virus lymphangite aiguë, fasciite nécrosante, scarlatine, syndrome de choc toxique,
Parasites Bactéries
Arbovirus Autres virus
purpura fulminans, manifestations de l’endocardite bactérienne subaiguë
(pétéchies, hémorragies sous-unguéales en « flammèches », nodosités
Paludisme Septicémie F jaune F de Lassa d’Osler, macules érythémateuses palmoplantaires de Janeway), érythème
Leishmaniose Peste Dengue M de Marburg
Borréliose F de la Vallée du Rift M d’Ebola
noueux, érythème polymorphe, manifestation du RAA (érythème marginé,
Leptospirose FH Crimée-Congo FH d’Argentine nodosités de Meynet), anite streptococcique.
Typhoïde Chikungunya FH de Bolivie
Bartonellose FH d’Omsk Rougeole grave Staphylocoques
Typhus exanthé- Maladie de la forêt de FH avec syn-
matique Kyasanur drome rénal
Impétigo, ecthyma, pyodermites végétantes, granulome pyogénique,
F : fièvre; FH : fièvre hémorragique; M : maladie.
botriomycose, impétigo staphylococcique du nouveau-né, cellulite
infectieuse dont la staphylococcie maligne de la face, épidermolyse
Tableau II. – Infections bactériennes systémiques d’expression cutanée [14]. staphylococcique aiguë, syndrome de choc toxique, folliculite (dont sycosis),
Infections tropicales Infections cosmopolites furoncle, anthrax, furonculose, périonyxis, panaris, hidrosadénite, lésions au
cours d’une bactériémie ou d’une septicémie à staphylocoque (pustules, abcès
Fièvre typhoïde RAA sous-cutanés, purpura purulent, nodules sous-cutanés).
Bartonellose : fièvre d’Oroya Scarlatine
Peste septicémique Maladie de Lyme
Mélioïdose Rickettsioses Clostridium perfringens
Fièvre Q
Angiomatose bacillaire Cellulite, gangrène gazeuse, folliculite.
Brucellose
Leptospirose
Haverhilliose Nocardia
Sodoku
Infections à méningocoques et à gonocoques Abcès cutané, ulcères, cellulites, lymphangite nodulaire, mycétome.
Choc toxique staphylococcique
Choc toxique streptococcique
Épidermolyse staphylococcique aiguë Actinomyces israelii
RAA : rhumatisme articulaire aigu.
Actinomycose cervicofaciale.
Tableau III. – Affections secondaires à une inoculation cutanée après morsure, griffure ou contact animal ou avec des produits animaux [15, 17].

Maladie Germe Réservoirs Symptomatologie Atteinte cutanée à distance


locorégionale
Charbon Bacillus anthracis Moutons Escarre noirâtre
Érysipéloïde Erysipelothrix rhusopathiae Porcins, poissons coquillages, volailles Placard rouge violacé, adénite
Maladie des « griffes du chat » Bartonella henselae Chat Nodule, adénopathie
Catpox Cowpox-catpox Chat Papulovésicule, adénopathie
Pasteurellose Pasteurella multocida Chat et chien Cellulite infectieuse, adénite...
Brucellose Brucella melitensis Bovins, porcins, caprins Abcès Exanthème
Sodoku Spirillum minus Rat Cellulite infectieuse, adénite Exanthème
Haverhilliose Streptobacillus moniliformis Rat Exanthème
Leptospirose Leptospira sp Rats, eaux contaminées Exanthème
Morve Pseudomonas mallei Cheval Nodule, cellulite, nécrose
Nodule d’Orf Pox virus Ovins, caprins Nodule(s), lymphangite, adénite
Nodule du « trayeur » Paravaccinia Bovins Nodules

Tableau IV. – Manifestations cutanées des infections bactériennes systémiques (mycobactéries et maladies sexuellement transmissibles exclues) [15].
Maladie Manifestations cutanées Bactéries responsables
Rhumatisme articulaire aigu Nodosités de Meynet, érythème marginé Streptocoques du groupe A
Endocardite lente ou subaiguë Purpura pétéchial, nodosité d’Osler, placards palmoplantaires Streptocoques
de Janeway, hémorragies sous-unguéales en « flammèches »
Endocardite aiguë Embolie septique périphérique : pustules, abcès, purpura pustuleux Staphylococcus, aureus, bacilles à Gram négatif
Scarlatine Exanthème diffus micropapuleux, glossite caractéristique Streptocoque du groupe A
Épidermolyse staphylococcique aiguë Épidermolyse Staphylococcus aureus produisant une exfoliatine
Méningococcémie chronique Macules, papules, nodules aseptiques et hémorragies, purpura Méningocoques
Fièvre typhoïde* Taches rosées lenticulaires, angine de Duguet, purpura Salmonella typhi
Bartonellose* Verruga peruana : forme miliaire, nodulaire Bartonella bacilliformis
Peste* Bubon Yersinia pestis
Brucellose Exanthème papulonodulaire Brucella melitensis, B. abortus suis, B. abortus bovis
Haverhilliose+ Exanthème maculopapuleux Streptobacillus moniliformis
Sodoku+ Escarre d’inoculation, exanthème maculopapuleux Spirillum minus
Mélioïdose* Formes aiguës et chroniques Pseudomonas pseudomallei
Maladie de Lyme Érythème chronique migrant, lymphocytome cutané bénin, Borrelia burgdorferi
acrodermatite chronique atrophiante
Leptospirose Exanthème orangé Leptospira sp.
Rickettsiose Exanthème fébrile +/- tache noire Rickettsia sp.
Angiomatose bacillaire Papulonodule angiomateux Bartonella henselae, B. quintana
Érythème polymorphe Exanthème Mycoplasma pneumoniae, herpès simplex
parvovirus B 19
Purpura fulminans Purpura extensif souvent nécrotique Méningocoques+++, pneumocoques, Haemophilus influenzae, strep-
tocoques ?
Purpura vasculaire Purpura infiltré souvent pustuleux Méningocoques, gonocoques, rickettsies, salmonelles
Syndrome de choc toxique Exanthème S. aureus produisant la toxine TSST-1 ; streptocoques produisant
des toxines érythrogènes, pseudomonas aeruginosa
Érythème noueux Hypodermite nodulaire Streptocoques ; Yersinia enterolitica
*répartition géographique limitée
+ Maladies d’inoculation (cf tableau III).

page 8
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

Tableau V. – Manifestations cutanées infectieuses chez l’immunodéprimé.


Agent infectieux Signes cliniques

Bactéries
Staphylocoque doré, streptocoque du groupe A, Cellulites infectieuses, folliculites, furoncles, surinfections de plaies
Pseudomonas aeruginosa
Bacilles à Gram négatif, anaérobies
Pseudomonas aeruginosa Ecthyma gangreneux*
Mycobactéries Papules verruqueuses hyperkératosiques, abcès sous-cutanés, ulcérations, nodules sous-
M marinum, M chelonei, M kansasii, M szulgai, M fortuitum, M haemophilum, M avium intra- cutanés, vésiculopustules
cellulare, M ulcerans, M africanum
Nocardiose Abcès cutanés, cellulite avec nodules et pustules, lésions suppuratives chroniques
Bartonella henselae, quintana Angiomatose bacillaire
Virus
Herpès simplex virus Herpès
Virus varicelle zona Zona, varicelle
Human herpes virus 8 Maladie de Kaposi
EBV Leucoplasie orale chevelue
Papillomavirus humain 5 et 17 Épidermodysplasie verruciforme
CMV Éruptions cutanées, macules, papules, ulcérations, pétéchies. Ulcérations de la langue, de
la muqueuse buccale et du pharynx
HTLV Dermite des Jamaïcains, LLAT
Poxvirus Molluscum contagiosum
Parasite
Sarcoptes scabei Gale croûteuse généralisée
Demodex folliculorum Folliculites
Pneumocystis carinii Nodules, cellulites infectieuses
Mycoses
Candidose (le plus fréquent) Macules érythémateuses purpuriques et pustuleuses, nodules, papulopustules, nodules ul-
cérés, cellulites
Aspergillose (2eplus fréquent) Plaque indurée, cellulite. Éruption maculopapuleuse, lésions granulomateuses, pustules,
A fumigatus, A flavus, A terreus, A nidulans ulcérations croûteuse
Aspergillose cutanée primaire au site d’injection : bulles hémorragiques, nodules nécroti-
ques, cellulites
Cryptococcose : Cryptococcus neoformans Papules ombiliquées, pustules, plaques, vésicules, œdème sous-cutané, ulcère, abcès, lé-
sions verruqueuses, ecchymoses, cellulites infectieuses
Mucormycose Macules érythémateuses devenant secondairement vésiculeuses, puis nécrotiques
Histoplasmose : Histoplasma capsulatum Ulcérations persistantes, papules ombiliquées, pustules, purpura, cellulite, nodules sous-
cutanés, végétations
Coccidioïdomycose Papules, papulopustules, granulomes verruqueux, nodules sous-cutanés, abcès, ulcération
Blastomycose Multiples nodules sous-cutanés évoluant vers l’ulcération
Chromomycose Papules ombiliquées
Dermatophytes
T. rubrum Plaques érythématosquameuses, folliculite, nodules violacés
LLAT : leucémie/lymphome T de l’adulte. HTLV : human T-lymphotropic virus ; CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus Epstein-Barr.

Tableau VI. – Stomatites au cours des fièvres éruptives et des maladies Neisseria gonorrhœæ
infectieuses. – Urétrite, proctite, pharyngite, vulvovaginites.
Maladie Atteinte de la muqueuse buccale – Gonococcémie : lésions érythématovésiculeuses ou pustuleuses, bulles
Scarlatine Langue blanche puis framboisée
hémorragiques.
Rougeole Signe de Köplick : très petits points blanc
grisâtre ou bleuâtre à la face interne des Pseudomonas
joues
Rubéole Signe de Köplick parfois, énanthème – P. aeruginosa :
Oreillons Stomatite érythémateuse ou érythémato- – infections localisées et lésions surinfectées : paronychie avec ongles
pultacée
- Fièvre typhoïde Ulcérations bleus ou verts, intertrigo interorteils, otite externe (chondrite,
- Brucellose périchondrite, otite externe maligne), folliculite, ecthyma gangréneux ;
- VIH Aphtose, stomatite vésiculeuse
- Syndrome main-pieds-bouche Stomatite vésiculeuse – septicémie : vésicules et bulles, ecthyma gangréneux, cellulite
- Varicelle Stomatite vésiculeuse infectieuse, macules ou papulonodules.
- Variole Stomatite érosive
- Glossite herpétique Stomatite vésiculeuse
– P. putrefasciens : cellulite infectieuse.
VIH : virus de l’immunodéficience humaine. – P. mallei : morve :
– morve aiguë : nodules ulcérés ;
Corynebactéries
– morve chronique : nodules ulcérés et fistulisés ;
– C. diphteriae : diphtérie cutanée.
– morve septicémique : abcès nécrotiques, gangrène, exanthème, lésions
– C. minutissimum : erythrasma.
papuleuses, bulleuses ou pustuleuses.
– Corynebactéries du groupe JK : cellulites, purpura, abcès, nécrose.
– P. pseudomallei : mélioïdose :
– P. acnes : acné, folliculite, SAPHO (?), septicémie.
– aiguë : ulcération, cellulite, pustules, ecthyma gangréneux ;
Bacillus cereus – abcès sous-cutanés, fistules.
Fasciite nécrosante ou bulles nécrotiques
Haemophilus
Bacillus anthracis – H. influenzae : cellulite infectieuse.
Charbon. – H. ducreyi : chancre mou.

Erysipelothrix rusiopathiae Pasteurella multocida


Érysipéloïde.
Pasteurellose : ulcération, fistulisation, cellulite, lymphangite, nécrose, abcès.
Infections dues à des bactéries à Gram négatif
Francisella tularensis
Neisseria meningitidis – Tularémie : complexe ulcéroganglionnaire.
– Méningococcie aiguë et méningite : exanthème transitoire, purpura – Exanthème, érythème noueux, érythème polymorphe : rarement associés.
fulminans.
– Méningococcémie chronique : macules et papules rosées, nodules, purpura Bacteroïdes species
pétéchial + /- vésiculopustules, lésions hémorragiques, nodules
hémorragiques. Gangrène gazeuse.

page 9
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

Klebsiella – Tuberculose secondaire : scrofuloderme (ulcération), tuberculose


– Klebsiella rhinoscleromatis : rhinosclérome : nodules parfois ulcérés, orificielle (ulcération), tuberculose verruqueuse, gommes, abcès froids,
lésions des muqueuses nasales et pharyngées. tuberculose miliaire (éruption cutanéomuqueuse papulonodulaire,
– Calymmatobacterium granulomatosis : donovanose. vésiculeuse et hémorragique), lupus tuberculeux, érythème induré de Bazin.

Autres bactéries à Gram négatif Bacille de Calmette-Guérin (BCG)


– Non spécifiques : urticaire, exanthème, eczéma, érythème polymorphe,
Escherichia coli, Proteus sp., Klebsiella sp., Enterobacter sp., Serratia érythème noueux, chéloïde.
marcescens, Vibrio vulnificus : cellulites infectieuses, hypodermite
nécrosante. – Spécifiques : abcès local (bécégite), adénite axillaire satellite, lupus
tuberculeux, tuberculose verruqueuse, gomme tuberculeuse ; scrofuloderme
Salmonelloses : Salmonella (S) typhi, ou S. paratyphi A, B ou C axillaire, érythème induré de Bazin (?), lichen scrofulosorum.

Fièvre typhoïde : taches rosées lenticulaires, angine de Duguet, effluvium Mycobactéries atypiques
télogène, onychodystrophie avec lignes de Beau. – M. balnei, M. marinum : granulome des piscines.
Bartonella bacilliformis – M. ulcerans : ulcère du Buruli.
– M. kansasii : lésions polymorphes.
Verruga peruana : formes miliaire, nodulaire, mulaire. – M. fortuitum : abcès.
Brucella melitensis, B. abortus bovis, B. abortus suis – M. chelonei : abcès sporotrichoïdes.
– M. avium intracellulare : fasciites, miliaire.
Brucellose : exanthème (érythème, papules, urticaire, vésicules, prurit, – M. szulgai : fasciites, fistules.
desquamation), rarement abcès sous-cutané, fistulisation.

Streptobacillus moniliformis Mycobacterium leprae : lèpre


– Tuberculoïde polaire : plaques hypopigmentées, anesthésiques.
Haverhilliose : exanthème maculopapuleux. – Borderline tuberculoïde : plaques hypo- ou anesthésiques.
Spirillum minus – Borderline : lésions annulaires polymorphes.
– Borderline lépromateuse : plaques annulaires infiltrées ou nodules.
Sodoku : papulovésicule d’inoculation, exanthème maculopapuleux. – Lépromateuse polaire : infiltration diffuse ou nodulaire (lépromes),
disséminée, symétrique ; macules lépreuses diffuses, faciès léonin, chute de
Yersinia pestis la queue des sourcils.
Peste : bubon. – Séquelles : traumatismes, brûlures, maux perforants, infection secondaire.
Rarement amylose, effondrement du nez.
Spirochètes – États réactionnels : réactions de réversion, érythème noueux lépreux.
Tréponèmes Divers
• Treponema pallidum : syphilis
Mycoplasme
– Primaire : chancre syphilitique.
– M. pneumoniae : exanthème maculopapuleux, érythème polymorphe,
– Secondaire : syndrome de Lyell (?).
– première floraison : roséole syphilitique, leucomélanodermie
– M. hominis : cervicite, vulvovaginite.
séquellaire, lésions muqueuses (plaques fauchées de la langue,
pseudoperlèche, érosions génitales), alopécie en « clairière » ; – U. urealyticum : urétrite, syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter.
– deuxième floraison : syphilides papuleuses, papules rouges cuivrées – U. genitalium : urétrite.
avec collerette de Biett, plus rarement lésions psoriasiforme, séborrhéique,
acnéiformes, pustuleuses, érosives, ulcérées, végétantes. Chlamydioses
– Tertiaire : tubercules et gommes. – C. trachomatis sérotype D, K ; chez l’homme : urétrite, anite, syndrome de
Fiessinger-Leroy-Reiter ; chez la femme : cervicite, vulvovaginite.
• Treponema pertenue : pian
– C. trachomatis sérotype L : maladie de Nicolas et Favre.
– Pian précoce : ulcération, éruption de lésions papillomateuses suintantes
(pianomes) ou de papules sèches (pianides), hyperkératose palmoplantaire, Gardnerella vaginalis
rares plaques muqueuses.
– Pian tardif : gommes, ulcérations, ulcération mutilante médiofaciale, Vaginose bactérienne.
« gangosa », nodosités juxta-articulaires, dyschromies pintoïdes.
Rickettsies
• Treponema endemicum : bejel
– Rickettsia (R) conori : fièvre boutonneuse méditerranéenne : tache noire,
Perlèche, plaques muqueuses buccales et périanogénitales ; syphilides exanthème maculopapuleux.
papuleuses ; bejel tardif : gomme ulcérée, gangosa, nodules juxta-articulaires. – R. prowaseki : typhus exanthématique : exanthème maculopapuleux
• Treponema carateum : carate (pinta)
purpurique.
– R. typhi : typhus murin : exanthème maculeux.
– Précoce : plaque érythématosquameuse parfois dyschromique, éruption de
pintides analogues à la lésion initiale. – R. rickettsii : fièvre pourprée des montagnes Rocheuses : exanthème
– Tardif : carate ; plages dyschromiques, hyperkératose palmoplantaire. maculopapuleux purpurique.
– R. akari : fièvre vésiculeuse : tache noire, exanthème vésiculeux.
Leptospira interrogans – R. tsutsugamuchi : typhus des broussailles : tache(s) noire(s), exanthème
maculeux.
Leptospirose : exanthème orangé, ictère, purpura.
– R. africae : fièvre africaine à tique : tache noire, lymphangite.
Borrelia burgdorferi
Bartonelloses
Maladie de Lyme : érythème migrant, lymphocytome cutané bénin, – Bartonella quintana :
acrodermatite chronique atrophiante. – fièvre des « tranchées » : exanthème maculeux ;
Mycobactéries – angiomatose bacillaire : papulonodule angiomateux.
– B. bacilliformis :
Mycobacterium tuberculosis – fièvre de la Oraya : purpura ;
– Tuberculose primitive : chancre tuberculeux. – verruga peruana : nodule.

page 10
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

– B. henselae : Human Herpes Virus 6


– maladie « des griffes du chat » ; Exanthème subit.
– angiomatose bacillaire.
Human Herpes Virus 7
Ehrlichioses
Exanthème subit, pityriasis rosé de Gibert ?
Ehrlichia canis : ehrlichiose, exanthème maculopapuleux ou pétéchial,
érythème diffus. Human Herpes Virus 8
Coxiella burnetti Maladie de Kaposi.
Fièvre Q : exanthème. Papovaviridae
Papillomavirus humain (plus de 60 types) : verrues, épidermodysplasie
Virus verruciforme, condylomes acuminés, hyperplasie épithéliale et focale
(maladie de Heck), papillomatose laryngée.
Poxviridae Oncogénicité : papulose bowénoïde, néoplasie intraépithéliale vulvaire ou du
pénis, tumeur de Buschke-Löwenstein, carcinome épidermoïde.
Variole
Éruption vésiculopustuleuse, énanthème, cicatrices indélébiles. Adenoviridae
Adénovirus (plus de 40 types) : exanthèmes, syndrome de Gianotti-Crosti.
Vaccine
Vaccine localisée (vésiculopustule), vaccine généralisée (eczéma Hepadnaviridae
vaccinatum), vaccine nécrosante (vaccinia necrosum).
Virus de l’hépatite B (VHB)
Catpox, cowpox – Phase préictérique : urticaire, purpura pétéchial, exanthème
Nodule. maculopapuleux, syndrome de Gianotti-Crosti, érythème noueux.
– Phase d’hépatite chronique active : périartérite noueuse, purpura
Monkeypoxvirus rhumatoïde, syndrome de Raynaud, cryoglobulinémie mixte.
Monkeypox : lésions proches de celles de la variole. Parvoviridae
Nodule d’orf Parvovirus B19
Macule, puis papule et nodule. Mégalérythème épidémique (exanthème maculopapuleux du visage, macules
Complications : érythème polymorphe, surinfection bactérienne. rose pâle circinées en « guirlande » des membres), purpura vasculaire,
éruption vésiculopustuleuse, purpura en « gants et en chaussettes ».
Nodule du « trayeur »
Paramyxoviridae
Macule, puis papule et nodule.
Complications : érythème polymorphe, surinfection bactérienne. Virus ourlien
Molluscum contagiosum Oreillons : turgescence de l’orifice du canal de Sténon, parfois pharyngite
érythémateuse.
Papules perlées ombiliquées
Virus morbilleux
Tanapox – Rougeole : signe de Köplick, exanthème maculopapuleux, desquamation.
Papule, puis nodule et ulcération. – Purpura « en gants et en chaussettes ».

Herpes viridae Rhabdoviridae


Herpès simplex virus (HSV) Vésiculovirus
Vésicules, érosions postvésiculeuses. Stomatite vésiculeuse.
– Primo-infection herpétique cutanéomuqueuse : gingivostomatite
herpétique aiguë (HSV1), primo-infection génitale (HSV2) : vulvovaginite ; Picornaviridae (entérovirus)
autres : cutanée pure, kératoconjonctivite aiguë, lésions étendues nécrotiques
chez l’immunodéprimé, pustulose varioliforme de Kaposi-Juliusberg chez Coxsackie A
l’atopique.
Herpangine.
– Herpès récurrent : herpès labial, herpès nasal ou narinaire, stomatite
herpétique, kératite herpétique, herpès génital récidivant. Coxsackie A 16.
Virus varicelle-zona (VZV) Syndrome mains-pieds-bouche.
– Varicelle : éruption vésiculeuse cutanéomuqueuse ; complication :
surinfection bactérienne. Echovirus
– Zona : placard érythématovésiculeux unilatéral, bulles ; chez Syndrome de Gianotti-Crosti, exanthèmes, syndrome mains-pieds-bouche,
l’immunodéprimé : zona hémorragique, nécrotique ou généralisé. pustuloses.
Virus Epstein-Barr Entérovirus 68 à 72
– Primo-infection à EBV : exanthème, syndrome de Gianotti-Crosti,
manifestations cutanées liées au froid, œdème palpébral bilatéral, atteinte Conjonctivite, pustulose exanthématique.
muqueuse (angine, pétéchies du voile, gingivite), panniculite ? Purpura « en
gants et en chaussettes ». Virus de l’hépatite A
– Infection postprimaire (chez l’immunodéprimé) : exanthèmes, leucoplasie Urticaire, exanthème maculopapuleux, syndrome de Gianotti-Crosti.
orale chevelue.
Flaviviridae
Cytomégalovirus
Virus amaril
Érythème morbilliforme, ulcérations cutanées et/ou muqueuses, périartérite
noueuse (?) ou autre type de vascularite, lésions kératosiques. Fièvre jaune : syndrome hémorragique.

page 11
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

Virus de la dengue – Carcinomes épidermoïdes.


Dengue : syndrome hémorragique, syndrome algoéruptif. • Infections
– Infections bactériennes : streptococcies, staphylococcies, syphilis,
Virus de l’hépatite C angiomatose bacillaire, complications du BCG, mycobactérioses.
Urticaire, érythème noueux, érythème polymorphe, syndrome de Gianotti- – Infections virales : herpès, varicelle, zona, molluscum contagiosum,
Crosti, lichen plan (?), porphyrie cutanée tardive, vascularite infections à CMV, infections à PVH, leucoplasie orale chevelue, vaccine
(cryoglobulinémie, PAN cutanée), prurit, prurigo, syndrome des « doigts généralisée nécrotique ; primo-infection à VIH (exanthème, atteinte
rouges ». muqueuse).
– Infections mycosiques : candidose buccale, dermatophyties,
Togaviridae cryptococcoses, histoplasmoses, infections à P. marneffei.
Virus Chikungunya – Infections parasitaires : scabioses, folliculites à D. folliculorum,
exceptionnellement localisations cutanées de P. carinii.
Exanthème, syndrome hémorragique.
• Manifestations dermatologiques non infectieuses
Virus O’Nyong Nyong Dermatite séborrhéique, psoriasis, syndrome de Fiessinger-Leroy-Reiter,
pityriasis rubra pilaire, toxidermies, proliférations vasculaires non
Syndrome hémorragique. kaposiennes, éruption papuleuses prurigineuse du VIH, vascularites,
Virus de la rubéole éruptions lichénoïdes, photodermatoses, porphyrie cutanée tardive,
pseudophlébites hyperalgiques, aphtes, lymphomes cutané ou muqueux,
Rubéole. purpura thrombopénique, granulomes annulaires, hidradénite eccrine
neutrophilique, déficits vitaminiques, hyperpigmentations, lésions des
Bunyaviridae phanères, syndrome des « doigts rouges », hypertrichose ciliaire,
érythrodermies CD8+.
Virus Crimée-Congo
FH de Crimée-Congo. Parasites
Virus F phlébotomes Protozoaires
Exanthème. – Trypanosoma gambiense, T. rhodensiense : trypanosomiase africaine :
trypanome, trypanides, prurit, œdème du visage.
Virus vallée Rift – T. cruzi : trypanosomiase américaine : chagome, complexe
ophtalmoganglionnaire de Romana.
Fièvre de la vallée du Rift.
– Leishmania sp. : leishmaniose viscérale : kala-azar dermique ;
Virus hantaan leishmaniose tégumentaire : cutanée, cutanée diffuse, muqueuse.
– T. vaginalis : balanoposthite, méatite, vaginite.
FH de Corée, FH avec syndrome hépatorénal.
– Entamoeba histolytica : amibiase cutanée.
Arenaviridae – T. gondii : exanthème (rare) de la toxoplasmose aiguë bénigne.
– Babesia : B. microti, B. divergens, B. bovis. Pétéchies, hémorragies en
Virus Junin « flammèches », ecchymoses.
FH d’Argentine. – Érythème chronique migrant lié à une maladie de Lyme intercurente.

Virus Machupo Nématodes intestinaux


– E. vermicularis : oxyurose : prurit anal
FH de Bolivie.
– Ascaris lumbricoïdes : ascaridiase : manifestations allergiques (phase de
Virus Lassa migration)
– Ancylostoma duodenale, Necator americanus : ankylostomose : syndrome
FH de Lassa. de pénétration (phase de pénétration), manifestations allergiques (phase de
migration).
Filoviridae
– Strongyloïdes stercoralis : anguillulose : syndrome de pénétration (phase
Virus Marburg de pénétration) ; manifestations allergiques (phase de migration), larva
currens, anguillulose maligne (immunodéprimé).
Maladie de Marburg. – Toxocara canis : toxocarose : manifestations allergiques (syndrome de
larva migrans viscérale), hémorragies unguéales en « flammèches ».
Virus Ebola
– Gnathostoma sp. : gnathostomose : œdèmes migratoires prurigineux,
Maladie d’Ebola. cordon érythémateux serpigineux.
– Ancylostoma sp. : larva migrans cutanée ankylostomienne, folliculite
Reoviridae ankylostomienne.
Virus fièvre du Colorado Autres nématodes
Fièvre du Colorado. – Wuchereria bancrofti, Brugia malayi, Brugia timori : filarioses
lymphatiques : lymphangite aiguë rétrograde, hydrocèle, adénite,
Retroviridae lymphœdème, éléphantiasis, varices lymphatiques.
– Loa-loa : loase : prurit, œdème de Calabar, reptation de la filaire adulte sous
HTLV I la peau ou dans la conjonctive, réaction de Mazzoti.
Leucémies et lymphomes à cellules T de l’adulte, dermite eczématiforme des – O. volvulus : onchocercose : prurit, prurigo, troubles de la pigmentation
Jamaïcains. (hypopigmentation, hyperpigmentation, « peau de léopard »), lichénification,
onchocercome, réaction de Mazzoti.
HTLV V – D. medinensis : dracunculose : émergence vermineuse, complications
Syndrome de Sézary ? infectieuses.
– Trichinella sp. : trichinose : œdème (palpébral, conjonctival, facial,
VIH 1 et 2 : infection par le VIH muqueux, déclive), conjonctivite, urticaire, exanthème maculopapuleux,
• Pathologie tumorale ou pseudotumorale cutanée ou muqueuse
prurit, hémorragies (sous-unguéales, conjonctivales).
– D. repens, D. tenuis, D. scapiceps, D. immitis : dirofilarioses :
– Maladie de Kaposi (HHV 8). manifestations allergiques (syndrome de larva migrans viscérale),
– Lymphomes. localisations cutanées (œdèmes migratoires prurigineux, nodules, abcès froid,
– Érythrodermie CD8. tumeurs).

page 12
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

– Mansonella perstans, M. ozzardi, M. streptocerca : mansonelloses : Cryptococcacées


microfilarémie asymptomatique, prurit ?
Candidose
Trématodes – Superficielle : perlèche, chéilites candidosiques, stomatites candidosiques,
– Schistosoma sp. : bilharziose cutanées : dermatite cercarienne, gale intertrigos candidosiques, onyxis et périonyxis candidosiques, vulvovaginite
bilharzienne (phase de pénétration) ; syndrome toxémique fébrile, candidosique, balanoposthite candidosique.
manifestations allergiques (phase de migration) ; prurigo régional en – Septicémies à Candida : maculopapules folliculaires, purpuriques et
« éclaboussures », lésions tumorales périnéales (phase d’état). parfois nodulaires. Folliculites du cuir chevelu (chez les héroïnomanes).
– Fasciola sp. : distomatoses hépatiques : manifestations allergiques (phase
de migration), hémorragies en « flammèches ». Trichosporonose : Trichosporon beigelii
– Poïkilorchis congolensis : distomatose sous-cutanée, rétroauriculaire. – Superficielle : piedra blanche : nodosités blanches ou brunes sur les
– Paragonimus sp. : distomatose pulmonaire (paragonimose) : localisation cheveux ou les poils.
sous-cutanée. – Invasives : nodule abcédé isolé ou multiples papules, lésions
papulocroûteuses ou purpuriques (septicémie).
Cestodes
– Echinococcus granulosus : échinococcose (hydatidose) : manifestations Cryptococcose : Cryptococcus neoformans
allergiques (fissuration kystique). Papulonodules ombiliqués, aspect acnéiforme ou de molluscum contagiosum,
– Tænia solium : cysticercose sous-cutanée, cysticercose oculaire. abcès sous-cutané ou ulcérations à berges papillomateuses.
– Spirometra sp. : sparganose.
Moisissures
– T. saginata : urticaire (?).
Onychomycoses.
Ectoparasites
Maduromycètes
Sarcoptes scabei Eumycétomes ou mycétomes eumycosiques ou « pied de Madura » :
– Gale : prurit, lésions de grattage parfois surinfectées ou eczématizées, tuméfaction inflammatoire subaiguë ou chronique présentant des fistules et
sillons scabieux, vésicules, papules, nodules, chancre scabieux. des granules.
– Gale croûteuse généralisée : érythrodermie croûteuse avec onyxis.
Dematies
Anoploures
Chromomycose
– Pediculus humanus capitis : pédiculose du cuir chevelu : lentes et poux du
cuir chevelu, prurit, lésions de grattage, impétiginisation. Papule pouvant évoluer vers une cicatrice, un placard squameux
– Pediculus humanus corporis : pédiculose corporelle : prurit, lésions de psoriasiforme ou un nodule tumoral, lésions végétantes et verruqueuses,
grattage, surinfections. Leucomélanodermie des vagabonds. éléphantiasis.
– Phtirius inguinalis : phtiriase : œufs et parasites adultes accrochés aux Phaeohyphomycoses
poils pubiens, prurit, papules roses excoriées, taches ardoisées de l’abdomen,
conjonctivite, blépharite. – Superficielles : piedra noire (Piedraia hortai), tinea nigra (Exophiala
werneckii, Cladosporium castellanii), onychomycoses.
Tunga penetrans – Kyste phaeohyphomycosique.
Tungose : papulonodule centrée par une formation noire. – Phaeohyphomycose disséminée.
– Phaeohyphomycose cutanée non enkystée : alternariose : lésions
Myiases nodulaires ou ressemblant à une cellulite granulomateuse ou purulente.
• Myiase des plaies Champignons dimorphes
Cochliomyia hominivorax, Chrysomyia, Wohlfahrtia, Sarcophaga,
Calliphora, Lucilia sericata. Colonisation d’une plaie par asticots.
Blastomyces dermatitidis : blastomycose
Papules dermiques ou nodules sous-cutanés qui se ramollissent et s’ouvrent à
• Myiase furonculoïde la surface pour devenir ensuite végétantes.
Hypoderma bovis, H. lineatum, Cordylobia anthropophaga, Dermatobia
hominis : nodule inflammatoire évoluant vers la fistulisation. Coccidioides immitis : coccidioïdomycose
• Myiase cavitaire Gommes, ulcères, érythème noueux.
Lucilia, Sarcophaga, Calliphora, Wohlfahrtia magnifica, Œstrus ovis, Histoplasma capsulatum : histoplasmose américaine
Rhinœstrus purpureus : pénétration des muqueuses et destructions tissulaires.
Atteinte cutanéomuqueuse : taches purpuriques, papules ombiliquées,
• Myiase migratoire nodules, papulopustules tendant à s’ulcérer.
Gasterophilus hemorroidalis, G. veterinus, Hypoderma bovis, H. lineatum,
Histoplasma duboisii : histoplasmose africaine
H. diana : papule prurigineuse qui se déplace de plusieurs centimètres par
jour, en dessinant une ligne tortueuse. Papules, papulovésicules, pustules, nodules sous-cutanés.

Demodex folliculorum Paracoccidioïdes brasiliensis : paracoccidioïdomycose


Rosacée (?), blépharite, folliculite (?). Lésions des muqueuses nasales ou buccales : érosives puis ulcérations et
végétations.
Mycoses Penicillium marneffei : pénicilliose
Dermatophytes : Trichophyton, Epidermophyton, Microsporum Pustules, ulcères chroniques, papules multiples, acnéiformes ou ombiliquées,
cellulites.
– Dermatophytie de la peau glabre, dermatophytie inguinocrurale,
dermatophytie interdigitoplantaire, tokelau, granulome trichophytique, Sporothrix schenkii : sporotrichose
maladie trichophytique (rare), mycétomes trichophytiques (exceptionnels).
– Folliculite dermatophytique. Chaînes de gommes se développant le long des voies lymphatiques,
principalement sur les membres.
– Cuir chevelu : favus, dermatophytie du cuir chevelu et de la barbe, kérion,
sycosis trichophytique, granulome trichophytique. Hyphomyases
– Onychomycose.
Aspergillus fumigatus : aspergillose
Malassezia furfur
Atteinte cutanée et/ou muqueuse : nodules inflammatoires qui peuvent
Pityriasis versicolor, folliculites. s’ulcérer, maculopapules,

page 13
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

Fusarium : fusariose – Conidiobolus coronatus : conidiobolomycose : atteinte des tissus


– Lésions primaires : empâtement érythémateux, douloureux qui modifie cutanéomuqueux du nez, du pharynx, des joues, des sourcils, de la lèvre
l’aspect antérieur d’une brûlure, d’un ulcère ou d’une plaie. supérieure.
– Localisations secondaires : abcès multiples. Rhinosporidium seeberi : rhinosporidiose
– Onychomycose.
Polypes mous roses à pourpre, pédonculés, papillomateux ou verruqueux.
Zygomycètes-phycomycètes : zygomycoses, phycomycoses Loboa loboi : lobomycose ou blastomycose chéloïdienne
Papule évoluant vers un nodule chéloïdien.
Mucorales : mucormycoses
Oomycètes
Mucormycose rhino-orbito-cérébrale, forme sous-cutanée, mucormycose
cutanée primaire. Pythium insidiosum : pythiose
Tuméfaction de la région orbitaire.
Entomophthorales : entomophthoromycoses
– Basidiobolus haptosporus : basidiobolomycose : tuméfactions
dermohypodermiques fermes, circonscrites, froides, indolores devenant Atlas d’iconographie des différentes maladies
chaudes et douloureuses pendant les poussées. Cicatrices scléroatrophiques. infectieuses (fig 1 à 78)

Atlas iconographique pages suivantes ➤

Références
[1] Baran R, Barth J, Dawber R. Maladies des ongles, diagnos- [7] Dechaume M, Grellet M, Laudenbach P, Payen J. Précis de [13] Legent F, Fleury P, Narçy P, Beauvillain C. Manuel pratique
tic et traitement. Paris : Arnette, 1991 : 1-188 stomatologie. Paris : Masson, 1979 : 1-426 d’ORL. Paris : Masson, 19821-344
[2] Bodemer C. Éruptions fébriles et virus du groupe Herpès. [8] Degos R. Dermatologie. Paris : Flammarion Médecine-
Rev Prat 1997 ; 47 : 1422-1427 Sciences, 1981 : 1-1166 [14] Piemont Y, Heller R. Infections à Bartonella. Ann Dermatol
[3] Bournerias I, Truffot-Pernot C, Cambau E. Infections cuta- Venereol 1996 ; 123 : 757-765
nées à mycobactéries atypiques. Encycl Med Chir (Elsevier, [9] Fitzpatrick TB, Eisen AZ, Wolff K, Freedberg IM, Austen KF.
Paris) Dermatologie, 12-510-B-10, 1996 : 1-5 Dermatology in general medicine. International Edition,
1993 : 1-2979 [15] Piérard GE, Caumes E, Franchimont C, Arrese Estrada J.
[4] Chosidow O. Virus et peau. Paris : Éditions Scientifiques, Dermatologie tropicale. Éditions de l’Université de Bruxel-
Techniques et Médicales, 1994 : 1-203 [10] Girard PM, Katlama CH, Pialoux G, Saimot AG. Sida. Paris : les, 1993 : 1-632
[5] Cribier B, Petiau P, Stoll-Keller F, Schmitt C, Vetter D, Heid Doin, 1994 : 1-351
E et al. Porphyrie cutanée tardive et infection par le virus de
[11] Janier M, Caumes E. Signes cutanés de l’infection par le [16] Saada V, Chosidow O, Frances C. Nécroses cutanées. En-
l’hépatite C : étude clinique et virologique. Ann Dermatol Ve-
nereol 1996 ; 123 : 200-202 virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Encycl Med Chir cycl Med Chir , (Elsevier, Paris) Dermatologie, 12-685-A-10,
(Elsevier, Paris) Dermatologie, 12-680-A-10, 1994 : 1-12 1996 : 1-6
[6] Daoud MS, El-Azhary RA, Gibson Lawrence E, Lutz Michael
E, Daoud S. Chronic hepatitis C, cryoglobulinemia, and cu- [12] Kanazawa K, Yaoita H, Tsuda F, Murata K, Okamoto H. As-
taneous necrotizing vasculitis. J Am Acad Dermatol 1996 ; sociation of prurigo with hepatitis C virus infection. Arch Der- [17] Saurat JH, Grosshans E, Laugier P, Lachapelle JM. Derma-
34 : 219-223 matol 1995 ; 131 : 852-853 tologie et vénéréologie. Laval : Masson, 1990 : 1-911

page 14
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

1
4

2 5

1 Primo-infection herpétique buccale (collection Éric Caumes).


2 Récurrence herpétique labiale (collection Éric Caumes).
3 Récurrence herpétique cutanée (collection Éric Caumes).
4 Récurrence herpétique génitale (collection Éric Caumes).
5 Primo-infection herpétique génitale (collection service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).
6 Syndrome de Kaposi-Juliusberg (collection service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).
6

page 15
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

10

11

7 Érythème polymorphe postherpétique (collection service de dermatologie, hôpital


Pitié-Salpêtrière).
8 Varicelle (collection Éric Caumes).
9 Zona thoracique (collection Éric Caumes).
10 Leucoplasie orale chevelue (collection Éric Caumes).
11 Exanthème subit (collection Yves de Prost).
12 Pityriasis rosé de Gibert avec plaque initiale et exanthème secondaire (collection Éric
Caumes).
12

page 16
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

13

17

14

18

15

19

13 Maladie de Kaposi (collection Éric Caumes).


14 Association d’un onyxis dermatophytique et d’une verrue vulgaire du pouce
(collection Éric Caumes).
15 Végétations vénériennes (collection Éric Caumes).
16 Molluscum contagiosum à différents stades évolutifs (collection Éric Caumes).
17 Nodules d’orf (collection service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).
18 Exanthème au cours d’une rubéole (collection Éric Caumes).
16 19 Exanthème au cours d’une rougeole (collection Éric Caumes).

page 17
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

23

20

24

21

22 25

20 Mégalérythème épidémique (collection Yves de Prost). 23 Porphyrie cutanée tardive (collection Éric Caumes).
21 Syndrome de Gianotti Crosti (collection Yves de Prost). 24 Vascularite et cryoglobulinémie au cours d’une infection chronique par le virus
22 Éruption en « gants » et en « chaussettes » au cours d’une infection à parvovirus B19 de l’hépatite C (collection service de dermatologie, hôpital pitié-Salpêtrière).
(collection Selim Aractingi). 25 Nodule du bras et tumeur du flanc en rapport avec un lymphome HTLV1 (human
T-lymphotropic virus) (collection Éric Caumes).

page 18
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

30

26

27

31

28

32

26 Vaccine (collection Jean-Claude Guillaume).


27 Lésions cutanées d’impétigo à différents stades évolutifs (collection Éric Caumes).
28 Ecthyma (collection Éric Caumes).
29 Folliculite superficielle et profonde (collection Éric Caumes).
30 Furoncle (collection Éric Caumes).
31 Cellulite infectieuse de la jambe avec porte d’entrée au niveau du pied (collection
Éric Caumes).
29 32 Cellulite nécrosante du bras (collection Éric Caumes).

page 19
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

36

33

37

34

38

35

33 Ecthyma gangréneux au cours d’une septicémie à bacille pyocyanique (collection


service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).
34 Épidermolyse au cours d’une staphyloccocie exfoliante (collection service de
dermatologie, hôpital Henri-Mondor).
35 Exanthème de la scarlatine (collection Pr Jean-Claude Roujeau).
36 Nodule angiomateux de l’angiomatose bacillaire (collection Éric Caumes).
37 Adénopathie sous-mentonnière au cours de la maladie des « griffes du chat »
(collection Éric Caumes).
38 Nodule du dos de la main et arthrite interphalangienne proximale au cours d’une
infection à Mycobacterium marinum (collection Éric Caumes).
39 Lupus tuberculeux (collection Éric Caumes).
39

page 20
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

40

43

44
41

42 45

40 Abcès froid métastatique tuberculeux (collection Éric Caumes). 43 Faciès léonin au cours d’une lèpre lépromateuse (collection Éric Caumes).
41 Érythème induré de Bazin et intradermoréaction à la tuberculine phlycténulaire 44 Réaction de réversion au cours d’une lèpre borderline lépromateuse (collection Éric
(collection Éric Caumes). Caumes).
42 Plaque hypoesthésique du bras au cours d’une lèpre tuberculoïde (collection Éric 45 Érythème noueux lépreux (collection Éric Caumes).
Caumes).

page 21
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

46

49

47

50

48 51

46 Actynomycétome de l’avant-bras (collection Éric Caumes). 49 Chancre génital au cours d’une syphilis primaire (collection service de dermatologie,
47 Tache noire d’une fièvre boutonneuse méditerranéenne (collection Éric Caumes). hôpital Pitié-Salpêtrière)
48 Erythema migrans au cours d’une maladie de Lyme en phase primaire (collection 50 Chancre génital au cours d’une syphilis primaire (collection service de dermatologie,
service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière). hôpital Pitié-Salpêtrière).
51 Exanthème de la syphilis secondaire (collection Éric Caumes).

page 22
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

52 55

56

53

54 57

52 Éruption plantaire au cours d’une syphilis secondaire (collection service de 55 Gangrène de Fournier (collection service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).
dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière). 56 Pédiculose du cuir chevelu (collction Éric Caumes).
53 Adénite d’un chancre mou (collection service de dermatologie, hôpital 57 Gale croûteuse (collection service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).
Pitié-Salpêtrière).
54 Goutte de pus au méat urinaire au cours d’une urétrite gonococcique (collection
service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).

page 23
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

58

61

59

62

60

58 Intertrigo interdigitoplantaire (collection service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).


59 Leishmaniose cutanée localisée de l’Ancien Monde (collection Éric Caumes).
60 Trypanome inaugurant une trypanosimiase ouest-africaine (collection Éric Caumes).
61 Larva currens (collection Éric Caumes).
62 Larva migrans cutanée ankylostomienne (collection Éric Caumes).
63 Migration sous-cutanée de la filaire adulte Loa loa au cours d’une loase (collection Éric Caume).
63

page 24
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

64 67

65 68

66 69

64 Œdème de Calabar au cours d’une loase (collection Éric Caumes). 67 Papule vulvaire au cours d’une bilharziose cutanée tardive (collection service de
65 Enroulement d’une filaire de Médine autour d’un bâtonnet au cours d’une dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).
dracunculose (collection Éric Caumes). 68 Pytiriasis versicolor (collection Éric Caumes).
66 Œdème facial au cours d’une trichinose (collection Éric Caumes). 69 Plaque d’alopécie au cours d’une teigne à Microsporon langeronii (collection Éric
Caumes).

page 25
8-003-A-10 MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES Maladies infectieuses

70 73

71 74

72 75

70 Dermatophytie de la peau glabre à Microsporon canis (collection Éric Caumes). 73 Candidose vulvaire (collection service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).
71 Dermatophytie plantaire à Trichophyton rubrum (service de dermatologie, hôpital 74 Folliculose pustuleuse du cuir chevelu à Candida albicans chez une héroïnomane
Pitié-Salpêtrière). intraveineuse (collection Éric Caumes).
72 Onyxis à Trichophyton rubrum (collection Éric Caumes). 75 Macule érythémateuse au cours d’une candidose septicémique (collection service
de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).

page 26
Maladies infectieuses MANIFESTATIONS CUTANÉOMUQUEUSES DES MALADIES INFECTIEUSES 8-003-A-10

76 78

76 Histoplasmose à Histoplasma capsulatum (collection service de dermatologie,


hôpital Pitié-Salpêtrière)
77 Cryptococcose cutanée (collection Éric Caumes).
77 78 Alternariose cutanée (collection service de dermatologie, hôpital Pitié-Salpêtrière).

page 27
 8-003-A-40

Arthrites septiques à bactéries pyogènes


C. Palazzo, G. Hayem

Les arthrites septiques à bactéries pyogènes représentent un groupe relativement homogène, dominé par
les formes liées à Staphylococcus aureus. Le diagnostic repose essentiellement sur la réalisation aussi
rapide que possible d’un prélèvement de liquide synovial, à la recherche de l’agent pathogène. Certaines
situations particulières, comme l’administration préalable – et souvent intempestive – d’antibiotiques,
ou encore l’existence d’un matériel prothétique articulaire, peuvent nécessiter des recherches microbio-
logiques plus approfondies, passant notamment par l’amplification de gènes bactériens. Le traitement
antibiotique des arthrites bactériennes purulentes est de mieux en mieux codifié, reposant davantage
sur l’accumulation et la confrontation des expériences des cliniciens que sur des études publiées, tou-
jours difficiles à mettre en place dans le cas de pathologies aiguës et relativement rares. De plus en
plus souvent couplée à une procédure initiale de lavage articulaire visant à réduire l’inoculum bactérien,
l’antibiothérapie doit être rapidement bactéricide, adaptée à la fois à l’antibiogramme du germe res-
ponsable et au profil clinicobiologique du patient atteint. À condition d’être administré précocement, le
traitement permet de limiter au maximum le risque de détérioration ultérieure du cartilage articulaire,
synonyme de handicap fonctionnel par arthropathie dégénérative séquellaire.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Arthrites septiques ; Bactéries ; Pyogènes ; Antibiothérapie ; Lavage articulaire

Plan typiques (Mycobacterium tuberculosis) ou atypiques ; brucellose.


Naturellement, le cas particulier des arthrites réactionnelles doit
■ Introduction 1 être également exclu de ce cadre, même si l’on sait à présent
que, dans ce cadre étiologique, il est possible de cultiver des
■ Épidémiologie 1 formes actives de bactéries (Chlamydiae ou mycoplasmes) à par-
■ Physiopathologie 2 tir d’échantillons de liquides articulaires de patients atteints. En
Généralités 2 revanche sont abordées les ASBP survenant sur prothèse arti-
Mécanismes liés à l’hôte 2 culaire, posant des problèmes spécifiques de diagnostic et de
Mécanismes liés à la bactérie 3 traitement.
■ Diagnostic 3
Signes cliniques 3
Examens biologiques 3  Épidémiologie
Imagerie 3
Arthrite septique certaine ou suspectée ? 4 Les données épidémiologiques disponibles concernant les ASBP
■ Pronostic 4 demeurent assez approximatives, étant issues pour la plupart
d’études rétrospectives. Le principal facteur limitant pour la réa-
■ Traitement 4
lisation d’études prospectives est lié au fait que les ASBP sont des
Antibiothérapie 4
affections relativement rares et de diagnostic parfois incertain.
Lavages articulaires 5
De plus, la prévalence des arthrites septiques est nécessairement
Autres traitements 5
sous-estimée du fait que seules les formes prouvées de manière
■ Particularités de l’arthrite septique sur prothèse bactériologique sont habituellement retenues. Une telle attitude
ou matériel d’ostéosynthèse 5 exclut nécessairement un nombre appréciable d’arthrites pourtant
authentiquement septiques [1] . C’est pourquoi il est maintenant
recommandé d’utiliser les critères diagnostiques proposés par
Newman [2] pour définir les cas (Tableau 1).
 Introduction En Europe de l’Ouest, l’incidence rapportée des arthrites sep-
tiques varie selon les études entre 4 et 10 pour 100 000 habitants
Cet exposé se limite aux seules arthrites septiques à bacté- par an [3, 4] . Ces chiffres ont tendance à s’accroître depuis quelques
ries pyogènes (ASBP). Ceci revient à écarter les autres types années [3] . Mathews et al. [1] ont expliqué ce phénomène par
d’infections articulaires bactériennes, principalement reliées à des l’augmentation du nombre d’infections sur prothèses, par la
agents non pyogènes, à développement lent : mycobactérioses multiplication des procédures invasives (en particulier chez les

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 13 > n◦ 3 > août 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(16)43984-0
8-003-A-40  Arthrites septiques à bactéries pyogènes

Tableau 1. Tableau 2.
Critères diagnostiques – non validés – d’arthrite septique (d’après New- Fréquences des germes impliqués dans les arthrites septiques (d’après
man [2] ). Dubost [23] ).
Microorganisme isolé au sein de l’arthrite Bactéries Fréquence (%)
Microorganisme isolé à partir d’un autre site de prélèvement Staphylococcus sp. 44–70
Pas de microorganisme isolé mais Parmi lesquels : S. aureus 84–97
- arguments histologiques ou radiologiques en faveur d’une infection Streptococcus sp. 18–30
- liquide articulaire trouble a Parmi lesquels : S. pneumoniae 12–35
a
Ce dernier critère apparaît discutable, sachant que plusieurs autres étiologies Bacilles à Gram négatif 10–21
– non infectieuses – peuvent donner lieu à un même aspect du liquide articulaire
(rhumatismes microcristallins ou psoriasiques, notamment).

Viennent ensuite les autres bactéries à Gram positif, largement


dominées par le streptocoque (18 % des arthrites septiques selon
Weston et al.) [4] .
personnes âgées) et l’utilisation accrue de traitements immu-
Certains germes se rencontrent sur un terrain particulier. C’est
nosuppresseurs, ces deux situations favorisant la survenue de
le cas par exemple des bactéries à Gram négatif, affectant préféren-
bactériémies, puis de la localisation articulaire.
tiellement les personnes âgées. Cette particularité s’explique par
Il est également intéressant de noter que l’incidence des
la plus grande fréquence des infections urogénitales et cutanées
arthrites septiques augmente dans certaines sous-populations.
dans cette tranche d’âge [4, 7] . Les utilisateurs de drogues intravei-
C’est le cas par exemple des aborigènes d’Australie où elle
neuses sont plus à risque de développer des infections articulaires
atteignait 29,1 pour 100 000 habitants par an en 1996 [5] . Les rai-
à germes multiples, qu’il s’agisse de plusieurs bactéries, de cham-
sons données par les auteurs sont que les aborigènes ont plus
pignons ou de germes atypiques. Les infections à gonocoque
d’infections, en particulier à Streptococcus pyogenes, du fait de leurs
(Neisseria gonorrhoeae) sont une cause rare d’arthrite septique en
conditions de vie et du climat tropical.
Europe et en Amérique du Nord [6, 23, 24] ; elles semblent beaucoup
Bien que tous les âges soient concernés, l’arthrite septique
moins fréquentes que les infections à méningocoque (Neisseria
touche plus souvent les personnes âgées et les enfants. Les autres
meningitidis). En revanche, les infections à gonocoque restent fré-
facteurs de risque retrouvés dans la littérature sont : une patho-
quentes dans certaines régions du monde, comme au Rwanda ou
logie rhumatologique préexistante (polyarthrite rhumatoïde et
chez les Aborigènes d’Australie [5] .
arthrose, principalement) [6, 7] , le diabète [7] , une chirurgie articu-
Les fréquences respectives des germes le plus souvent rencontrés
laire récente [7] , un antécédent d’injection intra-articulaire (en
sont détaillées dans le Tableau 2.
particulier par un dérivé cortisonique) [3] , une corticothérapie
systémique orale [4] , l’alcoolisme chronique [1] , les hépatopathies
avec hypertension portale [8] , la toxicomanie intraveineuse [1] ,
l’hémophilie [9] , la présence d’une ulcération ou infection cuta-
née [6, 7] et enfin l’existence d’un autre foyer infectieux [4] . Selon
 Physiopathologie
une étude, l’hémodialyse représenterait également un facteur Généralités
favorisant, mais seulement en présence d’une arthropathie sous-
jacente [10] . L’infection d’une articulation peut se faire soit par voie héma-
La prise de certains traitements antirhumatismaux togène, soit par voie locale (à partir d’une lésion cutanée, ou
« modificateurs » (disease-modifying drugs [DMARD] pour les après un geste diagnostique ou thérapeutique intra-articulaire).
Anglo-saxons) chez les patients traités pour polyarthrite rhuma- La bactériémie est plus fréquente chez les patients immunodépri-
toïde augmente le risque d’arthrite septique. Selon Edwards et al., més et chez ceux qui ont fait l’objet d’une procédure invasive,
les DMARD en cause étaient la D-pénicillamine et la sulfasalazine ; comme une endoscopie digestive ou urinaire [1] . Le dévelop-
alors que, dans cette même étude déjà ancienne, le méthotrexate pement d’une infection articulaire est facilité par l’existence
n’est pas apparu comme facteur de risque. Cependant, quelques d’une arthropathie préexistante ou un contexte d’immuno-
cas d’infections à Listeria monocytogenes ont été rapportés sous suppression [6] .
méthotrexate, administré pour une polyarthrite rhumatoïde ou La compréhension des mécanismes physiopathologiques a été
un lupus érythémateux systémique [11–14] . Dans ce contexte, les possible grâce aux modèles murins d’arthrite septique ; citons par
fréquentes comorbidités et comédications rendent difficiles à exemple le modèle d’arthrite à S. aureus développé par Tarkowski
affirmer la responsabilité spécifique du méthotrexate, ni encore et al. [25] ou celui d’arthrite à streptocoque du groupe B rapporté
moins un éventuel effet-dose. par Tissi et al. [26] . Ces mécanismes peuvent se diviser en deux
Quelques cas d’arthrites septiques ont également été signalés grands groupes : ceux liés à l’hôte et ceux liés à la bactérie.
sous biothérapie anti-tumor necrosis factor alpha (anti-TNF␣) [15–18] :
un cas d’infection à Moraxella catarrhalis chez un patient sous
infliximab pour une spondylarthropathie [19] ; les autres cas ont Mécanismes liés à l’hôte
été des arthrites septiques à germes atypiques (Salmonella ente-
ritidis, Actinobacillus ureae, Rothia dentocariosa) chez des patients Certaines cytokines synthétisées par les macrophages (lympho-
suivis pour une polyarthrite rhumatoïde ; deux patients étaient toxine A, TNF␣ et récepteurs à l’interleukine 1 [IL-1]) semblent
sous infliximab, un sous étanercept. Là encore, la responsabilité jouer un rôle protecteur dans les modèles murins d’arthrite
du traitement n’est pas facile à apprécier, étant donné les autres septique à S. aureus [27–29] . Il semble en aller de même pour
facteurs de prédisposition : arthropathie préexistante, corticothé- l’IL-10 [30] .
rapie orale ou locale, prise de méthotrexate actuelle ou passée. En revanche, l’IL-4 aurait un rôle délétère puisque des souris
Enfin, l’immunosuppression générale non médicamenteuse a inactivées pour le gène codant pour cette cytokine ont un meilleur
aussi été envisagée comme un facteur de risque indépendant pronostic ; l’IL-4 pourrait stimuler la croissance bactérienne et
d’ASBP, mais ceci n’a jamais été confirmé de manière certaine. ralentir l’élimination du germe au sein de l’articulation [31] .
Au cours du syndrome d’immunodéficience acquise (sida), il Les modèles murins d’arthrite septique à streptocoque B
semblerait que le surrisque provienne non pas du virus de mettent en évidence la participation de l’IL-1␤ et de l’IL-6. Tandis
l’immunodéficience humaine, mais de la fréquence accrue des que l’IL-1 contribue directement aux lésions cartilagineuses (sécré-
usagers de drogues intraveineuses dans cette population [20, 21] . tion d’enzymes protéolytiques) et participe au recrutement des
Le germe le plus fréquemment en cause, quels que soient l’âge cellules inflammatoires, la place de l’IL-6 est moins bien connue.
ou le terrain, est Staphylococcus aureus. En France, la proportion L’intervention du TNF␣ reste à définir : en effet, alors que sa
d’arthrites à S. aureus est estimée entre 56 % et 70 % [22, 23] . Plus concentration augmente dans certains modèles animaux [32] , elle
récemment, une étude anglaise a évalué ce chiffre à 54 % [4] . reste stable dans d’autres [26] .

2 EMC - Maladies infectieuses


Arthrites septiques à bactéries pyogènes  8-003-A-40

Mécanismes liés à la bactérie microcristaux est également nécessaire, mais leur présence
n’élimine aucunement une authentique arthrite septique surajou-
Le terrain génétique n’explique pas tout et la sévérité d’une tée.
infection dépend en grande partie de la virulence de la bacté- En définitive, seule la preuve directe de la présence intra-
rie. Cette virulence a été étudiée à partir des modèles animaux articulaire de bactéries affirme le diagnostic de façon certaine, tout
(cf. supra). De nombreux mécanismes, souvent associés, ont pu en permettant de plus la réalisation d’un antibiogramme du germe
être mis en évidence : variation des protéines de membranes isolé. Selon Weston et al., respectivement 50 % et 67 % des prélè-
(par exemple, la protéine A chez le S. aureus [33] ), existence vements articulaires sont positifs à l’examen direct (coloration de
de séquences spécifiques d’oligonucléotides au sein de l’acide Gram) ou après culture [4] .
désoxyribonucléique bactérien [34] , développement de certaines L’utilisation des techniques d’amplification génique (polyme-
adhésines [35] . Des observations similaires ont été faites pour le rase chain reaction) pour la recherche de staphylocoques et de
streptocoque B [36, 37] . streptocoque est coûteuse et dépourvue d’intérêt en pratique cou-
rante, sans compter avec le délai souvent long d’obtention des
résultats [46] . En revanche, dans les situations trompeuses, cette
 Diagnostic méthode peut s’avérer utile pour le diagnostic différentiel, en per-
mettant la détection de certains germes atypiques (Chlamydiae et
Signes cliniques mycobactéries, notamment).
Dans certains cas difficiles, une biopsie synoviale peut être
L’arthrite septique se manifeste classiquement par une grosse nécessaire, pour étude microbiologique et anatomopathologique.
articulation rouge et douloureuse évoluant depuis quelques Elle est généralement réservée aux arthrites subaiguës ou chro-
heures à deux semaines. La fièvre n’est pas systématique. Selon les niques (suspicion de tuberculose surtout).
études, elle est présente dans seulement 34 à 60 % des cas [24, 38, 39] .
L’arthrite septique touche préférentiellement les grosses arti- Prélèvements sanguins
culations des membres inférieurs (genou chez l’adulte et hanche
Les examens biologiques de première intention comportent
chez l’enfant) [2, 4, 40] . Les formes oligo- ou polyarticulaires se ren-
une numération-formule sanguine (recherche d’une hyperleuco-
contrent dans 20 % des cas environ.
cytose à polynucléaires neutrophiles), une mesure de la vitesse de
Le diagnostic est souvent difficile chez les personnes souf-
sédimentation et de la protéine C réactive (le plus souvent très
frant d’une affection rhumatologique préalable. Il faut l’évoquer
élevées). Ces différents marqueurs sont anormaux dans la très
devant l’aggravation inexpliquée de symptômes locaux, devant
grande majorité des cas, mais les chiffres obtenus n’ont aucune
une monoarthrite traînante ou récidivante (surtout si la patho-
valeur étiologique ni pronostique. En revanche, ils restent utiles
logie rhumatologique est bien contrôlée par ailleurs ou qu’une
dans le suivi ultérieur de la maladie. Une vérification des fonctions
infiltration a été réalisée dans les semaines précédentes), ou bien
hépatique et rénale par les tests biologiques usuels est également
entendu lorsque existent d’autres signes d’infection bactérienne.
souhaitable, sachant qu’une altération de ces paramètres repré-
Dans tous les cas, on recherche un foyer infectieux extra-
sente un signe de gravité. De plus, le choix de l’antibiotique et de
articulaire, qu’il s’agisse de la porte d’entrée ou de foyers
sa dose dépend aussi de ces paramètres.
métastatiques bactériens, sans jamais omettre d’écarter la possi-
Au plan diagnostique, le dosage de la procalcitonine (PCT)
bilité d’une endocardite.
sérique serait plus intéressant. Selon Martinot et al. [47] , un résul-
Chez l’enfant, les symptômes peuvent être trompeurs. Le
tat de PCT supérieur à 0,5 ng/ml, dans un contexte d’arthrite
tableau associe classiquement de la fièvre, une douleur d’une arti-
(42 cas étudiés, dont 40 formes monoarticulaires) orienterait avec
culation concernée, ainsi que le refus de se mettre debout ou de
une sensibilité de 55 % et une spécificité de 94 % vers une
porter une charge. En cas d’atteinte coxofémorale, l’enfant adopte
infection bactérienne, plutôt qu’une arthrite rhumatoïde ou
rapidement une position antalgique : flexion, abduction ou rota-
tion externe de hanche [41] . microcristalline. À mentionner que, dans cette même étude, les
concentrations sériques d’IL-6 et de TNF␣ ne sont pas avérées
discriminantes. Néanmoins, le dosage de PCT n’a pas encore, en
Examens biologiques 2016, fait l’objet d’une validation définitive en pratique courante.
Les hémocultures sont également systématiques. Elles sont
Prélèvements articulaires positives dans 24 % des cas où les prélèvements articulaires sont
Ils sont bien sûr indispensables et doivent être réalisés le positifs [4] . Dans 9 % des cas, elles sont seules à être positives. Les
plus précocement possible, y compris aux urgences, dans les autres prélèvements dépendent du contexte clinique.
conditions habituelles d’asepsie (désinfection cutanée, point Chez l’enfant, les examens requis sont les mêmes. Devant
de ponction à distance d’éventuelles lésions cutanées, port de une douleur aiguë de la hanche, le refus de porter une charge,
masque et de gants stériles). La seule exception est la suspicion une fièvre supérieure à 38,5 ◦ C, une vitesse de sédimentation
d’infection sur prothèse articulaire. Dans ce cas, il peut être préfé- dépassant 40 mm à la première heure et des leucocytes au-
rable de demander l’avis du chirurgien orthopédiste, qui décide, dessus de 12 000/mm3 permettent d’orienter vers une arthrite
ou non, de faire le prélèvement dans des conditions d’asepsie septique [48, 49] .
stricte au bloc opératoire.
Sauf situation exceptionnelle d’urgence vitale et de ponction Imagerie
techniquement impossible, il est inconcevable actuellement de
ne pas avoir pratiqué de prélèvement de liquide articulaire avant Dans un premier temps, il est recommandé d’effectuer des
le démarrage de la moindre antibiothérapie. Dans les cas diffi- radiographies standard de la ou des articulations symptoma-
ciles, comme une articulation profonde ou de petit volume, il faut tiques, avec vérification du côté opposé, à visée comparative. En
s’aider d’un repérage échographique ou tomodensitométrique l’absence d’arthropathie sous-jacente, ces radiographies sont nor-
pour réaliser le geste de ponction articulaire dans des conditions males ou permettent tout au plus d’identifier un épanchement
optimales. Les prélèvements doivent être acheminés le plus tôt intra-articulaire ou un épaississement des parties molles ; une
possible au laboratoire pour analyse cytobactériologique. déminéralisation locorégionale par rapport au côté opposé peut
Pour certains auteurs, une concentration de leucocytes arti- aussi se voir, mais rarement avant une semaine d’évolution. En
culaires supérieure à 50 000/mm3 , ainsi qu’une prédominance l’absence d’arthropathie préexistante, le constat d’un pincement
de polynucléaires neutrophiles, serait prédictive d’une origine de l’interligne articulaire témoigne d’une évolution prolongée, de
infectieuse [42, 43] . Cependant, des résultats superposables se ren- plusieurs jours à quelques semaines.
contrent fréquemment aussi dans les arthrites microcristallines, L’échographie est un examen simple, facile d’accès et peu coû-
réactionnelles ou encore lors de certaines poussées de rhuma- teux. Elle permet d’objectiver un épanchement articulaire et une
tisme psoriasique [44, 45] . Il est donc impossible de se contenter synovite. Dans les cas difficiles, elle offre le second avantage de
d’un tel résultat pour retenir le diagnostic d’ASBP. La recherche de guider une ponction articulaire ou éventuellement une biopsie

EMC - Maladies infectieuses 3


8-003-A-40  Arthrites septiques à bactéries pyogènes

synoviale. Cet examen semble particulièrement intéressant chez


l’enfant, mais sa place reste encore à définir [50] . Mais il faut insis-
 Traitement
ter sur le fait qu’aucun signe échographique n’est spécifique d’une Antibiothérapie
origine infectieuse. L’exploration par échographie cardiaque n’est
pas systématique, mais doit être réalisée à la moindre suspicion Il n’existe à ce jour que peu d’essais thérapeutiques de bonne
d’endocardite. qualité et aucune recommandation n’est claire concernant le trai-
Les autres examens d’imagerie (tomodensitométrie, imagerie tement antibiotique des ASBP. Le choix repose à la fois sur les
par résonance magnétique, tomoscintigraphie par émission de propriétés pharmacodynamiques des antibiotiques, sur les don-
positons) sont discutés selon le contexte et suivant la possibilité nées physiopathologiques et surtout sur l’expérience clinique de
d’y avoir accès. chacun. Une méta-analyse faite en 2001 a comparé les différentes
La tomodensitométrie (TDM) visualise bien les lésions osseuses stratégies thérapeutiques (molécules, voies d’abord, durée de trai-
épiphysaires, mais celles-ci sont habituellement tardives, en cas tement), sans trouver de différence à court ni long terme [61] .
de retard au diagnostic ou d’insuffisance thérapeutique. Comme
l’échographie, la TDM peut guider un geste de ponction d’une Diffusion ostéoarticulaire des antibiotiques
articulation profonde ou d’un abcès, voire une biopsie synoviale
ou osseuse. La pénétration des antibiotiques dans le liquide articulaire est
L’imagerie par résonance magnétique visualise beaucoup mieux variable selon les molécules ; elle semble bonne avec les bêtalac-
les parties molles que la TDM. Elle permet d’objectiver une tamines, l’acide fusidique et la vancomycine [62–65] .
abcédation ou une extension de l’infection vers les structures La diffusion osseuse est moins bien connue. En général, on
avoisinantes (ostéomyélite, périostite, pyomyosite, etc.). C’est considère que les concentrations osseuses sont égales à 20–40 %
l’examen de choix pour l’exploration des articulations profondes des concentrations sériques [66–68] , sauf pour certaines molécules
(coxofémorales, sacro-iliaques) [51] . comme la péfloxacine [68] avec laquelle les concentrations osseuses
L’intérêt de la tomoscintigraphie par émission de positons au sont proches des concentrations sériques, ou encore lorsque
fluoro-désoxy-glucose (FDG) se limite actuellement au diagnos- l’antibiotique est administré en perfusion continue (comme la
tic des ASBP sur prothèse des membres inférieurs. Sa sensibilité vancomycine) [69] .
semble meilleure quand il s’agit de prothèses de hanche plutôt
que de prothèses de genou [52, 53] . Voie et modalités d’administration
La place des examens d’imagerie dans le suivi des patients sous
Le choix de la voie d’administration dépend de la biodisponibi-
traitement n’est pas clairement définie, puisqu’il existe presque
lité de l’antibiotique. La plupart du temps, cette biodisponibilité
toujours une discordance entre l’amélioration clinique et les
est moyenne (pénicillines), voire mauvaise ou nulle (cépha-
lésions structurales.
losporines, glycopeptides) ; dans ce cas, on utilise une voie
injectable. En revanche, pour les molécules qui ont une bonne
Arthrite septique certaine ou suspectée ? biodisponibilité (fluoroquinolones, rifampicine, clindamycine,
acide fusidique, linézolide) et pour des infections aiguës non
Les différents prélèvements bactériologiques peuvent parfois compliquées sur articulation native, on peut privilégier la
rester négatifs. C’est le cas lorsque le germe est fragile ou à crois- forme orale sous réserve qu’il n’y ait ni trouble digestif, ni
sance lente, ou en cas d’antibiothérapie préalable. Le diagnostic prise médicamenteuse susceptibles d’empêcher l’absorption de
se fait alors sur un ensemble d’arguments cliniques, biologiques l’antibiotique [67] .
et radiologiques, après avoir exclu les différents diagnostics diffé-
rentiels. Adaptation des doses
Une étude écossaise [24] a comparé les caractéristiques et le deve-
nir des patients atteints d’arthrite septique bactériologiquement La dose des antibiotiques doit tenir compte de l’âge, du poids,
prouvée d’une part, ou fortement suspectée d’autre part. Elle n’a des fonctions rénale et hépatique. Elle est généralement assez éle-
montré aucune différence entre les deux groupes. vée (Tableau 3) et par conséquent pas toujours bien tolérée, en
particulier chez les personnes âgées.
Le dosage des concentrations sériques paraît indispensable pour
 Pronostic adapter les prescriptions de certains antibiotiques, dont le surdo-
sage peut être préjudiciable (aminosides, glycopeptides) ou dont
les concentrations sériques varient fortement d’un sujet à l’autre
Le peu d’études s’intéressant au sujet estiment à environ 10 % (rifampicine, fluoroquinolones, clindamycine) [70, 71] . Ceci vaut
la mortalité liée à une arthrite septique (en excluant les infections également lors de traitements par perfusion intraveineuse conti-
sur prothèse). Les facteurs de mauvais pronostic sont une atteinte nue (vancomycine, fosfomycine). Dans les autres cas, le dosage
polyarticulaire et plus particulièrement des petites articulations, des concentrations sériques n’est justifié qu’en cas d’insuffisance
l’existence d’une bactériémie, un terrain fragile (personne âgée, rénale sévère, d’infection grave ou lorsque le germe est multirésis-
traitement immunosuppresseur, arthropathie sous-jacente) [54, 55] . tant.
Dans une étude anglaise, l’existence d’un syndrome confusionnel
à l’entrée et le drainage par ponctions itératives versus un drai-
nage chirurgical étaient également associés de façon significative Choix des antibiotiques
à une mortalité plus élevée [4] . Ces données n’ont cependant pas Au début du traitement, il est nécessaire d’associer deux antibio-
été confirmées par d’autres études. tiques synergiques de façon à augmenter l’intensité et la vitesse
Le pronostic fonctionnel dépend de l’âge, de l’existence d’une de bactéricidie. La durée de cette association est là encore très
arthropathie sous-jacente et de la rapidité de prise en charge [56] . variable en fonction de la situation et des habitudes de l’équipe
Selon Weston et al., 24 % des patients ont des séquelles fonction- soignante ; elle est plus longue dans certains cas : infection sur
nelles et 8 % une ostéomyélite. Dans cette même étude, le nombre prothèse, germe(s) multirésistant(s) ou infection osseuse conco-
de jours d’hospitalisation était en moyenne de 26,7 [4] . mitante.
Selon Ravindran et al., les modalités de traitement (médical seul Lorsque l’infection est aiguë, deux antibiotiques bactéricides
ou bien médical et chirurgical) ne semblent pas avoir d’influence à large spectre s’imposent. Ils sont administrés dès les prélève-
sur le devenir fonctionnel [57] . ments bactériologiques réalisés et doivent couvrir les germes les
Chez l’enfant, le pronostic dépend avant tout de la rapidité de plus probables (au moins le staphylocoque et le streptocoque).
prise en charge. Si le traitement est débuté avant le cinquième L’antibiothérapie est ensuite adaptée aux résultats de l’enquête
jour, le pronostic est bon [58] . En revanche, s’il est commencé bactériologique.
trop tard (la principale raison étant le retard au diagnostic), les En présence d’une infection chronique, il est habituel
séquelles peuvent être considérables, nécessitant un traitement d’attendre les résultats des prélèvements, si bien sûr l’état clinique
long et décevant [59, 60] . du patient le permet.

4 EMC - Maladies infectieuses


Arthrites septiques à bactéries pyogènes  8-003-A-40

Tableau 3. Lavages articulaires


Schémas consensuels d’antibiothérapie, en fonction de l’espèce bacté-
rienne impliquée. Autant que faire se peut, il est recommandé d’associer à
l’antibiothérapie générale un drainage de l’articulation infectée.
Espèce Traitement de première Relais per os
bactérienne intention (i.v.) possible
Ce drainage peut être fait de trois façons différentes : par ponc-
tions percutanées itératives, par arthroscopie ou par chirurgie à
Staphylococcus sp. Pénicilline M (cloxacilline) Rifampicine e,f + ciel ouvert.
Sensible à la Glycopeptide (vancomycine) fluoroquinolone Une étude a comparé les ponctions itératives au drainage
méticilline ou chirurgical [77] . Un avantage a été démontré en faveur des
Résistant à la acide fusidique ponctions-lavages, sauf dans certains cas (échec, difficultés tech-
méticilline ou niques, articulation profonde). Selon un travail anglais, les
clindamycine
médecins mais aussi les chirurgiens orthopédiques privilégient les
ou
ponctions percutanées en première intention, réservant le drai-
cotrimoxazole
nage chirurgical aux cas réfractaires [78] .
Streptococcus sp. Amoxicilline a Amoxicilline ou Une étude rétrospective a comparé le lavage arthroscopique
clindamycine avec débridement à l’arthrotomie avec synovectomie subtotale
Entérocoques Amoxicilline b + gentamicine c Amoxicilline dans l’arthrite septique du genou [79] . S’il n’existe pas d’atteinte
Neisseria sp. Ceftriaxone - osseuse et que le geste est fait suffisamment tôt (moins de 5 jours),
Entérobactéries Ceftriaxone Fluoroquinolone g le traitement arthroscopique semble préférable. Des résultats simi-
(ciprofloxacine) laires ont été obtenus pour le poignet [80] .
Pseudomonas Ceftazidime d + amikacine c Fluoroquinolone h
Chez l’enfant, le drainage chirurgical est le plus souvent retenu.
aeruginosa (ciprofloxacine) Quelques études ont pourtant souligné l’intérêt des ponctions ité-
ratives, mais leur utilisation n’est pas encore recommandée en
Anaérobies Amoxicilline Amoxicilline
pratique courante [81, 82] .
Gram + Métronidazole Métronidazole
Gram -

i.v. : voie intraveineuse.


Autres traitements
a
En cas d’allergie aux pénicillines, choisir céfazoline ou ceftriaxone (allergie
croisée exceptionnelle), ou vancomycine en cas d’allergie croisée documentée.
Corticothérapie
b
En cas d’allergie aux pénicillines ou d’entérocoque résistant à l’amoxicilline, Wyzenbeek et al. ont étudié l’intérêt d’une injection intra-
choisir la vancomycine. articulaire de corticoïdes, en plus de l’antibiothérapie par voie
c
Utilisation des aminosides pendant 5 à 7 jours.
d
Possibilité de passage à une pénicilline à spectre plus restreint en seconde
générale, dans un modèle animal d’arthrite septique à Staphy-
intention, en fonction de l’antibiogramme. lococcus epidermidis [83] . L’analyse histologique et histochimique
e
Le relais per os est à discuter au cas par cas, en privilégiant alors l’association du tissu synovial après 15 jours de traitement a objectivé une
rifampicine + fluoroquinolone. activité moindre de l’infection en cas d’infiltration. De tels
f
En cas d’intolérance ou de résistance à la rifampicine, l’association fluoroqui- résultats sont indéniablement intéressants, mais demandent à
nolone + acide fusidique est possible.
g
Uniquement en cas de sensibilité à l’acide nalidixique sur l’antibiogramme. être confirmés chez l’homme, y compris pour des germes plus
h
Uniquement en cas de sensibilité à la ciprofloxacine sur l’antibiogramme, agressifs [84] .
initialement en association avec une ␤-lactamine en relais de l’amikacine. Pos- Une autre étude utilisant un modèle murin d’infection à
sibilité de monothérapie, après 2 à 3 semaines d’association. S. aureus a comparé la supériorité d’injections intrapéritonéales
de cloxacilline et de corticoïdes par rapport à la cloxacilline
seule [85] .
Chez les patients à risque de S. aureus résistant à la méticil- Enfin, une étude randomisée contrôlée chez l’enfant a montré
line (SARM), l’utilisation de glycopeptides doit être envisagée ; que l’ajout au traitement classique de perfusions intraveineuses
ils sont toujours associés à un autre antibiotique. Les infections de dexaméthasone à faible dose (0,2 mg/kg) diminuait la durée de
à SARM sont classiquement nosocomiales ; les facteurs de risque la maladie et améliorait le pronostic fonctionnel [86] .
retrouvés sont une ou plusieurs hospitalisations récentes ou le À notre connaissance, aucune étude de ce type n’a été menée
fait de vivre en institution [72] . Cependant, de nombreux cas chez l’adulte.
d’infections à SARM d’origine communautaire ont été rapportés
ces dernières années, ce qui incite à rester vigilant (en parti- Autres
culier dans les zones où la prévalence de SARM est supérieure
L’adjonction de bisphosphonates pourrait être intéressante
à 10 %) [73] .
pour limiter les lésions structurales [87] . Mais aucune étude n’a été
Un autre problème est l’émergence de souches de S. aureus de
menée chez l’homme.
sensibilité diminuée aux glycopeptides. Dans ce contexte ont été
développées de nouvelles molécules : la daptomycine et le liné-
zolide, qui n’ont pas l’AMM dans le traitement des infections Kinésithérapie
ostéoarticulaires mais qui pourraient s’avérer très intéressants En pratique, il est important de débuter la kinésithérapie le
dans ce type de situation [74, 75] . plus tôt possible ; d’abord par des contractions isométriques pour
entretenir le tonus et la trophicité musculaires, puis par des
mobilisations passives douces avec augmentation progressive des
amplitudes articulaires afin de lutter contre l’enraidissement (en
Durée de l’antibiothérapie particulier en flessum).
La durée du traitement par voie intraveineuse n’est pas consen-
suelle. Elle dépend de la biodisponibilité de l’antibiotique prescrit,
du type d’infection et de la tolérance du traitement. Il faut parfois  Particularités de l’arthrite
envisager la mise en place d’une voie centrale ou d’une chambre
implantable.
septique sur prothèse ou matériel
Mise à part pour le traitement d’une arthrite septique à gono- d’ostéosynthèse
coque (céphalosporine de troisième génération pendant 10 jours),
il n’existe aucune recommandation de durée totale de traite- Les infections articulaires sur prothèse – ou autre type de
ment. Celle-ci varie beaucoup d’une équipe à l’autre [76] . Elle matériel d’ostéosynthèse – sont une complication rare mais poten-
dépend de façon empirique du germe en cause, de la localisa- tiellement grave. Elles touchent entre 0,5 et 2 % des patients
tion de l’infection, des lésions structurales, de l’évolution sous opérés, avec une plus forte incidence relevée en cas d’intervention
traitement. antérieure sur la même ou sur une autre articulation, de durée

EMC - Maladies infectieuses 5


8-003-A-40  Arthrites septiques à bactéries pyogènes

du geste opératoire inférieure à deux heures ou supérieure à  Références


quatre heures, de surcharge pondérale (indice de masse corpo-
relle supérieur à 25), de polyarthrite rhumatoïde ou de cancer [1] Mathews CJ, Weston VC, Jones A, Field M, Coakley G. Bacterial
sous-jacent [88, 89] . Même correctement prises en charge, elles sont septic arthritis in adults. Lancet 2010;375:846–55.
grevées d’une mortalité assez élevée [90] . Ces infections sur matériel [2] Newman JH. Review of septic arthritis throughout the antibiotic era.
sont responsables de deux grands types de tableau clinique. Ann Rheum Dis 1976;35:198–205.
Le premier, le plus souvent aigu, reproduit celui d’une arthrite [3] Geirsson AJ, Statkevicius S, Vikingsson A. Septic arthritis in Ice-
septique sur articulation native : il se constitue soit dans les suites land 1990-2002: increasing incidence due to iatrogenic infections. Ann
immédiates du geste opératoire du fait d’une contamination pen- Rheum Dis 2008;67:638–43.
dant l’intervention, soit à distance, mais dans le contexte d’une [4] Weston VC. Clinical features and outcome of septic arthritis in a single
bactériémie généralement responsable d’autres symptômes (loca- UK Health District 1982-1991. Ann Rheum Dis 1999;58:214–9.
lisés à la porte d’entrée infectieuse, à l’endocarde ou sur d’autres [5] Morgan DS, Fisher D, Merianos A, Currie BJ. An 18-year clinical
foyers métastatiques septiques). Les bactéries rencontrées sont review of septic arthritis from tropical Australia. Epidemiol Infect
S. aureus, le streptocoque, les bactéries à Gram négatif et les germes 1996;117:423–8.
anaérobies. Les bactéries peuvent se lier au biofilm, ce qui les rend [6] Kaandorp CJ, Dinant HJ, van de Laar MA, Moens HJ, Prins AP,
difficilement atteignables par les phagocytes et les antibiotiques. Dijkmans BA. Incidence and sources of native and prosthetic joint
Le diagnostic est généralement aisé, du fait de l’importance des infection: a community based prospective survey. Ann Rheum Dis
signes généraux associés, sauf lorsque ces derniers sont abâtar- 1997;56:470–5.
dis par un traitement anti-inflammatoire, administré par exemple [7] Kaandorp CJ. Risk factors for septic arthritis in patients with joint
pour une pathologie rhumatismale sous-jacente. Les hémocul- disease. A prospective study. Arthritis Rheum 1995;38:1819–25.
tures et la ponction de l’articulation atteinte permettent le [8] Malnick SD, Beergabel M, Lurie Y. Septic arthritis. Lancet
diagnostic, en isolant la bactérie causale, correspondant le plus 1998;351:1060.
souvent à un staphylocoque doré [91] . [9] Ashrani AA. Septic arthritis in males with haemophilia. Haemophilia
Dans les infections aiguës postopératoires, l’ablation de la pro- 2008;14:494–503.
thèse n’est pas toujours nécessaire, sous réserve d’un diagnostic [10] Al-Nammari SS, Gulati V, Patel R, Bejjanki N, Wright M. Septic
précoce, d’un débridement local et d’une bonne sensibilité du arthritis in haemodialysis patients: a seven-year multi-centre review. J
Orthop Surg 2008;16:54–7.
germe identifié aux antibiotiques classiques.
[11] Polnau U. Listeria arthritis in chronic polyarthritis during low dose
Dans les autres cas, le traitement impose le retrait du matériel
prednisolone and methotrexate therapy. Case report and review of the
prothétique, associé à un débridement et à un lavage articulaire.
literature. Z Rheumatol 2001;60:41–6.
L’antibiothérapie doit être guidée par les résultats bactériolo-
[12] Jansen TL, van Heereveld HA, Laan RF, Barrera P, van de Putte LB.
giques, car le risque de résistance est particulièrement important Septic arthritis with Listeria monocytogenes during low-dose metho-
dans ce contexte. Avec ou sans conservation de la prothèse, la trexate. J Intern Med 1998;244:87–90.
durée habituellement recommandée du traitement antibiotique [13] McCambridge MM, Vogelgesang SA, Ockenhouse CF. Listeria
est de six semaines, dont une initiale pour la voie intraveineuse [92] . monocytogenes infection in a patient treated with methotrexate for
Une nouvelle prothèse est mise en place dans un deuxième rheumatoid arthritis. J Rheumatol 1995;22:786–7.
temps, une fois garantie la stérilisation du foyer septique. Chez les [14] Hayem G, Meyer O, Kahn MF. Listeria monocytogenes infection in a
patients ne pouvant ou ne voulant pas être opérés, une antibio- patient treated with methotrexate for rheumatoid arthritis. J Rheumatol
thérapie prolongée représente alors la seule solution de recours, 1996;23:198–9.
compte tenu des chances très faibles d’une guérison sur prothèse [15] Kaur PP. Septic arthritis caused by Actinobacillus ureae in a patient
native laissée en place. with rheumatoid arthritis receiving anti-tumor necrosis factor-alpha
Le second tableau correspond à une infection à bas bruit, pau- therapy. J Rheumatol 2004;31:1663–5.
cisymptomatique, se manifestant par des douleurs persistantes et [16] Favero M. Septic arthritis caused by Rothia dentocariosa in a patient
trompeuses, du fait de leur horaire mécanique. La fièvre est sou- with rheumatoid arthritis receiving etanercept therapy. J Rheumatol
vent absente, de même que les signes inflammatoires locaux. Le 2009;36:2846–7.
patient consulte en général pour une douleur de l’articulation [17] Sipsas NV, Papaparaskevas J, Stefanou I, Kalatzis K, Vlachoyian-
opérée. Le diagnostic peut également être évoqué sur la persis- nopoulos P, Avlamis A. Septic arthritis due to Roseomonas mucosa
tance d’un syndrome inflammatoire biologique inexpliqué ou in a rheumatoid arthritis patient receiving infliximab therapy. Diagn
l’apparition sur les radiographies d’un liseré radiotransparent, Microbiol Infect Dis 2006;55:343–5.
en faveur d’un descellement de prothèse. Les agents bactériens [18] Katsarolis I. Septic arthritis due to Salmonella enteritidis associated
impliqués sont de faible virulence, d’où la discrétion des signes with infliximab use. Scand J Infect Dis 2005;37:304–5.
cliniques et la constatation retardée de signes radiologiques de [19] Olivieri I, Padula A, Armignacco L, Sabatella V, Mancino M. Septic
descellement prothétique, devant alerter essentiellement du fait arthritis caused by Moraxella catarrhalis associated with infliximab
de leur précocité par rapport à la date d’implantation ou encore treatment in a patient with undifferentiated spondarthritis. Ann Rheum
de l’importance inhabituelle de la résorption osseuse périprothé- Dis 2004;63:105–6.
tique. Les différentes méthodes d’imagerie, qu’il s’agisse de la [20] Ventura G. Osteoarticular bacterial infections are rare in HIV-infected
TDM, de la scintigraphie aux polynucléaires marqués, ou encore patients. 14 cases found among 4,023 HIV-infected patients. Acta
Orthop Scand 1997;68:554–8.
de la tomographie par émission de positons couplée à la TDM [93] ,
[21] Belzunegui J, Santisteban M, Gorordo M, Barastay E, Rodríguez-
ne permettent pas d’affirmer le diagnostic d’infection bactérienne
Escalera C, Lopez-Dominguez L, et al. Osteoarticular mycobacterial
torpide, que seule une ponction exploratrice (radioguidée le cas
infections in patients with the human immunodeficiency virus. Clin
échéant) identifie de manière formelle. Les bactéries impliquées Exp Rheumatol 2004;22:343–5.
sont dominées par les staphylocoques coagulase négatifs, les strep-
[22] Le Dantec L. Peripheral pyogenic arthritis. A study of one hundred
tocoques non groupables et Propionibacterium acnes. seventy-nine cases. Rev Rhum Engl Ed 1996;63:103–10.
Le traitement de ces descellements septiques impose géné- [23] Dubost JJ. No changes in the distribution of organisms responsible for
ralement la dépose chirurgicale de la prothèse, remplacée septic arthritis over a 20-year period. Ann Rheum Dis 2002;61:267–9.
transitoirement par un espaceur façonné avec du ciment impré- [24] Gupta MN, Sturrock RD, Field M. Prospective comparative study of
gné d’antibiotiques [94] , en prévoyant la mise en place d’une patients with culture proven and high suspicion of adult onset septic
nouvelle prothèse, mais uniquement après antibiothérapie pro- arthritis. Ann Rheum Dis 2003;62:327–31.
longée et la preuve de la stérilisation du foyer infectieux, [25] Tarkowski A, Collins LV, Gjertsson I, Hultgren OH, Jonsson IM, Saki-
idéalement par une ponction préopératoire, effectuée après l’arrêt niene E, et al. Model systems: modeling human staphylococcal arthritis
des antibiotiques. and sepsis in the mouse. Trends Microbiol 2001;9:321–6.
[26] Tissi L, Puliti M, Barluzzi R, Orefici G, von Hunolstein C, Bistoni F.
Role of tumor necrosis factor alpha, interleukin-1beta, and interleukin-
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en 6 in a mouse model of group B streptococcal arthritis. Infect Immun
relation avec cet article. 1999;67:4545–50.

6 EMC - Maladies infectieuses


Arthrites septiques à bactéries pyogènes  8-003-A-40

[27] Hultgren OH, Svensson L, Tarkowski A. Critical role of signaling [57] Ravindran V, Logan I, Bourke BE. Medical vs surgical treatment for
through IL-1 receptor for development of arthritis and sepsis during the native joint in septic arthritis: a 6-year, single UK academic centre
Staphylococcus aureus infection. J Immunol 2002;168:5207–12. experience. Rheumatology 2009;48:1320–2.
[28] Hultgren O. TNF/lymphotoxin-alpha double-mutant mice resist septic [58] Nunn TR, Cheung WY, Rollinson PD. A prospective study of pyogenic
arthritis but display increased mortality in response to Staphylococcus sepsis of the hip in childhood. J Bone Joint Surg Br 2007;89:100–6.
aureus. J Immunol 1998;161:5937–42. [59] Choi IH, Shin YW, Chung CY, Cho TJ, Yoo WJ, Lee DY. Surgical
[29] Gjertsson I, Hultgren OH, Tarkowski A. Interleukin-10 ameliorates treatment of the severe sequelae of infantile septic arthritis of the hip.
the outcome of Staphylococcus aureus arthritis by promoting bacterial Clin Orthop 2005;434:102–9.
clearance. Clin Exp Immunol 2002;130:409–14. [60] Forlin E, Milani C. Sequelae of septic arthritis of the hip in chil-
[30] Puliti M, Von Hunolstein C, Verwaerde C, Bistoni F, Orefici G, Tissi dren: a new classification and a review of 41 hips. J Pediatr Orthop
L. Regulatory role of interleukin-10 in experimental group B strepto- 2008;28:524–8.
coccal arthritis. Infect Immun 2002;70:2862–8. [61] Stengel D, Bauwens K, Sehouli J, Ekkernkamp A, Porzsolt F. Syste-
[31] Hultgren O, Kopf M, Tarkowski A. Outcome of Staphylococcus matic review and meta-analysis of antibiotic therapy for bone and joint
aureus-triggered sepsis and arthritis in IL-4-deficient mice depends on infections. Lancet Infect Dis 2001;1:175–88.
the genetic background of the host. Eur J Immunol 1999;29:2400–5. [62] Schurman DJ. Cefazolin concentrations in bone and synovial fluid. J
[32] Thorbecke GJ. Involvement of endogenous tumor necrosis factor alpha Bone Joint Surg Am 1978;60:359–62.
and transforming growth factor beta during induction of collagen [63] Sattar MA, Barrett SP, Cawley MI. Concentrations of some antibiotics
type II arthritis in mice. Proc Natl Acad Sci U S A 1992;89:7375–9. in synovial fluid after oral administration, with special reference to
[33] Palmqvist N. Protein A is a virulence factor in Staphylococcus aureus antistaphylococcal activity. Ann Rheum Dis 1983;42:67–74.
arthritis and septic death. Microb Pathog 2002;33:239–49. [64] Somekh E, Golan T, Tanay A, Poch F, Dan M. Concentration and bac-
[34] Deng GM, Tarkowski A. The features of arthritis induced by CpG tericidal activity of fusidic acid and cloxacillin in serum and synovial
motifs in bacterial DNA. Arthritis Rheum 2000;43:356–64. fluid. J Antimicrob Chemother 1999;43:593–6.
[35] Foster TJ, Hook M. Surface protein adhesins of Staphylococcus aureus. [65] Eshkenazi AU, Garti A, Tamir L, Hendel D. Serum and synovial van-
Trends Microbiol 1998;6:484–8. comycin concentrations following prophylactic administration in knee
[36] Tissi L, Marconi P, Mosci P, Merletti L, Cornacchione P, Rosati E, arthroplasty. Am J Knee Surg 2001;14:221–3.
et al. Experimental model of type IV Streptococcus agalactiae (group B [66] Desplaces N. Traitement des infections sur matériel : l’expérience d’un
Streptococcus) infection in mice with early development of septic service hospitalier. Lettre Infectiol 1995;10:24–8.
arthritis. Infect Immun 1990;58:3093–100. [67] Zeller V. Antibiothérapie des infections ostéoarticulaires à pyogènes
[37] Tissi L. Glucuronoxylomannan, the major capsular polysaccharide of chez l’adulte : principes et modalités. Rev Rhum 2006;73:183–90.
Cryptococcus neoformans, inhibits the progression of group B strep- [68] Dellamonica P, Bernard E, Etesse H, Garraffo R. The diffusion of
tococcal arthritis. Infect Immun 2004;72:6367–72. pefloxacin into bone and the treatment of osteomyelitis. J Antimicrob
[38] Eder L. Clinical features and aetiology of septic arthritis in northern Chemother 1986;17(Suppl. B):93–102.
Israel. Rheumatology 2005;44:1559–63. [69] Desplaces N. Vancomycine en perfusion continue et infections
[39] Ispahani P, Weston VC, Turner DP, Donald FE. Septic arthritis due ostéoarticulaires à staphylocoques multirésistants. Med Mal Infect
to Streptococcus pneumoniae in Nottingham, United Kingdom, 1985- 1997;27:969–74.
1998. Clin Infect Dis 1999;29:1450–4. [70] Zeller V. Importance of monitoring antibiotic plasma levels in bone and
[40] Goldenberg DL, Cohen AS. Acute infectious arthritis. A review of joint infections. 6th European Congress of chemotherapy and infection.
patients with nongonococcal joint infections (with emphasis on therapy 2010. 96p.
and prognosis). Am J Med 1976;60:369–77. [71] Pulcini C, Bernard E, Garraffo R, Roger PM, Tempesta S, Dellamonica
[41] Howard A, Wilson M. Septic arthritis in children. Br Med J P. The use of fluoroquinolone plasma levels by physicians. Presse Med
2010;341:c4407. 2004;33:1502–4.
[42] Li SF. Diagnostic utility of laboratory tests in septic arthritis. Emerg [72] Gemmell CG, Edwards DI, Fraise AP, Gould FK, Ridgway GL, Warren
Med J 2007;24:75–7. RE, et al. Guidelines for the prophylaxis and treatment of methicillin-
[43] Margaretten ME, Kohlwes J, Moore D, Bent S. Does this adult patient resistant Staphylococcus aureus (MRSA) infections in the UK. J
have septic arthritis? JAMA 2007;297:1478–88. Antimicrob Chemother 2006;57:589–608.
[44] McGillicuddy DC. How sensitive is the synovial fluid white blood cell [73] Dumitrescu O. Staphylococcus aureus resistance to antibiotics: key
count in diagnosing septic arthritis? Am J Emerg Med 2007;25:749–52. points in 2010. Med Sci (Paris) 2010;26:943–9.
[45] Coutlakis PJ, Roberts WN, Wise CM. Another look at synovial fluid [74] Falagas ME, Giannopoulou KP, Ntziora F, Papagelopoulos PJ. Dap-
leukocytosis and infection. J Clin Rheumatol 2002;8:67–71. tomycin for treatment of patients with bone and joint infections: a
[46] Jalava J. Bacterial PCR in the diagnosis of joint infection. Ann Rheum systematic review of the clinical evidence. Int J Antimicrob Agents
Dis 2001;60:287–9. 2007;30:202–9.
[47] Martinot M, Sordet C, Soubrier M, Puéchal X, Saraux A, Lioté [75] Falagas ME. Linezolid for the treatment of adults with bone and joint
F, et al. Diagnostic value of serum and synovial procalcitonin in infections. Int J Antimicrob Agents 2007;29:233–9.
acute arthritis: a prospective study of 42 patients. Clin Exp Rheumatol [76] Legrand E. Management of nontuberculous infectious discitis. Treat-
2005;23:303–10. ments used in 110 patients admitted to 12 teaching hospitals in France.
[48] Kocher MS. Validation of a clinical prediction rule for the differen- Joint Bone Spine 2001;68:504–9.
tiation between septic arthritis and transient synovitis of the hip in [77] Goldenberg DL, Brandt KD, Cohen AS, Cathcart ES. Treatment of
children. J Bone Joint Surg Am 2004;86:1629–35. septic arthritis: comparison of needle aspiration and surgery as initial
[49] Kocher MS, Zurakowski D, Kasser JR. Differentiating between septic modes of joint drainage. Arthritis Rheum 1975;18:83–90.
arthritis and transient synovitis of the hip in children: an evidence-based [78] Butt U, Amissah-Arthur M, Khattak F, Elsworth CF. What are we
clinical prediction algorithm. J Bone Joint Surg Am 1999;81:1662–70. doing about septic arthritis? A survey of UK-based rheumatologists
[50] Merino R, de Inocencio J, Garcia-Consuegra J. [Differentiation bet- and orthopedic surgeons. Clin Rheumatol 2011;30:707–10.
ween transient synovitis and septic arthritis of the hip with clinical and [79] Wirtz DC, Marth M, Miltner O, Schneider U, Zilkens KW. Septic
ultrasound criteria]. An Pediatr (Barc) 2010;73:189–93. arthritis of the knee in adults: treatment by arthroscopy or arthrotomy.
[51] Karchevsky M. MRI findings of septic arthritis and associated osteo- Int Orthop 2001;25:239–41.
myelitis in adults. AJR Am J Roentgenol 2004;182:119–22. [80] Sammer DM, Shin AY. Comparison of arthroscopic and open treatment
[52] Zhuang H, Duarte PS, Pourdehnad M, Maes A, Van Acker F, Shnier D, of septic arthritis of the wrist. J Bone Joint Surg Am 2009;91:1387–93.
et al. The promising role of 18F-FDG PET in detecting infected lower [81] Peltola H, Pääkkönen M, Kallio P, Kallio MJ, Osteomyelitis-Septic
limb prosthesis implants. J Nucl Med 2001;42:44–8. Arthritis (OM-SA) Study Group. Prospective, randomized trial of
[53] Duet M. Role for positron emission tomography in skeletal diseases. 10 days versus 30 days of antimicrobial treatment, including a short-
Joint Bone Spine 2007;74:14–23. term course of parenteral therapy, for childhood septic arthritis. Clin
[54] Yu LP. Predictors of mortality in non-post-operative patients with septic Infect Dis 2009;48:1201–10.
arthritis. Scand J Rheumatol 1992;21:142–4. [82] Givon U. Treatment of septic arthritis of the hip joint by repeated
[55] Epstein JH, Zimmermann 3rd B, Ho Jr G. Polyarticular septic arthritis. ultrasound-guided aspirations. J Pediatr Orthop 2004;24:266–70.
J Rheumatol 1986;13:1105–7. [83] Wysenbeek AJ, Volchek J, Amit M, Robinson D, Boldur I, Nevo
[56] Vispo Seara JL, Barthel T, Schmitz H, Eulert J. Arthroscopic treat- Z. Treatment of staphylococcal septic arthritis in rabbits by syste-
ment of septic joints: prognostic factors. Arch Orthop Trauma Surg mic antibiotics and intra-articular corticosteroids. Ann Rheum Dis
2002;122:204–11. 1998;57:687–90.

EMC - Maladies infectieuses 7


8-003-A-40  Arthrites septiques à bactéries pyogènes

[84] Rothschild BM. Staphylococcal septic arthritis in rabbits. Ann Rheum [90] Garcia RM, Hardy BT, Kraay MJ, Goldberg VM. Revision total knee
Dis 1999;58:386. arthroplasty for aseptic and septic causes in patients with rheumatoid
[85] Sakiniene E, Bremell T, Tarkowski A. Addition of corticosteroids to arthritis. Clin Orthop 2010;468:82–9.
antibiotic treatment ameliorates the course of experimental Staphylo- [91] Munoz-Egea MC, Blanco A, Fernandez-Roblas R, Gadea I, Garcia-
coccus aureus arthritis. Arthritis Rheum 1996;39:1596–605. Canete J, Sandoval E, et al. Clinical and microbiological characteristics
[86] Odio CM. Double blind, randomized, placebo-controlled study of of patients with septic arthritis: a hospital-based study. J Orthop
dexamethasone therapy for hematogenous septic arthritis in children. 2014;11:87–90.
Pediatr Infect Dis J 2003;22:883–8. [92] Bernard L, Legout L, Zurcher-Pfund L, Stern R, Rohner P, Peter R,
[87] Verdrengh M. Addition of bisphosphonate to antibiotic and et al. Six weeks of antibiotic treatment is sufficient following surgery
anti-inflammatory treatment reduces bone resorption in experi- for septic arthroplasty. J Infect 2010;61:125–32.
mental Staphylococcus aureus-induced arthritis. J Orthop Res [93] Palestro CJ. FDG-PET in musculoskeletal infections. Semin Nucl Med
2007;25:304–10. 2013;43:367–76.
[88] Barrett L, Atkins B. The clinical presentation of prosthetic joint infec- [94] Romano CL, Gala L, Logoluso N, Romano D, Drago L. Two-stage
tion. J Antimicrob Chemother 2014;69(Suppl. 1):i25–7. revision of septic knee prosthesis with articulating knee spacers
[89] Jamsen E, Huhtala H, Puolakka T, Moilanen T. Risk factors for infec- yields better infection eradication rate than one-stage or two-stage
tion after knee arthroplasty. A register-based analysis of 43,149 cases. revision with static spacers. Knee Surg Sports Traumatol Arthrosc
J Bone Joint Surg Am 2009;91:38–47. 2012;20:2445–53.

C. Palazzo.
Service de médecine physique et réadaptation, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75014 Paris, France.
G. Hayem (gilles.hayem@aphp.fr).
Service de rhumatologie, Hôpital Ambroise-Paré, 9, avenue Charles-de-Gaulle, 92104 Boulogne cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Palazzo C, Hayem G. Arthrites septiques à bactéries pyogènes. EMC - Maladies infectieuses 2016;13(3):1-8
[Article 8-003-A-40].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Maladies infectieuses


 8-003-A-41

Arthrites réactionnelles et rhumatismes


poststreptococciques
C. Cambon-Palazzo, G. Hayem

Les arthrites réactionnelles (AR) posent au clinicien un certain nombre de problèmes, à commencer par
celui de leur définition. La plus appropriée aurait pu être celle de manifestations rhumatismales inflam-
matoires, survenant à distance – chronologique ou topographique – d’un foyer infectieux. Partant d’une
telle définition, on comprend qu’il est difficile de ne pas inclure dans le même groupe une pathologie
comme le rhumatisme articulaire aigu (RAA). Cette approche nosologique a été partiellement remise en
question par la mise en évidence, au sein d’articulations atteintes, de reliquats chromosomiques bacté-
riens. La positivité fréquente de l’haplotype human leucocyte antigen B27 (HLA-B27) représente la piste
principale pour la compréhension des AR (hors RAA), ouvrant vers des hypothèses physiopathogéniques
faisant intervenir le mimétisme moléculaire et la rupture de tolérance. Le diagnostic des AR est avant tout
clinique, s’appuyant sur l’anamnèse et le constat d’un tableau souvent stéréotypé (mono- ou oligoarthrite
prédominant aux membres inférieurs, avec fréquentes enthésites associées). Sur le plan thérapeutique,
de récentes études sont venues relancer l’intérêt porté aux traitements antibiotiques prolongés au cours
de certaines formes d’AR, avec un risque possiblement réduit d’évolution vers une spondylarthrite. C’est
dans ces formes devenues chroniques, et en cas d’échec des anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS)
que le recours aux biothérapies anti-TNF peut se révéler nécessaire. La thérapeutique du RAA passe à la
fois par la prévention optimale du portage pharyngé du streptocoque du groupe A, par un diagnostic
plus précoce en pays exposés et, enfin, par la poursuite prolongée de la pénicilline une fois le diagnostic
porté.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Arthrite réactionnelle ; Spondylarthrite ; HLA-B27 ; Mimétisme moléculaire ;


Rhumatisme articulaire aigu ; Streptocoque bêtahémolytique du groupe A

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Les arthrites réactionnelles (AR) se définissent comme des
■ Arthrites réactionnelles 2 arthrites consécutives à une infection microbienne survenue à
Généralités 2 distance (le plus souvent dans les sphères digestive ou urogéni-
Diagnostic 2 tale) et pour lesquelles les cultures bactériologiques classiques des
Physiopathologie 4 prélèvements articulaires demeurent stériles. Les germes le plus
Évolution et pronostic 5 souvent impliqués sont du genre Chlamydia, Yersinia, Salmonella,
Traitement 5 Shigella et Campylobacter.

Des arguments convergents ont permis d’intégrer les AR dans
Rhumatisme poststreptococcique et rhumatisme articulaire
la famille des spondylarthrites (SPA). En effet, les manifestations
aigu 6
rhumatismales peuvent être axiales (rachialgies inflammatoires,
Définition et épidémiologie 6
sacro-iliïte), périphériques (mono- ou oligoarthrites, prédominant
Physiopathologie 6
aux membres inférieurs) ou toucher les zones d’insertion ten-
Diagnostic du rhumatisme articulaire aigu 6
dineuse (enthésites). De plus, une association au groupe human
■ Conclusion 7 leucocyte antigen B27 (HLA-B27) est enregistrée dans 60 à 85 % des
cas.
Une place à part a été longtemps réservée aux manifesta-
tions rhumatismales faisant suite à une infection à streptocoque
bêta-hémolytique du groupe A, qu’il s’agisse du rhumatisme arti-
culaire aigu (RAA) ou du rhumatisme poststreptococcique (RPS).

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 10 > n◦ 4 > novembre 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(13)50401-7
8-003-A-41  Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques

Pourtant, ces deux variétés d’affections rhumatismales répondent Tableau 3.


également à la définition d’une AR et seront par conséquent trai- Principaux germes en cause dans les arthrites réactionnelles.
tées dans ce même chapitre. Porte d’entrée Chlamydia trachomatis
urogénitale Chlamydia psittaci
Ureaplasma urealyticum

 Arthrites réactionnelles Porte d’entrée


digestive
Shigella flexneri
Campylobacter jejuni
Campylobacter fetus
Généralités Salmonella typhimurium
Limites nosologiques et critères diagnostiques Salmonella enteritidis (moins fréquent : S.
heidelberg, S. choleraesuis, S. paratyphi B)
La première description des AR date de la Première Guerre Shigella sonnei
mondiale, sous la forme de la triade oculo-uréthro-synoviale, Shigella dysenteriae
classiquement décrite sous la dénomination de syndrome de Yersinia pseudotuberculosis
Fiessinger-Leroy-Reiter [1] . Depuis la mise à jour des activités nazies Yersinia enterocolitica O:3 ou O:9 (moins
du Dr Reiter, la communauté médicale s’est accordée pour évi- fréquent : Y. enterocolitica O:8)
ter l’utilisation de son patronyme, d’où l’adoption généralisée de Clostridium difficile
l’appellation « arthrites réactionnelles ». Autre Chlamydia pneumoniae
Il faut souligner que le tableau symptomatique est rarement
complet et que l’arthrite peut être la seule manifestation clinique.
À l’inverse, les symptômes peuvent être multiples, associant Germes en cause
arthrites périphériques, sacro-iliïte, lésions cutanéomuqueuses,
etc. La diversité des formes cliniques rend compte de la difficulté Les germes impliqués sont détaillés dans le Tableau 3. Il s’agit
de définir des critères diagnostiques précis. Des critères de clas- majoritairement de bactéries Gram négatives, à tropisme digestif
sification ont néanmoins été proposés, mais aucun système n’a ou urogénital.
été validé de manière spécifique pour les AR [2, 3] . Les éléments de
convergence sont une arthrite évoluant depuis plus d’un mois,
plus particulièrement sous la forme d’une oligoarthrite asymé- Diagnostic
trique des membres inférieurs, la mise en évidence d’une infection Présentations cliniques
au cours du mois précédent (soit par l’anamnèse, soit avec une
preuve bactériologique) et naturellement l’exclusion d’une autre Les différentes manifestations articulaires et extra-articulaires
cause d’arthrite [4–6] (Tableaux 1, 2). sont résumées dans le Tableau 4.
Les premiers symptômes apparaissent dans le mois suivant
l’épisode infectieux, ce dernier étant souvent passé inaperçu.
Épidémiologie
Atteinte articulaire
Les études épidémiologiques sont difficiles à organiser et à inter-
préter en raison de la grande variabilité clinique et de l’absence L’atteinte articulaire la plus fréquente est une oligoarthrite asy-
de critères diagnostiques précis [7] . métrique prédominant sur les grosses articulations des membres
Les AR sont plus fréquentes chez l’adulte que chez l’enfant, avec inférieurs (genoux et chevilles surtout). Les signes inflammatoires
un pic d’incidence au cours de la troisième décennie. Le sex-ratio locaux sont souvent assez importants.
est de 1/1 pour les infections digestives alors qu’il atteint neuf Peuvent s’y associer une dactylite (encore appelée orteil ou doigt
hommes pour une femme pour les infections vénériennes [8–10] . « en saucisse »), des enthésopathies périphériques ou une atteinte
Suivant les pays et les populations, la prévalence des AR varie axiale (se traduisant par des rachialgies ou fessalgies inflamma-
schématiquement entre cinq et 15/100 000 habitants. toires). Ces manifestations sont rarement isolées.

Atteinte extra-articulaire
Différence de prévalence des arthrites réactionnelles en Lors d’une première poussée rhumatismale, certaines manifes-
fonction des pays et des populations tations extra-articulaires (conjonctivite, urétrite, vulvovaginite)
Plusieurs études montrent que cette différence s’interprète de peuvent être directement liées à l’agent infectieux déclenchant.
plusieurs façons. Par la suite, elles connaissent une évolution variable, de type
« réactionnel », indépendamment de l’agent infectieux initial.
Tableau 1. Manifestations oculaires
Critères diagnostiques des arthrites réactionnelles.
Il s’agit le plus souvent d’une conjonctivite bilatérale. Elle appa-
Critères Arthrite évoluant depuis au moins un mois associée raît dès la première poussée articulaire et se manifeste par une
diagnostiques à une uvéite ou à une cervicite hyperhémie de la conjonctive. Une uvéite antérieure (uni- ou
des arthrites Arthrite évoluant depuis au moins un mois et/ou bilatérale) est possible et se rencontre surtout au moment des
réactionnelles une urétrite ou une cervicite ou une conjonctivite rechutes. Les autres atteintes oculaires possibles sont une kéra-
bilatérale tite (isolée ou compliquant une conjonctivite), une épisclérite ou
Épisode d’arthrite et conjonctivite une sclérite nodulaire dans les formes prolongées.
Épisode d’arthrite évoluant depuis plus d’un mois
associé à une uréthrite et une conjonctivite Manifestations urogénitales
Dans les AR à porte d’entrée urogénitale, l’urétrite infectieuse
précède les manifestations articulaires de trois à quatre semaines.
Tableau 2. Chez l’homme, elle peut s’accompagner d’une prostatite, d’une
Critères diagnostiques des arthrites réactionnelles selon le troisième épididymite ou d’une orchite. L’atteinte est le plus souvent asymp-
groupe de travail international (d’après [5] ). tomatique chez la femme. Les formes récurrentes d’urétrite sont
généralement aseptiques.
Critères Oligoarthrite asymétrique prédominant aux Certaines manifestations sont observées dans les formes subai-
diagnostiques membres inférieurs guës ou chroniques :
des arthrites Infection en cause prouvée ou diarrhée ou urétrite
• la balanite circinée se manifeste par de petites vésicules ou pus-
réactionnelles dans les quatre semaines précédentes, sans signe
tules, laissant des érosions superficielles et non douloureuses
périphériques d’infection en cours
après rupture. Chez l’homme circoncis, les lésions balaniques
Autres causes de mono- ou oligoarthrite exclues
sont volontiers hyperkératosiques ;

2 EMC - Maladies infectieuses


Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques  8-003-A-41

Tableau 4.
Manifestations cliniques des arthrites réactionnelles.
Type de manifestations Symptômes Particularités
Articulaires Oligoarthrite Disposition asymétrique, prédisposition aux membres inférieurs
Monoarthrite 2 à 4 semaines après infection
Manifestations axiales
Doigts « en saucisse »
Enthésopathies
Oculaires Conjonctivite Bilatérale, hyperhémie de la conjonctive palpébrale, dès la 1re poussée
Uvéite Au cours des rechutes, indépendante des poussées rhumatismales
Kératite Isolée ou compliquant une conjonctivite
Épisclérite ou sclérite nodulaire Au cours des formes prolongées
Urogénitales Urétrite (dysurie, écoulement) Précède les manifestations articulaires de 3 à 4 semaines
Prostatite, épididymite, orchite
Cervicite Atteinte souvent silencieuse chez la femme
Salpingite Plus rares que cervicite
Digestives Diarrhée Précède les manifestations articulaires de 15 jours à 1 mois
Peuvent se rencontrer dans Aré à porte d’entrée urogénitale
Penser à rechercher une MICI
Cutanéomuqueuses Balanite circinée Vésicules ou pustules
Vulvovaginite Érosions en petites plaques, papules
Kératodermie blennorragique Beaucoup plus rare que balanite
Commence par macules érythémateuses, puis pustules
palmoplantaires pouvant évoluer vers des plaques hyperkératosiques
Lésions endobuccales Souvent indolores. Érosions, glossite
Onychopathies (fréquence : 20 à 30 %) Mime onychopathie psoriasique
Cardiaques Myocardite
Péricardite
Trouble de conduction (BAV 1) Dans les formes chroniques d’AR
Insuffisance aortique
Autres Néphropathie à IgA Très rare
Amylose
Altération de l’état général, fièvre (38 ◦ C),
amaigrissement, asthénie

MICI : maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ; AR : arthrites réactionnelles ; IgA : immunoglobuline A.

• la vulvovaginite, beaucoup plus rare que la balanite, se traduit


par des érosions en petites plaques ou des papules.

Manifestations digestives
Dans les AR à porte d’entrée digestive, une diarrhée précède
les manifestations articulaires de deux à quatre semaines. Des
troubles digestifs (diarrhée surtout) peuvent aussi se rencontrer
dans les AR d’origine urogénitale. Dans ce contexte, on pensera à
rechercher des arguments cliniques ou endoscopiques en faveur
d’une maladie inflammatoire de l’intestin.

Atteintes cutanéomuqueuses (non génitales)


L’atteinte cutanée est assez spécifique. Il s’agit de la kérato-
dermie blennorragique (ou syndrome de Vidal-Jacquet). Elle est
présente dans 10 à 23 % des cas et se rencontre surtout dans les AR
d’origine vénérienne [11] . Elle touche le plus souvent la paume des
mains et la plante des pieds, mais peut se voir dans d’autres loca-
lisations comme le cuir chevelu et les ongles. Les lésions débutent
par des macules érythémateuses qui forment ensuite des pustules
pour évoluer vers des plaques hyperkératosiques, de forme coni-
que rappelant les « clous de tapissier » (Fig. 1). Figure 1. Différentes phases de la kératodermie palmoplantaire, avec
Les atteintes endobuccales (érosions, glossite) sont souvent pustules récentes coexistant avec des lésions hyperkératosiques brunâtres
indolores et doivent être recherchées systématiquement. tardives (réalisant l’aspect dit de « clous de tapisser »).

Atteinte cardiaque
L’atteinte cardiaque concerne 10 % des formes chroniques [12] .
Elle n’est pas spécifique des AR et concerne toutes les formes de Enfin, une amylose et une néphropathie à immunoglobulines
spondylarthrites. Il peut s’agir d’une péricardite, d’une myocar- A (IgA) peuvent exceptionnellement compliquer les formes chro-
dite, d’une insuffisance aortique, de trouble de conduction (bloc niques.
auriculoventriculaire surtout).

Autres
Examens complémentaires
Dans les formes subaiguës, une altération de l’état général Examens de laboratoire
(amaigrissement, asthénie) ainsi qu’une fièvre autour de 38 ◦ C Ils servent surtout à éliminer les diagnostics différentiels, en
sont fréquentes. particulier l’arthrite septique.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-003-A-41  Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques

Examens biologiques sanguins. Ils permettent d’objectiver


un syndrome inflammatoire, plus marqué à la phase initiale de
la maladie. Les tests immunologiques classiques (recherche de
facteur rhumatoïde, d’anticorps antinucléaires ou antipeptides
citrullinés) sont négatifs. L’uricémie est habituellement normale.
Examens bactériologiques.
Prélèvements articulaires. La ponction d’une articulation gon-
flée doit être systématique. Le liquide synovial ainsi prélevé est
inflammatoire (comportant plus de 2000 éléments/mm3 ) avec
une prédominance nette de polynucléaires neutrophiles. Il est
stérile par les techniques microbiologiques usuelles de culture et
ne contient pas de microcristaux, ce qui permet d’éliminer une
arthrite septique à germe banal ou encore une origine microcris-
talline.
À l’aide de la technique d’amplification génique par polyme-
rase chain reaction (PCR), il est parfois possible de démontrer la
présence de matériel génétique de certains micro-organismes, du
genre Chlamydia (trachomatis surtout), dans le liquide et le tissu
synovial [13–19] . Cependant, ces examens coûteux – et invasifs en
cas de biopsie synoviale – n’ont aucune utilité en pratique cou-
rante et sont réservés à la recherche. Figure 2. Imagerie en résonance magnétique nucléaire, séquence pon-
Prélèvement de la porte d’entrée. Le prélèvement des portes dérée en T2, faisant apparaître un hypersignal des berges des articulations
d’entrée potentielles doit être systématique, même si les résultats sacro-iliaques, typique de sacro-iliïte.
sont souvent peu contributifs. En effet, au moment où les symp-
tômes articulaires apparaissent, les manifestations digestives ont
souvent régressé depuis plus de deux semaines, ce qui explique la
fréquente négativité des coprocultures (avec recherche systéma- et hypersignal en séquence d’inversion–récupération [STIR]) qui
tique de Salmonella, Shigella, Yersinia et Campylobacter). est mis en évidence au sein des articulations sacro-iliaques ou du
De même, une recherche de C. trachomatis dans les urines est rachis si l’atteinte est plutôt axiale (Fig. 2) ; des articulations ou
systématique, ce d’autant plus que les manifestations urogénitales des enthèses si l’atteinte est préférentiellement périphérique. Les
sont souvent frustes. La technique de référence est la recherche séquences pondérées en T1 avec injection de gadolinium sont de
d’acide désoxyribonucléique (ADN) bactérien par PCR sur le pre- peu d’utilité, hormis pour la détection de synovites actives, axiales
mier jet des urines du matin. Le prélèvement est réalisé sur milieu ou périphériques [22] .
spécial et conduit rapidement au laboratoire. Sa sensibilité de 95 % Échographie. Elle est surtout utile pour visualiser l’atteinte
et sa spécificité de 100 % en font un test diagnostique performant. inflammatoire des enthèses, sous réserve d’être réalisée par un
Cependant, là encore, les résultats sont souvent négatifs [16, 20] . La opérateur entraîné [23] . Elle permet aussi, plus simplement que
recherche des autres maladies sexuellement transmissibles (MST) l’IRM, d’objectiver d’éventuelles synovites articulaires ou tendi-
est conseillée. neuses infracliniques. Dans le cas de petites articulations ou de
Sérologies. Les sérologies ont un faible intérêt, du fait d’un faible épanchement, elle facilite le geste de ponction articulaire.
manque de sensibilité et de spécificité, avec de fréquentes réac-
tions croisées ; leur résultat doit donc s’interpréter avec prudence Diagnostics différentiels
et discernement.
Sérologie pour le virus de l’immunodéficience humaine. Elle pourra Le diagnostic différentiel à évoquer en priorité est l’arthrite
être demandée en cas de contexte particulier (MST notamment) septique puisque l’évolution peut être grave en l’absence de trai-
puisque la prévalence des AR semble plus importante chez les tement adapté, qui devra être instauré le plus tôt possible.
patients séropositifs pour le virus de l’immunodéficience humaine Les autres différents diagnostics différentiels sont listés dans le
(VIH) (cf. « Épidémiologie »). Tableau 5.
Typage HLA. Il ne doit pas être systématique. Dans les cas
difficiles ou les formes cliniques incomplètes, la présence de Physiopathologie
l’haplotype HLA-B27 peut néanmoins apporter un argument sup-
plémentaire en faveur du diagnostic d’AR. Encore débattue, la physiopathogénie des AR fait s’opposer
Examens d’imagerie. deux grandes théories, de la persistance bactérienne, d’une part,
Radiographies standard. À la phase initiale de la maladie, les et de la réaction immune postinfectieuse, d’autre part. Dans un
radiographies sont le plus souvent normales, en dehors d’un épais- cas comme dans l’autre, l’haplotype HLA-B27, particulièrement
sissement des parties molles en regard des articulations gonflées. fréquent, jouerait un rôle central, à l’origine d’une tolérance
L’existence d’une sacro-iliïte, ou plus rarement d’une arthropathie ou au contraire d’une hyper-réponse à l’agression bactérienne
érosive, témoigne obligatoirement d’une évolution plus chro- initiale.
nique pouvant être passée inaperçue.
Plus la maladie progresse dans le temps et se convertit en Arthrite réactionnelle ou septique ?
une forme plus classique de spondylarthrite, plus les anoma- Des techniques plus poussées de biologie moléculaire ont été
lies radiographiques sont susceptibles d’apparaître. Une étude décrites.
finlandaise [21] a permis d’identifier une sacro-iliïte et des syndes-
mophytes chez respectivement 23 et 14 % des 95 patients suivis Théorie de la persistance bactérienne
après plusieurs années d’évolution de la maladie (entre 7 et
38 ans). Ces anomalies semblent plus fréquentes en cas d’infection Plusieurs auteurs ont développé cette théorie.
urogénitale qu’en cas d’atteinte initialement digestive.
Les autres différentes lésions radiographiques sont similaires Rôle de la protéine HLA-B27
à celles décrites au cours des autres types de spondylarthropa- La présence de la molécule HLA-B27 se rencontre dans près
thies : pincement articulaire, érosions ou géodes, signes indirects de 90 % des SPA [24, 25] . Cette association apparaît à peine moins
d’enthésopathies. importante dans les AR (de l’ordre de 80 %) [26–29] .
Imagerie par résonance nucléaire. L’imagerie par résonance Malgré les progrès récents réalisés dans la compréhension de la
nucléaire (IRM) montre des anomalies de signal dès la phase ini- physiopathologie des SPA, le rôle de l’antigène HLA-B27 est encore
tiale de la maladie. Dans la très grande majorité des cas, un signal mal connu. Dans l’AR, la molécule HLA-B27 pourrait perturber la
de nature inflammatoire (hyposignal en séquence pondérée en T1 réponse immunitaire à l’infection bactérienne [30] .

4 EMC - Maladies infectieuses


Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques  8-003-A-41

Tableau 5. La fréquence d’une sacro-iliïte radiologique est de l’ordre de 12 à


Principaux diagnostics différentiels des arthrites réactionnelles. 15 % [40, 41] . Moins spécifiquement, la simple persistance de dou-
Diagnostics différentiels Éléments discriminants
leurs résiduelles (axiales ou périphériques) plusieurs années après
l’épisode aigu est très fréquente, touchant jusqu’à deux tiers des
Arthrite septique Positivité des prélèvements à visée patients [41] .
bactériologique (ponction Enfin, dans les AR postshigellose, Sairanen et al. ont rapporté,
articulaire, hémocultures) au terme de 20 ans de suivi, 18 % d’arthralgies récidivantes, 14 %
Arthrite microcristalline Antécédents similaires, présence de de SPA clinique et 32 % de sacro-iliïte radiologique [42] .
microcristaux dans le liquide Le pronostic semble moins bon dans les formes urogénitales
articulaire, hyperuricémie en cas de d’AR, les fréquentes récidives d’arthrite (environ 30 %) pouvant
goutte être liées à des réinfections itératives [43] . Le risque de récidive
Autre spondylarthropathie Antécédents personnels et familiaux, diminuerait à 10 % en cas de traitement bien conduit de la porte
de psoriasis, MICI, pas d’épisode d’entrée. La prévalence d’une sacro-iliïte radiologique peut dépas-
infectieux récent, prélèvements ser 30 % [21] .
urinaires et digestifs stériles
Polyarthrite rhumatoïde Anamnèse, examens
débutante séro-immunologiques positifs, Traitement
HLA-B27 négatif
Le traitement des AR est difficile à codifier. Les traitements à
Maladie de Lyme Anamnèse, tableau clinique
visée symptomatique sont toujours utilisés, seuls ou en associa-
(monoarthrite, pas d’atteinte axiale),
tion. L’utilisation des antibiotiques a été tentée dans plusieurs
sérologie de Lyme positive
(possibilité de réactions croisées avec
études, mais les résultats se sont le plus souvent révélés décevants.
Yersinia) Enfin, divers traitements antirhumatismaux trouvent leur utilité
dans les formes passées à la chronicité.
Maladie de Whipple Association à des troubles digestifs, à
une altération de l’état général. En
cas de doute : recherche du génome Traitements symptomatiques
de T. Whipplei par PCR dans la salive Les antalgiques et surtout les anti-inflammatoires non stéroï-
et les selles
diens (AINS) représentent le traitement de première intention
Rhumatisme post-BCG thérapie Anamnèse, négativité des examens dans l’AR. En dehors de leur rôle antalgique, ils ralentissent
séro-immunologiques l’apparition des lésions rachidiennes dans les SPA [9] .
Rhumatisme Anamnèse, prélèvement de gorge, Les corticoïdes peuvent aussi être utilisés, mais sont principa-
poststreptococcique ASLO lement actifs dans les formes périphériques. Administrés soit par
voie générale (le plus souvent per os), ils se révèlent habituelle-
MICI : maladies inflammatoires chroniques de l’intestin ; HLA : human leucocyte
antigen ; PCR : polymerase chain reaction ; BCG : bacille de Calmette et Guérin ; ment moins efficaces que les AINS sur les manifestations axiales.
ASLO : antistreptolysine O. En revanche, ils sont souvent utiles par voie locale (sous forme
d’infiltrations des articulations douloureuses). Ils sont actifs sur
Différentes hypothèses physiopathologiques ont été émises : certaines atteintes extra-articulaires, surtout oculaires et cutanées,
• mimétisme moléculaire et réaction immunitaire croisée. Il exis- où ils sont principalement administrés par voie locale. De plus,
terait un mimétisme entre l’antigène bactérien et un peptide aucune donnée de la littérature ne permet de penser qu’ils sont
du soi exprimé spécifiquement dans les tissus cibles de la SPA délétères ni qu’ils retardent la guérison de la maladie [8] .
(articulations, enthèses). Ce mimétisme pourrait être à l’origine
d’une réaction immunitaire croisée supportée par les lympho- Antibiotiques
cytes T-CD8 + [31, 32] ; Le mode présumé de déclenchement des AR, ainsi que
• modulation des défenses antibactériennes par B27. La molé- l’occasionnelle mise en évidence de germes au sein du tissu
cule B27 pourrait diminuer la réponse T cytotoxique CD8+, synovial, rendait logique le recours aux antibiotiques dans cette
favorisant ainsi la persistance bactérienne et le passage à la indication. Les arguments semblent encore plus solides lorsque la
chronicité [33] ; porte d’entrée est urogénitale.
• mauvais repliement de B27 et stress cellulaire. L’accumulation En effet, Chlamydia semble persister sous forme active [13, 44]
de dimères ou multimètres formés par les chaînes lourdes de la au sein des articulations atteintes, contrairement aux germes
molécule B27 à la surface ou à l’intérieur des cellules pourrait d’origine digestive [45] .
provoquer un état de stress cellulaire à l’origine de la réaction L’utilité de traitements antibiotiques prolongés, longtemps
inflammatoire [34] ; contestée, a connu un récent regain d’intérêt, tout particu-
• rôle des cellules présentatrices d’antigène. Certaines anomalies lièrement dans les formes d’AR faisant suite à des infections
fonctionnelles des cellules dendritiques mises en évidence chez urogénitales à Chlamydia. En cas de porte d’entrée digestive ini-
les rats surexprimant la molécule HLA-B27 et développant une tiale, l’antibiothérapie s’est, en revanche, révélée décevante.
maladie proche de la SPA humaine font penser que ces cellules
pourraient également jouer un rôle déterminant. Utilité des traitements antibiotiques dans les arthrites
réactionnelles à porte d’entrée urogénitale ou digestive
Évolution et pronostic Les différents travaux sur l’utilisation des antibiotiques dans
l’AR à porte d’entrée urogénitale sont discordants et ceux à porte
L’évolution se fait le plus souvent vers la guérison en 3 à d’entrée digestive sont nettement moins encourageants.
12 mois [35] ; le pronostic est donc plutôt favorable. Cependant,
la présence de l’haplotype HLA-B27 rend plus fréquent le passage Traitements antirhumatismaux
à la chronicité [36] .
Les travaux rapportés sur l’évolution à long terme des AR ont immunomodulateurs
donné lieu à des résultats variables. En cas de germes digestifs Ils sont réservés aux formes chroniques, non contrôlées par les
déclencheurs, deux tiers des patients gardent des douleurs chro- AINS. Leur utilisation n‘est envisagée que dans les formes passées
niques et un tiers d’entre eux ont une sacro-iliïte radiologique à la chronicité. Ce sont alors les mêmes que ceux proposés dans
après dix ans de suivi [37, 38] . les autres formes de spondylarthrites.
La fréquence de passage à la chronicité est rare avec Campylo-
bacter (3 % au bout de sept ans de suivi) [39] . Traitements classiques synthétiques
Pour ce qui est des AR postsalmonellose, la prévalence des Ils sont uniquement indiqués dans les formes périphériques
formes chroniques varie entre 16 et 50 % selon les études [40, 41] . d’AR.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-003-A-41  Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques

Sulfasalazine. Dans un essai thérapeutique randomisé mul- un très faible risque de cardite [55] . Son début est généralement
ticentrique versus placebo, mené chez 134 patients atteints de plus retardé, par rapport à l’infection streptococcique. Il affecte
SPA, évoluant depuis dix ans en moyenne et considérées a priori habituellement des sujets plus âgés, sous la forme d’une atteinte
comme des suites d’AR, une réponse favorable a été notée chez articulaire additive et non migratrice, d’évolution plus volontiers
62,3 % des patients sous sulfasalazine contre 47,7 % dans le groupe chronique.
témoin après six mois de traitement [46] .
La sulfasalazine est encore souvent utilisée comme thérapeu-
tique de « fond » de première intention, à la dose de 2 à 3 g par Physiopathologie
jour. Son délai d’action est de 1,5 à 3 mois.
Méthotrexate. Le méthotrexate [47, 48] semblerait efficace à À l’instar des autres formes d’AR, le RAA et le rhumatisme post-
une dose de 0,3 mg/kg/semaine, mais aucune étude contrôlée streptococique résultent d’une réaction immune inappropriée et
n’a jamais été menée sur ce sujet jusqu’à présent. Une revue de auto-agressive, générée à la suite d’un contact initial avec le strep-
21 cas cliniques a permis de noter une amélioration chez 75 % des tocoque du groupe A. Cependant, le terrain génétique favorisant,
patients insuffisamment améliorés par les anti-inflammatoires [47] . même s’il existe vraisemblablement, est distinct de celui des AR
Azathioprine. L’azathioprine a été testée avec succès chez classiques
six patients [49] . Son utilisation reste cependant exceptionnelle.
Léflunomide. Bien qu’aucune étude d’envergure suffisante ne
soit disponible, cette molécule pourrait avoir une utilité dans les Streptocoques du groupe A
formes périphériques d’AR. Les streptocoques du groupe A sont à l’origine de nombreuses
Biothérapies anti-TNF-␣ maladies.
On dispose encore de peu d’informations sur l’utilité des bio-
thérapies anti-TNF dans les formes rebelles d’AR. Comme pour
les autres formes de SPA, cette classe thérapeutique semble utile Diagnostic du rhumatisme articulaire aigu
autant pour les formes axiales que périphériques d’AR. Seul
l’infliximab a fait l’objet de quelques publications sous forme Présentation clinique
de cas cliniques. Une première publication a rapporté l’efficacité Les symptômes apparaissent souvent de façon brutale, deux à
de l’infliximab dans deux cas d’AR post-Yersinia enterocolitica [50] ; trois semaines après une pharyngite. Ils sont variés et plus ou
deux autres ont souligné le bénéfice de ce même traitement dans moins intenses selon les patients. Le tableau clinique associe :
le cas d’AR post-C. trachomatis [51, 52] . Les modalités du traitement • des signes généraux : une fièvre comprise entre 38 et 40 ◦ C
sont les mêmes que dans la SPA. est quasi constante. Elle diminue après la première semaine
d’évolution. Des douleurs abdominales se rencontrent fré-
quemment chez l’enfant [56] ;
 Rhumatisme poststreptococcique • une atteinte articulaire : il s’agit le plus souvent d’une poly-
arthrite migratrice (plus rarement de polyarthralgies), fugace,
et rhumatisme articulaire aigu touchant d’abord les grosses articulations des membres infé-
rieurs (genoux et chevilles) de façon uni- ou bilatérale. Une
Le RPS et le RAA répondent à la définition des AR puisque ce sont monoarthrite du genou se rencontre dans environ un quart des
des « arthrites déclenchées par une infection à distance et dont les cas. L’atteinte isolée des petites articulations des mains et des
prélèvements articulaires sont stériles par les méthodes classiques pieds est rare, de même que l’atteinte axiale (3 % des patients
de culture ». Cependant, ces deux affections sont à considérer à seulement ont une atteinte rachidienne) ;
part puisque le tableau clinique est différent des AR et qu’elles • une atteinte cardiaque : elle concerne surtout les enfants. La
surviennent sur un terrain génétique qui n’a aucun lien avec HLA- cardite peut toucher, à des degrés divers, les trois tuniques
B27, ce qui fait penser que les mécanismes physiopathologiques du cœur, donnant respectivement une péricardite (sèche ou
sont très différents. avec un épanchement modéré), une myocardite (à l’origine de
troubles de la conduction) et une endocardite (se manifestant
Définition et épidémiologie par des fuites valvulaires). Elle apparaît classiquement entre le 6e
et le 15e jour. Le pronostic tient à l’atteinte valvulaire, qui évo-
Le RAA est considéré comme la conséquence retardée d’une lue à bas bruit jusqu’à un stade irréversible. L’échographie est
infection pharyngée par un streptocoque bêta-hémolytique du un outil indispensable, à la fois pour le diagnostic, pour évaluer
groupe A, non ou insuffisamment traitée. Son pronostic tient à l’étendue des lésions valvulaires et pour rechercher une cardio-
l’atteinte cardiaque (cardite), et particulièrement aux valvulopa- pathie non rhumatismale sous-jacente. À ce jour, il n’est pas
thies qui évoluent pour leur propre compte. possible de savoir si une atteinte cardiaque infraclinique est de
Le RAA touche surtout l’enfant de 3 à 15 ans et plus fréquem- meilleur pronostic qu’une atteinte cliniquement parlante [56] .
ment de sexe féminin [53] . Il n’existe pas de recommandation consensuelle sur le suivi
Les facteurs favorisants se cumulent essentiellement dans les optimal des atteintes cardiaques du RAA ;
pays en voie de développement : dénutrition, promiscuité, faible • une atteinte cutanée : elle compte deux types de lésions assez
niveau socioculturel, vie en pays d’endémie (départements et ter- spécifiques mais relativement rares. La première est l’érythème
ritoires d’Outre-mer, Afrique), contage au cours d’une épidémie marginé de Besnier (5 % des cas), lésion surélevée, serpigineuse,
de RAA, absence de traitement antibiotique des infections pha- avec extension centrifuge limitant un centre plus pâle. Cette
ryngées suspectes d’être d’origine streptococcique et, enfin, tout lésion est précoce, touche préférentiellement le tronc et res-
antécédent de RAA (risque multiplié par 10). Il existe également pecte la face. La seconde atteinte cutanée s’observe dans les
une prédisposition génétique au RAA. formes sévères compliquées de cardite. Il s’agit des nodules
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime à sous-cutanés de Meynet (5 à 10 % des cas). Ce sont des nodules
15,6 millions le nombre de personnes atteintes de cardiopa- indolores, fermes, de taille variable, siégeant au niveau des
thie rhumatismale et à 233 000 le nombre de décès par an articulations (face d’extension), du cuir chevelu et le long du
directement attribuable au RAA (avec ou sans atteinte cardiaque). rachis. Ils disparaissent spontanément en quelques semaines,
Cependant, les données épidémiologiques manquent fortement sans séquelle ;
de précision, en particulier dans les pays en voie de dévelop- • une atteinte neurologique : c’est la chorée de Sydenham, qui
pement, où ces chiffres sont probablement sous-estimés [28] . touche essentiellement les enfants. Elle survient plus tardive-
Dans les pays industrialisés, l’incidence est faible, inférieure à ment, entre deux et six mois après la pharyngite. Elle associe aux
2/100 000 habitants/an [54] . mouvements anormaux (choréiques) des troubles de la concen-
Le RPS est un syndrome articulaire proche du RAA, mais ne tration, du langage ou de l’écriture. Elle guérit spontanément
répondant pas aux critères diagnostiques du RAA et comportant en deux à trois mois, le plus souvent sans séquelle.

6 EMC - Maladies infectieuses


Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques  8-003-A-41

Tableau 6. négatif mais que le patient présente des facteurs de risque de RAA,
Critères diagnostiques de RAA (version de Jones révisée en 1992). un prélèvement pharyngé pour mise en culture est recommandé.
Critères majeurs Arthrite Les seules études contrôlées dans la prévention primaire et
Cardite secondaire du RAA ont été faites avec la pénicilline G injec-
Chorée de Sydenham table [60] .
Érythème marginé de Besnier Elle diminuerait de 25 % le risque de survenue de RAA chez des
Nodules sous-cutanés de Meynet patients traités par injection intramusculaire pour une pharyngite
Critères mineurs Arthralgies à streptocoque A bactériologiquement prouvée.
Syndrome inflammatoire À ce jour, il n’existe aucune étude montrant que la pénicilline V,
Troubles de la conduction cardiaque l’amoxicilline, les macrolides, les céphalosporines ont un pouvoir
Fièvre préventif vis-à-vis du RAA supérieur à celui de la pénicilline G. Le
seul fait établi est qu’ils permettent d’éradiquer le streptocoque
Le diagnostic est posé s’il existe, au minimum, deux critères majeurs, ou un au niveau pharyngé. Pour faciliter l’administration et améliorer
majeur et deux mineurs associés à une preuve d’une infection streptococcique
récente et à un syndrome inflammatoire. La combinaison de trois signes mineurs l’observance, la pénicilline V a longtemps été considérée comme
sans signes majeurs correspond au « syndrome post-streptococcique mineur ». le traitement de référence ; la dose recommandée était de 1 à
RAA : rhumatisme articulaire aigu. 2 millions d’unités par jour en deux prises pendant 10 jours per
os [61] . En France, étant donné le faible risque de RAA, le traitement
recommandé des angines à streptocoque est l’amoxicilline pen-
dant six jours [61] . En cas de facteur de risque de RAA, un traitement
Examens complémentaires « classique » par pénicilline V paraît logique.
Ils visent à faire la preuve de l’infection à streptocoque A : Prévention secondaire
• soit de façon directe par prélèvement de gorge (unique ou La poursuite prolongée d’un traitement antibiotique est le seul
répété), mais les cultures sont souvent négatives au stade du traitement ayant démontré son intérêt dans la prévention des
RAA. À l’inverse, il existe un certain nombre de porteurs sains ; rechutes du RAA [62] . Sa durée dépend de la présence ou non d’une
• soit de façon indirecte par la recherche d’anticorps antistrepto- cardite, ainsi que de l’importance des séquelles valvulaires :
cocciques, qui apparaissent au même moment que les premiers • patients sans séquelle de cardite : antibiothérapie jusqu’à l’âge
signes de RAA et ont l’avantage d’être plus spécifiques que de 20 ans et/ou au minimum cinq ans ;
les prélèvements de gorge. Les anticorps les plus couramment • patients avec séquelles valvulaires minimes : antibiothérapie
recherchés sont les antistreptolysine O (ASLO), qui sont pré- recommandée jusqu’à l’âge de 20 ans et/ou au minimum
sents dans 80 % des cas. Leur titre doit être franchement élevé cinq ans, puis à discuter au cas par cas, notamment en fonction
(supérieur à 300 unités) sachant que le maximum est atteint d’éventuels antécédents de rechutes, d’antécédents familiaux,
en quatre à cinq semaines. Si le titre est bas ou légèrement aug- de facteurs environnementaux ;
menté, un deuxième dosage est nécessaire deux à trois semaines • patients avec séquelles valvulaires modérées à importantes :
plus tard pour déterminer s’il y a, ou non, une ascension. Les antibiothérapie conseillée jusqu’à l’âge de 40 ans. Au-delà de
autres anticorps sont : les antihyaluronidases, les antistreptoki- cette limite, le risque d’aggravation de la cardite rhumatismale
nases, les antistreptodornases B. En pratique, on demande les est en effet jugé très faible.
ASLO et un autre anticorps antistreptococcique. Leur négati- Dans le RPS, le traitement prophylactique est recommandé chez
vité sur deux prélèvements successifs, réalisés à deux ou trois l’enfant, alors que chez l’adulte, il se discute au cas par cas.
semaines d’intervalle, élimine de façon quasi certaine le diag-
nostic de RAA (valeur prédictive négative supérieure à 95 %). Traitements antirhumatismaux
Ils visent aussi à évaluer l’extension de la maladie, et en parti- Ils ne sont pas spécifiques du RAA. L’aspirine et les AINS sont
culier à rechercher une atteinte cardiaque : électrocardiogramme utilisés pour traiter les signes généraux et les manifestations arti-
(ECG), radiographie de thorax, échographie cardiaque. On note culaires. Chez l’enfant, on utilise l’aspirine à la dose de 80 à
que les prélèvements articulaires ramènent un liquide inflamma- 100 mg/kg/j, en quatre prises pendant un à deux mois [63] .
toire stérile et que les radiographies des articulations concernées Dans les formes sévères avec atteinte cardiaque, les corticoïdes
sont normales. sont utilisés seuls ou en association avec les AINS, bien que
l’efficacité des anti-inflammatoires (stéroïdiens ou non stéroï-
diens) n’ait jamais été prouvée de manière formelle [63] .
Critères diagnostiques Dans les formes réfractaires, différentes molécules immuno-
Le diagnostic de RAA repose sur les critères diagnostiques de modulatrices pourraient trouver leur place. Citons un cas de
Jones révisés en 1992 [57] . rhumatisme post-streptococcique ayant répondu de manière favo-
La critique principale faite aux critères de Jones est qu’ils ne rable à une biothérapie anti-TNF par adalimumab [64] .
permettent pas de diagnostiquer correctement les rechutes. C’est
Programmes éducatifs
pourquoi l’OMS a proposé à son tour des critères diagnostiques [58]
(Tableau 6). Pour la première poussée, ils sont conformes aux Dans les contrées à forte prévalence d’infections à streptocoque
critères de Jones, mais ils simplifient le diagnostic des rechutes A, il paraît hautement souhaitable de promouvoir des mesures
puisqu’il suffit de deux critères mineurs et de la preuve d’une d’information à grande échelle centrées sur le risque de RAA, en
infection récente à streptocoque A. cas de prise en charge insuffisante des infections à streptocoque.
Le RPS est un syndrome articulaire aigu secondaire à une À titre d’exemple, aux Antilles françaises, une campagne systéma-
infection à streptocoque A mais ne remplissant pas les critères tique menée pendant dix ans, destinée à la fois aux populations
diagnostiques révisés de Jones. Le consensus actuel est de le consi- et aux soignants, a permis d’aboutir à une décroissance d’environ
dérer et de le traiter comme un RAA à part entière. 75 % des cas de RAA, permettant ainsi une réduction considérable
des coûts afférents [65] .

Traitement
Traitement de l’infection à streptocoque  Conclusion
Il y a encore quelques années, toutes les angines étaient traitées
par antibiotiques. Cependant, l’utilisation en pratique courante Les AR représentent une cause fréquente de rhumatisme inflam-
des tests diagnostiques rapides (TDR) a modifié cette attitude matoire aigu ou subaigu. Ce diagnostic doit être évoqué devant
puisque seuls les patients avec un test positif sont traités. En une mono- ou oligoarthrite des membres inférieurs ou des
France, les TDR ont une spécificité voisine de 95 % et une sensibi- manifestations axiales inflammatoires, surtout si cette sympto-
lité de 92 à 97 % [59] . En pratique, les TDR doivent être utilisés de matologie concerne un adulte jeune, fait suite à une infection
façon systématique chez l’enfant de plus de 3 ans [59] . Si le TDR est urogénitale ou digestive récente, ou encore si elle s’associe à

EMC - Maladies infectieuses 7


8-003-A-41  Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques

des symptômes extra-articulaires. La principale hypothèse physio- [17] Schumacher Jr HR, Magge S, Cherian PV, Sleckman J, Rothfuss S,
pathogénique fait intervenir une persistance bactérienne causée Clayburne G, et al. Light and electron microscopic studies on the
par une anomalie de la balance des cytokines pro- et anti- synovial membrane in Reiter’s syndrome. Immunocytochemical iden-
inflammatoires. La molécule HLA-B27 joue très probablement un tification of chlamydial antigen in patients with early disease. Arthritis
rôle clé dans le déclenchement de la maladie, comme c’est le Rheum 1988;31:937–46.
cas dans les autres SPA, mais aussi dans le passage à la forme [18] Schumacher Jr HR, Arayssi T, Crane M, Lee J, Gerard H, Hud-
chronique. Le traitement se limite dans la plupart des cas à la pres- son AP, et al. Chlamydia trachomatis nucleic acids can be found
cription d’antalgiques et d’anti-inflammatoires (stéroïdiens ou in the synovium of some asymptomatic subjects. Arthritis Rheum
non). L’intérêt d’une antibiothérapie prolongée n’est pas encore 1999;42:1281–4.
reconnu, même si des travaux récents suggèrent l’efficacité d’une [19] Taylor-Robinson D, Gilroy CB, Thomas BJ, Keat AC. Detection of
Chlamydia trachomatis DNA in joints of reactive arthritis patients by
double antibiothérapie de trois mois dans les AR à C. trachomatis.
polymerase chain reaction. Lancet 1992;340:81–2.
Enfin, dans les formes chroniques, un traitement antirhumatis-
[20] Wollenhaupt J, Schnarr S, Kuipers JG. Bacterial antigens in reac-
mal pourra être introduit, en cas d’échec ou de dépendance aux
tive arthritis and spondarthritis. Rational use of laboratory testing in
AINS. diagnosis and follow-up. Baillieres Clin Rheumatol 1998;12:627–47.
Le RAA et le RPS peuvent également être considérés comme [21] Mannoja A, Pekkola J, Hämäläinen M, Leirisalo-Repo M, Laasonen L,
des rhumatismes inflammatoires de type réactionnel, postin- Kivisaari L. Lumbosacral radiographic signs in patients with previous
fectieux. Cependant, la liaison restreinte au seul streptocoque enteroarthritis or uroarthritis. Ann Rheum Dis 2005;64:936–9.
bêta-hémolytique du groupe A, l’absence de corrélation avec [22] van der Heijde D, Landewé R, Hermann KG, Rudwaleit M, Østergaard
l’haplotype HLA-B27, ainsi que le rare passage à la chronicité sous M, Oostveen A, et al. Is there a preferred method for scoring activity of
traitement adapté, en font un groupe nosologique à part. La détec- the spine by magnetic resonance imaging in ankylosing spondylitis? J
tion améliorée des angines à streptocoque (à l’aide de tests de Rheumatol 2007;34:871–3.
dépistage performants), autorisant leur prise en charge thérapeu- [23] D’Agostino MA, Said-Nahal R, Hacquard-Bouder C, Brasseur JL,
tique précoce, a permis la quasi-disparition du RAA dans les pays Dougados M, Breban M. Assessment of peripheral enthesitis in the
industrialisés. Cela n’est pas encore le cas dans les régions écono- spondylarthropathies by ultrasonography combined with power Dop-
miquement défavorisées du monde, où la bonne connaissance de pler: a cross-sectional study. Arthritis Rheum 2003;48:523–33.
la symptomatologie demeure la meilleure arme disponible, pour [24] Brewerton DA, Hart FD, Nicholls A, Caffrey M, James DC, Sturrock
un traitement optimal, à l’aide de médicaments simples et effi- RD. Ankylosing spondylitis and HL-A 27. Lancet 1973;1:904–7.
caces. [25] Schlosstein L, Terasaki PI, Bluestone R, Pearson CM. High association
of an HL-A antigen, W27, with ankylosing spondylitis. N Engl J Med
1973;288:704–6.
 Références [26] Brewerton DA, Caffrey M, Nicholls A, Walters D, Oates JK, James
DC. Reiter’s disease and HL-A 27. Lancet 1973;302:996–8.
[27] Granfors K. Host-microbe interaction in HLA-B27-associated
[1] Leirisalo-Repo M. Reactive arthritis. Scand J Rheumatol diseases. Ann Med 1997;29:153–7.
2005;34:251–9. [28] Hannu T. Reactive arthritis. Best Pract Res Clin Rheumatol
[2] Amor B. Reiter’s syndrome and reactive arthritis. Clin Rheumatol 2011;25:347–57.
1983;2:315–9. [29] Siala M, Mahfoudh N, Gdoura R, Younes M, Fourati H, Kammoun A,
[3] Rudwaleit M, van der Heijde D, Landewé R, Akkoc N, Brandt J, et al. Distribution of HLA-B27 and its alleles in patients with reactive
Chou CT, et al. The Assessment of SpondyloArthritis International arthritis and with ankylosing spondylitis in Tunisia. Rheumatol Int
Society classification criteria for peripheral spondyloarthritis and for 2009;29:1193–6.
spondyloarthritis in general. Ann Rheum Dis 2011;70:25–31. [30] Ekman P, Kirveskari J, Granfors K. Modification of disease out-
[4] Kingsley G, Sieper J. Third International Workshop on Reactive Arthri- come in Salmonella-infected patients by HLA-B27. Arthritis Rheum
tis. 23-26 September 1995, Berlin, Germany. Report and abstracts. Ann 2000;43:1527–34.
Rheum Dis 1996;55:564–84. [31] Hermann E, Yu DT, Meyer zum Büschenfelde KH, Fleischer B. HLA-
[5] Sieper J, Braun J. Problems and advances in the diagnosis of reactive B27-restricted CD8T cells derived from synovial fluids of patients with
arthritis. J Rheumatol 1999;26:1222–4. reactive arthritis and ankylosing spondylitis. Lancet 1993;342:646–50.
[6] Willkens RF, Arnett FC, Bitter T, Calin A, Fisher L, Ford DK, et al. Rei- [32] Kuon W, Holzhütter HG, Appel H, Grolms M, Kollnberger S, Traeder
ter’s syndrome. Evaluation of preliminary criteria for definite disease. A. Identification of HLA-B27-restricted peptides from the Chlamydia
Arthritis Rheum 1981;24:844–9. trachomatis proteome with possible relevance to HLA-B27-associated
[7] Olivieri I, van Tubergen A, Salvarani C, et al. Seronegative spondy- diseases. J Immunol 2001;167:4738–46.
loarthritides. Best Pract Res Clin Rheumatol 2002;16:723–39. [33] Falgarone G, Blanchard HS, Virecoulon F, Simonet M, Breban
[8] Carter JD, Hudson AP. Reactive arthritis: clinical aspects and medical M. Coordinate involvement of invasin and Yop proteins in a
management. Rheum Dis Clin North Am 2009;35:21–44. Yersinia pseudotuberculosis-specific class I-restricted cytotoxic T cell-
[9] Flores D, Marquez J, Garza M, Espinoza LR. Reactive arthritis: newer mediated response. J Immunol 1999;162:2875–83.
developments. Rheum Dis Clin North Am 2003;29, 37-59, vi. [34] Turner MJ, Sowders DP, DeLay ML, Mohapatra R, Bai S, Smith JA,
[10] Rudwaleit M, Richter S, Braun J, et al. Low incidence of reactive et al. HLA-B27 misfolding in transgenic rats is associated with activa-
arthritis in children following a salmonella outbreak. Ann Rheum Dis tion of the unfolded protein response. J Immunol 2005;175:2438–48.
2001;60:1055–7. [35] Wu IB, Schwartz RA. Reiter’s syndrome: the classic triad and more. J
[11] Franks A. Psoriatic, arthritis and Reiter syndrome. In: Cutaneous mani- Am Acad Dermatol 2008;59:113–21.
festations of rheumatic diseases. Philadelphia: Lippincott-Williams [36] Leirisalo M, Skylv G, Kousa M, Voipio-Pulkki M, Suoranta H, Nis-
and Wilkins; 2004. silä M, et al. Follow-up study on patients with Reiter’s disease and
[12] Deer T, Rosencrance JG, Chillag SA. Cardiac conduction manifesta- reactive arthritis, with special reference to HLA-B27. Arthritis Rheum
tions of Reiter’s syndrome. South Med J 1991;84:799–800. 1982;25:249–59.
[13] Gerard HC, Branigan PJ, Schumacher Jr HR, Hudson AP. Synovial [37] Leirisalo-Repo M, Suoranta H. Ten-year follow-up study of patients
Chlamydia trachomatis in patients with reactive arthritis/Reiter’s syn- with Yersinia arthritis. Arthritis Rheum 1988;31:533–7.
drome are viable but show aberrant gene expression. J Rheumatol [38] Yli-Kerttula T, Tertti R, Toivanen A. Ten-year follow up study of
1998;25:734–42. patients from a Yersinia pseudotuberculosis III outbreak. Clin Exp
[14] Keat A, Thomas B, Dixey J, Osborn M, Sonnex C, Taylor-Robinson D. Rheumatol 1995;13:333–7.
Chlamydia trachomatis and reactive arthritis: the missing link. Lancet [39] Locht H, Krogfelt KA. Comparison of rheumatological and gastroin-
1987;1:72–4. testinal symptoms after infection with Campylobacter jejuni/coli and
[15] Kuipers JG, Zeidler H, Kohler L. How does Chlamydia cause arthritis? enterotoxigenic Escherichia coli. Ann Rheum Dis 2002;61:448–52.
Rheum Dis Clin North Am 2003;29:613–29. [40] Leirisalo-Repo M, Helenius P, Hannu T, et al. Long-term prognosis of
[16] Schnarr S, Putschky N, Jendro MC, Zeidler H, Hammer M, Kuipers reactive salmonella arthritis. Ann Rheum Dis 1997;56:516–20.
JG, et al. Chlamydia and Borrelia DNA in synovial fluid of patients [41] Thomson GT, DeRubeis DA, Hodge MA, Rajanayagam C, Inman
with early undifferentiated oligoarthritis: results of a prospective study. RD. Post-Salmonella reactive arthritis: late clinical sequelae in a point
Arthritis Rheum 2001;44:2679–85. source cohort. Am J Med 1995;98:13–21.

8 EMC - Maladies infectieuses


Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques  8-003-A-41

[42] Sairanen E, Paronen I, Mahonen H. Reiter’s syndrome: a follow-up [54] Gibofsky A, Zabriskie JB. Rheumatic fever and poststreptococcal reac-
study. Acta Med Scand 1969;185:57–63. tive arthritis. Curr Opin Rheumatol 1995;7:299–305.
[43] Bardin T, Enel C, Cornelis F, et al. Antibiotic treatment of venereal [55] van der Helm-van Mil AH. Acute rheumatic fever and post-
disease and Reiter’s syndrome in a Greenland population. Arthritis streptococcal reactive arthritis reconsidered. Curr Opin Rheumatol
Rheum 1992;35:190–4. 2010;22:437–42.
[44] Gerard HC, Wang Z, Whittum-Hudson JA, et al. Cytokine and [56] Carapetis JR, McDonald M, Wilson NJ. Acute rheumatic fever. Lancet
chemokine mRNA produced in synovial tissue chronically infec- 2005;366:155–68.
ted with Chlamydia trachomatis and C. pneumoniae. J Rheumatol [57] Special Writing Group of the Committee on Rheumatic Fever, Endo-
2002;29:1827–35. carditis, Kawasaki Disease of the Council on Cardiovascular Disease
[45] Gaston JS, Cox C, Granfors K. Clinical and experimental evidence in the Young of the American Heart Association. Guidelines for
for persistent Yersinia infection in reactive arthritis. Arthritis Rheum the diagnosis of rheumatic fever, Jones Criteria, 1992 update. JAMA
1999;42:2239–42. 1992;268:2069–73.
[46] Clegg DO, Reda DJ, Abdellatif M. Comparison of sulfasalazine and [58] WHO. Rheumatic fever and rheumatic heart disease: report of a WHO
placebo for the treatment of axial and peripheral articular mani- Expert Consultation. In: WHO Expert Consultation, Geneva; 2004.
festations of the seronegative spondylarthropathies: a Department [59] Cohen R, Levy C, Ovetchkine P, et al. Evaluation of streptococcal
of Veterans Affairs cooperative study. Arthritis Rheum 1999;42: clinical scores, rapid antigen detection tests and cultures for childhood
2325–9. pharyngitis. Eur J Pediatr 2004;163:281–2.
[47] Lally EV, Ho Jr G. A review of methotrexate therapy in Reiter syn- [60] Wannamaker LW, Denny FW, Perry WD, et al. The effect of penicillin
drome. Semin Arthritis Rheum 1985;15:139–45. prophylaxis on streptococcal disease rates and the carrier state. N Engl
[48] Owen ET, Cohen ML. Methotrexate in Reiter’s disease. Ann Rheum J Med 1953;249:1–7.
Dis 1979;38:48–50. [61] Prieur AM. Rhumatisme articulaire aigu. Paris: Médecine-
[49] Calin A. A placebo controlled, crossover study of azathioprine in Rei- Flammarion; 2004.
ter’s syndrome. Ann Rheum Dis 1986;45:653–5. [62] Carapetis JR, Zuhlke LJ. Global research priorities in rheumatic fever
[50] Oili KS, Niinisalo H, Korpilahde T, et al. Treatment of reactive arthritis and rheumatic heart disease. Ann Pediatr Cardiol 2011;4:4–12.
with infliximab. Scand J Rheumatol 2003;32:122–4. [63] Gibofsky A. Acute rheumatic fever and post-streptococcal arhritis. In:
[51] Schafranski MD. Infliximab for reactive arthritis secondary to Chla- Kelley’s textbook of rheumatology. New York: EW Saunders; 2005.
mydia trachomatis infection. Rheumatol Int 2010;30:679–80. [64] Sanchez-Cano D, Callejas-Rubio JL, Ortego-Centeno N. Use of ada-
[52] Wechalekar MD, Rischmueller M, Whittle S, et al. Prolonged remis- limumab in poststreptococcal reactive arthritis. J Clin Rheumatol
sion of chronic reactive arthritis treated with three infusions of 2007;13:176.
infliximab. J Clin Rheumatol 2010;16:79–80. [65] Bach JF, Chalons S, Forier E, Elana G, Jouanelle J, Kayemba S, et al.
[53] Carapetis JR, Steer AC, Mulholland EK, Weber M. The global burden 10-year educational programme aimed at rheumatic fever in two French
of group A streptococcal diseases. Lancet Infect Dis 2005;5:685–94. Caribbean islands. Lancet 1996;347:644–8.

C. Cambon-Palazzo.
G. Hayem (gilles.hayem@bch.aphp.fr).
Service de rhumatologie, CHU Bichat–Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cambon-Palazzo C, Hayem G. Arthrites réactionnelles et rhumatismes poststreptococciques. EMC -
Maladies infectieuses 2013;10(4):1-9 [Article 8-003-A-41].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 9


¶ 8-003-A-60

Manifestations neurologiques
des infections
R. Deschamps, J.-L. Houeto, O. Gout

Les manifestations neurologiques associées aux maladies infectieuses sont extrêmement variées. Cette
variabilité est liée aux mécanismes physiopathologiques en cause et à la nature des différents agents
infectieux. Ainsi, certaines manifestations neurologiques sont liées à l’action cytopathogène du germe sur
la cellule du système nerveux central (SNC) (leucoencéphalopathie multifocale progressive, poliomyélite),
d’autres sont liées aux mécanismes immunologiques intervenant dans la défense contre l’agent infectieux
(myélopathie associée aux virus human T-cell lymphoma 1, encéphalomyélite postinfectieuse), d’autres
encore sont liées à la réactivation de germes persistants, le plus souvent favorisée par une
immunodépression (herpès simplex de type 1 et 2, virus varicelle-zona) et certaines sont liées à des agents
infectieux non conventionnels spécifiques du SNC, les prions. Ainsi, quel que soit le mode d’installation
des manifestations neurologiques, une étiologie infectieuse peut être évoquée et ce, même en l’absence
d’un contexte infectieux patent. Tantôt le contexte infectieux est évident, marqué par des signes
généraux ou une localisation extraneurologique, et la relation entre la maladie infectieuse et les signes et
symptômes neurologiques est simple. Parfois, il faut différencier une localisation neurologique de la
maladie infectieuse d’une complication du traitement anti-infectieux. Ailleurs, le contexte infectieux est
inexistant et c’est l’interrogatoire qui retrouve, dans le passé du patient, la notion de contage ou de
voyage en zone d’endémie. L’imagerie en neurologie a pris une place prépondérante dans l’enquête
étiologique. Cependant, l’interprétation des images observées n’a de valeur que corrélée à l’histoire
clinique du patient. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est généralement le premier examen à
demander devant des signes d’atteinte du SNC. L’étude du liquide céphalorachidien est souvent le
deuxième examen nécessaire pour permettre d’orienter le clinicien vers une cause virale, bactérienne,
fongique ou parasitaire. Les résultats des sérologies ou de l’amplification génique par la polymérase
(polymerase chain reaction [PCR]) reviendront tardivement et, le plus souvent, le clinicien aura déjà
initié le traitement. Dans cette revue, nous analyserons les complications neurologiques infectieuses en
fonction du siège anatomique des lésions (SNC, atteinte médullaire et encéphalique ; système nerveux
périphérique, nerfs et muscles) et des germes en cause.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Myélite ; Herpès simplex ; Cytomégalovirus ; Flavirus ; Neuroborréliose ; Neurosyphilis ;


Tuberculose médullaire ; Human T-cell lymphoma virus

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les manifestations neurologiques associées aux maladies
¶ Manifestations médullaires 2 infectieuses peuvent être polymorphes en fonction des méca-
Médullopathies aiguës et subaiguës 2 nismes physiopathologiques en cause, de la nature des différents
Médullopathies virales chroniques 4 agents infectieux et de la localisation des lésions. On distingue
¶ Manifestations encéphaliques 5 ainsi, en fonction du mode de présentation du patient, les
Méningites, méningoencéphalites, encéphalites aiguës et subaiguës 5 atteintes du système nerveux central, médullaire et/ou encépha-
Méningoencéphalites chroniques 8 lique des atteintes du système nerveux périphérique ou
Abcès cérébraux 10 musculaires.
¶ Manifestations neuromusculaires 10 Les atteintes neurologiques entrant dans le cadre des infec-
Atteinte du système nerveux périphérique 10 tions liées au virus de l’immunodéficience humaine (VIH)
Atteintes musculaires 12 constituent une entité à part entière par leur ampleur et par la
¶ Conclusion 12 nécessité d’une prise en charge spécifique, et ne seront pas
détaillées ici.

Maladies infectieuses 1
8-003-A-60 ¶ Manifestations neurologiques des infections

■ Manifestations médullaires territoire(s) radiculaire(s). Le syndrome sous-lésionnel traduit la


lésion et l’interruption des faisceaux moteurs ou sensitifs sous-
jacents. Il comporte un déficit des membres inférieurs, de
Médullopathies aiguës et subaiguës sévérité variable, souvent asymétrique, avec des réflexes vifs,
(Tableau 1) diffusés, polycinétiques, reflets de la lésion du faisceau pyrami-
dal homolatéral à la lésion. Les troubles sensitifs cordonaux
Généralités [1-4] postérieurs, homolatéraux à la lésion, s’expriment par des
Les étiologies des myélopathies aiguës sont, en l’absence de sensations de fourmillement, de peau cartonnée, d’impression
cause chirurgicale, nombreuses. Dans une étude rétrospective d’étau thoracique ou des membres inférieurs, de « marcher sur
portant sur 79 patients adressés pour myélopathie aiguë (moins du coton ». L’interruption des voies sensitives spinothalamiques
de 3 semaines) sans cause compressive, une étiologie infectieuse se traduit par une anesthésie, voire une hypoesthésie de toute
ou postinfectieuse fut retenue pour 6 % des malades. Les autres la partie de l’hémicorps, controlatérale, sous-jacente à la lésion.
diagnostics étaient les suivants : sclérose en plaques (43 %), Des troubles génitosphinctériens et des douleurs rachidiennes
maladies de système (16,5 %), infarctus médullaire (6 %), et (inconstantes) viennent compléter le tableau. Dans sa forme la
myélopathie postradique (4 %). Dans 16,5 % des cas, aucune plus complète et la plus sévère, l’atteinte médullaire se traduit
étiologie ne fut trouvée. Dans cette étude, les myélites infec- par en particulier une myélite transverse aiguë.
tieuses étaient caractérisées par l’existence fréquente d’un Myélite transverse aiguë
tableau de type myélite transverse (80 % des cas).
Elle est définie par l’atteinte aiguë de l’ensemble des faisceaux
Les myélopathies infectieuses doivent être différenciées des
moteurs et sensitifs de la moelle à un niveau donné, réalisant
myélopathies postinfectieuses entrant dans le cadre des
une véritable atteinte transversale de la moelle, à l’exclusion de
encéphalomyélites aiguës disséminées et pour lesquelles des
toute myélopathie compressive. La symptomatologie clinique
critères diagnostiques ont été proposés. L’antécédent d’infection,
comporte un début brutal, une paraplégie flasque, souvent
le plus souvent des voies aériennes, est retrouvé, dans 80 % des
annoncée par des douleurs dorsales, lombaires ou abdominales.
cas, dans les 2 semaines qui précèdent l’installation des signes
Les troubles sensitifs à tous les modes sont constants, de même
neurologiques. Tous les germes peuvent être à l’origine d’une
que les troubles sphinctériens à type de rétention des urines et
myélopathie postinfectieuse. La négativité des PCR, l’aspect de
des selles. Les réflexes ostéotendineux et cutanés sont abolis et
l’imagerie par résonance magnétique (IRM) médullaire montrant
les signes pyramidaux n’apparaissent qu’en quelques jours à
un hypersignal étendu en hauteur sur plus de deux vertèbres et
quelques semaines.
la présence parfois de lésions associées cérébrales évocatrices
permettent de redresser le diagnostic et de proposer un traite- Méningo-myélo-radiculite
ment par corticoïdes à fortes doses. Elle donne un tableau clinique d’installation aiguë, ou
subaiguë. Des paresthésies des membres inférieurs et du périnée
Présentations cliniques sont souvent inaugurales, suivies de douleurs parfois intenses.
Trois tableaux cliniques différents se distinguent : la myélite Les troubles génitosphinctériens sont précoces et quasi cons-
focale, la myélite transverse aiguë et la méningo-myélo- tants à la phase d’état. Ils débutent par une rétention d’urine
radiculite. puis aboutissent rapidement à l’incontinence urinaire et fécale.
Un déficit moteur de début, souvent distal, évolue avec une
Myélite focale
rapidité variable, conduisant à une paraplégie flasque asymétri-
L’atteinte médullaire se reconnaît souvent par l’association que et aréflexique, pouvant en imposer pour un syndrome de
variable d’un syndrome lésionnel, sous-lésionnel et rachidien Guillain-Barré (cf. infra). À l’examen, un signe de Babinski est
(qui peut manquer). Le syndrome lésionnel, de grande valeur souvent présent et il existe un degré variable de trouble sensitif
localisatrice, est caractérisé par des douleurs, parfois intenses, de à tous les modes.
siège radiculaire. Il peut s’accompagner d’une atteinte radicu-
laire sous la forme d’une hypoesthésie en bande, accompagnée Médullopathies virales aiguës et subaiguës
ou non d’une paralysie avec amyotrophie et aréflexie dans le(s)
Herpès simplex [5-7]
Quelques cas de myélite aiguë nécrosante ou de méningo-
Tableau 1. myélo-radiculite aiguë ascendante et nécrosante associés à
Principales causes de myélites ou radiculomyélites subaiguës. l’herpès simplex de type 2 (HSV-2), mais aussi à celui de type 1
Virales HSV-1 et 2, VZV, CMV, HVH6, EBV (HSV-1) ont été rapportés. Typiquement, dans un contexte
VIH, HTLV 1 et 2, virus de l’hépatite B
fébrile avec altération de l’état général, le patient développe une
méningo-myélo-radiculite, d’installation très rapide, en quelques
Paramyxovirus (oreillons, rougeole, grippe)
heures, avec atteinte rapidement progressive de la queue-de-
Enterovirus (Poliovirus, coxsackie A et B, échovirus) cheval marquée par des paresthésies ascendantes, une rétention
Arbovirus d’urine puis une paraplégie flasque ascendante avec signes de
Adénovirus Babinski. La maladie peut évoluer vers la tétraparésie, voire la
Bactériennes Mycoplasme, Chlamydia, Brucella, Leptospira, Borrelia tétraplégie, en quelques heures ou jours. L’étude du liquide
céphalorachidien (LCR) révèle une méningite lymphocytaire et
Tréponème
une protéinorachie élevée. L’IRM montre une moelle augmentée
Rickettsioses (R. conorii, R. prowasekii, Coxiella burnetii,
de volume, avec ou sans aspect infiltré des racines. L’examen
R. Henselae)
anatomopathologique de la moelle épinière trouve une vascu-
Salmonella larite nécrosante et hémorragique plus ou moins étendue,
Mycobactéries associée à des lésions inflammatoires des racines. La physiopa-
Parasitaires Toxoplasma gondii, Plasmodium falciparum thologie fait intervenir la réactivation de l’HSV-2 au niveau des
Taenia saginata, Echinococcus granulosus, Echinococcus ganglions sensitifs dorsaux. Une méningomyélite moins sévère,
multilocularis liée à HSV-1, récurrente et à rechute, a été rapportée. Le
traitement repose sur l’aciclovir par voie intraveineuse.
Stronyloides stercoralis, Trichina spiralis, Toxocara, Loa loa
Schistosoma mansoni, Schistosoma haematobium, Varicelle-zona [8-10]
Paragonimus westermani, Fasciola hepatica Une myélite aiguë peut compliquer une primo-infection au
Fongiques Candida, Coccidioides, Histoplasma, Cryptococcus VZV, mais l’atteinte médullaire, comme pour l’HSV-2, est le plus
CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; HSV : virus de l’herpès
souvent la conséquence d’une réactivation du virus varicelle-
simplex ; HTLV : human T-cell lymphoma virus ; VIH : virus de l’immunodéficience zona (VZV) dans les ganglions postérieurs. Elle est le plus
humaine ; VZV : virus varicelle-zona ; HVH : herpès virus humain. souvent favorisée par une immunodépression (ID). La forme

2 Maladies infectieuses
Manifestations neurologiques des infections ¶ 8-003-A-60

clinique la plus fréquente est celle d’une myélite focale ou jeune, est associée à un risque élevé de développer un syndrome
transverse aiguë, compliquant une varicelle ou un zona (surtout postpolio. La fatigue musculaire, présente dans près de 85 % des
thoracique) 1 à 2 semaines après l’atteinte cutanée. Le rash peut cas, est le symptôme le plus fréquent et s’associe à des douleurs
être absent. Particulièrement en cas d’ID, le début peut être musculaires et/ou articulaires. Les manifestations neurologiques
insidieux, avec aggravation sur plusieurs semaines ou mois. sont caractérisées par l’installation progressive ou rapide d’un
L’analyse du LCR montre une méningite lymphocytaire (mais le déficit moteur touchant des muscles précédemment atteints ou
LCR peut être acellulaire au début) avec protéinorachie élevée et non, avec une atrophie dans un quart des cas. Les enzymes
parfois des hématies. La recherche par PCR de VZV dans le LCR musculaires peuvent être augmentées, l’électromyogramme
est l’examen de choix pour établir le diagnostic. Il doit toutefois (EMG) et la biopsie musculaire montrent des signes de déner-
être interprété avec prudence, en cas de présence du génome vation et de réinnervation. La physiopathologie reste mal
viral dans le sérum. La moelle est le siège d’une démyélinisation connue, mais l’hypothèse d’une reprise de la réplication virale
d’importance variable et parfois d’une nécrose focale avec ou semble exclue.
sans signe de vascularite. Le traitement repose sur l’aciclovir
débuté précocement. L’association à des corticoïdes pendant Flavivirus [21, 22]
une courte durée est débattue. Des récidives ont été décrites, de Le virus West Nile et, à un degré moindre, le tick-borne virus
même que des tableaux sévères de méningo-myélo-radiculite et le virus de l’encéphalite japonaise, peuvent être à l’origine
aiguë hémorragique ascendante en rapport avec une vascularite d’une myélite d’installation aiguë, touchant exclusivement la
nécrosante. corne antérieure et mimant une poliomyélite antérieure :
paralysie flasque, asymétrique, aréflexique des membres infé-
Cytomégalovirus (CMV) [11-13]
rieurs, mais pouvant s’étendre aux membres supérieurs.
Quelques cas de myélite transverse aiguë imputée au CMV L’atteinte bulbaire et respiratoire est possible. Pour le virus West
ont été décrits chez l’immunocompétent. Néanmoins, la Nile, l’atteinte médullaire s’accompagne de signes encéphaliques
majorité des atteintes symptomatiques sont décrites chez dans 50 % des cas (cf. infra). La ponction lombaire retrouve une
patients avec une ID profonde, sous la forme méningo-myélo- méningite avec pléiocytose d’intensité variable, hyperprotéino-
radiculite d’installation subaiguë, fréquemment associée à une rachie modérée et glycorachie normale. Le diagnostic repose sur
ventriculite, une rétinite, une colite ou une pneumonie. la mise en évidence d’Ac spécifiques de type immunoglobuline
M (IgM) dans le sang et le LCR.
Virus Epstein-Barr [14-16]
Les atteintes médullaires liées au virus Epstein-Barr (EBV) sont Médullopathies aiguës et subaiguës bactériennes
exceptionnelles. Elles peuvent prendre la forme de myéloradi- Abcès épidural [23, 24]
culite, de méningo-myélo-radiculite, le plus souvent aiguë,
associée ou non à une atteinte encéphalique. Le diagnostic Il survient chez le sujet de plus de 50 ans, immunocompro-
repose sur l’ascension du taux d’anticorps (Ac) spécifiques et la mis. L’atteinte neurologique se développe à la faveur d’une
positivité de la PCR-EBV dans le LCR, et sur l’élimination des infection par contiguïté (ostéomyélite, suites de chirurgie, post-
autres causes notamment virales. Les séquelles sont fréquentes. traumatisme du rachis, anesthésie péridurale) ou d’une septicé-
mie (endocardite) et réalise un tableau relativement rapide,
Poliomyélite antérieure aiguë [17, 18] évoquant une compression médullaire. Dans un contexte
La maladie est due à un Enterovirus du genre Picornavirus dont d’altération fébrile de l’état général, les douleurs rachidiennes
on distingue trois sérotypes. Les programmes systématiques de intenses, puis des signes radiculaires et enfin une paraparésie,
vaccination dans les pays développés ont permis de diminuer voire une paraplégie, ainsi que des troubles sensitifs et sphinc-
sensiblement l’incidence de l’affection dans le monde de 1 000 tériens, sont la caractéristique du tableau. L’IRM révèle une
cas environ par jour dans le monde entier en 1988 à moins de lésion extra-axiale en isosignal ou hyposignal en T1, hyperin-
3 cas par jour en 2003, avec une diminution correspondante du tense en T2, prenant le contraste en périphérie et/ou de manière
nombre de pays où le virus est endémique, de 125 à 6 (Nigeria, homogène. Le diagnostic microbiologique repose sur la culture
Indes, Pakistan, Niger, Afghanistan et Égypte). Après pénétration de la porte d’entrée, du LCR, de la lésion (si possible ponction
via la muqueuse digestive ou oropharyngée, le virus gagne le échodirigée) et des hémocultures. Le traitement associe souvent
système réticuloendothélial, s’y réplique, rejoint ensuite le un drainage neurochirurgical et une antibiothérapie active sur
système nerveux central (SNC) et exerce un effet cytopathogène les staphylocoques, les streptocoques, mais aussi les bacilles à
direct sur les motoneurones de la corne antérieure de la moelle Gram négatif et les anaérobies.
épinière. La majorité des infections sont asymptomatiques (plus
Abcès intramédullaire [24, 25]
de 90 % des cas). Une phase d’invasion de 24 à 72 heures,
marquée par des signes non spécifiques (fièvre, céphalées, Il s’agit d’une manifestation plus rare que la précédente qui
syndrome méningé, myalgies), précède l’apparition brutale des associe une myélite aiguë ou subaiguë, des signes généraux
symptômes neurologiques. Environ un tiers des cas symptoma- (fièvre, altération de l’état général) et, à l’IRM, une moelle
tiques se restreint à une méningite aseptique non paralytique. augmentée de volume, en hypersignal en T2, avec une prise de
L’atteinte se caractérise par une paralysie flasque, asymétrique, contraste nodulaire ou en anneau, qui peut être absente la
aréflexique, et peut aller de la monoparésie à la quadriplégie. première semaine. L’origine est le plus souvent hématogène
L’atteinte est le plus fréquemment proximale et s’installe en 24 (Staphylococcus, Streptococcus).
à 48 heures. La possibilité d’une paralysie bulbaire (5 à 35 % des
Neuroborréliose [26-29]
cas) avec détresse respiratoire fait toute la gravité de la maladie.
La poliomyélite se distingue du syndrome de Guillain-Barré par Dix à 40 % des maladies de Lyme se compliquent de mani-
l’absence de trouble sensitif, le caractère très asymétrique du festations neurologiques, tant à la phase aiguë de l’infection
déficit moteur et la présence d’une pléiocytose dans le LCR. qu’au stade chronique de la maladie, principalement sous la
Après quelques semaines ou mois d’évolution, environ deux forme de méningoradiculite. Au cours de la phase précoce, on
tiers des patients gardent un handicap. Le diagnostic repose peut observer, au décours de l’érythème migrant, une méningite
désormais sur la positivité de la PCR dans le LCR, sur la culture lymphocytaire, des atteintes des nerfs crâniens (nerf facial+++)
du virus à partir des selles. Il n’y a pas de traitement spécifique. et des atteintes radiculaires avec des douleurs souvent intoléra-
bles associées ou non à un déficit moteur selon le territoire
Syndrome postpolio et atrophie musculaire progressive [19, 20]
concerné (méningoradiculite de Garin-Bujadoux). À ce stade, un
C’est une complication qui survient, en moyenne, 35 ans tableau de myélite est rare. L’étude du LCR révèle la présence
après une poliomyélite aiguë. Le délai d’apparition des troubles d’une méningite lymphocytaire (rarement hypoglycorachique).
est inversement proportionnel à l’intensité de la maladie Le diagnostic repose sur les antécédents cliniques du patient
initiale. La prévalence est estimée à 20-30 % des cas. Une (érythème migrant, arthrite, et notion de morsure de tique,
poliomyélite aiguë, plus sévère chez un adolescent ou un adulte mais retrouvée moins d’une fois sur deux), et sur les sérologies

Maladies infectieuses 3
8-003-A-60 ¶ Manifestations neurologiques des infections

avec synthèse intrathécale d’IgG spécifique anti-Borrelia burgdor- douleurs radiculaires sont présentes dans 50 % des cas. Le LCR,
feri (90 % des cas). L’identification par PCR manque de sensibi- parfois difficile à obtenir en raison d’une arachnoïdite spinale,
lité (inférieure à 50 %). montre une lymphocytose, une hyperprotéinorachie (souvent
La neuroborréliose est traitée par la ceftriaxone ou la pénicil- très élevée par blocage de la résorption) et, inconstamment, une
line G par voie parentérale pendant 2 à 3 semaines, ou en cas hypoglycorachie. Une myélite transverse, rapidement progres-
de contre-indication aux bêtalactamines, la doxycycline. Au sive et ascendante en quelques heures (ou jours) par artérite de
cours de la phase chronique, des encéphalomyélites ont été l’artère spinale antérieure, est décrite, mais exceptionnelle.
rapportées, associant, à des degrés divers, paraparésie spastique, L’IRM peut montrer une moelle augmentée de volume avec un
radiculalgies, ataxie, atteinte des nerfs crâniens et des troubles hypersignal en T2, un iso- ou hyposignal en T1, avec rehausse-
cognitifs. Le LCR montre une pléiocytose lymphocytaire, une ment médullaire et/ou des espaces sous-arachnoïdiens et, en cas
hyperprotéinorachie et, le plus souvent, une production d’atteinte de la queue-de-cheval, des racines accolées entre elles
intrathécale d’anticorps anti-B. burgdorferii. ou à la périphérie du sac dural. Le diagnostic peut être difficile,
Neurosyphilis [30-33] notamment en l’absence de manifestation extraneurologique
(pulmonaire, ophtalmologique...), car l’examen direct et les
L’atteinte médullaire représente 1,5 % des cas d’une série de cultures du LCR sont rarement positives (7 à 40 % des cas) et
plus de 2 000 patients ayant une neurosyphilis. Elle survient au les PCR offrent une spécificité supérieure à 95 %, mais avec une
stade secondaire. La syphilis méningovasculaire réalise une sensibilité entre 30 à 60 % selon les études. Parfois, seul le
inflammation et une hyperplasie sous-intimale favorisant la traitement d’épreuve permet de faire le diagnostic. Le traitement
thrombose, et une myélite transverse aiguë en cas de lésion de antituberculeux doit être poursuivi au moins 1 an, avec des
l’artère spinale antérieure. Le début est brutal. Il existe un
contrôles répétés de l’imagerie et du LCR (mais une réaction
niveau sensitif, le plus souvent thoracique. La paraplégie est
méningée peut persister malgré la stérilisation du LCR).
associée à des troubles sensitifs thermoalgiques et à une
incontinence urinaire et fécale. La méningomyélite chronique
Médullopathies parasitaires aiguës et subaiguës
peut rendre compte d’une paraparésie spastique progressive,
avec atteinte sensitive plus modérée et impériosité mictionnelle. Schistosomiases (bilharzioses) [40-42]
Quand s’y associe une lésion prédominante des cordons ven-
Deuxième parasitose dans le monde après le paludisme, les
traux de la moelle, l’amyotrophie et l’aréflexie segmentaire
schistosomiases sont des affections endémiques en Afrique,
peuvent en imposer pour une sclérose latérale amyotrophique.
principalement subsaharienne (Schistosoma [S] mansoni et
Une réaction inflammatoire importante peut favoriser la
haematobium), aux Caraïbes et en Amérique du Sud (S. mansoni),
formation de lésion pseudogranulomateuse, gomme syphiliti-
en Asie du Sud-Est (S. japonicum). Les complications médullaires
que, responsable de myélopathie compressive. La dégénéres-
cence des racines et des cordons postérieurs de la moelle est sont dues presque exclusivement à S. mansoni et S. haematobium
responsable du « tabes dorsalis », complication rarissime de nos et représentent la principale cause de myélopathie d’origine
jours. Les symptômes surviennent 10 à 20 ans après le début de parasitaire. Après une infestation digestive (S. mansoni) ou
la maladie et comportent, au premier plan, des douleurs des vésicale (S. haematobium), les œufs rejoignent, via des plexus
membres inférieurs en éclairs, une ataxie proprioceptive, des veineux anastomotiques intra-abdominaux, les veines périmé-
crises douloureuses viscérales, des troubles sphinctériens. Un dullaires et y développent une réaction inflammatoire. Cette
signe d’Argyll-Robertson est présent dans un quart des cas. En dernière aboutit à une réaction granulomateuse responsable
dehors du tabès, où elle peut être normale, la ponction lombaire d’une lésion subaiguë de la queue-de-cheval ou du cône
montre une hyperlymphocytose avec une protéinorachie élevée, terminal, voire de radiculopathie douloureuse, en cas d’atteinte
des bandes oligoclonales et une glycorachie normale ou dimi- prédominante des racines. Une inflammation vasculaire aiguë
nuée. Le diagnostic paraclinique repose sur la positivité des tests avec nécrose explique la fréquence des myélites transverses
réaginiques et tréponémiques. aiguës. Le tableau clinique correspond à celui d’une myélite
nécrosante d’évolution aiguë ou subaiguë, ou d’un granulome
Mycoplasme [34, 35] du cône terminal associé à une arachnoïdite de la queue-de-
Mycoplasma pneumoniae a été décrit à plusieurs reprises en cheval. L’atteinte médullaire est à l’origine d’une paralysie
association à des tableaux de myélites transverses aiguës. Il plutôt flasque que spastique, souvent précédée de douleurs
s’agissait chez l’adulte jeune ou l’enfant d’âge scolaire, d’atteinte lombaires. L’IRM montre une augmentation du volume médul-
postinfectieuse, survenant 8 à 10 jours après une primo- laire, avec un hypersignal T2 prédominant au niveau de la
infection. moelle thoracique basse ou moyenne, accompagnée d’un
rehaussement intramédullaire hétérogène après injection de
Tuberculose médullaire [36-39] produit de contraste. L’étude du LCR révèle une pléiocytose
C’est la cause la plus fréquente de paraplégie non traumati- parfois associée à une éosinophilie. Le contexte et les résultats
que dans les pays en voie de développement. L’atteinte peut se des études parasitaires (sérologies, recherche d’œufs de bilharzie)
manifester sous la forme d’une méningo-myélo-radiculite permettent le diagnostic, mais les signes systémiques, digestifs
subaiguë ou chronique de sévérité variable, d’une myélite, d’un ou urinaires sont rarement présents. Le traitement associe
tuberculome intradural ou intramédullaire, et/ou d’une arach- praziquantel ou oxamniquine et corticoïdes.
noïdite. Les signes généraux sont le plus souvent absents. Elle
peut être isolée au niveau du système nerveux central, être la Médullopathies virales chroniques
conséquence d’une infection à distance par voie hématogène ou
d’une atteinte vertébrale par voie de contiguïté. Enfin, elle peut « Human T-cell lymphoma virus 1 » (HTLV-1) [43-47]
être la seule manifestation d’une méningite tuberculeuse ou en
compliquer l’évolution sous traitement. La physiopathologie, la HTLV-1 a été isolé en 1981 à partir des lymphocytes d’un
même que celle de l’atteinte intracrânienne, consiste essentiel- patient porteur d’un lymphome T. Il se transmet par voie
lement en un infiltrat gigantocellulaire où le germe peut être sexuelle (le plus souvent dans le sens homme-femme), par
absent, avec des plages de nécrose caséeuse et un degré variable l’allaitement maternel, par voie sanguine et, plus rarement, par
de fibrose (plus importante en cas de lésion chronique). Les voie transplacentaire. Les myélopathies chroniques associées au
vaisseaux, en particulier les petites et moyennes artères, sont le HTLV-1 (TSP/HAM pour tropical spastic paraparesis/HTLV-
siège d’un exsudat adventitiel, puis d’une prolifération endo- 1 associated myelopathy) s’observent principalement dans les
théliale conduisant à la thrombose. Les lésions se distribuent zones d’endémie de HTLV-1 : bassin des Caraïbes, Amérique
uniformément sur la moelle, mais une prédominance au sein centrale et du Sud, Afrique intertropicale, Afrique du Sud et
des cordons latéropostérieurs est décrite. Les patients dévelop- Japon. Les taux de séroprévalence sont généralement à moins
pent une méningo-myélo-radiculite subaiguë avec paraplégie de 10 % (2,2 % en Martinique, 6 % en Jamaïque), mais peuvent
souvent flasque, s’installant en quelques jours ou semaines. Des atteindre 30 % dans le sud-ouest de l’archipel nippon. Des cas

4 Maladies infectieuses
Manifestations neurologiques des infections ¶ 8-003-A-60

sporadiques ont été rapportés, habituellement chez des migrants Tableau 2.


originaires de pays endémiques, mais aussi chez des autochto- Étiologie des méningoencéphalites.
nes, avec le plus souvent une contamination par voie sexuelle Causes virales HSV-1 et 2, VZV, CMV, EBV, HVH-6, VIH, Arbovirus,
ou par transfusion de produits sanguins contaminés. La préva- hépatites B, Enterovirus (poliomyélite, coxsackie A
lence des TSP/HAM chez les patients porteurs du HTLV-1 varie et B), virus de la variole, de la rage, de la rougeole,
en fonction des pays : de 0,007 à 0,25 % au Japon et de 2 à 4 % des oreillons, virus JC
en Martinique. L’âge de début des manifestations cliniques se
Causes Borrellia, Salmonella, Chlamydia, Mycoplasma,
situe dans la 4e décennie. Dans toutes les séries, il existe une
bactériennes Haemophilus influenzae, Listeria, Leptospira, Treponema,
prépondérance féminine. Le début est insidieux, souvent
Brucella, Rickettsia conorii, Coxiella burnetii, Rochalimea
marqué par des lombalgies, irradiant ou non dans les membres
henselae, mycobactéries, Actinomyces, Nocardia
inférieurs (MI), siège d’une sensation de raideur et de faiblesse.
Les troubles urinaires sont souvent inauguraux ; mictions Causes Plasmodium falcifarum, Toxoplasma gondii, Trypanosoma
impérieuses, incontinence intermittente. L’impuissance est parasitaires cruzi, Trypanosoma gambiense, Trypanosoma rodhesiense,
fréquente. Le tableau clinique est dominé par une paraparésie Naegleria fowleri, Acanthamoeba, Entamoeba histolytica,
spastique avec faiblesse prédominant à la racine des membres Trichinella, Strongyloides stercoralis, Toxocara, Loa loa,
Echinicoccus, Paragonimus, Fasciola hepatica, Taenia
inférieurs. Les réflexes sont vifs aux membres supérieurs. Les
saginata, Schistosoma mansoni, Schistosoma japonicum,
signes sensitifs sont toujours minimes (paresthésies distales des
Schistosoma haematobium
MI, abolition des réflexes achilléens et parfois une hypoesthésie
en « chaussettes »). Une association à des signes systémiques est Causes Candida, Cryptococcus, Aspergillus, Histoplasma,
fréquente : alvéolite lymphocytaire souvent asymptomatique et fongiques Coccidioides, Zygomycetes, Blastomyces, Paracoccidioides
découverte lors d’un lavage bronchoalvéolaire systématique, brasiliensis, Sporothricum schenckii, Pseudoallescheria
arthrite des grosses articulations (genoux, chevilles, poignets) et boydi
uvéites. CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; HSV : virus de l’herpès
La progression de la maladie est variable. Ainsi, après 10 ans simplex ; HVH : herpès virus humain ; VIH : virus de l’immunodéficience
d’évolution, un tiers des patients se déplacent sans aide, un tiers humaine ; VZV : virus varicelle-zona.
marchent avec une ou deux aides, le dernier tiers est dépendant
d’un fauteuil roulant pour se déplacer. L’IRM médullaire est • les encéphalites et les méningoencéphalites (ME) caractérisées
normale ou montre dans deux tiers des cas une moelle thoraci- par la présence de signes cliniques encéphaliques variés
que atrophique et parfois un hypersignal dorsal diffus sur les notamment des troubles de la vigilance, du comportement,
séquences pondérées en T2. Dans la moitié des cas, l’IRM une aphasie, des hallucinations, des crises convulsives... (les
encéphalique montre des lésions de haut signal dans la sub- recommandations validées par la Société de pathologie
stance blanche, mais qui sont aspécifiques. Dans le LCR, il infectieuse de langue française concernant la prise en charge
existe une pléiocytose modérée (< 50 cellules/mm3) à prédomi- des encéphalites en France peuvent être retrouvées à l’adresse
nance lymphocytaire. La protéinorachie est normale ou discrè- suivante : www.infectiologie.com/site/documents_spilf.php).
tement augmentée. Des bandes oligoclonales IgG sont toujours Le Center for Diseases Control (CDC) estime à 20 000/an le
présentes à la fois dans le sang et le LCR. Les anticorps anti- nombre de cas d’encéphalite aux États-Unis. Les encéphalites
HTLV-1 sont toujours détectables à la fois dans le sang et le LCR infectieuses sont le plus souvent d’origine virale, mais une
des patients souffrant de TSP/HAM. En revanche, chez l’indi- étiologie n’est pas toujours retrouvée. L’HSV de type 1 représente
vidu séropositif asymptomatique, il est exceptionnel de mettre la première cause d’encéphalite virale focale, mais serait moins
en évidence, dans le LCR, des anticorps contre HTLV-1. fréquemment responsable que le VZV en cas d’encéphalite
Le diagnostic des TSP/HAM repose sur l’association d’une diffuse. En dehors des virus du groupe Herpès, les autres causes
paraparésie spastique progressive, de la détection d’anticorps sont les encéphalites liées au virus rabique, aux Arbovirus, aux
anti-HTLV-1 dans le sang et le LCR et de l’exclusion des autres Enterovirus, aux virus de la rougeole et des oreillons. L’évolution et
diagnostics possibles de myélopathie, en particulier une com- le pronostic dépendent de la cause et de la rapidité de
pression de la moelle épinière. l’instauration du traitement. Les principales causes de ME sont
Les lésions anatomopathologiques prédominent dans la citées dans le Tableau 2. Nous insisterons sur les affections les plus
moelle thoracique basse qui est atrophique. Celle-ci est le siège fréquemment rencontrées.
d’une méningomyélite associant des infiltrats inflammatoires Comme pour les myélites infectieuses, les encéphalites
périvasculaires et parenchymateux et une destruction myéli- infectieuses doivent être différenciées des encéphalites et des
noaxonale des voies longues des cordons antérolatéraux. encéphalomyélites aiguës disséminées postinfectieuses, affections
L’inflammation est nette en début de maladie puis disparaît au aiguës ou subaiguës. Celles-ci réalisent, surtout chez l’enfant et
cours de l’évolution et laisse la place à une gliose astrocytaire et l’adolescent mais aussi à tout âge, dans les suites (7 à 14 jours
à une fibrose vasculaire. Les traitements proposés jusqu’à habituellement) d’une infection non spécifique le plus souvent
présent (corticoïdes, vitamines C à fortes doses, immunosup- virale et des voies aériennes supérieures (mais non retrouvée dans
presseurs, antirétroviraux) ont été décevants. L’efficacité des 25 à 50 % des cas), une atteinte diffuse parfois sévère,
interférons est à confirmer. prédominant dans la substance blanche hémisphérique, de la
moelle, du tronc cérébral et du nerf optique avec inflammation
périveinulaire et démyélinisation. Elles peuvent survenir aussi au
■ Manifestations encéphaliques décours d’une vaccination. Le mécanisme pathogénique est mal
connu, mais comporte vraisemblablement des phénomènes
Méningites, méningoencéphalites, immunoallergiques. Cliniquement, l’atteinte est polysymp-
tomatique avec trouble de vigilance, confusion, céphalées,
encéphalites aiguës et subaiguës convulsions, et/ou signes focaux variables (hémiplégie,
nystagmus, ataxie, diplopie). Une association avec une myélite
Généralités [4, 48-51]
transverse est possible. Le LCR montre une méningite
Deux types de tableaux cliniques sont possibles avec des lymphocytaire aseptique, mais une prédominance de polynu-
étiologies variables : cléaires neutrophiles n’est pas rare, de même que la présence
• les méningites associant fièvre, céphalées, photophobie, d’hématies traduisant alors une composante hémorragique
vomissements, raideur de la nuque. On distingue les ménin- associée. L’IRM montre des lésions diffuses étendues,
gites à liquide clair, les plus fréquentes, et le plus souvent prédominant dans la substance blanche, mais touchant aussi la
d’origine virale (LCR lymphocytaire), des méningites puru- substance grise. Le traitement repose sur les corticoïdes à fortes
lentes d’origine bactérienne (prédominance de polynucléai- doses. L’évolution est classiquement monophasique, avec
res). Les principaux virus responsables sont de loin les récupération en 1 à 6 mois (complète dans 60 à 80 % des cas), mais
Enterovirus ; des récidives sont possibles notamment chez l’adulte.

Maladies infectieuses 5
8-003-A-60 ¶ Manifestations neurologiques des infections

Méningoencéphalites aiguës et subaiguës virales Tableau 3.


Affection pouvant simuler une méningoencéphalite herpétique.
Herpès simplex [52-60]
Virales Arbovirus
L’Herpès simplex de type 1 est la cause de l’encéphalite ou VZV, CMV, EBV
ME sporadique non épidémique la plus fréquente. La fréquence
Echovirus, adénovirus, coxsackievirus
varie de 1/250 000 à 1/500 000/an. Il existe deux pics de
Paramyxovirus (grippe, oreillons)
fréquence : avant 20 ans dans un tiers des cas, en rapport avec
une primo-infection, et après 50 ans dans 50 % des cas, lié à Bactériennes Listériose, mycoplasme
une réactivation du virus quiescent au niveau des ganglions Rickettsiose, coxiellose
trigéminés. Un cas sur trois survient chez des sujets de moins Mycobactéries
de 20 ans. Le virus provoque une encéphalite nécrosante et Typhoïde
hémorragique dont le tropisme frontotemporal rend compte des
Malade de Whipple
signes cliniques. Un contexte fébrile est présent dans 90 à 98 %
Méningite à méningocoque
des cas. L’altération de la conscience est quasi constante (97 %
des cas). Des troubles du comportement et de la personnalité Abcès cérébral, empyème sous-dural
surviennent dans 85 % des cas. Des hallucinations olfactives, Parasitaires Trypanosomiase, abcès amibien, accès pernicieux
visuelles, auditives, voire psychosensorielles, sont fréquentes et palustre
traduisent le dysfonctionnement des structures temporales. Des Trichinose
crises d’épilepsie focales ou généralisées, souvent inaugurales, Fongiques Cryptococcose, mucormycose
sont observées dans un cas sur deux, et des signes focaux
Autres Encéphalopathie toxique ou métabolique
(hémiparésie, hémianopsie) dans un tiers des cas. L’élec-
Maladie de Behçet, LED, sarcoïdose neurologique
troencéphalogramme (EEG) est évocateur quand il montre une
activité périodique uni- ou bilatérale sur les dérivations tempo- Accident vasculaire cérébral
rales, avec un rythme de fond comportant des ondes lentes. Encéphalopathie aiguë postinfectieuse
L’imagerie montre des lésions prédominant dans les régions Tumeur cérébrale
médiotemporales et orbitofrontales, une lésion nécroticohémor- CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; VZV : virus varicelle-zona ;
ragique frontotemporale uni- ou bilatérale avec de l’œdème et LED : lupus érythémateux disséminé.
un effet de masse. Les lésions prennent rarement le contraste
avant la fin de la première semaine. L’examen avec séquence de
diffusion augmente la sensibilité. L’IRM cérébrale retrouve la mère infectée. Il existe une septicémie sévère avec lésions
précocement, dès les 48 premières heures, des anomalies, mais cutanées, digestives, pulmonaires et une coagulation intravas-
sa sensibilité reste inférieure à celle de la PCR, et, comme pour culaire disséminée.
l’EEG, une IRM normale n’élimine pas le diagnostic. La ponc- Le rôle de l’HSV de type 2 est fortement suspecté lors des
tion lombaire trouve un liquide discrètement hypertendu, clair méningites aseptiques récurrentes (ou méningites de Mollaret).
ou xanthochromique, mais elle peut être normale initialement. Varicelle-zona [63-66]
La protéinorachie est discrètement élevée et il existe une
pléiocytose (97 % des cas) composée principalement de lym- Le VZV est un virus du groupe Herpès à l’origine de la
phocytes (entre 100 et 500/mm3) et parfois d’hématies. La varicelle et qui devient latent dans les nerfs crâniens et les
présence d’un taux élevé d’interféron dans le LCR est suggestive ganglions rachidiens. Chez 10 à 20 % de la population, une
réactivation est possible avec survenue d’un zona.
d’un processus de réplication virale. Le diagnostic repose sur
Une ME est décrite dans les suites ou comme complication de
une PCR-HSV positive dans le LCR, dont la sensibilité et la
la varicelle. La complication la plus classique (outre la ménin-
spécificité sont respectivement de 96 et 99 %. Des faux négatifs
gite aseptique) est l’ataxie cérébelleuse aiguë ou subaiguë
sont possibles en cas de prélèvements précoces dans les 72 pre-
d’évolution favorable surtout chez l’enfant dans les deux
mières heures, en cas de ponction lombaire (PL) hémorragique,
semaines qui suivent l’éruption varicelleuse.
ou après 5 à 7 jours de traitement antiviral. L’aciclovir intravei-
La réactivation de l’infection à VZV donne des complications
neux (i.v.) 10-15 mg/kg toutes les 8 h pendant 14-21 jours a
protéiformes : méningite bénigne de pronostic favorable, ME et
permis de réduire la mortalité de 70 à 19 %. La PCR doit être
vascularite. Au zona trigéminé peut succéder, des semaines ou
contrôlée après 10-14 jours de traitement avec, pour certains, en
des mois après, la classique hémiplégie controlatérale, par
cas de positivité, la nécessité de poursuivre le traitement. Dans
artérite granulomateuse des gros troncs artériels proximaux, ou
près de 50 % des cas, les patients traités ont pu reprendre leur
du polygone de Willis. D’exceptionnels cas ont été décrits en
activité antérieure, mais avec fréquemment des symptômes
l’absence de lésions zostériennes. Une vascularite multifocale
persistants (troubles mnésiques, anosmie, troubles du compor-
d’évolution plus souvent insidieuse est possible notamment
tement, troubles phasiques, ou épilepsie). Des récidives sont
chez le patient immunocompromis. La présence du génome
possibles, plus particulièrement chez le nouveau-né. Elles viral, exclusivement dans les parois artérielles lésées, plaide pour
surviennent le plus souvent dans les trois premiers mois. Le sa responsabilité. Une leucoencéphalite, avec une atteinte des
principal diagnostic différentiel est alors une encéphalite petites artères souvent à la jonction de la substance blanche et
postinfectieuse, mais les PCR sont négatives et l’IRM montre des grise, une ventriculite, associée ou non à une méningomyélora-
plages de démyélinisation et d’inflammation diffuses. diculite, sont également rapportées, de même que des rhom-
Enfin, en particulier chez le sujet immunocompromis, un bencéphalites. La recherche par PCR de VZV dans le LCR
tableau atypique est possible avec évolution subaiguë, absence permet le diagnostic et l’instauration rapide d’un traitement par
de signe neurologique de localisation, rhombencéphalite ou aciclovir. En cas d’artérite, la PCR peut cependant être négative.
absence de pléiocytose.
Les affections pouvant en imposer pour une ME herpétique Epstein-Barr (EBV) [67-69]
sont citées dans le Tableau 3. L’incidence des complications neurologiques liées à l’EBV est
Herpès simplex type 2 [48, 61, 62] estimée entre 1 et 5 % des patients non immunodéprimés
présentant une mononucléose. Elles se résument, dans la
HSV de type 2 est plus rarement à l’origine d’une ME chez majorité des cas, à une méningite lymphocytaire banale comme
l’immunocompétent puisqu’il ne représente que 10 % des en témoigne la fréquence des anomalies retrouvées dans le LCR
causes de ME à HSV, mais l’apparition récente des techniques de présentant une primo-infection (plus d’un quart des cas).
détection par PCR a révélé qu’il est une cause fréquente de L’autre tableau possible est celui d’une encéphalite fréquem-
méningite virale chez l’adulte. Lors des méningoencéphalites, il ment focale avec des signes neurologiques de localisation,
s’agit le plus souvent d’une primo-infection concernant le pouvant alors mimer une encéphalite à HSV. L’atteinte peut
nouveau-né contaminé lors du passage de la filaire génitale de concerner en priorité la fosse postérieure avec un tableau de

6 Maladies infectieuses
Manifestations neurologiques des infections ¶ 8-003-A-60

Tableau 4. Des cas humains de fièvre à virus West Nile ont été rapportés
Rhomboencéphalites. en Afrique, au Moyen-Orient, en Inde, en Europe, et plus
Clinique Signes méningés, troubles du tonus, troubles
récemment à New York où une première épidémie s’est déclarée
de conscience, paralysies des nerfs crâniens, en 1999. Depuis, plusieurs épidémies annuelles sont survenues
hallucinose, signes cérébelleux, signes vestibulaires, avec, en 2002 puis en 2003, près de 3 000 cas par an d’encépha-
signes pyramidaux, signes sensitifs, myoclonus, lites recensées responsables de 276 puis 246 décès. Cette atteinte
opsoclonus, fièvre, altération de l’état général survient principalement chez l’adulte avec comme facteur
favorisant un âge supérieur à 50 ans ou l’existence d’une
Clauses virales Herpès simplex 1 et 2, cytomégalovirus, virus
pathologie chronique.
Epstein-Barr, VZV, VIH, adénovirus, Enterovirus,
Le virus EJ est endémique en Asie où il est responsable
Paramyxovirus
d’environ 30 000 à 50 000 cas d’encéphalite et 10 000 décès par
Causes Listeria monocytogenes, Treponema pallidum, an, touchant principalement l’enfant de moins de 15 ans et
bactériennes mycobactéries, Borrelia, mycoplasme, Coxiella burnetti, l’adulte non immunisés (voyageurs+++).
Tropheryma whipelii, Rochalimea henselae Le principal réservoir naturel de ces virus est constitué par les
Causes Cryptococcus, Aspergillus, Candida, Coccidioides, oiseaux sauvages. L’homme est un hôte accidentel, contaminé
fongiques Histoplasma, Blastomyces, Zygomycetes par piqûre de moustiques. Une transmission interhumaine est
Causes Plasmodium falcifarum, Toxoplasma gondii, cysticercose possible (transplantation d’organes, transfusion sanguine, ou par
parasitaires voie transplacentaire). Dans la plupart des cas, l’infection est
asymptomatique ou se résume, après une incubation de 3 à
Autres Lymphomes : postinfectieux++, paranéoplasiques
14 jours, à une fièvre, et à un syndrome pseudogrippal.
avec ou sans Ac antineurone (Hu, Ri, Yo),
L’atteinte neurologique survient chez moins de 1 % des cas des
Gayet-Wernicke, migraine basilaire, myélinose
patients infestés, après une phase de prodrome avec fièvre quasi
centropontine, Marchiafava-Bignami, intoxication
au monoxyde de carbone, vascularite, Miller Fisher
constante, et syndrome pseudogrippal durant quelques jours.
Trois types de tableaux neurologiques sont décrits avec le plus
VZV : virus varicelle-zona ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine. souvent une combinaison de symptômes.
Encéphalite aiguë. C’est l’atteinte la plus fréquente
rhombencéphalite (Tableau 4) ou de cérébellite. L’évolution est puisqu’elle représente 60 à 75 % des atteintes neurologiques.
spontanément favorable. Enfin, il faut souligner la possibilité de Elle se manifeste par des troubles de la vigilance, des crises
l’atteinte associée des nerfs périphériques donnant un tableau convulsives (particulièrement lors des EJ), une hypertension
où des signes centraux se mêlent à des signes périphériques intracrânienne, une ataxie, une atteinte des paires crâniennes
(polyradiculonévrite). Le diagnostic repose sur la sérologie dans (paralysie faciale uni- ou bilatérale surtout) et des mouvements
le sang et le LCR, sur la PCR dans le LCR, et sur l’élimination anormaux (principalement un syndrome parkinsonien akinéto-
des autres causes notamment virales. Le traitement n’est pas rigide avec une amimie, une rigidité, et plus rarement une
codifié, mais l’évolution est le plus souvent favorable. dystonie, des mouvements choréoathétosiques, des myoclonies
ou des dyskinésies buccolinguales). L’IRM peut montrer des
Cytomégalovirus [70, 71] anomalies de signal en T2, diffuses ou localisées au niveau des
Exceptionnellement symptomatique chez le sujet immuno- noyaux gris centraux des thalami ou du tronc cérébral. L’élec-
compétent (moins de 10 cas rapportés), l’infection à CMV troencéphalogramme (EEG) est fréquemment perturbé, mais de
donne chez le sujet immunocompromis des tableaux cliniques manière aspécifique.
polymorphes. L’encéphalite micronodulaire diffuse, atteinte Syndrome méningé. Il se manifeste par une paraparésie
souvent insidieuse et d’évolution subaiguë, parfois chronique, flasque d’installation aiguë, mimant une poliomyélite (cf.
survient constamment chez des patients très immunodéprimés. supra).
Au premier plan, on observe une apathie avec confusion et L’étude du LCR révèle une méningite lymphocytaire (une
somnolence dans la majorité des cas, des signes focaux et des prédominance de polynucléaires est possible pendant la pre-
troubles mnésiques. Une hyponatrémie est très fréquente, reflet mière semaine), une protéinorachie modérément élevée, et une
d’une sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique, ou glycorachie normale. La technique la plus sensible pour le
d’une atteinte de la glande surrénale. L’IRM montre une diagnostic repose sur la mise en évidence d’Ac spécifiques de
association variable et diffuse d’atrophie, de rehaussement des type IgM dans le sang et le LCR. Une recherche par PCR est
méninges, et de lésions focales nodulaires prenant le contraste. possible, mais avec une sensibilité moindre. La virémie est
Une atteinte plus aiguë ou rapidement progressive caractérise la négative.
ventriculoencéphalite aiguë. Elle est fréquemment associée à Le pronostic est réservé a fortiori en cas d’encéphalite ou
une myéloradiculite et comporte une confusion, des troubles de d’atteinte médullaire, avec des séquelles neurologiques dans 50
vigilance, des paralysies des nerfs crâniens et un nystagmus. à 65 % des cas. Aucun traitement curatif (interféron a, ribavi-
L’IRM ou le scanner montrent une dilatation ventriculaire avec rine, immunoglobulines...) n’a fait la preuve de son efficacité.
prise de contraste. L’examen du LCR montre une pléiocytose.
Dans de rares cas, l’encéphalite et la réaction inflammatoire Méningites et méningoencéphalites bactériennes
prennent une forme pseudotumorale, très trompeuse, avec, au Généralités [76, 77]
premier plan, des signes d’hypertension intracrânienne. Le
diagnostic d’encéphalite à CMV repose sur la PCR dans le LCR, Les causes de ME bactériennes sont nombreuses (Tableau 2)
sur la biopsie cérébrale dans les formes pseudotumorales, et le avec, par ordre de fréquence, quel que soit l’âge, Streptococcus
traitement repose sur le ganciclovir et/ou le foscarnet. pneumoniae, Neisseria meningitidis, Streptococcus du groupe B,
Listeria monocytogenes, et H. influenzae (à l’exclusion des
Flavivirus [21, 22, 72-75] méningites nosocomiales principalement postchirurgicales et
Les principaux arbovirus de la famille des Flaviviridae à dues en grande partie aux bacilles à Gram négatif).
l’origine d’encéphalite sont représentés par le virus West Nile Le tableau est celui d’une méningite, mais certaines infections
(WN), et le virus de l’encéphalite japonaise (EJ). D’autres bactériennes réalisent un tableau de ME soit aigu, comme la ME
Flavivirus peuvent être à l’origine d’atteintes neurologiques listérienne, pouvant alors simuler une ME herpétique (Tableau
survenant dans des régions géographiques localisées (le virus de 3), soit subaiguë, analogue à la tuberculose cérébroméningée.
l’encéphalite de Saint-Louis aux États-Unis, le virus de
Méningoencéphalite listérienne [78]
l’encéphalite de Murray Valley en Australie, Nouvelle-Zélande et
Nouvelle-Guinée, le Rocio virus au Brésil, le tick-borne virus en Elle survient dans deux tiers des cas sur un terrain prédis-
Europe centrale et en Russie...) ou responsables d’un tableau de posé : âges extrêmes, néoplasie, diabète, traitement par chimio-
fièvre hémorragique avec atteinte encéphalique au second plan thérapie, corticoïdes, patients transplantés, splénectomisés ou
(fièvre jaune, dengue), et ne seront donc pas détaillés ici. encore contaminés par le VIH. La fièvre est quasi constante, et

Maladies infectieuses 7
8-003-A-60 ¶ Manifestations neurologiques des infections

s’accompagne dans deux tiers des cas de troubles des fonctions ou chronique. La fièvre est souvent absente et le début insi-
supérieures. Contrairement aux autres méningites bactériennes, dieux. L’atteinte cérébrale peut prendre la forme d’une ménin-
les signes méningés et notamment les céphalées sont absents gite subaiguë ou chronique, d’une hydrocéphalie en cas de
dans plus de la moitié des cas, et le début est souvent insidieux méningite basilaire, d’une encéphalite avec confusion, de
avec installation en 1 à 2 semaines des symptômes. D’autres troubles du comportement, et de signes neurologiques de
signes peuvent témoigner d’une atteinte encéphalique et localisation en rapport avec une lésion abcédée ou avec un
notamment du rhombencéphale (atteinte des paires crâniennes, accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique ou hémorragique
ataxie...) (Tableau 4). L’analyse du LCR montre une pléiocytose par artérite granulomateuse. Le développement d’abcès de
marquée avec une formule panachée ou une prédominance de distribution cortico-sous-corticale peut s’observer. La confirma-
polynucléaires, une hyperprotéinorachie constante, mais tion diagnostique est souvent difficile. L’analyse du LCR montre
variable et une glycorachie basse dans 40 % des cas. L’examen une pléiocytose à prédominance lymphocytaire, une protéino-
direct du LCR avec coloration de Gram n’est positif que dans un rachie élevée et une glycorachie normale ou basse. En cas d’ID
tiers des cas, mais la mise en culture est fréquemment contri- profonde, la pléiocytose peut être réduite à moins de 10/mm3.
butive (sang et LCR). L’imagerie est normale ou retrouve des Le diagnostic repose sur l’étude du LCR (examen direct et
lésions focalisées et/ou une hydrocéphalie. Le décès survient culture, sérologies et recherche d’antigènes spécifiques) qui peut
toutefois rester négative, et sur la recherche d’autres foyers
chez un quart des patients, avec, comme facteurs de mauvais
(pulmonaires, sinusiens, cutanés, urines...). Si elle est négative,
pronostic, l’existence d’une ID, un âge supérieur à 65 ans et la
la PL doit être répétée avec prélèvement d’au moins 10 ml. Les
survenue de crises convulsives.
principales caractéristiques des ME fongiques sont résumées
Tuberculose cérébroméningée [36, 79-82] dans le Tableau 5.
On estime qu’un tiers de la population mondiale est infecté Méningoencéphalites parasitaires
par le bacille tuberculeux, et la prévalence de la maladie croît
en cas d’ID. En cas d’atteinte cérébroméningée, un contage est Les principales caractéristiques des ME parasitaires sont
retrouvé dans 70 à 90 % des cas. Le tableau clinique est résumées dans le Tableau 6. L’atteinte neurologique est liée à
polymorphe. La fièvre (supérieure à 38 °C) est quasi constante l’invasion du SNC par une forme adulte ou larvaire du parasite,
mais peut survenir tardivement. Les céphalées et le syndrome ou lors du décès de ce dernier. La réaction inflammatoire
méningé peuvent manquer. L’atteinte basilaire, qui comporte – parfois intense – qui en résulte peut être à l’origine d’une
une infiltration inflammatoire de la base du crâne, se traduit le méningite basilaire (et de ses complications), de la formation
d’un granulome cérébroméningé ou de la formation d’abcès.
plus souvent initialement par une paralysie uni- ou bilatérale du
nerf oculaire moteur externe (VI). Une atteinte des autres nerfs Neuropaludisme [86]
crâniens (II, III, VII et VIII) est habituelle un tiers des cas, de
Le paludisme est la première parasitose, dans le monde,
même qu’une hydrocéphalie (très fréquente chez l’enfant). Des
touchant plus d’un demi-milliard de personnes, dont 70 % en
signes focaux sont observés dans environ un quart des cas.
Afrique, surtout sub-saharienne, et 25 % en Asie du Sud-Est. Le
L’existence d’un syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone
neuropaludisme est la plus sévère des complications neurologi-
antidiurétique est possible et traduit l’atteinte hypothalamique.
ques et elle est l’apanage du Plasmodium (P) falciparum. Elle est
La méningite produit une réaction inflammatoire spécifique (cf.
particulièrement fréquente et sévère chez l’enfant de moins de
supra) qui peut s’étendre aux vaisseaux de la base et atteint
2 ans.
essentiellement les artères perforantes lenticulostriées et
Dans un contexte fébrile ou d’hypothermie, le tableau
thalamoperforées qui vascularisent le striatum et le thalamus, neurologique comporte des troubles de la vigilance allant très
rendant compte de la possibilité d’hémiplégie et de mouve- rapidement jusqu’au coma, des convulsions, une hypertension
ments anormaux (chorée, hémiballisme, athétose, myoclonus). intracrânienne, et des signes focaux témoignant notamment
Enfin, des convulsions, des signes focaux ou une hypertension d’une souffrance du tronc cérébral. Les complications extraneu-
intracrânienne peuvent annoncer la présence de tuberculomes. rologiques sont fréquentes : anémie sévère, acidose marquée,
Les tuberculomes sont fréquents dans les pays en voie de hyponatrémie, hypoglycémie et insuffisance rénale.
développement, mais rares dans les pays industrialisés (moins La mortalité est d’environ 20 %. La fréquence des séquelles
de 10 % des cas). neurologiques est inférieure à 5 % des adultes et atteint 10 %
Le LCR est clair et montre une méningite lymphocytaire des enfants. L’analyse du LCR montre une protéinorachie
(généralement entre 100 et 1 000/mm3), hypoglycorachique discrètement élevée ou normale. La glycorachie est habituelle-
(70 % des cas) et une hyperprotéinorachie. Le diagnostic repose ment normale et reflète le plus souvent, quand elle est basse,
sur l’existence d’un contage, de localisations extraneurologiques, une hypoglycémie systémique. Le diagnostic repose sur la mise
l’examen direct du LCR (dont la sensibilité varie selon la en évidence de la parasitémie à P. falciparum. Au plan physio-
quantité de liquide prélevé et la technique de l’opérateur), le pathologique, le neuropaludisme se caractérise par la séquestra-
résultat des cultures du LCR (positives dans 80 % des cas, à tion d’hématies parasitées dans les capillaires cérébraux,
8 semaines), les techniques d’amplification génique (la spécifi- favorisant l’hypoperfusion. La cytoadhérence des hématies
cité est élevée, environ 90 %, mais la sensibilité médiocre : de parasitées à l’endothélium des capillaires cérébraux semble
10 à 30 %). L’intradermoréaction (IDR) à la tuberculine est déterminante. Une réaction inflammatoire non spécifique de
faussement négative dans un quart des cas, même en l’absence l’hôte vis-à-vis du parasite est à l’origine de la production de
d’ID. Le traitement a fait l’objet récemment de recommanda- neuromédiateurs qui aggravent l’hypoperfusion et jouent un
tions : début le plus précocement possible par une quadrithéra- rôle dans la genèse de l’œdème cérébral.
pie associant isoniazide, rifampicine, éthambutol et
pyrazinamide pendant 2 mois, puis une bithérapie associant Méningoencéphalites chroniques
isoniazide et rifampicine est recommandée par précaution
pendant 7 à 10 mois. Plusieurs essais ont montré l’intérêt d’une Panencéphalite sclérosante subaiguë (PESS) [87, 88]
corticothérapie adjuvante pendant les 8 premières semaines.
Depuis l’adoption des programmes de vaccination antimor-
Méningoencéphalites fongiques [83-85] billeuse, l’incidence de la PESS a diminué et est estimée désor-
mais à moins de 1 cas par million d’enfants et par an dans
Les ME d’origine fongique peuvent survenir chez le sujet les pays développés. Elle reste élevée dans les pays en voie
immunocompétent, mais sont le plus souvent décrites chez les de développement ou sous-développés (par exemple
patients immunocompromis. Les facteurs prédisposants sont les 2 cas pour 100 000 habitants en Inde ou 10 cas pour 100 000
suites de transplantation d’organe, le diabète, la corticothérapie habitants au Pakistan). C’est une affection le plus souvent
prolongée, l’antibiothérapie à large spectre, les hémopathies et chronique qui survient entre 6 et 15 ans après la primo-
l’infection par le VIH. Le profil évolutif des troubles est subaigu infection rougeoleuse. Une centaine de cas ont été décrits chez

8 Maladies infectieuses
Manifestations neurologiques des infections ¶ 8-003-A-60

Tableau 5.
Principales caractéristiques des méningoencéphalopaties fongiques.
Germes Facteurs Méningite Vascularite Abcès/ Particularités Localisations Diagnostic Traitement
de risques basilaire granulomes cliniques extraneurologiques
Candida Neutropénie, +++ ± +++ Paralysie des nerfs Cutanée++, digestive, Culture LCR, Amphotéricine B,
diabète, crâniens, trouble pulmonaire hémoculture, flucytozine,
corticothérapie, de la conscience, biopsie cérébrale, fluconazole
toxicomanie arachnoïdite antigénémie
i.v., spinale
VIH, matériel
de dérivation
ventriculaire
Aspergillus Hémopathies, + +++ +++ Ischémies et Pulmonaire++, Biopsies cérébrales, Chirurgical
neutropénie, hémorragie sinus+++ sinusiennes, des sinus,
VIH cérébrales, épilepsie, sérologie amphotéricine B,
atteintes itraconazole
nasosinusienne et
orbitosinusienne
Cryptococcus VIH+++, +++ ± + Pseudo-tumor Pulmonaire, Examen direct Amphotéricine
transplantation cerebri, œdème musculaire à l’encre de Chine, B+, flucytozine,
d’organe, papillaire, baisse antigénémie, fluconazole
corticothérapie de l’acuité visuelle culture LCR

Coccidioides Insuffisance +++ + ++ Paralysie des nerfs Pulmonaire++, Anticorps par Amphotéricine B,
rénale, crâniens, œdème cutanéomuqueuse, réaction de fixation intrathécale,
corticothérapie papillaire, splénoganglionnaire du complément, kétoconazole
VIH, sujets arachnoïdite culture du LCR
non caucasiens spinale
Histoplasma VIH, +++ ± ± Paralysie des nerfs Pulmonaire++, Culture du LCR, Amphotéricine B,
corticothérapie, crâniens, osseuse, antigénémie, kétoconazole
diabète insuffisance cutanéomuqueuse, anticorps par radio-
surrénale splénoganglionnaire immunologie
Zygomycetes Insuffisance + ++ ++++ Ophtalmoplégie, Nasopharyngée+++, Biopsies sinusiennes Chirurgie+++,
rénale, atteinte du sinus pulmonaire, amphotéricine B
acidocétose caverneux et de cutanéomuqueuse et kétoconazole
diabétique, l’apex orbitaire,
toxicomanie ulcérations et
i.v., nécroses
hémopathies nasosinusiennes,
ischémies cérébrales
LCR : liquide céphalorachidien ; i.v. : par voie intraveineuse ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

l’adulte jeune (avant 45 ans). La maladie est 100 à 200 fois plus Autres causes d’encéphalite chronique [89-91]
fréquente chez les sujets non vaccinés.
Le début est insidieux, sans fièvre, chez un enfant d’âge On cite la maladie de Whipple, infection bactérienne chroni-
scolaire, marqué par une diminution progressive des perfor- que due à Tropheryma whipplei de diagnostic souvent difficile.
mances intellectuelles et des troubles du comportement. Des Elle atteint l’individu de la cinquantaine et est huit fois plus
signes neuro-ophtalmologiques sont fréquents et peuvent fréquente chez l’homme que chez la femme. Les manifestations
précéder les signes neurologiques : choriorétinite, œdème neurologiques surviennent après plusieurs années d’évolution,
papillaire, névrite optique ou cécité corticale. Une atteinte sont souvent polymorphes avec notamment démence, paralysie
démentielle s’installe progressivement après des semaines ou des oculomotrice et/ou myoclonies faciotronculaires. Des signes
mois d’évolution, accompagnée de mouvements anormaux, en extraneurologiques sont présents dans 80 % des cas (fièvre,
particulier des myoclonies touchant la musculature axiale et des altération de l’état général, arthralgies, adénopathies, troubles
membres. Des dystonies, une rigidité, une ataxie cérébelleuse et digestifs). Le diagnostic repose sur l’aspect histologique qui
des signes pyramidaux ne sont pas rares. Le décès survient en 1 montre des macrophages spumeux contenant des granulations
à 3 ans. Toutefois, une stabilisation ou une rémission spontanée periodic acid Schiff (PAS) positives et sur la positivité de la PCR
prolongée est possible dans 5 % des cas. spécifique de Tropheryma whipplei (LCR, biopsie duodénale,
L’IRM cérébrale révèle des degrés variables d’atrophie corticale liquide synovial...).
et du tronc cérébral, et de lésions multifocales prédominant Deux virus de la famille papovavirus sont à l’origine
dans la substance blanche. L’analyse du LCR montre une d’encéphalopathies chroniques ou subaiguës : les virus JC et BK
hypergammaglobulinorachie (plus de 20 %) de distribution (initiales du nom des patients chez qui ils ont été décrits
oligoclonale, avec une synthèse intrathécale d’anticorps anti- initialement). Ils sont très largement répandus, puisque 60 à
rougeole. Il n’y pas de pléiocytose. L’EEG montre, mais parfois 90 % des adultes ont des anticorps dans le sérum suite à une
tardivement, des complexes pseudopériodiques caractéristiques. primo-infection dans l’enfance. À l’occasion d’une immunodé-
L’examen anatomopathologique montre une inflammation pression, une réactivation est possible avec développement
périvasculaire composée de cellules mononucléées qui siègent insidieux d’une encéphalopathie diffuse : leucoencéphalite
dans la substance grise et blanche. Il existe une perte neuronale multifocale progressive pour le virus JC, encéphalopathie
et gliale, une démyélinisation et des inclusions intracytoplasmi- souvent associée à des manifestations extraneurologiques pour
ques éosinophiles dans les neurones et les cellules gliales. De le virus BK (cystite hémorragique, sténose de l’uretère, néphrite
nombreux traitements antiviraux (isoprinosine, ribavirine) ou tubulo-interstitielle, pneumonie, rétinite).
immunomodulateurs (interféron a) ont été proposés pour Enfin, les encéphalopathies spongiformes, liées à des agents
ralentir l’évolution de la maladie, mais aucun n’a fait la preuve infectieux non conventionnels, forment une entité nosologique
d’une réelle efficacité. et pathogénique à part et ne seront pas détaillées ici.

Maladies infectieuses 9
8-003-A-60 ¶ Manifestations neurologiques des infections

Tableau 6.
Principales caractéristiques des méningoencéphalites (ME) parasitaires.
Parasites Distribution Manifestations cliniques Atteintes Vecteur/transmission Traitement
géographique extraneurologiques
Plasmodium Afrique, Amérique ME, coma, épilepsie Hépatosplénique, Anophèle Méfloquine,
falciparum du Sud et centrale anémie hémolytique halofantrine,
quinine,
proguanil
Toxoplasma gondii Cosmopolite Calcifications, ME, abcès cérébral, Oculaire, pulmonaire, Féco-orale Sulfadiazine,
polymyosite musculaire++ pyriméthamine
Trypanosoma Amérique du Sud, ME, trouble du comportement, coma, Adéno-hépato-splénique Mouche tsé-tsé/punaise Pentamidine
cruzy, gambiense, Afrique équatoriale masse parenchymateuse (T. cruzy)
rhodesiense et de l’Est granulomateuse
Naegleria fowleri, Cosmopolite ME nécroticohémorragique, Myocarde, pulmonaire Eau vive Amphotéricine B
Acanthamoeba ME granuleuse (association Legionella
+ Acanthamoeba)
Taenia saginata Cosmopolite ME, épilepsie, vascularite, méningite Musculaire, cutanée Porc mal cuit Praziquantel
chronique, granulome, arachnoïdite
spinale, polymyosite
Echinococcus Cosmopolite Masse intracrânienne, radiculomyélite, Bronchopulmonaire, Féco-orale Albendazole
multilocularis œdème papillaire rachidienne,
granulosus hépatobiliaire
Strongyloides Tropiques ME, méningite bactérienne, Intestinale, cutanée, Féco-orale Albendazole
stercoralis polymicrobienne pulmonaire
Trichinella spiralis Cosmopolite ME, épilepsie, polymyosite Intestinale, Porc mal cuit Thiabendazole
pulmonaire++
Paragonimus Asie, Amérique du Sud Vascularite, masse intracrânienne, ME Intestinale, Mollusque Praziquantel
et centrale hépatobiliaire
Schistosoma Afrique, Antilles, Asie ME, granulome, radiculomyélite Vésicorénale, Bain dans de l’eau Praziquantel
mansoni, splénoportale, contaminée
japonicum, génitale
haematobium
Fasciola hepatica Cosmopolite Vascularite, masse intracrânienne, ME Hépatobiliaire Mâche Praziquantel
Loa loa Afrique équatoriale Encéphalopathie Cutanéomuqueuse Chrysops Diéthylcarbamazé-
pine
Toxocara Cosmopolite Méningite à éosinophiles Cutanéomuqueuse Féco-orale Albendazole

Abcès cérébraux [58, 92, 93] Les germes habituellement rencontrés sont les streptocoques
anaérobies, les bacilles à Gram négatif aérobies et anaérobies.
L’affection réalise une collection, le plus souvent purulente, Chez le sujet immunodéprimé, les germes du genre Actinomyces,
intraparenchymateuse. Un pic d’incidence est rapporté entre Nocardia, les atteintes parasitaires (Toxoplasma gondii) et les abcès
février et avril, et entre la 2e et 3e décennie. Dans 75 % des cas, fongiques, sont souvent rencontrés.
l’abcès est unique et la présence d’abcès multiples suggère un Un cas particulier dans les pays en voie de développement est
mécanisme embolique, lors d’une endocardite par exemple. Un représenté par la neurocysticercose, due à l’atteinte du système
facteur prédisposant est présent dans 80 % des cas. Les foyers nerveux central par la forme larvaire du Taenia solium. Elle se
infectieux pulmonaires (16 %), sinusiens (20 %), otitiques manifeste par des crises convulsives (70 % des patients), une
(16 %) et dentaires (13 %) représentent la majorité des sources hypertension intracrânienne, et/ou des signes focaux variables
infectieuses. La topographie de l’abcès est souvent en rapport selon la localisation des kystes. L’imagerie montre des images
avec le foyer infectieux initial : frontotemporal pour les foyers kystiques souvent multiples sus- et sous-tentorielles, plus ou
sinusiens, cérébelleux et temporal pour les foyers otitiques, moins calcifiées parenchymateuses, parfois accompagnées d’une
frontopariétaux pour les foyers d’origine embolique. Les hydrocéphalie. Le diagnostic repose sur la notion de contage,
manifestations cliniques associent un tableau d’hypertension sur la mise en évidence d’atteinte extraneurologique (notam-
intracrânienne (céphalées, nausées, vomissements) et un ment œil, muscle) et sur la positivité des sérologies.
syndrome tumoral (crise convulsive, confusion, déficit moteur).
La fièvre est absente dans 60 % des cas. Les signes méningés
sont présents dans un quart des cas. L’imagerie montre, le plus ■ Manifestations neuromusculaires
souvent, à la phase d’état, une lésion expansive, hypodense
(scanner) ou en hyposignal en T1 (IRM), prenant le contraste en
périphérie, associée à une plage d’œdème avec effet de masse.
Atteinte du système nerveux périphérique
Le diagnostic différentiel avec une autre étiologie, en particulier On distingue les atteintes radiculaires, plexiques, tronculaires
tumorale, peut être difficile. Les séquences en diffusion sont de la jonction neuromusculaire et musculaires. Les données de
alors utiles en montrant, à la différence des étiologies non l’examen clinique et de l’électromyogramme permettent de
infectieuses, une lésion en hypersignal marqué, avec diminution caractériser l’atteinte nerveuse et orientent une éventuelle
du coefficient de diffusion. L’imagerie permet de plus d’identi- biopsie nerveuse ou musculaire.
fier une éventuelle autre complication infectieuse, telle que Les atteintes radiculaires réalisent une sémiologie motrice
l’empyème sous-dural (collection purulente entre l’arachnoïde et (parésie ou paralysie, amyotrophie, aréflexie) et sensitive,
la dure-mère) ou l’abcès épidural (collection purulente entre le souvent au premier plan (douleurs et/ou anesthésie et hypoes-
crâne et la dure-mère). La ponction lombaire est contre- thésie) dans le(s) territoire(s) de(s) racine(s) concernée(s). Une
indiquée. Le traitement associe un drainage chirurgical (avec méningite est très fréquemment associée. Les principales causes
analyse microbiologique) et une antibiothérapie. de radiculite sont résumées dans le Tableau 7.

10 Maladies infectieuses
Manifestations neurologiques des infections ¶ 8-003-A-60

Tableau 7. de GB. Le déficit sensitivomoteur progresse et atteint son


Principales causes de radiculites. maximum en moins de 4 semaines (en 12 jours dans près de
Virales VZV, HSV 1 et 2, CMV, EBV
98 % des cas). Après une phase de plateau de 2 à 4 semaines,
l’amélioration débute. Le traitement repose sur les échanges
Parvovirus B19
plasmatiques ou les immunoglobulines intraveineuses. Quatre à
VIH 1 et 2 15 % pour cent des patients décèdent et, à long terme, dans
HLTV-1 et 2 20 % des cas, les patients gardent un handicap.
Enterovirus D’autres formes cliniques ont été décrites : le syndrome de
Bactériennes Mycoplasme, Chlamydia Miller Fisher, qui associe ophtalmoplégie, ataxie et aréflexie,
Borrelia, Rickettsia conorii, Ehrlichiosis, Coxiella
avec présence fréquente d’anticorps antigangliosides anti-
GQ1b ; des formes avec atteinte axonale prédominante, motrice
Brucella, Treponema pallidum
pure ou sensitivomotrice.
Épidurite à germe banal
Enfin, d’autres infections à l’origine d’atteinte de type PRN
Parasitaires Schistosoma, Echinococcus, Taenia saginata, Strongyloides ont été rapportées : VIH (précocement, ou dans l’évolution de
stercoralis, Loa loa, Toxocara, Toxoplasma gondii la maladie), borréliose, leptospirose, brucellose (PRN subaiguë
Fongiques Cryptococcus, Coccidioides ou chronique, avec peu ou pas d’atteinte sensitive, etc.), ou
diphtérie. Dans tous les cas, l’étude du LCR montre le plus
Autres Diabète souvent une pléiocytose.
Maladie de Hodgkin, infiltration néoplasique
Maladies inflammatoires (lupus, périartérite noueuse) Mononeuropathies multifocales [96-98]
Vaccinations
Encore appelées multinévrites ou mononévrites multiples,
CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; HSV : virus de l’herpès elles se définissent par l’atteinte sensitivomotrice, successive,
simplex ; VZV : virus varicelle-zona ; HTLV : human T-cell lymphoma virus ; VIH : asynchrone, de plusieurs troncs nerveux. Les principales causes
virus de l’immunodéficience humaine.
sont dues aux vascularites, notamment de type panartérite
noueuse, au lymphome et au diabète. Parmi les causes infec-
Polyradiculonévrite (PRN), syndrome tieuses, il faut évoquer principalement la lèpre et les virus VIH,
de Guillain-Barré (GB) [94, 95] cytomégalovirus (CMV), de l’hépatite C (associée ou non à une
cryoglobulinémie) et VZV (surtout en cas de neuropathie des
Le syndrome de GB est une polyradiculonévrite aiguë avec nerfs crâniens), la maladie de Lyme, la diphtérie, la brucellose.
atteinte sensitivomotrice subaiguë ascendante, tant distale que La lèpre reste l’une des premières causes de neuropathies
proximale, résultant d’une démyélinisation nerveuse. L’inci- infectieuses dans le monde avec le VIH, même si, ces 20 derniè-
dence annuelle varie de 0,6 à 4/100 000 par an. Dans deux tiers res années, plus de 12 millions de sujets atteints ont été guéris,
des cas, une infection est retrouvée dans les 6 semaines précé- avec une diminution de la prévalence de 90 %. Au début de
dant l’atteinte neurologique (le plus souvent une infection 2002, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recensait
« banale » des voies aériennes supérieures ou digestives). environ 700 000 nouveaux cas chaque année dans le monde, et
L’infection à Campylobacter (C) jejuni est la principale étiologie 2 millions de personnes souffraient de graves infirmités consé-
infectieuse impliquée dans la genèse des syndromes de GB (23 cutives à cette maladie. Près de 70 % des malades vivent en
à 32 % des patients). Elle se manifeste par une diarrhée aqueuse Inde. Dans les DOM-TOM, la prévalence varie de 0,3 à 1,1/
qui survient en moyenne 10 jours avant le début des symptô- 100 000, mais atteint 4,7/100 000 à Mayotte. En France métro-
mes neurologiques, et par un tableau plus souvent moteur pur, politaine, la lèpre concerne les immigrants provenant de pays
avec atteinte axonale prédominante à l’EMG, par la présence d’endémie.
fréquente d’Ac anti-GM1 et par un pronostic plus défavorable.
L’envahissement du nerf par Mycobacterium leprae est précoce
Les autres germes incriminés dans la genèse des PRN aiguës sont
et l’atteinte du nerf périphérique, symptomatique ou non, est
le CMV (8 à 18 % des cas), M. pneumoniae (9 %) et l’EBV (2 à
quasi constante au cours de la lèpre. Dans 10 % des cas,
7 %). Une PRN peut également survenir dans les suites d’une
l’atteinte est purement neurologique sans lésion cutanée
vaccination, ou d’une intervention chirurgicale. Le mécanisme
associée. Elle se caractérise par l’association de trouble de la
physiopathologique n’est que partiellement connu. La lésion
sensibilité superficielle (thermoalgique puis tactile) dans les
principale est une démyélinisation, avec ou sans atteinte
territoires des branches distales des nerfs sensitifs et/ou des gros
axonale secondaire. La découverte d’anticorps antigangliosides,
troncs, d’une hypertrophie des troncs nerveux (cubital au
associés particulièrement à C. jejuni, a permis de développer un
coude, branche superficiel du nerf radial, sciatique poplité
modèle pathogénique. En effet, un ganglioside présent sur la
externe au creux poplité, branche auriculaire du plexus cervical
paroi de C. jejuni comporte une homologie de structure avec le
superficiel, etc.) et de troubles trophiques (ulcérations et maux
ganglioside GM1 présent dans la myéline du nerf périphérique.
perforants plantaires). Les troubles moteurs et l’amyotrophie
Ainsi, C. jejuni et son répertoire antigénique seraient à l’origine
surviennent tardivement, les réflexes tendineux et la sensibilité
d’une réponse immunitaire, comportant – entre autres – des
profonde sont en règle épargnés. Pour les formes tuberculoïdes
lymphocytes T activés et des anticorps spécifiques antiganglio-
de lèpre, l’atteinte neurologique se limite à des atteintes
sides (dont des anticorps anti-GM1), conduisant à la lésion du
localisées des nerfs, à proximité de lésions cutanées alors que
nerf périphérique par un mécanisme de réactions croisées
pour les formes lépromateuses elle est plus diffuse, bilatérale, et
(mimétisme moléculaire).
asymétrique, donnant un tableau de mononeuropathies multi-
Le syndrome de GB est caractérisé cliniquement par un
focales, mais pouvant évoluer vers la polyneuropathie. Le
déficit moteur globalement symétrique, rapidement progressif,
traitement recommandé par l’OMS repose sur une polychimio-
qui débute habituellement aux membres inférieurs puis affecte
thérapie associant dapsone, rifampicine et clofazimine pendant
en quelques jours les membres, de manière tant proximale que
6 mois à 12 mois selon la gravité.
distale. Les symptômes sensitifs sont habituellement modérés,
sous forme de paresthésies. L’atteinte des nerfs crâniens est
Botulisme [99]
fréquente : nerf facial surtout, mais aussi nerfs mixtes et nerfs
oculomoteurs. L’atteinte associée du système nerveux autonome Il est causé par une neurotoxine, produite par un bacille à
(hypo- ou hypertension artérielle, troubles du rythme cardiaque, Gram positif, Clostridium botulinum. Les toxines A, B, et E sont
rétention d’urines, iléus) fait toute la gravité de la maladie et responsables de la majorité des cas. La toxine se fixe au niveau
justifie une surveillance rapprochée. L’examen du LCR, parfois de la jonction neuromusculaire. Les symptômes se développent
normal la 1ère semaine, montre le plus souvent une dissociation 24 à 72 heures après la consommation de l’aliment souillé par
albuminocytologique. Il existe moins de 10 éléments/mm3. la neurotoxine préformée (conserves domestiques mal stérili-
L’EMG montre des anomalies caractéristiques. Un EMG normal sées). Chez le toxicomane, un botulisme d’inoculation est
après 1-2 semaines d’évolution exclut le diagnostic de syndrome décrit, par inoculation sinusienne intranasale de cocaïne

Maladies infectieuses 11
8-003-A-60 ¶ Manifestations neurologiques des infections

contaminée, ou par formation de neurotoxine dans le site Polymyosites et myosites à inclusion [104, 105]
d’injection intraveineuse. L’atteinte de l’enfant est liée à la
formation de neurotoxine in vivo après l’ingestion de miel Polymyosites
contaminé par Clostridium botulinum. La présentation clinique Elles touchent plus souvent la femme (sex-ratio : 2/1) et sont
est caractéristique. Initialement, il existe des douleurs abdomi- exceptionnelles avant l’âge de 18 ans. L’atteinte musculaire
nales, des nausées, des vomissements, puis s’installent des évolue sur plusieurs semaines ou mois, elle est souvent symétri-
paralysies oculomotrices (diplopie, ptôsis), bulbaires (dysarthrie, que et prédomine aux racines des membres. Les patients
trouble de la déglutition), et un déficit moteur des membres rapportent des difficultés à se lever, à quitter une chaise, à
supérieurs, puis des membres inférieurs. Les réflexes ostéotendi-
monter des escaliers. Les myalgies sont inconstantes. Il peut
neux sont diminués ou absents. Une atteinte du système
exister une dysphagie et une dysarthrie. Les muscles oculomo-
nerveux autonome est souvent présente (trouble de l’accommo-
teurs ne sont jamais touchés.
dation avec mydriase, bouche sèche, iléus). L’EMG indique la
nature présynaptique du bloc neuromusculaire. Le germe peut Elles peuvent être isolées, dites idiopathiques ou survenir en
être retrouvé dans les selles ou l’aliment alors que la toxémie est association à un cancer, une maladie dysimmunitaire ou à une
longtemps positive. Le traitement repose sur les mesures infection virale (VIH et HTLV1, Enterovirus), parasitaire (proto-
symptomatiques, le chlorydrate de guanidine et la sérothérapie zooses, cestodoses et nématodoses) ou bactérienne (Lyme,
dans les formes sévères. légionelloses).
Les enzymes musculaires sont élevées, jusqu’à 50 fois la
Atteintes musculaires normale. La vitesse de sédimentation est inconstamment
accélérée. La présence d’une éosinophilie doit faire envisager
Elles sont caractérisées par un syndrome myogène avec
une cause parasitaire. L’EMG met en évidence des signes
association d’un déficit moteur pur (sans atteinte des réflexes et
myogènes. Le diagnostic de confirmation repose sur la biopsie
de la sensibilité), généralement symétrique et à prédominance
proximale et d’une amyotrophie d’intensité variable. musculaire. L’atteinte histologique est similaire à celle de la
En dehors des causes infectieuses, les principales causes de forme idiopathique. Le mécanisme est plus probablement
myopathie acquise à éliminer sont représentées par les causes immunitaire comme en témoignent l’absence de germe
toxiques (alcool), médicamenteuses (statines, antirétroviraux, retrouvé, et l’efficacité fréquente des traitements immunosup-
corticoïdes...), et métaboliques (dysthyroïdie, maladie de presseurs ou par corticoïdes.
Cushing...).
Myosites à inclusions
Myosites spécifiques Plus fréquentes après 50 ans, et chez l’homme, elles se
Myosite virale aiguë [100] différencient des polymyosites par l’existence d’un déficit plus
souvent asymétrique et plus volontiers distal, par une diminu-
Chez l’enfant, la myosite débute par des signes généraux avec tion ou une abolition des réflexes ostéotendineux des membres
fièvre, asthénie, céphalées, nausées, puis des douleurs musculai- inférieurs (dans 40 % des cas), et par l’absence de traitement
res intenses, aggravées par la marche et les mouvements. La efficace. Elles sont le plus souvent idiopathiques mais ont été
durée des symptômes est de 1 à 7 jours. L’examen neurologique exceptionnellement décrites en association avec des infections
est normal ou peut mettre en évidence un déficit moteur en
virales (VIH, HTLV1, Coxsackie virus, influenza, Paramyxovirus,
rapport avec la douleur musculaire provoquée par le testing.
CMV, et EBV).
L’évolution est spontanément favorable. Une myoglobinurie est
exceptionnelle. Les principaux germes incriminés sont le virus
de la grippe, les adénovirus, le virus respiratoire syncytial, les
virus Coxsackie, les virus du groupe Herpes et M. pneumoniae. ■ Conclusion
Chez l’adulte, la myosite est plus sévère, avec un début brutal,
des myalgies, une myoglobinurie et un déficit musculaire. La La diversité des complications neurologiques associées aux
douleur et le déficit prédominent au niveau proximal et infections impose que, devant toute maladie neurologique, une
s’accompagnent d’une élévation des enzymes musculaires. Une étiologie infectieuse soit évoquée. À l’inverse, devant une
myocardite est possible. La myoglobinurie peut conduire à maladie infectieuse extraneurologique, la possibilité d’une
l’insuffisance rénale par nécrose tubulaire. localisation du germe pathogène dans le système nerveux doit
Myosite suppurée ou pyomyosite [101, 102] être évoquée, car elle peut modifier les conduites
thérapeutiques.
Il s’agit d’infection primitive bactérienne du muscle squelet- .

tique, développée à la faveur d’une porte d’entrée passée


inaperçue ou d’une ostéomyélite. Elles sont surtout fréquentes
dans les régions tropicales et chez l’immunocompromis. Clini-
■ Références
quement, il existe une douleur intense, localisée, associée à un [1] de Seze J, Stojkovic T, Breteau G, Lucas C, Michon-Pasturel U,
œdème d’un segment de membre, dans un contexte de fièvre. Gauvrit JY, et al. Acute myelopathies: Clinical, laboratory and outcome
La ponction sous scanner ou échographie établit le diagnostic. profiles in 79 cases. Brain 2001;124:1509-21.
Le germe le plus fréquemment responsable est le Staphylococcus [2] Aldeeb SM, Yaqub BA, Bruyn GW, Biary NM. Acute transverse
aureus, viennent ensuite les anaérobies, les streptocoques et les myelitis. A localised form of post-infectious encephalomyelitis. Brain
bacilles à Gram négatif. Un drainage chirurgical est nécessaire 1997;120:1115-22.
en cas d’abcès. L’antibiothérapie est indispensable. [3] Transverse Myelitis Consortium Working Group. Proposed diagnostic
[103] criteria and nosology of acute transverse myelitis. Neurology 2002;59:
Myosites parasitaires
499-505.
La polymyosite à Toxoplasma gondii se distingue de la forme [4] Gout O. Acute disseminated encephalomyelitis. Rev Neurol 2002;158:
idiopathique par la présence de signes généraux (adénopathies, 114-22.
fébricule, hépatosplénomégalie, choriorétinite, etc.). L’atteinte [5] Folpe A, Lapham LW, Smith HC. Herpes simplex myelitis as a cause of
musculaire liée à la cysticercose est caractérisée par une pseudo- acute necrotizing myelitis syndrome. Neurology 1994;44:1955-7.
hypertrophie, souvent symétrique, des muscles. La trichinose est [6] Shyu WC, Lin JC, Chang BC, Harn HJ, Lee CC, Tsao WL. Recurrent
responsable d’une polymyosite caractérisée par un déficit ascending myelitis an unusual presentation of herpes simplex virus type
musculaire marqué, une atteinte diaphragmatique, intercostale 1 infection. Ann Neurol 1993;34:625-7.
et des muscles extrinsèques de l’œil. La présence d’un œdème [7] Eberhardt O, Kuker W, Dichgans J, Weller M. HSV-2 sacral radiculitis
périorbitaire et d’hémorragies sous-conjonctivales est évocatrice (Elsberg syndrome). Neurology 2004;63:758-9.
du diagnostic, de même que l’existence d’une hyperéosino- [8] Devinsky O, Cho ES, Petito CK, Price RW. Herpes zoster myelitis.
philie. Brain 1991;114:1181-96.

12 Maladies infectieuses
Manifestations neurologiques des infections ¶ 8-003-A-60

[9] Gilden D. Varicella zoster virus and central nervous system syndromes. [40] Carod Artal FJ, Vargas AP, Horan TA, Marinho PB, Coelho Costa PH.
Herpes 2004;11(suppl2):89A-94A. Schistosoma mansoni myelopathy: clinical and pathologic findings.
[10] Gilden DH, Kleinschmidt-DeMasters BK, LaGuardia JJ, Neurology 2004;63:388-91.
Mahalingam R, Cohrs RJ. Neurologic complications of the reactivation [41] Saleem S, BelalAI, el-Ghandour NM. Spinal cord schistosomiasis: MR
of varicella-zoster virus. N Engl J Med 2000;342:635-45. imaging appearance with surgical and pathologic correlation. AJNR Am
[11] Griffiths P. Cytomegalovirus infection of the central nervous system. J Neuroradiol 2005;26:1646-54.
Herpes 2004;11(suppl2):95A-104A. [42] Liu LX. Spinal and cerebral shistosomiasis. Semin Neurol 1993;13:
[12] Karacostas D, Christodoulou C, Drevelengas A, Paschalidou M, 189-200.
Ioannides P, Constantinou A, et al. Cytomegalovirus-associated [43] Gessain A, Barin F, Vernant JC, Gout O, Maurs L, Calender A, et al.
transverse myelitis in a non-immunocompromised patient. Spinal Cord Antibodies to human T-lymphotropic virus type I (HTLV-I) in patients
2002;40:145-9. with tropical spastic paraparesis. Lancet 1985;2:407-10.
[13] Ramirez C, de Seze J, Delalande S, Michelin E, Ferriby D, Al Khedr A, [44] Gessain A, Gout O. Chronic myelopathy associated with human
et al. Infectious myelopathies: clinical, serological, and prognostic T-lymphotropic virus type 1 (HTLV-1). Ann Intern Med 1992;117:
patterns. Rev Neurol 2004;160:1048-58. 933-46.
[45] Cabre P, Smadja D, Cabie A, Newton CR. HTLV-1 and HIV infections
[14] MajidA, Galetta SL, Sweeney CJ, Robinson C, Mahalingam R, Smith J,
of the central nervous system in tropical areas. J Neurol Neurosurg
et al. Epstein-Barr virus myeloradiculitis and encepha-
Psychiatry 2000;68:550-7.
lomyeloradiculitis. Brain 2002;125(Pt1):159-65. [46] Bagnato F, Butman JA, Mora CA, Gupta S, Yamano Y, Tasciyan TA,
[15] Volpi A. Epstein-Barr virus and human herpesvirus type 8 infections of et al. Conventional magnetic resonance imaging features in patients
the central nervous system. Herpes 2004;11(suppl2):120A-127A. with tropical spastic paraparesis. J Neurovirol 2005;11:525-34.
[16] Ross JP, Cohen JI. Epstein-Barr Virus. In: Scheld WM, Whitley RJ, [47] Iwasaki Y. Human T cell leukemia virus type 1 infection and chronic
Durack DT, editors. Infections of the central nervous system. myelopathy. Brain Pathol 1993;3:1-0.
Philadelphia: Lippincott-Raven; 1997. p. 117-27. [48] Kupila L, Vuorinen T, Vainionpää R, Hukkanen V, Marttila RJ,
[17] Howard RS. Poliomyelitis and the postpolio syndrome. BMJ 2005;330: Kotilainen P. Etiology of aseptic meningitis and encephalitis in an adult
1314-8. population. Neurology 2006;66:75-80.
[18] Modlin JF, Coffey DJ. Poliomyelitis. In: Scheld WM, Whitley RJ, [49] Withley RJ. Viral encephalitis. N Engl J Med 1990;322:242-50.
Durack DT, editors. Infectious of the central nervous system. [50] Menge T, Hemmer B, Nessler S, Wiendl H, Neuhaus O, Hartung HP,
Philadelphia: Lippincott-Raven; 1997. p. 57-71. et al. Acute disseminated encephalomyelitis: an update. Arch Neurol
[19] Clavelou P. Post-poliomyelitis syndrome. Rev Neurol 2004;160: 2005;62:1673-80.
229-33. [51] Kennard C, Swash M. Acute viral encephalitis: its diagnosis and
[20] Jubelt B, Drucker J. Post-polio syndrome: an update. Semin Neurol outcome. Brain 1981;104:129-48.
1993;13:283-90. [52] Tyler KL. Herpes simplex virus infections of the central nervous
[21] Solomon T. Flavivirus encephalitis. N Engl J Med 2004;351:370-8. system: encephalitis and meningitis, including Mollaret’s. Herpes
[22] Christmann D, Hansmann Y, Remy V, Lesens O. Tick-borne 2004;11(suppl2):57A-64A.
neurological diseases. Rev Neurol 2002;158(10Pt1):993-7. [53] Baringer JR, Pisani P. Herpes simplex virus genomes in human nervous
[23] Heusner AP. Non tuberculous spinal epidural infections. N Engl J Med system tissue analyzed by polymerase chain reaction. Ann Neurol 1994;
1984;239:845-54. 36:823-9.
[24] Corboy JR, Price RW. Myelitis and toxic, inflammatory, and infectious [54] Tien RD, Felsberg GJ, Osumi AK. Herpesvirus infections of the CNS:
disorders. Curr Opin Neurol Neurosurg 1993;6:564-70. MR findings. AJR Am J Roentgenol 1993;161:167-76.
[55] McCabe K, Tyler K, Tanabe J. Diffusion-weighted MRI abnormalities
[25] Murphy KJ, Brunberg JA, Quint DJ, Kazanjian PH. Spinal cord
as a clue to the diagnosis of herpes simplex encephalitis. Neurology
infection: myelitis and abscess formation. AJNR Am J Neuroradiol
2003;61:1015-6.
1998;19:341-8.
[56] Boivin G. Diagnosis of herpesvirus infections of the central nervous
[26] Prasad A, Sankar D. Overdiagnosis and overtreatment of Lyme system. Herpes 2004;11(suppl2):48A-56A.
neuroborreliosis are preventable. Postgrad Med J 1999;75(889):650-6. [57] Whitley RJ, Gnann JW. Viral encephalitis: familiar infections and
[27] Lesca G, Deschamps R, Lubetzki C, Levy R, Assous M. Acute myelitis emerging pathogens. Lancet 2002;359:507-13.
in early Borrelia burgdorferi infection. J Neurol 2002;249:1472-4. [58] Kastrup O, Wanke I, Maschke M. Neuroimaging of infections. NeuroRx
[28] Stanek G, Strle F. Lyme borreliosis. Lancet 2003;362:1639-47. 2005;2:324-32.
[29] Halperin JJ, Volkman DJ, Wu P. Central nervous system abnormalities [59] Mc Grath N, Anderson NE, Crocxon MC, Powell KF. Herpes simplex
in lyme neuroborreliosis. Neurology 1991;41:1571-82. encephalitis treated with acyclovir: diagnosis and long-term outcome.
[30] Timmermans M, Carr J. Neurosyphilis in the modern era. J Neurol J Neurol Neurosurg Psychiatry 1997;63:321-6.
Neurosurg Psychiatry 2004;75:1727-30. [60] Fodor PA, Levin MJ, Weinberg A, Sandberg E, Sylman J, Tyler KL.
[31] Harrigan EP, Mc Laughlin TJ, Feldman RG. Transverse myelitis due to Atypical herpes simplex virus encephalitis diagnosed by PCR amplifi-
meningovascular syphilis. Arch Neurol 1984;41:337-9. cation of viral DNA from CSF. Neurology 1998;51:554-9.
[32] Merrit HH, Adam RD, Solomon H. Neurosyphylis. New York: Oxford [61] Kupila L, Vainionpaa R, Vuorinen T, Marttila RJ, Kotilainen P.
University Press; 1946. Recurrent lymphocytic meningitis: the role of herpesviruses. Arch
[33] Storm-Mathisen A. Syphilis. In: Vinken PJ, Bruyn GW, editors. Neurol 2004;61:1553-7.
Handbook of clinical neurology. Amsterdam: North-Holland [62] Whitley RJ, Roizman B. Herpes simplex virus infections. Lancet 2001;
Publishing; 1978. p. 337-94. 357:1513-8.
[34] Anonymous. Case records of the Massachusetts general hospital. N [63] Gilden DH, Kleinschmidt-DeMasters BK, LaGuardia JJ,
Engl J Med 1994;331:1437-44. Mahalingam R, Cohrs RJ. Neurological complications of the
[35] Tsiodras S, Kelesidis T, Kelesidis I, Voumbourakis K, Giamarellou H. reactivation of varicella-zoster virus. N Engl J Med 2000;342:635-45.
Mycoplasma pneumoniae-associated myelitis: a comprehensive [64] Amlie-Lefond C, Kleinschmidt-DeMasters BK, Mahalingam R,
review. Eur J Neurol 2006;13:112-24. Davis LE, Gilden DH. The vasculopathy of Varicellla-Zoster Virus
encephalitis. Ann Neurol 1995;37:784-90.
[36] Zuger A, Lowy FD. Tuberculosis. In: Scheld WM, Whitley RJ,
[65] ConnollyAM, Dodson WE, PrenskyAL, Rust RS. Course and outcome
Durack DT, editors. Infections of the central nervous system.
of acute cerebellar ataxia. Ann Neurol 1994;35:673-9.
Philadelphia: Lippincott-Raven; 1997. p. 417-44.
[66] Gilden DH, Kleinschmidt-DeMasters BK, Wellish M, Hedley-
[37] Hernández-Albújar S, Arribas JR, Royo A, González-García JJ, Whyte ET, Rentier B, Mahalingam R. Varicella zoster virus, a cause of
Peña JM, Vázquez JJ. Tuberculous radiculomyelitis complicating waxing and wanning vasculitis. Neurology 1996;47:1441-6.
tuberculous meningitis: case report and review. Clin Infect Dis 2000; [67] Zephir H, De Seze J, Ferriby D, Stojkovic T, Vermersch P. Epstein-Barr
30:915-21. meningoencephaloradiculitis in a immunocompetent woman. Rev
[38] Murphy KJ, Brunberg JA, Quint DJ, Kazanjian PH. Spinal cord Neurol 2002;158:830-2.
infection: myelitis and abscess formation. AJNR Am J Neuroradiol [68] Volpi A. Epstein-Barr virus and human herpesvirus type 8 infections of
1998;19:341-8. the central nervous system. Herpes 2004;11(suppl2):120A-127A.
[39] de Seze J, Deligne L, Defebvre L, Ferriby D, Charpentier P, Stojkovic T, [69] Tselis A, Duman R, Storch GA, Lisak RP. Epstein-Barr virus
et al. Neuromeningeal tuberculosis: the contribution of genetic ampli- encephalomyelitis, diagnosed by polymerase chain reaction: detection
fication to diagnosis. Rev Neurol 2004;160(4Pt1):413-8. of the genome in the CSF. Neurology 1997;48:1351-5.

Maladies infectieuses 13
8-003-A-60 ¶ Manifestations neurologiques des infections

[70] Donnet A, Gouirand R, Zandotti C, Grisoli F. Cytomegalovirus [86] Idro R, Jenkins NE, Newton CR. Pathogenesis, clinical features, and
encephalitis in an immunocompetent adult. Rev Neurol 1996;152: neurological outcome of cerebral malaria. Lancet Neurol 2005;4:
640-1. 827-40.
[71] Mc Cutchan JA. Clinical impact of cytomegalovirus infection of the [87] Bonthius DJ, Stanek N, Grose C. Subacute sclerosing panencephalitis,
nervous system in patients withAIDS. Clin Infect Dis 1995;21(suppl2): a measles complication, in an internationally adopted child. Emerg
S196-S201. Infect Dis 2000;6:377-81.
[72] Tyler KL, Pape J, Goody RJ, Corkill M, Kleinschmidt-DeMasters BK. [88] Prashanth LK, Taly AB, Ravi V, Sinha S, Arunodaya GR. Adult onset
CSF findings in 250 patients with serologically confirmed West Nile subacute sclerosing panencephalitis: clinical profile of 39 patients from
virus meningitis and encephalitis. Neurology 2006;66:361-5. a tertiary care centre. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2006;77:630-3.
[73] Tyler KL. West Nile virus infection in the United States. Arch Neurol [89] Vital Durand D, Gerard A, Rousset H. Neurological manifestations of
2004;61:1190-5. Whipple disease. Rev Neurol 2002;158(10Pt1):988-92.
[74] Hayes EB, Sejvar JJ, Zaki SR, Lanciotti RS, Bode AV, Campbell GL. [90] Gasnault J, Taoufik Y. New trends in progressive multifocal
Virology, pathology, and clinical manifestations of West Nile virus leukoencephalopathy. Rev Neurol 2006;162:43-56.
disease. Emerg Infect Dis 2005;11:1174-9. [91] Hirsch HH, Steiger J. Polyomavirus BK. Lancet Infect Dis 2003;3:
[75] Hayes EB, Komar N, Nasci RS, Montgomery SP, O’Leary DR, 611-23.
Campbell GL. Epidemiology and transmission dynamics of West Nile [92] Chun CH, Johnson JD, Hofstetter M, Raff MJ. Brain abscess.Astudy of
virus disease. Emerg Infect Dis 2005;11:1167-73. 45 consecutive cases. Medecine 1986;65:415-31.
[76] Schuchat A, Robinson K, Wenger JD, Harrison LH, Farley M, [93] Garcia HH, Del Brutto OH. Cysticercosis Working Group in Peru.
Reingold AL, et al. Bacterial meningitis in the United States in 1995. Neurocysticercosis: updated concepts about an old disease. Lancet
Active Surveillance Team. N Engl J Med 1997;337:970-6. Neurol 2005;4:653-61.
[77] Durand ML, Calderwood SB, Weber DJ, Miller SI, Southwick FS, [94] Hadden RD, Karch H, Hartung HP, Zielasek J, Weissbrich B,
Caviness VS, et al.Acute bacterial meningitis in adults.Areview of 493 Schubert J, et al. Preceding infections, immune factors, and outcome in
episodes. N Engl J Med 1993;328:21-8.
Guillain-Barre syndrome. Neurology 2001;56:758-65.
[78] Mylonakis E, Hohmann EL, Calderwood SB. Central nervous system
[95] Hughes RA, Cornblath DR. Guillain-Barre syndrome. Lancet 2005;
infection with Listeria monocytogenes. 33 years’ experience at a
366:1653-66.
general hospital and review of 776 episodes from the literature.
[96] Lidove O, Cacoub P, Maisonobe T, Servan J, Thibault V, Piette JC, et al.
Medicine 1998;77:313-36.
Hepatitis C virus infection with peripheral neuropathy is not always
[79] Thwaites GE, Chau TT, Stepniewska K, Phu NH, Chuong LV, Sinh DX,
et al. Diagnosis of adult tuberculous meningitis by use of clinical and associated with cryoglobulinaemia. Ann Rheum Dis 2001;60:290-2.
laboratory features. Lancet 2002;360:1287-92. [97] Ooi WW, Srinivasan J. Leprosy and the peripheral nervous system:
[80] Bossi P, Reverdy O, Caumes E, Mortier E, Meynard JL, Meyohas MC, basic and clinical aspects. Muscle Nerve 2004;30:393-409.
et al. Méningites tuberculeuses : comparaison clinique, biologique et [98] Grimaud J, Vallat JM. Neurological manifestations of leprosy. Rev
scanographique entre des patients infectés ou non par le VIH. Presse Neurol 2003;159:979-95.
Med 1997;26:844-7. [99] Cherington M. Botulism. Semin Neurol 1990;10:27-32.
[81] Thwaites G, Chau TT, Mai NT, Drobniewski F, McAdam K, Farrar J. [100] Hays A, Gamboa ET. Acute viral myositis. In: Engel AG, Franzini-
Tuberculous meningitis. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2000;68: Armstrong C, editors. Myology. New York: Mc Graw Hill; 1995.
289-99. p. 1399-418.
[82] Steichen O, Martinez-Almoyna L, De Broucker T. Treatment of [101] Chauhan S, Jain S, Varma S, Chauhan SS. Tropical pyomyositis
tuberculous meningitis. Rev Neurol 2006;162:581-93. (myositis tropicans): current perspective. Postgrad Med J 2004;
[83] Cox G, Perfect JR, Durack DT. Fungal infections of the central nervous 80(943):267-70.
system. In: Aminoff MJ, editor. Neurology and General Medecine: the [102] Crum NF. Bacterial pyomyositis in the United States. Am J Med 2004;
neurological aspects of medical disorders. New York: Churchill 117:420-8.
Livingstone; 1995. p. 791-809. [103] Banker BQ. Parasitic myositis. In: Engel AG, Franzini-Armstrong C,
[84] Tattevin P, Jaureguiberry S, Gangneux JP. Cerebral aspergillosis. Rev editors. Myology. New York: Mc Graw Hill; 1995. p. 1438-60.
Neurol 2004;160(5Pt1):597-605. [104] Dalakas MC, Hohlfeld R. Polymyositis and dermatomyositis. Lancet
[85] Wheat LJ, Musial CE, Jenny-Avital E. Diagnosis and management of 2003;362:971-82.
central nervous system histoplasmosis. Clin Infect Dis 2005;40: [105] Eymard B. Polymyositis, dermatomyositis and inclusion body
844-52. myositis, nosological aspects. Presse Med 2003;32:1656-67.

R. Deschamps (rdeschamps@fo-rothschild.fr).
Service de neurologie, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, 25-29, rue Manin, 75940 Paris cedex 19, France.
J.-L. Houeto.
Service de neurologie, Centre hospitalier universitaire la Milétrie, 350, avenue Jacques-Cœur, 86021 Poitiers cedex, France.
O. Gout.
Service de neurologie, Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild, 25-29, rue Manin, 75940 Paris cedex 19, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Deschamps R., Houeto J.-L., Gout O. Manifestations neurologiques des infections. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-003-A-60, 2008.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

14 Maladies infectieuses
 8-003-A-61

Méningites bactériennes communautaires


de l’adulte à l’exception des méningites
tuberculeuses
X. Duval, B. Mourvillier, B. Hoen

Les méningites bactériennes sont des maladies rares (1400 cas par an en France), touchant aussi bien
l’enfant que l’adulte. Maladies graves, elles sont à l’origine de 20 % de décès chez l’adulte et de séquelles
fréquentes (30 %), neurologiques et psychosensorielles. Elles constituent une urgence thérapeutique,
le pronostic vital dépendant de la précocité du traitement antibiotique. Les symptômes cliniques sont
non spécifiques et de faible sensibilité. Leur combinaison permet d’évoquer le diagnostic. Streptococ-
cus pneumoniae et Neisseria meningitidis sont responsables de 80 % des méningites bactériennes. Ils
sont sensibles dans la très grande majorité des cas à de fortes doses de céphalosporine de troisième
génération administrée par voie intraveineuse. Listeria monocytogenes naturellement résistant aux
céphalosporines nécessite la prescription d’amoxicilline. La corticothérapie, quand elle est indiquée, doit
être administrée avant, ou en même temps, que la première dose d’antibiotique. L’introduction du vaccin
anti-Haemophilus influenzae en 1992 a quasiment fait disparaître les méningites à ce microorganisme.
L’introduction en 2002 du vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent est à l’origine d’une dimi-
nution de l’incidence des méningites à pneumocoque. La prise en charge des sujets contacts d’un patient
présentant une méningite à N. meningitidis est précisée dans l’instruction de la direction générale de la
santé.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Méningites ; Pneumocoque ; Neisseria meningitidis ; Corticothérapie ; Céphalosporine

Plan ■ Prophylaxie des rechutes et de l’entourage 9


■ Prise en charge des complications 9
■ Introduction 1 ■ Conclusion 9
■ Épidémiologie des méningites bactériennes communautaires
de l’adulte 2
Répartition des microorganismes responsables 2
Méningites à méningocoque 3  Introduction
Méningites à Haemophilus influenzae 3
■ Évolution du profil de sensibilité aux antibiotiques des Les méningites bactériennes communautaires sont des mala-
microorganismes 3 dies rares et graves. Elles sont à l’origine d’environ 1400 cas et de
Profil de sensibilité de Streptococcus pneumoniae 3 300 décès en France chaque année, le pronostic étant moins bon
Profil de sensibilité de Neisseria meningitidis 3 chez l’adulte que chez l’enfant. Elles touchent le plus souvent des
Profil de sensibilité de Listeria monocytogenes 3 individus sans facteurs prédisposants connus, ce qui rend diffi-
Profil de sensibilité d’Haemophilus influenzae 3 cile la mise en œuvre de mesures prophylactiques ciblées. Leur

mode de présentation est variable, associant divers symptômes
Présentations cliniques 3
non spécifiques, conduisant parfois à des retards diagnostiques.
■ Diagnostic 3 Streptococcus pneumoniae (pneumocoque), Neisseria meningitidis
Risques et contre-indications de la ponction lombaire 4 (méningocoque), Haemophilus influenzae, Streptococcus agalactiae
Place de l’imagerie cérébrale avant la ponction lombaire 4 (streptocoque du groupe B) et Listeria monocytogenes sont respon-
Réalisation technique de la ponction lombaire 4 sables de la quasi-totalité des cas. Le traitement repose sur une
Analyse du liquide cérébrospinal 4 antibiothérapie bactéricide à bonne diffusion méningée qui doit
Diagnostic différentiel avec une méningite virale 5 être instaurée le plus rapidement possible, associée dans certains
■ Traitement curatif 6 cas à une corticothérapie parentérale. Une prise en charge en
Antibiothérapie curative 7 réanimation est nécessaire pour les formes les plus graves. Les
Corticothérapie 7 séquelles, en particulier neurosensorielles sont fréquentes, concer-
Osmothérapie 8 nant un survivant sur trois.

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 12 > n◦ 1 > février 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(14)49480-8
8-003-A-61  Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses

 Épidémiologie des méningites Parmi les microorganismes responsables de méningites bac-


tériennes, deux espèces sont à l’origine de 80 % des cas :
bactériennes communautaires le pneumocoque (51 % ; incidence 1,3 cas/100 000 habitants) et
le méningocoque (29 % ; 0,6 cas/100 000 habitants). Les autres
de l’adulte espèces sont moins souvent responsables de méningites et
totalisaient environ 280 cas en 2010 : par ordre de fréquence
Répartition des microorganismes décroissante, S. agalactiae, L. monocytogenes, et H. influenzae [1] .
responsables Cette répartition varie en fonction de l’âge. Chez les jeunes adultes
(16 à 24 ans), 90 % des méningites sont dues à N. meningitidis.
Grâce aux données du réseau Epibac de l’institut de veille Après l’âge de 25 ans, c’est le pneumocoque qui représente
sanitaire (InVS) regroupant 250 laboratoires de microbiologie en l’étiologie prépondérante, avec un cas sur deux entre 25 et 40 ans,
France, l’évolution de l’incidence des méningites bactériennes est et plus de 75 % des cas après 40 ans (Fig. 1, 2).
correctement estimée en France (Fig. 1). Depuis 2002, la France dispose d’un vaccin conjugué antipneu-
En 2010, cette incidence était de 2,3/100 000 habitants en mococcique heptavalent (PCV7, sérotypes 4, 6B, 9V, 14, 18C, 19F,
France métropolitaine. Ce chiffre a peu varié au cours des 23F), recommandé depuis juin 2006 chez tous les nourrissons à
dix dernières années, correspondant aux 1400 cas rapportés. En partir de l’âge de 2 mois [2] . La proportion d’enfants ayant reçu au
dépit de cette stabilité d’incidence, le profil épidémiologique des moins une dose de PCV7 à l’âge de 6 mois est passée de 60 % chez
méningites bactériennes aiguës communautaires s’est modifié au ceux nés en 2004 à 95 % chez ceux nés en 2010. La couverture
cours des 20 dernières années. Ces modifications concernent à la vaccinale à l’âge de 12 mois (primovaccination complète) était de
fois la répartition des microorganismes responsables de ménin- 44 % pour les enfants nés en 2004 et de 87 % pour ceux nés en
gites bactériennes et le profil de sensibilité aux antibiotiques de 2007 [3] .
ces microorganismes. L’évaluation de l’impact de cette vaccination sur l’incidence
des méningites à pneumocoque de l’enfant et de l’adulte est
compliquée du fait du remplacement des souches de pneumo-
coque de sérotypes contenus dans le vaccin heptavalent par des
100 sérotypes non vaccinaux. Par ailleurs, les vaccins conjugués ont
90 un impact non seulement sur l’incidence des infections inva-
Listeria sives dans la population cible vaccinée (effet direct), mais aussi,
80 monocytogenes en raison de leur capacité à diminuer la colonisation des voies
70 Streptococcus respiratoires et donc la transmission des pathogènes, sur la popu-
Pourcentage

60 agalactiae lation non vaccinée (effet indirect), comme cela a été observé
Streptococcus aux États-Unis avec le PCV7 [4–6] . En France, une diminution de
50 l’incidence des méningites à pneumocoque a été observée chez
pneumoniae
40 les enfants de moins de 2 ans mais pas chez les adultes [1, 3] . Chez
Neisseria ces derniers, la diminution des cas de méningites à sérotypes vacci-
30 meningitidis
naux est compensée par une augmentation des cas de méningites
20 Haemophilus dues à des sérotypes non vaccinaux [3, 7] . Les données du Centre
10 influenzae national de référence (CNR) des pneumocoques corrélées à celles
d’Epibac montrent chez les enfants de moins de 2 ans une baisse
0 significative de 94 % de l’incidence des méningites à sérotypes vac-
91
93
95
97
99
01
03
05
07

20 9
10

cinaux (5,6 à 0,5 cas/100 000) entre 2001 et 2009. Dans le même
0
19
19
19
19
19
20
20
20
20
20

temps, l’incidence des méningites à sérotypes non vaccinaux a


Figure 1. Évolution de la proportion relative des bactéries responsables augmenté de 11 % (2,4 à 5,3 cas/100 000). Parmi les sérotypes non
des méningites, entre 1991 et 2010 (Epibac), en France métropolitaine. vaccinaux, les deux sérotypes prépondérants en 2009 sont les

1,2 Figure 2. Incidence des méningites pour 100 000 habitants,


Haemophilus influenzae Neisseria meningitidis redressée pour défaut de couverture, non corrigée pour la sous-
Streptococcus pneumoniae Streptococcus agalactiae notification, 1991-2010, Epibac, en France métropolitaine.
Listeria monocytogenes
1

0,8

0,6

0,4

0,2

0
91
92

06
07
08
09
10
93
94
95
96
97
98
99
00
01
02
03
04
05
19
19
19
19
19
19
19
19
19
20

20
20
20
20
20
20
20
20
20
20

2 EMC - Maladies infectieuses


Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses  8-003-A-61

sérotypes 7F et 19A. Leur incidence a augmenté de façon significa- des souches ont une sensibilité diminuée vis-à-vis de céfo-
tive depuis 2005. La substitution des sérotypes vaccinaux par des taxime et 2 % vis-à-vis de ceftriaxone (versus 18 % vis-à-vis
sérotypes non vaccinaux a déjà été décrite [8, 9] . Le vaccin conjugué de l’amoxicilline). Dans une étude récente du CNR du pneu-
à 13 valences (7 valences de PCV7 plus 1, 3, 5, 6A, 7F, 19A), qui mocoque, aucune des 332 souches responsables de méningites
remplace PCV7 depuis juin 2010 en France, couvre actuellement chez un adulte n’était résistante à céfotaxime ou à ceftriaxone
près de 60 % des sérotypes à l’origine de méningites à pneumo- (CMI = 4 ␮g/ml) [7] .
coque. Sa large utilisation entraînera probablement de nouvelles
modifications du profil épidémiologique des méningites à pneu-
mocoque. Profil de sensibilité de Neisseria meningitidis
La sensibilité des méningocoques n’a pas connu de telles modi-
Méningites à méningocoque fications ces dernières années. Un tiers des souches sont de
sensibilité diminuée à la pénicilline (CMI [0,125–1]) par modi-
Six sérogroupes de méningocoque (A, B, C, W135, X, Y) sont fication de la protéine de liaison à la pénicilline (PLP) 2. Aucune
à l’origine de la plupart des infections invasives à méningo- souche de sensibilité diminuée aux céphalosporines de troisième
coque [10] . Le vaccin conjugué méningococcique C a été introduit génération n’a été isolée en France à ce jour. Les principaux
en 2010 dans le calendrier vaccinal français. Antérieurement à antibiotiques utilisés en prophylaxie (rifampicine, ciprofloxacine)
l’introduction de ce vaccin, le taux d’incidence des infections restent actifs sur le méningocoque, malgré l’isolement exception-
invasives à méningocoque C avait diminué depuis 2003 en France nel de souches résistantes [14] .
et en particulier entre 2008 et 2010. Les groupes d’âges les plus tou-
chés par ces méningites sont les enfants de moins de 5 ans et les
personnes âgées de 15 à 19 ans. Le sérogroupe B reste le sérogroupe Profil de sensibilité de Listeria monocytogenes
prédominant (60 %) et l’incidence des infections à ce sérogroupe
L. monocytogenes est naturellement résistant aux céphalospo-
reste stable. La baisse de l’incidence globale est expliquée par la
rines, à l’aztréonam, à la clindamycine et à la fosfomycine.
diminution de l’incidence des infections à méningocoque C.
Les souches sont sensibles à l’amoxicilline, qui n’exerce
cependant une activité bactéricide qu’en présence de genta-
Méningites à Haemophilus influenzae micine. L’association triméthoprime-sulfaméthoxazole est bac-
téricide quand L. monocytogenes est sensible à chacun des
Du fait de la généralisation en 1992 du vaccin conjugué deux antibiotiques.
anti-H. influenzae de type b (Hib) chez l’enfant, les méningites
à H. influenzae ont quasiment disparu. Ce microorganisme n’est
plus responsable que de 4 % des méningites bactériennes, en Profil de sensibilité d’Haemophilus influenzae
particulier chez l’adulte contre 5 % pour L. monocytogenes dont
l’incidence est stable depuis plus de dix ans. Environ 20 % des souches d’H. influenzae produisent une bêta-
Les méningites à Listeria surviennent sur un terrain prédispo- lactamase ; 20 % par ailleurs ont une PLP modifiée réduisant
sant dans un cas sur deux. l’activité des bêtalactamines. Les céphalosporines de troisième
génération restent les plus actives [15] .

 Évolution du profil de sensibilité


 Présentations cliniques
aux antibiotiques
Le diagnostic de méningites est difficile à porter cliniquement.
des microorganismes Il n’existe pas en effet de symptôme pathognomonique de cette
maladie. C’est devant l’association de plusieurs symptômes évoca-
Le profil de sensibilité aux antibiotiques des bactéries respon-
teurs que le diagnostic doit être envisagé et la ponction lombaire
sables de méningites a connu des modifications au cours de ces
(PL) effectuée. Le syndrome méningé est le plus fréquent : les
dernières années. Cette situation est liée à la forte exposition des
céphalées sont retrouvées dans 87 % des méningites bactériennes
populations bactériennes aux antibiotiques, la France étant le
et la raideur de nuque dans 83 % des cas. La fièvre (77 %) et
deuxième consommateur d’antibiotiques après la Grèce, devant
l’altération de la conscience (score de Glasgow < 14 ; 69 %) sont
l’Italie et les États-Unis [11] .
plus inconstantes. Chez l’adulte, la triade « fièvre, raideur de
nuque et altération de la conscience » a une sensibilité faible,
Profil de sensibilité de Streptococcus d’environ 45 % pour le diagnostic de méningite bactérienne
communautaire ; elle est plus fréquente en cas de méningite à
pneumoniae pneumocoque (60 %) qu’en cas de méningite à méningocoque
Après la mise en place du plan national pour préserver (30 %) ; 95 % des patients ayant une méningite bactérienne ont au
l’efficacité des antibiotiques fin 2001 et l’introduction en France moins deux des signes parmi les céphalées, la raideur de nuque, la
du vaccin antipneumococcique conjugué heptavalent en 2002, fièvre et l’altération de la conscience [16] . Le purpura et les signes
la proportion de pneumocoques de sensibilité diminuée à la de focalisation neurologique présents respectivement dans 25 % et
pénicilline (PSDP) a diminué après deux décennies de progres- 30 % des méningites doivent être recherchés systématiquement,
sion constante, passant de 53 % en 2002 à 30 % en 2010 [7, 12] car ce sont des signes de gravité. Lorsqu’il est présent, le purpura
et 22 % en 2012. Cette tendance, qui est aussi observée pour est associé au méningocoque dans 95 % des cas et au pneumo-
les souches isolées de méningites, est un peu moins nette chez coque dans les 5 % restant. Une méningite doit aussi être évoquée
l’adulte que chez l’enfant. L’incidence des méningites à PSDP a chez un patient présentant de la fièvre et des signes neurolo-
diminué entre 2001 et 2009 passant, tous âges confondus, de giques de localisation ou des convulsions. Le diagnostic est plus
4,9 à 3,8 par million d’habitants en France métropolitaine. Des difficile en cas de tableau fruste : migraine, sinusite, tableau psy-
phénomènes d’échanges de matériel génétique ont été obser- chiatrique ou atténué par un traitement symptomatique, chez le
vés entre des souches vaccinales et des souches non vaccinales, sujet âgé. Toute suspicion doit conduire à la réalisation d’une PL
conduisant à des modifications capsulaires ; ces dernières peuvent en l’absence de contre-indication.
être à l’origine d’un échappement au vaccin par « substitution »
capsulaire [13] . Certaines souches présentent une concentration
minimale inhibitrice (CMI) supérieure à 0,5 ␮g/ml vis-à-vis des  Diagnostic
céphalosporines de troisième génération recommandées en pre-
mière intention dans le traitement des méningites bactériennes, Le diagnostic de méningite aiguë bactérienne comporte trois
d’où un risque d’échec thérapeutique ; ainsi, en 2009, 7,5 % volets complémentaires :

EMC - Maladies infectieuses 3


8-003-A-61  Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses

• affirmer la méningite ; scanner est prise, de prélever une hémoculture et de commen-


• identifier la bactérie responsable ; cer immédiatement l’antibiothérapie après une première dose de
• assurer le diagnostic différentiel entre méningite bactérienne et dexaméthasone (Fig. 3).
méningite virale.
Ce diagnostic repose essentiellement sur la PL et l’analyse du
liquide cérébrospinal (LCS) dont il convient de bien connaître et Réalisation technique de la ponction
respecter les conditions et modalités de réalisation. lombaire
Cette question a fait l’objet d’une étude approfondie de la lit-
Risques et contre-indications de la ponction térature [23] et ne peut pas être détaillée ici. Brièvement, les points
principaux peuvent être résumés ainsi :
lombaire • la procédure doit être réalisée dans des conditions strictes
Le principal risque de la PL est la survenue d’un engagement d’asepsie et la ponction doit être faite entre les troisième et
cérébral dans les heures qui suivent le geste. Un engagement céré- quatrième ou quatrième et cinquième vertèbres lombaires ;
bral est susceptible de survenir lorsqu’il existe un déséquilibre de • l’utilisation d’une aiguille « atraumatique » à bout mousse
pression dû à un obstacle à l’écoulement du LCS du fait de lésions expose à un risque de céphalées post-PL plus faible qu’une
cérébrales responsables d’un effet de masse. Il faut bien retenir aiguille biseautée classique (de type Quincke), mais le geste est
que, d’une part, l’hypertension intracrânienne isolée, fréquente de réalisation un peu plus difficile ;
dans les méningites, ne constitue pas en elle-même une contre- • lorsqu’on utilise une aiguille de Quincke, le recours à une
indication à la PL et que, d’autre part, l’engagement cérébral, aiguille de petit diamètre (26G) expose à un moindre risque
certes dramatique est un événement rare qui ne peut être ni prédit de céphalées post-PL ;
ni évité par l’imagerie cérébrale [17, 18] (cf. infra). On considère tou- • le repos au lit après PL ne diminue pas le risque de céphalées
tefois que les signes neurologiques focaux sus- ou sous-tentoriels post-PL.
et a fortiori les signes directs d’engagement (mydriase unilatérale,
trouble du rythme ventilatoire, hoquet, instabilité tensionnelle)
constituent des contre-indications absolues à la PL, quel que soit
Analyse du liquide cérébrospinal
le résultat de l’imagerie cérébrale [19] . Le LCS doit être recueilli dans trois ou quatre tubes stériles pour
Les autres contre-indications à la PL ne sont que relatives ou analyses biochimique, microbiologique et cytologique. La quan-
temporaires. Il est admis qu’il convient de ne pas réaliser de tité totale de LCS à prélever est de 2 à 5 ml (40 à 100 gouttes)
PL chez un malade dans un état de choc ou de grande insta- chez l’adulte. Il faut prévoir de conserver à –20 ◦ C un tube fermé
bilité hémodynamique, de détresse respiratoire ou d’agitation. sur lequel on pourra décider de demander ultérieurement une
Il convient de corriger ces anomalies avant d’effectuer la PL. recherche microbienne par biologie moléculaire (PCR [polymerase
Une infection de la peau et/ou des parties molles au site de chain reaction] universelle ou spécifique) selon les résultats de la
la PL constitue également une contre-indication à la PL. Enfin culture microbiologique standard.
se pose souvent la question des anomalies de l’hémostase et Le jury de la conférence de consensus de la SPILF de 2008 a
des traitements anticoagulants. Une étude a montré que les recommandé que les résultats cytologiques, biochimiques et de la
patients sous anticoagulants semblent exposés à un risque plus coloration de Gram effectués sur le LCS soient communiqués à
important de paraparésie après PL que des sujets sans anti- l’équipe en charge du patient dans l’heure qui suit la réalisation
coagulants (risque relatif [RR] = 11,0 ; intervalle de confiance à de la PL et a insisté sur la nécessité que les hôpitaux s’organisent
95 % [IC95 %] = 0,60–199). Mais, dans cette étude, il y a peu pour répondre à cette exigence.
d’événements (5 sur 166 patients sous anticoagulants versus 0 sur
171 patients sans anticoagulants, différence non significative) et Examen macroscopique et cytologique
le traitement anticoagulant était débuté après la PL [20] . Aucune
étude n’a évalué l’innocuité de la PL en cas de thrombopénie, Le LCS normal est limpide (eau de roche) et dépourvu
qui augmenterait le risque de « PL traumatique » (contamina- d’éléments figurés (< 5/mm3 ). L’aspect trouble du LCS corres-
tion du LCS par du sang) [21] . Il n’existe pas de recommandation pond à une réaction cellulaire d’au moins 500 éléments/mm3
sur l’indication à réaliser un bilan d’hémostase avant une PL. à prédominance de polynucléaires neutrophiles (PNN) plus
Compte tenu de l’urgence diagnostique que constitue un syn- ou moins altérés. La formule n’est réalisable qu’à partir de
drome méningé fébrile, il semble raisonnable de ne pas imposer 10 éléments/mm3 . En cas de méningite bactérienne, même après
la réalisation de telles explorations systématiquement avant toute l’administration d’antibiotiques, le nombre des leucocytes est
PL, en particulier lorsqu’il n’y a pas de signe clinique hémorra- supérieur à 1000/mm3 chez 87 % des patients et supérieur à
gique. 100/mm3 chez 99 % des patients [24, 25] .

Analyse biochimique
Place de l’imagerie cérébrale L’analyse biochimique du LCS comprend le dosage :
avant la ponction lombaire • de la glycorachie, souvent très basse, parfois à l’état de traces,
presque toujours inférieure à 40 % de la glycémie prélevée au
La réalisation d’une imagerie cérébrale, en général un examen même moment dans une méningite bactérienne ;
scanographique, avant la PL en cas de suspicion de méningite • de la protéinorachie, généralement élevée (> 0,5 g/l) dans les
est une pratique trop fréquente dont l’utilité n’est pas démontrée méningites bactériennes ;
et qui expose à retarder la mise en route de l’antibiothérapie. La • du lactate, élevé dans les méningites bactériennes (un taux de
conférence de consensus de la Société de pathologie infectieuse de lactate inférieur à 3,2 mmol/l permet d’éliminer avec sécurité
langue française (SPILF) de novembre 2008 précise que les seules une étiologie bactérienne à la méningite).
indications à la réalisation d’une imagerie cérébrale avant PL chez
un patient suspect de méningite bactérienne sont :
• les signes de localisation neurologiques tels qu’ils peuvent appa-
Examen microbiologique
raître lors d’un examen complet ; Il comprend :
• les troubles de vigilance attestés par un score de Glasgow infé- • l’examen direct après coloration de Gram, qui peut mettre en
rieur ou égal à 11 ; évidence l’agent pathogène et orienter ainsi immédiatement la
• les crises épileptiques récentes ou en cours, focales ou générali- conduite thérapeutique ;
sées [19] . • la culture du LCS ; c’est l’examen de référence, elle doit être
Dans les cas, qui devraient être peu fréquents, où, devant réalisée systématiquement car elle permet d’affirmer le diag-
un syndrome méningé fébrile, l’indication d’un scanner céré- nostic, d’identifier l’agent étiologique et d’étudier la sensibilité
bral est retenue avant la PL, il convient, dès que la décision de aux antibiotiques. Elle peut cependant parfois être négative,

4 EMC - Maladies infectieuses


Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses  8-003-A-61

Figure 3. Arbre décisionnel. Algorithme déci-


Syndrome méningé fébrile sans purpura sionnel devant un syndrome méningé fébrile
(d’après [22] ). DXM : dexaméthasone ; LCS :
liquide cérébrospinal ; Lactate : lactate dans le
LCS ; PCT : procalcitonine dans le sang ; PCR :
Existe-t-il des signes neurologiques en foyer ? polymerase chain reaction ; i.v. : intraveineux ;
HSV : herpes simplex virus.
Oui Non

2 hémocultures Ponction lombaire immédiate


et 2 hémocultures

Dexamethasone + antibiothérapie
LCS clair
LCS trouble

Scanner cérébral négatif


Formule Formule
de méningite Formule ? de méningite
bactérienne virale
Ponction lombaire

DXM + Lactate, PCT ou Abstention


Antibiothérapie règle de Hoen thérapeutique
Formule Formule
de méningite de méningite
bactérienne virale
Méningite Méningite
bactérienne bactérienne
Culture Aciclovir i.v. positive négative
+ PCR si PCR HSV
culture ± PCR virus
négative multiplex
Abstention
Antibiothérapie
thérapeutique

PCR si culture PCR virus


négative multiplex ?

notamment pour les méningites à méningocoques et quand et méningite virale est difficile [26] , même pour des médecins expé-
une antibiothérapie a été débutée avant la PL. rimentés. Différentes situations peuvent être à l’origine de ces
D’autres examens microbiologiques peuvent être réalisés selon difficultés :
les situations. • la formule cytologique d’une méningite bactérienne peut être
En cas de forte suspicion de méningite bactérienne et d’examen panachée, voire lymphocytaire si le traitement antibiotique est
direct négatif, il convient de mettre en œuvre : débuté précocement et avant la PL ;
• un test immunochromatographique (Binax NOW® Streptococcus • la formule cytologique d’une méningite à méningocoque peut
pneumoniae test) sur le LCS. Ce test rapide (quelques minutes) être lymphocytaire si la PL est très précoce (y compris avant
et simple détecte les molécules de polysaccharide-C contenues toute antibiothérapie) ;
dans la paroi de toutes les souches de S. pneumoniae quel que • dans environ 10 % des méningites bactériennes la première PL
soit le sérotype ; objective une prédominance lymphocytaire ;
• une détection bactérienne par amplification génique • dans 10 % des méningites à méningocoque, le LCS peut avoir
directe sur le LCS, soit par PCR spécifique (méningo- une formule cytochimique normale ;
coque et pneumocoque), soit par PCR universelle suivie de • les méningites virales ont habituellement une formule à pré-
séquençage. dominance lymphocytaire mais les méningites à entérovirus
En cas de forte suspicion d’infection invasive à méningocoque peuvent être à prédominance de polynucléaires.
(âge, notion de contage, purpura), il est recommandé de réaliser Dans ces situations, le problème consiste à éviter deux écueils :
une PCR méningocoque sur le sang et/ou sur biopsie d’une lésion prescrire une antibiothérapie inutile lorsqu’il s’agit d’une
cutanée purpurique. méningite virale et omettre de prescrire une antibiothérapie
indispensable lorsqu’il s’agit d’une authentique méningite bacté-
rienne. À cet effet quatre types d’outils peuvent aider le clinicien
dans sa démarche diagnostique et leur utilisation a été recom-
Diagnostic différentiel avec une méningite mandée par le jury de la conférence de consensus de la SPILF de
virale 2008 :
• le dosage du lactate dans le LCS. Dans une étude, pour la
Si, dans la grande majorité des cas, le tableau clinique et le résul- valeur seuil de 3,2 mmol/l, la valeur prédictive négative (VPN)
tat de l’analyse cyto-chimio-bactériologique du LCS permettent du lactate dans le LCS était de 100 % : dans aucun cas de
de poser le diagnostic de méningite bactérienne (Tableau 1), dans méningite bactérienne le lactate dans le LCS était inférieur à
20 % des cas le diagnostic différentiel entre méningite bactérienne 3,2 mmol/l [27] . Une autre étude réalisée sur 180 échantillons

EMC - Maladies infectieuses 5


8-003-A-61  Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses

Tableau 1.
Orientations diagnostiques des méningites infectieuses à examen direct négatif en fonction des caractéristiques de l’analyse cytologique et biochimique du
LCS et de la procalcitonine sérique.
Méningites (> 5 cellules/mm3 )
Cytologie Purulentes et puriformes (> 50 % de Lymphocytaires (> 50 % lymphocytes)
polynucléaires neutrophiles)
Biochimie Hypoglycorachique Hypoglycorachiques Normoglycorachiques
(glycorachie/glycémie < 0,4 g/l) (glycorachie/glycémie < 0,4 g/l)
Hyperprotéinorachique
(hyperprotéinorachie > 0,4 g/l)
Lactate LCS > 3,2 mmol/l
Procalcitonine sérique > 0,5 ng/ml
Microorganismes Pneumocoque Tuberculose Entérovirus (méningite parfois à
prédominance de polynucléaires)
Méningocoque VZV (éruption vésiculeuse/zona
géniculé)
Bacilles à Gram négatif (dont Haemophilus, Primo-infection par le VIH
Escherichia coli chez l’enfant et le nourrisson) (notion de contage quelques
Listeria Listeria semaines auparavant)
Streptococcus agalactiae (streptocoque du Poliomyélitique (absence de
groupe B) nouveau-né, jeune enfant vaccination antérieure et séjour
dans une région du monde où
cette maladie est endémique)
Méningite purulente aseptique Leptospires (notion de baignade
(culture demeurant stérile) : en rivière ou en étang)
- méningite bactérienne « décapitée » par une Maladie de Lyme, syphilis,
antibiothérapie antérieure brucellose
- méningite à microorganisme fragile
Méningite ourlienne (normo- parfois hypoglycorachique),
- infection bactérienne, processus expansif non
parotidite, épidémie, contage
infectieux au contact des méninges (abcès cérébral
Cryptococcus neoformans (immunodépression)
ou empyème sous-dural, anévrisme mycotique
d’une endocardite, tumeurs intracrâniennes). L’IRM
cérébrale s’impose dans tous ces cas

LCS : liquide cérébrospinal ; IRM : imagerie par résonance magnétique ; VZV : varicelle-zona virus ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.
La formule cytologique d’une méningite bactérienne peut être panachée, voire lymphocytaire, si le traitement par antibiotique est précoce ; la formule cytologique d’une
méningite à méningocoque peut être lymphocytaire si la ponction lombaire (PL) est très précoce (y compris avant toute antibiothérapie) ; environ 10 % des méningites
bactériennes ont au liquide cérébrospinal (LCS) initial une prédominance lymphocytaire. Le LCS peut être cytologiquement normal si la PL est réalisée très précocement ;
environ 10 % des méningites bactériennes à méningocoque peuvent se présenter avec un LCS « normal ».

couplés de LCS et de sérum a montré que le meilleur des tests ◦ celle de Hoen [26] , qui combine le nombre de leucocytes
diagnostiques « classiques » pour discriminer entre méningite sanguins, la glycémie, la protéinorachie et le nombre de
bactérienne et méningite virale était le taux de lactate dans PNN dans le LCS, a été validée chez l’adulte et l’enfant
le LCS, en utilisant 3,5 mmol/l comme valeur seuil, valeur et dont l’utilisation est accessible gratuitement en ligne
parfaitement discriminante (VPN = 100 %, aire sous la courbe (http://www.chu-besancon.fr/meningite),
[ROC] = 1) [28] . Dans cette étude, le taux de lactate dans le LCS ◦ le bacterial meningitis score (BMS) [30, 31] ou sa variante amélio-
reste aussi performant pour l’aide au diagnostic différentiel rée par une équipe française, le Meningitest® [32] , qui n’ont
dans les situations où une antibiothérapie a été adminis- été validés que chez l’enfant ;
trée avant la PL. Ce test a l’avantage d’être rapide et peu • la réalisation d’une PCR à la recherche d’un entérovirus
coûteux ; est recommandée en cas de faible suspicion de méningite
• le dosage de la procalcitonine (PCT) dans le sang. La PCT est le bactérienne et de contexte épidémique. Compte tenu des
seul marqueur biochimique inflammatoire sérique pour lequel bonnes sensibilité (86–100 %) et spécificité (92–100 %) de cette
il est possible de trouver une valeur discriminante entre les recherche, de la forte prévalence des entérovirus dans les
méningites bactériennes et les méningites virales. Cette valeur méningites aiguës infectieuses et de la rapidité de l’obtention
discriminante varie selon les études entre 0,5 et 1 ng/ml. Dans du résultat (deux heures), la positivité de la PCR entérovirus per-
les études où la PCT sérique est comparée à d’autres marqueurs met d’éviter la réalisation de PCR bactériennes et d’arrêter un
biochimiques ou aux cytokines inflammatoires, ce marqueur traitement antibiotique si celui-ci avait été initié.
s’avère toujours supérieur à tous les autres en termes de perfor-
mance diagnostique. La PCT au seuil de 0,5 ng/ml semble un
bon marqueur biologique pour distinguer les méningites bac-  Traitement curatif
tériennes des méningites virales avec des index de performance
(sensibilité ou VPN) élevés (99 %, IC95 % = 97–100) [29, 30] ; Le traitement de la méningite bactérienne repose sur trois axes
• l’utilisation de règles de décisions combinant différents para- essentiels : l’antibiothérapie par voie intraveineuse, la corticothé-
mètres immédiatement disponibles au moment du résultat de la rapie et la prise en charge des éventuelles défaillances d’organes
PL. Huit règles de décision clinique aidant à différencier ménin- associées dont la prise en charge symptomatique n’appelant pas
gites bactériennes et virales ont été publiées. Parmi celles qui de traitement particulier ne sera pas détaillée ici [33] .
ont été validées sur des échantillons indépendants, le jury de la Il faut de plus garder à l’esprit qu’un délai entre admission
conférence de consensus de la SPIL a recommandé l’utilisation à l’hôpital et administration de la première dose d’antibiotique
de l’une ou l’autre des trois règles suivantes, dont seule la pre- excédant six heures est associé à une surmortalité et que la
mière a été validée chez l’adulte : réalisation d’un scanner cérébral avant la PL ou le transfert

6 EMC - Maladies infectieuses


Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses  8-003-A-61

Tableau 2.
Antibiothérapie probabiliste d’une méningite bactérienne de l’adulte.
Examen direct positif Antibiotique Dosage
Suspicion de pneumocoque (cocci Gram positif) Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., soit en 4 perfusions, soit en administration
continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1 h
ou
ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions
Suspicion de méningocoque (cocci Gram négatif) Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v., soit en 4 perfusions, soit en administration
continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1 h
ou
ceftriaxone 75 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions
Suspicion de listériose (bacille Gram positif) Amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., soit en 4 perfusions, soit en administration
continue
+
gentamicine 3 à 5 mg/kg/j i.v., en 1 perfusion unique journalière
Suspicion de Haemophilus influenzae (bacille Gram négatif) Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v., soit en 4 perfusions, soit en administration
continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1 h
ou
ceftriaxone 75 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions
Suspicion d’Escherichia coli Céfotaxime 200 mg/kg/j i.v., soit en 4 perfusions, soit en administration
(bacille Gram négatif) continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1 h
ou
ceftriaxone 75 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions
Examen direct négatif
Sans arguments en faveur d’une listériose Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., soit en 4 perfusions, soit en administration
continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1 h
ou
ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions
Avec arguments en faveur d’une listériose Céfotaxime 300 mg/kg/j i.v., soit en 4 perfusions, soit en administration
continue avec dose de charge de 50 mg/kg sur 1 h
ou
ceftriaxone 100 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions
+ amoxicilline 200 mg/kg/j i.v., soit en 4 perfusions, soit en administration
continue
+ gentamicine 3 à 5 mg/kg/j i.v., en 1 perfusion unique journalière

i.v. : par voie intraveineuse.

d’un établissement hospitalier à un autre sont responsables d’un proposée en s’assurant de la sensibilité du microorganisme dès
retard à la prise en charge [34] (Fig. 3). Ainsi, la conférence de réception de l’antibiogramme :
consensus française recommande l’administration de la première • lévofloxacine ou rifampicine en cas de suspicion de méningo-
dose d’antibiotique dans les trois heures suivant l’arrivée aux coque ;
urgences [19] . • association vancomycine en perfusion continue et fosfomycine
ou rifampicine en cas de suspicion de pneumocoque ;
• l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole en cas de suspi-
Antibiothérapie curative cion de listériose ;
• lévofloxacine en cas de suspicion d’une infection à Haemophilus
L’antibiothérapie au cours de la méningite bactérienne est une ou entérobactérie.
urgence thérapeutique. Elle doit néanmoins toujours être précé-
dée de la réalisation d’une hémoculture et de l’administration de
la corticothérapie quand celle-ci est indiquée. La seule exception Corticothérapie
à cette règle est la présence d’un purpura extensif associé à un
syndrome méningé, devant faire évoquer un purpura fulminans, Quand elle est utilisée, son initiation précède ou est concomi-
entité décrite au cours des infections à méningocoque et à pneu- tante de celle de l’antibiothérapie. En 1997, une méta-analyse
mocoque [35] . Ce tableau justifie de l’administration immédiate, concluait au bénéfice de la corticothérapie adjuvante par dexa-
même à domicile, de deux grammes de céphalosporine de troi- méthasone (DXM) chez les enfants atteints de méningite à
sième génération par voie intraveineuse exclusive, les troubles H. influenzae ; chez ceux atteints d’une méningite à pneumocoque,
de la coagulation associés rendant potentiellement dangereuse le bénéfice n’était établi que si le traitement était administré en
l’administration intramusculaire. même temps ou avant la première dose d’antibiotique [36] . Depuis,
L’antibiothérapie consiste en un traitement initialement pro- plusieurs études randomisées, contre placebo, et méta-analyses
babiliste, au mieux orienté par l’examen direct du LCS, puis ont été publiées mais leurs conclusions sont parfois contradic-
une réévaluation secondaire en fonction des résultats des hémo- toires.
cultures ou de la culture du LCS et des résultats de l’étude de L’hétérogénéité de ces études, tant en termes d’épidémiologie
la sensibilité du microorganisme aux antibiotiques. Les modali- que de localisation et de protocole, se retrouve dans les résultats
tés ont été récemment revues lors de la dernière conférence de des méta-analyses récemment publiées. La première, reprenant
consensus sur les dernières données épidémiologiques motivant les données individuelles des patients, ne retrouvait pas de béné-
l’abandon de la vancomycine (Tableaux 2 et 3). fice à la DXM, tant en termes de mortalité que de séquelles. Au
En cas d’allergie grave uniquement (œdème de Quincke, choc contraire, une seconde ayant considéré 24 études et 4041 patients
anaphylactique), une alternative aux bêtalactamines peut être concluait à un bénéfice de la corticothérapie tant chez l’enfant

EMC - Maladies infectieuses 7


8-003-A-61  Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses

Tableau 3.
Antibiothérapie (molécule et durée) après identification de l’agent causal.
Bactérie, sensibilité Traitement antibiotique Durée totale
Streptococcus pneumoniae
CMI amoxicilline < 0,1 mg/l De préférence, amoxicilline, 200 mg/kg/j i.v., en 4 à 6 perfusions ou en administration continue, ou 10 à 14 jours
maintien C3G, en diminuant la dose de céfotaxime à 200 mg/kg/j, de ceftriaxone à 75 mg/kg/j si la CMI
de la C3G est < 0,5 mg/l
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/l Céfotaxime i.v., en 4 à 6 perfusions ou en administration continue : 300 mg/kg/j (ou 200 mg/kg/j si CMI 10 à 14 jours
< 0,5 mg/l)
ou
ceftriaxone i.v., en 1 ou 2 perfusions : 100 mg/kg/j (ou 75 mg/kg/j si CMI < 0,5 mg/l)
Neisseria meningitidis
CMI amoxicilline < 0,1 mg/l Amoxicilline ou maintien C3G 4 à 7 jours
CMI amoxicilline ≥ 0,1 mg/l Céfotaxime, 200 mg/kg/j i.v., en 4 à 6 perfusions ou en administration continue
ou
ceftriaxone, 75 mg/kg/j i.v., en 1 ou 2 perfusions
Listeria monocytogenes Amoxicilline en association à la gentamicine, 3 à 5 mg/kg/j en 1 perfusion i.v. sur 30 minutes pendant 21 jours
les 7 premiers jours
Escherichia coli Céfotaxime ou ceftriaxone, en association à la gentamicine les 2 premiers jours chez le nourrisson de 21 jours
moins de 3 mois
Haemophilus influenzae Céfotaxime ou ceftriaxone 7 jours

CMI : concentration minimale inhibitrice ; C3G : céphalosporine de troisième génération ; i.v. : par voie intraveineuse.

que chez l’adulte en termes de réduction du risque de séquelles et Osmothérapie


de mortalité de l’adulte au cours de la méningite à pneumocoque.
Cependant, ces effets bénéfiques ne semblaient pas être retrouvés Un quart des patients admis en réanimation pour méningite ont
dans les études réalisées dans les pays en voie de développement. un choc septique associé [33] pour lequel un remplissage impor-
Des études anciennes suggéraient un rôle délétère de la DXM tant et précoce fait intégralement partie du traitement initial afin
en diminuant la pénétration des antibiotiques dans le LCS et de maintenir une volémie efficace [42] . Au contraire, les patients
notamment la vancomycine. Ces craintes ne sont pas confir- admis pour méningite sont à risque d’hyponatrémie, quoique le
mées par une étude récente ayant évalué de façon prospective la plus souvent supérieure à 130 mmol/l, soit dans le cadre d’un
pénétration de la vancomycine chez 14 patients admis en réani- syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone antidiurétique
mation recevant de la DXM. L’administration de vancomycine (SIADH), soit d’un cerebral salt wasting syndrome, pouvant justifier
en perfusion continue à la dose de 60 mg/kg par jour a permis d’une restriction hydrique [43] . Une revue récente de la Cochrane
d’obtenir un taux moyen de vancomycine dans le LCS de 7,9 mg/l Library conclut qu’il n’existe pas d’argument pour recomman-
(3,1–22,3 mg/l) [37] . der une restriction hydrique, voire que celle-ci est associée à un
De plus, dans des modèles animaux de méningite à pneu- risque accru de séquelles neurologiques à trois mois (RR = 0,42 ;
mocoque ou à Escherichia coli, la DXM était associée à une IC95 % = 0,20–0,89) [44] .
augmentation de l’apoptose neuronale, notamment dans la Les patients atteints de méningite sont à risque d’hypertension
région de l’hippocampe [38, 39] . Un suivi à long terme (suivi intracrânienne, mais si l’élévation de la pression lombaire
moyen à 99 mois) chez 87 patients inclus dans l’étude multicen- semble associée à la gravité clinique notamment les troubles de
trique européenne a été réalisé et a comporté un audiogramme conscience, elle ne semble pas liée au pronostic [45] . Plusieurs inter-
et une évaluation neuropsychologique mesurant les capacités ventions peuvent être proposées pour réduire cette hypertension
d’intelligence, de mémoire, de langage, d’attention, et de fonc- parmi lesquelles l’utilisation d’agents osmotiques comme le man-
tions psychomotrices et d’exécution. Il n’a pas été observé de nitol, le glycérol ou le sérum salé hypertonique. Seul le glycérol
différence significative entre les patients ayant reçu de la DXM a fait l’objet d’études cliniques avec des résultats contradictoires.
et ceux ayant reçu le placebo [40] . Une étude publiée fin 2007 sur une population de 654 enfants
L’effet de la DXM au cours de la méningite à pneumocoque sud-américains âgés de 2 mois à 16 ans concluait à un bénéfice
pourrait s’expliquer par un effet systémique plutôt que neurolo- du glycérol systématique alors qu’une autre étude sur une popu-
gique. En effet, une analyse a posteriori des causes de décès [41] des lation adulte au Malawi très majoritairement séropositive pour
patients atteints de méningite à pneumocoque, semblait retrou- le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) concluait à une
ver plutôt un effet de la DXM sur les causes de décès systémiques. surmortalité [46, 47] . Là encore, la disparité des populations et des
Cet effet pourrait être à rapprocher de l’effet de l’hydrocortisone protocoles étudiés rend difficile une conclusion définitive sur
au cours du choc septique [42] . l’utilisation du glycérol comme principal agent osmotique [48] .
Dans l’ensemble de ces études, la corticothérapie était débu- Ainsi, l’administration d’un agent osmotique, préférablement du
tée avant, voire au moment de la première dose d’antibiotique. mannitol, doit être réservée aux situations d’hypertension intra-
Au regard de la littérature, il est donc tout à fait impossible crânienne engageant le pronostic vital [19] .
d’extrapoler la place de la corticothérapie pour les patients ayant Deux études suédoises ont évalué la surveillance continue de la
déjà reçu une dose d’antibiotique sans DXM. Néanmoins, dans pression intracrânienne pour les patients les plus graves, dans un
un modèle expérimental de méningite à pneumocoque chez contexte de réanimation.
le lapin, la concentration de bactéries dans le LCS semblait La méthodologie critiquable de ces études rend difficile une
plus prédictive de l’effet de la DXM que le délai par rapport à conclusion formelle, ce d’autant qu’une autre étude observation-
l’antibiothérapie puisqu’un effet était également observé lorsque nelle des services de réanimation pédiatrique nord-américains
la DXM était administrée une heure après la première dose ne retrouvait pas de différence de mortalité chez des enfants
d’antibiotique. admis pour méningite bactérienne selon qu’ils étaient pris en
Pour conclure, l’ensemble des recommandations internatio- charge dans un service qui mesurait la pression intracrânienne
nales préconise une corticothérapie adjuvante par DXM (10 mg en continu ou pas [49] .
par voie intraveineuse toutes les six heures pendant quatre Les crises convulsives sont rapportées dans 5 à 27 % des cas
jours), débutée avant ou au même moment que la première dose de méningites bactériennes chez l’adulte [45, 50] . Leur traitement
d’antibiotique, en particulier au cours des méningites à pneumo- n’appelle pas de protocole particulier. Une seule étude a retrouvé
coque. les convulsions comme facteur de mauvais pronostic mais aucune

8 EMC - Maladies infectieuses


Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses  8-003-A-61

étude n’a évalué l’intérêt d’un traitement anticonvulsivant pro-


phylactique. Aucune recommandation d’expert ou de société
 Conclusion
savante ne recommande un traitement préventif. Les méningites bactériennes de l’adulte constituent une
urgence thérapeutique dont la prise en charge est améliorée par
la documentation microbiologique qui doit être recherchée au
 Prophylaxie des rechutes mieux. La conduite du traitement est parfaitement codifiée et
tient compte du profil de sensibilité actuel des microorganismes
et de l’entourage responsables.

La prophylaxie des rechutes consiste chez les patients ayant


présenté une méningite à pneumocoque en la suppression d’une Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
éventuelle brèche ostéoméningée et en l’éradication du portage relation avec cet article.
chez ceux ayant présenté une méningite à N. meningitidis. Cette
éradication est assurée par le traitement curatif par céphalo-
sporines de troisième génération. Quand ce dernier n’est pas Remerciements : aux Drs Emmanuelle Varon (CNR pneumocoque) et Agnès
utilisé, un traitement antibiotique prophylactique secondaire Lepoutre (InVS) pour la transmission de données épidémiologiques actualisées.
(cf. infra) est nécessaire. La prise en charge d’éventuels fac-
teurs favorisants (infection par le VIH, déficit immunitaire,
etc.) et/ou la prescription d’une éventuelle vaccination préven-  Références
tive doivent être discutées au cas par cas en fonction de la
situation. [1] Réseau Epibac. Surveillance des infections invasives à Haemophilus
La prophylaxie de l’entourage ne se discute que pour les ménin- influenzae, Listeria monocytogenes, Neisseria meningitidis, Strepto-
gites à N. meningitidis [51] . L’antibioprophylaxie, administrée en coccus pneumoniae, Streptococcus agalactiae (B) et Streptococcus
urgence, a pour objectifs d’éradiquer le portage de la souche viru- pyogenes (A) en France métropolitaine. http://www.invs.sante.fr/
lente chez les sujets contacts du cas index, de réduire le risque des surveillance/epibac/default.htm. 2010.
cas secondaires et de prévenir la diffusion d’une souche virulente [2] Gaudelus J, Cohen R, Hovart J. Couverture vaccinale du vaccin
dans la population. En l’état actuel des connaissances, cette anti- pneumococcique conjugué en 2007, comparaison avec les années pré-
bioprophylaxie concerne tous les sujets contacts identifiés, quel cédentes et les autres vaccins pédiatriques : analyses des carnets de
que soit leur statut vaccinal. Elle est effectuée en lien avec le méde- santé. Med Enf 2007;27:307–10.
cin en charge de la veille sanitaire de l’agence régionale de santé [3] Lepoutre A, Varon E, Georges S, Guttmann L, Levy-Bruhl D.
(déclaration obligatoire). Impact de la vaccination par le vaccin pneumococcique conju-
Un sujet contact est une personne ayant été exposée directe- gué sur l’épidémiologie des infections invasives à pneumocoques
ment aux sécrétions rhinopharyngées d’un cas dans les dix jours en France–1998-2010. http://www.invs.sante.fr/surveillance/epibac/
précédant son hospitalisation. Il s’agit principalement des per- donnees 2010/Pneumocoque impact 2010.pdf. 2010.
sonnes qui vivent ou sont gardées sous le même toit que le cas [4] Invasive pneumococcal disease in children 5 years after conjugate vac-
index pendant sa période de contagiosité. L’antibioprophylaxie cine introduction–eight states, 1998-2005. MMWR Morb Mortal Wkly
doit être réalisée dans les plus brefs délais, autant que possible dans Rep 2008;57:144–8.
les 24 à 48 heures suivant le diagnostic, et n’a plus d’intérêt au- [5] Lexau CA, Lynfield R, Danila R, Pilishvili T, Facklam R, Farley MM,
delà de dix jours après le dernier contact avec le cas index pendant et al. Changing epidemiology of invasive pneumococcal disease among
older adults in the era of pediatric pneumococcal conjugate vaccine.
sa période de contagiosité. La rifampicine (600 mg, deux fois par
JAMA 2005;294:2043–51.
jour chez l’adulte pendant 48 heures) est l’antibiotique de choix
[6] Thigpen MC, Whitney CG, Messonnier NE, Zell ER, Lynfield R, Had-
en réduisant le portage avec un succès de plus de 75 % une semaine
ler JL, et al. Bacterial meningitis in the United States, 1998-2007. N
après le traitement, le taux de réacquisition étant faible, d’environ Engl J Med 2011;364:2016–25.
10 % au bout d’un mois. Les risques d’interaction avec les pilules [7] Varon E, Gutmann L. Rapport d’activité 2010 du Centre national de
contraceptives ou les anticoagulants doivent être pris en compte. Référence du pneumocoque. Epidémiologie 2009 [www.invs.sante.fr/
En cas de contre-indication et/ou de résistance documentée de la surveillance, rubrique Centres nationaux de référence. 2010].
souche du cas index à la rifampicine, une antibioprophylaxie par [8] Hicks LA, Harrison LH, Flannery B. Incidence of pneumococcal
ciprofloxacine orale (500 mg) ou ceftriaxone par voie injectable disease due to non-pneumococcal conjugate vaccine (PCV7) serotypes
(250 mg), en dose unique, peut être envisagée. in the United States during the era of widespread PCV7 vaccination,
1998-2004. J Infect Dis 2007;196:1346–54.
[9] O’Brien KL, Dagan R. The potential indirect effect of conjugate pneu-
 Prise en charge [10]
mococcal vaccines. Vaccine 2003;21:1815–25.
Harrison LH. Epidemiological profile of meningococcal disease in the
des complications United States. Clin Infect Dis 2010;50(Suppl. 2):S37–44.
[11] Goossens H, Ferech M, Coenen S, Stephens P. Comparison of out-
Les méningites bactériennes de l’adulte restent associées à un patient systemic antibacterial use in 2004 in the United States and
taux élevé de mortalité et de séquelles neurologiques, malgré 27 European countries. Clin Infect Dis 2007;44:1091–5.
la qualité des soins à la phase aiguë. Le taux de mortalité lors [12] Geslin P. Centre national de référence des pneumocoques. Rapport
d’une méningite à pneumocoque est de 10 à 40 % des patients d’activité 1997. http://cnr-pneumo.com/.
et les séquelles neurologiques s’observent chez 30 à 50 % des [13] Brueggemann AB, Pai R, Crook DW, Beall B. Vaccine escape recom-
patients qui survivent avec des taux plus élevés chez l’adulte. binants emerge after pneumococcal vaccination in the United States.
PLoS Pathog 2007;3:e168.
Les séquelles neurologiques, auditives et neuropsychologiques
[14] Parent du Châtelet I, Kheir Taha M, Lepoutre A, Maine C, Deghmane
sont fréquentes [45, 52] . Parmi les séquelles, l’hypoacousie est la
A, Lévy-Bruhl D. Les infections invasives à méningocoques en France
plus fréquente, concernant entre 20 et 30 % des patients survi-
en 2010. Bull Epidemiol Hebd 2011;(n◦ 45–46):475–80.
vants. Viennent ensuite par ordre de fréquences décroissantes, les
[15] Dabernat H. Rapport d’activité, Centre national de référence Hae-
crises d’épilepsie, les déficits moteurs, les troubles des fonctions
mophilus influenzae. http://www.invs.sante.fr/Espace-professionnels/
supérieures, l’hydrocéphalie et la baisse de l’acuité visuelle [52] . Centres-nationaux-de-reference/Rapports-d-activites-et-liens 2008.
La recherche de ces séquelles doit être entreprise dès la phase [16] Thomas KE, Hasbun R, Jekel J, Quagliarello VJ. The diagnostic accu-
initiale d’hospitalisation, pour au mieux proposer des mesures racy of Kernig’s sign, Brudzinski’s sign, and nuchal rigidity in adults
correctrices [19] . Un suivi est nécessaire chez tous les patients with suspected meningitis. Clin Infect Dis 2002;35:46–52.
essentiellement la première année, qu’ils présentent ou non des [17] Hasbun R, Abrahams J, Jekel J, Quagliarello VJ. Computed tomo-
séquelles à la phase initiale, un certain nombre d’entre elles se graphy of the head before lumbar puncture in adults with suspected
révélant que dans un second temps [53] . meningitis. N Engl J Med 2001;345:1727–33.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-003-A-61  Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des méningites tuberculeuses

[18] Kastenbauer S, Winkler F, Pfister HW. Cranial CT before lumbar punc- [37] Ricard JD, Wolff M, Lacherade JC. Levels of vancomycin in cere-
ture in suspected meningitis. N Engl J Med 2002;346:1248–51 [author brospinal fluid of adult patients receiving adjunctive corticosteroids to
reply 1248–51]. treat pneumococcal meningitis: a prospective multicenter observatio-
[19] Conférence de Consensus SPILF. Méningites bactériennes de l’adulte, nal study. Clin Infect Dis 2007;44:250–5.
Texte long. http://www.infectiologie.com/site/medias/ documents/ [38] Leib SL, Heimgartner C, Bifrare YD, Loeffler JM, Taauber MG.
consensus/Meningites consensus-long.pdf. 2009. Dexamethasone aggravates hippocampal apoptosis and learning defi-
[20] Ruff RL, Dougherty Jr JH. Complications of lumbar puncture followed ciency in pneumococcal meningitis in infant rats. Pediatr Res 2003;54:
by anticoagulation. Stroke 1981;12:879–81. 353–7.
[21] Vavricka SR, Walter RB, Irani S, Halter J, Schanz U. Safety of lumbar [39] Spreer A, Gerber J, Hanssen M, Schindler S, Hermann C, Lange P,
puncture for adults with acute leukemia and restrictive prophylactic et al. Dexamethasone increases hippocampal neuronal apoptosis in
platelet transfusion. Ann Hematol 2003;82:570–3. a rabbit model of Escherichia coli meningitis. Pediatr Res 2006;60:
[22] CMIT. e-Pilly TROP. Maladies infectieuses tropicales. 2012 édi- 210–5.
tion web. Editions Alinéa Plus. http://www.infectiologie.com/site/ [40] Weisfelt M, Hoogman M, van de Beek D, de Gans J, Dreschler WA,
medias/enseignement/ePillyTROP/ePillyTROP.pdf. Schmand BA. Dexamethasone and long-term outcome in adults with
[23] Straus SE, Thorpe KE, Holroyd-Leduc J. How do I perform a lum- bacterial meningitis. Ann Neurol 2006;60:456–68.
bar puncture and analyze the results to diagnose bacterial meningitis? [41] McMillan DA, Lin CY, Aronin SI, Quagliarello VJ. Community-
JAMA 2006;296:2012–22. acquired bacterial meningitis in adults: categorization of causes and
[24] Gray LD, Fedorko DP. Laboratory diagnosis of bacterial meningitis. timing of death. Clin Infect Dis 2001;33:969–75.
Clin Microbiol Rev 1992;5:130–45. [42] Dellinger RP, Carlet JM, Masur H. Surviving Sepsis Campaign guide-
[25] Seehusen DA, Reeves MM, Fomin DA. Cerebrospinal fluid analysis. lines for management of severe sepsis and septic shock. Crit Care Med
Am Fam Physician 2003;68:1103–8. 2004;32:858–73.
[26] Hoen B, Viel JF, Paquot C, Gerard A, Canton P. Multivariate approach [43] Brouwer MC, van de Beek D, Heckenberg SG, Spanjaard L, de Gans
to differential diagnosis of acute meningitis. Eur J Clin Microbiol Infect J. Hyponatraemia in adults with community-acquired bacterial menin-
Dis 1995;14:267–74. gitis. QJM 2007;100:37–40.
[27] Viallon A, Pouzet V, Zeni F, Tardy B, Guyomarc’h S, Lambert C, et al. [44] Maconochie I, Baumer H, Stewart ME. Fluid therapy for acute bacterial
Rapid diagnosis of the type of meningitis (bacterial or viral) by the meningitis. Cochrane Database Syst Rev 2008;2:CD004786.
assay of serum procalcitonin. Presse Med 2000;29:584–8. [45] Van de Beek D, de Gans J, Spanjaard L, Weisfelt M, Reitsma JB,
[28] Kleine TO, Zwerenz P, Zofel P, Shiratori K. New and old diagnostic Vermeulen M. Clinical features and prognostic factors in adults with
markers of meningitis in cerebrospinal fluid (CSF). Brain Res Bull bacterial meningitis. N Engl J Med 2004;351:1849–59.
2003;61:287–97. [46] Ajdukiewicz KM, Cartwright KE, Scarborough M, et al. Glycerol
[29] Jereb M, Muzlovic I, Hojker S, Strle F. Predictive value of serum and adjuvant therapy in adults with bacterial meningitis in a high HIV sero-
cerebrospinal fluid procalcitonin levels for the diagnosis of bacterial prevalence setting in Malawi: a double-blind, randomised controlled
meningitis. Infection 2001;29:209–12. trial. Lancet Infect Dis 2011;11:293–300.
[30] Nigrovic LE, Kuppermann N, Malley R. Development and valida- [47] Peltola H, Roine I, Fernández J, Zavala I, Ayala SG, Mata AG, et al.
tion of a multivariable predictive model to distinguish bacterial from Adjuvant glycerol and/or dexamethasone to improve the outcomes
aseptic meningitis in children in the post-Haemophilus influenzae era. of childhood bacterial meningitis: a prospective, randomized, double-
Pediatrics 2002;110:712–9. blind, placebo-controlled trial. Clin Infect Dis 2007;45:1277–86.
[31] Nigrovic LE, Kuppermann N, Macias CG, Cannavino CR, Moro- [48] Peltola H, Singhi S, Roine I. Glycerol in meningitis should not be
Sutherland DM, Schremmer RD, et al. Clinical prediction rule for condemned so hastily. Lancet Infect Dis 2011;11:897–8.
identifying children with cerebrospinal fluid pleocytosis at very low [49] Odetola FO, Tilford JM, Davis MM. Variation in the use of intracranial-
risk of bacterial meningitis. JAMA 2007;297:52–60. pressure monitoring and mortality in critically ill children with
[32] Dubos F, Lamotte B, Bibi-Triki F. Clinical decision rules to dis- meningitis in the United States. Pediatrics 2006;117:1893–900.
tinguish between bacterial and aseptic meningitis. Arch Dis Child [50] Wang KW, Chang WN, Chang HW, Chuang YC, Tsai NW, Wang HC,
2006;91:647–50. et al. The significance of seizures and other predictive factors during
[33] Auburtin M, Wolff M, Charpentier J. Detrimental role of delayed the acute illness for the long-term outcome after bacterial meningitis.
antibiotic administration and penicillin-nonsusceptible strains in Seizure 2005;14:586–92.
adult intensive care unit patients with pneumococcal meningitis: [51] Instruction n◦ DGS/RI1/2011/33 du 27 janvier 2011 relative à la pro-
the PNEUMOREA prospective multicenter study. Crit Care Med phylaxie des infections invasives à méningocoque. http://www.sante.
2006;34:2758–65. gouv.fr/IMG/pdf/Instruction noDGS-RI1-2011-33 du 27 janvier
[34] Proulx N, Frechette D, Toye B, Chan J, Kravcik S. Delays in the admi- 2011 relative a la prophylaxie des infections invasives a
nistration of antibiotics are associated with mortality from adult acute meningocoque.pdf.
bacterial meningitis. QJM 2005;98:291–8. [52] Edmond K, Clark A, Korczak VS, Sanderson C, Griffiths UK, Rudan
[35] Carpenter CT, Kaiser AB. Purpura fulminans in pneumococcal sepsis: I. Global and regional risk of disabling sequelae from bacterial
case report and review. Scand J Infect Dis 1997;29:479–83. meningitis: a systematic review and meta-analysis. Lancet Infect Dis
[36] McIntyre PB, Macintyre CR, Gilmour R, Wang H. A population based 2010;10:317–28.
study of the impact of corticosteroid therapy and delayed diagnosis on [53] Van de Beek D, Schmand B, de Gans J, Weisfelt M, Vaessen H, Dan-
the outcome of childhood pneumococcal meningitis. Arch Dis Child kert J, et al. Cognitive impairment in adults with good recovery after
2005;90:391–6. bacterial meningitis. J Infect Dis 2002;186:1047–52.

X. Duval (xavier.duval@bch.aphp.fr).
Centre d’investigation clinique, Service des maladies infectieuses, Hôpital universitaire Bichat–Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
B. Mourvillier.
Service de réanimation infectieuse, Hôpital universitaire Bichat–Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
B. Hoen.
Service de maladies infectieuses et tropicales, dermatologie, médecine interne, Pointe-à-Pitre, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Duval X, Mourvillier B, Hoen B. Méningites bactériennes communautaires de l’adulte à l’exception des
méningites tuberculeuses. EMC - Maladies infectieuses 2015;12(1):1-10 [Article 8-003-A-61].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Maladies infectieuses


¶ 8-003-A-82

Infections et toxi-infections d’origine


alimentaire et hydrique. Orientation
diagnostique et conduite à tenir
F. Djossou, A. Martrenchar, D. Malvy

Les infections transmises à l’homme par les aliments persistent dans les pays industrialisés. L’importance
de leur maîtrise est justifiée, d’une part, par le coût des manifestations aiguës et, d’autre part, par celui de
la prise en charge des pathologies secondaires ou réactionnelles. Leur fréquence reste élevée malgré les
mesures de surveillance et de prévention prises au niveau de la production, de la distribution et de la
conservation des aliments. La contamination de ces aliments peut être le fait de la matière première
(animale ou végétale), d’une contamination par l’environnement, par l’homme ou par un autre aliment
(contamination croisée). Ces infections peuvent se manifester sous forme d’épidémies difficiles à
contrôler, et figurer au rang des maladies émergentes. Les actuelles endémies et flambées épidémiques
d’origine alimentaire sont un exemple de l’évolution des technologies. Elles ont en commun : le rôle de
l’industrialisation, l’ampleur des réseaux de distribution modernes souvent internationaux, le caractère
non prévu d’une faille survenant à un de ces niveaux ou à celui de la consommation, la vaste
dissémination des cas et l’absence ou la rareté des contaminations interhumaines sauf dans les crèches.
Le risque de maladie et surtout sa gravité sont en outre augmentés chez les personnes aux moyens de
défense altérés (sujet âgé ou immuno-incompétent, ou en situation d’hospitalisation en long séjour). La
définition de stratégies de prévention de leur transmission est nécessaire devant le coût humain et
financier qu’elles représentent. L’investigation épidémiologique et microbiologique des infections
alimentaires met en évidence le fait que certains aliments sont associés à une contamination plus
fréquente que d’autres. Le lien avec la consommation d’aliments dits « à risque » a surtout été
documenté à l’occasion de phénomènes épidémiques, en particulier de toxi-infections ou d’infections
collectives d’origine alimentaire ou hydrique. Le contrôle de ces infections reste un objectif prioritaire en
termes de sécurité alimentaire.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Toxi-infection d’origine alimentaire et hydrique ; Maladies émergentes ; Sécurité alimentaire ;
Investigation épidémiologique ; Pathologie réactionnelle ; Diarrhée ; Pathologie du voyageur

Plan ¶ Conduite à tenir devant une toxi-infection alimentaire


collective 13
¶ Généralités 1 Confirmer l’existence du foyer de toxi-infections alimentaires
Mécanismes 2 collectives et préciser le diagnostic 13
Déclarer la toxi-infection alimentaire collective 14
Déterminants épidémiologiques 2
Investigation d’une toxi-infection alimentaire collective 14
¶ Définition 3
¶ Conclusion 19
¶ Épidémiologie 4
Fréquence 4
Gravité 4
Sources et voies de transmission 4 ■ Généralités
¶ Physiopathologie 4
Les infections transmises à l’homme par les aliments sont, à
¶ Manifestations cliniques 4 l’aube du XXIe siècle, un problème de santé internationale. Elles
Toxi-infections alimentaires d’expression digestive prédominante 4 persistent dans les pays industrialisés comme dans les pays en
Toxi-infections alimentaires d’expression extradigestive développement, en émergence ou en transition sanitaire et
prédominante 8 économique [1].
Autres agents pathogènes 10 Leur fréquence, mieux connue grâce aux informations issues
des systèmes de surveillance active ou d’alerte épidémiologique
dans les pays développés, est élevée et fait apparaître leur
caractère ubiquitaire et quelquefois émergent. Elles peuvent
entrer dans un scénario de malveillance, voire de bioterrorisme.
L’importance de leur maîtrise est justifiée, d’une part, par le
coût des manifestations aiguës et, d’autre part, par celui de la

Maladies infectieuses 1
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

prise en charge des pathologies secondaires réactionnelles La matière première animale est impliquée pour Salmonella
associées. Leur coût peut être considérable pour la collectivité. (ovoproduits, viande de volailles, viande de bœuf hachée,
À titre d’exemple, celui des deux épidémies de trichinellose produits laitiers au lait cru, charcuterie), Campylobacter (volaille),
survenues en France en 1985 a été estimé entre 7 et 10 millions Listeria (fromages au lait cru et charcuterie), E. coli producteurs
de francs [2] (soit entre 1 et 1,5 million d’euros) ; le coût total de vérotoxine (viande de bœuf, fromages au lait cru) et dans la
annuel de l’encéphalite spongiforme bovine (ESB) s’élevait en trichinellose (viande de cheval, de porc ou de sanglier peu
2006 à 850 millions d’euros, soit 75 euros par bovin et 2 mil- cuite).
lions d’euros par cas positif. Une contamination de l’aliment par l’environnement ou
Enfin, ces morbidités peuvent être graves et associées à une l’homme est incriminée pour la contamination de coquillages
létalité élevée. Leur identification, leur contrôle et leur préven- bivalves filtreurs par calicivirus et virus de l’hépatite A. Shigella,
tion sont parfois difficiles dans la mesure où ils sont liés au S. typhi et Staphylococcus aureus peuvent être transmis par un
caractère repérable et à la traçabilité de l’aliment imputé par porteur de l’agent pathogène.
l’investigation épidémiologique. Par exemple, le repérage dans Les végétaux peuvent être impliqués pour Salmonella (graines
le temps et dans l’espace de l’aliment responsable devient et pousses d’alfalfa et de soja), pour Escherichia coli 0157:H7
tributaire du poids de l’internationalisation des transports des (radis au Japon), le virus de l’hépatite A et des parasites comme
denrées comme des voyages des individus concernés [3, 4]. Cyclospora (fraises, framboises). La contamination est réalisée
Leur impact a eu un effet d’émulation en matière de tentative lors de la production, de la récolte ou du conditionnement de
de réglementation européenne, malgré l’édiction du principe de l’aliment.
subsidiarité en matière de politique de santé au niveau de
chaque pays membre de l’Union. En outre, il demeure une Déterminants épidémiologiques
vacuité relative au niveau international sur les aspects régle-
mentaires concernant la sécurité alimentaire. Leur présentation épidémiologique révèle un grand dyna-
Au niveau national et en termes de recommandation, les misme, corollaire d’un contrôle difficile et d’un caractère
infections et toxi-infections d’origine alimentaire illustrent assez émergent (ou réémergent) [6]. Elle pose le défi de la salubrité des
bien le cadre et les limites de l’application du principe de aliments et plus généralement de la sécurité alimentaire,
précaution en matière de santé. L’exemple de la prise en compte déterminée par la fiabilité des modèles de production agricole,
des arguments présomptifs, de l’imputabilité et de la menace de de commercialisation et d’accès aux biens alimentaires [7].
l’émergence de l’encéphalopathie spongiforme bovine en termes Les infections transmises par les aliments peuvent s’exprimer
de sécurité alimentaire a été assez typique. par plusieurs présentations : cas sporadiques, cas groupés de
Ce document n’a pas l’ambition de traiter l’ensemble des toxi-infections collectives (au moins deux cas d’une même
facteurs étiopathogéniques relatifs à ces morbidités. Les élé- morbidité chez des sujets ayant partagé un même plat), ou
ments développés ici concernent les morbidités les plus fré- d’épidémies pouvant atteindre plusieurs centaines [8], voire des
quentes dans les pays à haut niveau de vie économique, ou milliers d’individus [9], selon l’importance de la distribution de
celles issues de la pathologie d’importation ainsi que les l’aliment.
connaissances récemment acquises en matière de prévention
propres aux aliments ou préparations culinaires à risque repéré Facteurs technologiques
et élevé et, surtout, les groupes d’individus les plus vulnérables Dans les pays industrialisés, les infections transmises à
parmi ceux exposés. l’homme par les aliments restent fréquentes malgré les mesures
Leur retentissement social et le cadre réglementaire les de surveillance prises au niveau de la production, de la distri-
concernant ne sont pas développés. Les modalités de ce dernier bution, de la conservation des aliments. Les modes de produc-
sont en évolution régulière et perdent rapidement de leur tion ont été industrialisés avec la distribution à large échelle de
actualité. produits qui ont des dates limites de consommation plus
La nosologie des morbidités décrites dans ce chapitre ne longues. Les situations actuelles quasi endémiques et les
concerne pas le cadre des manifestations cliniques associées aux flambées épidémiques d’origine alimentaire sont un exemple de
intoxications d’origine alimentaire par des agents chimiques l’évolution des technologies. Elles ont en commun le rôle de
(pesticides, toxiques divers). Ces pathologies relèvent de la l’industrialisation, l’ampleur des réseaux de distribution
toxicologie alimentaire stricto sensu et non de la rubrique des moderne souvent internationaux, le caractère non prévu ou
maladies infectieuses. Quelques exemples sont rappelés dans les repéré d’une faille survenant à un de ces niveaux ou à celui de
tableaux synoptiques, en raison de leur actualité, de leur la consommation, la vaste dispersion des cas et la rareté des
distribution, de leur gravité et de la responsabilité de l’homme contaminations interhumaines.
dans leur survenue : rôle des orpailleurs en Afrique australe ou Les épidémies en particulier nord-américaines de diarrhées
au Brésil et intoxication mercurielle (syndrome de Minamata) hémorragiques dues au colibacille bovin 0157:H7 [10], la listé-
par consommation de poisson d’eau douce, paraparésie spasti- riose et les salmonelloses, qui impliquent toutes trois un
que et consommation de manioc (konso), syndrome de Budd- réservoir animal, en sont des exemples.
Chiari et intoxication par Senecio, Crotalaria (huile de croton), Ces épidémies peuvent atteindre l’ensemble d’un pays ou
maladie veino-occlusive de la Jamaïque. avoir une propagation intercontinentale du fait soit d’une
contamination d’un produit au niveau d’une unité de produc-
Mécanismes tion (fromage au lait cru, charcuterie), soit d’une filière de
De nombreux agents infectieux bactériens, viraux, parasitaires production toute entière (Salmonella enteritidis et filière ponte et
et non conventionnels peuvent être transmis par les aliments. poulet de chair). Elles diffusent internationalement au gré de
Les infections bactériennes sont le fait de l’action pathogène de la circulation des aliments (épidémie de trichinellose liée
la bactérie ingérée (Salmonella, Campylobacter, Listeria, Yersinia à l’importation de viande de cheval contaminée, salmonel-
enterocolitica, Escherichia coli entéropathogène ou producteur de loses) [3].
vérotoxines, Shigella) ou de l’action de toxines préformées
sécrétées dans l’aliment véhicule (Staphylococcus aureus, Bacillus Facteurs sociaux et comportementaux
cereus, Clostridium perfringens). Dans les pays industrialisés, les habitudes alimentaires se sont
Les principaux virus transmissibles par les aliments sont les modifiées, avec en particulier l’adoption et l’augmentation de la
calicivirus et le virus de l’hépatite A [5], même si la part de la consommation d’aliments peu cuits ou crus (fruits de mer) [11,
transmission interhumaine est notoire dans ce cadre. En Europe, 12]. Les consommateurs sont demandeurs de produits transfor-

une parasitose fréquente est la trichinellose [3]. més le moins possible, à longue conservation. L’investigation
La contamination de ces aliments peut être le fait de la épidémiologique et microbiologique des infections alimentaires
matière première (animale ou végétale), d’une contamination met en évidence le fait que certains aliments sont associés à une
par l’environnement, l’homme ou un autre aliment (contami- contamination plus fréquente que d’autres, et par conséquent à
nation croisée). un risque accru de survenue de pathologie. Ces aliments dits « à

2 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

risque » sont ceux à base de produits crus (lait cru, dérivés et sont pas efficaces à cœur. Dans les pays en développement, la
fromage au lait cru) ou consommés crus (fruits de mer, œuf cru, dégradation des systèmes d’assainissement et de l’environne-
mayonnaise, mousse au chocolat) ou peu cuits (viande peu ment humain immédiat représentent un défi notable : accès
cuite). Les affres du développement du recours aux préparations aux ressources en eau douce, migration massive des zones
issues de la restauration rapide en illustrent l’exemple. Au cours rurales, urbanisation non planifiée [19-22].
des années 2000-2001, les hamburgers à base de viande de bœuf
ont été à l’origine de trois épidémies récentes de salmonelloses Facteurs individuels
rapportées en Europe. Aux États-Unis d’Amérique dans l’Ohio,
l’ajout d’oignons verts a été associé à un risque supplémentaire Une proportion de plus en plus élevée de la population vit
de contamination par le virus de l’hépatite A [5]. Les consom- avec un niveau de résistance diminuée aux infections. Le risque
mateurs de sandwichs au thon seraient de plus en plus exposés de maladie et surtout sa gravité sont augmentés chez les
au choc à l’histamine : en deux ans en Caroline du Nord le personnes aux moyens de défense altérés vis-à-vis des processus
nombre d’intoxications à l’histamine liées à la consommation infectieux, qu’il s’agisse de la personne âgée, du sujet immuno-
de tuna burgers a été multiplié par dix [13]. L’objectif d’un risque incompétent (atteint d’immunodépression, de pathologie
nul dans les conditions épidémiologiques actuelles est illusoire. maligne, de cirrhose hépatique et transplanté) [23] ou en
situation d’achlorhydrie gastrique (comme au cours de l’infec-
Paradoxalement, la société accorde de plus en plus d’impor-
tion par le virus de l’immunodéficience humaine [VIH] ou de
tance à ces morbidités. Elle rappelle son aversion ou son niveau
l’exposition à certains médicaments [anti-inflammatoires non
de tolérance des plus bas – classique et historique – pour le
stéroïdiens, anti-H2]).
concept du risque épidémique, relayés par une forte médiatisa-
Si les efforts notables de l’hygiène alimentaire ont permis de
tion. Constatant la récente et fréquente substitution du terme
réduire la proportion d’aliments contaminés et le niveau moyen
« épidémie » par celui de « cas groupés » en termes de commu-
de contamination (dose infectieuse) tel que cela est bien
nication, des sociologues ont même qualifié certains aspects de
documenté pour Listeria monocytogenes [24], on a assisté simulta-
la médiatisation relative aux épidémies de listériose des années
nément à une augmentation des populations vulnérables pour
passées de « hystériose ».
un niveau bas de contamination. La prolongation des dates
Dans la recherche d’indicateurs de risque fiables, une démar-
limites de consommation peut, malgré le niveau très faible de
che d’évaluation du risque, proche de celle conduite pour les
contamination à la sortie des chaînes de production (qui peut
risques environnementaux est à développer. Elle suppose
être inférieure à la limite de détection), aboutir, au terme de
l’utilisation de modèles probabilistes permettant d’extrapoler les cette date, à une dose infectieuse suffisante lors de la consom-
doses élevées de contamination aux doses basses, afin d’estimer mation des ménages, surtout si l’aliment est consommé par des
une valeur seuil de l’indicateur au-dessus duquel le niveau de personnes fragilisées [25].
probabilité de survenue de maladie est jugé inacceptable. Cette
approche a, à terme, l’ambition de proposer des normes sur la
base de critères sanitaires définis a priori comme acceptables [14]. Facteurs microbiologiques
Cette approche suppose néanmoins que la notion de risque Certains agents infectieux transmis à l’homme par l’alimen-
alimentaire, non consenti a priori, soit acceptée socialement. Ce tation (en particulier par des produits animaux) ou la consom-
risque alimentaire résiduel est à mettre en balance avec le plaisir mation de lait non pasteurisé ont acquis une résistance aux
« gastronomique, hédonique » que procure la consommation antibiotiques chez l’animal. Cette résistance est due à la
d’un produit cru qui ne peut offrir un risque zéro et toutes les pression antibiotique issue soit de l’usage thérapeutique en
garanties de « stérilité » [15, 16]. santé animale (fluoroquinolones, macrolides), soit de celui,
En outre, le tourisme de masse et la multiplication des théoriquement prohibé, des promoteurs de croissance. Sur les
voyages transcontinentaux pour raisons touristiques ou profes- 10 000 tonnes d’antibiotiques commercialisés par an en Europe,
sionnelles contribuent à la propagation des agents pathogènes environ la moitié est destinée à la médecine vétérinaire. Mille
et rendent la traçabilité de l’aliment responsable des plus six cents tonnes environ seraient encore utilisées à titre de
difficiles. Dans cette situation, les infections d’origine alimen- « promoteurs de croissance », mélangées en quantités infinitési-
taire sont de véritables pathologies d’importation [17]. males à l’alimentation des animaux. Cette dernière partie n’est
Dans le cadre du risque tributaire de la globalisation des pas retrouvée dans l’alimentation, car les quantités employées
échanges et déplacements internationaux, la mondialisation est sont faibles et qu’il est obligatoire de respecter un délai de
également associée à une modification des circuits d’approvi- « wash out » avant l’abattage. Néanmoins, nombre d’aliments
sionnement des denrées alimentaires, rendant compte d’une issus de ces techniques d’élevage peuvent être colonisés par des
augmentation du risque de transmission d’agents pathogènes entérocoques résistants aux antibiotiques [8, 26] . Ces agents
des pays producteurs vers les pays consommateurs de denrées posent d’importants problèmes de contrôle et de thérapeutique
alimentaires. Dans ce contexte, l’appétence des populations des chez l’homme. C’est le cas de Salmonella typhimurium DT
pays à haut niveau de vie économique pour la consommation 104 [27] et de la résistance de Campylobacter jejuni aux
tout au long de l’année d’une grande variété de fruits et de fluoroquinolones [28].
légumes est associée à la nécessité de leur importation des pays De nouveaux agents infectieux ont émergé [29]. Un exemple
du Sud, faute de pouvoir les produire en permanence au Nord. d’actualité en a été fourni par la relation entre la transmission
Parmi les aliments importés légalement, ceux consommés du prion de l’épizootie d’encéphalopathie spongiforme bovine
après cuisson ne présentent pas de risque particulier, même si et le néovariant de la maladie de Creutzfeld-Jacob [30-36].
des contaminations croisées de produits crus (par exemple,
crevettes importées d’Asie du Sud-Est et contaminées par des
salmonelles) sont possibles. Les aliments importés consommés ■ Définition
crus exposent à un risque spécifique (par exemple : poissons
crus, fruits de mer, fruits et légumes). Ainsi, la consommation Les toxi-infections alimentaires collectives (TIAC) sont
de salades importées a été associée à une épidémie d’infection fréquentes et parfois graves. Elles représentent un véritable
à Shigella sonnei et d’hépatite A, survenues en 1994 au Royaume- problème de santé publique et sont, de ce fait, incluses parmi
Uni et en Scandinavie [18]. les maladies transmissibles à déclaration obligatoire. Un foyer de
Les aliments issus de l’importation clandestine sont à risque TIAC est défini par l’apparition d’au moins deux cas d’une
élevé. Ces importations peuvent concerner l’approvisionne- symptomatologie, en général digestive, dont on peut rapporter
ment illégal de restaurants ainsi que la consommation la cause à une même origine alimentaire. La surveillance, le
familiale de produits rapportés lors de voyages à l’étranger. contrôle et la prévention des TIAC nécessitent une collaboration
Parmi les aliments incriminés figurent les viandes de brousse étroite entre les médecins, les vétérinaires, les épidémiologistes
salées, fumées ou boucanées, et consommées en brochettes ou et les professionnels de la restauration collective et du secteur
en grillades. Ces procédés de conservation par la fumée ne agroalimentaire.

Maladies infectieuses 3
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

■ Épidémiologie Sources et voies de transmission


Les TIAC survenues en restauration collective représentent
Le terme de toxi-infection alimentaire, ancien, est consacré
70 % des foyers, dont un tiers en milieu scolaire.
par l’usage. Il constitue un vaste cadre nosologique comprenant
Un aliment est suspecté ou confirmé dans 80 % des foyers.
des infections pures (envahissement muqueux), des intoxica-
Les viandes et notamment les volailles, ainsi que les aliments
tions pures, des maladies associant envahissement et
préparés à base d’œufs sont les principaux véhicules des germes
toxinogenèse.
des TIAC.
Le non-respect de la chaîne du froid, les erreurs dans le
Fréquence processus de préparation des aliments et un délai trop impor-
tant entre la préparation et la consommation représentent les
Les trois micro-organismes principalement en cause sont
principaux facteurs favorisant la survenue d’une TIAC.
successivement : Salmonella spp. (enteritidis et typhimurium) [37],
Bien que la surveillance épidémiologique des TIAC se soit
Staphylococcus aureus et Clostridium perfringens. En outre, Escheri-
améliorée, il faut savoir que les informations épidémiologiques
chia coli 0157:H7, Campylobacter et Shigella sonnei [38] ont pu être
disponibles sont probablement sous-estimées et partiellement
la cause d’épidémies, comme au sein de l’espèce Salmonella les
biaisées en raison d’une insuffisance de déclaration des foyers de
sérotypes Salmonella paratyphi B et Salmonella virchow, responsa-
TIAC.
bles de phénomènes épidémiques à la fin de l’été 1993.
Les TIAC survenant en milieu familial sont en large part dues
à S. enterica enteritidis et génèrent relativement peu de malades.
En milieu scolaire, elles sont dues principalement à C. perfrin-
■ Physiopathologie
gens et S. aureus et touchent un nombre de personnes beaucoup Trois mécanismes principaux sont responsables de l’activité
plus important. pathogène des agents responsables des TIAC :
Pour la période de 1996 à 2005 en France, 5 487 foyers de • action invasive par colonisation ou ulcération de la
TIAC ont été déclarés. Un total de 80 351 malades a été muqueuse intestinale avec inflammation. La localisation est
rapporté, rendant compte de 7 364 hospitalisations et 45 décès. habituellement iléocolique et la destruction villositaire
Après une augmentation de près de 70 % entre 1995 et 1998, importante. La présentation est celle d’un syndrome dysenté-
le nombre de TIAC déclarées reste stable dans le temps. rique. Les selles sont glaireuses, riches en polynucléaires,
On estime en fait que le nombre moyen annuel d’infections parfois sanglantes ;
d’origine alimentaire est beaucoup plus élevé : de 240 000 à • action cytotoxique avec production d’une toxine protéique
270 000 cas documentés avec un agent infectieux identifié. La entraînant une destruction cellulaire ;
majorité de ces cas sont bénins. • action entérotoxinogène, entraînant une stimulation de la
L’espèce Salmonella est à l’origine des foyers les plus nombreux sécrétion liquidienne. La toxine, libérée par certaines bactéries
(64 % des foyers pour lesquels une origine a été identifiée) et les au sein même de l’aliment, est responsable du tableau
plus graves, même si la part dévolue à l’espèce diminue. Le clinique, la multiplication bactérienne intra-intestinale étant
sérotype prédominant était enteritidis [39, 40]. Ainsi, les foyers soit absente, soit tout à fait secondaire. Il n’y a pas de
comportant les cas les plus graves sont largement tributaires de destruction cellulaire ou villositaire. La diarrhée est aqueuse,
l’infection par l’espèce Salmonella, avec un nombre de cas annuel il n’y a pas de leucocytes, ni de sang dans les selles. La fièvre
allant de 30 à 40 000, un nombre d’hospitalisations de 6 000 à est absente ou modérée. Le risque de déshydratation aiguë est
10 000 et un nombre de décès de 100 à 500. Les salmonelloses élevé. La diarrhée cesse en 3 à 5 jours, dès que la population
seraient à l’origine de 56 % des cas hospitalisés et de 40 % à 77 % entérocytaire s’est restaurée ou a retrouvé une fonction
des cas d’évolution létale [40, 41] . Ces estimations sont très normale.
inférieures à celles issues des études conduites aux États-Unis Il est important d’avoir une vue d’ensemble sur les différents
d’Amérique (76 millions de cas annuels) et en Grande-Bretagne agents susceptibles de provoquer une TIAC, leur réservoir et leur
(2 300 000 cas annuels) qui incluaient les cas de gastroentérite mécanisme de pathogénicité (ou aspects physiopathologiques)
sans agent infectieux identifié [42, 43]. (Tableau 1).
La diminution significative de 20 % à 30 % du nombre de cas
de salmonelloses a été observée à partir de 1998. Ce phénomène
est à mettre en relation avec la mise en place de la réglementa- ■ Manifestations cliniques
tion nationale, issue des textes européens, sur la maîtrise des
infections à Salmonella enteritidis et typhimurium dans la filière Symptomatologies et facteurs de contamination selon les
poule pondeuse en France [39]. Cette évolution devrait s’ampli- germes responsables sont réunis dans les Tableaux 2 et 3.
fier puisque le cadre des infections en rapport avec les sérotypes
enteritidis et typhimurium, faisant l’objet des arrêtés ministériels Toxi-infections alimentaires d’expression
du 26 octobre 1998, a été élargi à celui des infections par les digestive prédominante
sérotypes hadrar, virchow et infantis, dans les arrêtés du 15 mars
2007. Désormais, la recherche de ces cinq sérotypes est obliga- Micro-organismes ayant une action invasive
toire, par analyses de chiffonnettes appliquées au sein des
bâtiments, dans tous les élevages de troupeaux de reproducteurs Salmonella
de poules pondeuses. Tout élevage repéré positif fait l’objet de Les Salmonella non typhiques sont les bactéries les plus
l’application de mesures d’assainissement permettant d’éviter la fréquemment en cause dans les toxi-infections alimentaires [9,
production d’œufs potentiellement contaminés. De plus, la 44, 45]. La dose infectante doit être supérieure aux capacités de

vaccination des poulettes avec des vaccins inactivés permet de défense du tube digestif et l’on admet que la dose minimale
réduire significativement l’excrétion fécale chez des poules infectante est généralement supérieure ou égale à 105 bactéries.
contaminées en période de production. Le clone Salmonella typhimurium DT 104 est responsable de
nombreux cas d’infection humaine par la consommation de
Gravité viande peu cuite (bœuf cru, porc, volailles), voire de légumes
crus ou de produits de la mer. L’infection est caractérisée par un
La gravité des cas est estimée à partir du taux d’hospitalisa- taux de mortalité élevé (3 % versus 0,1 % pour les autres
tion des malades qui est globalement de 10 %, et du taux de Salmonella spp.) et une multirésistance à de nombreux antibio-
mortalité, d’environ 0,5 % des malades. tiques [27]. Cette résistance semble avoir émergé à la suite de
Dans la population vulnérable définie à haut risque indivi- l’usage anarchique en médecine vétérinaire de certains antibio-
duel (cf. supra), la mortalité due aux épisodes diarrhéiques est tiques, en particulier des quinolones. Des cas groupés de
de 11 % pour les sujets d’âge inférieur à 5 ans, de 27 % entre salmonelloses multirésistantes sont également retrouvés en
55 et 74 ans, de 50 % au-delà de 75 ans. situation de développement [46].

4 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

Tableau 1.
Principales causes de gastroentérites et toxi-infections alimentaires.
Symptômes Durée de l’incubation (heures) Agents possibles
Nausées, vomissements 6 Toxines thermostables diffusées dans l’alimentation par
S. aureus, Bacillus cereus, métaux lourds

Diarrhée liquide cholériforme 6-72 C. perfringens A, Bacillus cereus


E. coli entérotoxinogènes
Vibrio cholerae, Giardia lamblia

Entérocolite inflammatoire 10-72 Salmonella, Shigella, Campylobacter jejuni,


Vibrio parahaemolyticus, Aeromonas, E. coli entéro-invasifs,
Yersinia

Troubles neurologiques de la sensibilité ou motricité – Scombrotoxine histamine-like : neurotoxines des Dinoflagellae ;


sans troubles digestifs, suggérant le botulisme, glutamate Na (syndrome du restaurant chinois), solanine,
l’intoxication par coquillages ou poissons crus, champignons vénéneux, pesticides
produits chimiques

Tableau 2.
Toxi-infections alimentaires collectives à symptomatologie digestive.
Germe responsable Durée d’incubation Signes cliniques Facteurs de la contamination
Salmonella 12-24 heures Diarrhée aiguë fébrile (39-40 °C) Aliments peu ou pas cuits : viande, volailles, œufs,
fruits de mer
Restauration familiale ou commerciale

Staphylococcus aureus 2-4 heures Vomissements, douleurs abdominales, Laits et dérivés


diarrhées sans fièvre Plats cuisinés la veille du repas
Réfrigération insuffisante
Porteurs sains ou staphylococcie cutanée

Clostridium perfringens 8-24 heures Diarrhée isolée sans fièvre Plats cuisinés la veille
Réfrigération insuffisante
Restauration collective

Shigella 48-72 heures Diarrhée aiguë fébrile Aliments peu ou pas cuits

Tableau 3.
Toxi-infections alimentaires collectives à symptomatologie neurologique ou vasomotrice.
Germe responsable Durée d’incubation Signes cliniques Facteurs de la contamination
Clostridium botulinum 6-72 h Débuts : troubles digestifs banals, sans fièvre Viande de porc (préparation artisanale)
(surtout toxine de type B) État : Conserves familiales mal stérilisées
– troubles oculaires : diplopie, mydriase, troubles
de l’accommodation
– troubles de la déglutition, voix nasonnée : paralysie
vélopalatine
– sécheresse des muqueuses
– paralysie respiratoire et des membres

Intoxication histaminique 10 min-1 heure Troubles vasomoteurs : érythème de la face et du cou, Poissons mal conservés (surtout thon)
céphalées, bouffées de chaleur, urticaire

Leur réservoir est très large et s’étend à tout le monde animal. compliquer de septicémies ou de localisations secondaires
Les aliments les plus fréquemment mis en cause sont les œufs extradigestives qui font la gravité de la maladie, ou être
(S. enteritidis), la viande, plus particulièrement la volaille, et les responsables d’arthrites réactionnelles. Les signes vont durer
produits laitiers. L’aliment contaminant doit être consommé cru spontanément 2 à 3 jours pour disparaître rapidement.
ou peu cuit. Salmonella enteritidis est un sérotype émergent au Le diagnostic est confirmé par les hémocultures et plus
début des années 1990. Il peut contaminer le contenu des œufs habituellement par la coproculture qui identifiera la souche.
au cours de leur formation dans l’oviducte et plus souvent la L’antibiothérapie ne modifie pas l’évolution clinique et peut
surface de la coquille lors de la ponte. Il a diffusé dans le au contraire contribuer à prolonger le portage de la souche. Elle
monde entier à la faveur d’une intensification de l’élevage n’est donc pas indiquée en règle générale, sauf chez le sujet
industriel et du commerce international des volailles [47]. Le présentant un déficit immunitaire, chez le jeune enfant, chez la
sérotype typhimurium a émergé au cours des années 1990 et s’est personne âgée, chez le sujet porteur d’une prothèse vasculaire
répandu dans de nombreux pays du Nord grâce au commerce ou articulaire, chez le drépanocytaire et enfin dans les formes
de bétail. cliniques avec bactériémie, manifestations systémiques ou au
La durée d’incubation est de 12 à 36 heures. cours des formes sévères avec altération de l’état général. Les
Cliniquement, les salmonelloses se manifestent par une antibiotiques utilisés sont l’amoxicilline, voire le cotrimoxazole,
diarrhée fébrile accompagnée de vomissements et de douleurs les fluoroquinolones ou les céphalosporines de 3e génération
abdominales. Elles peuvent entraîner des bactériémies et se (ceftriaxone), pour une durée de 5 jours.

Maladies infectieuses 5
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

Shigella de la lamina propria, perte de la bordure en brosse, vacuolisa-


Shigella est plus rarement responsable de foyers d’origine tion focale. La répartition est mondiale (Amérique centrale et du
alimentaire [38]. Ce sont des entérobactéries comprenant quatre Sud, Caraïbes, Afrique, Sud-Est asiatique, Australie, Grande-
espèces différentes dont Shigella sonnei. Les cas groupés et Bretagne, Europe de l’Est) et les cas sont diagnostiqués essen-
épidémies surviennent habituellement en collectivité et tou- tiellement en pathologie d’importation chez le touriste ou
chent préférentiellement les jeunes enfants. Elles sont fréquen- l’expatrié [7, 17]. Les infections présentent un caractère saisonnier
tes en pathologie d’importation [17]. très marqué : au Pérou entre décembre et juillet, aux États-Unis
Leur réservoir est essentiellement humain et donc la trans- d’Amérique entre mai et juillet, au Népal entre mai et août. La
mission est habituellement interhumaine et la voie de contami- transmission semble être de type orofécal, directe ou indirecte.
nation féco-orale. Cependant, la dose minimale infectante est L’eau joue probablement un rôle important dans la transmis-
très faible et favorise la transmission indirecte par l’alimentation sion. La consommation de fruits rouges importés a été égale-
et par l’eau. ment incriminée. Des oocystes de Cyclospora ont été retrouvés
La durée d’incubation est de 1 à 3 jours. dans l’eau d’alimentation à l’occasion de plusieurs épidémies, en
Cliniquement, les shigelles provoquent classiquement un particulier lors d’une épidémie survenue parmi les médecins
syndrome dysentérique (coliques, selles sanglantes et purulen- d’un hôpital à Chicago (20 malades, contamination d’un
tes) accompagné de fièvre et de vomissements. Le diagnostic est réservoir). Les techniques de désinfection chimique de
réalisé par la coproculture sur des selles fraîchement émises. l’eau semblent inefficaces sur la vitalité des spores [48] . En
Le traitement antibiotique réduit la durée de la maladie. Il revanche, celles-ci sont sensibles à la chaleur et au froid
fait appel à l’amoxicilline, aux fluoroquinolones, voire au (température de + 80 °C ou de - 20 °C). Le seul traitement
cotrimoxazole pour une durée de 5 jours. efficace est l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole, que
ce soit chez l’immunocompétent ou chez les patients VIH,
Campylobacter administrée à la posologie respective de 160 mg/800 mg deux
Les Campylobacter représentent la deuxième cause d’hospita- fois par jour pendant 7 à 10 jours.
lisation en contexte de TIAC après les salmonelles. Entre 2 500 Yersinia enterocolitica
et 3 500 personnes seraient hospitalisées chaque année [41].
Malheureusement, les laboratoires continuent à ne rechercher Yersinia enterocolitica est une cause fréquente de diarrhée. Ce
ces agents que trop rarement. sont des bactéries qui se développent bien au froid (+ 4 °C) et
Leur réservoir est animal. La transmission peut se faire peuvent donc être à l’origine de toxi-infections alimentaires
directement lors de contacts avec des animaux domestiques même lorsque les conditions de réfrigération et de chaîne du
infectés ; les volailles, le lait non pasteurisé et l’eau sont les froid ont été correctement respectées.
vecteurs les plus fréquents d’infections d’origine alimentaire. Leur réservoir est surtout représenté par les animaux d’éle-
C. jejuni est fréquemment isolé chez les poulets et C. coli dans vage. Les aliments contaminés sont variés : porc, volailles, eau.
la viande de porc. Le commerce international des volailles est La durée d’incubation est de 3 à 7 jours.
considéré comme la principale cause de diffusion de la bactérie. Cliniquement, la symptomatologie varie avec l’âge : diarrhée
Les cas sont souvent en rapport avec la consommation de fébrile chez le jeune enfant, elle peut être accompagnée chez
brochettes mal cuites et préparées par barbecue. l’adulte d’érythème noueux, d’arthrite ou de foyers osseux. Elle
La durée d’incubation est de 2 à 5 jours. est souvent responsable d’arthrite réactionnelle. Chez l’adoles-
Cliniquement, C. jejuni provoque un tableau proche des cent, une adénite mésentérique peut donner un tableau
salmonelloses. Les bactériémies sont rares. Un portage prolongé pseudoappendiculaire.
pendant plusieurs semaines est fréquemment observé après la Le sérodiagnostic prend tout son intérêt dans les formes
phase clinique qui dure en moyenne 4 jours. Le traitement fait d’expression tardive extradigestive.
appel à l’érythrocine pour une durée de 7 à 10 jours. La Le traitement antibiotique est réservé aux formes sévères avec
survenue d’arthrite réactionnelle est rapportée. De plus, il existe bactériémie et fait appel aux fluoroquinolones systémiques ou
des éléments liant C. jejuni et le syndrome de Guillain-Barré. Le aux macrolides.
risque atteindrait 1/1 058 pour les infections par le sérotype
Virus des diarrhées
019. Le caractère réactionnel semble lié à une parenté antigéni-
que entre les structures du ganglioside humain et celles du Certains virus comme les rotavirus peuvent donner lieu à des
lipopolysaccharide (LPS) de Campylobacter. infections collectives d’origine hydrique.
L’agent en cause est un virus résistant qui peut persister dans
Cyclospora cayetanensis
l’eau. Les enfants et les adolescents sont beaucoup plus souvent
Sur le plan taxonomique, Cyclospora est une microsporidie atteints que les adultes (immunisation).
placée dans le sous-phylum Apicomplexa, la sous-classe Coccidia- La diarrhée est souvent sévère avec fièvre élevée, les selles
sina, l’ordre des Eucoccidiorida, la famille des Eimeriidae. Les sont volontiers hémorragiques.
études phylogénétiques ont montré que Cyclospora est étroite-
ment affilié aux parasites du genre Eimeria. Le cycle de ce Calicivirus
parasite est encore incomplètement connu. Sa pathogénicité Les calicivirus ou le virus Norwalk-like sont des agents très
n’est reconnue que depuis 1990. fréquents d’infection d’origine alimentaire. Ils s’expriment par
L’homme semble en être le seul hôte ; les formes sexuées et un tableau gastro-intestinal avec vomissements et parfois
asexuées ont en effet été observées dans la partie luminale des diarrhées. Une transmission interhumaine semble prédominante
cellules épithéliales jéjunales. (péril fécal, transmission manuportée au moment de la prépa-
Cliniquement, l’infection se manifeste le plus souvent par ration des plats). En outre, plusieurs épidémies liées à la
une diarrhée aqueuse accompagnée de nausées, d’anorexie, consommation de fruits rouges importés ont été notifiées depuis
d’asthénie, d’un amaigrissement et de crampes abdominales, la fin des années 1990. Les virus sont dispersés dans l’environ-
parfois par une diarrhée hémorragique avec ténesmes. À nement et contaminent l’eau et certains fruits et légumes (par
l’examen clinique, la plexalgie cœliaque est habituelle. Le début arrosage de cultures avec une eau contaminée).
est généralement aigu (68 %) ou progressif (32 %), avec une
persistance des symptômes pendant une moyenne de 7 semai- Micro-organismes ayant une action cytotoxique
nes. Les mécanismes de la pathogenèse et de la virulence sont
encore à définir. Cependant, l’altération de l’absorption du Vibrio parahaemolyticus n’est pas une cause très fréquente de
D-xylose est probablement liée à une atteinte de l’intestin grêle. TIAC dans nos régions. C’est un vibrion halophile (eau salée)
L’endoscopie digestive révèle le plus souvent un érythème qui nécessite un climat tempéré pour se développer.
modéré de la partie distale du duodénum. Les biopsies mettent Son réservoir habituel est l’eau de mer tiède et la contamina-
en évidence des anomalies très diverses : suffusion hémorragi- tion se produit par la consommation de poissons ou de fruits
que, atrophie ou hyperplasie cryptique, inflammation modérée de mer crus ou insuffisamment cuits [12, 23].

6 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

La durée d’incubation est habituellement de 12 à 24 heures. La durée d’incubation est de 1 à 6 heures lorsque les vomis-
Cliniquement, l’infection se manifeste par des douleurs sements prédominent, ou bien de 6 à 16 heures lorsqu’il s’agit
abdominales et une diarrhée aqueuse. de diarrhée.
De 1998 à 2005, le Centre national de référence (CNR) des Cliniquement, deux ordres de manifestations peuvent être
vibrions et du choléra a recensé 85 cas graves dus à des vibrions observés : l’un proche de l’intoxination staphylococcique,
non cholériques dont 13 étaient dus à Vibrio parahaemolyticus. l’autre proche de l’intoxination par C. perfringens.
Dans la majorité des cas, une consommation de produits de la
mer était rapportée et la présentation clinique rendait compte Escherichia coli entérotoxinogènes
d’une gastroentérite avec évolution favorable. Un cas, qui n’a Les Escherichia coli entérotoxinogènes sont responsables d’une
pu être relié à la consommation de produits de la mer, a été diarrhée très liquide et sont rencontrés surtout en pays tropical
associé à un choc septique d’évolution fatale. ou concernent, en pathologie d’importation, le voyageur
(turista) [17]. Ils sont transmis par l’eau. Les enfants autochtones,
Micro-organismes ayant une action quant à eux, sont contaminés surtout de façon interhumaine.
entérotoxinogène
Escherichia coli hémorragiques
La toxinogenèse peut avoir lieu dans l’aliment (Staphylococcus
Les Escherichia coli hémorragiques sont surtout rencontrés en
aureus, Bacillus cereus, Clostridium botulinum) ou bien dans la
Amérique du Nord et au Japon et provoquent des épidémies de
lumière intestinale (Clostridium perfringens).
diarrhée aqueuse et hémorragique, parfois d’origine alimentaire.
Staphylococcus aureus Les infections à E. coli producteurs de vérotoxines sont en
recrudescence dans les pays anglo-saxons et en Italie. Ces
Staphylococcus aureus est une cause fréquemment reconnue de
souches sont responsables de pathologies graves comme le
TIAC, facilement diagnostiquée par la brutalité d’installation et
syndrome hémolytique et urémique (SHU) dans 3 % à 5 % des
l’intensité de la symptomatologie.
cas et le purpura thrombotique thrombocytopénique. Le SHU
Son réservoir est habituellement humain et la contamination
est la principale cause d’insuffisance rénale aiguë chez l’enfant
des aliments se fait lors de leur préparation par un porteur sain
de moins de 3 ans. Les souches productrices de shigatoxines
(portage rhinopharyngé) ou présentant une plaie infectée par
Staphylococcus aureus du groupe phagique III et IV (furoncles, (shiga toxine Escherichia coli – STEC) considérées comme patho-
panaris). L’entérotoxine thermostable est produite au sein de gènes sont les souches appartenant au sérotype O157:H7 et aux
l’aliment et c’est uniquement cette toxine et non le staphylo- sérogroupes O26, O103, O111 ou O145 présentant les gènes de
coque qui est responsable des manifestations. Les infections virulence stx1 et/ou stx2, et eae.
staphylococciques sont plus fréquemment associées à la Chaque année, entre 70 et 100 enfants atteints de TIAC avec
consommation de produits laitiers (fromages, lait, crèmes SHU sont déclarés à l’Institut de veille sanitaire et près du tiers
glacées) ou de plats ayant subi des manipulations importantes garde des lésions rénales nécessitant une prise en charge
(salades composées, viandes séchées). Le staphylocoque est un spécifique. En 2005, deux épisodes groupés dans le temps ont
agent pathogène halophile (croissance possible en milieu salé). conduit à suspecter une unité de production de steak haché
La durée d’incubation est de 2 à 4 heures. dans le premier cas (18 cas de SHU) et de fromage au lait cru
Cliniquement, les signes dominants sont des nausées, vomis- dans le second (14 cas de SHU) [49]. En fait, l’estimation du
sements et des douleurs abdominales, parfois accompagnés de nombre de cas annuels de SHU d’origine alimentaire est de 370
diarrhée liquide profuse et plus rarement d’un choc hypovolé- à 750 cas, avec 110 à 220 hospitalisations [41].
mique. La température est habituellement normale. Le risque de Les E. coli entéro-hémorragiques avec le sérotype
déshydratation, voire de collapsus existe. Cette gastroentérite est O157:H7 ont été individualisés aux États-Unis d’Amérique au
d’évolution rapidement et spontanément favorable. La copro- début des années 1980, à l’occasion de spectaculaires épidémies
culture n’a pas d’intérêt diagnostique. de colite hémorragique liées à la consommation de hamburgers.
L’antibiothérapie n’est pas indiquée. Les produits d’origine bovine sont les principaux aliments en
cause. Dans un certain nombre de cas, l’homme se contamine
Clostridium perfringens par ingestion de viande de bœuf insuffisamment cuite préparée
Clostridium perfringens est fréquemment en cause en restaura- sous forme de « hamburger ». Les principaux éléments qui en
tion collective lorsque les règles de conservation des aliments font un aliment à risque sont bien connus. La bactérie est
après la cuisson n’ont pas été respectées. La moitié des cas commensale de la flore digestive des bovins. Elle est présente
environ est due à des aliments mixés, le plus souvent viandes dans les intestins d’environ 1 % du bétail sain, un peu plus
en sauce ou plats composé ; 95 % des cas sont liés à des chez les tout jeunes animaux. La viande est contaminée par les
produits cuits. fèces des animaux durant l’abattage. Le hachage de la viande
Leur réservoir est ubiquitaire. Ce sont des bactéries sporulées fait courir un double risque. D’une part, le fait de hacher la
thermorésistantes qui germent et se multiplient lorsqu’il existe viande déplace les bactéries de l’extérieur – où elles auraient pu
des conditions favorables, suffisamment longues, de tempéra- être détruites facilement – vers l’intérieur. Une partie des
ture et d’anaérobiose. La consommation de viandes en sauce est bactéries est ainsi capable de survivre au cœur du steak haché
ainsi un moyen fréquent de contamination. si la température atteinte à ce niveau est insuffisante, ce qui est
La durée d’incubation est de 9 à 15 heures. fréquent lorsque les steaks sont mis à cuire directement au sortir
Cliniquement, l’intoxination se manifeste par une diarrhée et du congélateur. L’autre risque est lié au fait que la viande
des douleurs abdominales à type de coliques. La fièvre et les hachée préparée de façon industrielle est composée de viandes
vomissements sont rares. L’évolution est habituellement provenant de nombreuses carcasses différentes. Ainsi, un faible
favorable en 24 heures, mais les souches de type C peuvent nombre d’animaux contaminés peut aboutir à la consommation
provoquer des entérocolites nécrosantes. d’une quantité très importante de steaks hachés contaminés. À
l’occasion de la plus grande épidémie Nord-Américaine, la
Bacillus cereus
viande incriminée provenait d’un lot d’environ 400 000 pièces
Bacillus cereus provoque des toxi-infections dont la fréquence produit le même jour dans une usine californienne et conta-
est mal appréciée en France. Aux États-Unis, les foyers ont miné par une même souche de la bactérie. Les steaks de ce lot
surtout pour origine les restaurants asiatiques. étaient adressés congelés à différents points de vente de la
Leur réservoir est ubiquitaire. Les aliments contaminés sont chaîne de fast-food situés dans plusieurs États nord-américains.
souvent du riz, de la purée ou des légumes germés (soja). Deux Stockés au congélateur, ils furent utilisés sous forme de ham-
entérotoxines ont été identifiées : une thermostable émétisante burgers pendant plusieurs semaines et furent à l’origine de
(plutôt responsable de vomissements) formée pendant la plusieurs centaines, ou probablement, de plusieurs milliers
sporulation et une thermolabile (responsable de diarrhée). de cas.

Maladies infectieuses 7
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

Les aliments incriminés sont donc la viande peu cuite – d’où La forme la plus fréquente est le botulisme d’origine alimen-
le terme consacré par l’usage de « maladie du hamburger » – taire qui est une intoxication résultant de l’ingestion d’un
(viande de bovin et de poulet), mais aussi les fruits tombés et aliment contenant de la toxine préformée.
non lavés, le cresson cru, les produits à base de lait cru de vache Le botulisme par colonisation, dont la forme la plus connue
et l’eau de boisson. Une transmission interhumaine a également est le botulisme du nourrisson, est une toxi-infection liée à la
été documentée. formation endogène de toxine botulique après germination,
Le diagnostic des infections à E. coli 0157:H7 repose sur la dans l’intestin, de spores de Clostridium ingérées.
mise en évidence dans les selles d’E. coli 0157:H7 ou des gènes Le botulisme par blessure ou inoculation est causé par le
codant pour les vérotoxines, et sur l’augmentation du titre développement de Clostridium botulinum et la production de
sérique des anticorps spécifiques antilipopolysaccharides. toxine botulique à partir de plaies contaminées. Ce type de
L’administration de ralentisseurs de transit et d’antibiotiques botulisme est en émergence chez les usagers de drogues
est déconseillée dans ce cadre. injectables.
La quasi-endémisation aux États-Unis des diarrhées à E. coli Une quatrième forme, le botulisme d’inhalation, a priori
0157:H7 est un exemple emblématique des interactions com- d’origine malveillante ou bioterroriste résulte de l’inhalation de
plexes entre divers facteurs relatifs aux déterminants de son toxine botulique aérosolisée.
émergence, d’une part, et la vulnérabilité des populations à ces En France, les foyers de botulisme recensés ces 10 dernières
facteurs, d’autre part. Ce complexe pathogène est déterminé ici années sont d’origine alimentaire avec une forte prévalence du
par : type B. Jusqu’au milieu des années 1990, les aliments les plus
• l’acquisition récente et imprévisible de deux gènes codant fréquemment mis en cause étaient des salaisons, charcuteries et
pour les toxines en cause ; conserves d’origine familiale ou artisanales, traditionnellement
• l’industrialisation de la préparation de viande hachée avec fabriquées dans les régions rurales du centre de la France. Ils
contamination à ce stade de plusieurs lots à partir d’une seule étaient à l’origine de foyers de toxi-infections alimentaires
carcasse infectée ; collectives de taille limitée. Depuis 1996, les trois quarts des
• les vastes circuits de distribution [4, 6] ; foyers de botulisme recensés correspondent à des cas isolés,
• le goût du consommateur pour la viande peu cuite [11]. pour lesquels l’aliment en cause est difficile à déterminer.
D’un point de vue règlementaire, au niveau national et afin Une contamination par consommation de viandes de
de répondre aux exigences de la directive 2003/99/CE du volailles n’est pas classique, mais n’est pas à exclure. Nous
Parlement européen et du Conseil du 17 novembre 2003 sur la avons observé un cas suspect en Guyane française en 2006 dans
surveillance des zoonoses et des agents zoonotiques, le ministère lequel le patient a présenté des symptômes oculaires et de
de l’Agriculture et de la Pêche initie chaque année un plan de paralysie des membres inférieurs à la suite de la consommation
surveillance des steaks hachés et de certains fromages au lait de volailles appartenant à un troupeau familial (données
cru, à pâte molle et à croûte fleurie (type Camembert, Neufchâ- personnelles). En médecine vétérinaire, des paralysies et une
tel et Brie) produits dans une trentaine de départements forte mortalité ont été observées dans les espèces aviaires chez
français. lesquelles une souche botulinique de type C a pu être mise en
évidence. En France, le nombre de cas de botulisme chez les
Aeromonas hydrophila
volailles domestiques est passé de quatre à cinq cas par an en
C’est un germe de l’environnement humide dont le pouvoir 1989-1990 à une vingtaine de cas par an de 1990 à 2000. Ce
pathogène a été longtemps sous-estimé. La contamination est sont essentiellement les types C, D et E qui sont en cause.
surtout hydrique, ou parfois en rapport avec l’ingestion d’ali- Le nombre de cas repérés en élevage bovin a eu tendance à
ments contaminés. Le tableau est souvent de type cholériforme augmenter durant la même période avec des fluctuations allant
avec cependant fréquemment une fièvre modérée. Des localisa- de quelques cas par an jusqu’à 112 cas en 1998 dans les seuls
tions extradigestives sont rapportées. départements du Finistère et des Côtes-d’Armor.
Le changement des habitudes alimentaires, les nouvelles
Toxi-infections alimentaires d’expression formes de conservation des aliments (emballage sous vide des
aliments frais ou pasteurisés, réfrigérés ou conservés à tempéra-
extradigestive prédominante ture ambiante), propices au développement de Clostridium
neurotoxinogènes et les larges circuits de distribution des
Clostridium botulinum aliments doivent inciter à la vigilance en matière de sécurité
Le botulisme est une neuro-intoxication due à une puissante alimentaire.
neurotoxine bactérienne produite par différentes espèces de Le réservoir est ubiquitaire. Les aliments contaminés sont
Clostridium dont les plus connues appartiennent au groupe des habituellement les conserves n’ayant pas subi une cuisson
Clostridium botulinum. Ces bactéries anaérobies strictes et préalable suffisante : conserves domestiques, charcuteries
sporulées sont présentes dans l’environnement (sol, eau et artisanales (jambon), poissons fumés. La neurotoxine protéique
sédiments aquatiques). Sept types de toxine botulinique (A, B, produite est thermolabile.
C, D, E, F, G), qui diffèrent par leurs propriétés antigéniques, La durée d’incubation dépend de l’inoculum et du type de
sont produits par six espèces de Clostridium neurotoxinogènes toxine en cause. Elle est de 2 heures à 8 jours, en général entre
(quatre espèces de Clostridium botulinum, Clostridium butyricum et 12 et 36 heures.
Clostridium baratii). Les toxines botuliques protéiques sont C’est une affection neurologique aiguë caractérisée par une
thermolabiles et détruites par un chauffage supérieur à 85 °C atteinte bilatérale des paires crâniennes et un syndrome anti-
pendant 5 minutes. Le botulisme humain est essentiellement cholinergique manifestés par une paralysie descendante,
associé aux toxinotypes A, B et E, et exceptionnellement aux résultant de l’action des toxines botuliques qui inhibent la
toxinotypes C et F. libération d’acétylcholine au niveau de la jonction
Le botulisme reste une infection alimentaire très rare en neuromusculaire.
France, se traduisant par l’apparition d’un nombre de foyers Cliniquement, parfois précédés de nausées et de vomisse-
quasiment constant (moins d’une vingtaine par an) depuis plus ments, les signes sont d’ordre neurologique : diplopie, troubles
de 10 ans avec une nette prédominance du type toxinique B. de l’accommodation, dysphagie, sécheresse des muqueuses et,
En France, la létalité rapportée n’a jamais dépassé 6 % depuis dans les cas graves, paralysies motrices pouvant atteindre les
les années 1950, avec 17 décès pour 337 cas rapportés de 1956 muscles respiratoires. Fait important, il n’y a ni fièvre, ni signe
à 1970, 16 décès pour 621 cas rapportés de 1971 à 1980 et méningé ou d’atteinte du système nerveux central.
12 décès pour 293 cas rapportés de 1981 à 1990. Depuis le Évolution : le botulisme est une toxi-infection grave. Le type
début des années 1990, les cas de décès par botulisme sont toxinique influence le pronostic et la létalité, les sérotypes A et
rares. E étant responsables des formes les plus graves. Le type A est
Chez l’homme, trois modes de transmission principaux ont plus sévère que le type B et le E est plus sévère que le A. Les
été décrits. autres facteurs déterminants sont : l’âge, la durée d’incubation

8 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

(plus grave si elle est plus courte), la race (plus sévère chez les huîtres d’élevage du bassin d’Arcachon en Gironde, qui a été le
Asiatiques), la survenue de complications infectieuses, ou lieu d’une augmentation anormale d’épisodes de toxicité chez
d’atteintes des voies respiratoires. les huitres par rapport au reste du territoire français. Ce test est
La prise en charge thérapeutique comporte : abandonné en France depuis janvier 2010.
• le traitement symptomatique et la surveillance en unité de
soins intensifs ; Ciguatera
• la guanidine, s’opposant à l’action de la toxine au niveau de Un cadre spécifique est celui de la ciguatera, une des intoxi-
la jonction neuromusculaire, administrée sous forme de sirop
cations tropicales survenues après ingestion de poissons
de chlorhydrate de guanidine ;
(ichtyosarcotoxinisme) [17, 52-54] au même titre que l’intoxina-
• la sérothérapie, très discutable, réservée à certaines formes
sévères. tion par tétradoxine (présente dans le poisson-globe, ou fugu).
Au niveau national, l’Agence française de sécurité sanitaire En France métropolitaine, la ciguatera est retrouvée en patho-
des aliments (AFSSA) a recommandé en 2002 de retirer de la logie d’importation. Cette pathologie est liée à la pullulation
consommation humaine les produits issus de troupeaux de d’un dinoflagellé, Gambierdiscus toxicus, dont les toxines
volailles dans lesquels un cas de botulisme a été identifié. Pour (ciguatoxines) contaminent la chaîne alimentaire [54].
le cheptel bovin, l’AFSSA recommande de suspendre la livraison Les espèces de poissons vénéneux les plus concernés comp-
de lait destiné à la consommation humaine dès la constatation tent dans celles de fin de chaîne alimentaire marine et appar-
d’un cas de botulisme et de maintenir cette suspension jusqu’à tiennent à certaines familles : Tetraodontidae (tétrodon),
15 jours après l’identification du dernier cas constaté dans Molidae, Diodontidae (poisson porc-épic), Canthigasteridae,
l’élevage. Balistidae, Acanthuridae (poisson chirurgien), Carangidae
(carangue), Sphyraendae (barracuda) ou encore requins.
Intoxication histaminique Les populations de cette micro-algue se multiplient lorsque
L’intoxination histaminique survient après consommation de les récifs coralliens sont victimes d’agressions environnementa-
poissons mal conservés (surtout thon) [13, 50, 51] . La durée les. Le développement du tourisme dans les îles tropicales est en
d’incubation est courte, de 10 minutes à 1 heure. Le tableau partie à l’origine de ces perturbations du milieu naturel du fait
clinique regroupe des troubles vasomoteurs (érythème de la face de la construction de ports de plaisance, de marina, de plages
et du cou, céphalées et signes digestifs). La régression est rapide artificielles [17]. Cette toxi-infection, connue depuis le XVIe siècle,
et accélérée par l’administration de corticoïdes et est désormais endémique dans le Pacifique, en Polynésie et a
d’antihistaminiques. tendance à se mondialiser puisqu’elle a été décrite sous une
forme épidémique à type de TIAC au Mexique, dans les Caraï-
Saxitoxine, dinoflagellés et phytoplancton
bes et même aux petites Antilles. Son incidence peut atteindre
Dinoflagellés et phycotoxines 50 à 500 cas pour 10 000 habitants [52].
Les mollusques et coquillages bivalves filtrent une importante Les signes cliniques sont bruyants avec une symptomatologie
quantité d’eau pour leur nourriture, mais en concentrent aussi cardiologique (choc, bradycardie), générale (prurit – d’où le
les agents ou toxines pathogènes qui s’y trouvent, soit naturel- terme consacré de « gratte », myalgie, frissons, asthénie),
lement, soit du fait d’une pollution. En 1983, 3 500 cas neurologique (dysesthésies cheiro-orales, des extrémités distales
d’intoxication alimentaire ont été rapportés à la suite de la des membres), digestive (vomissements, diarrhées). Il existe un
consommation de coquillages crus. À la suite de la mise en effet dose-dépendance entre la quantité de poisson contaminé
place d’un dispositif de surveillance dédié, ce chiffre a diminué ingéré et l’importance des signes cliniques (durée, sévérité). Les
à une valeur de 415 cas pour l’année 1990. Ce dispositif ciguatoxines, d’un nombre au moins égal à 4, liposolubles et
opérationnel a été créé par l’Institut français de recherche pour thermostables, sont des neurotoxines qui semblent intervenir
l’exploitation de la mer (IFREMER) en 1984 et porte l’acronyme par une action anticholinestérasique [54] . Il n’existe pas de
de Rephy pour Réseau de surveillance du phytoplancton et des traitement curatif de cette affection.
phycotoxines de l’IFREMER. Le phytoplancton contient des La prise en charge thérapeutique comprend classiquement la
genres toxiques pour le consommateur de mollusques (ou de
réalisation d’une perfusion de mannitol 20 % en 1 heure,
crustacés) contaminés par ces algues (Alexandrium, Dinophysis,
éventuellement reconduite 24 ou 48 heures après, qui semble
Pseudo-nitzschia).
dotée d’une efficacité en deçà d’un délai de 12 heures après
Les phycotoxines (toxines d’algue) sont des toxines sécrétées
par le phytoplancton. On les appelle aussi biotoxines marines. l’ingestion de l’aliment contaminant, et concernant surtout les
On les classe en phycotoxines hydrophiles et lipophiles. signes digestifs. Des épisodes récurrents peuvent survenir jusqu’à
Les phycotoxines hydrophiles se divisent en phycotoxines 6 ou 12 mois après l’épisode inaugural, à la faveur de l’exposi-
paralysantes et en toxines amnésiantes. La surveillance de ces tion à des facteurs déclenchants comme la consommation de
deux types de toxines est réglementée vis-à-vis du risque produits de la mer ou d’alcool.
d’intoxination neurotoxique chez l’homme. Les modalités de Les mécanismes de l’éventuelle action du mannitol évoqués
cette surveillance sont fixées par les règlements (CE) 853 et seraient la réduction de l’œdème au niveau des cellules nerveu-
854/2004. ses ou l’extraction des toxines de leur site de fixation.
Les phycotoxines lipophiles ou diarrhéiques, auparavant Une équipe de Santiago du Chili a proposé un traitement par
identifiées par l’acronyme DSP (pour diarrheic shellfish poison), se un antiépileptique, la gabapentine, utilisée avec une relative
divisent en : efficacité bien que de manière anecdotique chez deux patients.
• toxines s’étant révélées responsables d’un syndrome diarrhéi- Dans les deux cas, les symptômes invalidants persistaient à
que chez l’homme ; l’échéance de 1 mois avant qu’un traitement par gabapentine
• toxines ayant démontré un pouvoir cardiotoxique expéri- ne soit institué avec succès à la posologie de 400 mg trois fois
mentalement chez l’animal, mais dont le risque pour
par jour pendant 2 cures de 3 semaines [55].
l’homme est mal connu ;
Cette maladie tropicale n’est plus étrangère à l’Europe où le
• toxines révélées par leur action neurotoxique létale très rapide
après injection intrapéritonéale, dans le cadre du test biolo- flux de touristes venant de pays tropicaux augmente régulière-
gique sur souris, qui reste le seul à faire référence en atten- ment, avec de grandes migrations saisonnières de populations
dant la mise au point de mesures analytiques plus spécifiques. mal informées [17, 52].
En France, le test sur souris a été très controversé en 2006. Dans les départements français d’Outre-mer, la règlementa-
Son application a été associée à l’édiction de mesures d’inter- tion fixe la commercialisation des espèces de poissons marins
diction de mise sur le marché des coquillages alors que le tropicaux quand le phénomène « ciguatera » sévit de façon
pouvoir toxique chez l’homme des toxines ainsi révélées n’était endémique, pour les poissons issus de la pêche locale et ceux
pas en l’occurrence formellement établi. Il s’est agi du cas des issus de la pêche en pays tiers.

Maladies infectieuses 9
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

Tableau 4.
Évolution des cas de déclaration obligatoire (DO) et du nombre de cas mortels de listériose par année (d’après
www.invs.sante.fr/surveillance/listeriose.default.htm).
Année 1999 2000 2001 2002 2003 2004 2005 2006
DO 269 263 188 220 209 236 221 290
Mortalité adulte 47 34 46 35 26 38 31 56
Mortalité néonatale et fœtale 19 23 13 22 13 16 11 11

Moisissures et mycotoxines Autres agents pathogènes


Historiquement, la plus connue des mycotoxicoses est « le Le terme de TIAC exclut habituellement le cadre de certaines
mal des ardents » due à la consommation d’aliments contami- infections dans lesquelles l’aliment joue un rôle passif dans
nés par l’alcaloïde de l’ergot de seigle qui a pris des allures l’origine de la contamination et n’est qu’un simple véhicule de
épidémiques par le passé. Les personnes atteintes de cette micro-organismes pathogènes. C’est le cas des brucelloses,
maladie, appelée aussi « feu de saint Antoine », rapportaient une listérioses, et de certaines parasitoses. Deux exemples méritent
sensation de brûlure intense au niveau des membres avec une d’être notés dans la mesure où leur survenue peut se manifester
propension locale d’évolution gangréneuse. Ces infortunés sous forme d’épidémie imposant une investigation épidémiolo-
malades tentaient de se rendre sur la tombe de saint Antoine gique et une étude de la chaîne alimentaire similaire à celles des
en France dans l’espoir de guérison (www.fao.org/docrep/ TIAC.
005/Y1390F/y1390f02.htm).
Les mycotoxines sont des molécules organiques élaborées par Listeria monocytogenes
des micromycètes, généralement des moisissures qui se Listeria monocytogenes est un petit bacille à Gram positif non
développent au cours de stockages défectueux de produits capsulé et non sporulé, ubiquiste et environnemental, résistant
destinés à l’alimentation de l’homme et des animaux. Les et psychotrope, c’est-à-dire pouvant se multiplier à basse
mycotoxines d’importance mondiale comprennent plusieurs température entre – 2 °C et + 45 °C (par exemple, au réfrigéra-
familles. Les toxines fusariennes sont sécrétées par des moisissures teur), mais lentement. Ses exigences nutritives modérées et son
du genre Fusarium. Elles doivent leur nom à leur aspect en fuseau à type respiratoire aéroanaérobie en font de plus une bactérie
l’examen microscopique. Elles comprennent les trichothécènes, pouvant se multiplier dans des conditions très défavorables. Elle
la zéaralénone, le nivalénol et les fumonisines). Les aflatoxines est très largement répandue dans l’environnement avec des
B1, B2, G1, G2 et M1, l’ochratoxine A et la patuline sont durées de vie importantes : 180 à 2 000 jours dans les ensilages,
particulièrement redoutées. Les toxines fusariennes et 150 jours dans la terre, 800 jours dans l’eau.
l’ochratoxine A sont surtout présentes dans les produits céréaliers Depuis 1999, les mesures de maîtrise et de contrôle mises en
bruts et transformés (pain, biscotte, biscuits, pâtisseries, pâtes, riz place dans l’industrie agroalimentaire ont été renforcées. La
et autres céréales). Les aflatoxines sont retrouvées dans le lait, les surveillance de la listériose en France est réalisée par l’intermé-
produits à base de lait, les fruits secs et les œufs, la patuline dans diaire de la déclaration obligatoire (DO). Lorsque le CNR des
les produits à base de pomme. Les aflatoxines peuvent être Listeria détecte des cas groupés liés au même pulsovar, une
formées au niveau de produits importés des pays tropicaux ou enquête pilotée par la cellule « Listeria » (Direction générale de
subtropicaux, notamment les céréales, les oléoprotéagineux la santé [DGS], Institut national de veille sanitaire [InVS],
(tourteaux d’arachide et de maïs) et les fruits. Direction générale de l’alimentation [DGAL], Direction générale
La toxicité des mycotoxines peut être aiguë si l’on dépasse les de la consommation, de la concurrence et de la répression des
doses journalières ou hebdomadaires toxiques (DJT ou DHT) ou fraudes [DGCCRF]) est initiée afin de tenter d’identifier l’ali-
chronique en cas de consommation quotidienne toute la vie de ment responsable (Tableau 4).
doses supérieures à la valeur toxicologique de référence (VTR). Entre 1999 et 2006, le nombre de cas d’infection est estimé à
300 cas par an, parmi lesquels est rapporté un nombre total de
Les mycotoxicoses aiguës, connues plus récemment sous le
78 décès [41, 58].
nom d’« aleucies toxiques alimentaires » sont responsables d’un
Les produits les plus à risque sont ceux qui peuvent favoriser
tableau clinique rassemblant vomissements, hémorragies
la croissance des Listeria, qui ont une durée de vie longue et qui
digestives, anémie, défaillance cardiocirculatoire et convulsions.
peuvent être consommés sans être chauffés (produits laitiers,
Elles sont en particulier dues à la consommation d’aliments
charcuterie, produits de la pêche). Les laits crus sont davantage
contaminés par des trichothécènes et ont provoqué des épidémies
contaminés en automne et en hiver, au moment où les ensila-
de grande ampleur en Europe de l’Est, en Finlande, aux États-Unis ges sont distribués. Il existe des inhibiteurs naturels dans les
et en Chine. aliments, par exemple les bactériocines contenues dans le lait
La plupart des mycotoxines ont des effets cancérigènes plus ou cru, mais qui sont détruites par les traitements assainissants
moins documentés. Ainsi l’ochratoxine A est classée dans la utilisés en agroalimentaire. Listeria monocytogenes est un conta-
catégorie 2B (cancérigène possible pour l’homme) dans la base de minant habituel des ateliers de production. En industrie
la classification de l’Agence internationale de recherche sur le agroalimentaire, la contamination croisée des aliments cuits par
cancer (IARC). Son rôle a été évoqué dans la survenue de l’entité les matières premières crues est fréquente. En environnement
nosologique appelée néphropathie endémique des Balkans. Les domestique, le réfrigérateur est une surface régulièrement
aflatoxines ont été classées en 1 selon l’IARC (cancérigène pour impliquée (mauvais respect de la température, absence d’entre-
l’homme), sauf l’aflatoxine M1 classée dans le groupe 2B. tien et de nettoyage). Ainsi, la contamination des aliments peut
L’aflatoxine B1 constitue un puissant facteur d’hépatocarcinome. survenir à tous les stades de la chaîne alimentaire : matières
La proportion de personnes exposées avec une consommation premières, transformation, logistique, distribution et chez le
pouvant dépasser la limite admise peut atteindre 3 % à 23 % chez consommateur [25].
les personnes végétariennes [56]. La patuline est classée dans le Les aliments à risque sont représentés par les produits carnés,
groupe 3 (impossibilité de se prononcer quant à la en particulier les produits de salaison transformés, avec un rôle
cancérogénicité du produit pour l’homme) par l’IARC. Parmi les notoire de la transmission croisée en distribution par le matériel
toxines fusariennes, seules les fumonisines sont classées en (couteaux). La contamination des poissons et fruits de mer, en
groupe 2B et pourraient être impliquées dans la genèse de certains particulier fumés, est proche de 30 %. La chaîne de production
cancers de l’œsophage et dans l’athéromatose accélérée laitière est particulièrement contrôlée. Paradoxalement, les
consécutive à une consommation de maïs moisi [57]. Les foies de produits à base de lait cru ne sont pas plus touchés que les
volailles sont, en moyenne, l’aliment le plus contaminé [56]. produits pasteurisés, vraisemblablement à cause de la présence

10 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

de bactériocines et de phénomènes de compétition par les flores ce qui est exceptionnel au cours des protozoozes, une éosino-
résidentes, lesquelles disparaissent lors de traitements assainis- philie (transitoire et modérée) et une cytolyse hépatique. Chez
sants ou thermiques inadaptés. le sujet immunodéprimé, les manifestations précédentes sont
Tous les fromages ne sont pas également contaminés : les complétées par une composante neurologique parfois bruyante.
fromages frais et les fromages à pâtes molles acides comme les En Guyane française, plus d’une dizaine de cas de toxoplas-
fromages de chèvre ne permettent pas la croissance de Listeria, mose aiguë ont été rapportés entre 1995 et 2002 chez l’adulte
ce qui n’est pas le cas des fromages à croûte fleurie (type immunocompétent ayant consommé de la viande de gibier
camembert) ou lavée (type munster, maroilles). insuffisamment cuite, rendant compte d’une éventuelle patho-
L’émergence des cas de listériose est liée à une évolution des génicité élevée des souches circulant en forêt amazonienne [61].
habitudes alimentaires dans les pays industrialisés : augmenta- La contamination d’une femme enceinte pendant le premier
tion de la durée de conservation et la chaîne du froid, mode à trimestre de la grossesse conduit à un risque élevé de toxoplas-
des produits avec peu de traitements technologiques. mose congénitale précoce grave du fœtus. Avec 426 cas hospi-
Listeria monocytogenes ne semble qu’accidentellement patho- talisés par an, l’infection par Toxoplasma gondii constitue la
gène pour l’homme et les animaux. L’environnement naturel troisième cause d’hospitalisation pour infection d’origine
(sol, eau, végétaux) est son réservoir principal. alimentaire après les toxi-infections ou infections par salmonel-
La porte d’entrée est avant tout digestive. Le site d’invasion les, Campylobacter et par Staphylococcus aureus, ainsi que la
exact reste inconnu. Un effet inoculum favoriserait sa pénétra- troisième cause de décès (35 décès par an) après les infections
tion. La multiplication intracellulaire apparaît être le principal par salmonelles et les listérioses. Néanmoins, la toxoplasmose
support d’invasivité, lui permettant d’échapper à la destruction n’est souvent qu’une cause associée au décès ; le décès ne lui est
médiée, dans le milieu extracellulaire par les polynucléaires pas directement imputable [41].
neutrophiles et les macrophages.
Après colonisation temporaire du tube digestif à partir Trichinellose
d’aliments fortement contaminés, comme certains fromages à La trichinellose est une maladie parasitaire rare en France.
pâte molle à base de lait non pasteurisé, certaines charcuteries Dans les pays d’endémie (Europe de l’Est, péninsule ibérique),
ou divers végétaux (en particulier le chou), il peut gagner le la maladie se contracte par ingestion de viande de porc parasitée
système nerveux central par voie hématogène. par des larves de Trichinella. Ce mode de contamination est
La listériose peut se manifester sous forme sporadique ou exceptionnel en France.
épidémique. Les personnes exposées les plus à risque sont les Des cas sporadiques ou même des petites épidémies limitées
femmes enceintes, les patients avec une maladie ou un traite- surviennent épisodiquement en saison de chasse, chez des sujets
ment entraînant une baisse de la réponse immunitaire (person- consommateurs de viande de sanglier. Des épidémies de faible
nes atteintes d’hémopathie, de syndrome d’immunodéficience amplitude ont également été décrites chez des groupes de
acquise [sida], de tumeurs solides, d’hépatopathies, les person- voyageurs ayant séjourné à l’étranger.
nes hémodialysées, transplantées d’organe). Chez les sujets les Depuis 1976, la majorité des cas français de trichinellose ont
plus vulnérables, l’infection se traduit fréquemment par une été causés par la consommation de viande de cheval, responsa-
bactériémie avec une mortalité élevée (environ 30 % des cas). ble de sept épidémies dont cinq d’ampleur notable : en 1976
La listériose de l’adulte est typiquement à symptomatologie (125 cas), en août 1985 (431 cas), en septembre 1985 (642 cas),
neuroméningée (méningite, voire rhombencéphalite avec en 1991 (21 cas), et en décembre 1993 (239 cas) [3] . Dans
syndrome méningé). Plusieurs épisodes épidémiques ont été chaque épisode, les enquêtes épidémiologiques ont démontré
identifiés en France en 1993, 1995, 1997 et 1999 [24, 59]. La que la viande incriminée provenait de carcasses importées
listériose de la femme enceinte survient après contamination d’Amérique du Nord, du Mexique et d’Europe centrale [3, 4]. La
fœtale par voie sanguine transplacentaire ou transmembranaire preuve parasitologique de la contamination de la viande
à partir du liquide amniotique infecté par des abcès placentaires. chevaline à l’état naturel n’a jamais été apportée.
Elle est difficile à dépister (syndrome pseudogrippal), voire Le diagnostic est posé par la survenue de fièvre, de myalgie
asymptomatique, et révélée par ses conséquences obstétricales. ou d’œdème de la face associés à une hyperéosinophilie et à
En l’absence de traitement, les conséquences sont redoutables une sérologie de trichinellose positive.
pour l’enfant (avortements précoces surtout du deuxième
trimestre, accouchements prématurés, seulement 20 % de Maladie de Chagas
naissances à terme). La maladie de Chagas ou trypanosomose américaine est une
Les principes du traitement comprennent l’administration infection parasitaire d’expression habituellement chronique et
d’une pénicilline A (amoxicilline) et de cotrimoxazole, voire un comprenant des manifestations cardiaques et digestives. Elle est
aminoside dans les formes sévères. causée par un protozoaire, Trypanosoma cruzi. Elle est classique-
Parasitoses (giardiose, cryptosporidiose, ment transmise à l’homme par des insectes triatomes hémato-
phages (réduves) au sein d’un mode d’habitat humain favorable
toxoplasmose, trichinellose, maladie de Chagas) (favela avec gites vectoriels d’origine – arbres et végétations – à
Protozoaires Giardia et Cryptosporidium proximité immédiate). La maladie n’est pas spontanément
Les protozoaires Giardia et Cryptosporidium ont été à l’origine résolutive. Elle est souvent invalidante et parfois mortelle.
de foyers importants d’épidémie suite à la contamination de Elle pose un problème de santé publique majeur du Mexique
l’eau de boisson. Le risque d’infection par consommation à l’Argentine avec 90 millions de personnes exposées et 12 à
d’aliments insuffisamment cuits est également élevé en situation 14 millions de personnes infectées. Le mode de transmission
d’hygiène défectueuse [60]. La présentation clinique est essen- rend compte de son caractère vectoriel – à partir des déjections
tiellement de type digestif avec une diarrhée abondante accom- contaminées des réduves par passage transcutané, à partir
pagnée de ténesmes. d’effractions ou d’excoriations de la peau – ou encore transmu-
queux (conjonctive).
Toxoplasma gondii Outre les voies de transmission secondaire par transfusion (en
Toxoplasma gondii est une coccidie, parasite intracellulaire situation de sécurité transfusionnelle aléatoire), greffe d’organe
obligatoire, cosmopolite, dont les hôtes définitifs sont les ou verticale maternofœtale (transplacentaire), la transmission
félidés. L’homme, hôte intermédiaire, se contamine principale- passive par voire orale au cours de l’acte alimentaire a été bien
ment par la consommation de viande de moutons et de porcs documentée. Cette dernière résulte de la consommation de
insuffisamment cuite ou mal congelée. Jusqu’à 80 % des fruits ou de boissons à base de jus de canne sucrière ou de fruits
carcasses d’ovins sont infestées en France. Le portage est exotiques contaminés par des déjections de réduves et non lavés
asymptomatique chez l’animal et l’adulte immunocompétent. avant préparation. Ce mode d’infestation apparaît d’une
Lors de la primo-infection chez le sujet immunocompétent, on infectiosité très élevée et est associé à un des niveaux de charge
peut observer un syndrome fébrile avec lymphadénopathie parasitaire considérables, bien plus élevés que lors de la voie de
généralisée, des douleurs abdominales ou une méningite, voire, transmission habituelle ou classique. Le résultat est l’expression

Maladies infectieuses 11
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

Tableau 5.
Évolution du nombre de cas d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB) diagnostiqués dans le cheptel bovin, 2001-2007, France.
Année 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2007 (1er semestre)
Cas 274 239 137 54 31 8 1

de manifestations cliniques bruyantes et sévères (myocardite, qu’il s’agit d’une nouvelle forme de vie capable d’autoréplication,
méningoencéphalite, organomégalie) lors d’une phase aiguë appelée prion, composée essentiellement de la protéine PrP pour
largement symptomatique. proteinaceous infectious particle. D’autres pensent que la PrP sert
Ce mode de contamination rend compte de la survenue de seulement de récepteur pour un agent encore inconnu. Les prions
cas groupés ou d’épidémies, souvent à la faveur de rassemble- possèdent des propriétés physicochimiques et biologiques très
ments de populations ou d’événements festifs communautaires. singulières. Ils sont de petite taille, très résistants à la chaleur et
À titre d’exemple et au sud-ouest du Brésil, 56 cas ont été présentent dans l’environnement une résistance majeure aux
documentés en 1992 dans l’État de Paraiba et 45 cas en 2005 à ultrasons ainsi qu’aux radiations ionisantes. Les études menées en
proximité de la ville de Santa Catarina, à la suite de consom- biologie moléculaire ont permis de découvrir un polymorphisme
mation commune de jus de canne à sucre. En 2007, 196 cas ont du codon 29 du prion, ce qui rend compte d’une composante
été rapportés en région d’Amazonie, à la suite de la consomma- génétique forte de l’hôte vis-à-vis de ces affections.
tion de jus de fruits rouges de consommation très réputée
(cerises tropicales de type Açaï) [62, 63]. Données épidémiologiques de l’encéphalopathie
spongiforme bovine
Encéphalopathie spongiforme bovine
En 1986, quelques dizaines de cas d’ESB ont été identifiés en
Un site Internet dédié permet de se tenir informé des derniè-
Grande-Bretagne. La maladie s’est étendue rapidement dans les
res évolutions de cette maladie (www.esbinfoagriculture.gouv.fr).
Ce cadre peut concerner les problèmes de santé publique liés troupeaux laitiers. L’incidence cumulée est, en 2000, d’environ
à l’émergence de la « maladie de la vache folle » ou encéphalo- 180 000 cas de bovins (dont 5 millions ont été abattus).
pathie spongiforme bovine (ESB) et à la relation de son exposition L’incidence annuelle de l’ESB a atteint un pic en 1992-1993
avec celle d’un nouveau variant de la maladie de Creutzfeldt- (plus de 37 000 cas, taux d’attaque 0,31 %) et a décru assez
Jacob (MCJ). Le sujet n’est pas détaillé dans ce chapitre [30-36]. rapidement depuis. Des cas d’ESB ont été rapportés dans
L’émergence de l’épizootie appelée « maladie de la vache folle » d’autres pays européens, 150 environ ont été recensés en France
ou encéphalopathie spongiforme bovine et la multiplication de à la fin 2000.
cas atypiques (ou variants) de la maladie de Creutzfeldt-Jacob en Un nombre global de 988 cas ont été diagnostiqués depuis
Europe et en particulier au Royaume-Uni illustrent la nécessité 1991. La notification des cas s’inscrivait dans la réalisation de
d’une veille technologique et scientifique permanente en matière tests en abattoir sur tous les animaux de plus de 24 mois
de santé publique, au travers du lien santé animale/sécurité destinés à la consommation humaine puis, à partir de 2004, sur
alimentaire. tous les animaux âgés de plus de 30 mois, ainsi que des tests
L’ESB et la MCJ font partie de l’ensemble des encéphalopathies réalisés à l’équarrissage et des tests appliqués sur les animaux
spongiformes subaiguës transmissibles (ESST), maladies infec- présentant des signes cliniques évocateurs (Tableau 5).
tieuses dégénératives du système nerveux central invariablement Chez l’homme, au 1 er juillet 2007, 161 cas certains ou
fatales qui touchent l’homme et l’animal. Chez l’homme, les probables de nouveau variant de la maladie de Creutzfeld-
ESST regroupent la MCJ, qui est rare et, dans la grande majorité des Jakob ont été diagnostiqués au Royaume-Uni avec une
cas, sporadique, de survenue spontanée apparemment aléatoire, et diminution régulière du nombre de cas depuis 2002
le kuru, une variante d’ESST qui sévissait en Papouasie/ (www.cjd.ed.uk/figures.htm). En France, à cette même date,
Nouvelle-Guinée et qui se transmettait par anthropophagie dans le 22 cas certains ou probables avaient été rapportés avec un pic
cadre de rites cannibales funéraires. de 12 cas entre 2005 et 2006 (www.invs.sante.fr/surveillance/
Les ESST peuvent se déclarer à n’importe quel âge, mais il est index.htm).
habituel de les rencontrer surtout après 50 ans. Le diagnostic reste Les données de cette évolution semblent rendre compte de
difficile, car il n’existe aucun marqueur spécifique identifiable du l’efficacité des mesures de lutte et de surveillance qui ont été
vivant des sujets atteints. Les premiers symptômes apparaissent prises.
après une longue période d’incubation (plusieurs années à Il semble que l’ESB ait été transmise par un agent type non
plusieurs décennies) pendant laquelle les sujets infectés ne conventionnel aux bovins par de la nourriture concentrée ou
présentent aucun signe particulier. Après 6 mois à 3 ans
supplémentée à base de farine de viande et d’os (FVO) conta-
d’évolution s’installent une démence (détérioration intellectuelle
minée, préparée à l’origine à partir de carcasses d’abattoir de
avec apathie, confusion, stupeur), un syndrome extrapyramidal
moutons ou de bovins, avant l’entrée en vigueur, en juillet
et pyramidal marqué, un déficit praxique, gnostique ou phasique
1988, de la loi interdisant ce type d’alimentation pour les
et un myoclonus. L’évolution est mortelle en 1 à 5 ans.
ruminants (bovins, ovins et caprins). Des études épidémiologi-
Chez l’animal, la tremblante des ovins et caprins (scrapie pour
ques, en particulier une étude cas-témoin, ont montré la forte
les Anglo-Saxons) est connue depuis deux siècles. Elle atteint
probabilité d’une contamination d’origine alimentaire essentiel-
quasiment tous les élevages du monde de façon endémique (entre
10 % et 30 %) selon les régions et les races. L’épidémie récente la lement dans la première année de vie des bovins, sans conta-
plus spectaculaire de cette famille de maladie fut l’ESB qui a frappé gion à l’intérieur des troupeaux.
le cheptel anglais. Risques potentiels pour l’homme au travers des aliments
Toutes ces affections, voisines sur le plan clinique, ont des d’origine bovine
caractères histologiques communs. Les lésions semblent quasi
exclusivement confinées au système nerveux central, Au début de l’année 2001, 83 cas de décès par MCJ au
symétriques, à type de spongiose avec vacuolisation neuronale, Royaume-Uni, deux certifiés et un probable en France, et un en
prolifération astrocytaire et hypertrophie gliale, sans signe de Irlande ont été observés et déclarés, à des âges plus précoces que
réaction inflammatoire ou de démyélinisation, associée à une ceux habituellement rapportés, avec des signes cliniques et
accumulation de l’isoforme pathologique PrPsc (scrapie) d’une neuropathologiques originaux, très homogènes [32, 34, 36]. À
protéine ubiquitaire de l’hôte PrP d’environ 27 à 30 kD. La biopsie l’échéance de 2007, 161 cas probables ou certains de ce néova-
d’amygdale est préconisée dans le cas du variant de la MCJ. Le riant ont été rapportés au Royaume-Uni et 22 cas en France. Les
diagnostic de certitude repose sur l’examen histologique troubles psychiatriques et cérébelleux et les anomalies neurolo-
post-mortem du cerveau et la mise en évidence de la PrPsc. giques sensitives étaient atypiques (douleurs des membres
Toutes ces affections sont transmises par un agent non inférieurs, dysesthésies cheiro-orales comptent parmi les signes
conventionnel dont l’identité est controversée. Certains pensent de début).

12 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

Une hypothèse retenue et étudiée est celle d’un lien entre ce d’incorporer des farines animales dans l’alimentation de toutes
néovariant de MCJ (dit « de type 4 ») et l’épizootie d’ESB qui a les espèces animales, à l’exception des sous-produits issus de
commencé au Royaume-Uni au milieu des années 1980. L’étude poissons, crustacés et coquillages destinés exclusivement à
des lésions du tissu nerveux, des propriétés de la PrP patholo- l’alimentation des animaux d’aquaculture. Depuis 2001, en
gique et de la souche de prions en cause ont conforté l’hypo- France, toutes les carcasses de bovins de plus de 30 mois et
thèse d’une contamination d’origine alimentaire par l’ESB. destinés à la consommation humaine sont testées en abattoir
Ainsi, en 1997, des données expérimentales ont mis en par prélèvement de l’obex. Les carcasses positives sont dirigées
évidence le fait que le même agent de l’ESB est à l’origine de vers l’équarrissage. Les bouchers et les ateliers de découpe qui
l’ESB et du néovariant de la maladie de Creutzfeldt-Jacob (MCJ). manipulent les vertèbres des animaux de plus de 12 mois
L’injection à des souris d’extraits cérébraux prélevés sur des doivent respecter un cahier des charges (en particulier l’utilisa-
bovins atteints d’ESB et sur des humains décédés de MCJ a tion de matériel dédié pour le désossage de l’os vertébral) visant
permis de montrer l’analogie des lésions provoquées par ces à réduire les risques de transmission à l’homme. Avec la mise en
deux affections [31]. Ces données sont en faveur du bien-fondé place en 2000, au plan communautaire, des tests systématiques,
des précautions prises en 1996 en termes de sécurité alimen- tous les pays de l’espace européen sont concernés.
taire, mais ne permettent pas de se prononcer sur le nombre de La découverte d’un cas d’ESB chez un caprin a entraîné la
personnes susceptibles de développer la maladie. En effet, mise en place, depuis décembre 2006, de tests systématiques en
l’estimation du nombre de cas humains à venir dépend de deux abattoir et à l’équarrissage chez tous les caprins de plus de
paramètres actuellement indéterminés : le taux de transmissions 18 mois. Les carcasses issues de l’abattoir ne sont mises sur le
et la durée d’incubation [30, 64]. marché qu’après réception d’un résultat négatif. Enfin, un
On dispose seulement d’un modèle sans doute proche du programme de surveillance a été mis en œuvre chez les ovins.
nouveau variant de MCJ (vMCJ), l’épidémie de MCJ iatrogène En matière de police sanitaire, selon les termes de l’arrêté
après traitement par l’hormone de croissance extractive, dont ministériel du 3 décembre 1990, tous les bovins des cheptels où
l’expression persiste 15 ans après la contamination. À cette date, un animal malade est identifié sont immédiatement séquestrés,
la vMCJ est responsable d’une épidémie limitée de cas primaires marqués de façon indélébile puis abattus et leurs cadavres
dus à l’ESB. Aujourd’hui, seul l’examen post-mortem du cerveau détruits à l’équarrissage et incinérés.
permet d’établir un diagnostic. Tous les cas de vMCJ reconnues Depuis novembre 2002, seuls sont abattus les animaux dont
jusqu’ici sont homozygotes (Met/Met) au codon 129 du gène de on peut soupçonner qu’ils ont consommé le même aliment
la PrP. L’homozygotie augmente le risque de développer une contaminé que le bovin atteint ou qui sont nés d’une vache
forme sporadique et influence le phénotype des malades (âge, atteinte.
durée d’évolution, présentation clinique). Ces mesures complètent l’application des décisions commu-
nautaires ou nationales relatives aux échanges de bovins vivants
Mesures de prévention adoptées et de viandes fraîches bovines, allant de la restriction (1989,
La durée d’incubation moyenne des ESST de l’homme est très 1990) à la prohibition (1996) des importations de bovins vivants
longue (5 à 40 ans). Le taux d’incidence de la maladie à ainsi que de viandes bovines originaires du Royaume-Uni. Depuis
l’intérieur des troupeaux, même globalement faible, ne peut être 1999, et suite au plan de contrôle et d’éradication de l’ESB mis
estimé en l’absence de test de dépistage applicable aux animaux en œuvre au Royaume-Uni, les viandes bovines originaires du
vivants. Les troupeaux où est identifiée la maladie sont donc Royaume-Uni sont à nouveau autorisées dans l’Union euro-
considérés comme globalement infectés et potentiellement péenne, ce qui n’a pas manqué de donner lieu à des débats au
contaminants, sans que l’on puisse estimer ce risque. Ces Sénat (www.senat.fr/basile/visio.do ? id= qSEQ981011447). La
éléments ont beaucoup influencé la position des autorités France a maintenu son embargo jusqu’en 2002 (avis favorable de
chargées de traiter des problèmes de sécurité vis-à-vis de l’AFSSA du 10 octobre 2002). Des mesures réglementaires ont
l’homme qui ont toujours raisonné en adoptant le scénario le également visé l’interdiction de l’usage de tissus d’origine bovine
plus pessimiste, celui qui considère que tout le troupeau est pour la préparation de médicaments ou de compléments
infecté dès qu’un cas clinique d’ESB y est identifié. La prise en alimentaires.
compte d’un scénario volontairement pessimiste permet de
gérer les incertitudes scientifiques dans un sens favorable à la
santé publique. ■ Conduite à tenir devant une toxi-
En France, comme dans l’ensemble des pays de l’Union
européenne, l’ESB est une maladie considérée comme conta- infection alimentaire collective
gieuse (depuis le 12 juin 1990) et une série de mesures officielles
L’investigation d’un foyer de TIAC est une mesure de sur-
ont organisé un plan sanitaire et un réseau d’épidémiosur-
veillance qui, en identifiant l’origine de la contamination et les
veillance pour identifier les malades et détruire les carcasses
facteurs ayant contribué à la multiplication microbienne, a pour
après avoir interdit l’importation à partir de la Grande-Bretagne
but d’éviter toute extension du phénomène et de prévenir les
de FVO (1989), puis leur utilisation, quelle qu’en soit l’origine,
récidives.
dans l’alimentation des bovins et de tous les ruminants (1990,
1994). En outre, si une norme communautaire impose aux États
membres de l’Union européenne le respect de normes de Confirmer l’existence du foyer
fabrication des farines animales destinées à l’alimentation du de toxi-infections alimentaires collectives
bétail (traitement à 133 °C et à une pression de 3 bars pendant
20 minutes), règle imposée depuis le 1er avril 1997, la France,
et préciser le diagnostic
qui contestait leur fiabilité, avait pris une autre disposition, celle La survenue brutale de l’épisode, le regroupement des cas
de l’interdiction des abats spécifiés à risque dans la fabrication dans le temps et dans l’espace, la notion d’un repas commun
sécurisée de farines animales. entre les malades permettent facilement de confirmer qu’il s’agit
En outre, il est maintenant établi que la survenue de cas chez d’un foyer de TIAC.
des bovins au-delà de la date du 30 juillet 1990 imposant L’interrogatoire et l’examen de quelques malades orientent
l’interdiction d’utilisation des FVO dans l’alimentation des rapidement vers la forme clinique et la suspicion de l’agent
ruminants était liée à des contaminations croisées. Celles-ci se responsable de la TIAC (Tableaux 1, 2 et 3).
sont produites avec les FVO utilisées dans l’alimentation des Afin de confirmer cette suspicion, une enquête exploratoire
porcs et des volailles, soit au niveau de l’usine de fabrication, est initiée. Des prélèvements sont effectués chez quelques
soit au moment de la livraison de l’aliment à la ferme, soit malades (vomissures, selles). Ces prélèvements sont destinés à
encore au sein même des fermes détenant à la fois des bovins, une recherche microbiologique de l’agent responsable de la
des porcs et/ou des volailles. TIAC. On aura pris soin de contacter le laboratoire afin de
Depuis novembre 2000 (arrêté du 14 novembre 2000 modi- préciser les conditions de prélèvement et de transport des
fiant l’arrêté du 24 juillet 1990), il est désormais interdit échantillons recueillis.

Maladies infectieuses 13
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

“ Conduite à tenir
Nombre
de cas

Conduite à tenir devant une suspicion de toxi- 10


infection alimentaire collective
• Prévenir le médecin de l’établissement ou un médecin
traitant. 5
• Identifier les malades ayant eu des signes cliniques.
• Établir une liste comportant pour chaque malade : son
nom, la nature de ses symptômes (vomissements,
diarrhée, fièvre), la date et l’heure de l’apparition de ces 0
symptômes. Jours
• Conserver les restes des matières premières et des
denrées servies à la collectivité au cours des 3 derniers
jours (à conserver au réfrigérateur et non au congélateur). Figure 1. Courbe épidémique.
• Effectuer des prélèvements de selles et de vomissements
chez les malades.
• Préparer une liste des menus des repas des trois derniers Enquête épidémiologique
jours.
• Déclarer par téléphone la TIAC au médecin-inspecteur Les grands principes de l’enquête épidémiologique sont les
suivants.
de la Direction départementale des affaires sanitaires et
sociales (DDASS) ou à défaut au Service vétérinaire Données descriptives
d’hygiène alimentaire.
La première étape doit permettre de recenser les malades
(avec une définition opérationnelle précise, mais simple),
d’examiner leurs caractéristiques et leur distribution dans le
temps et dans l’espace, et enfin d’émettre des hypothèses sur
Déclarer la toxi-infection alimentaire l’origine de la contamination (formuler des hypothèses portant
collective sur la source et le mode de transmission de la souche épidémi-
que, et la durée de l’exposition).
Les TIAC sont à déclaration obligatoire. Cette déclaration est Recensement des malades et calcul des taux d’attaque.
réalisée soit par le docteur en médecine ou en biologie qui en a Chaque fois que cela est possible, notamment dans les collecti-
constaté l’existence, soit par le chef de famille ou le chef vités fermées (écoles, maisons de retraite), on s’efforcera de
d’établissement où le foyer a été constaté. Les foyers sont recenser la totalité des malades touchés par la TIAC. Ailleurs,
déclarés soit aux Directions départementales des affaires afin de retrouver le maximum de cas, une enquête rapide (par
sanitaires et sociales (DDASS), soit aux Directions départemen- téléphone, par exemple) doit être menée auprès des médecins,
tales des services vétérinaires (DDSV) du département de des écoles, des familles proches du ou des foyer(s) déclaré(s), en
survenue de l’épisode. Les services de l’État réalisent alors une utilisant une définition simple, uniforme d’un cas de
enquête alimentaire, fondée le plus souvent sur une enquête toxi-infection.
cas-témoin et la réalisation de prélèvements sur les restes Le taux d’attaque global, ou taux d’incidence global de la
alimentaires, en vue de déterminer l’aliment à l’origine de toxi-infection au cours de l’épidémie est mesuré par le rapport
l’intoxication. Le but en est de tenter de prévenir l’apparition du nombre de malades sur le nombre d’individus présents dans
de nouveaux foyers, soit en retirant du marché le lot alimen- la collectivité où le foyer s’est déclaré. Au cours d’une TIAC, ce
taire à l’origine de la contamination, soit en identifiant et en taux d’attaque est habituellement élevé. En fait, on ne peut
corrigeant l’anomalie hygiénique constatée. estimer ce taux avec précision que si l’on connaît le nombre
La synthèse des informations est réalisée par l’institut de exact de personnes exposées au risque de contamination
veille sanitaire après un travail interministériel de mise en (collectivité fermée).
commun des données reçues, d’une part, par la Direction Il est utile de calculer des taux d’attaque spécifiques de l’âge,
générale de la santé et, d’autre part, par la Direction générale de du sexe, du lieu de restauration ou de résidence.
l’alimentation. Description de l’épidémie : distribution des cas en fonc-
tion du temps. Cette distribution est au mieux représentée sous
Investigation d’une toxi-infection la forme graphique d’une courbe épidémique (Fig. 1). Chaque
cas est reporté sur un graphique en fonction de l’heure d’appa-
alimentaire collective rition des premiers symptômes.
L’investigation d’une TIAC comporte trois volets : Avec ces informations, il est ainsi possible de localiser
• une enquête épidémiologique qui permet : grossièrement dans le temps le repas suspect (Tableau 6) :
C de décrire le phénomène et de connaître les circonstances • une prédominance de vomissements et/ou l’absence de fièvre
de l’événement (lieu, temps et personnes) : distribution sont en faveur d’un processus toxinique (staphylocoque, C.
dans le temps et dans l’espace de l’apparition des cas, perfringens) et donc d’une durée d’incubation courte (infé-
caractéristiques des personnes atteintes, rieure à 8 heures). Inversement, l’absence de vomissements et
C de déterminer le(s) aliment(s) ayant la plus grande proba- la présence de fièvre sont plutôt en faveur d’une action
invasive (Salmonella, Shigella, Campylobacter, Yersinia) et donc
bilité d’être à l’origine des troubles,
d’une durée d’incubation plus longue (supérieure à 18 heu-
C d’orienter ou de confirmer les analyses microbiologiques ;
res) ;
• des prélèvements en vue d’analyses microbiologiques chez les • l’exposition à l’agent est habituellement unique et brève, tel
malades et dans les aliments ; que le met en évidence l’aspect de la courbe épidémique,
• une enquête sanitaire comportant l’étude de la chaîne alimen- habituellement monophasique avec un pic franc, évocateur
taire afin de déterminer les facteurs favorisant le développe- d’une source commune de contamination (Fig. 2). On estime
ment microbien ou la production de toxine, la traçabilité de que la durée moyenne d’incubation est du même ordre que
l’aliment incriminé et la mise en place de mesures le délai entre l’apparition du premier et du dernier cas, sauf
préventives. s’il s’agit d’une source continue de contamination. Cette

14 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

Tableau 6.
Durée d’incubation selon la prédominance des signes cliniques.
Signes cliniques prédominants Agent Incubation
Pas de fièvre Vomissements++ Staphylococcus aureus 2-4 heures
Fièvre Action toxinique/diarrhées++ Clostridium perfringens 9-15 heures
Action invasive/diarrhées ++ Salmonella 12-36 heures

TIAC à Salmonella
Estimation de la durée médiane d’incubation = 17 h
Incubation

Date du repas
suspect

0h 17 h
A
1er cas Dernier cas

Intervalle = 17 heures

TIAC à Clostridium perfringens


Estimation de la durée médiane d’incubation = 9 h

Repas
suspect
B

0h 9h
1er cas Dernier cas
Intervalle = 9 heures

TIAC à Staphylococcus aureus


Estimation de la durée médiane d’incubation = 3 h
C
Figure 2. Courbes épidémiques.
A. Exposition unique et brève (toxi-infection alimentaire collective –
Repas
TIAC). suspect
B. Exposition unique et brève suivie d’une transmission interhumaine
secondaire (shigelloses).
0h 3h
C. Exposition continue.
1er cas Dernier cas

Intervalle = 3 heures
notion est illustrée dans les trois schémas suivants correspon-
dant à trois situations différentes (salmonelles, C. perfringens,
Figure 3. Estimation de la date du repas suspect selon l’aspect de
staphylocoques) (Fig. 3).
la courbe épidémique. TIAC : toxi-infection alimentaire collective.
Distribution des cas et des taux d’attaque dans l’espace. La
distribution des cas et des taux d’attaque en fonction du lieu de
restauration habituelle et leur représentation sur une carte
permettent de préciser si la TIAC est survenue dans un ou un nombre de repas plus important. Par exemple, pour une
plusieurs foyers distincts. On peut habituellement relier ces TIAC présumée à staphylocoque, il suffit de s’intéresser au
foyers à une même source de contamination. dernier repas, alors que pour une salmonelle, il faut prendre en
Caractéristiques des cas. Au cours d’une TIAC, tous les compte les deux ou trois repas pris dans les 6 à 20 heures
consommateurs du ou des aliment(s) contaminé(s) sont suscep- précédant l’incident. Les aliments consommés au cours de ces
tibles d’être malades. Cependant, on constate le plus souvent repas doivent être détaillés le plus possible en dissociant sources
une distribution différente de la fréquence et/ou de la gravité majeures ou mineures, voire « occultes » de contamination, par
des cas selon l’âge, le sexe, le terrain. Il est donc important de exemple la viande et la sauce qui l’accompagne.
noter ces éléments pour chacun des cas et de calculer, si
Mesures d’impact
possible, les taux d’attaque spécifiques de l’âge et du sexe.
Composition des menus. Ensuite, il est nécessaire d’obtenir La deuxième étape va consister à vérifier ces hypothèses en
les menus détaillés des trois repas entourant le moment pré- réalisant une enquête. La cause de l’épidémie peut être évidente
sumé de la contamination. Plus la dispersion des cas est et les prélèvements microbiologiques sont suffisants pour
importante, plus la précision de l’estimation de la date du repas suspecter une origine causale et mettre en place des mesures
responsable diminue (Fig. 3) : il faut alors prendre en compte efficaces de contrôle de l’épidémie. En supprimant la source de

Maladies infectieuses 15
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

contamination, on observe une réduction ou une disparition n’utilise que les données provenant des cas et représente ainsi
des cas. L’investigation peut en rester là, si on manque de temps une alternative intéressante aux enquêtes cas-témoin. Il permet
pour confirmer épidémiologiquement cette hypothèse. Dans d’estimer le risque relatif à moindre coût par rapport aux
d’autres cas, le mode de contamination reste peu clair, plusieurs enquêtes cas-témoin, pourvu que l’on dispose de séries de cas
hypothèses sont plausibles. Il s’agit le plus souvent de la constituées indépendamment du statut d’exposition. Ce schéma
suspicion d’un repas récent dont le processus de préparation ou n’échappe pas aux biais de mémorisation inhérents aux enquê-
de conservation a été défaillant. Pour tester ces hypothèses, on tes rétrospectives. Il permet néanmoins de tester des hypothèses
recherche les facteurs qui sont liés à l’apparition de l’infection issues de jugement d’experts sur les durées de la période à
par une enquête épidémiologique de type analytique (enquête risque. Son utilisation ne sera pas développée ici [45].
de cohorte, enquête cas-témoin, étude de type cas-croisé). En Afin d’améliorer la gestion des déclarations obligatoires et les
effet, il ne suffit pas de retrouver un aliment commun à tous les investigations des TIAC, un logiciel d’aide, nommé WinTIAC, a
malades, encore faut-il s’assurer que ce même aliment est moins été développé par l’InVS et sa une nouvelle application mise au
fréquemment consommé par les personnes non malades. Donc point en 2003 est désormais très largement utilisée.
l’enquête repose sur un interrogatoire clinique et alimentaire de
malades et de personnes non malades. Analyses microbiologiques
En fonction de la taille de la communauté et du temps Ces analyses doivent être orientées :
disponible pour l’enquête, on interroge l’ensemble ou un • par les signes cliniques pour la recherche de l’agent responsa-
échantillon de malades et l’ensemble ou un échantillon de non- ble :
malades. Si le nombre de malades est inférieur à 30, il est C dans le cas d’une orientation vers une bactérie ayant une
nécessaire de tous les interroger. Le questionnaire doit prendre en action invasive, la recherche porte en priorité sur Salmo-
compte toutes les hypothèses de contamination (dont les nella, Shigella, Campylobacter, Yersinia,
aliments qui auraient pu être pris en dehors des repas). C dans le cas d’une suspicion de C. perfringens, il ne suffit pas
On compare ensuite les deux groupes sur la fréquence
d’identifier une présence importante de germes anaérobies
d’exposition aux aliments étudiés dans l’enquête. Si le taux
sulfitoréducteurs, il faut également compléter l’identifica-
d’exposition à un aliment est statistiquement plus élevé chez les
tion de ces bactéries,
cas que chez les non-malades, cet aliment constitue la source
présumée de la TIAC. C dans le cas d’une orientation vers une bactérie ayant une
Toxi-infection alimentaire collective dans une petite action toxinogène, les analyses doivent être plutôt orien-
collectivité. Si la TIAC est survenue dans une collectivité de tées vers la recherche de la toxine, en pratique réalisée dans
petite taille, dans laquelle l’exhaustivité de la population est le cadre de C. botulinum ;
disponible, on peut entreprendre une étude de cohorte. • par les résultats de l’enquête épidémiologique pour cibler les
Cette cohorte est constituée de l’ensemble des individus de la recherches de traçabilité sur les aliments ayant la plus forte
collectivité. On interroge, à l’aide d’un questionnaire alimen- probabilité d’être responsables.
taire, chacun des individus. Cette recherche est effectuée :
Pour chacun des repas ou pour chaque aliment suspect, on • dans la source supposée de la contamination. Il faut savoir
constitue ainsi deux groupes : les sujets qui ont consommé ce que les établissements de restauration collective ont l’obliga-
repas (ou cet aliment) – sujets exposés – et les sujets non tion réglementaire de conserver un « repas témoigné » des
exposés. Dans chaque groupe, on recense le nombre de malades aliments servis dans les 3 jours précédents. Des prélèvements
et on calcule les taux d’attaque de toxi-infection alimentaire. Le des aliments suspectés sont réalisés pour études microbiolo-
rapport de ces taux d’attaque permet d’obtenir, pour chaque giques et toxicologiques. Des prélèvements complémentaires
repas (ou aliment), un risque relatif (RR), c’est-à-dire le risque de sont effectués à différents points de la chaîne alimentaire par
toxi-infection, chez les sujets exposés à l’aliment par rapport au les services de contrôle et analysés par les laboratoires
risque chez des sujets non exposés. officiels. C’est une information importante de l’enquête, car
Si pour un repas ou un aliment, ce rapport est supérieur à elle autorisera la mise en place des mesures préventives et
1 de façon statistiquement significative, ce repas ou cet aliment éventuellement juridiques (indemnisations des victimes,
sont fortement suspects de constituer la source de la TIAC. sanctions). Elle exige diligence (avant la disparition éventuelle
Toxi-infection alimentaire dans une large collectivité. Si la de la source) et compétence : les prélèvements doivent être
TIAC est survenue dans une large collectivité pour laquelle tous d’emblée parfaitement utilisables techniquement dans les
les individus susceptibles d’avoir été exposés ne peuvent être principales hypothèses causales et exploitables ultérieurement
recensés, on réalise alors une enquête cas-témoin. C’est la (échantillonnage raisonnablement « représentatif »). Quelques
situation la plus fréquente. Pour chaque cas de toxi-infection, échantillons sont conservés à + 4 °C en vue de recherches
on identifie un ou plusieurs témoins bien portants ayant les complémentaires ;
mêmes caractéristiques d’âge, de sexe, de résidence que le cas. • chez les sujets atteints, avec mise en évidence d’une toxine,
On constitue ainsi un groupe de malades et un groupe de d’un germe infectieux, d’une réaction spécifique dans les
témoins que l’on compare vis-à-vis de la fréquence de leur prélèvements :
exposition au(x) repas – ou à (aux) (l’)aliment(s) – suspect(s). Si C de selles, de vomissements, à la recherche de bactéries
ce taux d’exposition est, de façon statistiquement significative, (salmonelles, shigelles, Campylobacter), de virus et toxines,
plus élevé chez les cas que chez les témoins pour un repas (ou C de sang pour hémoculture et recherche de toxine.
un aliment), ce repas (ou cet aliment) devient la source présu-
mée de la TIAC. Il faut noter que l’analyse d’une enquête cas- Étude de la chaîne alimentaire. Enquête sanitaire
témoin ne permet pas de calculer directement des taux L’étude de la chaîne alimentaire doit être conduite en ayant
d’attaque puisque la totalité des cas et l’ensemble de la popula- à l’esprit les rôles potentiels de l’aliment dans l’origine de la
tion à risque n’a pas été recensée. Cependant, pour le repas ou contamination ou de la multiplication bactérienne, et ses
les aliments suspects, on peut calculer un rapport de cotes ou caractères de traçabilité dans le temps et dans l’espace :
odds ratio (OR) qui est une assez bonne estimation du risque • rôle passif : l’aliment n’est qu’un simple véhicule de micro-
relatif. Si l’OR est supérieur à 1, de façon statistiquement organismes pathogènes (Brucella, Listeria, parasites) ;
significative, le repas ou l’aliment testé est suspecté d’être à • rôle actif : l’aliment est le siège soit d’une multiplication de
l’origine de la TIAC. Les conclusions de l’enquête épidémiolo- souches pathogènes, soit d’une production de toxines.
gique vont orienter l’enquête microbiologique et l’étude de la Certains facteurs favorisent ces phénomènes :
chaîne alimentaire à la recherche d’une faute d’hygiène et/ou • le temps : le risque augmente avec le délai entre la cuisson et
d’une rupture de la chaîne du froid ou du chaud. la consommation de l’aliment ;
Le schéma épidémiologique cas-croisé (case-crossover) permet • la température : tous les micro-organismes n’ont pas la même
d’évaluer le rôle d’une exposition immédiatement avant température de croissance, mais la plupart d’entre eux
l’événement en la comparant aux expositions attendues. Il possède un pouvoir important de multiplication entre 20 °C

16 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

et 60 °C (les refroidissements trop lents ou les conservations Dans le cas d’une toxi-infection alimentaire collective
à température ambiante sont donc néfastes). Au-dessous de par un produit commercialisé ou d’origine hydrique
0 °C, il n’y a pas destruction, mais simple stabilisation des Les conclusions de l’enquête épidémiologique vont permettre
micro-organismes ; d’évaluer les risques pour la collectivité et de conduire éven-
• l’anaérobiose : les conserves, les préparations semi-liquides tuellement à retirer le produit en cause des circuits commer-
(plats en sauce) favorisent le développement des germes ciaux ou à circonscrire la source d’approvisionnement en eau de
anaérobies si leurs spores n’ont pas été détruites lors de la boisson ou de balnéation, renforcement de la surveillance des
cuisson. aliments et des eaux. Au niveau de l’entreprise concernée,
Les aliments et boissons suspects sont analysés par différents l’activité n’est reprise qu’après vérification de l’efficacité des
services : mesures de nettoyage et de désinfection, et d’amélioration du
• les aliments d’origine animale et les préparations de restau- système d’autocontrôle, notamment en ce qui concerne la
rant sont analysés par le laboratoire et la DDSV ; gestion interne des non-conformités et la traçabilité des
• les aliments d’origine non animale par la Direction de la produits. Le cas échéant, une enquête est réalisée sur le main-
consommation, de la concurrence et de la répression des tien de la chaîne du froid dans toute la phase comprise entre la
fraudes (DCCRF) ; sortie de l’usine et la vente de ces produits aux consommateurs,
• les eaux par le Service d’hygiène du milieu. notamment dans la chaîne de distribution.
Les différentes étapes de la chaîne alimentaire doivent être S’il y a urgence et que les procédures précitées risquent de ne
examinées pour les aliments suspects afin d’identifier les pas être rapidement efficaces, on procède à une information
erreurs : contrôlée du public par les médias adéquats.
• matières premières (aliments avariés ou contaminés) ;
Toxi-infection alimentaire collective en milieu familial
• stockage ;
• préparation (faute d’hygiène) ; Enfin, en milieu familial, il faut rappeler les risques liés à la
• type de liaison chaude ou froide ; consommation d’œufs crus ou peu cuits.
• délai entre préparation et consommation. Rédiger un rapport
Concernant la chaîne de production et de transport des matières
premières, la provenance, le conditionnement, la distribution et L’enquête concernant une TIAC doit toujours faire l’objet
le stockage des matières premières sont soigneusement étudiés. d’un rapport écrit détaillé.
Concernant la préparation et conservation des aliments, les locaux L’analyse et la diffusion de ce rapport permettent :
où sont préparés et conservés les aliments font l’objet d’une • d’informer les professionnels de santé et du secteur agroali-
visite spécialisée. Une attention particulière est apportée à leur mentaire d’autres régions de la survenue possible de tels
état d’entretien et de propreté, notamment concernant les épisodes et de conduire, le cas échéant, à des mesures
préventives ;
installations sanitaires, le traitement de la vaisselle et les
• de mieux connaître l’épidémiologie des TIAC et ainsi d’adapter,
déchets. Les personnels de cantine font l’objet de contrôles
si nécessaire, la réglementation en vigueur pour leur contrôle
quant à leur état de santé, leur comportement, leur formation.
et leur prévention ;
Des prélèvements peuvent être demandés à la recherche d’un
• de faire progresser la connaissance scientifique sur l’étiologie,
porteur sain de staphylocoques ou de salmonelles. Les aliments
l’épidémiologie, l’expression clinique des toxi-infections
font l’objet d’une investigation, portant notamment sur les
microbiennes.
modalités de préparation, de conservation et de distribution
En France, les informations relatives à la sécurité alimentaire
des repas.
sont édictées par le principe de transparence. L’utilisation de ce
principe par les médias en direction des consommateurs exige
Déterminer les actions à mener une collaboration active entre les différents partenaires de la
Cette enquête doit conduire à proposer des actions de gestion de cette information, compte tenu de l’impact de cette
prévention adaptées, soit de correction des erreurs identifiées dernière en situation de crise sur l’opinion.
sur la chaîne alimentaire, soit de retrait d’un aliment contaminé
commercialisé. Prophylaxie
Elle peut déboucher sur des dispositions juridiques : indemni- Règles d’hygiène
sation des victimes, sanctions.
Les règles d’hygiène comportent :
Les actions à entreprendre sont de deux types : des actions
• une hygiène correcte sur les lieux d’abattage, de pêche, de
immédiates destinées à contrôler le(s) foyer(s) de TIAC et des récolte, puis lors des transports ;
actions à visée préventive. Elles nécessitent une collaboration • le strict respect de l’hygiène des cuisines et des pratiques de
étroite entre les médecins traitants, les structures du dispositif restauration.
institutionnel concernées, en particulier les DDASS, l’InVS, la Ces règles d’hygiène ont pour but d’éviter la contamination
DDSV, l’établissement en cause, voire les médias. des denrées et la prolifération microbienne tout au long de la
Dans le cas d’une toxi-infection alimentaire collective chaîne alimentaire depuis la livraison jusqu’à la consommation
survenue dans un établissement de restauration collective (règlement CE 178/2002 établissant les principes généraux et les
prescriptions générales de la législation alimentaire et fixant des
Les mesures immédiates consistent à consigner toutes les procédures relatives à la sécurité des denrées alimentaires ;
denrées suspectes, à déplacer un porteur de germe éventuel, règlement 852/2004 relatif à l’hygiène des denrées alimentaires).
voire à suspendre les activités de restauration de l’établissement Ces règlements fixent comme principe de base que c’est au
en cause jusqu’aux conclusions de l’enquête. gérant de l’établissement de mettre en place une politique de
Les mesures préventives comportent : prévention des risques fondée sur les principes du hazard
• la correction des défaillances identifiées au niveau de la analysis critical control points (HACCP) : détermination des étapes
chaîne alimentaire (pouvant conduire à des modifications à risque, écriture de procédures visant à réduire ces risques,
importantes au niveau des structures ou des conditions de réalisation d’enregistrement visant à démontrer le suivi des
commercialisation de certains produits) ; procédures. Dans le domaine de la restauration, il s’agit
• le rappel des règles d’hygiène générale (désinfection des essentiellement des contrôles à réception (température, agré-
locaux des poulaillers, hygiène des personnels) ; ment des fournisseurs), du nettoyage et de la désinfection, du
• la remise en état des locaux, la destruction des élevages respect des chaînes du froid et du chaud, des autocontrôles
infectés ; microbiologiques, de la traçabilité des produits, de la formation
• des actions de formation des personnels de restauration. à l’hygiène du personnel, de l’aptitude médicale des personnes
On conseille l’utilisation de mayonnaises industrielles, les à la manipulation des denrées alimentaires et de la lutte contre
coules d’œufs pasteurisés et les poudres d’œufs. les animaux nuisibles (rongeurs, insectes).

Maladies infectieuses 17
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

Le respect des circuits concerne la séparation de secteurs Dans certaines situations, comme la listériose, les deux systèmes
propres et souillés, les circuits d’élimination des déchets, de surveillance, CNR et DO, se renforcent et permettent de
l’hygiène des locaux et des matériels. Pour les denrées comme déclencher une alerte et une investigation menée par une
pour le personnel, le circuit est organisé de façon à passer du cellule de crise [59].
secteur souillé au secteur propre sans possibilité de retour en La DGCCRF du ministre de l’Économie, des Finances et de
arrière, ni de croisement entre le propre et le sale (principe de l’Industrie est chef de file pour l’élaboration des réglementations
la « marche en avant »). nationale, communautaire et internationale (commission du
En situation de restauration différée, les micro-organismes Codex alimentarius) relatives à certains produits alimentaires,
prolifèrent et sécrètent leurs toxines avec un maximum de en particulier d’origine non animale. Elle dispose de laboratoires
risque dans une zone de température comprise entre + l0 °C et particuliers. Ces derniers opèrent les contrôles chez les fabri-
+ 65 °C. cants d’aliments pour animaux.
La Direction générale de l’alimentation (DGAL) du ministère
Transferts de préparations culinaires
de l’Agriculture et de la Pêche exerce les compétences du
On distingue trois types de transferts de préparations culinai- ministère en matière de maîtrise et de promotion de la qualité
res au lieu de consommation : et de la sécurité des productions animales, végétales et alimen-
• la liaison chaude : le plat mis en récipient à température élevée taires. Elle exerce la tutelle des Directions départementales des
est transporté à une température supérieure à 65 °C ; services vétérinaires et de la Brigade nationale d’enquêtes
• la liaison froide : vétérinaires.
C le plat est réfrigéré rapidement et doit atteindre une La Direction départementale des services vétérinaires a pour
température de plus de 10 °C à cœur en moins de 2 heures, responsabilité la surveillance des produits d’origine animale. Elle
C il sera stocké éventuellement en chambre froide entre 0 °C assure le contrôle des établissements de restauration collective,
et + 3 °C (5 jours au maximum), en liaison avec les DDASS, et dispose de laboratoires spécialisés.
C le transfert se fait à une température entre 0 °C et + 3 °C Dans la quasi-totalité des départements français ont été créées
et la remise en température à 65 °C se fera en maximum des structures décentralisées interministérielles : les missions
1 heure ; interservices de sécurité sanitaire des aliments (MISSA). Les
• la liaison surgelée avec refroidissement rapide à au moins MISSA regroupent la DDSV, la DGCCRF, la Direction de la santé
– 18 °C permet une conservation prolongée. et du développement social (DSDS) et souvent le Service de
Dans les trois cas, le transport se fait en engin isotherme et protection des végétaux et les Services municipaux d’hygiène.
récipients fermés. La MISSA a un rôle de coordination des inspections et d’aide à
l’élaboration du plan national de contrôle pluriannuel
Éducation, surveillance, contrôles (PNCOPA) que chaque État membre doit transmettre à la
L’éducation sanitaire du personnel de la chaîne alimentaire commission européenne en application des règlements du
(restauration, cuisine, cantine, etc.) doit porter sur la tenue, « paquet hygiène » (règlements 178/2002, 852/2004, 853/2004,
l’hygiène corporelle et l’hygiène générale. 882/2004).
Une surveillance médicale de ces personnels doit être prévue et Structures nationales de sécurité sanitaire. La loi du
comporte l’éviction, la prise en charge et le traitement des sujets 1er juillet 1998 a réorganisé l’ensemble de la sécurité sanitaire en
présentant une infection cutanée, rhino- ou oropharyngée ou créant plusieurs structures, notamment :
digestive. • l’InVS a repris et étendu les missions du Réseau national de
La prévention des toxi-infections alimentaires collectives par santé publique (RNSP). Il travaille en relation avec l’AFSSA, la
la recherche systématique de porteurs de staphylocoques parmi DGAL et la DGS. Il contribue, au niveau opérationnel, aux
les personnels de l’industrie alimentaire (arrêté du 22 décembre investigations épidémiologiques et coordonne les interven-
1966) est onéreuse et peu rentable. Elle devrait être remplacée tions nécessaires. Il est un des composants de la cellule de
par un effort d’éducation du personnel et la stricte application crise chargée de l’investigation de certaines épidémies. En
des règles d’hygiène professionnelle (hygiène des mains, des particulier, il est directement impliqué dans les investigations
tenues, des locaux). d’épidémies si ces dernières concernent un contexte spatial
Des contrôles systématiques par analyse microbiologique des dépassant celui d’un département français [59]. Il développe et
aliments servis en restauration collective sont prévus. coordonne au niveau national la surveillance, la recherche
épidémiologique en tant que structure ressource et experte
Acteurs, structures et organisations concernés dans le domaine de la veille épidémiologique ;
Un dispositif institutionnel élaboré organise, surveille, • l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA)
expertise, réglemente et sécurise. Au niveau national, le paysage travaille sous triple tutelle ministérielle de la Santé, de
français a récemment connu d’importantes transformations au l’Agriculture et des Finances. L’agence comprend plusieurs
cours des années passées [48]. directions : la Direction de la santé animale et du bien-être
Différents services de l’État. Plusieurs ministères sont des animaux, la Direction du végétal et de l’environnement,
concernés, principalement ceux de la Santé et de l’Agriculture. la Direction scientifique, la Direction de l’information et de
La Direction générale de la santé (DGS) du ministère de la communication, l’Agence nationale du médicament
l’Emploi et de la Solidarité (secrétariat d’État à la Santé et aux vétérinaire et la Direction de l’évaluation des risques nutri-
Handicapés) est chargée d’élaborer, de mettre en œuvre et tionnels et sanitaires, ainsi que neuf laboratoires. Elle
d’évaluer la politique de nutrition de santé publique. Elle fait le participe à l’évaluation, au conseil et à la gestion des risques,
lien avec les orientations de politique nutritionnelle définies en particulier avec une prérogative de coordination des autres
dans le cadre de l’Union européenne. services de contrôle. Elle est à ce titre une composante – avec
Dans le dispositif de sécurité sanitaire des aliments et des l’InVS, la DGAL, la DGCCRF et la DGS – des cellules de crise
eaux, la DGS exerce une veille sanitaire par la mobilisation des chargées de l’investigation de certaines épidémies et des
données sur l’état de santé, la collaboration avec les centres mesures prises pour leur contrôle (retrait de l’aliment véhicule
nationaux de référence (CNR), les centres antipoison. Elle de transmission, information des consommateurs) (cf.
participe à la gestion des risques recommandée par l’AFSSA et à supra) [48, 59].
la mise en place de cellules de crises transversales en cas de Niveau européen et international. Ce niveau ne sera pas
survenues de phénomènes épidémiques. Les services déconcen- développé ici. Les autorités sanitaires des pays européens sont
trés : Directions régionales et départementales des affaires informées de la survenue d’épidémies par l’intermédiaire des
sanitaires et sociales (DRASS et DDASS, ou DSDS) participent à réseaux d’alerte et de surveillance communautaire (réseau des
des contrôles alimentaires dans certains types d’établissements. maladies transmissibles et système « Rapid Alert System for
Dans chaque DDASS, le médecin inspecteur de la santé enregis- Food ». Le Parlement européen débat des problèmes alimen-
tre les déclarations obligatoires de TIAC et est chargé de réaliser taires et adopte les directives et règlements en dernier ressort.
dans ce cadre les investigations et interventions nécessaires. Les relations entre Parlement, Commission et Conseil ont

18 Maladies infectieuses
Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir ¶ 8-003-A-82

abouti à une législation relative au renforcement de la sécurité [9] Hennesy T, Hedberg CW, Slutsker L, White KE, Beser-Wiek JM,
alimentaire. Un livre blanc a été publié en décembre 1999 par Moen ME. A national outbreak of Salmonella enteritidis infections
la Commission. Il a proposé la création d’une instance d’éva- from ice cream. N Engl J Med 1996;334:1281-6.
luation européenne (European Food Safety Authority), basée en [10] Chingu S, Brandt LJ. Escherichia coli 0157:H7 infection in humans.
Italie, opérationnelle depuis 2002. La Commission du Codex Ann Intern Med 1995;123:698-713.
alimentarius est l’organe international chargé de mettre en [11] Abdussallam M, Foster C, Käferstein F. Food-related behaviour. In:
œuvre le programme mixte Organisation mondiale de la santé/ Hamburg D, Sartorius N, editors. Health and behaviour. Cambridge:
Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agricul- Cambridge University Press; 1989. p. 45-64.
ture (OMS/FAO) sur les normes alimentaires, en partenariat avec [12] Desenclos JC. Epidémiologie des risques toxiques et infectieux liés à la
l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Créé en 1962, il consommation de coquillages. Rev Epidemiol Sante Publique 1996;44:
vise à protéger la santé du consommateur. En Europe, l’impor- 437-54.
[13] Becker K, Southwick K, Reardon J, Berg R, MacCormack N.
tation et l’exportation des produits sont fondées sur le principe
Histamine poisoning associated with eating tuna burgers. JAMA 2001;
du libre-échange. Lorsqu’un impératif de santé publique l’exige,
285:1327-30.
un État peut adopter des mesures restrictives en matière
[14] Dupont HL. Consumption of raw shellfish is the risk now acceptable? N
d’échanges, encadrées par les institutions communautaires ou Engl J Med 1985;314:707-8.
par l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Il doit [15] Malvy D. L’Ethique à l’épreuve de la prévention. In: Mantz JM,
pouvoir justifier ces mesures en apportant les preuves de la Grandmottet P, Queneau P, editors. Ethique et thérapeutique.
dangerosité du produit incriminé, à l’aide d’un niveau élevé de Strasbourg: Presses Universitaires de Strasbourg; 1998. p. 161-85.
vigilance, de réactivité et d’investigation d’un foyer de TIAC [16] Solomons NW, Gross R. Urban nutrition in developping coutries. Nutr
potentiel ou avéré, afin de repérer une source de contamination Rev 1995;53:90-5.
et d’adopter les dispositions qui s’imposent s’il s’agit d’aliments [17] Malvy D, Djossou F, Receveur MC, Le Bras M. Démarche générale de
importés. Cette intervention et ces mesures doivent intégrer la prise en charge d’une pathologie tropicale d’importation. EMC
complexité des circuits d’importation et d’exportation. (Elsevier Masson SAS, Paris), AKOS Encyclopédie pratique de Méde-
cine, 4-1371, 2000 : 5p.
[18] Kapperud G, Rorvik CM, Hasseltvelt V, Hoiby EA, Iurisen BG, et al.
■ Conclusion Outbreack of Shigella sonnei infection traced to imported iceberg
lettuce. J Clin Microbiol 1995;33:609-14.
[19] Esrey SA. Water, waste, and well-being: a multicountry study. Am
La diffusion de plus en plus large de la restauration collective
J Epidemiol 1996;143:608-23.
et le développement de l’industrie agroalimentaire s’accompa- [20] Martin-Prevel Y, Maire B, Delpeuch F. Nutrition, urbanisation et pau-
gnent d’un risque de plus en plus élevé de TIAC. L’investigation vreté en Afrique subsaharienne. Méd Trop 2000;60:179-91.
épidémiologique de tels foyers devient donc un outil indispen- [21] Solomons NW, Gross R. Urban nutrition in developing countries. Nutr
sable pour les professionnels et les décideurs de santé afin de Rev 1995;53:90-5.
mieux connaître, et donc de mieux traiter et prévenir ce [22] Käferstein F. Food borne diseases in developing countries: aetiology,
problème de santé publique. Il convient de renforcer une epidemiology and strategies for prevention. Int J Envviron Health Res
information objective – y compris par l’intermédiaire des 2003;13:1S161-1S168.
professionnels de santé – des consommateurs (pour assumer les [23] Desenclos JC, Klontz KC, Wolfe LE, Hoecherl S. The risk of Vibrio
responsabilités et la part de vigilance afin de ne pas compro- illness in the Florida raw oyster eating population, 1981-1988. Am
mettre les efforts réalisés en amont) concernant le risque non J Epidemiol 1991;134:290-7.
nul de contracter certaines maladies lors de l’exposition à des [24] Goulet V. Impact des mesures de contrôle mises en œuvre depuis 10 ans
produits alimentaires ou culinaires à risque, généralement ceux sur l’incidence de la listériose. 2e Journée scientifique du RNSP, Saint-
pouvant être consommés sans être chauffés. C’est le cas des Maurice, 11 décembre 1998.
coquillages crus ou peu cuits [11, 12], de certains produits laitiers [25] Scott E. Food safety and foodborne disease in 21st century homes. Can
à base de lait cru [24, 59] ou de certaines charcuteries [59]. Il est J Infect Dis 2003;14:277-80.
nécessaire de reconsidérer la consommation de ce type d’ali- [26] Perrier-Gros-Claude JD, Courrier PL, Bréard JM, Vignot JL, Masse-
ment ou de plat pour les personnes fragilisées ou les plus ront T, Garin D, et al. Entérocoques résistants aux glycopeptides dans
vulnérables : personnes immunodéprimées, personnes atteintes les viandes. Bull Epidémiol Hebd 1998(n°12):50-1.
d’affections hépatiques [23] , personnes âgées, diabétiques, [27] Molbak, Baggesen DL, Aarestrup FM, Ebbesen JM, Engberg J,
transplantées [65]. Frydendahl K, et al. An outbreak of multidrug-resistant, quinolone-
.
resistant Salmonella enterica serotype typhimurium DT104. N Engl
J Med 1999;341:1420-5.
■ Références [28] Mégraud F. Les infections à Campylobacter en France. In:
Epidémiologie des maladies infectieuses en France. Réseau national de
[1] Käferstein F, Abdussalam M. La salubrité des aliments au XXIe siècle. santé publique, Saint-Maurice, France. Bull Epidémiol Annuel 1999;
Bull WHO 1999;77:347-51. 83-4.
[2] Ancelle T, Renaud G, Dupouy-Camey J, Foulon G. Evaluation of the [29] Tauxe RV. Emerging foodborne pathogens. Int J Food Microbiol 2002;
medical and social cost of 2 trichinosis outbreaks in France in 1985. Rev 78:31-41.
Epidemiol Sante Publique 1990;38:179-86. [30] Andrews NJ, Farrington CP, Cousens SN, Smith PG, Ward H,
[3] Ancelle T, Dupouy-Camet J, Desenclos JC, Maillot E, Savage-Houze S, Knight RSG, et al. Incidence of variant Creutzfeld-Jakob disease in the
Charlet F, et al. A multifocal outbreak of trichinellosis linked to horse UK. Lancet 2000;356:481-2.
meat imported from North America to France in 1993. Am J Trop Med [31] Bruce ME, Will RG, Ironside JW, McConnell I, Drummond D, SuttieA,
Hyg 1998;59:615-9. et al. Transmissions to mice indicate that ‘new variant’CDJ is caused by
[4] Käferstein F, Motarjemi Y, Bettcher DW. Foodborne disease control: a the BSE agent. Nature 1997;389:498-501.
transnational challenge. Emerging Infect Dis 1997;3:503-10. [32] Chazot G, Broussole E, Blattier T, Aguzzi A, Kopp N. New variant of
[5] Dentiger CM, Bower WA, Nainan OV, Cotter SM, Myers G, Creutzfeld-Jakob disease in a 26-year old French man. Lancet 1996;
Duusky LM, et al. An outbreak of hepatitis A associated with green 347:1181.
onions. J Infect Dis 2001;185:1273-6. [33] Dormont D. Le nouveau variant de la maladie de Creutzfeld-Jakob.
[6] Amat-Rose JM. Dynamiques porteuses de risque en Europe. Lettre Eurosurveillance 2000;5:95-7.
infect 1997;12:326-7. [34] Gill N. Developments in variant Creutzfeld-Jakob disease.
[7] Bernoux A, Libert JM, Popoff D, Pays JF. Cas groupés d’infections Eurosurveillance 2000;5:89-90.
gastro-intestinales à Cyclospora au retour d’un voyage en Indonésie. [35] Malvy D. Encéphalopathie spongiforme bovine et sécurité alimentaire.
Bull Epidémiol Hebd 2000;(n°42):1. Cah Nutr Diét 1998;2:68-70.
[8] Chadwick PR, Woodford N, Kaczmarsski EB, Gray S, Barrel RA, [36] Will RG, Ironside JW, Eidler M, Cousens SN, Estibeiro K,
Oppenheim BA. Glycopeptide-resistant enterococci isolated from Alpérovitch A, et al. A new variant of Creutzfeld-Jakob disease in the
uncooked meat. J Antimicrob Chemother 1996;38:908-9. UK. Lancet 1996;347:921-5.

Maladies infectieuses 19
8-003-A-82 ¶ Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique. Orientation diagnostique et conduite à tenir

[37] Haghebert S, Duché L, Masini B, Dubreuil M, Bouvet P, Grimont F, [52] Bagnis R, Kuberski T, Laugier S. Clinical observations on 3,009 cases
et al. Épidémie de salmonellose à Salmonella Typhimurium dans des of ciguatera (fish poisoning) in the south Pacific? Am J Trop Med Hyg
institutions médico-sociales (IMS). Alpes de Haute-Provence, 1979;28:1067-73.
septembre-décembre 1999. Abstracts des Journées nationales [53] Boisier P, Ranaivoson G, Rasolofonirina N, Andriamahefazafy B,
d’infectiologie. Méd Mal Infect 2000;30:353-ST02-06. Roux J, Chanteau S, et al. Fatal mass poisoning in Madagascar
[38] Empana JP, Perrin MD, Pilon B, Ilef D. Epidémie de shigellose à following ingestion of ashark (Carcharhinus leucas):clinical and
Shigella sonnei dans un institut éducatif spécialisé (Aisne, Novembre epidemological aspects and isolations of toxins. Toxicom 1995;33:
1998-Mars 1999). Bull Epidémiol Hebd 2000;n°10:5-9. 1359-64.
[39] Delmas G, Gallay A, Espié E, Haeghebaert S, Pihier N, Weill F-X, et al. [54] Legrand AM, Fukui M, Cruchet P, Yasumoto T. Progress on chemical
Les toxi-infections alimentaires collectives en France entre 1996 et knowledge of ciguatoxins. Bull Soc Pathol Exot 1992;85:467-9.
2005. Bull Epidémiol Hebd 2006;(n°51-52):418-22. [55] Perez C, Vasquez PA, Perret CF. Treatment of ciguatera poisoning with
[40] Delarocque-Astagneau E, Bouillant C, Vaillant V, Bouvet P, gabapentin. N Engl J Med 2001;344:692-3.
Grimont PA, Desenclos JC. Risk factors for the occurrence of sporadic [56] Leblanc JC, TardA, Volatier JL, Verger P. Estimated dietary exposure to
Salmonella enterica serotype typhimurium infections in children in principal food mycotoxins from The First French Total Diet Study.
France: a national case-control study. Clin Infect Dis 2000;31:488-92. Food Addit Contam 2005;22:652-72.
[41] Vaillant V. Baron E. De Valk H. Morbidité et mortalité dues aux mala-
[57] Thibault N, Burgat V, Guerre P. Les fumonisines : nature, origine et
dies infectieuses d’origine alimentaire en France - Rapport InVS– mars
toxicité. Rev Med Vet (Toulouse) 1997;148:369-88.
2004. 190p.
[58] Goulet V, Hedberg C, Le Monnier A, de Valk H. Increasing incidence of
[42] Mead PS, Slutsker L, Dietz V, McCaig LF, Bresee JS, Shapiro C, et al.
Food-related illness and death in the United States. Emerg Infect Dis listeriosis in France and other european countries. Emerg Infect Dis
1999;5:607-25. 2008;14:734-40.
[43] Adak GK, Long SM, O’Brien SJ. Trends in indigenous foodborne [59] De Valk H, Rocourt J, Lequerrec F, Jacquet C, Vaillant V, Portal H, et al.
disease and deaths, England and Wales: 1992 to 2000. Gut 2002;51: Bouffée épidémique de listériose liée à la consommation de rillettes.
832-41. Bull Epidémiol Hebd 2000;(n°4):15-7.
[44] Desenclos JC, Bouvet P, Benz-Lemoine E, Grimont F, Desqueyroux H, [60] Dawson D. Foodborne protozoan parasites. Int J Food Microbiol 2005;
Rebière I, et al. Salmonella serotype Paratyphi B in a raw goat milk 103:207-27.
cheese. BMJ 1996;312:91-6. [61] Carme B, Bissuel F, Auzenberg D, Bouyne R, Aznar C, Demar M, et al.
[45] Gomez TM, Motarjemi Y, Maiyagawa S, Käferstein FK, Stöhr K. Severe acquired toxoplasmosis in immunocompetent adult patients in
Foodborne salmonellosis. World Health Stat Q 1997;50:81-9. French Guiana. J Clin Microbiol 2002;40:4037-42.
[46] Ka S, Colbacchini P. Perrier-Gros-Claude, Cellier C. Cas groupés de [62] Dias JCP, Prata A, Correia D. Problems and perspectives for Chagas
salmonelloses multirésistantes. Méd Trop 1999;59:2S–CA06. disease control: in search of a realistic analysis. Rev Soc Bras Med Trop
[47] Rodrigue DC, Tauxe RV, Rowe B. International increase in Salmonella 2008;41:193-6.
enteritidis: a new pandemic? Epidemiol Infect 1990;105:21-7. [63] Nobrega AA, Garcia MH, Tatto E, Obara MT, Costa E, Sobel J, et al.
[48] Haut Comité de la Santé Publique. Pour une politique nutritionnelle de Oral transmission of Chagas disease by consumption ofAçai palm fruit,
santé publique en France. Enjeux et propositions. Avis et Rapports. Brazil. Emerg Infect Dis 2009;15:653-5.
Édition ENSP, Juin 2000. 271p. [64] GhaniAC, Ferguson NM, Donnely CA,Anderson RM. Predicted vCJD
[49] Raynaud S, Boscher P, Picant P, Mathieu B, Degand C, Poutreil B, et al. mortality in Great Britain. Nature 2000;406:583-4.
Prévalence, origine, circulation et persistance des Escherichia Coli pro- [65] Receveur MC, Malvy D, Morel D, Le Bras M. Transplanté rénal et
ducteurs de Shiga-toxines (STEC) dans les élevages bovins français. voyage tropical. Nephrologie 1999;20:145-51.
Bull Epidémiol Hebd 2006;(n°21):1-3.
[50] Taylor SL. Histamine food poisoning: toxicology and clinical aspects.
Crit Rev Toxicol 1986;17:91-117. Pour en savoir plus
[51] Taylor SL, Stratton JE, Nordlee JA. Histamine poisoning (scombroid
fish poisoning) as allergy-like intoxication. J Toxicol Clin Toxicol 1989; Sur l’encéphalopathie spongiforme bovine : www.esbinfo. agriculture.
27:225-40. gouv.fr/.

F. Djossou, Médecin des Hôpitaux (felix.djossou@ch-cayenne.fr).


Service de maladies infectieuses et maladies tropicales (Docteur F. Djossou), Centre hospitalier Andrée Rosemon, rue des Flamboyants, 97306 Cayenne
cedex, France.
A. Martrenchar, Docteur vétérinaire.
Direction départementale des services vétérinaires, 24, boulevard de la République, BP 7017, 97307 Cayenne cedex, France.
D. Malvy, Médecin des Hôpitaux, professeur des Universités.
Service de médecine interne et des maladies tropicales, Groupe hospitalier Saint-André, CHU de Bordeaux, 33075 Bordeaux cedex, France.
Centre René Labusquière (Institut de médecine tropicale), Université Victor Segalen Bordeaux 2, 33076 Bordeaux cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Djossou F., Martrenchar A., Malvy D. Infections et toxi-infections d’origine alimentaire et hydrique.
Orientation diagnostique et conduite à tenir. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-003-A-82, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

20 Maladies infectieuses
¶ 8-003-I-10

Infections sexuellement transmissibles


anorectales
S. Sultan, P. Bauer, P. Atienza

Les infections sexuellement transmissibles (IST) de localisation anorectale restent fréquentes et se


rencontrent surtout chez l’homosexuel mâle. Les signes cliniques fonctionnels sont peu spécifiques et
parfois même inexistants avec les risques de contamination que cela implique. Trois types de lésions
anorectales, parfois associés, peuvent être observés : les ulcérations ou érosions, les lésions végétantes, les
rectites. Les polycontaminations sont fréquentes. L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine
(VIH) modifie leur expression clinique et leur évolution. Les IST, en particulier avec des lésions ulcérées,
favorisent la contamination par le VIH. Le traitement curatif repose sur le traitement du patient, du ou des
partenaires. De nouvelles stratégies thérapeutiques doivent être recherchées en raison de l’apparition
croissante de résistances aux antibiotiques. Le traitement préventif repose sur l’information des patients
et l’utilisation du préservatif.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Infections sexuellement transmissibles ; Infections anorectales ; Syphilis ; Gonocoque ; Herpès ;
Chlamydia ; Papillomavirus ; VIH

Plan rapport à risque, meilleure santé chez les patients sous trithéra-
pie, prostituées originaires d’Europe de l’Est. Depuis l’introduc-
¶ Généralité, épidémiologie 1 tion des trithérapies ou plus généralement des highly active
Anamnèse 2 antiretroviral therapy (HAART), plusieurs études ont fait état
Examen 2 d’une augmentation des conduites sexuelles à risque et des IST.
Il semble que les sujets non infectés se sentent moins concernés
¶ Infections bactériennes 2
par la contamination par le VIH, que les patients infectés sous
Syphilis 2
HAART ne prennent plus autant de précautions lors des rap-
Gonococcie 4
« Chlamydia trachomatis » 4
ports sexuels. Cette augmentation peut être interprétée comme
Chancre mou 5 un effet secondaire de l’amélioration de la condition physique
Donovanose 6 des sujets VIH, marquée par une reprise du désir sexuel.
L’apparition de nouveaux tests diagnostiques faisant appel
¶ Virus 6
aux techniques de détection et d’amplification de séquences
Herpès anorectal 6
spécifiques d’acides nucléiques constitue une avancée significa-
Condylomes de l’anus 8
Molluscum contagiosum 10 tive [1]. Ces techniques, qui ont amélioré le dépistage des IST
Sarcome de Kaposi 10 dans de nouveaux groupes de patients, ont aussi permis de
Infections à Epstein-Barr virus et cytomégalovirus (CMV) 10 préciser l’étiopathogénie et le traitement de ces infections.
L’infection par le VIH peut modifier l’expression et la gravité
¶ Parasites 10
des IST [1-8] ; elle est de plus à l’origine de nouvelles lésions qu’il
Amibiase 10
faut savoir reconnaître [9-12]. Il existe entre les IST et le VIH une
¶ Lésions traumatiques 11 potentialisation réciproque en matière de risque de contamina-
¶ Conclusion 11 tion et de gravité [4, 8, 13]. Une personne atteinte d’une IST
(surtout avec une lésion ulcérée) a 200 à 500 fois plus de risques
de contracter le VIH qu’une autre.
La coexistence d’une infection à VIH avec d’autres IST
■ Généralité, épidémiologie accélère le processus de développement du VIH. L’infection VIH
augmente non seulement les risques de contamination par les
Malgré les campagnes de prévention contre le syndrome
d’immunodéficience acquise (sida), les infections sexuellement IST, mais aussi la sévérité des lésions (pérennisation des lésions ;
transmissibles (IST) restent plus que jamais d’actualité en raison réponse thérapeutique moindre, en particulier pour les mono-
de leur incidence mondiale croissante, des possibilités de thérapies). Cela souligne toute l’importance des campagnes de
complications et du risque accru de transmission du virus de prévention et des mesures prophylactiques.
l’immunodéficience humaine (VIH). Les raisons de cette recru- Plus insidieuses, parfois silencieuses, plus souvent chroniques,
descence sont multiples : absence d’information pour les jeunes, les IST exposent à un risque accru de complications qui peuvent
contrainte des moyens de prévention, libération de l’acte sexuel être parfois sévères (encéphalite, hépatite, stérilité tubaire,
notamment chez les homosexuels, confiance dans les traite- grossesse extra-utérine, douleurs pelviennes chroniques, atteinte
ments antisida, accès à un traitement antirétroviral en cas de fœtale ou néonatale, cancers génitaux et anaux).

Maladies infectieuses 1
8-003-I-10 ¶ Infections sexuellement transmissibles anorectales

L’épidémiologie de chacune des IST est différente, influencée pelvienne (rectite radique), prise de médicaments par voie
par divers facteurs : démographiques, condition sociale, trans- rectale (suppositoires de dextropropoxyphène ou d’ergotamine,
missibilité de chaque agent pathogène, durée de l’infectiosité, lavements évacuateurs [18]) ou orale (antibiothérapie pouvant
types de pratiques sexuelles [5]. être responsable d’anite érosive, de rectocolite banale ou
L’organisation mondiale de la santé (OMS) estimait à au pseudomembraneuse). Le deuxième temps, qui suit l’examen
moins 340 millions le nombre de nouveaux cas d’IST guérissa- proctologique faisant évoquer une IST, tente de préciser la date
bles en 1999 contre 250 millions en 1990 [14]. Ces chiffres ne du dernier rapport, le type de sexualité, l’utilisation éventuelle
concernent que quatre infections : la syphilis (12 millions), la d’accessoires, la notion de partenaires multiples ou à risque
gonococcie (62,4 millions), les infections à Chlamydia trachoma- (prostitution, homosexualité, toxicomanie), de voyage en zone
tis (92 millions) et les infections à Trichomonas (174 millions). tropicale ou de rapport sexuel avec un partenaire originaire de
Par ailleurs, la prévalence des IST d’origine virale ne cesse de zone tropicale, l’existence de signes d’infection génitale, voire
croître, en particulier celles dues aux herpes simplex et aux oropharyngée [19].
papillomavirus humains (PVH). Un Américain sur six serait
infecté par le virus de l’herpès et le double par les PVH [3]. Examen
En France, bien que la déclaration de ces IST ne soit plus
obligatoire, le contrôle de leur fréquence se fait par l’intermé- L’examen proctologique doit comporter l’inspection de la
diaire de réseaux nationaux de surveillance des laboratoires marge anale, le toucher rectal, un examen endoscopique du
d’analyse médicale (RENASYPH pour la syphilis, RENAGO pour canal anal et du rectum avec du matériel à usage unique. Cet
la gonococcie, RENACHLA pour les infections à Chlamydia). examen endoscopique doit être réalisé sans préparation préala-
Cette nette progression des IST est surtout l’apanage des pays ble type Normacol® ou Dulcolax® qui sont susceptibles de
en voie de développement, là où le tourisme sexuel est de plus modifier la muqueuse anorectale (irritation muqueuse, sécrétion
en plus important [1]. En Europe de l’Est, mais également en glaireuse) et même de négativer faussement certains prélève-
France et aux États-Unis, on constate la réémergence de certai- ments, en particulier pour Neisseria gonorrhoeae. Les lubrifiants
nes IST, comme la syphilis, la lymphogranulomatose vénérienne usuels contenant souvent des agents antimicrobiens également
(LGV) et la gonococcie. susceptibles de négativer les prélèvements, il vaut mieux utiliser
Certaines pratiques sexuelles permettent la transmission de des lubrifiants à base d’eau [15]. Il ne faut pas hésiter à arrêter
multiples germes entériques par contamination orofécale : l’examen lorsque celui-ci est trop douloureux et le reprendre
contact oroanal ou fellation après coït anal [3, 15-17]. sous anesthésie générale ou locorégionale. L’examen proctolo-
Les lésions localisées à l’anus et/ou au rectum sont, soit gique doit se poursuivre par la palpation des aires inguinales à
transmises par coït anal d’autant plus facilement que la la recherche d’adénopathies. Leur présence oriente fortement le
muqueuse rectale est plus « fragile » que la muqueuse vaginale, diagnostic en faveur du caractère vénérien d’une lésion anorec-
soit secondaires à une contamination per os et alors associées à tale. Enfin un examen général doit être réalisé, en insistant sur
une atteinte colique plus ou moins étendue, en continuité ou l’examen de la peau, des organes génitaux, de la région bucco-
pas avec l’atteinte anorectale. pharyngée et des aires ganglionnaires.
Les localisations anorectales des IST sont surtout l’apanage
des homosexuels masculins, mais peuvent aussi se rencontrer
chez les hétérosexuels (femmes et hommes) [4, 15, 17].
■ Infections bactériennes
La multiplicité des partenaires est un facteur de risque majeur
de contamination, beaucoup plus, semble-t-il, que le coït anal Syphilis
lui-même. En effet, l’homosexuel monogame n’est pas plus La syphilis est une maladie très contagieuse due à Treponema
exposé aux IST que l’hétérosexuel monogame. Chez la femme, pallidum, bactérie non cultivable, qui appartient à l’ordre des
le coït anorectal est à risque de contamination pour le VIH plus spirochètes, et dont la transmission est interhumaine. Une
élevé que le coït vaginal [15]. recrudescence majeure des cas de syphilis précoce est observée
L’accroissement des IST peut s’expliquer par différents chez les homosexuels masculins, en particulier séropositifs pour
facteurs : la libéralisation de la sexualité, l’explosion au grand le VIH [1, 20].
jour de l’homosexualité masculine et ses particularités (vie en Les interactions entre la syphilis et le VIH sont nombreuses :
groupes restreints favorisant les contagions tournantes rapides, les ulcérations génitales dues à la syphilis favorisent l’acquisi-
liaisons éphémères avec des partenaires nombreux et anonymes, tion et la transmission du VIH, l’évolution de la syphilis peut
lésions traumatiques [fist fornication] ou inflammatoires secon- être modifiée par l’infection VIH [1, 6] . Des antécédents de
daires à l’utilisation de parfums, de lubrifiants) [15, 17], l’utilisa- syphilis sont retrouvés chez 30 à 40 % des patients séropositifs
tion fréquente de drogues (poppers, alcool, crack), avant et/ou pour le VIH ; de même, la prévalence de l’infection à VIH chez
pendant les rapports (risque accru de contamination par les patients qui consultent pour une IST, en particulier une
affaiblissement du système immunitaire et par diminution de la syphilis, est de l’ordre de 25 à 30 %. Les chiffres les plus élevés
conscience de la douleur qui constitue une barrière aux sont observés chez les hommes, surtout homosexuels [6]. La
traumatismes). présentation clinique de la syphilis primaire et secondaire ne
La multiplicité de ces maladies, l’existence très fréquente de diffère pas selon le statut VIH ; cependant, quelques observa-
formes polymicrobiennes, l’existence de formes asymptomati- tions traduisant une infection floride à tréponème à l’évolution
ques et de formes atypiques doivent conduire quasi systémati- agressive (ulcérations nécrotiques extensives) ont été rapportées.
quement à la réalisation d’examens complémentaires pour
affirmer le diagnostic. Chancre anal
Les signes cliniques pouvant conduire au diagnostic d’IST Le chancre anal est la manifestation classique de la syphilis
anorectales sont peu spécifiques : douleurs anales, suintements, primaire. Il s’observe surtout chez l’homosexuel masculin (plus
prurit, épreintes, ténesmes, faux besoins, écoulements purulents de 80 % des cas) [21]. Il apparaît environ 3 semaines après le
et/ou hémorragiques par l’anus. C’est parfois un examen contact infectant (la période d’incubation varie de 10 à 90 jours
systématique chez un sujet asymptomatique à risques qui fait en fonction de l’importance de l’inoculum). Il se présente
évoquer une IST. comme une ulcération superficielle de la marge anale ou du
canal anal (10 à 20 % des cas) [15], latéralisée, longitudinale,
Anamnèse indurée, non douloureuse, à limite nette, rosée, propre (Fig. 1).
L’anamnèse est une étape importante du diagnostic. Elle est L’ulcération se fronce en « feuillet de livre » au retrait de
souvent conduite en deux temps. Le premier temps qui précède l’anuscope. Toutefois, de nombreux aspects moins typiques ont
l’examen précise les signes fonctionnels et leur mode évolutif été décrits : aspect de fissure anale chronique atone commissu-
(début aigu ou progressif, etc.), les antécédents personnels : rale, ulcérations multiples ou bipolaires, ulcération bourgeon-
artériosclérose qui peut orienter surtout chez le sujet âgé vers les nante pseudopolypoïde, rhagades suintantes, fissure sus-
lésions ischémiques rectocoliques, irradiation périnéale et/ou pectinéale (localisation particulière au patient séropositif pour le

2 Maladies infectieuses
Infections sexuellement transmissibles anorectales ¶ 8-003-I-10

Figure 1. Chancre syphilitique.

VIH). Dans tous les cas, il existe une adénopathie inguinale


indolore, ferme, sans périadénite, qui peut persister plusieurs
mois et qui doit orienter le diagnostic. Certains chancres
passent inaperçus car asymptomatiques. D’autres sont très rares
comme le chancre rectal qui peut prendre un aspect ulcérové-
gétant, pseudotumoral très trompeur.
Le chancre régresse spontanément en 3 à 5 semaines.
Figure 2. Syphilis secondaire : syphilides érosives et hypertrophiques.
Syphilis secondaire
La syphilis secondaire, phase de dissémination septicémique l’antigène cardiolipidique. Le VDRL est peu sensible et peu
de Treponema pallidum, apparaît en l’absence de traitement spécifique avec de nombreux faux négatifs et faux positifs
environ 6 semaines après le chancre, soit à peu près 2 mois (grossesse, lupus, vaccination, toxicomanie intraveineuse,
après le contage. Elle peut persister jusqu’à 6 mois et les infections virales, etc.) [1, 5]. Il doit être quantifié afin d’évaluer
récurrences cutanéomuqueuses survenir dans l’année suivante. l’ancienneté de la contamination et la réponse au traitement.
La manifestation précoce est la roséole (macules de 3 à 10 mm Le rapid plasma reagin (RPR) est un test similaire au VDRL
de diamètre, séparées par des intervalles de peau saine, non utilisant un antigène cardiolopidique.
prurigineuses, de couleur rose pâle, prédominant sur le tronc) Le Treponema pallidum haemagglutination assay (TPHA),
qui disparaît en 1 à 2 mois. Les manifestations cutanées plus réaction d’hémagglutination passive dans laquelle l’antigène est
tardives (2e-4e mois) ou syphilides sont des papules squameuses, un lyophilisat de Treponema pallidum, fixé sur les hématies de
rouge sombre, de 3 à 5 mm de diamètre, à base indurée, mouton, est une technique facile dont les résultats sont les plus
s’étendant sur tout le tronc. Les syphilides palmoplantaires, bien fiables de toute la sérologie de la syphilis. Il se positive
qu’inconstantes, sont très évocatrices du diagnostic. 1 semaine après le chancre et reste positif indéfiniment, ne
Dans la région génitale et anale, les syphilides sont le plus permettant pas d’apprécier une réinfection ou la guérison.
souvent multiples, très contagieuses, papuloérosives à type de Le fluorescent treponemal antibody test (FTA) est une réaction
fissurations multiples (Fig. 2) ou de lésions indurées, brun pâle d’immunofluorescence indirecte qui utilise aussi un antigène
ou roses, hypertrophiques (condylomes plats ou condyloma tréponémique. La réaction est rendue plus spécifique par
lata) parfois pseudopapillomateuses posant le problème du absorption préalable du sérum à tester par un extrait de
diagnostic différentiel avec des condylomes acuminés. tréponèmes saprophytes (FTA-abs).
Des plaques muqueuses, érosions superficielles de la muqueuse, Le FTA-abs est le test le plus précoce : il se positive environ
hautement contagieuses, non douloureuses, rouge vif ou couver- 5 jours après le chancre et demeure positif chez le malade non
tes d’une pellicule opaline peuvent s’observer. traité. Il nécessite un personnel hautement qualifié et son coût
En phase de syphilis secondaire, il faut rechercher des est relativement élevé si bien qu’il est réservé à la confirmation
polyadénopathies diffuses, une alopécie, une hépato-spléno- d’une syphilis récente avec contamination de moins de
mégalie. Très exceptionnel, le tabès (syphilis tertiaire) peut 3 semaines (VDRL et TPHA encore négatifs), au diagnostic de
provoquer une paralysie sphinctérienne anale avec des douleurs syphilis congénitale ou aux cas litigieux.
intenses [15, 21]. Les gommes rectales sont exceptionnelles et Le test d’immobilisation des tréponèmes ou test de Nelson
doivent être distinguées d’une tumeur [15]. n’a plus d’utilité. Il faut savoir que ces tests sérologiques
Des rectites syphilitiques ont été rapportées en l’absence de peuvent être anormalement négatifs ou faibles et retardés chez
lésion anogénitale. Les manifestations (ténesmes, douleurs certains patients infectés par le VIH ; c’est alors l’examen direct
rectales, glaires) sont peu spécifiques ; les lésions muqueuses après prélèvement des lésions (microscope à fond noir) qui fait
irrégulières, vues en rectoscopie, peuvent faire évoquer un le diagnostic lorsque le contexte clinique évoque une syphilis.
lymphome, ce d’autant qu’il existe des adénopathies inguina- L’infection VIH fait partie des causes infectieuses capables de
les [15, 22]. donner une sérologie syphilitique (VDRL, TPHA) faussement
positive.
Diagnostic En France, le clinicien prescrit l’association VDRL et TPHA
permettant d’affirmer ou d’infirmer le diagnostic de syphilis.
Le diagnostic de syphilis repose, soit sur la mise en évidence
du tréponème par l’examen au microscope à fond noir d’un
prélèvement effectué au niveau du chancre, soit sur la sérolo-
Traitement
gie [1, 4, 5, 8]. Le traitement repose sur la pénicilline G [1, 5, 6, 8] ; une
Le veneral disease research laboratory (VDRL), qui se positive 8 injection intramusculaire (IM) de 2,4 MUI d’Extencilline ®
à 10 jours après le chancre, utilise un antigène cardiolipidique ; (benzathine benzylpénicilline) pour la syphilis primaire et
c’est une technique peu coûteuse, facile à réaliser, qui détecte les secondaire, trois doses à 1 semaine d’intervalle pour la syphilis
anticorps immunoglobulines (Ig) G et IgM dirigés contre tertiaire. Si la sérologie est hautement positive, l’association

Maladies infectieuses 3
8-003-I-10 ¶ Infections sexuellement transmissibles anorectales

d’une ampoule de corticoïde (Solumédrol®) est souhaitable pour Diagnostic


éviter une réaction d’Herxheimer. En cas d’allergie à la pénicil-
Le diagnostic de gonococcie rectale repose sur la mise en
line, un traitement de 2 semaines par doxycycline (100 mg ×
évidence du gonocoque dans les sécrétions purulentes prélevées
2/j) ou érythromycine (500 mg × 4/j) peut être proposé.
avec un écouvillon à travers l’anuscope. Le prélèvement doit
Récemment, des échecs et des résistances en rapport avec une être transmis dans des délais très brefs ou réalisé au laboratoire.
mutation située sur l’acide ribonucléique (ARN) ribosomal 23S Les techniques de mise en évidence sont multiples :
ont été bien documentés avec l’azithromycine conduisant à ne • culture sur milieux spéciaux (gélose au sang cuit ou milieu de
pas recommander cet antibiotique [23] ; l’utilisation de la Thayer-Martin) : examen de référence qui permet la réalisa-
ceftriaxone nécessite d’autres études avant sa généralisation. tion d’un antibiogramme et la recherche de production d’une
Le suivi de l’efficacité thérapeutique se fait à 3, 6, 9 et bêtalactamase ;
12 mois par le VDRL quantitatif. L’échec thérapeutique est • détection antigénique par technique immunoenzymatique
certain en cas de non-diminution d’au moins deux dilutions des (gonozyme) qui se caractérise par sa spécificité, sa rapidité
anticorps à 3 mois d’intervalle pour la syphilis primaire et à d’exécution et sa facilité de prélèvement ;
6 mois d’intervalle pour la syphilis secondaire [21]. La réascen- • détection des acides nucléiques par amplification génique par
sion des taux d’anticorps traduit une réinfestation. polymerase chain reaction (PCR) ou ligase chain reaction (LCR).
Le dépistage systématique de l’infection syphilitique chez Il n’existe pas de sérologie diagnostique pour les infections
tous les patients infectés par le VIH, et inversement de l’infec- gonococciques.
tion à VIH chez tous les patients syphilitiques, doit être La mise en évidence du germe n’est pas une preuve irréfuta-
généralisé. ble de la responsabilité des symptômes du patient car les
Certains ont préconisé une détection systématique de la polycontaminations microbiennes sont fréquentes chez l’homo-
syphilis chez tous les homosexuels mâles actifs. sexuel mâle [26, 36].
La neurosyphilis précoce, parfois asymptomatique, dont les La rectite gonococcique est un facteur de risque indépendant
manifestations sont variables (méningite lymphocytaire, atteinte d’infection par le VIH [4].
des paires crâniennes, accident vasculaire cérébral), représente la
conséquence la plus grave de l’interaction VIH-Treponema Traitement
pallidum. Sa prévalence a été estimée à 1,5 % dans les cohortes Le traitement repose sur l’antibiothérapie par voie générale [4,
de patients infectés par le VIH et à 4 à 9 % en cas d’antécédent 21, 24, 26-29]: ceftriaxone 250-500 mg monodose intramusculaire
de syphilis traitée ou non [6]. (Rocéphine®). Certains auteurs ainsi que le Center for Disease
Control (CDC) associent une cure de doxycycline (100 mg × 2/j
pendant 7 jours) ou azithromycine (1 g per os monodose) en
Gonococcie raison de l’association fréquente à une chlamydiose [4]. Les
La gonococcie est due à Neisseria gonorrhoeae, diplocoque à résistances aux pénicillines par sécrétion de pénicillinases ou par
Gram négatif intracellulaire, particulièrement fréquent chez mécanisme chromosomique restent stables aux alentours de
l’homosexuel mâle (plus de 50 % des homosexuels consultant 10 % des souches isolées [26, 27] ; elles conduisent à faire appel
dans les centres de dépistage) lequel se contamine par coït anal aux céphalosporines de 3e génération (céfixime [Oroken® 200]
passif [16]. Chez la femme, une autocontamination anorectale à en une prise orale de 400 mg). L’apparition croissante de
partir d’une infection urogénitale souvent asymptomatique est résistances aux quinolones, en particulier chez les homosexuels
habituelle. Le portage pharyngé atteint 3 à 10 % des hétéro- mâles, dans les îles du Pacifique (surtout Hawaii), en Asie,
sexuels, 10 à 40 % des homosexuels et 5 à 20 % des femmes Californie, Angleterre, France (de 5,9 % entre 1998-2000 à
ayant une gonococcie tous sites confondus. L’importance du 16,9 % entre 2001-2002 pour la ciprofloxacine) implique la
réservoir pharyngé doit inciter à rechercher activement le germe réalisation de nouvelles études cliniques thérapeutiques adaptées
dans les populations à risque (infection gonococcique évolutive, et le retrait des quinolones dans le traitement de première ligne
homosexuels masculins, femme pratiquant la fellation, parte- de la gonococcie dans ces régions [24, 26, 27]. Un contrôle à
naires multiples) [19]. 3 mois est nécessaire car 35 % des patients présentent une
Cette infection touche surtout la tranche d’âge de 15 à 30 ans récurrence de l’infection et certains une résistance au traite-
(20 à 70 %). Seulement 6 % des femmes présentent une infec- ment [3, 15], d’où la nécessité de réaliser un antibiogramme avec
tion gonococcique rectale sans autre localisation urogénitale. chaque souche de gonocoque isolée.
Une co-infection avec Chlamydia trachomatis est fréquente, de
l’ordre de 10 à 30 % des cas. « Chlamydia trachomatis »
En raison de la fréquence élevée des formes asymptomati-
ques, une détection systématique tous les 3 mois est préconisée Classification
chez tout homosexuel mâle actif. Bactérie à développement intracellulaire obligatoire, Chlamy-
dia trachomatis provoque des infections oculaires et génitales. Il
Clinique en existe 15 sérotypes [30] :
• les sérotypes A, B, Ba et C sont responsables du trachome ;
La forme aiguë symptomatique est peu fréquente en pratique • les sérotypes D à K provoquent des infections urogénitales,
clinique. Elle apparaît 3 à 7 jours après le contact infectant sous oculaires, pulmonaires et anorectales ;
forme d’une rectite et/ou d’une cryptite responsable de douleurs • les sérotypes L1, L2, L3 sont responsables de la LGV ou
anorectales importantes, de faux besoins, de ténesmes, d’émis- maladie de Nicolas-Favre.
sions purulentes parfois sanglantes, de filaments de pus enro- Les infections urogénitales à Chlamydia sont sexuellement
bant les selles, d’un prurit anal. L’examen proctologique montre transmissibles, touchant surtout les jeunes de 15 à 25 ans. Les
un état congestif diffus du canal anal et de la muqueuse rectale porteurs asymptomatiques sont très nombreux avec les risques
avec ou sans ulcérations superficielles recouvertes de sécrétions de séquelles que cela peut impliquer chez la femme (stérilité
purulentes. Cette anorectite aiguë symptomatique de façon tubaire, grossesse ectopique, transmission de l’infection au
bruyante est moins fréquente que les formes mineures qui se nouveau-né). La chlamydiose rectale est retrouvée chez 15 %
limitent à une rectite hémorragique discrète ou à la présence de des homosexuels asymptomatiques [16].
pus en filaments ou en plaques jaunâtres sur une muqueuse Les sérotypes D à K peuvent ne causer aucune lésion anorec-
rectale normale. La présence de pus au niveau des cryptes tale ou être responsables de lésions minimes de la muqueuse
(favorisée par la pression de l’anuscope sur la ligne pectinée) est rectale (muqueuse fragile et/ou érythémateuse avec parfois
classique et serait à l’origine de véritable fistule gonococcique. quelques petites ulcérations ; ces lésions ne dépassent pas
Certaines formes non traitées peuvent évoluer et se manifester l’ampoule rectale). L’histologie montre une inflammation non
par des pathologies générales (périhépatite, méningite, endocar- spécifique à polynucléaires dispersés en foyers dans la lamina
dite, arthrite). propria.

4 Maladies infectieuses
Infections sexuellement transmissibles anorectales ¶ 8-003-I-10

Figure 3. Rectite à Chlamydia.

Les sérotypes L1, L2, L3 sont responsables de la LGV, infec-


tion endémique dans certaines régions tropicales (Sud-Est
asiatique, Afrique de l’Ouest, Amérique du Sud et Inde), mais
rare en Europe. Toutefois depuis la fin de l’année 2003, il est
observé une émergence de LGV rectales en Europe, ayant débuté
à Rotterdam, affectant des patients homosexuels masculins Figure 4. Chancre mou.
ayant des rapports anaux non protégés, la moitié d’entre eux
étant séropositifs pour le VIH [31, 32]. Ces sérotypes se propagent
surtout par l’intermédiaire des macrophages, vers les vaisseaux • isolement sur culture cellulaire (Mac Coy ou HeLa) : bien que
lymphatiques du petit bassin entraînant une réaction inflam- spécifique et sensible, elle est moins utilisée car complexe et
matoire, suivie de fièvre. La période d’incubation varie de 3 à coûteuse (elle était le gold standard pour le typage des
30 jours. germes) ;
• PCR : de grande sensibilité et spécificité, la mise en évidence
Clinique du génome bactérien de Chlamydia trachomatis est la techni-
que actuellement la plus performante et recommandée chez
Elle comporte des manifestations aiguës et tardives regroupées les patients homosexuels présentant des signes d’anorec-
en trois stades [33] : tite [24, 31]. Le génotypage pour mettre en évidence la souche
• lésion primaire : génitale ou anale, elle passe souvent inaper- responsable peut s’effectuer secondairement par technique
çue, car transitoire et indolore sous la forme d’une petite moléculaire directement sur le prélèvement (en France le
papule non indurée, souvent érosive ; génotypage est « automatique » à Bordeaux dans le cadre
• lésion secondaire : lymphadénite inguinale aiguë (le bubon) d’un réseau de surveillance).
douloureuse apparaissant 2 à 6 semaines après l’exposition, Le sérodiagnostic a peu d’intérêt [4, 30] ; il exclut le diagnostic
souvent accompagnée de fièvre, d’asthénie et d’une rectite (si s’il est négatif. En cas de positivité, il peut révéler aussi bien une
contamination par coït anal) dont les symptômes les plus infection récente qu’ancienne. Des titres très élevés (IgM >
fréquents sont des émissions glairosanglantes, une constipa- 1/128, IgG > 1/2 048) suggèrent fortement une infection aiguë
tion, parfois un ténesme. L’anuscopie et la rectoscopie génitale haute (salpingite, périhépatite...) ; les titres s’élèvent
retrouvent à des degrés divers un exsudat mucopurulent, un 1 mois ou plus après le début de l’infection. La micro-immuno-
érythème et des ulcérations assez larges et creusantes alter- fluorescence reste encore actuellement la seule méthode sérolo-
nant avec un aspect nodulaire, parfois pseudotumoral (Fig. 3). gique valable en raison de sa sensibilité élevée. Elle est
Ces lésions peuvent évoquer également une maladie de également spécifique, car elle permet à la fois de différencier les
Crohn, et faire errer le diagnostic. Les adénopathies peuvent anticorps dirigés contre les diverses espèces de Chlamydia, et les
se fistuliser secondairement en multiples pertuis (en « pomme multiples sérotypes de Chlamydia trachomatis et de titrer les
d’arrosoir »), d’où sourd un pus jaunâtre et sanguinolent ; différentes classes d’Ig, IgG, IgA et IgM.
• lésion tertiaire : lorsque la persistance du germe dans les tissus Le traitement repose sur des antibiotiques à bonne diffusion
anogénitaux provoque une réponse inflammatoire chronique intracellulaire [4, 29, 31, 32] :
se manifestant par un syndrome anorectal de Jersild (plus • cyclines (doxycycline 200 mg/j) 21 jours pour la LGV ;
commun chez la femme) avec rectite ulcérée, abcès périrec- • azithromycine, 1 g per os dose unique, posologie non
taux, fistules anales et anorectales pouvant détruire l’appareil consensuelle pour la LGV.
sphinctérien, sténose rectale. Parfois, les lésions peuvent se
présenter sous forme d’une masse anale pseudotumorale. Chancre mou
Il n’existe pas de forme particulière liée à l’infection VIH [4].
Dû à Haemophilus ducreyi (H. ducreyi), bacille à Gram négatif,
le chancre mou est très rare en France. Il est endémique dans
Diagnostic les régions subtropicales et tropicales, en Orient, en Afrique
Le diagnostic biologique des infections à Chlamydia tracho- noire, en Afrique du Nord, en Amérique du Sud, en particulier
matis repose sur la mise en évidence du germe sur frottis de dans les populations à faible niveau d’hygiène. La localisation
muqueuse ou sur la sérologie. Les prélèvements se font à la anale de l’infection à H. ducreyi est plus fréquente chez la
curette ophtalmique émoussée ou au Bactopick® (écouvillon en femme que chez l’homme [34].
plastique). L’identification de Chlamydia trachomatis peut faire
appel à différentes techniques : Clinique
• recherche de cellules à inclusion après coloration à l’iode ou Après une incubation de 3 à 5 jours, la maladie se manifeste
au Giemsa, ou des antigènes spécifiques (immunofluorescence par une ou plusieurs macules érythémateuses, qui deviennent
ou méthode enzyme-linked immunosorbent assay [Elisa]) ; pustuleuses puis laissent place à des ulcérations (Fig. 4). Ces

Maladies infectieuses 5
8-003-I-10 ¶ Infections sexuellement transmissibles anorectales

ulcérations sont arrondies ou ovalaires, de 2 à 20 mm de


diamètre, profondes, à base non indurée, à fond sale nécrotique
■ Virus
recouvert d’un enduit mucopurulent, à bords nets décollés ou
relevés en margelle, caractéristiques lorsqu’il existe un liseré Herpès anorectal
jaune doublé d’une ligne hémorragique (double liseré de
Petges). Virologie
Elles sont souvent douloureuses à la palpation et s’accompa- L’herpès génital est aujourd’hui une des IST parmi les plus
gnent après une dizaine de jours, dans 50 % des cas, d’une fréquentes. Il est dû aux virus herpes simplex type 1 (HSV-1) ou
adénopathie inguinale unilatérale, volumineuse, inflammatoire, type 2 (HSV-2), virus à acide désoxyribonucléique (ADN)
douloureuse pouvant se fistuliser à la peau laissant sourdre un appartenant la famille des Herpesviridae [15, 21, 25, 36, 37].
pus brun chocolat. Chez les patients sidéens, les ulcérations ont Le seul réservoir du virus est l’homme, avec transmission
tendance à l’extension et à la chronicité pouvant persister interhumaine, par contact sexuel direct ou objet
plusieurs mois [34]. contaminant [36].
Diagnostic La primo-infection est le plus souvent asymptomatique ; les
formes symptomatiques sont l’apanage des sujets jeunes (60 %
Le diagnostic repose sur la culture, sur des géloses enrichies. avant l’âge de 30 ans).
Le prélèvement doit être effectué sur les berges des ulcérations Le type HSV-2 reste responsable de la majorité des localisa-
avec un vaccinostyle, et ensemencé rapidement. Les prélève- tions ano-recto-génitales (60 à 80 %) [25], mais l’épidémiologie
ments au niveau de l’adénopathie (par ponction) sont plus des infections à HSV-1, classiquement responsables des atteintes
souvent négatifs qu’au niveau des ulcérations. L’examen direct herpétiques de la partie supérieure du corps (orofaciale en
au microscope, après coloration, même s’il montre l’aspect particulier), se modifie car elles surviennent plus tardivement et
caractéristique en « épingle à nourrice » (petits bacilles de concernent de plus en plus souvent la région génitale (15 à
coloration bipolaire), n’est pas pathognomonique de l’infection 40 % selon les études), particulièrement chez les femmes.
à H. ducreyi ; le groupement des bacilles en « bancs de poissons » La séroprévalence de l’herpès génital dans la population
est caractéristique mais difficile à repérer au sein d’une abon- générale est de 15 à 20 %. En France, 600 000 cas symptomati-
dante flore de surinfection. ques surviennent chaque année : les réactivations des lésions
par HSV-2, sont en effet très fréquentes chez les sujets ayant
Traitement déjà rencontré le virus, dans une moindre mesure celles à HSV-
Le traitement repose sur la désinfection locale des lésions 1 [25, 36].
et l’antibiothérapie par voie intramusculaire ou per os. Plusieurs L’homme comme la femme peuvent être atteints ; la préva-
classes peuvent être utilisées [4, 8, 21] : lence la plus forte se situe toutefois chez l’homosexuel masculin
• érythromycine : 500 mg × 4/j per os pendant 7 à 10 jours ; (rapport anorectal passif) [37, 38] . Si l’on considère ce sous-
• ceftriaxone : 250 mg intramusculaire monodose ; groupe, 70 % en moyenne ont une sérologie herpétique posi-
• ciprofloxacine : 500 mg × 2/j per os pendant 3 jours ; tive, dont 65 % pour HSV-1, 77 % pour HSV-2 et 45 % pour les
• azithromycine : 1g per os, monodose. deux simultanément.
En cas de bubon, il faut simplement aspirer le pus et ne pas Les infections herpétiques favorisent l’acquisition et la
inciser, ni drainer l’adénopathie [4]. transmission de l’infection par le VIH ; les ulcérations anogéni-
tales constituant une porte d’entrée pour ce virus [4].
Donovanose Elles sont la principale cause des lésions cutanées virales chez
les sujets porteurs du VIH, ou présentant un sida.
Également très rare en Europe, la donovanose ou granulome L’herpès est actuellement, dans les pays développés, la
vénérien ulcéreux tropical est endémique en milieux tropicaux première cause d’ulcération génitale.
et subtropicaux : Inde, Papouasie (Nouvelle-Guinée), Australie,
Les deux agents viraux, HSV-1 et HSV-2, se présentent
Afrique du Sud et plus particulièrement les régions chaudes et
cliniquement de la même façon, mais les récurrences sont 8 à
humides sont concernées [34, 35]. Elle est due à un bacille à
10 fois plus fréquentes avec HSV-2.
Gram négatif, Calymmatobacterium granulomatis ou corps de
Donovan. Les populations noires à bas niveau d’hygiène sont
les plus touchées. L’existence d’un réservoir de germe fécal pour Clinique
cette bactérie rend compte de sa fréquence accrue chez l’homo- Lors de la primo-infection, l’incubation est en moyenne de
sexuel, du rôle de la sodomie et aussi d’une possible transmis- 1 semaine (extrêmes : 1 à 26 jours). L’excrétion virale est plus
sion non vénérienne [34]. prolongée chez le sujet VIH positif que chez le sujet VIH
Après une incubation moyenne de 1 à 4 semaines (extrêmes : négatif.
1 jour à 1 an) apparaissent à la marge anale un ou plusieurs La primo-infection est symptomatique chez 10 % des sujets
nodules indolores évoluant vers une ulcération non doulou- immunocompétents, contre 50 % des sujets infectés par le VIH.
reuse, à base souple non indurée, ovalaire à bordure éversée, à Elle associe [25, 36] :
fond rouge friable, à surface granulomateuse, un peu végétante, • douleurs anorectales vives, augmentées par la défécation ;
surélevée en plateau ou en « margelle de puits ». Il n’y a pas • ulcérations secondaires à une éruption vésiculaire éphémère,
d’adénopathie locale, sauf en cas de surinfection ou d’IST de siège périanal et/ou intracanalaire, voire intrarectal. Elles
associée. Les lésions peuvent siéger dans les plis inguinaux, sur sont souvent multiples, douloureuses, planes, confluentes et
le pubis et les organes génitaux, dans la région anale et péria- polycycliques (Fig. 5, 6) ;
nale. L’évolution spontanée est lentement extensive, avec • signes généraux : fièvre, sensation de malaise, frissons,
destruction et fibrose (parfois sur plusieurs années). céphalées ;
Le diagnostic repose sur la mise en évidence dans les macro- • signes régionaux : très évocatrices quand elles existent sont la
phages, après coloration au May-Grünwald-Giemsa, sur un dysurie avec parfois globe vésical et les paresthésies sacrées
fragment de lésion prélevé à la pince après anesthésie locale ou (radiculomyélite sacrée) ; adénopathies inguinales bilatérales
d’un frottis par raclage appuyé, des corps de Donovan (corps et sensibles, ténesme, constipation ;
arrondis, ovoïdes, intracytoplasmiques constitués de bacilles à • rectites : elles sont l’apanage des primo-infections. Elles
Gram négatif à coloration bipolaire). atteignent typiquement le bas rectum sous forme de papules,
Le bacille est sensible à de nombreux antibiotiques [4, 14, 34, de vésicules et d’ulcérations visibles à la rectoscopie.
35] : cyclines (tétracycline 500 mg × 4/j per os), triméthoprime-

sulfaméthoxazole (800 mg/160 mg × 2/j per os), érythromycine


Évolution
(500 mg × 4/j per os), azithromycine (1g per os/semaine),
ciprofloxacine (750 mg × 2/j per os). La durée du traitement est Les infections sont récurrentes chez le sujet immunocompé-
de 3 semaines minimum. tent. Le nombre moyen de récurrences est de trois à quatre par

6 Maladies infectieuses
Infections sexuellement transmissibles anorectales ¶ 8-003-I-10

Figure 5. Herpes simplex anal.

Figure 7. Herpes simplex anal extensif térébrant (sida).

Diagnostic
• Le diagnostic d’herpès est habituellement clinique. En cas de
doute, il peut être confirmé par une recherche virologique sur
des prélèvements d’une lésion (grattage, écouvillonnage par
Backtopic®) [25]. Le prélèvement doit être le plus précoce
possible car la sensibilité des techniques mises en œuvre
décroît avec l’ancienneté des lésions (70 % au stade de
vésicule contre 17 % au stade d’ulcération avec croûtes, pour
la culture cellulaire) [25].
• La culture virale est la méthode de référence, mais elle impose
de bonnes conditions de prélèvement et de transport pour la
qualité du résultat. Un résultat négatif ne peut pas être rendu
avant 5 jours. Les techniques immunologiques permettent de
différencier HSV-1 de HSV-2.
• Le cytodiagnostic de Tzanck est une technique ancienne assez
rapide, mais peu sensible, permettant d’observer l’effet
Figure 6. Herpès avec surinfection mycotique. cytopathogène du virus sous forme de cellules géantes
multinucléées.
• La détection du génome par PCR est actuellement la
an, leur fréquence diminuant avec le temps. La douleur est vive meilleure technique, rapide et plus sensible que la culture.
durant les 24 premières heures, et la guérison obtenue en • Le sérodiagnostic a peu d’intérêt en pratique courante ; les
10 jours. Ces récurrences peuvent être asymptomatiques, avec récurrences n’entraînent pas ou peu de modifications des
un risque majeur de contamination. Les formes symptomatiques taux d’anticorps spécifiques.
sont moins sévères et plus courtes qu’au stade de la primo-
infection : elles épargnent le rectum. Traitement
L’infection périanale chronique à HSV est une des premières L’aciclovir est le traitement de référence [4, 7, 15, 16, 25, 37].
infections opportunistes identifiées chez les sujets VIH-positif. Remarquable par son activité antiherpétique, sa sélectivité sur
Tant qu’ils n’ont pas atteint un stade d’immunodépression les cellules infectées, sa faible toxicité et sa diffusion dans tous
sévère, les manifestations cliniques de l’herpès sont en général les tissus, il constitue la thérapie de première intention. Il a fait
identiques à celles des sujets immunocompétents. Quand les la preuve de son efficacité sur la douleur, le délai de guérison et
lymphocytes T4 sont < 200/mm3, et surtout < 100/mm3, les la durée du portage viral. Les doses et voies d’administration
atteintes herpétiques sont plus fréquentes, hyperalgiques, dépendent de la sévérité des lésions et/ou de la profondeur de
sévères (extensives, nécrosantes avec localisations fessières l’immunodépression. La voie orale est utilisée chez le sujet non
possibles) et plus souvent récurrentes [7, 12] (Fig. 7). La durée ou faiblement immunodéprimé, et la voie intraveineuse dans les
d’évolution est allongée, pouvant lorsqu’elle dépasse 1 mois formes sévères et/ou chroniques du sidéen.
chez les sujets VIH positif, signer l’entrée au stade sida. Les Lors d’une primo-infection, on prescrit par voie orale 200 mg
surinfections bactériennes, virales et mycosiques sont fréquen- × 5/j pendant 10 jours.
tes, si bien que la recherche d’une polycontamination doit être L’accroissement de la posologie n’a pas fait la preuve de son
systématique. efficacité, ni même l’adjonction de la pommade aciclovir. Une
Chez les patients sida, plus de 95 % des homosexuels mâles thérapeutique adjuvante par antalgiques, antiseptiques locaux et
ont été infectés par HSV [15] ; ils sont ainsi susceptibles de régulateur du transit intestinal est recommandée.
réactivations avec des manifestations cliniques qui surviennent Le valaciclovir a une efficacité comparable à celle de l’aciclo-
dans 20 à 45 % des cas. vir ; la posologie recommandée par l’autorisation de mise sur le

Maladies infectieuses 7
8-003-I-10 ¶ Infections sexuellement transmissibles anorectales

marché (AMM) est de 500 mg × 2/j per os pendant 10 jours. Le


famciclovir (250 mg/j, per os 10 j), bien qu’efficace, n’a pas
encore l’AMM en France.
Quel que soit le traitement antiviral utilisé lors de la poussée,
il n’empêche pas la survenue des récurrences.
Formes récurrentes
Fréquentes chez le sidéen, elles peuvent bénéficier d’un
traitement oral préventif quotidien, à posologie faible, non
encore codifiée. En traitement suppressif, l’utilisation de
l’aciclovir répond aux mêmes règles chez le sujet VIH positif ou
VIH négatif.
• Les formes récurrentes symptomatiques peuvent, dès les
premiers signes, être traitées par un antiviral, aciclovir
(200 mg × 5/j per os) ou valaciclovir (500 mg × 2/j, en une
ou deux prises, per os) durant 5 jours ; l’application d’aciclo-
vir topique n’a pas fait la preuve de son efficacité.
• Les formes récurrentes peu symptomatiques peuvent bénéfi-
cier simplement d’antiseptiques locaux.
• Les formes récurrentes fréquentes (au moins six poussées Figure 8. Condylomes acuminés.
annuelles) sont améliorées par un traitement continu :
aciclovir 400 mg per os 2 fois par jour, valaciclovir 500 mg
per os/j en une à deux prises). La durée du traitement reste La contamination est essentiellement vénérienne, mais elle
indéterminée, une évaluation doit être effectuée tous les 6 à peut également se voir en dehors de tout contact sexuel en
12 mois [7, 15]. particulier chez le jeune enfant, la femme enceinte et dans
certains états d’immunodépression (hémopathie, traitement
Formes graves immunodépresseur, transplanté). Les sources de contaminations
Elles nécessitent un traitement d’aciclovir par voie intravei- non sexuelles sont multiples : eau et vapeur d’eau souillée,
neuse en milieu hospitalier : trois perfusions intraveineuses de vapeurs de laser, contact avec un linge ou du matériel ou des
5 mg/kg/j, voire en cas d’atteinte viscérale, de 10 mg/kg/j. En gants souillés, auto-inoculation ou hétéro-inoculation à partir de
cas de non-réponse (8 % des cas), il faut suspecter une résis- verrues cutanées ou vulgaires (en particulier en périanal chez
tance à l’aciclovir et prescrire du foscarnet à la posologie de l’enfant), accouchement qui expose à la papillomatose pharyn-
200 mg/kg/j en deux perfusions [13]. gée infantile.
Les sidéens nécessitent des doses plus fortes que celles Une atteinte du canal anal est en principe secondaire au coït
prescrites dans les protocoles standards : 400 mg × 5/j per os anal ; une atteinte périanale peut survenir par autocontamina-
pour l’aciclovir. tion à partir de lésions génitales.
C’est actuellement l’IST sans doute la plus fréquente ; elle
Traitement préventif atteindrait 1,5 à 2,5 % des 20-24 ans en Europe. On considère
que 6 % des femmes françaises de moins de 35 ans ont été
Il repose sur les règles de prévention des IST (utilisation
contaminées et que 50 % des partenaires mâles de femmes
systématique du préservatif), sur le traitement rapide et correct
porteuses de lésions condylomateuses présentent des lésions à la
des poussées et sur la recherche et le traitement du sujet
péniscopie.
contact.
C’est chez les homosexuels que l’incidence est la plus élevée
La grande contagiosité des virus HSV-1 et HSV-2 impose de la
avec 10 à 22 % de condylomes anaux macroscopiquement
part des médecins, spécialistes ou non, l’emploi de règles
visibles et 33 à 72 % de lésions infracliniques.
d’hygiène strictes : port de gants et lunettes, utilisation de
matériel à usage unique (anuscope, rectoscope).
Diagnostic
L’espoir sur un vaccin préventif pourrait permettre de réduire
l’incidence de la maladie [39]. Le diagnostic clinique des lésions est habituellement
facile [22]. Il s’agit au début de petites excroissances blanchâtres,
Condylomes de l’anus rosées, à surface irrégulière dentelée (crête de coq), filiformes ou
pédiculées (Fig. 8). Certaines lésions sont minimes à type de
Virologie micropapules passant aisément inaperçues. À distance de l’anus,
elles revêtent un aspect plat, grisâtre, pigmenté. Elles peuvent
Les condylomes acuminés ou végétations vénériennes sont rester isolées ou essaimer en de nombreux éléments individua-
dus à papillomavirus humains (PVH), virus à ADN ayant un lisables, ou s’étendre en nappe sur la marge anale, ou devenir
tropisme particulier pour les kératinocytes des épithéliums exubérantes en formant des masses mamelonnées en « choux-
malpighiens kératinisés ou non [22, 40]. Il existe actuellement fleurs », pédiculées, à surface toujours irrégulière. La peau n’est
plus de 140 types différents de PVH dont une trentaine à pas ulcérée, mais la macération, la surinfection provoquent
tropisme anogénital [41]. parfois un suintement source de prurit. Toutes ces lésions sont
Au niveau de l’anus, les principaux types retrouvés sont les indolores, de consistance molle, à base souple, sans adénopathie
6 et 11 (90 % des cas), mais aussi 16, 18, 31, 33, 35 et 39 ; inguinocrurale associée.
plusieurs types de PVH peuvent être retrouvés au sein d’une Les lésions du canal anal doivent être recherchées systémati-
même lésion. quement : leur méconnaissance étant une cause essentielle de
Certains types (16, 18) possèdent un pouvoir oncogène bien récidives. Les condylomes sont classiquement situés sous la
démontré au niveau anal [42] ; dans les cancers génitaux où le ligne pectinée, sauf chez l’immunodéprimé. L’anuscopie est très
PVH a été isolé, le génome du virus est intégré dans le chromo- importante à réaliser car 10 % des patients n’ont que des lésions
some des cellules tumorales. Plusieurs travaux ont montré que intracanalaires.
l’homosexuel mâle (chez qui la prévalence du PVH est élevée) a Les lésions infracliniques doivent être recherchées par
un risque accru de développer un carcinome anal invasif [42-44]. application d’une solution acqueuse à 5 % d’acide acétique (ou
L’épidémiologie de l’infection est difficile à contrôler en au vinaigre blanc).
raison de la fréquence des formes latentes asymptomatiques La régression spontanée des lésions est possible, en particulier
(100 fois plus fréquentes que les condylomes visibles) et de la dans le post-partum (83 % des cas). L’évolution des lésions se
longueur de l’incubation : 1 à 21 mois avec une moyenne de fait habituellement vers l’extension en surface, en taille et en
4 mois. nombre. La transformation maligne en carcinome épidermoïde

8 Maladies infectieuses
Infections sexuellement transmissibles anorectales ¶ 8-003-I-10

soit de la persistance d’un virus latent en profondeur et non


éradiqué par la thérapeutique [4, 22, 40]. Il importe donc de
recontrôler à intervalles très réguliers les patients atteints afin de
traiter toute récidive le plus précocement possible. Une sur-
veillance au long cours est indispensable.
Tout patient porteur de condylomes externes devrait avoir un
examen complet (anuscopie, colposcopie) et être informé pour
prévenir une réinfection.
Traitements chimiques
Les méthodes chimiques de destruction des papillomes sont
nombreuses (podophylline, fluorouracile, acide trichloracétique,
podophyllotoxine) ; elles ont l’inconvénient d’être source de
dermites caustiques parfois importantes.
• La podophylline diluée dans l’huile de vaseline à des concen-
trations allant de 10 à 25 % doit être appliquée par le
médecin (autoapplication très difficile sur l’anus) et éliminée
par savonnage et rinçage abondant à l’eau tiède 1 à 4 heures
après son application. Le principe actif de la podophylline, la
podophyllotoxine (Condyline®), s’applique deux fois par jour,
3 jours consécutifs, pouvant être répété chaque semaine sans
dépasser 5 semaines successives. Ces traitements sont contre-
indiqués en cas de grossesse. En raison de sa toxicité, elle ne
doit pas être appliquée dans le canal anal (risque de fistule,
de nécrose muqueuse, de sténose) [15]. De plus, elle entraîne
des modifications histologiques parfois difficiles à distinguer
d’un carcinome in situ. Des applications prolongées sur de
Figure 9. Tumeur de Buschke-Löwenstein. grandes surfaces peuvent provoquer des effets généraux :
nausées, vomissements, troubles neurologiques. Les lésions
disparaissent chez deux tiers des malades, mais réapparaissent
n’est plus rare, touchant préférentiellement l’homosexuel mâle dans plus de la moitié des cas dans les 12 mois qui suivent
surtout s’il est porteur du VIH. Ce risque doit amener à recher- le traitement.
cher les néoplasies anales intraépithéliales ou AIN (anal intra- • L’acide trichloracétique n’est pas contre-indiqué chez la
epithelial neoplasia), lésions « précancéreuses » épidermoïdes dans femme enceinte. Il est appliqué sur les lésions à l’aide d’un
ce sous-groupe à risque [42, 43] , de même que les femmes Coton-tige® pendant environ 10 secondes ; l’application est
atteintes d’une néoplasie intraépithéliale du col utérin, d’autant répétée 2 à 3 fois par semaine pendant 3 à 4 semaines. Les
plus si elles sont VIH positives. effets secondaires sont rares.
Les AIN « disposeront de temps » pour devenir invasives en • Le 5-fluorouracile sous forme de crème à 5 % (Efudix ® )
raison de l’augmentation notable de l’espérance de vie des sujets s’applique le soir avec lavage le matin, 2 à 3 fois par semaine,
porteurs du VIH dues aux HAART ; de plus, les publications pendant 3 à 6 semaines. Il est contre-indiqué chez la femme
actuelles tendent à montrer l’absence de régression des AIN de enceinte.
haut grade sous thérapies antirétrovirales [13]. • La destruction à l’azote liquide (deux applications/semaine
pendant 2 à 3 semaines), non contre-indiquée chez la femme
Formes cliniques
enceinte, permet 75 à 80 % de disparition des lésions avec
Les formes particulièrement extensives (condylome géant ou des récidives dans 25 % des cas [41].
tumeur de Buschke-Löwenstein) peuvent refouler, comprimer les • L’imiquimod est une molécule originale immunomodulatrice
structures sous-jacentes, se comportant comme une tumeur à capable d’activer l’immunité locale naturelle ainsi que
malignité locale, n’entraînant qu’exceptionnellement des l’immunité acquise à médiation cellulaire [45]. L’imiquimod
métastases. Il s’agit d’une volumineuse masse papillomateuse stimule la synthèse d’interférons et d’autres cytokines lui
pseudotumorale, en règle surinfectée, siège de fistules anales conférant une activité antivirale et antiproliférative. La forme
et/ou rectales et/ou génitales et/ou des fosses ischioanales topique à 5 % permet une guérison dans environ 50 % des
(Fig. 9). La transformation en carcinome épidermoïde invasif cas de condylomes externes avec un taux de récidive assez
s’observe sur 30 à 50 % des pièces opératoires. Les virus PVH faible (16 à 23 % à 6 mois) avec une meilleure efficacité chez
6 et 11 ont été retrouvés dans ces tumeurs. la femme [4, 41, 45]. Il s’applique trois fois par semaine le soir
La papulose bowénoïde est une entité à part entière. Il s’agit pendant 16 semaines maximum. Les effets secondaires sont
d’une IST [22] due aux PVH oncogènes 16, 18, 33, 31. Cette habituellement mineurs (rougeur, irritation locale) mais
affection de l’adulte jeune, exceptionnelle en dehors de la fréquents, conduisant à ralentir le rythme des applications. Il
sphère ano-génito-périnéale, est faite de multiples papules de 1 n’a pas l’AMM pour les lésions muqueuses, en particulier
à 3 mm de diamètre, de coloration brun violine en zone anales.
cutanée, rouge en zone muqueuse, voire d’aspect leucoplasique.
Chez le sujet immunocompétent, la régression spontanée est Traitements physiques
possible ; elle peut parfois se chroniciser, plus rarement dégéné- La destruction des lésions au bistouri électrique associée à un
rer en forme invasive. Ceci justifie un traitement ablatif qui curetage soigneux apparaît la technique la plus efficace. Elle
évitera en sus la dispersion de virus oncogènes. Une surveillance s’effectue sous anesthésie locale ou locorégionale en fonction de
attentive est nécessaire en raison du risque de récidives. Chez le l’importance des lésions, les lésions les plus larges étant d’abord
sujet immunodéprimé, une forme agressive et extensive peut excisées aux ciseaux. Le taux de récidive varie de 10 à 25 % [15].
évoluer vers une forme invasive. La papillomatose diffuse peut être traitée dans un premier
temps par une hémorroïdectomie qui permet l’ablation des
Traitement lésions les plus importantes, puis par électrodestruction des
Le traitement des condylomes utilise des méthodes destruc- lésions résiduelles après cicatrisation des plaies.
trices locales par application de topique ou par ablation • L’utilisation du laser CO2 n’apporte pas d’avantage pour
chirurgicale mais aucune d’elles n’a une efficacité de 100 % ; 40 l’anus et a un coût plus élevé que l’électrodestruction. Elle
à 70 % des patients développeront des récidives qui peuvent comporte un risque de diffusion de particules virales actives
résulter soit d’une réinfection par un partenaire non contrôlé, dans l’air, d’où la possibilité de papillomatose respiratoire [15].

Maladies infectieuses 9
8-003-I-10 ¶ Infections sexuellement transmissibles anorectales

Des masques avec filtres spéciaux et des systèmes d’évacua-


tion de la fumée liée au laser sont indispensables ; la fumée
provoquée par le bistouri électrique ne semble pas avoir les
mêmes risques, mais des précautions identiques sont préco-
nisées.
• L’interféron par voie systémique n’a pas fait la preuve de son
efficacité ; en injections intralésionnelles, des résultats
variables ont été obtenus sans obtention d’AMM en France
dans cette indication [15, 41].

Molluscum contagiosum
Infection à poxvirus, elle se présente sous la forme de petites
lésions non douloureuses, surélevées, arrondies, de quelques
millimètres de diamètre, blanc nacré, ombiliquées au centre ; la
pression fait sourdre une substance blanc grisâtre.
La contamination se fait par contact corporel direct ; l’incu-
bation est de 2 à 7 semaines.
Le traitement repose sur l’exérèse à la curette de la lésion,
voire la destruction par l’azote liquide (cryothérapie/
cryochirurgie) dans les formes sévères.
Les lésions sont récurrentes et représentent un problème Figure 10. Sarcome de Kaposi.
esthétique important.
Si leur nombre est impressionnant et si leur siège se situe en transitionnelle) [11]. Le plus souvent asymptomatique, il peut se
dehors de la région anogénitale et du tronc, il faut rechercher manifester par une ou plusieurs ulcérations anales (lors d’une
un sida (atteinte privilégiée de la face et du cou). Chez le sujet primo-infection ou lors d’une réactivation), voire par des lésions
VIH positif, un prélèvement biopsique est préconisé pour anales analogues à la leucoplasie chevelue de la langue (lors de
confirmer le diagnostic, car les infections cutanées à cryptoco- réactivation virale) chez les sujets VIH-positif [11].
que possèdent la même apparence. Il pourrait jouer un rôle dans le cancer anal ou les néoplasies
intraépithéliales anales de l’homosexuel comme cofacteur des
PVH oncogènes ; cette hypothèse, émise en raison des capacités
Sarcome de Kaposi de l’EBV à transformer les cellules épithéliales nasopharyngées
C’est la tumeur maligne la plus fréquente au cours du sida ; en carcinome, reste à démontrer.
elle survient avec une fréquence 20 000 fois plus élevée que Plusieurs cas de rectites isolées à CMV de transmission
dans la population générale [46]. Elle représentait la manifesta- sexuelle rectale ont été signalés chez des sujets immunocompé-
tion inaugurale du sida chez environ 40 % des homosexuels [12]. tents. Ni les symptômes (rectorragies, épreintes, ténesmes), ni
Depuis l’introduction des trithérapies et des HAART en particu- l’aspect endoscopique (ulcérations, érythème muqueux) ne sont
lier, son incidence a diminué [46]. Des travaux récents de Beral spécifiques. Les biopsies rectales montrent des inclusions
et al. ont montré le caractère sexuellement transmissible par spécifiques du CMV à l’examen anatomopathologique. La
contact féco-oral du sarcome de Kaposi [9] . La maladie est sérologie (la découverte d’anticorps de type IgM est un bon
transmise par un virus du type herpès, l’herpesvirus humain marqueur d’infection récente) ou mieux la détection des
type 8 [10]. antigènes viraux (antigénémie pp65) et la PCR peuvent aider au
Kaposi avait décrit au siècle dernier le sarcome qui porte son diagnostic. La résolution spontanée sans traitement antiviral
nom comme une tumeur vasculaire siégeant au niveau des semble la règle [47].
extrémités, le plus souvent sur les jambes, affectant les patients
âgés de 60 à 80 ans préférentiellement originaires d’Europe
centrale et du pourtour méditerranéen.
■ Parasites
Au cours du sida, le diagnostic est habituellement facile [12,
46] : lésion nodulaire, indurée, rouge pourpre ou violacé parfois Amibiase
étendue en placard, en général indolore (Fig. 10). C’est l’aspect Due à Entamoeba histolytica (E. histolytica), elle touche
observé au niveau de la marge anale et du rectum. Au niveau préférentiellement l’homosexuel mâle qui se contamine lors
du canal anal, la lésion peut s’ulcérer et devenir douloureuse. d’un contact oroanal. La contamination au niveau de la région
Dans 30 % des cas, le sarcome de Kaposi peut rester localisé, anogénitale (siège le plus fréquent des localisations cutanées)
dans 70 % des cas il est extensif avec des localisations viscérales peut se produire par continuité à partir de l’intestin, du fait du
multiples [12]. contact répété et prolongé de la peau avec le parasite [48].
Le diagnostic repose sur l’étude histologique après biopsie En France, les lésions anopérinéales sont rares et sont dues au
profonde à la pince ou par biopsie chirurgicale en cas d’échec. contact avec des sujets originaires ou ayant séjourné en pays
Les formes non évolutives ne nécessitent pas de traitement d’endémie (milieu tropical).
contrairement aux formes évolutives (chimiothérapie, radiothé-
Clinique
rapie, injection locale de vinblastine ou d’interféron) [15, 46].
La lésion caractéristique est une ulcération irrégulière, à bords
nets éversés, au pourtour inflammatoire, rouge et infiltrée,
Infections à Epstein-Barr virus initialement superficielle mais rapidement creusante en
et cytomégalovirus (CMV) l’absence de traitement, d’extension rapide par nécrose de
proche en proche [48]. Le fond de l’ulcération est rempli de
L’Epstein-Barr virus (EBV) est un virus à ADN ubiquitaire, débris nécrotiques, purulents réalisant un enduit blanchâtre
habituellement transmis par les sécrétions salivaires et respon- fétide. Une surinfection bactérienne est fréquente. La lésion est
sable de la mononucléose infectieuse. Sa transmission par voie très douloureuse et saigne facilement. Il peut exister des
sexuelle semble établie [11]. Il a été récemment démontré que adénopathies satellites, des signes généraux d’infection. Plus
l’EBV était présent au niveau anal chez environ 30 % des rarement il peut s’agir d’une lésion végétante, pseudotumorale
homosexuels mâles actifs infectés par le VIH (recherche de de taille variable, douloureuse, creusée de sillons remplis de
l’ADN viral par PCR sur prélèvement anal au niveau de la zone sécrétions malodorantes, d’aspect papillomateux.

10 Maladies infectieuses
Infections sexuellement transmissibles anorectales ¶ 8-003-I-10

Les homosexuels ont un parasitisme élevé pour E. histolytica ; infections bactériennes est dans la majorité des cas un traite-
la prévalence du parasite augmente encore si l’homosexuel est ment minute, permettant d’arrêter immédiatement tout risque
VIH-positif (40 % environ). de dissémination de la maladie. Leur gravité potentielle justifie
L’existence de troubles digestifs avec diarrhée glairosanglante l’importance des campagnes de prévention et les mesures
d’intensité très variable (depuis la forme asymptomatique à la prophylactiques, la plus importante restant le port du préserva-
forme dysentérique aiguë) doit être recherchée, car elle oriente tif [4, 25]. Dans le cadre des IST, guérir le patient ne représente
le diagnostic, en particulier dans les zones d’endémie. qu’une partie de l’acte thérapeutique ; traiter le, la ou les
La rectoscopie peut montrer l’aspect caractéristique de partenaires est la condition sine qua non si l’on veut briser la
l’ulcération amibienne : ulcérations de quelques millimètres, en chaîne de contamination. Le contrôle des IST est inextricable-
général multiples, en « coups d’ongle », entourées d’un halo ment lié à la prévention de l’infection VIH et inversement.
hémorragique, centrées par un point grisâtre de nécrose, .

séparées d’intervalles de muqueuse saine.


D’autres lésions moins caractéristiques peuvent être obser-
vées : taches purpuriques, rectite aiguë mucopurulente,
■ Références
muqueuse granitée et hémorragique (semblable à la rectocolite [1] Bowden FJ, Tabrizi SN, Garland S, Fairley CK. Sexually transmitted
hémorragique), formations granulomateuses (forme hypertro- infections: new diagnostic and treatments. Med J Aust 2002;176:551-7.
phique végétante). [2] Aral SO, Holmes KK. Sexually transmitted diseases in the AIDS era.
Le diagnostic repose sur la mise en évidence de l’amibiase soit Sci Am 1991;264:62-9.
par examen parasitologique des selles (qu’il faut savoir répéter [3] Cates W, Hinman AR. Sexually transmitted diseases in the 1990s. N
en cas de négativité), soit par les prélèvements biopsiques des Engl J Med 1991;325:1368-9.
lésions ou grattage du fond de l’ulcère. La sérologie amibienne [4] CDC. Sexually transmitted diseases treatment guidelines---2002.
peut parfois aider au diagnostic. MMWR 2002;51(RR06):1-80.
[5] Donovan B. Sexually transmissible infections other than HIV. Lancet
Traitement 2004;363:545-56.
[6] Khuong MA, Revuz J. Syphilis et SIDA. Concours Med 1996;118:
Le traitement médical repose sur le métronidazole (750 mg ×
290-4.
3/j per os pendant 5 à 10 j) remarquablement efficace, avec une
[7] McGrath BJ, Newman CL. Genital herpes simplex infections in
amélioration visible des lésions dès le 3e jour [21, 48].
patients with the acquired immunodeficiency syndrome.
Une cure complémentaire par un amoébicide de contact
Pharmacotherapy 1994;14:529-42.
(Intétrix®) pendant 10 jours doit être associée.
[8] World Health Oraganization. Guidelines for the management of
sexually transmitted infections, 2003. http://www.who.int/HIV-AIDS/.
■ Lésions traumatiques [9] Beral V, Peterman TA, Berkelman RL, Jaffe HW. Kaposi’s sarcoma
among persons with AIDS: a sexually transmitted infection? Lancet
Bien que non contagieuses, elles méritent d’être signalées 1990;335:123-8.
comme le témoin d’une sexualité à risque. [10] Foreman KE, Friborg J, Kong WP, Woffendin C, Polverini PJ,
L’introduction rectale de corps étrangers de toute nature et la Nickoloff BJ, et al. Propagation of a human herpesvirus from AIDS-
fist fornication peuvent induire des ulcérations muqueuses avec associated kaposi’s sarcoma. N Engl J Med 1997;336:136-71.
des hémorragies plus ou moins importantes. Les bords de ces [11] Näher H, Lenhard B, Wilms J, Nickel P. Detection of Epstein-Barr virus
ulcérations sont souvent irréguliers ou décollés avec des DNA in anal scraping from VIH-positive homosexual men. Arch
thromboses radiaires sentinelles fréquentes. Des lésions sphinc- Dermatol Res 1995;287:608-11.
[12] Puy-Montbrun T. Proctologie et virus de l’immunodéficience humaine.
tériennes de degrés variables, compliquées parfois d’inconti-
Gastroenterol Clin Biol 1995;19:B145-B149.
nence peuvent survenir, de même que des perforations
[13] Gonzales-Ruiz C, Heartfield W, Briggs B, Vuskasin P, Beart R.
péritonéales. La recherche d’une infection surajoutée est
Anorectal pathology in HIV/AIDS-infected patients has not been
indispensable.
impacted by highly active antiretroviral therapy. Dis Colon Rectum
L’utilisation fréquente de crème dermique, de lubrifiants ou 2004;47:1483-6.
d’antiseptiques locaux peut donner des lésions exulcérées à [14] World Health Oraganization. Global prevalence and incidence of
contours plus ou moins en « carte de géographie » (lésions selected curable sexually transmitted infections: overview and
caustiques). Ces lésions ulcérées favorisent la contamination par estimates. Geneva: WHO; 2001.
les IST. [15] Modesto VL, Gottesman L. Sexually transmitted diseases and anal
manifestations of AIDS. Anorectal Surg 1994;74:1433-64.
■ Conclusion [16] Rompalo A. Sexually transmitted causes of gastrointestinal syndromes
in homosexual men. Med Clin North Am 1990;74:1633-45.
Les infections sexuellement transmissibles de localisations [17] Wexner SD. Sexually transmitted diseases of colon, rectum and anus.
anorectales se rencontrent surtout chez les homosexuels Dis Colon Rectum 1990;33:1048-62.
masculins. Leur fréquence ne faiblit pas. Les signes d’appel [18] De Parades V, Sultan S, Bauer P. Complications ano-rectales et coliques
des suppositoires et des lavements. Gastroenterol Clin Biol 1996;20:
cliniques sont peu spécifiques (douleurs anales, suintement,
446-52.
prurit, épreintes, ténesmes, rectorragies, syndrome rectal,
[19] Deniaud F, Scieux C, Spindler E, Janier M. Discovery of Chlamydia
écoulement purulent) et parfois même inexistants (formes
trachomatis in the throat during diagnosis of secondary syphilis in a
asymptomatiques fréquentes avec les risques de contamination
HIV+ patient. Presse Med 2003;32:1413-6.
inhérents). Elles s’accompagnent habituellement d’adénopathie [20] Rompalo AM, Joesoef MR, O’Donnell JA, Augenbraun M, Brady W,
(s) inguinale (s) très évocatrices de l’origine vénérienne des Radolf JD, et al. Clinical manifestations of early syphilis by HIV status
lésions. Elles se présentent essentiellement sous trois formes : and gender: results of the syphilis and HIV study. Sex Transms Dis
• les lésions ulcérées ou érosives : syphilis, LGV, chancre mou, 2001;28:158-65.
donovanose, herpès, amibiase. Elles doivent être distinguées [21] Soler ME, Gottesman L. Anal and rectal ulceration. In: Anorectal
des autres causes d’ulcération (fissure anale, cancer, dermatose diseases in AIDS. 1991. p. 105-29.
non infectieuse, CMV) [29] ; [22] Sultan S. Aspect clinique des lésions anales à HPV. Courrier
• les lésions végétantes : condylomes, molluscum, syphilides ; Coloproctol 2003;1(suppl):8-9.
• les rectites : Chlamydia, gonococcie, herpès, syphilis. Le [23] Lukehart SA, Godornes C, Molini BJ, Sonnett P, Hopkins S, Mulcahy F,
diagnostic différentiel peut se poser avec une rectite inflam- et al. Macrolide reistance in Treponema pallidum in the United States
matoire (rectocolite hémorragique, maladie de Crohn), and Ireland. N Engl J Med 2004;351:122-4.
radique, ischémique ou iatrogène (suppositoires, lavements). [24] CDC. Increases in fluoroquinolone-resistant Neisseria gonorrhoeae
Les polyinfections sont fréquentes et doivent être recherchées among men who have sex with men---Unated States,2003, and revisited
systématiquement. L’infection par le VIH modifie leur expres- recommandations for gonorrhea treatment, 2004. MMWR 2004;53(16):
sion clinique et leur évolution. Le traitement antibiotique des 335-8.

Maladies infectieuses 11
8-003-I-10 ¶ Infections sexuellement transmissibles anorectales

[25] ANAES. Conférence de consensus : prise en charge de l’herpès [38] Rompalo AM, Mertz GJ, Davis LG, Benedetti J, Critchlow C,
cutanéo-muqueux chez le sujet immunocompétent (manifestations Stamm WE, et al. Oral acyclovir for treatment of first episode herpes
oculaires exclues). Presse Med 2002;31:363-70. simplex virus proctitis. JAMA 1988;259:2879-81.
[26] Herida M, Sednaoui P, Goulet V. Gonorrhoea surveillance system in [39] Stanberry LR, Spruance SL, Cunningham AL, Bernstein DI, Mindel A,
France: 1986-2000. Sex Transm Dis 2004;31:209-14. Sacks S, et al. Glycoprotein-D-adjuvant vaccine to prevent genital
[27] Herida M, Sednaoui P, Laurent E, Goulet V. Les infections à herpes. N Engl J Med 2002;347:1652-61.
gonocoques en 2001 et 2002 : données du réseau national des [40] von Krogh G, Lacey CJ, Gross G, Barrasso R, Schneider A. European
gonocoques (Renago). Bull Épidémiol Hebd 2004(n°15):57-9. Course on HPV Associated Pathology (ECHPV); European Branch of
[28] Moran JS. Treating uncomplicated Neisseria gonorrhoeae infections: the International Union against Sexually Transmitted Infection and the
is the anatomic site of infection important? Sex Transm Dis 1995;22: European Office of the World Health Organization. European guideline
39-47. for the management of anogenital warts. Int J STD AIDS 2001;
[29] Sultan S. Ulcérations anales d’origine dermatologique. Bull Fr Colo- 12(suppl3):40-7.
Procto 1995;3:2-5. [41] Sultan S. Condylomes anaux : une prise en charge encore difficile.
[30] Peipert JF. Genital chlamydial infections. N Engl J Med 2003;349: J Chir (Paris) 2001;138:277-80.
2424-30. [42] Sobhani I, Vuagnat A, Walker F, Vissuzaine C, Mirin B, Hervatin F,
[31] CDC. Lymphogranuloma venerum among men who have sex with et al. Prevalence of high-grade dysplasia and cancer in the anal canal in
men-Netherlands, 2003-2004. MMWR Mob Mortal Wkly Rep 2004; human papillomavirus-infected individuals. Gastroenterology 2001;
53(42):985-8. 120:857-66.
[32] Nieuwenhuis RF, Ossewaarde JM, Gotz HM, Dees J, Thio HB, [43] Palefsky JM. Anal human papillomavirus infection and anal cancer in
Thomeer MG, et al. Resurgence of lymphogranuloma venerum in VIH-positive individuals: an emerging problem. AIDS 1994;8:283-95.
Western Europe: an outbreak of Chlamydia trachomatis serovar L2 [44] Ramanujam PS, Venkatesh KS, Barnett TC, Fietz MJ. Study of human
proctitis in the netherlands among men who have sex with men. Clin papillomavirus infection in patients with anal squamous carcinoma.
Infect Dis 2004;39:996-1003. Dis Colon Rectum 1996;39:37-9.
[33] Jeanprêtre M, Harm M, Saurat JH. Masse anale sténosante et [45] Aractingi S. Mode d’action et principaux résultats cliniques de
lymphogranulome vénérien. Schweiz Med Wochenschr 1994;124: l’imiquimod. Courrier Coloproctol 2003;1(suppl):10-2.
1587-91. [46] Pantanowitz L, Dezube BJ. AIDS-related cancer: new entities,
[34] Darie H, Klotz F. La pathologie anale et péri-anale en zone tropicale. emerging targets, and novel tactics. Abstr Hematol Oncol 2005;8:
Acta Endosc 1996;26:9-16. 20-30.
[35] Sehgal VN, Sharma HK. Donovanosis. J Dermatol 1992;19 (982–46). [47] Bellaiche G, Choudat L, Nouts A, Le Pennec NP. ley G, Slama JL.
[36] Bouscarat F, Descamps V. Herpès cutanéo-muqueux : épidémiologie, Rectite ulcérée et hémorragique à cytomégalovirus chez un patient
physiopathologie, diagnostic, évolution, traitement. Rev Prat 1996;46: immunocompétent. Gastroenterol Clin Biol 1997;21:804.
1877-85. [48] Chavanon O, Ciofolo JC, Klotz F. Savoir penser à l’amabiase cutanée!
[37] Kimberlin DW, Rouse DJ. Genital herpes. N Engl J Med 2004;350: À propos d’un cas à l’Hôpital de Mélen GABON. Méd Trop
1970-7. 1993;53:363-6.

S. Sultan, Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien assistant spécialiste des hôpitaux de Paris, assistant.
P. Bauer, Assistant.
P. Atienza, Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique des hôpitaux de Paris, chef de service.
Groupe hospitalier Diaconesses-Croix Saint-Simon, service de proctologie médico-interventionnelle, Hôpital des Diaconesses, 18, rue du Sergent-Bauchat,
75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Sultan S., Bauer P., Atienza P. Infections sexuellement transmissibles anorectales. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-003-I-10, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

12 Maladies infectieuses
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 8-003-I-20 (2004)
8-003-I-20

Infections génitales masculines


S. Dominique
V. Delmas
V. Horpitean
Résumé. – Les pathologies génitales masculines sont particulièrement courantes. Les urétrites infectieuses
L. Boccon-Gibod
sont regroupées en deux grands cadres nosologiques : les urétrites gonococciques et non gonococciques. Ces
dernières regroupent essentiellement les atteintes dues à Chlamydiae trachomatis ainsi que les infections à
Mycoplasma et à Trichomonas vaginalis. À l’exception des atteintes dues à Trichomonas, le traitement par
azithromycine en dose unique se développe de plus en plus en raison de son spectre antibactérien
particulièrement adapté. Les prostatites bactériennes ne représentent que 5 à 10 % de l’ensemble des
prostatites. Elles sont majoritairement dues aux bacilles Gram négatif et leur traitement repose sur les
antibiotiques de la classe des fluoroquinolones et sur le triméthoprime. L’atteinte des vésicules séminales est
fréquente mais rarement isolée. Elle s’inscrit en général dans un contexte d’infection génitale associée ou
d’infection urinaire basse. Son existence ne modifie pas en général la prise en charge de l’infection associée
(prostatite, orchiépididymite…). Les orchiépididymites peuvent s’inscrire dans un cadre de maladie
sexuellement transmissible (MST) ou bien d’affection urologique du bas appareil. Ces différents contextes
nécessitent une prise en charge différente. Les formes sévères ou douteuses peuvent relever d’un traitement
chirurgical. Nous ne traiterons pas ici des infections génitales masculines « dermatologiques » ni du cadre
particulier des patients infectés par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH).
© 2004 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Urétrite ; Prostatite ; Vésiculite ; Orchiépididymite

Urétrites augmente avec le nombre de rapports et de partenaires infectées.


Les co-infections sont fréquentes, notamment avec Chlamydiae
trachomatis (4-35 %). [3]
DÉFINITION
¶ Clinique
L’urétrite représente l’inflammation de l’urètre et des glandes
périurétrales. La cause est généralement infectieuse, sexuellement L’incubation est variable avec un délai classique de 2 à 10 jours, mais
transmise. Les principaux germes responsables sont le gonocoque, les exceptions sont fréquentes avec des extrêmes allant de 12 heures
le Chlamydiae, les mycoplasmes et le Trichomonas. Beaucoup plus à 3 mois. En l’absence de traitement, l’UG persiste de 3 à 7 semaines
rarement, on retrouve d’autres facteurs étiologiques : calculs, avec 95 % des hommes devenant asymptomatiques à 3 mois. L’UG
irritations traumatiques, condylomes et allergies. peut être asymptomatique chez 40 à 60 % des partenaires de patients
présentant une UG manifeste. [2]
Les urétrites sont classiquement décomposées en urétrites
Le principal symptôme est l’écoulement urétral. Il s’agit d’un signe
gonococciques (UG) et non gonococciques (UNG).
extrêmement fréquent, présent dans 90 % [4] des cas mais souvent
discret. Il est habituellement de couleur jaune ou marron. Les
URÉTRITES GONOCOCCIQUES brûlures mictionnelles et urétrales sont très fréquemment associées.
Une atteinte prostatique concomitante peut se traduire par une
Il s’agit de la deuxième cause d’urétrites en France (500 000/an)
pollakiurie, des impériosités et une dysurie. Une contamination
après Chlamydiae trachomatis. Le gonocoque est un diplocoque Gram
rétrograde de la voie génitale (canaux déférents, épididymes) peut
négatif qui apparaît généralement phagocyté par les polynucléaires
entraîner une épididymite.
neutrophiles. Il est coupé en deux avec une image classique de
« grain de café ». À l’examen, outre l’écoulement urétral qui peut être observé
spontanément ou après expression urétrale, on peut observer un
L’urètre est le site le plus fréquent d’infection gonococcique. Chez œdème ou un érythème méatal. Il peut également exister une
les hommes hétérosexuels, il existe une infection pharyngée dans sensibilité urétrale à la palpation.
7 % des cas. Chez les hommes homosexuels, il existe une infection
Il faut systématiquement rechercher une atteinte prostatique ou
pharyngée dans 40 % des cas et rectale dans 25 % des cas. [1]
testiculaire associée. Par ailleurs, s’il existe une histoire de contact
La plupart des UG sont acquises durant un rapport sexuel. Le risque dans ces régions, il faut examiner le pharynx et le rectum. Les
pour un homme d’être infecté au décours d’un unique rapport infections pharyngées sont généralement asymptomatiques.
sexuel avec une partenaire infectée est de 17 à 20 %. [2] Ce risque L’anuscopie peut mettre en évidence une muqueuse rectale fragile,
saignant facilement au contact, associée à une proctite.
¶ Diagnostic positif
S. Dominique, V. Delmas La clinique ne permet pas d’affirmer formellement le diagnostic
Adresse e-mail: vincent.delmas@bch-hop-paris.fr
V. Horpitean, L. Boccon-Gibod
d’UG. L’examen bactériologique de l’écoulement urétral est
Service d’urologie, hôpital Bichat-Claude Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France. indispensable.
8-003-I-20 Infections génitales masculines Maladies infectieuses

Le prélèvement doit avoir lieu 2 à 4 heures après la dernière miction. ¶ Pronostic


Ce dernier doit être endo-urétral (et non pas par recueil des gouttes Traité correctement, l’écoulement urétral disparaît en 12 heures. Si
au méat ni par recueil du premier jet d’urines [5]) par écouvillonnage. le patient n’est pas traité également pour Chlamydiae trachomatis
Il est, d’une part, examiné directement après coloration de Gram et, (CT), il peut persister un écoulement clair et modéré. Il s’agit alors
d’autre part, mis en culture. d’une urétrite postgonococcique qui doit être traitée comme une
L’examen direct met en évidence des signes d’urétrite avec un infection à Chlamydiae trachomatis.
minimum de quatre leucocytes par champ ( × 400). La découverte
de diplocoques Gram négatif extra- et surtout intracellulaires URÉTRITES NON GONOCOCCIQUES
apporte une quasi-certitude d’infection à gonocoques. [6] Cet aspect
Il s’agit d’un syndrome regroupant l’ensemble des urétrites non liées
est en effet retrouvé dans 95 % des UG et absent dans 97 % des
à une infection gonococcique.
UNG. Si les germes observés sont uniquement extracellulaires ou
bien intracellulaires mais atypiques, l’interprétation est plus Elles représentent plus de la moitié des urétrites. Elles sont
équivoque dans la mesure où elle ne peut traduire que la présence généralement sexuellement transmises. Leur incidence augmente
de Neisseria saprophytes. lors de la période estivale, probablement secondaire à une
augmentation de l’activité sexuelle à cette période.
La culture sur gélose au chocolat possède une sensibilité proche de
Elles touchent préférentiellement les classes socioéconomiques
100 % si le patient n’a pas reçu d’antibiothérapie préalable et si la
favorisées, les populations hétérosexuelles et les jeunes. Leur
mise en culture a été effectuée rapidement. Même si elle n’est pas
morbidité est au moins égale à celle des UG.
indispensable au diagnostic, elle doit être effectuée afin d’obtenir un
antibiogramme. ¶ Clinique
¶ Complications La période d’incubation des UNG est généralement comprise entre
7 et 21 jours avec des extrêmes allant de 2 à 35 jours. Cependant,
La périurétrite est la plus fréquente. Elle peut conduire à la 50 % des hommes présentent des symptômes urétraux dans les
formation d’abcès, de fibrose urétrale évoluant vers la sténose. 4 jours qui suivent le contact, ce qui ne permet pas de les différencier
La prostatite, si elle n’est pas traitée, peut évoluer également vers des UG.
l’abcédation. Les symptômes sont d’apparition moins brutale que dans les UG, ils
L’épididymite peut être responsable d’infertilité et d’atrophie s’installent progressivement sur quelques jours et sont d’intensité
testiculaire. moindre.
La proctite laisse généralement peu de séquelles. Ils consistent en une dysurie et un écoulement urétral. Cependant,
seuls 11 à 33 % des patients présentent un écoulement. Celui-ci est
Les formes généralisées sont rares. Elles se caractérisent par de la généralement d’abondance modérée, clair et légèrement visqueux. Il
fièvre et une hyperleucocytose. Elles peuvent s’accompagner n’est purulent que dans 4 % des cas. La dysurie est présente dans
d’atteintes cutanées (lésions papulopustuleuses et pétéchiales) et 53 à 75 % des cas. Ces symptômes disparaissent spontanément en
ostéoarticulaires (ténosynovites et arthrites). Il existe des formes l’absence de traitement dans un délai de 1 à 3 mois dans 30 à 70 %
exceptionnelles hépatiques, myocardiques, endocardiques et des cas. L’atteinte asymptomatique n’est pas rare, notamment chez
méningées. La conjonctivite gonococcique n’est que le reflet du les partenaires sexuels de femmes présentant des atteintes cervicales
manuportage. [7] connues à CT.
¶ Traitement ¶ Étiologie
Le traitement « minute » permet d’interrompre rapidement la Le germe le plus dangereux pouvant être en cause est Chlamydiae
contagiosité. Il est généralement couplé au traitement d’une infection trachomatis (CT). CT représente à lui seul 20 à 50 % des UNG. [6] CT
à Chlamydiae trachomatis potentiellement associée. Le traitement est un germe à transmission sexuelle, intracellulaire obligatoire.
court ne doit pas être utilisé dans les gonococcies extragénitales ou Seuls ses sérotypes D à K provoquent une infection génitale.
généralisées. CT est isolé dans 25 à 60 % des GNU chez les hétérosexuels et chez
Le gonocoque peut résister aux pénicillines soit par mutation 4 à 35 % des hommes présentant une UG. [3] Il est également retrouvé
chromosomique soit par acquisition d’un plasmide codant pour une chez 0 à 7 % des hommes présentant une MST sans signe d’urétrite.
b-lactamase (30 %). De plus, la sensibilité du gonocoque aux Enfin, il est présent de façon asymptomatique chez 28 % des
tétracyclines diminue (45 % de résistance). Enfin, la résistance aux partenaires sexuels de femmes porteuses de CT au niveau cervical.
fluoroquinolones est apparue en France depuis 1997. De plus, 15 à 35 % des hommes traités pour UG vont développer
une urétrite postgonococcique à CT.
Le traitement minute repose sur une prise unique de céphalosporine
de troisième génération per os (céfixime 40 mg) ou intramusculaire Deux mycoplasmes peuvent également être responsables d’UNG, il
(IM) (céftriaxone 250 mg) ou bien de spectinomycine (2 g IM). En s’agit de Ureaplasma urealyticum (UU) et Mycoplasma genitalium
l’absence de résistance, on peut également proposer une dose unique (MG). Les mycoplasmes sont des micro-organismes procaryotes.
de fluoroquinolones (ciprofloxacine 250 mg, ofloxacine 400 mg ou Leur pathogénicité est controversée et il existe de nombreuses études
péfloxacine 800 mg). contradictoires. En effet, la limite entre portage saprophyte et
infection est difficile à établir et ce, d’autant que le taux de
Les formes oropharyngées ou rectales bénéficient des mêmes
colonisation génitale augmente avec le nombre de partenaires
molécules, mais pendant 5 jours. Les formes généralisées sont
sexuels.
traitées par céftriaxone 1 g j–1 IM ou intraveineux (IV) pendant
15 jours. UU serait responsable de 10 à 20 % des UNG. Les arguments en
faveur de son rôle pathogène sont :
Ce traitement doit être associé systématiquement à un traitement
visant Chlamydiae trachomatis. L’alternative repose sur la prise de – sa présence plus fréquente chez les hommes porteurs d’UNG à
2 g d’azithromycine. Ce macrolide employé à haute dose permet un culture de CT négative que chez ceux à culture de CT positive ; [9]
traitement minute des deux germes. [8] – la meilleure réponse au traitement ciblé contre UU versus
Dans tous les cas, des rapports protégés, un traitement du ou des traitement ciblé contre CT des patients présentant une UNG à
partenaires et un bilan complet des maladies sexuellement cultures positives pour UU et négatives pour CT ; [9]
transmissibles (MST) sont indispensables (sérologie virus de – la persistance d’urétrites à UU chez les patients traités par
l’immunodéficience humaine [VIH], treponema pallidum tétracyclines pour des UNG à culture négatives pour CT et par le
hemagglutination [TPHA] et veneral disease research laboratory déclenchement d’urétrites après inoculations endo-urétrales
[VDRL], antigène HBs [Ag HBs]). d’UU. [10]

2
Maladies infectieuses Infections génitales masculines 8-003-I-20

Cependant, il faut noter que certaines études ne retrouvent pas de 5 à 7 jours. L’érythromycine, la josamycine, la spectinomycine,
corrélations entre UU et urétrites aiguës, [11] voire un portage plus l’azithromycine et l’ofloxacine sont également efficaces et utilisables
fréquent dans la population témoin comparé à une population en seconde intention (10 % de souches résistantes aux cyclines [23]).
atteinte d’urétrite. [12] MG répond au même spectre mais avec des durées de traitement
Il existe également des arguments pour penser que MG puisse jouer plus longues (15 jours). [25]
un rôle pathogène notable dans les UNG. Celui-ci est plus L’urétrite à Trichomonas vaginalis se traite par métronidazole 2 g en
fréquemment retrouvé chez les patients porteurs d’urétrite que chez prise unique éventuellement renouvelée à 10 jours d’intervalle.
les témoins (9 à 25 % versus 6 à 9 %). [13] MG est plus fréquemment
isolé chez les homosexuels, les Noirs, les formes aiguës ou
récidivantes des UNG. Prostatites
Trichomonas vaginalis est un protozoaire à transmission sexuelle
exclusive. 14 à 60 % des partenaires de femmes infectées sont La prostatite correspond à l’inflammation de la glande prostatique.
contaminés et 67 à 100 % des partenaires d’hommes sont infectés. [14] La classification la plus récente et communément utilisée des
Il serait responsable de 10 % des UNG occasionnant des formes prostatites est celle du National Health Institute. Elle distingue
plutôt aiguës, souvent associées à des balanites. Les atteintes quatre types de prostatites : le type I correspond à la prostatite aiguë
asymptomatiques sont fréquentes, pouvant atteindre 30 % des cas. bactérienne, le type II à la prostatite chronique bactérienne, le type
D’autres germes peuvent être isolés de façon exceptionnelle : III à la prostatite chronique non bactérienne ou syndrome
Haemophylus influenzae et parainfluenzae, Staphylococcus douloureux pelvien chronique (inflammatoire IIIa ou non IIIb) et le
saprophyticus, Streptococcus milleri, Bacteroides ureolyticus, type IV à la prostatite asymptomatique. [26] Nous ne traiterons ici
méningocoques et Escherichia coli. [15, 16, 17, 18, 19, 20, 21] que des types I et II. Ces deux types ne représentent que 5 à 10 % de
l’ensemble des prostatites [27] (Tableau 1).
Enfin, aucun agent pathogène n’est mis en évidence dans 20 à 40 %
des UNG. [6] Ces urétrites peuvent répondre complètement à un
traitement antibiotique aveugle, mais l’échec ou la récidive sont PHYSIOPATHOLOGIE ET BACTÉRIOLOGIE
fréquents. L’immense majorité des infections prostatiques est due à une
contamination par voie canalaire. Celle-ci peut être ascendante
¶ Diagnostic (survenant secondairement à une urétrite ou bien iatrogène après
CT étant un germe intracellulaire, il faut effectuer un prélèvement sondage vésical ou manœuvre endoscopique) [28] ou descendante
par écouvillonage urétral 2 à 4 cm au-delà du méat. L’identification (reflux d’urines vésicales dans les canaux prostatiques généralement
peut alors être obtenue par culture cellulaire (technique de référence en cas d’obstacle sous-vésical). [29]
mais lourde en pratique). Il existe d’autres tests diagnostiques Plus rarement, la contamination peut être directe par voie rectale. Il
immunoenzymatiques (enzyme linked immunosorbent assay [ELISA]), s’agit essentiellement des prostatites post biopsies prostatiques
d’immunofluorescence ou par polymerase chain reaction (PCR). Un réalisées par voie transrectale. Ces prostatites compliquent une série
des avantages des techniques de biologie moléculaire est qu’elles de biopsies dans environ 1 % des cas. [30]
peuvent être réalisées à partir des urines du premier jet. La sérologie La voie hématogène est exceptionnelle et la voie lymphatique
n’est pas très utile en pratique en raison de sa mauvaise spécificité, discutée. [31]
de sa mauvaise sensibilité et de la possibilité de réaction croisée avec
Les bactéries à Gram négatif représentent 95 % des germes en cause
Chlamydia Pneumoniae. [22]
dans les prostatites. À lui seul, Escherichia coli représente 80 % des
UU est mis en évidence sur un écouvillonage urétral ou bien sur le germes retrouvés. [32] Plus rarement il s’agit de Proteus, Klebsiella,
premier jet urinaire par culture sur milieux spéciaux acellulaires. [23] Pseudomonas ou Enterobacter. Les autres bactéries à Gram négatif
Seuls des taux supérieurs à 103 UCC ml–1 doivent être pris en sont devenues exceptionnelles.
compte. En revanche, seules les techniques de PCR permettent
Les bactéries à Gram positif représentent 5 % des cas. Il s’agit de
d’isoler MG. [13]
l’entérocoque. Le rôle des autres streptocoques et du staphylocoque
L’isolement de Trichomonas vaginalis repose sur l’examen direct du est beaucoup plus discuté. Les germes à Gram positif anaérobies
prélèvement urétral ou du premier jet urinaire à l’état frais entre doivent en revanche être suspectés en cas d’évolution de la prostatite
lame et lamelle qui objective le parasite mobile dans 60 % des cas. vers l’abcédation.
En raison de cette faible sensibilité, une mise en culture est
Le rôle de germes tels que Ureaplasma et Chlamydia est très difficile
généralement nécessaire sur milieux spéciaux. [24]
à préciser en raison des contaminations urétrales quasi
¶ Traitement systématiques. [33, 34, 35, 36]
Les prostatites parasitaires sont exceptionnelles (excepté les
Le traitement monodose par azithromycine (1 g per os) s’impose de prostatites bilharziennes à Schistosoma haematobium chez les patients
plus en plus dans le traitement des urétrites à CT. [8] Les traitements ayant vécu en zone d’endémie), de même que les prostatites
classiques reposent sur les cyclines (doxycycline 200 mg j–1 , mycotiques (hors terrain d’immunodépression sévère) et les
minocycline 200 mg j–1), les macrolides (roxithromycine 150 mg × prostatites tuberculeuses.
2 j–1) ou les quinolones (ofloxacine 200 mg × 2 j–1) pour une durée
minimale de 10 jours.
Le traitement de référence d’UU consiste à l’administration de PROSTATITES AIGUËS BACTÉRIENNES
cyclines (doxycycline 200 mg j–1, minocycline 200 mg j–1) pendant Elles représentent moins de 5 % de l’ensemble des prostatites.

Tableau 1. – Classification du National Institute of Health définissant les différents types de prostatites. [26]

Type Nom Description

I Prostatite aiguë bactérienne Infection aiguë de la glande prostatique


II Prostatite chronique bactérienne Infection récidivante de la glande prostatique
III Prostatite chronique non bactérienne (ou syndrome douloureux pelvien chronique) Pas d’infection objectivable
IIIA Syndrome douloureux pelvien chronique inflammatoire Leucocytes dans les sécrétions prostatiques ou le sperme
IIIB Syndrome douloureux pelvien chronique non inflammatoire Pas de leucocytes dans les sécrétions prostatiques ou le sperme
IV Prostatite asymptomatique Pas de symptomatologie, découverte histologique ou fortuite de leucocytes dans les
sécrétions prostatiques ou le sperme lors d’une exploration demandée dans le cadre
d’autres infections

3
8-003-I-20 Infections génitales masculines Maladies infectieuses

¶ Clinique En cas de syndrome septique sévère ou de rétention urinaire, le


traitement est initié à l’hôpital. Une bi-antibiothérapie intraveineuse
La symptomatologie comprend des signes généraux (fièvre, frissons, associant une céphalosporine de troisième génération et un
myalgies), des signes fonctionnels urinaires (pollakiurie, impériosités aminoside est d’abord mise en route, secondairement relayée par
mictionnelles, brûlures mictionnelles et dysurie, voire rétention une monothérapie per os après 48 heures d’apyrexie guidée par
urinaire) avec ou sans hématuries. Il peut s’y associer un syndrome l’antibiogramme (idéalement une fluoroquinolone ou bien du
douloureux génito-urinaire (douleurs pelvipérinéales et triméthoprime-sulfaméthoxazole). [42]
hypogastriques).
L’antibiothérapie est associée à des antalgiques, voire à des anti-
L’examen clinique peut retrouver une sensibilité hypogastrique. Il inflammatoires non stéroïdiens (AINS) pour mieux contrôler les
recherche une douleur associée dans les fosses lombaires, ainsi que symptômes locaux. En cas de dysurie importante ou de rétention
la présence d’un globe vésical. Le toucher rectal (TR) objective une urinaire, un traitement a-bloquant peut s’avérer utile.
prostate douloureuse à la palpation de façon exquise, parfois
augmentée de volume et de consistance molle ou au contraire très
ferme. PROSTATITES CHRONIQUES BACTÉRIENNES

¶ Diagnostic et examens complémentaires ¶ Clinique


Le diagnostic est affirmé par l’examen cytobactériologique des La symptomatologie est plus variée et beaucoup moins spécifique
urines (ECBU) qui met en évidence une leucocyturie et une que dans la forme aiguë. Les douleurs de la sphère urogénitale
bactériurie significative (supérieure à 10 4 et 10 5 par ml occupent souvent le premier plan (61 %). Elles peuvent être sus-
respectivement). Des hémocultures, réalisées en cas de fièvre élevée pubiennes, inguinales, périnéales, souvent, elles irradient le long de
ou de frissons, peuvent également retrouver le germe en cause. l’urètre. Elles ne sont pas forcément rythmées par les mictions et
L’épreuve de Meares et Stamey ainsi que le massage prostatique peuvent être aggravées par les éjaculations. Les troubles mictionnels
simple sont contre-indiqués en cas de prostatites aiguës en raison sont également fréquents (16 %) à type de dysurie, de pollakiurie,
du risque de bactériémie. d’impériosités et de brûlures mictionnelles. On peut parfois noter
un écoulement urétral clair d’abondance variable (9 %). Enfin, les
L’étude du pH des sécrétions prostatiques ou bien le dosage du troubles de l’érection, l’hémospermie sont beaucoup plus rares
prostate specific antigen (PSA) ne présentent pas d’intérêt dans le (1 %). [43]
diagnostic des prostatites.
Généralement, les signes généraux sont absents, et l’examen
Les examens d’imagerie ne sont nécessaires (échographie, scanner, physique sans particularité.
imagerie par résonance magnétique [IRM]) que si l’on suspecte
l’évolution vers l’abcédation au décours d’une prostatite aiguë. ¶ Diagnostic
¶ Complications L’examen de première intention reste l’ECBU. Si celui-ci est positif
(pyurie et bactériurie significative), il permet d’affirmer le diagnostic,
Il s’agit essentiellement d’un tableau septicémique qui peut occuper de mettre en route le traitement et éventuellement de l’adapter sur
le premier plan. Il nécessite l’hospitalisation du patient et la mise en les données de l’antibiogramme.
route d’une bi-antibiothérapie intraveineuse. Si l’ECBU est négatif, ce qui est souvent le cas, il faut alors recourir
Une rétention aiguë d’urine peut également survenir, que le patient au test de Meares et Stamey. [44] Cette technique présente l’avantage
soit porteur d’une hypertrophie prostatique ou non. Le sondage d’avoir une meilleure sensibilité (91 %) et spécificité (91 %) [45] aux
urétral est alors contre-indiqué en raison du risque de passages dépens d’une réalisation plus lourde et elle requiert une abstinence
bactériémiques. Le drainage des urines est assuré par la mise en sexuelle de 3 jours.
place d’un cathéter sus-pubien. Une fois le sepsis bien contrôlé, une La technique consiste, après décalotage éventuel et toilette du pénis,
tentative de reprise des mictions est réalisée par clampage du à recueillir les 5-10 premiers millilitres d’urine émise (lavage urétral).
cathéter, éventuellement sous couverture d’un traitement Après avoir uriné 100 à 150 ml supplémentaires, 5-10 ml sont à
a-bloquant. nouveau recueillis (urines vésicales) et le patient interrompt sa
L’abcès prostatique, complication classique, est devenu rare. Il doit miction. Le médecin réalise alors un massage prostatique afin
être suspecté en cas de persistance de la symptomatologie malgré d’exprimer les sécrétions prostatiques qui sont recueillies,
une antibiothérapie bien conduite. La perception d’une zone éventuellement après traite urétrale. Enfin, on recueille un dernier
extrêmement douloureuse et fluctuante au TR est très évocatrice échantillon de 5-10 ml d’urines mélangées aux sécrétions
mais inconstante (abcès à développement antérieur). [37] La prostatiques résiduelles.
confirmation est obtenue par l’échographie transrectale ou le scanner L’ensemble de ces prélèvements fait l’objet d’un examen direct puis
pelvien. Son traitement consiste en l’élargissement de d’une mise en culture.
l’antibiothérapie aux germes anaérobies [38] et surtout au drainage
La présence de plus de 10 à 20 leucocytes par champ dans les
de l’abcès au mieux par voie périnéale ou transrectale sous contrôle
sécrétions prostatiques est considérée comme pathologique (champ
échographique ou scanographique. [37]
× 100). [46] De plus, la présence de macrophages contenant des
Enfin, la prostatite peut se compliquer d’emblée ou secondairement inclusions lipidiques (corps ovales) est très en faveur d’une
d’une extension de l’infection le long de la voie génitale responsable prostatite.
de l’apparition d’épididymite ou d’orchiépididymite.
Pour confirmer l’existence d’une prostatite bactérienne, le nombre
de germes observés en culture dans les sécrétions prostatiques ou
¶ Traitement dans le dernier recueil d’urine doit être 10 fois supérieur à celui
Lors d’une prostatite aiguë, l’épithélium de la prostate subit des observé dans les échantillons d’urines urétrales et vésicales. [45] En
modifications. Celles-ci sont dues aux phénomènes inflammatoires cas de bactériurie significative dans les urines vésicales (105 ml–1),
intenses qui augmentent la perméabilité aux antibiotiques de la on recommande de reproduire l’examen après 2 à 3 jours de
barrière épithéliale. [39] Ainsi, des concentrations thérapeutiques ont traitement par un antiseptique urinaire spécifique pour obtenir des
été mises en évidence au sein de la prostate pour le triméthoprime cultures microbiennes spécifiques de la prostate.
[40]
et encore plus pour les fluoroquinolones. [41] Les autres examens biologiques ou bactériologiques ne présentent
Le traitement standard repose sur une de ces deux antibiothérapies, pas d’intérêt en pratique.
per os, pour une durée de 3 à 4 semaines (sauf en cas de résistance L’imagerie ne présente pas de réel intérêt pour affirmer le diagnostic.
sur l’antibiogramme). [42] Tout au plus l’abdomen sans préparation (ASP) et l’échographie

4
Maladies infectieuses Infections génitales masculines 8-003-I-20

peuvent-ils mettre en évidence des calcifications prostatiques dont hypersignal en T1 du liquide séminal. Ses résultats seraient
la valeur sémiologique est discutée. En revanche l’imagerie supérieurs à ceux de l’échographie et au scanner mais sa mauvaise
(urographie intraveineuse [UIV] avec clichés mictionnels) et la accessibilité en limite l’usage. [55, 56]
fibroscopie urétrovésicale sont utiles à la recherche d’un facteur
favorisant la survenue des infections, notamment une sténose ¶ Complications
urétrale.
L’abcès est rare et doit être suspecté devant une persistance des
symptômes malgré une antibiothérapie bien conduite. Le diagnostic
¶ Traitement
est affirmé grâce à l’échographie qui en permet également le
La difficulté dans le traitement des prostatites chroniques traitement par ponction échoguidée.
bactériennes réside dans l’existence d’une barrière lipidique La stérilité par obstruction des voies séminales est une complication
épithéliale empêchant les antibiotiques d’atteindre les acini classique qui se rencontre cependant plus fréquemment au décours
prostatiques. [47] des atteintes chroniques.
Pour être efficace, un antibiotique doit être liposoluble, modérément
basique avec un coefficient de dissociation autorisant une ¶ Traitement
concentration préférentielle de la substance dans le parenchyme
Il repose sur une antibiothérapie de 4 semaines adaptée au germe
prostatique par rapport au plasma. [48]
isolé, associé à un traitement anti-inflammatoire.
Les deux antibiotiques présentant ces caractéristiques sont les
fluoroquinolones et l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole
(TMP-SMX). Les taux de guérisons bactériologiques sont identiques VÉSICULITES CHRONIQUES
pour ces deux traitements et sont de l’ordre de 33 à 60 % en fonction
des séries pour une durée de traitement de 4 à 6 semaines. [47, 49, 50] ¶ Clinique
En cas d’échec, il est licite de prolonger le traitement pour une durée Le diagnostic est très difficile et est souvent porté par excès pour
de 3 mois dans la mesure où cela n’est pas dû à l’acquisition de expliquer une symptomatologie périnéale atypique ou une
résistances, mais à la persistance de foyers infectieux difficilement hémospermie.
accessibles (notamment au niveaux des calculs prostatiques). Après
L’examen est en règle sans particularité.
cela, il ne reste que la possibilité d’instaurer un traitement continu à
faibles doses suppressives pour une durée de 6 mois. [51]
¶ Diagnostic
Les injections intraprostatiques ou dans la muqueuse rectale ne sont
pas des traitements de référence [52, 53] et la supplémentation en zinc Il existe des images évocatrices d’atteinte chronique des VS :
ou vitamines n’a pas fait la preuve de son efficacité. [48] élongation des VS, épaississement marqué des parois de la glande,
La résection endoscopique de prostate doit être proposée avec signes de rétention liquidienne et présence de cloisons internes,
prudence dans la mesure où les germes se trouvent voire présence de lithiases intravésiculaires et de calcifications
préférentiellement dans la zone périphérique qui est difficilement pariétales. [57]
accessible à la résection. [54] En pratique, elle est à réserver au sujet La spermoculture est souvent décevante car il existe de nombreuses
âgé présentant des calculs prostatiques et une obstruction formes abactériennes où l’on ne retrouve qu’une leucospermie. [57]
sous-vésicale.
¶ Traitement
Il est identique aux formes aiguës, mais d’une durée plus longue,
Vésiculites séminales d’au moins 6 semaines.

Les infections aiguës ou chroniques des vésicules séminales (VS)


sont assez fréquentes. Elles sont généralement satellites d’une Orchiépididymites infectieuses
infection régionale urinaire ou prostatique. Elles peuvent beaucoup
plus rarement être isolées. L’orchiépididymite correspond à l’inflammation de l’épididyme et
du testicule. Cependant, les atteintes peuvent être séparées, réalisant
VÉSICULITES AIGUËS
alors des tableaux d’épididymites ou d’orchites.

¶ Clinique PHYSIOPATHOLOGIE ET BACTÉRIOLOGIE


La plupart du temps, l’atteinte des VS s’inscrit dans le cadre d’une
infection régionale et il est difficile de mettre en évidence un ¶ Physiopathologie
symptôme typique. Dans les rares formes isolées, il existe quelques La majeure partie des infections survient par voie canalaire
signes d’appel évocateurs : douleur funiculaire sans atteinte rétrograde déférentielle. L’infection prend son origine au niveau de
épididymaire ou prostatique associée, douleurs situées sur le trajet la filière urétroprostatique puis emprunte le canal déférent pour
du déférent à irradiation postérieure vers les articulations sacro- atteindre l’épididyme puis le testicule. Cette propagation peut se
iliaques ou des troubles de l’éjaculation (hémospermie, éjaculation faire à la faveur d’un reflux d’urines infectées dans les canaux
précoce ou douloureuse). éjaculateurs lorsque certaines conditions favorisantes sont présentes :
Le toucher rectal peut retrouver une masse sus-prostatique sensible inflammation de l’urètre postérieur et du veru montanum,
et rénitente correspondant aux VS augmentées de volume. adénomectomie ou résection prostatique, obstacle sur le bas appareil
urinaire.
¶ Diagnostic La voie hématogène et la voie lymphatique péridéférentielle sont
Les examens bactériologiques (ECBU, test de Meare et Stamey, beaucoup plus rares.
spermoculture) permettent de confirmer l’infection urogénitale,
d’isoler l’agent pathogène et de guider l’antibiothérapie. ¶ Bactériologie
L’échographie transrectale met en évidence des VS déformées et Le germe responsable peut être un germe sexuellement
augmentées de volume avec une paroi épaissie. Le scanner pelvien transmissible, un germe habituel des infections urinaires ou bien un
fournit des renseignements identiques. L’IRM retrouve un germe rare.

5
8-003-I-20 Infections génitales masculines Maladies infectieuses

Les germes sexuellement transmissibles isolés sont essentiellement L’ischémie testiculaire peut être due à une compression des
Chlamydiae trachomatis, Neisseria gonorrhoeae et les entérobactéries vaisseaux testiculaires au sein d’un cordon congestif et tuméfié au
dont la plus fréquente est Escherichia coli. Le rôle pathogène des niveau de l’orifice inguinal superficiel [62] ou bien à une compression
mycoplasmes est beaucoup plus discuté. des branches terminales de l’artère spermatique par l’œdème
Parmi les germes habituellement retrouvés dans les infections épididymaire. [63] Cette ischémie peut aboutir à l’infarctus du
urogénitales, on retrouve surtout les entérobactéries. La plus testicule puis à sa nécrose ou bien à une atrophie séquellaire.
fréquente est Escherichia coli, les autres sont : Proteus, Citrobacter, L’échographie scrotale, même à doppler pulsé, est peu contributive,
Providencia, Klebsiella, Enterobacter et Serratia. la scintigraphie testiculaire est beaucoup plus performante mais
Enfin, on isole des germes « rares » dans 10 % des cas. Il s’agit de n’est pas utilisée en pratique courante. [64]
Brucella, Mycobacterium tuberculosis, Haemophilus influenzae, de Enfin, il peut survenir une infertilité séquellaire. Celle-ci peut être
salmonelles ou de virus (herpès varicelle zona [HVZ], due à une obstruction épididymaire par des noyaux fibreux en cas
cytomégalovirus [CMV], Ebstein-Barr virus [EBV], adénovirus, d’atteinte bilatérale [65] ou à une atteinte de la spermatogenèse au
coxsackiesvirus, échovirus, virus des oreillons, virus de la niveau du parenchyme testiculaire. [66] L’hypothèse immunologique
rubéole…). Les atteintes parasitaires ou mycotiques sont par apparition d’auto-anticorps antispermatozoïdes n’est pas
exceptionnelles en dehors des terrains immunodéprimés sévères. confirmée à ce jour.
¶ Clinique En cas de traitement insuffisant ou mal adapté, l’évolution peut
également se faire vers la chronicité avec des douleurs fluctuantes,
Les symptômes s’installent généralement en 1 ou 2 jours. Il existe l’absence de signes généraux et, à la palpation, la présence de
cependant des formes d’apparition plus brutale ou plus progressive. nodules épididymaires. L’obstruction épididymaire est alors très
Ils consistent en d’intenses douleurs scrotales irradiant le long du fréquente.
cordon spermatique vers la région inguinale et soulagées par la
suspension de la bourse. La fièvre est inconstante et la présence de
¶ Traitement
signes fonctionnels urinaires indique l’existence d’une urétrite ou
d’une prostatite associée. Le traitement symptomatique comprend le repos au lit, les
À l’examen, la bourse est augmentée de volume et inflammatoire. antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens associés au
L’épididyme est augmenté de volume et douloureux, de même, le port d’un suspensoir ou, à défaut, d’un slip serré. L’infiltration de
cordon spermatique est infiltré, augmenté de volume et douloureux. lidocaïne au niveau du cordon spermatique a également été
En cas d’atteinte testiculaire associée, on perçoit simplement une proposée. [67]
masse douloureuse sans que l’on puisse individualiser en son sein L’antibiothérapie est adaptée en fonction du contexte.
le testicule de l’épididyme. Enfin, il peut exister une hydrocèle
associée, rendant l’examen précis des structures intrascrotales En cas de suspicion de MST, on préconise un traitement par
impossible. tétracyclines ou fluoroquinolones pour une durée de 3 à 4 semaines.
Le bilan et le traitement du ou des partenaires est bien entendu
¶ Diagnostic indispensable.
Il est porté grâce à l’ECBU, éventuellement couplé à une série En cas de « maladie urologique » (patient de plus de 35 ans, maladie
d’hémocultures (en cas de fièvre élevée ou de frissons). Il permet de urologique du bas appareil connue, bactériurie), on utilise plus
confirmer le diagnostic, d’identifier le germe responsable et de volontiers l’association triméthoprime-sulfaméthoxazole ou les
guider l’antibiothérapie. En cas de suspicion de MST (notion de fluoroquinolones pendant une durée identique. Bien entendu, un
contage, adulte jeune, absence de facteur urologique favorisant, bilan urologique du bas appareil urinaire est indispensable
écoulement urétral), il est utile de compléter le bilan infectieux par (échographie, UIV avec clichés mictionnels et éventuellement
un prélèvement urétral associé à une sérologie de Chlamydiae cystographie rétrograde).
trachomatis. Dans ce contexte, un bilan complet de MST doit bien En cas d’atteinte sévère, on débute le traitement en milieu hospitalier
entendu être aussi prescrit. par une double antibiothérapie intraveineuse associant une
La spermoculture et la ponction épididymaire n’apportent rien de céphalosporine de troisième génération à un aminoside,
plus en pratique courante. secondairement relayé, dans l’idéal, par une des deux classes
L’imagerie n’est pas utile pour affirmer le diagnostic. En revanche, thérapeutiques précédemment citées.
l’échographie scrotale est intéressante si l’on suspecte d’emblée ou Le traitement chirurgical est à réserver aux formes sévères d’emblée
secondairement un abcès testiculaire, voire une fonte purulente de ou secondairement avec suspicion d’abcédation ou de nécrose
ce dernier. L’échographie n’est d’aucun intérêt dans le diagnostic testiculaire. L’exploration est bien entendu également indiquée en
différentiel, notamment avec une torsion du cordon spermatique. [58, cas de doute diagnostique avec une torsion du cordon spermatique.
59]
L’exploration peut être réalisée par voie inguinale ou scrotale. En
fonction des lésions observées, on peut être amené à réaliser le
¶ Complications drainage d’un abcès, la décompression du cordon par incision de
L’abcès épididymaire et/ou testiculaire se manifeste par une fièvre l’anneau inguinal superficiel ou une orchidectomie en cas de fonte
élevée associée à de vives douleurs. L’examen objective une masse purulente du testicule. L’épididymectomie est dangereuse en phase
douloureuse et fluctuante. L’abcès peut se rompre dans la cavité aiguë (risque de lésion de la vascularisation testiculaire) mais elle
vaginale ou bien fistuliser à la peau. [40, 60] Le diagnostic est confirmé est une bonne indication dans les formes chroniques non contrôlées
par l’échographie scrotale. [61] par le traitement médical.

6
Maladies infectieuses Infections génitales masculines 8-003-I-20

Références
[1] Handsfield HH, Knapp JS, Diehr PK, Holmes KK. Correlation [21] Yoganathan S. Escherichia coli urethritis in a heterosexual [44] Meares EM, Stamey TA. Bacteriologic localization patterns
of auxotype and penicillin susceptibility of Neisseria gonor- male. Int J STD AIDS 1991; 2: 54-55 in bacterial prostatitis and urethritis. Invest Urol 1968; 5:
rhoeae with sexual preference and clinical manifestations [22] Taylor-Robinson D, Thomas BJ. Laboratory techniques fot 492-518
of gonorrhea. Sex Transm Dis 1980; 7: 1-5 the diagnosis of chlamydial infections. Genitourin Med [45] Nickel JC. The pre and post massage test: a simple screen
[2] Harrison WO. Gonococcal urethritis. Urol Clin North Am 1991; 67: 256-266 for prostatitis. Tech Urol 1997; 3: 38-43
1984; 11: 45-53 [23] Bebear C. Les infections à mycoplasmes génitaux. Rev Eur [46] Wright ET, Chmiel JS, Grayhack JT, Schaeffer AJ. Prostatic
[3] Creighton S, Tenant-Flowers M, Taylor CB, Miller R, Low N. Dermatol MST 1991; 3: 307-314 fluid inflammation in prostatitis. J Urol 1994; 152 6Pt2:
Co-infection with gonorrhoea and Chlamydia: how much [24] Saxena SB, Jenkins RR. Prevalence of Trichomonas vaginalis 2300-2308
is there and what does it mean?. Int J STD AIDS 2003; 14: in men at high-risk for sexually transmitted diseases. Sex [47] Pfau A. Prostatitis: a continuing enigma. Urol Clin North Am
109-113 Transm Dis 1991; 18: 138-142 1986; 13: 695-715
[4] MacLeod AD, Furr PM, Taylor-Robinson D. Prolonged era- [25] O’Mahony C. Treatment of non specific urethritis should [48] Doble A. Chronic prostatitis. Br J Urol 1994; 74: 537-541
dication of urogenital mycoplasmas after administration of be 2 weeks not 1. Sex Transm Infect 1999; 75: 449
tetracycline to men in the Antarctic. Br J Vener Dis 1976; 52: [49] Echols RM. Efficiency and safety of ciprofloxacin for chronic
337-340 [26] Executive summary: chronic prostatitis workshop. bacterial prostatitis. Infect Med 1995; 12: 283-289
Bethesda: National institute of health - national institute for
[5] Rosey CE, Britt EM. Urine as a holding medium for Nesseiria [50] Weidner W, Schiefer HG, Brahler E. Refractory chronic bac-
diabetes, digestive and kidney diseases december 1995; I:
gonorrhoeae. Sex Transm Dis 1984; 11: 301-303 terial prostatitis: a re-evaluation of ciprofloxacin treatment
1-5Appendix 1995
after a median follow-up of 30 months. J Urol 1991; 146:
[6] Janier M, Lassau F, Casin I, Grillot P, Scieux C, Zavaro A et al. [27] Collins MM, Stafford RS, O’Leary MP, Barry MJ. How 350-352
Male urethritis with and without discharge: a clinical and common is prostatitis?: a national survey of physician visits.
microbiological study. Sex Transm Dis 1995; 22: 244-252 [51] Preheim L. A focus on prostatitis. Scientific Exchange Inc,
J Urol 1998; 159: 1224-1228
March 1997; Audio Forum
[7] Janier M. Infections uro-génitales à Gonocoques et Chla- [28] Barsanti J, Crowell W, Finco D, Shotts E, Beck B. Induction
mydia (en dehors de la maladie de Nicolas Favre). Rev Prat [52] Baert L, Leonard A. Chronic bacterial prostatitis: 10 years
of chronic bacterial prostatitis in the dog. J Urol 1982; 127:
1998; 48: 905-908 experience with local antibiotics. J Urol 1988; 140: 755-757
1215-1219
[8] Lau CY, Qureshi AK. Azythromycin versus doxycycline for [29] Kirby RS, Lowe D, Bultitude MI, Shuttleworth KE. Intra pros- [53] Shafibe A. Anal submucosal injection: a new route for drug
genital chlamydial infections: a meta-analysis of rando- tatic urinary reflux: an aetiological factor in abacterial pros- administration VI chronic prostatitis. A new modality treat-
mised clinical trials. Sex Transm Dis 2002; 29: 497-502 tatitis. Br J Urol 1982; 54: 729-731 ment with report of 11 cases. Urology 1991; 37: 61-64
[9] Stamm WE. Chlamydia trachomatis infections of the adult. [30] Lechevallier E. Ponction-biopsie prostatique. Encycl Méd [54] McNeal J. Regional morphology and pathology of the pros-
Holmes KK ed. Sexually transmitted diseases and etiologic Chir 1997; 41-265: 6p(Elsevier SAS, Paris), Techniques chi- tate. Am J Clin Pathol 1968; 49: 347-357
agents New York: McGraw-Hill, 1984; 258-270 rurgicales - Urologie [55] Roy C, Morel M, Saussine C, Vetter JM, Rimmelin A, Jacqmin
[10] Taylor-Robinson D, Csonka GW, Prentice MJ. Human intra- [31] Vanderheyden D, Cukier J. Prostatites aiguës et chroniques DR et al. Imagerie par résonance magnétique des vésicules
urethral inoculation of ureaplasmas. Q J Med 1977; 45: bactériennes non spécifiques. Étude sémiologique et thé- séminales : aspects normaux et pathologiques. J Radiol
309-326 rapeutique : à propos de 100 cas. Acta Urol Belg 1975; 43: 1993; 74: 171-178
[11] Horner P, Thomas B, Gilroy CB, Egger M, Taylor-Robinson 434-435 [56] Sue DE, Chicola C, Brant-Zawadzki MN, Scidmore GF, Hart
D. Role of Mycoplasma genitalium and Ureplasma urealyti- [32] Roberts RO, Lieber MM, Bostwick DG, Jacobsen SJ. A JB, Hanna JE. Imaging in seminal vesiculitis. J Comput Assist
cum in acute and chronic nongonococcal urethritis. Clin review of clinical and pathological prostatitis syndromes. Tomogr 1989; 13: 662-664
Infect Dis 2001; 32: 995-1003 Urology 1997; 49: 809-821 [57] Christiansen E, Purvis K. Diagnosis of chronic abacterial
[12] Totten PA, Schwartz MA, Sjostrom KE, Kenny GE, Hands- [33] Shortliffe LM, Sellers RG, Dchachter J. The caracterization prostato-vesiculitis by rectal ultrasonography in relation to
field HH, Weiss JB. Association of Mycoplasma genitalium of nonbacterial prostatitis: search for an etiology. J Urol symptoms and findings. Br J Urol 1991; 67: 173-176
with nongonococcal urethritis in heterosexual men. J Infect 1992; 148: 1461-1466 [58] Finkelstein MS, Rosenberg HK, Snyder HM3rd, Duckett JW.
Dis 2001; 183: 269-276 Ultrasound evaluation of scrotum in pediatrics. Urology
[34] Brunner H, Weidner W, Schiefer HG. Studies on the role of
[13] Jensen JS, Orsum R, Dohn B, Uldum S, Worm AM, Lind K. Ureaplasma urealyticum and Mycoplasma hominis in pros- 1986; 27: 1-9
Mycoplasma genitalium: a cause of male urethritis. Genitou- tatitis. J Infect Dis 1983; 147: 807-813 [59] Kontkanen TK, Bondenstam S, Miettunen RH. Differential
rin Med 1993; 69: 265-269 diagnosis in scrotal ultrasound. Scand J Urol Nephrol 1990;
[35] Mardh PA, Ripa KT, Colleen S, Treharne JD, Darougar S.
[14] Krieger JN. Urologic aspects of trichomoniasis. Invest Urol Role of Chlamydiae trachomatis in non acute prostatitis. Br J 24: 7-10
1981; 18: 411-417 Vener Dis 1978; 54: 330-334 [60] Slavis SA, Kullin J, Miller JB. Pyocele of scrotum: conce-
[15] Casin I, Sanson-Le Pors MJ, Felten A, Perol Y. Biotypes, [36] Bruce AW, Chadwick P, Willett WS, O’Shaughnessy M. The quence of spntaneous rupture of testicular abscess. Urology
serotypes and susceptibility to antibiotics of 60 Haemophy- role of Chlamydia in genitourinary disease. J Urol 1981; 126: 1989; 33: 313-316
lus influenzae strains from genitourinary tracts. Genitourin 625-629 [61] Desai KM, Gingell JC, Haworth JM. Localised intratesticular
Med 1988; 64: 185-188 abscess complicating epididymo-orchitis: the use of scrotal
[37] Weinberger M, Cytron S, Servadio C, Block C, Rosenfeld
[16] Facinelli B, Montanari MP, Varaldo PE. Heamophylus parain- JB, Pitlik SD. Prostatic abscess in the antibiotic era. Rev Infect ultrasonography in diagnosis and management. Br Med J
fluenzae causing sexually transmitted urethritis. Report of a Dis 1988; 10: 239-249 1986; 292: 1361-1362
case and evidence for a b-lactamase plasmid mobilizable to [62] Auvigne J. Sur les épididymites aiguës graves. Ann Urol
Escherichia Coli by an Inc-W plasmid. Sex Transm Dis 1991; [38] Bartlett JG, Gorbach SL. Anaerobic bacteria in suppurative
infections of the male genitourinary system. J Urol 1981; 1980; 14: 113-115
18: 166-169
125: 376-378 [63] Vordermark JS2nd, Favila MQ. Testicular necrosis: a pre-
[17] Hawkins DA, Fontaine EA, Thomas BJ, Boustouller YL,
[39] Meares E. Prostatitis: review of pharmacokinetics and sentable complication of epididymitis. J Urol 1982; 128:
Taylor-Robinson D. The enigma of nongonococcal ureth-
therapy. Rev Infect Dis 1982; 4: 475 1322-1324
ritis: Role for Bacteroides ureolyticus. Genitourin Med 1988;
64: 10-13 [40] Richaud C, Jean P, Taib E. Les épididymites aiguës. J Urol [64] Bird K, Rosenfield AT. Testicular infarction secondary to
[18] Hovelius B, Thelin I, Mardh PA. Staphylococcus saprophyti- (Paris) 1986; 92: 27-31 acute inflammatory disease: demonstration by B-scan
cus in the aetiology of non-gonococcal urethritis. Br J Vener [41] Bergeron M, Thabet M, Roy R, Lessard C, Foucault P. Nor- ultrasound. Radiology 1984; 152: 785-788
Dis 1979; 55: 369-374 floxacin penetration into human renal and prostatic tissues. [65] Jarow JP, Espeland MA, Lipshultz LL. Evaluation of the
[19] Sturm AW. Haemophylus influenzae and Haemophylus Antimicrob Agents Chemother 1985; 28: 349-350 azoospermic patient. J Urol 1989; 142: 62-65
parainfluenzae in nongonococcal urethritis. J Infect Dis [42] Adehossi E, Ranque S, Brouqui P. The treatment of prosta- [66] Nilsson S, Obrant KO, Persson PS. Changes in the testis
1986; 153: 165-167 titis. Rev Méd Interne 2002; 23: 999-1005 parenchyma caused by acute nonspecific epididymitis.
[20] Maini M, French P, Prince M, Bingham JS. Urethritis due to [43] Krieger JN, Egan KJ. Comprehensive evaluation and treat- Fertil Steril 1968; 19: 748-757
Nesseiria meningetidis in a London genitourinary medicine ment of 75 men referred to chronic prostatitis clinic. [67] Miller HC. Local anesthesia for acute epididymitis. J Urol
clinic population. Int J STD AIDS 1992; 3: 423-425 Urology 1991; 38: 11-19 1970; 104: 734

7
8-003-L-10
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 8-003-L-10

Infections oculaires
I Cochereau

Résumé. – Les infections oculaires sont très diverses tant par leurs localisations que par la multiplicité des
germes pouvant être en cause. La perte définitive de la vision peut survenir rapidement si l’infection détruit
l’architecture fonctionnelle des tissus. C’est pourquoi le traitement de l’infection et de l’inflammation doit être
rapidement efficace et associe parfois des corticoïdes aux traitements antimicrobiens. Les conjonctivites sont
habituellement peu graves, sauf dans les pays en voie de développement. Les kératites nécessitent un
traitement de surface. Les kératites les plus fréquentes sont la kératite herpétique et les kératites bactériennes,
en particulier sous lentilles de contact. L’endophtalmie garde un très mauvais pronostic visuel. Le traitement
débuté en urgence comporte, après un prélèvement de vitré, une antibiothérapie par voie intravitréenne et
par voie systémique. Les choriorétinites de l’immunodéprimé sont dominées par la rétinite à cytomégalovirus
(CMV), la choriorétinite toxoplasmique et la rétinite à VZV (varicelle-zona virus). Chez l’immunocompétent,
la toxoplasmose est la choriorétinite la plus fréquente. Chez l’enfant, la toxocarose oculaire peut entraîner la
perte définitive de l’œil atteint.
© 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Introduction semi-perméables telles que la barrière entre le sang et l’humeur


aqueuse constituée par l’épithélium clair du corps ciliaire et
l’endothélium des vaisseaux iriens.
Les infections oculaires sont diverses tant par leur localisation
(conjonctive, cornée, vitré, choriorétine) que par la diversité des
germes en cause (bactéries, virus, champignons ou parasites). Conjonctivites
L’infection de l’œil peut être isolée ou s’intégrer dans le cadre d’une Ce sont les infections oculaires les plus fréquentes et les plus
infection systémique. banales. Dans les pays industrialisés, elles sont peu graves, alors
Schématiquement, on distingue les conjonctivites, les kératites, les qu’elles peuvent être dramatiques dans les pays en voie de
choriorétinites et les endophtalmies. Parmi les infections graves, les développement où elles peuvent se compliquer d’infection
kératites ont un diagnostic et un traitement relativement faciles car cornéenne : c’est ainsi qu’en particulier le trachome est une cause
elles sont superficielles, alors que les endophtalmies et les majeure de cécité dans ces pays [22, 28, 81]. Les causes sont bactériennes
choriorétinites ont un diagnostic et un traitement plus difficiles car (Cocci à Gram positif, Chlamydiae), virales (Adénovirus, Entérovirus),
elles sont profondes. fongiques et parasitaires.
La structure de l’œil confère certaines spécificités aux infections Le tableau clinique est celui d’un œil rouge larmoyant avec des
oculaires. sécrétions ; le patient a l’impression d’avoir du sable sous les
paupières. Les conjonctivites n’entraînent pas, en elles-mêmes, de
Étant relativement circonscrites, elles n’entraînent habituellement baisse d’acuité visuelle, sauf si elles se compliquent de kératite.
pas de fièvre, ni de syndrome inflammatoire général. L’examen montre une hyperhémie conjonctivale, des papilles
Les prélèvements microbiologiques et anatomopathologiques, (bactériennes) et/ou des follicules (virales, Chlamydiae), parfois des
lorsqu’ils sont possibles, sont de très petit volume et nécessitent, de fausses membranes (streptocoques, diphtérie, Adénovirus), ou un
ce fait, des techniques parfois particulières. ganglion pétragien. La conjonctivite est le plus souvent isolée,
Le traitement doit être rapidement efficace avant que n’apparaissent qu’elle soit virale ou bactérienne. Mais elle peut parfois s’intégrer
des délabrements compromettant définitivement la vision. C’est dans le cadre d’une infection régionale (sinusite) ou générale.
pour cette raison qu’il est souvent nécessaire d’utiliser des Le diagnostic étiologique des conjonctivites infectieuses repose en
corticoïdes à la phase aiguë de l’infection afin de limiter les effets pratique sur l’examen clinique. Les cultures ne sont pratiquées qu’en
délétères de l’inflammation réactionnelle à l’infection. Les cas de doute diagnostique ou de difficulté thérapeutique, pour
antibiotiques ne pénètrent pas à l’intérieur de l’œil car ils se heurtent mettre en évidence des germes inhabituels ou résistants, sauf chez
à des barrières formées par des cellules à jonctions serrées. Certaines le nouveau-né où le prélèvement microbiologique est systématique.
de ces barrières sont imperméables : barrière entre le film lacrymal Le prélèvement est obtenu par grattage conjonctival avec une
et l’humeur aqueuse constituée de l’épithélium cornéen, barrières culturette. Parfois, des milieux spéciaux sont nécessaires pour
hématorétiniennes constituées par l’épithélium pigmenté rétinien et cultiver les virus ou pour faire une amplification génique. Les frottis,
par l’endothélium des vaisseaux rétiniens. D’autres barrières sont rarement faits, montreraient des polynucléaires en cas de cause
bactérienne, des lymphocytes et monocytes en cas de conjonctivite
virale et des polynucléaires et lymphocytes en cas de chlamydiose.
Isabelle Cochereau : Praticien hospitalier, service d’ophtalmologie du Pr Hoang-Xuan, hôpital Bichat-
Les conjonctivites virales les plus fréquentes sont celles à Adénovirus
Claude-Bernard, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France. ou Entérovirus survenant par épidémies, car très contagieuses

Toute référence à cet article doit porter la mention : Cochereau I. Infections oculaires. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Maladies infectieuses, 8-003-L-10, 2000, 5 p.
8-003-L-10 Infections oculaires Maladies infectieuses

. L’examen montre des sécrétions claires, des follicules, un


[23, 72, 86] KÉRATITES VIRALES
ganglion pétragien. La transmission se fait surtout par les mains. L’herpès oculaire, essentiellement dû à l’HSV1, est une des causes les
Elles sont, dans la plupart des cas, spontanément résolutives. plus fréquentes de kératite. Après la primo-infection, l’herpès reste
Parfois, elles se compliquent d’infiltrats sous-épithéliaux appelés latent dans le ganglion trigéminé où il peut être réactivé par divers
néphélions pouvant gêner la vision et dont la disparition s’étale sur facteurs (fatigue, exposition au soleil, fièvre, période cataméniale,
des mois ou des années. stress, corticoïdes locaux et immunodépression). Les kératites
Les conjonctivites bactériennes sont évoquées devant des sécrétions herpétiques évoluent ainsi par poussées itératives dont le nombre et
oculaires purulentes. Les conjonctivites bactériennes aiguës peuvent le rythme sont variables et imprévisibles. Il existe plusieurs formes
être dues à des staphylocoques blancs, staphylocoques dorés, de kératites herpétiques. Les prélèvements cornéens à la recherche
streptocoques, Moraxella chez l’adulte, Haemophilus influenzae chez d’HSV1 ne sont faits qu’en cas de première poussée atypique. Les
l’enfant [32], gonocoques et Chlamydiae chez le nouveau-né [51, 67, 73]. kératites dendritiques ou géographiques, superficielles, sont
Dans les pays industrialisés, la fréquence des conjonctivites directement liées à la réplication virale et répondent aux traitements
chroniques à Chlamydiae, transmise par voie sexuelle ou par l’eau antiviraux seuls. Les kératites disciformes, profondes, dans la
des piscines, est probablement sous-estimée [14, 68]. En revanche, dans pathogénie desquelles les phénomènes immunologiques
les pays en voie de développement, la conjonctivite à Chlamydiae est prédominent, nécessitent un traitement corticoïde local [10, 85] sous
responsable du trachome qui est une des principales causes de cécité couvert d’antiviraux.
dans le monde. C’est une maladie liée à de mauvaises conditions
socioéconomiques et à un défaut d’hygiène. À long terme, les L’avènement des molécules antivirales administrées par voie locale
patients perdent la vue par kératite liée aux malpositions et/ou générale a nettement amélioré le pronostic de l’herpès cornéen
palpébroconjonctivales et aux surinfections bactériennes [24]. qui constituait auparavant une des principales indications de
l’ensemble des greffes de cornée. En collyre, la trifluorothymidine
Les conjonctivites mycotiques (blastomycose, Sporothrix schenckii) et est réservée aux kératites superficielles, l’aciclovir et le
les conjonctivites parasitaires (leishmaniose, microsporidiose) sont ganciclovir [21, 39] sont efficaces sur les kératites superficielles et
rares. profondes. Par voie orale, l’aciclovir est également efficace [6, 10].
Le traitement de la conjonctivite repose sur l’instillation de collyre Chaque rechute doit être traitée 7 à 10 jours. En cas de rechutes
deux à quatre fois par jour pendant 7 à 10 jours. Les concentrations fréquentes mettant en jeu le pronostic visuel, un traitement
instillées sont élevées, bien au-delà des concentrations minimales d’entretien par voie orale diminue le nombre de rechutes [8].
inhibitrices (CMI) des germes. Aucun collyre n’est efficace contre les
Des kératites survenant au cours ou au décours du zona
conjonctivites virales, sauf aciclovir et trifluridine sur les HSV (virus
ophtalmique ressemblent à celles de l’herpès. Des kératites virales
Herpès simplex). Les conjonctivites bactériennes sont traitées par des
peuvent également survenir au cours de la varicelle ou être dues à
antiseptiques ou par des collyres antibiotiques du commerce, sauf
l’EBV (Epstein-Barr virus). Dans les pays en voie de développement,
chez le nourrisson où le traitement est systémique par ceftriaxone
les kératites interstitielles de la rougeole sont graves en raison des
ou ceftazidime intramusculaire pour les conjonctivites
facteurs associés aggravant le pronostic (malnutrition, avitaminose
gonococciques [ 4 8 , 5 1 ] , ou par érythromycine orale pour les
A et surinfections bactériennes).
conjonctivites à Chlamydiae [73]. Les conjonctivites à Chlamydiae sont
traitées par tétracyclines orales ou locales, ou tétracycline-rifamicine
locales [25], ou traitement minute par azithromycine orale [27]. Le KÉRATITES BACTÉRIENNES
problème est celui de la réinfection.
Les kératites bactériennes peuvent compliquer une conjonctivite, une
cornée traumatisée ou lésée (lentilles de contact, corps étranger,
anomalies palpébrales, malpositions ciliaires ou œil sec). Elle est
Kératites favorisée par le diabète, l’immunodépression et les corticoïdes
locaux. Le plus souvent, elles débutent sur un defect épithélial
Les kératites entraînent un œil rouge, larmoyant, douloureux, avec même minime ; rarement, il s’agit de germes qui envahissent la
photophobie et blépharospasme, et une baisse de vision. L’examen cornée intacte grâce à leurs enzymes et toxines (Neisseria, Listeria,
clinique montre un œdème de cornée responsable d’une diminution Shigella, Corynebacterium diphteriæ). Le processus infectieux évolue
de la transparence cornéenne, un ulcère objectivé par la fluorescéine, rapidement vers l’abcès de cornée. Il est impératif de faire un
une infiltration du stroma cornéen, des plis de Descemet et, prélèvement microbiologique par grattage cornéen avec
éventuellement, une inflammation de chambre antérieure. ensemencement immédiat des milieux pour identifier le germe et
L’étiologie est différente selon les régions et les facteurs de risque adapter l’antibiothérapie.
des populations. En communauté urbaine de pays industrialisés, les Les germes le plus fréquemment trouvés sont les staphylocoques,
abcès de cornée à bacilles à Gram négatif sous lentilles de contact streptocoques et Moraxella [83]. Chez les porteurs de lentilles de
sont fréquents, alors qu’en milieu rural des pays en voie de contact ou chez les patients institutionnels, Pseudomonas et
développement, ce sont les abcès mycotiques après traumatisme par entérobactéries (Klebsiella, Enterobacter, Proteus, Serratia) sont
un végétal. Il faut distinguer les kératites diffuses des abcès de responsables d’abcès de cornée foudroyants [52, 53].
cornée localisés. Une antibiothérapie par collyres est nécessaire en urgence, les
Le diagnostic microbiologique est fait quasi systématiquement par fluoroquinolones étant un bon choix de première intention [7, 41]. Le
grattage de la cornée et mise en culture directe sur des milieux rythme initial est soutenu, toutes les heures pendant le premier jour,
appropriés en fonction de l’étiologie recherchée, orientée par puis dégressif en fonction de l’évolution [13, 34]. En cas d’abcès étendu,
l’histoire et l’aspect clinique. Rarement, il sera nécessaire de faire profond et/ou ne réagissant pas favorablement au traitement, il faut
une biopsie de cornée si le grattage est négatif. utiliser des collyres renforcés ayant des concentrations supérieures à
Dans les formes graves, le risque immédiat de la kératite est la ceux du commerce et préparés par les pharmaciens à partir des
perforation du globe oculaire et le risque à long terme est celui d’une présentations d’antibiotiques utilisés par voie intraveineuse [59, 79].
perte de vision définitive en cas de taie cornéenne. Toute kératite L’adjonction d’un traitement par voie systémique est parfois
peut nécessiter une greffe de cornée, le plus souvent à froid, mais indiquée en cas d’abcès grave avec pus dans la chambre antérieure
parfois à chaud en cas de perforation. (hypopion). Des antalgiques oraux et des mydriatiques locaux sont
Les kératites doivent être traitées en urgence, parfois en systématiquement associés.
hospitalisation. L’antibiothérapie locale à fortes doses est Des kératites peuvent survenir au cours de la tuberculose, de la
primordiale. syphilis et de la maladie de Lyme.

2
Maladies infectieuses Infections oculaires 8-003-L-10

KÉRATITES FONGIQUES chirurgie de la cataracte est de 0,3 % [31]. Elle est moins élevée pour
Les kératites fongiques sont fréquentes dans les pays chauds, en la chirurgie du segment postérieur et plus élevée pour les greffes de
milieu rural, après traumatisme par un végétal [78] . Ce sont cornée [1].
essentiellement des champignons filamenteux (Fusarium, Les germes le plus souvent en cause sont les coques à Gram positif
Aspergillus). Dans les climats tempérés, les kératites fongiques (staphylocoques blancs [45 %], staphylocoques dorés [20 %],
surviennent sur les yeux pathologiques (corticothérapie locale, streptocoques [15 %]) et les bacilles à Gram négatif (15 %) [37, 46]. Dans
kératoplastie, œil sec, lentille de contact, ulcération), et ce sont la majorité des cas, ce sont les germes de la flore conjonctivale
principalement des candidoses. Les kératites fongiques donnent un saprophyte qui entrent dans l’œil au cours de l’intervention [9, 76]. La
infiltrat cornéen d’évolution lente. Le diagnostic est fait par les forte proportion de staphylocoques blancs est liée à l’utilisation
prélèvements cornéens étalés sur milieu de Sabouraud. Le d’implants cristalliniens en polymères sur lesquels les germes de la
traitement comporte de l’amphotéricine B à 0,5 %, préparée à partir flore conjonctivale s’accrochent lors de l’introduction de l’implant
de la solution pour voie intraveineuse en cas de candidose. La dans l’œil.
natamycine peut être obtenue en France en autorisation temporaire Le diagnostic est facilement évoqué devant un œil rouge,
d’utilisation (ATU) nominative pour les mycoses filamenteuses. La douloureux, avec baisse d’acuité visuelle, œdème conjonc-
forme intraveineuse de fluconazole pourrait être utile par voie tivopalpébral, inflammation de chambre antérieure et de vitré. Le
topique [62] . Le kétoconazole et l’itraconazole oraux, ainsi que diagnostic de certitude microbiologique est obtenu en ponctionnant
l’amphotéricine B intraveineuse, peuvent être utilisés dans les le vitré et l’humeur aqueuse [12, 36].
formes très sévères. Les endophtalmies endogènes ont une évolution souvent moins
foudroyante que les endophtalmies exogènes car l’inoculum par voie
sanguine est plus faible.
KÉRATITE AMIBIENNE
Après chirurgie de la cataracte, il existe des endophtalmies
La kératite amibienne survient surtout chez les porteurs de lentilles chroniques qui se présentent comme des uvéites. Elles sont liées à la
de contact, en particulier s’ils utilisent de l’eau du robinet mal présence, sur le sac capsulaire qui maintient l’implant, de germes
stérilisée pour nettoyer leurs lentilles [65]. Le tableau clinique est celui peu virulents tels que Propionibacterium acnes, Staphylococcus
d’une infiltration arrondie torpide de la cornée, souvent confondue epidermidis ou Corynebacterium.
au début avec une kératite herpétique disciforme. Le diagnostic est
Le traitement antibiotique doit être débuté en urgence par voie
souvent tardif devant une kératite très douloureuse qui s’aggrave
intravitréenne [5], associée à la voie systémique. Les antibiotiques
malgré un traitement antibactérien et antiviral bien conduit. Le
injectés dans le vitré (vancomycine, certaines céphalosporines,
diagnostic repose sur le grattage cornéen ensemencé sur des milieux
aminosides) ont des demi-vies d’élimination longue et traversent
particuliers enrichis en Escherichia coli. Le traitement associe pendant
mal les barrières oculaires. Au contraire, les antibiotiques utilisés
plusieurs mois des collyres d’hexamidine disponible dans le
par voie systémique (imipénème, fluoroquinolones ou fosfomycine)
commerce (Désomédinet) [15] et de chlorhexidine à 0,02 % préparé
sont des petites molécules traversant bien les barrières oculaires. Un
par le pharmacien [44, 65]. On peut aussi utiliser du poly-
traitement intensif associant des injections intravitréennes répétées
hexaméthylène biguanide [50] et de la propamidine [38], voire de
et une antibiothérapie intraveineuse est poursuivi pendant
l’itraconazole oral [42].
1 semaine en moyenne, éventuellement relayé par un traitement de
consolidation intravitréen et oral pendant 3 semaines. À long terme,
AUTRES KÉRATITES une chirurgie vitréorétinienne à visée optique est parfois nécessaire.
La kératite de l’onchocercose (cécité des rivières) est responsable Pour les endophtalmies chroniques, en cas de résistance au
d’un grand nombre de cécités en Afrique de l’Ouest. Les traitement antibiotique intravitréen et systémique bien conduit, il
microfilaires envahissent la cornée, déclenchant une réaction faut enlever le sac capsulaire et l’implant.
inflammatoire importante. Le traitement repose actuellement sur Le traitement préventif de l’endophtalmie est primordial. Il repose
l’ivermectine [3, 54]. La leishmaniose peut entraîner des abcès de essentiellement sur la désinfection des culs-de-sac conjonctivaux par
cornée allant jusqu’à la perforation. Des kératites à microsporidies la polyvidone iodée.
ont été décrites chez les patients atteints du sida (syndrome de
l’immunodéficience acquise). ENDOPHTALMIES FONGIQUES
Des transmissions de la maladie de Creutzfeldt-Jakob [29] et de la Les endophtalmies fongiques surviennent sur des terrains
rage sont survenues après kératoplastie transfixiante. Ces maladies, particuliers : toxicomanes par voie intraveineuse, chirurgies
ainsi que les sérologies des hépatites et du virus de digestives, malades de réanimation [30]. Elles sont favorisées par
l’immunodéficience humaine (VIH), sont systématiquement l’immunodépression, le diabète, la corticothérapie et l’utilisation
recherchées chez les donneurs [61]. large des antibiotiques. La contamination est surtout endogène au
cours de septicémies fongiques. La contamination exogène est plus
rare (traumatisme perforant par végétal, solutés intraoculaires). Par
Endophtalmies voie endogène, on note d’abord un foyer jaune profond choroïdien,
qui traverse ensuite la rétine, puis monte dans le vitré qu’il envahit
L’endophtalmie est l’infection de la chambre antérieure et du vitré totalement, entraînant un décollement de rétine. Candida et
qui peut s’étendre ensuite jusqu’à la rétine, la choroïde, la sclère et Aspergillus sont les deux germes le plus fréquemment trouvés. Le
la cornée, réalisant alors une panophtalmie. traitement repose sur des injections intravitréennes d’amphotéricine
B, associées à l’amphotéricine B intraveineuse ou aux imidazoles
oraux, combinées à une éventuelle vitrectomie [11, 30].
ENDOPHTALMIES BACTÉRIENNES
La contamination est le plus souvent exogène : chirurgie Choriorétinites
endoculaire, traumatisme perforant, surtout s’il y a un corps
étranger, abcès de cornée ; rarement, la contamination est endogène Deux cadres doivent être individualisés selon que le patient est
au cours d’une septicémie. Le compartiment clé est le vitré où les immunodéprimé ou non.
germes prolifèrent mais où les antibiotiques pénètrent peu, que ce
soit par voie systémique ou par voie topique, en raison des barrières CHEZ L’IMMUNODÉPRIMÉ
oculaires. En pratique, l’endophtalmie demeure la complication la Les choriorétinites surviennent surtout au cours de l’infection par le
plus redoutée du chirurgien ophtalmologiste en raison de son VIH où la rétinite à CMV est de loin la plus fréquente (30-40 % des
pronostic visuel médiocre [16, 17, 45, 80]. La fréquence de survenue après patients avant l’ère des antiprotéases), suivie par la toxoplasmose,

3
8-003-L-10 Infections oculaires Maladies infectieuses

la rétinite à VZV, la choroïdopathie tuberculeuse, la pneumocystose, La cryptococcose donne essentiellement des œdèmes papillaires liés
la cryptococcose. Ces infections opportunistes nécessitent un à une atteinte des nerfs optiques et à une vascularite [43]. Les foyers
traitement d’attaque pour cicatriser, puis un traitement d’entretien rétiniens de cryptococcose sont exceptionnels. La candidose oculaire
pour éviter ou retarder la rechute. La restauration de l’immunité diagnostiquée à son début a l’aspect d’une choriorétinite profonde
favorise la cicatrisation et diminue le risque de rechute. En cas de accompagnée de vascularites. La rétinite syphilitique s’accompagne
doute diagnostique, l’angiographie du fond d’œil peut aider à souvent d’une inflammation antérieure et vitréenne importante [74].
déterminer l’étiologie. Les ponctions de chambre antérieure ou de Les choriorétinites infectieuses chez les patients immunodéprimés
vitré permettent de détecter certains micro-organismes par non-séropositifs pour le VIH sont surtout dues au CMV et à la
amplification génique [2, 60] ou par culture ; les sérologies dans ces toxoplasmose. Les greffés de moelle font paradoxalement peu de
liquides ont peu d’intérêt, en raison des perturbations sériques au rétinite à CMV. La rétinite à CMV s’accompagne souvent d’une
cours de l’infection par le VIH. réaction inflammatoire de degré variable selon l’importance de
La rétinite à CMV est la principale cause de cécité chez les patients l’immunodépression. La toxoplasmose a un aspect trompeur
séropositifs pour le VIH. Elle est l’atteinte la plus fréquente (80 %) lentement évolutif, peu inflammatoire, que l’on peut confondre avec
de l’infection à CMV, survenant surtout chez les patients ayant une rétinite à CMV.
moins de 50 lymphocytes CD4+/µL [64]. C’est une nécrose rétinienne
qui s’étend de façon centrifuge à partir des foyers initiaux et qui en
CHEZ L’IMMUNOCOMPÉTENT
l’absence de traitement aboutit à une destruction complète de la
rétine en quelques semaines. Quasiment asymptomatique pendant La principale rétinite est la toxoplasmose qui survient lors de
longtemps, il faut la dépister par des fonds d’œil systématiques. Le l’adolescence [69]. Elle peut être récidivante et amputer la vision
traitement d’attaque logique est systémique par ganciclovir, lorsqu’elle est maculaire. Son diagnostic repose sur l’aspect clinique
foscarnet [4] ou cidofovir intraveineux [49]. Cependant, un traitement et angiographique, éventuellement aidé par la ponction de chambre
local par injections intravitréennes [87] ou pose d’un implant antérieure dans laquelle on réalise une amplification génique [60] et
intraoculaire chargé en ganciclovir est également efficace sur la la détection d’immunoglobulines spécifiques. Le traitement
rétinite, même s’il ne traite pas la composante systémique de comportant pyriméthamine-sulfadiazine (ou pyriméthamine-
l’infection à CMV [56]. En l’absence de restauration immunitaire [82], clindamycine) est instauré en cas de menace sur l’acuité visuelle ou
le traitement d’entretien fait appel aux mêmes produits administrés sur le champ visuel, éventuellement associé à une courte
à demi-doses ainsi qu’au ganciclovir oral [57, 77]. Le décollement de la corticothérapie pour limiter la réaction inflammatoire [ 7 1 ] .
rétine saine à partir de la rétine nécrosée aggrave le pronostic visuel L’atovaquone et l’azithromycine sont en cours d’évaluation [63, 70].
de la rétinite à CMV [26]. La nécrose rétinienne aiguë (NRA) est l’équivalent de la rétinite à
Les autres rétinites sont moins fréquentes. La rétinite toxoplasmique VZV de l’immunodéprimé [ 1 9 , 3 5 ] , avec un tableau plus
survient chez des patients ayant 100 CD4 µL, souvent de façon inflammatoire : hyalite, hypertension oculaire, inflammation de
concomitante avec une localisation cérébrale. Les foyers sont plus chambre antérieure [33]. Elle est due à l’Herpès simplex ou au VZV.
flous et moins hémorragiques que ceux d’une rétinite à CMV et Son pronostic visuel est médiocre.
s’accompagnent souvent d’une inflammation intraoculaire [20, 40]. Le La toxocarose touche les enfants d’environ 7 ans. Le tableau est celui
traitement est le même que celui de la toxoplasmose cérébrale d’un granulome rétinien blanc central ou périphérique qui envahit
(pyriméthamine-adiazine ou pyriméthamine-clindamycine), avec un le vitré et décolle la rétine [84]. Le parasite est en impasse et va
délai de cicatrisation de l’ordre de 7 semaines et un taux de rechute involuer. Le traitement systémique de la toxocarose est inefficace sur
faible si la prophylaxie secondaire est bien prise par le patient ou si l’œil. La vitrectomie ne permet pas toujours l’ablation complète du
son immunité est restaurée. parasite ; elle peut parfois déclencher des réactions inflammatoires
La rétinite à VZV est dramatique car c’est une nécrose rétinienne majeures délétères. Le diagnostic différentiel de la toxocarose,
très rapidement évolutive, souvent bilatérale d’emblée, avec une évoqué devant une pupille blanche chez l’enfant, est le
atteinte intrinsèque du nerf optique, et qui se complique de rétinoblastome.
décollement de rétine [47]. Son traitement repose sur l’association de Onchocercose et cysticercose peuvent se compliquer d’atteintes
foscarnet intraveineux et de ganciclovir intravitréen [55]. choriorétiniennes.
La rétinite tuberculeuse survient au cours des tuberculoses Certains parasites induisent le syndrome de neurorétinite diffuse
disséminées et réagit bien au traitement par voie systémique. Elle unilatérale qui associe papillite, hyalite et évolue vers l’atrophie
peut avoir l’aspect de quelques tuberculomes charnus ou de choriorétinienne.
miliaire [ 1 8 ] . Elle est parfois difficile à différencier de la La rougeole peut se compliquer d’une rétinite maculaire altérant
pneumocystose qui donne aussi une choriorétinite profonde du pôle gravement la fonction visuelle. Elle survient quelques jours après le
postérieur, comprenant plusieurs foyers arrondis, sans inflammation rash, ou des années après dans le cadre de la panencéphalite
majeure de l’humeur aqueuse ou du vitré [66, 75]. sclérosante subaiguë [58].

Références
[1] Aaberg TM Jr, Flynn HW Jr, Schiffman J, Newton J. Nosoco- [3] Abiose A. Onchocercal eye disease and the impact of Mec- [5] Anonymous. Results of the Endophthalmitis Vitrectomy
mial acute-onset postoperative endophthalmitis survey. A tizan treatment. Ann Trop Med Parasitol 1998 ; 92 (suppl Study. A randomized trial of immediate vitrectomy and of
10-year review of incidence and outcomes. Ophthalmology 1) : S11-S22 intravenous antibiotics for the treatment of postoperative
1998 ; 105 : 1004-1010 bacterial endophthalmitis. Endophthalmitis vitrectomy
[4] Anonymous. Mortality in patients with the acquired immu- study group. Arch Ophthalmol 1995 ; 113 : 1479-1496
[2] Abe T, Tsuchida K, Tamai M. A comparative study of the nodeficiency syndrome treated with either foscarnet or
polymerase chain reaction and local antibody production ganciclovir for cytomegalovirus retinitis. Studies of Ocular [6] Anonymous. A controlled trial of oral aciclovir for iridocy-
in acute retinal necrosis syndrome and cytomegalovirus Complications of AIDS Research Group, in collaboration clitis caused by herpes simplex virus. The herpetic eye
retinitis. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 1996 ; 234 : with the AIDS Clinical Trials Group. N Engl J Med 1992 ; 326 : disease study group. Arch Ophthalmol 1996 ; 114 :
419-424 213-220 1065-1072

4
Maladies infectieuses Infections oculaires 8-003-L-10

[7] Anonymous. Ofloxacin monotherapy for the primary treat- [36] Han DP, Wisniewski SR, Kelsey SF, Doft BH, Barza M, Pavan [60] Montoya JG, Parmley S, Liesenfeld O, Jaffe GJ, Remington
ment of microbial keratitis: a double-masked, randomized, PR. Microbiologic yields and complication rates of vitreous JS. Use of the polymerase chain reaction for diagnosis of
controlled trial with conventional dual therapy. The ofloxa- needle aspiration versus mechanized vitreous biopsy in the ocular toxoplasmosis. Ophthalmology 1999 ; 106 :
cin study group. Ophthalmology 1997 ; 104 : 1902-1909 endophthalmitis vitrectomy study. Retina 1999 ; 19 : 1554-1563
[8] Anonymous. Aciclovir for the prevention of recurrent 98-102
[61] O’Day DM. Diseases potentially transmitted through
herpes simplex virus eye disease. Herpetic eye disease study [37] Han DP, Wisniewski SR, Wilson LA, Barza M, Vine AK, Doft corneal transplantation. Ophthalmology 1989 ; 96 :
group. N Engl J Med 1998 ; 339 : 300-306 BH et al. Spectrum and susceptibilities of microbiologic iso- 1133-1137
[9] Bannerman TL, Rhoden DL, McAllister SK, Miller JM, Wilson lates in the endophthalmitis vitrectomy study. Am J
Ophthalmol 1996 ; 122 : 1-17 [62] Panda A, Sharma N, Angra SK. Topical fluconazole therapy
LA. The source of coagulase-negative staphylococci in the of Candida keratitis. Cornea 1996 ; 15 : 373-375
endophthalmitis vitrectomy study. A comparison of eyelid [38] Hargrave SL. Results of a trial of combined propamidine
and intraocular isolates using pulsed-field gel electrophore- isethionate and neomycin therapy for Acanthamoeba [63] Pearson PA, Piracha AR, Sen HA, Jaffe GJ. Atovaquone for
sis. Arch Ophthtalmol 1997 ; 115 : 357-361 keratitis. Brolene study group. Ophthalmology 1999 ; 106 : the treatment of toxoplasma retinochoroiditis in immuno-
[10] Barron BA, Gee L, Hauck WW, Kurinij N, Dawson CR, Jones 952-957 competent patients. Ophthalmology 1999 ; 106 : 148-153
DB et al. Herpetic eye disease study. A controlled trial of oral [39] Hoh HB, Hurley C, Claoue C, Viswalingham M, Easty DL, [64] Pertel P, Hirschtick R, Phair J, Chmiel J, Poggensee L,
acyclovir for herpes simplex stromal keratitis. Ophthalmo- Goldschmidt P et al. Randomised trial of ganciclovir and Murphy R. Risk of developing cytomegalovirus retinitis in
logy 1994 ; 101 : 1871-1882 aciclovir in the treatment of herpes simplex dendritic kerati- persons infected with the human immunodeficiency virus.
[11] Barza M. Treatment options for candidal endophthalmitis. tis: a multicentre study. Br J Ophthalmol 1996 ; 80 : 140-3 J Acquir Immune Defic Syndr 1992 ; 5 : 1069-1074
Clin Infect Dis 1998 ; 27 : 1134-1136 [40] Holland GN, Engstrom RE Jr, Glasgow BJ, Berger BB, Daniels [65] Radford CF, Lehmann OJ, Dart JK. Acanthamoeba keratitis:
[12] Barza M, Pavan PR, Doft BH, Wisniewski SR, Wilson LA, Han SA, Sidikaro Y et al. Ocular toxoplasmosis in patients with multicentre survey in England1992-1996. National Acan-
DP et al. Evaluation of microbiological diagnostic tech- the acquired immunodeficiency syndrome. Am J Ophthal- thamoeba Keratitis Study Group. Br J Ophthalmol 1998 ;
niques in postoperative endophthalmitis in the endoph- mol 1988 ; 106 : 653-667 82 : 1387-1392
thalmitis vitrectomy study. Arch Ophthalmol 1997 ; 115 : [41] Hyndiuk RA, Eiferman RA, Caldwell DR, Rosenwasser GO, [66] Rao NA, Zimmerman PL, Boyer D, Biswas J, Causey D, Beniz
1142-1150 Santos CI, Katz HR et al. Comparison of ciprofloxacin oph- J et al. A clinical, histopathologic, and electron microscopic
[13] Benson WH, Lanier JD. Current diagnosis and treatment of thalmic solution 0.3 % to fortified tobramycin-cefazolin in study of Pneumocystis carinii choroiditis. Am J Ophthalmol
corneal ulcers. Curr Opin Ophthalmol 1998 ; 9 : 45-49 treating bacterial corneal ulcers. Ciprofloxacin bacterial 1989 ; 107 : 218-228
keratitis study group. Ophthalmology 1996 ; 103 :
[14] Bialasiewicz AA, Jahn GJ. Epidemiology of chlamydial eye 1854-1862 [67] Ratelle S, Keno D, Hardwood M, Etkind PH. Neonatal
diseases in a mixed rural/urban population of West chlamydial infections in Massachusetts,1992-1993. Am J
Germany. Ophthalmology 1986 ; 93 : 757-762 [42] Ishibashi Y, Matsumoto Y, Kabata T, Watanabe R,
Prev Med 1997 ; 13 : 221-224
Hommura S, Yasuraoka K et al. Oral itraconazole and
[15] Brasseur G, Favennec L, Perrine D, Chenu JP, Brasseur P. topical miconazole with debridement for Acanthamoeba [68] Ronnerstam R, Personn K, Hansson H, Renmarker K. Preva-
Successful treatment of Acanthamoeba keratitis by hexami- keratitis. Am J Ophthalmol 1990 ; 109 : 121-126 lence of chlamydial eye infection in patients attending an
dine. Cornea 1994 ; 13 : 459-462 eye clinic, a VD clinic, and in healthy persons. Br J Ophthal-
[43] Kestelyn P, Taelman H, Bogaerts J, Kagame A, AbdelAziz M,
[16] Bron A. Endophtalmie. 1 : diagnostic. J Fr Ophtalmol 1996 ; mol 1985 ; 69 : 685-688
Batungwanayo J et al. Ophthalmic manifestations of infec-
19 : 225-240
tions with Cryptococcus neoformans in patients with the [69] Rothova A. Ocular involvement in toxoplasmosis. Br J
[17] Bron A. Endophtalmie. 2 : traitement. J Fr Ophtalmol 1996 ; acquired immunodeficiency syndrome. Am J Ophthalmol Ophthalmol 1993 ; 77 : 371-377
19 : 294-314 1993 ; 116 : 721-727
[18] Campinchi-Tardy F, Darwiche A, Bergmann JF, Chedin P, [70] Rothova A, Bosch-Driessen LE, VanLoon NH, Treffers WF.
[44] Kosrirukvongs P, Wanachiwanawin D, Visvesvara GS. Azithromycin for ocular toxoplasmosis. Br J Ophthalmol
Nemeth J, Campinchi R et al. Tubercules de Bouchut et Treatment of Acanthamoeba keratitis with chlorhexidine.
SIDA. À propos de 3 cas. J Fr Ophtalmol 1994 ; 17 : 548-554 1998 ; 82 : 1306-1308
Ophthalmology 1999 ; 106 : 798-802
[19] Carrillo-Pacheco S, Vazquez-Marouschek MC, Lopez- [45] Kresloff MS, Castellarin AA, Zarbin MA. Endophthalmitis. [71] Rothova A, Meenken C, Buitenhuis HJ, Brinkman CJ,
Checa F, Sanchez-Roman J. Progressive outer retinal necro- Surv Ophthalmol 1998 ; 43 : 193-224 Baarsma GS, Boen-Tan TN et al. Therapy for ocular toxo-
sis in an immunocompetent patient. Acta Ophthalmol plasmosis. Am J Ophthalmol 1993 ; 115 : 517-523
[46] Kunimoto DY, Das T, Sharma S, Jalali S, Majji AB, Gopina-
Scand 1996 ; 74 : 506-508 [72] Saitoh-Inagawa W, Aoki K, Uchio E, Itoh N, Ohno S. Ten
than U et al. Microbiologic spectrum and susceptibility of
[20] Cochereau-Massin I, Le Hoang P, Lautier-Frau M, Zerdoun isolates: part II. Posttraumatic endophthalmitis. Endoph- years surveillance of viral conjunctivitis in Sapporo, Japan.
E, Zazoun L, Robinet M et al. Ocular toxoplasmosis in thalmitis research group. Am J Ophthtalmol 1999 ; 128 : Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol 1999 ; 237 : 35-38
human immunodeficiency virus-infected patients. Am J 242-244 [73] Sandtrom I. Treatment of neonatal conjunctivitis. Arch
Ophthalmol 1992 ; 114 : 130-135 Ophthalmol 1987 ; 105 : 925-928
[47] Kuppermann BD, Quiceno JI, Wiley C, Hesselink J, Hamil-
[21] Colin J, Hoh HB, Easty DL, Herbort CP, Resnikoff S, Rigal D et ton R, Keefe K et al. Clinical and histopathologic study of
al. Ganciclovir ophthalmic gel (Virgan: 0,15 %) in the treat- [74] Shalaby IA, Dunn JP, Semba RD, Jabs DA. Syphilitic uveitis
varicella zoster virus retinitis in patients with the acquired in human immunodeficiency virus-infected patients. Arch
ment of herpes simplex keratitis. Cornea 1997 ; 16 : immunodeficiency syndrome. Am J Ophthalmol 1994 ;
393-399 Ophthalmol 1997 ; 115 : 469-473
118 : 589-600
[22] Courtright P. Research priorities for eliminating trachoma [48] Laga M, Naamara W, Brunham RC, Dvcosta LJ, Nsanze H, [75] Shami MJ, Freeman W, Friedberg D, Siderides E, Listhaus A,
as a public health problem. Ophthalmic Epidemiol 1997 ; 4 : Piot P et al. Single-dose therapy of gonococcal ophthalmia Ai E. A multicenter study of Pneumocystis choroidopathy.
117-118 neonatorum with ceftriaxone. N Engl J Med 1986 ; 315 : Am J Ophthalmol 1991 ; 112 : 15-22
[23] Curtis S, Wilkinson GW, Westmoreland D. An outbreak of 1382-1385 [76] Speaker MG, Milch FA, Shah MK, Eisner W, Kreiswirth BN.
epidemic keratoconjunctivitis caused by adenovirus type [49] Lalezari JP, Stagg RJ, Kuppermann BD, Holland GN, Kramer Role of external bacterial flora in the pathogenesis of acute
37. J Med Microbiol 1998 ; 47 : 91-94 F, Ives DV et al. Intravenous cidofovir for peripheral cytome- postoperative endophthalmitis. Ophthalmology 1991 ; 98 :
[24] Daniell MD, Taylor HR. Aspects of trachoma. Dev Ophthal- galovirus retinitis in patients with AIDS. A randomized, con- 639-649
mol 1997 ; 28 : 11-23 trolled trial. Ann Intern Med 1997 ; 126 : 257-263 [77] Squires KE. Oral ganciclovir for cytomegalovirus retinitis in
[25] Darougar S, Viswalingam N, El-Sheikh H, Hunter PA, Year- [50] Larkin DF, Kilvington S, Dart JK. Treatment of Acan- patients with AIDS: results of two randomized studies. AIDS
sley P. A double-blind comparison of topical therapy of thamoeba keratitis with polyhexamethylene biguanide. 1996 ; 10 (suppl 4) : S13-S18
chlamydial ocular infection (TRIC infection) with rifampi- Ophthalmology 1992 ; 99 : 185-191 [78] Srinivasan M, Gonzales CA, George C, Cevallos V, Masca-
cin or chlortetracycline. Br J Ophthalmol 1981 ; 65 : 549-552 [51] Lepage P, Kestelyn P, Bogaerts J. Treatment of gonococcal renhas JM, Asokan B et al. Epidemiology and aetiological
[26] Davis JL, Serfass MS, Lai MY, Trask DK, Azen SP. Silicone oil conjunctivitis with a single intramuscular injection of cefo- diagnosis of corneal ulceration in Madurai, south India. Br J
in repair of retinal detachments caused by necrotizing taxime. J Antimicrob Chemother 1990 ; 26 (suppl A) : 23-27 Ophthalmol 1997 ; 81 : 965-971
retinitis in HIV infection. Arch Ophthalmol 1995 ; 113 : [52] Liesegang TJ. Contact lens-related microbial keratitis: Part
1401-1409 [79] Steinert RF. Current therapy for bacterial keratitis and bac-
I: Epidemiology. Cornea 1997 ; 16 : 125-131 terial conjunctivitis. Am J Ophthalmol 1991 ; 112 (suppl 4) :
[27] Dawson CR, Schachter J, Sallam S, Sheta A, Rubinstein RA, [53] Liesegang TJ. Contact lens-related microbial keratitis: Part 10S-14S
Washton H. A comparison of oral azithromycin with topical II: Pathophysiology. Cornea 1997 ; 16 : 265-273
oxytetracycline polymyxin for the treatment of trachoma [80] Sunaric-Megevand G, Pournaras CJ. Current approach to
in children. Clin Infect Dis 1997 ; 24 : 363-368 [54] Mabey D, Whitworth JA, Eckstein M, Gilbert C, Maude G, postoperative endophthalmitis. Br J Ophthalmol 1997 ; 81 :
Downham M. The effects of multiple doses of ivermectin 1006-1015
[28] De Sole G. Elimination of trachoma. Br J Ophthalmol 1997 ; on ocular onchocerciasis. A six-year follow-up. Ophthalmo-
81 : 518 logy 1996 ; 103 : 1001-1008 [81] Thylefors B. Global trachoma control past, present and
[29] Duffy P, Wolf J, Collins G, DeVoe AG, Strecten B, Cavin D. future approaches. Rev Int Trach Pathol Ocul Trop Subtrop
[55] Margolis TP, Lowder CY, Holland GN, Spaide RF, Logan Santé Publique 1995 ; 72 : 13-80
Possible person-to-person transmission of Creutzfeldt-
AG, Weissman SS et al. Varicella-zoster virus retinitis in
Jakob disease. N Engl J Med 1974 ; 290 : 692-693 [82] Vrabec TR, Baldassano VS, Whitcup SM. Discontinuation of
patients with the acquired immunodeficiency syndrome.
[30] Essman TF, Flynn HW Jr, Smiddy WE, Brod RD, Murray TG, Am J Ophthalmol 1991 ; 112 : 119-131 maintenance therapy in patients with quiescent cytome-
Davis JL et al. Treatment outcomes in a 10-year study of galovirus retinitis and elevated CD4+ counts. Ophthalmo-
[56] Martin DF, Dunn JP, Davis JL, Duker JS, Engstrom RE Jr, logy 1998 ; 105 : 1259-1264
endogenous fungal endophthalmitis. Ophthalmic Surg
Friedberg DN et al. Use of ganciclovir implant for the treat-
Lasers 1997 ; 28 : 185-194
ment of cytomegalovirus retinitis in the era of potent anti- [83] Wang AG, Wu CC, Liu JH. Bacterial corneal ulcer: a multi-
[31] Fisch A, Salvanet A, Prazuck T, Forestier F, Gerbaud L, Cocas retroviral therapy: recommendations of the International variate study. Ophthalmologica 1998 ; 212 : 126-132
G et al. Epidemiology of infective endophthtalmitis in AIDS Society-USA panel. Am J Ophthalmol 1999 ; 127 :
France. The french collaborative study group on endoph- [84] Werner JC, Ross RD, Green WR, Watts SC. Pars plana vitrec-
329-339 tomy and subretinal surgery for ocular toxocariasis. Arch
thalmitis. Lancet 1991 ; 338 : 1373-1376
[57] Martin DF, Kuppermann BD, Wolitz RA, Palestine AG, Li H, Ophthalmol 1999 ; 117 : 532-534
[32] Fisher MC. Conjunctivitis in children. Pediatr Clin North Am Robinson CA. Oral ganciclovir for patients with cytomega-
1987 ; 34 : 1447-1456 lovirus retinitis treated with a ganciclovir implant. Roche [85] Wilhelmus KR, Gee L, Hauck WW, Kurinij N, Dawson CR,
[33] Freilich JM, Ryan EA, Lou PL, Kroll AJ, Brockhurst RJ, Harooni Ganciclovir Study Group. N Engl J Med 1999 ; 340 : Jones DB et al. Herpetic eye disease study. A controlled trial
M. Acute retinal necrosis syndrome findings, manage- 1063-1070 of topical corticosteroids for herpes simplex stromal kerati-
ment, and differential diagnosis. Int Ophthalmol Clin 1996 ; tis. Ophthalmology 1994 ; 101 : 1883-1895
[58] Massin-Cochereau I, Gaudric A, Reinert P, Coscas G. Les
36 : 141-146 signes ophtalmologiques de la panencéphalite sclérosante [86] Yang YF, Hung PT, Lin LK, Green IJ, Hung SC. Epidemic
[34] Gritz DC, Whitcher JP Jr. Topical issues in the treatment of subaiguë. À propos de 41 cas. Méd Mal Infect 1987 ; 17 : hemorrhagic keratoconjunctivitis. Am J Ophthalmol 1975 ;
bacterial keratitis. Int Ophthalmol Clin 1998 ; 38 : 107-114 428-435 80 : 192-107
[35] Guex-Crosier Y, Rochat C, Herbort CP. Necrotizing her- [59] Mc Leod SD, Labree LD, Tayyanipour R, Flowers CW, Lee [87] Young S, Morlet N, Besen G, Wiley CA, Jones P, Gold J et al.
petic retinopathies. A spectrum of herpes virus-induced PP, McDonnell PJ. The importance of initial management High-dose (2000-microgram) intravitreous ganciclovir in
diseases determined by the immune state of the host. Ocul in the treatment of severe infectious corneal ulcers. the treatment of cytomegalovirus retinitis. Ophthalmology
Immunol Inflamm 1997 ; 5 : 259-265 Ophthalmology 1995 ; 102 : 1943-1948 1998 ; 105 : 1404-1410

5
 8-003-O-10

Infections à la suite de morsures


et griffures
F. Goehringer, T. May

Une morsure ou une griffure animale est un motif fréquent de consultation médicale. Les animaux de
compagnie, traditionnels comme émergents, sont le plus souvent en cause et les accidents concernent
majoritairement les enfants. La gravité de la blessure infligée dépend de l’animal mordeur, de l’importance
des lésions mécaniques et du risque de surinfection polymicrobienne de la plaie. Ce risque est directe-
ment corrélé à la rapidité de prise en charge adaptée. Certains animaux sont aussi vecteurs d’infections
bactériennes ou virales spécifiques importantes à connaître et prévenir, en plus d’une évaluation et de la
prise en charge du risque du tétanos ou de la rage qui doit être systématique.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Morsure ; Griffure ; Infection

Plan sauvages, et de manière plus anecdotique par le bétail, les singes,


les reptiles et les chauves-souris [4] . La gravité potentielle dépend
■ Introduction 1 de l’agressivité de l’animal mordeur ainsi que de l’importance des
lésions mécaniques, du pouvoir pathogène des agents infectieux
■ Agents infectieux communs à plusieurs espèces animales 1 inoculés, du terrain préexistant de la personne mordue (diabète,
■ Tableaux cliniques spécifiques 2 éthylisme, splénectomie, autres immunodépressions, etc.) et de
Pasteurellose 2 la qualité et précocité de la prise en charge. Bien que parfois
Maladie des griffes du chat 2 considérées comme anodines, les morsures s’infectent souvent
Tularémie 3 avec la flore orale du mordeur (qu’elle soit commensale, ou
Leptospirose 3 influencée par les aliments précédemment ingérés) ou, plus
« Rat bite fever » 3 rarement, avec la flore cutanée du mordu. Des complications
Chorioméningite lymphocytaire 4 locales peuvent exceptionnellement nécessiter l’amputation
« Herpesvirus » cercopithécine 1 4 d’un membre. Des complications systémiques grevées d’une
■ Conduite à tenir en cas de morsure par mammifères 4 importante morbidité peuvent entraîner le décès, comme en
Prise en charge locale de la plaie 4 cas d’infection par Capnocytophaga canimorsus chez un patient
Prévention du tétanos 5 immunodéprimé [5] . La gestion de la prévention du tétanos doit
Prévention de la rage 5 être systématique après toute plaie pénétrante, celle de la rage
Cas particulier des morsures humaines 5 après toute morsure ou griffure par un mammifère, qu’il soit
Prévention des morsures 6 sauvage ou domestique. Enfin, les conséquences psychologiques

d’une attaque animale sont un problème souvent sous-estimé
Conclusion 6
alors que 50 % des enfants ayant subi une attaque de chien
souffrent d’un syndrome de stress post-traumatique [6] . Le cas
particulier des envenimations inhérent aux morsures de reptiles
ou aux piqûres d’hyménoptères n’est pas détaillé dans cet article.
 Introduction
Les morsures et griffures animales sont extrêmement
communes et représentent un motif fréquent de consulta-
 Agents infectieux communs
tion d’urgence. En France, on estime à environ 100 000 par an le à plusieurs espèces animales
nombre de plaies attribuées aux animaux domestiques [1] . Plus de
75 % des morsures animales sont dues à des animaux domestiques La surinfection bactérienne est la complication la plus fréquente
et plus de 70 % des blessés le sont par leur propre animal ou en cas de morsure. Elle survient en moyenne 12 à 24 heures
un animal qu’ils connaissent [2, 3] . Alors que les chiens infligent suivant la morsure (souvent plus précoce quand un chat est incri-
environ 80 % des plaies, les chats sont responsables des 10 à 20 % miné) [7] . Le risque varie selon la topographie, l’étendue et la
restants [2] . Cette répartition est confirmée dans une étude portant profondeur de la lésion et selon l’animal en cause. Plus de 18 % des
sur 2026 morsures aux États-Unis, avec 80,5 % de morsures de morsures de chien s’infectent [8] , le taux d’infection est supérieur
chiens, 13,2 % de chats, 5,2 % de rongeurs domestiques ou pour les morsures de chat, avec plus de 50 %. Cela s’explique par le

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 12 > n◦ 3 > août 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(15)43877-3
8-003-O-10  Infections à la suite de morsures et griffures

Figure 1. Bactériémie à
Capnocytophaga canimor-
sus compliquée de coagu-
lation intravasculaire dis-
séminée avec nécrose des
orteils chez un patient
éthylique chronique (A,
B). Il présentait initiale-
ment des plaies léchées
par son chien.

A B

caractère punctiforme des lésions et la profondeur d’inoculation précoce, les complications sont régionales à type d’arthrite aiguë,
plus importante [2, 9] . Concernant la topographie, ce sont les mor- de phlegmon des gaines ou ténosynovite. Les infections systé-
sures à la main qui présentent le risque le plus important de miques (bactériémie, méningite, endocardite) sont décrites sur
surinfection [10] , avec des séquelles fonctionnelles potentielle- des terrains immunodéprimés (éthylisme, diabète, corticothé-
ment importantes en cas d’ostéoarthrite ou de phlegmon des rapie, etc.) [13–15] . Les bactéries responsables de cette infection
gaines des fléchisseurs. Ces infections sont polymicrobiennes et appartiennent au genre Pasteurella, et sont présentes de manière
l’écologie en est variable selon l’animal mordeur [11] . On retrouve commensale dans la gueule de nombreux mammifères. Les infec-
en proportion variable un mélange de bactéries aérobies et anaé- tions systémiques sévères seraient plus fréquentes avec Pasteurella
robies qui doivent être prises en compte dans le spectre de multocida ssp multocida et Pasteurella multocida ssp septica (atteinte
l’antibiothérapie mise en œuvre afin d’éviter des complications neuroméningée) [11] . Des arthrites subaiguës ou des syndromes
infectieuses locales (abcès sous-cutané, phlegmon, arthrite sep- algodystrophiques peuvent s’observer. Le diagnostic est avant tout
tique, ostéomyélite, gangrène) ou plus rarement systémiques clinique, reposant sur les circonstances de survenue, l’intensité du
(sepsis, endocardite, méningite, abcès cérébral). Des infections tableau est locale et l’incubation courte, quelques heures. Il peut
particulièrement sévères à C. canimorsus ont été rapportées chez être confirmé microbiologiquement par écouvillonnage des séro-
des patients immunodéprimés (aspléniques, cirrhotiques, cortico- sités ou du pus et parfois par hémoculture. Les pasteurelles sont
thérapie), comme des septicémies, purpura fulminans, méningites généralement résistantes aux céphalosporines de première géné-
ou endocardites [5] (Fig. 1). Les agents infectieux potentielle- ration, aux macrolides et à la clindamycine [16] . Dans les formes
ment incriminés en fonction de l’animal sont résumés dans le simples, le traitement repose sur l’amoxicilline ou la doxycycline
Tableau 1. pendant 10 à 14 jours.

 Tableaux cliniques spécifiques Maladie des griffes du chat


Pasteurellose Cette maladie d’inoculation peut s’observer après griffure ou
morsure d’un chat, principal réservoir de Bartonella henselae, la
C’est le tableau clinique le plus fréquent après morsure ou principale bactérie en cause. Bartonella clarridgeiae, plus récem-
griffure de chien ou de chat. Les signes inflammatoires locaux, ment découverte, partage la même pathogénicité [17] . Le chat est
rougeur et œdème, sont intenses avec une douleur d’apparition infecté par l’intermédiaire de la puce Ctenocephalides felis servant
rapide après l’agression, dans les six heures environ, accompagnés de vecteur à l’infection au sein des félidés. Une étude réalisée en
d’écoulement des sérosités et parfois de pus. Il existe fréquem- 1997 a ainsi rapporté que 53 % des chats errants de la région
ment une lymphangite et des adénopathies satellites [12] . La fièvre nancéenne étaient bactériémiques aux bartonelles. Dans deux
est inconstamment présente. En absence de prise en charge tiers des cas, on retrouvait B. henselae, et dans un tiers des cas

2 EMC - Maladies infectieuses


Infections à la suite de morsures et griffures  8-003-O-10

Tableau 1. Tularémie
Agents pathogènes transmissibles par morsure en fonction de
l’animal [9, 11] . Si cette maladie d’inoculation peut se contracter par simple
Animal Agents pathogènes
contact avec l’animal réservoir, classiquement le lièvre lors
du dépeçage, la morsure de nombreux rongeurs, ou même
Chien Pasteurella a , Streptococcus, Staphylococcus b , Neisseria, d’arthropodes (tiques, puces, punaises, moustiques), est suscep-
Corynebacterium, Capnocytophaga, association de tible d’être contaminante. Cette infection est due à Francisella
bactéries anaérobies tularensis, un coccobacille à Gram négatif. L’incubation est de 1
Chat Pasteurella c , Streptococcus, Staphylococcus d , Neisseria, à 5 jours après la morsure. La phase d’invasion est généralement
Moraxella, Corynebacterium, Enterococcus, brutale et caractérisée par de la fièvre avec parfois dissociation
Capnocytophaga, Bartonnella, association de pouls-température, des frissons, des myalgies, des arthralgies, des
bactéries anaérobies céphalées, une rhinite, des maux de gorge, des nausées, des vomis-
Rat/rongeurs Staphylococcus, Bacillus, Streptococcus, Actinobacillus, sements et une diarrhée. Le tableau clinique le plus classique est
leptospires, Francisella tularensis, Streptobacillus la forme ulcéroganglionnaire. Typiquement, une papule apparaît
moniliformis, Spirillum morsus, Yersinia pestis, virus au point d’inoculation et est associée à des symptômes tels que
de la chorioméningite lymphocytaire de la fièvre et des douleurs. La lésion, qui peut être prurigineuse,
Cochon Actinobacillus, Escherichia coli, Pasteurella, Proteus, évolue vers une pustule, laquelle se rompt secondairement et se
Staphylococcus e , Streptococcus, Flavobacterium, transforme en ulcération douloureuse, peu évolutive, pouvant
association de bactéries anaérobies prendre un aspect d’escarre. La lésion est associée au gonflement
Cheval Actinobacillus, Campylobacter, E. coli, Neisseria, douloureux d’un ou plusieurs ganglions lymphatiques régionaux,
Pasteurella, Staphylococcus qui deviennent fluctuants et se rompent, libérant une substance
Reptiles Serratia marcescens, E. coli, Salmonella, Pseudomonas caséeuse. Souvent, la maladie continue à progresser, en dépit
aeruginosa, Citrobacter, association de bactéries d’une antibiothérapie adaptée. Habituellement, cette forme de la
anaérobies, envenimation maladie n’entraîne ni affection sévère ni complication. Les adé-
Singe Streptococcus, Haemophilus, Neisseria, Actinobacillus,
nopathies peuvent perdurer jusqu’à trois ans. F. tularensis peut être
association de bactéries anaérobies, herpès virus identifiée par examen direct et culture ou par PCR sur les sécré-
cercopithécine 1 (herpès simien) tions, exsudats ou fragments biopsiques (cutanée au niveau de
l’escarre ou ganglionnaire). La sérologie ne se positive pas avant
Humain Streptococcus, Staphylococcus, Eikenella corodens,
le dixième jour d’évolution et ne permet souvent qu’un diagnostic
Haemophilus, association de bactéries anaérobies,
hépatite B, hépatite C, VIH
rétrospectif [22] . En première intention, on recommande un traite-
ment de 14 jours par fluoroquinolone (ciprofloxacine, ofloxacine
VIH : virus de l’immunodéficience humaine. ou lévofloxacine). La doxcycycline est aussi utilisable en deuxième
a
Majoritairement Pasteurella canis et dagmatis. intention pour une durée de 21 jours [23] .
b
Staphylococcus aureus dans 20 % des cas.
c
Majoritairement Pasteurella multocida.
d
e
S. aureus dans 4 % des cas.
Possibilité de S. aureus résistant à la méticilline.
Leptospirose
Le principal mode de transmission de la leptospirose est le
passage de leptospires par contact avec l’urine d’un rongeur, en
premier lieu le rat, à travers une peau lésée ou une muqueuse lors
B. clarridgeiae [18] . Ces bactériémies peuvent être prolongées pen-
d’une baignade en rivière. Une morsure de rongeur peut aussi être
dant de nombreux mois, surtout chez les chatons, tout en restant
contaminante. L’incidence est 30 fois plus élevée en outre-mer en
totalement asymptomatiques. Le pelage du chat est souillé par
comparaison avec la France métropolitaine. Le tableau complet,
les déjections des puces en sein desquelles la bactérie survit. La
rarement retrouvé, associe en période estivale un ictère flam-
morsure ou griffure de l’animal est alors directement infectante
boyant, une fièvre, des céphalées et biologiquement une atteinte
par contact. Contrairement à la pasteurellose, l’incubation est
hépatique (cytolyse, cholestase), rénale (albuminurie, élévation de
longue de 15 à 30 jours. Une lésion papuleuse puis vésiculopapu-
la créatininémie), une méningite lymphocytaire et des anomalies
leuse de petite taille peut se développer au point d’inoculation
de l’hémogramme (polynucléose neutrophile, thrombopénie).
de manière plus précoce (trois à dix jours après contage). Le
Après une première phase clinique fébrile mais habituellement
tableau se révèle ensuite par des adénopathies dans le territoire
non ictérique d’une semaine dite « leptospirémique », apparaît
de drainage de la griffure, volumineuses, sensibles et fermes. Il
classiquement une rémission de deux à trois jours, puis une
n’y a pas ou peu de signes généraux. L’évolution se fait soit
récurrence fébrile ictérique marquant la deuxième phase dite
vers la guérison spontanée après plusieurs semaines d’évolution,
« immunologique » qui correspond à l’apparition des anticorps
soit vers la fistulisation ganglionnaire. Le diagnostic est actuel-
spécifiques et à l’excrétion des leptospires dans les urines. Le risque
lement assuré par la sérologie et par l’amplification génique
évolutif est marqué par une insuffisance rénale aiguë sévère, plus
(polymerase chain reaction [PCR]) à partir d’une ponction écho-
rarement par des troubles hémorragiques ou une détresse respira-
guidée du tissu ganglionnaire. L’examen anatomopathologique
toire aiguë avec choc septique. Le diagnostic repose sur la sérologie
révèle un granulome sans nécrose caséeuse avec présence de
qui doit être répétée, ou par la PCR sur le sang ou les urines lors
microabcès et de bacilles intra- et extracellulaires après colora-
de la deuxième semaine d’évolution de la maladie. Le traitement
tion par une préparation argentique de Warthin-Starry. B. henselae
associe une antibiothérapie par bêtalactamine (amoxicilline pen-
est également responsable chez les patients immunodéprimés,
dant dix jours) et des mesures symptomatiques de réanimation en
syndrome de l’immunodéficience acquise (sida), en particulier
cas d’insuffisance rénale aiguë ou de syndrome hémorragique. La
de l’angiomatose bacillaire, de bactériémies, d’endocardites, de
prévention par une vaccination pour les professionnels exposés
péliose hépatique, de méningoencéphalite et d’ostéite [19] . Dans
(égoutiers) est possible.
les formes simples, un traitement de cinq jours par azithromy-
cine (500 mg le premier jour en une prise, puis 250 mg par jour)
peut être proposé, bien qu’aucune antibiothérapie n’ait fait la « Rat bite fever »
preuve d’une quelconque efficacité sur la durée d’évolution ou le
risque de complications [20] . Le traitement des formes compliquées L’haverhillose et le sodoku sont deux maladies présentant une
repose sur des associations antibiotiques prolongées comprenant symptomatologie proche et sont secondaires à une morsure de rat
la doxycycline, la gentamicine, la rifampicine ou les fluoro- (Tableau 2). Elles se distinguent par leur origine géographique et
quinolones [20, 21] . En cas de lymphadénopathie invalidante, une la bactérie mise en cause. En raison de leurs similitudes, elles sont
ponction ganglionnaire diagnostique et thérapeutique visant à toutes deux regroupées sous le terme de « rat bite fever ».
en extraire le pus peut être envisagée, plutôt qu’une exérèse gan- Transmis par la morsure d’un rat sauvage, principalement
glionnaire exposant à des risques de mauvaise cicatrisation. en Amérique du Nord et dû au Streptobacillus moniliformis,

EMC - Maladies infectieuses 3


8-003-O-10  Infections à la suite de morsures et griffures

Tableau 2. apparaît un syndrome grippal aspécifique [32] . La plupart du temps,


Comparaison des deux types de « Rat Bite Fever ». ce syndrome évolue spontanément vers la guérison en quelques
Haverhillose Sodoku jours. Néanmoins, il existe une possibilité d’évolution vers une
méningite ou une méningoencéphalite avec parfois des séquelles
Micro-organisme Streptobacillus Spirillum minus neurologiques définitives. Les conséquences de l’infection sont
monoliformis particulièrement graves chez la femme enceinte. Il existe des
Type de bactérie Bacille à Gram négatif Spirochète cas d’avortement, de malformations ou de mort du nouveau-né
Localisation géographique Amérique du Nord, Asie imputés à ce virus [33] . Le diagnostic est confirmé par la pré-
Europe sence d’immunoglobulines M (IgM) spécifiques dans le sérum
Chancre d’inoculation Non Oui ou le liquide cérébrospinal en enzyme-linked immunosorbent assay
(Elisa) ou par PCR [34] . Il n’y a malheureusement pas de traitement
Arthrite Oui Non
spécifique.
Adénopathie satellite Non Oui
Éruption cutanée Oui Oui
Fièvre récurrente Oui Oui « Herpesvirus » cercopithécine 1
Diagnostic Culture, PCR Examen direct,
xénodiagnostic
L’infection à herpès simien (ou virus B ou herpès cercopithé-
cine 1 ou CHV1) est une zoonose transmissible à l’homme par les
Traitement Pénicilline Pénicilline G/
singes du genre macaque par contact salivaire, donc à envisager
G/doxycycline doxycycline
en cas de morsure ou de griffure par ce type de singe. La maladie
Réaction d’Herxheimer Non Oui est fréquente et bénigne chez ces singes (séroprévalence de 100 %
PCR : polymerase chain reaction.
chez les individus de plus de 2,5 ans [35] ) mais très rare et grave chez
l’homme, mortelle dans 80 % des cas. À ce jour, une cinquantaine
de cas humains ont été répertoriés dans le monde, mais aucun en
l’haverhillose doit son nom à la ville de Haverhill dans le Mas- France. En revanche, quelques cas d’infection asymptomatique
sachusetts où la maladie a été décrite et le germe isolé en 1926 [24] . ont été rapportés chez des singes, le plus souvent importés illéga-
L’infection se manifeste après une semaine d’incubation par lement sur le territoire français comme animaux de compagnie.
l’apparition brutale de frissons, céphalées, nausées, vomissements Les professionnels du monde vétérinaire et des laboratoires qui
et d’arthromyalgies, puis 48 à 72 heures plus tard, apparaît un éry- sont en contact avec ces singes, reçoivent une formation particu-
thème fébrile morbiliforme à tendance pétéchiale prédominant lière, et tout contact entre la salive de l’animal et une muqueuse
aux extrémités [25] . D’authentiques polyarthrites asymétriques se ou une plaie (morsure, lacération) doit faire l’objet d’une désin-
développent alors dans 50 % des cas [26] . En l’absence de traite- fection immédiate (chlorhexidine, povidone iodée ou Dakin) et
ment, la fièvre cède spontanément en cinq jours et les autres d’une chimioprophylaxie orale par valaciclovir 1 g trois fois par
symptômes en deux semaines mais des récidives fébriles sont jour pendant 14 jours [36] .
fréquentes, dans un tableau de fièvre récurrente. Des endo-
cardites, pneumonies, méningoencéphalites sont rapportées. Le
diagnostic de certitude est assuré par isolement du germe sur
hémoculture, ou ponction articulaire, ou par PCR [27, 28] . Le trai-  Conduite à tenir en cas
tement repose sur la pénicilline G ou la doxycycline pendant 10 à de morsure par mammifères
14 jours [29] .
Le sodoku sévit en Asie (en japonais, so = rat ; doku = poison). Prise en charge locale de la plaie
Il est dû à un spirochète, Spirillum morsus (aussi appelé Spirillum
minus), et se manifeste après une à quatre semaines d’incubation Les morsures animales sont des plaies contuses et potentielle-
par un chancre d’inoculation ulcéronécrotique avec adénopa- ment infectées. Elles nécessitent un lavage abondant au sérum
thie satellite douloureuse, exanthème généralisé, céphalées et physiologique puis une désinfection locale par eau savonneuse
fièvre [25] . Contrairement à l’haverhillose, les arthrites sont rares. puis par antiseptique (ammonium quaternaire, dérivé iodé, chlo-
La fièvre s’éteint spontanément au bout de quatre jours, mais rhexidine). Les berges souillées sont parées, les zones de nécrose
des récurrences régulières sont alors observées toutes les semaines sont excisées. L’exploration recherche une lésion tendineuse, arté-
pendant plusieurs mois. Des endocardites et des méningoencé- rielle ou nerveuse, la présence de corps étrangers. L’importance de
phalites sont décrites. Le diagnostic, évoqué sur une anamnèse l’atteinte cutanée rend la fermeture dans des conditions d’asepsie
compatible, repose sur la mise en évidence par PCR du germe dans parfois difficile. La suture est contre-indiquée pour les plaies pro-
le sang ou sur du tissu ganglionnaire en utilisant la coloration de fondes ou vues tardivement [10] . Les plaies de la face doivent être
Giemsa ou de Wright ou au microscope à fond noir. Un xéno- suturées ou au moins rapprochées par des points séparés espacés
diagnostic par inoculation au cobaye est aussi utilisé [30] . Comme pour des motifs esthétiques. L’antibiothérapie préemptive, c’est-à-
pour l’haverhillose, la pénicilline G ou la doxycycline sont utili- dire en absence d’infection déclarée au moment de la consultation
sées comme traitement, mais une réaction de Jarisch-Herxheimer initiale, n’est pas consensuelle et est généralement proposée dans
peut être observée. les situations suivantes :
• morsures à haut risque septique : plaies profondes et déla-
brées, atteinte articulaire ou osseuse, prise en charge tardive
Chorioméningite lymphocytaire (> 8 heures) ;
• morsures de la main et morsures suturées de la face ;
Le virus de la chorioméningite lymphocytaire (LCM), de la • terrain à risque (diabète, éthylisme, splénectomie, etc.).
famille des Arenaviridae, est un virus murin potentiellement pré- L’association amoxicilline–acide clavulanique est prescrite pour
sent chez de nombreux type de rongeurs domestiques, sauvages une durée de sept jours. En cas d’infection patente, de morsure vue
ou de laboratoire (souris, hamsters, cobayes, écureuils, etc.). Il tardivement, l’antibiothérapie est prolongée de 10 à 14 jours [37] .
se transmet à l’homme principalement par aérosol de poussières En cas d’allergie aux bêtalactamines, la doxycycline est prescrite.
souillées par les déjections des rongeurs, mais une inoculation Le cas échéant, la mise en décharge et l’élévation du membre
directe par morsure est aussi possible. C’est une maladie rare, tou- mordu peut être utile pendant les 48 premières heures de la prise
chant préférentiellement les éleveurs de rongeurs, le personnel en charge. Dans le cas d’une morsure sévère à la main, on pré-
d’animalerie ou de laboratoire de recherche et les vétérinaires, conise une immobilisation de trois à cinq jours en position de
sans que l’incidence ne soit réellement connue [31] . Cette infec- fonction. Les risques évolutifs sont dominés par les ténosyno-
tion peut être reconnue comme maladie professionnelle sous vites, phlegmons ou arthrites en cas d’absence de retard ou de
certaines conditions. Le plus souvent, l’infection est asympto- traitement inefficace et à distance par les syndromes algodystro-
matique, mais parfois, après une incubation de cinq à dix jours, phiques.

4 EMC - Maladies infectieuses


Infections à la suite de morsures et griffures  8-003-O-10

Tableau 3. génitaux [9] . Dans ce cas, un enfant présentant une morsure dont
Modalités de prévention du tétanos. la distance intercanine est de plus de 3 cm doit faire évoquer un
Plaie mineure ou Plaie majeure ou contaminée abus sur mineur.
propre par des germes d’origine En plus de la prise en charge de la plaie, et de l’antibiothérapie
tellurique visant à prévenir une surinfection (streptocoques alphahémoly-
tiques, Staphylococcus aureus, Eikenella corrodens, Haemophilus spp),
Âge < 65 ans Dose de rappel de Idem + immonoglobulines il ne faut pas oublier une possible transmission de l’hépatite B,
vaccin si dernière tétaniques humaines 250 UI voire de l’hépatite C ou du virus de l’immunodéficience humaine
vaccination > 20 ans (intérêt du test rapide) (VIH) en cas de salive hémorragique [39] . Le statut sérologique du
Âge > 65 ans Dose de rappel de Idem + immonoglobulines
vaccin si dernière tétaniques humaines 250 UI
vaccination > 10 ans (intérêt du test rapide)

UI : unité internationale.
“ Conduite à tenir
Prévention du tétanos • Urgences et réanimation : prise en charge immédiate et
spécifique des lésions menaçant le pronostic vital. Immo-
La prévention du tétanos est systématique. La couverture vac- bilisation cervicale des enfants présentant une atteinte de
cinale de la population française est insuffisante avec plus de la face ou du crâne jusqu’à ce qu’une lésion rachidienne
20 % d’individus mal protégés. La définition du caractère téta-
associée soit exclue.
nigène d’une plaie ne fait pas l’objet d’un consensus. Devant
• Anamnèse : colliger la date, heure et circonstance
le caractère aléatoire de l’interrogatoire, l’utilisation d’un test
rapide de détection des anticorps antitétaniques aux services de l’attaque. Rechercher des comorbidités associées
d’accueil et d’urgence permet d’éviter des vaccinations et sur- (immunosuppression). Préciser la main dominante, les
tout des immunoglobulines inutiles et coûteuses. Cette procédure médications habituelles, les allergies potentielles et le sta-
devrait justifier la révision des indications de la prévention anti- tut vaccinal (tétanos, rage, hépatites).
tétanique en vigueur depuis 2013 (Tableau 3). • Examen clinique : classifier le type de plaie : contuse,
ponctiforme, dilacérée, avec perte de substance. Explo-
ration de la plaie à la recherche d’une atteinte articulaire,
Prévention de la rage vasculaire ou nerveuse. Rechercher les signes de surinfec-
La décision thérapeutique en cas de morsure ou griffure de tions : cellulite, écoulement purulent, fièvre, adénopathie
mammifère doit prendre en compte : satellite. Ne pas hésiter à réaliser des schémas ou à prendre
• le comportement de l’animal : tout comportement anormal des photographies des lésions.
doit être considéré comme suspect, a fortiori s’il s’agit d’un • Imagerie : clichés radiologiques standard indiqués pour
animal errant ; toute morsure à la main, pour les plaies profondes près de
• la mise en observation de l’animal. Si l’animal est vivant après l’os ou articulaires. Toute fracture associée est considérée
14 jours, la salive n’était pas infectante (30 jours pour un ani-
comme une fracture ouverte et doit être prise en charge
mal sauvage du fait d’une excrétion salivaire présymptomatique
plus longue) ; en urgence en milieu spécialisé.
• le siège de la morsure : la face, le cou, les extrémités et les
• Bactériologie : prélèvement local des sérosités seule-
muqueuses (risque de transmission plus élevé et incubation plus ment si signe patent de surinfection, hémocultures si
courte) ; fièvre.
• le type d’animal mordeur : le risque de rage est nul après • Prise en charge de la plaie : laver abondamment la
morsure de rongeur, lapin ou lièvre et ne justifie aucun trai- plaie au sérum physiologique, puis nettoyer à l’eau savon-
tement antirabique spécifique. À l’inverse, une morsure de neuse et désinfecter par povidone iodée ou chlorhexidine.
chauve-souris entraîne systématiquement un traitement par Ablation des corps étrangers. Parer les tissus nécrotiques.
sérovaccination. Drainer les collections purulentes. Irrigation massive par
Le traitement spécifique n’est pas débuté si l’animal est cor- sérum physiologique (environ 250 ml). Pas de suture pour
rectement suivi et que son comportement n’est pas inquiétant.
les plaies infectées, profondes ou vues dans un délai supé-
Dans tous les autres cas, une vaccination antirabique est en prin-
cipe recommandée (animal enfui, inconnu, suspect ou mort).
rieur à six heures, sauf pour le visage (points séparés
La vaccination antirabique comporte dans le protocole court dit espacés). Immobiliser les blessures à la main en position
« Zagreb » deux injections à J0, une injection à J7 et une injection de fonction.
à J21. Les immunoglobulines humaines antirabiques (Imogam • Antibiothérapie : toujours pour les plaies infectées. Anti-
Rage® ) sont indiquées en cas de morsure par animal enragé ou biothérapie préemptive indiquée si plaie de la main,
à fort risque de l’être (exemple : morsures par un animal au de la face, ostéoarticulaire, profonde, vue tardivement
comportement anormal) mais aussi après tout contact avec une (huit heures), ou sur terrain immunodéprimé.
chauve-souris. Dans ce cas, c’est le protocole vaccinal long dit • Prévention du tétanos.
« Essen » qui doit être appliqué avec une injection à J0, J3, J7, • Prévention de la rage : particulièrement importante en
J14, J30, ±J90 [38] . Une vaccination antirabique préexposition est
cas de morsure de chauve-souris, d’animal inconnu ou à
indiquée lors de séjours aventureux et prolongés dans les pays
intertropicaux.
comportement suspect. La sérovaccination relève d’une
La grossesse et l’immunodépression ne sont pas une contre- consultation spécialisée dans un service agréé.
indication à la vaccination. Si un cas de rage est avéré, il doit • Prophylaxie VIH et VHB : en cas de morsure humaine à
faire l’objet d’une déclaration obligatoire. haut risque chez un patient séronégatif, en accord avec le
référent infectiologue.
• Éducation du patient : réfection du pansement et ins-
Cas particulier des morsures humaines pection journalière. Sensibilisation concernant les risques
Les morsures humaines sont souvent plus sévères et s’infectent de surinfections et les signes d’alertes nécessitant une nou-
plus souvent que celles infligées par des animaux [8] . Les locali- velle consultation.
sations préférentielles sont les doigts, mais aussi des morsures • Réévaluation du patient : sous 48 heures.
« amoureuses » dans le cou, sur la poitrine ou les organes

EMC - Maladies infectieuses 5


8-003-O-10  Infections à la suite de morsures et griffures

mordeur doit donc être recherché et un traitement postexposition [2] Ribeiro C, Sallaz G, Fontanel A. Les morsures et les griffures
du VIH discuté en cas de morsure à haut risque. d’animaux en France métropolitaine. http://sofia.medicalistes.org/
spip/IMG/pdf/Les morsures et les griffures d animaux en France
metropolitaine.pdf.
Prévention des morsures [3] Ozanne-Smith J, Ashby K, Stathakis VZ. Dog bite and injury
prevention-analysis, critical review, and research agenda. Injury Prev
Le rôle des médecins généralistes est primordial pour les 2001;7:321–6.
préventions primaire et secondaire des morsures. Le temps [4] Steele MT, Ma OJ, Nakase J, Moran GJ, Mower WR, Ong S, et al. Epi-
de consultation donne l’opportunité de rappeler les messages demiology of animal exposures presenting to emergency departments.
d’éducation fondamentaux comme encourager les enfants à Acad Emerg Med 2007;14:398–403.
approcher un chien calmement et toujours sous la supervision [5] Pers C, Gahrn-Hansen B, Frederiksen W. Capnocytophaga canimorsus
d’un adulte, ne pas caresser un chien en train de se nourrir ou septicemia in Denmark, 1982-1995: review of 39 cases. Clin Infect Dis
de prendre soin de ses chiots, ne pas approcher un chien présen- 1996;23:71–5.
tant un comportement territorial agressif, et ne jamais laisser un [6] Peters V, Sottiaux M, Appelboom J, Kahn A. Posttraumatic stress
enfant seul sans surveillance avec un animal [3, 40] . Le médecin doit disorder after dog bites in children. J Pediatr 2004;144:121–2.
s’assurer que le calendrier vaccinal de ses patients en contact avec [7] Talan DA, Citron DM, Abrahamian FM, Moran GJ, Goldstein EJ. Bac-
des animaux est à jour. teriologic analysis of infected dog and cat bites. Emergency Medicine
Animal Bite Infection Study Group. N Engl J Med 1999;340:85–92.
[8] Goldstein EJ. Bite wounds and infection. Clin Infect Dis
1992;14:633–8.
 Conclusion [9] Dendle C, Looke D. Management of mammalian bites. Aust Fam Phy-
sician 2009;38:868–74.
Les morsures animales, bien que le plus souvent évitables, [10] Maimaris C, Quinton DN. Dog-bite lacerations: a controlled trial of
sont fréquentes. En effet, près d’une personne sur deux au cours primary wound closure. Arch Emerg Med 1988;5:156–61.
de sa vie est victime d’une morsure, le plus souvent pendant [11] Abrahamian FM, Goldstein EJC. Microbiology of animal bite wound
l’enfance. Les séquelles fonctionnelles, esthétiques, psycholo- infections. Clin Microbiol Rev 2011;24:231–46.
giques et les surinfections en sont les principales complications, [12] Slater L, Welch D. Bartonella, including cat-scratch disease. In:
et doivent être bien connues des praticiens afin de détecter les Mandell, Douglas, and Bennett’s principles and practice of infec-
lésions à risque et en assurer la prise en charge optimale. Les tious diseases. Philadelphia, PA: Churchill Livingstone/Elsevier; 2010.
blessures induites par des animaux inhabituels en France ne p. 2995–3009.
[13] Raffi F, Barrier J, Baron D, Drugeon HB, Nicolas F, Courtieu AL.
sont plus des exceptions devant l’augmentation du nombre
Pasteurella multocida bacteremia: report of thirteen cases over twelve
d’animaux de compagnie « exotiques », et la multiplication des years and review of the literature. Scand J Infect Dis 1987;19:385–93.
voyages à l’étranger. L’homme gagnant du terrain en perma- [14] Weber DJ, Wolfson JS, Swartz MN, Hooper DC. Pasteurella multocida
nence sur l’habitat sauvage, les contacts vont aussi continuer infections. Report of 34 cases and review of the literature. Medicine
à s’accroître entre l’homme et ces animaux, augmentant ainsi 1984;63:133–54.
l’incidence de leurs morsures, avec probablement l’apparition [15] Rosenbach KA, Poblete J, Larkin I. Prosthetic valve endocarditis cau-
de tableaux cliniques spécifiques encore imparfaitement sed by Pasteurella dagmatis. South Med J 2001;94:1033–5.
décrits. [16] Goldstein EJ, Citron DM, Richwald GA. Lack of in vitro efficacy of oral
forms of certain cephalosporins, erythromycin, and oxacillin against
Pasteurella multocida. Antimicrob Agents Chemother 1988;32:213–5.

“ Points essentiels [17] Kordick DL, Hilyard EJ, Hadfield TL, Wilson KH, Steigerwalt AG,
Brenner DJ, et al. Bartonella clarridgeiae, a newly recognized zoonotic
pathogen causing inoculation papules, fever, and lymphadenopathy
(cat scratch disease). J Clin Microbiol 1997;35:1813–8.
• Toute morsure animale doit faire l’objet d’une consulta- [18] Heller R, Artois M, Xemar V, De Briel D, Gehin H, Jaulhac B, et al.
tion médicale. Prevalence of Bartonella henselae and Bartonella clarridgeiae in stray
• Les blessures à la main, au visage, ou profondes doivent cats. J Clin Microbiol 1997;35:1327–31.
être explorées et parées en conséquence. [19] Maurin M, Birtles R, Raoult D. Current knowledge of Bartonella
• Le risque élevé de surinfection bactérienne justifie le species. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1997;16:487–506.
[20] Rolain JM, Brouqui P, Koehler JE, Maguina C, Dolan MJ, Raoult
recours large à une antibiothérapie prophylactique. D. Recommendations for treatment of human infections caused by
• La gestion de la prévention de la rage et du tétanos doit Bartonella Species. Antimicrob Agents Chemother 2004;48:1921–33.
être prise en charge. [21] Dörbecker C, Sander A, Oberle K, Schülin-Casonato T. In vitro
• Certains animaux exposent les victimes de morsures à susceptibility of Bartonella species to 17 antimicrobial compounds:
des risques infectieux spécifiques à connaître pour une comparison of etest and agar dilution. J Antimicrob Chemother
prise en charge optimale. 2006;58:784–8.
[22] Bossi P, Tegnell A, Baka A, Van Loock F, Hendriks J, Werner A,
• Une morsure est un événement le plus souvent évitable
et al. Bichat guidelines for the clinical management of tularaemia and
mais reste banale. Un effort de prévention reste à réaliser, bioterrorism-related tularaemia. Euro Surveill 2004;9:E9–10.
notamment auprès des enfants, de leurs parents et des [23] Circulaire DGS/SD 5 n◦ 2002-492 du 20 septembre 2002 relative à la
propriétaires d’animaux sensibles. transmission obligatoire de données individuelles à l’autorité sanitaire
en cas de tularémie. http://www.sante.gouv.fr/fichiers/bo/2002/02-
41/a0413306.htm.
[24] Parker F, Hudson NP. The etiology of Haverhill fever (Erythema Arthri-
ticum Epidemicum). Am J Pathol 1926;2:357–80.
[25] Washburn R. Rat-bite fever: Streptobacillus moniliformis and Spirillum
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en minus. In: Mandell, Douglas, and Bennett’s principles and practice of
relation avec cet article. infectious diseases. Philadelphia, PA: Churchill Livingstone/Elsevier;
2010. p. 2965–8.
[26] Dendle C, Woolley IJ, Korman TM. Rat-bite fever septic arthritis:
illustrative case and literature review. Eur J Clin Microbiol Infect Dis
 Références 2006;25:791–7.
[27] Wallet F, Savage C, Loïez C, Renaux E, Pischedda P, Courcol RJ.
[1] Djellalil A, Galatis N, Tamisier M, Zunino FM, Mastropasqua S, Kiegel Molecular diagnosis of arthritis due to Streptobacillus moniliformis.
P. Évaluation de l’indication des sutures et de l’antibiothérapie dans la Diagn Microbiol Infect Dis 2003;47:623–4.
prise en charge des plaies par morsure de chats et de chiens. J Eur Urg [28] Rat-bite fever–New Mexico, 1996. MMWR Morb Mortal Wkly Rep
2007;20(Suppl. 1):156–7. 1998;47:89–91.

6 EMC - Maladies infectieuses


Infections à la suite de morsures et griffures  8-003-O-10

[29] Roughgarden JW. Antimicrobial therapy of ratbite fever. A review. [37] Deuxième conférence de consensus, Clermont-Ferrand, 2 décembre
Arch Intern Med 1965;116:39–54. 2005. Prise en charge des plaies aux Urgences. http://www.
[30] Dow GR, Rankin RJ, Saunders BW. Rat-bite fever. N Z Med J infectiologie.com/site/medias/ documents/consensus/consensus-
1992;105:133. COURT-plaies2006.pdf.
[31] http://www.inma.fr/files/file/zoonoses/choriolympho cnrs.pdf [38] Guide des vaccinations édition 2012, Vaccination contre la
[32] Peters C. Lymphocytic choriomeningitis virus, Lassa virus, and the rage. http://www.inpes.sante.fr/10000/themes/vaccination/guide-
South American hemorrhagic fevers. In: Mandell, Douglas, and Ben- vaccination-2012/pdf/GuideVaccinations2012 Vaccination contre la
nett’s principles and practice of infectious diseases. Philadelphia, PA: rage.pdf.
Churchill Livingstone/Elsevier; 2010. p. 2295–301. [39] Bartholomew CF, Jones AM. Human bites: a rare risk factor for HIV
[33] Jamieson DJ, Kourtis AP, Bell M, Rasmussen SA. Lymphocytic chorio- transmission. AIDS 2006;20:631–2.
meningitis virus: an emerging obstetric pathogen? Am J Obstet Gynecol [40] Abrahamian. Dog bites: bacteriology, management, and prevention.
2006;194:1532–6. Curr Infect Dis Rep 2000;2:446–53.
[34] McCausland MM, Crotty S. Quantitative PCR technique for detec-
ting lymphocytic choriomeningitis virus in vivo. J Virol Methods
2008;147:167–76.
[35] Weigler BJ, Roberts JA, Hird DW, Lerche NW, Hilliard JK. A cross
sectional survey for B virus antibody in a colony of group housed rhesus
macaques. Lab Anim Sci 1990;40:257–61.
[36] Cohen JI, Davenport DS, Stewart JA, Deitchman S, Hilliard JK, Pour en savoir plus
Chapman LE. Recommendations for prevention of and therapy for
exposure to B virus (Cercopithecine Herpesvirus 1). Clin Infect Dis Morand JJ. Envenimations et morsures animales. EMC (Elsevier Masson
2002;35:1191–203. SAS, Paris), Dermatologie, 98-400-A-10, 2010.

F. Goehringer, Praticien hospitalier (f.goehringer@chu-nancy.fr).


T. May.
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpitaux de Brabois, bâtiment Philippe-Canton, rue du Morvan, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Goehringer F, May T. Infections à la suite de morsures et griffures. EMC - Maladies infectieuses 2015;12(3):1-
7 [Article 8-003-O-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 7


8-003-R-10
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 8-003-R-10

Choc septique
JP Carpentier
G Pouliquen
R Pétrognani Résumé. – Le choc septique reste à l’origine d’une mortalité importante en dépit des progrès de la
réanimation et de l’antibiothérapie, puisqu’elle peut atteindre 70 à 90 % lorsqu’il est associé à une
défaillance multiviscérale. Les bacilles à Gram négatif sont encore le plus souvent en cause, avec une
mortalité d’environ 40 % au cours de états infectieux graves. L’augmentation de la fréquence des infections
nosocomiales et le rôle croissant des cocci à Gram positif sont des facteurs qui permettent d’expliquer un
certain nombre des échecs thérapeutiques. Ces dernières années ont été marquées par une évolution des
connaissances sur la physiopathologie des états infectieux graves et du choc septique. Ainsi, si le sepsis
représente la réponse systémique normale à une infection, celle-ci peut évoluer vers des désordres
hémodynamiques et viscéraux qui sont la conséquence de la libération de toxines microbiennes et de la
réponse de l’organisme à cette agression.
Actuellement, des efforts doivent être faits dans le domaine de la prévention (type de matériel, technique
d’implantation et d’entretien des cathéters, antibioprophylaxie et asepsie des gestes chirurgicaux). La
biologie moléculaire et cellulaire permet depuis plusieurs années une nouvelle approche thérapeutique du
choc septique et devrait permettre d’ouvrir d’autres voies thérapeutiques. Les premiers essais ont été
décevants, mais des espoirs existent, par exemple, dans le domaine des molécules antiadhésion (anticorps
anti-E-sélectine et anti-CD11/CD18), des radicaux libres, des prostaglandines, des protéases, du système
coagulation-fibrinolyse et des médiateurs lipidiques.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : choc septique, catécholamines, corticoïdes, hémofiltration, anti-endotoxines, antimédiateurs.

Introduction – température supérieure à 38 °C ou inférieure à 36 °C ;


– fréquence cardiaque (FC) supérieure à 90 battements·min-1 ;
Ces dernières années ont été marquées par une évolution des
– fréquence respiratoire (FR) supérieure à 20 cycles·min-1 ou une
connaissances des mécanismes physiopathologiques des états
pression partielle en gaz carbonique (PaCO2) inférieure à 32 mmHg ;
infectieux graves (EIG) et du choc septique. Si le sepsis représente la
réponse systémique normale à une infection, celle-ci peut évoluer – nombre de leucocytes soit supérieur à 12 000·mm-3, soit inférieur
vers des désordres hémodynamiques et viscéraux qui sont la à 4 000·mm-3, soit plus de 10 % de formes immatures.
conséquence de la libération de toxines microbiennes et de la Ces modifications doivent être apparues récemment, en l’absence
réponse de l’organisme à cette agression. En dépit des progrès de la d’autres causes, en particulier de chimiothérapie aplasiante. Le
réanimation et de l’antibiothérapie, le choc septique, en particulier à terme de sepsis correspond à un SIRS secondaire à une infection
bactéries à Gram négatif, représente encore une source importante bactériologiquement confirmée.
de morbidité et de mortalité.
Plusieurs états cliniques reflétant le degré de sévérité du sepsis ont
été définis.
DÉFINITIONS Le sepsis grave ou severe sepsis, est un sepsis associé à au moins une
Depuis 1992, grâce aux travaux d’un groupe d’experts de l’American dysfonction d’organe correspondant à une anomalie de perfusion
College of Chest Physicians et de la Society of Critical Care telle que pression artérielle systolique (PAS) inférieure à 90 mmHg
Medicine, il existe un consensus sur la définition des états septiques ou diminuée de 40 mmHg par rapport aux chiffres habituels,
graves [ 1 5 ] . Face à de nombreuses agressions (pancréatite, augmentation des lactates, diurèse inférieure à 0,5 mL·kg-1 pendant
polytraumatisme, choc hémorragique, hypoxémie sévère…), au moins 1 heure, altération de la conscience, hypoxémie
l’organisme répond par une réaction inflammatoire systémique. Ce inexpliquée, coagulopathie. Le choc septique est un sepsis grave
syndrome inflammatoire systémique (SIS) ou systemic inflammatory associé à une hypotension résistant à une expansion volémique
response syndrome (SIRS), se définit par l’existence de deux ou plus apparemment bien conduite et/ou nécessitant l’emploi d’agents
des signes suivants : cardio- et/ou vasoactifs.
Conséquence de l’efficacité des techniques utilisées en soins
intensifs, l’évolution défavorable d’un processus infectieux et/ou
Jean-Pierre Carpentier : Professeur agrégé, chef de département. inflammatoire se traduit de plus en plus souvent par une
Gilbert Pouliquen : Spécialiste des hôpitaux des Armées. dysfonction progressive des différents organes, réalisant un
Roland Pétrognani : Spécialiste des hôpitaux des Armées.
Département d’anesthésie-réanimation-urgences, hôpital d’instruction des Armées Laveran,
syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV) ou multiple organ
13998 Marseille-Armées, France. dysfonction syndrome, dont la définition retenue est la présence

Toute référence à cet article doit porter la mention : Carpentier JP, Pouliquen G et Pétrognani R. Choc septique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Maladies infectieuses,
8-003-R-10, 2001, 13 p.
8-003-R-10 Choc septique Maladies infectieuses

d’altération de la fonction de divers organes chez un patient dont enzymes protéolytiques). L’IL1 a une action cytotoxique sur les
l’homéostasie ne peut être maintenue sans intervention. cellules endothéliales, ainsi qu’une puissante action procoagulante
par inhibition de l’activateur du plasminogène (t-PA). Elle augmente
la perméabilité capillaire, stimule la prolifération des cellules
ÉPIDÉMIOLOGIE musculaires lisses et entraîne une vasodilatation avec diminution de
En Europe occidentale, on estime que sur les 400 à 500 000 cas d’EIG la réponse de la paroi artérielle à la noradrénaline. Enfin, elle
diagnostiqués annuellement, 40 à 70 % évoluent vers un choc augmente la température, la production de l’ACTH, du cortisol, la
septique. Les germes à Gram négatif entraînent une mortalité synthèse des protéines inflammatoires, et active la phospholipase
d’environ 40 % des EIG, ce qui représente 80 000 cas/an aux État- A2.
Unis [83]. La mortalité peut atteindre 70 à 90 % lorsque un état de L’interféron (IFN) est produit par les lymphocytes T4, T8 et les
choc s’associe à une défaillance multiviscérale [27, 31, 53, 69, 107, 132, 133].
cellules natural killer (NK), en présence d’IL1 et d’IL2, et en réponse
à des antigènes d’origine virale ou bactérienne. Il potentialise les
effets et la production de TNF et favorise l’expression des antigènes
Physiopathologie du complexe majeur d’histocompatibilité de classes I et II.
L’IL6, sécrétée par les monocytes, soit directement par action d’une
MÉCANISMES DE DÉFENSE endotoxine bactérienne, soit par l’intermédiaire du TNF ou de l’IL1,
est responsable d’une hyperthermie. De plus, elle stimule les
À partir de la pénétration dans l’organisme d’un bacille à Gram
lymphocytes sur leur site d’action, active les polynucléaires,
négatif ou d’un de ses dérivés membranaires lipopolysaccharidiques
augmente la production des protéines de l’inflammation et favorise
(LPS) (endotoxines), d’un coque à Gram positif ou de son exotoxine
le recrutement des cellules myéloïdes. L’IL2 augmente l’activité des
(toxic shock syndrome du Staphylococcus aureus), d’une levure ou
leucocytes et leur chimiotactisme. Elle augmente la perméabilité
même d’un parasite (Plasmodium falciparum), il y a activation des
capillaire et possède un effet vasodilatateur et inotrope négatif. L’IL8
systèmes de défense de l’organisme dont les actions sont complexes
a un rôle d’activation des polynucléaires en favorisant le
et intriquées. Les mécanismes qui conduisent de l’état septique
chimiotactisme et la libération de leur contenu.
simple vers un état de choc et une défaillance multiviscérale sont
encore mal expliqués. Les polynucléaires, qui sont activés par les fractions C3a et C5a du
Certains sujets vont développer une réponse inflammatoire adaptée complément, le TNF, les leucotriènes (LTB) 4 et le PAF, se fixent sur
et vont être capables de contrôler l’infection et de guérir [96]. D’autres les cellules endothéliales et libèrent des dérivés de l’acide
vont avoir une réponse inadaptée, soit que l’agression est trop arachidonique (prostaglandines, LT), des radicaux libres oxygénés,
importante pour les possibilités de défense, soit que les systèmes de du PAF, de l’histamine (polynucléaires basophiles) et des enzymes
défenses sont insuffisants face à une agression. Ces sujets vont être lysosomiales protéolytiques. Les plaquettes sont activées par le PAF,
incapables de contrôler l’infection et l’évolution spontanée vers un le TNF, le thromboxane (TX) A2, le LTB4, la vasopressine, le facteur
état de choc et une défaillance multiviscérale est inéluctable. XII, l’IL2 et les fractions C3a et C5a du complément. Elles libèrent
des dérivés de l’acide arachidonique (prostaglandines, TX, LT), du
Dans d’autres situations, la réponse inflammatoire peut dépasser le
PAF, de l’histamine et de la sérotonine. Les mastocytes, activés par
niveau nécessaire pour contrôler l’infection, et c’est cette réaction
excessive qui est à l’origine d’effets délétères pour l’organisme. les fractions C3a et C5a du complément, libèrent de l’histamine. Les
macrophages mononucléaires et les cellules NK sont activés par les
Les systèmes de défense font intervenir des cellules et des micro-organismes (bactéries, virus, levures, parasites), les dérivés
médiateurs humoraux et cellulaires pro-inflammatoires. Un rôle membranaires LPS des bactéries à Gram négatif, l’acide téichoïque
important est attribué aux cytokines. Le tumour necrosis factor (TNF), des bactéries à Gram positif et les complexes antigène-anticorps. Ils
synthétisé par les monocytes, mais aussi par les lymphocytes, les libèrent du TNF, de l’IL1, du PAF et des dérivés de l’acide
cellules endothéliales, les cellules musculaires lisses vasculaires, les
arachidonique. Enfin, en dehors des cytokines et des cellules, de
cellules de Kupffer, est libéré 45 à 60 minutes après le début du choc
nombreux autres médiateurs interviennent (tableau I).
septique avec un pic de sécrétion à la 90e minute. Une de ses cibles
est le polynucléaire, même s’il est capable d’agir en l’absence de L’endothélium vasculaire joue un rôle important dans la
polynucléaire, comme chez les patients leucopéniques. Le TNF physiopathologie du choc septique. Agressées et déstructurées par
favorise l’adhésion des polynucléaires par l’intermédiaire de son les polynucléaires activés, les radicaux libres oxygénés, les enzymes
action sur les cellules endothéliales qui synthétisent un facteur lysosomiales protéolytiques, l’histamine, le TNF, le PAF et les LT
chémotactique. Il favorise également leur propriété de phagocytose (LTC4, LTD4, LTF4), les cellules endothéliales libèrent des dérivés
et la libération de radicaux libres et d’enzymes lysosomiales. Le TNF de l’acide arachidonique, du facteur XII et de l’IL1. Au cours du
stimule la production d’interleukine (IL) 1, d’IL6, de platelet choc septique, l’endothélium vasculaire perd son caractère
activating factor (PAF), de la prostaglandine E2, et entraîne la anticoagulant et profibrinolytique (protéine C, protéine S,
libération d’adrenocorticotrophic hormone (ACTH), de cortisol, de antithrombine III, t-PA) pour devenir procoagulant et
thyroid stimulating hormone (TSH), de growth hormone (GH) et de antifibrinolytique. Cette modification est liée à l’atteinte de
glucagon. Le TNF favorise la vasodilatation, l’œdème intracellulaire l’endothélium, à la diminution de la synthèse des protéines
par abaissement du potentiel transmembranaire, l’augmentation de thrombomodulatrices, à la libération de facteurs tissulaires et à
la perméabilité capillaire, l’ischémie du tube digestif, des surrénales l’extériorisation de molécules d’adhésion pour les plaquettes et les
et des tubules rénaux. Enfin, il active le facteur XII, favorise la polynucléaires (E-sélectine, inter cellular adhesion molecules
fibrinolyse, la prolifération des fibroblastes, diminue la réponse [ICAM]-1). De plus, la diminution de la synthèse d’oxyde nitreux
artérielle à la noradrénaline et augmente le turnover des acides gras (NO) et de la prostaglandine I2, l’œdème endothélial, le décollement
libres. La sécrétion de TNF n’est pas continue, ce qui en pratique intravasculaire des cellules endothéliales, la coagulation
permet d’expliquer la réapparition des signes cliniques au cours de intravasculaire, l’adhésion des plaquettes et des polynucléaires sont
l’évolution et les difficultés de le mettre en évidence dans des états susceptibles d’oblitérer la lumière vasculaire. Mais l’atteinte de
septiques vus tardivement. l’endothélium vasculaire a surtout comme conséquence la perte de
L’IL1, sécrétée après le TNF, a un rôle majeur dans la stimulation l’adaptabilité du tonus vasomoteur [37]. Les vaisseaux vasodilatés ne
des lymphocytes T et la production d’IL2, IL4, IL5, IL6 et IL8. Elle sont plus capables de s’adapter aux stimuli locaux, en particulier
augmente la production de TNF et, en synergie avec le TNF, favorise aux modifications du débit de perfusion, de la pression
l’adhésion des polynucléaires. De plus, elle augmente la production endoluminale, ou des apports en oxygène (O2). Au total, l’atteinte
médullaire des polynucléaires, favorise leur migration et stimule la de l’endothélium vasculaire va contribuer à modifier les conditions
libération du contenu des polynucléaires (dérivés oxygénés et rhéologiques locales et à favoriser l’hypoperfusion tissulaire [121].

2
Maladies infectieuses Choc septique 8-003-R-10

La vasodilatation au niveau veineux entraîne une augmentation du


Tableau I. – Principaux médiateurs du choc septique en dehors des système capacitif et réalise une véritable séquestration liquidienne
cytokines et leurs actions.
périphérique, avec pour conséquence un retour veineux fortement
Médiateurs cellulaires abaissé et une défaillance circulatoire, même si la pompe cardiaque
garde ses possibilités de fonctionnement intactes [19].
Platelet activating factor (PAF)
propriété chimiotactique puissante Les conditions de charge ventriculaire influencent la performance
favorise l’agrégation des plaquettes et des polynucléaires myocardique. Le maintien ou la restauration d’une volémie efficace
effets inotrope et chronotrope négatifs est nécessaire, et ce n’est qu’après correction de l’hypovolémie que
vasoconstriction rénale et splanchnique des valeurs élevées de QC (> 10 L·min-1) peuvent être mesurées.
bronchoconstriction et diminution de la compliance pulmonaire
HTAP Par ailleurs, l’état cardiaque antérieur peut modifier le profil du choc
Prostaglandines (PG) septique et limiter l’élévation du QC. La réponse vasculaire
vasoconstriction (PGFa) vasoconstrictrice aux catécholamines est généralement abaissée par
vasodilatation (PGI, PGE)
désensibilisation des récepteurs a, dépression de l’action
augmentation de la température (PGE)
inhibition de l’agrégation plaquettaire (PGI)
adrénergique sur la vascularisation périphérique causée par
catabolisme protéique l’endotoxine et les prostanoïdes, ou baisse de la libération de la
Thromboxane (TXA2) noradrénaline endogène due aux endorphines [33, 66].
propriété chimiotactique puissante
Certains malades décèdent dans un tableau de défaillance vasculaire
cytotoxicité sur les cellules endothéliales
agrégation plaquettaire périphérique irréductible, incapables d’augmenter leurs RVS. Chez
HTAP ces sujets, la régulation tensionnelle dépend essentiellement du QC.
Leucotriènes (LT) Au cours du choc septique, le QC s’élève souvent plus par
LTB4 (agrégation des plaquettes et des polynucléaires, propriété chimiotactique
sur les polynucléaires) augmentation de la FC que par celle du volume d’éjection systolique
LTC4, LTD4 et LTE4 (effet inotrope négatif, cytotoxicité sur les cellules (VES) [130] . Ceci semble indiquer une certaine limitation de la
endothéliales, vasoconstriction veinulaire, HTAP, bronchoconstriction, diminution performance cardiaque dont les mécanismes sont complexes et
de la compliance pulmonaire, libération d’histamine)
intriqués [63]. La défaillance cardiaque est difficile à mettre en
Radicaux libres et métabolites de l’oxygène (MAO)
peroxydation lipidique des membranes cellulaires
évidence dans ce contexte, en raison de l’activation intense du
cytotoxicité sur les cellules endothéliales système sympathique (effets chronotrope et inotrope positifs) et de
Protéases la baisse des RVS qui, en diminuant les résistances à l’éjection du
ventricule gauche (VG), permet le maintien d’un VES normal, voire
Médiateurs humoraux
élevé. La baisse de la fraction d’éjection du VG et l’augmentation du
Système du complément (C3a et C5a, anaphylatoxines) volume télédiastolique sont des modifications précoces intervenant
activation des polynucléaires, des macrophages et des plaquettes dans les 4 premiers jours du choc septique et qui tendent à se
mobilisation des polynucléaires intramédullaires
normaliser entre le septième et le dixième jour [91]. Les troubles de la
vasodilatation
cytotoxicité sur les cellules endothéliales
compliance ventriculaire, notés dans l’évolution du choc septique,
Système kallicréine-kinine sont induits par des anomalies histologiques du myocarde ou par la
libération de bradykinine (vasodilatation, trouble de la perméabilité capillaire) surdistension ventriculaire droite.
activation du complément et du système coagulolytique
La dysfonction myocardique est secondaire à une atteinte directe du
Autres médiateurs
- Catécholamines
muscle strié par les agents infectieux ou par les protéines de
vasoconstriction généralisée l’inflammation.
ouverture des sphincters précapillaires La diminution de la sensibilité des myofilaments au calcium pourrait
augmentation des résistances postcapillaires
expliquer la dilatation ventriculaire rencontrée lors du remplis-
effets inotrope et chronotrope positifs
diminution du volume du système capacitif sage [61, 112], l’augmentation de la compliance myocardique étant un
- Angiotensine facteur d’adaptation à la baisse de la contractilité, alors que l’absence
vasoconstriction artérielle de dilatation des cavités cardiaques est un facteur de mauvais
- Vasopressine pronostic [88, 91].
vasoconstriction artérielle
effet inotrope négatif La présence d’un facteur dépresseur myocardique a été évoquée
agrégation plaquettaire après des études expérimentales et après dosage plasmatique sur
activation du facteur VIII des sujets guéris de leur choc septique [94]. Actuellement, un rôle
- Histamine et sérotonine majeur est attribué à une substance circulante appelée « substance
vasodilatation surtout veineuse dépressive du myocarde ». Retrouvée chez près de la moitié des
cytotoxicité sur les cellules endothéliales
sujets en choc septique, elle est capable d’exercer une puissante
blocage de l’activité phagocytaire
propriété chimiotactique sur les polynucléaires et des lymphocytes
action inotrope négative [29, 94, 98]. Elle n’est pas retrouvée chez les
- Peptides opioïdes endogènes (endorphines, enképhalines) sujets normaux, chez les patients présentant une cardiopathie
atténuation de la réaction catécholaminergique initiale « mécanique » et chez les sujets de réanimation indemnes de sepsis.
hypoalgésie Il s’agirait d’une molécule hydrosoluble de poids moléculaire entre
- Myocardial depressant factor (MDF) 10 000 et 30 000 daltons qui disparaît du sérum à distance de
effet inotrope négatif l’épisode de choc. L’origine en serait des produits de dégradation
HTAP : hypertension artérielle pulmonaire.
issus de tissus hypoxiques et dénaturés. La responsabilité d’une
production excessive de NO a été évoquée [18, 34, 48, 66, 87]. Son rôle dans
CONSÉQUENCES PHYSIOPATHOLOGIQUES l’apparition d’une diminution des RVS a été démontré par
l’augmentation des concentrations plasmatiques des nitrites et des
¶ Conséquences hémodynamiques nitrates chez les patients en choc septique [97, 103, 135]. L’administration
Le choc septique est caractérisé par une baisse des résistances d’un inhibiteur de la NO synthase permet de corriger l’hypotension
vasculaires systémiques (RVS), qui se traduit par une vasodilatation et l’hyporéactivité vasculaire aux catécholamines [115, 118] . Une
avec effondrement de la pression artérielle diastolique [9, 109]. En défaillance isolée ou prédominante du ventricule droit (VD), en
réponse à cette baisse des RVS, la FC et le débit cardiaque (QC) rapport avec l’augmentation des résistances vasculaires
s’élèvent pour maintenir la pression artérielle : c’est le syndrome pulmonaires, la présence de microthrombi intravasculaires et un
hyperkinétique. Si cette compensation est insuffisante, l’évolution se trouble de la contractilité peuvent aggraver la défaillance cardiaque.
fait vers un collapsus puis un état de choc. Une expansion volémique trop agressive en surdistendant le VD

3
8-003-R-10 Choc septique Maladies infectieuses

peut entraîner un déplacement du septum interventriculaire et une ¶ Autres conséquences


compression du VG avec chute du QC. Les anomalies du VD sont
très voisines de celles observées au VG [90]. Conséquences hépatiques et intestinales
Les transaminases hépatiques sont souvent augmentées au cours du
¶ Conséquences respiratoires choc septique [60]. Plusieurs mécanismes sont en cause : le bas débit
hépatique, l’hypoxie, mais aussi l’activation de la coagulation par le
L’atteinte alvéolocapillaire pulmonaire est une complication LPS bactérien qui serait responsable de nécroses cellulaires
fréquente du choc septique. En effet, 30 à 80 % des patients hépatiques comme cela a été démontré récemment [30, 100]. Le foie est
présentant un choc septique vont développer un syndrome de responsable de la synthèse des protéines de l’inflammation et joue
détresse respiratoire aiguë (SDRA) avec hypoxémie sévère et un rôle de filtre du territoire splanchnique par l’intermédiaire des
hypertension artérielle pulmonaire. Les polynucléaires séquestrés et cellules de Kupffer. La dysfonction hépatique va donc
activés par les différentes cytokines se fixeraient à des sélectines s’accompagner d’un défaut de synthèse protéique et d’une
endothéliales par l’intermédiaire de complexes moléculaires ou augmentation de la contamination systémique par des micro-
intégrines (CD11/CD18) qui s’exprimeraient à leur surface [23, 45, 129]. organismes provenant du tractus digestif.
Ils produiraient des radicaux libres oxygénés responsables de la La souffrance intestinale semble être très précoce au cours du choc
destruction des membranes et des protéines nucléaires cellulaires, et septique [89, 122]. Les anomalies de la perfusion et l’hypoxie sont
pourraient contribuer à l’atteinte endothéliale et aux anomalies de favorisées par la structure très particulière de la muqueuse
la vasomotricité associées à cette dysfonction endothéliale. Les intestinale. Les villosités muqueuses sont alimentées en O2 par un
anomalies de vasomotricité seraient aggravées à ce niveau par la contre-courant artérioveineux qui favorise un shunt fonctionnel en
synthèse de médiateurs vasoconstricteurs, dérivés de la synthèse des O2, entre artériole afférente et veinule efférente à la base des
prostanoïdes. De plus, l’examen du tissu pulmonaire de patients villosités. Les situations de bas débit et de dysrégulation de la
avec un SDRA montre, à côté de l’atteinte endothéliale, des zones vasomotricité majorent le shunt et favorisent l’apparition d’une
de microthromboses diffuses. hypoxie à l’apex des villosités intestinales. Les villosités sont
L’activation de la voie extrinsèque de la coagulation par le facteur détruites et un décollement épithélial est observé en histologie. Chez
tissulaire est en partie à l’origine de la coagulation intravasculaire les patients en choc septique, il a été démontré qu’il existait une
disséminée (CIVD). Cliniquement, apparaît alors un SDRA qui diminution de la perfusion et de l’oxygénation gastro-intestinale, en
évolue, soit vers la guérison si les conditions favorables à la dépit de la restauration des paramètres hémodynamiques et
cicatrisation pulmonaire sont réunies, soit vers la fibrose irréversible. d’oxygénation systémiques après remplissage et administration de
vasopresseurs [113] . L’atteinte muqueuse s’accompagne d’une
L’atteinte directe de la membrane alvéolocapillaire, avec
augmentation de la perméabilité intestinale et d’une majoration
augmentation de la perméabilité et œdème alvéolo-interstitiel [22], et
potentielle des phénomènes physiologiques de translocation
l’atteinte des mécanismes de régulation de la vasoconstriction
bactérienne. Cette augmentation de la translocation bactérienne,
hypoxique s’intégrant dans l’atteinte générale de la vasomotricité
associée à une diminution de la fonction filtre du foie, place
du sepsis grave [62] permettent d’expliquer la diminution des
l’organisme dans une situation d’exposition infectieuse explosive.
échanges gazeux pulmonaires.
D’autres mécanismes favoriseraient l’augmentation de la
perméabilité de la muqueuse intestinale : l’acidose muqueuse, même
¶ Conséquences sur les circulations régionales en l’absence d’hypoperfusion ou d’hypoxie [102, 124], le NO qui aurait
et l’oxygénation tissulaire des effets délétères sur les entérocytes en jouant le rôle de
médiateur [114]. Dans tous les cas, l’atteinte hépatique est de sombre
Le transport artériel en O2 (TaO2), produit du QC et du contenu
pronostic dans l’évolution du choc septique.
artériel en O2 (CaO2) doit répondre aux besoins de l’organisme. La
différence de concentration en O2 entre le sang veineux mêlé et le Conséquences rénales
sang artériel traduit la consommation d’O2 (VO2) par les tissus.
Le rein est également atteint précocement dans le choc septique. Les
En cas de déséquilibre entre des apports insuffisants et une VO2 mécanismes sont nombreux : hypovolémie, hypoxie, mais aussi
excessive, le métabolisme cellulaire devient anaérobie avec atteinte des cellules endothéliales, principalement celles du tube
production de lactates. Au cours du choc septique, le TaO2 est altéré proximal, plus sensibles du fait d’une demande métabolique
par baisse du QC, mais aussi par l’altération des échanges gazeux supérieure.
pulmonaires. À l’inverse, la demande en O2 est forte (agitation, La structure de sa microcirculation prédispose le rein à une
fièvre) et les circulations périphériques sont altérées du fait de souffrance précoce au cours du choc septique, comme l’intestin.
l’agression des cellules endothéliales. De plus, la baisse des RVS Cependant, une modification des caractéristiques anticoagulantes de
s’accompagne de nombreuses anomalies de distribution du la surface endothéliale a été observée. Une précipitation des
QC [75, 125]. En effet, la réaction vasomotrice dépend de l’organe complexes thrombine-antithrombine au niveau glomérulaire a été
considéré, de l’activité du système nerveux autonome, de observée à la phase initiale du choc septique. Plus tardivement, il a
l’autorégulation du tonus vasculaire local, et de l’équilibre entre les été noté un décollement endothélial avec exposition du sous-
différents médiateurs. Il semble que le QC se distribue endothélium [127]. Par ailleurs, le rein pourrait être le siège d’une
préférentiellement au cœur, aux poumons, aux glandes surrénales, augmentation de la production d’un puissant vasoconstricteur,
aux muscles squelettiques et au cerveau. l’endothéline [74].
Pour apprécier ces troubles de l’oxygénation, l’étude cinétique du
taux de lactates sanguins est imprécise car une insuffisance rénale Conséquences neurologiques
ou hépatique fréquemment observée lors du choc septique entraîne Au cours du choc septique, le cerveau peut être atteint par l’hypoxie,
un retard à l’élimination de ces lactates. De plus, un le bas débit, l’insuffisance hépatique ou rénale. Deux mécanismes
dysfonctionnement, induit par le sepsis, de la pyruvate peuvent être en cause : l’accumulation de toxines et l’altération du
déshydrogénase, qui conditionne l’entrée du pyruvate dans le cycle fonctionnement des neurotransmetteurs, avec augmentation des
de Krebs, a été décrit expérimentalement. Enfin, le taux des lactates neurotransmetteurs sérotoninergiques, catécholaminergiques, et de
ne détecte pas une souffrance régionale. Aussi, pour disposer d’un faux neurotransmetteurs [10, 86].
marqueur moins grossier, depuis quelques années est utilisée la
mesure du pH intramuqueux (pHi) gastrique, la circulation Conséquences sur l’équilibre coagulolytique
mésentérique étant la première pertubée lors de choc septique. Une La coagulation est déclenchée par l’activation du facteur tissulaire
élévation de la PCO2 gastrique avec baisse du pHi est un bon témoin avec consommation des facteurs de la coagulation, des plaquettes,
de l’hypoxie tissulaire [6, 47, 122]. du facteur V et du fibrinogène, mais aussi des anticoagulants

4
Maladies infectieuses Choc septique 8-003-R-10

naturels (antithrombine III, protéine S et protéine C). De plus, la hyperkinétique), de l’index cardiaque (IC) ou systolique, et une
fibrinolyse serait diminuée et contribuerait à la CIVD du choc diminution de la surface télédiastolique du VG et de la contrainte
septique. Il a été montré que la production de t-PA, initialement systolique. La mise en place d’une sonde de Swan-Ganz permet
augmentée, diminuait secondairement du fait de l’augmentation de d’évaluer l’état hémodynamique et l’oxygénation tissulaire et va
l’inhibiteur de l’activateur tissulaire du plasminogène (PAI-1) par permettre d’adapter au mieux le traitement symptomatique. La
baisse de la protéine C [110, 117]. L’existence d’une CIVD aggrave pression de l’oreillette droite, la pression artérielle pulmonaire
l’hypoxie de tous les organes et donc le pronostic du choc septique d’occlusion (PAPO), les résistances artérielles systémiques, les
[52, 55]
. résistances artérielles pulmonaires, la différence artérioveineuse en
O2 et le coefficient d’extraction en O2 sont abaissés.

Diagnostic du choc septique FOYER INFECTIEUX


Il faut le rechercher. Il est nécessaire, lors de l’admission d’un patient
ÉTAT DE CHOC
suspect de choc septique, de prélever tous les sites possibles. La
Il traduit les conséquences d’une distribution inapropriée du QC et recherche est souvent orientée par l’anamnèse et l’examen clinique
l’inadéquation entre la consommation et les besoins en O2, source initial.
de défaillance multiviscérale.
– Les hémocultures sont systématiques à chaque pic fébrile ou lors
Le tableau clinique n’est pas univoque, allant du choc d’installation
d’une baisse brutale de la température, évoquant classiquement un
brutale avec défaillance cardiaque gravissime d’emblée du fait de
bacille à Gram négatif. Ces hémocultures doivent être prélevées en
l’importance de la toxémie (sepsis fulminant à pneumocoque des
périphérie et sur tous les dispositifs intravasculaires déjà en place
splénectomisés, méningocoque ou streptocoque, transfusion de sang
(cathéter artériel, voie veineuse centrale, dispositif intravasculaire à
contaminé) ou du fait de l’atteinte sévère des moyens de défense
demeure type port-a-cath). Elles ne permettent pas d’examen direct,
(neutropénie), au choc insidieux des septicémies à levures du patient
mais avec les techniques automatisées actuelles, une première
immunodéprimé.
évaluation est possible dès la 24e heure après le prélèvement.
Classiquement, le stade initial est marqué par une accélération de la
FC, alors que l’hypotension est inconstante. La pression artérielle – En présence d’urines troubles, de nitrites, un examen
moyenne peut être conservée si l’hypovolémie relative, secondaire à cytobactériologique des urines (ECBU) doit être demandé, avec
la diminution des RVS, est corrigée, mais la différentielle est élargie, examen direct et mise en culture.
contrairement au choc hypovolémique. En effet, dans ce contexte, la – Devant une symptomatologie pulmonaire, si le patient est encore
diminution de la pression artérielle diastolique est le reflet de la en ventilation spontanée, seuls les prélèvements bronchiques sous
vasodilatation, et l’augmentation de la PAS celui de l’augmentation fibroscopie ont un intérêt (prélèvements bronchiques protégés,
du QC. Les extrémités sont chaudes, sèches, bien perfusées, le pouls brosse protégée). Une fois que les voies aériennes supérieures sont
est bondissant, réalisant le classique tableau de choc chaud. Les protégées et que le patient est ventilé, les prélèvements peuvent être
premiers signes d’atteinte viscérale sont souvent déjà présents. La réalisés par la sonde d’intubation ou la canule de trachéotomie
polypnée initiale avec PaCO2 basse laisse rapidement la place à une (prélèvement bronchique protégé avec ou sans fibroscopie, lavage
hypoxémie par anomalie du rapport ventilation/perfusion. Des bronchoalvéolaire, brosse protégée). Il faut proscrire les
modifications discrètes de l’humeur, de la conscience ou une prélèvements perfibroscopiques non protégés, ininterprétables du
confusion apparaissent précocement, parfois avant toute anomalie fait de la contamination du fibroscope lors du passage dans
hémodynamique [75]. Il est déjà possible de retrouver une atteinte l’hypopharynx. Le prélèvement bronchique protégé, sensible,
rénale (élévation de l’urée et de la créatinine sanguine) et de la spécifique, atraumatique, peut être facilement répété. La présence
fonction hépatique, une intolérance glucidique, une hypoalbu- de cellules bronchiques sur le prélèvement bronchique protégé signe
minémie, une thrombopénie, une apparition de D-dimères. une contamination du liquide alvéolaire par du liquide bronchique.
L’hyperleucocytose est fréquente, mais une leucopénie initiale En revanche, la présence, dès l’examen direct, de polynucléaires, a
transitoire est possible, même en dehors d’une maladie fortiori s’ils sont altérés, est un élément de grande valeur en faveur
hématologique ou d’une atteinte médullaire toxique médica- de l’origine bactérienne de la pneumopathie.
menteuse. La brosse protégée télescopique, plus coûteuse, ne permet pas
L’évolution est marquée par l’aggravation des signes de souffrance d’examen direct mais, en revanche, elle peut être dirigée sous
tissulaire périphérique, avec apparition de marbrures qui débutent contrôle de la vue vers la zone purulente. Le brossage doit être
classiquement à la face interne des genoux pour s’étendre aux réalisé avant l’instillation de produits fluidifiants ou anesthésiques
membres inférieurs et à l’abdomen, d’une oligurie inférieure à locaux qui perturbent la flore locale.
0,5 mL·kg -1 ·h -1 et d’un état d’agitation, témoin du manque Les examens de crachats sont peu contributifs. Leur seul intérêt reste
d’oxygénation du cerveau. La FC s’élève, le pouls est filant, la PAS la recherche de légionelles.
est basse et la différentielle pincée, les extrémités sont froides, moites – Toutes les plaies doivent être prélevées, ainsi que tous les
et cyanosées, la polypnée s’aggrave et la respiration est superficielle. écoulements de pus et les liquides de drainage.
– En peropératoire, si un geste chirurgical s’est avéré nécessaire, il
CHOC INFECTIEUX faut insister pour que l’opérateur fasse des prélèvements au niveau
Le diagnostic est aisé quand il existe un foyer infectieux du site opératoire dès l’ouverture et surtout avant utilisation de
cliniquement et/ou bactériologiquement identifié, mais ce foyer liquide de lavage. Ces prélèvements ne doivent en aucun cas rester
n’est pas toujours évident dès l’examen clinique d’admission. Il doit en salle, mais être rapidement acheminés au laboratoire après avoir
être recherché de manière systématique, surtout s’il existe un prévenu le bactériologiste. L’examen direct est souvent riche de
contexte favorisant comme un terrain débilité, une période renseignements, mais ne dispense en aucun cas de la mise en culture
postopératoire d’une chirurgie urologique ou digestive, un séjour sur milieux aéro- et anaérobie.
récent en réanimation ou une ventilation artificielle. Des frissons, – Les prélèvements des liquides de drainages postopératoires doivent
une polynucléose neutrophile chez un patient tachycarde, également être réalisés, avec séparation claire des différents
tachypnéique et oligurique, doivent faire évoquer le diagnostic. La drainages.
fièvre est bien sûr de grande valeur, mais elle peut être absente si le La liste de ces prélèvements ne peut être limitative : une ponction
patient est dans un état débilité, incapable de se défendre (> 38,5 °C lombaire, de sinus, des prélèvements gynécologiques peuvent être
ou < à 36,5 °C). nécessaires. Chaque fois que possible, un examen direct, une
La réalisation d’une échographie-doppler cardiaque au lit du patient coloration de Gram et une numération des germes doivent être
montre classiquement une augmentation initiale du QC (syndrome demandés.

5
8-003-R-10 Choc septique Maladies infectieuses

Une collaboration quotidienne, voire pluriquotidienne, entre le interstitielle et l’augmentation du débit lymphatique [39, 95]. Les
clinicien et le microbiologiste est indispensable à l’identification, la solutés salés hypertoniques ont des avantages théoriques nombreux :
plus précoce possible, du germe en cause, afin d’instaurer d’urgence apports moins importants, faible coût, augmentation rapide de la
le traitement antibiotique le mieux adapté. Cette collaboration masse plasmatique, amélioration de la contractilité myocardique,
médicale doit également permettre de distinguer une simple effet de réduction de l’œdème interstitiel [116]. Cependant, ces effets
colonisation avec isolement de germes pathogènes sur un site semblent n’être que transitoires et leur bénéfice à terme n’est pas
normalement souillé et sans signes infectieux généraux, d’une encore démontré. De plus, le risque d’hypernatrémie n’est pas
infection patente à traiter, avec isolement de germes pathogènes ou négligeable.
non, sur un site normalement stérile, avec un nombre important de
Les colloïdes de synthèse (gélatines et dérivés de l’hydroxy-éthyl-
germes isolés et des signes généraux inquiétants. La présence d’une
amidon) ont une demi-vie plus longue, mais sont d’un coût plus
colonisation permet néanmoins de dresser une cartographie
important et exposent au risque de complications anaphylactiques.
bactérienne du patient et de traiter sans retard dès l’apparition de
Leur diffusion dans les tissus interstitiels peut aggraver l’œdème en
signes généraux. L’isolement d’une association de germes, de
augmentant la pression oncotique interstitielle. L’albumine humaine
pathogénicité et de sensibilité différentes peut poser de difficiles
(colloïde naturel) est sans risque allergique, mais d’un coût élevé.
problèmes thérapeutiques, avec parfois des « impasses
thérapeutiques ». Dans certains cas, aucun germe n’est mis en Après avoir été comparée à divers solutés de remplissage, aucun
évidence, du fait essentiellement d’une antibiothérapie préalable, argument n’a été retrouvé en faveur de sa supériorité en termes
mais aussi lié à des problèmes techniques (bactéries difficiles à d’expansion volémique ou de demi-vie [116]. En pratique, à la phase
cultiver). précoce de l’infection, les cristalloïdes permettent de compenser
jusqu’à 50 % de la masse plasmatique. Ensuite, l’introduction de
colloïdes devient licite pour maintenir une pression oncotique
correcte [41].
Prise en charge thérapeutique
L’objectif de la prise en charge d’un choc septique est de restaurer • Comment remplir ?
un état hémodynamique satisfaisant et d’assurer une ventilation La quantité liquidienne nécessaire pour reconstituer la volémie est
efficace, au besoin par une ventilation mécanique. La prise en charge difficile à prévoir. Le remplissage doit être réalisé de façon prudente,
doit être précoce pour interrompre le processus physiopathologique en surveillant régulièrement l’état clinique. Des perfusions itératives
responsable d’une souffrance tissulaire, qui, elle-même, aggrave de 5 à 7 mL·kg-1 en 20 à 30 minutes ont été proposées [80]. Ces
l’état de choc. Elle ne peut cependant se concevoir sans une stratégie quantités, adaptées en fonction de l’âge et d’éventuels antécédents
de recherche du foyer infectieux en cause, d’éradication de ce foyer cardiaques doivent être poursuivies jusqu’à correction des troubles
par une antibiothérapie précoce puis adaptée aux données hémodynamiques (réduction de la tachycardie, élévation de la PAS,
bactériologiques et/ou un geste chirurgical, si ce foyer est accessible. normalisation de la pression différentielle, reprise éventuelle de la
Cette prise en charge globale, en unité de soins intensifs ou en diurèse, disparition des marbrures cutanées, normalisation de l’état
réanimation, est le meilleur garant de la survie du patient en choc de conscience).
septique, d’autant qu’une étude prospective contrôlée réalisée chez
l’animal permet de suggérer l’existence d’une synergie d’action entre Ce remplissage peut être guidé initialement sur les valeurs de la
le support hémodynamique et l’antibiothérapie [93]. pression veineuse centrale pour les patients au cœur sain. En
pratique :
– si la pression veineuse centrale est inférieure à 5 cmH2O, il faut
TRAITEMENT SYMPTOMATIQUE
débuter un remplissage de 200 mL en 10 minutes, à renouveler
¶ Optimiser l’état hémodynamique jusqu’à amélioration de l’état hémodynamique ;
– si la pression veineuse centrale est comprise entre 5 et 15 cmH2O,
Au cours du choc septique, l’insuffisance cardiocirculatoire a
plusieurs facteurs : l’hypovolémie, la vasodilatation systémique, l’apport de 200 mL doit être prudent ; en effet, au-delà de cette
l’atteinte myocardique, l’altération de la régulation des circulations valeur, le gain sur le QC est négligeable et le risque d’œdème
régionales et de la microcirculation. pulmonaire s’accroît ; au cours de la perfusion, si la pression
veineuse centrale augmente de plus de 5 cmH2O, celle-ci doit être
Restaurer la volémie interrompue ; si cette augmentation est comprise entre 2 et 5 cmH2O,
il faut recontrôler la pression veineuse centrale avant de poursuivre
Restaurer une volémie efficace est un impératif commun à tous les le remplissage ; enfin, si l’augmentation de la pression veineuse
malades présentant un choc septique. D’une part, l’anorexie centrale n’est pas supérieure à 2 cmH2O, celui-ci doit être poursuivi ;
fréquente, l’arrêt de prise alimentaire, l’existence d’une occlusion
intestinale primitive ou réflexe, de vomissements, d’une fièvre ou – si la pression veineuse centrale initiale est supérieure à 15 cmH2O,
d’une polypnée, favorisent les pertes hydroélectrolytiques. D’autre il ne faut ni débuter, ni poursuivre un remplissage vasculaire.
part, les troubles de la vasomotricité et l’atteinte de l’endothélium À côté de l’échographie-doppler cardiaque, la mesure de la PAPO
vasculaire sont à l’origine d’une fuite plasmatique qui peut être permet d’apprécier la pression de remplissage du VG, dont la valeur
importante. Il existe donc toujours une masse sanguine circulante idéale doit être comprise entre 12 et 15 mmHg. Cependant, au cours
inadaptée, avec baisse du retour veineux et une précharge diminuée. du choc septique, il existe une variabilité interindividuelle de la
L’expansion volémique est donc la première mesure du traitement PAPO due aux modifications de compliance ventriculaire et elle
du choc septique et de grandes quantités de liquide peuvent être sous-estime souvent la pression capillaire pulmonaire, surtout si les
nécessaires. résistances veineuses postcapillaires sont élevées, d’où le risque
d’œdème pulmonaire [116]. Lorsque le remplissage vasculaire devient
• Avec quoi remplir ? efficace sur la diurèse, il est parfois utile de le poursuivre si les
Les cristalloïdes comme le sérum salé à 0,9 % et le Ringer lactatet valeurs de PAPO l’autorisent. En effet, au cours du choc septique, la
qui contient 6 g·L-1 de sodium sont de faible coût et sans risque VO2 augmente avec le QC.
anaphylactique. Ils diffusent facilement dans l’interstitium, ont une Ce remplissage, même bien conduit, est souvent insuffisant pour
demi-vie courte et un important volume de distribution, ce qui obtenir une PAS de 90 à 100 mmHg ou une pression artérielle
impose l’emploi de quantités importantes et favorise l’apparition moyenne de 60 à 65 mmHg. Il est alors nécessaire d’utiliser des
d’un œdème interstitiel, pourtant limité, par la baisse de la pression agents cardio- et vasoactifs pour rétablir une pression de perfusion
oncotique interstitielle, l’augmentation de la pression hydrostatique et une performance ventriculaire adaptées.

6
Maladies infectieuses Choc septique 8-003-R-10

Rétablir une pression de perfusion et une performance • Comment utiliser les agents cardio- et vasoactifs ?
ventriculaire adaptées Après réalisation de l’expansion volémique, la persistance de l’état
L’intérêt des médicaments stimulant les récepteurs a (dopamine, de choc fait prescrire l’emploi d’agents cardio- et vasoactifs titrés,
noradrénaline) découle des mécanismes physiopathologiques du habituellement pour restaurer une tension artérielle et, si possible,
choc septique (troubles de la vasomotricité, atteinte de l’endothélium un débit urinaire dans les limites de la normale. Leur maniement
vasculaire avec fuite plasmatique). L’action veinoconstrictrice de ces doit impérativement être guidé sur la mesure de la pression
médicaments favorise le retour veineux, et donc le maintien d’une veineuse centrale, sur les données de l’échographie-doppler
précharge ventriculaire optimale avec un minimum d’effets délétères cardiaque transthoracique ou œsophagienne, et/ou celles d’un
sur la fonction pulmonaire [77, 81]. Mais l’emploi de ces médicaments cathéter de Swan-Ganz. Dans certaines circonstances, l’interprétation
ne peut se concevoir qu’après correction de la précharge pour des valeurs de PAPO peut être source d’erreur, en particulier
prévenir l’apparition d’une tachycardie sévère, mal tolérée sur le lorsqu’il existe des troubles de la compliance du VG comme au cours
plan hémodynamique, avec risque de désamorçage cardiaque [119]. du choc septique, des ischémies myocardiques et lors de la
ventilation avec pression expiratoire positive (PEP). En dépit de ces
limites et en attendant la généralisation des méthodes de
• Quels agents cardio- et vasoactifs utiliser ? surveillance échocardiographique, la mise en place d’une sonde de
La dopamine reste aujourd’hui recommandée comme la première Swan-Ganz s’impose dans les situations à haut risque d’œdème
catécholamine à utiliser dans le choc septique [111]. Elle possède à la pulmonaire et chaque fois qu’une dysfonction ventriculaire gauche
fois un effet myocardique de type b-agoniste et un effet périphérique est à craindre. Bien plus qu’un moyen d’appréciation de
de type a-agoniste dont l’intensité varie avec la posologie. Pour des l’hypovolémie, le cathétérisme droit doit être considéré comme un
doses de 5 à 10 µg·kg - 1 ·min - 1 , les effets b entraînent une moyen de surveillance de l’expansion volémique dans les situations
augmentation de la FC, du VES et du QC. complexes où elle doit être adaptée au contexte cardiovasculaire et
respiratoire. Les cathéters avec fibre optique permettant une
À la posologie de 10 µg·kg-1·min-1, les effets vasoconstricteurs a
surveillance continue de la saturation veineuse en O2 (SvO 2 )
apparaissent, alors que les effets inotropes positifs persistent.
peuvent être utiles, bien que le niveau optimal de SvO2 soit difficile
Cependant, au cours du sepsis sévère, il a été montré un gain
à déterminer. De façon habituelle, une valeur de SvO2 inférieure à
significatif en termes de QC sans modification des RVS, une
60 % témoigne d’une baisse marquée du QC. Cependant, au cours
diminution des résistances artérielles pulmonaires et une
du choc septique, une hypoxie tissulaire peut exister alors que la
aggravation du shunt pulmonaire [64]. Des résultats comparables ont
SvO2 est normale en raison des perturbations de l’extraction d’O2 [4].
été trouvés pour des posologies supérieures à 20 µg·kg-1·min-1 [104].
La noradrénaline est un puissant vasopresseur habituellement utilisé • Quels sont les objectifs ?
en cas de choc réfractaire à la dopamine [111]. Par rapport à la Le QC n’est pas un indice pronostique très fiable dans le choc
dopamine, elle se comporte comme un a-agoniste en augmentant la septique [92]. L’infection augmentant les besoins énergétiques, pour
pression artérielle moyenne et en améliorant la fonction ventriculaire favoriser un apport optimal d’O2 et de nutriments aux tissus péri-
gauche [58, 64, 79, 104]. Ainsi, l’utilisation de la noradrénaline à des doses phériques, un IC supérieur de 50 % à la normale (> 4 L·min-1·m-2)
de 0,05 à 0,5 µg·kg -1 ·min -1 peut être recommandée lorsque la est un objectif à atteindre [78]. Mais chez certains malades, l’évolution
performance cardiaque est préservée et celle de la dopamine lorsque défavorable du choc septique se fait dans un tableau associant une
la performance cardiaque est altérée. L’association dopamine- baisse importante des RVS et un IC normal ou élevé jusqu’à une
noradrénaline est logique dans une situation associant hypotension période proche du décès. Cette intense vasoplégie, signe d’une
réfractaire et dépression de la performance cardiaque [68]. L’utilisation sévère défaillance circulatoire périphérique, est le plus souvent à
d’un vasopresseur expose au risque d’hypoperfusion tissulaire l’origine d’un décès précoce (deuxième au sixième jour), alors que
périphérique avec des effets sur le TaO2 et la VO2 variables [59]. le décès par défaillance polyviscérale survient plus tardivement
Plusieurs études ont montré l’effet bénéfique de la noradrénaline, (huitième au 20e jour) [92]. À l’inverse, il a été démontré que des
même à faibles doses, sur la réapparition de la diurèse, alors que la valeurs d’IC supérieures à 4 L·min-1·m-2, de TaO2 supérieures à 550
volémie n’était pas forcément optimale [40, 59, 77, 85] . Mais cette à 600 mL·min-1·m-2 et de VO2 supérieures à 150 à 170 mL·min-1
augmentation serait inconstante [54]. étaient régulièrement retrouvées chez les malades survivants [44, 106].
L’adrénaline, de par ses propriétés a et b1-adrénergiques, est capable Des objectifs peuvent être définis pour la prise en charge
d’augmenter le QC et le tonus vasoconstricteur. À faible posologie, hémodynamique du choc septique : une PAS supérieure à
100 mmHg, une FC proche de 100 battements·min-1, une diurèse de
l’effet vasoconstricteur est moins intense qu’avec la noradrénaline,
0,5 à 1 mL·kg-1·h-1, une pression veineuse centrale entre 14 et
du fait des propriétés b2-mimétiques associées. Pour des posologies
15 cmH2O, une PAPO entre 12 et 15 mmHg, un IC supérieur à
de 0,05 à 0,5 µg·kg-1·min-1, le QC augmente sans modification des
4 L·min-1·m-2, des RVS supérieures à 600 dynes·s·cm-5, une SvO2
RVS [76]. À fortes doses, les effets b2-mimétiques tendent à disparaître
entre 65 et 70 %, un TaO2 supérieur à 550 à 600 mL·min-1·m-2, un
et l’effet vasoconstricteur devient plus intense. Ainsi, l’adminis-
pHi supérieur à 7,30 et des lactates artériels inférieurs à 3 mmol·L-1.
tration d’adrénaline à des posologies de 0,5 à 1 µg·kg-1 ·min -1
S’il est possible de répondre aux objectifs concernant l’IC, les RVS
s’accompagne d’une augmentation de la pression artérielle
ou le TaO2, il faut en pratique que ces objectifs soient obtenus
moyenne, de la pression artérielle pulmonaire, des RVS, de l’IC et
simultanément. Normaliser la pression artérielle au prix d’une
du VES, sans modification de la FC [12] . Mais en dépit d’une intense vasoconstriction avec baisse de l’IC ne présente aucun
augmentation du TaO2 et de la VO 2 , et d’une diminution de intérêt. De même, obtenir de façon isolée un IC élevé n’est pas un
l’extraction périphérique de l’O2, les lactates restent souvent élevés. objectif en soi, de nombreux malades décédant avec de telles valeurs
De par ses propriétés b1-agonistes, la dobutamine possède une d’IC [85, 92]. L’amélioration de la diurèse, qui dépend de nombreux
puissante action inotrope positive. Elle est actuellement facteurs dont la durée de l’état de choc et les antécédents du malade,
recommandée lorsque l’IC est inférieur à 2,5 L·min-1·m-2 [111]. Les n’est pas toujours possible.
effets vasodilatateurs de la dobutamine, liés à l’activation des
récepteurs b2, sont équilibrés par une activité a-mimétique Quelle stratégie thérapeutique envisager ?
vasoconstrictrice. Contrairement à la dopamine, à la noradrénaline En pratique, si l’IC est supérieur à 4 L·min -1 ·m -2 et les RVS
ou à l’adrénaline, la dobutamine réduit la PAPO et augmente le inférieures à 600 à 700 dynes·s·cm - 5 , ce tableau de choc
shunt pulmonaire chez le patient en choc septique et sous ventilation hyperkinétique est une excellente indication de l’emploi de
mécanique [65, 126]. Il n’a pas été démontré que le fait d’augmenter le noradrénaline comme seul médicament à des posologies allant de
QC avec de la dobutamine au cours du choc septique permettait 0,5 à 5 µg·kg-1·min-1 [78]. La dose doit être titrée pour ramener la
d’augmenter de façon systématique le TaO2 et la VO2. pression artérielle moyenne à une valeur supérieure à 80 mmHg

7
8-003-R-10 Choc septique Maladies infectieuses

État de choc dans un contexte infectieux 1 Stratégie thérapeutique en présence d’un état de choc dans
un contexte infectieux. PAS : pression artérielle systolique ;
PVC : pression veineuse centrale ; RVS : résistances vasculai-
SUCCÈS Remplissage vasculaire MONITORAGE res systémiques ; PAPO : pression artérielle pulmonaire d’oc-
PAS ≥ 100 mmHg 5 à 7mL . kg –1 en 20 min PAS clusion ; IC : index cardiaque.
Diurèse > 0,5 mL.kg-1.h-1 (cristalloïdes, colloïdes) Diurèse
PVC = 12 à 15 cmH2O PVC
Échocardiographie
Échec
PAS < 80 mmHg
Oligurie

PVC < 5 cmH2O 5 cmH2O < PVC < 15 cmH2O PVC > 15 cmH2O
Remplissage Remplissage vasculaire prudent
vasculaire PVC > 5 cmH2O = Stop
PVC : 2 et 5 cmH2O = Attendre
PVC < 5 cmH2O = Poursuivre

Échec

Dopamine :
10 à 20 µg . kg –1 . min –1
SUCCÈS par paliers de 2 à 5 µg . kg –1 . min –1
PAS ≥ 100 mmHg toutes les 10 minutes
Diurèse > 0,5 mL.kg-1.h-1 MONITORAGE
PVC = 12 à 15 cmH2O Swan-Ganz
Échec Échocardiographie

PAPO < 12 mmHg


12 mmHg < PAPO < 14 mmHg PAPO > 14 mmHg
IC < 2,5 L . min –1 . m –2 IC > 4 L . min –1 . m –2
RVS > 800 dynes.s . cm –5 RVS < 600 dynes.s . cm –5

Défaillance cardiaque Défaillance vasculaire


prédominante

Dopamine : Noradrénaline :
20 µg . kg –1 . min –1 0,5 à 5 µg . kg –1 . min –1
+ Dobutamine : ± Dobutamine :
5 à 15 µg . kg –1 . min –1 5 à 15 µg . kg –1 . min –1

Échec

Adrénaline seule :
0 à 5 µg . kg –1 . min –1

et/ou les RVS à une valeur supérieure à 700-900 dynes·s·cm-5 (fig 1). la noradrénaline est d’abord utilisée, associée ensuite si besoin à la
L’effet presseur peut aussi être obtenu par l’emploi de dopamine à dobutamine. Cette association permet le plus souvent de normaliser
des posologies supérieures à 15 µg·kg-1, mais de nombreux malades les perturbations hémodynamiques. Pour un TaO2 optimal (550 à
peuvent ne pas répondre à ce traitement et garder des RVS basses. 600 mL·min-1·m-2), le maintien d’un IC supérieur à 4 L·min-1·m-2,
Si l’IC est inférieur à 2,5 L·min -1 ·m -2 , c’est l’indication de la d’un taux d’hématocrite proche de 30-33 % et d’une SaO2 normale
dopamine et surtout de la dobutamine (5 à 20 µg·kg-1·min-1) [65]. Si permet de remplir cet objectif. La noradrénaline doit être utilisée
au cours de la perfusion de dobutamine l’IC s’élève mais que les pour ramener les RVS à la normale et non pour obtenir des valeurs
RVS restent basses (< 700 à 800 dynes·s·cm-5), l’association à la supérieures à 1 200 dynes·s·cm-5. Ainsi, le risque d’oligurie est quasi
noradrénaline est souvent utile. En cas d’échec, l’adrénaline peut
inexistant. L’IC étant maintenu à des valeurs hautes, la pression de
être associée au traitement. Cette défaillance cardiaque sévère,
perfusion des glomérules s’élève et la diurèse est favorisée [77].
justifiant l’emploi de médicaments inotropes puissants, parfois en
association, peut se rencontrer chez des malades ayant eu une Après stabilisation des anomalies hémodynamiques pendant une
évolution prolongée avant le traitement, ou bien apparaître en cours période de 12 à 18 heures, on peut envisager le sevrage des
de traitement. Elle peut soit résister à tous les traitements et causer médicaments. Il doit être très progressif, en particulier lors de
la mort du malade [92], soit totalement régresser [94]. En cas de doute, l’emploi de noradrénaline. Plusieurs jours sont parfois nécessaires.

8
Maladies infectieuses Choc septique 8-003-R-10

Un apport supplémentaire de liquide (1 000 à 1 500 mL/j) est utile Conséquences mais aussi facteurs d’aggravation, les désordres
pour compenser la vasoplégie relative induite par le sevrage des métaboliques doivent être recherchés et corrigés. C’est le cas d’une
agents a-mimétiques. hypoglycémie, d’une hypophosphorémie, d’une hypocalcémie ou
d’une hypomagnésémie.
¶ Optimiser l’oxygénation tissulaire Quant à l’acidose généralement lactique, il semble actuellement licite
L’oxygénation est indispensable pour améliorer le TaO 2 de de ne la corriger que lorsque le pH sanguin est inférieur à 7,20, avec
l’organisme [131]. Celle-ci se fait soit par lunettes qui ne permettent de préférence du dichloroacétate ou du Carbicarbt, plutôt que des
pas un débit important d’O2, soit par sonde, soit au masque. Si la bicarbonates [8, 26].
SpO2 reste inférieure à 92 %, il faut passer au masque à haute
concentration, qui fournit de l’O2 avec une fraction inspiratoire en TRAITEMENT ÉTIOLOGIQUE
O2 (FiO2) proche de 0,6. Si l’oxygénation est insuffisante, une Traitement symptomatique et étiologique doivent être menés de
ventilation spontanée avec PEP (VS-PEP) est utilisée, à condition que front. Le traitement étiologique repose sur l’antibiothérapie et
le patient soit suffisamment conscient pour être coopérant, ce qui l’éradication du foyer infectieux.
n’est pas toujours le cas. La PEP est réglée entre 5 et 10 cmH2O,
selon la tolérance et l’efficacité, par courtes périodes plusieurs fois ¶ Traitement antibiotique
répétées sur la journée. L’étape ultime de l’oxygénation d’un patient
en choc septique est la ventilation mécanique, seul moyen Quand débuter le traitement antibiotique ?
d’augmenter la FiO 2 . Cette ventilation mécanique permet Le traitement antibiotique est une urgence. Il doit débuter dès le
d’améliorer les échanges gazeux alvéolaires, de diminuer la VO2 des diagnostic de choc septique posé et être poursuivi parallèlement aux
muscles respiratoires et aussi la postcharge du VG, et elle pourrait autres mesures thérapeutiques. Il est d’abord empirique ou
prévenir le développement d’un SDRA qui est retrouvé chez environ probabiliste, puis adapté le plus rapidement possible à partir des
50 % de ces patients. résultats de l’examen direct de divers prélèvements, de l’isolement
La prise en charge d’une insuffisance respiratoire aiguë, et tout du ou des germes et de l’antibiogramme. Cette antibiothérapie
particulièrement d’un SDRA, doit être rapide et impose le recours à initiale doit être orientée en fonction de l’état clinique du patient, de
des modalités ventilatoires dont les conséquences peuvent être la localisation du ou des foyers infectieux à traiter et du terrain, afin
délétères sur le plan hémodynamique. La transfusion de concentrés d’en déduire le ou les germes potentiellement responsables de
globulaires est utile afin d’améliorer le TaO2. Il semble raisonnable l’infection et de choisir l’antibiotique en fonction de ses propriétés
d’obtenir un taux d’hémoglobine autour de 10 g·dL-1. Les concentrés pharmacologiques [3].
globulaires ont un intérêt dans le maintien du CaO2 et du TaO2.
Pour cela, des valeurs d’hématocrite comprises entre 27 et 33 % ont Sur quels critères choisir ce traitement antibiotique ?
été recommandées, alors que le bénéfice de la normalisation du taux
d’hémoglobine n’a pas été démontré. Il semble cependant • Localisation du site infectieux
raisonnable de considérer le patient en état de choc septique comme Elle est déterminante dans le choix de la stratégie anti-infectieuse :
un patient à risque. Il est donc souhaitable de maintenir le taux
– soit l’infection atteint directement un organe essentiel (endocarde,
d’hémoglobine à plus de 10 g·dL -1 et l’hématocrite autour de
méninges) non accessible chirurgicalement ;
30 % [41].
La qualité de l’oxygénation tissulaire peut être évaluée par le – soit le traitement de cette infection est chirurgical (péritonite,
dosage des lactates dans le sang artériel (normalement inférieur à angiocholite, médiastinite, pyélonéphrite) mais une antibiothérapie
2 mmol·L-1). Mais ce paramètre de surveillance essentiel au cours doit précéder le geste ;
du choc septique a des limites (alcalose ventilatoire, augmentation – soit l’infection est inaccessible aux prélèvements (cholécystite) :
des catécholamines exogènes, insuffisance hépatocellulaire, etc) et, l’antibiothérapie doit être choisie sur des critères portant sur la
plus qu’un chiffre, c’est l’évolution de celui-ci qui doit guider la fréquence et la probabilité qu’un germe soit plus particulièrement
thérapeutique [73]. D’autres méthodes peuvent être utilisées. L’oxygen impliqué en fonction des données de la littérature.
flux test consiste à évaluer l’évolution de la VO2 après augmentation Le terrain est important à considérer à plusieurs titres. L’attitude
du TaO 2 sur une période courte, par remplissage vasculaire, thérapeutique va dépendre du mécanisme d’apparition de
transfusion, utilisation de dobutamine à 5 µg·kg -1 ·min -1 , de l’infection :
prostacycline ou d’une PEP. Même si un travail multicentrique
montre que les patients qui augmentent le plus leur VO2 avec la – soit elle est due à un germe particulièrement virulent chez un sujet
dobutamine ont un meilleur pronostic, cette technique n’est pas de aux défenses conservées mais dépassées ;
pratique courante et nécessite d’être encore évaluée [120]. Il en est de – soit elle est due à une diminution des défenses (infection virale,
même pour l’évaluation de la différence artérioveineuse en CO2 et intoxication alcoolique aiguë) vis-à-vis du germe en cause
du pHi [123]. (pneumocoque, méningocoque) ;
– soit elle est secondaire à un germe peu virulent mais en grande
¶ Optimiser l’état nutritionnel et métabolique quantité, chez un sujet aux défenses altérées, comme c’est le cas des
Au cours des états septiques, l’augmentation des besoins infections nosocomiales surtout quand elles surviennent chez les
nutritionnels et l’état d’hypercatabolisme plaident pour polytraumatisés, les brûlés, les splénectomisés, les cirrhotiques, les
l’introduction précoce d’une alimentation artificielle [17]. Les effets insuffisants rénaux, les sujets dénutris ou atteints d’affections
bénéfiques d’une alimentation entérale précoce ont été mis en malignes et les grands vieillards [3].
évidence chez le brûlé, le polytraumatisé et en période L’atteinte initiale ou au cours de l’évolution du choc septique d’une
postopératoire, mais restent encore discutés au cours des états ou de plusieurs grandes fonctions de l’organisme doit conduire à
septiques graves et du choc septique [28]. choisir les molécules les moins toxiques (foie, rein), à adapter les
Cependant, cette nutrition ne peut être un objectif prioritaire chez posologies quotidiennement et à ne pas conserver un antibiotique
les patients dont l’état hémodynamique reste mal stabilisé et qui s’il n’est pas utile.
sont initialement indemnes de déficit nutritionnel. La voie entérale
doit toujours être préférée (voie plus physiologique, risque • Germe(s) suspecté(s) en cause
infectieux moindre, préservation de la muqueuse digestive, qualité Quarante-sept pour cent des états septiques graves sont d’origine
nutritionnelle, moindre coût), mais elle n’est pas toujours réalisable nosocomiale. Les principaux foyers sont respiratoires (42 %),
(arrêt du transit, période postopératoire digestive, utilisation de abdominaux (34 %), suivis par les urines (9 %), les parties molles
morphiniques pour la sédation et de curares) [32]. (5 %) et les cathéters (5 %) [24].

9
8-003-R-10 Choc septique Maladies infectieuses

Les germes identifiés sont dans 42 % des cas à Gram négatif, plus AUTRES MOYENS THÉRAPEUTIQUES
fréquents au cours des infections nosocomiales (51 %) que
communautaires (34,5 %). Les germes le plus souvent rencontrés ¶ Corticoïdes
sont Escherichia coli (17,5 %), Pseudomonas aeruginosa (9,5 %), les
Les corticoïdes permettent d’éviter une réponse inflammatoire
bactéries du groupe Klebsiella, Enterobacter, Serratia (10,5 %) et les
exagérée et délétère. Ils bloquent les facteurs nucléaires de
anaérobies (6 %) [3]. Les germes à Gram positif sont de plus en plus
transcription de nombreux gènes [72] et agissent en synergie avec
souvent en cause.
l’IL1ra et les cytokines anti-inflammatoires. Administrés à doses
thérapeutiques, ils diminuent le taux circulant des marqueurs pro-
• Données épidémiologiques inflammatoires, tandis qu’une administration trop courte est suivie
La provenance du patient d’un service de médecine ou de chirurgie, d’un rebond et d’une détérioration de l’état clinique [21]. En 1976,
un séjour antérieur en réanimation, sont des éléments qui doivent une étude prospective, randomisée, en double aveugle rapportait
orienter vers certaines espèces de germes et surtout vers des souches des effets très favorables des corticoïdes à fortes doses (30 mg·kg-1
résistantes. L’éventualité d’un traitement antibiotique dans les de méthylprednisolone) et de courte durée (environ 24 heures) sur
antécédents doit faire craindre une résistance à cette même une population de 172 patients en choc septique [105].
antibiothérapie, mais aussi faire évoquer une résistance croisée. La La mortalité était de 40 % dans le groupe placebo contre 10 à 20 %
gravité de la situation clinique ne doit cependant pas faire choisir dans le groupe traité par les corticoïdes. Mais à partir de 1984, le
de façon systématique la molécule la plus récente ayant un spectre doute s’installe [107] et, en 1995, deux méta-analyses concluaient qu’il
d’action le plus large. Cette attitude favorise l’émergence de germes n’existait aucun effet bénéfique des corticoïdes chez les patients en
multirésistants au sein du service et peut secondairement conduire état septique sévère ou en choc septique [36, 71]. Cependant, l’une
à des impasses thérapeutiques. L’histoire clinique du patient, mais concluait qu’au cours des chocs septiques à Gram négatif, leur
aussi l’histoire infectieuse du service ou de l’établissement utilisation pouvait être bénéfique [71], alors que la seconde attirait
hospitalier doivent donc faire partie du choix de cette l’attention sur l’existence d’un risque de mortalité accru par infection
antibiothérapie probabiliste, pour qu’elle soit la mieux adaptée secondaire chez les patients traités [36]. Ces dernières années, le
possible. Il est maintenant clairement établi que la mise en route concept d’insuffisance surrénale relative a conduit à l’utilisation de
d’une antibiothérapie initiale inadaptée augmente la mortalité faibles doses de corticoïdes (300 mg/24 heures d’hydrocortisone) [102].
hospitalière [25, 70, 128]. Celle-ci passe de 10,5 % à 13,3 %, même si cette Depuis, deux études prospectives, randomisées, en double aveugle
antibiothérapie est rapidement corrigée dès que les prélèvements contre placebo, n’incluant que des patients en choc septique traités
(hémocultures) sont connus positifs et adaptée sur les premiers par des vasopresseurs, ont été réalisées [13, 20]. L’une montrait une
résultats bactériologiques [128]. tendance à l’amélioration de la mortalité à 28 jours et l’intérêt
prédictif du délai de réversibilité du choc [13]. Avant le huitième jour,
Faut-il associer les antibiotiques ? la survie à 28 jours était de 84 %, alors qu’à partir du huitième jour,
la mortalité était supérieure à 80 %.
L’association d’antibiotiques permet d’élargir le spectre d’activité,
de prévenir le risque d’émergence de mutants résistants et de En dehors des propriétés anti-inflammatoires et du concept
rechercher une synergie afin de diminuer le risque d’échec, de d’insuffisance surrénale relative, les corticoïdes auraient une action
raccourcir la durée du traitement et de diminuer la toxicité [82]. Le sur la vasomotricité. L’utilisation de doses modérées de corticoïdes
choc septique qui met la vie du patient rapidement en jeu est une réduit la dépendance aux catécholamines, principalement en
indication de l’association d’antibiotiques. L’infection peut être restaurant leur effet vasoconstricteur [13, 20]. Plusieurs mécanismes
polymicrobienne, d’identification difficile, d’origine nosocomiale, sont évoqués : restauration des effets b et a, inhibition de la NO
avec des résistances probables. synthase inductible, du TNF, de l’IL1, et potentialisation des
systèmes vasoconstricteurs (endothéline, arginine, vasopressine) [11].
Cette association doit être réévaluée dès les résultats des
prélèvements et sur l’évolution clinique, au plus tard au troisième ¶ Lutte contre l’obstruction capillaire
jour. Une adaptation est souvent nécessaire : l’antibiothérapie n’est
peut-être pas adaptée au(x) germe(s) retrouvé(s), un antibiotique est L’existence d’une CIVD aggrave le pronostic des patients en choc
peut-être inefficace (antibiogramme), voire inutile. D’autres éléments septique puisque la mortalité passe de 32 % en l’absence de CIVD à
influencent l’efficacité de cette antibiothérapie. La molécule doit 77 % avec CIVD [52]. Même si le traitement d’une CIVD au cours du
parvenir au site infecté avec des concentrations tissulaires choc septique est celui du sepsis, l’observation de taux diminués
suffisantes. Il est maintenant établi que la pharmacocinétique des d’antithrombine III, de protéine C et de protéine S au cours des
médicaments est fortement perturbée au cours du choc septique. CIVD a conduit à évaluer l’intérêt d’un traitement substitutif au
L’utilisation de solutés de remplissage en grosse quantité et d’agents cours des sepsis sévères et du choc septique. Si les résultats observés
cardio- et vasoactifs entraîne une augmentation souvent importante avec l’antithrombine III sont encourageants, il n’est pas encore
des volumes de distribution, d’autant que l’augmentation de la possible de préconiser une attitude dans ce domaine [7, 46]. L’intérêt
perméabilité capillaire favorise la fuite vers le secteur d’une supplémentation en protéine C activée à la phase précoce du
extravasculaire [3]. sepsis est actuellement en cours d’évaluation.

¶ Traitement du foyer infectieux ¶ Hémofiltration

L’éradication du foyer infectieux est une urgence. S’il est accessible, L’hémofiltration continue permet d’éliminer des substances telles
la chirurgie fait partie de ce traitement initial. En effet, tant que le que le TNF, l’IL1, l’IL6, le PAF et les fractions de complément activé.
foyer persiste, le choc septique continue d’évoluer. Il est réalisé après Mais si des quantités significatives de TNF et d’IL1 ont pu être
une courte préparation du patient et encadré par le traitement retrouvées dans l’ultrafiltrat de patients septiques, les taux sériques
antibiotique. Il consiste à enlever le dispositif intravasculaire de ces médiateurs sont restés sans modification [14] . L’intérêt
responsable de l’infection (cathéter, site implantable, pacemaker, thérapeutique de cette technique répandue en réanimation n’est
dérivation ventriculopéritonéale), à traiter un foyer infectieux donc pas clairement établi dans cette indication. Cependant, il est
(péritonite, abcès profond sous-phrénique, périrénal…) avec lavage maintenant démontré chez l’animal que cette technique permet de
peropératoire abondant et drainages multiples en évitant les sutures réduire l’inflation hydrosodée, d’améliorer la contractilité et la
en milieu septique. Parfois, il peut s’agir de l’ablation d’un matériel fonction ventriculaire [56, 57, 108].
d’ostéosynthèse (prothèse de hanche ou de genou) responsable du Deux problèmes méritent d’être abordés. Les volumes d’ultrafiltrat
sepsis. Dans les cas extrêmes, c’est une amputation qui est réalisée employés dans ces études expérimentales sont supérieurs à ceux
pour sauver la vie du patient (crush syndrome, gangrène...). habituellement utilisés chez l’homme, d’où l’évaluation actuelle des

10
Maladies infectieuses Choc septique 8-003-R-10

méthodes à hauts débits continus [67]. Si l’élimination de médiateurs capables d’inhiber leur production ou de bloquer leur action
délétères a été étudiée, qu’en est-il des médiateurs potentiellement représente une autre voie de recherche. Le principal avantage est
bénéfiques ? C’est le cas des récepteurs solubles (sTNFR I et II, que cette méthode est indépendante de l’agent pathogène en cause,
sIL1R), des antagonistes des récepteurs (IL1ra) et de l’IL4 et 10 qui mais le nombre des médiateurs qui interviennent dans la réaction
désactivent les leucocytes. Des substances comme l’IL10 et l’IL1ra, inflammatoire et la complexité des mécanismes de régulation font
qui auraient des effets protecteurs vis-à-vis de l’IL1 et du TNF, ont que l’identification du ou des médiateurs sur lesquels il est possible
été retrouvées dans l’ultrafiltrat de patients hémofiltrés d’agir efficacement est rendue très aléatoire.
[38, 50]
. Dans l’état actuel des connaissances, les techniques
Parmi les techniques d’inhibition spécifique des médiateurs, deux
d’hémofiltration continue sont indiquées au cours des états
techniques ont été étudiées concernant le TNF. L’une est une
septiques essentiellement pour assurer un équilibre du bilan
hydrique, surtout en présence d’une insuffisance rénale aiguë. technique de neutralisation du TNF par des anticorps monoclonaux,
empêchant la liaison du TNF sur son récepteur. Ces anticorps sont
¶ Anti-endotoxines essentiellement d’origine murine : anticorps CB0006 (Celltech) ;
anticorps Bay X 1351 (Bayer) ; fragment F (ab’)2 MAK 195 F (Knoll
Le pouvoir pathogène des bacilles à Gram négatif est essentiellement France) [2, 35, 51, 99]. Toutes les études se sont montrées globalement
dû à une endotoxine, dérivée de la membrane LPS, composée par le négatives sur la mortalité, bien qu’elles paraissent avoir des effets
lipide A (la partie active), le core (la partie polysaccharidique) et bénéfiques dans quelques sous-groupes, le nombre de patients étant
l’antigène O (une succession d’unités oligosaccharidiques). Le lipide trop petit pour être analysé statistiquement. Des anticorps anti-TNF
A, sur lequel le core vient se fixer, forme la partie centrale de monoclonaux totalement humanisés, le CDP 571 (Celltech) et le cA2
l’endotoxine. (Centocor) n’ont fait l’objet que d’étude de phase II, puis ont été
Cette partie, stable d’une bactérie à l’autre, a été une cible abandonnés dans cette indication [43, 134]. L’autre technique concerne
privilégiée. Deux anticorps monoclonaux anticore, l’HA-1A les récepteurs. Deux récepteurs solubles ont été synthétisés, le
(Centoxint) et l’E5 (Xoment) ont été largement étudiés. Malgré des rsRNFr-p75-IgG (Immunex) et le rsTNFr-p55-IgG, Ro 45-2081
études cliniques préliminaires encourageantes, aucun résultat positif (Hoffmann la Roche). Les résultats de l’étude Immunex sont
sur la mortalité n’a pu être démontré [16, 84]. Mais l’analyse des études décevants, voire franchement délétères [49]. Pour l’étude Hoffmann
concernant l’E5 suggère qu’il diminuerait la durée des défaillances la Roche, la liaison du TNF à ce récepteur étant plus stable, des
organiques [16] . Ces résultats suscitent plusieurs réflexions. Le résultats bénéfiques en phase II ont permis son étude actuelle en
complexe lipide A-core n’est peut-être pas la bonne cible et, dans phase III [1].
certaines situations, l’atteinte polymicrobienne (germes à Gram
positif) pourrait expliquer les échecs thérapeutiques. Le PAF, important médiateur de la cascade inflammatoire, a
également servi de cible thérapeutique. L’utilisation d’un
Actuellement, les recherches s’orientent sur des structures
antagoniste du PAF, le BN 52021 (Ipsen Beaufour) n’a pas montré de
communes aux différents bacilles à Gram négatif situées sur le core
différence significative de la survie à 28 jours entre les groupes
de l’endotoxine, et sur des analogues du lipide A qui auraient les
traités et le groupe placebo [42].
mêmes propriétés immunomodulatrices que l’endotoxine, mais avec
une toxicité beaucoup plus faible, voire nulle [5]. Une autre voie de
recherche concerne la modulation du système LPS binding protein-
CD14 (LBP-CD14). La LBP, qui possède une forte affinité pour Conclusion
l’endotoxine (LPS), se fixe par l’intermédiaire de récepteurs
membranaires, comme le CD14, sur les macrophages. Le
La persistance d’une mortalité élevée dans le choc septique, en partie
développement d’anticorps monoclonaux antirécepteurs CD14 et
secondaire à l’augmentation de fréquence de la pathologie nosocomiale,
anti-LBP pourrait permettre de bloquer la synthèse et la libération
justifie les efforts de prévention qui portent essentiellement sur le type
de TNF, d’IL1, d’IL2 et d’IL6. La bactericidal permability increasing
de matériel, la technique d’implantation et d’entretien des cathéters,
protein (BPI), issue des granules azurophiles du polynucléaire, exerce
l’antibioprophylaxie et l’asepsie des gestes chirurgicaux. Mais la
naturellement un effet protecteur, d’une part en se combinant au
diminution de la mortalité du choc septique passe aussi par le
LPS, empêchant celui-ci de se fixer aux récepteurs CD14, et d’autre
développement de thérapeutiques spécifiques. La biologie moléculaire et
part en bloquant la prolifération des bactéries [43].
cellulaire permet une nouvelle approche thérapeutique du choc septique
et devrait permettre d’ouvrir d’autres voies thérapeutiques, comme par
¶ Antimédiateurs
exemple les molécules antiadhésion (anticorps anti E-sélectine et anti-
Une fois activées par les agents pathogènes, les cellules libèrent de CD11/CD18), les radicaux libres, les prostaglandines, les protéases, le
nombreux médiateurs de l’inflammation. L’utilisation d’agents système coagulation-fibrinolyse et les médiateurs lipidiques.

Références ➤

11
8-003-R-10 Choc septique Maladies infectieuses

Références
[1] Abraham E, Glauser MP, Butler T, Garbino J, Gelmont D, [25] Brun-Buisson C, Doyon F, Carlet J and the French [49] Fisher CJ, Agosti JM, Opal SM, Lowry S, Balk RA, Sadoff JC et
Laterre PF et al. P55 tumor necrosis factor receptor fusion bacteremia-sepsis study group. Bacteremia and severe al. Treatment of septic shock with the tumor necrosis factor
protein in the treatment of patients with severe sepsis and sepsis in adults: a multicenter prospective survey in ICUs receptor: Fc fusion protein. N Engl J Med 1996 ; 334 :
septic shock. A randomized controlled multicenter trial. Ro and wards of 24 hospitals. Am J Respir Crit Care Med 1996 ; 1697-1702
45-2081 study group. JAMA 1997 ; 277 : 1531-1538 154 : 617-624
[50] Fisher CJ, Dhainaut JF, Opal SM, Pribble JP, Balk RA, Slotman
[2] Abraham E, Wunderich R, Silverman H, Perl TM, Nasraway [26] Burns AH, Giaimo ME, Summer WR. Dichloroacetic acid GJ et al. Recombinant human interleukin 1 receptor
S, Levy H et al. Efficacy and safety of monoclonal antibody improves in vitro myocardial function following endotoxin antagonist in the treatment of patients with sepsis syn-
to human necrosis factor-a in patients with sepsis syn- administration. J Crit Care 1986 ; 1 : 11-17 drome. Results from a randomized, double-blind, placebo-
drome. A randomized, controlled, double-blind, multi- [27] Calandra T, Baumgartner JD. Anti-endotoxin therapy. In : controlled trial. Phase III rh IL-1ra sepsis syndrome study
center clinical trial. JAMA 1995 ; 273 : 934-941 Sibbald WJ, Vincent JL eds. Critical trials for the treatment group. JAMA 1994 ; 271 : 1836-1843
[3] Albanèse J, Durbec O, Martin C. Antibiothérapie empiri- of sepsis. Update in intensive care and emergency medi- [51] Fisher CJ, Opal SM, Dhainaut JF, Stephens S, Zimmerman
que en réanimation. In : Conférences d’actualisation. 38e cine. Berlin : Springer-Verlag, 1995 : 237-250 JL, Nightingale P et al. Influence of an anti-tumor necrosis
congrès national d’anesthésie et de réanimation. [28] Cariou A, Marchal F, Dhainaut JF. Traitement du choc sep- factor monoclonal antibody on cytokine levels in patients
Paris :SFAR, 1996 : 341-364 tique : objectifs thérapeutiques. In : Actualités en réanima- with sepsis. The CB0006 sepsis syndrome study group. Crit
[4] Astiz ME, Rackow EC, Falk JL, Kaufman BS, Weil MH. tion et urgences 2000. 28e congrès de la société de réani- Care Med 1994 ; 21 : 318-327
Oxygen delivery and consumption in patients with hyper- mation de langue française. Paris : Elsevier, 2000 : 213-223 [52] Fourrier F, Chopin C, Goudemand J, Hendrycx S, Caron C,
dynamic septic shock. Crit Care Med 1987 ; 15 : 26-28 [29] Carpati CM, Astiz ME, Rackow EC. Mechanisms and mana- Rime A et al. Septic shock, multiple organ failure and dis-
[5] Astiz ME, Rackow EC, Still JG, Howell ST, Cato A, VonEschen gement of myocardial dysfunction in septic shock. Crit Care seminated intravascular coagulation: compared patterns
KB et al. Pretreatment of normal humans with monophos- Med 1999 ; 27 : 231-232 of antithrombin III, protein C and protein S deficiences.
phoryl lipid A induces tolerance to endotoxin: a prospec- Chest 1992 ; 101 : 816-823
[30] Carrico CJ, Meakins JL, Marshall JC, Frye DE, Maier RV.
tive, double-blind, randomized, controlled trial. Crit Care Multiple-organ-failure syndrome. Arch Surg 1986 ; 121 : [53] Friedman G, Silva E, Vincent JL. Has the mortality of septic
Med 1995 ; 23 : 9-17 196-208 shock changed with time ? Crit Care Med 1998 ; 26 :
[6] Barry B, Mallick A, Hartley G, Bodenham A, Vucevic M. 2078-2086
[31] Centers for disease control. Increase in national hospital
Comparison of air tonometry with gastric tonometry using discharge survey rates for septicemia. Morbid Mortal Wly [54] Fukuoka T, Nishimura M, Imanaka H, Taenaka N, Yoshiya I,
saline and other equilibrating fluids: an in vivo and in vitro Rep 1990 ; 90 : 31-34 Takezawa J et al. Effects of norepinephrine on renal func-
study. Intensive Care Med 1998 ; 24 : 777-784 tion in septic patients with normal and elevated serum
[32] Cerra FB, Benitez MR, Blackburn GL, Irwin RS, Jeejeebhoy lactate levels. Crit Care Med 1989 ; 17 : 1104-1107
[7] Baudo F, Caimi TM, De Cataldo F, Ravizza A, Arlati S, Casella K, Katz DP et al. Applied nutrition in ICU patients? A con-
G et al. Antithrombin III (ATIII) replacement therapy in sensus statement of the American college of chest physi- [55] Gando S, Nanzaki S, Sasaki S, Aoi K, Kemmotsu O. Activa-
patients with sepsis and/or postsurgical complications: a cians. Chest 1997 ; 111 : 769-778 tion of the extrinsic coagulation pathway in patients with
controlled double-blind, randomized, multicenter study. severe sepsis and septic shock. Crit Care Med 1998 ; 26 :
Intensive Care Med 1998 ; 24 : 336-342 [33] Chernow B, Roth BL. Pharmacologic manipulation of the 2005-2006
peripheral vasculature in shock: clinical and experimental
[8] Bersin RM, Arieff AI. Improved hemodynamic function approaches. Circ Shock 1986 ; 18 : 141-155 [56] Gomez A, Wang R, Unruh H, Light RB, Bose D, Chau T et al.
during hypoxia with carbicarb, a new agent for the man- Hemofiltration reverses left ventricular dysfunction during
agement of acidosis. Circulation 1988 ; 77 : 227-233 [34] Cobb J, Danner R. Nitric oxide and septic shock. JAMA sepsis in dogs. Anesthesiology 1990 ; 73 : 671-685
1996 ; 275 : 1192-1196
[9] Blain CM, Anderson TO, Pietras RJ, Gunnar RM. Immediate [57] Grootendorst AF, Van Bommel EF, Van Der Hoven B, Van
hemodynamic effects of gram-negative vs gram-positive [35] Cohen J, Carlet F. For the intersept study group. Intersept: Leengoed LA, Van Osta AL. High volume hemofiltration
bacteremia in man. Arch Intern Med 1970 ; 126 : 260-265 an international, multicenter, placebo-controlled trial of improves right ventricular function in endotoxin-induced
monoclonal antibody to human necrosis factor-a in shock in the pig. Intensive Care Med 1992 ; 18 : 235-240
[10] Bleck TP. Neurologic alterations in sepsis. In : Fein AM, patients with sepsis. Crit Care Med 1996 ; 24 : 1431-1440
Abraham EM, Balk RA, Bernard GR, Bone RC, Dantzker DR [58] Hannemann L, Reinhart K, Meier-Hellmann A. Compari-
Sepsis and multiorgan failure. Baltimore : Williams and [36] Cronin L, Cook DJ, Carlet J, Heyland DK, King D, Lansang
son of dopamine to dobutamine and norepinephrine for
Wilkins, 1997 : 237-242 MA et al. Corticosteroid for sepsis: a critical appraisal and
oxygen delivery and uptake in septic shock. Crit Care Med
meta-analysis of the literature. Crit Care Med 1995 ; 23 :
[11] Bollaert PE, Annane D. Corticoïdes et choc septique. In : 1995 ; 23 : 1962-1970
1430-1439
Actualités en réanimation et urgences 2000. 28e congrès [59] Hesselvik JF, Brodin B. Low-dose norepinephrine in patients
de la société de réanimation de langue française. Paris : [37] Curtis SE, Vallet B, Winn MJ, Caufield JB, Cain SM. Ablation
with septic shock and oliguria: effects on afterload, urine
Elsevier, 2000 : 246-257 of the vascular endothelium causes an oxygen extraction
flow, and oxygen transport. Crit Care Med 1989 ; 17 :
defect in canine skeletal muscle. J Appl Physiol 1995 ; 79 :
[12] Bollaert PE, Bauer P, Audibert G, Lambert H, Larcan A. 179-180
1352-1360
Effects of epinephrine on hemodynamics and oxygen [60] Hewett JA, Roth RA. The coagulation system, but not circu-
metabolism in dopamine resistant septic shock. Chest [38] De Waal Malefyt R, Abrams J, Bennett B, Figdor CG, De
Vries JE. Interleukin-10 inhibits cytokine synthesis by lating fibrinogen, contributes to liver injury in rats exposed
1990 ; 98 : 949-953 to lipopolysaccharide from Gram-negative bacteria. J Phar-
human monocytes: an autoregulatory role of IL-10 pro-
[13] Bollaert PE, Charpentier C, Debouverie M, Audibert G, duced by monocytes. J Exp Med 1991 ; 174 : 1209-1220 macol Exp Ther 1995 ; 272 : 53-62
Larcan A. Reversal of late septic shock with supraphysiologi-
[39] Demling RH. Colloid or crystalloid resuscitation in sepsis. [61] Hund J, Lew WY. Cellular mechanisms of endotoxin-
cal doses of hydrocortisone. Crit Care Med 1998 ; 26 :
In: Sibbald WJ, Sprung CL eds. Perspectives on sepsis and induced myocardial depression in rabbits. Circ Res 1993 ;
645-650
septic shock. Fullerton : New Horizon, 1986 : 275-300 73 : 125-134
[14] Bollomo R, Tipping P, Boyce N. Continuous veno-venous
hemofiltration with dialysis removes cytokines from the cir- [40] Desjars P, Pinaud M, Bugnon D, Tasseau F. Norepinephrine [62] Hutchinson A, Ogletree M, Snapper J, Brigham K. Effect of
culation of septic patients. Crit Care Med 1993 ; 21 : therapy has no deleterious renal effects in human septic endotoxemia on hypoxic pulmonary vasoconstriction in
522-526 shock. Crit Care Med 1989 ; 17 : 426-429 unanesthetized sheep. J Appl Physiol 1985 ; 58 : 1463-1468.

[15] Bone RC, Balk RA, Cerra FB, Dellinger RP, Fein AM, Knaus [41] Dhainaut JF, Marin N. Choc septique. Encycl Méd Chir (Édi- [63] Jardin F, Bourdarias JP. Cardiac dysfunction in sepsis. Inten-
WA et al. Definitions for sepsis and organ failure and guide- tions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris), sive Care Med 1998 ; 24 : 990-992
lines for the use in innovative therapies in sepsis. Chest Anesthésie-Réanimation, 36-840-D-10, 1998 : 1-14 [64] Jardin F, Gurdjian F, Desfonds P, Margairaz A. Effect of
1992 ; 101 : 1644-1655 [42] Dhainaut JF, Tenaillon A, Le Tulzo Y, Schlemmer B, Solet JP, dopamine on intrapulmonary shunt fraction and oxygen
[16] Bone RC, Balk RA, Fein AM, Perl TM, Wenzel R, Reines R et Wolff M et al. Platelet-activating factor receptor antagonist transport in severe sepsis with circulatory and respiratory
al. A second large controlled clinical study of E5, a mono- BN 52021 in the treatment of severe sepsis: a randomized, failure. Crit Care Med 1979 ; 7 : 273-277
clonal antibody to endotoxin: results of prospective multi- double-blind, placebo-controlled, multicenter clinical trial. [65] Jardin F, Sportiche M, Bazin M, Bouroukba A, Margairaz A.
center, randomized clinical trial. Crit Care Med 1995 ; 23 : Crit Care Med 1994 ; 22 : 1720-1728 Dobutamine: a hemodynamic evaluation in human septic
994-1006 [43] Dhainaut JF, Vincent JL, Richard C, Lejeune P, Martin C, shock. Crit Care Med 1981 ; 9 : 329-332
[17] Bower RH. Nutrition during critical illness and sepsis. New Fierobe L et al. CDP 571, a humanized antibody to human [66] Joulou-Schaeffer G, Gray GA, Fleming I, Schott C, Parratt
Horiz 1993 ; 1 : 348-352 necrosis factor-a: safety, pharmacokinetics, immune JR, Stoclet JC. Loss of vascular responsiveness induced by
response, and influence of the antibody on cytokine con- endotoxin involves L-arginine pathway. Am J Physiol 1990 ;
[18] Brady AJ, Pool-Wilson PA, Harding SE, Warren JB. Nitric centrations in patients with septic shock. Crit Care Med
oxide production within cardiac myocytes reduces their 259 : H1038-H1043
1995 ; 23 : 1461-1469
contractility in endotoxemia. Am J Physiol 1992 ; 263 : [67] Journois D, Silleran-Chassany J, Safran D. Hémofiltration
H1963-H1966 [44] Edwards JD, Brown GC, Nightingale P, Slater RM, Faragher continue : traitement des états septiques graves. In : Actua-
EB. Use of survivors’cardiorespiratory values as therapeutic lités en réanimation et urgences 2000. 28e congrès de la
[19] Bressack MA, Raffin TA. Importance of venous return, goals in septic patients. Crit Care Med 1989 ; 17 : 1098-1103
venous resistance and mean circulatory pressure in the société de réanimation de langue française. Paris : Elsevier,
physiology and management of shock. Chest 1987 ; 92 : [45] Eichacker PQ, Farese A, Hoffman WD, Banks SM, Mouginis 2000 : 258-263
906-912 T, Richmond S et al. Leucocyte CD11/CD18 antigen- [68] Juste RN, Panikkar K, Soni N. The effects of low-dose
directed monoclonal antibody improves early survival and dopamine infusions on haemodynamic and renal para-
[20] Briegel J, Forst H, Haller M, Schelling G, Kilger E, Kuprat G decreases hypoxemia in dogs challenged with tumor
et al. Stress doses of hydrocortisone reverse hyperdynamic meters in patients with septic shock requiring treatment
necrosis factor. Am Rev Respir Dis 1992 ; 145 : 1023-1029 with noradrenaline. Intensive Care Med 1998 ; 24 : 564-568
septic shock: a prospective, randomized, double-blind
single-center study. Crit Care Med 1999 ; 27 : 723-732 [46] Eisele B, Lamy M, Thijs LG, Keinecke HO, Schuster HP, [69] Kaufman BS, Rackow EC, Falk JL. The relationship between
Matthias FR et al. Antithrombin III in patients with severe oxygen delivery and consumption during fluid resuscita-
[21] Briegel J, Kellermann W, Forst H, Haller M, Bittl M, Hoff- sepsis. A randomized, placebo-controlled, double-blind
mann GE et al. Low-dose hydrocortisone attenuates the tion of hypovolemic and septic shock. Chest 1984 ; 85 :
multicenter trial plus a meta-analysis on all randomized, 336-340
systemic inflammatory response syndrome. Clin Invest placebo-controlled, double-blind trials with antithrombin
1994 ; 72 : 782-787 III in severe sepsis. Intensive Care Med 1998 ; 24 : 663-672 [70] Kolley MH, Sherman G, Ward S, Fraser VJ. Inadequate anti-
[22] Brigham K, Bowers R, Haynes J. Increased sheep lung vas- microbial treatment of infection. A risk factor for hospital
[47] Fink MP, Cohn SM, Lee PC, Rotschild HR, Deniz YF, Wang H
cular permeability caused by E. coli endotoxin. Circ Res mortality among critically III patients? Chest 1999 ; 115 :
et al. Effect of lipopolysaccharide on intestinal intramucosal
1979 ; 45 : 292-297 462-474
ion concentration in pigs: evidence of gut ischemia in a
[23] Brigham K, Meyrick B. Endotoxin and lung injury. Am Rev normodynamic model of septic shock. Crit Care Med 1989 ; [71] Lefering R, Neugebauer EA. Steroid controversy in sepsis
Respir Dis 1986 ; 133 : 913-927 17 : 641-646 and septic shock: a meta-analysis. Crit Care Med 1995 ; 23 :
1294-1303
[24] Brun-Buisson C. Définitions, épidémiologie, pronostic. In : [48] Finkel MS, Oddis CV, Jacob TD, Watkins SC, Hattler BG,
Carlet J, Martin C, Offenstadt G éd. États infectieux graves. Simmons RL. Negative inotropic effets of cytokines on the [72] Le Tulzo Y. Régulation de la transcription des cytokines pro-
Perspectives thérapeutiques. Collection d’anesthésiologie heart mediated by nitric oxide. Science 1992 ; 257 : inflammatoires : implication au cours des états d’agression
et de réanimation. Paris : Masson, 1995 : 3-16 378-389 aigus. Réan Urg 1998 ; 7 : 31-40

12
Maladies infectieuses Choc septique 8-003-R-10

[73] Levraut J, Ben Miled M, Grimaud D. Intérêt du dosage des [96] Quezado ZM, Natanson C, Hoffman WD. New strategies [116] Thijs LG. Fluid therapy in septic shock. In : Sibbald WJ,
lactates en réanimation. In : Conférences d’actualisation. for combating sepsis. Trends Biotechnol 1995 ; 13 : 56-63 Vincent JL eds. Clinical trials for the treatment of sepsis.
35e congrès national d’anesthésie et de réanimation. Paris : Berlin : Springer-Verlag, 1995 : 167-190
SFAR, 1993 : 561-577 [97] Rees D. Role of nitric oxide in the vascular dysfunction of
septic shock. Biochem Soc Trans 1995 ; 23 : 1025-1029 [117] Thijs LG, De Boer JP, De Groot MC, Hack CE.
[74] Linas SL. Sepsis and the kidney. Am J Kidney Dis 1992 ; 20 : Coagulation disorders in septic shock. Intensive Care Med
205-206 [98] Reilly JM, Cunnion RE, Burch-Whitman C, Parker MM, Shel- 1993 ; 19 (suppl) : S8-S15
[75] Luce JM. Pathogenesis and management of sepsis shock. hamer JH, Parrillo JE. A circulating myocardial depressant [118] Tsuneyoshi I, Kanmura Y, Yoshimura N. Nitric oxide as a
Chest 1987 ; 91 : 883-888 substance is associated with cardiac dysfunction and mediator of reduced arteriel responsiveness in septic
[76] MacKenzie SJ, Kapadia F, Nimmo GR, Armstrong IR, Grant peripheral hypoperfusion (lactic acidemia) in patients with patients. Crit Care Med 1996 ; 24 : 1083-1086
IS. Adrenaline in treatment of septic shock: effects on hae- septic shock. Chest 1989 ; 95 : 115-120
[119] Utilisation des catécholamines au cours du choc septique
modynamics and oxygen transport. Intensive Care Med [99] Reinhart K, Weigand-Löhnert C, Grimminger F, Kaul M, (adultes-enfants). XV e Conférence de consensus en
1991 ; 17 : 36-39 Withington S, Treacher D et al. Assessment of the safety réanimation et médecine d’urgence. Ann Fr Anesth
[77] Martin C, Eon B, Saux P, Aknin P, Gouin F. Renal effects of and efficacy of the monoclonal anti-tumor necrosis factor Réanim 1997 ; 16 : 205-209
norepinephrine used to treat septic shocks patients. Crit antibody-fragment, MAK 195F, in patients with sepsis and [120] Vallet B, Chopin C, Curtis SE, Dupuis BA, Fourrier F,
Care Med 1990 ; 18 : 282-285 septic shock: a multicenter, randomized, placebo- Mehdaoui H et al. Prognostic value of the dobutamine
[78] Martin C, Eon B, Saux P, Albanese J, Aknin P, Gouin F. Uti- controlled, dose-ranging study. Crit Care Med 1996 ; 24 : test in patients with sepsis syndrome and normal lactate
lisation de la noradrénaline (NA) dans le traitement du choc 722-742 values: a prospective multicenter study. Crit Care Med
septique. Ann Fr Anesth Réanim 1989 ; 8 : 19-25 1993 ; 21 : 1868-1875
[100] Rosser DM, Manji M, Cooksley H, Bellingan G. Endotoxin
[79] Martin C, Papazian L, Perrin G, Saux P, Gouin F. Norepi- [121] Vallet B, Leclerc J. Endothelial cell dysfunction in septic
reduces maximal oxygen consumption in hepatocytes
nephrine or dopamine for the treatment of hyperdynamic shock. In : Vincent JL ed. Yearbook of intensive care and
independent of any hypoxic insult. Intensive Care Med
septic shock. Chest 1993 ; 103 : 1826-1831 emergency medicine. Berlin : Springer-Verlag, 1998 :
1998 ; 24 : 725-729
[80] Martin C, Perrin G, Chauvet V, Saux P. Physiopathologie et 133-142
[101] Rothwell PM, Udwadia ZF, Lawler PG. Cortisol response
réanimation hémodynamique du choc septique. In : [122] Vallet B, Lund N, Curtis SE, Kelly DR, Cain SM. Gut and
to corticotropin and survival in septic shock. Lancet
Conférences d’actualisation. 33e congrès national d’anes- 1991 ; 337 : 582-583
muscle tissue PO2 in endotoxemic dogs during shock
thésie et de réanimation. Paris : SFAR, 1991 : 433-461 and resuscitation. J Appl Physiol 1994 ; 76 : 793-800
[102] Salzman AL, Wang H, Wollert PS, Van Der Meer TJ, [123] Van Der Linden P, Rausin I, Deltell A, Bekrar Y, Gilbar E,
[81] Martin C, Saux P, Albanese J, Bonneru JJ, Gouin F. A new
Compton CC, Denenberg AG et al. Endotoxin-induced Bakker J et al. Detection of tissue hypoxia by
look at norepinephrine to treat human hyperdynamic
ileal mucosal hyper permeability in pigs: role of tissue arteriovenous gradient for PCO2 and pH in anesthetized
septic shock. [abstract]. Anesthesiology 1987 ; 67 : A648
acidosis. Am J Physiol 1994 ; 266 : G633-G646 dogs during progressive hemorrhage. Anesth Analg
[82] Martin C, Viviand X, Thomachot L, Albanèse J. Pourquoi,
quand et comment prescrire une association d’antibioti- [103] Schneider F, Lutun P, Couchot A, Bilbault P, Tempe JD. 1995 ; 80 : 269-275
ques? In : Conférences d’actualisation. 36e congrès natio- Plasma cyclic guanosine 3’-5’monophosphate [124] Van Der Meer TJ, Wang H, Fink MP. Endotoxemia causes
nal d’anesthésie et de réanimation. Paris : SFAR, 1994 : concentrations and low vascular resistance in human ileal mucosal acidosis in the absence of mucosal hypoxia
521-539 septic shock. Intensive Care Med 1993 ; 19 : 99-104 in a normodynamic porcine model of septic shock. Crit
[83] Matuschak GM, Martinez LH. Sepsis syndrom: pathoge- [104] Schreuder WO, Schneider AJ, Groeneveld J, Thijs LG. Care Med 1995 ; 23 : 1217-1226
nesis, pathophysiology and management. In : Pinsky MR, Effet of dopamine vs norepinephrine on hemodynamics [125] Van Lambalgen AA, Bronsvel W, Van Den Bos GL, Thijs
Dhainaut JF eds. Pathophysiologic foundations of critical in septic shock. Emphasison right ventricular LG. Distribution of cardiac output, oxygen consumption
care. Baltimore : Williams and Wilkins, 1992 : 170-187 performance. Chest 1989 ; 95 : 1282-1287 and lactate production in canine endotoxin shock.
[84] McCloskey RV, Straube RC, Sanders C, Smith SM, Smith [105] Schumer W. Steroids in the treatment of clinical septic Cardiovasc Res 1984 ; 18 : 195-205
CR. Treatment of septic shock with human monoclonal schock. Ann Surg 1976 ; 184 : 333-339 [126] Vincent JL, Roman A, Khan RJ. Dobutamine
antibody HA-1A: a randomized double-blind, placebo con- [106] Shoemaker WC, Appel PL, Kram HB, Waxman K, Leet S. administration in septic shock: addition to a standard
trolled trial. Ann Intern Med 1994 ; 121 : 1-5 Prospective trial of supranormal value of survivors as protocol. Crit Care Med 1990 ; 18 : 689-693
[85] Meier-Hellmann A, Reinhart K, Bredle DL, Specht M, Spies therapeutic goals in high-risk surgical patients. Chest [127] Voss BL, De Bault LE, Blick KE, Chang AC, Stiers DL,
CD, Hannemann L. Epinephrine impairs splanchnic perfu- 1988 ; 94 : 1176-1186 Hinshaw LB et al. Sequential renal alterations in septic
sion in septic shock. Crit Care Med 1997 ; 25 : 399-404 [107] Sprung CL, Caralis PV, Marcial EH, Pierce M, Gelbard shock in the primate. Circ Shock 1991 ; 33 : 142-155
[86] Mizock BA, Sabelli HC, Dubin A, Javaid JI, Poulos A, Rackow MA, Long WM et al. The effects of high dose [128] Weinstein MP, Tows ML, Quartey SM, Mirrett S, Reimer
EC. Septic encephalopathy: evidence for altered pheny- corticosteroids in patients with septic shock. N Engl J Med LG, Parmigiani G et al. The clinical significance of
lamine metabolism and comparison with hepatic encepha- 1984 ; 311 : 1137-1143 positive blood cultures in the1990s: a prospective
lopathy. Arch Intern Med 1990 ; 150 : 443-449 [108] Stein B, Pfenninger E, Grunert A, Schmitz JE, Deller A, comprehensive evaluation of the microbiology,
[87] Moncada S, Higgs A. The L-arginine-nitric oxide pathway. Kocher F. The consequences of continuous haemofil- epidemiology, and outcome of bacteremia and
N Engl J Med 1993 ; 329 : 2002-2012 tration on lung mechanics and extravascular lung water fungemia in adults. Clin Infect Dis 1997 ; 24 : 584-602
[88] Natanson C, Danner RL, Fink MP. Cardiovascular perfor- in a porcine endotoxic model. Intensive Care Med 1991 ; [129] Williams TJ, Hellewell PG. Adhesion molecules involved
mance with E. Coli challenges in a canine model of human 17 : 293-298 in the microvascular inflammatory response. Am Rev
sepsis. Am J Physiol 1988 ; 254 : H558-H569 [109] Suffredini AF, Fromm RE, Parker MM, Brenner M, Kovacs Respir Dis 1992 ; 146 : 545-550
[89] Nelson DP, Samsel RW, Wood LDH, Schumacker PT. Patho- JA, Wesley RA et al. The cardiovascular response of [130] Wilson EJ, Loeb HS, Rahiimtoola SH, Kamath S, Gunnar
logical supply dependence of systemic and intestinal O2 normal humans to the administration of endotoxin. N RM. Hemodynamic studies and results of therapy in 50
uptake during endotoxemia. J Appl Physiol 1988 ; 64 : Engl J Med 1989 ; 321 : 280-287 patients with bacteremic shock. Am J Med 1974 ; 54 :
2410-2419 [110] Suffredini AF, Harpel PC, Parrillo JE. Promotion and 421-432
[90] Parker MM, McCarthy KE, Ognibene FP, Parrillo JE. Right subsequent inhibition of plasminogen activation after [131] Yu M, Burchell S, Hasaniya NW, Takanishi DM, Myers SA,
ventricular dysfunction and dilatation, similar to left ven- administration of intravenous endotoxin to normal Takiguchi SA. Relationship of mortality to increasing
tricular charges, characterize the cardiac depression of subjects. N Engl J Med 1989 ; 320 : 1165-1172 oxygen delivery in patients > 50 years of age: a
septic shock in humans. Chest 1990 ; 97 : 126-131 [111] Task force of the american college of critical care prospective, randomized trial. Crit Care Med 1998 ; 26 :
[91] Parker MM, Shelhamer JH, Bacharach SL, Green HV, Natan- medicine, society of critical care medicine. Practice 1011-1019
son C, Frederick TM et al. Profound but reversible myocar- parameters for hemodynamic support of sepsis in adult [132] Ziegler EJ, Fisher CJ, Sprung CL, Straube RC, Sadoff JC,
dial depression in patients with septic shock. Ann Intern patients in sepsis. Crit Care Med 1999 ; 27 : 639-660 Foulke GE et al. Treatment of Gram negative bacteremia
Med 1984 ; 100 : 483-490 [112] Tavernier B, Garrigue D, Boulle C, Vallet B, Adnet P. and septic shock with HA-1A human monoclonal
[92] Parker MM, Shelhamer JH, Natanson C, Alling DW, Parrillo Myofiber calcium sensibility is decreased in skinned antibody against endotoxin. N Engl J Med 1991 ; 324 :
JE. Serial cardiovascular variables in survivors and non sur- cardiac fibers of endotoxin-treated rabbits. Cardiovasc 429-436
vivors of human septic shock: heart rate as an early predic- Res 1998 ; 38 : 472-479 [133] Ziegler EJ, McCutchan JA, Fierer J, Glauser MP, Sadoff JC,
tor of prognosis. Crit Care Med 1987 ; 15 : 923-929 [113] Temmesfeld-Wollbrück B, Szalay A, Mayer K, Olschewski Douglas H et al. Treatment of Gram-negative bacteremia
[93] Parrillo JE. Pathogenic mechanisms of septic shock. N Engl J H, Seeger W, Grimminger F. Abnormalities of gastric and shock with human antiserum to a mutant Escherichia
Med 1993 ; 328 : 1471-1477 mucosal oxygenation in septic shock: partial coli. N Engl J Med 1982 ; 307 : 1225-1230
[94] Parrillo JE, Burch C, Shelhamer JH, Parker MM, Natanson C, responsiveness to dopexamine. Am J Respir Crit Care Med [134] Zimmerman JL, Dillon K, Campbell W, Reinhart K. Phase
Schuette W. A circulating myocardial depressant sub- 1998 ; 157 : 1586-1592 I/II trial of cA2, a chimeric anti-TNF antibody in patients
stance in humans with septic shock: septic shock patients [114] Tepperman BL, Brown JF, Whittle BJR. Nitric oxide with sepsis. Intensive Care Med 1994 ; 20 (suppl) : S151
with a reduced ejection fraction have a circulating factor synthase induction and intestinal viability in rats. Am J [135] Zwaveling J, Maring J, Moshage H, Ginkel RV, Hoekstra
that depresses in vitro myocardial cell performance. J Clin Physiol 1993 ; 265 : G214-G218 H, Koops H et al. Role of nitric oxide in recombinant
Invest 1985 ; 76 : 1539-1553 [115] Thiemermann C. Inhibition des NO synthases dans la tumor necrosis factor-a-induced circulatory shock: a
[95] Prough DS, Johnston WE. Fluid resuscitation in septic défaillance circulatoire : effet bénéfique ou délétère ? study in patients treated for cancer with isolate limb
shock: no solution yet. Anesth Analg 1989 ; 69 : 699-704 Méd/Sci 1995 ; 11 : 1643-1651 perfusion. Crit Care Med 1996 ; 24 : 1806-1810

13
8-003-S-10
Encyclopédie Médico-Chirurgicale 8-003-S-10

Bactériémies
JP Carpentier
M Morillon
R Petrognani
Résumé. – La fréquence globale des bactériémies varie de 5,5 à 19,1 pour 1 000 patients hospitalisés, avec
une valeur moyenne évaluée récemment à 9,8 pour 1 000. L’incidence de ces bactériémies est différente
suivant les services (80 pour 1 000 dans les unités de réanimation ou de soins intensifs). Les agents
pathogènes les plus fréquemment impliqués sont Staphylococcus aureus et Escherichia coli, et 52 % des
bactériémies sont d’origine nosocomiale (entérobactéries, Staphylococcus aureus). Les cathéters veineux avec
Staphylococcus coagulase négative et Candida sont de plus en plus souvent incriminés (19 % des cas).
Seulement 25 % des épisodes de bactériémie (65 % en réanimation, 17 % dans les autres services) sont
associés à un état infectieux grave et 15 % à un choc septique. La mortalité globale des bactériémies a
récemment été évaluée à 28 %. Elle varie de 17 % dans les services médicaux à 55 % dans les unités de soins
intensifs.
Le diagnostic repose sur les hémocultures, dont la pratique est bien codifiée. Un volume de 20 mL est
préférable à 10 mL. Trois ou même deux prélèvements par 24 heures semblent suffisants, puisque 80 à 90 %
des bactériémies sont détectées dès la première hémoculture et 88 à 99 % si l’on ajoute un deuxième
prélèvement.
Le traitement antibiotique doit débuter dès que la bactériémie est découverte et même sans attendre
l’identification du micro-organisme en cause lorsqu’elle est associée à des signes en faveur d’un syndrome
inflammatoire systémique et surtout d’un état infectieux grave. L’évolution de l’écologie microbienne
hospitalière, dans laquelle s’installent de façon inquiétante des bactéries multirésistantes aux antibiotiques,
conduit déjà dans certains cas à des impasses thérapeutiques. Une collaboration quotidienne, voire
pluriquotidienne entre le clinicien et le microbiologiste est indispensable.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : bactériémie, bactéries, multirésistance, origine nosocomiale, état infectieux grave,


hémocultures, cathéters.

Introduction Définitions
Les infections bactériennes systémiques restent une source
Le terme de bactériémie définit le passage, souvent transitoire, de
importante de morbidité et de mortalité en l’an 2000. Cependant,
bactéries dans la circulation. Il est préférable d’utiliser les termes de
grâce à une meilleure prise en charge, la mortalité liée aux
virémie, de fongémie et de parasitémie pour les autres micro-
bactériémies a diminué au cours de la dernière décennie. Cette
organismes. Si la bactériémie peut être suspectée sur des
amélioration est liée aux évolutions thérapeutiques, mais aussi au
manifestations cliniques évocatrices, elle ne peut être affirmée que
perfectionnement des techniques de diagnostic qui permettent
par des hémocultures positives. Certaines bactériémies sont
aujourd’hui de détecter de plus en plus précocement la présence de
physiologiques, seules celles qui correspondent à une authentique
bactéries dans le sang, même lorsque celles-ci sont de culture
infection, se traduisent par un état infectieux grave (EIG).
difficile. Cette amélioration de la sensibilité s’accompagne d’une
baisse de la spécificité avec l’augmentation du nombre de Depuis 1992, grâce aux travaux d’un groupe d’experts de l’American
contaminants. C’est dire l’importance d’une bonne connaissance de College of Chest Physicians et de la Society of Critical Care
l’épidémiologie de ces infections, qui doit permettre une Medecine, il existe un consensus sur la définition des EIG [7]. Le
interprétation correcte et par conséquent, une prise en charge syndrome inflammatoire systémique (SIS) ou systemic inflammatory
thérapeutique adaptée. response syndrome (SIRS) traduit la réponse de l’organisme à de
nombreuses agressions (pancréatite, polytraumatisme, choc
hémorragique, hypoxémie sévère…). Le terme de sepsis s’applique
à un SIRS secondaire à une infection bactériologiquement confirmée.
Le sepsis grave ou severe sepsis est un sepsis associé à au moins une
dysfonction d’organe traduisant une anomalie de la perfusion
tissulaire. Le choc septique est un sepsis grave associé à une
Jean-Pierre Carpentier : Professeur agrégé du service de santé des Armées. hypotension résistante à une expansion volémique apparemment
Roland Petrognani : Spécialiste du service de santé des Armées. bien conduite et/ou nécessitant l’emploi d’agents cardio- et/ou
Département d’anesthésie-réanimation-urgences.
Marc Morillon : Professeur agrégé du service de santé des Armées, laboratoire de biologie médicale.
vasoactifs. Enfin, le syndrome de défaillance multiviscérale (SDMV)
Hôpital d’instruction des Armées Laveran, 13998 Marseille Armées, France. ou multiple organ dysfonction syndrome, évolution défavorable d’un

Toute référence à cet article doit porter la mention : JP Carpentier, M Morillon et R Petrognani. Bactériémies. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Maladies infectieuses,
8-003-S-10, 2001, 7 p.
8-003-S-10 Bactériémies Maladies infectieuses

Tableau I. – Portes d’entrée des bactériémies et fongémies (en pour- Tableau II. – Agents pathogènes le plus fréquemment en cause (en
centage des épisodes de bactériémie). pourcentage des épisodes de bactériémie).
États-Unis 1992-1993 France 1993 États-Unis France Royaume-Uni
Étude sur 12 mois Étude sur 2 mois Agents pathogènes 1992-1993 1993 1985-1996
Porte d’entrée 1 hôpital 24 hôpitaux [47] [10]
Soins intensifs [15]
843 épisodes [47] 842 épisodes [10]
Gram positif
Cathéters 19 11
- Staphylococcus aureus 18,8 21,4 22,5
Appareil urogénital 17,5 21
- SCN 9,2 10,7 7,6
Respiratoire 12 16
- Enterococcus sp. 6,9 5,7 4,8
Digestive 12 18
- Streptococcus 3,6 8,8 7,9
Peau 5 8
pneumoniae
Ostéoarticulaire 5 2
- Autres streptocoques 4,7 3,9 3,1
Autres 5 10
- Autres Gram positif 1,2 1,9 0,9
Inconnue 25,6 14
Gram négatif

- Escherichia coli 15 29,2 6


processus infectieux et/ou inflammatoire, se définit par la présence - Klebsiella sp. 6,8 4,3 3,8
d’altérations de la fonction de divers organes chez un patient dont
- Autres entérobactéries 11 11,3 8,2
l’homéostasie ne peut être maintenue sans intervention
thérapeutique. - Pseudomonas aeruginosa 5,6 3,8 5,1

- Acinetobacter sp. 1,3 1,1 3,8

Aspects épidémiologiques - Autres aérobies 2,2 0,6 0,3

- Anaérobies 3,9 3,2 1,3


La fréquence globale des bactériémies varie de 5,5 [23] à 19,1 pour Levures 7 1,7 3,8
1 000 patients hospitalisés [18]. Ces écarts importants sont, en grande
partie, liés à des différences de recrutement. L’âge des patients, la SCN : staphylocoque coagulase négative.
gravité et le type des pathologies traitées peuvent expliquer ces
variations [41]. Une étude récente, multicentrique, réalisée sur 24 de coques à Gram positif et coagulase négative, aussi bien comme
hôpitaux français (sept universitaires et 17 non universitaires) a contaminants que comme pathogènes confirmés, et de Pseudomonas
[46, 47]
retrouvé une incidence de 9,8 pour 1 000 patients hospitalisés [10]. Si aeruginosa . L’existence d’une bactériémie à Staphylococcus
l’on compare les chiffres actuels à ceux de la décennie précédente, coagulase négative (SCN) ou à Candida reste un élément
cette fréquence semble en augmentation [ 3 4 , 4 6 , 4 7 ] . Plusieurs d’orientation vers une infection sur cathéter [13, 36].
explications peuvent être proposées : le recours plus fréquent et plus Parmi les micro-organismes retrouvés au cours des hémocultures,
facile aux hémocultures [22] , les meilleures performances des 52,1 % sont d’origine nosocomiale [47]. Les souches les plus souvent
systèmes d’hémocultures avec l’apport important de en cause sont les entérobactéries et Staphylococcus aureus (tableau III).
l’automatisation [47], mais aussi la gravité des pathologies traitées à Quarante-sept pour cent des EIG sont d’origine nosocomiale, qu’ils
l’hôpital. Les patients sont plus âgés, et surtout la fréquence des soient acquis au-dehors ou dans les services de réanimation [9]. Les
immunodépressions acquises, liées aux thérapeutiques ou à principaux foyers sont respiratoires (42 %), abdominaux (34 %),
l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) sont suivis par les urines (9 %), les parties molles (5 %) et les cathéters
en augmentation [12]. (5 %). Les micro-organismes identifiés sont dans 42 % des cas à
Les gestes invasifs et le recours à des dispositifs intravasculaires, au Gram négatif, plus fréquents au cours des infections nosocomiales
premier rang desquels figurent les cathéters veineux, sont plus (51 %) que communautaires (34,5 %). Les bacilles les plus souvent
fréquents (tableau I). Ainsi, l’incidence des bactériémies est différente rencontrés sont Escherichia coli (17,5 %), Pseudomonas aeruginosa
entre un service médical, un service chirurgical et une unité de (9,5 %), les bactéries du groupe Klebsiella, Enterobacter, Serratia
réanimation ou de soins intensifs. D’ailleurs, dans cette même étude, (10,5 %) et les anaérobies (6 %) [1]. Les coques à Gram positif sont de
19 % des bactériémies étaient issues de ces unités de réanimation ou plus en plus souvent en cause.
de soins intensifs, où la fréquence de ces bactériémies était voisine
de 80 pour 1 000 admissions [10]. Les cathéters veineux ont été
incriminés pour 19 % des cas dans une étude récente [47], alors qu’ils Facteurs évolutifs et pronostiques
n’étaient mis en cause que dans 3 % des cas, par les mêmes auteurs,
16 ans auparavant [46]. Les infections sur cathéter font actuellement L’étude française réalisée sur 24 hôpitaux a permis de révéler que
partie des trois principales infections acquises en réanimation. seulement 25 % des épisodes de bactériémie étaient associés à un
L’origine d’une proportion importante d’épisodes de bactériémie EIG (65 % en réanimation, 17 % dans les autres services), et que 15 %
reste inconnue, malgré les progrès faits dans les moyens étaient associés à un choc septique [10]. Les facteurs retenus comme
d’exploration, tant en imagerie médicale qu’en bactériologie. Cette favorisant la survenue d’un EIG au cours des bactériémies étaient :
situation peut représenter 14 %, voire 25 % des bactériémies [10, 47]. l’âge (Odds ratio [OR] = 2,5 si supérieur à 50 ans), une porte d’entrée
Cette proportion de bactériémies d’origine inconnue est inférieure abdominale (OR = 3,1), pulmonaire (OR = 2,2) ou méningée (OR =
dans les unités de réanimation ou de soins intensifs [15]. L’origine 4,5), et la présence de plusieurs sources d’infection (OR = 3,6). Un
digestive par translocation est la plus souvent évoquée. EIG était associé à une bactériémie dans seulement 43 % des cas.
Malgré quelques différences suivant les pays et suivant les centres, L’incidence des EIG associés à une bactériémie était de 2,6 pour
il apparaît que les agents pathogènes le plus fréquemment impliqués 1 000 admissions et celui des EIG sans bactériémie de 3,5 pour 1 000
sont Staphylococcus aureus et Escherichia coli (tableau II). Les bactéries admissions. L’incidence des EIG était donc 1,6 fois moins élevée que
à Gram positif représentent toujours le contingent le plus important. celui des bactériémies.
Des comparaisons, faites dans le temps avec un recrutement La découverte d’une bactériémie est un facteur de gravité. En effet,
analogue, montrent depuis 20 ans une augmentation des isolements la mortalité globale des bactériémies a récemment été évaluée à

2
Maladies infectieuses Bactériémies 8-003-S-10

l’antibiothérapie initiale probabiliste et après résultats


Tableau III. – Répartition en fonction de leur origine, communautaire bactériologiques a été d’emblée adaptée (RR = 1,0), à 13,3 % si
ou nosocomiale, des micro-organismes retrouvés au cours des bacté-
l’antibiothérapie initiale n’était pas adaptée (RR = 1,27), alors qu’elle
riémies (en nombre d’épisodes de bactériémie et en pourcentage) [47].
a été de 33,3 % lorsque cette antibiothérapie n’a jamais été adaptée
Origine (RR = 3,18) [47]. En pratique, le traitement initial reste souvent
Micro-organismes Origine nosocomiale
communautaire probabiliste, dans l’attente d’une orientation sur les premiers
90 (50,6) 88 (49,4) résultats de la culture, puis de l’antibiogramme. Il peut se passer
Staphylococcus aureus
SNC 27 (31,0) 60 (69,0)
plusieurs jours pendant lesquels le traitement est inadapté. La durée
Streptococcus pneumoniae 31 (91,2) 3 (8,8) de cette inadaptation joue donc un rôle péjoratif sur le pronostic [20,
Autres streptocoques 32 (68,1) 15 (31,9)
46, 47]
.
Enterococcus sp. 15 (23,1) 50 (76,9)
Escherichia coli 87 (16,3) 55 (38,7)
Autres entérobactéries 61 (36,1) 108 (63,9) Diagnostic
Pseudomonas aeruginosa 21 (39,6) 32 (60,4)
Autres Gram négatifs 16 (51,6) 15 (49,4)
Clostridium sp. 5 (33,3) 10 (66,7) QUAND FAIRE DES HÉMOCULTURES ?
Bacteroides sp. 7 (38,9) 11 (61,1) Le passage de micro-organismes dans la circulation se traduit
Candida sp. 7 (16,7) 35 (83,8) cliniquement par une hyperthermie, de début brutal, élevée (>
Cryptococcus neoformans 8 (100) 0 39 °C), accompagnée de frissons et de sueurs. Cette fièvre peut être
Torulopsis glabrata 2 (14,3) 12 (85,7) oscillante, en plateau ou ondulante. Une hypothermie (< 35,5 °C)
Mycobacterium sp. 16 (100) 0 n’est pas rare et doit faire suspecter une bactérie à Gram négatif.
Même s’il est classique, en présence de ce tableau clinique, de
SNC : staphylocoque coagulase négative.
pratiquer des hémocultures, seules 5 à 8 % de ces hémocultures sont
positives [3, 31, 46]. De plus, la capacité des praticiens à diagnostiquer
Tableau IV. – Mortalité des bactériémies en fonction des agents pa- une bactériémie sur les critères cliniques n’aurait une sensibilité que
thogènes (en pourcentage et en risque relatif) [47]. de 53 % et une spécificité de 85 % [26]. Ces éléments, et l’impossibilité
de prédire de façon fiable l’association d’une bactériémie et d’un
Agents pathogènes Taux de mortalité (%) Risque relatif EIG, ont incité plusieurs équipes à rechercher des critères prédictifs
11,9 2,18 de bactériémie chez les patients fébriles à partir de signes cliniques
Staphylococcus aureus
et biologiques initiaux [3, 25, 26, 31, 33]. Les résultats se sont révélés
SCN 5,5 1 inconstants, et surtout, ils ne permettent pas d’éliminer totalement
Streptococcus pneumoniae 17,6 3,22 le risque de bactériémie dans les groupes considérés comme
présentant peu ou pas de risque, ce qui en pratique limite l’intérêt
Autres streptocoques 13,1 2,4 de l’utilisation de ces critères.
Enterococcus sp. 13,1 2,4

Autres Gram positif 11,1 2,03 COMMENT FAIRE DES HÉMOCULTURES ?


Escherichia coli 12,1 2,2 Que les méthodes employées soient classiques ou modernes, les
hémocultures doivent obéir à des règles strictes de réalisation et
Autres entérobactéries 24,8 4,53
d’interprétation. Des progrès sensibles ont été faits pour améliorer
Pseudomonas aeruginosa 16,7 3,04 la sensibilité de cet examen et pour raccourcir les délais de réponse
liés à la vitesse de croissance bactérienne [37]. Il est d’autant plus
Autres aérobies 12 2,19
important d’insister sur la technique du prélèvement que celle-ci
Anaérobies Gram négatif 14,3 2,61 doit être irréprochable pour réduire les difficultés ultérieures
Anaérobies Gram positif 25 3,65 d’interprétation. La désinfection cutanée, précédant la ponction
d’une veine périphérique, doit être particulièrement rigoureuse et
Levures 35,8 6,54
utiliser successivement l’alcool à 70° et un produit iodé dont le
SCN : staphylocoque coagulase négative. temps de contact (minimum de 1,5 à 2 minutes) doit être respecté [38,
39]
.
28 % [10]. Elle varie de 17 % dans les services médicaux à 55 % dans Les ponctions de tubulures et de matériels intravasculaires sont à
les unités de soins intensifs [15, 19, 43, 47] . Des facteurs de risque proscrire [ 4 5 ] . Classiquement, si la fièvre est continue, trois
spécifiques ont été identifiés, parmi lesquels : l’âge élevé (risque prélèvements sont réalisés. En revanche, si elle est discontinue ou
relatif [RR] = 1,1 si supérieur à 50 ans ; RR = 2,4 si supérieur à 80 oscillante, les prélèvements sont réalisés au moment des frissons,
ans) ; la présence d’une affection sous-jacente ultérieurement fatale des poussées thermiques ou des hypothermies. Lorsque la fièvre est
(pathologie maligne, immunodépression, insuffisance rénale) (RR = mal tolérée, deux prélèvements peuvent être suffisants pour ne pas
1,4) ; la présence d’un sepsis sévère (RR = 3,5) ; la nature retarder la mise en route d’un traitement antibiotique [2]. En pratique,
plurimicrobienne de la bactériémie (RR = 3,6) [10] . Le micro- trois et même deux prélèvements par 24 heures sont suffisants. En
organisme influence également le pronostic (tableau IV). Les effet, 80 à 90 % des bactériémies sont détectées dès la première
bactériémies dues à des entérobactéries autres que Escherichia coli hémoculture et 88 à 99 % si l’on ajoute un deuxième prélèvement [44].
sont plus souvent génératrices de choc septique et plus souvent Au-delà de trois hémocultures, les échantillons supplémentaires
associées à une issue fatale (RR = 2,27). Les coques à Gram positif n’apportent pas plus d’informations et peuvent même être à
autres que les SCN sont rapportées comme significativement l’origine de spoliations sanguines. L’intervalle de temps entre deux
associées à une plus forte mortalité (RR = 1,8) [10]. L’origine de prélèvements, habituellement de 30 à 60 minutes, a été peu
l’infection semble avoir plus d’importance que le ou les agents étudié [42].
pathogènes en cause. Il apparaît ainsi que les bactériémies à point Il est important de considérer la quantité de sang à ensemencer.
de départ respiratoire, colique ou péritonéal, ont un risque de Compte tenu de la très faible concentration en bactéries dans le sang
mortalité plus important (RR = 2,86) [47]. L’origine urinaire semblerait (1 à 10 UFC/mL), un volume de 20 mL est préférable à 10 mL [38, 39,
au contraire être un facteur de moindre risque. 45]
. Cette augmentation apporte un gain de sensibilité de 30 % [40].
Enfin, le pronostic est largement influencé par la qualité de la prise Ces volumes sont réduits pour les enfants (de 1 à 5 mL suivant l’âge)
en charge thérapeutique. La mortalité a été évaluée à 10,5 %, si avec des flacons adaptés qui permettent de respecter le facteur de

3
8-003-S-10 Bactériémies Maladies infectieuses

dilution optimal : un volume de sang pour dix volumes de Plus délicat est de décider de la responsabilité d’un SCN. Si ces
bouillon [32]. Cette dilution permet d’atténuer les effets inhibiteurs bactéries sont souvent des contaminants, il reste 12 à 15 % des cas
sur la croissance bactérienne que peuvent avoir le complément, le où elles sont retenues comme d’authentiques agents pathogènes [45].
lysozyme et les cellules phagocytaires. Elles doivent d’autant plus facilement être prises en considération
Si, classiquement, les hémocultures doivent être prélevées avant la qu’elles ont été retrouvées dans plusieurs flacons d’hémoculture, ce
mise en route d’un traitement antibiotique, fréquemment, et pour qui est un argument supplémentaire pour conseiller de façon
différentes raisons, cette précaution ne trouve pas sa réalisation dans systématique le prélèvement de deux à trois paires de flacons.
la pratique. C’est pourquoi des inhibiteurs de l’activité des L’interprétation peut encore être compliquée par le fait que les SCN
antibiotiques sont actuellement utilisés, quelquefois de façon retrouvés, même s’ils apparaissent de même biotype et de même
systématique. Deux méthodes sont couramment employées avec des antibiotype, appartiennent en fait à des clones différents lorsqu’on
succès équivalents, qu’il s’agisse des résines absorbant les cations les analyse avec les outils de la biologie moléculaire [51]. Puisque ces
ou des particules de charbon activé [35]. bactériémies à SCN sont souvent liées à la présence de dispositifs
intravasculaires et notamment de cathéters veineux, il est
COMMENT EXPLOITER DES PRÉLÈVEMENTS fondamental de savoir si le matériel est infecté et s’il doit être
POUR HÉMOCULTURE ? considéré comme étant à l’origine de la bactériémie. Différentes
Même si les méthodes modernes avec surveillance automatique de méthodes ont été proposées, mais elles nécessitent toutes l’ablation
la croissance bactérienne permettent d’améliorer les performances du cathéter [48].
et le délai de réponse des hémocultures, les conditions économiques Actuellement, c’est la technique de culture quantitative décrite par
d’exercice peuvent justifier encore l’emploi de systèmes Brun-Buisson qui est la méthode de référence [8]. Avec un seuil de
conventionnels. Les méthodes classiques utilisent la culture sur positivité de 103 UFC/mL, elle possède une sensibilité et une
bouillon, avec inspection au minimum quotidienne, et quelquefois, spécificité supérieures à 90 %. L’avantage de cette technique est
le repiquage systématique, quelquefois « en aveugle » des flacons. qu’elle recherche non seulement les micro-organismes présents à la
Ce repiquage peut être réalisé en flacons fermés, par simple partie externe (risque de souillures lors de l’ablation du cathéter),
retournement grâce à l’utilisation de milieux diphasiques. La mais surtout ceux situés dans la partie interne du cathéter.
technique de centrifugation-lyse peut être rapprochée de ces L’identification des infections liées au cathéter sans ablation du
méthodes conventionnelles, mais elle permet en plus la détection dispositif est actuellement possible, grâce à l’emploi d’hémocultures
des bactéries exigeantes. Après lyse des hématies et des leucocytes, semi-quantitatives prélevées sur le cathéter. Avec un seuil de
le surnageant est ensemencé sur les milieux spéciaux adaptés à la positivité à 103 UFC/mL, la spécificité est importante mais la
recherche spécifique [16]. sensibilité est variable [11, 36]. Mettant à profit le fonctionnement des
Les techniques automatisées permettent une surveillance automates qui surveillent la croissance bactérienne plusieurs fois par
programmée des flacons toutes les 10 à 15 minutes. La détection de heure, il est actuellement possible de comparer les concentrations
la croissance bactérienne repose sur la mesure de la production de bactériennes des hémocultures prélevées sur le cathéter et en
dioxyde de carbone (CO2), conséquence de l’utilisation des hydrates périphérie. Quand le rapport de ces concentrations se situe entre 4
de carbone présents dans les milieux de culture [4]. La lecture se fait et 10, le diagnostic d’infection liée au cathéter semble pratiquement
directement à travers la paroi des flacons, sans ponction, et par certain [6, 11, 17].
conséquent, sans risque de souillure. Quatre systèmes sont
aujourd’hui commercialisés en France [40] . L’évaluation de ces
appareils, nécessaire avant leur choix, a fait l’objet de Conduite pratique
recommandations éditées par la Société française de
microbiologie [29]. devant une bactériémie
Il est encore classique d’ensemencer chaque prélèvement sur deux
flacons, l’un étant destiné à être incubé en atmosphère aérobie et
RECHERCHER UN RETENTISSEMENT CLINIQUE
l’autre en anaérobiose. Les résultats de plusieurs études montrent DE CETTE BACTÉRIÉMIE
que la recherche systématique des bactéries anaérobies strictes n’est
pas nécessaire [30]. Cette opinion peut être tempérée par le fait que Classiquement, les hémocultures sont pratiquées en présence d’une
certaines bactéries comme les Streptococaceae se développent plus hyperthermie (> 38 °C), de frissons, de sueurs et/ou d’une
rapidement en anaérobiose. Pour les bactéries les plus courantes, hypothermie (< 36 °C).
une durée d’incubation de 7 jours est suffisante. Le délai peut être La bactériémie confirmée, il faut rechercher les signes en faveur d’un
raccourci à 5 jours avec les méthodes automatisées. Les SIRS : retentissement cardiaque (fréquence cardiaque [FC] > à 90
prélèvements qui se positivent au-delà de ce délai représentent battements ⋅ min–1) ; pulmonaire (fréquence respiratoire > à 20
presque toujours des contaminations [ 4 5 , 5 0 ] . Dans certaines cycles ⋅ min – 1 ou pression partielle en CO 2 < 32 mmHg) ;
indications particulières (endocardites, suspicion d’infections à hyperleucocytose (> 12 000 ⋅ mm–3) ; leucopénie (< 4 000 ⋅ mm–3) ou
Brucella ou de fongémie), l’incubation peut être prolongée. plus de 10 % de formes immatures. Au moins deux de ces signes
sont nécessaires pour définir le SIRS, à condition qu’ils soient
COMMENT INTERPRÉTER DES HÉMOCULTURES apparus récemment, et en l’absence d’autres causes, en particulier
POSITIVES ? d’une chimiothérapie aplasiante [7]. Une pression artérielle systolique
Depuis l’apparition des méthodes de culture plus sensibles, (PAS) inférieure à 90 mmHg ou diminuée de 40 mmHg par rapport
l’interprétation d’une hémoculture positive est devenue une étape aux chiffres habituels, une augmentation des lactates, une diurèse
encore plus cruciale. Les principaux paramètres à prendre en compte inférieure à 0,5 mL ⋅ kg–1 pendant au moins 1 heure, une altération
restent l’espèce en cause et le nombre des hémocultures positives, de la conscience, une hypoxémie inexpliquée, une coagulopathie
avec le même micro-organisme. font craindre un sepsis grave.
Certaines espèces en effet, posent peu de problème, et peuvent être Le choc septique est la forme la plus grave du sepsis. Il traduit les
considérées comme étant en cause dans plus de 90 % des cas [47]. Il conséquences d’une distribution inappropriée du débit cardiaque
s’agit de Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae, Escherichia (QC) et l’inadéquation entre la consommation et les besoins en
coli et les autres entérobactéries, Pseudomonas aeruginosa et Candida oxygène (O 2), source de défaillance multiviscérale. Le tableau
albicans. D’autres, au contraire, sont beaucoup plus rarement en clinique n’est pas univoque, allant du choc d’installation brutale
cause (moins de 5 % des cas) : Bacillus sp., Propionibacterium acnes et avec défaillance cardiaque, gravissime d’emblée du fait de
Corynebacterium sp. En ce qui concerne ce dernier genre, une l’importance de la toxémie (sepsis fulminant à pneumocoque des
identification d’espèce devient indispensable si plusieurs splénectomisés, méningocoque ou streptocoque, transfusion de sang
hémocultures sont positives. contaminé) ou du fait de l’atteinte sévère des moyens de défense

4
Maladies infectieuses Bactériémies 8-003-S-10

(neutropénie), au choc insidieux des septicémies à levures du patient pulmonaire, si le patient est encore en ventilation spontanée, seuls
immunodéprimé. Classiquement, le stade initial est marqué par une les prélèvements bronchiques sous fibroscopie ont un intérêt
accélération de la FC, alors que l’hypotension est inconstante. La (prélèvements bronchiques protégés [PBP], brosse protégée). Une
pression artérielle moyenne peut être conservée si l’hypovolémie fois les voies aériennes supérieures protégées et le patient ventilé,
relative secondaire à la diminution des résistances vasculaires les prélèvements peuvent être réalisés par la sonde d’intubation ou
systémiques est corrigée, mais la différentielle est élargie, la canule de trachéotomie (PBP avec ou sans fibroscopie, lavage
contrairement au choc hypovolémique. En effet, dans ce contexte, la bronchoalvéolaire, brosse protégée).
diminution de la pression artérielle diastolique est le reflet de la Toutes les plaies doivent être prélevées, ainsi que tous les
vasodilatation et l’augmentation de la PAS celui de l’augmentation écoulements de pus et les liquides de drainage. Si un geste
du QC. Les extrémités sont chaudes, sèches, bien perfusées, le pouls chirurgical s’avère nécessaire, il faut insister pour que l’opérateur
est bondissant, réalisant le classique tableau de « choc chaud ». Les fasse des prélèvements au niveau du site opératoire dès l’ouverture,
premiers signes d’atteinte viscérale sont souvent déjà présents. La et surtout avant utilisation de liquide de lavage. Ces prélèvements
polypnée initiale avec pression artérielle en CO2 (PaCO2) basse, ne doivent en aucun cas rester en salle, mais être rapidement
laisse rapidement la place à une hypoxémie par anomalie du rapport acheminés au laboratoire après avoir prévenu le bactériologiste.
ventilation/perfusion. Des modifications discrètes de l’humeur, de L’examen direct est souvent riche de renseignements, mais ne
la conscience, ou une confusion, apparaissent précocement, parfois dispense en aucun cas de la mise en culture sur milieux aéro- et
avant toute anomalie hémodynamique [27]. Il est déjà possible de anaérobies. Les prélèvements des liquides de drainages
retrouver une atteinte rénale (élévation de l’urée et de la créatinine postopératoires doivent également être réalisés de manière itérative,
sanguine) et de la fonction hépatique, une intolérance glucidique, avec séparation claire des différents drainages. La liste de ces
une hypoalbuminémie, une thrombopénie, une apparition de prélèvements ne peut être limitative ; une ponction lombaire, de
D-dimères. L’évolution est marquée par l’aggravation des signes de sinus, des prélèvements gynécologiques peuvent être nécessaires.
souffrance tissulaire périphérique avec apparition de marbrures, qui Tous ces examens doivent être prélevés sur support adapté aux
débutent classiquement à la face interne des genoux pour s’étendre germes suspectés. Chaque fois que possible, un examen direct, une
aux membres inférieurs et à l’abdomen, résistantes au remplissage, coloration de Gram et une numération des micro-organismes
d’une oligurie et d’un état d’agitation. La FC s’élève, le pouls est doivent être demandés.
filant et la PAS est basse et la différentielle pincée, les extrémités Tous les dispositifs intravasculaires (cathéters, sondes, sites
sont froides, moites et cyanosées, la polypnée s’aggrave et la implantables, pacemaker, dérivation ventriculopéritonéale…)
respiration est superficielle. La réalisation d’une échographie- doivent être suspectés. Il faut rechercher des signes d’inflammation
doppler cardiaque au lit du patient montre classiquement une au niveau du site d’insertion des cathéters veineux ou artériels
augmentation initiale du QC (syndrome hyperkinétique), de l’index périphériques, des signes locaux de phlébite ou de thrombose, et
cardiaque ou systolique, une diminution de la surface télédiastolique surtout une suppuration locale. Le diagnostic d’infection sur un
du ventricule gauche et de la contrainte systolique. La mise en place cathéter veineux central est généralement plus difficile du fait de
d’une sonde de Swan-Ganz permet d’évaluer l’état hémodynamique l’impossibilité d’examiner la veine perfusée. En pratique, un cathéter
et de l’oxygénation tissulaire, et va permettre d’adapter au mieux le ne peut être incriminé comme étant à l’origine d’une bactériémie
traitement symptomatique. La pression de l’oreillette droite, la que si aucun autre foyer n’a été retrouvé [8, 21]. C’est donc un
pression artérielle pulmonaire d’occlusion, les résistances artérielles diagnostic d’élimination, mais il est souvent difficile de trancher
systémiques, les résistances artérielles pulmonaires, la différence chez un patient présentant un ou plusieurs autres foyers septiques
artérioveineuse en O2 et le coefficient d’extraction en O2 sont potentiels. L’ablation systématique des cathéters est une décision pas
abaissés. toujours facile à prendre en réanimation, en oncologie ou en
pédiatrie, d’autant que 70 à 80 % des cathéters sont retirés
RECHERCHER ET IDENTIFIER LE FOYER INFECTIEUX inutilement [13, 14, 36].
INITIAL Une collaboration quotidienne, voire pluriquotidienne, entre le
Qu’un foyer infectieux soit la cause ou la conséquence d’une clinicien et le microbiologiste est indispensable pour confronter les
bactériémie importe peu, l’essentiel est de le mettre en évidence sans données bactériologiques des hémocultures avec l’évolution clinique
délai, afin d’entreprendre au plus vite un traitement adapté. Il est et les résultats de la recherche d’un foyer infectieux initial. Cette
nécessaire, lors de la mise en évidence d’une bactériémie, de collaboration médicale doit également permettre de distinguer une
rechercher le foyer infectieux initial, les localisations septiques simple colonisation avec isolement d’agent(s) pathogène(s) sur un
secondaires éventuelles, et notamment de prélever tous les sites site normalement souillé, sans signes infectieux généraux, d’une
possibles. Cette recherche est souvent orientée par l’anamnèse et infection patente avec isolement d’agents pathogènes en grande
l’examen clinique initial, surtout s’il existe un contexte favorisant quantité, sur un site normalement stérile et des signes généraux
comme un terrain débilité, une période postopératoire d’une inquiétants. Cette dernière situation est une urgence thérapeutique.
chirurgie urologique ou digestive, un séjour récent en réanimation
ou une ventilation artificielle. TRAITER LE FOYER INFECTIEUX INITIAL
L’échographie permet le dépistage de foyers suppurés profonds
viscéraux (foie, reins, rétropéritoine), leur relation éventuelle avec ¶ Traitement antibiotique
un obstacle (lithiase biliaire ou urinaire). Elle peut aider à orienter
Le traitement antibiotique doit débuter dès que la bactériémie est
une ponction pour une analyse bactériologique. L’examen
découverte et lorsqu’elle est associée à des signes en faveur d’un
tomodensitométrique (TDM) permet une analyse précise des lésions.
SIRS et surtout à un EIG. Il est d’autant plus urgent qu’il existe un
Son intérêt est tout particulièrement important pour rechercher une
choc septique. L’antibiothérapie doit être poursuivie parallèlement
cause digestive, urologique, gynécologique, mais aussi neurologique
aux autres mesures thérapeutiques. Elle est d’abord empirique ou
en présence d’une symptomatologie encéphalitique (abcès cérébral).
probabiliste, puis adaptée le plus rapidement possible à partir des
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) permet un diagnostic
résultats bactériologiques des hémocultures, de l’examen direct de
lésionnel souvent plus précoce que la TDM au cours des
divers prélèvements, de l’isolement des micro-organismes et de
symptomatologies neurologiques (encéphalites, spondylodiscites).
l’antibiogramme. Cette antibiothérapie initiale doit être orientée en
La scintigraphie au gallium permet de mettre en évidence des foyers fonction de l’état clinique du patient, de la localisation du ou des
infectieux profonds cliniquement muets ou multifocaux. foyers infectieux à traiter et du terrain, afin d’en déduire le ou les
En présence d’urines troubles, de nitrites, un examen agents pathogènes potentiellement responsables de l’infection, et de
cytobactériologique des urines (ECBU) doit être demandé, avec choisir l’antibiotique en fonction de ses propriétés pharma-
examen direct et mise en culture. Devant une symptomatologie cologiques [1].

5
8-003-S-10 Bactériémies Maladies infectieuses

La localisation du site infectieux est déterminante dans le choix de avec des résistances probables. Cette association doit être réévaluée
la stratégie anti-infectieuse : dès les résultats des prélèvements et sur l’évolution clinique, au plus
tard au troisième jour. Une adaptation est souvent nécessaire,
– soit l’infection atteint directement un organe essentiel (endocarde,
l’antibiothérapie n’est pas adaptée au(x) germe(s) retrouvé(s), un
méninges) non accessible chirurgicalement ;
antibiotique peut être inefficace (antibiogramme), voire inutile.
– soit le traitement de cette infection est chirurgical (péritonite, D’autres éléments influencent l’efficacité de cette antibiothérapie. La
angiocholite, médiastinite, pyélonéphrite) mais une antibiothérapie molécule doit parvenir au site infecté avec des concentrations
doit précéder le geste ; tissulaires suffisantes. Il est maintenant établi que la
– soit l’infection est inaccessible aux prélèvements (cholécystite) : pharmacocinétique des médicaments est fortement perturbée au
l’antibiothérapie doit être choisie sur des critères portant sur la cours du choc septique. L’utilisation de solutés de remplissage en
fréquence et la probabilité qu’un micro-organisme soit plus grosse quantité et d’amines vaso- et cardioactives entraîne une
particulièrement impliqué en fonction des données de la littérature. augmentation souvent importante des volumes de distribution,
d’autant que l’augmentation de la perméabilité capillaire favorise la
Le terrain est important à considérer à plusieurs titres. L’attitude
fuite vers le secteur extravasculaire [1].
thérapeutique va dépendre du mécanisme d’apparition de
l’infection : ¶ Traitement du foyer infectieux
– soit elle est due à un germe particulièrement virulent chez un sujet L’éradication d’un foyer infectieux est une urgence. S’il est
aux défenses conservées mais dépassées ; accessible, la chirurgie fait partie de ce traitement initial. Il est réalisé
– soit elle est due à une diminution des défenses (infection virale, après une courte préparation du patient et encadré par le traitement
intoxication alcoolique aiguë) vis-à-vis de l’agent pathogène en antibiotique. Il consiste à traiter un foyer infectieux (péritonite, abcès
cause (pneumocoque, méningocoque) ; profond sous-phrénique, périrénal…) avec lavage peropératoire
– soit elle est secondaire à un germe peu virulent mais en grande abondant et drainages multiples, en évitant les sutures en milieu
quantité, chez un sujet aux défenses altérées, comme c’est le cas des septique. Parfois, il peut s’agir de l’ablation d’un matériel
infections nosocomiales, surtout quand elles surviennent chez les d’ostéosynthèse (prothèse de hanche ou de genou) responsable du
polytraumatisés, les brûlés, les splénectomisés, les cirrhotiques, les sepsis. Dans les cas extrêmes, c’est une amputation qui est réalisée
insuffisants rénaux, les sujets dénutris et atteints d’affections pour sauver la vie du patient (crush syndrome, gangrène…).
malignes, et les grands vieillards [1].
¶ Problème spécifique des dispositifs médicaux
L’atteinte initiale ou au cours de l’évolution du choc septique, d’une
ou de plusieurs grandes fonctions de l’organisme, doit conduire à La stratégie vis-à-vis de ces dispositifs, et principalement pour les
choisir les molécules les moins toxiques (foie, rein), à adapter les cathéters centraux, ne peut être univoque. Elle doit être adaptée à
posologies quotidiennement, et surtout à ne pas conserver un chaque cas particulier et réajustée en fonction de l’évolution clinique
antibiotique s’il n’est pas utile. et des données bactériologiques. Cette stratégie a fait l’objet d’une
La provenance du patient d’un service de médecine ou de chirurgie, conférence de consensus en 1994 [5].
un séjour antérieur en réanimation, sont des éléments qui doivent L’ablation du cathéter est impérative s’il existe :
orienter vers certaines espèces de micro-organismes, et surtout vers – une infection locale purulente ;
des souches résistantes. L’éventualité d’un traitement antibiotique
dans les antécédents doit faire craindre une résistance à cette même – une forte présomption d’infection (thrombophlébite, cellulite
antibiothérapie, mais aussi faire évoquer une résistance croisée. La locorégionale purulente ou non, bactériémie à Staphylococcus aureus,
gravité de la situation clinique ne doit cependant pas faire choisir Pseudomonas aeruginosa ou à levures) ;
de façon systématique la molécule la plus récente ayant un spectre – des signes de gravité (choc septique) ;
d’action le plus large. Cette attitude favorise l’émergence de germes
– un terrain à risque (valvulopathie, immunodépression).
multirésistants au sein du service et peut secondairement conduire
à des impasses thérapeutiques. Un changement du cathéter sur guide peut être envisagé si la
présomption d’infection est faible. C’est le cas lorsqu’il existe un
L’histoire clinique du patient, mais aussi l’histoire infectieuse du
foyer infectieux identifié pouvant expliquer l’état septique, et
service ou de l’établissement, doivent donc faire partie du choix de
lorsque l’état septique ne s’accompagne pas de signes de gravité, en
cette antibiothérapie probabiliste, pour quelle soit la mieux adaptée
l’absence d’autre foyer identifié.
possible. Il est maintenant clairement établi que la mise en route
d’une antibiothérapie initiale inadaptée augmente la mortalité
hospitalière [10, 24, 49]. Celle-ci passe de 10,5 % à 13,3 %, même si cette
antibiothérapie est rapidement corrigée dès que les prélèvements
Conclusion
sont connus positifs, et adaptée sur les premiers résultats
Des progrès indéniables ont été faits dans le diagnostic et la prise en
bactériologiques [49].
charge des bactériémies. Le défi des prochaines années sera
L’association d’antibiotiques permet d’élargir le spectre d’activité, vraisemblablement lié à l’évolution de l’écologie microbienne
de prévenir le risque d’émergence de mutants résistants et de hospitalière, dans laquelle s’installent de façon inquiétante des bactéries
rechercher une synergie afin de diminuer le risque d’échec, de multirésistantes aux antibiotiques, comme par exemple les entérocoques
raccourcir la durée du traitement et de diminuer la toxicité [28]. et les staphylocoques résistants aux glycopeptides. Ces clones
Le choc septique qui met la vie du patient rapidement en jeu est bactériens, qui confinent à l’impasse thérapeutique, risquent de faire
une indication de l’association d’antibiotiques. L’infection peut être encore évoluer les aspects diagnostiques et thérapeutiques des
polymicrobienne, d’identification difficile, d’origine nosocomiale, bactériémies.

6
Maladies infectieuses Bactériémies 8-003-S-10

Références
[1] Albanèse J, Durbec O, Martin C. Antibiothérapie empiri- [18] Gatell JM, Trilla A, Latorre X, Almela M, Mensa S, Moreno A [36] Raad II, Sabbagh MF. Infectious complications of indwell-
que en réanimation. In : Conférences d’actualisation. 38e et al. Nosocomial bacteremia in a large spanish teaching ing vascular catheters. Clin Infect Dis 1992 ; 15 : 197-208
congrès national d’anesthésie et de réanimation. Paris : hospital: analysis of factors influencing prognosis. Rev infect
SFAR-Masson, 1996 : 341-364 Dis 1988 ; 10 : 203-210 [37] Reimer LG, Wilson ML, Winstein MP. Update on detection
of bacteriemia and fungemia. Clin Microbiol Rev 1997 ; 10 :
[2] APPIT, Bactériémies. In : Pilly E éd. Montmorency : 2M2, [19] Geerdes HF, Ziegler D, Lode H, Hund M, Loehr A, Frang- 445-465
2000 : 21-22 man W et al. Septicemia in 980 patients at an university
[3] Bates DW, Cook EF, Goldman L, Lee-Thomas H. Predicting hospital in Berlin : prospective studies during 4 selected [38] Reller LB, Murray PR, Mac Lowry D. Blood cultures II.
bacteremia in hospitalized patients: a prospectively vali- years between1979-1989. Clin Infect Dis 1992 ; 15 : Washington, DC : American Society for Microbiology,
dated model. Ann Intern Med 1990 ; 113 : 495-500 991-1002 1982
[4] Bismuth M, Courcol R. Les automates d’hémocultures [20] Gross PA, Barrett TL, Dellinger EP, Krause PJ, Martone WJ, [39] Roberts FJ, Geere IW, Coldman A. A three-year study of
en1994. Lettre Infect 1994 ; 9 : 423-431 McCowan JE Jr et al. Quality standard for the treatment of positive blood cultures, with emphasis on prognosis. Rev
[5] Bleichner G, Beaucaire G, Gottot S, Letulzo Y, Marty J, Minet bacteremia. Clin Infect Dis 1994 ; 18 : 428-430 Infect Dis 1991; 13 : 34-46
M et al. Infections liées aux cathéters veineux centraux en
[21] Hampton AA, Sherertz RJ. Vascular-access infections in hos-
réanimation. XIIe conférence de consensus en réanimation [40] Société française de microbiologie. Hémoculture. In : Réfé-
pitalized patients. Surg Clin North Am 1988 ; 68 : 57-71 rentiel en microbiologie médicale. Montmorency : 2M2,
et médecine d’urgence. Paris. 24 juin1994. Réan Urg 1994 ;
3 : 321-330 [22] Haug JB, Harthug S, Kalager T, Digranes A, Solberg CO. 1998
[6] Blot F, Nitenberg G, Chachaty E, Raynard B, Germann N, Bloodstream infections in a norvegian univesity hospital
1974-1979 and 1988-1989. Changing etiology, clinical [41] Sonnenblick M, Carmon M, Rudenski B, Friedlander Y,
Antoun S et al. Diagnosis of catheter-related bacteriemia: a VanDijk JM. Septicemia in the elderly: incidence and prog-
prospective comparison of the time to positivity of hub- feature and outcome. Clin Infect Dis 1994 ; 19 : 246-256
nostic factors. Isr J Med Sci 1990 ; 26 : 195-199
blood versus peripheral cultures. Lancet 1999 ; 354 : [23] Iversen G, Scheel O. Epidemiological aspects of commu-
1071-1077 nity acquired and hospital acquired bacteremia in north- [42] Strand CL. Blood cultures consensus recommendations
[7] Bone RC, Balk RA, Cerra FB, Dellinger RP, Fein AM, Knaus ern Norway. Scand J Infect Dis 1993 ; 25 : 465-470 in1988. Microbiology No MB 88-1 (MB-172) American
WA et al. Definitions for sepsis and organ failure and guide- society for clinical pathologists check sample continuing
lines for the use in innovative therapies in sepsis. Chest [24] Kolley MH, Sherman G, Ward S, Fraser VJ. Inadequate anti- education program. Chicago : American Society for Clini-
1992 ; 101 : 1644-1655 microbial treatment of infection. A risk factor for hospital cal Pathologists, 1988
mortality among critically III patients? Chest 1999 ; 115 :
[8] Brun-Buisson C, Abrouk F, Legrand P, Huet Y, Larabi S, 462-474 [43] Uzun Ö, Akalin HE, Hayran M, Ünal S. Factors influencing
Rapin M. Diagnosis of central venous catheter-related prognosis in bacteremia due to gram negative organisms:
sepsis. Critical level of quantitative tip cultures. Arch Intern [25] Leibovici L, Cohen O, Wysenbeek AJ. Occult bacterial infec-
evaluation of 448 episodes in a turkish university hospital.
Med 1987 ; 147 : 873-877 tions in adults with unexplained fever. Validation of a diag-
Clin Infect Dis 1992 ; 15 : 866-873
[9] Brun-Buisson C. Définitions, épidémiologie, pronostic. In : nosis index. Arch Intern Med 1990 ; 150 : 1270-1272
Carlet J, Martin C, Offenstadt G éd. États infectieux graves. [26] Leibovici L, Greenshtain S, Cohen O, Mor F, Wysenbeek AJ. [44] Washington JA. II : Blood cultures: principles and tech-
Perspectives thérapeutiques. Collection d’anesthésiologie Bacteremia in febrile patients. A clinical Model for diagno- niques. Mayo Clin Proc 1975 ; 50 : 91-98
et de réanimation. Paris : Masson, 1995 : 3-16 sis. Arch Intern Med 1991 ; 151 : 1801-1806
[45] Weinstein MP. Current blood cultures methods and
[10] Brun-Buisson C, Doyon F, Carlet J and the french [27] Luce JM. Pathogenesis and management of sepsis shock. systems: clinical concepts, technology and interpretation
bacteremia-sepsis study group. Bacteremia and severe Chest 1987 ; 91 : 883-888 of results. Clin Infect Dis 1996 ; 23 : 40-46
sepsis in adults: a multicenter prospective survey in ICUs
and wards of 24 hospitals. Am J Respir Crit Care Med 1996 ; [28] Martin C, Viviand X, Thomachot L, Albanèse J. Pourquoi, [46] Weinstein MP, Reller LB, Murphy JR, Lichtenstein KA. The
154 : 617-624 quand et comment prescrire une association d’antibioti- clinical significance of positive blood cultures: a compre-
[11] Capdevila JA, Planes AM, Palomar M, Gasser I, Almirante B, ques ?In : Conférences d’actualisation. 36e congrès natio- hensive analysis of 500 episodes of bacteriemia and
Pahissa A et al. Value of differential quantitative blood cul- nal d’anesthésie et de réanimation. Paris : SFAR-Masson, fungemia in adults. Clinical observations with special refe-
tures in the diagnosis of catheter-related sepsis. Eur J Clin 1994 : 521-539 rences to factors influencing prognosis. Rev Infect Dis 1983 ;
Microbiol Infect Dis 1992 ; 11 : 403-407 [29] Mathieu D, Nguyen J, Grenier B, Veron M. Recommanda- 5 : 54-70
[12] Chidiac C, Alfandari S, Libbrecht E, Senneville E, Ajana F, tions pour l’évaluation des automates pour hémocultures. [47] Weinstein MP, Towns ML, Quartey SM, Reimer LG, Parmi-
Bourez JM et al. Infections bactériennes chez les patients Bull Soc Fr Microbiol 1994 ; 9 : 179-183 giani G, Reller B. The clinical significance of positive blood
infectés par le VIH : l’expérience du CISIH France-Nord. cultures in the1990s: a prospective comprehensive evalu-
Med Mal Infect 1994 ; 24 : 723-727 [30] Morris AJ, Wilson ML, Mirrett S, Reller LB. Rationale for
selective use of anaerobic blood cultures. J Clin Microbiol ation of the microbiology, epidemiology and outcome of
[13] Clark DE, Raffin TA. Infectious complications of indwelling 1993 ; 31 : 2110-2113 bacteriema and fungemia in adults. Clin Infec Dis 1997 ; 24 :
long-term central venous catheters. Chest 1990 ; 97 : 584-602
966-972 [31] Mozes B, Milatiner D, Block C, Blumstein Z, Halkin H. Incon-
sistency of a model aimed at predicting bacteremia in hos- [48] Widmer AF, Nettleman M, Flint K, Wenzel RP. The clinical
[14] Cobb DK, High KP, Sawyer RG, Sable CA, Adams RB, Lindley
pitalized patients. J Clin Epidemiol 1993 ; 46 : 1035-1040 impact of culturing central venous catheters: a prospective
DA et al. A controlled trial of scheduled replacement of
study. Arch Intern Med 1992 ; 152 : 1299-1302
central venous and pulmonary-artery catheters. N Engl J [32] Paisley JW, Lauer BA. Pediatric blood cultures. Clin Lab Med
Med 1992 ; 327 : 1062-1068 1994 ; 14 : 17-30 [49] Williams TJ, Hellewell PG. Adhesion molecules involved in
[15] Crowe M, Ispahani P, Humphreys H, Kelley T, Winter R. [33] Peduzzi P, Shatney C, Sheagren J, Sprung C. Predictors of the microvascular inflammatory response. Am Rev Respir
Bacteraemia in the adult intensive care unit of a teaching bacteriemia and Gram negative bacteremia in patients Dis 1992 ; 146 : 545-550
hospital in Nottingham, UK,1985-1996. Eur J Clin Microbiol with sepsis. Arch Intern Med 1992 ; 152 : 529-535
Infect Dis 1998 ; 17 : 377-384 [50] Wilson ML, Mirrett S, Reller LB, Weinstein MP, Reimer LG.
[34] Pittet D, Wenzel RP. Nosocomial bloodstream infections. Recovery of clinically important microorganisms from the
[16] Doern GV. Manual blood culture systems and the antimi-
Secular trends in rates, mortality and contribution to total Bact/alert blood culture system does not require testing for
crobial removal device. Clin Lab Med 1994 ; 14 : 133-147
hospital deaths. Arch Intern Med 1995 ; 155 : 1177-1184 seven days. Diagn Microbiol Infect Dis 1993 ; 16 : 31-34
[17] Douard MC, Arlet G, Leverger G, Paulien R, Waintrop C,
Clementi E et al. Quantitative blood cultures for diagnosis [35] Pohlman JK, Kirkley BA, Easley KA, Basille BA, Washington [51] Zaidi AK, Harell LJ, Rost JR, Reller LB. Assessment of simila-
and management of catheter-related sepsis in pediatric JA. Controlled clinical evaluation of BACTEC Plus Aerobic/F rity among coagulase negative staphylococci from sequen-
hematology and oncology patients. Intensive Care Med end Bact/Alert aerobic FAN bottles for detection of blood- tial blood cultures of neonates and children by pulsed-field
1991 ; 17 : 30-35 stream infections. J Clin Microbiol 1995 ; 33 : 2856-2858 gel electrophoresis. J Infect Dis 1996 ; 174 : 1010-1014

7
 8-003-T-10

Conduite à tenir devant un syndrome


mononucléosique
N. Valin

Un syndrome mononucléosique est défini par une augmentation des éléments mononucléés du sang
(monocytes et lymphocytes) supérieure à 50 % de la lignée blanche sanguine et par la présence d’au
moins 10 % de grands lymphocytes hyperbasophiles. Les quatre étiologies principales à rechercher sont la
mononucléose infectieuse (MNI), la primo-infection à cytomégalovirus (CMV), la toxoplasmose acquise
et la primo-infection due au virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Il existe d’autres étiologies
infectieuses et non infectieuses, mais moins fréquentes. L’interrogatoire, l’examen clinique et les sérologies
spécifiques doivent permettre d’orienter le diagnostic étiologique. En dehors de l’infection à VIH, la plupart
de ces pathologies ont une évolution spontanément favorable et nécessitent un traitement spécifique
uniquement chez le patient immunodéprimé.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Syndrome mononucléosique ; Epstein-Barr virus ; Cytomégalovirus ; Toxoplasmose ;


Primo-infection à VIH

Plan Les grands lymphocytes hyperbasophiles sont des cellules


lymphocytaires T cytotoxiques stimulées en réponse à une agres-
■ Introduction 1 sion infectieuse ou immunitaire. Ces lymphocytes peuvent avoir
différentes terminologies selon les laboratoires : « grands lympho-
■ Étiologies d’un syndrome mononucléosique 1 cytes bleus », « grands lymphocytes hyperbasophiles », « cellules
Étiologies infectieuses 1 mononucléées hyperbasophiles », « cellules hyperbasophiles »,
Étiologies non infectieuses 4 « grandes cellules mononucléaires bleutées », « lymphocytes acti-
■ Conclusion 4 vés », « lymphocytes atypiques ».
Les principaux diagnostics différentiels sont la leucémie aiguë
lymphoblastique, la leucémie lymphoïde chronique, la mala-
die de Waldenström et l’hyperlymphocytose physiologique chez
 Introduction l’enfant. Cependant, les lymphocytes sont alors souvent mono-
morphes.
Le diagnostic de syndrome mononucléosique est cytologique.
L’hémogramme retrouve classiquement une hyperleucocytose,
une lymphocytose absolue et parfois une neutropénie.
Le syndrome mononucléosique est défini par :
 Étiologies d’un syndrome
• une augmentation des éléments mononucléés du sang (mono- mononucléosique
cytes et lymphocytes) supérieure à 50 % de la lignée blanche
sanguine ; On distingue les causes infectieuses, les plus fréquentes, et les
• la présence d’au moins 10 % de lymphocytes activés (taille aug- causes non infectieuses (Tableau 1).
mentée et coloration basophile).
Le diagnostic se fait grâce à un frottis sanguin, coloré au May-
Grünwald-Giemsa, qui doit être lu à l’œil nu. Le frottis sanguin Étiologies infectieuses
montre des lymphocytes polymorphes qui signent le syndrome
Mononucléose infectieuse
mononucléosique. On peut observer quatre types de lymphocytes
différents : Épidémiologie et physiopathologie
• des lymphocytes normaux ; Le virus responsable de la mononucléose infectieuse (MNI)
• de grandes cellules mononucléées, avec un cytoplasme hyper- est l’Epstein-Barr virus (EBV), virus à acide désoxyribonucléique
basophile, de couleur bleutée, étendu, et un noyau excentré (ADN), de la famille des Herpesviridae. La transmission se fait essen-
non nucléolé ; tiellement par la salive et nécessite un contact étroit (« maladie
• des cellules lymphoïdes plus petites, proches des plasmocytes ; du baiser »). La transmission sexuelle de l’EBV a récemment
• de grandes cellules nucléolées, à gros noyaux, pouvant évoquer été évoquée [1] . Il existe exceptionnellement une transmission
des lymphoblastes. par transfusion ou par transplantation d’organe. On note deux

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 11 > n◦ 2 > mai 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(14)64839-0
8-003-T-10  Conduite à tenir devant un syndrome mononucléosique

Tableau 1.
Éléments diagnostiques devant un syndrome mononucléosique.
Agent infectieux Epson-Barr virus Cytomégalovirus Toxoplasma gondii Virus de l’immunodéficience
humaine
Population Adolescent, jeune adulte Adolescent, jeune adulte Adolescent, jeune adulte Tout âge
Incubation De 4 à 6 semaines De 6 à 8 semaines De 5 jours à 3 semaines De 2 à 6 semaines
Examen clinique Fièvre Fièvre Adénopathies cervicales Fièvre
Asthénie Syndrome pseudogrippal Exanthème, énanthème
Angine pseudomembraneuse Exanthème Polyadénopathies
Polyadénopathie Adénopathies cervicales Pharyngite
Exanthème après prise Arthralgies, myalgies
d’amoxicilline Céphalées
Diagnostic Sérologie EBV + virémie Sérologie CMV + virémie Sérologie toxoplasmose Antigénémie p24, sérologie
quantitative quantitative VIH

EBV : Epson-Barr virus ; CMV : cytomégalovirus ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine.

pics de séroconversion pour l’EBV. Le premier pic survient dans Évolution et traitement
l’enfance entre 2 et 4 ans, essentiellement dans les pays en La guérison de la MNI est le plus souvent spontanée en trois
développement [2] . La primo-infection est alors le plus souvent ou quatre semaines. Cependant, certaines complications rares
asymptomatique. Le second pic survient à l’adolescence dans les (10 % des cas) mais graves peuvent conduire au décès : cardiaques,
pays développés. La séroconversion est alors symptomatique dans neurologiques (méningite, méningoencéphalite, syndrome de
50 % des cas environ [3] : c’est la MNI. À l’âge adulte, plus de 90 % Guillain-Barré), rupture de rate, hépatite fulminante [13] . Des ané-
de la population est immunisée. mies hémolytiques auto-immunes peuvent se voir.
La pénétration de l’EBV dans les cellules B entraîne une Une forme exceptionnelle de MNI fulminante, avec syndrome
prolifération polyclonale des lymphocytes B, responsable de la d’activation macrophagique et cytolyse, a été décrite chez les
prolifération des lymphocytes cytotoxiques. Le virus reste ensuite garçons atteints du syndrome lymphoprolifératif lié au X (syn-
à l’état latent dans les lymphocytes B du sang circulant [4] . drome de Purtilo). Le traitement est la greffe de moelle ; il existe
un risque de développer un lymphome B en cas de survie. Un trai-
tement par étoposide peut être proposé. La mortalité est estimée
Clinique à 80 % [14, 15] .
L’incubation est de quatre à six semaines. Le tableau associe La mononucléose chronique est une pathologie rare définie par
dans 50 % des cas une fièvre élevée et prolongée, une asthénie la récurrence de la fièvre, l’asthénie, des troubles neuropsychiques,
intense, un syndrome pharyngé et des adénopathies [5] . L’angine une hépatite, associée à un titre anormalement élevé d’anticorps
à fausses membranes est typique, mais elle peut être aussi éry- anti-VCA, plus d’un an après une MNI aiguë [5, 16] .
thémateuse ou érythématopultacée, avec œdème de la luette Le syndrome de fatigue chronique défini par la persistance de
et purpura du voile. Les adénopathies sont fermes et doulou- fatigue plus de six mois après la survenue des symptômes serait
reuses, initialement cervicales ou occipitales, puis généralisées. lié à des facteurs psychologiques, mais cette entité reste débattue
Une hépatomégalie et une splénomégalie peuvent être retrou- pour certains [17] .
vées. Un exanthème maculopapuleux du tronc et de la racine des À la phase de latence, l’EBV peut être impliqué dans
membres est présent dans 90 % des cas après prise d’amoxicilline. des lymphoproliférations de type B : lymphome de Burkitt,
D’autres manifestations plus rares ont été décrites : oculaires lymphome d’Hodgkin, lymphome malin non hodgkinien, lym-
(conjonctivite, œdème palpébral), neurologiques (méningite, phome cérébral primitif, lymphome des séreuses, lymphome B
encéphalite, polyradiculonévrite, myélite), cardiaques (myo- angio-immunoblastique. Il peut être aussi impliqué dans des
cardite, péricardite), rénales (glomérulonéphrite), pulmonaires lymphoproliférations de type T : lymphome nasal T, lymphome T
(pneumopathie interstitielle) [6–8] . angio-immunoblastique. Il peut aussi être impliqué dans des
épithélioproliférations : carcinome nasopharyngien, carcinome
gastrique, thymus, amygdale, poumon, sein, peau, etc. [14, 18] .
Biologie Des réactivations EBV ou des primo-infections EBV peuvent être
On retrouve un syndrome mononucléosique dans 80 % des responsables de lymphoproliférations B ou T en postgreffe et sont
cas, souvent associé à une neutropénie et une thrombopénie parfois de diagnostic difficile [19] .
modérées. Des complications hématologiques sont possibles : Enfin, le virus EBV est impliqué dans la genèse de la leucoplasie
anémie hémolytique, agranulocytose ou syndrome d’activation chevelue de la langue et de la pneumonie lymphoïde intersti-
macrophagique [9, 10] . L’atteinte hépatique est fréquente, avec une tielle du patient séropositif pour le virus de l’immunodéficience
cytolyse ou, plus rarement, une cholestase. humaine (VIH) [5, 20] .
La recherche d’anticorps hétérophiles par le MNI-test (réaction Il n’existe pas de traitement spécifique de l’infection à EBV. Les
d’agglutination sur lame d’hématies animales par les immuno- corticoïdes sont proposés dans les formes compliquées respira-
globulines M[IgM] hétérophiles du sérum du malade) permet toires ou neurologiques. L’aciclovir, le valaciclovir, le ganciclovir
un diagnostic positif rapide mais de sensibilité et de spécifi- et le foscavir ont été proposés parfois en association avec les corti-
cité imparfaites, surtout chez l’enfant. Le diagnostic positif de coïdes [21–23] . Ces traitements inhibent la réplication de l’EBV, mais
primo-infection EBV doit être complété par la sérologie spécifique n’ont pas d’effet sur les symptômes qui sont avant tout secon-
EBV (parfois réalisée d’emblée) : présence d’IgM anti-virus capside daires à la réponse immunitaire au virus. Ils ne sont donc pas
antigen (anti-VCA, antigène de capside, le plus sensible, le seul recommandés.
spécifique de la primo-infection et le plus précoce), parfois d’IgG Dans le cadre des lymphoproliférations postgreffe, des trai-
anti-VCA (à un taux faible) et anti-early antigen (anti-EA, anti- tements par chimiothérapie, parfois associés à des anticorps
gène précoce) et absence d’anti-Epstein-Barr nuclear antigen (EBNA, monoclonaux (anti-CD20), la chirurgie et la radiothérapie se sont
antigène nucléaire) [11] . La présence d’anticorps anti-EBNA est le développés ces dernières années.
témoin d’une infection ancienne.
Le diagnostic direct par biologie moléculaire par polymerase Infection à cytomégalovirus
chain reaction (PCR) permet de quantifier la charge virale EBV.
Son utilisation dans le diagnostic de la primo-infection est très Épidémiologie et physiopathologie
intéressante, mais cette technique n’est pas utilisée dans tous les Le cytomégalovirus (CMV) est un virus à ADN, de la famille
laboratoires [12] . des Herpesviridae. Le réservoir du CMV est strictement humain,

2 EMC - Maladies infectieuses


Conduite à tenir devant un syndrome mononucléosique  8-003-T-10

et il existe de nombreux porteurs asymptomatiques. Plusieurs Chez l’immunodéprimé, l’infection peut mettre en jeu le pro-
modes de transmission sont décrits : respiratoire, génital, salivaire, nostic fonctionnel ou vital.
transmission maternofœtale, allaitement, dérivés du sang, trans- Aucun traitement n’est justifié en cas de primo-infection simple
plantation d’organe ou de moelle [24] . La prévalence de l’infection du patient non immunodéprimé. En cas de forme compliquée
à CMV est d’autant plus élevée que le niveau socioéconomique chez l’immunocompétent et chez le patient immunodéprimé, le
est bas [25] . traitement repose sur deux molécules antivirales : ganciclovir et
Après la primo-infection, le virus persiste dans les lympho- foscarnet [35] . La durée du traitement dépend de la localisation et
cytes T, les polynucléaires neutrophiles, les glandes salivaires, les de l’immunodépression sous-jacente.
cellules endothéliales, les cellules-souches de la moelle osseuse [26] .
Des épisodes de réactivation peuvent se produire lors d’un déficit
immunitaire cellulaire important et s’accompagner de maladie à Toxoplasmose acquise
CMV. Des réinfections exogènes à partir de souches différentes de Épidémiologie
CMV ont également été décrites [27] . Le parasite responsable de la toxoplasmose est un protozoaire
appelé Toxoplasma gondii. La transmission se fait à partir de
Clinique l’ingestion d’aliments ou d’eau contaminés, viande mal cuite
La primo-infection de l’adulte immunocompétent est le plus (porc et agneau surtout), légumes souillés par des déjections de
souvent asymptomatique. L’incubation est de six à huit semaines. chat et mal lavés. La transmission peut également être mater-
Les signes cliniques les plus fréquents sont une fièvre prolongée, nofœtale ou par transplantation d’organe. La prévalence de
des sueurs, un malaise général, un syndrome pseudogrippal [28] . À la toxoplasmose diminue avec l’amélioration des conditions
l’examen, il peut exister une hépatosplénomégalie, un exanthème d’hygiène et varie entre 22 et 75 % selon les pays [36] .
et des adénopathies cervicales.
La primo-infection CMV chez la femme enceinte est respon- Clinique
sable de la transmission du virus au fœtus dans 30 à 40 % des cas Chez l’immunocompétent, la toxoplasmose est le plus souvent
et peut causer des malformations neurologiques et une mort in asymptomatique. Dans 10 % des cas, elle associe fièvre, asthénie et
utero (surtout en cas de transmission précoce au cours de la gros- adénopathies périphériques cervicales ou occipitales. Il peut exis-
sesse). En cas d’atteinte congénitale par le CMV, le nouveau-né ter un exanthème maculopapuleux et une hépatosplénomégalie.
est symptomatique dans 10 à 15 % des cas (maladie des inclu- Des formes rares mais graves (pneumonie, myocardite, péricar-
sions cytomégaliques, hypotrophie). Dans 10 à 20 % des cas, le dite, myosite, troubles neurologiques) ont été décrites [37] .
nouveau-né est asymptomatique à la naissance, mais développe La toxoplasmose chez l’immunodéprimé (patients séropositifs
ensuite des troubles oculaires ou neurologiques : surdité, retard pour le VIH ou transplantés) est souvent très grave. Il s’agit le
psychomoteur, épilepsie [29] . plus souvent de la réactivation d’une infection ancienne. Les
La manifestation la plus fréquente de l’infection à CMV chez localisations sont neurologiques (abcès cérébral), oculaires (cho-
le patient transplanté est la pneumopathie interstitielle, mais une riorétinite), pulmonaires ou disséminées [38] .
fièvre isolée, une méningoencéphalite, une myocardite peuvent Les formes congénitales sont d’autant plus graves et moins
se voir. L’infection à CMV pourrait également favoriser le rejet de fréquentes que la contamination est précoce. Entre 70 et 90 %
la greffe [30] . des enfants contaminés in utero sont asymptomatiques, mais
Chez le patient séropositif pour le VIH, la maladie à CMV sur- la plupart d’entre eux développeront des séquelles s’ils ne sont
vient lorsque le taux de lymphocytes CD4 est inférieur à 50/mm3 . pas correctement pris en charge et traités. Les manifestations
La rétinite est la localisation la plus fréquente, suivie d’atteintes néonatales de la toxoplasmose sont neurologiques (hydrocépha-
digestives et plus rarement d’une atteinte neurologique, voire pul- lie, microcéphalie, calcifications intracrâniennes, épilepsie, retard
monaire [31] . psychomoteur et mental) et oculaires (choriorétinite) [38] .

Biologie Biologie [39]


Le syndrome mononucléosique apparaît le dixième jour, sou- Le syndrome mononucléosique, souvent discret, est présent
vent absent chez l’immunodéprimé. Il peut exister une anémie, dans 30 % des cas. Il peut s’accompagner d’une hyperéosinophilie
une neutropénie, une thrombopénie et une hépatite associées [26] . transitoire.
Chez le patient immunocompétent, le diagnostic positif de Le diagnostic positif de la toxoplasmose du patient immu-
primo-infection est sérologique par des techniques de type nocompétent repose sur la sérologie, par la détection des IgM
enzyme-linked immunosorbent assay (Elisa). La détection des IgG et des IgG. La technique de référence pour les IgG reste le
permet de rechercher une séroconversion (apparition d’anticorps) dye-test qui n’est cependant quasiment plus utilisé en routine.
ou une multiplication par quatre des IgG sur deux sérums Les techniques les plus utilisées sont des méthodes immu-
consécutifs ; la présence d’IgM spécifiques est un bon marqueur noenzymatiques (Elisa). D’autres techniques sont disponibles :
d’infection récente. immunofluorescence indirecte (IFI), agglutination sensibilisée.
Chez le patient immunodéprimé, la sérologie n’est pas tou- Le résultat est exprimé en unités internationales par millilitre
jours contributive, et on préfère la détection directe de la virémie (UI/ml). Pour les IgM, l’IFI (test de Remington) est de moins
grâce à la détection quantitative du virus par PCR [32] . Cette der- en moins utilisée et est remplacée par des méthodes basées sur
nière technique est très sensible, mais il n’existe pas encore de le principe de l’immunocapture : immunocapture-agglutination
standardisation entre les laboratoires. En cas de doute sur une (immunosorbent agglutination assay [ISAgA]) ou méthodes immu-
réactivation, on peut avoir recours à un test d’avidité des Ig [33] . noenzymatiques. En raison de l’absence de standardisation entre
On peut également rechercher le virus sur le sang, par une biop- les différents réactifs disponibles (pour les IgG et les IgM), le résul-
sie ou dans le lavage bronchoalvéolaire, par mise en évidence de tat écrit doit préciser le réactif utilisé et les critères d’interprétation
l’effet cytopathogène caractéristique (ballonnisation, inclusions et le biologiste doit rédiger une conclusion argumentée.
nucléaires) ou par des anticorps monoclonaux. La toxoplasmose évolutive peut être affirmée par l’étude de deux
La présence de CMV dans un liquide biologique doit toujours sérums espacés de 15 jours mettant en évidence une séroconver-
être interprétée en fonction de la clinique. sion (premier sérum négatif, second sérum positif), ou la présence
d’IgM avec une élévation significative du titre des IgG (multipli-
Évolution et traitement cation par quatre) entre le premier et le second sérum titrés en
L’infection à CMV chez l’adulte sain évolue de façon spontané- parallèle, par les mêmes méthodes et dans le même laboratoire.
ment favorable en deux à huit semaines [25] . Cependant, de rares La recherche d’IgA peut être intéressante dans les séroconversions
complications ont été décrites au cours de la primo-infection chez sans IgM.
l’immunocompétent : myocardite, péricardite, hépatite, poly- Les techniques permettant la mise en évidence du parasite
radiculonévrite, colite, pneumopathie interstitielle, vascularite, (inoculation à l’animal, PCR) sont réservées au diagnostic de la
encéphalite, rupture de rate [34] . toxoplasmose congénitale et de l’immunodéprimé.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-003-T-10  Conduite à tenir devant un syndrome mononucléosique

Évolution et traitement Autres étiologies infectieuses


La toxoplasmose de l’immunocompétent guérit le plus sou- De nombreuses maladies virales surtout mais aussi bactériennes
vent spontanément en quelques semaines. Seules les formes et parasitaires peuvent être responsables d’un syndrome mononu-
graves justifient un traitement identique à celui prescrit chez cléosique [45, 46] .
l’immunodéprimé. Parmi les viroses, on distingue : les autres herpèsvirus (human
La toxoplasmose du sujet immunodéprimé est une maladie herpes virus 6 [HHV-6] surtout, varicelle-zona virus [VZV], herpes
grave, constamment mortelle sans traitement sauf les formes ocu- simplex virus [HSV], HHV-8), les virus de la rubéole, la rou-
laires isolées qui peuvent conduire à la cécité. Le traitement de geole, des oreillons, des hépatites (hépatites A, B et C), le
première intention est pyriméthamine–sulfadiazine remplacé par parvovirus B19, l’adénovirus, les arboviroses, en particulier la
pyriméthamine–clindamycine en cas d’effets indésirables. dengue [47] .
En cas de séroconversion en cours de grossesse, la femme reçoit Les étiologies bactériennes sont plus rares : syphilis secondaire,
un traitement par spiramycine ou par pyriméthamine–sulfamides brucellose, salmonellose, listériose, rickettsiose.
si le diagnostic anténatal est positif. Si le diagnostic de toxo- Parmi les parasitoses, le paludisme s’accompagne rarement d’un
plasmose congénitale est établi, l’enfant doit être traité par syndrome mononucléosique.
pyriméthamine–sulfamides pendant au moins un an, avec un
suivi clinique jusqu’à l’âge adulte.
Étiologies non infectieuses
Primo-infection par le virus Le syndrome mononucléosique serait lié à une dysfonction
immunitaire.
de l’immunodéficience humaine
Les allergies médicamenteuses peuvent être responsables d’un
Épidémiologie syndrome mononucléosique, notamment dans le cadre d’un syn-
Le nombre de nouveaux patients infectés par le VIH est estimé drome d’hypersensibilité ou drug rash with eosinophila and systemic
à 6100 cas en France en 2011 [40] . La transmission se fait par voie symptom (DRESS). Ce syndrome apparaît deux à six semaines
sexuelle le plus souvent et, plus rarement, par voie sanguine. après l’initiation du médicament et associe de la fièvre, une
éruption cutanée, un œdème de la face, des adénopathies. Sur
Clinique le plan biologique, on note une hyperleucocytose, une hyper-
L’incubation est de deux à six semaines. Souvent asympto- éosinophilie, une hépatite. Les médicaments le plus souvent
matique, la primo-infection peut néanmoins se traduire dans retrouvés à l’interrogatoire sont les bêtalactamines, les sulfamides,
50 % des cas par un tableau pseudogrippal associant fièvre, les cyclines, l’allopurinol [48] .
asthénie, myalgies. Les autres signes cliniques fréquents sont Les maladies auto-immunes (lupus érythémateux disséminé,
une angine, des ulcérations buccales ou génitales, une éruption polyarthrite rhumatoïde) et certaines pathologies malignes
cutanée transitoire du tronc et des adénopathies superficielles. (lymphomes) peuvent également s’accompagner d’un syn-
L’association syndrome pseudogrippal, éruption cutanée et ulcé- drome mononucléosique discret, lié ou non à la présence
rations muqueuses est très évocatrice de la primo-infection VIH. d’EBV.
Des manifestations digestives et neurologiques (méningoencé- La maladie du greffon contre l’hôte (graft versus host [GVH])
phalite, polyradiculonévrite) ont également été décrites [41] . peut être à l’origine du syndrome mononucléosique.

Biologie
On note souvent une thrombopénie, une neutropénie, une  Conclusion
lymphopénie et une cytolyse initiales. Le syndrome mononucléo-
sique apparaît la deuxième semaine d’évolution. La définition du syndrome mononucléosique est biologique,
Le diagnostic positif repose sur les tests Elisa « duo » dépistant mais la démarche diagnostique doit s’aider des données de
dans le même temps les anticorps et les antigènes anti-p24 (Ag- l’interrogatoire, de l’examen clinique et des sérologies. Les quatre
p24). En l’absence de test duo, si la sérologie est négative, la causes les plus fréquentes sont l’EBV, le CMV, la toxoplasmose et
recherche d’une antigénémie p24 reste d’actualité, si la mesure de la primo-infection VIH, mais d’autres infections, l’allergie médi-
l’acide ribonucléique (ARN) VIH n’est pas rapidement réalisable. camenteuse et les pathologies immunitaires peuvent aussi être
L’ARN VIH est détectable dix jours après la contamination, l’Ag responsables de syndrome mononucléosique.
p24 deux semaines après et les anticorps anti-VIH (par Elisa) entre
22 et 26 jours après. Une primo-infection à VIH est définie par un
Elisa négatif ou faiblement positif avec western blot incomplet ou
négatif et Ag p24 et/ou ARN VIH positif [42] . “ Points essentiels
Évolution et traitement
Devant un syndrome mononucléosique, il faut rechercher
Les signes cliniques disparaissent spontanément en quelques
des éléments cliniques orientant le diagnostic :
semaines.
• interrogatoire avec recherche de contage, des facteurs
Cependant, depuis 2013, les indications de traitement en
primo-infection ont été élargies aux patients asymptomatiques de risque d’exposition pour le virus de l’immunodéficience
quels que soient les niveaux de CD4 et la charge virale. Le délai humaine (VIH), une transfusion, un voyage, une prise
d’initiation du traitement doit être court. Auparavant, un trai- médicamenteuse, l’ancienneté des symptômes ;
tement antirétroviral précoce au stade de primo-infection était • examen clinique (éruption cutanée, angine, hépatosplé-
recommandé uniquement en cas de symptômes neurologiques nomégalie, adénopathies) ;
et/ou en cas d’infection opportuniste et chez les patients ayant des Puis il faut réaliser les sérologies spécifiques : Epstein-Barr
CD4 inférieur à 350 par millimètre cube au moment du diagnostic. virus (EBV), cytomégalovirus (CMV), VIH, toxoplasmose.
Un traitement précoce pourrait avoir un intérêt individuel chez La mononucléose infectieuse, l’infection à cytomégalo-
tous les patients en préservant l’immunité car la chute des CD4
virus, la toxoplasmose et la primo-infection à VIH sont
est alors ralentie. Le traitement précoce permettrait de limiter la
taille des réservoirs de virus, limitant l’inflammation, caractéris-
responsables de la majorité des syndromes mononucléo-
tique de cette période de l’infection. Cette stratégie de traitement siques.
précoce permet également un contrôle plus rapide de l’infection Chez le patient immunodéprimé, le syndrome mononu-
avec une décroissance de la charge virale rapide. Traiter précoce- cléosique est moins marqué et doit faire rechercher en
ment aurait donc aussi un intérêt collectif en diminuant le risque priorité une infection à CMV, à EBV ou une toxoplasmose.
de transmission [43, 44] .

4 EMC - Maladies infectieuses


Conduite à tenir devant un syndrome mononucléosique  8-003-T-10

 Références [25] Staras SA, Dollard SC, Radford KW, Flanders WD, Pass RF, Cannon
MJ. Seroprevalence of cytomegalovirus infection in the United States,
[1] Higgins CD, Swerdlow AJ, Macsween KF, Harrison N, Williams H, 1988-1994. Clin Infect Dis 2006;43:1143–51.
McAulay K, et al. A study of risk factors for acquisition of Epstein-Barr [26] Bonnet F, Morlat P, Neau D, Viallard JF, Ragnaud JM, Dupon M, et al.
virus and its subtypes. J Infect Dis 2007;195:474–82. Hematologic and immunologic manifestations of primary cytomegalovi-
[2] Chan KH, Tam JS, Peiris JS, Seto WH, Ng MH. Epstein-Barr virus (EBV) rus infections in non-immunocompromised hospitalized adults. Rev Med
infection in infancy. J Clin Virol 2001;21:57–62. Interne 2000;21:586–94.
[3] Niederman JC, Evans AS, Subrahmanyan L, McCollum RW. Prevalence, [27] Chandler SH, Handsfield HH, McDougall JK. Isolation of multiple strains
incidence and persistence of EB virus antibody in young adults. N Engl of cytomegalovirus from women attending a clinic for sexually transmit-
J Med 1970;282:361–5. ted disease. J Infect Dis 1987;155:655–60.
[4] Crawford DH. Biology and disease associations of Epstein-Barr virus. [28] Wreghitt TG, Teare EL, Sule O, Devi R, Rice P. Cytomegalovirus infec-
Philos Trans R Soc Lond B Biol Sci 2001;356:461–73. tion in immunocompetent patients. Clin Infect Dis 2003;37:1603–6.
[5] Cohen JL. Epstein Barr virus infection. N Engl J Med 2000;343:481–92. [29] Malm G, Engman ML. Congenital cytomegalovirus infections. Semin
[6] Fujimoto H, Asaoka K, Imaizumi T, Ayabe M, Shoji H, Kaji M. Fetal Neonatal Med 2007;12:154–9.
Epstein-Barr virus infections of the central nervous system. Intern Med [30] De Maar EF, Verschuuren EA, Harmsen MC, The TH, Van Son WJ.
2003;42:33–40. Pulmonary involvement during cytomegalovirus infection in immuno-
[7] Marzouk K, Corate L, Saleh S, Sharma OP. Epstein-Barr-virus-induced suppressed patients. Transpl Infect Dis 2003;5:112–20.
interstitial lung disease. Curr Opin Pulm Med 2005;11:456–60. [31] Vancikova Z, Dvorak P. Cytomegalovirus infection in immunocompetent
[8] Kennedy M, Apostolova M. A rare case of infectious mononucleosis and immunocompromised individuals–a review. Curr Drug Targets
complicated by Guillain-Barre syndrome. Neurol Int 2013;5:20–2. Immune Endocr Metabol Disord 2001;1:179–87.
[9] Sullivan JL, Woda BA, Herrod HG, Koh G, Rivara FP, Mul- [32] Boeckh M, Huang M, Ferrenberg J, Stevens-Ayers T, Stensland L, Nichols
der C. Epstein-Barr virus-associated hemophagocytic syndrome: WG, et al. Optimization of quantitative detection of cytomegalovirus
virological and immunopathological studies. Blood 1985;65: DNA in plasma by real-time PCR. J Clin Microbiol 2004;42:1142–8.
1097–104. [33] Grangeot-Keros L, Mayaux MJ, Lebon P, Freymuth F, Eugene G, Stri-
[10] Whitelaw F, Brook MG, Kennedy N, Weir WR. Haemolytic anaemia com- cker R, et al. Value of cytomegalovirus (CMV) IgG avidity index for the
plicating Epstein-Barr virus infection. Br J Clin Pract 1995;49:212–3. diagnosis of primary CMV infection in pregnant women. J Infect Dis
[11] Rea TD, Ashley RL, Russo JE, Buchwald DS. A systematic study of 1997;175:944–6.
Epstein-Barr virus serologic assays following acute infection. Am J Clin [34] Bonnet F, Neau D, Viallard JF, Morlat P, Ragnaud JM, Dupon M,
Pathol 2002;117:156–61. et al. Clinical and laboratory findings of cytomegalovirus infection
[12] Bauer CC, Aberle SW, Popow-Kraupp T, Kapitan M, Hofmann H, in 115 hospitalized non-immunocompromised adults. Ann Med Interne
Puchhammer-Stöckl E. Serum Epstein-Barr virus DNA load in primary 2001;152:227–35.
Epstein-Barr virus infection. J Med Virol 2005;75:54–8. [35] Eddleston M, Peacock S, Juniper M, Warrell DA. Severe cytomegalovirus
[13] Stahl JP. Infections aiguës graves à EBV. Reanimation 2005;14: infection in immunocompetent patients. Clin Infect Dis 1997;24:52–6.
245–7. [36] Montoya JG, Liesenfeld O. Toxoplasmosis. Lancet 2004;363:1965–76.
[14] Middeldorp JM, Brink AA, Van den Brule AJ, Meijer CJ. Pathogenic [37] Bossi P, Bricaire F. Severe acute disseminated toxoplasmosis. Lancet
roles for Epstein-Barr virus (EBV) gene products in EBV-associated 2004;364:579.
proliferative disorders. Crit Rev Oncol Hematol 2003;45:1–36. [38] Couvreur J, Desmonts G, Tournier G, Szusterkac M. A homogeneous
[15] Grierson H, Purtilo DT. Epstein-Barr virus infections in males with series of 210 cases of congenital toxoplasmosis in 0 to 11-month-old
the X-linked lymphoproliferative syndrome. Ann Intern Med 1987;106: infants detected prospectively. Ann Pediatr 1984;31:815–9.
538–45. [39] Université de Nantes : http://umvf.univ-
[16] Okano M. Overview and problematic standpoints of severe chronic nantes.fr/parasitologie/enseignement/toxoplasmose/site/html/cours.pdf.
active Epstein-Barr virus infection syndrome. Crit Rev Oncol Hematol [40] Dépistage de l’infection par le VIH en France, 2003-2011. Bull Epidemiol
2002;44:273–82. Hebd 2012;(46–47):529–33.
[17] White PD, Thomas JM, Kangro HO, Bruce-Jones WD, Amess J, Craw- [41] Hoen B. Primo-infection par le VIH. Paris: Doin; 200467–9.
ford DH, et al. Predictions and associations of fatigue syndromes [42] Primo-infection par le VIH. Prise en charge médicale des personnes
and mood disorders that occur after infectious mononucleosis. Lancet infectées par le VIH 2013. La documentation française; Paris:Médecine-
2001;358:1946–54. Sciences. Flammarion; 361–7.
[18] Bricaire F. Epstein-Barr virus. Ann Med Interne 1997;148:372–5. [43] Cheret A, Nembot G, Avettand-Fenoël V, Mélard A. Ravaux I, Hoen B,
[19] Heslop HE. How I treat EBV lymphoproliferation. Blood et al. Impact of 12 months HAART on cell-associated HIV-DNA in acute
2009;114:4002–8. primary HIV-1 infection in the OPTIPRIM-ANRS 147 trial. Communi-
[20] Lau R, Middeldorp J, Farrell PJ. Epstein-Barr virus gene expression in cation orale IAS, 2013.
oral hairy leukoplakia. Virology 1993;195:463–74. [44] Hocqueloux L, Saez-Cirion A, Rouzioux C. Immunovirologic control
[21] Balfour Jr HH, Hokanson KM, Schacherer RM, Fietzer CM, Schmeling 24 months after interruption of antiretroviral therapy initiated close to
DO, Holman CJ, et al. A virologic pilot study of valacyclovir in infectious HIV seroconversion. JAMA Intern Med 2013;173:475–6.
mononucleosis. J Clin Virol 2007;39:16–21. [45] Hurt C, Tammaro D. Diagnostic evaluation of mononucleosis-like ill-
[22] Van der Horst C, Joncas J, Ahronheim G, Gustafson N, Stein G, Gurthwith nesses. Am J Med 2007;120:911.e1–8.
M, et al. Lack of effect of peroral acyclovir for the treatment of acute [46] Sohier R. Mononucléose infectieuse et syndromes mononucléosiques.
infectious mononucleosis. J Infect Dis 1991;164:788–92. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-070-K-70,
[23] Rafailidis PI, Mavros MN, Kapaskelis A, Falagas ME. Antiviral treatment 1991: 7 p.
for severe EBV infections in apparently immunocompetent patients. J [47] Vignes S, Godmer P, Andrieu V, Vachon F. Mononucleosis syndrome in
Clin Virol 2010;49:151–7. dengue. Presse Med 1996;25:819–20.
[24] Colugnati FA, Staras SA, Dollard SC, Cannon MJ. Incidence of cytome- [48] Marrakchi C, Kanoun F, Kilani B, Tiouiri H, Goubontini A, Zoui-
galovirus infection among the general population and pregnant women ten F, et al. Allopurinol induced DRESS syndrome. Rev Med Interne
in the United States. BMC Infect Dis 2007;7:71. 2004;25:252–4.

N. Valin, Praticien hospitalier (nadia.valin@sat.aphp.fr).


Service de pathologie infectieuse et tropicale, Hôpital Saint-Antoine, 184, rue du Faubourg-Saint-Antoine, 75012 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Valin N. Conduite à tenir devant un syndrome mononucléosique. EMC - Maladies infectieuses 2014;11(2):1-
5 [Article 8-003-T-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 5


 8-003-U-10

Conduite à tenir
devant une hyperéosinophilie
H. Savini, F. Simon

L’hyperéosinophilie (HE) sanguine, définie par la présence de plus de 0,5 G de polynucléaires éosinophiles
(PE) par litre de sang, peut résulter de différents mécanismes et parfois induire des lésions viscérales graves
par toxicité tissulaire. La démarche diagnostique impose d’identifier les situations d’urgence redevables
d’une prise en charge spécialisée précoce. Plus souvent, une HE sanguine est découverte chez un sujet
asymptomatique imposant une enquête étiologique pragmatique. La recherche est axée sur les causes
les plus fréquentes : helminthoses, allergies, iatrogénie. L’éosinophilie sanguine est parfois satellite d’une
affection patente ou d’une atteinte d’organe cible par migration anormale des éosinophiles. La stratégie
intègre plusieurs lignes d’examens paracliniques, voire des actions thérapeutiques. Le recours à des tests
de biologie moléculaire améliore la démarche diagnostique en identifiant précocement les hémopathies
orientant vers des traitements spécifiques innovants.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Hyperéosinophilie ; Helminthoses ; Allergie ; Syndrome hyperéosinophilique essentiel ; Voyageurs ;


Leucémie à éosinophiles

Plan ■ Hyperéosinophilies infiltratives d’organe idiopathiques 8


■ Syndrome hyperéosinophilique essentiel, une entité
■ Introduction 1 démembrée 9
■ Polynucléaire éosinophile, cellule inflammatoire et allergique 2 Évolution nosologique des syndromes hyperéosinophiliques 9
Rappels physiologiques 2 Hyperéosinophilies d’origine clonale 9
Différents processus pathogènes 2 Hyperéosinophilies chroniques « non clonales » idiopathiques 10
Conséquences tissulaires néfastes du polynucléaire éosinophile 3 Suivi des hyperéosinophilies d’origine clonale et des SHE
idiopathiques 10
■ Prise en charge d’une hyperéosinophilie sanguine 3
■ Conclusion 10
Hyperéosinophilies urgentes 3
Hyperéosinophilies fréquentes 4
Hyperéosinophilies satellites 4
Hyperéosinophilies sans étiologie au terme de la démarche
de première intention 4
■ Urgences hyperéosinophiliques 4
« Drug reaction with eosinophilia and systemic syndrome »
(DRESS)
Syndrome d’invasion helminthique massive
4
4  Introduction
Vascularites systémiques 4
Hémopathies d’évolution rapide 4 Les étiologies des hyperéosinophilies (HE) sont nombreuses et
leur diversité implique une prise en charge diagnostique ration-
■ Hyperéosinophilies fréquentes 5 nelle, parfois complexe. La présence d’une HE justifie une enquête
Hyperéosinophilie au cours de l’atopie 5 étiologique du fait des risques propres à l’affection causale, mais
Hyperéosinophilie d’origine toxique 6 aussi du pouvoir pathogène direct des polynucléaires éosinophiles
Hyperéosinophilie des helminthoses 6 (PE) sur certains tissus sains.
■ Hyperéosinophilies d’accompagnement 7 L’HE est affirmée en présence de plus de 0,5 G de PE par litre de
Cancers solides et hémopathies 7 sang. Elle est définie comme légère si inférieure à 1,5 G/l, modérée
Connectivites et vascularites 7 si comprise entre 1,5 G et 5 G/l, et majeure ou massive lorsqu’elle
Infections non helminthiques 7 excède 5 G/l. Chez un patient sous corticothérapie, un taux de PE
Autres pathologies 8 supérieur à 0,3 G/l définit une HE.

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 9 > n◦ 4 > novembre 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)26113-7
8-003-U-10  Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie

 Polynucléaire éosinophile, cellule


Moelle osseuse Sang Tissus
inflammatoire et allergique Production
maturation Migration Dégranulation
Rappels physiologiques ECP
MBP
Le PE est produit dans la moelle osseuse à partir de précurseurs EPO
myéloïdes CD34+, sous l’influence de l’interleukine (IL) 3, de l’IL-5 Psélectine
et du granulocyte colony stimulating factor [1] . L’IL-5 est une cytokine-
clé car elle augmente également la libération des granules par le Cytotoxicité
PE [2] et inhibe leur apoptose [3] . Leur maturation achevée, les PE LT Inflammation
transitent dans le sang circulant sous l’influence de l’IL-5 et de PG Fibrose
l’éotaxine [4] avant de rejoindre les tissus cibles que sont le tube PAF
digestif, la peau et les poumons. Cellules
Les granules spécifiques du PE contiennent les molécules impli- musculaires
IL-5
quées dans son action cytotoxique (Fig. 1) : la mannose binding lisses
protein [5] , la protéine cationique des éosinophiles (eosinophil catio-
nic protein [6] ), la neurotoxine dérivée de l’éosinophile (eosinophil-
derived neurotoxin [EDN] [7] ) et l’érythropoïétine (EPO) [8] . Ces
Chimiotactisme (CCL11, IL-5, complément activé)
enzymes sont indispensables à la lutte contre les helminthes [9]
qui échappent à la phagocytose.
Le PE possède également un rôle dans l’amplification de la
réponse inflammatoire et dans l’immunomodulation par le biais Prolifération Prolifération Troubles Stimulation
de la production de cytokines et d’échanges intercellulaires divers. clonale paraclonale de la antigénique :
Il joue aussi un rôle dans l’action anti-tumorale par cytotoxicité migration allergène,
tissulaire helminthe,
directe et effet antimétastatique [10] . toxique,
etc
Différents processus pathogènes Figure 2. Physiologie et pathogénie de l’hyperéosinophilie san-
guine. ECP : eosinophil cationic protein ; MBP : mannose binding pro-
La Figure 2 résume les mécanismes physiopathologiques à tein ; EPO : érythropoïétine ; LT : leucotriènes ; PG : prostaglandines ;
l’origine d’une HE sanguine. On distingue ainsi les HE primitives, PAF : platelet-activating factor ; CCL11 : chemokine (C-C motif) ligand 11 ;
résultant de la prolifération clonale de cellules souches impli- IL-5 : interleukine 5.
quées dans l’hématopoïèse des PE, et les HE secondaires dues à
l’activation cytokinique excessive.

Hémopathies
Auparavant dénommées « syndromes hyperéosinophiliques
“ Point fort
myéloïdes », les HE résultant de la prolifération clonale autonome
de précurseurs éosinophiles, ont été rebaptisées « leucémies chro- Les granules du PE ont des propriétés cytotoxiques sur
niques à éosinophiles » [11] . Elles sont le plus souvent dues à des différents allergènes de grande taille dont les helminthes,
modifications des régions chromosomiques du PDGFRA [11] suite à mais aussi sur les tissus sains. L’IL-5 est la cytokine majeure
une délétion de 800 kb du chromosome 4 responsable de la fusion de la production, la maturation, la migration et la dégra-
de deux gènes, FIP1-L1 et PDFGRA. Ce gène de fusion induit la nulation du polynucléaire éosinophile. L’hyperéosinophilie
production exagérée d’une protéine à fonction tyrosine-kinase chronique peut induire des lésions tissulaires par dégranu-
constitutionnellement active, en cause dans la production exces- lation des polynucléaires éosinophiles.
sive des PE. D’autres réarrangements (PDGFRB, FGFR1, JAK2, etc.)

ont été également décrits. Il peut s’agir enfin d’une prolifération


clonale de lymphocytes T produisant de l’IL-5 à l’origine d’une HE
paraclonale [12] .

Hyperéosinophilie paranéoplasique
Les tumeurs solides peuvent induire une HE paranéoplasique
par la production d’un facteur de croissance, de cytokines [10] ou
par activation antigénique [13] .

Atopie et allergies
2 La présentation d’un antigène par les macrophages ou les
1 cellules dendritiques active des lymphocytes T CD4+ (à prédomi-
3 nance Th2) et aboutit à la production d’IL-4, d’IL-5, d’IL-6 et
d’IL-13. Ces cytokines induisent la commutation isotypique des
plasmocytes vers la synthèse d’immunoglobulines E (IgE) spéci-
fiques. L’IL-5 exerce ses actions de production, d’attraction et
d’activation des PE [14] qui interviennent dans une phase plus tar-
dive avec une dégranulation locale [15] .
4
Helminthoses
Figure 1. Structure d’un polynucléaire éosinophile bronchique de Les helminthoses dont le cycle comporte un passage tissu-
patient asthmatique observé au microscope électronique. 1. Granule laire ou vasculaire du parasite peuvent s’accompagner d’une HE
secondaire ; 2. core ; 3. matrice ; 4. noyau. sanguine (loi d’occurrence). Une HE sanguine parfois massive,

2 EMC - Maladies infectieuses


Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie  8-003-U-10

s’observe à la phase d’invasion larvaire souvent accompagnée de organes lésés sont le plus souvent les organes digestifs, les pou-
signes allergiques, voire d’une vascularite grave et d’une élévation mons, le cœur et le revêtement cutané, où le PE est localisé à
du taux d’IgE totales sériques. Elle est rare et faible pour les vers l’état physiologique. Les HE secondaires aux hémopathies clo-
à localisation digestive exclusive, les ectoparasites, la giardiase et nales provoquent fréquemment ces lésions locales [18] sans en
la primo-infection toxoplasmique [16] . La courbe de Lavier décrit être l’étiologie spécifique. Ni le niveau, ni la durée de l’HE san-
la cinétique du taux sanguin des PE au cours du cycle parasitaire guine ne sont liés à l’incidence de ce type de lésions [19] , car
(Fig. 3). L’anguillulose s’accompagne d’un taux oscillant de PE lié indépendants de l’éosinophilie tissulaire. Plus que le taux de poly-
aux réinfestations endogènes. L’HE sanguine au cours des helmin- nucléaires circulants, c’est le degré d’activation qui semble avoir
thoses peut être légère ou absente, par tolérance immunitaire, par une valeur pronostique. Schématiquement, on distingue plusieurs
rareté des antigènes parasitaires exposés ou par cloisonnement du mécanismes pathogènes du PE dans les tissus : formation de gra-
parasite (kyste hydatique). nulomes, cytotoxicité directe par dégranulation, thrombogénèse
et fibrogénèse.

“ Point fort  Prise en charge


L’hyperéosinophilie parasitaire est majoritairement due à
d’une hyperéosinophilie sanguine
des helminthes à passage tissulaire ou sanguin. La découverte d’une HE nécessite une lecture sur lame afin
d’éliminer la présence de blastes circulants imposant une prise
en charge hématologique précoce. Toute découverte d’une HE
Anomalies de migration tissulaire justifie une enquête étiologique minimale, après avoir évalué
l’ancienneté et la cinétique du taux de PE. L’approche doit
des polynucléaires éosinophiles être pragmatique, prenant en compte les informations cliniques,
Les pathologies primitives de la migration des PE se caracté- la gravité potentielle de certaines maladies, la fréquence des
risent par l’infiltration massive d’un organe sans qu’une étiologie étiologies, la disponibilité d’outils diagnostiques performants,
soit retenue, l’association à une HE sanguine étant inconstante. la possibilité de tests thérapeutiques, et le risque viscéral lié à
Les tissus atteints sont préférentiellement les tissus digestifs, cuta- l’éosinotoxicité chronique (Fig. 3). Le bilan clinique et paracli-
nés et bronchopulmonaires [17] . nique initial (Tableau 1) est élargi au cas par cas. On identifie
plusieurs cadres cliniques.
Conséquences tissulaires néfastes
du polynucléaire éosinophile Hyperéosinophilies urgentes
Le PE peut devenir délétère en cas de densité ou de dégra- L’enquête diagnostique doit cibler les quatre maladies sus-
nulation inappropriée et persistante au sein d’un tissu. Les ceptibles de s’aggraver rapidement : helminthose aiguë, allergie

Découverte
d'une hyperéosinophilie sanguine

Oui
Situation d'urgence Prise en charge spécialisée

Non

Investigation initiale minimale (cf. Tableau 1)


± traitement antiparasitaire d'épreuve
± éviction de médicaments suspects
± bilan de deuxième intention (selon orientation clinique)

Trouble de la migration Atopie, Absence de Médicaments, Éosinophilie satellite


Helminthiose Hémopathie
des éosinophiles allergie diagnostic toxiques (néoplasie, maladie dysimmunitaire)

Immunophénotypage
Étude moléculaire

Éosinophilie clonale Syndrome hyperéosinophilique Éosinophilie chronique


ou paraclonale essentiel idiopathique modérée inexpliquée

Traitement Surveillance de Suivi clinique


ciblé l'éosinotoxicité viscérale Hémogramme annuel
Répétition de l'enquête étiologique

Figure 3. Arbre décisionnel. Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie sanguine.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-003-U-10  Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie

Tableau 1. éruption cutanée maculopapuleuse, des œdèmes, des adéno-


Investigation paraclinique initiale d’une hyperéosinophilie sanguine. pathies multiples. L’HE est constante et souvent massive. La
Systématiquement survenue d’atteintes viscérales (rénale, pulmonaire, hépatique)
explique un taux de mortalité de 10 %. L’arrêt immédiat des médi-
Hémogramme avec lecture du frottis sur lame, protéine C-réactive,
caments suspects, une corticothérapie systémique et le traitement
créatinémie, transaminases, phosphatases alcalines, gammaGT,
symptomatique des défaillances viscérales s’imposent en urgence.
bilirubinémie totale, créatine phosphokinase, IgE totales
Il est indispensable de déclarer cet accident médicamenteux grave
Sérologies toxocarose, distomatose, VIH ± sérologie trichinellose selon et de proscrire définitivement la molécule incriminée.
le contexte
Examen parasitologique des selles (3 recherches)
Après un séjour en zone tropicale
Syndrome d’invasion helminthique massive
Leucoconcentration à la recherche de microfilaires (à midi si suspicion Le syndrome d’invasion helminthique massive correspond à
de loase ou à minuit si filariose lymphatique) une réaction allergique excessive à l’antigénémie parasitaire lors
Examen parasitologique des selles avec concentration par technique de du passage sanguin ou tissulaire de formes larvaires. Les prin-
Baerman (3 recherches) cipales helminthoses en cause sont cosmopolites (toxocarose,
Recherche d’œufs de bilharziose dans les urines (3 recherches en ascaridiose, distomatose, trichinellose) ou tropicales (bilharziose,
1 semaine) anguillulose). Le tableau clinique associe souvent une fièvre, une
céphalée, une dyspnée asthmatiforme avec infiltrat pulmonaire
Sérologies bilharziose, filariose, anguillulose
labile (syndrome de Loeffler) et des signes cutanés à type de prurit
IgE : immunoglobulines E ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine. et d’urticaire.
Des hémorragies sous-unguéales font redouter la survenue
d’une vascularite cérébrale. L’HE est parfois retardée mais sou-
médicamenteuse, vascularite, hémopathie aiguë. La stratégie vent massive [25] . La confirmation biologique est difficile à ce stade
comporte en priorité la suspension des médicaments suspects, (recherches parasitologiques négatives, lenteur de la séroconver-
l’obtention rapide des résultats des sérologies parasitaires et des sion). Le traitement s’appuie sur une corticothérapie systémique
anticorps anticytoplasme des polynucléaires, ainsi qu’une image- dans les tableaux mal tolérés. Il est déconseillé d’administrer
rie à la recherche d’un kyste hydatique préfissuraire exposant au un traitement antihelminthique à ce stade pour la bilhar-
choc anaphylactique. ziose, car il est inefficace en phase larvaire et potentiellement
délétère [26] .
Hyperéosinophilies fréquentes
Dans les pays industrialisés, les étiologies allergiques et iatro-
Vascularites systémiques
gènes sont les plus fréquentes [20] . Lorsqu’il existe la notion d’un La maladie de Churg et Strauss, vascularite des petits et moyens
séjour, même bref ou ancien en zone intertropicale, l’étiologie vaisseaux, est la principale étiologie puisque qu’elle induit une HE
helminthique devient la première cause d’HE sanguine [21, 22] . Une quasi-constante et souvent supérieure à 1,5 G/l [27] . Ce diagnostic
stratégie diagnostique adaptée à la région incriminée et guidée par doit être évoqué devant un asthme sévère ou corticodépen-
les données cliniques est raisonnable [23] . dant, des polypes nasaux, un purpura vasculaire des membres
inférieurs, une néphropathie glomérulaire, une neuropathie
périphérique.
Hyperéosinophilies satellites La présence d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires de
Souvent modérées, elles s’inscrivent dans un contexte sympto- spécificité MPO est notée dans un à deux tiers des cas. La poly-
matique lié à un désordre systémique ou une pathologie d’organe. angéite microscopique et la granulomatose avec polyangéite (de
L’HE au cours d’une maladie infiltrative d’organe à éosinophiles Wegener) peuvent également être responsables. Une évaluation
pose un problème de diagnostic différentiel (Tableau 2). pronostique est faite par le Five Factors Score [28] .

Hyperéosinophilies sans étiologie au terme


de la démarche de première intention “ Point fort
Une fraction non négligeable de patients présente une HE
persistante dont l’origine reste indéterminée après l’enquête Five Factors Score : score prédictif de mortalité
étiologique et le traitement antihelminthique d’épreuve. Cette chez les patients atteints de syndrome de Churg
situation justifie la recherche moléculaire d’une hémopathie clo- et Strauss, de périartérite noueuse et de polyan-
nale. Cette recherche permet de définir trois catégories d’HE géite microscopique
chroniques de prise en charge distincte : les atteintes clonales ou • Protéinurie supérieure à 1 g/24 heures
paraclonales, le syndrome hyperéosinophilique essentiel idiopa- • Insuffisance rénale (créatininémie > 140 ␮mol/l)
thique et les HE chroniques légères ou modérées inexpliquées • Cardiomyopathie spécifique
(Fig. 3). • Manifestations gastro-intestinales sévères et spécifiques
• Atteintes spécifiques du système nerveux central

 Urgences hyperéosinophiliques Aucun critère : FFS = 0 avec prédiction de mortalité à


11,9 % ; un critère : FFS = 1 avec prédiction de mortalité
à 25,9 % ; deux critères ou plus : FFS = 2 avec prédiction
Il existe plusieurs situations cliniques avec HE qui imposent une
prise en charge diagnostique et thérapeutique urgente du fait du de mortalité à 45,95 % à 5 ans.
risque d’aggravation systémique.

« Drug reaction with eosinophilia and Hémopathies d’évolution rapide


systemic syndrome » (DRESS)
Il peut exceptionnellement s’agir d’une HE majeure avec blastes
Il s’agit d’une réaction sévère d’hypersensibilité à certains médi- circulants imposant une prise en charge oncologique. La présence
caments [24] . Les symptômes débutent 3 à 8 semaines après la d’une hépato-splénomégalie doit faire évoquer le diagnostic de
prise et associent une altération fébrile de l’état général, une leucémie chronique à éosinophiles [29] .

4 EMC - Maladies infectieuses


Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie  8-003-U-10

Tableau 2.
Orientation étiologique en fonction des manifestations cliniques associées à une hyperéosinophilie sanguine.
Signes respiratoires Helminthoses
Syndrome de Loeffler lors de l’invasion parasitaire (ascaridiose, dermatite ankylostomienne, anguillulose, trichinose,
bilharziose), larva migrans viscérale (toxocarose), poumon éosinophile tropical (filarioses), etc.
Mycoses
Aspergillose bronchopulmonaire allergique
Médicaments
Antibiotiques, antiépileptiques
Atopie et allergies
Asthme allergique, maladie de Fernand-Widal
Pneumopathies idiopathiques aiguës et chroniques à éosinophiles
Vascularites
Angéite de Churg et Strauss, maladie de Wegener
Retentissement tissulaire d’une hyperéosinophilie sanguine chronique
Signes cutanés Atopie et allergies
Urticaire, dermatite atopique, angio-œdème, eczéma de contact, piqûre d’hyménoptère
Médicaments
DRESS syndrome, toxidermie
Helminthoses
Urticaire et angio-oedème lors de l’invasion parasitaire, larva migrans viscérale, larva currens (anguillulose), larva
migrans cutanée (dermatite ankylostomienne), dermite des nageurs (bilharzioses), œdème migrateur (loase,
gnathostomose, dirofilariose), nodules sous-cutanés (onchocercose),ectoparasitoses
Vascularites et connectivites
Angéite de Churg et Strauss, périartérite noueuse, etc.
Dermatoses
Pemphigoïde bulleuse, pemphigus, dermatite herpétiforme, érythème polymorphe, mastocytose systémique
Maladies cutanées idiopathiques à éosinophiles
Syndrome de Gleich, syndrome de Wells
Lymphomes épidermotropes
Maladie de Sézary, mycose fungoïde
Hyperéosinophilie paraclonale
Retentissement tissulaire d’une hyperéosinophilie sanguine chronique
Signes digestifs Helminthoses digestives
Affections digestives chroniques
Rectocolite hémorragique, maladie de Crohn, maladie cœliaque, maladie de Whipple
Lymphomes digestifs
Maladies digestives idiopathiques à éosinophiles
Myalgies Helminthoses
Trichinellose
Fasciite de Shulman, syndrome myalgie-éosinophilie lié au L-tryptophane
Signes ORL Rhinite allergique, maladie de Fernand-Widal, maladie de Wegener
Signes cardiologiques Myocardite aiguë à éosinophiles
Retentissement tissulaire d’une hyperéosinophilie sanguine chronique
Signes neurologiques Vascularites
Syndrome de Churg et Strauss, périartérite noueuse, maladie de Wegener
Retentissement tissulaire d’une hyperéosinophilie sanguine chronique

DRESS : Drug reaction with eosinophilia and systemic syndrome.

“ Point fort “ Point fort


Certaines hyperéosinophilies peuvent révéler une affection L’atopie, l’allergie médicamenteuse et l’helminthose sont
grave qu’un examen clinique minutieux et une lecture les causes bénignes les plus fréquentes.
attentive du frottis permettent d’identifier pour prise en
charge spécialisée urgente.

sujets avec HE [20] . A contrario, une HE sanguine est observée


chez un tiers des sujets atopiques [30] surtout ceux présentant un
 Hyperéosinophilies fréquentes asthme ou une dermatite atopique. Le taux de PE diffère selon la
réponse individuelle, avec possibilité de pics saisonniers [31] . Dans
Hyperéosinophilie au cours de l’atopie l’asthme allergique, l’HE est associée à la gravité et la mortalité [32] .
Le taux des PE est le plus souvent inférieur à 1,5 G/l [30] . Toute
Le diagnostic est évoqué sur l’analyse de l’histoire individuelle corticothérapie, systémique ou inhalée, réduit l’HE sanguine et
et familiale. Une étiologie allergique est retrouvée chez 13 % des bronchique.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-003-U-10  Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie

Tableau 3. helminthoses cosmopolites : toxocarose ou larva migrans viscé-


Principaux médicaments potentiellement responsables d’hyperéosino- rale, distomatose, taeniase, plus rarement oxyurose, trichinellose,
philie iatrogène. anisakidiose, échinococcoses, etc. L’interrogatoire doit donc
Anti-infectieux Amoxicilline, céphalosporines, détailler certains comportements à risque : exposition à des déjec-
imipénème, aztréonam, érytromycine, tions de chien ou de chat (bac à sable), consommation de viande
sulfamides, acide nalidixique, ou poisson mal cuits, de mâche ou de cresson, mastication de
fluoroquinolones, rifampicine, feuilles de khat, etc.
isoniazide, tétracyclines, amikacine, Lorsqu’il existe un contexte de séjour en zone tropicale,
vancomycine, amphotéricine B, l’étiologie helminthique est la plus fréquente [21, 22] et est rete-
ganciclovir, quinine nue dans 14 à 64 % des cas d’HE sanguine [36, 37] . La situation
clinique et le spectre étiologique diffèrent selon le contexte :
Psychotropes et Barbituriques, carbamazépine,
voyageur occasionnel (tableau clinique franc lors d’une inva-
antiépileptiques diphénylhydantoïne, imipranine,
phénothiazines, clozapine
sion parasitaire ou HE asymptomatique), migrant, sujet vivant
en zone d’endémie (HE souvent modérée et des lésions cliniques
Anti-inflammatoires Aspirine, naproxène sévères en rapport avec une longue durée d’évolution). Une HE
non stéroïdiens est observée chez environ 4,8 à 10 % des voyageurs [36] mais
Cardiotropes Amiloride, captopril, méthyldopa, n’est présente que dans 41 % des cas de parasitisme au retour.
warfarine, digoxine Les principales helminthoses du voyageur tropical sont les bil-
Divers Héparinate de calcium, D-pénicillamine, harzioses, l’ankylostomose, l’anguillulose, la toxocarose et les
sels d’or, allopurinol, fer, interleukine-2, filarioses [22, 37] .
interféron-␣ et ß, L-tryptophane Le recueil des caractéristiques du séjour apporte souvent la
clé du diagnostic. Tous les séjours doivent être détaillés, y
compris les plus anciens, car certaines helminthoses peuvent
En pratique, la constatation d’une HE sanguine inférieure à rester actives pendant des décennies (anguillulose, bilharzioses,
1 G/l chez un patient asthmatique non traité par corticoïdes est filarioses). L’Afrique est pourvoyeuse de près de la moitié des cas
commune et l’enquête peut être différée en absence d’aggravation d’HE d’origine parasitaire chez les voyageurs, avec un risque rela-
ou de signes cliniques évocateurs. En revanche, toute HE supé- tif de 2,95 au retour d’Afrique de l’Ouest [22] . La connaissance des
rieure à 1 G/l du sujet asthmatique traité par corticoïdes justifie foyers endémiques de bilharziose et de loase est indispensable.
une enquête à la recherche d’une étiologie médicamenteuse ou Les voyageurs s’infectent surtout par immersion en eau douce,
d’une pathologie spécifique : maladie de Churg et Strauss, asper- marche pieds nus ou ingestion d’aliments contaminés par défaut
gillose bronchopulmonaire allergique, hémopathie, anguillulose d’hygiène.
sous corticoïdes.
Il est essentiel d’évoquer une aspergillose bronchopulmonaire Enquête clinique
allergique chez un homme jeune atopique, devant un asthme
réfractaire associé à une HE sanguine, souvent supérieure à La pratique distingue deux situations : l’HE symptomatique et
1,5 G/l [33] . La confirmation diagnostique passe par l’identification l’HE nue.
de filaments mycéliens d’Aspergillus fumigatus sur l’expectoration Une orientation clinique existe dans plus de la moitié des cas
bronchique, d’une élévation des IgE totales et des anticorps mais manque souvent de spécificité pour les parasitoses du voya-
sériques antiaspergillaires. Le traitement repose sur la corti- geur [22] . Des myalgies s’observent lors de la phase d’invasion
cothérapie systémique, souvent complétée par un traitement larvaire et la trichinellose. Un trouble du transit suggère une
antifongique (itraconazole). helminthose digestive ; l’émission de vers ou d’anneaux est
rare. Des signes cutanés sont identifiés une fois sur six, à
l’examen ou à l’interrogatoire rétrospectif [22] : prurit ou exan-
thème fugace de la pénétration des furcocercaires de la bilharziose
“ Point fort après contact avec l’eau douce, larva currens périnéal ou abdo-
minal de l’anguillulose, œdème migrateur fugace de la loase ;
la lymphangite aiguë de la filariose lymphatique est rare chez
L’hyperéosinophilie dans l’atopie est inférieure à 1,5 G/l et le voyageur. Au plan respiratoire, on identifie trois entités
diminue sous corticothérapie. cliniques :
• le syndrome de Loeffler, secondaire à l’invasion d’un helminthe
avec passage pulmonaire (ascaris, anguillule, ankylostome, bil-
harzie), associe un état général peu altéré, une toux sèche, une
Hyperéosinophilie d’origine toxique gène respiratoire avec sibilants associés à un infiltrat alvéolo-
interstitiel prédominant aux apex, migrateur et régressif en 3 à
Une origine médicamenteuse est identifiée pour une HE sur 4 semaines ;
dix [34] . La démarche consiste à recenser touts les médicaments • le syndrome de larva migrans viscérale provoqué le plus sou-
consommés de manière régulière ou non au cours des trois mois vent par des larves de Toxocara spp. ou de Gnathastoma spp.
précédant. La liste des médicaments potentiellement incriminés en impasse parasitaire, à évoquer devant une altération fébrile
est variée (Tableau 3). La normalisation de l’hémogramme dans de l’état général, une dyspnée et des manifestations allergiques
la semaine suivant l’arrêt du traitement est évocatrice. Un signa- cutanées ;
lement au centre de pharmacovigilance, l’information du patient • le poumon éosinophile tropical (ou syndrome de Weingarten
et de ses soignants, et le port d’une carte mentionnant la contre- secondaire à la séquestration pulmonaire de filaires lympha-
indication sont indispensables. tiques) décrit en zone d’endémie ou chez le migrant et associant
Il faut parfois évoquer l’hypothèse toxique (benzène, mercure, toux, hémoptysie, altération de l’état général, dyspnée chro-
huile frelatée, radiations ionisantes). Le rôle du L-tryptophane, nique.
présent dans certains produits pharmaceutiques vendus sans Quand l’HE sanguine est asymptomatique, soit chez 21 à 33 %
contrôle sur Internet, a été retenu dans la survenue de fasciite des voyageurs [22, 37] , le panorama étiologique se restreint souvent
à éosinophiles [35] . aux helminthoses intestinales et aux bilharzioses.

Hyperéosinophilie des helminthoses Enquête paraclinique


Plusieurs principes guident la prescription des examens para-
Enquête épidémiologique cliniques : cibler en priorité les helminthoses compatibles avec
Chez le patient n’ayant jamais voyagé en zone tropicale, le tableau clinique et les données épidémiologiques, prendre
l’étiologie parasitaire est peu classique à l’exception de certaines en compte le cycle helminthique et les limites des différents

6 EMC - Maladies infectieuses


Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie  8-003-U-10

outils diagnostiques, comparer les avantages et les inconvé- visitées et être actif sur l’anguillule. L’ivermectine est la clé de
nients d’une enquête parasitologique exhaustive répétée et d’une voûte grâce à son très large spectre sur les nématodes et les
approche pragmatique avec traitement d’épreuve. Des straté- microfilaires. Il est indispensable de s’assurer au préalable de
gies diagnostiques ont été proposées en fonction de la zone l’absence de forte microfilarémie pour éviter tout risque de syn-
visitée [37] . drome allergique de lyse parasitaire, possible également dans
La mise en évidence microscopique du parasite reste la réfé- l’onchocercose. L’albendazole élargit le spectre à l’ankylostome,
rence. Elle est impossible pour les helminthoses en phase non couvert par l’ivermectine. On peut y adjoindre le pra-
d’invasion ou en impasse parasitaire et peu sensible chez les ziquantel pour couvrir les vers plats comme les bilharzioses
voyageurs à charge parasitaire faible et intermittente. Du fait (hors phase aiguë) en cas de séjour en zone d’endémie même
de la fréquence des infections intestinales, il est recommandé si des cas de résistance ont été signalés [44] . Le traitement des
de réaliser systématiquement trois examens parasitologiques des filarioses lymphatiques varie selon les espèces en cause et asso-
selles fraîches sur sept jours, avec enrichissement parasitaire à cie plusieurs molécules dont le choix dépend de l’espèce en
la recherche d’anguillulose par la technique de Baerman ou sur cause, de la charge parasitaire et des possibles associations
gélose. Un scotch test anal peut compléter la recherche en cas pathologiques [45] .
de prurit anal ou de vulvite. La sensibilité de l’examen para- L’évaluation de l’efficacité doit être faite à trois mois. La
sitologique des selles est faible, inférieur à 20 %, quelle que persistance de l’HE signe l’échec de la prise en charge et
soit la zone géographique visitée [37] . Lorsque le patient revient peut faire discuter un nouveau traitement d’épreuve puis la
d’Afrique, de Madagascar, de l’île Maurice et de certains états reprise de l’enquête à la recherche d’une helminthose résis-
du Proche-Orient, il est nécessaire de compléter par un exa- tante, rare ou insuffisamment traitée ou d’une étiologie non
men des urines de 24 h à la recherche d’œufs de bilharziose. helminthique.
De même, la notion de séjour en zone d’endémie de fila-
rioses sanguicoles (loase, mansonellose) ou lymphatiques indique
la recherche d’une microfilarémie diurne (loase) ou nocturne
(filarioses lymphatiques) par lecture du frottis sanguin et tech-
nique de leucoconcentration. La biopsie cutanée exsangue à la
“ Point fort
recherche d’onchocercose doit se discuter en seconde intention
chez les cas suspects de prurit avec HE au retour d’un séjour En cas de notion de séjour à l’étranger, l’étiologie helmin-
d’endémie. thique est la plus fréquente. La difficulté d’identification
Les sérologies des helminthoses ont toute leur place devant une de l’helminthe incriminé peut justifier la prescription d’un
suspicion d’infection à parasitisme tissulaire (phase d’invasion, traitement antihelminthique d’épreuve.
impasse parasitaire). Elles manquent souvent de spécificité du fait
de nombreuses réactions croisées. On utilise systématiquement
plusieurs techniques par helminthose avec si possible une confir-
mation par une méthode qualitative de type immunoempreinte
ou immunoélectrophorèse [38] . Un résultat négatif ne permet pas  Hyperéosinophilies
d’exclure le diagnostic, notamment au cours des premiers mois
de l’infection bilharzienne où il faut savoir répéter la sérolo- d’accompagnement
gie à la recherche d’une séroconversion tardive [39, 40] . Le titre
sérologique n’est pas corrélé à la charge helminthique [41] . La L’HE peut accompagner un tableau clinique riche inaugural ou
sérologie de l’anguillulose peut s’avérer pertinente, surtout au une pathologie évolutive connue.
retour d’Afrique de l’Ouest [37] mais sa faible sensibilité justifie
plutôt la réalisation d’un traitement d’épreuve. La sérologie de
dépistage de la filariose, non spécifique d’espèce, peut s’avérer
Cancers solides et hémopathies
rentable au retour d’Afrique occidentale et équatoriale, avec un L’HE peut accompagner les néoplasies solides (digestives,
risque important de fausse positivité en cas de bilharziose ou de bronchopulmonaires, rénales, thyroïdiennes) ou les hémopa-
toxocarose [37] . thies (syndromes myéloprolifératifs, mastocytose systémique [46] ,
Les investigations invasives (endoscopies et/ou biopsies) sont maladie de Hodgkin [47] , lymphomes T épidermoïdes). Chez le
réservées aux patients pour lesquels l’enquête précédente est sujet asymptomatique dont l’examen physique est normal et
restée négative, après analyse du rapport bénéfices–risques sans contexte oncogène, la réalisation d’examens paracliniques
par rapport à un traitement présomptif. Les endoscopies invasifs à la recherche d’une néoplasie ne peut toutefois être
digestives peuvent révéler des signes indirects (duodénite pur- recommandée.
purique ou aphtoïde de l’anguillulose, duodénite à gros plis de
l’ankylostomose, rectocolite hémorragique de la trichocéphalose,
rectite à petit grains de la bilharziose) ou identifier le parasite Connectivites et vascularites
(larve d’anisakis dans l’estomac, vers adultes d’ascaris, d’oxyure,
La plupart des pathologies dysimmunitaires peuvent
de trichocéphalose ou taenia).
s’accompagner d’une HE secondaire. Les principales en cause
sont les vascularites dont le syndrome de Churg et Strauss,
Traitement antihelminthique la granulomatose avec polyangéite (de Wegener), la polyan-
géite microscopique et la panartérite noueuse (cf. supra). L’HE
Malgré toute cette enquête, une identification parasitologique
peut parfois précéder les lésions dermatologiques typiques
précise n’existe que dans 18,9 à 64 % [22, 37] . Ceci pose le problème
de la pemphigoïde bulleuse, motivant la recherche précoce
de la contrainte de temps, du coût important et de la rentabilité
d’anticorps antipeau dirigés contre la jonction dermoépider-
modeste d’une enquête exhaustive systématique. Certains auteurs
mique [48] .
discutent une stratégie pragmatique avec bilan minimal rapide-
ment suivi d’un traitement d’épreuve [42] .
Au terme de l’enquête, deux situations sont possibles : para- Infections non helminthiques
sitose identifiée justifiant un traitement ciblé ou absence de
diagnostic indiquant un traitement d’épreuve. On privilégie Il convient de citer la possibilité d’HE lors de la primo-infection
alors les molécules les mieux tolérées et les traitements courts. toxoplasmique [49] , d’isosporidiose ou de giardiase intestinale [50] .
Leur spectre antihelminthique reste large malgré l’apparition Une HE peut s’inscrire dans une allergie spécifique à une
de résistances aux benzimidazolés et à l’ivermectine dans le mycose comme l’aspergillose (cf. supra), la coccidiomycose et
monde animal [43] . Le Tableau 4 présente les principaux médica- l’histoplasmose américaine. Une HE transitoire a été mentionnée
ments antihelminthiques disponibles en France. Le traitement lors de viroses aiguës comme le virus Coxsackie [51] ou le virus
d’épreuve doit couvrir les principaux helminthes des régions d’Epstein-Barr (EBV), mais c’est surtout lors de l’infection par le

EMC - Maladies infectieuses 7


8-003-U-10  Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie

Tableau 4.
Modalités d’emploi des principaux médicaments antihelminthiques.
Molécule Nom Posologies Contre-indications Effets secondaires
commercial
Albendazole Zentel® Ascaridiose, Grossesse (effet tératogène) Manifestations allergiques
ankylostomose, oxyurose,
trichocéphalose : 400 mg
en PU (envisager 2e cure à
j15 pour oxurose)
Eskazole® Anguillulose (±) : 400 mg/j Allaitement Céphalées
pendant 3 jours
Cp à 400 mg Trichinose : 400 mg/j Hypersensibilité à Leucopénie, anomalie
pendant 14 jours l’albendazole hépatique uniquement en cure
prolongée
Echinococcose : Troubles digestifs non
400 mg × 2/j pendant spécifiques
28 jours
Flubendazole Fluvermal® Ascaridiose, Grossesse Troubles digestifs non
ankylostomose, spécifiques
trichocéphalose : 200 mg/j
pendant 3 jours
Cp à 100 mg Oxyurose : 100mg en PU à Allaitement Réactions allergiques
renouveler à J15
Hypersensibilité au
flubendazole
Ivermectine Stromectol® Anguillulose, ascaridiose, Grossesse Troubles du sommeil
oxyurose, trichocéphalose :
200 ␮g/kg/j pendant 1 à
2 jours
Cp à 6 mg Allaitement Cytolyse hépatique
Âge inférieur à 5 ans Modifications ECG non
spécifiques
Réaction de Mazzotti sur
microfilarémie importante
Praziquantel Biltricide® Taeniase intestinale : Cysticercose oculaire ou Douleur abdominale,
10 mg/kg en PU cérébrale diarrhées, vomissement,
nausées
Cp à 600 mg Bilharziose : 40 mg/kg en 1 Premier trimestre de la Céphalées, vertige
ou 2 prises grossesse
Cysticercose : Allaitement Réaction allergique (urticaire)
50 mg/kg/j × 15 j
Fasciola spp. : Trouble neurologique en cas de
60–75 mg/kg/j en cysticercose cérébrale associée
3 prises × 1 à 7–10 j selon
l’espèce

PU : prise unique ; cp : comprimé ; ECG : électrocardiogramme.

virus de l’immunodéficience humaine qu’elle a été décrite. Sa partagent une pathogénie proche, une HE sanguine inconstante
prévalence y est de 12 à 88 % [52–54] , corrélée avec le stade de et dissociée de l’atteinte tissulaire, des difficultés diagnostiques
l’infection [53, 55, 56] ; les helminthoses, les mycoses profondes ou communes et une incertitude pronostique.
la iatrogénie sont cependant les causes les plus fréquentes dans ce La pathogénie de ces maladies paraît impliquer différents
contexte. facteurs favorisants : prédisposition génétique, environnement
L’origine bactérienne d’une HE est exceptionnelle, une éosino- toxique (syndrome éosinophilie-myalgie chez des patients ayant
pénie étant au contraire un marqueur biologique en faveur de consommé du L-tryptophane) [59] .
l’origine bactérienne d’un sepsis grave [57] . La présentation clinique repose le plus souvent sur un tableau
focal inhabituel et une HE inconstante et rarement massive. Les
tissus les plus fréquemment touchés sont la peau, les tissus sous-
Autres pathologies cutanés (fasciite à éosinophile [60] ), les poumons (pneumopathie
Certains déficits congénitaux s’accompagnent d’une élévation aiguë ou chronique idiopathique à éosinophiles), le myocarde,
du taux de PE circulants [58] . Une HE modérée a été décrite dans la muqueuse digestive. Il convient d’éliminer méthodiquement
un groupe hétérogène de pathologies : brûlures étendues, insuffi- la localisation d’une helminthose, un processus allergique et
sance rénale traitée par dialyse péritonéale, syndrome de Dressler, une prolifération maligne (Tableau 2). L’étude histopathologique
splénectomie, maladie d’Addison, etc. d’une biopsie est indispensable pour affirmer l’infiltrat éosinophi-
lique pathologique et éliminer une autre pathologie. Aisée pour
les dermatoses à éosinophiles, elle impose la réalisation d’actes
 Hyperéosinophilies infiltratives vulnérants pour la plupart des autres maladies d’organes à éosi-
nophiles.
d’organe idiopathiques Le traitement s’appuie essentiellement sur une corticothérapie
systémique dont l’efficacité constitue un argument diagnos-
La modification du tropisme des PE est à la base d’une réaction tique et pour laquelle un déparasitage ciblé contre l’anguillulose
inflammatoire pathologique dans certains tissus. Ces affections s’impose.

8 EMC - Maladies infectieuses


Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie  8-003-U-10

Tableau 5.

“ Point fort Classification des hémopathies myéloïdes (Organisation mondiale de la


santé [OMS]).
1. Syndromes myéloprolifératifs
Les hyperéosinophilies infiltratives d’organes idiopa- 1.1 Leucémie myéloïde chronique à BCR-ABL1
thiques se voient dans les tissus cutanés, respiratoires, 1.2 Polyglobulie de Vaquez
digestifs, cardiaques. Elles ont en commun une patho- 1.3. Thrombocytémie essentielle
génie multifactorielle, une difficulté diagnostique et une 1.4. Myélofibrose primitive
corticosensibilité.
1.5. Leucémie chronique à neutrophiles
1.6. Leucémie chronique à éosinophiles, non spécifiée (CEL-NOS)
- Hyperéosinophilie supérieure à 1,5 G/L
 Syndrome hyperéosinophilique - Absence de réarrangement du PDGFRA, du PDGFRB et du FGFR1
- Exclusion d’un autre syndrome myéloprolifératif
essentiel, une entité démembrée - Exclusion d’une origine réactionnelle
Évolution nosologique des syndromes - Blastose dans le sang périphérique et la moelle osseuse inférieure à 20 %
- Présence d’une anomalie clonale cutogénétique ou moléculaire ou
hyperéosinophiliques blastose supérieure à 2 % dans le sang périphérique ou 5 % dans la
En 1975, Chusid et al. décrivaient le syndrome hyperéosino- moelle osseuse
philique essentiel (SHE) défini par l’association de trois critères : 1.7. Mastocytose systémique
HE supérieure à 1,5 G/l pendant une durée supérieure à 6 mois, 1.8. Néoplasies myéloprolifératives, hors classification
atteinte d’au moins deux organes, absence d’autre étiologie
2. Néoplasies myéloïdes avec hyperéosinophilie et anomalies
retrouvée [61] . Il est rapidement apparu que le groupe des SHE était
de PDGFRA, PDGFRB et FGFR1
constitué de trois sous-groupes :
• les SHE d’allure hémopathique corticorésistants, de mauvais Syndrome myéloprolifératif touchant préférentiellement la lignée
pronostic avec atteintes d’organes et transformation hémato- éosinophile avec présence de réarrangement de PDGFRA ou de PDGFRB
ou de FGFR1
logique imposant le recours aux cytostatiques ;
• les SHE « allergiques », souvent très sensibles à une corticothé- 3. Syndromes de chevauchement
rapie systémique avec un bon pronostic ; myélodyslasiques/myéloprolifératifs
• les SHE inclassables de caractéristiques intermédiaires. 3.1. Leucémie chronique myélomonocytaire
Le cadre nosologique des SHE a été démembré dans les années 3.2. Leucémie myélomonocytaire juvénile
1990 avec l’arrivée d’outils moléculaires permettant d’affirmer la
3.3. Leucémie myéloïde chronique atypique sans bcr-Abl
clonalité myéloïde ou lymphoïde de certains SHE [18] .
3.4. Chevauchement myélodysplasie/myéloprolifération inclassable
4. Syndromes myélodysplasiques

“ Point fort 5. Leucémies myéloïdes aiguës

La classification et le traitement des syndromes hyper- • exclusion des autres hémopathies dans lesquelles les éosino-
éosinophiliques essentiels ont été bouleversés par les philes font partie du clone malin ;
• absence de population de lymphocytes T avec phénotype aber-
découvertes biomoléculaires des années 1990.
rant et production anormale de cytokines,
• arguments pour une clonalité des éosinophiles [62] .
Elle fait souvent suite à la production exagérée d’une tyrosine
kinase par expression du transcrit FIP1L1-PDGFRA détectée dans
Hyperéosinophilies d’origine clonale 11 à 14 % des historiques « SHE » [18, 63] . Lorsqu’aucun réarrange-
ment n’est mis en évidence, on utilise le terme de LCE non encore
Diagnostic catégorisée (CEL-NOS).
Quelques signes orientent le diagnostic vers une hémopathie : Le syndrome hyperéosinophilique lymphoprolifératif, repré-
splénomégalie, cytopénies. L’élévation de la tryptase sérique et/ou senterait 17 % des SHE [18] . Il se caractérise par une prédominance
de la vitamine B12 constituent des arguments en faveur d’une féminine, un possible terrain atopique, des manifestations cuta-
myéloprolifération et vont contre une prolifération lymphoïde, à nées allergiques, quelques atteintes pulmonaires et digestives. En
l’inverse de l’élévation des IgE sériques [18] . Le diagnostic s’appuie dépit d’une HE massive, les complications viscérales sont rares
aujourd’hui sur la recherche du transcrit FIP1-L1-PDGFRA par mais il existe un risque d’évolution vers un lymphome T dans 25 %
hybridation in situ en fluorescence (FISH) ou reverse transcription des cas [64] .
polymerase chain reaction sur sang périphérique, l’histologie de la Si l’ensemble des examens hématologiques spécialisés
biopsie ostéomédullaire, et les réarrangements des récepteurs T [29] . n’identifie aucune maladie clonale myéloïde ou lymphoïde,
Une biopsie ostéomédullaire associée à une étude cytogénétique on peut parler d’HE idiopathique.
s’impose toujours en l’absence du transcrit FIP1-L1-PDFGRA car
elle peut révéler d’autres anomalies biomoléculaires. Traitement
L’étude phénotypique des lymphocytes circulants et des réar-
La présence d’un réarrangement de FIP1L1-PDGFRA ou B pose
rangements du TCR est réalisée si besoin à la recherche d’une
l’indication d’un traitement précoce par imatinib, quel que soit
clonalité lymphocytaire inductrice d’une HE.
le statut clinique du patient, pour limiter les complications viscé-
rales et la transformation leucémique (Fig. 4). Efficace dans 80 à
Classification 100 % des cas à la posologie de 100 mg/j pour le FIP1L1-PDGFRA
La leucémie chronique à éosinophiles appartient au groupe et de 400 mg/j pour les translocations touchant le PDGFRB [18] ,
des syndromes myéloprolifératifs de la classification actuelle de son arrêt peut être suivi d’une rechute [65] . Des mutations de résis-
l’Organisation mondiale de la santé (Tableau 5). La définition tance à l’imatinib ou à d’autres inhibiteurs des tyrosine-kinases
actuelle repose sur les critères suivants : ont été rapportées. En cas d’échec, différentes thérapeutiques
• HE supérieure à 1,5 G/l ; ont été testées en milieu spécialisé : corticothérapie systémique,
• exclusion des HE réactionnelles ; hydroxyurée, vincristine, ciclosporine, interféron-␣ [66] , anticorps

EMC - Maladies infectieuses 9


8-003-U-10  Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie

Syndromes
hyperéosinophiliques

Gène de fusion FIP1L1PDGFRA Absence de blaste


Anomalie clonale Population lymphocytaire
ou autre réarrangement de PDGFRA et absence de clonalité
ou blastes médullaires T clonale
ou réarrangement de PDGFRB et immunophénotypage T normal

LCE sensible à l'imatinib LCE SHE, variant lymphoïde SHE idiopathique

Imatinib Corticothérapie Corticothérapie Corticothérapie


Interféron* Anti-IL-S Interféron*
Imatinib* Interféron Tester imatinib*
Imatinib*

Figure 4. Arbre décisionnel. Principes thérapeutiques des syndromes hyperéosinophiliques. * Traitements de deuxième ligne. LCE : leucémie chronique à
éosinophiles ; SHE : syndrome hyperéosinophilique essentiel.

monoclonaux anti-CD52, anti-CCR3, anti-IgE, anti-IgG, autres est lié à l’infiltration des éosinophiles dans les tissus responsable
anti-tyrosine-kinases (nilotinib, sorafenib, PKC412) voire greffe d’une myopéricardite avec nécrose et microabcès ; la péricardite
allogénique de moelle [67] . est rare (< 10 % des cas) [70] . Le stade suivant est marqué par
Les corticoïdes sont la base thérapeutique des clones lym- la constitution de thromboses murales. Dans le dernier stade,
phocytaires T sécrétant l’IL5. Plus récemment les anticorps apparaissant après environ 24 mois d’évolution, l’inflammation
monoclonaux anti-IL-5 ont démontré une efficacité sur la cor- est responsable de l’endocardite pariétale fibroplastique dite de
ticodépendance [68] . Loeffler à l’origine d’une cardiomyopathie restrictive et de régur-
gitations valvulaires [69] , similaires à la fibrose endomyocardique
décrite par Davies chez des jeunes enfants africains atteints
Hyperéosinophilies chroniques « non d’helminthoses chroniques [71] . On conseille de réaliser systéma-
clonales » idiopathiques tiquement tous les six mois un électrocardiogramme (anormal
dans 30 % des cas) et une échographie cardiaque transthora-
Il est probable que certains SHE idiopathiques évolutifs soient cique afin d’évaluer le retentissement fonctionnel. L’imagerie
en rapport avec une anomalie biomoléculaire non encore iden- par résonance magnétique cardiaque est utile dans le suivi et
tifiée. Le spécialiste est souvent contraint de recourir aux l’évaluation de l’efficacité thérapeutique [72] . Le dosage de la tro-
traitements validés pour les HE d’origine clonale. La surveillance ponine Ic associée à l’atteinte cardiaque des SHE pourrait s’avérer
du retentissement viscéral est indispensable. intéressant [73] .
Plus fréquente est la situation de patients asymptomatiques Un fond d’œil régulier permet de dépister une hémorragie
avec HE chronique légère ou modérée isolée, d’étiologie indé- rétinienne. Le recours à l’électromyogramme ou à une ima-
terminée après une enquête bien conduite et un traitement gerie cérébrale ou médullaire est indiqué sur des arguments
antihelminthique d’épreuve. Il n’existe pas d’argument franc jus- cliniques. La radiographie du thorax peut être complétée par des
tifiant la réalisation d’un traitement corticoïde d’épreuve ou d’un épreuves fonctionnelles respiratoires avec test de diffusion du
suivi paraclinique à la recherche de lésion d’organes. Il paraît rai- monoxyde de carbone pour documenter une fibrose pulmonaire
sonnable de suivre l’hémogramme annuellement et de renouveler débutante.
régulièrement l’enquête étiologique à une fréquence triennale.

“ Point fort “ Point fort


Le suivi des hyperéosinophilies chroniques supérieures
Les hyperéosinophilies chroniques sont démembrées en à 1,5 G/l repose sur la recherche de complications car-
quatre groupes : les leucémies chroniques à éosinophiles, diaques, respiratoires, cutanées, digestives, neurologiques.
les clones lymphocytaires sécrétant l’IL5, les syndromes
hyperéosinophiliques idiopathiques et les hyperéosinophi-
lies persistantes modérées ou légères inexpliquées.
Le diagnostic précoce et le traitement ciblé des HE clonales
devraient modifier leur pronostic global [74] .

Suivi des hyperéosinophilies d’origine clonale  Conclusion


et des SHE idiopathiques
Simple élément d’orientation ou véritable critère diagnos-
La détection régulière des complications viscérales des HE tique, l’HE est un indicateur précieux pour le praticien dont la
massives chroniques permet de discuter la mise en route ou démarche clinique doit être rigoureuse et pragmatique. Les étio-
le changement d’un traitement spécifique. Le bilan biologique logies réactionnelles allergiques, toxiques ou parasitaires sont les
comporte l’hémogramme. L’atteinte cardiaque doit être absolu- plus fréquemment évoquées, mais le diagnostic de certitude est
ment dépistée car elle est le premier facteur de mortalité de l’HE parfois laborieux. La mise en évidence d’une helminthose est ren-
chronique [69] , mais elle ne dépend pas de la présence du trans- due difficile par les limites des outils diagnostiques, expliquant le
crit FIP1L1-PDGFRA [18] . Le stade initial de l’atteinte cardiaque recours souvent utile aux traitements d’épreuve devant la gravité

10 EMC - Maladies infectieuses


Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie  8-003-U-10

potentielle de certaines parasitoses. De même, les évictions thé- [25] Bottieau E, Clerinx J, de Vega MR, Van den Enden E, Colebun-
rapeutiques seront largement envisagées. L’étude des mécanismes ders R, Van Esbroeck M, et al. Imported Katayama fever: clinical
pathogéniques des HE a révolutionné la classification et la prise and biological features at presentation and during treatment. J Infect
en charge des HE chroniques. 2006;52:339–45.
[26] Jaureguiberry S, Paris L, Caumes E. Difficulties in the diagnosis and
treatment of acute schistosomiasis. Clin Infect Dis 2009;48:1163–4,
 Références author reply 4–5.
[27] Guillevin L, Cohen P, Gayraud M, Lhote F, Jarrousse B, Casassus P.
Churg-Strauss syndrome. Clinical study and long-term follow-up of
[1] Clutterbuck EJ, Hirst EM, Sanderson CJ. Human interleukin-5 (IL-5)
96 patients. Medicine 1999;78:26–37.
regulates the production of eosinophils in human bone marrow cultures:
[28] Guillevin L, Lhote F, Gayraud M, Cohen P, Jarrousse B, Lortholary O,
comparison and interaction with IL-1, IL-3, IL-6, and GMCSF. Blood
et al. Prognostic factors in polyarteritis nodosa and Churg-Strauss syn-
1989;73:1504–12.
drome. A prospective study in 342 patients. Medicine 1996;75:17–28.
[2] Kita H, Weiler DA, Abu-Ghazaleh R, Sanderson CJ, Gleich GJ. Release
[29] Tefferi A, Gotlib J, Pardanani A. Hypereosinophilic syndrome and
of granule proteins from eosinophils cultured with IL-5. J Immunol
clonal eosinophilia: point-of-care diagnostic algorithm and treatment
1992;149:629–35.
update. Mayo Clin Proc 2010;85:158–64.
[3] Tai PC, Sun L, Spry CJ. Effects of IL-5, granulocyte/macrophage
colony-stimulating factor (GM-CSF) and IL-3 on the survival of human [30] Chabasse D, Drouet M, Hocquet P. Éosinophilie sanguine et taux
blood eosinophils in vitro. Clin Exp Immunol 1991;85:312–6. d’IgE : fréquence et étude comparée dans l’atopie. Rev Fr Allergol
Immunol Clin 1980;20:125–30.
[4] Collins PD, Marleau S, Griffiths-Johnson DA, Jose PJ, Williams
TJ. Cooperation between interleukin-5 and the chemokine eotaxin to [31] Greiff L, Andersson M, Svensson C, Linden M, Wollmer P, Bratt-
induce eosinophil accumulation in vivo. J Exp Med 1995;182:1169–74. sand R, et al. Effects of orally inhaled budesonide in seasonal allergic
[5] Jacoby DB, Gleich GJ, Fryer AD. Human eosinophil major basic pro- rhinitis. Eur Respir J 1998;11:1268–73.
tein is an endogenous allosteric antagonist at the inhibitory muscarinic [32] Ulrik CS, Frederiksen J. Mortality and markers of risk of asthma death
M2 receptor. J Clin Invest 1993;91:1314–8. among 1075 outpatients with asthma. Chest 1995;108:10–5.
[6] Young JD, Peterson CG, Venge P, Cohn ZA. Mechanism of mem- [33] Miltgen J, Nguyen Hy Thuy G, Gueguen E, Cuguilliere A, Bonnet D.
brane damage mediated by human eosinophil cationic protein. Nature Le poumon éosinophile. Med Trop 1998;58(suppl4):447–53.
1986;321:613–6. [34] Fauchais AL, Longuet O, Bezanahary H, Ly K, Nadalon S, Sorial
[7] Slifman NR, Loegering DA, McKean DJ, Gleich GJ. Ribonuclease P, et al. Diagnostic d’une hyperéosinophilie en médecine interne : à
activity associated with human eosinophil-derived neurotoxin and eosi- propos de 100 cas. Rev Med Interne 2003;17:386s.
nophil cationic protein. J Immunol 1986;137:2913–7. [35] Martin RW, Duffy J, Lie JT. Eosinophilic fasciitis associated with use
[8] Munitz A, Levi-Schaffer F. Eosinophils: ‘new’ roles for ‘old’ cells. of L-tryptophan: a case-control study and comparison of clinical and
Allergy 2004;59:268–75. histopathologic features. Mayo Clin Proc 1991;66:892–8.
[9] Kazura JW, Aikawa M. Host defense mechanisms against Trichinella [36] Libman MD, MacLean JD, Gyorkos TW. Screening for schistosomia-
spiralis infection in the mouse: eosinophil-mediated destruction of sis, filariasis, and strongyloidiasis among expatriates returning from
newborn larvae in vitro. J Immunol 1980;124:355–61. the tropics. Clin Infect Dis 1993;17:353–9.
[10] Costello R, O’Callaghan T, Sebahoun G. Eosinophils and antitumour [37] Whetham J, Day JN, Armstrong M, Chiodini PL, Whitty CJ. Investiga-
response. Rev Med Interne 2005;26:479–84. tion of tropical eosinophilia; assessing a strategy based on geographical
[11] Tefferi A, Thiele J, Vardiman JW. The 2008 World Health Organization area. J Infect 2003;46:180–5.
classification system for myeloproliferative neoplasms: order out of [38] Bouree P, Lançon A. Diagnostic d’une hyperéosinophilie sanguine.
chaos. Cancer 2009;115:3842–7. Rev Fr Lab 2000;321:67–71.
[12] Simon HU, Plotz SG, Dummer R, Blaser K. Abnormal clones of T [39] Pihet M, Gentile L, Chabasse D. Difficultés d’interprétation des
cells producing interleukin-5 in idiopathic eosinophilia. N Engl J Med sérologies parasitaires (en dehors de la toxoplasmose). Rev Fr Lab
1999;341:1112–20. 2005;370:41–5.
[13] Stenfeldt AL, Wenneras C. Danger signals derived from stressed [40] Bouree P, Botterel F, Resende P. Sérologies parasitaires en pratique
and necrotic epithelial cells activate human eosinophils. Immunology courante. Rev Fr Lab 2004;366:51–9.
2004;112:605–14. [41] Doenhoff MJ, Chiodini PL, Hamilton JV. Specific and sensitive diag-
[14] Sanderson CJ. Interleukin-5, eosinophils, and disease. Blood nosis of shistosome infection: can it be done with antibodies? Trends
1992;79:3101–9. Parasitol 2004;20:35–9.
[15] Busse WW, Lemanske Jr RF. Asthma. N Engl J Med 2001;344:350–62. [42] Molinier S, Chaudier B, Kraemer P, Graffin B, San VV, Imbert
[16] Ackerman SJSG, Leonidas DD, Savage MP, Patrick S, Nightingale P, et al. Diagnostic et traitement des hyperéosinophilies sanguines
T, Acharya KR. Eosinophil Proteins: structural biology of Charcot- au retour des tropiques : à propos de 102 patients. Med Trop
Leyden crystal protein (Galectin-10): new insights into an old protein. 1998;58(suppl4):499–502.
Respir Med 2000;94:1014–6. [43] Suarez VH, Cristel SL. Anthelmintic resistance in cattle nema-
[17] Simon D, Wardlaw A, Rothenberg ME. Organ-specific eosinophilic tode in the western Pampeana Region of Argentina. Vet Parasitol
disorders of the skin, lung, and gastrointestinal tract. J Allergy Clin 2007;144:111–7.
Immunol 2010;126:3–13, quiz 4–5. [44] Doenhoff MJ, Kusel JR, Coles GC, Cioli D. Resistance of Schistosoma
[18] Ogbogu PU, Bochner BS, Butterfield JH, Gleich GJ, Huss-Marp J, mansoni to praziquantel: is there a problem? Trans R Soc Trop Med
Kahn JE, et al. Hypereosinophilic syndrome: a multicenter, retros- Hyg 2002;96:465–9.
pective analysis of clinical characteristics and response to therapy. J [45] Taylor MJ, Hoerauf A, Bockarie M. Lymphatic filariasis and oncho-
Allergy Clin Immunol 2009;124:1319–25, e3. cerciasis. Lancet 2010;376:1175–85.
[19] Schooley RT, Flaum MA, Gralnick HR, Fauci AS. A clinicopathologic [46] Bohm A, Fodinger M, Wimazal F, Haas OA, Mayerhofer M, Sperr
correlation of the idiopathic hypereosinophilic syndrome. II. Clinical WR, et al. Eosinophilia in systemic mastocytosis: clinical and mole-
manifestations. Blood 1981;58:1021–6. cular correlates and prognostic significance. J Allergy Clin Immunol
[20] Sade K, Mysels A, Levo Y, Kivity S. Eosinophilia: a study of 2007;120:192–9.
100 hospitalized patients. Eur J Intern Med 2007;18:196–201. [47] von Wasielewski S, Franklin J, Fischer R, Hubner K, Hansmann
[21] Harries AD, Myers B, Bhattacharrya D. Eosinophilia in Caucasians ML, Diehl V, et al. Nodular sclerosing Hodgkin disease: new gra-
returning from the tropics. Trans R Soc Trop Med Hyg 1986;80:327–8. ding predicts prognosis in intermediate and advanced stages. Blood
[22] Schulte C, Krebs B, Jelinek T, Nothdurft HD, von Sonnenburg F, 2003;101:4063–9.
Loscher T. Diagnostic significance of blood eosinophilia in returning [48] Palleschi GM, Falcos D, Giacomelli A, Fabbriref P. Hypereosinophilic
travelers. Clin Infect Dis 2002;34:407–11. syndrome as prodrome of bullous pemphigoid: report of a case. J Eur
[23] Meltzer E, Percik R, Shatzkes J, Sidi Y, Schwartz E. Eosinophilia Acad Dermatol Venerol 1987;6:255–9.
among returning travelers: a practical approach. Am J Trop Med Hyg [49] Woods CR, Englund J. Congenital toxoplasmosis presenting with eosi-
2008;78:702–9. nophilic meningitis. Pediatr Infect Dis J 1993;12:347–8.
[24] Eshki M, Allanore L, Musette P, Milpied B, Grange A, Guillaume JC, [50] Farthing MJ, Chong SK, Walker-Smith JA. Acute allergic phenomena
et al. Twelve-year analysis of severe cases of drug reaction with eosi- in giardiasis. Lancet 1983;2:1428.
nophilia and systemic symptoms: a cause of unpredictable multiorgan [51] Yousem SA. Graft eosinophilia in lung transplantation. Hum Pathol
failure. Arch Dermatol 2009;145:67–72. 1992;23:1172–7.

EMC - Maladies infectieuses 11


8-003-U-10  Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie

[52] Tietz A, Sponagel L, Erb P, Bucher H, Battegay M, Zimmerli W. Eosi- [65] Klion AD, Robyn J, Maric I, Fu W, Schmid L, Lemery S, et al.
nophilia in patients infected with the human immunodeficiency virus. Relapse following discontinuation of imatinib mesylate therapy for
Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1997;16:675–7. FIP1L1/PDGFRA-positive chronic eosinophilic leukemia: implica-
[53] Caterino-de-Araujo A. HIV-1 infection and eosinophilia. Immunol tions for optimal dosing. Blood 2007;110:3552–6.
Today 1994;15:498–9. [66] Butterfield JH. Interferon treatment for hypereosinophilic syndromes
[54] Sanchez-Borges M, Orozco A, Di Biagio E, Tami I, Suarez-Chacon R. and systemic mastocytosis. Acta Haematol 2005;114:26–40.
Eosinophilia in early-stage human immunodeficiency virus infection. [67] Halaburda K, Prejzner W, Szatkowski D, Limon J, Hellmann A. Allo-
J Allergy Clin Immunol 1993;92:494–5. geneic bone marrow transplantation for hypereosinophilic syndrome:
[55] Smith KJ, Skelton HG, Drabick JJ, McCarthy WF, Ledsky R, Wagner long-term follow-up with eradication of FIP1L1-PDGFRA fusion
KF. Hypereosinophilia secondary to immunodysregulation in patients transcript. Bone Marrow Transplant 2006;38:319–20.
with HIV-1 disease. Arch Dermatol 1994;130:119–21. [68] Rothenberg ME, Klion AD, Roufosse FE, Kahn JE, Weller PF, Simon
[56] Skiest DJ, Keiser P. Clinical significance of eosinophilia in HIV- HU, et al. Treatment of patients with the hypereosinophilic syndrome
infected individuals. Am J Med 1997;102:449–53. with mepolizumab. N Engl J Med 2008;358:1215–28.
[57] Shaaban H, Daniel S, Sison R, Slim J, Perez G. Eosinopenia: Is it a [69] Weller PF, Bubley GJ. The idiopathic hypereosinophilic syndrome.
good marker of sepsis in comparison to procalcitonin and C-reactive Blood 1994;83:2759–79.
protein levels for patients admitted to a critical care unit in an urban [70] Eicher JC, Bonnotte B, L’Huillier I, Cottin Y, Potard D, Abou
hospital? J Crit Care 2010;25:570–5. Taam J, et al. Cardiovascular manifestations of eosinophilia: clini-
[58] Katchourine I, Pradalier A. Rare hyperimmunoglobulinemia E syn- cal and echocardiographic presentation. Rev Med Interne 2009;30:
dromes. Rev Med Interne 1998;19:185–91. 1011–9.
[59] Eosinophilia-myalgia syndrome – New Mexico. MMWR Morb Mortal [71] Andy JJ, Ogunowo PO, Akpan NA, Odigwe CO, Ekanem IA, Esin RA.
Wkly Rep 1989;38:765–7. Helminth associated hypereosinophilia and tropical endomyocardial
[60] Shulman LE. Diffuse fasciitis with hypergammaglobulinemia and eosi- fibrosis (EMF) in Nigeria. Acta Trop 1998;69:127–40.
nophilia: a new syndrome? J Rheumatol 1984;11:569–70. [72] Syed IS, Martinez MW, Feng DL, Glockner JF. Cardiac magnetic reso-
[61] Chusid MJ, Dale DC, West BC, Wolff SM. The hypereosinophilic nance imaging of eosinophilic endomyocardial disease. Int J Cardiol
syndrome: analysis of fourteen cases with review of the literature. 2008;126:e50–2.
Medicine 1975;54:1–27. [73] Sato Y, Taniguchi R, Yamada T, Nagai K, Makiyama T, Okada H, et al.
[62] Tefferi A, Vardiman JW. Classification and diagnosis of myeloproli- Measurement of serum concentrations of cardiac troponin T in patients
ferative neoplasms: the 2008 World Health Organization criteria and with hypereosinophilic syndrome: a sensitive non-invasive marker of
point-of-care diagnostic algorithms. Leukemia 2008;22:14–22. cardiac disorder. Intern Med 2000;39:350.
[63] Pardanani A, Tefferi A. Imatinib targets other than bcr/abl and their [74] Baccarani M, Cilloni D, Rondoni M, Ottaviani E, Messa F, Merante
clinical relevance in myeloid disorders. Blood 2004;104:1931–9. S, et al. The efficacy of imatinib mesylate in patients with FIP1L1-
[64] Roufosse F, Cogan E, Goldman M. Lymphocytic variant hypereosino- PDGFRalpha-positive hypereosinophilic syndrome. Results of a
philic syndromes. Immunol Allergy Clin North Am 2007;27:389–413. multicenter prospective study. Haematologica 2007;92:1173–9.

H. Savini (helene.savini@laposte.net).
F. Simon.
Service de pathologie infectieuse et tropicale, Hôpital d’instruction des Armées Laveran, 4, boulevard Alphonse-Laveran, BP 60149, 13384 Marseille cedex
13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Savini H, Simon F. Conduite à tenir devant une hyperéosinophilie. EMC - Maladies infectieuses
2012;9(4):1-12 [Article 8-003-U-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Maladies infectieuses


 8-003-V-10

Gastroentérites aiguës de l’enfant


J. Viala, M. Lorrot, L. Pull, P. Mariani-Kurkdjian, L. Paris, M. Bellaïche, A. Smail,
J.-Y. Siriez

Les diarrhées aiguës infectieuses constituent chez l’enfant un problème mondial de santé publique. Res-
ponsables d’une importante morbidité dans les pays riches, elles constituent une cause majeure de
mortalité chez les moins de 5 ans dans les pays en développement malgré l’utilisation massive de solutés
de réhydratation orale. Dans ces pays, le nombre de gastroentérites reste stable, avec une moyenne de
trois épisodes par an et par enfant. Les virus sont les agents pathogènes le plus souvent retrouvés dans
les gastroentérites communautaires de l’enfant. Les norovirus semblent plus fréquents que le rotavirus,
qui reste, pour sa part, le principal agent des diarrhées sévères. Dans tous les pays, la fréquence des
diarrhées bactériennes semble moindre. Les principaux pathogènes incriminés sont Campylobacter, les
salmonelles mineures, Shigella et Escherichia coli. Malgré un important portage asymptomatique dans
les pays en développement, les parasites intestinaux sont rarement retrouvés chez les enfants atteints
de diarrhée. La gravité potentielle d’une gastroentérite est liée à deux facteurs : l’intensité de la déshy-
dratation et celle du syndrome infectieux. Le traitement repose essentiellement sur une réhydratation
bien conduite et une réalimentation précoce. En dehors de l’adjonction de zinc dans les pays en dévelop-
pement, les traitements adjuvants ont une place limitée. L’antibiothérapie a des indications spécifiques
et peu nombreuses, qui doivent être respectées afin de limiter l’apparition de résistances bactériennes.
La prévention du risque de transmission orofécale repose sur l’approvisionnement en eau potable dans
les pays en développement et, dans tous les pays, sur le lavage régulier des mains au savon. Depuis
2009, l’Organisation mondiale de la santé recommande la vaccination contre le rotavirus pour tous les
nourrissons du monde. L’efficacité de ces vaccins contre les diarrhées sévères à rotavirus est supérieure à
95 % dans les pays industrialisés, mais elle ne dépasse pas 50 % dans les pays en développement.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Gastroentérite ; Diarrhée ; Enfants ; Réhydratation ; Virus ; Parasites

Plan  Introduction et épidémiologie


■ Introduction et épidémiologie mondiale 1 mondiale
■ Épidémiologie par pathogènes 2 Véritable problème mondial de santé publique, les diarrhées
Virus 2 aiguës infectieuses sont parmi les maladies humaines les plus fré-
Bactéries 3 quentes. Chaque année, on estime à environ 2 500 000 000 le
Parasites 4 nombre d’épisodes de diarrhée chez les enfants de moins de 5 ans.
■ Clinique 4 Dans les pays en développement, cette incidence est restée stable
Présentation classique 4 au cours des 20 dernières années, avec une moyenne de trois épi-
■ Examens bactériologiques 4 sodes par an et par enfant dont la majorité des cas est observée en

Afrique et en Asie du Sud-Est [1] .
Examens parasitologiques 5
Il y a environ 30 ans, la découverte du transport cou-
■ Facteurs de virulence des entéropathogènes et défenses plé sodium–glucose à travers l’épithélium intestinal a permis
intestinales 5 d’élaborer les solutés de réhydratation orale (SRO), qui consti-
Altération de la barrière épithéliale 5 tuent une des avancées thérapeutiques les plus importantes du
Invasion de l’entérocyte 6 XXe siècle. Recommandés par l’Organisation Mondiale de la Santé
■ Traitement 6 (OMS) dès 1978 comme traitement du choléra, les SRO ont rapi-
Réhydratation 6 dement été inclus dans les programmes nationaux de traitement
Traitement médicamenteux 7 de la diarrhée d’une centaine de pays [2] . La production de sachets
Antibiotiques 8 est ainsi passée de 50 millions en 1979 à 800 millions en 1992 [3] .
Prévention de la diarrhée à rotavirus 9 L’utilisation de ces sachets s’est étendue progressivement aux pays
riches, constituant ainsi l’un des rares exemples d’un transfert de
technologie sud-nord [1, 4] .

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 10 > n◦ 1 > février 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)57862-2
8-003-V-10  Gastroentérites aiguës de l’enfant

Figure 1. Le rotavirus est la première cause retrouvée chez les


enfants hospitalisés pour gastroentérite aiguë dans le monde.
Les bactéries sont plus fréquentes dans les pays en déve-
loppement (A) que dans les pays développés (B). ECEP :
Escherichia coli entéropathogène (d’après [119] ).

Rotavirus ECEP
Adénovirus Parasites Rotavirus Astrovirus
Calicivirus Bactéries Adénovirus Bactéries
Astrovirus Autres Calicivirus Autres
A B

À l’échelle mondiale, l’utilisation des SRO a permis de réduire Virus


la mortalité infantile due aux diarrhées de 4,6 millions en
1980 à 1,8 million en 2004 [1, 4] . Cependant, la gravité de ces Depuis les années 1970, les progrès de la microscopie
infections est très variable d’une zone géographique à l’autre. électronique ont permis de découvrir les principaux virus enté-
Si les gastroentérites aiguës (GEA) restent fréquentes dans les ropathogènes, les calicivirus d’abord [17] , puis les rotavirus, les
pays développés, l’immense majorité des décès dus au rotavirus astrovirus et les adénovirus entériques (sérotypes 40 et 41), enfin
(82 %) s’observe dans les pays en voie de développement [5] . De les picobirnavirus, les torovirus, les coronavirus et les Aïchi virus.
plus, lorsque ces diarrhées se répètent au cours de la première Les deux virus les plus fréquents sont les calicivirus (norovirus et
année de vie, elles peuvent être responsables de malnutrition et sapovirus) et les rotavirus (Fig. 2).
contribuer à des retards de croissance et des acquisitions psycho-
motrices, parfois à l’origine de retard scolaire ou d’anomalies du Calicivirus
développement [6] .
Les calicivirus sont des petits virus non enveloppés à acide
ribonucléique (ARN) simple brin qui comportent une capside
protéique icosaédrique formant des « calices » à la surface du
 Épidémiologie par pathogènes virus. Ils résistent très bien dans l’environnement et apparaissent
très contagieux (10–100 particules virales suffisent). La trans-
Dans les pays en développement, les données sur les germes res- mission se fait par les aliments et l’eau contaminés, ou par
ponsables des diarrhées de l’enfant sont limitées car la recherche les selles et les vomissements de personne infectée. Ils sont
exhaustive d’une étiologie est rarement réalisée. En 2002, une responsables de GEA communautaires dans tous les pays du
revue de la littérature concluait à une légère prédominance des monde.
gastroentérites d’origine bactérienne dans ces pays (Escherichia coli Les norovirus sont les plus fréquents des calicivirus patho-
11 %, Campylobacter 7 %, Shigella 5 %, contre rotavirus 20 %) gènes pour l’homme. Dans les pays développés, les norovirus
(Fig. 1) [7] . Cependant, une transition récente semble s’opérer, avec apparaissent comme les pathogènes le plus fréquemment en
une réduction des gastroentérites estivales bactériennes et une cause dans les GEA communautaires non bactériennes liées à la
augmentation des infections hivernales virales [4] . Ainsi, une étude consommation de nourriture ou d’eau contaminée chez l’enfant
réalisée au Cambodge [8] entre 2004 et 2006 sur 600 enfants pré- et l’adulte. Une étude de 303 épidémies de GEA non bactériennes
sentant une diarrhée et 578 contrôles rapporte chez les enfants survenant dans des restaurants aux États-Unis avait montré une
malades une proportion plus équilibrée parmi les germes le plus prévalence du norovirus de 93 % [14] . Le pic de l’infection à noro-
fréquemment rencontrés : rotavirus (26 %), E. coli entéroagrégatifs virus se situe chez les enfants âgés de 3 mois à 5 ans, et 70
(20 %). à 100 % de la population ont acquis des anticorps avant l’âge
Par ailleurs, l’isolement d’un germe ne signifie pas systémati- de 12 ans [18] . Le norovirus peut infecter aussi bien les adultes
quement qu’il est responsable de la gastroentérite. Au Ghana, le que les enfants du fait d’une immunité antivirale labile et peu
rotavirus était ainsi le seul pathogène retrouvé de façon signifi- protectrice devant la multiplicité des souches virales [19] . Chez
cativement plus élevée chez les enfants malades comparés aux l’enfant, les norovirus semblent plus fréquents que le rotavirus
témoins (p = 0,005) [9] . De même au Cambodge, les salmonelles et dans les gastroentérites communautaires et ils entraînent des
Campylobacter jejuni étaient aussi fréquents chez les témoins que formes de GEA moins sévères (11 % de diarrhées sévères pour
chez les sujets diarrhéiques [8] . le calicivirus contre 68 % pour le rotavirus), nécessitant moins
Dans les pays développés, la mortalité par diarrhée est rare, mais d’hospitalisations [16] .
les GEA sont responsables d’une morbidité élevée, conduisant à
de multiples consultations médicales et, parfois, à des hospitali-
sations [5, 10] . En France en 1997, les GEA ont été responsables de Rotavirus
51 000 hospitalisations et de 14 décès chez les enfants de moins de Le rotavirus est un virus à ARN bicaténaire, non enveloppé et
5 ans [11] . Aux urgences pédiatriques de l’hôpital Trousseau (Paris), qui possède une triple capside icosaédrique. Les protéines struc-
les diarrhées représentaient 10 % des consultations entre 1988 turales de la capside interne (VP6) et de la capside externe (VP7
et 2001, et conduisaient à des hospitalisations dans 16 à 21 % et VP4) sont responsables de la variabilité des souches circulant
des cas [12] . Actuellement, les virus apparaissent comme les agents dans le monde (Fig. 3). La quasi-totalité des souches virales à
pathogènes les plus fréquents des GEA communautaires, aussi tropisme humain appartient au groupe A de la capside interne
bien chez l’adulte que chez l’enfant (environ 60 % des cas) [13–15] . VP6. Au sein des rotavirus de groupe A, les protéines de la capside
A contrario, les bactéries sont rarement responsables de GEA chez externe définissent les différents types du virus : VP7 détermine les
les enfants des pays industrialisés. Ainsi, chez 457 enfants français types G (G pour glycoprotéine), VP4 les types P (P pour sensibles
hospitalisés pour GEA, seuls 6 % relevaient d’une origine bacté- aux protéases). Il existe 14 génotypes G (G1-G6, G8-G10, et G12)
rienne (Fig. 1) [16] . et 10 génotypes P pathogènes pour l’homme permettant de former

2 EMC - Maladies infectieuses


Gastroentérites aiguës de l’enfant  8-003-V-10

23 % Figure 2. De novembre 2001 à mai 2004, le rotavirus a été responsable


Rotavirus
de près de la moitié des gastroentérites aiguës hospitalisées à l’hôpital
Norovirus Saint-Vincent de Paul (Paris) [16] .
Adénovirus
Astrovirus
7% 52,3 %
Sapovirus
1% Aichivirus
0,4 % Bactérie
1,5 % Sans pathogène
3,5 % 12 %

pendant plus de 6 ans à l’hôpital Saint Vincent de Paul (Paris) a


montré que le rotavirus est responsable chaque année de 50 % des
GEA nécessitant une hospitalisation chez l’enfant [16, 23] (Fig. 2).
Enfin, le rotavirus est le premier agent responsable des diarrhées
1 nosocomiales dans les pays industrialisés (de 31 à 87 % en France,
Allemagne, Italie, Espagne et Grande-Bretagne) [24] .
Les GEA nosocomiales à rotavirus surviennent plus tôt dans la
3 vie que les cas communautaires (0–5 mois versus 6–23 mois). La
superposition hivernale des pics épidémiques des gastroentérites à
rotavirus et des bronchiolites génère des problèmes de surcharge
des services de pédiatrie. Une grande proportion (20–40 %) des
infections nosocomiales à rotavirus est asymptomatique, ce qui
ne facilite pas les mesures de prévention et contribue encore à
leur propagation.

2 Bactéries
Avant les années 1970, le diagnostic étiologique des GEA se limi-
tait à la recherche de quelques bactéries et parasites (Salmonella,
Shigella, amibes, Giardia) et s’avérait le plus souvent négatif dans
les pays industrialisés. Depuis, les examens se sont développés et
les bactéries le plus fréquemment retrouvées sont les salmonelles
mineures et Campylobacter [25] . Dans les pays en développement,
Figure 3. Structure du rotavirus. Les génotypes les plus fréquents chez
les germes identifiés diffèrent d’une région à l’autre, mais certains
l’homme sont précisés entre parenthèses. 1. Capside externe, VP7 : type
sont observés dans plusieurs études, tels que Salmonella, Shigella,
G (G1, G2, G3, G4) ; 2. capside externe, VP4 : type P (P[8] et P[4]) ;
Campylobacter ou E. coli [8, 9] .
3. capside interne, VP6 : groupes A, B, C (A).
Ainsi, Shigella serait à l’origine de 160 millions d’infections dans
les pays en développement, essentiellement chez les enfants. Dans
ces pays, Shigella flexneri est responsable de syndromes dysenté-
théoriquement une centaine de combinaisons des types P et G. En riques. Shigella dysenteriae de type 1, qui produit la même toxine
pratique, quatre combinaisons fréquentes, P[8]G1, P[4]G2, P[8]G3 qu’E. coli entérohémorragique, est à l’origine d’épidémies en Asie,
et P[8]G4, représentent plus de 90 % des souches responsables de en Afrique et en Amérique centrale, pouvant entraîner jusqu’à
diarrhée en Europe, en Amérique du Nord et en Australie, 68 % 10 % de mortalité [4] .
des isolats en Amérique du Sud et en Asie, et 50 % des isolats en Il existe plus de 2000 sérotypes de salmonelles pathogènes pour
Afrique. La combinaison P[8]G1 représente à elle seule plus de l’être humain. Les fièvres typhoïdes (Salmonella typhi) et paraty-
70 % des souches en Europe, en Amérique du Nord et en Aus- phoïde (Salmonella paratyphi A et B) touchent la plupart du temps
tralie, 30 % des souches en Amérique du Sud et en Asie, et 23 % des enfants en âge scolaire, mais aussi les enfants de moins de
en Afrique [20] . En France, la souche P[8]G1 prédominait dans une 2 ans. Elles seraient responsables annuellement d’environ 20 mil-
étude multicentrique regroupant 16 villes [21] . lions d’infections et 200 000 décès dans le monde [26] .
À l’échelle mondiale, le rotavirus est le principal agent des GEA Six pathovars d’E. coli peuvent être responsables de diarrhée.
sévères de l’enfant, avec 136 millions de GEA par an chez les Les E. coli entérotoxigènes sont une cause fréquente de diar-
enfants de moins de 5 ans : 111 millions sont traitées à domi- rhée sécrétoire chez les enfants des pays en développement et
cile, 2 millions sont hospitalisées et 440 000 à 600 000 enfants chez les voyageurs. E. coli entéropathogène est à l’origine de
décèdent [4] . La mortalité par déshydratation est très élevée dans diarrhée sécrétoire prédominant chez les enfants de moins de
les pays en voie de développement avec un décès pour 293 GEA à 2 ans et plus particulièrement chez les moins de 6 mois. Les
rotavirus (Fig. 1). Presque tous les enfants du monde seraient infec- E. coli entéro-invasifs provoquent une diarrhée mucosanglante
tés par le rotavirus avant l’âge de 5 ans, avec un pic d’incidence et partagent plusieurs propriétés biochimiques, y compris les
entre 4 et 23 mois. Comparés aux enfants des pays industrialisés, mécanismes de virulence, avec les Shigella. Les E. coli entérohémor-
les enfants des pays en développement ont une première infec- ragiques (parmi lesquels E. coli O157:H7) seraient plus fréquents
tion sévère à rotavirus plus tôt, sont atteints durant toute l’année, dans les pays développés ; ils peuvent être responsables d’une diar-
et non lors de pics saisonniers, et sont plus facilement contami- rhée sanglante ou d’une colite hémorragique sévère qui peut se
nés par des souches inhabituelles ou par des souches multiples de compliquer d’un syndrome hémolytique et urémique (6–8 %) et
virus [4] .Dans les pays développés, la mortalité due au rotavirus est il est possible que leur prévalence soit sous-estimée en Afrique
faible, estimée à un décès pour 48 000 infections, mais ce virus est sub-saharienne [6] . Découverts en 1987, les E. coli entéroagréga-
responsable d’une morbidité élevée et de nombreuses hospitalisa- tifs sont associés à une diarrhée aqueuse chez le jeune enfant,
tions. Aux États-Unis, le rotavirus serait annuellement responsable et à une diarrhée prolongée chez l’enfant et l’adulte infectés par
de 3,5 millions de GEA, entraînant 500 000 consultations et 50 le virus de l’immunodéficience humaine. Okeke rapporte égale-
000 hospitalisations et à l’origine d’une vingtaine de décès, pour ment l’existence de diffusely-adherent E. coli, tout en soulignant
un coût direct de 500 millions de dollars et un coût indirect supé- la difficulté à mettre ces souches en évidence, y compris dans les
rieur à 100 millions de dollars par an [22] . Une surveillance réalisée laboratoires équipés de biologie moléculaire [27] .

EMC - Maladies infectieuses 3


8-003-V-10  Gastroentérites aiguës de l’enfant

Depuis le début de la septième pandémie cholérique en 1961


en Indonésie, les sérogroupes O1 et O139 de Vibrio cholerae
 Clinique
apparaissent les plus virulents. Reprenant le programme de Présentation classique
surveillance des maladies émergentes (ProMED), Griffith et al. rap-
portent plus de 380 000 cas de choléra de 1995 à 2005, dont la Bien que l’OMS définisse la diarrhée aiguë comme l’apparition
grande majorité (88 %) sont survenus en Afrique [28] . La mortalité de plus de trois selles molles ou liquides par jour depuis moins
est estimée à plus de 20 000 décès. La transmission se fait par l’eau de deux semaines [34] , cette définition a des limites chez les jeunes
et les aliments contaminés. enfants. En effet, chez le nouveau-né et le nourrisson, la consis-
tance et la fréquence des selles changent en fonction de l’âge et de
l’alimentation. Des selles molles peuvent ainsi être observées après
chaque tétée chez des nourrissons au sein, sans pour autant rele-
ver d’une situation pathologique. Dès lors, toute accélération du
Parasites transit avec changement de consistance des selles ou apparition
de rectorragie doit faire évoquer le diagnostic [35] .
Chez les enfants atteints de diarrhée, les parasites intestinaux Cliniquement, deux types de diarrhée sont prédominants. La
sont rarement retrouvés [9] . Toutefois, dans les pays en déve- diarrhée invasive (ou inflammatoire) est caractérisée par un syn-
loppement, bien que le portage asymptomatique des parasites drome dysentérique associant des selles glairosanglantes, des
soit fréquent [4] , de nombreuses parasitoses peuvent entraîner douleurs abdominales avec ténesme et épreintes, et souvent un
une diarrhée (aiguë ou plus souvent chronique), une anorexie, tableau fébrile avec altération de l’état général. À l’inverse, la
une malabsorption et un retard de croissance chez les enfants diarrhée sécrétoire se traduit par un syndrome cholériforme avec
atteints [29] . diarrhée aqueuse abondante souvent accompagnée de vomisse-
Giardia intestinalis parasite l’intestin grêle de l’homme, et très ments, d’une absence de fièvre et de douleurs abdominales.
accessoirement celui du porc et de certains primates ; l’homme L’évaluation de la gravité d’une diarrhée aiguë infectieuse de
se contamine en ingérant des kystes mûrs avec l’eau de bois- l’enfant représente le point-clé de sa prise en charge. Cette gravité
son, des aliments crus ou à l’occasion d’une transmission par potentielle est liée à deux facteurs : l’intensité de la déshydrata-
les mains sales. Il s’agit de la plus fréquente des protozoonoses tion et celle du syndrome infectieux. Certains facteurs majorent
humaines entéropathogènes. Ce parasite peut être à l’origine de le risque d’évolution sévère.
diarrhée aiguë ou chronique, éventuellement responsable chez L’origine bactérienne ou virale de l’infection peut influer sur
l’enfant de troubles de la croissance et du développement [30] . le choix du traitement ; certains critères cliniques évoquent une
La prévalence de ce parasite est probablement sous-estimée, origine bactérienne telles les rectorragies importantes (valeur pré-
car les kystes (dont la mise en évidence dans les selles est dictive positive de 0,3 et valeur prédictive négative de 0,91) [36] ,
le meilleur moyen diagnostique) sont libérés de façon irrégu- particulièrement dans les pays en voie de développement, et les
lière et peuvent passer inaperçus lorsqu’on pratique un seul signes neurologiques (salmonelles majeures, Shigella) [37] .
examen parasitologique des selles. Cryptosporidium hominis ou La perte de poids est le principal facteur d’évaluation de la
C. parvum séjournent dans l’eau. Si 30 % des habitants des déshydratation. Il convient de peser le nourrisson dénudé, et de
pays en développement excrètent ces parasites de façon asymp- comparer ce poids à un poids antérieur récent et fiable. Trois
tomatique, Cryptosporidium peut être responsable de diarrhée niveaux de déshydratation sont reconnus par l’OMS et les Cen-
chez l’enfant immunocompétent [31] . Chez l’immunodéprimé ou ters for disease control and prevention [38] : pas de déshydratation
l’enfant malnutri, la cryptosporidiose peut se prolonger et s’avérer entre 3 et 6 %, déshydratation moyenne entre 6 et 9 % et déshy-
fatale [32] . dratation sévère au-delà de 9 %. Subjectivement, les cliniciens
L’amibiase est due à l’ingestion de kystes d’Entamaeba histoly- ont tendance à surestimer la déshydratation [39] . L’interrogatoire
tica avec l’eau et les crudités. Selon l’OMS, 10 % de la population n’apporte que peu d’éléments fiables pour quantifier le volume
mondiale serait porteuse, tandis que l’infection symptomatique de la diarrhée [40] . Pour reconnaître une déshydratation de plus
est beaucoup plus rare. L’amibiase serait néanmoins responsable de 5 % dans une population d’enfants de moins de 5 ans issus
de 100 000 décès chaque année [33] . de pays développés, le temps de revascularisation capillaire, le pli
L’infestation par Isospora belli est souvent asymptomatique ; elle cutané et le rythme respiratoire anormal apparaissent spécifiques
peut provoquer une diarrhée aiguë fébrile qui guérit rapidement (> 75 %) mais peu sensibles (< 60 %), tandis que le mauvais aspect
chez l’enfant immunocompétent ou une diarrhée chronique chez global et la sécheresse muqueuse se révèlent plus sensibles (> 80 %)
les enfants immunodéprimés avec syndrome de malabsorption et mais moins spécifiques (< 50 %) [40] . Le temps de revascularisation
amaigrissement. Le paludisme peut s’accompagner d’une diarrhée capillaire peut être perturbé par la température, l’éclairage, les trai-
dans les cas de primo-invasion. Parmi les bilharzioses intestinales, tements vasoactifs ou une dysautonomie. Le pli cutané peut être
Schistosoma intercalatum peut être à l’origine d’une diarrhée aiguë majoré par la dénutrition et son évaluation peut être faussée par
glairosanglante. Capillaria philippinensis frappe plutôt l’homme l’obésité ou l’hypernatrémie.
adulte qui a consommé du poisson cru ou mal cuit. La mala- À l’extrême, la déshydratation induit un choc hypovolé-
die détermine une diarrhée avec malabsorption, amaigrissement, mique qui peut mettre en jeu le pronostic vital de l’enfant. Chez
entéropathie et asthénie pouvant dans certains cas aboutir au ce dernier, la tachycardie est un signe d’alerte plus précoce que
décès. L’invasion de l’intestin par des vers adultes de Trichinella l’hypotension.
spiralis à l’occasion de l’ingestion de viande de porc mal cuite Les symptômes neurologiques (troubles de la conscience,
peut s’accompagner de diarrhée. Une infestation massive par convulsions) peuvent être liés à l’hyponatrémie ou à un œdème
Hymenolepis nana peut s’observer chez des enfants mal nourris cérébral par réhydratation trop rapide. Par ailleurs, une déshydra-
ou immunodéprimés, et s’accompagner de diarrhée, de douleurs tation sévère chez le nourrisson peut provoquer un hématome
abdominales, d’asthénie et d’amaigrissement. La distomatose à sous-dural ou une thrombose des sinus latéraux cérébraux. La
Fasciolopsis buski peut être à l’origine d’une diarrhée tenace. La thrombose des veines rénales est rare et s’observe essentiellement
balantidiose, qui sévit dans les populations en contact étroit avec chez le nourrisson de moins de 6 mois (Tableau 1).
des porcs infestés, est en règle asymptomatique, mais elle peut
parfois provoquer une dysenterie fulminante. Cyclospora cayeta-
nensis a été décrit au milieu des années 1980 chez des voyageurs
au retour du Népal et chez des patients infectés par le virus de
l’immunodéficience humaine. Ce parasite est responsable de diar-  Examens bactériologiques
rhée persistante chez les sujets immunocompétents et chez les
patients immunodéprimés. Enterocytozoon bieneusi et Encephali- L’examen direct des selles à l’état frais permet de déceler la
tozoon spp. peuvent provoquer une diarrhée chronique chez les présence de leucocytes, d’hématies ou d’éventuels parasites. La
sujets principalement infectés par le virus de l’immunodéficience présence de leucocytes majore les valeurs prédictives positive et
humaine. négative de la coproculture de respectivement 69 et 95 % [41] .

4 EMC - Maladies infectieuses


Gastroentérites aiguës de l’enfant  8-003-V-10

Tableau 1.
Critères cliniques faisant craindre une évolution grave.
 Facteurs de virulence
Antécédents Âge inférieur à 6 mois
des entéropathogènes et défenses
Faible niveau socioéconomique a intestinales
Absence d’allaitement au sein a
Enfants institutionnalisés a
Immunodéprimés Altération de la barrière épithéliale
Présentation clinique Perte d’appétit
Acidité gastrique
Vomissements
Fièvre L’acidité gastrique représente le premier obstacle que les bacté-
Mucus dans les selles ries rencontrent lors de leur entrée dans un tube digestif humain.
Des études de pharmacovigilance ont pu montrer que l’utilisation
Argument Exposition au rotavirus
microbiologique
prolongée d’inhibiteurs de la pompe à protons favorisait la surve-
nue chez l’enfant de gastro-entérites [42] , et plus particulièrement
a
Démontré uniquement dans les pays développés. de salmonelloses. D’autres germes pourraient être favorisés, tels
que Campylobacter jejuni, Vibrio cholerae, Listeria et Clostridium dif-
ficile [43] .
La densité et la mobilité de la flore bactérienne (Campylobacter,
Vibrio) sont notées, ainsi que la présence d’éventuelles levures. Mucus
L’examen du frottis après coloration de Gram recherche si la
Une fois l’intestin atteint, les bactéries se trouvent confron-
flore est équilibrée avec une majorité de bacilles à Gram négatif,
tées à un deuxième obstacle, à la fois mécanique et dynamique,
sans disparition des bacilles à Gram positif. Des milieux sélec-
le glycocalyx. Ce film relève d’un principe essentiel de protec-
tifs d’isolement et des milieux d’enrichissement sont utilisés en
tion intestinale. En effet, la distinction entre germe pathogène
fonction du contexte clinique et de l’aspect macroscopique des
et genre commensal repose principalement sur la capacité des
selles.
micro-organismes d’entrer en contact avec l’épithélium intes-
La coproculture standard comprend la recherche systématique
tinal et d’y adhérer. Ainsi, la vingtaine de mucines produites
de Salmonella spp., de Shigella spp. et de Campylobacter spp.
par les cellules à mucus tout au long de l’intestin réalisent un
(voire Yersinia enterocolitica si le sujet est diarrhéique). Certains
maillage épais entre les entérocytes et les germes de la lumière
germes nécessitent des milieux spécifiques : Salmonella (milieu
intestinale. Ce tapis muqueux se subdivise en deux couches super-
d’enrichissement au sélénite), Campylobacter (milieu de Karmali),
posées dont la plus profonde, au contact de l’épithélium, est
E. coli O157 et autres Shiga toxin producing E. coli (Mac Conkey
indemne de bactéries [44] , suggérant son importance dans la lutte
sorbitol, enrichissement des selles en eau peptonée pendant 4 à
anti-infectieuse. De plus, l’épaisseur de la couche superficielle
6 heures à 37 ◦ C), levures (Sabouraud), choléra (milieu spécial alca-
augmente dans l’iléon et le côlon où est habituellement concen-
lin thiosulfate-citrate-bile-saccharose). Des recherches spécifiques
trée la majorité des bactéries intraluminales [45] . Cette barrière est
peuvent être réalisées dans les selles, en particulier la recherche
dynamique et tend à s’épaissir en cas de signaux d’agression tels
de toxines : toxines A et B de Clostridium difficile (immunochro-
que la présence de lipopolysaccharides de Pseudomonas aeruginosa
matographie), gènes codant pour les Shiga-toxines des E. coli
ou de marqueurs de l’inflammation [46] . À l’inverse, un probio-
entérohémorragiques.
tique comme Lactobacillus limite l’adhérence épithéliale d’E. coli
entéropathogène en favorisant la production des mucines MUC2
et MUC3 [47] . L’importance du rôle antibactérien du mucus est
confirmée par l’étude des souris déficientes pour Muc1 ou Muc2
 Examens parasitologiques qui s’avèrent respectivement plus susceptibles aux infections à
Campylobacter jejuni et à Citrobacter [44] . Le rôle anti-infectieux
des mucines a également été démontré dans les infections
La réalisation de l’examen parasitologique des selles comporte parasitaires, avec une meilleure élimination de Trichinella spi-
plusieurs étapes. L’examen macroscopique direct précise l’aspect ralis ou de Trichuris muris quand la production de mucus est
de la selle et signale les éventuels parasites visibles à l’œil nu majorée [48] .
(anneaux de Tænia, adultes d’oxyures ou de trichocéphales par Pour les bactéries, le premier moyen de contourner cet obs-
exemple). L’examen microscopique direct sur une selle fraîche tacle muqueux a été de développer leur mobilité au cours
recherche les formes végétatives de protozoaires (amibes ou Giar- de l’évolution. Ainsi, seuls les Campylobacter jejuni flagel-
dia par exemple) ou des oocystes de Cyclospora. Les techniques lés survivent suffisamment dans le tube digestif humain de
de concentration sont utiles pour les œufs d’helminthes et les volontaires sains pour être excrétés [49] . Salmonella utilise un fla-
kystes de protozoaires. Dans l’idéal, cet examen doit être fait sur gelle complexe dont la rotation lui permet de naviguer dans
trois échantillons différents dont le prélèvement est réparti sur 7 l’espace intercellulaire, même si les modèles expérimentaux
à 10 jours. suggèrent que la simple présence du flagelle possède un rôle
Par ailleurs, la recherche de cryptosporidies, microsporidies ou pathogène plus important que la mobilité en soi [50] . Shigella,
d’anguillules nécessite des examens spécifiques en cas de voyage bien que non mobile, conserve un pouvoir pathogène par-
en zone d’endémie ou de déficit immunitaire. La recherche des ticulièrement important, suggérant que la mobilité n’est pas
oocystes de cryptosporidies nécessite une technique de concentra- un élément clé dans la pathogénie des germes entéropatho-
tion suivie d’une coloration de Ziehl-Neelsen modifiée, et parfois gènes.
un immunomarquage ou une polymerase chain reaction. Le diag- Par ailleurs, Vibrio cholerae possède une mucinase capable de
nostic des microsporidies repose sur la mise en évidence des spores détériorer ce réseau de mucines qui participe à ses capacités patho-
dans les selles après concentration et filtration, à l’aide d’une colo- gènes [51] . Enfin, Entamoeba histolytica se libère de l’adhésion au
ration optique (trichrome de Weber) ou par immunofluorescence. mucus colique par une cystéine protéase qui lui permet ainsi
La polymerase chain reaction ou l’immunomarquage déterminent d’atteindre l’épithélium [52] .
l’espèce, ce qui est indispensable au choix du traitement. Rare-
ment observées lors de l’examen parasitologique standard, les
larves d’anguillule sont recherchées par la technique de Baermann Peptides antimicrobiens
qui repose sur le thermotropisme et l’hydrotropisme des larves de Le mucus intestinal ne se contente pas d’opposer une bar-
Strongyloïdes stercoralis. rière physique aux micro-organismes. Il renferme également
Les oocystes de Cyclospora, autofluorescents en lumière ultra- nombre de composés biochimiques anti-infectieux. Ces pep-
violette, sont visibles à l’examen parasitologique standard pour tides antimicrobiens sont produits par les cellules épithéliales.
peu qu’il soit réalisé rapidement. Parmi ceux-ci, les défensines se divisent en deux catégories, les

EMC - Maladies infectieuses 5


8-003-V-10  Gastroentérites aiguës de l’enfant

␣-défensines qui sont synthétisées par les cellules de Paneth Tableau 2.


dans l’intestin grêle et les ␤-défensines produites par les entéro- Traitement de la gastroentérite de l’enfant.
cytes tout au long de l’intestin. Parmi les ␤-défensines, si BD1 Prévention Hygiène alimentaire et eau potable non contaminée
est exprimée de façon constitutive, la synthèse de BD2 réagit à Vaccination antirotavirus
des stimuli pro-inflammatoires [53] . Les cathélicidines ont égale-
ment une action bactéricide [54] . Shigella est capable de réduire Curatif La réhydratation est essentielle. Elle couvrira les
la production de ␤-défensines et de cathélicidine, lui permettant besoins de base et les pertes :
d’atteindre la profondeur des cryptes et limitant la production de - remplissage en cas de choc
- intraveineuse si perte de poids supérieure à 9 % ou
la chimiokine MLL20 qui devrait recruter les cellules du système
vomissements incoercibles
immunitaire inné [55] . En réponse à ces peptides antimicrobiens,
- orale par petites quantités répétées sinon
les entérobactéries ont modifié leur lipide A, un constituant de
leur membrane, pour mieux résister à ces molécules bactéricides. Rares adjuvants utiles :
Ainsi, Salmonella possède un lipide A hepta-acylé qui lui permet - zinc dans les pays en développement
de mieux résister aux hélicidines [56] . - racécadotril
- probiotiques
Adhésion Antibiotiques :
La deuxième étape cruciale des capacités pathogènes des bac- - si le terrain est fragile ou l’infection sévère
téries consiste en leur capacité d’adhérer à la cellule épithéliale - si la coproculture isole une Shigella ou une salmonelle
ainsi atteinte. Chez E. coli entérotoxinogène, l’adhésion aux cel- typhique
lules intestinales relève de nombreux facteurs de colonisation Isolement des patients contagieux
différents selon les espèces infectées. Ces molécules ont été clas-
sées en fonction de leur morphologie moléculaire [57] . Chez E. coli
entéropathogène, le gène bfp porté par un plasmide code un pili acteurs principaux de l’imperméabilité du rempart épithélial est
générateur de paquets dont la morphologie encorde littéralement assuré par les jonctions intercellulaires dont les différents consti-
la bactérie à la surface apicale de l’entérocyte [58] . Chez Vibrio chole- tuants peuvent être la cible de facteurs de virulence bactériens
rae, des pili de type IV favorisent l’adhésion à la bordure en brosse tels la protéase HA/P, le peptide Zot de Vibrio cholerae [65] ou les
des cellules épithéliales. Pour sa part, Salmonella a également déve- effecteurs EspF, NleA et Map d’ECEP [66] .
loppé quatre types différents de structure d’adhésion, les fimbrae Il existe d’autres voies pour traverser la barrière épithéliale.
de type I, encodés par un plasmide, polaires longs et agrégants fins Ainsi, Salmonella, Shigella ou Yersinia utilisent pour s’infiltrer les
qui correspondent aux différents types cellulaires infectés. Ainsi, fonctions naturelles de passage transépithélial nécessaires au sys-
le fimbrae lpf [59] de Salmonella typhimurium ou l’adhésine Inv de tème immunitaire. Au sein des plaques de Peyer et des follicules
Yersinia pseudotuberculosis [60] se lient à l’intégrine ␤1 exprimée à lymphoïdes, les cellules M permettent le passage d’antigène de
l’apex des cellules M. la lumière intestinale aux cellules immunitaires sous-jacentes.
Salmonella et Shigella utilisent ces capacités macropinocytaires
Invasion de l’entérocyte naturelles de la cellule M pour s’introduire dans le cytoplasme [67] .
Internalisées dans une vacuole, les stratégies de ces bactéries dif-
fèrent alors. Shigella utilise une machinerie complexe impliquant
IpaB, IpaC et IpaD pour rompre la paroi de la vacuole, et se retrou-
Injection ver libre dans le cytoplasme cellulaire [68] . La bactérie modifie alors
La première étape après contact consiste donc à ponctionner la le réseau d’actine pour se déplacer et traverser les parois latéroba-
cellule hôte. De nombreuses espèces de bactéries à Gram négatif, sales de la cellule hôte, se répandant ainsi de proche en proche [69] .
telles que Shigella, Salmonella, Yersinia, Pseudomonas, Chlamydia, Pour leur part, Salmonella et Yersinia résident dans la vacuole
E. coli entéropathogène, possèdent un système d’injection leur d’endocytose et rejoignent ainsi le pôle basolatéral de la cellule
permettant d’introduire dans le cytoplasme de la cellule hôte M. Salmonella semble pouvoir utiliser également une technique
divers effecteurs. Ce pili spécialisé de type III prend l’aspect d’une originale en dérivant la capacité des cellules dendritiques à pré-
aiguille qui pénètre la paroi externe de la cellule [61] . Mais d’autres lever constamment des particules dans la lumière intestinale [70]
espèces ont développé des systèmes d’injection différents. Ainsi, pour les contaminer et se laisser transporter jusqu’au ganglion
le principal facteur de virulence de Vibrio cholerae, la toxine cho- mésentérique [71] .
lérique CT, est composé d’une sous-unité A et de cinq sous-unités
B. Ces dernières s’ancrent à un GMI-ganglioside de la membrane
cellulaire pour permettre le passage intracellulaire de la sous-unité  Traitement
A.
Le traitement de la diarrhée repose essentiellement sur la cor-
Flux sécrétoire rection des pertes en eau et en électrolytes par des SRO, associée à
une réalimentation précoce. Les antibiotiques ont des indications
Vibrio cholerae, comme l’ensemble des bactéries toxinogènes,
spécifiques peu nombreuses. Les autres médications ont essentiel-
possède un arsenal capable de déréguler les flux ioniques. La sous-
lement un rôle adjuvant visant à améliorer le confort du patient ;
unité A de la toxine CT est clivée dans le cytoplasme où elle
leurs avantages et inconvénients potentiels doivent être appré-
interagit avec une protéine G, responsable in fine d’une augmen-
ciés avec discernement en raison de l’évolution le plus souvent
tation de production de l’adénosine monophosphate cyclique qui
spontanément favorable en quelques jours des diarrhées aiguës
va altérer la régulation des transporteurs ioniques pour aboutir à
infectieuses de l’enfant (Tableau 2).
des flux anormaux de sodium, de chlore et d’eau responsables
de la diarrhée [62] . Les toxines EAST1 ou thermosensible I (LTI)
d’E. coli entérotoxinogène agissent d’une manière très similaire Réhydratation
pour majorer les sécrétions d’eau, de sodium (Na+ ) et de bicar-
bonates, et l’inhibition de l’échange Na+ /H+ dans le jéjunum [63] . Par voie orale
Dans une moindre mesure, E. coli entéropathogène est également
La réhydratation doit être systématique et privilégier la voie
capable d’altérer la fonction de l’échangeur Na+ /H+3 (NHE3) qui
orale. Les SRO se répartissent en trois niveaux de concentration
est exprimé à l’apex des cellules épithéliales [64] .
sodique : la solution initialement préconisée par l’OMS dans le
traitement du choléra (90 mEq/l), le soluté OMS à osmolarité
Barrière physique réduite (75 mEql/l) et le soluté hypotonique (60 mEq/l) qui est
Une autre fonction des effecteurs bactériens introduits dans la recommandé par l’European Society of Paediatric Gastroentero-
cellule hôte consiste à déstructurer la barrière épithéliale. Un des logy, Hepatology and Nutrition (ESPGHAN) mais pas par l’OMS.

6 EMC - Maladies infectieuses


Gastroentérites aiguës de l’enfant  8-003-V-10

L’utilisation de la solution initiale de l’OMS fait courir le risque Voie entérale


de majorer l’hypernatrémie et n’influence pas la durée de la diar-
Selon de nombreux auteurs, la réhydratation par sonde naso-
rhée. Depuis, plusieurs méta-analyses ont montré que le soluté
gastrique a une efficacité comparable à la voie intraveineuse
OMS à osmolarité réduite a une meilleure efficacité que le soluté
avec moins d’effets secondaires graves (phlébites, décès ou
initial dans les diarrhées non cholériques, puisqu’il réduit signi-
convulsions) et une durée d’hospitalisation significativement
ficativement le nombre de selles quotidiennes, les vomissements
moindre [75, 76] . Dans une méta-analyse regroupant 1 545 enfants
et le recours à la réhydratation intraveineuse [72] . Par ailleurs, son
diarrhéiques issus de 16 études, la réhydratation entérale sur
utilisation au cours du choléra semble aussi efficace que le soluté
sonde ne s’est soldée par un échec que chez 4 % des patients,
initial de l’OMS, sans induire d’hyponatrémie grave [73] . Enfin, le
qui ont nécessité une réhydratation intraveineuse [77] . Seul l’iléus
soluté hypotonique de l’ESPGHAN, bien que moins étudié, appa-
paralytique apparaît plus fréquent au cours de la réhydratation
raît bien toléré [35] . Il est donc recommandé de réhydrater toutes
entérale [78] . Celle-ci utilise les mêmes solutés que la voie orale,
les GEA avec un soluté à osmolarité réduite ou hypotonique, en
avec des volumes calculés selon les protocoles intraveineux. La
s’attachant à dépister la survenue d’une hyponatrémie en cas de
réhydratation par voie entérale devrait être préférée à la voie intra-
choléra [35] .
veineuse malgré les difficultés techniques inhérentes à l’utilisation
De nombreuses solutions existent avec des compositions varia-
de la sonde nasogastrique.
bles (16 à 20 g/l de glucose, 49 à 60 mEq/l de sodium, osmolarité
entre 240 et 326 mOsm/l). Ces solutions apportent également un
agent alcalinisant (citrates ou lactates), du potassium et du chlore
pour corriger les pertes digestives. Ces solutés se recomposent tous Alimentation
à raison d’un sachet dans 200 ml d’eau. Ils doivent être proposés au Les enfants non déshydratés doivent conserver une alimen-
biberon en petites quantités fractionnées : 10 à 20 ml en fonction tation normale en rapport avec leur âge [79] . En revanche,
du poids, toutes les 3 à 10 minutes selon l’intensité des vomisse- en cas de déshydratation, l’alimentation peut être suspendue
ments, pendant 30 à 60 minutes, en laissant l’enfant se reposer 1 pour une période maximale de 4 à 6 heures afin de permettre
à 2 heures avant de recommencer. une période de réhydratation exclusive. En effet, un jeûne
Chez les nourrissons peu déshydratés (< 6 %) qui refusent le prolongé majore la durée de la diarrhée et altère la prise
SRO, un apport en boissons sucrées, proposées de façon très frac- pondérale [80] .
tionnée et rapidement associées à une alimentation salée, peut Les modalités de la réalimentation varient selon l’âge. Quel que
empêcher que la déshydratation ne s’aggrave. Il convient cepen- soit l’âge, l’allaitement maternel doit être poursuivi [81] . En cas
dant de contrôler que ces boissons sucrées ne majorent pas la d’allaitement artificiel, la dilution transitoire des préparations lac-
fréquence des selles [74] . tées n’est pas recommandée [35] . Chez les nourrissons de moins
Plusieurs substances ont été ajoutées aux SRO pour améliorer de 2 mois, il était classiquement admis que la consommation
leur efficacité, tels les carbohydrates de céréales, l’amidon résis- de préparations lactées composées de protéines entières de lait
tant à l’amylase ou la gomme de guar. Les études sont encore de vache puisse induire une allergie à ces composés [82] . Après
trop restreintes pour pouvoir recommander ces mélanges à grande une étude exhaustive de la littérature, les experts de l’ESPGHAN
échelle [35] . n’ont retrouvé aucune publication soutenant cette hypothèse [35] .
En l’absence de preuve d’efficacité, ils ne recommandent donc
pas d’utiliser une préparation lactée à base de soja ou de pro-
Par voie parentérale téines de vache fortement hydrolysées à cet âge [76] , mais bien de
conserver la préparation lactée habituelle de l’enfant. Par ailleurs,
La réhydratation par voie parentérale est indiquée en cas les préparations lactées contenant du lactose peuvent majorer
d’échec de la réhydratation orale (refus alimentaire, vomisse- l’échec thérapeutique lors des diarrhées les plus sévères (38 % ver-
ments) ou d’emblée en cas de déshydratation sévère (perte de sus 16 %) [77] . Une préparation lactée sans lactose peut donc être
poids supérieure à 9 %). Elle doit être précédée de la correction proposée seulement au cours des diarrhées sévères, prolongées ou
d’un éventuel collapsus par une perfusion de sérum physiolo- récidivant à la reprise du lactose [83] .
gique. Chez l’enfant plus grand, dont l’alimentation était diversifiée
La perte de poids définit le volume à perfuser tandis que avant l’épisode infectieux, il convient de reprendre une alimenta-
l’ionogramme sanguin et l’analyse des gaz du sang veineux déter- tion tout à fait normale. L’effet des aliments couramment utilisés
minent la composition du soluté à perfuser. Le volume perfusé comme antidiarrhéiques (régime BRAT pour bread, rice, apple,
doit apporter les besoins hydriques de base additionnés des pertes toast) n’a jamais été étudié [35] . En revanche, leur utilisation exclu-
digestives estimées par la perte de poids. De nombreux protocoles sive peut majorer ou prolonger la dénutrition du fait de leur faible
existent (à titre d’exemple, volume à perfuser chez les nourrissons teneur en calories [83] .
et les petits enfants : moins de 1 mois, 180–200 ml/kg/24 h ; 1–24
mois, 150 ml/kg/24 h ; 2–4 ans, 100–120 ml/kg/24 h). L’important
reste d’adapter précocement les débits à la réaction de l’organisme
selon la prise de poids, les signes de choc, l’ionogramme
Hospitalisation
sanguin. La concentration en sodium du soluté de réhydrata- L’hospitalisation est nécessaire en cas de choc hypovolémique,
tion intraveineuse dépend de la natrémie de l’enfant. Chez le de déshydratation sévère (supérieure à 9 % du poids corporel),
nourrisson, la déshydratation s’accompagne souvent d’une hyper- d’anomalies neurologiques (confusion, convulsion), de vomisse-
natrémie de concentration. Plus l’hypernatrémie est importante ments incoercibles ou bilieux, d’échec de la réhydratation orale,
et plus le soluté utilisé doit être concentré en sodium (3 g/l de suspicion de pathologie chirurgicale ou de conditions fami-
pour des natrémies inférieures à 150 mmol/l, 4 g/l entre 150 liales incompatibles avec une gestion à domicile. L’hospitalisation
et 170 mmol/l, et 5 g/l au-delà de 170 mmol/l de natrémie) de est par ailleurs recommandée chez le nouveau-né présentant une
façon à obtenir une correction lente de la natrémie (diminution gastroentérite.
de 0,5 mmol/l/h) et prévenir ainsi la constitution d’un œdème
cérébral.
Le soluté doit par ailleurs contenir du glucose (50 g/l), du
potassium en l’absence d’anurie (1,5 g/l à augmenter en cas Traitement médicamenteux
d’hypokaliémie, surtout si des bicarbonates sont perfusés pour
corriger une acidose) et du calcium (1 g/l). Une acidose ne doit
Antiémétiques
être corrigée que si elle est sévère (pH < 7,20), ce qui est rarement Plusieurs études plaident en faveur de l’efficacité de
le cas. l’ondansétron et du métoclopramide au cours des GEA [84] .
Dès que l’état clinique de l’enfant s’améliore, et dans toute la Toutefois, ces traitements majorent la diarrhée et le métoclopra-
mesure du possible dans les 24 heures qui suivent le début de la mide peut induire somnolence et hypertonie extrapyramidale, ce
perfusion, une alimentation orale doit être réintroduite. qui restreint beaucoup leur utilisation [35] .

EMC - Maladies infectieuses 7


8-003-V-10  Gastroentérites aiguës de l’enfant

Inhibiteurs de la motricité intestinale anatomiques digestives ou de présence de cathéter central [98] . Le


et antisécrétoires réel problème concerne l’acquisition de résistance aux antibio-
tiques par ces probiotiques et leur transfert aux entéropathogènes.
Le lopéramide est un opiacé qui agit sur la motricité intestinale. Le phénomène a déjà été observé pour Lactobacillus reuterii et Ente-
Une méta-analyse portant sur 1 788 enfants de moins de 12 ans rococcus faecium [99, 100] .
rapporte que le lopéramide réduit efficacement la fréquence et la
durée de la diarrhée [85] . Cependant, les huit décès constatés parmi
les 972 enfants traités rendent ce médicament inutilisable chez Antibiotiques
l’enfant et contre-indiqué avant l’âge de 3 ans [35] .
Le racécadotril est un inhibiteur de l’enképhalinase qui limite Les antibiotiques ont une place très restreinte dans le traitement
la sécrétion d’eau et d’électrolytes par l’épithélium intestinal. Son des diarrhées aiguës de l’enfant. Leur utilisation ne répond pas à
efficacité a été plusieurs fois démontrée au cours des GEA de la même logique dans les pays industrialisés et dans les pays en
l’enfant de plus de 3 mois, en pays développés ou en voie de développement, où le problème de résistance des bactéries aux
développement, et dans les GEA à rotavirus [86, 87] . Il se prescrit antibiotiques est préoccupant et l’accessibilité à un traitement
à raison de 1,5 mg/kg/prise avec quatre prises le premier jour, puis coûteux illusoire.
trois prises par jour jusqu’à cessation de la diarrhée sans dépas-
ser 7 jours. Selon plusieurs études, le racécadotril diminue le débit Dans les pays industrialisés
des selles dès la vingt-quatrième heure, la durée de la diarrhée et Les diarrhées d’origine bactérienne représentent moins de
la consommation de SRO, ce qui en fait un adjuvant utile dans le 10 % des diarrhées infectieuses. La décision d’une antibiothéra-
traitement des diarrhées de l’enfant [35] . Cependant, il ne contrôle pie est discutée en fonction de différents éléments : anamnèse,
qu’imparfaitement le débit des selles et peut favoriser les vomis- terrain, aspect de l’enfant, caractères de la diarrhée et résul-
sements [88] . tats biologiques. Une diarrhée glairosanglante fébrile mal tolérée
par l’enfant (fièvre élevée, importantes douleurs abdominales)
Zinc ou sur un terrain à risque (nourrisson de moins de 3 mois,
Dès 1999, une analyse de neuf essais randomisés suggère que patient immunodéprimé, asplénie dont la drépanocytose, trai-
la supplémentation en zinc chez l’enfant dans les pays en déve- tements immunosuppresseurs dont la corticothérapie prolongée,
loppement est associée à une diminution substantielle du taux achlorhydrie, maladies inflammatoires du tube digestif) doit béné-
de diarrhées et de pneumonies [89] . Par la suite, plusieurs études ficier d’une première injection intraveineuse de ceftriaxone à la
dans des pays en développement montrent qu’une supplémenta- dose de 50 mg/kg/24 h ; cette antibiothérapie est adaptée selon le
tion en zinc permet d’obtenir une diminution significative de la germe retrouvé à la coproculture réalisée avant antibiothérapie,
durée de la diarrhée, du débit quotidien des selles, de la consom- l’antibiogramme du germe et l’évolution de l’enfant.
mation de SRO, du taux d’hospitalisation et de la mortalité [90] . En revanche, devant une diarrhée glairosanglante fébrile ou
Depuis 2004, l’OMS recommande donc une adjonction de 20 mg pas, bien tolérée, et en l’absence de facteurs de risque, il est licite
de zinc par jour pendant 10 à 14 jours chez les enfants diarrhéiques d’attendre les résultats de la coproculture.
âgés de plus de 6 mois et de 10 mg par jour chez ceux de moins Quelques germes nécessitent une antibiothérapie systématique
de 6 mois [91] . Deux études menées en 2009 semblent remettre en quelle que soit la gravité du tableau clinique. Shigella dysente-
cause l’efficacité du zinc [92, 93] . Toutefois, une méta-analyse récente riae est ainsi systématiquement traitée, par azithromycine per os
incluant ces études confirme les recommandations de l’OMS et (20 mg/kg/24 h en une prise pendant 3 jours) ou, en cas de résis-
insiste sur la nécessité de pouvoir disposer en pratique de zinc, ce tance, par ciprofloxacine (7,5 mg/kg deux fois par jour pendant
qui est loin d’être le cas dans tous les pays en développement [94] . 3 jours). Les formes graves nécessitent l’utilisation de ceftriaxone
à la dose de 50 mg/kg une fois par jour pendant 3 jours.
Agents intraluminaux adsorbants Salmonella typhi et S. paratyphi doivent également être traitées.
La tendance actuelle est de réduire la durée du traitement par
La smectine est un silicate aluminomagnésien dont le fort pou-
ceftriaxone intraveineuse (50 mg/kg une fois par jour) pendant
voir adsorbant lui permet de fixer les toxines, les bactéries et le
2 à 5 jours selon la gravité des signes cliniques avec relais par
rotavirus, mais également certains nutriments et médicaments. Si
amoxicilline ou azithromycine selon l’antibiogramme pendant
la diosmectine améliore la consistance des selles, elle ne modifie
une semaine. Selon les auteurs d’un séminaire publié dans le Lan-
pas la perte hydrique [95] et son utilisation à la phase initiale de
cet en 2005, plus de 90 % des fièvres typhoïdes non compliquées
l’infection peut favoriser les vomissements [35, 88] .
relèvent d’un traitement à domicile par des antibiotiques oraux
Les études d’efficacité et de tolérance sont insuffisantes pour
avec repos et suivi médical attentif [101] . Par ailleurs, une publica-
proposer les autres agents adsorbants tels que l’attapulgite de
tion [102] propose de traiter la fièvre typhoïde non compliquée de
moirmoron activée, la pectine-kaolin, le charbon de bois activé
l’enfant par azithromycine orale d’emblée à la dose de 20 mg/kg
ou les sels de bismuth. Ces derniers sont interdits en France du
une fois par jour pendant cinq jours.
fait du risque d’encéphalite au bismuth.
Les salmonelles mineures ne nécessitent pas de traitement en
dehors des diarrhées mal supportées déjà évoquées ; dans ce cas,
Probiotiques une première injection de ceftriaxone peut être relayée en fonc-
Les méta-analyses regroupant différents probiotiques sont un tion de l’antibiogramme par de l’azithromycine par exemple.
outil peu valide pour juger de l’efficacité de ces traitements, tant Campylobacter ne nécessite pas de traitement dans la grande
la souche du germe influe sur le résultat final. Cependant, lorsque majorité des cas. En cas de diarrhée mal supportée ou lors
Saccharomyces boulardii [96] et Lactobacillus GG [97] sont comparés d’épidémie de crèche, on utilise un macrolide (josamycine per
à un placebo, ils réduisent la durée de la diarrhée d’une jour- os 25 mg/kg deux fois par jour pendant 5 jours ou azithromycine
née et diminuent le risque qu’elle perdure au-delà du septième 20 mg/kg une fois par jour pendant 3 jours).
jour. Leur efficacité apparaît dépendante de la dose utilisée (supé- E. coli entérohémorragique n’est habituellement pas traité par
rieure à 1010 à 1011 colonies formant unité), de la nature de antibiotique en raison du risque de syndrome hémolytique et
l’infection (virale plutôt qu’invasive), de l’institution précoce au urémique qui pourrait être majoré par l’antibiothérapie.
début des symptômes, enfin de la population considérée (plus effi- La yersiniose se présente comme une gastroentérite et peut
cace en pays développés). Les posologies préconisées sont un à parfois prendre une forme pseudoappendiculaire ou se compli-
deux sachets à 340 mg/j de Lactobacillus GG chez le nourrisson quer de manifestations extradigestives. Le traitement fait appel
(pouvant être augmentée à trois sachets le premier jour de la diar- au triméthoprime-sulfaméthoxazole, aux fluoroquinolones, aux
rhée) et quatre gélules de 50 mg/j de Saccharomyces boulardii chez aminoglycosides et aux céphalosporines de troisième généra-
l’adulte et l’enfant de plus de 6 ans. tion [103] .
Les effets secondaires sont rares. Cependant, des études ont Enfin, une infection bien tolérée à Clostridium difficile peut
rapporté un passage sanguin avec Lactobacillus rhamnosus et Sac- être contrôlée par la simple interruption du traitement antibio-
charomyces boulardii en cas de déficit immunitaire, d’anomalies tique déclenchant, associée à la réhydratation. Si la présentation

8 EMC - Maladies infectieuses


Gastroentérites aiguës de l’enfant  8-003-V-10

est plus bruyante, si l’antibiothérapie responsable ne peut être ou d’une réinfection avec d’autres souches du même groupe,
interrompue ou si les symptômes rechutent, une antibiothéra- suggérant qu’il existe une protection hétérotypique adjuvante à
pie orale par métronidazole (10 mg/kg trois fois par jour per os) l’immunité spécifique d’un sérotype [109] . Les vaccins antirotavi-
ou par la présentation intraveineuse de vancomycine utilisée per rus actuellement commercialisés sont des vaccins vivants atténués
os (15 mg/kg trois fois par jour) peut être instaurée [104] . La van- capables de produire une immunité comparable à celle induite
comycine a une meilleure efficacité dans les infections les plus par l’infection naturelle à rotavirus. Ils sont donc contre-indiqués
graves. L’association à des probiotiques (Saccharomyces boulardii) chez l’immunodéprimé.
pourrait limiter le risque de récidive. Depuis les années 2000, une Ces vaccins induisent la production d’IgA muqueux antirota-
nouvelle souche de C. difficile fait preuve d’une virulence accrue virus et stimulent l’immunité cellulaire. La vaccination contre
et s’avère capable de résister in vitro aux fluoroquinolones, de le rotavirus doit être effectuée tôt dans la vie, après la sixième
produire de très importantes quantités de toxines A et B, et d’en semaine mais avant l’infection naturelle, et peut être administrée
exprimer une troisième, la toxine Binary. Cette souche est respon- avec les autres vaccins inactivés.
sable d’atteintes cliniquement plus graves qui peuvent nécessiter Le Rotateq® est un vaccin pentavalent comportant cinq souches
l’association de métronidazole intraveineux en cas d’iléus et de de rotavirus. Il est administré en trois doses à un mois d’intervalle.
vancomycine orale, voire faire discuter le recours à la chirurgie. Il a été autorisé aux Etats-Unis dès 2006 et il a immédiatement
été recommandé pour tous les nourrissons [110] . Le Rotarix® est un
Dans les pays en développement vaccin monovalent comportant une souche de rotavirus humain
atténué G1P8 qui s’administre en deux doses. Il a été autorisé et
Les bactéries sont plus fréquemment impliquées dans l’étiologie
utilisé aux États-Unis depuis 2008 [111] .
de la diarrhée. La majorité des diarrhées bactériennes et parasi-
L’efficacité de ces vaccins contre les diarrhées sévères à rotavirus
taires évolue favorablement après SRO et réalimentation précoce.
dépasse les 95 % dans les pays développés [112] , 80 % en Amérique
Selon certains auteurs, l’utilisation inappropriée d’antibiotiques
latine [113] et 72 % en Afrique du Sud [114] . Cependant, leur effica-
peut aboutir à des résistances [4] . Pour d’autres, la mise en
cité s’avère moindre dans les pays pauvres : 49 % au Malawi [115] ,
évidence d’une prévalence faible des bactéries dans les copro-
46 % au Ghana, au Kenya et au Mali [116] et 48 % en Asie [117] sans
cultures d’enfants diarrhéiques plaide pour un usage limité de
que la cause en soit déterminée. Leur utilisation a entraîné une
l’antibiothérapie dans les diarrhées infantiles des pays pauvres [9] .
réduction très importante du nombre de GEA à rotavirus et des
Une antibiothérapie est préconisée dans les formes sévères de
hospitalisations.
choléra en complément de la réhydratation. La doxycycline est
En 2010, avec plus de 140 000 patients vaccinés et plus de 20
indiquée chez les enfants de plus de 12 ans (2 à 4 mg/kg en
millions de doses distribuées, la tolérance de ces vaccins est bonne
une dose) et les adultes, tandis que les jeunes enfants sont trai-
et il n’a pas été observé d’augmentation du risque d’invagination
tés par azithromycine (20 mg/kg en une dose) ou érythromycine
intestinale aiguë. Un risque minime ne peut pas être totale-
(12,5 mg/kg quatre fois par jour pendant 3 jours).
ment exclu mais la balance bénéfice/risque est nettement en
Une diarrhée à Campylobacter doit être traitée seulement chez
faveur du vaccin antirotavirus [118] . En 2008, les vaccins rotavi-
les enfants immunodéprimés et lors de manifestations extradiges-
rus étaient autorisés dans plus de 100 pays et étaient intégrés
tives ; les traitements habituellement utilisés sont l’érythromycine
dans 17 calendriers nationaux de vaccination et, depuis 2009,
et l’azithromycine, mais des résistances aux macrolides et aux
l’OMS recommande la vaccination contre le rotavirus pour tous
fluoroquinolones sont décrites dans plusieurs pays [4] .
les nourrissons du monde.
Le traitement antibiotique des salmonelles mineures devrait
être réservé aux enfants présentant des manifestations extradiges-
tives [4] ; une antibiothérapie adaptée est en revanche nécessaire
chez les enfants infectés par Salmonella typhi ou paratyphi.  Références
Devant l’émergence de résistances aux traitements utilisés clas-
siquement dans les pays en développement (chloramphénicol, [1] Black RE, Cousens S, Johnson HL, Lawn JE, Rudan I, Bassani DG,
ampicilline ou triméthoprime-sulfaméthoxazole), la ciprofloxa- et al. Global, regional, and national causes of child mortality in 2008:
cine (utilisée avec prudence chez l’enfant) et l’azithromycine a systematic analysis. Lancet 2010;375:1969–87.
sont devenus les médicaments de premier choix ; toutefois, [2] Forsberg BC, Petzold MG, Tomson G, Allebeck P. Diarrhoea case
des résistances sont d’ores et déjà signalées avec ces derniers management in low- and middle-income countries – an unfinished
traitements [105] . agenda. Bull World Health Organ 2007;85:42–8.
[3] Victora CG, Bryce J, Fontaine O, Monasch R. Reducing deaths from
Les Shigella représentent un important problème de santé
diarrhoea through oral rehydration therapy. Bull World Health Organ
publique dans les pays en développement ; ces bactéries peuvent
2000;78:1246–55.
être à l’origine de diarrhée sévère et un traitement antibiotique
[4] Podewils LJ, Mintz ED, Nataro JP, Parashar UD. Acute, infectious
est recommandé quand cette maladie s’accompagne de selles san- diarrhea among children in developing countries. Semin Pediatr Infect
glantes et d’une fièvre élevée [4] . Les Shigella ont toutefois acquis Dis 2004;15:155–68.
une résistance à plusieurs antibiotiques et, bien qu’une revue [5] Parashar UD, Hummelman EG, Bresee JS, Miller MA, Glass RI. Glo-
récente de la littérature aboutisse à la conclusion que les anti- bal illness and deaths caused by rotavirus disease in children. Emerg
biotiques recommandés par l’OMS (ciprofloxacine, ceftriaxone et Infect Dis 2003;9:565–72.
pivmecillinam) sont efficaces dans le traitement de la dysenterie [6] Lorntz B, Soares AM, Moore SR, Pinkerton R, Gansneder B, Bovbjerg
(dont Shigella serait la première cause dans les pays en développe- VE, et al. Early childhood diarrhea predicts impaired school perfor-
ment) [106] , d’autres auteurs ont récemment rapporté une souche mance. Pediatr Infect Dis J 2006;25:513–20.
résistante à la ceftriaxone et à la ciprofloxacine [107] , renforçant les [7] Black R, Lanata C. Epidemiology of diarrheal disease in developing
inquiétudes émises quelques années auparavant [108] . countries. In: Blaser M, Smith P, Ravdin J, editors. Infections of the
gastrointestinal tract. Philadelphia: Lippincott Williams and Wilkins;
2002. p. 11–29.
Prévention de la diarrhée à rotavirus [8] Meng CY, Smith BL, Bodhidatta L, Richard SA, Vansith K, Thy
B, et al. Etiology of diarrhea in young children and patterns of
Prévention du risque de transmission orofécale antibiotic resistance in Cambodia. Pediatr Infect Dis J 2011;30:
La prévention du risque de transmission orofécale, dans les pays 331–5.
en développement, repose avant tout sur l’approvisionnement en [9] Reither K, Ignatius R, Weitzel T, Seidu-Korkor A, Anyidoho L, Saad
eau potable et, dans tous les pays, sur le lavage régulier des mains E, et al. Acute childhood diarrhoea in northern Ghana: epidemio-
au savon (ou avec un soluté hydroalcoolique). logical, clinical and microbiological characteristics. BMC Infect Dis
2007;7:104.
Vaccins [10] Glass RI, Kilgore PE, Holman RC, Jin S, Smith JC, Woods PA, et al.
The epidemiology of rotavirus diarrhea in the United States: sur-
Les enfants déjà infectés avec une souche de rotavirus de groupe veillance and estimates of disease burden. J Infect Dis 1996;174(Suppl.
A sont protégés contre le développement d’une maladie sévère 1):S5–11.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-003-V-10  Gastroentérites aiguës de l’enfant

[11] Fourquet F, Desenclos JC, Maurage C, Baron S. Le poids médico- [35] Guarino A, Albano F, Ashkenazi S, Gendrel D, Hoekstra JH, Shamir R,
économique des gastro-entérites aiguës de l’enfant : l’éclairage du et al. European Society for Paediatric Gastroenterology. Hepatology,
Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information (PMSI). and Nutrition/European Society for Paediatric Infectious Diseases
Arch Pediatr 2003;10:861–8. evidence-based guidelines for the management of acute gastroenteritis
[12] Grimprel E, Parez N, Gault E, Garbarg-Chenon A, Bégué P. La diarrhée in children in Europe. J Pediatr Gastroenterol Nutr 2008;46(Suppl.
aiguë et l’infection à rotavirus chez l’enfant : confrontation des données 2):S81–122.
d’activité des urgences médicales et du laboratoire de microbiologie de [36] Finkelstein JA, Schwartz JS, Torrey S, Fleisher GR. Common clinical
l’hôpital Armand – Trousseau (Paris) entre 1988 et 2001. Arch Pediatr features as predictors of bacterial diarrhea in infants. Am J Emerg Med
2001;8:1318–24. 1989;7:469–73.
[13] Pothier P. Calicivirus, astrovirus et adenovirus : importance en pédia- [37] Jonas A, Yahav J, Soudry A. Clinical features of viral and bacterial
trie ? Arch Pediatr 2005;12:841–3. gastroenteritis in hospitalized children. Isr J Med Sci 1982;18:753–9.
[14] Fankhauser RL, Monroe SS, Noel JS, Humphrey CD, Bresee JS, Para- [38] King CK, Glass R, Bresee JS, Duggan C. Managing acute gastroen-
shar UD, et al. Epidemiologic and molecular trends of “Norwalk-like teritis among children: oral rehydration, maintenance, and nutritional
viruses” associated with outbreaks of gastroenteritis in the United therapy. MMWR Recomm Rep 2003;52:1–16.
States. J Infect Dis 2002;186:1–7. [39] Mackenzie A, Barnes G, Shann F. Clinical signs of dehydration in
[15] Alain S, Denis F. Épidémiologie des diarrhées aiguës infectieuses en children. Lancet 1989;2:605–7.
France et en Europe. Arch Pediatr 2007;14(Suppl. 3):S132–44. [40] Steiner MJ, DeWalt DA, Byerley JS. Is this child dehydrated? JAMA
[16] Lorrot M, Bon F, El Hajje MJ, Aho S, Wolfer M, Giraudon H, 2004;291:2746–54.
et al. Epidemiology and clinical features of gastroenteritis in hos- [41] DeWitt TG, Humphrey KF, McCarthy P. Clinical predictors of acute
pitalised children: prospective survey during a 2-year period in a bacterial diarrhea in young children. Pediatrics 1985;76:551–6.
Parisian hospital, France. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2011;30: [42] Canani RB, Cirillo P, Roggero P, Romano C, Malamisura B, Terrin
361–8. G, et al. Therapy with gastric acidity inhibitors increases the risk of
[17] Kapikian AZ, Wyatt RG, Dolin R, Thornhill TS, Kalica AR, Chanock acute gastroenteritis and community-acquired pneumonia in children.
RM. Visualization by immune electron microscopy of a 27-nm particle Pediatrics 2006;117:e817–20.
associated with acute infectious nonbacterial gastroenteritis. J Virol [43] Dial MS. Proton pump inhibitor use and enteric infections. Am J Gas-
1972;10:1075–81. troenterol 2009;104(Suppl. 2):S10–6.
[18] Nakata S, Honma S, Numata KK, Kogawa K, Ukae S, Morita Y, et al. [44] McAuley JL, Linden SK, Png CW, King RM, Pennington HL, Gendler
Members of the family caliciviridae (Norwalk virus and Sapporo virus) SJ, et al. MUC1 cell surface mucin is a critical element of the mucosal
are the most prevalent cause of gastroenteritis outbreaks among infants barrier to infection. J Clin Invest 2007;117:2313–24.
in Japan. J Infect Dis 2000;181:2029–32. [45] Atuma C, Strugala V, Allen A, Holm L. The adherent gastrointestinal
[19] Lopman B, Vennema H, Kohli E, Pothier P, Sanchez A, Negredo A, mucus gel layer: thickness and physical state in vivo. Am J Physiol
et al. Increase in viral gastroenteritis outbreaks in Europe and epidemic Gastrointest Liver Physiol 2001;280:G922–9.
spread of new norovirus variant. Lancet 2004;363:682–8. [46] Li JD, Feng W, Gallup M, Kim JH, Gum J, Kim Y, et al. Activation
[20] Santos N, Hoshino Y. Global distribution of rotavirus sero- of NF-kappaB via a Src-dependent Ras-MAPK-pp90rsk pathway is
types/genotypes and its implication for the development and required for Pseudomonas aeruginosa-induced mucin overproduction
implementation of an effective rotavirus vaccine. Rev Med Virol in epithelial cells. Proc Natl Acad Sci USA 1998;95:5718–23.
2005;15:29–56. [47] Mack DR, Michail S, Wei S, McDougall L, Hollingsworth MA. Pro-
[21] Bon F, Fromantin C, Aho S, Pothier P, Kohli E. G and P genotyping of biotics inhibit enteropathogenic E. coli adherence in vitro by inducing
rotavirus strains circulating in france over a three-year period: detection intestinal mucin gene expression. Am J Physiol 1999;276:G941–50.
of G9 and P6] strains at low frequencies. The AZAY Group. J Clin [48] Knight PA, Brown JK, Pemberton AD. Innate immune response mecha-
Microbiol 2000;38:1681–3. nisms in the intestinal epithelium: potential roles for mast cells and
[22] Chang HH, Glass RI, Smith PF, Cicirello HG, Holman RC, Morse DL. goblet cells in the expulsion of adult Trichinella spiralis. Parasitology
Disease burden and risk factors for hospitalizations associated with 2008;135:655–70.
rotavirus infection among children in New York State, 1989 through [49] Black RE, Levine MM, Clements ML, Hughes TP, Blaser MJ. Expe-
2000. Pediatr Infect Dis J 2003;22:808–14. rimental Campylobacter jejuni infection in humans. J Infect Dis
[23] Moulin F, Marc E, Lorrot M, Coquery S, Sauvé-Martin H, Ravilly S, 1988;157:472–9.
et al. Hospitalisations pour gastroentérites aiguës communautaires à [50] Carsiotis M, Weinstein DL, Karch H, Holder IA, O’Brien AD. Flagella
rotavirus : une enquête de quatre ans. Arch Pediatr 2002;9:255–61. of Salmonella typhimurium are a virulence factor in infected C57BL/6J
[24] Gleizes O, Desselberger U, Tatochenko V, Rodrigo C, Salman N, Mez- mice. Infect Immun 1984;46:814–8.
ner Z, et al. Nosocomial rotavirus infection in European countries: a [51] Schneider DR, Parker CD. Purification and characterization of the
review of the epidemiology, severity and economic burden of hospital- mucinase of Vibrio cholerae. J Infect Dis 1982;145:474–82.
acquired rotavirus disease. Pediatr Infect Dis J 2006;25:S12–21. [52] Lidell ME, Moncada DM, Chadee K, Hansson GC. Entamoeba his-
[25] Huhulescu S, Kiss R, Brettlecker M, Cerny RJ, Hess C, Wewalka G, tolytica cysteine proteases cleave the MUC2 mucin in its C-terminal
et al. Etiology of acute gastroenteritis in three sentinel general practices, domain and dissolve the protective colonic mucus gel. Proc Natl Acad
Austria 2007. Infection 2009;37:103–8. Sci USA 2006;103:9298–303.
[26] Crump JA, Luby SP, Mintz ED. The global burden of typhoid fever. [53] O’Neil DA, Porter EM, Elewaut D, Anderson GM, Eckmann L, Ganz
Bull World Health Organ 2004;82:346–53. T, et al. Expression and regulation of the human beta-defensins hBD-1
[27] Okeke IN. Diarrheagenic Escherichia coli in sub-Saharan Africa: sta- and hBD-2 in intestinal epithelium. J Immunol 1999;163:6718–24.
tus, uncertainties and necessities. J Infect Dev Ctries 2009;3:817–42. [54] Lehrer RI, Ganz T. Cathelicidins: a family of endogenous antimicrobial
[28] Griffith DC, Kelly-Hope LA, Miller MA. Review of reported cholera peptides. Curr Opin Hematol 2002;9:18–22.
outbreaks worldwide, 1995-2005. Am J Trop Med Hyg 2006;75:973–7. [55] Sperandio B, Regnault B, Guo J, Zhang Z, Stanley SL, Sansonetti PJ,
[29] Bourée P, Bisaro F. Diarrhées parasitaires. Presse Med et al. Virulent Shigella flexneri subverts the host innate immune res-
2007;36:706–16. ponse through manipulation of antimicrobial peptide gene expression.
[30] Savioli L, Smith H, Thompson A. Giardia and Cryptosporidium join J Exp Med 2008;205:1121–32.
the ‘Neglected Diseases Initiative’. Trends Parasitol 2006;22:203–8. [56] Guina T, Yi EC, Wang H, Hackett M, Miller SI. A PhoP-regulated
[31] Mor SM, Tzipori S. Cryptosporidiosis in children in Sub-Saharan outer membrane protease of Salmonella enterica serovar typhimurium
Africa: a lingering challenge. Clin Infect Dis 2008;47:915–21. promotes resistance to alpha-helical antimicrobial peptides. J Bacteriol
[32] Amadi B, Kelly P, Mwiya M, Mulwazi E, Sianongo S, Changwe F, et al. 2000;182:4077–86.
Intestinal and systemic infection, HIV, and mortality in Zambian chil- [57] Nataro JP, Kaper JB. Diarrheagenic Escherichia coli. Clin Microbiol
dren with persistent diarrhea and malnutrition. J Pediatr Gastroenterol Rev 1998;11:142–201.
Nutr 2001;32:550–4. [58] Knutton S, Baldwin T, Williams PH, McNeish AS. Actin accumula-
[33] Ximénez C, Morán P, Rojas L, Valadez A, Gómez A. Reassessment tion at sites of bacterial adhesion to tissue culture cells: basis of a new
of the epidemiology of amebiasis: state of the art. Infect Genet Evol diagnostic test for enteropathogenic and enterohemorrhagic Escheri-
2009;9:1023–32. chia coli. Infect Immun 1989;57:1290–8.
[34] Baqui AH, Black RE, Yunus M, Hoque AR, Chowdhury HR, Sack RB. [59] Bäumler AJ, Tsolis RM, Heffron F. The lpf fimbrial operon mediates
Methodological issues in diarrhoeal diseases epidemiology: definition adhesion of Salmonella typhimurium to murine Peyer’s patches. Proc
of diarrhoeal episodes. Int J Epidemiol 1991;20:1057–63. Natl Acad Sci USA 1996;93:279–83.

10 EMC - Maladies infectieuses


Gastroentérites aiguës de l’enfant  8-003-V-10

[60] Marra A, Isberg RR. Invasin-dependent and invasin-independent path- [84] Alhashimi D, Al-Hashimi H, Fedorowicz Z. Antiemetics for reducing
ways for translocation of Yersinia pseudotuberculosis across the vomiting related to acute gastroenteritis in children and adolescents.
Peyer’s patch intestinal epithelium. Infect Immun 1997;65:3412–21. Cochrane Database Syst Rev 2009;(3):CD005506.
[61] Hueck CJ. Type III protein secretion systems in bacterial pathogens of [85] Li ST, Grossman DC, Cummings P. Loperamide therapy for acute
animals and plants. Microbiol Mol Biol Rev 1998;62:379–433. diarrhea in children: systematic review and meta-analysis. PLoS Med
[62] Sánchez J, Holmgren J. Virulence factors, pathogenesis and vac- 2007;4:e98.
cine protection in cholera and ETEC diarrhea. Curr Opin Immunol [86] Salazar-Lindo E, Santisteban-Ponce J, Chea-Woo E, Gutierrez M.
2005;17:388–98. Racecadotril in the treatment of acute watery diarrhea in children. N
[63] Golin-Bisello F, Bradbury N, Ameen N. STa and cGMP stimulate Engl J Med 2000;343:463–7.
CFTR translocation to the surface of villus enterocytes in rat jeju- [87] Cézard JP, Duhamel JF, Meyer M, Pharaon I, Bellaiche M, Maurage
num and is regulated by protein kinase G. Am J Physiol Cell Physiol C, et al. Efficacy and tolerability of racecadotril in acute diarrhea in
2005;289:C708–16. children. Gastroenterology 2001;120:799–805.
[64] Hecht G, Hodges K, Gill RK, Kear F, Tyagi S, Malakooti J, et al. [88] Cézard J, Bellaiche M, Viala J, Hugot J. Traitement médicamen-
Differential regulation of Na+/H+ exchange isoform activities by ente- teux des diarrhées aiguës du nourrisson et de l’enfant. Arch Pediatr
ropathogenic E. coli in human intestinal epithelial cells. Am J Physiol 2007;14(Suppl. 3):S169–75.
Gastrointest Liver Physiol 2004;287:G370–8. [89] Bhutta ZA, Black RE, Brown KH, Gardner JM, Gore S, Hidayat A,
[65] Gopalakrishnan S, Pandey N, Tamiz AP, Vere J, Carrasco R, Somer- et al. Prevention of diarrhea and pneumonia by zinc supplementation
ville R, et al. Mechanism of action of ZOT-derived peptide AT-1002, in children in developing countries: pooled analysis of randomized
a tight junction regulator and absorption enhancer. Int J Pharm controlled trials. Zinc Investigators’ Collaborative Group. J Pediatr
2009;365:121–30. 1999;135:689–97.
[66] Thanabalasuriar A, Koutsouris A, Weflen A, Mimee M, Hecht G, [90] Moore SR. Update on prolonged and persistent diarrhea in children.
Gruenheid S. The bacterial virulence factor NleA is required for the Curr Opin Gastroenterol 2011;27:19–23.
disruption of intestinal tight junctions by enteropathogenic Escheri- [91] Robberstad B, Strand T, Black RE, Sommerfelt H. Cost-effectiveness
chia coli. Cell Microbiol 2010;12:31–41. of zinc as adjunct therapy for acute childhood diarrhoea in developing
[67] Wassef JS, Keren DF, Mailloux JL. Role of M cells in initial antigen countries. Bull World Health Organ 2004;82:523–31.
uptake and in ulcer formation in the rabbit intestinal loop model of [92] Patel A, Dibley MJ, Mamtani M, Badhoniya N, Kulkarni H. Zinc and
shigellosis. Infect Immun 1989;57:858–63. copper supplementation in acute diarrhea in children: a double-blind
[68] Ray K, Marteyn B, Sansonetti PJ, Tang CM. Life on the inside: randomized controlled trial. BMC Med 2009;7:22.
the intracellular lifestyle of cytosolic bacteria. Nat Rev Microbiol [93] Patel AB, Dibley MJ, Mamtani M, Badhoniya N, Kulkarni H. Influence
2009;7:333–40. of zinc supplementation in acute diarrhea differs by the isolated orga-
[69] Sansonetti PJ. The bacterial weaponry: lessons from Shigella. Ann N nism. Int J Pediatr 2010;2010:671587.
Y Acad Sci 2006;1072:307–12. [94] Walker CL, Black RE. Zinc for the treatment of diarrhoea: effect on
[70] Rescigno M, Urbano M, Valzasina B, Francolini M, Rotta G, Bonasio diarrhoea morbidity, mortality and incidence of future episodes. Int J
R, et al. Dendritic cells express tight junction proteins and penetrate gut Epidemiol 2010;39(Suppl. 1):i63–9.
epithelial monolayers to sample bacteria. Nat Immunol 2001;2:361–7. [95] Szajewska H, Dziechciarz P, Mrukowicz J. Meta-analysis: Smectite
[71] Voedisch S, Koenecke C, David S, Herbrand H, Förster R, Rhen M, in the treatment of acute infectious diarrhoea in children. Aliment
et al. Mesenteric lymph nodes confine dendritic cell-mediated dissemi- Pharmacol Ther 2006;23:217–27.
[96] Szajewska H, Skórka A, Dylag M. Meta-analysis: Saccharomyces bou-
nation of Salmonella enterica serovar Typhimurium and limit systemic
lardii for treating acute diarrhoea in children. Aliment Pharmacol Ther
disease in mice. Infect Immun 2009;77:3170–80.
2007;25:257–64.
[72] Hahn S, Kim Y, Garner P. Reduced osmolarity oral rehydration solution
[97] Szajewska H, Skórka A, Ruszczyński M, Gieruszczak-Białek D. Meta-
for treating dehydration due to diarrhoea in children: systematic review.
analysis: Lactobacillus GG for treating acute diarrhoea in children.
Br Med J 2001;323:81–5.
Aliment Pharmacol Ther 2007;25:871–81.
[73] Murphy C, Hahn S, Volmink J. Reduced osmolarity oral rehy-
[98] Pletincx M, Legein J, Vandenplas Y. Fungemia with Saccharomyces
dration solution for treating cholera. Cochrane Database Syst Rev
boulardii in a 1-year-old girl with protracted diarrhea. J Pediatr Gas-
2004;(2):CD003754.
troenterol Nutr 1995;21:113–5.
[74] Ribeiro HJ, Ribeiro TC, Valois S, Mattos A, Lifshitz F. Incomplete car- [99] Hummel AS, Hertel C, Holzapfel WH, Franz CMAP. Antibiotic resis-
bohydrate absorption from fruit juice consumption after acute diarrhea. tances of starter and probiotic strains of lactic acid bacteria. Appl
J Pediatr 2001;139:325–7. Environ Microbiol 2007;73:730–9.
[75] Armitstead J, Kelly D, Walker-Smith J. Evaluation of infant feeding in [100] Egervärn M, Danielsen M, Roos S, Lindmark H, Lindgren S. Anti-
acute gastroenteritis. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1989;8:240–4. biotic susceptibility profiles of Lactobacillus reuteri and Lactobacillus
[76] Brown KH, Peerson JM, Fontaine O. Use of nonhuman milks in the fermentum. J Food Prot 2007;70:412–8.
dietary management of young children with acute diarrhea: a meta- [101] Bhan MK, Bahl R, Bhatnagar S. Typhoid and paratyphoid fever. Lancet
analysis of clinical trials. Pediatrics 1994;93:17–27. 2005;366:749–62.
[77] Fonseca BK, Holdgate A, Craig JC. Enteral vs intravenous rehydration [102] Frenck RW, Mansour A, Nakhla I, Sultan Y, Putnam S, Wierzba T, et al.
therapy for children with gastroenteritis: a meta-analysis of randomized Short-course azithromycin for the treatment of uncomplicated typhoid
controlled trials. Arch Pediatr Adolesc Med 2004;158:483–90. fever in children and adolescents. Clin Infect Dis 2004;38:951–7.
[78] Hartling L, Bellemare S, Wiebe N, Russell K, Klassen TP, Craig [103] Zheng H, Sun Y, Lin S, Mao Z, Jiang B. Yersinia enterocoli-
W. Oral versus intravenous rehydration for treating dehydration tica infection in diarrheal patients. Eur J Clin Microbiol Infect Dis
due to gastroenteritis in children. Cochrane Database Syst Rev 2008;27:741–52.
2006;(3):CD004390. [104] Hookman P, Barkin JS. Clostridium difficile associated infection, diar-
[79] Walker-Smith JA, Sandhu BK, Isolauri E, Banchini G, van Caillie- rhea and colitis. World J Gastroenterol 2009;15:1554–80.
Bertrand M, Dias JA, et al. Guidelines prepared by the ESPGAN [105] Harish BN, Menezes GA. Antimicrobial resistance in typhoidal sal-
Working Group on Acute Diarrhoea. Recommendations for feeding monellae. Indian J Med Microbiol 2011;29:223–9.
in childhood gastroenteritis. European Society of Pediatric Gastroen- [106] Traa BS, Walker CL, Munos M, Black RE. Antibiotics for the treatment
terology and Nutrition. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1997;24:619–20. of dysentery in children. Int J Epidemiol 2010;39(Suppl. 1):i70–4.
[80] Sandhu BK, Isolauri E, Walker-Smith JA, Banchini G, Van Caillie- [107] Gupta S, Mishra B, Muralidharan S, Srinivasa H. Ceftriaxone resis-
Bertrand M, Dias JA, et al. A multicentre study on behalf of tant Shigella flexneri, an emerging problem. Indian J Med Sci
the European Society of Paediatric Gastroenterology and Nutrition 2010;64:553–6.
Working Group on Acute Diarrhoea. Early feeding in childhood gas- [108] Bhattacharya SK, Sarkar K, Balakrish Nair G, Faruque AS, Sack DA.
troenteritis. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1997;24:522–7. Multidrug-resistant Shigella dysenteriae type 1 in south Asia. Lancet
[81] Haffejee IE. Cow’s milk-based formula, human milk, and soya feeds Infect Dis 2003;3:755.
in acute infantile diarrhea: a therapeutic trial. J Pediatr Gastroenterol [109] Gentsch JR, Laird AR, Bielfelt B, Griffin DD, Banyai K, Ramachan-
Nutr 1990;10:193–8. dran M, et al. Serotype diversity and reassortment between human and
[82] Walker-Smith JA. Cow’s milk intolerance as a cause of postenteritis animal rotavirus strains: implications for rotavirus vaccine programs.
diarrhoea. J Pediatr Gastroenterol Nutr 1982;1:163–73. J Infect Dis 2005;192(Suppl. 1):S146–59.
[83] Chouraqui J, Michard-Lenoir A. Alimentation au cours des diarrhées [110] Vesikari T, Matson DO, Dennehy P, Van Damme P, Santosham M,
aiguës du nourrisson et du jeune enfant. Arch Pediatr 2007;14(Suppl. Rodriguez Z, et al. Safety and efficacy of a pentavalent human-bovine
3):S176–80. (WC3) reassortant rotavirus vaccine. N Engl J Med 2006;354:23–33.

EMC - Maladies infectieuses 11


8-003-V-10  Gastroentérites aiguës de l’enfant

[111] Ruiz-Palacios GM, Pérez-Schael I, Velázquez FR, Abate H, Breuer [116] Armah GE, Sow SO, Breiman RF, Dallas MJ, Tapia MD, Feikin DR,
T, Clemens SC, et al. Safety and efficacy of an attenuated vac- et al. Efficacy of pentavalent rotavirus vaccine against severe rotavi-
cine against severe rotavirus gastroenteritis. N Engl J Med 2006;354: rus gastroenteritis in infants in developing countries in sub-Saharan
11–22. Africa: a randomised, double-blind, placebo-controlled trial. Lancet
[112] Vesikari T, Karvonen A, Prymula R, Schuster V, Tejedor JC, 2010;376:606–14.
Cohen R, et al. Efficacy of human rotavirus vaccine against rota- [117] Zaman K, Dang DA, Victor JC, Shin S, Yunus M, Dallas MJ, et al.
virus gastroenteritis during the first 2 years of life in European Efficacy of pentavalent rotavirus vaccine against severe rotavirus gas-
infants: randomised, double-blind controlled study. Lancet 2007;370: troenteritis in infants in developing countries in Asia: a randomised,
1757–63. double-blind, placebo-controlled trial. Lancet 2010;376:615–23.
[113] Linhares AC, Velázquez FR, Pérez-Schael I, Sáez-Llorens X, Abate [118] Soares-Weiser K, Maclehose H, Bergman H, Ben-Aharon I, Nagpal S,
H, Espinoza F, et al. Efficacy and safety of an oral live attenua- Goldberg E, et al. Vaccines for preventing rotavirus diarrhoea: vaccines
ted human rotavirus vaccine against rotavirus gastroenteritis during in use. Cochrane Database Syst Rev 2012;(2):CD008521.
the first 2 years of life in Latin American infants: a randomised, [119] Kapikian AZ. Overview of viral gastroenteritis. Arch Virol Suppl
double-blind, placebo-controlled phase III study. Lancet 2008;371: 1996;12:7–19.
1181–9.
[114] de Palma O, Cruz L, Ramos H, de Baires A, Villatoro N, Pastor Pour en savoir plus
D, et al. Effectiveness of rotavirus vaccination against childhood
diarrhoea in El Salvador: case-control study. Br Med J 2010;340: Site Internet de l’Organisation mondiale de la santé : http://www.who.int/fr/.
c2825. Site Internet de l’European Society of Paediatric Gastroenterology, Hepato-
[115] Madhi SA, Cunliffe NA, Steele D, Witte D, Kirsten M, Louw C, et al. logy and Nutrition : http://www.espghan.med.up.pt/.
Effect of human rotavirus vaccine on severe diarrhea in African infants. Site Internet de l’American Gastroenterology Association : http://www.
N Engl J Med 2010;362:289–98. gastro.org/.

J. Viala, Praticien hospitalier.


Service de gastroentérologie et pneumologie pédiatriques, Hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
M. Lorrot, Maître de conférences universitaire, praticien hospitalier.
Faculté de médecine Denis-Diderot, Paris 7.
Service de pédiatrie générale, Hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
L. Pull, Chef de clinique-assistant.
Service d’accueil des urgences pédiatriques, Hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
P. Mariani-Kurkdjian, Praticien hospitalier.
Service de microbiologie, Hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
L. Paris, Praticien hospitalier.
Laboratoire de parasitologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’hôpital, 75013 Paris, France.
M. Bellaïche, Praticien hospitalier.
Service de gastroentérologie, nutrition, mucoviscidose et pneumologie pédiatriques, Hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.
A. Smail, Praticien hospitalier.
J.-Y. Siriez, Praticien hospitalier (jean-yves.siriez@rdb.aphp.fr).
Service d’accueil des urgences pédiatriques, Hôpital Robert-Debré, 48, boulevard Sérurier, 75019 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Viala J, Lorrot M, Pull L, MarianiKurkdjian P, Paris L, Bellaïche M, et al. Gastroentérites aiguës de l’enfant.
EMC - Maladies infectieuses 2013;10(1):1-12 [Article 8-003-V-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Maladies infectieuses


¶ 8-003-V-20

Dermatologie tropicale en France


métropolitaine
I. Bournerias

La dermatologie tropicale en France métropolitaine ne se limite pas aux affections dermatologiques


observées au retour de voyage en zone tropicale. Elle comprend également toutes les dermatoses existant
dans les divers pays tropicaux, avec leurs particularités épidémiologiques ou sémiologiques. La démarche
diagnostique tient compte de l’orientation géographique et aussi du mode de séjour (voyageurs
occasionnels, résidents ou autochtones immigrants). La pathologie infectieuse, purement
dermatologique, ou systémique à manifestation cutanée, doit être évoquée en priorité même si elle ne
résume pas la dermatologie tropicale. Les lésions cutanées, aiguës ou chroniques, sont une cause
fréquente de consultation, car elles sont non seulement visibles, mais elles peuvent être prurigineuses,
douloureuses, inconfortables. Elles sont isolées ou associées à des signes généraux et/ou à d’autres
atteintes (ganglionnaires, digestives, pulmonaires, ostéoarticulaires, neurologiques...). Souvent non
spécifiques, elles peuvent être parfois cliniquement très évocatrices, sont faciles à prélever et constituent
une aide importante au diagnostic d’une affection systémique.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Prurit ; Piqûres d’insectes ; Toxidermies ; Pyodermites ; Gale ; Leishmaniose ; Lèpre ;
Maladie de Hansen ; Filarioses ; Trypanosomose ; Rickettsioses ; Larva migrans cutanée ; Tungose ; Myiase ;
Gnathostomose ; Mycétomes ; Chromomycoses ; Mycoses

Plan tes cutanées survenant au retour d’un séjour en pays tropical,


font discuter avant tout une maladie tropicale, et aussi toute
¶ Introduction 1 autre pathologie.
¶ Dermatoses des voyageurs au retour de pays tropicaux 1 Pour des raisons épidémiologiques, la démarche diagnostique
Lésions dermatologiques associées à une infection systémique 3 est différente dans le cas d’un sujet originaire et/ou ayant vécu
Lésions dermatologiques infectieuses isolées 4 longtemps en zone tropicale, et dans celui d’un voyageur
Lésions dermatologiques non infectieuses 6 n’ayant effectué qu’un bref séjour.
¶ Dermatoses importées du migrant 7 Les différents chapitres vont aborder les dermatoses observées
Dermatoses tropicales infectieuses du migrant 7 chez les voyageurs et les dermatoses chroniques importées du
Aspects particuliers des dermatoses ubiquitaires 9 migrant (dermatoses tropicales à proprement parler, qui sont
Pathologies autochtones aiguës et/ou rares exceptionnellement essentiellement infectieuses, et aspects particuliers des dermato-
vues en France métropolitaine 11 ses ubiquitaires). Les pathologies autochtones aiguës et/ou rares
¶ Dermatologie tropicale du sujet immunodéprimé 11 ne sont pas développées, mais elles sont parfois un motif de
consultation. Enfin, la dermatologie tropicale du sujet immuno-
déprimé est très brièvement mentionnée.

■ Introduction
■ Dermatoses des voyageurs
Définir la dermatologie tropicale n’est pas aisé. Son autono-
mie même est contestable et probablement de moins en moins au retour de pays tropicaux
pertinente. Une vision purement géographique est trop restric-
tive. Certaines affections dermatologiques observées dans les Les lésions cutanées sont un motif de consultation fréquent
pays tropicaux, essentiellement parasitaires, sont liées à l’éco- au retour d’un séjour en pays tropical, venant juste après la
système (par le biais du climat, de la présence d’animaux fièvre et les diarrhées [1-3]. Les lésions infectieuses sont les plus
réservoir, de vecteurs ou d’hôtes intermédiaires) et à des fréquentes mais d’autres dermatoses sont possibles (eczéma,
modalités épidémiologiques spécifiques. Des dermatoses ubiqui- toxidermies, etc.).
taires ont un aspect particulier en raison de l’interaction avec Pour une même zone d’endémie, toutes les infections n’ont
l’environnement (climatique, socioéconomique). Les facteurs pas le même degré de contagiosité et ne vont pas être envisa-
génétiques et ethniques vont influencer l’expression de certaines gées avec la même probabilité en fonction du type de séjour :
maladies dermatologiques (fréquence, sémiologie...). Les attein- par exemple la lèpre ne s’acquiert pas lors d’un simple voyage,

Maladies infectieuses 1
8-003-V-20 ¶ Dermatologie tropicale en France métropolitaine

Tableau 1. Tableau 3.
Épidémiologie des maladies parasitaires cutanées. Principaux diagnostics en fonction des symptômes cutanés.
Touriste Résident Autochtone Prurit (avec lésions secondaires au grattage et/ou urticariennes)
occasionnel Gale
Leishmaniose + + + Anguillulose, ankylostomose
Trypanosomose + + + Onchocercose (exceptionnelle chez le touriste)
Loase + + + Bilharziose (phase d’invasion)
Onchocercose - -/ (+) + Distomatose (phase d’invasion)
Filariose lymphatique - - + Hépatite virale (phase d’invasion)
Dracunculose - - -/(+) Dermatite cercarienne (zones découvertes)
Anguillulose + + + Dermatite marine (zones couvertes)
Ankylostomose + + + Toxidermie (Nivaquine®...)
Bilharziose ± + + Prurit avec lésions érythémateuses linéaires mobiles
Distomatose + + + Larva migrans cutanée (ankylostome animal)
Gale + + + Loase
Larva migrans cutanée + + + Larva currens (anguillulose)
Tungose + + + Dermographisme (lésions fugaces)
Myiase + + + Œdèmes localisés
Gnathostomose ± + + Loase
Trichinose aiguë
- : absent ; + : présent ; ± : rare ; -/(+) : exceptionnel.
Trypanosomose africaine
Gnathostomose
Tableau 2. Syndrome de Wells
Épidémiologie des autres maladies cutanées (en tenant compte des Lésions papulocroûteuses, furonculoïdes, ulcérées
vaccinations*). Pyococcies à staphylocoques, streptocoques
Touriste Résident Autochtone Mycose
occasionnel Leishmaniose
Staphylococcie, streptococcie + + + Myiase
Charbon + + + Tungose
Bartonellose + + + Autres lésions infectieuses (rickettsioses...)
MST + + + Prurigo
Tréponématoses endémiques - - + Lésions dépigmentées
Lèpre - -/+ + Pityriasis versicolor
Mycobacterium ulcerans - -/(+) + Eczématides achromiantes
Noma - - + Lèpre (pas chez le touriste)
Rhinosclérome - -/(+) + Tréponématoses endémiques (pas chez le touriste)
Diphtérie* - - + Dermite post-kala-azar (autochtones)
Arboviroses (dengue) + + + Vitiligo (photoextension...)
Hépatites virales* + + + Lésions hyperpigmentées
Rickettsioses + + + Onchocercose (pas chez le touriste)
Mycoses profondes -/(+) -/+ + Toxidermies
Phytophotodermatoses, contact avec tentacules de méduse, physalies...
- : absent ; + : présent ; +/- : rare ; -/+ : très rare ; -/(+) : exceptionnel ;
MST : maladies sexuellement transmissibles.

Tableau 4.
Quelques exemples de lésions hypopigmentées.
elle est peu fréquente mais possible chez un Européen vivant
longtemps en zone d’endémie dans les conditions locales, elle Congénitales
ne doit pas être méconnue chez un immigré même si elle se Non pathologiques : lignes de Voigt, hypopigmentation
révèle après son arrivée en France (Tableaux 1, 2). médiothoracique linéaire, leucœdème buccal
Les lésions cutanées peuvent survenir pendant le séjour et Piébaldisme (albinisme)
persister et/ou s’étendre, ou bien apparaître peu de temps après Sclérose tubéreuse de Bourneville
le retour de voyage. De façon générale, un délai d’apparition des Acquises, primitives
lésions supérieur à 3 mois rend une affection tropicale moins Vitiligo
probable sauf quelques exceptions. Deux éléments d’orientation Hypomélanose idiopathique en goutte (soleil ?)
sont importants dans la démarche diagnostique. Le premier est
Nævus de Sutton
épidémiologique : conditions et durée du séjour, localisation
Acquises, secondaires
géographique précise ; la connaissance des délais d’incubation
des différentes pathologies et des données épidémiologiques Facteurs externes physiques, chimiques (corticoïdes, oxyde de mercure,
hydroquinone...), brûlures...
actualisées est primordiale [4]. Le second est clinique : s’agit-il de
lésions cutanées isolées ou non ? Pityriasis versicolor
Les principaux symptômes sont le prurit, qui peut s’accom- Eczématides achromiantes
pagner de lésions érythémateuses linéaires mobiles, les œdèmes Lèpre
localisés, les lésions papulocroûteuses ou pustuleuses, furoncu- Tréponématoses endémiques
loïdes, qui peuvent être vues à leur stade tardif, ulcéré, les Onchocercose
lésions dépigmentées, les lésions hyperpigmentées (Tableaux 3, Psoriasis (post-thérapeutique)
4, 5). Il n’y a pas de lésions cutanées pathognomoniques, même Sarcoïdose
si certaines sont très évocatrices et peuvent permettre un
Sclérodermie, lichen scléroatrophique...
diagnostic clinique.

2 Maladies infectieuses
Dermatologie tropicale en France métropolitaine ¶ 8-003-V-20

Tableau 5. La démarche diagnostique tient compte de la gravité poten-


Quelques exemples de lésions hyperpigmentées. tielle des maladies envisagées, de leur fréquence et de la
Hyperpigmentation généralisée (la plupart sont acquises) difficulté du diagnostic évoqué.
- Endocriniennes et métaboliques
Maladie d’Addison, syndrome de Cushing, tumeur viscérale (carcinoïde) Lésions dermatologiques associées
Hémochromatose à une infection systémique
Syndrome de malabsorption
Pellagre
L’importance et la fréquence des signes cutanés est très
variable et fonction de la pathologie. Dans certains cas, ils
- Toxiques
orientent fortement le diagnostic, et entraînent des investiga-
Antipaludéens de synthèse (APS)
tions spécialisées. Même si les signes cutanés ne sont pas
Argyrie (pseudopigmentation) majeurs, les pathologies traitées ici doivent toutes rester
Cordarone® (photosensibilisation interne) présentes à l’esprit, à cause de leur gravité potentielle et/ou de
Hyperpigmentations régionales secondaires (facteur local ou leur fréquence relative.
dermatose = postinflammatoires) Nombre d’infections tropicales systémiques sévères ont peu
Érythème pigmenté fixe (médicament) ou pas de signes cutanés (paludisme par exemple).
Dermite des prés (photophytodermatose), dermite des parfums
Chloasma (grossesse, hormones : œstrogènes) Viroses
Acné
En revanche, certaines viroses (dengue et autres arboviroses,
Herpès hépatites) peuvent se manifester par des signes cutanés plus ou
Eczéma lichénifié moins importants, non spécifiques, le plus souvent lésions
Hyperpigmentation en bordure d’hypopigmentation : vitiligo, dartres érythématomaculeuses, parfois purpuriques, ou vascularites
Dermatose bulleuse (auto-immune) au stade postbulleux profuses. Les signes cutanés de la dengue sont présents dans
Psoriasis 30 % des cas environ et sont plus intenses dans les dengues de
Lichen réinfestation [5-8]. Parmi les syndromes algoéruptifs fébriles,
Mastocytose (turgescence au frottement) l’épidémie récente de chikungunya illustre l’importance des
données épidémiologiques actualisées [9].
Lupus
Syphilis
Rickettsioses
Dermite ocre
Kaposi (infiltration cutanée) Les rickettsioses sont fréquentes, avec lésions cutanées
Onchocercose polymorphes (escarre nécrotique d’inoculation, éruption
Hyperpigmentations régionales ou circonscrites primitives maculopapuleuse, vésiculeuse, croûteuse, purpurique...), parfois
Naevus épidermique (papules, congénital) au premier plan, précoces. Elles sont transmises par puces, poux
ou tiques, l’atteinte cutanée est associée à une fièvre élevée, des
Verrues séborrhéiques, dermatosis papulosa nigra (papules, acquis)
myalgies, des signes neuroméningés. Le diagnostic est sérologi-
Taches café-au-lait (neurofibromatose)
que (mais est fonction des espèces et peut se révéler faussement
Incontinentia pigmenti (génodermatose) négatif dans certains laboratoires) [10, 11]. (Centre National de
Naevus de Becker (hyperpilosité associée) Référence des Rickettsies : Pr Raoult UMR6020 Faculté de
Pigmentation buccale (ethnique, APS, lichen, lupus) Médecine, Marseille).
Pigmentation labiale (lentiginose simple ou avec tumeurs digestives)
Nævus d’Ota (différent de tatouages), tache mongolique Loase
Nigrites
Dans la loase, les signes cutanés sont évocateurs : prurit,
Mélanome acral
œdèmes localisés et fugaces, lésions linéaires migratrices. C’est
Acanthosis nigricans (association au diabète) une filariose africaine du derme, transmise par piqûre diurne de
APS : antipaludéens de synthèse. taon (Chrysops). Elle est endémique au Sud du Nigeria et du
Cameroun, au Gabon, Guinée équatoriale, République centra-
fricaine, Congo démocratique, Zaïre, et au Nord de l’Angola et
touche les autochtones mais se voit aussi non rarement chez les
Les moyens diagnostiques sont fonction des diagnostics touristes. Elle peut être latente mais les signes cutanés, qui
suspectés ; on peut être amené à rechercher une hyperéosino- apparaissent après plus de 3 mois, sont évocateurs : prurit des
philie, d’autres anomalies hématologiques (anémie, vitesse de bras, du thorax et de la face, passage du ver adulte sous la peau
sédimentation élevée), une perturbation du bilan hépatique, ou la conjonctive (cordon prurigineux, mobile), œdèmes fugaces
une hématurie. Les examens bactériologiques et surtout parasi- et migrateurs des membres supérieurs, thorax ou face (œdèmes
tologiques des urines, des selles et du sang sont fonction du de Calabar). Une hyperéosinophilie est très fréquente. La mise
contexte et dépendent dans leur fiabilité du laboratoire où ils en évidence de la macrofilaire dans la peau ou la conjonctive
sont pratiqués. L’examen histologique cutané est très utile, avec (extraction à la pince fine) doit toujours s’accompagner de la
colorations spéciales permettant de visualiser les agents infec- recherche de microfilaires dans le sang et de leur numération
tieux. La biopsie cutanée doit être mise en culture, toutes les (prélèvement diurne, leucoconcentration) ; il existe souvent une
fois que cela est possible, sur les milieux et dans les conditions dissociation entre microfilarémie et sérologie. Le traitement est
délicat en raison des accidents de lyse possibles et repose
appropriées en fonction de l’orientation clinique. Des examens
principalement sur la diéthylcarbamazine (Notézine®) et sur
systématiques à la recherche de pathogènes peuvent également
l’ivermectine (Stromectol®). Il doit être confié à un parasitolo-
être effectués, même en l’absence de lésions, dans les territoires
gue averti [12, 13].
où ces agents infectieux sont habituellement les plus souvent
trouvés, par exemple la recherche de bacille de Hansen par
Trypanosomose
mouchage ou grattage nasal, ou dans les lobes des oreilles, la
recherche de microfilaires par biopsie cutanée exsangue dans la Une trypanosomose africaine doit être évoquée devant un
zone scapulaire, sur l’épine iliaque antérosupérieure... Les prurit, une éruption urticarienne souvent discrète, des œdèmes
sérologies virales, parasitaires, en fonction du contexte, pour- localisés, associés à de la fièvre et des adénopathies cervicales
ront confirmer le diagnostic suspecté cliniquement. postérieures. Sans traitement, le passage à la forme chronique

Maladies infectieuses 3
8-003-V-20 ¶ Dermatologie tropicale en France métropolitaine

. peut être mortel. Elle ne doit pas être méconnue chez les nécrotique et vésiculeuse. Cette affection à Bacillus anthracis
touristes au retour de zone d’endémie, même après un bref reste répandue en zone tropicale (Asie, Afrique noire, Amérique
séjour. du Sud, Antilles), la contamination humaine se fait par contact
Il existe deux formes de trypanosomose africaine, la forme direct avec des herbivores malades ou leurs dépouilles (os, poils,
est-africaine à T. rhodesiense et la forme ouest-africaine à T. peaux), la porte d’entrée est cutanée. Deux à 3 jours après,
gambiense théoriquement plus chronique. Un chancre d’inocu- apparaît une escarre nécrotique surmontée de vésiculopustules,
lation, à type de papulonodule érythémateux peut persister œdème intense, lymphangite et adénopathies satellites. Il n’y a
2 semaines et siège surtout sur les membres inférieurs ; il est pas de suppuration et la lésion est indolore. La mise en évi-
rarement observé en France, pris à tort pour une piqûre d’in- dence de la bactérie sous l’escarre permet le diagnostic. Des
secte et retrouvé rétrospectivement par l’interrogatoire. formes digestives, pulmonaires, rarement neurologiques, et
Une éruption maculopapuleuse, circinée, siégeant volontiers septicémiques existent. Le traitement de première intention est
au tronc, asymptomatique, apparaissant 6 à 8 semaines après la pénicilline pendant 10-15 jours [20].
l’inoculation, est un des signes précoces évocateurs du diagnos-
tic chez les Européens ; des œdèmes douloureux des paupières, Bartonellose
des pieds, sont plus rares. Des poussées fébriles anarchiques, des
adénopathies cervicales et sus-claviculaires sont associées aux La bartonellose (Bartonella bacilliformis), exceptionnellement
signes cutanés. Il n’y a pas de signes neurologiques à ce stade. observée en France, est endémique dans certaines hautes vallées
Le diagnostic repose sur la présence de trypanosomes dans le de la cordillère des Andes (Pérou, Colombie, Équateur), trans-
sang et les ganglions et la sérologie. Le traitement nécessite un mise par piqûre de phlébotome. Elle se manifeste par une phase
milieu hospitalier spécialisé [14]. aiguë fébrile sévère (fièvre de la Oroya), puis à la phase d’état,
La trypanosomose américaine (Amérique du Sud, maladie de quelques semaines à plusieurs mois après, des manifestations
Chagas) est exceptionnellement vue en France [15]. cutanées chroniques caractéristiques (verruga peruana) : papules
angiomateuses diffuses, lésions verruqueuses. Elle est possible
Anguillulose, ankylostomose et helminthoses chez les touristes, les lésions cutanées sont évocatrices. Le
tropicales diverses diagnostic différentiel fait discuter des verrues, l’angiomatose
bacillaire, la maladie de Kaposi [21].
Anguillulose, ankylostomose et helminthoses tropicales
diverses sont le plus souvent évoquées lors d’un prurit isolé ou Maladies sexuellement transmissibles et autres
s’accompagnant de lésions urticariennes ou de grattage non maladies infectieuses
spécifiques.
L’anguillulose peut donner diverses manifestations cutanées Les maladies sexuellement transmissibles (MST) ne doivent
en fonction du stade de l’infestation. Cette parasitose intesti- pas être méconnues, tout comme les autres maladies infectieu-
nale, due à un helminthe, Strongyloides stercoralis, est ubiquitaire ses non spécifiquement tropicales.
en zone tropicale et subtropicale. L’infestation se fait par voie
transcutanée (pieds nus sur les sols humides). Sa latence peut
être très longue (dizaines d’années). Les signes cutanés sont Lésions dermatologiques infectieuses isolées
présents à la phase d’invasion et à la phase chronique. Les
Elles sont très fréquentes et doivent être suspectées, si ce n’est
lésions érythémateuses, papuleuses, vésiculeuses, prurigineuses
diagnostiquées, cliniquement.
des pieds lors de la pénétration des larves, ne sont pas observées
en Métropole. À la phase chronique, l’éruption est non spécifi-
que, urticarienne, récidivante le plus souvent, parfois à type de
Infections staphylococciques
folliculite, ou plus rarement il s’agit de lésions spécifiques de et/ou streptococciques
larva currens (cf. infra). Le diagnostic se fait sur l’hyperéosino- Elles sont souvent sévères et extensives en raison des condi-
philie importante dans 75 % des cas, fluctuante, et la présence tions climatiques et d’hygiène. Impétigo, furoncles, ecthyma,
de larves rhabditoïdes de S. stercoralis à l’examen parasitologique avec adénopathies locorégionales mais le plus souvent sans
des selles après concentration spécifique (méthode de Baer- fièvre, sont couramment observés. Le prélèvement bactériologi-
mann) ; celui-ci doit être fait plusieurs jours de suite (élimina- que est souhaitable chaque fois qu’il est possible. Les traite-
tion intermittente). Le traitement est l’ivermectine ments antibiotiques per os sont indispensables, à dose suffisante
(Stromectol®), en dose unique (200 µg/kg sans dépasser 12 mg et suffisamment prolongés. La pristinamycine ou l’acide fusidi-
en une prise, à jeun). L’ankylostomose (ankylostomes humains) que (Pyostacine®, Fucidine®), en raison de son spectre et de sa
peut donner des lésions cutanées urticariennes non spécifiques ; pharmacocinétique, est le traitement de première intention,
sa répartition géographique est superposable à celle de l’anguil- poursuivi souvent pendant 10 à 15 jours. Les soins locaux
lulose ; son traitement est le flubendazole (Fluvermal®), antiseptiques et si besoin de détersion simples sont associés. Des
200 mg/j pendant 3 jours [16, 17]. La larva migrans cutanée est précautions d’hygiène strictes (lavage des mains soigneux et
une pathologie dermatologique isolée, due à un ankylostome douches antiseptiques, serviettes séparées) sont indispensables,
animal (cf. infra). ces lésions étant très contagieuses.
Parasitoses cosmopolites
Gale
Diverses parasitoses cosmopolites, plus fréquentes en zone
tropicale, ont des signes cutanés bien connus : prurit anal Elle est souvent méconnue quand elle atteint des individus
révélateur d’une oxyurose, œdème des paupières et visage, plus ayant des conditions d’hygiène et un niveau socioéconomique
rarement prurit et lésions urticariennes, hémorragies sous- élevés. Les individus d’une même famille ne sont pas tous
unguéales en flammèche, de la trichinose, urticaire à la phase atteints en même temps, le délai d’incubation est mal défini
d’invasion d’une distomatose (grande douve du foie), d’une (jusqu’à 6 mois) et les manifestations d’intensité variable. Un
helminthose digestive [18] , nodules sous-cutanés lors d’une prurit rebelle, des lésions même d’apparence non spécifique,
cysticercose [19], exceptionnelles lésions ulcérées serpigineuses à vésiculeuses (les sillons spécifiques ne sont pas toujours faciles
bordure infiltrée ou verruqueuse, de siège périnéal de à voir) des mains, fesses, organes génitaux, paumes, plantes et
l’amibiase... axillaires chez les enfants en bas âge, sont très évocatrices. La
mise en évidence du sarcopte ou des œufs ou déjections au
Charbon microscope est difficile (prélèvements orientés, grattage suffi-
samment profond, laboratoire compétent, examen négatif par
Le charbon, pathologie d’importation exceptionnelle, doit défaut...). Cet examen est nécessaire d’autant plus que le
être évoqué devant un œdème rouge vif autour d’une escarre traitement et la désinfection restent difficiles en pratique et les

4 Maladies infectieuses
Dermatologie tropicale en France métropolitaine ¶ 8-003-V-20

Figure 1. Larva migrans cutané. Cordon serpigineux prurigineux du Figure 2. Tungose. Papule translucide avec point noir central.
pied.

« échecs » thérapeutiques non rares. L’examen au dermatoscope


peut être utile. Tous les sujets ayant un contact intime prolongé
doivent être traités en même temps, même en l’absence de
symptômes ; le benzoate de benzyle (Ascabiol®), trois couches
superposées chez l’adulte pendant 48 heures, parfois plus, reste
le traitement de choix, parallèlement à une désinfection par
antiparasitaire adapté (A-Par®) de toute la literie et du linge en
contact direct (avant qu’il soit lavé). Chez le nourrisson, il est
parfois dilué de moitié et le temps de contact n’excède pas 6 à
12 heures. On peut également utiliser les pyréthrinoïdes
(Sprégal®). L’ivermectine per os (Stromectol®) peut être utilisée Figure 3. Myiase furonculoïde. La larve a été extraite à la pince.
à la dose de 200 µg/kg en prise unique, éventuellement répétée
15 jours après, chez l’adulte et l’enfant de plus de 15 kg [22-24].
Myiase (Fig. 3)
Larva migrans cutané ou larbish (Fig. 1)
Les myiases sont liées au parasitisme de l’homme par des
C’est une pathologie ubiquitaire, fréquente chez les touristes larves de mouches (asticots). Elles se présentent comme une ou
de retour des zones tropicales et subtropicales chaudes et plusieurs lésions furonculoïdes avec orifice central, ou comme
humides. Il est dû à la pénétration cutanée de larves d’ankylos- des tumeurs sous-cutanées mobiles et inconstamment doulou-
tomes de chien et chat provenant des selles de ces animaux reuses, ou plus rarement siègent dans les cavités naturelles ou
déposées sur les plages. Le diagnostic clinique est aisé. Les colonisent les plaies. La myiase furonculoïde est due à la
cordons serpigineux, surélevés, inconstamment érythémateux, présence dans les tissus de larves de mouches. La larve se
d’une dizaine de centimètres, se terminant par une zone renflée développe sous la peau à l’endroit où elle a pénétré ; les lésions
ou parfois bulleuse, prurigineux, se déplacent de quelques siègent aux zones de contact : maillot de bain, crâne... Les
millimètres (rarement centimètres), dans la même région, myiases furonculoïdes sont africaines (Afrique noire, Sud du
essentiellement les pieds, fesses, parfois seins. Ils évoluent sur Sahara, appelée ver de Cayor au Sénégal dû à Cordylobia
plusieurs semaines (il s’agit d’une impasse parasitaire), mais anthropophaga) et américaines (Amérique centrale et du Sud,
peuvent se surinfecter en raison du grattage. Le traitement par appelée ver macaque à Cayenne dû à Dermatobia hominis). Les
ivermectine (Stromectol®), 200 µg/kg en une prise unique à effets séchés au soleil et remis immédiatement après sont
jeun est efficace dans plus de 95 % des cas en quelques jours. responsables de la contamination mais le repassage du linge à
Le traitement local (antisepsie et application de crotamiton, fer chaud suffit à éviter la myiase africaine. L’extirpation
Eurax®) est utilisé chez les très jeunes enfants chez qui l’iver- chirurgicale (ou à la pince si elle est aisée) après avoir étouffé la
mectine est contre-indiquée ; le froid, par application de glaçons larve par occlusion avec un corps gras ou un pansement
ou spray réfrigérant, un traitement général par antihistamini- hydrocolloïde en constitue le traitement. Les myiases sous-
ques, et parfois antibiotique antistaphylococcique peuvent être cutanées sont dues à Hypoderma bovis. L’aspect érythémateux
utiles [25-27]. cutané les fait prendre à tort pour un furoncle banal ou une
Le larva currens, anguillulose cutanée due à l’autoréinfesta- cellulite streptococcique ou staphylococcique, mais il n’y a pas
tion par Strongyloides stercoralis, donne un tableau comparable de fièvre ; des complications infectieuses sont possibles en cas
mais les cordons plus larges et discontinus volontiers vespéraux, de manipulations intempestives. L’hyperéosinophilie, la sérolo-
se déplacent et disparaissent plus rapidement (plusieurs centi- gie, permettent le diagnostic [29, 30].
mètres par heure), et leur topographie préférentielle est
l’abdomen, la région périanale, et les fesses. Sa répartition Leishmaniose cutanée ou cutanéomuqueuse
géographique est superposable.
Elle est due à un protozoaire transmis par piqûre de phlébo-
Tungose (Fig. 2) tome et est diagnostiquée non exceptionnellement au retour de
zone d’endémie. L’incubation moyenne est de 2 à 4 mois. Il
C’est une autre dermatose tropicale des voyageurs de dia- faut l’évoquer devant toute lésion nodulaire, érythématocroû-
gnostic clinique aisé. La puce chique, Tunga penetrans, existe en teuse ou ulcérée, persistante (plus de 2 semaines) malgré une
Amérique et Afrique intertropicale ; l’insecte femelle fécondée se antibiothérapie générale prolongée antistreptococcique et
fixe sur la peau et s’y développe. Des papules translucides à antistaphylococcique. La preuve parasitologique est requise et
points centraux noirs, de la taille d’un petit pois, siègent sur les nécessite un laboratoire spécialisé (examen direct plus culture,
orteils ou talons. Elles sont souvent prises à tort pour de polymerase chain reaction [PCR] et identification, Centre National
vulgaires verrues. Elles peuvent se surinfecter. L’extirpation du de Référence : UMR50930 laboratoire de parasitologie, Univer-
parasite en totalité est nécessaire, associée à une antisepsie et un sité de Montpellier).
contrôle de la vaccination antitétanique. Si l’extraction est . La leishmaniose sévit sur tout le pourtour du Bassin méditer-
impossible (nombre), on peut tuer les puces par chlorure ranéen, y compris le sud de la France, en Afrique, Inde, Asie, et
d’éthyle, ou crotamiton (Eurax®) [28]. Amérique du Sud. Trois formes de leishmaniose existent : la

Maladies infectieuses 5
8-003-V-20 ¶ Dermatologie tropicale en France métropolitaine

La leishmaniose viscérale (kala-azar), due à Leishmania


donovani, n’a pas de signes cutanés spécifiques.
Certaines espèces de leishmanies, comme Leishmania infan-
tum, qui sont à l’origine de formes viscérales (notamment sur le
pourtour du Bassin méditerranéen et chez les immunodépri-
més), ont également un tropisme cutané. Des lésions cutanées
spécifiques peuvent s’observer, dans ce contexte.

Dermatite cercarienne et dermatite des nageurs


Les cercaires de schistosomes d’oiseaux provoquent des
lésions érythémateuses et œdémateuses immédiates, devenant
Figure 4. Leishmaniose cutanée (Ancien Monde). Lésion unique, ulcé- papulovésiculeuses ou pustuleuses, très prurigineuses, des zones
rocroûteuse, persistante, à bordure infiltrée ; absence d’adénopathie, découvertes, après un bain dans une eau douce contaminée.
échec du traitement antibiotique. Cette dermite, ubiquitaire, est plus souvent diagnostiquée lors
du séjour qu’au retour de voyage, les lésions papuleuses et
prurigineuses étant spontanément régressives en 7-15 jours. Son
. leishmaniose viscérale, la leishmaniose cutanée et la leishma-
diagnostic différentiel est la dermite marine, aux lésions
niose cutanéomuqueuse. Différentes espèces de leishmanies sont
semblables mais siégeant dans les zones recouvertes par le
responsables des différentes formes cliniques.
maillot de bain, provoquée par des larves de cnidaires [42].
Les formes cutanées et cutanéomuqueuses sont très fréquen-
tes. Elles peuvent atteindre les autochtones, mais aussi les
touristes [31]. Lésions dermatologiques
Dans la leishmaniose cutanée, les lésions sont souvent non infectieuses
uniques (Fig. 4), mais plusieurs lésions groupées dans la même
région, parfois de façon linéaire sur un membre, sont possibles. Près de la moitié des dermatoses qui amènent à consulter au
Elles siègent dans les zones exposées (membres supérieurs, retour de voyage ne sont ni infectieuses ni spécifiquement
inférieurs, visage, oreilles ...) et sont indolores. La présentation tropicales.
habituelle est un nodule ou une plaque érythématocroûteuse, à
bordure irrégulière mais bien limitée, non pustuleuse, de 1 à Toxidermies
plusieurs centimètres de diamètre, persistante et lentement Les toxidermies occupent une place particulière ; il peut s’agir
extensive, à bordure surélevée, plus infiltrée, et zone centrale d’une réaction cutanée provoquée par un médicament pris de
ulcérée. Il n’y a pas d’adénopathies locorégionales, sauf en cas façon ponctuelle au cours ou décours d’un voyage, en particu-
de surinfection bactérienne de la lésion. Ce type de lésions est lier pour les réactions de photosensibilité (cyclines, quinolones,
classique dans l’Ancien Monde (Afrique, Proche- et Moyen- etc.).
Orient, pourtour du Bassin méditerranéen), le plus souvent dues Les effets secondaires de la prophylaxie antipaludique doivent
à Leishmania tropica ou L. major (« bouton d’Orient »), et la être parfaitement connus. Certains imposent l’arrêt du traite-
guérison est spontanée après plusieurs mois d’évolution avec ment avant la durée minimale de 4 semaines après le retour et
une cicatrice résiduelle. Les leishmanioses du Nouveau Monde le risque d’accès palustre doit rester présent à l’esprit. Tous les
(Amérique du Sud) ont la même présentation cutanée mais plus médicaments utilisés peuvent donner des éruptions cutanées,
souvent les lésions sont multiples, avec nodules cutanés ou mais seuls certains aspects sont plus spécifiques. La chloroquine
sous-cutanés, adénopathies associées. Des formes ulcéreuses (Nivaquine®) peut occasionner un prurit, gênant mais non
chroniques, un œdème dur érythémateux et peu croûteux d’une grave, une pigmentation cutanée et muqueuse gris ardoisé si la
oreille, sont également fréquents. À côté de ces formes cutanées prise est très prolongée (qui peut s’accompagner de dépôts
pures existent des formes mucocutanées, narinaires et buccales oculaires sur la rétine), rarement une toxidermie généralisée.
d’évolution destructive et prolongée sur plusieurs années. Les L’exacerbation d’un psoriasis est un effet secondaire possible,
espèces responsables appartiennent au complexe Leishmania mais le terrain psoriasique ne contre-indique en aucun cas ce
mexicana et L. braziliensis, les formes muqueuses sont fréquentes type de prophylaxie si elle est nécessaire. L’halofantrine
avec les leishmanies du complexe L. braziliensis. Le diagnostic (Halfan®) est à l’origine de prurit. Le proguanil (Paludrine®)
est affirmé par la mise en évidence des leishmanies intramacro- (soit seul soit en association à la chloroquine ou Savarine®, ou
phagiques qui se fait par examen au microscope d’un prélève- à l’atovaquone ou Malarone®) est parfois responsable d’ulcéra-
ment coloré par le May-Grünwald-Giemsa. Le produit tions buccales aphtoïdes ; leur pathogénie et gravité potentielle
d’étalement est obtenu soit par apposition dermique, soit dans n’est pas bien connue et le traitement est parfois arrêté. Des
la biopsie cutanée effectuée sur le bord infiltré de la lésion. éruptions diffuses parfois sévères sont possibles sous Savarine®,
L’examen histologique est parfois non spécifique, montrant des nécessitant l’arrêt de la prophylaxie. La méfloquine (Lariam®)
lésions granulomateuses, surtout en cas de lésions anciennes ; peut être à l’origine de manifestations allergiques cutanées.
elles posent le diagnostic différentiel des autres granulomes : L’utilisation des cyclines comme antipaludéen (Doxypalu®) dans
infections autres, dont les mycobactéries et les mycoses, les zones de chloroquinorésistance de type 3 est limitée par la
réaction à corps étrangers, épines d’oursin, débris végétaux, photosensibilité.
corail... [32-36].
Le traitement dépend de l’espèce de leishmanie responsable Accidents cutanés liés à l’application de répulsifs
et de la notion de zone de résistance au traitement ; les
L’application de répulsifs, utilisés pour éviter les piqûres
injections locales d’antimoniate de méglumine (Glucantime®),
d’insectes, peut provoquer des dermites irritatives et des
restent le traitement de référence des infections dues aux
eczémas de contact, qui disparaissent avec l’arrêt des applica-
leishmanies du complexe L. major et à Leishmania mexicana si
tions et les corticoïdes locaux mais qui peuvent récidiver lors de
les lésions sont peu nombreuses ; l’abstention est possible. Le
leur réutilisation avec risque de réaction croisée.
traitement des infections dues au complexe L. braziliensis, les
leishmanioses non guéries ou rechutant après un premier
Piqûres d’arthropodes
traitement, les lésions multiples, nécessitent le Glucantime® par
voie parentérale, l’iséthionate de pentamidine (Pentacarinat®) Les piqûres d’arthropodes peuvent être à l’origine de la
ou d’autres schémas thérapeutiques. En pratique toutefois, transmission de nombreuses maladies parasitaires, bactériennes
le délai d’identification de l’espèce étant long, on sépare ou virales. La moustiquaire (hermétique et en bon état, idéale-
simplement les leishmanioses du Nouveau et de l’Ancien ment imprégnée d’insecticide) reste un bon moyen de
Monde [37-41]. protection.

6 Maladies infectieuses
Dermatologie tropicale en France métropolitaine ¶ 8-003-V-20

Le prurigo est une réaction à piqûre d’insecte, indépendante


de l’espèce, plus fréquente en cas de terrain atopique, se
■ Dermatoses importées
traduisant par des papulovésicules, érythémateuses, très prurigi- du migrant
neuses, souvent excoriées, sur les zones découvertes. Les lésions
peuvent se surinfecter, et durent habituellement plusieurs Ce chapitre aborde les dermatoses tropicales des autochtones
semaines ou mois [43-46]. Les poux d’agouti, en Guyane, sont à et parfois des résidents occasionnels et certains aspects particu-
l’origine de prurigo particulièrement rebelle. Le traitement liers des dermatoses ubiquitaires. Elles sont avant tout infectieu-
associe antihistaminiques par voie générale, antiseptiques et ses. Leur connaissance est nécessaire en raison notamment du
corticothérapie locale. Les réactions urticariennes et prurigo nombre croissant des voyages et des transferts de populations
peuvent s’observer après contact avec les poils urticants des qui rendent ces pathologies de plus en plus fréquentes hors des
chenilles processionnaires et de certains papillons, responsables zones tropicales.
de la papillonite guyanaise. Toutes les pathologies vues au chapitre précédent peuvent
être observées chez ces patients.

Urticaire et lésions urticariennes


Dermatoses tropicales infectieuses
L’urticaire est un symptôme fréquent. Les étiologies déjà du migrant
décrites doivent être recherchées.
Les formes plus fixes ou atypiques doivent faire discuter des Leur évolution est souvent subaiguë ou chronique, aussi
pathologies telles que la cellulite de Wells (considérée dans peuvent-elles constituer un motif de consultation. Les signes
certains cas comme réactionnelle à une piqûre d’insecte) ou un cutanés sont souvent au premier plan, très variés en fonction de
syndrome hyperéosinophilique non parasitaire [47, 48]. la pathologie, mais associés au contexte épidémiologique, ils
La larva migrans viscérale (toxocarose) se traduit par une permettent le diagnostic qui est affirmé par des investigations
hyperéosinophilie importante et inconstamment des atteintes spécialisées. Leur fréquence en France métropolitaine est liée à
pulmonaires, hépatiques ; l’association à une urticaire reste un biais de recrutement (liens privilégiés avec certains pays) et
controversée. la pathologie africaine (parasitoses) reste plus fréquente que
celle sud-américaine (mycoses profondes) ou asiatique. La
prévalence habituelle de ces pathologies n’est donc pas
« Bourbouille » respectée.
La « bourbouille » est une pathologie sudorale liée au climat
et port de vêtements inappropriés Elle affecte les Européens.
Infections parasitaires
C’est une miliaire sudorale (papules folliculaires érythémateuses, Onchocercose
vésicules, prurigineuses) qui touche essentiellement le tronc, et
peut se compliquer d’abcès et de surinfection en cas de persis- L’onchocercose est une filariose d’Afrique noire sud-
tance de la rétention sudorale. Le traitement fait appel aux saharienne, d’Amérique centrale et du Sud, du Yémen, due à
antiseptiques, antiacnéiques topiques et dermocorticoïdes. Onchocerca volvulus, dont la cécité est la complication majeure.
Elle est transmise par les piqûres de simulies, qui piquent le
jour, à l’ombre, près des cours d’eau rapide. Elle intéresse les
Photophytodermatoses autochtones et les sujets exposés de façon répétée pendant
plusieurs années ; les risques pour les touristes sont quasi
Les photophytodermatoses dues aux plantes exotiques ne nuls [50]. Elle est maintenant plus rarement observée grâce aux
sont pas rares. Au retour de voyage, il n’existe souvent plus de résultats des campagnes d’éradication en zone d’endémie. Elle se
lésions bulleuses, mais le dessin figuré et les traînées linéaires manifeste, en Afrique, par un prurit féroce avec lésions de
des plantes restent visibles. L’interrogatoire permet facilement le grattage et prurigo non spécifiques, une atrophie et une
diagnostic : contact avec des plantes ou herbes photosensibili- lichénification cutanée avec troubles pigmentaires importants,
santes, humidité (sueur, baignade) et exposition solaire de la des nodules sous-cutanés (hanches, épaules, au contact des
région atteinte. La pigmentation résiduelle met plusieurs mois crêtes osseuses). Le diagnostic différentiel le plus classique est la
à disparaître. gale sarcoptique. Une atteinte ophtalmologique associée (irido-
cyclite, kératite, choriorétinite) doit être systématiquement
Pathologie liée aux activités de loisirs recherchée. La primo-infection peut se présenter comme une
éruption urticarienne avec œdème limitée à la racine d’un
Les activités pratiquées au cours des vacances, et notamment membre (« gros bras camerounais »). En Amérique, l’atteinte
les baignades, sont à l’origine de pathologies variées : contact cutanée se manifeste par des placards rouge violacé du visage,
avec des méduses et physalies entraînant un érythème doulou- (« erysipela de la costa ») et au Yémen par des placards maculo-
reux qui dessine les tentacules et qui entraîne une pigmentation papuleux hyperpigmentés. Le diagnostic se fait sur l’hyperéosi-
figurée persistante, envenimation par contact avec un poisson nophilie, la présence de micofïlaires dans le derme (biopsie
venimeux (vives, raies, poissons-pierres...), morsures d’araignées cutanée exsangue) et la sérologie. Le traitement actuellement
ou scorpions ; les lésions hyperalgiques, nécrotiques, s’accom- proposé est : doxycycline 100 mg/j pendant 6 semaines pour
pagnant de signes généraux graves, peuvent nécessiter des réduire la microfilarodermie puis ivermectine en cures répétées
mesures de réanimation et débridement chirurgical [49]. Les à 200 µg/kg par trimestre pour obtenir un effet macro-
accidents de plongée sont à évoquer devant des nécroses filaricide [51].
cutanées, par microthromboses tissulaires dues à une décom-
pression trop rapide. Cette liste est bien entendu non Filariose lymphatique
exhaustive. La filariose lymphatique est fréquente en zone tropicale et
subtropicale entre 45° de latitude nord et 25° sud (Amérique du
Pathologie solaire Sud, Afrique noire, Asie du Sud-Est, Inde, îles du Pacifique) ; elle
est due à Wuchereria bancrofti, et sa variété pacifica, Brugia malayi
La pathologie solaire aiguë (allergies solaires, coups de soleil) et B. timori. Elle est transmise par les piqûres de moustiques de
est peu observée au retour de voyage mais elle doit être préve- plusieurs espèces (culex, anophèles) ; de très nombreuses piqûres
nue. Les expositions solaires répétées, a fortiori dans les pays sont nécessaires à l’infestation, même chez les sujets vivant en
tropicaux où elles sont souvent brutales et cumulées, favorisent zone d’endémie et l’immunité de l’individu joue un rôle
l’apparition de mélanomes et la carcinogenèse photo-induite probablement important dans les manifestations cliniques.
plus progressive (carcinomes cutanés). Plusieurs mois ou années s’écoulent avant l’apparition des

Maladies infectieuses 7
8-003-V-20 ¶ Dermatologie tropicale en France métropolitaine

signes cutanés. Les formes aiguës associent pics fébriles, signes . noueux lépreux, immunologique, atteignant uniquement des
généraux et poussées récidivantes de lymphangite aiguë (super- sujets multibacillaires, traités ou non, et qui ne s’accompagne
ficielle et parfois profonde) des membres en cas de B. malayi, pas de modification du statut immunitaire [57-66].
des organes génitaux en cas de W. bancrofti. Les formes chroni- Le tropisme du bacille est avant tout cutané et nerveux.
ques sont secondaires au blocage lymphatique, et l’éléphantiasis Les lésions cutanées permettent de suspecter le diagnostic.
des membres ou du scrotum sont les manifestations les plus Elles ne sont pas contagieuses mais leur visibilité porte un
caractéristiques. Les surinfections streptococciques sont fré- préjudice redoutable. Dans la forme indéterminée, ce sont des
quentes aux deux stades. Elle est maintenant rarement vue en macules, peu nombreuses, hypochromes ou légèrement érythé-
France métropolitaine. mateuses, à limites irrégulières mais nettes, inconstamment
Le diagnostic repose sur la recherche de microfilarémie hypoesthésiques. Dans la forme tuberculoïde, les neuropathies
(technique de leucoconcentration). Le nombre de microfilaires périphériques sont au premier plan (névrites asymétriques
(charge parasitaire) doit être déterminé. L’hyperéosinophilie et hypertrophiques des nerfs superficiels, sensitives au début puis
les sérologies ne sont que des examens de présomption. Le motrices, troubles trophiques) ; les lésions cutanées sont des
traitement actuellement proposé est doxycycline 200 mg/j macules cuivrées ou hypopigmentées, anesthésiques, sèches,
pendant 2 mois (effet macrofilaricide) puis ivermectine pour avec perte des poils, ou des plaques annulaires infiltrées à
réduire le nombre de microfilaires ; si filaire lymphatique isolée, bordure nettement palpable. Dans la forme lépromateuse, les
on peut remplacer ivermectine par la diéthylcarbamazépine
lésions cutanées sont nombreuses, à limites floues, infiltrées,
(Notézine®) [13].
saillantes, bilatérales souvent symétriques et parfois confluen-
tes ; les lobes des oreilles sont souvent atteints, cils et sourcils
Dracunculose
raréfiés et le visage prend un aspect infiltré, bosselé, léonin.
La dracunculose (qui n’est pas une filariose stricto sensu), ou Dans ces formes, l’atteinte neurologique est plus tardive, moins
filaire de Médine ou ver de Guinée, est due à Dracunculus mutilante ; des atteintes viscérales peu symptomatiques sont
medinensis. Elle est considérée par l’Organisation Mondiale de la possibles. Des formes particulières, bullonécrotiques sont
Santé (OMS) comme en voie d’éradication ; quelques foyers décrites en Amérique centrale et au Mexique (phénomène de
africains persistent au Soudan, Ghana essentiellement [52]. Lucio), et des formes nodulaires diffuses correspondant à des
rechutes survenant chez des sujets dont les bacilles sont
Bilharzioses
devenus résistants. Dans la forme dite borderline, on décrit des
Ces parasitoses des régions tropicales et subtropicales d’Amé- plaques cutanées peu nombreuses, mal limitées, des bandes aux
rique du Sud, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie du Sud-Est contours géographiques. Les réactions de réversion se traduisent
sont dues à Schistosoma haematobium, S. mansoni, S. japonicum, par une réactivation des anciennes lésions cutanées qui devien-
S. intercalatum, S. mekongi. Les signes cutanés sont peu fréquents nent brutalement œdématiées, érythémateuses, douloureuses,
et secondaires : éruption urticarienne à la phase d’invasion, avec éventuellement apparition de nouvelles lésions et névrites
lésions papulonodulaires groupées de la région génitale et aiguës hyperalgiques. Dans l’érythème noueux lépreux des
fessière, du cou, thorax ou abdomen, surtout chez les enfants nodules dermohypodermiques, érythémateux, douloureux, mal
avec à l’histologie, granulomes autour des œufs présents dans le limités, apparaissent par poussées, aux cuisses, bras, visage,
derme [53]. d’évolution non contusiforme, dans un contexte de vascularite
fébrile. Le diagnostic se fait par recherche du bacille de Hansen
Gnathostomoses
par frottis nasal, dans le suc dermique (lobe de l’oreille systé-
Les gnathostomoses sont contractées après ingestion de matiquement et lésions cutanées), par la coloration de Ziehl sur
poissons, de volaille ou de batraciens crus ou insuffisamment les coupes histologiques. Leur nombre (charge bacillaire),
cuits. Elles réalisent des syndromes de larva migrans viscérale ; l’indice morphologique, l’aspect histologique (de non spécifique
initialement décrits en Asie, on les rencontre aussi en Amérique à granulomateux tuberculoïde, avec bacilles isolés, histiocytes
(Mexique). Des tuméfactions sous-cutanées migratrices, des spumeux ou globi) permettent le diagnostic et le classement des
lésions urticariennes, des plaques infiltrées érythémateuses lésions afin d’adopter un traitement suivant des protocoles bien
parfois linéaires ont pu être observées. Le diagnostic est codifiés par l’OMS (nature, nombre et durée des traitements
sérologique. Le traitement fait appel à l’albendazole (Zentel®) antibiotiques). Le diagnostic des formes T, très pauvres en
400 à 800 mg/j pendant 21 jours [54-56]. bacilles, peut être très difficile.

Infections bactériennes Mycobactéries atypiques (« Mycobacterium ulcerans »)


Lèpre Mycobacterium ulcerans est responsable d’ulcérations cutanées
Même si la maladie de Hansen est aujourd’hui curable, son extensives (ulcère de Buruli, ulcère de Brinsdale) ; il sévit en
impact médical, économique et socioculturel reste considérable. Afrique centrale et de l’Ouest, Amérique du Sud et centrale
L’agent responsable est Mycobacterium leprae. Sa contagiosité est (Guyane), Nouvelle-Guinée, Australie. Cette pathologie est
faible (exposition répétée, nombre important de bacilles, sujet fréquente en zone rurale, chez les enfants et adultes jeunes, et
réceptif, conditions socioéconomiques défavorables). Elle est ne s’associe pas à la malnutrition. Après 6 à 12 semaines
endémique en Asie du Sud-Est (notamment en Inde), en Afrique d’incubation, suivant une effraction cutanée, le plus souvent
tropicale et subtropicale, en Amérique latine (Brésil), aux aux membres inférieurs, une lésion unique, nodulaire ou
Antilles, en Océanie et Micronésie. Les cas européens sont pustuleuse se développe ; elle évolue vers une ulcération
d’importation. Les sujets atteints sont des autochtones des pays nécrotique, profonde, à bords décollés et anfractueux, caracté-
endémiques mais aussi des Européens ayant vécu longtemps ristique, sans adénopathies (sauf en cas de surinfection) ni
dans ces zones. L’immunité du sujet détermine les différentes fièvre. L’histologie cutanée est granulomateuse, avec incons-
manifestations cliniques qui sont classées suivant un spectre, tamment présence de bacilles acido-alcoolorésistants. La culture
avec une forme tuberculoïde polaire (TT), paucibacillaire et à de la mycobactérie est difficile, à 30°, et peut demander jusqu’à
forte immunité à une extrémité, et une forme lépromateuse 6 mois. L’évolution est chronique, liée à l’exotoxine nécrosante
(LL), multibacillaire et à faible immunité à l’autre extrémité ; la et immunosuppressive de la mycobactérie, source de délabre-
forme borderline (BB) est intermédiaire et il existe une forme ments et de morbidité importants. Le traitement chirurgical est
indéterminée I. Il existe deux types de réactions aiguës, une impératif, associé à une antibiothérapie prolongée (clofazimine,
réaction de réversion qui se voit dans les formes multi- ou disulone, sulfaméthoxazole-triméthoprime ou/et rifampicine)
paucibacillaires, traitées correctement ou non, et correspond à dont l’efficacité n’est pas prouvée [67, 68].
une modification du statut immunologique (progression vers la Le diagnostic différentiel comprend tous les processus
guérison ou aggravation) et une réaction appelée érythème proliférants et ulcératifs du pied : ulcère phagédénique tropical

8 Maladies infectieuses
Dermatologie tropicale en France métropolitaine ¶ 8-003-V-20

(qui est un ulcère chronique extensif et destructeur, polymicro- Gomori-Grocott sur les biopsies (lésions granulomateuses) et se
bien, sur plaie négligée, favorisé par la malnutrition), lèpre, fait par les cultures (laboratoires spécialisés). Leur mode de
leishmaniose, tuberculose, ecthyma, diphtérie, la syphilis contamination est similaire [71].
tertiaire, les mycoses profondes, les ulcères drépanocytaires,
artériels, veineux, liés à des troubles neurologiques, les tumeurs Chromomycoses
malignes [69]. Les chromomycoses surviennent essentiellement chez les
Les autres mycobactéries atypiques n’ont qu’exceptionnelle- ruraux après blessure par des épines végétales souillées. Les
ment une expression cutanée. principaux foyers sont en Amérique centrale, aux Antilles, à
Madagascar, mais elles se voient également en Amérique du
Tréponématoses non vénériennes (pian, bejel, pinta) Sud, Afrique équatoriale, Australie et Asie. Les champignons
dématiés responsables appartiennent aux genres Fonsecaea,
Elles évoluent en trois phases comme la syphilis, mais s’en
Phialophora, Wangiella, et Cladosporium, Fonsecaea pedrosoi et
distinguent par une transmission non vénérienne, l’absence de
Cladosporium carrionii étant les plus fréquents. Les lésions
transmission congénitale, d’accidents tertiaires cardiovasculaires
uniques ou multiples siègent aux membres, inférieurs surtout, à
et neurologiques. Elles sont en voie d’éradication grâce à la
type de plaque infiltrée, croûteuses, à évolution chronique
pénicilline [70] mais persistent ou réapparaissent comme d’autres
lentement extensive et confluente, avec apparition de nodules,
pathologies dans les zones de conflits.
lésions verruqueuses et hyperkératosiques. L’envahissement des
Le pian, dû à une contamination directe le plus souvent par parties molles et de l’os par contiguïté est rare, et les localisa-
Treponema pertenue, est endémique dans les régions tropicales tions à distance sont exceptionnelles. Les cellules fumagoïdes
chaudes et humides (forêts, plaines côtières) et atteint les caractéristiques de la forme parasitaire du champignon (cellules
enfants entre 4 et 14 ans. C’est la plus destructrice des tréponé- arrondies de 6 à 12 mm à paroi brune se multipliant par
matoses endémiques (goundou, gangosa), avec atteintes cuta- cloisonnement interne) peuvent être observées au microscope
nées et osseuses essentiellement. Le chancre d’inoculation, par grattage ou dans les biopsies. Le traitement par antimycosi-
propre, non induré, siège le plus souvent aux membres infé- ques systémiques adaptés en fonction de la culture mycologique
rieurs et s’accompagne d’une adénopathie satellite ; il peut et associés est très difficile et prolongé ; des méthodes de
guérir avec une cicatrice achromique ou se transformer en destruction locale peuvent être également associées [72].
lésion secondaire bourgeonnante entourée d’éléments plus
petits (maman-pian). Trois semaines après, apparaissent les Mycétomes actinomycosiques et mycosiques
lésions de la phase secondaire, caractéristiques, petites tumeurs
Cette infection d’évolution chronique survient après une
papillomateuses et végétantes, rouges, humides (framboesia),
incubation de plusieurs mois à années, après l’inoculation locale
diffuses, nombreuses ; l’atteinte muqueuse est rare ; aux paumes
de champignons ou de bactéries filamenteuses saprophytes du
et plantes, les lésions kératosiques sont fissurées, douloureuses sol ou des épineux subdésertiques à la suite d’une blessure ou
(pian crabe) ; ces lésions sont riches en tréponèmes. Des lésions piqûre par ces végétaux au pied le plus souvent (marche pieds
plus tardives, polymorphes, sèches, papuleuses, squameuses, nus). Elle se manifeste par un œdème dur, indolore, puis une
circinées, coexistent ou succèdent, pauvres en tréponèmes. La tuméfaction nodulaire et aboutit à un pied globalement
phase tertiaire survient après une latence variable, gommes déformé par une infiltration diffuse, cutanée et sous-cutanée,
cutanées, lésions circinées ou troubles pigmentaires. mal limitée, adhérente, de toutes les parties molles, touchant la
Le bejel sévit parmi les populations nomades des régions plante et le dos du pied, avec formation de fistules et issue de
sèches semi-désertiques du Moyen-Orient et d’Afrique (zone substance purulente contenant des grains. L’envahissement
sahélienne). L’agent responsable est la variété M de Treponema osseux se fait par contiguïté. Les adénopathies locorégionales
pallidum, la contamination directe et indirecte (ustensiles de sont le plus souvent liées à la surinfection bactérienne. Les
cuisine). Le chancre est exceptionnel. Les manifestations mycétomes sont endémiques de part et d’autre du 15e degré de
secondaires sont surtout muqueuses (buccales, à type d’érosions latitude nord. Schématiquement, mais cette distinction n’est pas
hémorragiques de la lèvre inférieure, ou papillomateuses sur la toujours pertinente, ils sont d’origine fongique en Afrique Noire
langue ou les commissures labiales, anogénitales) et plus et en Inde, dus surtout à Madurella mycetomi, Leptosphaeria
rarement des plis. Après une latence de plusieurs années, senegalensis, Scedosporium apiospermum, les grains sont noirs ou
surviennent des gommes cutanées et des os longs, des lésions blancs, correspondant à des filaments mycéliens larges de 2 à
figurées papulosquameuses et des nodosités articulaires. 5 mm et des vésicules ; ils sont d’origine actinomycosique en
La pinta ou caraté, due à Treponema carateum, persiste en Amérique du Sud, dus surtout à Actinomadura madurae, A.
Amérique latine (vallées chaudes avec cours d’eau du Venezuela, pelletieri, Streptomyces somaliensis et Nocardia brasiliensis, les
Mexique et Colombie) ; elle est uniquement cutanée et outre grains sont blancs, jaunes ou rouges, correspondant à des
une contamination directe pourrait être transmise par un filaments fins inférieurs à 1 mm et le tableau clinique est plus
insecte vecteur. Le chancre, plaque érythématosquameuse à aigu et inflammatoire. Les cultures spécialisées identifient
bordure infiltrée (empeine), siège à la face, aux extrémités. La l’agent pathogène permettant d’adapter un traitement long et
phase secondaire se traduit par une leucomélanodermie diffuse difficile, chirurgical et médical [73, 74].
(lésions blanc rosé et foncées bleuâtres) ; à la phase tertiaire
persistent indéfiniment des macules vitiligoïdes symétriques Sporotrichose
surtout des membres. La sporotrichose est une mycose cutanée et lymphatique
La sérologie de ces tréponématoses est en tout point identi- essentiellement, due à un champignon dimorphique Sporothrix
que à celle de la syphilis et ne peut en être différenciée (et elle schenckii, dont la pénétration se fait par voie cutanée (épines,
peut coexister), sérologie réaginique et sérologie spécifique terre souillée...). Elle est cosmopolite mais se voit surtout en
tréponémique. Devant une sérologie positive, il est important Amérique latine (Mexique, Brésil) et Afrique du Sud, également
d’en apprécier le caractère récent ou séquellaire, afin d’instaurer au Japon. Les lésions sont nodulaires, ulcérobourgeonnantes,
ou non un traitement par pénicilline adapté (utile pour les verruqueuses, le long d’un trajet lymphatique avec adénopathies
lésions primosecondaires ou tardives actives, inefficace sur les suppurées, sur les membres supérieurs ou toute région décou-
troubles pigmentaires). verte exposée. Des atteintes ostéoarticulaires, pulmonaires,
cérébrales... sont possibles [75].
Infections mycosiques cutanées et sous-cutanées
Aspects particuliers des dermatoses
Les mycoses spécifiquement tropicales, à expression cutanée ubiquitaires
prédominante, ont en commun leur chronicité et difficultés
thérapeutiques. Le diagnostic est suspecté par la coloration de Seuls les aspects dermatologiques originaux sont abordés.

Maladies infectieuses 9
8-003-V-20 ¶ Dermatologie tropicale en France métropolitaine

Ectoparasitoses profusion des lésions) ; c’est le cas du pityriasis versicolor (à


Malassezia sp.) qui atteint souvent le visage, les membres [71, 81].
Gale et poux sont particulièrement répandus en zone tropi-
Les candidoses, essentiellement muqueuses, mais aussi cutanées,
cale pour des raisons de climat, promiscuité et difficultés de
sont favorisées par la macération. Les dermatophytes sont à
traitement. La gale est considérée comme la maladie dermato-
l’origine de lésions érythématosquameuses diffuses, de lésions
logique la plus fréquente.
plantaires et unguéales chroniques, d’intertrigo récidivants ; ces
Infections bactériennes diverses derniers, aux orteils, sont souvent mixtes (bactéries, Candida,
dermatophytes).
Diverses infections bactériennes systémiques cosmopolites Les teignes restent fréquentes avec des dermatophytes spécifi-
sont fréquentes en zone tropicale ; leurs manifestations cutanées ques, Trichophyton soudanense, Microsporum langeronii surtout en
sont secondaires ou bien connues (borrélioses, leptospiroses, Afrique occidentale, T. violaceum sur le pourtour du Bassin
fièvre typhoïde et paratyphiques, peste, mélioïdose, choléra, méditerranéen ; elles sont observées en France chez les immi-
brucellose, ...). grés. M. ferrugineum est responsable de teignes en Asie et Afrique
Les staphylococcies sont fréquentes, avec formes pulmonaires, centrale. Le favus (Trichophyton schœnleini) est encore présent en
cutanées et pyomyosites du tronc et cuisses particulièrement en Afrique du Nord. La transmission est interhumaine, à l’origine
Afrique, Asie du Sud-Est, îles du Pacifique, Caraïbes, Brésil. d’épidémies scolaires et les adultes, notamment les femmes,
Les streptococcies, fréquentes, peuvent se compliquer de peuvent être atteints. Le traitement antimycosique systémique,
rhumatisme articulaire aigu, glomérulonéphrites [76]. par la griséofulvine en première intention, est nécessaire [71, 82,
La diphtérie reste fréquente, se manifestant habituellement 83].
par une angine pseudomembraneuse avec ses possibles compli- D’autres champignons, comme Hendersonula toruloidea et
cations redoutables ; une forme cutanée (ulcère) est relativement Scytalidium hyalinum sont à l’origine d’atteintes chroniques
fréquente en Afrique centrale et orientale, bénigne et palmoplantaires, interorteils et unguéales, semblables clinique-
immunisante. ment à celle des dermatophytes chez les autochtones aux
Tuberculose Antilles et en Afrique et sous-continent indien. Il n’y a aucun
traitement efficace [71, 84]. Les piedras se caractérisent par des
La tuberculose reste une maladie très fréquente dans les pays petites nodosités des cheveux, barbe et autres poils. Trichosporum
en voie de développement. Elle survient également au cours du cutaneum (piedra blanche) est cosmopolite mais Piedrai hortai
sida, à un stade précoce. Des lésions cutanées très diverses sont (piedra noire) sévit en Amérique intertropicale, Indonésie,
possibles (papuleuses, nodulaires, verruqueuses, gommes, etc.) Indochine [85].
facilement accessibles aux prélèvements. Cliniquement et
histologiquement, en l’absence de mise en évidence des bacilles
de Koch, se discutent les affections granulomateuses, lèpre,
Pathologie tumorale
leishmaniose, syphilis, mycoses profondes, autres infections ou La maladie de Kaposi, due au virus HHV8, peut se présenter
affections diverses [77-79]. sous trois formes. La forme classique ou méditerranéenne, non
liée au VIH, touche les adultes de plus de 60 ans avec des
Infections virales
lésions cutanées, peu nombreuses, localisées préférentiellement
La rougeole reste une affection grave dans les pays en voie de aux pieds, lentement extensives. Dans la forme liée au VIH, du
développement. sujet jeune, les lésions cutanées et muqueuses sont multiples,
Les maladies virales dermatologiques n’ont pas de particula- disséminées et évoluent rapidement avec localisations ganglion-
rité si ce n’est la possibilité d’extension en l’absence de traite- naires, digestives, pulmonaires... Une forme particulièrement
ment (verrues vulgaires à Papilloma virus humains, molluscum agressive est observée en Afrique, indépendamment du VIH,
contagiosum à Pox virus...) et la possibilité de surinfection chez les enfants et adultes jeunes, avec atteinte cutanée rapide-
bactérienne rapide liée au climat en cas de lésions vésiculeuses ment extensive et destructrice (os sous-jacent), adénopathies
(herpès, varicelle qui reste moins fréquente chez les enfants médiastinales et atteinte pulmonaire. Ses pathogénie et nosolo-
africains qu’en France, et qui est diagnostiquée assez souvent à gie précises ne sont pas connues [86].
l’âge adulte chez le sujet noir immigré). Le rôle oncogène de certains virus est démontré : virus
L’infection par le virus de l’immunodéficience humaine 1 d’Epstein-Barr dans les cancers indifférenciés du nasopharynx
(VIH1) ou par le VIH2 est à l’origine d’un déficit immunitaire en Asie et Afrique, rôle du HTLVI dans l’apparition de certains
(sida) dont l’expression clinique est fonction des agents patho- lymphomes qui peuvent avoir une expression cutanée.
gènes environnants. Parmi les signes cutanés, il faut insister sur La pathologie tumorale dermatologique est beaucoup plus rare
la possibilité d’atteintes cutanées septicémiques de tuberculose relativement aux dermatoses infectieuses et même inflammatoi-
(diagnostiquée à un stade précoce de la maladie), mycosiques res. Elle survient rarement en dehors des pathologies prédispo-
avec champignons opportunistes et l’importance de signes santes (génétiques, tel l’albinisme ou acquises, tels les ulcères
cutanés non spécifiques comme le prurit et le prurigo, les chroniques quelle qu’en soit l’étiologie). L’arsenicisme chronique
anomalies phanériennes, la mélanodermie et les autres troubles (eau de puits) favorise également le développement des carcino-
pigmentaires... mes cutanés. La pigmentation cutanée joue un rôle protecteur.
Les carcinomes basocellulaires sont peu fréquents chez le sujet
Maladies sexuellement transmissibles noir alors qu’ils représentent le cancer cutané le plus fréquent du
Les MST restent fréquentes malgré les efforts de prévention. sujet blanc, de même que le carcinome in situ ou maladie de
Certaines restent « exotiques », donovanose, maladie de Nicolas- Bowen. Les carcinomes spinocellulaires sont en revanche « surre-
Favre... mais peuvent être contractées au cours d’un voyage, au présentés » (2/3 contre 1/3, proportion inverse chez le sujet à
même titre que la gale, ou resurgir par épidémies [80]. Rappelons peau blanche), avec possibilité de survenue sur ulcère tropical,
la possibilité de transmission néonatale (syphilis congénitale, ulcère lépreux, folliculite disséquante du cuir chevelu... Les
infections à Chlamydia...), les difficultés de traitement (coût, lésions précancéreuses que sont les kératoses actiniques, fréquen-
chaînes de transmission, résistances thérapeutiques pour le tes sur peau claire, sont rares chez les sujets à peau pigmentée.
gonocoque...), les conséquences possibles (stérilité après Les mélanomes, rares, siègent préférentiellement sur le talon, la
infections à Chlamydia...), la facilitation de transmission du VIH plante du pied, les paumes (zones plus claires) [86].
en cas de lésions génitales associées.

Infections mycosiques Dermatoses inflammatoires


Les mycoses superficielles ubiquitaires peuvent être modifiées Les dermatoses inflammatoires banales peuvent revêtir un
sous les tropiques pour des raisons climatiques (fréquence, aspect sémiologique particulier en raison de la discrétion de

10 Maladies infectieuses
Dermatologie tropicale en France métropolitaine ¶ 8-003-V-20

l’érythème sur peau pigmentée, de l’importance de la lichénifi- Dermatite post-kala-azar


cation ou de la physiopathologie de l’unité pilosébacée (spinu-
losisme, pseudofolliculite de la barbe, acné chéloïdienne de la La dermatite post-kala-azar est une forme particulière de
nuque ...) [87-89] ou du tissu conjonctif (chéloïdes) [90, 91]. leishmaniose décrite chez les autochtones dans les régions de
Les particularismes culturels et les médecines traditionnelles leishmaniose viscérale endémique, au Soudan et en Inde. Les
peuvent être à l’origine de pathologies particulières : « nodules lésions cutanées apparaissant en moyenne 2 mois après le
de la prière » chez les musulmans, chéloïdes sur cicatrices ou traitement du kala-azar. Le diagnostic se fait par la mise en
déformations auriculaires rituelles, acnés rétentionnelles du évidence des leishmanies dans les lésions cutanées et la
front après applications de corps gras sur le cuir chevelu, sérologie [99].
alopécies de traction, secondaires au défrisage, ou liées au port
de turbans et coiffures particulières. Des eczémas de contact Mycoses
peuvent être dus au bois de santal et autres bois exotiques,
mangues et autres fruits tropicaux, aux fards ... [92-94]. L’usage La tinea nigra est une mycose superficielle due à Exophiala
des différents dépigmentants, en particulier les dermocorticoï- werneckii, elle se traduit par des taches brunâtres, peu squameu-
des, peut induire des complications cutanées et systémiques [95]. ses, essentiellement des paumes, en Amérique du Sud et Asie du
L’immigration de populations en zone tempérée (climat et Sud-Est. Le tokélau (tinea imbricata) est une dermatophytie
conditions de vie, produits d’hygiène et cosmétiques différents, chronique à Trichophyton concentricum des autochtones en Asie
xérose cutanée) est à l’origine de l’apparition de lésions du Sud-Est, Océanie et Amérique latine [100].
d’eczéma, de psoriasis. Ces dermatoses inflammatoires, considé- Parmi les mycoses systémiques [71], la coccidioïdomycose due
rées comme relativement peu fréquentes sous les tropiques, ont à Coccidioïdes immitis est endémique dans les régions arides du
vu leur fréquence augmenter également en région tropicale avec Sud-Est des États-Unis, en Amérique centrale, au Venezuela et
les changements de mode de vie et l’amélioration du niveau en Argentine. Les lésions cutanées, ulcéreuses, nodulaires ou
socioéconomique. Il faut connaître certaines maladies généti- verruqueuses, suivent le plus souvent une atteinte pulmonaire.
ques, particulièrement fréquentes, par exemple les hémoglobi- L’histoplasmose à Histoplasma capsulatum, dite américaine, est
nopathies chez les sujets noirs de souche africaine. La cosmopolite, et fréquente avec atteinte pulmonaire dominante.
drépanocytose homozygote peut se compliquer d’ulcères de Les lésions cutanées, septicémiques, sont polymorphes, non
jambes, possibles dès l’enfance mais rares avant l’âge de spécifiques mais facilement accessibles à la biopsie : ulcérations,
10-15 ans, périmalléolaires, douloureux, liés aux troubles nodules buccaux, papules, vésicule-croûtes ...
microcirculatoires lors des crises vaso-occlusives, et souvent L’histoplasmose à Histoplasma duboisii, est une mycose rare
surinfectés. Les épisodes d’œdèmes aigus, déclenchés par le strictement africaine. Les manifestations pulmonaires sont rares,
froid, douloureux, durs des doigts, mains et pieds, se voient et les manifestations cutanées, ostéoarticulaires et ganglionnai-
essentiellement avant 2 ans. La consanguinité explique l’expres- res fréquentes ; l’atteinte cutanée se traduit par des
sion de certaines génodermatoses (par exemple neurofibroma- papules, nodules, ulcérations ou abcès chroniques sur le tronc
tose de Recklinghausen). Certaines affections dermatologiques et la tête.
sont observées avec une fréquence accrue chez le sujet noir : Les blastomycoses sont rares, les lésions granulomateuses
mélanose pustuleuse néonatale transitoire, acropustulose touchant la peau, les poumons et l’os. Les lésions papuleuses
infantile, aïnhum. D’autres dermatoses surviennent dans des (visage, cou, cuir chevelu, membres) évoluent vers la formation
populations données : prurigo actiniques des Indiens des hauts d’une lésion granulomateuse ou vers l’ulcération, avec bordure
plateaux américains, prurigo pigmentosa des Asiatiques, hypo- extensive, abcès sous-cutanés. Dans la blastomycose due à
mélanose maculeuse médiodorsale des Métis antillais [96] ... Blastomyces dermatitidis (maladie de Gilchrist, Centre
et Sud-Est des États-Unis, Canada, Mexique, et aussi Afrique du
Nord et australe), il existe une atrophie centrale et une bordure
Pathologies autochtones aiguës et/ou rares végétante active ; dans la paracoccidioïdomycose due à B.
exceptionnellement vues en France brasiliensis (maladie de Lutz-Splendore Almeida), l’extension
métropolitaine est ulcéreuse atteignant les muqueuses périorifîcielles, avec
localisations ganglionnaires et viscérales. La lobomycose
Les pathologies aiguës ne sont pas rencontrées en France (maladie de Jorge Lobo) décrite en Amérique latine, au Brésil
métropolitaine, ou exceptionnellement au stade de séquelles. (Amazonie) et en Guyane surtout, est purement cutanée. Les
Malnutrition, rachitisme sont de diagnostic évident. Le fogo lésions nodulaires chéloïdiennes touchent les membres et
selvagem est la forme épidémiologiquement originale d’une pavillon de l’oreille.
maladie auto-immune cutanée (pemphigus), habituellement
rare, endémique dans certaines régions du Brésil. Le noma,
infection buccofaciale destructrice foudroyante du jeune enfant
est liée à la malnutrition [97, 98].
■ Dermatologie tropicale du sujet
immunodéprimé
Rhinosclérome
Chez les sujets immunodéprimés (infection par le VIH, après
Le rhinosclérome, est une affection chronique granuloma- thérapeutiques antinéoplasiques ou corticothérapie générale
teuse du rhinopharynx, due à un bacille à Gram négatif, prolongée...), des infections opportunistes « exotiques » peuvent
Klebsiella rhinoscleromatis. Elle est sporadique en Europe centrale, être observées avec un délai parfois très long (plusieurs années).
Russie, et il existe des petits foyers en Égypte, Maroc, Afrique Les lésions cutanées sont des localisations septicémiques, parfois
centrale et de l’Est, Inde du Sud, Nouvelle-Guinée, Indonésie, révélatrices, d’un grand intérêt diagnostique car faciles à
Chine de l’Est, Amérique du Sud et centrale. Le diagnostic biopsier et cultiver. Les pathologies les plus fréquentes sont les
différentiel de cette atteinte granulomateuse et destructrice des mycoses (histoplasmose, pénicilliose en Asie du Sud-Est), les
voies aériennes supérieures comprend la tuberculose, la lèpre, la leishmanioses (forme viscérale mais avec atteinte cutanée
syphilis tertiaire, bejel et pian, les leishmanioses cutanéomu- possible et espèces parfois plus inhabituelles comme Leishmania
queuses, les mycoses profondes (blastomycose et rhinospori- infantum), l’anguillulose (larva currens avec lésions purpuriques
diose), les tumeurs bénignes ou malignes. Le diagnostic repose abdominales)... L’histologie est souvent caractérisée par
sur la découverte du germe par écouvillonnage des fosses l’absence de réaction granulomateuse mais les agents pathogè-
nasales, l’histologie granulomateuse avec bactéries intrahistio- nes sont souvent nombreux, faciles à identifier par les colora-
cytaires (cellules de Mikulicz). tions spéciales et les cultures (lésions cutanées et sang).

Maladies infectieuses 11
8-003-V-20 ¶ Dermatologie tropicale en France métropolitaine

[19] Uthida-Tanaka AM, Sampaio MC, Neves Ferreira Velho PE,

“ Points forts
Damasceno BP, Cintra ML, Machado de Moraes A, et al. Subcutaneous
and cerebral cysticercosis. J Am Acad Dermatol 2004;50(suppl2):
S14-S17.
Le début d’une « maladie tropicale » est peu probable [20] Thappa DM, Karthikeyan K. Anthrax: an overview within the indian
plus de 3 mois après le retour de zone tropicale (sauf subcontinent. Int J Dermatol 2001;40:216-22.
[21] Chian CA, Arrese JE, Piérard GE. Skin manifestations of Bartonella
exception) ; des « réactivations » sont toutefois possibles,
infections. Int J Dermatol 2002;41:461-6.
avec des délais de plusieurs années, en cas [22] Heukelbach J, Feldmeier H. Ectoparasites – the underestimated realm.
d’immunodépression (sida, corticothérapie générale...). Lancet 2004;363:889-91.
Penser avant tout aux maladies infectieuses banales [23] Del Giudice P. Traitement de la gale : traitement topique ou
(impétigo, MST, gale) avant d’envisager des pathologies systémique ? Ann Dermatol Venereol 2004;131:1045-7.
plus exotiques. [24] Pitche P, Wolkenstein P, Cremer G, Foulet F, LascauxAS, Revuz J. Gale
La connaissance du contexte épidémiologique est profuse : cinétique de guérison parasitologique avec l’association
primordiale : aires géographiques d’endémie précises benzoate de benzyl et sulfiram. Ann Dermatol Venereol 2002;129:
actualisées et conditions du séjour. 287-9.
[25] Heukelbach J, Wilcke T, Feldmeier H. Cutaneous larva migrans
En cas de parasitose, l’hyperéosinophilie n’est pas toujours
(creeping eruption) in an urban slum in Brazil. Int J Dermatol 2004;43:
présente. 511-5.
.
Si une infection est éliminée, d’autres pathologies non [26] Caumes E. Treatment of cutaneous Larva Migrans. Clin Infect Dis
spécifiquement tropicales peuvent être en cause : 2000;30:811-4.
toxidermies, eczéma, prurigo... [27] Bouchaud O, Houzé S, Schiemann R, Durand R, Ralaimazava P,
Ruggieri C, et al. Cutaneous larva migrans in travelers: a prospective
.
study, with assessment of therapy with ivermectine. Clin Infect Dis
2000;31:493-8.
■ Références [28] Heukelbach J, Araujo Sales de Oliveira F, Hesse G, Feldmeier H.
Tungiasis: a neglected health problem of poor communities. Trop Med
[1] Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE, Fisk T, Robins R, von Int Health 2001;6:267-70.
Sonnenburg F, et al. Spectrum of disease and relation to place of [29] Maier H, Hönigsmann H. Furuncular myiasis caused by Dermatobia
exposure among ill returned travelers. N Engl J Med 2006;354:119-30. hominis, the human botfly. J Am Acad Dermatol 2004;50:S26-S30
[2] Santé des voyageurs et recommandations sanitaires 2006. Bull (suppl2).
Epidémiol Hebd 2006:153-76 (n°23-24). [30] Kumarasinghe SP, Karunaweera ND, Ihalamulla RL. A study of
[3] Caumes E, Carriere J, Guermonprez G, Bricaire F, Danis M, cutaneous myiasis in Sri Lanka. Int J Dermatol 2000;39:689-94.
Gentilini M. Dermatoses associated with travel to tropical countries: a [31] Dedet JP, Pratlong F. Taxonomie des Leishmania et distribution géo-
prospective study of the diagnosis and management of 269 patients graphique des leishmanioses. Ann Dermatol Venereol 2000;127:421-4.
presenting to a tropical disease unit. Clin Infect Dis 1995;20:542-8. [32] Berman JD. Human leishmaniasis: clinical, diagnostic, and
[4] Elston DM. New and emerging infectious diseases. J Am Acad chemotherapeutic developments in the last 10 years. Clin Infect Dis
Dermatol 2005;52:1062-8. 1997;24:684-703.
[5] Bandyopadhyay S, Lum LC, Kroeger A. Classifying dengue: a review [33] Herwaldt BL. Leishmaniasis. Lancet 1999;354:1191-9.
of the difficulties in using the WHO case classification for dengue [34] Faber WR, Oskam L, van Gool T, Kroon NC, Knegt-Junk KJ,
haemorragic fever. Trop Med Int Health 2006;11:1238-55. Hofwegen H, et al. Values of diagnostic techniques for cutaneous
[6] Desruelles F, Lamaury I, Roudier M, Goursaud R, Mahé A, Castanet J, leishmaniasis. J Am Acad Dermatol 2003;49:70-4.
et al. Manifestations cutanéo-muqueuses de la Dengue. Ann Dermatol [35] El Hajj L, Thellier M, Carrière J, Bricaire F, Danis M, Caumes E.
Venereol 1997;124:237-41. Localized cutaneous leishmaniasis imported into Paris: a review of 39
[7] Delmont J. Aspects cliniques et biologiques des arboviroses. Med Mal cases. Int J Dematol 2004;43:120-5.
Infect 2003;33:545-8. [36] Bhutto AM, Soomro RA, Nonaka S, Hashiguchi Y. Detection of new
[8] Anderson RC, Horn KB, Hoang MP, Gottlieb E, Bennin B. Punctate endemic areas of cutaneous leishmaniasis in Pakistan: a 6-year study.
exanthem of West Nile Virus infection: report of 3 cases. J Am Acad Int J Dematol 2003;42:543-8.
Dermatol 2004;51:820-3. [37] Buffet P, Caumes E, Gentilini M. Traitement des leishmanioses cuta-
[9] Fourcade S, Simon F, Morand JJ. Chikungunya: un syndrome algo- nées localisées. Ann Dermatol Venereol 1994;121:503-11.
éruptif fébrile au retour de l’océan indien. Ann Dermatol Venereol 2006;
[38] Hellier I, Dereure O, Tournillac I, Pratlong F, Guillot B, Dedet JP, et al.
133:549-51.
Treatment of old world cutaneous leishmaniasis by pentamidine
[10] McGinley-Smith DE, Tsao SS. Dermatoses from ticks. J Am Acad
isethionate. Dermatology 2000;200:120-3.
Dermatol 2003;49:363-92.
[39] Wortmann G, Miller RS, Oster C, Jackson J, Aronson N. A randomized,
[11] Raoult D, Fournier PE, Fenollar F, Jensenius M, Prioe T, de Pina JJ,
double-blind study of the efficacy of a 10- or 20- day course of sodium
et al. Rickettsia africae, a tick borne pathogen in travelers to sub-
stibogluconate for treatment of cutaneous leismaniasis in United States
saharan Africa. N Engl J Med 2001;344:1504-10.
[12] El Haouri M, Erragragui Y, Sbai M, Alioua Z, Louzi el Mellouki W, military personnel. Clin Infect Dis 2002;35:261-7.
et al. Filariose cutanée à Loa Loa. Ann Dermatol Vénéréol 2001;128: [40] AlrajhiAA, Ibrahim EA, De Vol EB, Khairat M, Faris RM, Maguire JH.
899-902. Fluconazole for the treatment of cutaneous leishmaniasis caused by
[13] Stolk WA, De Vlas SJ, Habbema JD. Anti-Wolbachia treatment for Leishmania Major. N Engl J Med 2002;346:891-5.
lymphatic filariasis. Lancet 2005;365:2067-8. [41] Niamba P, Traoré A, Goumbri-Lompo A, Labrèze C, Traoré-Barro F,
[14] Barrett MP, Burchmore RJ, StichA, Lazzari JO, FraschAC, Cazzulo JJ, Bonkoungou M, et al. Leishmaniose cutanée chez les malades infectés
et al. The trypanosomiases. Lancet 2003;362:1469-80. par le VIH.Aspects cliniques et thérapeutiques. Ann Dermatol Venereol
[15] Maguire JH. Chagas’ disease – can we stop the deaths? N Engl J Med 2006;133:537-42.
2006;355:760-1. [42] Segura- Puertas L, Ramos ME, Aramburo C, Heimer de la Cotera EP,
[16] Jacob CI, Patten SF. Strongyloides stercoralis infection presenting as Burnett JW. One Linuche mystery solved: all 3 stages of the coronate
generalized prurigo nodularis and lichen simplex chronicus. J Am Acad scyphomedusa Linuche unguiculata cause seabather’s eruption. J Am
Dermatol 1999;41:357-61. Comment in. J Am Acad Dermatol 2000; Acad Dermatol 2001;44:624-8.
42:698-9. [43] Viraben R. Prurigo strophulus : une manifestation cutanée
[17] Ly MN, Bethel SL, Usmani AS, Lambert DR. Cutaneous Strongyloides d’hypersensibilité aux arthropodes de l’environnement. Ann Dermatol
stercoralis infection: an unusual presentation. J Am Acad Dermatol Venereol 1996;123:751-6.
2003;49:S157-60. [44] Steen CJ, Carbonaro PA, Schwartz RA. Arthropods in dermatology.
[18] Georgiou S, Maroulis J, Monastirli A, Pasmatzi E, Pavlidou D, J Am Acad Dermatol 2004;50:819-42.
Karavias D, et al. Anaphylactic shock as the only clinical manifestation [45] Vetter RS, Swanson DL. Arthropods in dermatology: errors in
of hepatic hydatid disease. Int J Dermatol 2005;44:233-5. arachnology. J Am Acad Dermatol 2004;52:923.

12 Maladies infectieuses
Dermatologie tropicale en France métropolitaine ¶ 8-003-V-20

[46] Elston DM. Prevention of arthropod-related disease. J Am Acad [77] Morand JJ, Garnotel E, Simon F, Lightburn E. Panorama de la tuber-
Dermatol 2004;51:947-54. culose cutanée. Méd Trop 2006;66:229-36.
[47] Caputo R, Marzano AV, Vezzoli P, Lunardon L. Wells syndrome in [78] Fenniche S, Ben Jennet S, Marrak H, Khayat O, Zghal M, Ben Ayed M,
adults and children. Arch Dermatol 2006;142:1157-61. et al. Tuberculose cutanée : aspects anatomocliniques et évolutifs (26
[48] Delaporte E. Du syndrome de Wells à la « maladie éosinophilique ». cas). Ann Dermatol Venereol 2003;130:1021-4.
Ann Dermatol Venereol 2001;128:207-11. [79] Ramam M, Mittal R, Ramesh V. How soon does cutaneous tuberculosis
[49] Berger L, Caumes E. Accidents cutanés provoqués par la faune et la respond to treatment? Implications for a therapeutic test of diagnosis.
flore sous-marines. Ann Dermatol Venereol 2004;131:397-404. Int J Dermatol 2005;44:121-4.
[50] Nguyen JC, Murphy ME, Nutman TB, Neafie RC, Maturo S, Burke DS, [80] Blank S, Schillinger JA, Harbatkin D. Lymphogranuloma venereum in
et al. Cutaneous onchocerciasis in an american traveller. Int J Dermatol the industrialised world. Lancet 2005;365:1607-8.
2005;44:125-8. [81] Bouassida S, Khemakhem M, Turki H, Boudaya S, Ayadi A, Zahaf A.
[51] Burnham G. Onchocerciasis. Lancet 1998;351:1341-6. Pityriasis versicolor de l’adulte : localisation particulière. Ann
[52] Hopkins DR, Ruiz-Tiben E, Downs P, Withers PC, Maguire JH. Dermatol Venereol 2002;129:904-7.
Dracunculiasis eradication: the final inch. Am J Trop Med Hyg 2005; [82] Elewski BE. Tinea capitis: a current perspective. J Am Acad Dermatol
73:669-75. 2000;42:1-20.
[53] Davis-Reed L, Theis JH. Cutaneous schistosomiasis: report of a case [83] Contet-Audonneau N, Grosjean P, Razanakolona LR, Andriant-
and review of the literature. J Am Acad Dermatol 2000;42:678-80. sinjovina T, Rapelanoro R. Les teignes à Madagascar : enquête dans
[54] Nawa Y, Hatz C, Blum J. Sushi delights and parasites: the risk, of une école d’Antsirabé. Ann Dermatol Venereol 2006;133:22-5.
fishborne and foodborne parasitic zoonoses in Asia. Clin Infect Dis [84] Belloeuf L, Boisseau-GarsaudAM, Saint-Cyr I, Desbois N, Hélénon R,
2005;41:1297-303. Quénéhéhrvé C, et al. Onychomycoses à Scytalidium en Martinique.
[55] Clément-Rigolet MC, Danis M, Caumes E. La gnathostomose, une Ann Dermatol Venereol 2004;131:245-9.
maladie exotique de plus en plus souvent importée dans les pays occi- [85] Youker SR, Andreozzi RJ, Appelbaum PC, Credito K, Miller JJ. White
dentaux. Presse Med 2004;33:1527-32. piedra: further evidence of a synergistic infection. J Am Acad Dermatol
[56] MenardA, Dos Santos G, Dekumyoy P, Ranque S, Delmont J, Danis M, 2003;49:746-9.
et al. Imported cutaneous gnathostomiasis: report of five cases. Trans R [86] Gloster HM, Neal K. Skin cancer in skin of color. J Am Acad Dermatol
Soc Trop Med Hyg 2003;97:200-2. 2006;55:741-60.
[57] Le point sur la lèpre dans le monde 2006. www.who.int/wer. Wkly [87] Swee W, Klontz KC, Lambert LA. A nationwide outbreak of alopecia
Epidemiol Rec 2006;81:309-16. associated with the use of a hair-relaxing formulation. Arch Dermatol
[58] Britton WJ, Lockwood DN. Leprosy. Lancet 2004;363:1209-19. 2000;136:1104-8.
[59] Flageul B. Enquête épidémiologique sur la lèpre en France métropoli- [88] Ross EV, Cooke LM, Timko AL, Overstreet KA, Graham BS,
taine de 1995 à 1998. Ann Dermatol Venereol 2001;128:17-20. Barnette DJ. Treatment of pseudofolliculitis barbae in skin types IV, V,
[60] Muller P, Frédéric M, Salzer B, Strobel M. Lèpre en Guadeloupe : and VI with a long pulsed neodymium:yttrium aluminum garnet laser.
maladie en déclin, délai diagnostique en hausse. Ann Dermatol J Am Acad Dermatol 2002;47:263-70.
Venereol 2003;130:619-21. [89] Gloster HM. The surgical management of extensive cases of acne
[61] Keita S, Faye O, Konare HD, Sow SO, Ndiaye HT. Évaluation de la keloidalis nuchae. Arch Dermatol 2000;136:1376-9.
classification clinique des nouveaux cas de lèpre. Ann Dermatol [90] Mostinckx S, Vanhooteghem O, Richert B, de la Brassinne M. Chéloïde
Venereol 2003;130:184-6. et cicatrice hypertrophique. Ann Dermatol Venereol 2005;132:384-7.
[62] Keita S, Tiendrebeogo A, Konare H, Cisse BS, Faye O. Nouveaux cas [91] Gahongayire F, Simonart T, Heenen M, Paku M. Étiologie des
de lèpre à l’institut Marchoux (Bamako, Mali). Ann Dermatol Venereol chéloïdes à Kinshasa (République démocratique du Congo) : étude
2001;128:217-9. rétrospective chez 768 malades. Ann Dermatol Venereol 2002;129:
[63] Moschella SL. An update on the diagnosis and treatment of leprosy. 1174-8.
J Am Acad Dermatol 2004;51:417-26. [92] Niamba PA. Scarifications au Burkina Faso. Significations, pratiques et
[64] Alcaïs A, Van Thuc N, Hong Thai V, Abel L. La génétique devenir. Ann Dermatol Venereol 2002;129:373-4.
[93] Clyti E, Strobel M, Pradinaud R. « Kokoti » : un rituel en voie d’extinc-
épidémiologique identifie une nouvelle voie de réponse au bacille de la
tion chez les noirs marrons de Guyane française. Ann Dermatol
lèpre. Ann Dermatol Venereol 2005;132:45-7.
Venereol 2002;129:165-6.
[65] El Darouti MA, Hussein S, Marzouk S, Nabil N, Hunter NS,
[94] Mame Thierno D, On S, Thierno Ndiaye S, Ndiaye B. Syndrome de
Mahgoub D, et al. Histopathological study of apparently normal skin of
Lyell au Sénégal : responsabilité de la thiacétazone. Ann Dermatol
patients with leprosy. Int J Dermatol 2006;45:292-6.
Venereol 2001;128:1305-7.
[66] Sehgal VN, Sardana K. Lepra vaccine: misinterpreted myth. Int
[95] Petit A, Cohen-Ludmann C, Clevenbergh P, Bergmann JF, Dubertret L.
J Dermatol 2006;45:164-7.
Skin lightening and its complications among African people living in
[67] Wansbrough-Jones M, Phillips R. Buruli ulcer: emerging from
Paris. J Am Acad Dermatol 2006;55:873-8.
obscurity. Lancet 2006;367:1849-58.
[96] Kumarasinghe SP, Tan SH, Thng S, Thamboo TP, Liang S, Lee YS.
[68] Prévot G, Marsollier L, Carbonelle B, Pradinaud R, Coupié P, Sainte-
Progressive macular hypomelanosis in Singapore: a clinico-
Marie D, et al. Diagnostic de l’infection à Mycobacterium ulcerans en
pathological study. Int J Dematol 2006;24:737-42.
Guyane française. Presse Med 2004;33:1516.
[97] Enwonwu CO. Noma – the ulcer of extreme poverty. N Engl J Med
[69] Zeegelaar JE, Stroïnk AC, Steketee WH, Faber WR, van der Wal AC, 2006;354:221-4.
Komolafe OO, et al. Etiology and incidence of chronic ulcers in [98] Faye O, Keita M, N’Diaye H-T, Konare H-D, Darie H, Keita S, et al.
Blantyre, Malawi. Int J Dermatol 2006;45:933-6. Noma chez les adultes infectés par le VIH. Ann Dermatol Vénéréol
[70] Farnsworth N, Rosen T. Endemic treponematosis: review and update. 2003;130:199-201.
Clin Dermatol 2006;24:181-90. [99] Garg VK, Agrawal S, Rani S, Joshi A, Agarwalla A, Lal das M, et al.
[71] Hay RJ. Fungal infections. Clin Dermatol 2006;24:201-12. Post kaka-azar dermal leishmaniasis in Nepal. Int J Dematol 2001;40:
[72] Minotto R, Duilo Varejâo Bernardi C, Mallmann LF, Albano 179-84.
Edelweiss MI, Scrofernecker ML. Chromoblastomycosis: a review of [100] Bonifaz A, Archer-Dubon C, Saul A. Tinea imbricata or Tokelau.
100 cases in the state of Rio Grande do Sul, Brazil. J Am Acad Dermatol Int J Dermatol 2004;43:506-10.
2001;44:585-92.
[73] Dieng MT, Sy MH, Diop BM, Niang SO, Ndiaye B. Mycétomes : 130
cas. Ann Dermatol Venereol 2003;130:16-9. Pour en savoir plus
[74] Vezon G, Desbois N, Boisseau-Garsaud AM, Helenon R, Jouannelle A, Canizares O, Harman RRM. Clinical Tropical Dermatology. Boston:
Saint Cyr I, et al. Mycétome à Microsporum canis du cuir chevelu. Ann Blackwell Scientific Publications; 1992 (second edition).
Dermatol Venereol 2000;127:729-31. Tyring SK, Lupi O, Hengge UR. Tropical Dermatology. Philadelphia:
[75] Michel da Rosa AC, Scroferneker ML, Vettorato R, Lopes Gervini R, Elsevier, Churchill Livingstone; 2006.
Vettorato G, Weber A. Epidemiology of sporotrichosis: a study of 304 Gentilini M. Médecine tropicale (2e tirage actualisé 1995, 7e tirage 2005).
cases in Brazil. J Am Acad Dermatol 2005;52:451-9. Paris: Flammarion Médecine Sciences; 2005.
[76] Ye D, Traore A, Ouedraogo Traore R, Ouedraogo S, Barro F, Kam KL, Piérard GE, Caumes E, Franchimont C, Arrese Estrada J. Dermatologie
et al. Impétigo de l’enfant en milieu tropical. Ann Dermatol Venereol tropicale. Bruxelles: Editions de l’Université de Bruxelles; 1993.
2003;130:58 (1Pt1). Hyperéosinophilies. Rev Prat 2000;50:595-638.

Maladies infectieuses 13
8-003-V-20 ¶ Dermatologie tropicale en France métropolitaine

Boussinesq M. Ivermectine. Med Trop 2005;65:69-79. Schmid-Grendelmeier P, Mahé A, Pönnighaus JM, Welsh O, Stingl P,
Genton B, Jacquerioz FA, D’Acremont V. Médecine géographique pour Leppard B. Tropical dermatology. Part I. J Am Acad Dermatol 2002;
le praticien. www.geo-mal.doc. Paris : Médecine & Hygiène; 2004. 46:571-83.
Lupi O, Madkan V, Tyring SK. Tropical dermatology : Bacterial tropical Welsh O, Schmid-Grendelmeier P, Stingl P, Hafner J, Leppard B, Mahé A.
Tropical dermatology. Part II. J Am Acad Dermatol 2002;46:748-63.
diseases. J Am Acad Dermatol 2006;54:559-78.
Dermatologie sur peau noire. Ann Dermatol Venereol 2006;133:849-951
Lupi O, Tyring SK, Mc Ginnis MR. Tropical dermatology : Fungal tropical (Numéro thématique de novembre).
diseases. J Am Acad Dermatol 2005;53:931-51. Darie H. Dermatologie du voyageur. Ann Dermatol Venereol 2002;129:
Lupi O, Tyring SK. Tropical dermatology: Tropical dermatology : Viral tro- 1183-90.
pical diseases. J Am Acad Dermatol 2003;49:979-1000. Sites de l’OMS sur les maladies infectieuses : www.who.int.

I. Bournerias, Attaché-consultant, dermatologue (bourneriasi@wanadoo.fr).


Service maladies infectieuses et service médecine interne, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Service de dermatologie, Hôpital Henri-Mondor, 51, avenue du Maréchal-de-Lattre-de-Tassigny, 94010 Créteil, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bournerias I. Dermatologie tropicale en France métropolitaine. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies
infectieuses, 8-003-V-20, 2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

14 Maladies infectieuses
III - Thérapeutique
Anti-Infectieuse Et Prévention
Des Infections
 8-004-C-10

Carbapénèmes
N. Grall, C. Muller-Serieys

Les carbapénèmes sont des ␤-lactamines qui possèdent une activité in vitro très large, comprenant les
bactéries aérobies et anaérobies à Gram négatif et à Gram positif à l’exclusion des staphylocoques
résistants à la méticilline, d’Enterococcus faecium et de Stenotrophomonas maltophilia. Le spectre
antibactérien de l’ertapénème est plus étroit que celui des trois autres molécules commercialisées en
France (imipénème, méropénème et doripénème), puisqu’il ne comprend pas les bacilles à Gram négatif
(BGN) non fermentant et les entérocoques. Il n’est donc pas adapté au traitement probabiliste des
infections nosocomiales sévères, contrairement aux autres carbapénèmes. La demi-vie d’élimination est
courte (environ une heure) à l’exception de l’ertapénème dont la demi-vie est d’environ quatre heures,
autorisant une seule administration par 24 heures. Les carbapénèmes ont une activité bactéricide plutôt
temps-dépendant et le paramètre pharmacodynamique prédictif de l’efficacité clinique est le temps au-
dessus de la concentration minimale inhibitrice (CMI) de la bactérie à traiter qui doit être supérieur à 40 %.
L’imipénème, contrairement aux trois autres molécules, est dégradé par la déhydropeptidase-1 (DHP-1)
rénale et doit donc être administré avec la cilastatine, inhibiteur de cette enzyme. Ces antibiotiques
sont stables à la plupart des ␤-lactamases y compris les céphalosporinases AmpC et les ␤-lactamases à
spectre étendu (BLSE). La résistance aux carbapénèmes relève de mécanismes divers : modification de la
perméabilité membranaire, mécanismes d’efflux, résistance enzymatique et, plus rarement, modification
des protéines de liaison aux pénicillines (PLP). L’émergence et la diffusion de la résistance enzymatique
des entérobactéries aux carbapénèmes sont très inquiétantes, car elles sont cause potentielle d’impasse
thérapeutique et de surmortalité. Contrairement à d’autres régions du monde, ce phénomène reste
encore heureusement marginal dans les hôpitaux français.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Imipénème ; Méropénème ; Ertapénème ; Doripénème ; Large spectre d’activité ; Résistance

Plan  Introduction
■ Introduction 1 Les carbapénèmes sont, parmi les ␤-lactamines, des antibio-
■ Structure chimique 2 tiques d’importance majeure pour le traitement probabiliste des

infections sévères nosocomiales et communautaires en raison
Mécanisme d’action 2
de leur très large spectre d’activité et de leur grande stabilité à
■ Données pharmacologiques 2 l’égard de nombreuses enzymes hydrolytiques. Leur prescription
Propriétés pharmacocinétiques 2 est en constante augmentation depuis plusieurs années, principa-
Propriétés pharmacodynamiques 2 lement du fait de l’évolution de l’épidémiologie de la résistance
Diffusion tissulaire 3 des bacilles à Gram négatif (BGN), avec une prévalence de plus
■ Microbiologie : spectre antibactérien 3 en plus importante de souches productrices de ␤-lactamases
■ Indications, posologies et modalités d’administration 4 à spectre étendu (BLSE) ou de céphalosporinases de haut
niveau.
■ Tolérance 5 L’imipénème, mis sur le marché en 1985, est le pre-
■ Études cliniques 5 mier représentant de cette classe, puis d’autres produits plus
■ Mécanismes de résistance 5 stables à la déhydropeptidase 1 (DHP-1) ont été dévelop-
Enzymatiques : les carbapénèmases 5 pés : méropénème, ertapénème et plus récemment le doripé-
Association de mécanismes 6 nème.
Modifications de protéines de liaison aux pénicillines 6 L’objectif de cette revue est de faire le point sur les caracté-

ristiques et les indications des quatre molécules disponibles en
Épidémiologie de la résistance 6
France, ainsi que sur les mécanismes et l’épidémiologie actuelle
Au niveau mondial 6
de la résistance aux carbapénèmes.
Au niveau européen 7
En France 7
■ Conclusion 7

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 10 > n◦ 1 > février 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)56441-0
8-004-C-10  Carbapénèmes

HO
H H CH3
HO 1
H 5 O
H H3C 6 2
5 1 CH3
H3C S
6 2 N N
S 7 4 3
N O N
7 4 3 N NH
O H OH H CH3
O
OH A
O B
HO HO
H H CH3 H H CH3
5 1 O 5 1 O O
H3C 6 2 H3C 6 2
S OH S S
N N N N NH2
7 4 3 7 4 3
O N H O N H
O
OH H OH H
O O
C D
Figure 1. Structure chimique des carbapénèmes.
A. Imipénème.
B. Méropénème.
C. Ertapénème.
D. Doripénème.

 Structure chimique  Données pharmacologiques


Les carbapénèmes se caractérisent, à la différence des péni- Propriétés pharmacocinétiques
cillines, par la présence d’un carbone à la place du soufre sur
l’anneau ␤-lactame et d’une liaison C2–C3 insaturée (Fig. 1). Les paramètres pharmacocinétiques de l’imipénème, du méro-
Les atomes d’hydrogène en position trans en C5 et C6 ainsi pénème, du doripénème et de l’ertapénème ont été déterminés
que la chaine hydroxyléthyl en C6 sont responsables de la le plus souvent chez des volontaires sains et sont reportés dans
grande stabilité des carbapénèmes aux ␤-lactamases. Des sub- le Tableau 1. L’ertapénème se différencie des trois autres molé-
stitutions différentes de celles de l’imipénème en position 2 cules par une demi-vie d’élimination longue (temps de demi-vie
pour le méropénème et le doripénème sont responsables de 4 heures versus 1 heure), un volume de distribution très élevé,
leur plus grande activité, exprimée en CMI plus basses. Pour une forte liaison aux protéines plasmatiques et une élimination
l’ertapénème, cette substitution est responsable de sa plus urinaire sous forme inchangée plus faible (moins de 50 % de la
longue demi-vie. L’imipénème est hydrolysé par la DHP-1 rénale dose administrée). Ces données pharmacocinétiques permettent
et doit donc être coadministré avec la cilastatine, inhibiteur l’administration en une seule injection par jour de l’ertapénème.
de cette enzyme. Le groupe ␤-méthyl en C1, présent sur la Tous les carbapénèmes sont éliminés par voie rénale, ce qui
structure chimique du méropénème, de l’ertapénème et du dori- justifie des adaptations de posologie en cas d’insuffisance
pénème, protège ces molécules de l’hydrolyse de la DHP-1 rénale.
rénale [1] . Des études réalisées chez des sujets atteints d’infections sévères
et des patients de réanimation indiquent que ces paramètres
pharmacocinétiques sont très différents de ceux observés chez le
volontaire sain, avec notamment une augmentation du volume
 Mécanisme d’action de distribution, entraînant une diminution des concentrations
plasmatiques [5] . En cas d’insuffisance rénale terminale (clairance
de la créatinine inférieure ou égale à 10 ml/min), la demi-vie
Comme pour toutes les ␤-lactamines, les sites d’action des car- d’élimination atteint quatre heures pour l’imipénème, sept
bapénèmes sont les protéines liant les pénicillines (PLP) ancrées heures pour le méropénème, cinq heures pour le doripénème et
dans la membrane cytoplasmique de la bactérie. Ces protéines 14 heures pour l’ertapénème [2, 5] .
sont des enzymes (glycosyltransférases, transpeptidases et car- Les posologies journalières sont de 2 ou 3 g pour l’imipénème,
boxypeptidases) impliquées dans la synthèse du peptidoglycane, 3 g pour le méropénème, 1,5 g pour le doripénème administrées
élément essentiel de la paroi bactérienne. Les carbapénèmes se en trois ou quatre prises par 24 heures et 1 g pour l’ertapénème en
fixent par une liaison covalente sur les PLP, ce qui entraîne une seule prise journalière, avec une administration uniquement
une inhibition de la synthèse du peptidoglycane et aboutit à parentérale.
un arrêt de la croissance bactérienne. Le nombre et la nature
des pénicillines varient en fonction des espèces bactériennes
et chaque ␤-lactamine a une affinité plus ou moins marquée Propriétés pharmacodynamiques
pour une PLP donnée qui représente la cible essentielle de
l’antibiotique. L’imipénème, le méropénème et l’ertapénème ont L’ensemble des carbapénèmes exerce une activité bactéricide
une affinité très forte pour les PLP2, PLP1a et PLP1b responsables temps-dépendante et leur effet maximal in vitro est atteint pour
de l’activité bactéricide de ces antibiotiques [2] . Le méropénème des concentrations de l’ordre de 2 à 5 × CMI. Cependant, un effet
et l’ertapénème ont également une affinité marquée pour les de type concentration-dépendant est observé pour des concen-
PLP3 [3] . La concentration nécessaire pour saturer les PLP essen- trations supérieures à 4 × CMI. Les carbapénèmes sont donc des
tielles est très faible pour le méropénème et l’ertapénème et antibiotiques à effet mixte, contrairement aux autres ␤-lactamines
cette particularité explique les CMI très basses observées avec dont l’effet est uniquement temps-dépendant [6] . L’index pharma-
ces deux antibiotiques pour Escherichia coli. L’activité bactéricide codynamique le plus prédictif de l’efficacité est le pourcentage du
du doripénème se distingue des trois autres par le fait que la temps pendant lequel la concentration plasmatique de la forme
liaison aux PLP essentielles est spécifique d’espèce : PLP3 chez libre de l’antibiotique est supérieur à la CMI de la bactérie à traiter
Pseudomonas aeruginosa, PLP2 chez E. coli, PLP1, 2 et 4 chez (temps [T] > CMI). Pour une activité bactéricide, le temps supérieur
S. aureus [4] . à la CMI doit atteindre une valeur supérieure ou égale à 40 % [7] .

2 EMC - Maladies infectieuses


Carbapénèmes  8-004-C-10

Tableau 1.
Paramètres pharmacocinétiques des carbapénèmes administrés en intraveineux après une dose unique (d’après [2, 73] ).
Antibiotique Dose (g) Cmax (mg/l) T1/2 (h) ASC (mg/h/l) VD (l/kg) Liaisonprotéique (%) Excrétion inchangée (%)
Imipénème 0,5 30-35 1 42 0,23-0,31 20 60-70
1 60-70 186
Méropénème 0,5 26 1 27-32 0,23-0,35 2 70
1 50-60 67-77
Ertapénème 1 155 3,8 572 8,2 92-95 44
Doripénème 0,5 20 1 44 0,24 9 75

Cmax : concentration au pic ; T1/2 : temps de demi-vie d’élimination ; ASC : aire sous la courbe ; VD : volume de distribution.

La bactériostase est obtenue pour un temps supérieur à la CMI variations interindividuelles très importantes sont rapportées. En
de l’ordre de 20 % [8] . Ces impératifs pharmacodynamiques sont ce qui concerne le liquide céphalorachidien (LCR), seules les
applicables à tous les BGN, y compris les souches productrices de concentrations de méropénème et d’imipénème sont disponibles.
BLSE ou les P. aeruginosa surexprimant les pompes d’efflux [9] . Aux Chez les patients atteints de méningite, elles varient de 0,3 à
posologies usuelles et pour des espèces bactériennes présentant 6,5 mg/ml et de 1,1 à 2,3 mg/ml respectivement après une dose
des CMI basses aux carbapénèmes, les objectifs pharmacodyna- de 1 g [2] .
miques sont atteints dans la grande majorité des cas, y compris
sur des souches de E. coli ou Klebsiella pneumoniae productrices
de BLSE [10] . Cependant, des études réalisées chez des patients de
réanimation montrent que le seuil de 40 % de temps supérieur
 Microbiologie : spectre
à la CMI est insuffisant pour traiter des infections à P. aeruginosa antibactérien
et Acinetobacter spp. et que ce seuil doit dépasser 75 % de temps
supérieur à la CMI [11] . L’augmentation des posologies est néces- Les carbapénèmes possèdent un large spectre d’activité anti-
saire dans toutes les situations où le volume de distribution est bactérienne, comprenant les bactéries à Gram positif et à Gram
augmenté (patients de réanimation ou d’hématologie, patients négatif aérobies et anaérobies.
atteints de mucoviscidose, ou brûlés), afin de limiter l’émergence L’activité in vitro vis-à-vis des bactéries à Gram positif des
de mutants résistants [12] . Des études utilisant des simulations de quatre molécules est rapportée dans le Tableau 2. L’activité de
type Monte Carlo indiquent que l’administration de doses plus l’imipénème, du méropénème et du doripénème est compara-
élevées en perfusion prolongée de 3 heures ou de 4 heures ou avec ble à l’égard des staphylocoques sensibles à la méticilline comme
un rythme des perfusions de quatre fois par jour augmentent l’indiquent les CMI90 basses (moins de 0,12 mg/l). L’ertapénème
la probabilité d’obtenir une bonne corrélation efficacité/temps reste actif, mais présente des CMI90 plus élevées. Les carbapénèmes
à l’égard de P. aeruginosa [13] . Dans un modèle de pneumonie sont tous inactifs sur les souches de staphylocoques résistantes
expérimentale à P. aeruginosa réalisée chez le lapin, le doripé- à la méticilline, et seul l’imipénème conserve une bonne acti-
nème, utilisé à la dose de 0,5 g × 3 par jour, s’est montré aussi vité vis-à-vis d’Enterococcus faecalis. En revanche, Enterococcus
efficace que le méropénème ou l’imipénème à 1 g × 3 pour dimi- faecium est toujours résistant à l’ensemble des carbapénèmes avec
nuer l’inoculum bactérien au niveau pulmonaire. Cependant, des CMI50 supérieures à 8 mg/l. Les streptocoques ␤-hémolytiques
une efficacité basée sur la diminution du compte bactérien dans ainsi que les pneumocoques sont très sensibles à cette classe
la rate des animaux n’est comparable qu’avec une posologie de d’antibiotiques. Les CMI90 sont plus élevées sur les souches de
1 g × 3 de doripénème [14] . Ce travail suggère que, pour traiter une pneumocoques de sensibilité diminuée ou résistantes à la péni-
infection sévère à P. aeruginosa, des doses élevées et administrées cilline, mais l’activité est conservée [2, 34] .
en plusieurs prises doivent être privilégiées. L’administration en Les bactéries intracellulaires (Legionella spp., Chlamydia spp. et
perfusion prolongée se heurte à la stabilité en solution aqueuse mycoplasmes) sont insensibles à l’ensemble des carbapénèmes.
et à température ambiante de ces antibiotiques. En effet, pour Les carbapénèmes sont très actifs à l’égard des différentes
l’imipénème, une dégradation de 10 à 20 % du principe actif est espèces d’entérobactéries avec des CMI90 inférieures ou égales à
observée en moins de trois heures et en moins de cinq heures pour 0,25 mg/l pour le méropénème, l’ertapénème et le doripénème.
le méropénème. Seul le doripénème possède une stabilité suffi- D’une manière générale, les CMI de l’imipénème sont supérieures
sante de 8 à 10 heures, autorisant la perfusion prolongée de quatre d’un facteur 4 à 6 pour l’ensemble des entérobactéries, et les Pro-
heures [15, 16] . teus spp., Serratia spp. et Morganella spp. sont les entérobactéries
Contrairement aux autres ␤-lactamines, les carbapénèmes pré- les moins sensibles à l’imipénème (CMI90 comprises entre 2 et
sentent un effet postantibiotique (EPA) in vitro et in vivo, défini 4 mg/l) (Tableau 3).
par l’absence de croissance bactérienne malgré des concentrations L’activité in vitro des carbapénèmes est conservée à l’égard
inférieures à la CMI de la bactérie. Cet effet est bien docu- des entérobactéries productrices de BLSE ou de céphalospori-
menté pour P. aeruginosa (EPA : 1 à 2 heures), E. coli (EPA : 1 à nases déréprimées, mais les CMI augmentent d’un facteur 2
3 heures), S. aureus (EPA : 1 à 3 heures) et B. fragilis (EPA : 2 à à 3 selon l’espèce bactérienne et l’antibiotique concernés [35] .
4 heures) [7, 17] . L’augmentation des CMI est plus prononcée avec l’ertapénème
sur les souches productrices de céphalosporinases déréprimées et
explique son activité modeste à l’égard d’Enterobacter cloacae et de
Diffusion tissulaire Serratia marcescens [36] .
Les activités in vitro du méropénème, de l’imipénème et du
Les concentrations tissulaires des quatre carbapénèmes ont été doripénème sont comparables à l’égard de P. aeruginosa et de
déterminées dans différents sites correspondant en général aux Acinetobacter spp. En revanche, l’ertapénème n’a aucune activité
indications de l’autorisation de mise sur le marché (AMM). Ces sur ces deux espèces bactériennes. Stenotrophomonas maltophilia
mesures ont été réalisées le plus souvent chez des patients recevant présente une résistance naturelle (CMI90 supérieure à 8 mg/l) à
une antibioprophylaxie peropératoire, des animaux de laboratoire l’ensemble des carbapénèmes par production d’une métallo-␤-
ou, plus rarement, des patients infectés [18–33] . lactamase chromosomique [37] .
L’ensemble de ces études confirme une diffusion adéquate dans Les bactéries anaérobies à Gram positif et à Gram négatif sont
la majorité des tissus avec des concentrations supérieures à la CMI très sensibles aux carbapénèmes à l’exception de Clostridium diffi-
des bactéries sensibles impliquées dans ces infections, mais des cile [2] .

EMC - Maladies infectieuses 3


8-004-C-10  Carbapénèmes

Tableau 2.
Activité comparée des carbapénèmes à l’égard des bactéries à Gram positif in vitro (d’après [2, 34] ).
Bactéries Imipénème Méropénème Ertapénème Doripénème

CMI50 CMI90 CMI50 CMI90 CMI50 CMI90 CMI50 CMI90


S. aureus-MS 0,03 0,03 0,06 0,12 0,25 0,5 0,03 0,06
S. aureus-MR 0,25 a 8a 1a 8a 2a 32 a 0,5 a 8a
SCN-MS ≤ 0,015 0,03 0,06 0,12 0,25 0,5 0,03 0,06
SCN-MR 0,25 a 16 a 2a 16 a 8a > 32 a 1a 8a
S. pyogenes ≤ 0,008 ≤ 0,008 ≤ 0,008 ≤ 0,008 ≤ 0,008 ≤ 0,008 ≤ 0,008 ≤ 0,008
S. agalactiae 0,016 0,016 0,03 0,06 0,03 0,06 0,016 0,016
S. pneumoniae Péni S ≤ 0,015 ≤ 0,015 ≤ 0,015 ≤ 0,015 0,03 0,03 ≤ 0,015 ≤ 0,015

S. pneumoniae Péni I 0,03 0,25 0,06 0,5 0,12 1 0,03 0,5


S. pneumoniae Péni R 0,5 1 1 1 2 2 0,5 1
a a a a a
E. faecalis 1 4 8 16 8 16 4 8a
a a a a a a a
E. faecium >8 >8 > 16 > 16 > 16 > 16 > 16 > 16 a
L. monocytogenes 0,03 0,12 0,12 0,12 0,25 0,5 ND ND

ND : non déterminé.
a
Résistance naturelle.

Tableau 3.
Activité comparée des carbapénèmes à l’égard des bacilles à Gram négatif in vitro (d’après [2, 34, 35, 37] ).
Bactérie Imipénème Méropénème Ertapénème Doripénème
CMI50 CMI90 CMI50 CMI90 CMI50 CMI90 CMI50 CMI90
E. coli 0,25 0,5 0,03 0,06 ≤ 0,015 ≤ 0,015 ≤ 0,015 0,03
K. pneumoniae ≤ 0,5 ≤ 0,5 0,06 0,06 ≤ 0,06 0,25 ≤ 0,06 0,12
P. mirabilis 1 2 ≤ 0,12 ≤ 0,12 ≤ 0,06 ≤ 0,06 0,12 0,25
M. morganiii 2 4 ≤ 0,12 ≤ 0,12 ≤ 0,015 ≤ 0,06 0,25 0,5
E. cloacae ≤ 0,5 1 ≤ 0,12 ≤ 0,12 ≤ 0,06 1 ≤ 0,06 0,12
Citrobacter spp. ≤ 0,5 1 0,06 0,12 ≤ 0,06 0,25 0,03 0,06
S. marcescens 2 4 ≤ 0,12 ≤ 0,12 ≤ 0,06 0,12 0,12 0,25
Salmonella spp. ≤ 0,5 ≤ 0,5 0,03 0,03 ≤ 0,06 ≤ 0,06 0,06 0,06
H. influenzae 0,5 1 0,06 0,25 0,06 0,12 0,03 0,03
M. catarrhalis 0,06 0,12 ≤ 0,008 ≤ 0,008 0,008 0,008 0,016 0,03
a a
P. aeruginosa 2 >8 0,5 >8 >8 >8 0,5 8
Acinetobacter spp. 1 >8 2 >8 4a > 8a 2 >8
a a a a a a a
S. maltophilia >8 >8 >8 >8 >8 >8 >8 > 8a
B. fragilis 0,25 0,5 0,12 0,5 0,25 0,5 0,5 1
a
Résistance naturelle.

 Indications, posologies (limitées aux infections intra- et post-partum pour le méro-


pénème). Le méropénème est le seul à être indiqué dans les
et modalités d’administration méningites bactériennes aiguës, les infections bronchopulmo-
naires en cas de mucoviscidose et les épisodes fébriles du
Les carbapénèmes sont tous des antibiotiques réservés à la pres- patient neutropénique. Concernant l’imipénème, les indications
cription hospitalière. Du fait de leur très large spectre d’activité particulières sont les endocardites et les infections ostéoarticu-
et de leur très grande stabilité vis-à-vis de la quasi-totalité des ␤- laires.
lactamases, ils sont réservés à des situations cliniques particulières. L’ertapénème, dont l’activité sur P. aeruginosa et Acinetobac-
Ils ne sont indiqués que dans les infections suspectées ou prou- ter spp. est trop faible pour un usage clinique et ne doit
vées à BGN multirésistant sans autre alternative thérapeutique. pas être utilisé pour le traitement empirique des infections
Leur usage probabiliste doit être réservé aux infections sévères, nosocomiales. Ses indications, plus restreintes, regroupent les
en particulier nosocomiales, et une réévaluation du traitement en pneumonies communautaires uniquement, les infections intra-
fonction des résultats microbiologiques est indispensable entre la abdominales non compliquées, les infections gynécologiques
48e et la 72e heure. aiguës et les infections de la peau et des tissus mous du pied
Les indications de l’AMM pour l’imipénème, le méropé- chez le diabétique. L’ertapénème est le seul carbapénème avec
nème et le doripénème sont très proches, et regroupent les une indication dans l’AMM en antibioprophylaxie (infections
pneumonies communautaires et nosocomiales et les infections postopératoires en chirurgie colorectale chez l’adulte). Cepen-
compliquées intra-abdominales et urinaires. Seuls l’imipénème dant, l’utilisation des carbapénèmes, « molécules de réserve »,
et le méropénème sont indiqués dans les infections de la est fortement déconseillée en antibioprophylaxie, sauf cas très
peau et des tissus mous et les infections gynécologiques particuliers.

4 EMC - Maladies infectieuses


Carbapénèmes  8-004-C-10

 Tolérance Carbapénèmases de classe A


Il existe des carbapénèmases de classe A de support plasmidique
Les carbapénèmes sont bien tolérés comme l’ensemble des (KPC, GES) et d’autres, rarement décrites, chromosomiques (SME,
␤-lactamines. Les effets secondaires, en général modérés, sont NMC et IMI) [53] .
comparables entre les différentes molécules et font état de Les enzymes de type GES sont initialement des BLSE dont seuls
troubles digestifs, rash cutané, phlébites au point d’injection quelques variants touchent les carbapénèmes. Elles ont été iden-
et céphalées. Une atteinte neurologique (convulsions) est plus tifiées dans le monde entier de façon sporadique ou lors de petites
souvent observée avec l’imipénème, avec une incidence de épidémies [54] .
1,5 à 2 %, liée à une posologie de 4 g/j, une atteinte rénale Les carbapénèmases de classe A les plus fréquentes et les
ou une maladie neurologique préexistante. Chez les patients plus menaçantes, du fait de leur fort pouvoir de dissémina-
traités par le méropénème, l’ertapénème ou le doripénème, tion, sont les KPC. La première KPC a été identifiée en 1996
l’incidence des convulsions est de 0,38, 0,5 et 1,2 % respec- en Caroline du Nord aux États-Unis dans une souche de K.
tivement [38, 39] . Les effets secondaires conduisant à l’arrêt du pneumoniae [55] . Cette découverte fut rapidement suivie par la
traitement représentent 1,4 % des patients traités avec le méro- description de dix autres variants (www.lahey.org/studies). Les
pénème, 1,8 % des patients traités avec l’imipénème et 1,2 % gènes blaKPC ont été retrouvés sur une grande variété de plas-
avec l’ertapénème [2, 40] . En outre, chez les patients allergiques mides, mais toujours associés à un transposon de type Tn3,
aux pénicillines, l’allergie croisée aux carbapénèmes est rare, de Tn4401, ce qui leur a permis de diffuser à travers le monde
l’ordre de 1 % [41] . dans de nombreuses espèces comme K. pneumoniae, Klebsiella
oxytoca, Enterobacter spp., Salmonella spp., et même P. aeruginosa
et Acinetobacter baumannii [56] . Les plasmides portent également
 Études cliniques le plus souvent d’autres gènes de résistance, notamment aux
aminosides, aux fluoroquinolones (gènes qnr) et/ou à d’autres
␤-lactamines (CTX-M15, DHA-1, par exemple), entraînant une
L’imipénème, le méropénème et le doripénème ont été multirésistance de ces souches et offrant la possibilité de cotrans-
évalués dans des essais cliniques comparatifs afin d’établir fert de gènes de résistance [57] . Le spectre d’hydrolyse des KPC
leur efficacité dans le traitement des infections pour les- comprend toutes les ␤-lactamines (pénicillines, céphalosporines,
quelles l’AMM a été délivrée. Dans la majorité des cas, il carbapénèmes et monobactames), et leur activité est partiellement
s’agissait d’études de non-infériorité dont l’objectif était atteint. inhibée par l’acide clavulanique et le tazobactam, ce dernier étant
L’ertapénème s’est montré équivalent à l’association pipéracilline- le plus efficace [58] . En l’absence d’autres mécanismes de résistance
tazobactam pour traiter les infections du pied diabétique [42] . associés, les KPC confèrent un degré de résistance variable aux
L’imipénème et le méropénème ont montré une efficacité carbapénèmes.
clinique et bactériologique équivalente au comparateur pour
traiter les infections intra-abdominales compliquées avec des
doses usuelles de 1,5 et 3 g respectivement [43–46] . Les carba- Carbapénèmases de classe B :
pénèmes font partie des antibiotiques recommandés dans le métallo-␤-lactamases
traitement des infections respiratoires nosocomiales tardives.
Les métallo-␤-lactamases (MBL) ont un large spectre d’activité
Les résultats cliniques et bactériologiques obtenus avec les dif-
et hydrolysent toutes les ␤-lactamines sauf l’aztréonam. Les
férents carbapénèmes étaient similaires au comparateur dans
niveaux de résistance aux carbapénèmes sont assez variables.
les études publiées [46–48] . Le traitement de méningites nosoco-
Leur activité n’est inhibée ni par l’acide clavulanique ni par le
miales à BGN a été évalué avec succès pour le méropénème à
tazobactam, mais par l’éthylène diamine tétraacétique (EDTA),
doses élevées et permet d’envisager son utilisation dans cette
qui chélate les ions zinc présents au niveau du site actif de
indication [49] .
l’enzyme.
Quelques rares études font état de la supériorité du car-
L’isolement de MBL transférables appartenant à plusieurs
bapénème versus une autre ␤-lactamine. Dans une étude
familles (VIM, IMP ou NDM) est de plus en plus fréquent.
multicentrique prospective randomisée en double aveugle réa-
IMP-1 a été isolée pour la première fois au Japon en 1990
lisée chez 411 patients avec une neutropénie fébrile et traités
sur un plasmide conjugatif dans une souche de P. eruginosa, puis
par 1 g × 3 de méropénème ou 2 g × 3 de ceftazidime pendant
a rapidement diffusé chez les entérobactéries et A. baumannii
sept jours, la réponse clinique globale obtenue était signifi-
partout dans le monde [59, 60] . Actuellement, plus d’une tren-
cativement en faveur du groupe traité par méropénème [50] .
taine de variants d’IMP ont été décrits (www.lahey.org/
Une autre étude de phase III réalisée chez des patients de
studies).
réanimation indique que le doripénème était supérieur à
VIM-1 a été isolée pour la première fois en 1997 en Ita-
l’imipénème pour le traitement des pneumonies sous venti-
lie à Vérone dans une souche de P. aeruginosa [61] . La famille
lation mécanique à P. aeruginosa. Ce résultat s’explique en
VIM est également constituée de plus d’une trentaine de
partie par le fait que les souches isolées étaient plus fréquem-
membres (www.lahey.org/studies), retrouvés principalement chez
ment sensibles au doripénème qu’à l’imipénème [51] . Enfin, le
P. aeruginosa, mais aussi chez de nombreuses entérobactéries, en
traitement par méropénème plus tobramycine des épisodes
particulier K. pneumoniae. L’enzyme VIM-2 est la MBL la plus fré-
de surinfections pulmonaires aiguës chez des patients atteints
quemment isolée dans le monde [60] .
de mucoviscidose améliorait la fonction respiratoire de façon
Les gènes des MBL de type VIM ou IMP, de localisation chromo-
significative par rapport à un traitement par ceftazidime plus
somique ou plasmidique, sont habituellement décrits sous forme
tobramycine [52] .
de gènes cassettes au sein d’intégrons. L’association de ces inté-
grons à des structures mobiles (plasmide ou transposon) permet
la mobilité de ces gènes de résistance. La présence d’autres gènes
 Mécanismes de résistance cassettes au sein de l’intégron, comme des gènes de résistance aux
aminosides ou à d’autres ␤-lactamines, confère à ces souches un
Enzymatiques : les carbapénèmases important degré de multirésistance.
Récemment, une nouvelle MBL transférable, NDM-1, a été
Les carbapénèmases, retrouvées au sein des classes A, B et D décrite en Inde et au Pakistan chez les entérobactéries (E. coli et
d’Ambler, constituent une famille très composite, définie sur la K. pneumoniae principalement), puis dans la plupart des régions
base d’un spectre enzymatique (hydrolyse d’au moins un carba- du monde [62–64] . NDM-1 a également été récemment décrite chez
pénème). Les vecteurs de la diffusion des carbapénèmases peuvent A. baumannii en Inde [65] et chez P. aeruginosa en Serbie [66] . Le
être soit les souches, soit les gènes eux-mêmes, dont la plupart ont gène blaNDM-1 a été retrouvé sur une grande variété de plasmides,
été isolés sur des structures génétiques mobiles, leur conférant un mais également inséré sur le chromosome bactérien dans quelques
important pouvoir de dissémination. cas [63] .

EMC - Maladies infectieuses 5


8-004-C-10  Carbapénèmes

Carbapénèmases de classe D : oxacillinases Modifications de protéines de liaison


Les oxacillinases sont des pénicillinases dont le spectre s’est aux pénicillines
élargi dans certains cas aux céphalosporines de troisième généra-
tion (C3G) et dans d’autres cas aux carbapénèmes. La première Chez les bactéries à Gram positif, les modifications de PLP et/ou
carbapénèmase de type OXA, OXA-23, a été décrite en 1993 l’acquisition de nouvelles PLP sont les mécanismes principaux de
dans une souche d’A. baumannii multirésistant isolée en 1985 en résistance aux carbapénèmes [77] .
Écosse [67] . Chez les entérobactéries, de rares souches de Proteus mirabilis
Il existe neuf sous-groupes de carbapénèmases de classe D, résistantes à l’imipénème et au mécillinam ont été observées suite
basés sur l’homologie des séquences protéiques (OXA-23, OXA- à une perte d’affinité de la PLP2 et à une diminution de la quantité
51, OXA-24, OXA-58, OXA-48, OXA-55, OXA-50, OXA-62 et de PLP1a [78] .
OXA-60), mais leur spectre d’activité est assez proche : hydro-
lyse des aminopénicillines, des carboxypénicillines, partiellement
de l’imipénème malgré une grande affinité de l’enzyme pour ce
substrat, et hydrolyse quasi-inexistante des céphalosporines. Leur
 Épidémiologie de la résistance
activité n’est pas inhibée par l’acide clavulanique ou le tazo- Comme pour toutes les ␤-lactamines mises sur le marché, des
bactam. En l’absence d’autres mécanismes de résistance (autres souches résistantes aux carbapénèmes sont rapidement apparues.
␤-lactamases de type BLSE ou céphalosporinase plasmidique, perte Cette résistance avait été décrite depuis longtemps chez Enterobac-
de porines ou pompes à efflux), elles n’entraînent qu’une légère ter spp., espèce plus spécifiquement nosocomiale, surexprimant
diminution de la sensibilité aux carbapénèmes [68] . une ␤-lactamase de type céphalosporinase associée à l’acquisition
Le groupe OXA-48, décrit pour la première fois en Turquie chez d’une imperméabilité aux ␤-lactamines. Toutefois, le phénomène
K. pneumoniae [69] , n’a été retrouvé que chez les entérobactéries, restait assez marginal et relativement peu inquiétant, car il ne
contrairement aux autres carbapénèmases de type OXA, principa- s’agissait que de mécanismes de résistance non transmissibles. La
lement retrouvées chez Acinetobacter spp. nouveauté est la description de plus en plus fréquente de souches
Parmi les gènes de carbapénèmases de type OXA, seuls les gènes résistantes aux carbapénèmes par acquisition de carbapénèmases.
blaOXA-23 , blaOXA-40 et blaOXA-58 chez A. baumannii et blaOXA-48 chez Ce dernier phénomène, supporté par des structures génétiques
les entérobactéries sont de support plasmidique et présentent un mobiles donc transmissibles entre souches, est ainsi bien plus
important potentiel de dissémination [68] . inquiétant et ce d’autant que les infections à de telles souches
entraînent des situations d’impasse thérapeutique et sont direc-
tement responsables d’une surmortalité [79, 80] . En effet, seule la
Association de mécanismes colistine ou la tigécycline constituent une alternative thérapeu-
tique, mais leur activité est inconstante [64, 81] . De plus, le répertoire
Contrairement à A. baumannii, chez les entérobactéries et des carbapénèmases acquises est devenu de plus en plus complexe
P. aeruginosa, la résistance aux carbapénèmes est majoritairement (MBL, sérine-carbapénèmases de classe A, oxacillinases de classe
due à des associations de mécanismes de résistance. D), et certaines ont diffusé à une vitesse alarmante dans certaines
régions, où elles ont atteint de hauts niveaux d’endémicité [82] .
Céphalosporinases et/ou ␤-lactamases à spectre
étendu et altération de porines chez les Au niveau mondial
entérobactéries
La diffusion actuelle à travers le monde des KPC, retrouvées
Les souches hyperproductrices de céphalosporinase et/ou pro- majoritairement chez K. pneumoniae, est préoccupante [57] . Depuis
ductrices de BLSE restent sensibles aux carbapénèmes, mais la découverte de KPC-1/2, leur incidence n’a cessé d’augmenter,
les CMI sont augmentées. Lorsqu’une altération des porines par notamment aux États-Unis, en particulier dans l’état de New-York,
mutation est associée (modification structurale d’une porine en Grèce et en Israël [57, 83] . Dans la région de New-York, les souches
essentielle ou plus fréquemment diminution quantitative des productrices de KPC sont passées de 3,3 % à 38 % des souches de
porines), ces souches peuvent alors devenir intermédiaires ou K. pneumoniae entre 2003 et 2006 [83, 84] . La première épidémie de
résistantes aux carbapénèmes [70, 71] . Ce mécanisme de résistance K. pneumoniae productrices de KPC en dehors des Éats-Unis a
aux carbapénèmes est le plus fréquent chez les entérobactéries. été décrite en Israël, où la situation semble maintenant endé-
mique [57] . Dans le reste du monde, comme en Chine ou en
Amérique du Sud, les enzymes KPC sont de plus en plus rappor-
Perte de la porine D2 chez P. aeruginosa
tées [85, 86] .
La résistance aux carbapénèmes chez P. aeruginosa est principa- L’enzyme OXA-48 est la carbapénèmase de classe D la plus
lement due à la réduction de la perméabilité par perte de la porine fréquemment observée chez les entérobactéries. Des souches de
OprD, voie préférentielle de pénétration des carbapénèmes dans K. pneumoniae productrices d’OXA-48 ont surtout été décrites en
la bactérie. Cette perte de porine entraîne une augmentation de Turquie, où elles ont diffusé dans de nombreux hôpitaux [69] . La
la CMI, rendant la souche intermédiaire ou résistante aux carba- prévalence semble élevée dans d’autres pays du pourtour méditer-
pénèmes. Lorsqu’elle s’accompagne de l’hyperproduction de la ranéen (Liban, Tunisie, Maroc, Israël, Égypte, France) et des cas ont
céphalosporinase AmpC, ou de l’hyperexpression du mécanisme également été rapportés au Royaume-Uni, en Belgique, en Inde et
d’efflux mexAB-oprM, les CMI peuvent être encore plus élevées [72] . en Argentine [87] .
La résistance est généralement croisée entre les molécules, mais il Par ailleurs, les entérobactéries productrices de NDM-1, princi-
convient de le vérifier au cas par cas car des souches résistantes à palement des K. pneumoniae et des E. coli, diffusent largement en
une molécule peuvent s’avérer sensibles à une autre en fonction Inde et au Pakistan [63, 88] . Elles ont également été isolées en Europe
des mécanismes de résistances en cause [73] . (Royaume-Uni, Belgique, Hollande, Suède, Autriche, France), aux
États-Unis, au Canada, en Australie, au Moyen-Orient, en Asie et
en Afrique chez des patients ayant été hospitalisés pour la plupart
Chez A. baumannii dans le sous-continent indien [63, 89, 90] . Il est très probable que ce
Chez A. baumanni, la résistance aux carbapénèmes corres- gène de résistance, retrouvé chez E. coli, ait déjà diffusé dans la
pond le plus souvent à un mécanisme enzymatique (acquisition communauté.
de carbapénèmases ou hyperexpression de l’OXA-51 chro- Chez P. aeruginosa, les MBL sont les carbapénèmases les plus
mosomique) [74] , mais des mécanismes non enzymatiques ont répandues. La plus fréquente, VIM-2, a été décrite dans des isolats
également été décrits, comme la perte ou la modification de cliniques de nombreux pays [91, 92] . Au Canada, 43 % des souches
porine, ou la surexpression du système d’efflux AdeABC, en parti- cliniques de P. aeruginosa résistants à l’imipénème produisaient
culier en association à d’autres mécanismes [75, 76] . une VIM en 2005 [93] . Au Japon, les carbapénèmases de type IMP

6 EMC - Maladies infectieuses


Carbapénèmes  8-004-C-10

restent les MBL les plus fréquentes [54] . En effet, deux études à Ainsi, 211 épisodes impliquant des entérobactéries productrices
grande échelle de souches cliniques isolées en 1994 et 2002 ont de carbapénèmases ont été déclarés à l’Institut national de veille
montré que 0,4 à 1,9 % des P. aeruginosa étaient porteurs d’une sanitaire (InVS) au 18 mai 2012, dont 10 en 2009, 28 en 2010, 111
carbapénèmase et qu’il s’agissait dans presque tous les cas de en 2011 et 53 sur les cinq premiers mois de 2012. Les bactéries
l’enzyme IMP-1 [94, 95] . en cause étaient majoritairement des K. pneumoniae (57 %) et les
Jusqu’en 2000, la résistance aux carbapénèmes restait rare chez enzymes identifiées étaient principalement OXA-48 (58 %), KPC
A. baumannii, alors que la résistance aux autres antibiotiques (18 %), NDM-1 (12 %) et VIM (9 %). Dans 69 % des épisodes, un
était très répandue. Les études de surveillance épidémiologique lien avec un séjour à l’étranger a été retrouvé (rapatriement sani-
indiquent que les isolats d’A. baumannii résistants aux carba- taire, hospitalisation pendant un séjour à l’étranger ou voyage)
pénèmes ont augmenté brutalement au cours des dix dernières (www.invs.sante.fr au 18 juillet 2012).
années à travers le monde en raison de la diffusion de souches La présence des carbapénèmases reste sporadique chez P. aerugi-
productrices de carbapénèmases de classe D [81, 96] . Ainsi, aux États- nosa et ne semble pas modifier les taux globaux de résistance. Deux
Unis, les données du National Nosocomial Infection Surveillance études multicentriques françaises ont observé que seulement 0,2
System ont montré une augmentation significative des souches à 0,5 % des souches isolées étaient productrices d’une carbapénè-
d’Acinetobacter spp. résistantes à l’imipénème de 0 à 20 % entre mase, de type VIM-2 dans la quasi-totalité des cas [103, 104] . Selon
1986 et 2003 [97] , et une étude plus récente montrait que 39,8 % le réseau EARSS, la résistance aux carbapénèmes chez les souches
des souches étaient résistantes à l’imipénème en 2005 [98] . Des de P. aeruginosa isolées de prélèvements invasifs est relativement
taux de résistance à l’imipénème de près de 30 % sont rappor- stable en France, oscillant entre 12,2 % en 2006 et 17,8 % en 2010.
tés en Amérique Latine, en Afrique ou en Asie [97, 99] et de 40 % en
Europe [100] . De nombreuses épidémies à A. baumannii résistants
aux carbapénèmes ont été décrites dans des hôpitaux du monde  Conclusion
entier [96] .
Les carbapénèmes sont des molécules à très large spectre et très
bien tolérées. Elles sont donc précieuses, en particulier pour le
Au niveau européen traitement probabiliste des infections nosocomiales graves ou le
Globalement en Europe, en dehors de la Grèce, la description traitement des infections documentées à BGN résistants aux C3G.
de bactéries productrices de carbapénèmases reste inhabituelle, et L’émergence de la résistance aux carbapénèmes par production
les cas décrits sont souvent sporadiques et importés. de carbapénèmases transmissibles, encore rare en France, mais
Selon le réseau European Antimicrobial Resistance Surveillance endémique dans d’autres régions du globe, est un phénomène
System (EARSS), la résistance aux carbapénèmes des souches de K. très inquiétant, car responsable de véritables situations d’impasse
pneumoniae isolées de prélèvements invasifs présente une grande thérapeutique. Il convient donc, pour préserver leur efficacité,
disparité entre les pays. Dans le nord de l’Europe, la prévalence de respecter strictement les recommandations de prescription des
reste très faible, alors que le sud de l’Europe est beaucoup plus carbapénèmes dans le cadre plus général du bon usage des antibio-
touché. tiques. D’autant qu’à notre connaissance, aucune autre molécule
En Grèce en particulier, le taux de souches résistantes était n’est, à l’heure actuelle, à un stade de développement suffisam-
de 27,8 % dès le début de la surveillance en 2005, et n’a cessé ment avancé pour répondre à ce vide dans l’arsenal thérapeutique
d’augmenter pour atteindre 49,1 % en 2010, surtout en raison de des années à venir.
la diffusion de deux types d’enzymes, KPC et VIM [82, 101] et de
l’absence de mise en place de mesures de dépistage et d’isolement
adéquates. Au contraire, la politique active de dépistage et  Références
d’isolement des patients porteurs d’entérobactéries productrices
de carbapénèmases, mise en place au niveau national en Israël, a [1] Fukasawa M, Sumita Y, Harabe ET, Tanio T, Nouda H, Kohzuki T,
permis de contenir l’épidémie de K. pneumoniae productrices de et al. Stability of meropenem and effect of 1 beta-methyl substitution
KPC [102] . on its stability in the presence of renal dehydropeptidase I. Antimicrob
L’exemple du Royaume-Uni est également représentatif de Agents Chemother 1992;36:1577–9.
l’émergence des carbapénèmases : jusqu’en décembre 2007, le [2] Zhanel GG, Wiebe R, Dilay L, Thomson K, Rubinstein E,
UK Antibiotic Resistance Monitoring and Reference Laboratory Hoban DJ, et al. Comparative review of the carbapenems. Drugs
(ARMRL) avait reçu huit souches cliniques d’entérobactéries pro- 2007;67:1027–52.
ductrices de carbapénèmases, contre plus du double pour la seule [3] Sumita Y, Fukasawa M, Okuda T. Comparison of two carbapenems,
année 2008, avec 21 souches [81] . Les carbapénèmases retrouvées SM-7338 and imipenem: affinities for penicillin-binding proteins and
morphological changes. J Antibiot 1990;43:314–20.
étaient principalement des KPC, OXA-48, NDM-1 et VIM.
[4] Jones RN, Huynh HK, Biedenbach DJ. Activities of doripenem
La situation est encore plus préoccupante chez les BGN aérobies
(S-4661) against drug-resistant clinical pathogens. Antimicrob Agents
stricts : en 2006, dans le réseau Meropenem Yearly Susceptibi- Chemother 2004;48:3136–40.
lity Test Information Collection (MYSTIC) regroupant 40 centres [5] Belzberg H, Zhu J, Cornwell 3rd EE, Murray JA, Sava J, Salim A,
européens, la résistance à l’imipénème et au méropénème concer- et al. Imipenem levels are not predictable in the critically ill patient. J
nait respectivement 24,6 et 18 % des souches de P. aeruginosa Trauma 2004;56:111–7.
et 40,4 et 35 % des souches de A. baumannii [100] . Cependant, [6] Gauzit R, Gutmann L, Brun-Buisson C, Jarlier V, Fantin B. Recomman-
ces pourcentages de résistance incluent des mécanismes autres dations de bon usage des carbapénèmes. Antibiotiques 2010;12:183–9.
que la production de carbapénèmases, comme les mécanismes [7] Mouton JW, Touzw DJ, Horrevorts AM, Vinks AA. Comparative
d’imperméabilité ou d’efflux. Selon l’EARSS, une importante dis- pharmacokinetics of the carbapenems: clinical implications. Clin Phar-
parité existe entre les pays européens avec un gradient Nord-Sud : macokinet 2000;39:185–201.
en 2010, 43,1 % des souches de P. aeruginosa isolées de prélève- [8] Nix DE, Majumdar AK, DiNubile MJ. Pharmacokinetics and phar-
ments invasifs étaient résistants en Grèce contre 2,7 % seulement macodynamics of ertapenem: an overview for clinicians. J Antimicrob
aux Pays-Bas. Chemother 2004;53(Suppl. 2):ii23–8.
[9] Nicolau DP. Pharmacokinetic and pharmacodynamic properties of
meropenem. Clin Infect Dis 2008;47(Suppl. 1):S32–40.
En France [10] DeRyke CA, Banevicius MA, Fan HW, Nicolau DP. Bactericidal
activities of meropenem and ertapenem against extended-spectrum-
En France, la résistance aux carbapénèmes restes un phéno- beta-lactamase-producing Escherichia coli and Klebsiella pneumoniae
mène marginal. En effet, d’après les données de l’EARSS, seules in a neutropenic mouse thigh model. Antimicrob Agents Chemother
0,1 % des souches de K. pneumoniae isolées de prélèvements inva- 2007;51:1481–6.
sifs étaient résistantes aux carbapénèmes en 2010 et aucune [11] Kitzes-Cohen R, Farin D, Piva G, De Myttenaere-Bursztein SA. Phar-
souche de E. coli. Mais l’évolution de la situation est inquiétante, macokinetics and pharmacodynamics of meropenem in critically ill
avec une augmentation croissante du nombre de souches isolées. patients. Int J Antimicrob Agents 2002;19:105–10.

EMC - Maladies infectieuses 7


8-004-C-10  Carbapénèmes

[12] Roberts JA, Lipman J. Pharmacokinetic issues for antibiotics in the [34] Pillar CM, Torres MK, Brown NP, Shah D, Sahm DF. In vitro activity
critically ill patient. Crit Care Med 2009;37:840–51, quiz 59. of doripenem, a carbapenem for the treatment of challenging infections
[13] Roberts JA, Kwa A, Montakantikul P, Gomersall C, Kuti JL, Nico- caused by gram-negative bacteria, against recent clinical isolates from
lau DP. Pharmacodynamic profiling of intravenous antibiotics against the United States. Antimicrob Agents Chemother 2008;52:4388–99.
prevalent Gram-negative organisms across the globe: the PASSPORT [35] Mendes RE, Rhomberg PR, Bell JM, Turnidge JD, Sader HS. Doripe-
Program-Asia-Pacific Region. Int J Antimicrob Agents 2011;37: nem activity tested against a global collection of Enterobacteriaceae,
225–9. including isolates resistant to other extended-spectrum agents. Diagn
[14] Bretonniere C, Jacqueline C, Caillon J, Guitton C, Le Mabecque Microbiol Infect Dis 2009;63:415–25.
V, Miegeville AF, et al. Efficacy of doripenem in the treat- [36] Jones RN, Sader HS, Fritsche TR. Comparative activity of doripenem
ment of Pseudomonas aeruginosa experimental pneumonia versus and three other carbapenems tested against Gram-negative bacilli with
imipenem and meropenem. J Antimicrob Chemother 2010;65: various beta-lactamase resistance mechanisms. Diagn Microbiol Infect
2423–7. Dis 2005;52:71–4.
[15] Nicolau DP. Carbapenems: a potent class of antibiotics. Expert Opin [37] Castanheira M, Jones RN, Livermore DM. Antimicrobial activities of
Pharmacother 2008;9:23–37. doripenem and other carbapenems against Pseudomonas aeruginosa,
[16] Berthoin K, Le Duff CS, Marchand-Brynaert J, Carryn S, Tulkens other nonfermentative bacilli, and Aeromonas spp. Diagn Microbiol
PM. Stability of meropenem and doripenem solutions for adminis- Infect Dis 2009;63:426–33.
tration by continuous infusion. J Antimicrob Chemother 2010;65: [38] Norrby SR, Newell PA, Faulkner KL, Lesky W. Safety profile of mero-
1073–5. penem: international clinical experience based on the first 3125 patients
[17] Renneberg J, Walder M. Postantibiotic effects of imipenem, norfloxa- treated with meropenem. J Antimicrob Chemother 1995;36(Suppl.
cin, and amikacin in vitro and in vivo. Antimicrob Agents Chemother A):207–23.
1989;33:1714–20. [39] Zhanel GG, Ketter N, Rubinstein E, Friedland I, Redman R. Overview
[18] Wise R, Donovan IA, Lockley MR, Drumm J, Andrews JM. The of seizure-inducing potential of doripenem. Drug Saf 2009;32:709–16.
pharmacokinetics and tissue penetration of imipenem. J Antimicrob [40] Teppler H, Gesser RM, Friedland IR, Woods GL, Meibohm A, Herman
Chemother 1986;18(Suppl. E):93–101. G, et al. Safety and tolerability of ertapenem. J Antimicrob Chemother
[19] Byl B, Jacobs F, Roucloux I, de Franquen P, Cappello M, Thys JP. Pene- 2004;53(Suppl. 2):ii75–81.
tration of meropenem in lung, bronchial mucosa, and pleural tissues. [41] Romano A, Viola M, Gueant-Rodriguez RM, Gaeta F, Pettinato R,
Antimicrob Agents Chemother 1999;43:681–2. Gueant JL. Imipenem in patients with immediate hypersensitivity to
[20] Burkhardt O, Majcher-Peszynska J, Borner K, Mundkowski R, Dre- penicillins. N Engl J Med 2006;354:2835–7.
welow B, Derendorf H, et al. Penetration of ertapenem into different [42] Lipsky BA, Armstrong DG, Citron DM, Tice AD, Morgenstern DE,
pulmonary compartments of patients undergoing lung surgery. J Clin Abramson MA. Ertapenem versus piperacillin/tazobactam for diabe-
Pharmacol 2005;45:659–65. tic foot infections (SIDESTEP): prospective, randomised, controlled,
[21] Hori T, Nakano M, Kimura Y, Murakami K. Pharmacokinetics and double-blinded, multicentre trial. Lancet 2005;366:1695–703.
tissue penetration of a new carbapenem, doripenem, intravenously [43] Barie PS, Vogel SB, Dellinger EP, Rotstein OD, Solomkin JS, Yang
administered to laboratory animals. In Vivo 2006;20:91–6. JY, et al. A randomized, double-blind clinical trial comparing cefe-
[22] Wittau M, Wagner E, Kaever V, Koal T, Henne-Bruns D, Isenmann pime plus metronidazole with imipenem-cilastatin in the treatment
R. Intraabdominal tissue concentration of ertapenem. J Antimicrob of complicated intra-abdominal infections. Cefepime Intra-abdominal
Chemother 2006;57:312–6. Infection Study Group. Arch Surg 1997;132:1294–302.
[23] Ikawa K, Morikawa N, Urakawa N, Ikeda K, Ohge H, Sueda T. [44] Mehtar S, Dewar EP, Leaper DJ, Taylor EW. A multi-centre study to
Peritoneal penetration of doripenem after intravenous administra- compare meropenem and cefotaxime and metronidazole in the treat-
tion in abdominal-surgery patients. J Antimicrob Chemother 2007;60: ment of hospitalized patients with serious infections. J Antimicrob
1395–7. Chemother 1997;39:631–8.
[24] Boselli E, Breilh D, Djabarouti S, Bel JC, Saux MC, Allaouchiche B. [45] Wilson SE. Results of a randomized, multicenter trial of meropenem
Diffusion of ertapenem into bone and synovial tissues. J Antimicrob versus clindamycin/tobramycin for the treatment of intra-abdominal
Chemother 2007;60:893–6. infections. Clin Infect Dis 1997;24(Suppl. 2):S197–206.
[25] Benoni G, Cuzzolin L, Bertrand C, Pucchetti V, Velo G. Penetration [46] Jaccard C, Troillet N, Harbarth S, Zanetti G, Aymon D, Schneider
of imipenem-cilastatin into the lung tissue and pericardial fluid of R, et al. Prospective randomized comparison of imipenem-cilastatin
thoracotomized patients. Chemioterapia 1987;6:259–60. and piperacillin-tazobactam in nosocomial pneumonia or peritonitis.
[26] MacGregor RR, Gibson GA, Bland JA. Imipenem pharmacokinetics Antimicrob Agents Chemother 1998;42:2966–72.
and body fluid concentrations in patients receiving high-dose treatment [47] Norrby SR, Finch RG, Glauser M. Monotherapy in serious
for serious infections. Antimicrob Agents Chemother 1986;29:188–92. hospital-acquired infections: a clinical trial of ceftazidime versus imi-
[27] Schauersberger J, Amon M, Wedrich A, Nepp J, El Menyawi I, Der- penem/cilastatin. European Study Group. J Antimicrob Chemother
bolav A, et al. Penetration and decay of meropenem into the human 1993;31:927–37.
aqueous humor and vitreous. J Ocul Pharmacol Ther 1999;15:439–45. [48] Alvarez Lerma F. Efficacy of meropenem as monotherapy in
[28] Axelrod JL, Newton JC, Klein RM, Bergen RL, Sheikh MZ. Pene- the treatment of ventilator-associated pneumonia. J Chemother
tration of imipenem into human aqueous and vitreous humor. Am J 2001;13:70–81.
Ophthalmol 1987;104:649–53. [49] Nicasio AM, Quintiliani Jr R, DeRyke CA, Kuti JL, Nicolau DP. Treat-
[29] Semoun O, Marchand S, Grégoire N, Lamarche I, Adier C, Laroche ment of Serratia marcescens meningitis with prolonged infusion of
L, et al. Modeling approach to characterize intraocular doripenem meropenem. Ann Pharmacother 2007;41:1077–81.
pharmacokinetics after intravenous administration to rabbits, with [50] Feld R, DePauw B, Berman S, Keating A, Ho W. Meropenem versus
tentative extrapolation to humans. Antimicrob Agents Chemother ceftazidime in the treatment of cancer patients with febrile neutropenia:
2012;56:3531–4. a randomized, double-blind trial. J Clin Oncol 2000;18:3690–8.
[30] Yamada Y, Ikawa K, Nakamura K, Mitsui K, Narushima M, Hibi H, [51] Chastre J, Wunderink R, Prokocimer P, Lee M, Kaniga K, Friedland I.
et al. Penetration of doripenem into prostatic tissue following intrave- Efficacy and safety of intravenous infusion of doripenem versus imi-
nous administration in prostatectomy patients. Int J Antimicrob Agents penem in ventilator-associated pneumonia: a multicenter, randomized
2010;35:504–6. study. Crit Care Med 2008;36:1089–96.
[31] Yamada Y, Ikawa K, Nakamura K, Mitsui K, Narushima M, Hibi H, [52] Blumer JL, Saiman L, Konstan MW, Melnick D. The efficacy and
et al. Prostatic penetration of meropenem after intravenous adminis- safety of meropenem and tobramycin vs ceftazidime and tobramycin
tration in patients undergoing transurethral resection of the prostate. J in the treatment of acute pulmonary exacerbations in patients with
Chemother 2011;23:179–80. cystic fibrosis. Chest 2005;128:2336–46.
[32] Naber KG, Adam D, Bauernfeind A, Honig E. Imipenem/Cilastatin: In [53] Walther-Rasmussen J, Hoiby N, Class A. carbapenemases. J Antimi-
vitro-Aktivitat, Konzentrationen in Plasma und Prostataadenom sowie crob Chemother 2007;60:470–82.
Therapieergebnisse bei Patienten mit komplizierten Harnwegsinfek- [54] Queenan AM, Bush K. Carbapenemases: the versatile beta-lactamases.
tionen. Infection 1986;14(Suppl. 2):S122–9. Clin Microbiol Rev 2007;20:440–58.
[33] Condon RE, Walker AP, Hanna CB, Greenberg RN, Broom A, Pit- [55] Yigit H, Queenan AM, Anderson GJ, Domenech-Sanchez A, Biddle
kin D. Penetration of meropenem in plasma and abdominal tissues JW, Steward CD, et al. Novel carbapenem-hydrolyzing beta-lactamase,
from patients undergoing intraabdominal surgery. Clin Infect Dis KPC-1, from a carbapenem-resistant strain of Klebsiella pneumoniae.
1997;24(Suppl. 2):S181–3. Antimicrob Agents Chemother 2001;45:1151–61.

8 EMC - Maladies infectieuses


Carbapénèmes  8-004-C-10

[56] Cuzon G, Naas T, Truong H, Villegas MV, Wisell KT, Carmeli Y, [78] Neuwirth C, Siebor E, Duez JM, Pechinot A, Kazmierczak A. Imi-
et al. Worldwide diversity of Klebsiella pneumoniae that produce beta- penem resistance in clinical isolates of Proteus mirabilis associated
lactamase blaKPC-2 gene. Emerg Infect Dis 2010;16:1349–56. with alterations in penicillin-binding proteins. J Antimicrob Chemother
[57] Nordmann P, Cuzon G, Naas T. The real threat of Klebsiella 1995;36:335–42.
pneumoniae carbapenemase-producing bacteria. Lancet Infect Dis [79] Schwaber MJ, Klarfeld-Lidji S, Navon-Venezia S, Schwartz D, Leavitt
2009;9:228–36. A, Carmeli Y. Predictors of carbapenem-resistant Klebsiella pneumo-
[58] Cuzon G, Naas T, Nordmann P. KPC carbapenemases: what is at stake niae acquisition among hospitalized adults and effect of acquisition on
in clinical microbiology? Pathol Biol 2010;58:39–45. mortality. Antimicrob Agents Chemother 2008;52:1028–33.
[59] Watanabe M, Iyobe S, Inoue M, Mitsuhashi S. Transferable imipenem [80] Laupland KB, Parkins MD, Church DL, Gregson DB, Louie TJ,
resistance in Pseudomonas aeruginosa. Antimicrob Agents Chemother Conly JM, et al. Population-based epidemiological study of infec-
1991;35:147–51. tions caused by carbapenem-resistant Pseudomonas aeruginosa in the
[60] Walsh TR, Toleman MA, Poirel L, Nordmann P. Metallo-beta- Calgary Health Region: importance of metallo-beta-lactamase (MBL)-
lactamases: the quiet before the storm? Clin Microbiol Rev producing strains. J Infect Dis 2005;192:1606–12.
2005;18:306–25. [81] Livermore DM. Has the era of untreatable infections arrived? J Anti-
[61] Lauretti L, Riccio ML, Mazzariol A, Cornaglia G, Amicosante microb Chemother 2009;64(Suppl. 1):i29–36.
G, Fontana R, et al. Cloning and characterization of blaVIM, a [82] Cornaglia G, Rossolini GM. The emerging threat of acquired
new integron-borne metallo-beta-lactamase gene from a Pseudo- carbapenemases in Gram-negative bacteria. Clin Microbiol Infect
monas aeruginosa clinical isolate. Antimicrob Agents Chemother 2010;16:99–101.
1999;43:1584–90. [83] Bratu S, Landman D, Haag R, Recco R, Eramo A, Alam M, et al.
[62] Yong D, Toleman MA, Giske CG, Cho HS, Sundman K, Lee Rapid spread of carbapenem-resistant Klebsiella pneumoniae in New
K, et al. Characterization of a new metallo-beta-lactamase gene, York City: a new threat to our antibiotic armamentarium. Arch Intern
bla(NDM-1), and a novel erythromycin esterase gene carried on Med 2005;165:1430–5.
a unique genetic structure in Klebsiella pneumoniae sequence [84] Landman D, Bratu S, Kochar S, Panwar M, Trehan M, Doymaz
type 14 from India. Antimicrob Agents Chemother 2009;53: M, et al. Evolution of antimicrobial resistance among Pseudomonas
5046–54. aeruginosa, Acinetobacter baumannii and Klebsiella pneumoniae in
[63] Kumarasamy KK, Toleman MA, Walsh TR, Bagaria J, Butt F, Brooklyn, NY. J Antimicrob Chemother 2007;60:78–82.
Balakrishnan R, et al. Emergence of a new antibiotic resistance [85] Cai JC, Zhou HW, Zhang R, Chen GX. Emergence of Serratia marces-
mechanism in India, Pakistan, and the UK: a molecular, bio- cens, Klebsiella pneumoniae, and Escherichia coli Isolates possessing
logical, and epidemiological study. Lancet Infect Dis 2010;10: the plasmid-mediated carbapenem-hydrolyzing beta-lactamase KPC-
597–602. 2 in intensive care units of a Chinese hospital. Antimicrob Agents
[64] Bush K, Fisher JF. Epidemiological expansion, structural studies, and Chemother 2008;52:2014–8.
clinical challenges of new beta-lactamases from gram-negative bacte- [86] Peirano G, Seki LM, Val Passos VL, Pinto MC, Guerra LR, Asensi MD.
ria. Annu Rev Microbiol 2011;65:455–78. Carbapenem-hydrolysing beta-lactamase KPC-2 in Klebsiella pneu-
[65] Karthikeyan K, Thirunarayan MA, Krishnan P. Coexistence of moniae isolated in Rio de Janeiro, Brazil. J Antimicrob Chemother
blaOXA-23 with blaNDM-1 and armA in clinical isolates of 2009;63:265–8.
Acinetobacter baumannii from India. J Antimicrob Chemother [87] Nordmann P, Naas T, Poirel L. Global spread of Carbapenemase-
2010;65:2253–4. producing Enterobacteriaceae. Emerg Infect Dis 2011;17:1791–8.
[88] Walsh TR, Weeks J, Livermore DM, Toleman MA. Dissemination of
[66] Jovcic B, Lepsanovic Z, Suljagic V, Rackov G, Begovic J, Topisirovic
NDM-1 positive bacteria in the New Delhi environment and its impli-
L, et al. Emergence of NDM-1 metallo-beta-lactamase in Pseudo-
cations for human health: an environmental point prevalence study.
monas aeruginosa clinical isolates from Serbia. Antimicrob Agents
Lancet Infect Dis 2011;11:355–62.
Chemother 2011;55:3929–31.
[89] Rolain JM, Parola P, Cornaglia G. New Delhi metallo-beta-
[67] Paton R, Miles RS, Hood J, Amyes SG. ARI 1: beta-lactamase-
lactamase (NDM-1): towards a new pandemia? Clin Microbiol Infect
mediated imipenem resistance in Acinetobacter baumannii. Int J
2010;16:1699–701.
Antimicrob Agents 1993;2:81–7.
[90] Nordmann P, Poirel L, Walsh TR, Livermore DM. The emerging NDM
[68] Walther-Rasmussen J, Hoiby N. OXA-type carbapenemases. J Antimi- carbapenemases. Trends Microbiol 2011;19:588–95.
crob Chemother 2006;57:373–83. [91] Strateva T, Yordanov D. Pseudomonas aeruginosa - a phenomenon of
[69] Poirel L, Heritier C, Tolun V, Nordmann P. Emergence of bacterial resistance. J Med Microbiol 2009;58:1133–48.
oxacillinase-mediated resistance to imipenem in Klebsiella pneumo- [92] Hawkey PM, Jones AM. The changing epidemiology of resistance. J
niae. Antimicrob Agents Chemother 2004;48:15–22. Antimicrob Chemother 2009;64(Suppl. 1):i3–10.
[70] Yigit H, Anderson GJ, Biddle JW, Steward CD, Rasheed JK, Valera [93] Pitout JD, Gregson DB, Poirel L, McClure JA, Le P, Church DL. Detec-
LL, et al. Carbapenem resistance in a clinical isolate of Entero- tion of Pseudomonas aeruginosa producing metallo-beta-lactamases
bacter aerogenes is associated with decreased expression of OmpF in a large centralized laboratory. J Clin Microbiol 2005;43:3129–35.
and OmpC porin analogs. Antimicrob Agents Chemother 2002;46: [94] Kimura S, Alba J, Shiroto K, Sano R, Niki Y, Maesaki S, et al. Clonal
3817–22. diversity of metallo-beta-lactamase-possessing Pseudomonas aerugi-
[71] Martinez-Martinez L, Pascual A, Hernandez-Alles S, Alvarez-Diaz D, nosa in geographically diverse regions of Japan. J Clin Microbiol
Suarez AI, Tran J, et al. Roles of beta-lactamases and porins in activities 2005;43:458–61.
of carbapenems and cephalosporins against Klebsiella pneumoniae. [95] Senda K, Arakawa Y, Nakashima K, Ito H, Ichiyama S,
Antimicrob Agents Chemother 1999;43:1669–73. Shimokata K, et al. Multifocal outbreaks of metallo-beta-lactamase-
[72] Livermore DM. Of Pseudomonas, porins, pumps and carbapenems. J producing Pseudomonas aeruginosa resistant to broad-spectrum
Antimicrob Chemother 2001;47:247–50. beta-lactams, including carbapenems. Antimicrob Agents Chemother
[73] Wolff M, Joly-Guillou M-L, Pajot O. Les carbapénèmes. Reanimation 1996;40:349–53.
2009;18:199–208. [96] Zarrilli R, Giannouli M, Tomasone F, Triassi M, Tsakris A. Carbape-
[74] Poirel L, Nordmann P. Résistance aux beta-lactamines chez Acineto- nem resistance in Acinetobacter baumannii: the molecular epidemic
bacter baumannii : évolution et émergence de nouveaux mécanismes. features of an emerging problem in health care facilities. J Infect Dev
Antibiotiques 2006;8:100–7. Ctries 2009;3:335–41.
[75] Mussi MA, Limansky AS, Viale AM. Acquisition of resistance to [97] Peleg AY, Seifert H, Paterson DL. Acinetobacter baumannii: emer-
carbapenems in multidrug-resistant clinical strains of Acinetobac- gence of a successful pathogen. Clin Microbiol Rev 2008;21:538–82.
ter baumannii: natural insertional inactivation of a gene encoding a [98] Halstead DC, Abid J, Dowzicky MJ. Antimicrobial susceptibility
member of a novel family of beta-barrel outer membrane proteins. among Acinetobacter calcoaceticus-baumannii complex and Ente-
Antimicrob Agents Chemother 2005;49:1432–40. robacteriaceae collected as part of the Tigecycline Evaluation and
[76] Marchand I, Damier-Piolle L, Courvalin P, Lambert T. Expression of Surveillance Trial. J Infect 2007;55:49–57.
the RND-type efflux pump AdeABC in Acinetobacter baumannii is [99] Brink A, Moolman J, da Silva MC, Botha M. Antimicrobial susceptibi-
regulated by the AdeRS two-component system. Antimicrob Agents lity profile of selected bacteraemic pathogens from private institutions
Chemother 2004;48:3298–304. in South Africa. S Afr Med J 2007;97:273–9.
[77] Papp-Wallace KM, Endimiani A, Taracila MA, Bonomo RA. Car- [100] Turner PJ. Meropenem activity against European isolates: report on the
bapenems: past, present, and future. Antimicrob Agents Chemother MYSTIC (Meropenem Yearly Susceptibility Test Information Collec-
2011;55:4943–60. tion) 2006 results. Diagn Microbiol Infect Dis 2008;60:185–92.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-004-C-10  Carbapénèmes

[101] Psichogiou M, Tassios PT, Avlamis A, Stefanou I, Kosmidis C, Plat- [103] Hocquet D, Plesiat P, Dehecq B, Mariotte P, Talon D, Bertrand
souka E, et al. Ongoing epidemic of blaVIM-1-positive Klebsiella X. Nationwide investigation of extended-spectrum beta-lactamases,
pneumoniae in Athens, Greece: a prospective survey. J Antimicrob metallo-beta-lactamases, and extended-spectrum oxacillinases pro-
Chemother 2008;61:59–63. duced by ceftazidime-resistant Pseudomonas aeruginosa strains in
[102] Schwaber MJ, Lev B, Israeli A, Solter E, Smollan G, Rubi- France. Antimicrob Agents Chemother 2010;54:3512–5.
novitch B, et al. Containment of a country-wide outbreak of [104] Cavallo JD, Hocquet D, Plesiat P, Fabre R, Roussel-Delvallez
carbapenem-resistant Klebsiella pneumoniae in Israeli hospitals via M. Susceptibility of Pseudomonas aeruginosa to antimicrobials: a
a nationally implemented intervention. Clin Infect Dis 2011;52: 2004 French multicentre hospital study. J Antimicrob Chemother
848–55. 2007;59:1021–4.

N. Grall.
C. Muller-Serieys (claudette.muller@bch.aphp.fr).
Laboratoire de bactériologie, Hôpital Bichat-Claude-Bernard, AP–HP, 46, rue Henri-Huchard, 75018 Paris, France.
Université Paris Diderot, Sorbonne Paris Cité, EA3964 « Emergence de la résistance bactérienne in vivo », 75018 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Grall N, Muller-Serieys C. Carbapénèmes. EMC - Maladies infectieuses 2013;10(1):1-10 [Article 8-004-
C-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Maladies infectieuses


 8-004-D-10

Aminoglycosides : de la théorie
à la pratique
M. Houot, E. Weiss, M. Groh, I. Grall, J.-R. Zahar

Malgré une place discutée ces deux dernières décades dans l’arsenal thérapeutique, les aminoglycosides,
du fait de leur large spectre, restent une classe thérapeutique indispensable. Leurs propriétés antibacté-
riennes, leur rapidité d’action et leur vitesse de bactéricidie en font une classe de choix en association,
notamment dans les infections graves ou dues à des bactéries possédant de nombreux mécanismes de
résistance (Pseudomonas aeruginosa). Leur utilisation en probabiliste permet l’élargissement du spectre
bactérien, ce qui en fait leur principale indication. Au regard de leur activité, il semble important de pri-
vilégier en probabiliste l’amikacine dans le traitement des infections nosocomiales suspectées à bacille à
Gram négatif. La tobramycine semble avoir la meilleure activité intrinsèque sur l’espèce P. aeruginosa et
la gentamicine sur les bactéries cocci à Gram positif. Les modalités d’administration sont maintenant clai-
rement établies et se résument en une administration courte de 30 minutes, en dose unique journalière et
de courte durée excédant rarement cinq jours. Les doses en milligramme par kilogramme recommandées
dans les textes originaux sont insuffisantes au regard des concentrations minimales inhibitrices (CMI) des
principaux germes et doivent être augmentées au risque d’un sous-dosage. L’amikacine et la gentamicine
doivent respectivement être administrées à la dose de 20 mg/kg toutes les 24 heures et 5 mg/kg toutes
les 24 heures en l’absence d’insuffisance rénale. Le suivi biologique est fondé sur le dosage du pic et de la
résiduelle. En l’absence d’insuffisance rénale et en cas de prescription de courte durée, les dosages de la
résiduelle et du pic sont inutiles. Toutefois, le pic plasmatique permet d’évaluer l’efficacité du traitement
et peut être effectué dans des situations particulières : choc septique, patient brûlé, patient neutropénique
ou infection à P. aeruginosa.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Aminoglycosides ; Bactéricides ; Association antibiotique ; Effet postantibiotique

Plan ■ Modalités d’administration et suivi biologique 5


Administration en dose unique journalière 5
■ Introduction 1 Posologies 5
Quelques situations cliniques particulières 5
■ Structure chimique, classification et caractéristiques Suivi des concentrations sériques et objectifs à atteindre 6
physicochimiques 2
■ Indications des aminoglycosides 6
Structure chimique et classification 2
Propriétés physicochimiques 2 Utilisation en probabiliste 6
Utilisation curative 7
■ Mécanisme d’action et de résistance 2 Place de la monothérapie 8
Mécanismes d’action 2 Traitement d’une infection à P. aeruginosa par une bêtalactamine
Mécanismes de résistance 2 associée à un aminoglycoside 8
■ Spectre d’activité et épidémiologie de la résistance 3 ■ Conclusion 9
Spectre d’activité 3
Épidémiologie de la résistance 3
■ Pharmacodynamie et pharmacocinétique des aminosides 3
Caractéristiques pharmacodynamiques 3
Pharmacocinétique des aminoglycosides
Pharmacocinétique et terrains particuliers
4
4
 Introduction
■ Effets indésirables 4 Du fait de leur activité bactéricide vis-à-vis de nombreux
Néphrotoxicité 4 germes (en particulier les bacilles à Gram négatif aérobies), les
Ototoxicité 5 aminoglycosides ont une place privilégiée dans l’arsenal anti-
Atteinte musculaire 5 biotique. Depuis la découverte de la streptomycine en 1944 et
Autres complications 5 malgré leur néphro-ototoxicité, ils restent fréquemment utilisés

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 11 > n◦ 3 > août 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(14)39536-8
8-004-D-10  Aminoglycosides : de la théorie à la pratique

en association avec d’autres antibiotiques (essentiellement les interfèrent également avec le métabolisme de plusieurs macro-
bêtalactamines). Cependant, de nombreux articles originaux et molécules et peuvent ainsi altérer la membrane cytoplasmique et,
méta-analyses publiés au cours des dix dernières années ont remis dans certains cas, la membrane externe des bactéries.
en cause leur utilisation suggérant l’absence de supériorité face Pour accéder à leur site d’action, le transport des aminogly-
à la monothérapie dans les infections sévères, notamment chez cosides se déroule en trois phases. La première correspond à
le patient neutropénique. Toutefois, la diffusion de la résistance la traversée de la paroi bactérienne et aboutit à la fixation de
bactérienne aux antibiotiques, tant en milieu communautaire l’antibiotique sur les structures externes de la membrane cyto-
que nosocomial, rend leur utilisation probabiliste de plus en plus plasmique. Chez les bactéries à Gram négatif, à l’exception de
nécessaire. Pseudomonas aeruginosa, ils diffusent de manière hydrophile à tra-
vers la membrane externe par l’intermédiaire des porines. Chez
les bactéries à Gram positif, leur diffusion semble libre à travers
 Structure chimique, classification le peptidoglycane. Les deux phases suivantes permettent le trans-
port lent puis rapide des aminoglycosides à travers la membrane
et caractéristiques cytoplasmique et leur fixation sur le ribosome. Ces deux dernières
physicochimiques étapes sont dépendantes de l’énergie fournie par le métabolisme
oxydatif de la chaîne respiratoire des bactéries expliquant ainsi
Structure chimique et classification l’existence d’une résistance intrinsèque chez les bactéries vivant
en anaérobiose. Étant des bactéries anaérobie-aérotolérantes, les
La famille des aminoglycosides est composée de molécules entérocoques et streptocoques possèdent une résistance relative
naturelles (extraites de cultures de Streptomyces, de Bacillus ou de dite « de bas niveau ».
Micromonospora) et pour ses membres les plus récents, de produits Enfin, une fois la membrane cytoplasmique franchie, les amino-
semi-synthétiques. Depuis la découverte de la streptomycine par glycosides agissent par fixation sur la sous-unité ribosomale 30S en
Waksman en 1944, une dizaine de molécules ont été mises sur le altérant la qualité de la synthèse protéique par deux mécanismes
marché, dont quatre sont encore disponibles en France (amika- distincts :
cine, gentamicine, tobramycine et nétilmicine). • l’inhibition de la traduction ;
Les aminoglycosides, constituant un groupe homogène de • et l’induction d’erreurs de lecture du code génétique aboutis-
molécules, sont des sucres aminés liés par un pont glycoside à sant à la synthèse de protéines anormales incompatibles avec
un noyau central aminocyclitol. D’après la formule chimique de la survie bactérienne.
leur noyau central, ils sont classés selon trois groupes : strepto- L’inhibition de la traduction survient au cours des trois étapes
mycines, désoxystreptamines et fortimicines. Au sein d’un même de la synthèse polypeptidique : l’initiation, l’élongation et la ter-
groupe, les aminoglycosides diffèrent selon la structure de leur minaison. Elle ne relèverait pas d’un blocage de sites actifs précis
chaîne latérale, ce qui explique leur différence d’activité respec- mais plutôt d’une distorsion du ribosome entier. Au cours de
tive. La plupart des molécules appartiennent au sous-groupe des l’initiation, les aminoglycosides inhibent la formation des com-
désoxystreptamines subsitituées en 4-6, qui regroupe d’une part plexes d’initiation ou les rendent non fonctionnels. Au cours de
la kanamycine et ses dérivés (amikacine, tobramycine) et d’autre l’élongation, ils interfèrent aussi bien avec la précision de l’étape
part la gentamicine et ses dérivés dont la nétilmicine. Alors que d’alignement entre codons et anticodons qu’avec la transloca-
l’isépamicine dérive de la gentamicine, sa structure proche de la tion. Enfin, au cours de la terminaison, c’est une nouvelle fois
kanamycine explique son activité microbiologique. la reconnaissance, cette fois-ci du codon stop, qui est perturbée.
Tous les aminoglycosides contiennent un nombre variable de L’introduction d’erreurs de lecture ou de décodage au cours de
groupements amine, leur conférant un caractère polycationique, la traduction (effet caractéristique des aminoglycosides) conduit
et de groupements hydroxyl. La présence de ces groupements à la synthèse de protéines altérées à des degrés variables. Cet effet
influe de façon complexe sur l’activité antimicrobienne et sur le est observé à des concentrations d’aminoglycosides inférieures à
spectre d’activité de ces molécules. De plus, ces groupes sont la celles nécessaires à l’arrêt total de la synthèse protéique. Les erreurs
cible d’enzymes bactériennes modificatrices (N-acétyltransférases, de lecture jouent un rôle essentiel dans la bactéricidie. En effet, les
O-phosphotransférases et O-adényltransférases) à l’origine de la protéines anormales synthétisées s’incorporent secondairement à
résistance à cette famille d’antibiotiques. la membrane cytoplasmique induisant une perméabilité accrue de
cette dernière et permettant l’afflux important de l’antibiotique
dans le cytoplasme conduisant au gel irréversible des ribosomes.
Propriétés physicochimiques Enfin, l’existence d’une deuxième cible autre que le ribosome
Les aminoglycosides sont des bases, leur pKa est compris entre a été discutée. La possibilité d’une désorganisation du site de
7,2 et 8,2. Leur activité antimicrobienne est alors optimale à fixation de l’acide désoxyribonucléique (ADN) au niveau de la
pH alcalin. De poids moléculaire compris entre 500 et 800 kDa, membrane cytoplasmique a été évoquée.
ces molécules sont aisément dialysables. Solubles dans l’eau, elles
sont en revanche peu ou pas solubles dans l’éthanol ainsi que dans Mécanismes de résistance [4]
les autres solvants organiques.
Enfin, les aminoglycosides sont thermostables et peuvent À la différence des autres classes d’antibiotiques, l’émergence
être conservés pendant des années à température ambiante de résistance en cours de traitement par aminoglycosides est un
permettant également leur incorporation dans des ciments phénomène rare. Les bactéries peuvent acquérir une résistance à
chirurgicaux. cette classe antibiotique par trois mécanismes principaux :
• altération de la cible ribosomale ;
• défaut de perméabilité cellulaire ;
 Mécanisme d’action • et inactivation enzymatique.

et de résistance Altération de la cible ribosomale


Mécanismes d’action [1–3] Elle est due à une substitution d’origine chromosomique d’un
acide aminé au niveau d’une protéine ribosomale. Cette substi-
Actifs à la fois sur les bactéries à Grams négatif et positif, les ami- tution entraîne alors une baisse de l’affinité du ribosome pour
noglycosides sont des antibiotiques à large spectre. Leur activité l’aminoglycoside. La résistance qui en résulte, d’emblée de haut
bactéricide est rapide et indépendante de la densité bactérienne niveau, n’est pas croisée étant donnée la multiplicité des sites
(absence d’effet inoculum). de fixation des différents aminoglycosides sur le ribosome. Ce
Les aminoglycosides ont des effets pléiotropiques sur la cel- mécanisme a toutefois une portée très limitée et concerne princi-
lule bactérienne. Leur cible principale est le ribosome puisqu’ils palement les bactéries qui possèdent un faible nombre de copies
inhibent la synthèse protéique en se liant à la sous-unité 30S. Ils de l’opéron acide ribonucléique ribosomique (ARNr).

2 EMC - Maladies infectieuses


Aminoglycosides : de la théorie à la pratique  8-004-D-10

Défaut de perméabilité cellulaire Enterococcus faecium possède une résistance naturelle de haut
niveau à la tobramycine à l’origine de la perte de la synergie
Une mutation d’origine chromosomique affecte le transport
(CMI de 64 à 1000 ␮g/ml). Cette résistance est essentiellement
actif de l’antibiotique à travers la paroi bactérienne. Ce phéno-
due à la présence d’une enzyme inactivatrice, la tobramy-
mène confère une résistance croisée à tous les aminoglycosides
cine 6 -acétyltransférase (AAC 6 -I) qui acétyle la tobramycine mais
ainsi que parfois à d’autres familles antibiotiques.
épargne la gentamicine. L’utilisation de la tobramycine est donc
contre-indiquée en cas d’infection à E. faecium, en revanche la
Inactivation enzymatique synergie est conservée avec la gentamicine.
Certaines souches d’entérocoques possèdent un haut niveau
C’est le mécanisme de résistance le plus fréquemment ren- de résistance aux aminoglycosides (CMI > 2000 ␮g/ml), ne per-
contré. Les gènes codant pour les enzymes inactivatrices sont mettant pas d’utiliser cette classe antibiotique en association
situés sur des plasmides autotransférables ou sur des transposons. dans ces indications. La résistance à la streptomycine est le
Ces enzymes sont divisées en trois classes : les aminoside- résultat soit d’une enzyme inactivatrice (adényltransférase), avec
O-phosphotransférases (APH), les aminoside-O-nucléotidyl- une augmentation de CMI de 4000 à 16 000 ␮g/ml, soit d’une
transférases (ANT) et les aminoside-N-acétyltransférases (AAC). mutation chromosomique entraînant des CMI supérieures à
Chaque classe comporte différentes sous-classes suivant le site 64 000 ␮g/ml.
d’action sur la molécule. Une même enzyme peut inactiver La résistance de haut niveau à la kanamycine est essentielle-
plusieurs aminoglycosides. Inversement, une même molécule ment due à une enzyme inactivatrice, la 3 -phosphotransférase,
peut être dégradée en un ou plusieurs sites différents. qui épargne la gentamicine. Cette enzyme abolit la synergie
d’action entre l’amikacine et les bêtalactamines sans obligatoi-
rement augmenter les CMI.
 Spectre d’activité Du fait de la fréquence de ces mécanismes au sein des souches
d’entérocoques, il est préférable de privilégier l’utilisation de la
et épidémiologie de la résistance gentamicine contre ce germe, tant en situation probabiliste que
documentée.
Spectre d’activité
Les aminoglycosides sont des antibiotiques dits « à large  Pharmacodynamie
spectre », actifs sur un grand nombre de bactéries à Gram néga-
tif aérobies, incluant les entérobactéries, Pseudomonas spp. et et pharmacocinétique
Haemophilus influenzae. Toutefois, leur activité in vitro contre
Burkholderia cepacia, Stenotrophomonas maltophilia et les bactéries
des aminosides
anaérobies est faible, voire inexistante. Caractéristiques pharmacodynamiques
De plus, les aminoglycosides ont une activité in vitro sur les
bacilles et cocci à Gram positif comme Staphylococcus aureus. Les Les paramètres pharmacodynamiques des aminosides se
streptocoques et les entérocoques possèdent une résistance de bas définissent par deux caractéristiques : une bactéricidie rapide
niveau aux aminoglycosides. concentration-dépendante et l’existence d’un effet postantibio-
La streptomycine et, à un moindre degré, la kanamycine sont tique.
actives sur Mycobacterium tuberculosis. L’amikacine est active sur
les mycobactéries atypiques et sur Nocardia asteroides. Effet bactéricide
Même si les aminosides constituent une famille homogène, il
Les aminoglycosides sont des antibiotiques bactéricides, leurs
existe des différences d’activité entre aminosides. Par exemple,
concentrations minimales bactéricides étant très proches des CMI.
la gentamicine a une meilleure activité sur les bactéries à Gram
Cet effet, indépendant de la densité bactérienne, est rapide et se
positif et les Serratia spp. que respectivement l’amikacine et la
manifeste habituellement en moins de quatre heures. La bacté-
tobramycine [5] . En revanche, la tobramycine a une meilleure acti-
ricidie des aminosides dépend de la dose administrée, on parle
vité sur P. aeruginosa que la gentamicine.
Comparativement à la gentamicine et à la tobramycine, les alors d’antibiotiques concentration-dépendants. À la différence
entérobactéries et bactéries à Gram négatif restent plus fré- des antibiotiques temps-dépendants comme les bêtalactamines,
quemment sensibles à l’amikacine. Cet antibiotique est donc la bactéricidie est conditionnée par la concentration et non par
habituellement réservé aux traitements probabilistes des infec- le temps de contact. L’augmentation des doses sériques entraîne
tions nosocomiales et/ou au traitement des infections sévères à alors une augmentation de la bactéricide [8] . En termes de pharma-
bactéries à Gram négatif [6] . codynamie, cela se traduit par une relation entre la concentration
maximale obtenue (Cmax) et la CMI du germe en cause. Ce ratio
est appelé quotient inhibiteur (Cmax/CMI). Depuis les travaux
de Moore et al. [9] , il est communément admis que l’effet théra-
Épidémiologie de la résistance peutique maximal est obtenu lorsque la concentration au pic est
supérieure ou égale à huit à dix fois la CMI du germe impliqué.
La résistance chez les bactéries à Gram négatif est essentiel-
De plus, il a été montré que plus le ratio est élevé à la première
lement due à deux mécanismes de résistance [4, 7] : l’inactivation
administration, plus la probabilité de guérison au septième jour
enzymatique, mécanisme le plus commun, et la méthylation du
est importante [10] .
ribosome 16S. Cette résistance, médiée par une enzyme codée par
le gène rmtA, est associée à une résistance de haut niveau à tous
les aminoglycosides. L’inactivation enzymatique peut être codée
Effet postantibiotique
par un plasmide ou associée à un transposon. Ces éléments trans- Les aminoglycosides possèdent un effet postantibiotique par-
férables facilitent la diffusion de la résistance. Enfin, un dernier ticulièrement marqué [11] . Celui-ci est défini par l’absence de
mécanisme de résistance indépendant de l’inactivation enzyma- recroissance bactérienne (phase stationnaire) alors que les concen-
tique est souvent retrouvé dans l’espèce P. aeruginosa : il s’agit d’un trations d’antibiotique sont inférieures à la CMI du germe. Cet
phénomène d’efflux. effet est dû à l’exposition préalable des bactéries à l’antibiotique
Contrairement aux bactéries à Gram négatif, les entérocoques et non à la persistance de celui-ci à des concentrations subinhibi-
sont naturellement de sensibilité diminuée aux aminoglyco- trices.
sides [6] . La concentration minimale inhibitrice (CMI) de la La durée de l’effet postantibiotique est variable selon les
gentamicine est usuellement de 8 à 64 ␮g/ml alors que celle de la espèces bactériennes : de l’ordre de 1,5 heure pour S. aureus, deux
streptomycine est de 64 à 512 ␮g/ml. Toutefois, on note in vitro à six heures pour les entérobactéries et encore plus long pour
et in vivo une synergie d’action entre aminoglycosides et bêtalac- P. aeruginosa. Elle dépend également de la concentration en anti-
tamines ou glycopeptides. biotique, plus celle-ci est élevée plus l’effet postantibiotique est

EMC - Maladies infectieuses 3


8-004-D-10  Aminoglycosides : de la théorie à la pratique

maintenu. Cependant, il est important de souligner que cet effet Pharmacocinétique et terrains particuliers
est plus court que celui de la plupart des antibiotiques en raison
de la rapide bactéricidie des aminoglycosides. Insuffisant rénal
La durée de l’effet postantibiotique des aminoglycosides est L’insuffisance rénale entraîne des modifications de la cinétique
une de leurs caractéristiques pharmacodynamiques essentielles et avec :
permet ainsi d’espacer l’intervalle de temps entre chaque admi- • une élévation des concentrations sériques ;
nistration. • un allongement de la phase d’élimination précoce et donc
un allongement de la demi-vie, proportionnel au degré
d’insuffisance rénale et aboutissant à des demi-vies 20 à 30 fois
Pharmacocinétique des aminoglycosides supérieures à celle du sujet sain ;
Absorption • et une diminution des concentrations urinaires. Toutefois, le
volume de distribution demeure inchangé. De par leur poids
Les aminoglycosides ont tous les mêmes propriétés pharmaco- moléculaire, les aminoglycosides sont hémodialysables et les
cinétiques. Peu absorbés par le tractus digestif, ils sont administrés concentrations sériques sont diminuées de moitié après une
par voie parentérale en perfusion intraveineuse. La voie orale séance d’hémodialyse de quatre heures.
est réservée aux décontaminations digestives. Par injection intra-
musculaire, la résorption est excellente avec une biodisponibilité Nouveau-né
voisine de 100 %. La vitesse de résorption connaît cependant des
variations importantes. Ainsi, le temps d’obtention du pic sérique, L’absorption est plus rapide, le volume de distribution plus
habituellement de 30 à 90 minutes, peut dépasser six heures chez important et l’élimination rénale est d’autant plus lente que le
l’insuffisant rénal et le sujet âgé. Administrés par voie locale, sujet est immature. La demi-vie est alors prolongée et varie de
pleurale et péritonéale, les aminoglycosides diffusent de façon 14 heures chez le prématuré de 28 semaines à la naissance, à cinq
systémique. heures chez le nouveau-né après sept jours de vie.
Quels que soient la voie d’administration, la dose délivrée
et l’aminoglycoside utilisé, les taux sériques évoluent selon un Sujet âgé
modèle tricompartimental avec successivement :
L’élimination des aminoglycosides est indépendante de l’âge,
• une phase de distribution très brève dont la demi-vie varie de
mais en relation avec la fonction rénale.
0,2 à 0,4 heure ;
• une phase d’élimination précoce caractérisée par une demi-vie
d’environ deux heures, représentant l’élimination par filtration Sujet obèse
glomérulaire d’un compartiment correspondant aux liquides Le volume de distribution rapporté au poids étant diminué, la
extracellulaires ; posologie doit être calculée selon la masse maigre et non selon le
• une phase d’élimination tardive, caractérisée par une demi-vie poids réel.
supérieure à 20 heures en rapport avec un compartiment pro-
fond. Patient brûlé
Dans les premières 48 heures, on note chez les patients brûlés
Diffusion tissulaire une hypovolémie et une diminution de la filtration glomérulaire
Malgré un poids moléculaire faible et une liaison aux protéines entraînant une diminution du volume de distribution et de la clai-
plasmatiques négligeable, les aminoglycosides ont une distribu- rance rénale. Au cours de la seconde phase (au-delà de 48 heures),
tion tissulaire limitée. Leur volume de distribution chez l’adulte on note un état « hyper dynamique » avec une augmentation du
varie de 0,2 à 0,4 l/kg, représentant ainsi 20 à 30 % du poids cor- volume de distribution et de la clairance rénale, nécessitant une
porel et correspond aux liquides extracellulaires de l’organisme. augmentation des doses et un rapprochement des injections [12] .
Il augmente en cas d’ascite, chez le brûlé, la femme enceinte et le
patient atteint de mucoviscidose. Patient neutropénique
Dans les liquides extracellulaires, la distribution est variable Chez le patient neutropénique, il existe une augmentation de la
d’un milieu à l’autre. Dans le liquide synovial, les concentrations clairance rénale et du volume de distribution, ainsi qu’une dimi-
sont élevées et dépassent la moitié des concentrations sériques nution de la demi-vie plasmatique. Toutefois, du fait de l’absence
concomitantes. Dans le liquide cérébrospinal (LCS), la diffusion de polynucléaires neutrophiles, l’effet postantibiotique semble
est médiocre, le rapport des taux LCS/sérum est de l’ordre de 10 %. diminué, voire absent [13] .
Dans les tissus, les taux sont en général inférieurs à ceux obser-
vés dans le sérum, tout en restant proportionnels à ces derniers, à
l’exception du parenchyme pulmonaire et surtout du cortex rénal. Patient atteint de la mucoviscidose
En effet, lors de l’élimination au niveau du parenchyme rénal, Les paramètres pharmacocinétiques sont variables d’un patient
les aminoglycosides s’accumulent dans le cortex pour atteindre à l’autre. Le volume de distribution est fréquemment augmenté et
des concentrations égales à deux à trois fois la concentration la demi-vie peut être réduite chez le sujet atteint de la mucovisci-
médullaire rénale et 20 à 30 fois la concentration sérique au pic. dose.
La concentration urinaire des aminosides est, quant à elle, 25 à
100 fois celle obtenue dans le sérum.
Dans le poumon, le ratio concentrations
laires/concentrations sériques après administration parentérale
tissu-  Effets indésirables
n’est que de un sur trois dans les sécrétions bronchiques mais La toxicité des aminoglycosides est essentiellement rénale et
atteint un sur un dans le parenchyme pulmonaire. auditive [14] . Ces antibiotiques peuvent également être à l’origine
d’un blocage neuromusculaire allant jusqu’à la paralysie et
Métabolisation et élimination l’apnée, surtout en cas d’anesthésie ou d’association avec des myo-
relaxants.
Les aminoglycosides n’étant pas métabolisés, 99 % de la dose
administrée est éliminée sous forme inchangée, essentiellement
par voie rénale. L’élimination est rapide et s’effectue par filtration Néphrotoxicité
glomérulaire. Une faible proportion est réabsorbée par le tubule,
puis accumulée de façon prolongée dans le cortex rénal. La demi- L’incidence rapportée de la néphrotoxicité varie selon les
vie d’élimination des aminoglycosides est de 1,5 à 3,5 heures chez études et les définitions. Elle est raisonnablement estimée entre
le patient à fonction rénale normale. Cette demi-vie est allongée 10 et 20 % des prescriptions [15] . Cette néphrotoxicité est liée
chez le nouveau-né, l’enfant ou en cas d’insuffisance rénale. à l’accumulation de l’antibiotique dans la cellule du tubule

4 EMC - Maladies infectieuses


Aminoglycosides : de la théorie à la pratique  8-004-D-10

Tableau 1.
Concentration minimale inhibitrice 50 (CMI 50) et CMI 90 (en mg/l) des souches sauvages [24] .
Gentamicine Netilmicine Tobarmycine Amikacine
Escherichia coli 0,5–2 0,5–1 0,5–2 2–4
Klebsiella pneumoniae 0,5–4 0,5–2 1–4
Proteus mirabilis 1–2 1–4 4–8
Serratia spp. 1–512 2–512 2–8
Enterobacter spp. 0,5–2 0,5–1 0,5–2 2–4
Pseudomonas aeruginosa 2–8 1–4 0,5–2 4–8
Staphylococcus aureus 0,5–8 0,5–2 4–8

contourné proximal lors de la réabsorption et est donc indé- Tableau 2.


pendante de la Cmax. Cette accumulation est aussi liée aux Posologies, antibiotiques à administrer (données personnelles).
modalités d’administration : elle augmente avec le fractionne- Choc septique Sans gravité
ment des doses et diminue en cas d’administration en dose unique
journalière (DUJ). D’autres facteurs majorent aussi le risque Gentamicine, nétilmicine 5–7 mg/kg 5 mg/kg
de néphrotoxicité des aminoglycosides tels qu’une insuffisance Tobramycine
rénale préexistante, l’administration concomitante de molécules Amikacine 25–30 mg/kg 20 mg/kg
néphrotoxiques (vancomycine), des durées de traitement prolon-
gées (au-delà de cinq à sept jours), une déshydratation ou encore
un âge avancé [16] . À l’inverse, elle est indépendante de la Cmax,
seule la résiduelle est le reflet de cette toxicité. Dans la majeure Posologies
partie des cas, la néphrotoxicité est réversible. Enfin, elle semble Les posologies sont dépendantes de plusieurs critères dont
varier selon les molécules, l’amikacine serait moins toxique que l’indication, le poids et la fonction rénale. Quelles que soient les
la gentamicine ou la tobramycine [17] . situations, l’objectif à atteindre lors de l’administration des ami-
nosides est une concentration sérique au pic supérieure ou égale
à huit fois la CMI du germe [23] . Les CMI des principaux germes
Ototoxicité sont décrites dans le Tableau 1. Les posologies recommandées chez
l’adulte et l’enfant sont indiquées dans le Tableau 2 [24] .
La toxicité auditive est secondaire à une atteinte vestibulaire
En néonatologie et chez l’enfant, des variations inter- et
puis cochléaire [18] . Cette atteinte est due à des lésions souvent irré-
intra-individuelles des concentrations sériques sont observées en
versibles des cellules sensorielles et ciliées de l’oreille interne [19] .
pratique clinique [25] . Ces variations sont généralement liées au
Elle se traduit généralement par des vertiges, une ataxie ou un
volume de distribution et aux modalités d’administration. Tou-
nystagmus ainsi que des vomissements. L’atteinte cochléaire est
tefois, la durée de perfusion chez l’enfant doit être la même que
annoncée par des acouphènes puis s’installe une surdité de per-
chez l’adulte (30 minutes) et, afin d’éviter tout sous-dosage, il est
ception irréversible. L’ototoxicité est majorée en cas de vitesse de
impératif de rincer la tubulure après chaque administration [26] .
perfusion rapide des aminoglycosides [20] .
Les posologies chez le nourrisson et l’enfant sont les mêmes
que chez l’adulte. En revanche, une attention particulière doit
être apportée aux rythmes et fréquences d’administration chez
Atteinte musculaire le nouveau-né, et en particulier chez le prématuré. En effet, le
L’action curarisante par blocage neuromusculaire est une volume de distribution varie en fonction du poids de naissance :
complication rare mais sévère. La plupart des patients souffrant plus ce dernier est faible, plus le volume de distribution est aug-
de telles réactions ont dans leurs antériorités des états patholo- menté. De plus, la clairance des aminosides augmente rapidement
giques et/ou reçoivent une thérapie concomitante qui interfère en fonction de l’âge gestationnel et de l’âge postnatal. Ainsi, il est
avec la transmission neuromusculaire. La myasthénie est alors une important d’ajuster l’espacement entre les doses et d’adapter en
contre-indication formelle à l’utilisation des aminoglycosides. permanence les posologies.
Dans les sept premiers jours de vie, les nouveau-nés doivent
recevoir une dose de 5 mg/kg toutes les 24 heures de gentamicine,
Autres complications alors que la dose à administrer chez les nourrissons et les enfants
doivent être de 5 à 7,5 mg/kg toutes les 24 heures [24] .
Elles sont rares, voire exceptionnelles : réactions allergiques,
troubles hématologiques et modifications du bilan hépatique.
Quelques situations cliniques particulières
Cas du patient neutropénique
 Modalités d’administration Chez le patient neutropénique, une augmentation du volume
et suivi biologique de distribution et de la clairance rénale sont à noter. Les
conséquences en sont une diminution du pic sérique et de la
Administration en dose unique journalière demi-vie d’élimination [13] . Du fait de la neutropénie, il est impor-
tant de souligner l’absence d’effet postantibiotique. Malgré cela,
La pharmacocinétique des aminosides, non absorbés par voie l’administration des aminoglycosides en DUJ permet l’obtention
orale, justifie une administration par voie injectable. Cette admi- d’un pic sérique supérieur et d’une moindre toxicité. Le béné-
nistration se fait en intraveineuse lente sur 30 minutes [21] . fice potentiel de la DUJ par rapport à la multidose journalière a
Alors que pendant des décennies les aminoglycosides ont été été montré par une méta-analyse incluant quatre études prospec-
administrés en deux ou trois injections quotidiennes, les don- tives [27] .
nées récentes suggèrent que l’administration en DUJ serait plus
efficace (permettant l’obtention d’un pic) et moins toxique (limi-
tant l’accumulation au niveau du parenchyme rénal) [21, 22] à Cas du patient atteint de mucoviscidose [28]
l’exception des infections à entérocoques où la dose doit être Malgré des variations interindividuelles, on note chez les
administrée en trois prises. patients suivis pour mucoviscidose une augmentation du volume

EMC - Maladies infectieuses 5


8-004-D-10  Aminoglycosides : de la théorie à la pratique

de distribution et une diminution de la demi-vie des aminogly- Tableau 3.


cosides [29] . La particularité des infections chez ces patients réside Objectifs thérapeutiques à atteindre [21] .
dans le niveau élevé de résistance des agents pathogènes bacté- Pic (Cmax) Résiduelle
riens isolés (généralement P. aeruginosa). Dans ce contexte, et afin en mg/l (Cmin) en mg/l
de répondre aux impératifs pharmacocinétiques et pharmacody-
namiques, il est nécessaire d’augmenter les doses administrées Gentamicine, tobramycine, 30–40 < 0,5
(10 à 12 mg/kg toutes les 24 heures pour la tobramycine et 30 nétilmicine
à 35 mg/kg toutes les 24 heures pour l’amikacine) et d’effectuer Amikacine 60–80 < 2,5
un suivi rapproché des taux sériques afin d’adapter au mieux
Cmax : concentration maximale obtenue ; Cmin : concentration minimale obte-
le rythme d’administration et les posologies. Une méta-analyse nue.
récente incluant quatre études et comparant l’administration en
DUJ à trois injections quotidiennes suggère une équivalence avec
une moindre toxicité en faveur de la DUJ [30] . En cas d’insuffisance rénale ou de modification de la fonction
rénale, la surveillance des concentrations résiduelles doit être rap-
prochée.
Cas du patient en réanimation [31] Le dosage de la résiduelle est réalisé 30 minutes avant
L’augmentation du débit cardiaque et l’existence d’un troisième l’administration, alors que le dosage du pic est effectué 30 minutes
compartiment en cas de sepsis sont à l’origine de l’augmentation après la fin de la perfusion (soit une heure après le début de
du volume de distribution. Ainsi, chez les patients en réanima- l’administration).
tion, le volume de distribution médian est de l’ordre de 0,4 1/kg, Les objectifs de concentration sérique à atteindre au pic sont de
soit une augmentation de l’ordre de 60 % comparativement à 30 à 40 mg/l et inférieurs à 0,5 mg/l en résiduelle pour la gentami-
l’adulte sain. De plus et à l’instar des patients atteints de muco- cine, la nétilmicine et la tobramycine, et respectivement de 60 à
viscidose, les infections en réanimation sont souvent dues à 80 mg/l et inférieurs à 2,5 mg/l pour l’amikacine (Tableau 3) [21] .
des bactéries résistantes. Dans ce contexte, les doses unitaires Lorsque les aminosides sont prescrits en probabiliste, notam-
à administrer en cas de choc septique doivent être supérieures ment dans le cadre d’une infection à germe dont la sensibilité
à 25 mg/kg pour l’amikacine et de l’ordre de 7 mg/kg pour la est susceptible d’être diminuée, il est intéressant de se placer dans
gentamicine [32] . une position de précaution en tenant compte des concentrations
critiques supérieures définies par l’European Committee on Anti-
microbial Susceptibility Testing (EUCAST). Ces concentrations
Cas du patient insuffisant rénal [33] sont de 4 mg/l pour la gentamicine, tobramycine, nétilmicine et
L’élimination des aminosides se faisant par voie urinaire, la de 8 mg/l pour l’amikacine. Les pics ciblés dans ces conditions
diminution de la clairance nécessite une adaptation des doses sont alors respectivement de 32 à 40 mg/l et de 64 à 80 mg/l.
et des rythmes d’administration. La DUJ est à privilégier et
l’espacement des doses est préférable à une diminution des poso-
logies. Quel que soit le degré d’insuffisance rénale, la posologie
de la première injection, identique à celle du sujet dont la
 Indications des aminoglycosides
fonction rénale est normale, permet de maintenir des concentra-
Les indications des aminosides, administrés en général en asso-
tions sériques élevées au pic et donc efficaces. L’espacement des
ciation avec une autre classe antibiotique, sont essentiellement
doses permet de diminuer les concentrations sériques résiduelles,
hospitalières [34] . Toutefois, en ville, ils peuvent être utilisés en
témoins de l’accumulation de l’antibiotique. En cas d’insuffisance
monothérapie dans le traitement des pyélonéphrites, notamment
sévère, une demi-dose doit être administrée toutes les demi-
en cas d’infections liées à des bactéries résistantes aux bêtalacta-
vies. Lors de la première injection et en cas d’hémodialyse,
mines et aux fluoroquinolones.
l’administration doit se faire à la fin de la séance d’hémodyalise
En pratique clinique, leur utilisation en association peut être
permettant de maintenir des taux sériques thérapeutiques.
justifiée par la nécessité :
Lors des administrations suivantes, en raison des propriétés
• d’élargir le spectre en cas de traitement probabiliste ;
pharmacologiques, il est conseillé d’effectuer, en fonction des taux
• d’obtenir une synergie d’action ;
résiduels, l’administration deux à quatre heures avant la séance de
• d’obtenir une bactéricidie plus rapide ;
dialyse. Ce qui permet, après obtention du pic de concentration,
• de réduire le risque d’émergence de résistance sous traitement ;
de diminuer l’exposition et le risque d’accumulation.
• et, enfin, de réduire les durées de traitement [35] .
En cas d’hémodiafiltration continue, une demi-dose doit être
Que ce soit des situations épidémiologiques, cliniques ou micro-
administrée en DUJ et une adaptation des doses doit être effec-
biologiques particulières, les principales indications d’utilisation
tuée en fonction des taux sériques obtenus. Taccone et al. [32] ont
des aminoglycosides sont reprises dans ce chapitre.
montré qu’une dose de charge à 25 mg/kg permettait l’obtention
d’un pic adapté mais entraînait une persistance de concentrations
néphrotoxiques résiduelles (> 5 mg/l) à j1.
Utilisation en probabiliste
Au cours des deux dernières décennies, l’utilisation des ami-
Suivi des concentrations sériques et objectifs noglycosides en association a été remise en cause dans de
à atteindre nombreuses indications [36] . Toutefois, la diffusion de la résistance
bactérienne aux antibiotiques, qu’elle soit communautaire ou
Du fait d’une marge thérapeutique étroite et d’une variabilité hospitalière, explique aujourd’hui le regain d’intérêt pour cette
interindividuelle de la pharmacocinétique des aminosides, la sur- classe thérapeutique. Le risque majeur lié à la diffusion de la
veillance des concentrations sériques est essentielle. Elle renseigne résistance, et notamment des entérobactéries sécrétrices des bêta-
sur l’efficacité (dosage au pic) et permet d’éviter la toxicité (suivi lactamases à spectre élargi, est l’inadéquation de l’antibiothérapie
de la résiduelle). Toutefois, les dosages sériques ne sont pas néces- probabiliste. Ainsi, à l’heure actuelle, les aminoglycosides sont
saires en cas de traitement de courte durée (inférieure à cinq souvent utilisés dans le but d’élargir le spectre de l’antibiothérapie
jours). probabiliste. En effet, du fait de l’activité préservée des aminogly-
En cas de traitement au long cours, les concentrations sériques cosides sur de nombreuses espèces, ceux-ci restent un partenaire
d’aminosides doivent être surveillées de manière intensive en privilégié des bêtalactamines. Dans une étude récente [37] incluant
début de traitement afin d’adapter la posologie et l’intervalle libre plus de 4800 bactériémies à bacille à Gram négatif et évaluant
entre chaque dose. Par la suite, une fois le pic souhaité atteint, une l’intérêt de l’association des aminoglycosides aux bêtalactamines,
surveillance régulière (au moins une fois par semaine) doit être l’utilisation probabiliste des aminoglycosides était protectrice en
maintenue, y compris en l’absence de modification de la fonction cas de choc septique ou de neutropénie. Dans certaines situations
rénale. (infection à bacille à Gram négatif sécréteur de bêtalactamases à

6 EMC - Maladies infectieuses


Aminoglycosides : de la théorie à la pratique  8-004-D-10

spectre élargi, possédant une céphalosporinase déréprimée ou en des données de la littérature notait une augmentation du risque de
cas d’infection à P. aeruginosa), l’association antibiotique permet- toxicité en cas d’utilisation des aminoglycosides. Toutefois, deux
tait une antibiothérapie probabiliste plus adaptée et efficace [37] . travaux récents déjà cités [37, 43] contredisent ces conclusions en
Si l’élargissement du spectre de l’antibiothérapie probabiliste mettant en avant un effet bénéfique des aminoglycosides chez
(dictée par des considérations épidémiologiques) reste actuelle- le patient neutropénique traité pour un sepsis ou un choc sep-
ment l’indication principale des aminoglycosides, il existe des tique. Il faut souligner toutefois que les études incluses dans ces
situations cliniques et microbiologiques qui justifient leur utili- méta-analyses concernaient des infections dont 90 % des espèces
sation (cf. infra). bactériennes isolées étaient sensibles aux bêtalactamines utilisées
en probabiliste. Ainsi, au vu de l’épidémiologie actuelle de la
résistance, il semble probable que les études concluraient à une
Utilisation curative supériorité des associations du fait d’une meilleure adéquation
thérapeutique.
Endocardite infectieuse [38]
Pendant de nombreuses décennies, l’endocardite infectieuse, Pneumonie acquise sous ventilation mécanique
quelle que soit son étiologie microbienne, était en soit une indi-
cation formelle à l’association antibiotique et donc à l’utilisation Depuis les travaux de Goldstein et al. [45] , il est maintenant bien
d’aminoglycosides [39] . Du fait d’une mortalité élevée observée établi que malgré l’augmentation de la perméabilité capillaire liée
dans les séries historiques, imputée aux courtes durées des associa- à l’inflammation pulmonaire, la barrière alvéolocapillaire limite
tions antibiotiques, l’utilisation prolongée des aminoglycosides la diffusion pulmonaire des antibiotiques administrés par voie
est longtemps restée comme un pilier du traitement des endo- intraveineuse en cas de pneumonie acquise sous ventilation méca-
cardites infectieuses. Aujourd’hui, les associations ne se justifient nique (PAVM). De plus, il est reconnu que les aminoglycosides ont
que dans certaines indications et par la nécessité d’obtenir une une activité diminuée en cas d’anaérobiose et en milieu acide,
activité bactéricide (endocardites à staphylocoque) ou une syner- c’est pourquoi leur utilisation reste discutable dans cette indica-
gie d’action optimale et prolongée (endocardites à entérocoque). tion. Cependant, en pratique clinique, ils sont souvent utilisés à
Toutefois, ces indications restent très discutées. En effet, dans une la phase initiale, pour élargir le spectre et obtenir une meilleure
revue récente [40] de la littérature, les auteurs soulignaient, mal- bactéricidie.
gré des données in vitro suggérant une vraisemblable synergie Depuis plusieurs années, les aminosides administrés par voie
d’action des aminoglycosides utilisés en association aux bêtalacta- inhalée ont démontré leur efficacité dans le traitement de
mines, qu’il n’existait pas à l’heure actuelle d’études randomisées la colonisation bronchique à P. aeruginosa chez des patients
prouvant l’utilité de cette classe antibiotique dans le traitement atteints de mucoviscidose [46] . Dans le cas de la PAVM, Gold-
de l’endocardite infectieuse. En effet, les quelques études ayant stein et al. ont mis en évidence dans des modèles porcins des
abordé cette problématique concluaient à l’absence de différence concentrations intraparenchymateuses d’amikacine trois à 30 fois
de mortalité, d’échec clinique ou de nécessité d’un geste opéra- supérieures, et une amélioration significative de la bactéricidie en
toire en cas de traitement par bithérapie comparativement à la cas d’administration par aérosols et comparativement à la voie
monothérapie. Ainsi, dans un travail de Ribera et al. [41] sur le intraveineuse [47] . Plus récemment, la même équipe, comparant
traitement de l’endocardite droite à S. aureus, la bithérapie par l’administration par voie intraveineuse et inhalée de la bithéra-
cloxacilline et gentamicine n’était pas plus efficace que la mono- pie par ceftazidime et amikacine dans le traitement des PAVM à
thérapie par cloxacilline seule (69 % de succès versus 76 %). De P. aeruginosa [48] , ne mettait en évidence aucune différence entre les
même, dans une étude randomisée contrôlée sur le traitement des deux groupes en termes d’efficacité du traitement et de récidive.
endocardites à Streptococcus viridans et Streptococcus bovis, Sexton Toutefois, on notait un risque plus élevé de sélection de germes
et al. [42] ne mettaient pas en évidence de différence significative résistants dans le groupe des patients recevant le traitement par
entre mono- et bithérapie antibiotique. Par ailleurs, il est impor- voie intraveineuse.
tant de noter le risque de néphrotoxicité faisant suite à l’utilisation Il semble toutefois difficile de recommander l’administration
d’une bithérapie comme décrit par Falagas et al. [38] . systématique des aminosides par voie inhalée dans cette indi-
cation. En effet, malgré l’amélioration des techniques de
nébulisation ces dernières années, les études cliniques de faisabi-
Choc septique lité chez l’homme restent trop peu nombreuses pour généraliser
L’utilisation des aminosides dans le choc septique est cette pratique, à l’exception des cas de PAVM liées à des germes
aujourd’hui discutée. Toutefois, au vu des études randomisées Toti-résistants.
montrant que tout retard ou toute inadéquation thérapeutique
dans cette indication est associée à une surmortalité, il paraît Patients atteints de mucoviscidose [49]
nécessaire de rappeler l’importance des aminoglycosides dans le
La survenue d’une infection à P. aeruginosa au cours de la
traitement probabiliste du choc septique. L’utilisation des amino-
mucoviscidose est responsable d’une aggravation du tableau
glycosides, dans cette indication, semble largement justifiée au
clinique et d’une diminution de la survie. Dans ce contexte,
vu des données épidémiologiques de la résistance et permettrait
l’éradication de P. aeruginosa est donc une priorité. L’utilisation
d’élargir le spectre bactérien. Dans un travail rétrospectif récent
des aminoglycosides dans cette indication a pour but de diminuer
incluant des patients neutropéniques admis en réanimation sur
l’inoculum, d’éradiquer l’agent pathogène et d’éviter la surve-
une durée de 11 ans et présentant un choc septique, Legrand
nue de mutants résistants. Elle permet également d’améliorer
et al. [43] soulignaient le caractère protecteur des aminoglycosides.
la fonction respiratoire, d’espacer les exacerbations et de dimi-
En effet, dans cette étude, deux facteurs étaient associés à une
nuer la durée d’hospitalisation des patients. Toutefois, l’utilisation
diminution du risque de mortalité : le retrait précoce du cathéter
rapprochée des aminoglycosides, y compris par voie inhalée,
et l’utilisation des aminoglycosides en association. De même, dans
expose à l’émergence de souches résistantes [50] . Traditionnelle-
un travail incluant 4000 épisodes de bactériémies à bacille à Gram
ment en cas d’exacerbations, l’utilisation des aminoglycosides
négatif, Martinez et al. soulignaient aussi l’intérêt de l’association
par voie intraveineuse en association aux bêtalactamines est pré-
dans l’amélioration de l’adéquation thérapeutique [37] , notam-
férée à la voie inhalée [51] . Le bénéfice de cette association reste
ment chez les patients neutropéniques. Dans ce dernier travail
cependant à démontrer. En effet, il n’existe pas à ce jour de cor-
l’intérêt des aminoglycosides permettait une meilleure adéqua-
rélation établie entre l’administration des aminoglycosides en
tion de l’antibiothérapie probabiliste.
association et l’évolution clinique. Comme évoqué dans le para-
graphe sur la prise en charge de la PAVM, certains auteurs ont
Patient neutropénique fébrile [44] suggéré que les concentrations efficaces au site de l’infection
Comme cela a été souligné précédemment, deux méta-analyses n’étaient pas atteintes lors d’une administration par voie
récentes suggèrent l’absence de supériorité de la bithérapie intraveineuse [52] .
incluant un aminoglycoside par rapport à la monothérapie par Du fait d’une meilleure diffusion dans le fluide alvéolaire [53]
bêtalactamine chez le patient neutropénique. De plus, l’analyse et d’une moindre toxicité, l’utilisation de la voie inhalée

EMC - Maladies infectieuses 7


8-004-D-10  Aminoglycosides : de la théorie à la pratique

pourrait alors être préférée dans cette indication [54] . Ainsi, deux À titre de comparaison, les céphalosporines et les carbapénèmes
études multicentriques incluant 520 patients mettaient en évi- ont respectivement en association avec un aminoglycoside 80 %
dence l’apport des aérosols de tobramycine (300 mg/5 ml) dans et 50 % de synergie. En revanche, l’activité des fluoroquinolones
l’amélioration de la fonction respiratoire et la réduction des durées semble, elle, être additive à celle des aminoglycosides. Les études
d’hospitalisation [55] . animales s’accordent à dire que, dans les infections à P. aeruginosa,
Enfin, il est important de rappeler qu’au vu des modifica- l’utilisation des aminoglycosides en association permet de dimi-
tions pharmacocinétiques observées chez les patients atteints de nuer le risque de mortalité.
mucoviscidose, caractérisées par une augmentation du volume Seules les études cliniques sont contradictoires. Dans une
de distribution et une diminution de la demi-vie d’élimination, étude de cohorte incluant 115 patients avec une bactériémie à
une augmentation des posologies et des rythmes d’administration P. aeruginosa [64] , la bithérapie comparée à la monothérapie n’était
est nécessaire (amikacine : 20 à 30 mg/kg par jour en une à trois pas associée à une différence de mortalité à J + 30 (hazard ratio
prises). [HR] : 0,70 ; IC 95 % : 0,30–1,7). De façon contradictoire, Safdar
et al. [65] mettaient en évidence une amélioration significative de
Infection à Listeria monocytogenes la survie des patients traités par biantibiothérapie.
Le traitement de base des infections à L. monocytogenes repose Dans cette indication, l’utilisation d’une biantibiothérapie à
sur l’association amoxicilline/gentamicine (association bactéri- la phase initiale du traitement est recommandée et dans le but
cide). d’éviter la survenue de mutants résistants. Toutefois, cette bithé-
rapie doit être de courte durée, n’excédant pas cinq jours.

Place de la monothérapie Infections intra-abdominales (péritonites)


L’utilisation des aminoglycosides en monothérapie a été com- De nombreux prescripteurs utilisent les aminoglycosides en
parée aux fluoroquinolones et aux bêtalactamines dans plus association aux bêtalactamines dans cette indication. Toutefois,
de 40 publications [56–58] . Dans la majeure partie des cas, il le caractère acide et anaérobie du milieu suggère leur ineffi-
s’agissait d’infections urinaires sans sepsis sévère. Une méta- cacité. Dans une étude randomisée multicentrique comparant
analyse incluant 37 études suggérait une efficacité comparable des l’association à la monothérapie par bêtalactamine dans la péri-
aminoglycosides aux autres molécules testées [59] . Toutefois, une tonite communautaire généralisée, Dupont et al. suggéraient
augmentation du risque d’échec bactériologique en fin de traite- l’équivalence des deux traitements en termes de mortalité et
ment et une augmentation du risque de néphrotoxicité étaient d’événements indésirables [66] .
mises en évidence chez les patients traités par aminosides compa- Les recommandations les plus récentes de la société
rativement aux autres molécules. d’infectiologie américaine ne retiennent pas l’indication des
En cas d’infection communautaire, l’utilisation des aminogly- aminoglycosides dans la péritonite communautaire et semblent
cosides en monothérapie concerne essentiellement les infections réserver cette classe antibiotique aux péritonites nosocomiales
urinaires hautes ou basses à bacille à Gram négatif sécréteurs de en cas de suspicion d’infection à P. aeruginosa ou à entérobactérie
bêtalactamase à spectre élargi. sécrétrice de bêtalactamase à spectre élargi [67] .
En cas d’infection nosocomiale, les indications sont alors mul-
tiples et concernent essentiellement les infections à bactéries
Toti-résistantes sur lesquelles seuls des antibiotiques tels que la Infections ostéoarticulaires
colistine et la tigécycline restent actifs. Toutefois, dans cette L’association bêtalactamine/aminoglycoside est fréquemment
situation bien particulière, peu d’études permettent de comparer utilisée en probabiliste dans les infections ostéoarticulaires afin
l’efficacité des différentes molécules entre elles. de traiter une éventuelle phase septicémique. En règle géné-
Au total, au vu de ces différents travaux, l’utilisation des amino- rale, il n’est pas justifié d’utiliser les aminoglycosides au-delà
glycosides en monothérapie semble envisageable dans certaines d’une semaine de traitement. Toutefois, certaines indications
indications [60] , dont la plus pertinente est les infections à bacille nécessitent une bithérapie prolongée telles que les infections
à Gram négatif résistant aux bêtalactamines et aux autres antibio- à P. aeruginosa et à S. aureus. Dans ces différentes situations, les
tiques de moindre toxicité [61] . En revanche, son utilisation dans aminoglycosides doivent être rapidement remplacés par des molé-
les bactériémies ou les sepsis d’origine « non » urinaire ne semble cules à meilleure diffusion osseuse comme la rifampicine ou les
pas être indiquée. fluoroquinolones [68, 69] .

Traitement d’une infection à P. aeruginosa Infections du parenchyme rénal ou prostatiques


par une bêtalactamine associée Selon l’Association française d’urologie, il n’existe pas
à un aminoglycoside [62] d’indication aux aminoglycosides en association dans la pyéloné-
phrite aiguë non compliquée [70] . En effet, les études comparant
P. aeruginosa est un bacille à Gram négatif qui possède de mul- la monothérapie à la bithérapie ne mettent pas en évidence
tiples mécanismes de résistance antibiotique et dont 22 % des d’avantage en termes de pourcentage de guérison clinique ou
espèces isolées en France ont acquis un mécanisme de résistance microbiologique. Ainsi, cette association doit être réservée à la
aux carbapénèmes. Les infections à P. aeruginosa sont générale- suspicion d’infection à entérobactérie sécrétrice de bêtalactamases
ment des infections nosocomiales tardives survenant chez des à spectre élargi ou en cas de prostatite associée à un choc sep-
patients particulièrement fragilisés. Le risque « théorique » de trai- tique. En revanche, une fois l’épisode aigu traité, il faut privilégier
ter une infection à P. aeruginosa est celui d’induire un ou plusieurs l’utilisation de molécules à meilleure diffusion tissulaire, telles que
mécanismes de résistance faisant évoluer la bactérie vers la panré- les fluoroquinolones
sistance. Par conséquent, il est habituellement recommandé de
traiter les infections à P. aeruginosa par une bithérapie afin de
favoriser une diminution plus rapide de l’inoculum bactérien et
Méningite
d’éviter l’émergence de souches secondairement résistantes. Les Compte tenu de la mauvaise diffusion des aminosides au niveau
antibiotiques alors utilisés dans cette indication sont les bêtalac- des méninges, il existe peu d’indications justifiant leur utili-
tamines, aminosides, fluoroquinolones ou encore la fosfomycine. sation. En effet les recommandations françaises [71] préconisent
Toutefois, ce « dogme » est actuellement remis en question par les l’utilisation de la gentamicine à la dose de 3 à 5 mg/kg par jour
données de quelques études récentes [63] . uniquement dans le cadre d’infection à L. monocytogenes ou lors
Les études in vitro et chez l’animal plaident en faveur de d’une suspicion à Escherichia coli chez un enfant de moins de trois
l’association antibiotique. En effet, l’association in vitro la plus mois. Les recommandations américaines limitent l’utilisation des
synergique (90 % des cas) dirigée contre Pseudomonas est celle aminoglycosides au nouveau-né, aux infections à streptocoques
d’une pénicilline à activité antipseudomonas et d’un aminoside. et aux infections nosocomiales à bacille à Gram négatif.

8 EMC - Maladies infectieuses


Aminoglycosides : de la théorie à la pratique  8-004-D-10

Tableau 4.
Principales doses et modalités d’administration selon les indications (données personnelles).
Indications cliniques Molécule Dose unitaire Modalités d’administration Durée
Choc septique :
– communautaire Gentamicine 5–7 mg/kg/24 heures DUJ 48 heures
– nosocomial a Amikacine 7 mg/kg/24 heures DUJ 48 heures–5 jours
Neutropénique fébrile a Amikacine 25–30 mg/kg/24 heures DUJ 48 heures–5 jours b
PAVM a
Amikacine 25–30 mg/kg/24 heures DUJ 48 heures–5 jours b
Gentamicine 25–30 mg/kg/24 heures DUJ 48 heures–5 jours b
Infection et mucoviscidose Amikacine 30 mg/kg/24 heures DUJ DUJ
Tobramycine 10–12 mg/kg/24 heures DUJ DUJ
Endocardite bactérienne :
– Streptococcus sp. Gentamicine 3 mg/kg/24 heures c 2 doses quotidiennes 14 jours
d
– Staphylococcus aureus Gentamicine 5–7 mg/kg/24 heures DUJ 3–5 jours
– Enterococcus Gentamicine 3 mg/kg/24 heures 2 doses quotidiennes 14 jours

DUJ : dose unique journalière ; PAVM : pneumonie acquise sous ventilation mécanique.
a
Le choix de la molécule dépend de l’épidémiologie locale.
b
La durée dépend de l’existence ou non d’une infection microbiologiquement documentée (cinq jours en cas d’infection à Pseudomonas aeruginosa).
c
Posologie à adapter aux concentrations sériques.
d
Les aminosides dans l’endocardite à Staphylococcus aureus sensible à la méticilline ne sont plus obligatoires.

 Conclusion [11] Vogelman BS, Craig WA. Postantibiotic effects. J Antimicrob Che-
mother 1985;15(Suppl. A):37–46.
[12] Weinbren MJ. Pharmacokinetics of antibiotics in burns patients. J
Les aminoglycosides sont des antibiotiques bactéricides à large
Antimicrob Chemother 2001;47:720.
spectre, actifs sur les germes à Gram négatif aérobies, les staphy-
[13] Lortholary O, Lefort A, Tod M, Chomat AM, Darras-Joly C, Cor-
locoques et sur les bacilles à Gram positif. Malgré la diffusion de
donnier C. Pharmacodynamics and pharmacokinetics of antibacterial
la résistance, ils gardent une activité importante et permettent,
drugs in the management of febrile neutropenia. Lancet Infect Dis
à condition d’une administration à doses adaptées (Tableau 4), 2008;8:612–20.
d’éviter une inadéquation thérapeutique initiale, notamment [14] Croes S, Koop AH, van Gils SA, Neef C. Efficacy, nephrotoxicity
dans les situations cliniques critiques : choc septique, patient neu- and ototoxicity of aminoglycosides, mathematically modelled for
tropénique fébrile ou infections à P. aeruginosa. modelling-supported therapeutic drug monitoring. Eur J Pharm Sci
2012;45:90–100.
[15] Moore RD, Smith CR, Lipsky JJ, Mellits ED, Lietman PS. Risk fac-
Déclaration d’intérêts : l’auteur n’a pas transmis de déclaration de liens tors for nephrotoxicity in patients treated with aminoglycosides. Ann
d’intérêts en relation avec cet article.
Intern Med 1984;100:352–7.
[16] Raveh D, Kopyt M, Hite Y, Rudensky B, Sonnenblick M, Yinnon AM.
Risk factors for nephrotoxicity in elderly patients receiving once-
 Références daily aminoglycosides. QJM 2002;95:291–7.
[17] De Broe ME, Paulus GJ, Verpooten GA, Roels F, Buyssens
[1] Moreau N, Jaxel C, Le Goffic F. Comparison of fortimicins with N, Wedeen R, et al. Early effects of gentamicin, tobramy-
other aminoglycosides and effects on bacterial ribosome and protein cin, and amikacin on the human kidney. Kidney Int 1984;25:
synthesis. Antimicrob Agents Chemother 1984;26:857–62. 643–52.
[2] Davis BD. Mechanism of bactericidal action of aminoglycosides. [18] Alharazneh A, Luk L, Huth M. Functional hair cell mechanotransdu-
Microbiol Rev 1987;51:341–50. cer channels are required for aminoglycoside ototoxicity. PLoS One
[3] Tangy F, Moukkadem M, Vindimian E, Capmau ML, Le Goffic 2011;6:e22347.
F. Mechanism of action of gentamicin components. Characteris- [19] Huth ME, Ricci AJ, Cheng AG. Mechanisms of aminoglycoside
tics of their binding to Escherichia coli ribosomes. Eur J Biochem ototoxicity and targets of hair cell protection. Int J Otolaryngol
1985;147:381–6. 2011;2011:937861.
[4] Ramirez MS, Tolmasky ME. Aminoglycoside modifying enzymes. [20] Guthrie OW. Aminoglycoside induced ototoxicity. Toxicology
Drug Resist Updat 2010;13:151–71. 2008;249:91–6.
[5] Bismuth R. Aminosides et bactéries à Gram positif. In: Antibio- [21] Barza M, Ioannidis JP, Cappelleri JC, Lau J. Single or mul-
gramme. Paris: ESKA; 2012. tiple daily doses of aminoglycosides: a meta-analysis. Br Med J
[6] Lambert T. Aminosides et bactéries à Gram négatif. In: Antibio- 1996;312:338–45.
gramme. Paris: ESKA; 2012. [22] Gilbert DN. Meta-analyses are no longer required for determining
[7] Wachino J, Arakawa Y. Exogenously acquired 16S rRNA methyl- the efficacy of single daily dosing of aminoglycosides. Clin Infect
transferases found in aminoglycoside-resistant pathogenic Gram- Dis 1997;24:816–9.
negative bacteria: an update. Drug Resist Updat 2012;15: [23] Pagkalis S, Mantadakis E, Mavros MN, Ammari C, Falagas ME.
133–48. Pharmacological considerations for the proper clinical use of amino-
[8] Vogelman B, Craig WA. Kinetics of antimicrobial activity. J Pediatr glycosides. Drugs 2011;71:2277–94.
1986;108(5Pt2):835–40. [24] Afssaps. Mise au point sur le bon usage des aminosides administrés
[9] Moore RD, Lietman PS, Smith CR. Clinical response to amino- par voie injectable ; gentamicine, tobramycine, nétilmicine, amika-
glycoside therapy: importance of the ratio of peak concentration cine. 2011.
to minimal inhibitory concentration. J Infect Dis 1987;155: [25] Lutsar I, Metsvaht T. Understanding pharmacokinetics/pharmaco-
93–9. dynamics in managing neonatal sepsis. Curr Opin Infect Dis
[10] Kashuba AD, Bertino Jr JS, Nafziger AN. Dosing of aminoglyco- 2010;23:201–7.
sides to rapidly attain pharmacodynamic goals and hasten therapeutic [26] Mohamed AF, Nielsen EI, Cars O, Friberg LE. Pharmacokinetic-
response by using individualized pharmacokinetic monitoring of pharmacodynamic model for gentamicin and its adaptive resistance
patients with pneumonia caused by Gram-negative organisms. Anti- with predictions of dosing schedules in newborn infants. Antimicrob
microb Agents Chemother 1998;42:1842–4. Agents Chemother 2012;56:179–88.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-004-D-10  Aminoglycosides : de la théorie à la pratique

[27] Mavros MN, Polyzos KA, Rafailidis PI, Falagas ME. Once versus [48] Lu Q, Yang J, Liu Z, Gutierrez C, Aymard G, Rouby JJ. Nebuli-
multiple daily dosing of aminoglycosides for patients with febrile zed ceftazidime and amikacin in ventilator-associated pneumonia
neutropenia: a systematic review and meta-analysis. J Antimicrob caused by Pseudomonas aeruginosa. Am J Respir Crit Care Med
Chemother 2011;66:251–9. 2011;184:106–15.
[28] Ratjen F, Brockhaus F, Angyalosi G. Aminoglycoside therapy against [49] Sermet-Gaudelus I, Ferroni A, Vrielinck S, Lebourgeois M, Che-
Pseudomonas aeruginosa in cystic fibrosis: a review. J Cyst Fibros devergne F, Lenoir G. Anti Pseudomonas aeruginosa antibiotic
2009;8:361–9. therapy in cystic fibrosis (exclusion of macrolides). Arch Pediatr
[29] Bals R, Hubert D, Tummler B. Antibiotic treatment of CF lung 2006;13(Suppl. 1):S30–43.
disease: from bench to bedside. J Cyst Fibros 2011;10(Suppl. 2): [50] Smith AL, Ramsey BW, Hedges DL, Hack B, Williams-Warren J,
S146–51. Weber A, et al. Safety of aerosol tobramycin administration for
[30] Smyth AR, Bhatt J. Once-daily versus multiple-daily dosing with 3 months to patients with cystic fibrosis. Pediatr Pulmonol 1989;7:
intravenous aminoglycosides for cystic fibrosis. Cochrane Database 265–71.
Syst Rev 2012;(2):CD002009. [51] Smyth A, Elborn JS. Exacerbations in cystic fibrosis: 3–Management.
[31] Hassan E, Ober JD. Predicted and measured aminoglycoside phar- Thorax 2008;63:180–4.
macokinetic parameters in critically ill patients. Antimicrob Agents [52] Moriarty TF, McElnay JC, Elborn JS, Tunney MM. Spu-
Chemother 1987;31:1855–8. tum antibiotic concentrations: implications for treatment of
[32] Taccone FS, de Backer D, Laterre PF. Pharmacokinetics of a cystic fibrosis lung infection. Pediatr Pulmonol 2007;42:
loading dose of amikacin in septic patients undergoing conti- 1008–17.
nuous renal replacement therapy. Int J Antimicrob Agents 2011;37: [53] Foucaud P, Borel B, Charara O, Nathanson S, Petitprez P,
531–5. Pin I. Anti-Pseudomonas aerosol therapy in cystic fibrosis:
[33] Gilbert DN, Bennett WM. Use of antimicrobial agents in renal failure. improvement with tobramycin. Rev Pneumol Clin 2002;58(3Pt1):
Infect Dis Clin North Am 1989;3:517–31. 131–8.
[34] Avent ML, Rogers BA, Cheng AC, Paterson DL. Current use of [54] Mukhopadhyay S, Singh M, Cater JI, Ogston S, Franklin M,
aminoglycosides: indications, pharmacokinetics and monitoring for Olver RE. Nebulised antipseudomonal antibiotic therapy in cys-
toxicity. Intern Med J 2011;41:441–9. tic fibrosis: a meta-analysis of benefits and risks. Thorax 1996;51:
[35] Leibovici L, Vidal L, Paul M. Aminoglycoside drugs in clini- 364–8.
cal practice: an evidence-based approach. J Antimicrob Chemother [55] Ramsey BW, Pepe MS, Quan JM, Otto KL, Montgomery AB,
2009;63:246–51. Williams-Warren J, et al. Intermittent administration of inhaled tobra-
[36] Durante-Mangoni E, Grammatikos A, Utili R, Falagas ME. Do we mycin in patients with cystic fibrosis. N Engl J Med 1999;340:
still need the aminoglycosides? Int J Antimicrob Agents 2009;33: 23–30.
201–5. [56] Collins T, Gerding DN. Aminoglycosides versus beta-lactams
[37] Martínez JA, Cobos-Trigueros N, Soriano A, Almela M, Ortega M, in Gram-negative pneumonia. Semin Respir Infect 1991;6:
Marco F, et al. Influence of empiric therapy with a beta-lactam alone 136–46.
or combined with an aminoglycoside on prognosis of bacteremia due [57] Leibovici L, Paul M, Poznanski O. Monotherapy versus beta-
to Gram-negative microorganisms. Antimicrob Agents Chemother lactam-aminoglycoside combination treatment for Gram-negative
2010;54:3590–6. bacteremia: a prospective, observational study. Antimicrob Agents
[38] Falagas ME, Matthaiou DK, Bliziotis IA. The role of aminoglyco- Chemother 1997;41:1127–33.
sides in combination with a beta-lactam for the treatment of bacterial [58] Paul M, Leibovici L. Combination antimicrobial treatment versus
endocarditis: a meta-analysis of comparative trials. J Antimicrob Che- monotherapy: the contribution of meta-analyses. Infect Dis Clin
mother 2006;57:639–47. North Am 2009;23:277–93.
[39] Boumis E, Gesu G, Menichetti F. Consensus document on contro- [59] Vidal L, Gafter-Gvili A, Borok S, Fraser A, Leibovici L, Paul M. Effi-
versial issues in the diagnosis and treatment of bloodstream cacy and safety of aminoglycoside monotherapy: systematic review
infections and endocarditis. Int J Infect Dis 2012;14(Suppl. 4): and meta-analysis of randomized controlled trials. J Antimicrob Che-
S23–38. mother 2007;60:247–57.
[40] Leibovici L. Aminoglycoside-containing antibiotic combina- [60] Craig WA. Optimizing aminoglycoside use. Crit Care Clin 2011;27:
tions for the treatment of bacterial endocarditis: an evidence- 107–21.
based approach. Int J Antimicrob Agents 2010;36(Suppl. 2): [61] Layeux B, Taccone FS, Fagnoul D, Vincent JL, Jacobs F.
S46–9. Amikacin monotherapy for sepsis caused by panresistant Pseu-
[41] Ribera E, Gómez-Jimenez J, Cortes E, del Valle O, Planes A, domonas aeruginosa. Antimicrob Agents Chemother 2010;54:
Gonzalez-Alujas T, et al. Effectiveness of cloxacillin with and without 4939–41.
gentamicin in short-term therapy for right-sided Staphylococcus [62] Tamma PD, Cosgrove SE, Maragakis LL. Combination therapy for
aureus endocarditis. A randomized, controlled trial. Ann Intern Med treatment of infections with Gram-negative bacteria. Clin Microbiol
1996;125:969–74. Rev 2012;25:450–70.
[42] Sexton DJ, Tenenbaum MJ, Wilson WR, Endocarditis Treatment [63] Bliziotis IA, Petrosillo N, Michalopoulos A, Samonis G, Falagas
Consortium Group. Ceftriaxone once daily for four weeks compa- ME. Impact of definitive therapy with beta-lactam monothe-
red with ceftriaxone plus gentamicin once daily for two weeks for rapy or combination with an aminoglycoside or a quinolone
treatment of endocarditis due to penicillin-susceptible streptococci. for Pseudomonas aeruginosa bacteremia. PLoS One 2011;6:
Clin Infect Dis 1998;27:1470–4. e26470.
[43] Legrand M, Max A, Peigne V. Survival in neutropenic patients [64] Chamot E, Boffi El Amari E, Rohner P, Van Delden C. Effec-
with severe sepsis or septic shock. Crit Care Med 2012;40: tiveness of combination antimicrobial therapy for Pseudomonas
43–9. aeruginosa bacteremia. Antimicrob Agents Chemother 2003;47:
[44] Furno P, Bucaneve G, Del Favero A. Monotherapy or 2756–64.
aminoglycoside-containing combinations for empirical antibio- [65] Safdar N, Handelsman J, Maki DG. Does combination antimicrobial
tic treatment of febrile neutropenic patients: a meta-analysis. Lancet therapy reduce mortality in Gram-negative bacteraemia? A meta-
Infect Dis 2002;2:231–42. analysis. Lancet Infect Dis 2004;4:519–27.
[45] Goldstein I, Chastre J, Rouby JJ. Novel and innovative strategies [66] Dupont H, Carbon C, Carlet J, The Severe Generalized Peritoni-
to treat ventilator-associated pneumonia: optimizing the duration of tis Study Group. Monotherapy with a broad-spectrum beta-lactam
therapy and nebulizing antimicrobial agents. Semin Respir Crit Care is as effective as its combination with an aminoglycoside in
Med 2006;27:82–91. treatment of severe generalized peritonitis: a multicenter rando-
[46] Couch LA. Treatment with tobramycin solution for inhalation mized controlled trial. Antimicrob Agents Chemother 2000;44:
in bronchiectasis patients with Pseudomonas aeruginosa. Chest 2028–33.
2001;120(Suppl. 3):114S–7S. [67] Solomkin JS, Mazuski JE, Bradley JS. Diagnosis and mana-
[47] Goldstein I, Wallet F, Robert J, Becquemin MH, Marquette CH, gement of complicated intra-abdominal infection in adults and
Rouby JJ. Lung tissue concentrations of nebulized amikacin during children: guidelines by the Surgical Infection Society and the
mechanical ventilation in piglets with healthy lungs. Am J Respir Crit Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2010;50:
Care Med 2002;165:171–5. 133–64.

10 EMC - Maladies infectieuses


Aminoglycosides : de la théorie à la pratique  8-004-D-10

[68] Recommandations pour la pratique clinique, Spondylodiscites infec- [70] Bruyère F, Cariou G, Boiteux JP, Hoznek A, Mignard JP, Escaravage
tieuses primitives et secondaires à un geste intra-discal, sans mise en L, et al. Diagnosis, treatment and follow-up of community-
place de matériel. SPILF, 2007, http://www.infectiologie.com/ acquired bacterial infections of the urinary system of men and
site/medias/ documents/consensus/2007-Spondylodiscites- women (acute cystitis and acute pyelonephritis) and of the geni-
Court.pdf. tal system of men (acute prostatitis): general remarks. Prog Urol
2008;18(Suppl. 1):4–8.
[69] Recommandations de pratique clinique, Infections ostéo-articulaires [71] Prise en charge des méningites bactériennes aiguës commu-
sur matériel (prothèse, implant, ostéosynthèse), SPILF, 2008, nautaires (à l’exclusion du nouveau-né). SPILF, 2008. http://
http://www.infectiologie.com/site/medias/ documents/consensus/inf- www.infectiologie.com/site/medias/ documents/consensus/2008-
osseuse-court.pdf. Meningites-court.pdf.

M. Houot.
E. Weiss.
M. Groh.
Hygiène hospitalière, Équipe mobile d’infectiologie, Groupements hospitaliers universitaires Necker-Enfants malades, Université Paris-Descartes, 149, rue de
Sèvres, 75015 Paris, France.
I. Grall.
Équipe opérationnelle d’hygiène hospitalière, Clinique de Champigny, Générale de santé, 34, rue de Verdun, 94500 Champigny-sur-Marne, France.
J.-R. Zahar (jrzahar@gmail.com).
Hygiène hospitalière, Équipe mobile d’infectiologie, Groupements hospitaliers universitaires Necker-Enfants malades, Université Paris-Descartes, 149, rue de
Sèvres, 75015 Paris, France.
Référent antibiotique, Clinique de Champigny, Générale de santé, 34, rue de Verdun, 94500 Champigny-sur-Marne, France.
Unité de prévention et de lutte contre les infections nosocomiales, CHU d’Angers, Université d’Angers, 4, rue Larrey, 49000 Angers, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Houot M, Weiss E, Groh M, Grall I, Zahar JR. Aminoglycosides : de la théorie à la pratique. EMC - Maladies
infectieuses 2014;11(3):1-11 [Article 8-004-D-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 11


 8-004-E-10

Tétracyclines
E. Botelho-Nevers, A. Gagneux-Brunon, F. Lucht

Les tétracyclines, mises sur le marché dans les années 1950 à 1960, glycylcyclines exceptées, restent
des antibiotiques très utiles. En France, la doxycycline, cycline de deuxième génération, est la plus utili-
sée. Les indications de choix de cette classe d’antibiotiques sont le traitement de nombreuses infections
sexuellement transmissibles, de la maladie de Lyme, la leptospirose, les infections à bactéries intracellu-
laires telles que la fièvre Q, les rickettsioses, les bartonelloses et autres zoonoses. Elles ont également leur
place dans la prévention du paludisme à Plasmodium falciparum. Les glycylcyclines, nouvelles tétracy-
clines semi-synthétiques, dites tétracyclines de troisième génération, avec la tigécycline, relancent l’intérêt
de l’utilisation de cette famille dans le traitement d’infections sévères et/ou à bactéries multirésistantes.
Enfin, le développement de nouvelles molécules parmi les glycylcyclines mais également dans une nouvelle
génération, les fluorocyclines, montre l’intérêt et l’utilité de cette classe d’antibiotiques.
© 2016 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Tétracyclines ; Doxycycline ; Glycylcyclines ; Pharmacocinétique ; Indications cliniques ; Tolérance

Plan  Introduction
■ Introduction 1 La première tétracycline, la chlortétracycline a été découverte
■ Différentes cyclines 1 en 1948. Depuis cette date, d’autres molécules ont été isolées
Cyclines naturelles 1 ou synthétisées. Actuellement les plus utilisées sont la doxycy-
Tétracyclines semi-synthétiques 2 cline et la minocycline. Les recherches pour trouver des analogues
Glycylcyclines 2 des tétracyclines ont conduit au développement des glycylcy-
Fluorocyclines 2 clines dont la tigécycline est le premier agent, commercialisé en

2005 [1] .
Structure chimique, mécanismes d’action et de résistance 2
L’utilisation intensive des cyclines, aussi bien en clinique
Structure chimique 2
humaine que dans l’alimentation animale, a été associée rapide-
Mécanismes d’action 2
ment à l’émergence de résistance au sein des bactéries, décrite dès
Mécanismes de résistance 2
1953 chez Shigella dysenteriae [2] . Cependant, les tétracyclines, à
■ Spectre d’activité 3 fort pouvoir de pénétration tissulaire et intracellulaire, conservent
Cocci à Gram positif 3 une excellente activité sur les infections à bactéries intracellulaires
Cocci à Gram négatif 3 (infections sexuellement transmissibles, maladie de Lyme, lepto-
Bactéries à Gram négatif 3 spirose, fièvre Q, rickettsioses, bartonelloses, ehrlichioses, etc.).
Anaérobies 4 La doxycycline est aussi utilisée dans la prévention du palu-
Autres micro-organismes 4 disme à Plasmodium falciparum ainsi que le traitement des formes
■ Étude pharmacocinétique et pharmacodynamique 4 résistantes.
Absorption 4 Par ailleurs la tigécycline est potentiellement active sur les
Diffusion tissulaire 5 bactéries à Gram positif résistantes telles que les entérocoques
Métabolisme et élimination 5 résistants à la vancomycine, les Staphylococcus aureus résistants à
■ Indications thérapeutiques 5 la méticilline (SARM) mais aussi les bacilles à Gram négatif mul-
Tétracyclines semi-synthétiques (minocycline, doxycycline) 5 tirésistants aux antibiotiques (Acinetobacter, Enterobacter, etc.).
Tigécycline 8
■ Tolérance, interactions médicamenteuses, contre-indications
et précautions d’emploi
Tolérance
8
8
 Différentes cyclines [3]

Interactions médicamenteuses 9
Contre-indications et précautions d’emploi 9
Cyclines naturelles
■ Mode d’administration, posologie 10 Elles ont été obtenues par Duggar, alors qu’il travaillait sur
Tétracyclines semi-synthétiques 10 des échantillons de champignons du genre Actinomycetes : Strep-
Tigécycline 10 tomyces aureofaciens [4] . Ce fut initialement la chlortétracycline en
■ Conclusion 10 1948 puis l’oxytétracycline en 1950, la tétracycline en 1953, la
déméthylchlortétracycline en 1957 et la métacycline en 1965.

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 13 > n◦ 4 > novembre 2016
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(16)73622-2
8-004-E-10  Tétracyclines

N(CH3)2 N(CH3)2

OH O OH OH O OH
O
H D C B A
NH2 CH3 N
D C B A
N CONH2
H OH
OH CH3
CH3 OH O OH O
N A B
H3C CH3 Figure 1. Les quatre cycles communs à toutes les tétracy-
clines (A), la tigécycline (B) et l’eravacycline (C).
F N

7 H H 4
OH
O
D C B A
N NH2
9
N
O 1
H
OH O OH H O O
C

Ces produits à biodisponibilité médiocre et à courte demi-vie l’ertapénem dans le traitement des infections intra-abdominales
ont rapidement été remplacés par les tétracyclines semi- compliquées a montré une efficacité comparable [9] . Des études
synthétiques. de phase III sont en cours. Étant donné que cette dernière molé-
cule n’est pas commercialisée, ses caractéristiques ne seront pas
abordées dans ce chapitre.
Tétracyclines semi-synthétiques
Au début des années 1960 apparaissent la rolitétracycline et la
lymécycline, suivies par la déméclocycline et l’oxytétracycline.
 Structure chimique, mécanismes
La doxycycline apparaît en 1967 et la minocycline, en 1972. d’action et de résistance
Ces molécules de deuxième génération ont une meilleure activité
antimicrobienne, une meilleure biodisponibilité et une moindre Structure chimique
toxicité que les premières molécules [5] .
Les tétracyclines comportent une structure commune qui est un
Toutes ces molécules ont en commun un noyau à quatre cycles
noyau avec quatre cycles hexagonaux. C’est le retrait du groupe-
hexagonaux, les différences se faisant au niveau des radicaux
ment hydroxyle de la position 6 alpha sur le cycle C qui a permis
(Fig. 1).
l’obtention de la doxycycline.
Seules la doxycycline, la minocycline, la lymécycline et la méta-
Les tétracyclines se présentent sous forme de poudre cristalline
cycline sont actuellement disponibles en France pour un usage
de couleur jaune, sensible à la lumière mais stable à l’état sec à
systémique. Toutefois les lymécycline et métacycline sont très
25 ◦ C pendant plusieurs années. Leur forte liposolubilité explique
peu utilisées. La minocycline est soumise depuis 2012 à une
leur excellente pénétration tissulaire [5] .
prescription extrêmement restreinte [6] . La doxycycline est la plus
largement utilisée en France.
Mécanismes d’action
Les tétracyclines entrent dans la bactérie de deux façons : par
Glycylcyclines diffusion passive et par un système de transport actif énergie-
Les glycylcyclines, troisième génération de cyclines et deuxième dépendant. Une fois à l’intérieur de la bactérie, les tétracyclines
génération de cyclines semi-synthétiques, sont obtenues par inhibent la synthèse protéique bactérienne en se liant au site A
substitution en position 9 du noyau D d’un nouveau groupe, de haute affinité de la sous-unité ribosomale 30S bloquant ainsi
le N-diméthylglycylamide de la minocycline pour la DMG- l’entrée de l’acide aminé apporté par l’acide ribonucléique (ARN)
minocycline ou tigécycline [7] . D’autres glycylcyclines sont en de transfert, dans la chaîne d’élongation peptidique [10] . Cela
développement telles que l’omadacycline [3] , avec une formula- conduit à un effet bactériostatique.
tion orale et intraveineuse. Son spectre est large avec une action
sur les bactéries résistantes. Une étude de phase 3, comparant Mécanismes de résistance
l’omadacycline au linézolide dans les infections de la peau et des
tissus mous a été réalisée. Il n’y a pas à ce jour de résultats dis- Contrairement à de nombreux autres antibiotiques, les
tétracyclines sont rarement inactivées biologiquement ou modi-
ponibles (Clinical Trial NCT00865280). Étant donné que cette
fiées chimiquement par des bactéries résistantes. La résistance
dernière molécule n’est pas commercialisée, ses caractéristiques
à ces agents se développe principalement en empêchant
ne seront pas abordées dans ce chapitre.
l’accumulation du médicament à l’intérieur de la bactérie par deux
mécanismes :
Fluorocyclines • un système d’efflux, énergie-dépendant, des tétracyclines en
dehors de la bactérie [11] ;
Ces molécules totalement synthétiques sont issues de l’ajout de • une protection du ribosome par une protéine soluble [12] .
nouveau groupe sur le noyau D, mais aussi sur le noyau composé Il s’agit d’une résistance conférée à la plupart des tétracyclines.
des cycles A et B [8] (Fig. 1). La molécule la plus avancée en Les gènes de résistance aux tétracyclines se localisent sur des plas-
développement est l’eravacycline avec une formulation orale et mides ou des transposons (gènes tet [M], tet [O], tet [K], tet [L],
intraveineuse. Une étude de phase II comparant l’eravacycline à etc.) [13] .

2 EMC - Maladies infectieuses


Tétracyclines  8-004-E-10

Tableau 1. Tableau 2.
Cocci à Gram positif. CMI 50 % (mg/l) (d’après [16] ). Cocci à Gram négatif. CMI 50 % (mg/l) (d’après [16] ).
Cocci à Gram positif Minocycline/ Tigécycline Cocci à Gram négatif Minocycline/doxycycline Tigécycline
doxycycline [18]
Neisseria gonorrhoeae 8 –
Staphylococcus aureus MS 0,125/0,125 0,25 Neisseria meningitidis 0,25/– 0,032
S. aureus MR 0,125/– 0,25
Moraxella catarrhalis 0,125/0,5 0,064
Staphylococcus pyogenes 0,125/0,25 0,064
Streptococcus pneumoniae 0,064/0,125 0,064 CMI 50 % : concentration minimale inhibitrice inhibant 50 % des souches tes-
tées.
Streptococcus viridans 0,125/– 0,064
Enterococcus faecalis 16/8 0,064
Tableau 3.
0,25/16 0,064
Bactéries à Gram négatif : entérobactéries. CMI 50 % (mg/l) (d’après [16] ).
CMI 50 % : concentration minimale inhibitrice inhibant 50 % des souches tes- Entérobactéries Minocycline/doxycycline Tigécycline
tées ; MS : méticilline sensible ; MR : méticilline résistant.
Escherichia coli 1/4 0,125
Klebsiella pneumoniae 2/2 0,25
La tigécycline est peu affectée par les deux principaux méca-
nismes de résistance aux tétracyclines grâce au gros composant Enterobacter cloacae 4/2 0,25
situé en position 9 du cycle D [14] . Ainsi, la tigécycline peut avoir Serratia marcescens 4/8 0,5
une activité contre les organismes résistant aux autres tétracy- Proteus vulgaris –/4 1
clines. Yersinia enterocolitica 1/1 –
La résistance croisée entre la tigécycline et la minocycline pour
Morganella morganii 8/2 0,5
les Enterobacteriaceae est due aux pompes d’efflux multidrogues
codées par des gènes chromosomiques [15] . Proteus mirabilis 16/R 2
L’eravacycline semble être active sur des bactéries résistantes à Providencia stuartii R naturelle 1
la tigécycline [9] . Salmonella typhi 2/– 0,25
Salmonella spp. 2/2 0,5

 Spectre d’activité Shigella spp.


Citrobacter freundii
–/2 [19]
2/2
0,25
0,25
Les tétracyclines sont des antibiotiques bactériostatiques à large CMI 50 % : concentration minimale inhibitrice inhibant 50 % des souches tes-
spectre d’activité. tées ; R : résistance.

Cocci à Gram positif (Tableau 1) Elle est également régulièrement active contre les S. aureus,
qu’ils soient SAMS ou SAMR, ou de sensibilité diminuée à la van-
Doxycycline, minocycline comycine, ainsi que contre Staphylococcus epidermidis, avec une
Les concentrations critiques avec des disques chargés à 30 ␮g CMI 90 de 0,25 mg/l sur les SAMS et de 0,5 mg/l sur les SAMR.
pour la doxycycline et la minocycline sont respectivement pour Contre les entérocoques (E. faecalis et E. faecium), y compris les
Staphylococcus spp. et streptocoques autres que pneumocoque : entérocoques résistant à la vancomycine (VRE), quel que soit le
sensibilité (S) inférieure ou égale à 1 mg/l et S inférieure ou phénotype VanA, VanB, ou VanC, elle a régulièrement une bonne
égale à 0,5 mg/l, résistance (R) supérieure à 1 mg/l et R supérieure activité in vitro avec une CMI 90 à 0,5 mg/l.
à 0,5 mg/l ; pour Streptococcus pneumoniae S inférieure ou égale à En revanche, elle n’est jamais bactéricide contre les cocci à
1 mg/l et S inférieure ou égale à 0,5 mg/l, R supérieure à 2 mg/l et R Gram positif, avec une concentration minimale bactéricide (CMB)
supérieure à 1 mg/l selon l’European Committee on Antimicrobial 90 supérieure à 32 mg/l.
Susceptibility Testing (EUCAST).
Environ 20 % des souches de streptocoques A, C, G et de
Streptococcus viridans sont résistantes ; 80 à 90 % des souches de
Cocci à Gram négatif (Tableau 2)
streptocoques B sont résistantes ; 20 à 40 % des souches de pneu- La minocycline est active sur Neisseria gonorrhoeae et Neisseria
mocoques sont résistantes ; 40 à 80 % des souches d’entérocoques meningitidis. Cependant les gonocoques résistants à la peniG sont
sont résistantes. Environ 10 % des souches de S. aureus sensibles habituellement résistants aux tétracyclines.
à la méticilline (SAMS) et 70 à 80 % des souches résistant à la La tigécycline est active sur ces souches résistantes avec une
méticilline (SAMR) sont résistantes. CMI 50 à 0,25 mg/l.

Tigécycline
Bactéries à Gram négatif (Tableaux 3 à 5)
Avec des disques chargés à 15 ␮g, les concentrations critiques
sont : Doxycycline, minocycline
• S inférieure ou égale à 0,5 mg/l et R supérieure à 0,5 mg/l pour
La minocycline est généralement active sur (pourcentage
Staphylococcus sp. ;
de souches résistantes) : Branhamella catarrhalis (< 10 %), Esche-
• S inférieure ou égale 0,25 mg/l et R supérieure à 0,5 mg/l pour
richia coli (20–40 %), Haemophilus influenzae (10 %), Klebsiella
Streptococcus sp. autres que S. pneumoniae ;
(10–30 %), Pasteurella multocida (< 10 %), Brucella spp. (< 10 %),
• S inférieure ou égale à 0,25 mg/l et R supérieure à 0,5 mg/l pour
Vibrio cholerae, Vibrio vulnificus, Acinetobacter baumannii. Burkhol-
Enterococcus sp.
deria pseudomallei.
Dans une collection de 10 127 souches de staphylocoques,
Elle est active contre 95 % des souches de Stenotrophomonas mal-
streptocoques et entérocoques, la tigécycline est active contre tous
tophilia [22] .
les streptocoques (S. pyogenes, S. pneumoniae et S. viridans) à une
Elle n’est pas active contre Proteus mirabilis, Proteus vulgaris,
concentration inférieure à 0,12 mg/l [17] . Cette activité est majori-
Pseudomonas sp. et Serratia sp.
tairement conservée sur des souches de S. pyogenes (concentration
minimale inhibitrice [CMI] 90 < 0,06 mg/l) et de S. agalactiae
(CMI 90 < 0,25 mg/l) résistant aux macrolides (gène majoritaire
Tigécycline
erm [B]) et résistant aux tétracyclines (gènes majoritaires tet [M] et Les concentrations critiques selon l’EUCAST avec des disques
tet [O]). Elle est active contre Streptococcus pneumoniae résistant à chargés à 15 ␮g sont : Enterobacteriaceae : S inférieure ou égale à
la pénicilline G (peniG). 1 mg/l et R supérieure à 2 mg/l.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-004-E-10  Tétracyclines

Tableau 4. Tableau 7.
Bacilles à Gram négatif aérobies. CMI 50 % (mg/l) (d’après [16] ). Autres micro-organismes. CMI 50 % (mg/l).
Bacilles à Gram négatif aérobies Minocycline/ Tigécycline Autres micro-organismes Minocycline/doxycycline Tigécycline
doxycycline [24]
Mycoplasma pneumoniae 0,78 /– –
Acinetobacter baumannii 2/0,5 0,5 Mycoplasma hominis < 0,5/< 0,5 [25] –
Stenotrophomonas maltophilia 0,25/2 0,5 Ureaplasma urealyticum < 0,5/< 0,5 [25] –
Pseudomonas aeruginosa R naturelle 16 Chlamydia spp. 0,03/0,25 [26] 0,125 [26]
[16]
CMI 50 % : concentration minimale inhibitrice inhibant 50 % des souches tes- Legionella pneumophila 4/4 4 [16]
tées ; R : résistance. Coxiella burnetii –/1–2 [27]
0,25–0,5 [27]
[28]
Leptospira –/2 –
Tableau 5. Borrelia –/0,125–0,5 [29] 0,016 [29]
Bacilles à Gram négatif autres. CMI 50 % (mg/l) (d’après [16] ).
CMI 50 % : concentration minimale inhibitrice inhibant 50 % des souches tes-
Bacilles à Gram négatif Minocycline/doxycycline Tigécycline tées.
Haemophilus influenzae 0,25/0,25 0,25
Haemophilus ducreyi 4/16 [20] – Les distributions de CMI pour les bactéries des genres Bacteroides
Pasteurella multocida –/0,25 – et Clostridium sont larges et peuvent comprendre des valeurs supé-
Campylobacter jejuni –/0,5 –
rieures à 2 mg/l de tigécycline. Dans une collection de 831 isolats
du groupe B. fragilis, à une concentration de 8 mg/l, la tigé-
Brucella spp. 0,047 [21] 0,064 [21]
cycline est plus active que la clindamycine, la minocycline,
Moraxella spp. 0,125/0,5 0,064 la céfoxitine, mais moins que l’imipénem ou la pipéracilline-
CMI 50 % : concentration minimale inhibitrice inhibant 50 % des souches tes-
tazobactam [11] .
tées. Clostridium perfringens, Peptostreptococcus sp., Prevotella sp. sont
habituellement sensibles.
Tableau 6.
Anaérobies. CMI 50 % (mg/l) (d’après [16] ). Autres micro-organismes (Tableau 7)
Anaérobies Minocycline/doxycycline Tigécycline
Mycoplasma hominis est globalement résistant à la minocycline
Actinomyces –/0,5 – (30 à 50 % des souches), mais sensible à la tigécycline (CMI 90 :
Clostridium perfringens – 0,5 0,5 mg/l). Ureaplasma urealyticum est moins sensible à la tigécy-
Clostridium difficile R naturelle 0,125 cline (CMI 90 : 8 mg/l) qu’à la minocycline (CMI 90 : 0,25 mg/l)
(10 % de souches résistantes).
Peptostreptococcus – 0,125
Mycoplasma pneumoniae : la tigécycline a une CMI 90 de
Bacteroides fragilis R 1 0,25 mg/l, contre 1 mg/l pour la minocycline.
CMI 50 % : concentration minimale inhibitrice inhibant 50 % des souches tes- Les CMI 50 à la minocycline sont pour C. trachomatis de
tées ; R : résistance. 0,03 mg/l, pour C. pneumoniae de 0,06 mg/l et pour C. psittaci de
0,03 mg/l. Les CMI 90 ne sont pas significativement différentes.
Les mycobactéries atypiques à croissance rapide, dans une étude
Les espèces habituellement sensibles sont : Citrobacter freun- in vitro, étaient très sensibles avec une CMI 90 de 0,25 mg/l à la
dii, Citrobacter koseri, E. coli, Klebsiella oxytoca, avec des CMI 90 tigécycline pour Mycobacterium abscessus, et inférieure à 0,13 mg/l
de 1 mg/l. Elle est active sur de nombreuses entérobactéries pro- pour M. chelonae et le groupe M. fortuitum, même sur les souches
ductrices de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE). Elle est très résistantes à la tétracycline.
régulièrement active contre B. catarrhalis et H. influenzae même Les mycobactéries atypiques à croissance lente (M. marinum et
chez les souches productrices de bêtalactamases, avec une CMI 90 M. kansasii) ne sont pas ou peu sensibles à la tigécycline (CMI 90 :
inférieure ou égale à 4 mg/l. 3 mg/l) avec une concentration supérieure à 24 mg/l, à comparer
Les espèces inconstamment sensibles sont : A. baumannii, à une CMI 90 de 2 mg/l pour la minocycline.
Burkholderia cepacia, Enterobacter aerogenes, Enterobacter cloacae, La tigécycline est active contre Listeria monocytogenes.
Klebsiella pneumoniae, Morganella morganii, Serratia marcescens,
S. maltophilia.
La tigécycline peut être active contre S. maltophilia résistant au
cotrimoxazole [23] .  Étude pharmacocinétique
Proteus sp., Providencia sp. et Burkholderia ont des CMI 90 supé-
rieures à 8 mg/l.
et pharmacodynamique [5, 30–33]

Pseudomonas aeruginosa n’est généralement pas sensible à la tigé- Absorption


cycline (< 20 % des souches), essentiellement par un mécanisme
d’efflux, en notant que la tigécycline est moins sensible à ces Tétracyclines semi-synthétiques
systèmes que la minocycline.
Les tétracyclines semi-synthétiques (minocycline, doxycycline)
sont presque totalement absorbées par voie orale (estomac et duo-
Anaérobies (Tableau 6) dénum), avec un taux moyen de 95 %. Le pic sérique est atteint
entre deux et trois heures et demie après absorption de 200 mg
Doxycycline, minocycline de doxycycline, et se situe entre 3 et 6 mg/l. La doxycycline est
Elles sont actives sur Propionibacterium acnes. Elles sont habi- liée à 95 % aux protéines. Sa demi-vie de 20 heures autorise une
tuellement actives sur Actinomyces spp. prise par jour. L’absorption de la doxycycline est peu influencée
par la prise alimentaire. L’absorption des tétracyclines est dimi-
nuée par l’administration concomitante de cations (aluminium,
Tigécycline magnésium, etc.). Seule la doxycycline est disponible sous forme
L’efficacité clinique de la tigécycline, sur les bactéries anaé- de solution injectable pour administration par voie intraveineuse
robies dans les infections intra-abdominales polymicrobiennes, (usage restreint, non disponible dans tous les pays). La disponibi-
n’a pas pu être corrélée avec les valeurs des CMI, ni les don- lité d’une solution de doxycycline par voie intraveineuse a permis
nées de pharmacocinétique et de pharmacodynamie et, ainsi, d’évaluer la biodisponibilité des comprimés de doxycycline admi-
aucune concentration critique pour ces bactéries n’est proposée. nistrés per os, elle est d’environ 75 %.

4 EMC - Maladies infectieuses


Tétracyclines  8-004-E-10

Tigécycline l’insuffisant rénal et il n’est pas nécessaire d’adapter la dose.


L’hémodialyse ne modifie pas la pharmacocinétique. La dose ne
La tigécycline est administrée uniquement sous forme injec-
doit être réduite qu’en cas d’insuffisance hépatique sévère (Child-
table par voie veineuse. Sa biodisponibilité est donc de 100 %.
Pugh C). Il n’y a pas d’interaction avec la digoxine ni la warfarine.
Elle n’altère pas le métabolisme du cytochrome P450.
Diffusion tissulaire
Tétracyclines semi-synthétiques  Indications thérapeutiques
La diffusion tissulaire est corrélée à leur nature extrême-
ment lipophile (minocycline > doxycycline > tétracycline). Elles Tétracyclines semi-synthétiques
diffusent bien dans les poumons et les sécrétions bronchiques où (minocycline, doxycycline)
les taux atteignent environ 25 % des concentrations sériques. Elles
diffusent bien également dans le tractus génital féminin avec des Les indications de minocycline sont très restreintes depuis
concentrations proches des concentrations sériques, voire supé- 2012, à la suite d’une notification de l’Agence nationale de sécurité
rieures dans l’endomètre. Ces molécules traversent la barrière du médicament et des produits de santé (ANSM) en raison d’un
placentaire et se concentrent dans le tissu osseux et dans les dents risque de syndromes d’hypersensibilité graves et d’atteintes auto-
du fœtus. immunes. La minocycline doit être réservée pour « le traitement
Elles ont également des concentrations prostatiques proches des des infections microbiologiquement documentées des souches
concentrations sériques. Les concentrations dans le parenchyme bactériennes résistantes aux autres cyclines et sensibles à la mino-
rénal sont d’environ deux fois celles observées dans le sérum. cycline et pour lesquelles aucun autre antibiotique par voie orale
Les taux dans le liquide cérébrospinal sont de l’ordre de 10 à ne paraît approprié. Cette molécule est dorénavant soumise à une
50 % des taux sériques. Ces molécules ne sont pas recommandées prescription hospitalière » [6] . La molécule de choix est donc, dans
dans le traitement des méningites à germe sensible. l’immense majorité des cas, la doxycycline.
La doxycycline pénètre bien dans le liquide synovial, à des taux
de l’ordre de 75 % des taux sériques, indépendamment de l’état Infections sexuellement transmissibles [34]
inflammatoire de la synovie. La diffusion osseuse est médiocre, de
l’ordre de 10 à 20 % des taux sériques, et les tétracyclines seraient Les tétracyclines semi-synthétiques et notamment la doxycy-
inactivées par la présence du calcium osseux. cline sont des molécules utilisées dans le traitement des infections
Les tétracyclines se concentrent au niveau biliaire avec des sexuellement transmissibles (IST) bactériennes. Elles sont habi-
concentrations cinq à 20 fois supérieures aux concentrations tuellement recommandées en alternative à l’azithromycine pour
sériques. le traitement des IST en dehors des infections à N. gonorrhoeae.
La diffusion dans la peau est également moyenne de l’ordre de Les tétracyclines ont une excellente activité contre C. tra-
10 à 30 %. chomatis et U. urealyticum, représentant respectivement 50 et
20 % des causes d’IST bactériennes (urétrites non gonococ-
Tigécycline ciques, épididymites aiguës chez l’homme ou des cervicites
chez la femme). Pour les urétrites et cervicites, en alternative à
Elle a un gros volume de distribution de 7 à 10 l/kg, proportion- l’azithromycine, traitement de première intention en dose unique
nel à la dose administrée. Après l’administration de 100 mg par de 1 g, on peut utiliser la doxycycline, 200 mg/j pendant sept
voie veineuse chez le volontaire sain, la concentration maximale jours.
(Cmax) est de 0,85 à 1 mg/l, l’aire sous la courbe de 0 à l’infini Les salpingites et les maladies inflammatoires pelviennes sont
(ASC 0–∞ ) est de 4,2 à 5,8 mg/h/l. Cmax et l’ASC 0–∞ évoluent de souvent polymicrobiennes, associant à la fois C. trachomatis,
manière proportionnelle et linéaire en fonction de la dose. La M. hominis, des bacilles à Gram négatif, des germes anaérobies,
demi-vie mesurée est de 16 à 24 heures. L’alimentation ne modifie et parfois même N. gonorrhoeae. Souvent l’antibiothérapie est
pas la pharmacocinétique. Elle a un effet postantibiotique sur de multiple, associant doxycycline 200 mg/j, pendant 21 jours, avec
nombreuses souches de S. aureus, E. coli, S. pneumoniae d’environ un antibiotique actif contre les bacilles à Gram négatif et un
quatre heures, soit le double de la minocycline [33] . Bien que classi- anti-anaérobie, type amoxicilline-acide clavulanique pendant dix
quement bactériostatique, elle peut être bactéricide sur certaines jours ou clindamycine [35] .
de ces souches [14] . Parmi les IST moins fréquemment observées en France, la lym-
phogranulomatose vénérienne (LGV), due à des souches de C.
Métabolisme et élimination trachomatis de sérotypes LGV, peut être traitée par les tétracyclines
semi-synthétiques.
Tétracyclines semi-synthétiques Pour les infections à M. hominis et M. genitalium, 30 à 50 % des
souches sont résistantes aux tétracyclines et d’autres antibiotiques
Les tétracyclines semi-synthétiques, en particulier la doxycy-
tels que l’azithromycine ou les fluoroquinolones sont recomman-
cline, sont éliminées à 60 % par voie extrarénale, principalement
dés [36] .
par voie hépatique, intestinale ou les deux. Ainsi, en présence
Face à une urétrite gonococcique, il est recommandé de trai-
d’une atteinte rénale sévère, les taux sériques de doxycycline,
ter par ceftriaxone en dose intramusculaire unique de 250 à
ainsi que la demi-vie, ne sont pas modifiés et il n’y a pas
500 mg. Cependant dans l’attente des résultats bactériologiques,
d’accumulation, même à doses répétées.
ou pour ne pas laisser passer une co-infection à Chlamydia, il est
L’élimination se fait donc par voie biliaire, mais la voie la plus
recommandé d’associer azithromycine 1 g en dose unique (voire
importante paraît être une élimination digestive à travers la paroi
doxycycline, 200 mg/j, pendant sept jours). La doxycycline est
de l’intestin grêle. En cas d’insuffisance rénale, cette élimination
toutefois moins recommandée du fait d’un taux de résistance chez
peut être accrue jusqu’à 80 %, empêchant ainsi l’accumulation du
N. gonorrhoeae plus élevé que pour les macrolides [34] .
médicament.
La syphilis, classiquement traitée par benzathine pénicilline,
L’élimination urinaire se fait essentiellement par filtration glo-
peut être également traitée par doxycycline en cas d’allergie aux
mérulaire. La demi-vie de la minocycline est de 16 heures et celle
bêtalactamines et en l’absence de grossesse. Il est habituelle-
de la doxycycline, de 20 heures. Ces dernières peuvent donc être
ment recommandé d’utiliser la doxycycline à la posologie de
administrées une fois par jour.
100 mg × 2/j pendant 14 jours dans le traitement de la syphilis pri-
maire et secondaire [37] . Le même schéma posologique pour une
Tigécycline durée de 28 jours est également proposé en cas de syphilis latente
La tigécycline a une demi-vie, chez le sujet sain, de 37 à avec toutefois un faible niveau de preuve. La neurosyphilis relève
67 heures. La liaison aux protéines est de ∼ 78 %. Elle est élimi- exclusivement de la peniG 18 à 24 MUI/j pendant dix à 14 jours,
née par voie hépatique à 70 % et par voie urinaire, sous forme voire de la ceftriaxone [38] . Il n’y a pas d’indication de doxycycline
inchangée, à 30 %. Les ASC 0-∞ et Cmax sont peu modifiées chez à ce stade.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-004-E-10  Tétracyclines

Infections du tractus respiratoire Dans les formes chroniques (endocardite infectieuse essentiel-
lement), dont la mortalité est de 20 à 60 %, il faut associer la
Les tétracyclines n’ont pas d’indication dans le traitement des
doxycycline à de l’hydroxychloroquine, 200 mg trois fois par jour,
infections respiratoires hautes ou basses habituelles.
sous surveillance ophtalmologique. Un maintien des taux plas-
Seules certaines formes de pneumopathies atypiques telles que
matiques au-delà de 5 ␮g/ml pour la doxycycline et entre 1 et
la fièvre Q [39] ou la tularémie [40] relèvent d’un traitement par
4 ␮g/ml pour l’hydroxychloroquine semble associé à un meilleur
doxycycline. Pour les autres pneumopathies atypiques (légionel-
pronostic [51] . En effet dans cette association, en alcalinisant le
lose, infection à M. pneumoniae), les macrolides ou la lévofloxacine
phagolysosome, l’hydroxychloroquine permet à la doxycycline
sont préférés.
d’être bactéricide sur Coxiella burnetii [52] permettant ainsi de
réduire la durée de traitement à 18 mois, mais aussi de réduire
Zoonoses le taux de rechutes [53] .
La pasteurellose, due le plus souvent à P. multocida, est habi- La tigécycline n’est pas bactéricide contre C. burnetii à la concen-
tuellement traitée par amoxicilline–acide clavulanique. Toutefois tration de 4 mg/l, bien que ses CMI, allant de 0,25 à 0,5 mg/l,
la doxycycline 200 mg/j pendant sept à dix jours est une alter- soient inférieures à celles de la doxycycline de l’ofloxacine
native possible. À titre préventif, après morsure par un animal, (1–2 mg/l), de la clarithromycine et du linézolide (2–4 mg/l) [27] .
la durée du traitement par doxycycline est limitée à cinq
jours [41] . Borrélioses [54]
La tularémie à Francisella tularensis peut être également traitée En pratique, en France il s’agit essentiellement de la maladie
par doxycycline (200 mg/j), associée à un aminoside afin d’être de Lyme, due à un spirochète du genre Borrelia, compre-
bactéricide, en fonction de la forme et de la gravité clinique, pen- nant trois espèces, Borrelia burgdorferi, Borrelia garinii, Borrelia
dant une durée de 14 à 21 jours [40, 42] . afzelii. La maladie de Lyme se traite par amoxicilline ou doxy-
Le Rouget du porc, dû à Erysipelothrix rhusiopathiae, la fièvre de cycline au stade d’érythème chronique migrant, pendant 14 à
Haverhill due à Streptobacillus moniliformis, ainsi que le Sodoku, dû 21 jours.
à Spirillum minus, peuvent être traités par doxycycline (200 mg/j), Dans la phase secondaire et notamment les atteintes articu-
pendant cinq à sept jours [43] . laires, la doxycycline est également recommandée. La doxycycline
sera utilisée pendant 28 jours pour les formes d’arthrites aiguës et
Infections à Bartonella sp [44, 45] pendant 90 jours dans les formes chroniques.
Au cours de la maladie des griffes du chat, due habituellement à Les atteintes neurologiques relèvent en première intention des
Bartonella henselae, l’antibiothérapie n’a pas démontré d’efficacité bêtalactamines et en particulier de la ceftriaxone. Cependant la
supérieure par rapport au placebo dans sa forme typique. En cas doxycycline pendant 21 à 28 jours a montré son efficacité dans
de forme étendue ou compliquée, l’azithromycine est la molécule le traitement des atteintes neurologiques et est donc également
de référence, 500 mg (10 mg/kg chez l’enfant) à j 1 puis 250 mg recommandée [55, 56] .
(5 mg/kg chez l’enfant) jusqu’à j 5. Cette forme clinique ne répond La fièvre récurrente due à Borrelia recurrentis se traite par une
que très inconstamment aux tétracyclines. dose unique de doxycycline ; pénicilline et macrolides sont une
L’angiomatose bacillaire cutanée et la péliose bacillaire relèvent alternative.
de l’érythromycine per os, 2 g/j, pendant trois mois (du fait de son
action antiangiogénique) ; les tétracyclines sont une alternative Ehrlichioses humaines
pour une même durée ; Ces infections sont transmises aussi par morsure de tique, on
• les endocardites infectieuses à Bartonella quintana ou B. hen- distingue :
selae sont traitées par doxycycline 200 mg/j, six semaines en • l’ehrlichiose humaine monocytique américaine, due à Ehrli-
association pendant les deux premières semaines à la genta- chia chaffeensis, transmise par Amblyomma americanum, tique
micine, 3 mg/kg par jour. Les bactériémies sans endocardite présente exclusivement aux États-Unis ;
doivent être traitées selon le même schéma mais réduit à • l’anaplasmose humaine, due à Anaplasma phagocytophilum, est
quatre semaines. En cas d’endocardite à hémoculture négative transmise par des tiques du genre Ixodes, pouvant également
avec suspicion d’infection à Bartonella sp., il est recommandé transmettre la maladie de Lyme. Ces tiques sont présentes aux
d’ajouter de la ceftriaxone à l’association doxycycline et États-Unis et en Europe (y compris en France où l’infection
gentamicine. émerge [57] ). Elle se manifeste par une fièvre aiguë non spéci-
Rickettsioses [46] fique, parfois sévère chez la personne âgée et l’immunodéprimé.
Le traitement de références des rickettsioses est la doxycycline. Des formes chroniques ainsi que des portages asymptoma-
La fièvre boutonneuse méditerranéenne (FBM), dans sa forme tiques sont possibles. Une morsure de tique, la présence
non sévère se traite par une prise unique de 200 mg de doxy- d’une thrombopénie, d’une lymphopénie, d’une élévation des
cycline. Une durée de traitement de cinq à sept jours est aspartate aminotransférases (ASAT) et des alanine aminotrans-
recommandée chez la personne âgée ou avec facteurs de risque férases (ALAT) sont évocatrices. Il peut s’agir également d’un
de type immunodépression. En cas de forme sévère, la doxycy- tableau de pneumopathie atypique et une éruption macu-
cline par voie intraveineuse peut être utilisée. Cette forme est lopapuleuse transitoire peut être présente. Des cas mortels
disponible en France, mais n’est pas disponible partout ailleurs peuvent survenir, malgré le traitement, par œdème pulmonaire
(vibraveineuse® ). lésionnel, parfois insuffisance rénale, myocardite. Le diagnos-
Le typhus épidémique (Rickettsia prowazekii), maladie souvent tic se fait par mise en évidence de morula au frottis sanguin,
mortelle, transmise en contexte de promiscuité par les poux de ou par polymerase chain reaction (PCR). Le traitement repose
corps se traite par doxycycline 200 mg en prise unique [47] . sur la doxycycline (100 mg deux fois par jour pendant deux
Le typhus murin dû à Rickettsia typhi et le typhus des brous- semaines) [58] .
sailles dû à Orientia tsutsugamushi se traitent par doxycycline
Leptospirose [59]
200 mg monodose. La fièvre pourprée des montagnes Rocheuses
(R. rickettsii) se traite également par doxycycline à la posologie de Il n’y a pas de preuve définitive de l’utilité de l’antibiothérapie
200 mg/j pour des durées de deux à cinq jours. dans cette infection, comme le démontre une analyse récente de
Du fait de la gravité potentielle de certaines rickettsioses, la la Cochrane Database [59] . La maladie peut être traitée par doxycy-
doxycycline peut être utilisée en prise unique y compris chez cline en seconde intention, après la peniG, uniquement dans les
l’enfant de moins de 8 ans [48] . formes vues dans les trois ou quatre premiers jours et en l’absence
de signes de gravité.
Fièvre Q [49] La doxycycline à la posologie de 100 mg/j ou de 200 mg par
Dans les formes aiguës, le traitement de choix reste la doxy- semaine peut être utilisée à titre préventif, chez les personnes
cycline seule, 200 mg/j, pendant 15 à 21 jours, y compris dans exposées en zone d’endémie (soldats, etc.) [60, 61] . Cependant une
les formes neurologiques. Le cotrimoxazole est recommandé chez méta-analyse de la Cochrane Database remet en cause l’efficacité
l’enfant de moins de 8 ans et la femme enceinte [50] . de cette prophylaxie [62] .

6 EMC - Maladies infectieuses


Tétracyclines  8-004-E-10

Brucellose [63] On utilise la doxycycline en association avec la clarithromycine


Si, en France, les formes observées sont devenues exception- pendant plusieurs semaines à plusieurs mois [69] . Les infections
nelles et essentiellement importées, cette maladie reste fréquente cutanées à mycobactéries à pousse rapide, souvent nosocomiales,
dans le monde, en particulier sur le pourtour méditerranéen. Elle à Mycobacterium chelonae, ne tirent pas bénéfice d’une associa-
se traite par une association doxycycline (6 semaines) et amino- tion clarithromycine–tigécycline malgré une sensibilité in vitro
sides (15 jours) ou doxycycline-rifampicine pendant six semaines à la tigécycline (CMI : 0,06–0,09 mg/l) [70] . L’ajout de tigécycline
dans les formes aiguës sans focalisation, et pendant trois à six semble avoir un intérêt dans le traitement des infections à M.
mois par doxycycline-rifampicine, dans les formes chroniques ou abcessus et M. chelonae en échec de traitement notamment dans
à focalisation osseuse ou neurologique. les infections pulmonaires [71] .

Peste [42, 64] Paludisme à « Plasmodium falciparum » [72]


Due à Yersinia pestis, elle reste enzootique dans certaines régions La prévention du paludisme à P. falciparum pose le problème
du monde (Inde, Asie, Afrique notamment à Madagascar, États- de résistances, notamment en Asie du Sud-Est. La doxycycline
Unis, Amérique du Sud) et l’on se rappelle l’épidémie de peste est une alternative efficace et bien tolérée à la méfloquine ou
pulmonaire au nord-ouest de l’Inde en 1994. Elle fait partie des l’atovaquone-proguanil. Elle inhibe la synthèse protéique et altère
bactéries potentielles du bioterrorisme [42] . La prévention pour le la membrane cytoplasmique de Plasmodium. Grâce à une forte
sujet contact d’un malade, avéré ou suspect, repose sur la doxy- pénétration intracellulaire et à son activité contre les formes para-
cycline, à la dose de 200 mg/j pour l’adulte. Le traitement repose sitaires intra-hépatocytaires en voie de multiplication, elle réalise
classiquement sur les tétracyclines [65] , la gentamicine ou les fluo- à la fois une prophylaxie de l’infection clinique, mais aussi une
roquinolones. éradication tissulaire du parasite (traitement dit « suppressif »). En
prophylaxie la doxycycline est utilisée à la posologie de 100 mg/j
Charbon [42] chez l’adulte et de 1,5 à 2 mg/kg par jour chez l’enfant de plus de
La doxycycline est efficace contre Bacillus anthracis, peu oné- 8 ans. Son taux d’efficacité est jugé à 95 % environ. L’utilisation
reuse, avec moins de risque de résistance, et est recommandée de la doxycycline en prophylaxie permet aussi de prévenir la sur-
en première ligne. La doxycycline est recommandée en traite- venue d’autres infections potentiellement acquises au cours du
ment prophylactique du charbon pulmonaire après exposition voyage (leptospirose, rickettsioses).
accidentelle, en particulier à une poudre, en cas de bioterrorisme La doxycycline peut être utilisée en association avec la qui-
suspecté ou avéré, ou en traitement curatif, à la même posologie nine dans le traitement des accès à P. falciparum, à la posologie
de 200 mg/j en deux prises, et de 4 mg/kg par jour en deux prises de 200 mg/j chez l’adulte [73] .
chez l’enfant, sans dépasser 200 mg/j.
Filariose lymphatique et onchocercose [74]
Mélioïdose [66]
La doxycycline, à la dose de 100 à 200 mg/j, pendant quatre
La mélioïdose est une zoonose bactérienne tropicale, due à
à six semaines, a un effet macrofilaricide puissant, ainsi que sur
Burkholderia pseudomallei, bacille tellurique transmis par voie
les filaires adultes. En effet, la doxycycline va agir sur Wolbachia
aérienne ou cutanée. C’est une infection sévère, potentiellement
sp., une bactérie en situation symbiotique avec les filaires [75] . Elle
mortelle, avec tendance aux rechutes. C’est une maladie émer-
réduit même la progression de l’œdème et de l’hydrocèle dans la
gente à laquelle le tsunami de décembre 2004 a conféré un
filariose lymphatique.
regain d’actualité. Le traitement d’attaque de la forme bactérié-
mique aiguë repose sur la ceftazidime pendant une dizaine de Prévention des rechutes de périodontites évolutives [76]
jours, puis on utilise le cotrimoxazole associé à la doxycycline en
Les tétracyclines sont efficaces dans ce cas.
entretien pendant six mois pour éviter ou traiter les localisations
secondaires (pulmonaires, cutanées, hépatospléniques, ostéoarti- Trachome de l’adulte [77]
culaires, etc.) et prévenir les rechutes. Chez la femme enceinte et
Dû à C. trachomatis, il répond aux tétracyclines, mais l’azithro-
l’enfant de moins de 8 ans, l’association amoxicilline-acide clavu-
mycine leur est préféré, en dose unique.
lanique est utilisée en relais.
Infection au virus de l’immunodéficience humaine [78, 79]
Autres infections La minocycline a été étudiée dans un modèle macaque
Maladie de Whipple [67] d’infection du système nerveux central au virus de
Il s’agit d’une infection due à Tropheryma whipplei. Il existe l’immunodéficience simienne (SIV), puis dans un modèle cellu-
plusieurs formes cliniques de cette infection. La plus fréquente laire à partir de lymphocytes CD4 de patients infectés par HIV1 [79] .
est la maladie de Whipple classique, ayant une présentation Elle y réduit la réplication de virus de l’immunodéficience
chronique avec arthralgies, diarrhées et perte de poids. Dans humaine (VIH) non par action antivirale propre, mais par
cette forme clinique, le traitement actuellement recommandé diminution de l’expression de nombreux marqueurs d’activation
est l’association doxycycline 200 mg/j et hydroxychloroquine ainsi que de prolifération lymphocytaire CD4. Elle diminue
600 mg/j pendant un an. Certains experts proposent même un aussi la production d’interleukine 2 (IL-2), de tumor necrosis
traitement d’entretien à vie par doxycycline afin d’éviter les factor alpha (TNF-␣) et d’interféron gamma (IFN-␥). L’expression
rechutes. Le cotrimoxazole longtemps utilisé dans le traitement de CCR5 est également diminuée, ce qui peut être intéressant
de cette infection a été associé à des échecs et des rechutes. Il existe contre les souches à tropisme macrophagique. Elle agit aussi en
en effet une résistance naturelle de T. whipplei au triméthoprime diminuant l’activation du facteur NF-␬B et donc la transcription
et une acquisition possible de résistance au sulfaméthoxazole. Des de VIH. Cependant, dans une étude randomisée versus placebo, la
controverses existent concernant le traitement des autres formes minocycline n’a pas amélioré les fonctions cognitives de patients
de l’infection, certains préconisant le cotrimoxazole dans le traite- VIH [78] .
ment des formes notamment neurologiques et d’autres proposant
l’association doxycycline et hydroxychloroquine du fait de son Pathologies cutanées
pouvoir bactéricide, y compris dans les formes neurologiques [68] . En dehors de l’acné vulgaris [80] et de la rosacée [81] , où
Il semble cependant exister des différences d’évolution sous l’efficacité des tétracyclines a été bien démontrée et relève plus
traitement en fonction des patients du fait d’une différence de de leur propriété anti-inflammatoire qu’antibiotique, il existe
sensibilité aux antibiotiques des souches et du terrain génétique de nombreux écrits, plus ou moins anecdotiques, de leur effi-
des patients. cacité dans le pemphigus vulgaris comme traitement adjuvant
des immunosuppresseurs, le sycosis lupoïde, la pemphigoïde
Infections à mycobactéries atypiques cicatricielle, le syndrome de Wells, le syndrome synovite-acné-
Les infections cutanées à Mycobacterium marinum surviennent pustulose-hyperostose-ostéite (SAPHO), l’épidermolyse bulleuse,
surtout chez des aquariophiles, et sont d’autant plus dissémi- le syndrome de Sweet, probablement du fait de leur propriétés
nées et longues à traiter que le patient est immunodéprimé. anti-inflammatoires plus qu’antibiotiques [82] .

EMC - Maladies infectieuses 7


8-004-E-10  Tétracyclines

Autres compliquées (56 %), le taux de succès moyen était de 60 %.


La minocycline diminue l’hyperproduction de monocyte che- Cependant, ce taux était significativement moindre chez les
moattractant protein-1 (MCP-1) par les macrophages et les patients les plus sévèrement atteints (SOFA > 7), les patients
astrocytes. obèses, les patients avec bactériémies ou immunodéprimés. Par
Cela expliquerait son action anti-inflammatoire trouvée dans ailleurs, la tigécycline n’était pas en monothérapie dans 67 % des
la polyarthrite rhumatoïde [83] , l’asthme [84] , les maladies neuro- cas [97] . Il s’agit d’une étude clinique de promotion industrielle.
logiques telles que la sclérose en plaques, l’accident vasculaire
cérébral aigu, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, Pneumopathies
etc. [85] . Pneumopathies communautaires [98, 99]
Deux études comparant la tigécycline à la lévofloxacine, chez
Tigécycline des patients atteints de pneumopathies aiguës communautaires
de gravité modérée (Fine < III pour deux tiers des patients) n’ont
Des méta-analyses récentes [86, 87] semblent montrer une effica- pas mis en évidence de différence significative en taux de succès
cité moindre de la tigécycline dans le traitement d’infections plus clinique et bactériologique ni en tolérance entre ces deux molé-
ou moins sévères par rapport aux comparateurs. Toutefois des cules. Il n’y avait que de rares cas de pneumopathies à Legionella
infections et des populations très variées sont incluses dans ces pneumophila et à S. pneumoniae intermédiaires ou résistants à la
méta-analyses. Il est donc difficile de trancher et il faut sans doute peniG, qui ont guéri.
à présent redéfinir la place de la tigécycline [88] .
Pneumopathies nosocomiales [100, 101]
Comparée à l’imipénem, la tigécycline a montré son infériorité
Infections compliquées de la peau et des tissus dans le traitement des pneumopathies acquises sous ventilation et
mous une non-infériorité dans les autres pneumopathies non acquises
Ces infections sont considérées comme compliquées sous ventilation [100] . Toutefois il semblerait que l’utilisation d’une
lorsqu’elles nécessitent une intervention chirurgicale d’excision si dose de 100 mg/j améliore la réponse au traitement dans cette
le terrain est à risque (diabète, atteinte neurologique ou vasculaire indication [101] .
périphérique), ou si les fascias sont franchis. Ces infections sont
typiquement polymicrobiennes, associant des staphylocoques, Infections à germes multirésistants
volontiers de type SARM, des streptocoques, des bacilles à Gram
Étant donné l’émergence de bactéries multirésistantes (BMR),
négatif et des germes anaérobies. La tigécycline a un spectre
la tigécycline de par son spectre peut être utile et active sur ces
couvrant à la fois les cocci à Gram positif mais aussi les bacilles à
BMR [102] .
Gram négatif.
Cependant dans une analyse récente poolant rétrospectivement
Des essais initiaux ont montré une efficacité de la tigécycline
les données de huit études cliniques incluant les bactériémies
dans cette indication [89–91] . Dans ces études cliniques initiales, les
à point de départ digestif, pulmonaire ou cutané, la fréquence
patients avaient surtout des cellulites (atteintes des tissus mous
des SARM ou des entérobactéries résistantes était si faible que
ne franchissant pas les fascias) et des abcès. Un quart des patients
rien ne permet de recommander cet antibiotique dans ce type
seulement avait des facteurs de risque, et les bactériémies étaient
d’indication [103] . De nombreuses autres études ne comportent que
très rares. La majorité des infections était d’origine communau-
de petits effectifs de patients et de bactéries et ne permettent pas de
taire. Une étude « dans la vraie vie » non comparative portant sur
donner d’indications générales sur l’usage de la tigécycline dans
254 patients ayant des infections sévères de la peau et des tis-
ce type d’indication [102, 104] .
sus mous (35 % admis en réanimation) a toutefois montré une
En outre, l’apparition de résistance à la tigécycline chez
efficacité correcte (environ 80 %) de la tigécycline, y compris en
des bacilles à Gram négatif, et tout particulièrement chez
monothérapie et à dose standard chez ces patients [92] .
A. baumannii, a été décrite sous traitement, chez des malades
La tigécycline semble moins efficace que l’association méropé-
atteints sévèrement [105] , et doit faire privilégier les antibiotiques
nème et vancomycine dans le traitement des infections du pied
bactéricides, à chaque fois que cela est possible ou bien utiliser la
diabétique [93] .
tigécycline en association.
Infections intra-abdominales compliquées
Ce sont des péritonites et/ou des abcès intra-abdominaux  Tolérance, interactions
nécessitant une intervention chirurgicale. Il s’agit d’infections
polymicrobiennes avec essentiellement des entérocoques, des médicamenteuses,
bacilles à Gram négatif et des anaérobies. Ces bactéries sont de contre-indications et précautions
plus en plus fréquemment résistantes aux antibiotiques. Dans
une analyse de données poolées, le score APACHE (acute phy- d’emploi
siology and chronic health evaluation) moyen était de 6,3 avec
50 % d’appendicites compliquées, 20 % de cholécystites et d’abcès Tolérance
intra-abdominaux [94] . Là aussi, il s’agissait de malades peu sévère-
Globalement, les tétracyclines semi-synthétiques sont bien
ment atteints avec des infections communautaires : les patients
tolérées, en dehors de troubles gastro-intestinaux le plus sou-
avec cancer, score APACHE supérieur à 30, pancréatites nécro-
vent mineurs, avec une meilleure tolérance de la doxycycline
santes ou cholécystites gangréneuses étaient exclus. De la même
par rapport à la minocycline [106] . De plus, récemment en France
façon, une étude « dans la vraie vie », non comparative avec
des restrictions d’utilisation de la minocycline ont été émises
785 patients dont 57 % étaient hospitalisés en réanimation, a
par l’ANSM [6] . Des données poolées de huit études cliniques de
montré que la tigécycline a été efficace moyenne d’environ 75 %
phase III avec la tigécycline [103] montrent également sa bonne
des cas, y compris chez les patients avec un score APACHE infé-
tolérance et des effets similaires aux autres tétracyclines semi-
rieur à 15 [95] . La prudence reste de mise pour les malades ayant
synthétiques [32] .
une infection sévère et/ou atteints d’infection nosocomiale, et les
dernières recommandations américaines ne retiennent la tigécy-
cline seule que dans les appendicites perforées ou abcédées et dans
Troubles gastro-intestinaux
les autres infections de gravité modérée à moyenne [96] . Ce sont avant tout des nausées, des épigastralgies, parfois de la
Il faut également noter que les deux études « dans la vraie diarrhée, plus rarement des vomissements. Ces effets sont liés à
vie » [92, 95] ont été soutenues par l’industrie pharmaceutique. une toxicité directe sur la muqueuse digestive, mais pour la diar-
Dans une étude prospective, non comparative, chez rhée, il peut aussi s’agir d’un effet de substitution de flore par des
156 patients de réanimation chez qui la tigécycline a été levures (avec possible anite, muguet et/ou candidose vulvovagi-
utilisée majoritairement pour des infections intra-abdominales nale associés, exceptionnellement à une candidémie sur terrain

8 EMC - Maladies infectieuses


Tétracyclines  8-004-E-10

Atteinte des dents et des os [106]


Les colorations dentaires jaunes sont connues depuis longtemps
chez les nouveau-nés de mères ayant reçu des tétracyclines pen-
dant leur grossesse, ainsi que chez les enfants, mais ce phénomène
peut également s’observer chez l’adulte, lors d’administration pro-
longée pour acné en particulier. La peau, les ongles, la conjonctive
peuvent aussi être touchés. Des troubles de la croissance osseuse
ont été décrits chez des enfants prématurés de mères ayant reçu
des tétracyclines naturelles pendant leur grossesse. Aussi les tétra-
cyclines sont-elles contre-indiquées chez la femme enceinte ou
allaitante. Chez les enfants de moins de 8 ans l’utilisation des
tétracyclines (doxycycline) en cure courte est possible ou lorsque
le bénéfice attendu est supérieur au risque encouru [43] . Il n’a pas
été démontré d’effet secondaire dentaire accru chez les enfants
traités par minocycline pendant trois semaines par rapport à un
groupe contrôle [48] .

Toxicité rénale
Elle est très rarement décrite avec les tétracyclines semi-
Figure 2. Érythème en lien avec une photosensibilisation sur zone pho- synthétiques, soit à type d’aggravation d’une atteinte rénale
toexposée, prise de doxycycline (collection du Dr E. Botelho-Nevers). préexistante [106] , soit à type de néphrite interstitielle aiguë avec
insuffisance rénale aiguë (trois cas au total). La biopsie rénale
immunodéprimé), voire à une colite à Clostridium difficile. Des peut montrer des complexes immuns sur la membrane basale.
ulcérations du moyen œsophage ont été décrites [107] , essentielle- L’évolution est favorable avec corticothérapie et dialyse.
ment avec les gélules remplacées par des comprimés qui doivent
être absorbés avec au moins un grand verre d’eau (100 ml) en posi- Hépatotoxicité
tion assise. Tous ces signes disparaissent généralement rapidement
avec l’arrêt du médicament. Des élévations des ALAT et ASAT ont été décrites avec les nou-
velles tétracyclines, et la tigécycline, mais sans cas d’hépatite
Atteintes cutanéomuqueuses sévère [32, 106] .

La photosensibilisation [106] doit être prévenue compte tenu de


sa fréquence. Elle est plus fréquente avec la doxycycline qu’avec Interactions médicamenteuses [5, 32]
la minocycline et est dose-dépendante. Elle se manifeste par un
érythème cutané pouvant aller jusqu’à une véritable brûlure du Leur absorption est diminuée par les antiacides ainsi que leur
troisième degré, au niveau de la zone exposée ( Fig. 2). L’érythème réabsorption digestive aussi bien lors d’administration orale
peut s’associer à une photo-onycholyse. Des cas de syndrome de qu’intraveineuse. Le fer, le bismuth, le calcium, le magnésium, le
Stevens-Johnson ont été rapportés, ainsi que des exanthèmes pus- cuivre, le zinc, le sucralfate peuvent avoir le même effet, par ché-
tuleux. Des colorations bleutées de la bouche ont été décrites chez lation. L’alimentation n’a pas d’effet significatif sur l’absorption
10 % des patients prenant de la minocycline pendant plus de un des tétracyclines semi-synthétiques.
an, ce taux augmentant avec la durée de traitement [106] . Des cas Leur demi-vie d’élimination sérique est diminuée par les bar-
d’hyperpigmentation cutanée locale ou diffuse ont été décrits avec bituriques, la carbamazépine et la phénytoïne. Il n’y a pas
les cyclines semi-synthétiques ainsi qu’avec la tigécycline [32, 33, 108] . d’interaction avec le métabolisme de la théophylline.
Elles augmentent, tigécycline comprise, l’effet anticoagulant
Neurotoxicité de la warfarine, probablement par compétition pour la fixation
aux protéines sériques, avec des conséquences hémorragiques
C’est avant tout une toxicité labyrinthique bien connue avec
possibles. Elles augmentent la toxicité du méthotrexate par la
la minocycline [106] , en limitant considérablement l’usage. Une
réduction de sa demi-vie d’élimination et l’augmentation des taux
hypertension intracrânienne bénigne, de mécanisme inconnu, a
sériques. Elles peuvent également augmenter les taux sériques de
été décrite aussi bien chez le nouveau-né que chez l’adulte, avec
ciclosporine. Il existe un risque accru d’hypertension intracrâ-
potentialisation possible par les rétinoïdes. Ces complications
nienne bénigne en association avec les rétinoïdes. Elles peuvent
sont réversibles à l’arrêt du traitement [109] .
diminuer l’efficacité des contraceptifs hormonaux.
Réactions d’hypersensibilité
Elles sont décrites essentiellement depuis 1992 avec un syn- Contre-indications et précautions d’emploi
drome lupique, exclusivement avec la minocycline, très souvent
prescrite au long cours chez des sujets jeunes, le plus souvent de Contre-indications absolues
sexe féminin, pour acné vulgaris ou rosacée [106] . De nombreux • La grossesse, en raison des risques de stéatose aiguë gravidique,
cas ont été rapportés depuis, aussi bien chez l’adolescent que de coloration du germe dentaire (surtout pendant le troisième
chez l’adulte, parfois associés à une hépatite, une vascularite cuta- trimestre de grossesse), du retentissement sur la croissance
née, une pneumonie à éosinophiles, un purpura rhumatoïde, un osseuse fœtale. La prise par mégarde d’une dose unique ne doit
syndrome de détresse respiratoire. Une atteinte hématologique, pas provoquer d’inquiétude particulière : aucune tératogénicité
avec leucopénie, thrombopénie, éosinophilie, exceptionnelle- n’a été formellement démontrée.
ment anémie hémolytique, est possible [106] . D’autres réactions • L’allaitement.
sont plus rares, à type d’urticaire, œdème de Quincke, asthme, • Chez le sujet sous rétinoïdes (risque d’hypertension intracrâ-
syndrome drug rash with eosinophilia and systemic symptoms nienne).
syndrom (syndrome DRESS) et de syndrome mononucléosique • L’utilisation chez le nourrisson et l’enfant de moins de 8 ans est
d’évolution rapidement favorable à l’arrêt du traitement. Ces réac- une contre-indication relative.
tions d’hypersensibilité à la minocycline ont conduit l’ANSM à
restreindre la prescription de cette molécule en France (prescrip-
tion uniquement en cas d’infection avec une bactérie résistante
Précautions d’emploi
aux autres tétracyclines orales, sans alternative et prescription • Pas d’exposition au soleil et aux ultraviolets ; toute manifesta-
hospitalière) [6] . tion cutanée sous traitement impose leur arrêt.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-004-E-10  Tétracyclines

Tableau 8.
Tétracyclines disponibles en France.
DCI Présentation Posologie
Métacycline Gélule à 300 mg Adulte : 600 mg/j en 2 prises/j
Métacycline Gélule à 300 mg Enfant de plus de 8 ans : 75–100 mg/10 kg de poids/j
Lymécycline Gélule 150 mg et 300 mg Adulte : 600 mg/j en 2 prises/j
Minocycline Cp 100 mg Adulte : 200 mg/j en 2 prises/j
Enfant de plus de 8 ans : 4 mg/kg de poids/j en 2 prises
Doxycycline Cp à 50 et 100 mg Prophylaxie palustre :
– poids > 40 kg : 100 mg en 1 prise/j
– poids < 40 kg : 50 mg en 1 prise/j
Cp à 100 mg, Cp à 50 mg Adulte : 200 mg/j en 1 prise si poids > 60 kg ; 100 mg/j
si poids < 60 kg ou en prophylaxie palustre
Enfant de plus de 8 ans : 4 mg/kg par jour en 1 prise
Cp sécable à 100 mg
Cp sécable à 100 mg
Microgranules en Cp à 50 et 100 mg
Cp sécable à 100 mg
Poudre pour perfusion 100 mg
Tigécycline Poudre pour perfusion 50 mg Adulte : 100 mg puis 50 mg × 2/j

DCI : dénomination commune internationale ; Cp : comprimé.

• Surveillance de l’International Normalized Ratio (INR) (taux Son utilisation sur des bactéries multirésistantes est une possibi-
de prothrombine) avec la warfarine ; doser les taux d’antié- lité, mais à envisager avec prudence compte tenu de données sur
pileptiques, de la ciclosporine, du méthotrexate. des effectifs limités. L’optimisation des posologies et son utilisa-
• Pas d’adaptation posologique nécessaire chez l’insuffisant rénal tion en association doivent être envisagées lorsque l’utilisation
avec les tétracyclines semi-synthétiques et la tigécycline. d’autres molécules réputées bactéricides, comme les bêtalacta-
• Réduire les posologies de toute cycline, tigécycline comprise, mines ou les aminosides, n’est pas possible (allergie, inactivité in
en cas d’atteinte hépatique sévère (Child-Pugh C). vitro).
D’autres molécules semi-synthétiques ou synthétiques sont en
cours de développement avec des spectres prometteurs.
 Mode d’administration, Enfin, les propriétés anti-inflammatoires de ces molécules,
connues de longue date, sont sans doute à davantage explorer.
posologie
Tétracyclines semi-synthétiques
Les tétracyclines semi-synthétiques se donnent essentiellement
par voie orale (Tableau 8), seule la doxycycline existe sous “ Points essentiels
forme de solution injectable pour administration par voie intra-
veineuse, réservée à certaines indications. Les posologies sont • Les cyclines sont des antibiotiques bactériostatiques.
indiquées dans le Tableau 8. L’administration des tétracyclines • Il en existe plusieurs générations : deuxième génération
semi-synthétiques est uniquotidienne en général.
avec la minocycline et la doxycycline ; troisième géné-
ration, les glycylcyclines avec à ce jour la tigécycline
Tigécycline commercialisée.
• Ces molécules diffusent très bien dans les tissus.
La tigécycline s’administre exclusivement par perfusion intra-
• Les cyclines de deuxième génération sont essentielle-
veineuse. Elle est recommandée chez l’adulte à une dose de charge
de 100 mg, suivie d’une dose de 50 mg toutes les 12 heures. Chez ment utilisées dans le traitement des infections à bactéries
les patients avec insuffisance hépatique sévère (Child-Pugh C), la intracellulaires.
posologie est réduite, après la même dose de charge, on poursuit • Les cyclines de dernière génération ont un spectre plus
à 25 mg toutes les 12 heures. Il n’y a pas d’adaptation posologique large couvrant également des bactéries résistantes.
chez l’insuffisant rénal ni chez la personne âgée. Il n’y a pas de • De nouvelles molécules de la classe des glycylcyclines,
données chez l’humain de moins de 18 ans. mais également appartenant à une nouvelle classe, les
fluorocyclines, sont en développement.
 Conclusion
Les tétracyclines sont des antibiotiques bien tolérés en dehors
de la minocycline [6] et peu onéreux qui conservent d’excellentes Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
indications dans de nombreuses infections à bactéries intracellu- relation avec cet article.
laires, en particulier les IST et les zoonoses.
Leur activité uniquement bactériostatique peut être amélio-
rée grâce à l’association à des agents alcalinisants tels que  Références
l’hydroxychloroquine pour le traitement d’infections sévères à
bactéries intracellulaires. [1] Stein GE, Craig WA. Tigecycline: a critical analysis. Clin Infect Dis
La tigécycline n’a pas fait la preuve de son efficacité dans des 2006;43:518–24.
infections très sévères, en particulier les infections compliquées [2] Chopra I, Roberts M. Tetracycline antibiotics: mode of action, appli-
intra-abdominales et les infections cutanées sévères à type de fas- cations, molecular biology, and epidemiology of bacterial resistance.
ciites nécrosantes. Microbiol Mol Biol Rev 2001;65:232–60.

10 EMC - Maladies infectieuses


Tétracyclines  8-004-E-10

[3] Nelson ML, Levy SB. The history of the tetracyclines. Ann N Y Acad [28] Murray CK, Hospenthal DR. Broth microdilution susceptibility testing
Sci 2011;1241:17–32. for Leptospira spp. Antimicrob Agents Chemother 2004;48:1548–52.
[4] Duggar BM. Aureomycin: a product of the continuing search for new [29] Ates L, Hanssen-Hübner C, Norris DE, Richter D, Kraiczy P, Hun-
antibiotics. Ann N Y Acad Sci 1948;51:177–81. feld KP. Comparison of in vitro activities of tigecycline, doxycycline,
[5] Agwuh KN, MacGowan A. Pharmacokinetics and pharmacodynamics and tetracycline against the spirochete Borrelia burgdorferi. Ticks Tick
of the tetracyclines including glycylcyclines. J Antimicrob Chemother Borne Dis 2010;1:30–4.
2006;58:256–65. [30] Meagher AK, Ambrose PG, Grasela TH, Ellis-Grosse EJ. The phar-
[6] ANSM. Restriction d’utilisation de la minocycline en raison d’un macokinetic and pharmacodynamic profile of tigecycline. Clin Infect
risque de syndromes d’hypersensibilité graves et d’atteintes auto- Dis 2005;41:S333–40.
immunes. Juin 2012. Accessible à http://ansm.sante.fr/S-informer/ [31] MacGowan AP. Tigecycline pharmacokinetic/pharmacodynamic
Informations-de-securite-Lettres-aux-professionnels-de-sante/ update. J Antimicrob Chemother 2008;62:i11–6.
Minocycline-restriction-d-utilisation-en-raison-d-un-risque-de- [32] Zhanel GG, Homenuik K, Nichol K, Noreddin A, Vercaigne L, Embil J,
syndromes-d-hypersensibilite-graves-et-d-atteintes-auto-immunes- et al. The glycylcyclines: a comparative review with the tetracyclines.
Lettre-aux-professionnels-de-sante. Drugs 2004;64:63–88.
[7] Meagher AK, Ambrose PG, Grasela TH, Ellis-Grosse EJ. Pharmaco- [33] Pankey GA. Tigecycline. J Antimicrob Chemother 2005;56:470–80.
kinetic/pharmacodynamic profile for tigecycline – a new glycylcycline [34] Workowski KA, Bolan GA. Sexually transmitted diseases treatment
antimicrobial agent. Diagn Microbiol Infect Dis 2005;52:165–71. guidelines, 2015. MMWR Recomm Rep 2015;64:1–137.
[8] Xiao XY, Hunt DK, Zhou J, Clark RB, Dunwoody N, Fyfe C, [35] Duarte R, Fuhrich D, Ross JD. A review of antibiotic therapy for pelvic
et al. Fluorocyclines. 1. 7-fluoro-9-pyrrolidinoacetamido-6-demethyl- inflammatory disease. Int J Antimicrob Agents 2015;46:272–7.
6-deoxytetracycline: a potent, broad spectrum antibacterial agent. J [36] Schwebke JR, Rompalo A, Taylor S, Sena AC, Martin DH, Lopez
Med Chem 2012;55:597–605. LM, et al. Re-evaluating the treatment of nongonococ al urethritis:
[9] Bassetti M, Righi E. Eravacycline for the treatment of intra-abdominal emphasizing emerging pathogens – a randomized clinical trial. Clin
infections. Expert Opin Investig Drugs 2014;23:1575–84. Infect Dis 2011;52:163–70.
[10] Schnappinger D, Hillen W. Tetracyclines: antibiotic action, uptake, and [37] Ghanem KG, Erbelding EJ, Cheng WW, Rompalo AM. Doxycycline
resistance mechanisms. Arch Microbiol 1996;165:359–69. compared with benzathine penicillin for the treatment of early syphilis.
[11] Petersen PJ, Jacobus NV, Weiss WJ, Sum PE, Testa RT. In vitro Clin Infect Dis 2006;42:e45–9.
and in vivo antibacterial activities of a novel glycylcycline, the 9-t- [38] Stoner BP. Current controversies in the management of adult syphilis.
butylglycylamido derivative of minocycline (GAR-936). Antimicrob Clin Infect Dis 2007;44:S130–46.
Agents Chemother 1999;43:738–44. [39] Marrie TJ. Q fever pneumonia. Infect Dis Clin North Am
[12] Connell SR, Tracz DM, Nierhaus KH, Taylor DE. Ribosomal pro- 2010;24:27–41.
tection proteins and their mechanism of tetracycline resistance. [40] Weber IB, Turabelidze G, Patrick S, Griffith KS, Kugeler KJ, Mead
Antimicrob Agents Chemother 2003;47:3675–81. PS. Clinical recognition and management of tularemia in Mis-
[13] Speer BS, Shoemaker NB, Salyers AA. Bacterial resistance to tetracy- souri: a retrospective records review of 121 cases. Clin Infect Dis
cline: mechanisms, transfer, and clinical significance. Clin Microbiol 2012;55:1283–90.
Rev 1992;5:387–99. [41] Christenson ES, Ahmed HM, Durand CM. Pasteurella multocida infec-
[14] Projan SJ. Preclinical pharmacology of GAR-936, a novel glycylcy- tion in solid organ transplantation. Lancet Infect Dis 2015;15:235–40.
cline antibacterial agent. Pharmacotherapy 2000;20:219S–23S. [42] Adalja AA, Toner E, Inglesby TV. Clinical management of potential
[15] Hirata T, Saito A, Nishino K, Tamura N, Yamaguchi A. Effects of efflux bioterrorism-related conditions. N Engl J Med 2015;372:954–62.
transporter genes on susceptibility of Escherichia coli to tigecycline [43] Smilack JD. The tetracyclines. Mayo Clin Proc 1999;74:727–9.
(GAR-936). Antimicrob Agents Chemother 2004;48:2179–84. [44] Rolain JM, Brouqui P, Koehler JE, Maguina C, Dolan MJ, Raoult
[16] EUCAST. Antimicrobial wild type distributions of microorganisms. D. Recommendations for treatment of human infections caused by
http://mic.eucast.org/Eucast2. Bartonella species. Antimicrob Agents Chemother 2004;48:1921–33.
[17] Noskin GA. Tigecycline: a new glycylcycline for treatment of serious [45] Prutsky G, Domecq JP, Mori L, Bebko S, Matzumura M, Sabouni A,
infections. Clin Infect Dis 2005;41:S303–14. et al. Treatment outcomes of human bartonellosis: a systematic review
[18] Brown LB, Krysiak R, Kamanga G, Mapanje C, Kanyamula H, and meta-analysis. Int J Infect Dis 2013;17:e811–9.
Banda B, et al. Neisseria gonorrhoeae antimicrobial susceptibility in [46] Botelho-Nevers E, Socolovschi C, Raoult D, Parola P. Treatment
Lilongwe, Malawi, 2007. Sex Transm Dis 2010;37:169–72. of Rickettsia spp. infections: a review. Expert Rev Anti Infect Ther
[19] Hansson HB, Walder M, Juhlin I. Susceptibility of shigellae to mecilli- 2012;10:1425–37.
nam, nalidixic acid, trimethoprim, and five other antimicrobial agents. [47] Huys J, Kayhigi J, Freyens P, Berghe GV. Single-dose treatment of
Antimicrob Agents Chemother 1981;19:271–3. epidemic typhus with doxycyline. Chemotherapy 1973;18:314–7.
[20] Sanson-Le Pors MJ, Casin I, Ortenberg M, Perol Y. In-vitro sus- [48] Cascio A, Di LC, D’Angelo M, Iaria C, Scarlata F, Titone L, et al.
ceptibility of thirty strains of Haemophilus ducreyi to several No findings of dental defects in children treated with minocycline.
antibiotics including six cephalosporins. J Antimicrob Chemother Antimicrob Agents Chemother 2004;48:2739–41.
1983;11:271–80. [49] Haut Conseil de Santé Publique. Fièvre Q. Recommandations de prise
[21] Bayram Y, Korkoca H, Aypak C, Parlak M, Cikman A, Kilic S, et al. en charge des personnes infectées par Coxiella burnetii et des personnes
Antimicrobial susceptibilities of Brucella isolates from various clinical exposées à Coxiella burnetii dont les acteurs des filières d’élevage.
specimens. Int J Med Sci 2011;8:198–202. 2013. www.hcsp.fr/explore.cgi/avisrapportsdomaine?clefr=401.
[22] Wang WS, Liu CP, Lee CM, Huang FY. Stenotrophomonas maltophilia [50] Million M, Roblot F, Carles D, D’Amato F, Protopopescu C, Carrieri
bacteremia in adults: four years’ experience in a medical center in MP, et al. Reevaluation of the risk of fetal death and malformation after
northern Taiwan. J Microbiol Immunol Infect 2004;37:359–65. Q Fever. Clin Infect Dis 2014;59:256–60.
[23] Nicodemo AC, Paez JI. Antimicrobial therapy for Stenotropho- [51] Lecaillet A, Mallet MN, Raoult D, Rolain JM. Therapeutic impact of
monas maltophilia infections. Eur J Clin Microbiol Infect Dis the correlation of doxycycline serum concentrations and the decline
2007;26:229–37. of phase I antibodies in Q fever endocarditis. J Antimicrob Chemother
[24] Ozaki T, Nishimura N, Ahn J, Watanabe N, Muto T, Saito A, et al. 2009;63:771–4.
Utility of a rapid diagnosis kit for Mycoplasma pneumoniae pneumonia [52] Raoult D, Drancourt M, Vestris G. Bactericidal effect of doxycycline
in children, and the antimicrobial susceptibility of the isolates. J Infect associated with lysosomotropic agents on Coxiella burnetii in P388D1
Chemother 2007;13:204–7. cells. Antimicrob Agents Chemother 1990;34:1512–4.
[25] Smayevsky J, Relloso S, Pundik M, Lanza A, Weltman G, Ban- [53] Million M, Thuny F, Richet H, Raoult D. Long-term outcome of
tar C, et al. In vitro susceptibility of Ureaplasma urealyticum and Q fever endocarditis: a 26-year personal survey. Lancet Infect Dis
Mycoplasma hominis isolates in Argentina. Infect Dis Obstet Gynecol 2010;10:527–35.
1995;3:236–40. [54] SPILF. 16e Conférence de Consensus en Thérapeutique Anti-
[26] Roblin PM, Hammerschlag MR. In vitro activity of GAR-936 against Infectieuse. Borreliose de Lyme : démarches diagnostiques, théra-
Chlamydia pneumoniae and Chlamydia trachomatis. Int J Antimicrob peutiques et préventives. 2006. www.infectiologie.com/site/medias/
Agents 2000;16:61–3. documents/consensus/2006-Lyme court.pdf.
[27] Spyridaki I, Psaroulaki A, Vranakis I, Tselentis Y, Gikas A. Bacterio- [55] Karlsson M, Hammers-Berggren S, Lindquist L, Stiernstedt G,
static and bactericidal activities of tigecycline against Coxiella burnetii Svenungsson B. Comparison of intravenous penicillin G and oral
and comparison with those of six other antibiotics. Antimicrob Agents doxycycline for treatment of Lyme neuroborreliosis. Neurology
Chemother 2009;53:2690–2. 1994;44:1203–7.

EMC - Maladies infectieuses 11


8-004-E-10  Tétracyclines

[56] Dotevall L, Hagberg L. Successful oral doxycycline treatment of [82] Sapadin AN, Fleischmajer R. Tetracyclines: non-antibiotic properties
Lyme disease-associated facial palsy and meningitis. Clin Infect Dis and their clinical implications. J Am Acad Dermatol 2006;54:258–65.
1999;28:569–74. [83] O’Dell JR, Elliott JR, Mallek JA, Mikuls TR, Weaver CA, Glickstein
[57] Edouard S, Koebel C, Goehringer F, Socolovschi C, Jaulhac B, Raoult S, et al. Treatment of early seropositive rheumatoid arthritis: doxy-
D, et al. Emergence of human granulocytic anaplasmosis in France. cycline plus methotrexate versus methotrexate alone. Arthritis Rheum
Ticks Tick Borne Dis 2012;3:403–5. 2006;54:621–7.
[58] Dumler JS, Madigan JE, Pusterla N, Bakken JS. Ehrlichioses in [84] Daoud A, Gloria CJ, Taningco G, Hammerschlag MR, Weiss S, Gel-
humans: epidemiology, clinical presentation, diagnosis, and treatment. ling M, et al. Minocycline treatment results in reduced oral steroid
Clin Infect Dis 2007;45:S45–51. requirements in adult asthma. Allergy Asthma Proc 2008;29:286–94.
[59] Brett-Major DM, Coldren R. Antibiotics for leptospirosis. Cochrane [85] Garrido-Mesa N, Zarzuelo A, Galvez J. Minocycline: far beyond an
Database Syst Rev 2012;(2):CD008264. antibiotic. Br J Pharmacol 2013;169:337–52.
[60] Takafuji ET, Kirkpatrick JW, Miller RN, Karwacki JJ, Kelley PW, Gray [86] Tasina E, Haidich AB, Kokkali S, Arvanitidou M. Efficacy and safety
MR, et al. An efficacy trial of doxycycline chemoprophylaxis against of tigecycline for the treatment of infectious diseases: a meta-analysis.
leptospirosis. N Engl J Med 1984;310:497–500. Lancet Infect Dis 2011;11:834–44.
[61] Sehgal SC, Sugunan AP, Murhekar MV, Sharma S, Vijayachari P. [87] Shen F, Han Q, Xie D, Fang M, Zeng H, Deng Y. Efficacy and safety of
Randomized controlled trial of doxycycline prophylaxis against lepto- tigecycline for the treatment of severe infectious diseases: an updated
spirosis in an endemic area. Int J Antimicrob Agents 2000;13:249–55. meta-analysis of RCTs. Int J Infect Dis 2015;39:25–33.
[62] Brett-Major DM, Lipnick RJ. Antibiotic prophylaxis for leptospirosis. [88] De Rosa FG, Corcione S, Di PG, Scaglione F. Re-defining tigecycline
Cochrane Database Syst Rev 2009;(3):CD007342. therapy. New Microbiol 2015;38:121–36.
[63] Franco MP, Mulder M, Gilman RH, Smits HL. Human brucellosis. [89] Meagher AK, Passarell JA, Cirincione BB, Van Wart SA, Liolios K,
Lancet Infect Dis 2007;7:775–86. Babinchak T, et al. Exposure-response analyses of tigecycline effi-
[64] Butler T. Plague history: Yersin’s discovery of the causative bacte- cacy in patients with complicated skin and skin-structure infections.
rium in 1894 enabled, in the subsequent century, scientific progress Antimicrob Agents Chemother 2007;51:1939–45.
in understanding the disease and the development of treatments and [90] Ellis-Grosse EJ, Babinchak T, Dartois N, Rose G, Loh E. The efficacy
vaccines. Clin Microbiol Infect 2014;20:202–9. and safety of tigecycline in the treatment of skin and skin-structure
[65] Mwengee W, Butler T, Mgema S, Mhina G, Almasi Y, Bradley C, et al. infections: results of 2 double-blind phase 3 comparison studies with
Treatment of plague with gentamicin or doxycycline in a randomized vancomycin–aztreonam. Clin Infect Dis 2005;41:S341–53.
clinical trial in Tanzania. Clin Infect Dis 2006;42:614–21. [91] Postier RG, Green SL, Klein SR, Ellis-Grosse EJ, Loh E. Results of a
[66] Cheng AC. Melioidosis: advances in diagnosis and treatment. Curr multicenter, randomized, open-label efficacy and safety study of two
Opin Infect Dis 2010;23:554–9. doses of tigecycline for complicated skin and skin-structure infections
[67] Fenollar F, Lagier JC, Raoult D. Tropheryma whipplei and Whipple’s
in hospitalized patients. Clin Ther 2004;26:704–14.
disease. J Infect 2014;69:103–12.
[92] Montravers P, Bassetti M, Dupont H, Eckmann C, Heizmann WR, Gui-
[68] Fenollar F, Lagier JC, Rolain JM, Celard M, Bouchot O, Eicher JC, et al.
rao X, et al. Efficacy of tigecycline for the treatment of complicated skin
Tropheryma whipplei endocarditis relapses after treatment with trime-
and soft-tissue infections in real-life clinical practice from five Euro-
thoprim/sulfamethoxazole. Int J Antimicrob Agents 2013;41:592–4.
pean observational studies. J Antimicrob Chemother 2013;68:ii15–24.
[69] Rallis E, Koumantaki-Mathioudaki E. Treatment of Mycobacte-
[93] Selva OA, Sola I, Barajas-Nava LA, Gianneo OD, Bonfill C, X, Lipsky
rium marinum cutaneous infections. Expert Opin Pharmacother
BA. Systemic antibiotics for treating diabetic foot infections. Cochrane
2007;8:2965–78.
Database Syst Rev 2015;(9):CD009061.
[70] Regnier S, Cambau E, Meningaud JP, Guihot A, Deforges L, Car-
bonne A, et al. Clinical management of rapidly growing mycobacterial [94] Babinchak T, Ellis-Grosse E, Dartois N, Rose GM, Loh E. The
cutaneous infections in patients after mesotherapy. Clin Infect Dis efficacy and safety of tigecycline for the treatment of complicated intra-
2009;49:1358–64. abdominal infections: analysis of pooled clinical trial data. Clin Infect
[71] Wallace Jr RJ, Dukart G, Brown-Elliott BA, Griffith DE, Scer- Dis 2005;41:S354–67.
pella EG, Marshall B. Clinical experience in 52 patients with [95] Eckmann C, Montravers P, Bassetti M, Bodmann KF, Heizmann
tigecycline-containing regimens for salvage treatment of Mycobacte- WR, Sanchez GM, et al. Efficacy of tigecycline for the treatment of
rium abscessus and Mycobacterium chelonae infections. J Antimicrob complicated intra-abdominal infections in real-life clinical practice
Chemother 2014;69:1945–53. from five European observational studies. J Antimicrob Chemother
[72] Jacquerioz FA, Croft AM. WITHDRAWN: Drugs for preventing mala- 2013;68:ii25–35.
ria in travellers. Cochrane Database Syst Rev 2015;(10):CD006491. [96] Solomkin JS, Mazuski JE, Bradley JS, Rodvold KA, Goldstein EJ,
[73] Metzger W, Mordmuller B, Graninger W, Bienzle U, Kremsner PG. Baron EJ, et al. Diagnosis and management of complicated intra-
High efficacy of short-term quinine-antibiotic combinations for trea- abdominal infection in adults and children: guidelines by the Surgical
ting adult malaria patients in an area in which malaria is hyperendemic. Infection Society and the Infectious Diseases Society of America. Clin
Antimicrob Agents Chemother 1995;39:245–6. Infect Dis 2010;50:133–64.
[74] Taylor MJ, Hoerauf A, Bockarie M. Lymphatic filariasis and oncho- [97] Montravers P, Dupont H, Bedos JP, Bret P. Tigecycline use in criti-
cerciasis. Lancet 2010;376:1175–85. cally ill patients: a multicentre prospective observational study in the
[75] Taylor MJ, Makunde WH, McGarry HF, Turner JD, Mand S, Hoerauf intensive care setting. Intensive Care Med 2014;40:988–97.
A. Macrofilaricidal activity after doxycycline treatment of Wuchereria [98] Bergallo C, Jasovich A, Teglia O, Oliva ME, Lentnek A, de WL,
bancrofti: a double-blind, randomised placebo-controlled trial. Lancet et al. Safety and efficacy of intravenous tigecycline in treatment of
2005;365:2116–21. community-acquired pneumonia: results from a double-blind rando-
[76] Jaramillo A, Arce RM, Herrera D, Betancourth M, Botero JE, Contre- mized phase 3 comparison study with levofloxacin. Diagn Microbiol
ras A. Clinical and microbiological characterization of periodontal Infect Dis 2009;63:52–61.
abscesses. J Clin Periodontol 2005;32:1213–8. [99] Tanaseanu C, Bergallo C, Teglia O, Jasovich A, Oliva ME, Dukart
[77] Taylor HR, Burton MJ, Haddad D, West S, Wright H. Trachoma. Lancet G, et al. Integrated results of 2 phase 3 studies comparing tigecycline
2014;384:2142–52. and levofloxacin in community-acquired pneumonia. Diagn Microbiol
[78] Nakasujja N, Miyahara S, Evans S, Lee A, Musisi S, Katabira E, et al. Infect Dis 2008;61:329–38.
Randomized trial of minocycline in the treatment of HIV-associated [100] Freire AT, Melnyk V, Kim MJ, Datsenko O, Dzyublik O, Glumcher
cognitive impairment. Neurology 2013;80:196–202. F, et al. Comparison of tigecycline with imipenem/cilastatin for the
[79] Szeto GL, Brice AK, Yang HC, Barber SA, Siliciano RF, Clements treatment of hospital-acquired pneumonia. Diagn Microbiol Infect Dis
JE. Minocycline attenuates HIV infection and reactivation by sup- 2010;68:140–51.
pressing cellular activation in human CD4+ T cells. J Infect Dis [101] Ramirez J, Dartois N, Gandjini H, Yan JL, Korth-Bradley J, McGovern
2010;201:1132–40. PC. Randomized phase 2 trial to evaluate the clinical efficacy of two
[80] Del Rosso JQ. Oral doxycycline in the management of acne vulga- high-dosage tigecycline regimens versus imipenem-cilastatin for treat-
ris: current perspectives on clinical Use and recent findings with a ment of hospital-acquired pneumonia. Antimicrob Agents Chemother
new double-scored small tablet formulation. J Clin Aesthet Dermatol 2013;57:1756–62.
2015;8:19–26. [102] Kelesidis T, Karageorgopoulos DE, Kelesidis I, Falagas ME. Tige-
[81] Sloan B, Scheinfeld N. The use and safety of doxycycline hyclate cycline for the treatment of multidrug-resistant Enterobacteriaceae: a
and other second-generation tetracyclines. Expert Opin Drug Saf systematic review of the evidence from microbiological and clinical
2008;7:571–7. studies. J Antimicrob Chemother 2008;62:895–904.

12 EMC - Maladies infectieuses


Tétracyclines  8-004-E-10

[103] Gardiner D, Dukart G, Cooper A, Babinchak T. Safety and efficacy of [108] Knueppel RC, Rahimian J. Diffuse cutaneous hyperpigmentation
intravenous tigecycline in subjects with secondary bacteremia: pooled due to tigecycline or polymyxin B. Clin Infect Dis 2007;45:
results from 8 phase III clinical trials. Clin Infect Dis 2010;50:229–38. 136–8.
[104] Brust K, Evans A, Plemmons R. Tigecycline in treatment of multidrug- [109] Friedman DI. Medication-induced intracranial hypertension in derma-
resistant Gram-negative bacillus urinary tract infections: a systematic tology. Am J Clin Dermatol 2005;6:29–37.
review. J Antimicrob Chemother 2014;69:2606–10.
[105] Sun Y, Cai Y, Liu X, Bai N, Liang B, Wang R. The emergence of clinical
resistance to tigecycline. Int J Antimicrob Agents 2013;41:110–6. Pour en savoir plus
[106] Smith K, Leyden JJ. Safety of doxycycline and minocycline: a syste-
matic review. Clin Ther 2005;27:1329–42. Chapter 26: Tetracyclines, glycylcyclines, and chloramphenicol, In: Mandell,
[107] Stillman AE, Martin RJ. Tetracycline-induced esophageal ulcerations. Douglas, and Bennett’s principles and practice of infectious diseases
Arch Dermatol 1979;115:1005. (8th edition). Philadelphia: Saunders Elsevier; 2015.

E. Botelho-Nevers (elisabeth.botelho-nevers@chu-st-etienne.fr).
A. Gagneux-Brunon.
F. Lucht.
Service de maladies infectieuses et tropicales, Centre hospitalier universitaire, Hôpital Nord, avenue Albert-Raimond, 42055 Saint-Étienne cedex 2, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Botelho-Nevers E, Gagneux-Brunon A, Lucht F. Tétracyclines. EMC - Maladies infectieuses 2016;13(4):1-13
[Article 8-004-E-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 13


¶ 8-004-F-10

Lincosamides et streptogramines
C. Daurel, R. Leclercq

Les lincosamides (lincomycine et clindamycine) et les streptogramines (pristinamycine et quinupristine-


dalfopristine) sont des antibiotiques à spectre étroit. Ils se fixent sur le ribosome bactérien et inhibent en
conséquence la synthèse protéique. La clindamycine administrable oralement et par voie intraveineuse
est surtout utilisée pour son activité contre les anaérobies, les staphylocoques et les streptocoques
b-hémolytiques. Elle constitue aussi une alternative en cas d’allergie aux pénicillines. Son utilisation est
limitée par son effet indésirable principal, la survenue de colite pseudomembraneuse, et par le
développement des résistances bactériennes. La pristinamycine s’administre per os. Son usage a été
longtemps limité aux infections des parties molles à staphylocoques. Son activité antipneumococcique
permet aussi son utilisation dans les pneumonies communautaires non sévères de l’adulte. Son activité
contre les streptocoques b-hémolytiques est mise à profit dans le traitement des infections cutanées dues
à ces germes. Les résistances aux streptogramines sont rares chez les staphylocoques et exceptionnelles
chez les streptocoques. La quinupristine-dalfopristine est un dérivé injectable de la pristinamycine
d’usage hospitalier, essentiellement dirigée contre les staphylocoques et Enterococcus faecium
multirésistants, dont l’utilisation est limitée par la nécessité d’administration par une voie veineuse
centrale.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Clindamycine ; Lincomycine ; Pristinamycine ; Quinupristine-dalfopristine ; Anaérobies ;


Staphylocoques ; Pneumocoques

Plan clindamycine, son activité antianaérobie. En pratique, la


clindamycine est utilisée de préférence à la lincomycine car
mieux absorbée per os et plus active. Son utilisation est limitée
¶ Lincosamides 1
par l’effet indésirable principal, la survenue de colite pseudo-
Introduction 1
membraneuse et par le développement des résistances bacté-
Structure 1
riennes imposant de réévaluer périodiquement les indications.
Mode d’action 1
Spectre d’activité et concentrations critiques 2
Résistance 2 Structure
¶ Streptogramines 7
La lincomycine (Lincocine®) a été isolée en 1962 à partir de
Introduction 7
la fermentation de Streptomyces lincolnensis var. lincolnensis. Cet
Structure 7
actinomycète provient d’un échantillon de sol prélevé dans la
Mode d’action 7
région de Lincoln, dans le Nebraska, aux États-Unis. Elle est
Spectre d’activité et concentrations critiques 7
constituée d’un acide aminé (la proline) alkylé en position
Résistances 7
4 rattaché via une liaison amide (pont peptidique) à un cycle
Pharmacocinétique et pharmacodynamie 8
galactose (groupement 6-amino-thio-octopyrannoside) (Fig. 1).
Effets indésirables et interactions médicamenteuses 9
Indications cliniques 9
À partir de la lincomycine, de nombreux dérivés ont été
préparés par hémisynthèse afin d’accroître le spectre antibacté-
¶ Conclusion 9 rien et l’activité. Des substituants du groupement hydroxyle en
position 7 ont donné naissance à de nombreux dérivés comme
la clindamycine (groupement chlore) (Dalacine®) (Fig. 1) et la
■ Lincosamides pirlimycine (à usage vétérinaire).
Ces molécules sont très stables lyophilisées ou en solution.

Introduction
Mode d’action
Les lincosamides (ou lincosamines) sont des antibiotiques à
spectre étroit représentés à l’heure actuelle par deux molécules Alors que la structure chimique des lincosamides est très
à usage humain : la lincomycine, antibiotique d’origine natu- différente de celle des macrolides, leur mécanisme d’action est
relle et son dérivé hémisynthétique, la clindamycine. Ces proche. La pénétration des lincosamides dans la bactérie
antibiotiques d’excellente biodisponibilité sont utilisés pour leur s’effectue probablement par diffusion passive. La diffusion est
activité antistaphylococcique et antistreptococcique et, pour la limitée chez les bactéries à Gram négatif par la présence d’une

Maladies infectieuses 1
8-004-F-10 ¶ Lincosamides et streptogramines

Les concentrations critiques qui catégorisent les souches en


CH3 sensibles (S), intermédiaires ou résistantes (R) sont les suivantes
CH3 selon le Comité de l’antibiogramme de la Société française de
N microbiologie (CA-SFM) (http://www.sfm.asso.fr) :
CHOH • clindamycine : S = 2 mg/l et R > 2 mg/l ;
C3H7 • lincomycine : S = 2 mg/l et R > 8 mg/l.
4
C NH CH

Résistance
O
HO O Les principaux mécanismes de résistance aux lincosamides et
OH antibiotiques apparentés sont présentés dans le Tableau 3 [4, 5].
SCH3 Mécanismes des résistances acquises
OH Les bactéries peuvent résister aux lincosamides par trois
A
mécanismes : par modification de la cible via une méthylation
CH3 de la cible ribosomale de l’antibiotique, par inactivation
CH3 enzymatique de l’antibiotique et par efflux. En pathologie
N clinique, l’impact de ces trois mécanismes est inégal en termes
CH CI d’incidence et d’implication clinique.
C3H7
4 C NH CH Méthylation ribosomale
C’est le mécanisme de loin le plus fréquent [4, 5]. La résistance
O est liée à une méthylation de l’acide ribonucléique (ARN) 23S
HO O
qui est un composant de la sous-unité ribosomale 50S. C’est
OH précisément l’adénine en position 2058 de l’ARN 23S qui est
SCH3 méthylée. Cette base joue un rôle clé dans la liaison des
macrolides, lincosamides et du facteur B des streptogramines au
OH
ribosome. Cette modification entraîne une diminution de
B
l’affinité des antibiotiques pour leur cible. Cette modification de
Figure 1. Structure de la lincomycine (en haut) et de la clindamycine cible conduit à une résistance croisée entre les antibiotiques
(en bas). ayant le même site de fixation, les macrolides, lincosamides et
streptogramines B, d’où le nom de phénotype MLSB donné à ce
type de résistance. Les méthylases sont codées par les gènes de
la famille erm (erythromycin ribosome methylase) portés par des
membrane externe et surtout de pompes d’efflux physiologi- éléments mobiles (plasmides et transposons) très répandus chez
ques, expliquant la résistance naturelle de ce groupe bactérien. un grand nombre d’espèces bactériennes.
Chez les bactéries à Gram positif sensibles, les lincosamides Différentes classes de gènes erm sont décrites qui sont diffé-
inhibent la synthèse protéique en se fixant sur la plus grosse des remment réparties chez les espèces bactériennes. Ainsi, les classes
deux sous-unités du ribosome, la 50S, et en inhibant l’étape de gènes erm (A) et erm (C) sont prédominantes chez les staphy-
d’élongation. Les lincosamides inhibent directement la forma- locoques, alors que erm (B) et une variante de erm (A), la sous-
tion de pont peptidique entre les acides aminés au niveau de la classe ermTR, sont répandues chez les streptocoques et entérocoques
sous-unité 50S du ribosome [1]. et erm (F) chez Bacteroides spp. et autres anaérobies.
Aux concentrations supérieures aux concentrations minimales Cette résistance peut être exprimée soit de façon inductible,
inhibitrices (CMI), les lincosamides inhibent la croissance soit de façon constitutive. Lorsque la résistance est constitutive,
bactérienne. À concentration subinhibitrice, il est largement la méthylase est produite tout au long de la croissance bacté-
prouvé in vitro que la clindamycine supprime la synthèse de rienne et la bactérie présente donc un phénotype de résistance
toxines par des souches toxinogènes de Staphylococcus aureus et croisée MLSB incluant les lincosamides. Lorsque la résistance est
de Streptococcus pyogenes (streptocoque du groupe A) [2]. inductible, la méthylase n’est produite qu’en présence d’anti-
De façon un peu semblable aux macrolides, la clindamycine biotiques inducteurs, qui se limitent aux macrolides à noyau à
a montré un effet immunomodulateur [3]. 14 et 15 atomes (érythromycine, roxithromycine, clarithromy-
cine et azithromycine). Les macrolides à 16 atomes (josamycine,
spiramycine), les lincosamides et les streptogramines B ne sont
Spectre d’activité et concentrations pas inducteurs et restent donc actifs. Cependant, il existe un
critiques risque de sélectionner des mutants exprimant un phéno-
type MLSB constitutif lors d’un traitement par un macrolide ou
Les lincosamides ont un spectre antimicrobien étroit puisque un lincosamide non inducteur. Bien que des cas d’échec
ces antibiotiques sont actifs contre les bactéries aérobies à Gram clinique par sélection de tels mutants lors de traitement par la
positif (sauf Enterococcus faecalis naturellement résistant) mais clindamycine d’infections à staphylocoque aient été rapportés,
pas contre les bactéries aérobies à Gram négatif (résistance ils restent rares [6]. En théorie, le risque d’échec devrait être plus
naturelle). important pour les infections avec un fort inoculum bactérien
La clindamycine est très active contre les bactéries anaérobies, (abcès volumineux).
à part Clostridium difficile, et possède une activité contre Une autre méthyltransférase, codée par le gène cfr, modifiant
quelques protozoaires. l’adénine en position 2503 de l’ARNr 23s a été rapportée chez
Les données présentées dans le Tableau 1 sont issues du les staphylocoques chez qui elle est cependant très rare [7]. Cette
répertoire des spectres d’activité antimicrobienne validés par la résistance est responsable d’une résistance croisée à cinq
commission d’autorisation de mise sur le marché (AFFSAPS). Le antibiotiques, la clindamycine, le facteur A des streptogramines,
Tableau 2 présente les CMI inhibant la croissance de 90 % des le linézolide, le chloramphénicol et les pleuromutilines (anti-
souches sensibles au sein d’une espèce bactérienne (CMI90). biotiques vétérinaires).
En plus de l’activité antibactérienne détaillée dans le
Tableau 2, la clindamycine possède une activité antiplasmodiale Autres mécanismes peu fréquents
et antitoxoplasmique. Chez Plasmodium falciparum, elle réduit la Inactivation enzymatique des lincosamides. L’inactivation
synthèse protéique et la synthèse des acides nucléiques. Elle enzymatique par nucléotidylation d’un groupement hydroxyle
réduit aussi la croissance de Toxoplama gondii et possède une en position 3 ou 4 des lincosamides va conférer une résistance
bonne activité sur Pneumocystis jirovecii et sur les Babesia. uniquement à ces antibiotiques, à la différence du mécanisme

2 Maladies infectieuses
Lincosamides et streptogramines ¶ 8-004-F-10

Tableau 1.
Spectre d’activité des lincosamides et des streptogramines.
Espèces sensibles (% résistance acquise) Espèces modérément Espèces résistantes
sensibles (intermédiaires in
vitro)
Clindamycine
Aérobies à Gram positif Bacillus cereus, Bacillus anthracis, Corynebacterium jeikeium, Entérocoques spp.
Corynebacterium diphtheriae, Enterococcus faecium (autres que Enterococcus faecium), Listeria,
(50-70 %), Erysipelothrix, Staphylococcus aureus Nocardia asteroides, Rhodococcus equi
méti-S, Staphylococcus aureus méti-R (40-70 %),
Streptococcus agalactiae, Streptococcus non
groupable (30-40 %), Streptococcus pneumoniae
(35-70 %), Streptococcus pyogenes (10-15 %)

Aérobies à Gram négatif Campylobacter spp., Capnocytophaga spp. Acinetobacter spp., Pseudomonas spp., Branhamella
catarrhalis, entérobactéries, Haemophilus spp.,
Legionella spp., Neisseria spp., Pasteurella spp.

Anaérobies Actinomyces spp., Bacteroides spp. (5-30 %), Clostridium difficile


Clostridium spp. (autres que perfringens et
difficile) (25-35 %), Clostridium perfringens,
Eubacterium spp., Fusobacterium spp., Gardnerella
vaginalis, Mobiluncus spp., Peptostreptococcus
spp. (20-30 %), Porphyromonas spp., Prevotella
spp., Propionibacterium acnes (5-15 %),
Veillonella spp.
Autres bactéries (dont Chlamydia trachomatis, Mycoplasma hominis, Mycobactéries, Ureaplasma urealyticum
intracellulaires) Mycoplasma pneumoniae
Leptospires

Pristinamycine
Aérobies à Gram positif Bacillus anthracis, Bordetella pertussis, Enterococcus faecalis, Rhodococcus equi
Corynebacterium, Enterococcus faecium,
Staphylococcus aureus, Staphylococcus non aureus,
Streptococcus, Streptococcus pneumoniae

Aérobies à Gram négatif Branhamella catarrhalis, Legionella, Neisseria Haemophilus Acinetobacter, entérobactéries, Pasteurella,
Pseudomonas

Anaérobies Actinomyces, Bacteroides fragilis, Clostridium Veillonella


perfringens, Eubacterium, Fusobacterium,
Mobiluncus, Peptostreptococcus, Porphyromonas,
Prevotella, Propionibacterium acnes

Autres bactéries (dont Chlamydia, Coxiella, Mycoplasma hominis, Treponema pallidum


intracellulaires) Mycoplasma pneumoniae, Ureaplasma urealyticum

Quinupristine-dalfopristine
Aérobies à Gram positif Enterococcus faecium (2-10 %) Streptocoques du groupe C, Enterococcus avium, Enterococcus casseliflavus,
Staphylococcus aureus sensible à l’érythromycine streptocoques du groupe G Enterococcus durans
(0-0,4 %) a,b,c, Staphylococcus aureus résistant à Enterococcus faecalis, Enterococcus gallinarum
l’érythromycine (0-0,5 %) b, Streptococcus Pediococcus spp., Streptococcus bovis
agalactiae, Streptococcus pneumoniae,
Streptococcus pyogenes

Aérobies à Gram négatif Enterobacteriaceae, Haemophilus influenzae,


Haemophilus para-influenzae, bactéries à Gram
négatif non fermentaires, Pseudomonas spp.

Anaérobies Clostridium perfringens, Bacteroides spp., autres Clostridium spp.,


Peptostreptococcus spp. Fusobacterium spp., Prevotella spp., Veillonella spp.
a
L’efficacité clinique a été démontrée sur les souches sensibles dans les indications cliniques approuvées.
b
Parmi les S. aureus méticillinorésistants (SARM), présentant fréquemment le phénotype de résistance MLSB-constitutif, la quinupristine-dalfopristine n’a pas montré d’activité
bactéricide et présente un effet postantibiotique modéré. Les données cliniques sont limitées.
c
Parmi les S. aureus méticillinosensibles (SASM), le taux de souches présentant le phénotype de résistance MLSB constitutive est d’environ 10 % en France.

précédent. Les gènes de la classe lnu codent pour une lincosa- protéines Vga sont apparentées à des pompes fonctionnant à
mide nucléotidyltransférase chez les staphylocoques, les strep- l’ATP, les ABC transporteurs, suggérant que la résistance est due
tocoques du groupe B et Streptococcus uberis. à un efflux. L’acquisition de protéines VgA ne rend pas compte
Ces résistances sont peu fréquentes chez S. aureus (moins de à elle seule du phénotype LS A qui peut être lié à d’autres
1 %), chez les staphylocoques à coagulase négative (entre 1 % mécanismes encore mal connus.
et 7 %) et chez les streptocoques (moins de 1 %).
Efflux. Chez S. aureus, l’acquisition de gènes plasmidiques Fréquence de la résistance
vga(A) et vga(Av) confère un bas niveau de résistance croisé Les résistances acquises aux lincosamides sont essentiellement
entre la lincomycine, la clindamycine (résistance intermédiaire) dues à l’acquisition de méthylases Erm. Les autres mécanismes
et les streptogramines A. Ce phénotype est dénommé LSA. Les ne sont que peu représentés chez les souches résistantes.

Maladies infectieuses 3
8-004-F-10 ¶ Lincosamides et streptogramines

Tableau 2.
Concentration minimale inhibitrice (CMI) 90 (mg/l) de la clindamycine, de la pristinamycine et de quinupristine-dalfopristine sur divers micro-organismes.
Clindamycine Pristinamycine Quinupristine-dalfopristine
Haemophilus influenzae 8 2 4
Mycoplasma pneumoniae 2 0,05 0,12
Mycoplasma hominis 2 0,5 2
Mycoplasma genitalium 1 ND 0,05
Ureaplasma urealyticum 64 1 0,5
Staphylococcus aureus 0,06 0,25 0,25-0,5
méticillinosensible
Staphylococcus aureus 0,06 0,5 0,25-0,5
méticillinorésistant
Staphylococus epidermidis 0,06 0,12 0,25
Streptococcus pyogenes 0,2 0,06 0,25-0,5
Streptococcus agalactiae 0,2 0,06 0,12
Streptococcus pneumoniae 0,06 0,12 0,25
Enterococcus faecium 0,5 0,5 1
Listeria monocytogenes > 32 1,5 -
Corynebacterium diphteriae 0,5 0,06 -
Neisseria meningitidis 32 0,2 0,03
Neisseria gonorrhoeae 2 0,3 0,12-1
Moraxella catarrhalis > 32 0,05 1
Bordetella pertussis > 32 1 ND
Legionella 16 025 0,5
Fusobacterium sp. 0,12 1 > 32
Bacteroides fragilis 1 4 32
Clostridium difficile 8 0,12 1
Autres Clostridium sp. 0,5 0,06 1
Peptostreptococcus sp. 0,25 0,06 1
Propionibacterium sp. 0,03 0,03 ≤ 0,12

Tableau 3.
Principaux mécanismes de résistance aux macrolides, lincosamides et streptogramines chez les staphylocoques [4, 5].
Mécanisme Gène Érythromycine Lincosamides Pristinamycine
PI PII PI+PII
Méthylase inducible erm R S S S S
Méthylase constitutive erm R R S R S a

Inactivation des lincosamides lnu S R S S S


Efflux des streptogramines A vga S I/R R S I/R
Inactivation des streptogramines A et B et vga + vat + vgb S I/R R R R
efflux des streptogramines A
S : sensible ; R : résistant : I/R : intermédiaire/résistant ; PI : pristinamycine IA ; PII : pristinamycine IIA.
a
Activité bactéricide de la pristinamycine altérée.

La surveillance des résistances de S. aureus est effectuée par les 2005 mais a diminué récemment à environ 12 %, chez les souches
réseaux fédérés de l’Observatoire national de la surveillance aux responsables d’angines et d’infections cutanéomuqueuses. Dans
antibiotiques (ONERBA) (http://www.onerba.org/fr/centre-doc/). les trois quarts des cas les résistances sont de type MLSB et sont
Chez S. aureus méticillinosensible (SASM) (qui constitue la croisées avec celle à la clindamycine mais dans un quart des cas, il
grande majorité des souches isolées en milieu extrahospitalier), la s’agit de résistance aux macrolides par efflux qui n’affecte pas la
sensibilité à la clindamycine et lincomycine est restée stable entre clindamycine. Le pourcentage de résistance à la clindamycine
1999 et 2004, fluctuant autour de 90 %, alors que celle à peut donc être estimé à moins de 10 %. Chez les pneumocoques,
l’érythromycine se situait un peu en dessous de 80 %. Le moindre la résistance est de type MLSB (phénotype constitutif) et croisée
pourcentage de résistance à la clindamycine est dû au fait que les avec celle à l’érythromycine. La fréquence de résistance à ces deux
SASM résistants à l’érythromycine ont pour plus de la moitié
antibiotiques dépasse 50 %.
(jusqu’aux 2/3) une expression inductible de la résistance MLSB et
Une étude multicentrique française récente a montré que la
restent ainsi sensibles aux lincosamides.
Les changements les plus notables ont été observés chez les résistance à la clindamycine est présente chez 28 % des souches de
S. aureus méticillinorésistants (SARM) qui représentent entre 20 % Bacteroides fragilis, ce qui limite son utilisation en empirique dans
et 30 % des S. aureus isolés en milieu hospitalier. Alors qu’en les infections où ce germe est rencontré [8]. Les fréquences de
1993 moins de 10 % des SARM étaient sensibles à l’érythromycine résistance sont moindres pour les autres bactéries anaérobies.
et à la clindamycine, ce pourcentage a progressivement augmenté
pour atteindre 55 % à 62 % selon les réseaux en 2007. Les SARM Pharmacocinétique
expriment plus souvent une résistance MLSB constitutive.
La fréquence des résistances acquises a également varié chez les Lincomycine [9]
streptocoques du groupe A. Dans la plupart des études, c’est le
pourcentage de résistance aux macrolides qui est présenté. Ce Forme orale. La posologie recommandée chez l’adulte est de
pourcentage a atteint environ 20 % des souches entre 2002 et 1,5 à 2 g/24 h et chez l’enfant de 30 à 60 mg/kg/24 h. L’absorp-

4 Maladies infectieuses
Lincosamides et streptogramines ¶ 8-004-F-10

tion digestive est moyenne (25-30 % de la dose administrée), la Métabolisme. La clindamycine est hydrolysée dans le foie.
prise alimentaire ralentissant l’absorption et diminuant le pic Sept métabolites ont été décrits dont un seul possède une
sérique. activité antibactérienne et qui est faiblement excrétée dans les
Après administration de 500 mg ou de 1 000 mg, les pics selles et les urines.
sériques sont atteints en 2 à 4 heures et sont respectivement de Diffusion tissulaire. La clindamycine se concentre fortement
1,8 à 5,3 mg/l et de 2,5 à 6,7 mg/l. La lincomycine est détecta- dans les macrophages et polynucléaires neutrophiles.
ble pendant 12 heures. L’élimination fécale est de 30 % à 40 % La diffusion dans l’os est en général excellente (1,3 mg/kg en
sur une période de 72 heures. moyenne) bien que variable (0,7 mg/kg à 9,4 mg/kg). Les
concentrations sont élevées dans l’œil (vitrée et humeur
Forme intraveineuse. La posologie recommandée chez
aqueuse).
l’adulte est de 600 à 1 800 mg/24 h en deux à trois fois par
Elle pénètre bien au niveau des sites respiratoires (poumon,
jour. Chez l’enfant de plus de 30 jours, elle est de 10 à 20 mg/
tissu pulmonaire et liquide pleural). Il existe un passage
kg/24 h. La perfusion doit être lente sur 1 heure.
transplacentaire non négligeable.
Après une perfusion lente sur 1 heure, la concentration Elle pénètre bien dans la salive, l’ascite et dans la bile avec
obtenue pour une dose de 300 mg est de 9,1 mg/l et de une élimination biliaire de l’ordre de 30 % à 40 % de la dose
36,2 mg/l pour une dose de 1 500 mg. La demi-vie apparente administrée et des taux deux à trois fois supérieurs à ceux du
est de 5 heures en moyenne. Environ 40 % de la dose adminis- plasma.
trée sont éliminés par les urines. La liaison aux protéines Sa diffusion est très faible dans le liquide céphalorachidien.
plasmatiques est en moyenne de 75 % mais variable en fonc-
tion de la dose et principalement dépendante du taux d’albu-
mine. Le volume de distribution est donc dépendant de la dose.
À l’état d’équilibre, les volumes de distribution sont respective-
ment de 63,7 ± 23,8 l et de 78,8 ± 11 l après une perfusion de
“ Points importants
1 heure de 600 mg et 1 200 mg de lincomycine. La clairance
plasmatique est dose-dépendante. Elle est de l’ordre de Points forts et faibles de la clindamycine.
13,32 ± 2,26 l/h. L’élimination urinaire est de 30 % à 40 % avec Points forts :
une faible clairance rénale. L’élimination fécale est de 14 %. • activité antianaérobie,
Forme intramusculaire. La posologie recommandée chez • inhibition (in vitro) des toxines de staphylocoques et
l’adulte est de 600 à 1 800 mg/24 h et chez l’enfant de plus de streptocoques,
30 jours, elle est de 10 à 20 mg/kg/24 h. • activité bactéricide sur les streptocoques,
Métabolisme. La lincomycine est métabolisée au niveau • activité antiparasitaire,
hépatique et les métabolites sont dépourvus d’activité • forme orale,
antibactérienne. • bonne biodisponibilité et diffusion tissulaire,
Clindamycine [9, 10] • peu d’allergie (alternative aux pénicillines).
Points faibles :
Elle est administrée sous forme de phosphate de clindamy- • inactif contre les bactéries à Gram négatifs,
cine pour un usage parentéral et sous forme de chlorhydrate de • activité bactériostatique contre les staphylocoques,
clindamycine pour la forme orale. La clindamycine sous forme • taux de résistance élevée chez Bacteroides fragilis,
phosphatée est inactive sur les bactéries. Après administration • existence de résistance chez staphylocoque et
chez l’Homme, l’action de phosphatases présentes dans l’orga-
streptocoque,
nisme active la clindamycine libre.
• effet indésirable majeur : colite pseudomembraneuse à
Forme orale. La posologie chez l’adulte est de 600 à
Clostridium difficile.
2 400 mg par 24 heures en 2, 3 ou 4 prises. Pour l’enfant de
plus de 6 ans, la posologie est de 8 à 25 mg/kg/j en 3 ou
4 prises.
Après une dose unique de chlorhydrate de clindamycine de Pharmacodynamie
150 à 450 mg, les pics sériques apparaissent en moins de À dose usuelle, la lincomycine et la clindamycine montrent
1 heure et sont compris entre 2,56 mg/l et 5,58 mg/l. une activité bactériostatique. À de plus fortes concentrations,
La biodisponibilité, de l’ordre de 80 %, ne varie pas avec la elles peuvent avoir un effet bactéricide lent et moins complet
prise alimentaire malgré une vitesse d’absorption ralentie. que les b-lactamines. À dose égale, la clindamycine a un effet
Forme intraveineuse. La clindamycine s’administre en inhibiteur quatre fois plus important que la lincomycine.
intraveineuse lente après dilution. La posologie recommandée La clindamycine possède un effet postantibiotique correspon-
chez l’adulte est de 600 à 2 400 mg/24 h en deux à trois fois dant à une inhibition prolongée de la croissance bactérienne
par jour et chez l’enfant de plus de 30 jours, elle est de 10 à après une exposition limitée dans le temps à l’antibiotique sur
40 mg/kg/24 h en deux à trois fois par jour. S. pneumoniae, S. pyogenes et S. aureus.
Après une perfusion lente sur 1 heure, la concentration Peu de données sont disponibles sur les paramètres pharma-
obtenue est de 5,4 mg/l et de 15,87 mg/l, respectivement pour codynamiques gouvernant l’activité de la clindamycine. Cepen-
une dose de 300 mg et de 1 200 mg. La demi-vie d’élimination dant, il semble que le temps au-dessus de la CMI (T > CMI) soit
est de 2 à 3 heures en moyenne. Le volume apparent de corrélé avec l’efficacité de la clindamycine. La concentration
distribution est compris entre 43 et 75 l. La clindamycine libre de clindamycine doit être au-dessus de la CMI pendant au
s’élimine principalement par voie biliaire et partiellement par moins 40-50 % du temps entre deux administrations pour
les urines. obtenir une efficacité clinique et microbiologique suffisante [11].
Son efficacité n’est pas modifiée par la taille de l’inoculum, ni
En traitement prophylactique, la clindamycine peut être
par la phase de croissance.
utilisée en peropératoire en cas d’intolérance aux b-lactamines,
à l’induction anesthésique, à la dose de 600 mg en intravei-
Effets indésirables
neux, suivie d’une réinjection de la même dose toutes les
4 heures, jusqu’à la fin de l’intervention. Pour la chirurgie oto- Cutanés
rhino-laryngologique, le délai entre chaque dose doit être de Les manifestations cutanées et allergiques sont rares (bien
6 heures et pour une appendicectomie, une dose unique suffit. moins fréquentes qu’avec les b-lactamines). Elles peuvent se
Forme intramusculaire. Après administration d’une dose traduire par un prurit, léger urticaire ou éruption cutanée. De
unique de 300 à 600 mg de phosphate de clindamycine, les pics rares cas d’érythème polymorphe, de syndrome de Stevens-
sériques sont compris entre 3,17 et 6,56 mg/l. Johnson ou de Lyell ont été décrits. Enfin, des réactions

Maladies infectieuses 5
8-004-F-10 ¶ Lincosamides et streptogramines

d’hypersensibilité telles qu’œdème de Quincke et anaphylaxie d’infection sévère à streptocoque du groupe A (choc toxique,
ont été signalées chez quelques sujets allergiques à la cellulite nécrosante), la clindamycine est à considérer comme
pénicilline. un antibiotique de deuxième intention réservé aux patients
allergiques aux pénicillines. La clindamycine peut être aussi
Digestifs
considérée dans le traitement des infections profondes (hors
C’est l’effet secondaire le plus important et qui limite l’usage système nerveux central) dues à des anaérobies (sauf B. fragilis
de la clindamycine [12]. Près de 20 % des patients traités par de pour lequel l’étude de la sensibilité est nécessaire du fait de la
la clindamycine vont présenter une diarrhée ne nécessitant fréquence de la résistance). Beaucoup de ces infections sont
habituellement pas l’interruption du traitement. De façon plus polymicrobiennes et nécessitent une association avec un autre
préoccupante, la clindamycine peut être responsable de prolifé- agent (par exemple anti-Gram négatif pour les infections intra-
ration de Clostridium difficile dans l’intestin et de la production abdominales). La clindamycine a une autorisation de mise sur
de toxine qui est à l’origine de colite pseudomembraneuse chez le marché (AMM) pour les infections ORL, bronchopulmonaires,
0,01 % à 10 % des patients traités par cet antibiotique. Beau- stomatologiques, cutanées, génitales, ostéoarticulaires, abdomi-
coup d’antibiotiques donnent ce type de colite mais la clinda- nales post-chirurgicales, la toxoplasmose cérébrale et la prophy-
mycine est celui qui en provoque proportionnellement le plus. laxie de l’endocardite bactérienne.
La colite survient 8 à 10 jours après l’initiation du traitement
et cela indépendamment de la forme posologique (orale ou Traitement curatif de première intention
veineux) ou de la quantité reçue. Le diagnostic repose sur la En première intention, la clindamycine est indiquée dans les
détection de toxines dans les selles. En cas de positivité, l’arrêt dermohypodermites nécrosantes, associée à une bêtalactamine.
du traitement par la clindamycine s’impose ainsi que la pres- De surcroît, elle diminue la synthèse de toxine bactérienne. Et
cription de vancomycine ou de métronidazole per os pendant possède un effet postantibiotique plus long que les pénicillines.
10 jours. Au décours d’infections à coques à Gram positif où les
Hépatobiliaires symptômes sont en partie liés à la production de toxines (choc
streptococcique ou staphylococcique imputable à la toxine
Quelques cas d’ictères et de perturbation des fonctions
TSST1, infections cutanées ou pulmonaires sévères staphylococ-
hépatiques (transaminases) ont été signalés sans qu’aucune
ciques liées à la production de toxine de Panton-Valentine), il a
relation directe entre administration de clindamycine et
été proposé d’utiliser la clindamycine en association pour ces
dysfonctionnement hépatique n’ait pu être établie.
effets inhibiteurs de la production de toxine [13]. Cependant,
Vasculaires peu d’études cliniques supportent ces recommandations.
La perfusion de lincosamides doit être lente (minimum de Traitement curatif de deuxième intention
20 minutes pour 600 mg) en raison de risque d’hypotension
artérielle. La clindamycine apparaît en seconde intention, le plus
souvent en association avec un autre antibiotique (aminosides
Hématologiques ou quinolones) dans le traitement de diverses infections en cas
La clindamycine peut être responsable de neutropénie, d’allergie aux b-lactamines. Par exemple l’érysipèle (à streptoco-
leucopénie, agranulocytose, purpura thrombopénique. Pour la que du groupe A), les angines récidivantes, les sigmoïdites (non
lincomycine, de rares cas d’anémie aplasique ou de pancyto- perforées), cholécystites aiguës avec péritonite et le pied
pénie ont été rapportés sans être clairement liés à l’usage de ce diabétique.
traitement. La clindamycine a été récemment évaluée dans le traitement
de diverses infections ostéoarticulaires à staphylocoque ou
Interactions médicamenteuses et précaution streptocoque ou Propionibacterium en association avec de la
d’emploi rifampicine ou des fluoroquinolones [14] . La guérison a été
Les sels et hydroxydes d’aluminium diminuent l’absorption obtenue chez 51,1 % des 56 patients inclus. La clindamycine a
digestive des lincosamides. D’une façon générale, il faut prendre été aussi évaluée en perfusion continue dans ce type d’infection
les topiques gastro-intestinaux à distance des lincosamides (plus avec un fort taux de succès (92 % de guérison) et une bonne
de 2 heures). tolérance [15].
L’association avec la ciclosporine diminue les concentrations Autres indications
sanguines de l’immunosuppresseur avec risque de perte de
l’activité immunosuppressive. Il faut alors contrôler les dosages La clindamycine est utilisée pour ses propriétés antibactérien-
sanguins de ciclosporine et augmenter éventuellement sa nes et anti-inflammatoires propres en solution pour application
posologie. locale dans le traitement de l’acné (plus particulièrement les
Il existe une incompatibilité physicochimique avec les formes à dominante inflammatoire, papulopustuleuse) [16].
médicaments suivants : ampicilline, phénytoïne, barbituriques, Pour les patients allergiques aux b-lactamines, la clindamy-
aminophylline, gluconate de calcium, sulfate de magnésium. cine s’utilise en prophylaxie des infections postopératoires
La clindamycine n’est pas significativement épurée après en neurochirurgie, chirurgie digestive sous-mésocolique en
hémodialyse et dialyse péritonéale. Une augmentation des taux association avec un aminoside ; chirurgie carcinologique ORL
sériques et un allongement de la demi-vie d’élimination de la avec ouverture du tractus oropharyngé en association avec un
clindamycine ont été documentés chez l’insuffisant hépatique. aminoside ; chirurgie gynécologique en association avec un
La posologie ne doit pas être modifiée chez le sujet âgé. aminoside ; amputation de membre en association avec un
Bien que les données cliniques soient rassurantes, il est aminoside, et également en prophylaxie de l’endocardite
préférable, du fait du nombre limité de ces données, de ne pas infectieuse au cours des soins dentaires et d’actes portant sur les
utiliser la clindamycine au cours de la grossesse. voies aériennes supérieures lors de soins ambulatoires en cas
Du fait du risque de colite pseudomembraneuse, il ne faut pas d’allergie aux b-lactamines [17].
administrer de lincosamides aux colitiques. En prévention de l’infection néonatale à streptocoque du
Chez les enfants de moins de 3 ans, en raison de la présence groupe B, la clindamycine est une prophylaxie alternative aux
d’alcool benzylique, son utilisation est contre-indiquée. pénicillines lors du travail chez la femme porteuse de ce
.
La présence de 2 mg de sodium par ampoule doit être prise streptocoque.
en compte chez les personnes suivant un régime hypo-
sodé strict. Indications thérapeutiques parasitaires
La clindamycine est efficace dans le traitement curatif et
Indications thérapeutiques préventif (traitement des rechutes) de la toxoplasmose cérébrale
Du fait de ses propriétés pharmacodynamiques, la clindamy- chez les patients immunodéprimés par le VIH [18] . Elle est
cine est préférée à la lincomycine. Hormis le cas particulier indiquée en cas d’intolérance aux sulfamides et s’associe alors à

6 Maladies infectieuses
Lincosamides et streptogramines ¶ 8-004-F-10

la pyriméthamine. Elle est cependant moins rapidement efficace


et le taux d’échec est supérieur à celui de l’association pyrimé- N
thamine + sulfadiazine.
L’apparition de souches résistantes de Plasmodium falciparum
à la chloroquine et à la quinine conduit à rechercher de
nouveaux schémas thérapeutiques. L’association de la clinda- O
mycine (10 mg/kg/j pendant 3 jours) à la chloroquine ou à la N N
quinine améliore la réponse au traitement antiparasitaire [19].
Le traitement de la babésiose humaine (essentiellement à N O O O NH
Babesia divergens en Europe ou B. microti), en particulier la forme H
N
sévère, associe la clindamycine intraveineuse à fortes doses O O O
(2,4 g/j) à la quinine (600 mg per os) [20]. O O NH
Enfin, la clindamycine en association avec la primaquine
peut être un traitement de seconde intention de la pneumocys- OH
tose (hors AMM en France). Cette association semble meilleure N
que la pentamidine [21].
A
■ Streptogramines O
HO N
Introduction N
H3C O O
Les streptogramines (ou synergistines) sont des antibiotiques
à spectre étroit associant deux facteurs A et B agissant en
O
synergie. Deux streptogramines sont commercialisées : la O O
pristinamycine (Pyostacine®) administrable per os et surtout CH3
utilisée depuis la fin des années 1960 dans les infections N
cutanées à staphylocoques et les infections bronchopulmonaires H
CH3 CH3
et la quinupristine-dalfopristine (Synercid®) commercialisée B
depuis 1999, administrable par voie intraveineuse et utilisable
en milieu hospitalier contre les coques à Gram positif Figure 2. Structure de la pristinamycine IA (en haut) et de la pristina-
multirésistants. mycine IIA (en bas).

Structure
aérobies à l’exception notable de Enterococcus faecalis, du fait
La pristinamycine est produite naturellement par fermenta- d’une résistance naturelle à PII ; elle est aussi active sur les
tion par une bactérie du sol, Streptomyces pristinaespiralis [22]. Ce coques à Gram négatif aérobies. Elle possède une activité contre
micro-organisme produit plusieurs streptogramines (16 en tout) les bactéries intracellulaires (Chlamydia, Legionella, mycoplasmes)
appartenant à deux groupes de molécules de structure diffé- et les anaérobies, surtout celles impliquées dans les infections
rente, le groupe A et le groupe B. La pristinamycine IA (PI) des voies aériennes supérieures, pulmonaires, gynécologiques,
constitue 90 % à 95 % des molécules du groupe B produites par des tissus mous et de la sphère ORL (Tableau 1) [23-25]. L’activité
la bactérie et la pristinamycine IIA (PII) est le principal compo- est assez faible contre Haemophilus et nulle contre les entérobac-
sant des molécules du groupe A [9]. En pratique, on considère téries [26]. La quinupristine-dalfopristine a un spectre similaire
que la pristinamycine est une association de PI et de PII (Fig. 2). mais est surtout utilisée pour son activité dirigée contre les
Les streptogramines A, dont PII, sont des macrolactones poly- staphylocoques multirésistants et E. faecium résistant à la
insaturées contenant un noyau oxazole et un fragment vancomycine [27, 28].
diénylamide. La pristinamycine et la quinupristine-dalfopristine sont des
Les streptogramines B, dont PI, sont des hexadepsipeptides antibiotiques bactéricides vis-à-vis des streptocoques A et, à la
cycliques avec un fragment caractéristique 3-hydroxy- différence des macrolides et lincosamides, des staphyloco-
picolinoylexocyclique. ques [29, 30]. Pour les souches sensibles, la synergie bactériostati-
La pristinamycine est très difficilement soluble dans l’eau que et bactéricide des deux streptogramines est manifeste dans
limitant son usage à la voie orale. La quinupristine-dalfopristine une gamme très large de rapport des facteurs A et B, allant de
est un dérivé soluble de la pristinamycine, pouvant être 5 % à 95 % [29]. L’effet bactéricide se produit pour les deux
administré par voie intraveineuse grâce à des modifications streptogramines en 3 heures contre les staphylocoques et en
chimiques de PII (addition de 2-diéthylaminoéthanethiol sur le moins de 1 heure contre les pneumocoques [30, 31].
noyau déshydroproline) donnant la dalfopristine et de PI Selon le CA-SFM, les concentrations critiques sont les suivan-
(dérivé 5d-thiométhyle) donnant la quinupristine. tes :
• pristinamycine : souches sensibles, CMI ≤ 0,5 mg/l ; souches
Mode d’action résistantes, CMI > 2 mg/l ;
Les facteurs A (PII, dalfopristine) et B (PI, quinupristine) se • quinupristine-dalfopristine : souches sensibles, CMI ≤ 0,25 mg/l ;
lient tous deux à la grosse sous-unité 50S du ribosome et souches résistantes, CMI > 2 mg/l.
inhibent la synthèse protéique mais ils ont un site de fixation
différent expliquant la synergie. La fixation du composé A (PII, Résistances
dalfopristine) entraîne un changement de conformation au
Les mécanismes de résistance sont résumés dans le Tableau 3.
niveau du ribosome qui augmente l’affinité du composé B (PI,
quinupristine) pour le ribosome [4] . Le facteur A est ainsi
Mécanismes des résistances acquises
considéré comme le composant majeur de l’association car
gouvernant la synergie. Des mécanismes différents confèrent une résistance au facteur
A ou au facteur B des streptogramines avec des conséquences
Spectre d’activité et concentrations variées sur l’activité de l’association des facteurs.
critiques Résistance au facteur B (PI et quinupristine)
La pristinamycine possède un spectre étroit d’activité. Elle est Elle est surtout due à la modification du ribosome par des
active contre la plupart des coques et bacilles à Gram positif méthylases erm décrites plus haut. Elle n’est observée que si la

Maladies infectieuses 7
8-004-F-10 ¶ Lincosamides et streptogramines

résistance est d’expression constitutive (résistance croisée MLSB) Les données pharmacocinétiques concernant cet antibiotique
et non en cas d’expression inductible, car les streptogramines B sont parcellaires et anciennes. La quinupristine-dalfopristine a
ne sont pas inductrices. bénéficié d’études plus complètes.
Rarement, la cible ribosomale peut être modifiée par muta-
tion d’une protéine ribosomale, L22, composant en partie le Pristinamycine
tunnel de sortie des polypeptides. Cette mutation a été rappor-
L’antibiotique est administré per os avec un rapport entre les
tée au décours de traitement par la quinupristine-dalfopristine
deux facteurs de 30-40 % pour PI et 60-70 % pour PII.
et la pristinamycine, respectivement chez S. aureus et S. pneu-
Les cinétiques chez l’enfant, le sujet âgé et les patients
moniae [32, 33].
insuffisants rénaux ou hépatiques ne sont pas connues. Chez
Plus rarement, elle est due à une inactivation du facteur B par
l’adulte, la pristinamycine n’est pas inactivée par le liquide
une lyase codée par le gène vgB [34]. Cette enzyme linéarise la
gastrique. Environ 15-18 % de PII sont absorbés dans la partie
structure cyclique du facteur B sans l’hydrolyser.
iléojéjunale de l’intestin [38]. L’absorption de PI est du même
Résistance au facteur A (PII et dalfopristine) ordre. Après administration de 500 mg de pristinamycine, la
concentration plasmatique est de 1 mg/l à la 2e heure. Dès les
Peu fréquente, elle est due à deux mécanismes.
4e-6e heures les concentrations plasmatiques sont nulles ou très
Le premier mécanisme est une inactivation par acétylation du
faibles.
facteur A due à diverses protéines codées par les gènes de la
Les concentrations maximales (Cmax) de PI et PII sont
classe vat [4].
atteintes en 3 heures et sont respectivement de 0,8 et 0,6 mg/l
Le deuxième type, LSA, a déjà été mentionné à propos de la avec des demi-vies d’élimination de 4-5 et 2,8-8 heures. Les aires
clindamycine. sous la courbe (ASC) sont de 2,2 et 1,2 mg h/l [38]. La fixation
Conséquences sur l’activité de l’association des facteurs A aux protéines plasmatiques est estimée à 40-50 % pour PI et
et B 80-90 % pour PII.
Les streptogramines sont métabolisées au niveau hépatique
La résistance isolée au facteur B due à la modification de cible mais ce métabolisme est mal connu. L’élimination est principa-
par expression constitutive de méthylase erm est de loin la plus lement biliaire. L’élimination urinaire est faible (10 % pour PI
fréquemment observée chez les staphylocoques et streptoco- et 2 % pour PII).
ques. La pristinamycine et la quinupristine-dalfopristine restent La distribution tissulaire est mal connue chez l’homme
actives avec des CMI qui ne s’élèvent au plus que d’une dilution .
(notamment celle dans l’os). Il n’y a pas de passage de la
car la synergie entre les facteurs est conservée. En revanche, la barrière méningée.
bactéricidie précoce de la streptogramine vis-à-vis des staphylo- Un effet postantibiotique est décrit.
coques est supprimée. Le facteur B n’étant jamais testé séparé-
ment, la résistance à ce facteur ne peut être détectée par
l’antibiogramme de routine. La résistance à la clindamycine qui
est associée à celle aux streptogramines B dans le phéno-
type MLSB est un marqueur de substitution et indique la perte
de bactéricidie de la streptogramine. En revanche, chez les
“ Points importants
streptocoques et pneumocoques, la bactéricidie est conservée et
Points forts et faibles de la pristinamycine.
la résistance à la clindamycine n’a pas la même valeur prédic-
Points forts :
tive que chez les staphylocoques [30].
La mutation (rare) de la protéine ribosomale L22 entraîne • activité contre les bactéries intracellulaires des
toutefois une résistance à la quinupristine-dalfopristine et à la infections pulmonaires,
pristinamycine. • peu de résistance chez les staphylocoques et
La résistance au facteur A seul entraîne une perte partielle de streptocoques,
la synergie entre les facteurs A et B et va se traduire par une • activité bactéricide sur les streptocoques et
augmentation de CMI des streptogramines faisant catégoriser la staphylocoques (sensibles à la clindamycine),
souche comme intermédiaire ou à la limite de la sensibilité. Il • forme orale,
n’y a pas d’altération de la bactéricidie. Dans un modèle • peu d’allergie.
expérimental d’endocardite du lapin, la quinupristine-
Points faibles :
dalfopristine s’est montrée aussi efficace contre une souche de
• inactif contre les bactéries à Gram négatif,
S. aureus de type LSA catégorisée sensible que contre une souche
sans mécanisme de résistance [35]. • activité bactériostatique contre les staphylocoques
C’est l’association d’au moins deux mécanismes de résistance résistants à la clindamycine,
aux facteurs A et B simultanément qui va se traduire par une • données pharmacocinétiques manquantes,
résistance franche à la pristinamycine [4]. • tolérance digestive moyenne.

Fréquence des résistances


Selon les réseaux de surveillance ONERBA, la résistance des Quinupristine/dalfopristine
S. aureus méticillinosensibles à la pristinamycine est rare. En
revanche, elle avoisine les 10 % chez les SARM. Une étude Cet antibiotique est administré par voie intraveineuse à la
multicentrique française portant sur 1 650 souches de staphylo- dose de 7,5 mg/kg toutes les 8-12 heures selon la sévérité de
coques isolés en milieu hospitalier a montré que 92 % des l’infection. Le rapport quinupristine/dalfopristine dans l’asso-
S. aureus et 93 % des staphylocoques à coagulase négative ciation est de 30/70. Une relation linéaire est observée entre la
étaient sensibles à la pristinamycine [36]. Les pourcentages sont dose administrée et les concentrations plasmatiques maxima-
similaires pour la quinupristine-dalfopristine. Près de 10 % des les [39]. Une administration unique de 7,5 mg/kg aboutit à une
E. faecium résistants à la vancomycine en Europe sont résistants concentration plasmatique maximale de 2,3-2,7 mg/l pour la
à la quinupristine-dalfopristine [37]. quinupristine et de 6,1-8,2 mg/l pour la dalfopristine. L’ASC est
Chez S. pyogenes et le pneumocoque, la résistance est respectivement de 2,7-3,3 et de 6,5-7,7 mg h/l pour la quinu-
exceptionnelle. pristine et la dalfopristine. L’administration répétée se traduit
par une augmentation de 13-21 % des concentrations plasma-
tiques maximales et de 21-26 % pour les ASC de quinupristine
Pharmacocinétique et pharmacodynamie et dalfopristine. Les volumes de distribution sont respective-
Le dosage de la pristinamycine est délicat à réaliser car si cet ment de 0,46-0,54 et 0,24-0,30 l/kg pour la quinupristine et la
antibiotique est stable dans le sérum, une hémolyse même très dalfopristine. La quinupristine est un peu plus liée aux protéines
minime survenant lors de sa préparation dégrade le facteur PII. (55-78 %) que la dalfopristine (11-26 %). Les deux facteurs se

8 Maladies infectieuses
Lincosamides et streptogramines ¶ 8-004-F-10

distribuent bien dans les tissus : des concentrations supérieures Infections respiratoires basses
à celles du sang ont été rapportées pour les rein, foie, rate, La pristinamycine a été comparée à l’amoxicilline (3 g/j
glandes salivaires et leucocytes. La diffusion extravasculaire pendant 7-10 jours) dans le traitement de pneumonies commu-
(mesurée dans les liquides de bulles) est de 40-80 % [39]. nautaires de l’adulte [40]. Il s’agissait d’une étude multicentrique
Quinupristine et dalfopristine sont métabolisées de façon de non-infériorité, randomisée, en double aveugle qui a inclus
importante. La quinupristine est conjuguée pour former deux 399 patients. Les pneumonies étaient peu sévères avec un score
composés actifs, comportant une cystéine ou un glutathion. La de Fine égal à III chez 85,4 % des patients. Une documentation
dalfopristine est hydrolysée en son métabolite actif la pristina- bactériologique a été obtenue chez un tiers des patients avec
mycine IIA. L’activité antibactérienne des métabolites est dans près de la moitié des cas l’isolement d’un pneumocoque,
comparable à celle des molécules parentales. le restant se répartissant en Mycoplasma pneumoniae (18,6 %),
La quinupristine/dalfopristine est surtout éliminée dans les Haemophilus influenzae (14,7 %), Chlamydia pneumoniae (13,2 %)
selles (75-77 %), et faiblement dans l’urine (15-19 %). Les demi- et Legionella pneumophila (9,3 %). Le taux de succès a été de
vies d’élimination de quinupristine et dalfopristine sont 87,6 % dans chaque groupe et les effets indésirables de survenue
similaires, de 0,7 à 1,3 heures après une dose. Les métabolites similaires. Cette étude a permis de conclure à l’efficacité
ont une demi-vie un peu plus longue, de 1,2 à 1,8 heure. Avec comparable d’amoxicilline et de pristinamycine dans les
des doses répétées, la clairance plasmatique de la quinupristine pneumonies peu sévères communautaires.
et de la dalfopristine est réduite d’environ 20 % en comparaison
avec une dose unique, avec une clairance de 0,7-0,8 l/h/kg. Infections cutanéomuqueuses
Le paramètre pharmacodynamique prédisant l’activité anti- L’évaluation d’un antibiotique dans ce type de pathologie est
bactérienne in vivo de la streptogramine est le rapport difficile à effectuer du fait du caractère spontanément curable de
ASC/CMI. certaines de ces infections. Une étude multicentrique française,
Comme pour la pristinamycine, un effet postantibiotique est ouverte, randomisée, enrôlant 289 patients atteints d’érysipèle,
observé. L’effet postantibiotique de la quinupristine- surtout à S. pyogenes, a montré une activité de la pristinamycine
dalfopristine est de 2,4 à 8 heures mais plus court chez les au moins similaire, voire supérieure à celle de la pénicilline
staphylocoques résistants MLSB constitutifs. injectable [41]. Les patients ayant reçu la pristinamycine présen-
taient plus d’intolérances mineures de type nausées, vomisse-
Effets indésirables et interactions ments et diarrhée. Le faible pourcentage de souches résistantes
médicamenteuses à l’érythromycine (type MLSB ) ne permettait pas d’évaluer
l’activité de la pristinamycine dans ce groupe.
Pristinamycine Une autre étude multicentrique, ouverte et randomisée, a
La survenue (rare) en début de traitement par la pristinamy- montré l’équivalence de la cloxacilline orale et de la pristina-
cine d’un érythème généralisé fébrile associé à des pustules fait mycine dans le traitement en ville d’infections cutanées chez
évoquer une pustulose exanthématique aiguë généralisée et 334 patients. Il est à noter que neuf patients ont dû interrompre
impose l’arrêt du traitement. Toute nouvelle administration est le traitement par pristinamycine contre un seul pour la cloxa-
contre-indiquée. cilline, du fait d’intolérance [42].
Les troubles digestifs sont assez fréquents avec vomissements, Infections osseuses
diarrhée, pesanteur gastrique. Des colites pseudomembraneuses
ont été rapportées. Des manifestations allergiques sont décrites La pristinamycine est un candidat intéressant pour un
mais restent rares. traitement relais per os des infections ostéo-articulaires, notam-
L’administration pendant la grossesse est possible. L’allaite- ment à SARM. Peu d’études portent sur ce type d’infection.
ment est contre-indiqué. Deux études rétrospectives ont montré des résultats comparables
La pristinamycine augmente de façon dangereuse les taux de à ceux obtenus avec d’autres antibiotiques [43, 44]. Il convient
colchicine et la prise concomitante des deux médicaments est cependant d’être prudent dans cette indication devant l’absence
déconseillée. de données pharmacocinétiques de diffusion osseuse et encore
La pristinamycine inhibe le catabolisme de la ciclosporine et plus quand l’infection est due à un staphylocoque résistant à la
du tacrolimus et augmente les taux circulants et la clindamycine (résistance croisée avec PI).
créatininémie. Indication préventive de la pristinamycine
Quinupristine-dalfopristine En cas d’allergie aux bêtalactamines, la pristinamycine est
indiquée en prophylaxie de l’endocardite infectieuse lors des
Il a été montré que la quinupristine-dalfopristine est un
soins dentaires et d’actes portant sur les voies aériennes
inhibiteur du cytochrome P450 3A4, entraînant certaines
supérieures effectués en ambulatoire.
interactions médicamenteuses. L’ASC de la ciclosporine est
augmentée de 5 % à 222 % en coadministration avec Indications curatives
quinupristine-dalfopristine.
de la quinupristine-dalfopristine
L’hypersensibilité aux streptogramines, l’insuffisance hépati-
que sévère, une bilirubinémie supérieure à trois fois la limite La quinupristine-dalfopristine est réservée aux cas documen-
supérieure normale sont des contre-indications. tés où aucun autre antibiotique n’est actif sur la (ou les)
La quinupristine-dalfopristine doit être utilisée avec prudence bactérie(s) responsable(s) de l’infection ou en l’absence de tout
chez les patients à risque d’arythmies cardiaques (allongement autre médicament adapté. Elle est indiquée par voie intravei-
congénital du QT, hypertrophie cardiaque, cardiomyopathie neuse dans le traitement des pneumonies nosocomiales, des
dilatée, hypokaliémie, bradycardie, hypomagnésémie et admi- infections de la peau et des tissus mous, des infections clinique-
nistration concomitante de médicaments allongeant l’intervalle ment significatives à Enterococcus faecium résistant à la vanco-
QT). mycine. Son spectre étroit nécessite une association à un
antibiotique dirigé contre les bactéries à Gram négatif en cas
d’infection polymicrobienne. Son utilisation nécessite la pose
Indications cliniques d’un cathéter veineux central et une perfusion lente (60 minu-
Indications curatives de la pristinamycine tes) du fait de la toxicité du produit pour les veines.
La pristinamycine a reçu une AMM pour l’antibiothérapie
orale des infections à germes sensibles ORL, dont les sinusites ■ Conclusion
aiguës, bronchopulmonaires, les exacerbations aiguës de
bronchites chroniques, stomatologiques, génitales (notamment La clindamycine est un antibiotique restant très intéressant
prostatiques), cutanées, osseuses et articulaires. Elle n’est pas du fait de sa bonne diffusion tissulaire, de son faible coût et de
indiquée dans les localisations méningées. son administration intraveineuse ou per os possible. L’existence

Maladies infectieuses 9
8-004-F-10 ¶ Lincosamides et streptogramines

de complications sévères à type de colites et l’existence de [22] Preud’homme J, Tarridec P, Belloc A. Isolement, caractérisation et
résistances dont la fréquence est à apprécier selon l’espèce identification des composants de la pristinamycine. Bull Soc Chim Fr
bactérienne en cause font cependant délaisser peut être excessi- 1968;2:585-91.
vement cet antibiotique. [23] Bébéar C, Renaudin H, Texier-Maugein J, de Barbeyrac B. Activité in
La pristinamycine a la remarquable propriété de faire face à vitro des macrolides et de la pristinamycine sur les mycoplasmes. In:
très peu de résistances chez les staphylocoques et quasiment Pocidalo JJ, Vachon F, Coulaud JP, Vildé JL, editors. Macrolides et
aucune chez les pneumocoques et autres streptocoques. On ne synergistines. Paris: Arnette; 1988. p. 163-73.
[24] Dubreuil L, Houcke I, Singer E. Activité in vitro de 10 antibiotiques
peut que regretter le peu de données pharmacocinétiques
dont la pristinamycine et ses deux composants (RP 12536 et RP 27404)
disponibles, notamment pour les concentrations tissulaires. La
sur les anaérobies stricts. Pathol Biol 1998;46:147-52.
. famille des streptogramines orales connaîtra peut-être des [25] Renaudin H, Tully JG, Bebear C. In vitro susceptibilities of
développements grâce à des nouveaux produits qui apparaissent Mycoplasma genitalium to antibiotics. Antimicrob Agents Chemother
plus actifs [45]. 1992;36:870-2.
.
[26] Dabernat H, Seguy M, Delmas C. Étude de la sensibilité de
Haemophilus influenzae aux antibiotiques (autres que les bêta-
■ Références lactamines) par utilisation de la gélose HTM (Haemophilus test
medium). Pathol Biol 1993;41:596-603.
[1] Canu A, Leclercq R. Macrolides and lincosamides. In: Mayers DL, [27] Soussy CJ, Acar JF, Cluzel R, Courvalin P, Duval J, Fleurette J, et al. A
Lerner SA, Ouellette M, Sobel JD, editors. Antimicrobial drug collaborative study of the in-vitro sensitivity to RP 59500 of bacteria
resistance. New York: Humana Press; 2008. isolated in seven hospitals in France. J Antimicrob Chemother 1992;
[2] Dumitrescu O, Boisset S, Badiou C, Bes M, Benito Y, Reverdy ME, 30(supplA):53-8.
et al. Effect of antibiotics on Staphylococcus aureus producing Panton- [28] Verbist L, Verhaegen J. Comparative in-vitro activity of RP 59500.
Valentine leukocidin. Antimicrob Agents Chemother 2007;51:1515-9. J Antimicrob Chemother 1992;30(supplA):39-44.
[3] Van Vlem B, Vanholder R, De Paepe P, Vogelaers D, Ringoir S. [29] Videau. Etude de l’activité bactéricide de la pristinamycine. Pathol
Immunomodulating effects of antibiotics: literature review. Infection Biol 1982;30:529-34.
1996;24:275-91. [30] Barakett V, Lesage D, Delisle F, Richard G, Petit JC. Killing kinetics of
[4] Leclercq R. Macrolides. In: Courvalin P, Leclercq R, Bingen E, editors. RP59500 and pristinamycin against penicillin-resistant pneumococci.
L’antibiogramme. Paris: ESKA; 2008. p. 299-323. Pathol Biol 1997;45:438-40.
[5] Leclercq R. Mechanisms of resistance to macrolides and lincosamides: [31] Pankuch GA, Jacobs MR, Appelbaum PC. MIC and time-kill study of
nature of the resistance elements and their clinical implications. Clin antipneumococcal activities of RPR 106972 (a new oral
Infect Dis 2002;34:482-92. streptogramin), RP 59500 (quinupristin-dalfopristin), pyostacine (RP
[6] Depardieu F, Podglajen I, Leclercq R, Collatz E, Courvalin P. Modes 7293), penicillin G, cefotaxime, erythromycin, and clarithromycin
and modulations of antibiotic resistance gene expression. Clin against 10 penicillin-susceptible and –resistant pneumococci.
Microbiol Rev 2007;20:79-114. Antimicrob Agents Chemother 1996;40:2071-4.
[7] Long KS, Poehlsgaard J, Kehrenberg C, Schwarz S, Vester B. The Cfr [32] Malbruny B, Canu A, Bozdogan B, Fantin B, Zarrouk V, Dutka-
rRNA methyltransferase confers resistance to phenicols, lincosamides, Malen S, et al. Resistance to quinupristin-dalfopristin due to mutation
oxazolidinones, pleuromutilins, and streptogramin A antibiotics. of L22 ribosomal protein in Staphylococcus aureus. Antimicrob Agents
Antimicrob Agents Chemother 2006;50:2500-5. Chemother 2002;46:2200-7.
[8] Singer E, Calvet L, Mory F, Muller C, Chomarat M, Bézian MC, et al. [33] Cattoir V, Merabet L, Legrand P, Soussy CJ, Leclercq R. Emergence of
Surveillance de la résistance aux antibiotiques chez les anaérobies. Med a Streptococcus pneumoniae isolate resistant to streptogramins by
Mal Infect 2008;38:256-63. mutation in ribosomal protein L22 during pristinamycin therapy of
[9] Bryskier A. Lincosamides. In: Bryskier A, editor. Antibiotiques, agents pneumococcal pneumonia. J Antimicrob Chemother 2007;59:1010-2.
antibactériens et antifongiques. Paris: Ellipses; 1997. p. 616-32. [34] Korczynska M, Mukhtar TA, Wright GD, Berghuis AM. Structural
[10] Mazur D, Schug BS, Evers G, Larsimont V, Fieger-Büschges H, basis for streptogramin B resistance in Staphylococcus aureus by
Gimbel W, et al. Bioavailability and selected pharmacokinetic virginiamycin B lyase. Proc Natl Acad Sci USA 2007;104:10388-93.
parameters of clindamycin hydrochloride after administration of a new [35] Zarrouk V, Bozdogan B, Leclercq R, Garry L, Carbon C, Fantin B.
600 mg tablet formulation. Int J Clin Pharmacol Ther 1999;37:386-92. Influence of resistance to streptogramin A type antibiotics on the
[11] Craig WA. Does the dose matter? Clin Infect Dis 2001;33(suppl3): activity of quinupristin-dalfopristin in vitro and in experimental
S233-S237. endocarditis due to Staphylococcus aureus. Antimicrob Agents
[12] George WL. Antimicrobial agent-associated colitis and diarrhea: Chemother 2000;44:1168-73.
historical background and clinical aspects. Rev Infect Dis 1984; [36] Leclercq R, Soussy CJ, Weber P, Moniot-Ville N, Dib C. Groupe
6(suppl1):S208-S213. d’Étude Multicentrique.Activité in vitro de la pristinamycine contre les
[13] Lappin E, Ferguson AJ. Gram-positive toxic shock syndromes. Lancet souches de staphylocoques isolées d’hôpitaux français en 1999-2000.
Infect Dis 2009;9:281-90. Pathol Biol 2003;51:400-4.
[14] El Samad Y, Havet E, Bentayeb H, Olory B, Canarelli B, Lardanchet JF, [37] Deshpande LM, Fritsche TR, Moet GJ, Biedenbach DJ, Jones RN.
et al. Traitement des infections ostéoarticulaires par clindamycine chez Antimicrobial resistance and molecular epidemiology of vancomycin-
l’adulte. Med Mal Infect 2008;38:465-70. resistant enterococci from NorthAmerica and Europe: a report from the
[15] Zeller V, Dzeing-Ella A, Kitzis MD, Ziza JM, Mamoudy P, SENTRY antimicrobial surveillance program. Diagn Microbiol Infect
Desplaces N. Continuous clindamycin infusion, an innovative Dis 2007;58:163-70.
approach to treating bone and joint infections. Antimicrob Agents [38] Bryskier A. Streptogramines. In: Bryskier A, editor. Antibiotiques,
Chemother 2010;54:88-92. agents antibactériens et antifongiques. Paris: Ellipses; 1997.
[16] Simonart T, Dramaix M. Treatment of acne with topical antibiotics: p. 595-615.
lessons from clinical studies. Br J Dermatol 2005;153:395-403. [39] Bearden DT. Clinical pharmacokinetics of quinupristin/dalfopristin.
[17] Hall G, Nord CE, Heimdahl A. Elimination of bacteraemia after dental Clin Pharmacokinet 2004;43:239-52.
extraction: comparison of erythromycin and clindamycin for [40] Trémolières F, Mayaud C, Mouton Y, Weber P, Dellatolas F, Caulin E.
prophylaxis of infective endocarditis. J Antimicrob Chemother 1996; Essai comparatif de l’efficacité et de la tolérance de la pristinamycine
37:783-95. vs amoxicilline dans le traitement des pneumonies aiguës
[18] Morlat P, Leport C. Prévention de la toxoplasmose chez les patients communautaires de l’adulte. Pathol Biol 2005;53:503-10.
immunodéprimés. Ann Med Interne (Paris) 1997;148:235-9. [41] Bernard P, Chosidow O, Vaillant L, French Erysipelas Study Group..
[19] Lell B, Kremsner PG. Clindamycin as an antimalarial drug: review of Oral pristinamycin versus standard penicillin regimen to treat
clinical trials. Antimicrob Agents Chemother 2002;46:2315-20. erysipelas in adults: randomised, non-inferiority, open trial. BMJ 2002;
[20] Vannier E, Krause PJ. Update on babesiosis. Interdiscip Perspect Infect 325:864.
Dis 2009;2009:984568. [42] Chosidow O, Bernard P, Berbis P, Humbert P, Crickx B, Jarlier V,
[21] Smego Jr. RA, Nagar S, Maloba B, Popara M. A meta-analysis of ORPIC Study Investigator Group.. Cloxacillin versus pristinamycin
salvage therapy for Pneumocystis carinii pneumonia. Arch Intern Med for superficial pyodermas: a randomized, open-label, non-inferiority
2001;161:1529-33. study. Dermatology 2005;210:370-4.

10 Maladies infectieuses
Lincosamides et streptogramines ¶ 8-004-F-10

[43] Ng J, Gosbell IB. Successful oral pristinamycin therapy for Prise en charge des infections des voies respiratoires basses de l’adulte
osteoarticular infections due to methicillin-resistant Staphylococcus immunocompétent, spilf, 15 mars 2006 http://www.infectiologie.
aureus (MRSA) and other Staphylococcus spp. J Antimicrob com/site/medias/_documents/consensus/inf_respir_long2006.pdf.
Chemother 2005;55:1008-12. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante au cours des infec-
[44] Ruparelia N, Atkins BL, Hemingway J, Berendt AR, Byren I. tions respiratoires basses de l’adulte et de l’enfant.Agence Française de
Pristinamycin as adjunctive therapy in the management of Gram- Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, octobre 2005.
positive multi-drug resistant organism (MDRO) osteoarticular infec- http://www.afssaps.fr/var/afssaps_site/storage/original/application/
tion. J Infect 2008;57:191-7. b45044683f79b86c2bafe9f3b2ac7f2c.pdf.
[45] Dupuis M, Leclercq R. Activity of a new oral streptogramin, XRP2868, Prise en charge des plaies aux urgences. Société Francophone de Médecine
against gram-positive cocci harboring various mechanisms of d’Urgence. décembre 2005 http://www.infectiologie.com/site/medias/
resistance to streptogramins. Antimicrob Agents Chemother 2006;50: _documents/consensus/consensus-LONG-plaies2006.pdf.
237-42. Infections ostéo-articulaires sur matériel. Société de pathologie infectieuse
de langue française (SPILF). Mai 2009. http://www.infectiologie.
com/site/medias/_documents/consensus/inf-osseuse-long.pdf.
Pour en savoir plus Prise en charge du pied diabétique infecté. Société de pathologie infectieuse
de langue française (SPILF). Novembre 2006.
Mécanismes de résistance à la clindamycine chez les pneumocoques. http://www.infectiologie.com/site/medias/_documents/consensus/
Leclercq R, Courvalin P. Resistance to macrolides and related antibiotics in pieddiabetique2006-long.pdf.
Streptococcus pneumoniae. Antimicrob Agents Chemother 2002;46: Spondylodiscites. Société de pathologie infectieuse de langue française
2727-34. (SPILF). 2007. http://www.infectiologie.com/site/medias/_documents/
Rupnik M, Wilcox MH, Gerding DN. Clostridium difficile infection: new consensus/2007-Spondylodiscites-Reco.pdf.
developments in epidemiology and pathogenesis. Nat Rev Microbiol Prophylaxie de l’endocardite infectieuse. Société de pathologie infectieuse
2009;7:526-36. de langue française (SPILF). 2002. http://www.infectiologie.
Blanckaert K, Coignard B, Grandbastien B, Astagneau P, Barbut F. Actualités com/site/medias/_documents/consensus/endocardite-long-02.pdf.
sur les infections à Clostridium diffıcile. Rev Med Interne 2008;29: Agence Nationale d’Accréditation et d’Évaluation en Santé (ANAES). Pré-
209-14. vention anténatale du risque infectieux bactérien – Recommandations.
Conférences de consensus mentionnant l’usage de la clindamycine ou de la http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_272118/prevention-antenatale-
pristinamycine. du-risque-infectieux-bacterien-neonatal-precoce.

C. Daurel, Assistante hospitalo-universitaire (daurel-c@chu-caen.fr).


R. Leclercq, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de microbiologie, Centre hospitalier universitaire de Caen, avenue de la Côte de Nacre, 14033 Caen cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Daurel C., Leclercq R. Lincosamides et streptogramines. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies
infectieuses, 8-004-F-10, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Maladies infectieuses 11
¶ 8-004-G-10

Macrolides
B. Rammaert, S. Alfandari

Les macrolides sont des antibiotiques à spectre étroit, principalement actifs sur les bactéries
intracellulaires. Ils sont particulièrement bien tolérés, y compris au cours de la grossesse. L’évolution des
résistances bactériennes a limité leurs indications en monothérapie. Les principales indications de
monothérapie en première intention sont représentées par la pneumonie de l’adulte de moins de 40 ans
sans facteur de risque et les infections à Chlamydia. Dans les plupart des autres indications, ils sont
utilisés en seconde intention, lorsqu’une autre classe ne peut être utilisée, ou en association. Ils possèdent
des indications pour la prophylaxie de certaines infections.
© 2006 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Macrolides ; Résistance ; Bactéries atypiques ; Pneumocoque

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les macrolides sont des antibiotiques à spectre étroit, parti-
culièrement actifs sur les germes intracellulaires. Leur excellente
¶ Structure 1 biodisponibilité explique une utilisation large en pratique de
Molécules à 14 chaînons (C14) 1 ville. L’augmentation des résistances bactériennes aux macroli-
Molécules à 15 chaînons (C15) 1 des de nombreux pathogènes impose de réévaluer régulièrement
Molécules à 16 chaînons (C16) 2 les indications de ces molécules. Des molécules dérivées et/ou
¶ Mode d’action 2 apparentées aux macrolides (lincosamides, streptogramines,
Pénétration dans la bactérie 2 kétolides) sont traitées dans d’autres articles de l’Encyclopédie
Mécanismes d’action intracellulaire 2 Médico-Chirurgicale.
¶ Concentrations critiques des macrolides 2
¶ Spectre d’activité antibactérienne 3 ■ Structure
Espèces sensibles 3
Espèces modérément sensibles 3 La première molécule de la classe, l’érythromycine, a été
Espèces résistantes 4 isolée en 1952. Au total, neuf molécules ont été mises sur le
marché dont huit sont encore disponibles. Toutes ces molécules
¶ Résistances 4
présentent des caractéristiques similaires et quelques particula-
Mécanismes des résistances acquises 4
rités. Les macrolides possèdent un noyau lactone central qui est
Épidémiologie de la résistance 4
à la base de leur classification selon le nombre d’atomes de
¶ Pharmacocinétique 4 carbone. [1] Ce sont des molécules lipophiles.
Biodisponibilité 5
Métabolisme et élimination 5
Pénétration tissulaire 5
Molécules à 14 chaînons (C14)
¶ Pharmacodynamie 5 Les dérivés naturels sont représentés par l’érythromycine et la
Effet antibactérien 5 troléandomycine, cette dernière n’étant plus commercialisée.
Paramètres pharmacodynamiques 5 L’érythromycine base est inactivée par l’acidité gastrique. Elle
est disponible en France sous forme de sels servant à la protéger
Effet postantibiotique 5
de cette acidité (éthylsuccinate, propionate, dihydrate). Il existe
¶ Effets sur l’immunité 5 par ailleurs une forme injectable, le lactobionate.
¶ Effets secondaires 6 Les dérivés hémisynthétiques sont la roxithromycine, la
clarithromycine et la dirithromycine. Leur stabilité en milieu
¶ Interactions médicamenteuses 6
acide est améliorée. De nouveaux macrolides, GW773546 et
¶ Autres contre-indications et précautions d’emploi 6 GW708408, dérivés de la clarithromycine sont en
¶ Indications 6 développement. [2]
Indications curatives 7
Indications préventives 11 Molécules à 15 chaînons (C15)
¶ Conclusion 11
Un seul dérivé hémisynthétique est disponible : l’azithromy-
cine, représentant d’une classe, les azalides. Il est stable en
milieu acide.

Maladies infectieuses 1
8-004-G-10 ¶ Macrolides

Molécules à 16 chaînons (C16) Sous-unité 50S

Seuls des dérivés naturels sont commercialisés : la josamycine,


Chaîne protéique
la midécamycine et la spiramycine. Ils sont stables en milieu
acide. Tunnel

■ Mode d’action 5'


ARNt
ARNm
Pénétration dans la bactérie (Fig. 1)
3'
La pénétration des macrolides dans la bactérie semble s’effec-
tuer par diffusion passive car aucun transporteur spécifique n’a Sous-unité 30S
été mis en évidence. Figure 2. Ribosome bactérien. ARNm : acide ribonucléique messager ;
L’interaction avec les bactéries à Gram positif est facilitée par ARNt : acide ribonucléique de transfert.
l’absence de membrane externe. Pour les bactéries à Gram
négatif, la diffusion passive est restreinte par le lipopolysaccha-
ride, molécule amphipathique lipophobe. Les macrolides
gagnent l’espace périplasmique par les porines qui régulent le
flux des molécules suivant leur hydrophilie, leur charge et leur
taille. La variation de structure des porines selon les espèces
bactériennes explique en partie la sensibilité aux différents
macrolides. 5'
Pour atteindre leur cible, le ribosome bactérien, les macrolides
Macrolides
gagnent le cytoplasme en traversant la bicouche lipidique de la
membrane interne par diffusion passive. Ce mécanisme met en
3'
jeu un différentiel de pH entre l’intérieur et l’extérieur du
cytoplasme. La charge des macrolides varie en fonction du pH A
et les formes non protonées passent rapidement la bicouche
lipidique pour atteindre le milieu interne plus acide. Ceci
conditionne également l’accumulation préférentielle des
macrolides dans les polynucléaires neutrophiles, les macropha-
ges et les lysosomes.
5'

Mécanismes d’action intracellulaire [3] (Fig. 2,3)


Le ribosome bactérien est formé par deux sous-unités 30S et 3'
50S. Cette dernière est constituée par l’ARN ribosomal (ARNr)
23S et de nombreuses protéines de liaison. Le tunnel, formé par B
les domaines I à V de l’ARNr 23S et des protéines ribosomales Figure 3. Modes d’action des macrolides.
(dont L4 et L22), permet l’élongation de la chaîne A. Blocage de l’assemblage des deux sous-unités ribosomales.
polypeptidique. B. Blocage du tunnel et décrochement prématuré du peptidyl-acide
Les macrolides agissent en inhibant la synthèse protéique ribonucléique de tranfert.
bactérienne de deux manières :

• à un stade précoce de la synthèse protéique, ils se fixent sur


Porine Macrolides la sous-unité 50S du ribosome bactérien et bloquent l’assem-
blage des deux sous-unités 30S et 50S ;
• ils inhibent la traduction de l’ARN messager par le ribosome
Milieu extracellulaire
bactérien ; le site de liaison de l’érythromycine A est localisé
LPS à proximité du tunnel qui permet la synthèse des polypepti-
des ; en bloquant sa sortie du tunnel, la liaison stoechiomé-
trique de l’érythromycine à la sous-unité 50S (par formation
Membrane de ponts hydrogènes avec des résidus adénines de l’ARNr 23S)
externe
empêche l’élongation de la chaîne polypeptidique, ce qui
entraîne un décrochement prématuré du peptidyl-tRNA.

Espace ■ Concentrations critiques


périplasmique
des macrolides
Une souche bactérienne est dite résistante lorsque la concen-
tration la plus élevée de l’antibiotique permettant sa croissance
Membrane
in vitro est supérieure à la concentration obtenue in vivo. [4]
cytoplasmique
De multiples paramètres pharmacologiques interviennent :
concentration sérique au pic, concentration sérique après la
demi-vie, concentration sérique minimale disponible pendant
Diffusion passive 4 heures et liaison aux protéines plasmatiques lorsqu’elle
dépasse 75 %.
Cytoplasme
Cela permet de définir la concentration critique inférieure
Milieu intracellulaire correspondant schématiquement à la concentration plasmatique
de l’antibiotique administré à la posologie recommandée. Cette
Figure 1. Pénétration dans les bactéries à Gram négatif. LPS : définition pénalise les macrolides qui atteignent en général des
lipopolysaccharides. concentrations tissulaires et intracellulaires très supérieures aux

2 Maladies infectieuses
Macrolides ¶ 8-004-G-10

concentrations plasmatiques. La concentration critique supé- Espèces sensibles


rieure peut être définie comme étant la concentration obtenue,
soit dans le plasma par augmentation de la posologie, soit dans Les chiffres entre parenthèses représentent les pourcentages
les sites infectieux où l’antibiotique peut se concentrer. de résistance observés en France. Si une molécule n’est pas
Un micro-organisme est dit sensible si la concentration spécifiée, ce pourcentage de résistance concerne tous les
minimale inhibitrice (CMI) de l’antibiotique est inférieure ou macrolides.
égale à la concentration critique inférieure. Il est dit résistant si Aérobies à Gram positif
la CMI est supérieure à la concentration critique supérieure.
Dans les autres cas, il est dit intermédiaire. Bacillus cereus, Corynebacterium diphtheriae, entérocoques (de
La concentration critique inférieure pour l’érythromycine, la 50 à 70 %), Lactobacillus (ne concerne que la clarithromycine),
roxithromycine, la clarithromycine, la spiramycine, la josamy- Rhodococcus equii, Staphylococcus méti-S, Staphylococcus méti-R (de
cine et la midécamycine est inférieure ou égale à 1 mg/l. Pour 70 à 80 %), Streptococcus B, Streptococcus non groupable (de 30 à
l’azithromycine, elle est inférieure ou égale à 0,5 mg/l et pour 40 %), Streptococcus pneumoniae (de 35 à 70 %), Streptococcus
la dirithromycine elle est inférieure ou égale à 0,12 mg/l. pyogenes.
La concentration critique supérieure pour tous les macrolides Aérobies à Gram négatif
est supérieure à 4 mg/l. [4]
Bordetella pertussis, Branhamella catarrhalis, Campylobacter
jejuni, Helicobacter pylori (10-20 % ne concerne que la clarithro-
■ Spectre d’activité mycine), Legionella pneumophila, Moraxella catarrhalis.
antibactérienne Anaérobies
Son établissement est basé sur des données bactériologiques Actinomyces, Bacteroides (de 30 à 60 %), Eubacterium, Mobi-
in vitro (Tableau 1), des données de pharmacocinétique et des luncus, Peptostreptococcus (de 30 à 40 %), Porphyromonas, Prevo-
données issues d’essais thérapeutiques. [5-8] tella (sauf dirithromycine résistant), Propionibacterium acnes.
Les tests standards d’activité in vitro ne sont pas toujours Autres
prédictifs de l’activité in vivo en raison de plusieurs particulari-
tés, telles que présence de métabolites possédant une activité Borrelia burgdorferi, Chlamydia, Coxiella, leptospires, Myco-
antibactérienne, forte concentration intracellulaire (l’antibioti- plasma pneumoniae, Treponema pallidum, mycobactéries (ne
que pouvant ensuite être relargué dans le milieu), activité pH concerne que la clarithromycine), Mycobacterium avium (ne
dépendante. concerne que l’azithromycine au dosage de 600 mg et la
Les données présentées ici sont issues du répertoire des roxithromycine qui a une activité modérée et in vitro seule-
spectres d’activité antimicrobienne validés par la commission ment), Toxoplasma gondii (concerne clarithromycine, dirithro-
d’autorisation de mise sur le marché (AMM). [9] La classification mycine, josamycine, midécamycine, roxithromycine,
est strictement basée sur la sensibilité naturelle et repose sur une spiramycine).
inhibition des souches par les concentrations atteintes après
administration du médicament aux posologies validées par Espèces modérément sensibles
l’AMM. Cela ne préjuge pas de l’évolution des mécanismes et de
la fréquence de la résistance. Une fourchette de la fréquence Aérobies à Gram négatif
observée des résistances acquises est indiquée si elle dépasse Haemophilus (sauf résistant à josamycine, midécamycine et
10 %. La classe « modérément sensible » correspond aux spiramycine).
souches de sensibilité intermédiaire. Une réponse clinique Neisseria gonorrhoeae.
satisfaisante peut être attendue si les concentrations de l’anti-
biotique au site de l’infection sont supérieures aux concentra- Anaérobies
tions critiques. Clostridium perfringens.

Tableau 1.
Concentration minimale inhibitrice (CMI) 90 (mg/l) des macrolides sur différents micro-organismes (d’après [5-8]).

Érythromycine Roxithromycine Clarithromycine Dirithromycine Azithromycine Josamycine Spiramycine


Bacteroides spp. 26 >29 18 2
Borrelia 0,06 0,03 0,02 0,02
C. jejuni 0,5-1 4 2 0,25 0,12 0,5
C. pneumoniae 0,125 0,125 0,007 0,125
C. trachomatis 0,06 0,008 0,032-1,02 0,5-1
L. pneumophila 0,125-0,5 0,31 < 0,12 2 0,06-0,25 1-4
M. hominis > 64 > 64 4-32
M. pneumoniae 0,01 0,03 0,008-0,5 0,03 0,002-0,01 0,05 0,05-1
Mycobacterium avium 16-64 16-64 4-8 32-62
Ureaplasma 0,25-4 1 0,2 0,064-2 4-16
C. diphteriae 0,016 0,06 0,03 0,06 0,06 0,25
N. gonorrhoeae 0,03 0,5 0,13 0,06 0,25 0,5 1-2
M. catarrhalis 0,13 0,5 0,13 0,25 0,03 1
Pneumocoque 0,06 0,25 0,06 0,25 0,25 0,25 0,5
PRP* 2 4 1 8 8 2
Streptocoque A 0,06 0,06 0,03 0,25 0,13 0,25 0,15
H. pylori 4 8 4 2 1 8 >2
Listeria spp. 0,25 0,5 0,13 4 0,5 1 0,5
S. aureus 1 4 1 4 4 2 0,25
H. influenzae 4 8 8 16 1 16 16-32
E. faecalis 64 > 64 > 64 > 64 > 64 > 64 > 64
* PRP : pneumocoque résistant à la pénicilline.

Maladies infectieuses 3
8-004-G-10 ¶ Macrolides

Autres Efflux
Ureaplasma urealyticum. Ce mécanisme correspond à l’acquisition d’un transporteur
membranaire physiologique par résistance chromosomique
Espèces résistantes (intrinsèque) chez les bactéries à Gram négatif ou par résistance
acquise (inductible) chez les bactéries à Gram positif.
Les entérobactéries sont naturellement résistantes aux macro-
lides du fait de leur paroi. L’azithromycine possède cependant Staphylocoque sp
une activité augmentée sur certaines souches. [10] Le transporteur ABC est codé par msrA et porté par un
plasmide (résistance de type mlSb). Cette résistance est com-
Aérobies à Gram positif mune chez les staphylocoques à coagulase négative et en
augmentation chez Staphylococcus aureus.
Corynebacterium jeikeium, Nocardia asteroïdes.
Streptococcus sp., entérocoque
Aérobies à Gram négatif
La pompe appartenant à la famille des transporteurs MFS est
Acinetobacter, entérobactéries, Pseudomonas. codée par mefA. Cette résistance aux macrolides est transférable
par conjugaison et par transposon. Elle a récemment été
Anaérobies identifiée chez le pneumocoque. [13]
Fusobacterium, Leptotrichia (ne concerne que la clarithro- Modification de l’antibiotique
mycine).
Par le biais d’une résistance enzymatique par production
Autres d’estérases et de phosphotransférases. Elle n’a pas d’implication
majeure en clinique.
Mycoplasma hominis.
Épidémiologie de la résistance
■ Résistances Pour tous les macrolides, la fréquence des résistances acquises
en France varie selon l’espèce bactérienne : [9] entérocoques, de
50 à 70 % ; staphylocoques méti-R, de 70 à 80 % ; streptocoques
Mécanismes des résistances acquises non groupables, de 30 à 40 % ; Streptococcus pneumoniae, de 35
Ils peuvent s’associer et conférer ainsi un haut niveau de à 70 % ; Bacteroides, de 30 à 60 % ; Peptostreptococcus, de 30 à
résistance. [11] 40 %. Il peut également exister des variations locales importan-
tes des niveaux de résistance.
Modification de la cible Pour Streptococcus pyogenes, une forte augmentation de
l’incidence de souches résistantes dans plusieurs pays a été
Par méthylation
observée ces dernières années. [14]
C’est le mécanisme le plus répandu. Il induit une modifica- En Finlande, elle a été démontrée comme variant avec la
tion de l’ARN ribosomal 23S, empêchant la fixation de l’anti- consommation de macrolides. [17]
biotique. Cette résistance est appelée MLSb car elle entraîne une En France, sa fréquence analysée par le centre national de
résistance croisée aux macrolides, lincosamides et composant B référence a progressé de 13,5 % en 1999 à 23 % en 2002 pour
des streptogramines. Elle est codée par le gène erm exprimé par les souches invasives, et de 8 % en 1995 à 23 % pour les
de nombreuses espèces (Gram positif, spirochètes, anaérobies) souches non invasives. En 2003, elle dépasse 20 % de l’ensem-
porté par des plasmides et des transposons. ble des souches. [18]
Elle peut être constitutive, le plasmide portant alors fréquem- Pour le pneumocoque, un haut niveau de résistance à la
ment d’autres déterminants de résistance, en particulier une pénicilline est corrélé à un haut niveau de résistance aux
résistance à la pénicilline par production de pénicillinase. macrolides. Il existe cependant de grandes différences de
Elle peut être inductible et n’apparaître qu’en présence des fréquences selon les pays. On constate une augmentation de la
macrolides en C14 et en C15. prévalence des résistances dans certains pays d’Europe (plus de
Staphylocoques. [12] Le gène ermA est prédominant chez le 40 % de souches résistantes en France et en Espagne) [19] et aux
staphylocoque méti-R et porté par un transposon, ermC est États-Unis (30 %). La résistance est généralement présente parmi
prédominant chez le staphylocoque méti-S et porté par un les souches isolées chez l’enfant et lors des otites moyennes
plasmide. Cette résistance est inductible par les macrolides en aiguës. L’utilisation d’azithromycine aurait un impact sur
C14 et C15 mais pas par les composés en C16 ni la l’augmentation du portage rhinopharyngé de pneumocoques
clindamycine. résistants aux macrolides. [10]
Streptocoques [3, 13, 14] et entérocoques. erm B, ermTR (sous- Staphylocoques sensibles à la méticilline : la résistance
ensemble de ermA) ont été détectés chez les streptocoques augmente régulièrement. À l’hôpital Henri Mondor, elle attei-
b-hémolytiques. Cette résistance est inductible par de nombreux gnait 40 % en 1994. [20] Les staphylocoques résistants à la
macrolides notamment les composés en C16 et la clindamycine. méticilline sont, eux, habituellement résistants aux macrolides.
Bacteroides sp. et anaérobies. Ils sont porteurs du gène de Comme pour d’autres molécules, une réapparition d’un certain
résistance erm F. niveau de sensibilité peut être observée. La sensibilité passe ainsi
de 7 à 32 % entre 1999 et 2002 au CHU de Besançon. [21]
Mutations ribosomales
Helicobacter pylori : de 10 à 20 % des souches sont résistantes
Deux principaux types de mutations ont été décrits : à la clarithromycine. [22]
• mutation des résidus adénines A2058 (phénotype de résis- Campylobacter : les résistances touchent de 1 à 10 % des
tance de type mlSb) et A2059 (phénotype de type ml) codé souches.
par le gène rrl ; il existe quatre copies de ce gène chez le Clostridium perfringens : les résistances sont rares.
pneumocoque et une ou deux chez Helicobacter et Mycobacte- Mycobacterium avium complex : les résistances primaires sont
rium avium ; la résistance à l’érythromycine apparaît quand la rares. Elles apparaissent fréquemment en cas de monothérapie
mutation porte sur deux copies ; cette mutation est présente en traitement curatif ainsi que, à une fréquence plus faible, lors
chez Helicobacter et Mycobacterium avium, et a été récemment des prophylaxies primaires.
identifiée chez Streptococcus pneumoniae,3 Chlamydiae tracho-
matis [15] et Treponema pallidum [16] ;
• mutation des protéines L4 et L22 codée par les gènes rplv et
■ Pharmacocinétique
rpld (résistance de type MSb) apparue chez le pneumocoque L’étude de la pharmacocinétique des macrolides est compli-
et non transférable ; cette mutation est encore rare et confère quée par plusieurs paramètres. [23] Après une absorption diges-
un haut niveau de résistance. tive variable (Tableau 2), il existe un cycle entérohépatique

4 Maladies infectieuses
Macrolides ¶ 8-004-G-10

Tableau 2.
Pharmacocinétique des macrolides (d’après [6, 7, 24-30]).

DCI dose (mg) Biodisponibilité (%) C max (mg/l) T max (h) t 1/2 vie (h) Fixation aux protéines
sériques (%)
Azithromycine 500 35-40 0,4 2-3 35-40 20
Dirithromycine 500 10 0,1-0,5 4-4,5 16-65 15-30
Spiramycine 2 000 10-60 3,1 2-3 5 10-20
Roxithromycine 150 50-60 6,6 3 12 73-93
Clarithromycine 500 45-55 0,4 1,8 4,9 10-15
Érythromycine dihydrate 200 40-50 2 3,7 2 60-75
Érythromycine éthyl- 500 60-80 1,5 1,5 3 60-75
succinate
Érythromycine propionate 500 60-80 2-3 1,5 3-4 60-75
Josamycine 500 1,2 1-2 1-2 17
Midécamycine 1 200 1,7 1 2 10
DCI : dénomination commune internationale.

complexe. [6, 7, 24-30] L’excrétion biliaire est saturable et, au-delà


des doses indiquées dans le Tableau 2 pour chaque molécule, les
■ Pharmacodynamie
quantités supplémentaires d’antibiotique passent dans la
circulation générale. L’excrétion urinaire ne dépasse pas les Effet antibactérien
15 %. Les macrolides sont bactériostatiques à faibles concentrations
mais possèdent une activité bactéricide à fortes concentrations
Biodisponibilité sur certaines espèces bactériennes : les staphylocoques, les
streptocoques et Haemophilus influenzae. Cette activité anti-
L’absorption digestive des macrolides est assez bonne mais Haemophilus est plus importante pour l’azithromycine. Le pH
dépendante de l’acidité gastrique pour les molécules les plus optimal est de 8. [33] Ils perdent 90 % de leur activité en milieu
anciennes comme l’érythromycine. Ce problème est en partie acide.
résolu avec les nouvelles molécules. La clarithromycine possède la particularité d’avoir un méta-
La biodisponibilité orale semble dose-dépendante et marquée bolite principal actif, le 14-OH-clarithromycine, dont l’activité
par une grande variabilité individuelle. est inférieure, mais synergique, à celle de la clarithromycine
La prise simultanée de nourriture ne modifie pas l’absorption excepté sur Haemophilus influenzae où elle est deux fois plus
des formes microencapsulées d’érythromycine, dirithromycine, élevée.
roxithromycine et clarithromycine, mais augmente l’absorption
de stéarate d’érythromycine et diminue celle d’azithromycine. Paramètres pharmacodynamiques
La biodisponibilité est en grande partie diminuée par un
important effet de premier passage hépatique. Il existe peu de données dans la littérature dans le cadre des
macrolides. Cependant, deux paramètres revêtent une impor-
tance particulière : [34]
Métabolisme et élimination • T> CMI représente le temps entre deux administrations
Le métabolisme des macrolides est principalement hépatique pendant lequel les concentrations sériques de l’antibiotique
et l’élimination est essentiellement biliaire. Seuls 5 à 10 % de la sont supérieures à la CMI ; ce paramètre est corrélé à l’effica-
dose ingérée sont éliminés sous forme active par voie urinaire. cité de tous les macrolides ; ils ont un effet bactériostatique
La plupart des métabolites sont inactifs. Une exception notable temps-dépendant ;
est la clarithromycine dont le principal métabolite, le 14OH, • ASC/CMI représente l’aire sous la courbe des concentrations
possède une activité antibiotique intrinsèque. sériques de l’antibiotique rapportée à la CMI ; l’efficacité de
certains macrolides comme la clarithromycine et l’azithromy-
cine dépend également de ce paramètre.
Pénétration tissulaire
La distribution tissulaire des macrolides est globalement Effet postantibiotique
excellente dans tous les tissus excepté le liquide céphalorachi- Il existe un effet postantibiotique (défini comme la persis-
dien où elle est très médiocre, empêchant leur utilisation pour tance d’une activité inhibitrice alors que la concentration
le traitement des méningites bactériennes. d’antibiotique est tombée en dessous de la CMI) important,
Les concentrations tissulaires sont élevées. Dans le tissu commun à tous les macrolides. Dans le cas des macrolides, il
pulmonaire, elles sont proches de 2 à 6 mg/kg pour toutes les peut être expliqué par le taux de dissociation de l’antibiotique
molécules. [23] Elles sont très supérieures à la concentration de sa cible, à savoir le ribosome bactérien. [35] Sur les espèces
sanguine pour la plupart des macrolides, le rapport allant de sensibles, après un contact de 2 heures à des concentrations de
cinq à dix pour l’érythromycine à dix à 100 pour l’azithromy- quatre à cinq fois la CMI, il varie entre 2 et 4 heures. Le temps
cine. [24] La clarithromycine présente des concentrations d’exposition et l’augmentation de la concentration des macro-
tissulaires supérieures aux concentrations sériques, même si ces lides prolonge cet effet postantibiotique jusqu’à un
dernières sont généralement supérieures aux CMI des organis- maximum. [33]
mes sensibles. [25] La roxithromycine, en revanche, présente des
concentrations sériques élevées légèrement supérieures aux
concentrations tissulaires. ■ Effets sur l’immunité
Les concentrations intracellulaires sont particulièrement
élevées, en particulier dans les polynucléaires neutrophiles et les Les macrolides sont réputés avoir un effet immunomodula-
macrophages. [31, 32] En comparaison à l’érythromycine, l’azi- teur et anti-inflammatoire dont le mécanisme est encore mal
thromycine possède une faible concentration extracellulaire, élucidé. [36] Ils agiraient par le biais d’une modulation de
une forte capacité de pénétration intracellulaire, et une demi- l’inflammation dans les cellules épithéliales en inhibant
vie intra- et extracellulaire longue. l’activation de facteurs de transcription (NFkB). Cela entraînerait

Maladies infectieuses 5
8-004-G-10 ¶ Macrolides

une inhibition du chimiotactisme des cellules de l’inflammation On peut y ajouter :


(polynucléaires neutrophiles), de la synthèse de cytokines, de • la théophylline : sa concentration peut augmenter avec la
l’expression des molécules d’adhésion et de la production clarithromycine, la josamycine, la roxithromycine ;
d’anions superoxydes par les polynucléaires neutrophiles. Dans • la quinidine, l’astémizole et la lévodopa imposent une
les bronches, ils diminueraient l’hypersécrétion de mucus et attention particulière en cas d’association aux macrolides ;
l’hyperréactivité. [36] • la rifampicine et la rifabutine peuvent diminuer les concen-
L’effet immunomodulateur des macrolides en C14 et trations sériques de clarithromycine ; celle-ci augmente le
C15 aurait été observé pour certaines pathologies comme taux de rifabutine ;
l’asthme, la polypose nasale et la sinusite chronique, la muco- • la colchicine : la survenue d’un surdosage en colchicine,
viscidose, la pneumonie organisée cryptogénique (COP). [37] médicament à marge thérapeutique étroite, résulte d’une
Ils interagiraient également avec la production de biofilm inhibition de la P-glycoprotéine, protéine de transport
formé par Pseudomonas aeruginosa. [38] présente dans l’entérocyte qui agit en réduisant l’absorption
digestive de certains médicaments, dont la colchicine ;
l’inhibition de la P-glycoprotéine par le macrolide augmente
ainsi la biodisponibilité de la colchicine, et donc sa toxicité ;
■ Effets secondaires • la zidovudine : les taux sériques de zidovudine sont diminués
par la clarithromycine.
Les macrolides sont des molécules globalement bien tolé-
rées, [39] entraînant des effets secondaires peu fréquents et
habituellement sans gravité. La fréquence d’effets secondaires
rapportés dans les essais thérapeutiques de la clarithromycine,
■ Autres contre-indications
de la roxithromycine et de l’azithromycine est de 4,1 à et précautions d’emploi
10,3 %. [39]
Les effets secondaires les plus fréquents sont d’ordre gastro- Outre les données présentées dans le Tableau 3, il faut noter
qu’en raison d’un risque propre de torsades de pointes la forme
intestinal : nausées, vomissements, diarrhées et douleurs
intraveineuse de l’érythromycine est :
abdominales.
• contre-indiquée avec les antiarythmique de classe I (quinidi-
La tolérance est néanmoins dépendante de la molécule. Les
niques, disopyramide), de classe III (amiodarone, sotalol,
effets digestifs s’observent principalement avec l’érythromycine dofétilide, ibutilide etc.), diphémanil, brétylium, halofantrine,
dans 20 à 30 % des cas. Ils sont secondaires à un effet prokiné- pentamidine, sultopride, spiramycine intraveineuse et vinca-
tique, agoniste direct de la motiline. [40] Celui-ci est parfois mine intraveineuse ;
employé dans les services de réanimation par l’administration • déconseillée avec certains neuroleptiques phénothiaziniques
de faibles doses d’érythromycine. Le risque de sélection de (thioridazine, chlorpromazine, lévomépromazine, cyaméma-
résistance par cette pratique a été soulevé. [41] zine), benzamides (sulpiride, amisulpride, tiapride), butyro-
Des modifications de la fonction hépatique peuvent être phénones (halopéridol, dropéridol), pimozide, luméfantrine
observées. Elles sont généralement purement biologiques, associée à l’artéméther, pentamidine, moxifloxacine ;
modérées et transitoires, et peuvent être d’origine toxique ou • demandant des précautions d’emploi avec les bradycardi-
allergique sants : antagonistes du calcium bradycardisants (diltiazem,
Des acouphènes ou une surdité, réversibles, peuvent survenir vérapamil), bêtabloquants (sauf sotalol), clonidine, guanfa-
en cas d’insuffisance rénale ou hépatique préexistante. [29] cine, digitaliques, méfloquine, anticholinestérasiques (ambé-
Des torsades de pointes ont été rarement décrites chez des nonium, donépézil, galantamine, néostigmine, pyrido-
patients recevant de l’érythromycine par voie intraveineuse. Le stigmine, rivastigmine, tacrine) ;
risque ne surviendrait qu’en cas de pathologie cardiaque • demandant des précautions d’emploi avec les hypokalié-
préexistante, d’hypokaliémie ou chez des patients recevant des miants : diurétiques hypokaliémiants, laxatifs stimulants,
antiarythmiques. amphotéricine B (voie intraveineuse), glucocorticoïdes,
Les formulations intraveineuses d’érythromycine peuvent tétracosactide.
entraîner des veinites aux points d’injection. L’allergie aux macrolides représente la seule autre contre-
Ces inconvénients se retrouvent également pour les formes indication de ces produits.
injectables de spiramycine et clarithromycine. Il n’est pas recommandé de les administrer chez l’insuffisant
hépatique.
Ont été exceptionnellement décrits : rash ; choc anaphylacti-
L’insuffisance rénale sévère nécessite des ajustements de
que ; vertige ; urticaire ; prurit ; céphalées ; insomnie ; somno-
posologie.
lence ; thrombopénie ; leucopénie ; éosinophilie ; stomatite ;
Les macrolides peuvent être utilisés chez la femme
colite pseudomembraneuse ; syndrome de Stevens-Johnson et de
enceinte [43] et au cours de l’allaitement (Tableau 4). Par
Lyell ; ictère.
prudence, il est recommandé de ne pas employer les molécules
récentes (clarithromycine, dirithromycine, et roxithromycine).
L’azithromycine peut être employée, sauf au cours du premier
■ Interactions médicamenteuses trimestre.
Il n’y a pas de données sur le passage dans le lait maternel
Elles surviennent par interactions entre le macrolide et le pour l’azithromycine, la clarithromycine et la dirithromycine ;
cytochrome P450. Le CP450 utilise le macrolide comme un ceux-ci sont à éviter en cas d’allaitement. Un faible passage dans
substrat formant avec lui un complexe stable et entraînant une le lait maternel est signalé pour la josamycine, la roxithromy-
inhibition de ses enzymes. [39, 40, 42] L’affinité pour le CP450 est cine, la midécamycine, autorisant leur usage. Le passage est plus
considérée comme forte pour l’érythromycine, moyenne pour la important pour la spiramycine, entraînant des troubles digestifs
clarithromycine, la josamycine et la roxithromycine, et faible chez le nouveau-né.
pour l’azithromycine, la dirithromycine et la spiramycine. [40]
L’interaction se traduit généralement par une augmentation de
la concentration du médicament administré avec le macrolide ■ Indications
pouvant conduire à un surdosage ou à une majoration du
risque d’effets secondaires. Les posologies recommandées sont indiquées dans les
Le Tableau 3 présente la liste des médicaments contre- Tableaux 5 et 6. Ces posologies sont issues des fiches de la
indiqués, déconseillés ou à utiliser avec précaution selon le commission de transparence. [43] Seules trois molécules,
macrolide employé d’après le dictionnaire Vidal® des spécialités érythromycine, spiramycine et clarithromycine, sont disponibles
pharmaceutiques, édition 2005. par voie parentérale, exclusivement intraveineuse.

6 Maladies infectieuses
Macrolides ¶ 8-004-G-10

Tableau 3.
Médicaments contre-indiqués en association avec les macrolides (d’après dictionnaire Vidal® 2005).
Macrolide Contre-indiqués Déconseillés Précautions d’emploi
Azithromycine Alcaloïdes de l’ergot de seigle Bromocriptine Anticoagulants oraux
Cisapride Cabergoline Ciclosporine

Clarithromycine Alcaloïdes de l’ergot de seigle Agonistes dopaminergiques (bromocriptine, Anticoagulants oraux


Cisapride cabergoline, pergolide) Ciclosporine
Pimozide Ebastine Digoxine
Bépridil Tacrolimus Midazolam
Mizolastine Halofantrine Triazolam
Colchicine Rifabutine
Atorvastatine
Cérivastatine
Simvastatine
Pravastatine
Carbamazépine
Indinavir
Ritonavir
Disopyramide
Sildénafil
Dirithromycine Alcaloïdes de l’ergot de seigle Bromocriptine Anticoagulants oraux
Cisapride
Érythromycine* Alcaloïdes de l’ergot de seigle Agonistes dopaminergiques Altenfanil
Cisapride (bromocriptine, cabergoline, pergolide) Anticoagulants oraux
Pimozide Buspirone Atorvastatine
Bépridil Carbamazépine Simvastatine
Mizolastine Ciclosporine Digoxine
Tacrolimus Lisuride
Ebastine Midazolam
Théophylline Sildénafil
Triazolam Vérapamil
Toltérodine
Halofantrine
Disopyramide
Luméfantrine+ artemether

Josamycine Alcaloïdes de l’ergot de seigle Agonistes dopaminergiques Carbamazépine


Cisapride (bromocriptine, cabergoline, pergolide) Anticoagulants oraux
Pimozide Ebastine Ciclosporine
Halofantrine
Triazolam
Disopyramide
Midécamycine Alcaloïdes de l’ergot de seigle Bromocriptine Warfarine
Cisapride Ciclosporine
Roxithromycine Alcaloïdes de l’ergot de seigle Bromocriptine Ciclosporine
Cisapride
*La forme intraveineuse de l’érythromycine présente des contre-indications propres détaillées dans le texte. L’association spiramycine/métronidazole est, outre les interactions
avec la spiramycine, déconseillée avec le disulfirame et l’alcool. L’association érythromycine/sulfafurazole est, outre les interactions avec l’érythromycine, déconseillée avec la
phénytoïne, et demande des précautions d’emploi avec chlorpropamide, tolbutamide et méthotrexate.

Indications curatives est la prévention du rhumatisme articulaire aigu (RAA) post-


streptococcique. La mise en route du traitement peut être
Voies respiratoires supérieures immédiate ou retardée jusqu’au neuvième jour après le début
des signes, tout en maintenant l’efficacité de l’antibiothérapie
Angines sur la prévention du RAA. [44] La josamycine et la clarithromy-
cine pendant 5 jours et l’azithromycine pendant 3 jours
Il est recommandé de pratiquer un test diagnostique rapide
montrent une efficacité à court terme similaire à celle du
pour détecter le streptocoque A b-hémolytique chez tout patient
traitement de référence sur les germes sensibles.
ayant une angine érythémateuse ou érythématopultacée. La
pénicilline V par voie orale est le traitement historique de Otites aiguës
référence. Actuellement, le traitement repose sur une aminopé-
nicilline, éventuellement une céphalosporine. Les macrolides, Compte tenu de la fréquence des Haemophilus influenzae et
du fait des résistances croissantes du streptocoque A, ne sont à des pneumocoques résistants aux macrolides, ceux-ci n’ont
prescrire qu’en alternative au traitement de référence. La qu’un intérêt limité dans cette indication. La majorité de ces
justification du traitement antibiotique des angines (hormis les souches de pneumocoque sont aussi résistantes aux sulfamides.
exceptionnelles angines fusospirillaires et angines diphtériques) L’association érythromycine-sulfafurazole reste cependant une

Maladies infectieuses 7
8-004-G-10 ¶ Macrolides

Tableau 4.
Prescription des macrolides au cours de la grossesse et de l’allaitement (d’après [43]).

DCI Grossesse Allaitement


er
Azithromycine 1 trimestre : par prudence ne pas utiliser Déconseillé
2e - 3e trimestres : possible
Clarithromycine Par prudence ne pas utiliser Par prudence ne pas utiliser
Dirithromycine Par prudence ne pas utiliser Par prudence ne pas utiliser
Érythromycine Possible Possible
Josamycine Possible Possible
Midécamycine Possible Possible
Roxithromycine Par prudence ne pas utiliser Possible
Association spiramycine- métronidazole Possible Par prudence ne pas utiliser
Association érythromycine/sulfafurazole Déconseillé Contre-indiqué si moins de 1 mois ou si déficit en G6PD
Déconseillé au-delà
DCI : dénomination commune internationale.

Tableau 5.
Formes et présentations des macrolides disponibles en France.
DCI Nom commercial (®) Dosage par unité Voie Formes
Azithromycine Zithromax 250 mg p.o. Cps pelliculés
40 mg/ml Poudre pour suspension buvable
Zithromax Monodose 250 mg p.o. Cps pelliculés
Azadose 600 mg p.o. Cps pelliculés

Clarithromycine Zeclar Naxy 250-500 mg p.o. Cps pelliculés


Monozeclar 25-50 mg/ml
500 mg Poudre pour suspension buvable
Zeclar 500 mg i.v. Poudre pour solution pour perfusion

Dirithromycine Dynabac 250 mg p.o. Cps enrobés gastrorésistants

Érythromycine lactobionate Erythrocine IV 500 – 1000 mg i.v. Poudre pour solution pour perfusion
Génériques

Érythromycine ES Erythrogram 500-1000 mg p.o. Poudre pour solution buvable


Erythrocine 250/5ml 500 mg/5ml 1000 mg p.o. Granulés pour solution buvable, cps
pelliculés
Ery 125 250 125-250 mg p.o. Granulés pour suspension buvable
Abboticine 200 mg/5ml p.o. Granulés pour suspension buvable

Érythromycine dihydrate Egery 250 mg p.o. Gélules

Érythromycine propionate Ery500 500 mg p.o. Cps sécables, cps pour suspension buvable
Propiocine500

Érythromycine ES + Pediazole 200+600 mg/5ml p.o. Granulés pour sirop


sulfafurazole

Josamycine Josacine 125-250-500 mg 1000mg p.o. Granulés pour suspension buvable, cps
pelliculés, cps dispersibles

Midécamycine Mosil 400-800 mg p.o. Cps pelliculés


Poudre pour suspension buvable

Roxithromycine Rulid Claramid + 50-100-150 mg p.o. Cps pelliculés, cps sécables pour suspension
nombreux génériques buvable, cps enrobés

Spiramycine + métronidazole Rodogyl 0,75 MUI + 125 mg p.o. Cps pelliculés


Birodogyl 1,5 MUI + 250 mg

Spiramycine Rovamycine 0,375-1,5- 3M p.o. Cps pelliculés, sirop enfant


Rovamycine 1,5 M i.v. Poudre pour solution pour perfusion
DCI : dénomination commune internationale ; i.v. : voie intraveineuse ; p.o. : per os ; cps : comprimés.

possibilité chez l’enfant. Il ne faut alors l’employer qu’en cas Sinusites aiguës
d’allergie aux b-lactamines et en l’absence d’allergie aux
sulfamides [45] pour une durée de 10 jours. Elle ne doit pas être Pour des raisons d’évolution de la résistance aux antibioti-
employée avant l’âge de 2 mois. ques, les macrolides ne sont plus recommandés. [46]

8 Maladies infectieuses
Macrolides ¶ 8-004-G-10

Tableau 6.
Posologies usuelles des macrolides disponibles en France pour l’adulte et l’enfant (hors indications particulières présentées dans le texte).
DCI Voie Adulte (g/j) Enfant (mg/kg/j) Prises/j
Azithromycine p.o
Indications principales 0,5 j1; 0,25 j2 à j5 20
Indication « IST » 1 g prise unique NA
Indication « prophylaxie MAC » 1,2 g / semaine NA
Indication « angine » 0,5 j1 à j3 1
Clarithromycine p.o 0,5-2 15 2
i.v. 1-2
Dirithromycine p.o. 0,5 1
Érythromycine ES p.o. 2-3 30-50 2-3
Érythromycine lactobionate i.v. 2-4 30-40 2-3
Érythromycine ES + sulfafurazole p.o. 50 mg/kg/j +150 mg/kg/j 3
Érythromycine dihydrate p.o. 1-2 2
Érythromycine propionate p.o. 2-3 30-50 2-3
Josamycine p.o. 1-2 50 2
Midécamycine p.o. 1,6 2
Roxithromycine p.o. 0,3 5-8 2
Spiramycine + métronidazole p.o. 3-4,5 MUI +0,5-0,75 mg 1,5-2,25 MUI + 0,25-0,375 mg 2-3
Spiramycine p.o 6-9 MUI 1,5-3 M/10 kg 2-3
i.v. 4,5-9 M/j 3
DCI : dénomination commune internationale ; p.o. : per os ; i.v. : voie intraveineuse.

Stomatologie existent au niveau international qui prévoient également l’usage


Plusieurs molécules ont une AMM dans cette indication. de macrolides. [52]
Compte tenu de la fréquence des anaérobies, en particulier En l’absence de documentation.
Peptostreptococcus, en pathologie buccale, ils ne semblent Pneumonie de l’adulte sain sans signes de gravité. Les macrolides
intéressants qu’en association à un imidazolé. [47] sont recommandés en première intention, en monothérapie,
pour le traitement des pneumonies communautaires chez le
Voies respiratoires inférieures sujet de moins de 40 ans sans facteur de risque en raison de la
fréquence élevée des germes intracellulaires. L’alternative est
Bronchites l’amoxicilline. Une évaluation de l’efficacité du traitement à
La majorité des bronchites aiguës du sujet sain et une part 48-72 heures est impérative. En l’absence d’amélioration, on
importante des exacerbations de bronchite chronique sont peut soit changer le macrolide pour une b-lactamine, soit
d’origine virale et relèvent de traitements non antibiotiques tels associer les deux classes. Le traitement peut être administré par
la kinésithérapie respiratoire. Le recours à une antibiothérapie voie orale si la pneumonie est de faible intensité.
peut être nécessaire en cas d’exacerbation aiguë de bronchite Pneumonie sévère ou survenant sur un terrain à risque. L’antibio-
chronique avec trouble ventilatoire obstructif (TVO) modéré à thérapie probabiliste initiale doit comporter une b-lactamine.
modérément sévère, ou sans TVO mais avec persistance des Un macrolide peut être ajouté en cas de suspicion de
symptômes au-delà de 5 jours. Compte tenu de leur bonne légionellose.
diffusion dans les sécrétions bronchiques, les macrolides Pneumonie nécessitant une réanimation. Le traitement probabi-
peuvent être utilisés dans cette indication pendant 7 à 10 jours, liste initial comporte une b-lactamine associée soit à un
notamment en cas d’allergie aux b-lactamines. [48] Des traite- macrolide, soit à une fluoroquinolone.
ments courts de 3 à 5 jours par dirithromycine semblent avoir En cas de documentation bactériologique.
une efficacité identique. [49] L’azithromycine a une AMM pour Pneumocoque. S’il est sensible à la pénicilline, et en cas de
un traitement de 5 jours. contre-indication aux b-lactamines, un macrolide peut être
Chez l’enfant, l’antibiothérapie est réservée aux bronchites utilisé.
avec fièvre au-dessus de 38,5 °C persistant au-delà de 3 jours Legionella pneumophila. Les macrolides sont, à ce jour, les
d’évolution. Elle repose, avant l’âge de 3 ans, sur une antibiotiques de référence éventuellement associés à de la
b-lactamine (amoxicilline, amoxicilline-acide clavulanique, rifampicine ou à une fluoroquinolone. [53] L’azithromycine a
céfuroxime-axétil ou cefpodoxime-proxétil), après l’âge de 3 ans une activité intracellulaire bactéricide confirmée et est particu-
sur un macrolide. La durée de traitement est de 5 à 8 jours. [50] lièrement actif sur L. pneumophila, [8] même s’il n’a pas encore
d’AMM pour le traitement des pneumonies. Son efficacité est
Coqueluche équivalente à celle des quinolones ; en revanche, dans cette
Bordetella pertussis étant sensible aux macrolides, ceux-ci sont indication, les fluoroquinolones sont supérieures aux autres
un traitement de choix de la coqueluche. Ils ne modifient pas macrolides. [54]
la durée d’évolution de la maladie, mais diminuent le portage Mycoplasma pneumoniae, Chlamydia ou Moraxella. Ce sont de
s’ils sont prescrits pendant 10 à 14 jours. En pédiatrie, la bonnes indications des macrolides. Cependant, la fréquence et
josamycine est préférée à l’érythromycine pour sa facilité la gravité potentielle des infections à pneumocoque ou à
d’administration et sa tolérance. L’azithromycine et la clarithro- Haemophilus et leur absence de diffusion méningée limitent leur
mycine sont aussi efficaces que l’érythromycine dans cette utilisation.
indication, avec une durée de traitement qui peut être réduite
Mucoviscidose
à, respectivement, 5 et 7 jours. [51]
Les macrolides, dont l’azithromycine, seraient une alternative
Pneumonies dans le traitement de l’infection chronique à Pseudomonas
Le traitement des pneumonies communautaires est générale- aeruginosa du fait de leur action sur les facteurs de virulence, de
ment probabiliste. En France, il est codifié par une conférence leur activité anti-inflammatoire et d’une action possible sur
de consensus multidisciplinaire [48] dont une révision est CFTR (indication hors AMM). La poursuite du traitement doit
attendue dans quelques mois. D’autres recommandations être réévaluée à 3 mois. [55]

Maladies infectieuses 9
8-004-G-10 ¶ Macrolides

De rares études suggéreraient également que l’azithromycine Maladies d’inoculation


au long cours à faible dose améliorerait la fonction respiratoire
Borrelia (burgdorferi, afzelii, garinii), agents de la maladie
des patients mucoviscidosiques par son effet anti-inflammatoire
de Lyme
et immunomodulateur. [56]
Les macrolides sont une alternative aux b-lactamines dans la
Infections cutanées maladie de Lyme, mais leur efficacité est controversée que ce
soit pour le traitement des formes primaires [66-68] ou pour les
Les macrolides sont à réserver aux infections d’origine autres formes. [69]
principalement streptococcique telles les dermohypodermites en
cas d’allergie aux b-lactamines [57] ou les impétigos. En raison de Bartonella
la fréquence des résistances, ils ne sont pas à utiliser (hors Les macrolides sont actifs sur les agents de la maladie des
sensibilité à l’antibiogramme) pour des infections griffes du chat (Bartonella henselae) et de l’angiomatose bacillaire
staphylococciques. (Bartonella quintana). [70] L’azithromycine est la molécule
L’érythromycine est utilisée en application locale dans le généralement utilisée.
traitement de l’acné mais près de 60 % des Propionibacterium
acnes sont résistants. Brucella
L’azithromycine semble plus efficace que la minocycline ou Bien qu’actifs in vitro, ils ne sont pas indiqués dans le
la doxycycline dans le traitement oral de l’acné. [58] traitement de la brucellose.
Pasteurella multocida
Infections génitales
Ils sont actifs et sont une alternative au traitement par
Les macrolides sont indiqués pour le traitement des infections
b-lactamines en cas de morsure.
à Chlamydiae quelle que soit la localisation. L’azithromycine
étant efficace en prise unique dans les urétrites et les cervicites Erysipelothrix rhusiopathiae, agent du rouget du porc
est particulièrement intéressante en raison d’une observance
Ils peuvent être prescrits en cas d’allergie à la pénicilline.
prévisible très améliorée par rapport au traitement de
référence. [59] Rickettsia conorii, agent de la fièvre boutonneuse
Ils représentent une alternative en cas d’allergie ou de contre- méditerranéenne
indication aux b-lactamines pour le traitement de la syphilis,
Deux essais cliniques ont montré l’équivalence de certains
même s’ils sont moins efficaces que la pénicilline. Pour une
macrolides (josamycine, azithromycine) à un traitement par
syphilis primaire, une durée de 15 jours est recommandée. La
chloramphénicol ou tétracycline chez l’adulte. La clarithromy-
syphilis tertiaire correspond à une phase de dissémination
cine peut constituer une bonne alternative chez l’enfant de
systémique, en particulier neuroméningée. Du fait de leur faible
moins de 8 ans. [71]
distribution dans le liquide céphalorachidien, ils sont à éviter
dans cette indication. Le recours à un macrolide lors de cette Coxiella burnetti, agent de la fièvre Q
phase impose une durée de 30 jours.
L’azithromycine, la clarithromycine et la roxithromycine
L’efficacité clinique inconstante, malgré une sensibilité présentent des concentrations intracellulaires plus élevées que
théorique, limite leur intérêt dans le traitement des gonococcies. l’érythromycine et semblent avoir une aussi bonne efficacité
Ils sont efficaces pour le traitement du chancre mou. que le traitement de référence qu’est la doxycycline. [72]
Dans les salpingites, une association est recommandée de
façon systématique. Une b-lactamine est associée à une molé- Ulcère gastroduodénal
cule active sur les germes intracellulaires, de préférence une
cycline ou une fluoroquinolone. En cas de contre-indication à La clarithromycine fait partie du traitement recommandé en
ces deux classes, on peut proposer l’utilisation d’un première intention pour le traitement de la maladie ulcéreuse
macrolide [60]. liée à Helicobacter pylori. Elle doit être prescrite en association
avec un imidazolé ou une aminopénicilline et un inhibiteur de
la pompe à protons. [22]
Toxoplasmose
Les macrolides possèdent une activité antitoxoplasmique. La Autres indications
spiramycine est en particulier utilisée de longue date pour la Paludisme
prévention de la toxoplasmose congénitale, chez la femme
enceinte en cas de séroconversion et en l’absence de diagnostic Les macrolides sont des antipaludéens d’action lente. In vivo,
de toxoplasmose congénitale. Pour la toxoplasmose oculaire, leur efficacité est très modeste. [73-75]
l’association pyriméthamine-azithromycine entraînerait moins Cryptosporidiose
d’effets secondaires que le traitement de référence. [61]
Dans la toxoplasmose de l’immunodéprimé, en particulier les L’efficacité des macrolides n’a pas été prouvée lors d’études
localisations cérébrales chez le sidéen, la clarithromycine est cliniques, même si quelques améliorations ont été décrites sous
efficace à une posologie forte de 2 000 mg/j en association avec spiramycine ou roxithromycine.
une autre molécule. [62, 63] Des essais cliniques de phase I et II Diarrhées infectieuses [76]
suggèrent que l’azithromycine pourrait être une alternative aux
sulfamides et à la clindamycine, mais avec des taux de rechute L’érythromycine réduirait la durée des symptômes quand il
plus importants. [64] est administré précocement dans les diarrhées à Campylobacter
jejuni. Amibiase, giardiase et Shigella ont montré une certaine
sensibilité in vitro à l’azithromycine.
Infections à Mycobacterium avium
Fièvre typhoïde
L’azithromycine (dose unique hebdomadaire de 1 200 mg) ou
la clarithromycine (500 mg deux fois par jour) sont utilisées en L’azithromycine serait une alternative à la ceftriaxone chez
traitement prophylactique au cours du sida chez les patients l’enfant dans les infections non compliquées à Salmonella typhi,
ayant un taux de CD4 inférieur à 50/µl. [65] Ces deux molécules avec un taux de rechute significativement moins important. [77]
(clarithromycine à 1 g/j et azithromycine à 600 mg/j) sont
Lèpre
employées chacune en association avec l’éthambutol et/ou la
rifabutine dans le traitement des infections à Mycobacterium La clarithromycine possède une bonne activité sur Mycobac-
avium complex. terium leprae. [78]

10 Maladies infectieuses
Macrolides ¶ 8-004-G-10

Trachome [5] Bauernfeind A. In vitro activity of dirithromycin in comparison with


other new and established macrolides. J Antimicrob Chemother 1993;
La prévention et le traitement de cette kératoconjonctivite
31(supplC):39-49.
chronique due à Chlamydiae trachomatis pourraient passer par
l’administration d’azithromycine en dose unique. [79] [6] Peters DH, Clissold SP. Clarithromycin. A review of its antimicrobial
activity, pharmacokinetic properties and therapeutic potential. Drugs
Pathologie coronaire 1992;44:117-64.
[7] Peters DH, Friedel HA, McTavish D. Azithromycin. A review of its
Chlamydia pneumoniae a été rapporté comme étant lié à
antimicrobial activity, pharmacokinetic properties and clinical efficacy.
l’athérome au plan épidémiologique. Toutefois, l’utilisation de
macrolides en prévention secondaire chez des patients porteurs Drugs 1992;44:750-99.
de cardiopathies ischémiques ne réduit pas significativement la [8] Plouffe JF, Breiman RF, Fields BS, Herbert M, Inverso J, Knirsch C,
morbidité et la mortalité. [80] et al. Azithromycin in the treatment of Legionella pneumonia requiring
hospitalization. Clin Infect Dis 2003;37:1475-80.
Troubles moteurs gastro-intestinaux [9] AFFSAPS. Spectres d’activité antimicrobienne. Répertoire de spectres
L’érythromycine est décrite comme agent prokinétique à validés par la commission d’autorisation de mise sur le marché. Version
faibles doses. [41] 3. Février 2004. http://agmed.sante.gouv.fr/pdf/5/atb.pdf.
[10] Leclercq R. Mechanisms of resistance to macrolides and lincosamides:
nature of the resistance elements and their implications. Clin Infect Dis
Indications préventives 2002;34:482-92.
Prophylaxie des méningites à méningocoque : la spiramycine [11] Canu A, Leclercq R. Les macrolides : une diversité de mécanismes de
était utilisée autrefois. Les recommandations officielles actuelles résistances. Med Mal Infect 2002;32(suppl1):32-44.
sont d’utiliser de la rifampicine. La spiramycine (3 millions [12] Prunier AL, Malbruny B, Tandé D, Picard B, Lecercq R. Clinical
d’unités/12 heures chez l’adulte ; 75 000 UI/kg/12 heures chez isolates of Staphylococcus aureus with ribosomal mutations conferring
l’enfant) pendant 5 jours conserve son intérêt en cas de contre- resistance to macrolides. Antimicrob Agents Chemother 2002;46:
indication à la rifampicine. 3054-6.
Prévention de la toxoplasmose cérébrale au cours de l’infec- [13] Canu A, Malbruny B, Coquemont M, Davies TA, Applebaum PC,
tion par le VIH : en cas d’impasse thérapeutique par intolérance, Leclercq R. Diversity of ribosomal mutations conferring resistance to
la clarithromycine ou l’azithromycine ne sont pas recommandés macrolides, clindamycin, streptogramin, and telithromycin in
en monothérapie, mais peuvent être prescrits en association à Streptococcus pneumoniae. Antimicrob Agents Chemother 2002;46:
une autre molécule. [81] 125-31.
Prévention des infections à Mycobacterium avium au cours de [14] Malbruny B, Nagai K, Coquemont M, Bozdogan B, Andrasevic AT,
l’infection par le VIH. Hupkova H, et al. Resistance to macrolides in clinical isolates of
Érysipèle : une antibiothérapie préventive des récidives Streptococcus pyogenes due to ribosomal mutations. J Antimicrob
s’adresse préférentiellement aux patients ayant déjà eu plusieurs Chemother 2002;49:935-9.
récidives ou chez qui les facteurs favorisants sont difficilement [15] Misyurina OY, Chipitsyna EV, Finashutina YP, Lazarev VN,
contrôlables. Un macrolide par voie orale peut être utilisé en cas Akopian TA, Savicheva AM, et al. Mutations in a 23S rRNA gene of
d’allergie aux b-lactamines. [57] Chlamydia trachomatis associated with resistance to macrolides.
Prévention des récidives de rhumatisme articulaire aigu en cas Antimicrob Agents Chemother 2004;48:1347-9.
d’allergie aux b-lactamines. [16] Lukehart S, Godornes C, Molini B, Sonnett P, Hopkins S, Mulcahy F,
Pas d’indication pour la prophylaxie de l’endocardite bacté- et al. Macrolide resistance in Treponema pallidum in the United States
rienne : les macrolides ne doivent pas être utilisés. En cas and Ireland. N Engl J Med 2004;351:154-8.
d’allergie aux b-lactamines, on leur préfère une streptogramine, [17] Seppala H, Klaukka T, Vuopio-Varkila J, Muotiala A, Helenius H,
un lincosamide ou un glycopeptide. Lager K, et al. The effect of changes in the consumption of macrolide
antibiotics on erythomycin resistance in group A streptococci in
Finland. N Engl J Med 1997;337:441-6.
■ Conclusion [18] Bouvet A, Aubry-Damon H, Péan Y. Émergence de la résistance aux
macrolides des Streptococcus pyogenes ou streptocoques bêta-
Les macrolides restent des antibiotiques largement prescrits hémolytiques du groupe A. Bull Epidémiol Hebd 2004;32-33:154-6.
en raison de leur bonne tolérance et de leur facilité de prescrip- [19] Beekmann SE, Heilmann KP, Richter SS, García-de-Lomas J,
tion. L’évolution récente des résistances de nombreux pathogè- Doern GV, The GRASP Study Group.. Antimicrobial resistance in
nes a considérablement diminué leur intérêt en traitement Streptococcus pneumoniae, Haemophilus influenzae, Moraxella
probabiliste, hormis pour les infections à germes intracellulaires. catarrhalis and group A b-haemolytic streptococci in 2002-2003:
Des indications particulières telles que les MAC ou H. pylori les results of the multinational GRASP Surveillance Program. Int
rendent indispensables. J Antimicrob Agents 2005;25:146-8.
Cette famille d’antibiotique est en renouvellement grâce, en [20] Soussy CJ. État actuel de la résistance aux antibiotiques. Méd Thér
particulier, à l’avènement de ses dérivés semi-synthétiques que 1997;3:24-36 (HorsSérie).
sont les kétolides qui ont fait l’objet d’une monographie récente [21] Bertrand X, Muller A, Thouverez M, Talon D. Retour vers la sensibilité
dans l’EMC. [82] aux antibiotiques des souches de Staphylococcus aureus résistant à la
. méticilline (SARM) : relation entre génotype et antibiotype. Pathol
Biol 2004;52:480-5.
■ Références [22] Megraud F. H. pylori antibiotic resistance: prevalence, importance, and
advances in testing. Gut 2004;53:1374-84.
[1] Pocidalo JJ, Rouveix B. Macrolides classiques et nouveaux macrolides. [23] Williams JD, Sefton AM. Comparison of macrolide antibiotics.
In: Pocidalo JJ, Vachon F, Coulaud JP, Vildé JL, editors. Macrolides et J Antimicrob Chemother 1993;31(supplC):11-26.
synergistines. Paris: Arnette; 1988. p. 1-3.
[24] Foulds G, Shepard RM, Johnson RB. The pharmacokinetics of
[2] Kosowska K, Credito K, Pankuch GA, Hoellman D, Lin G, Clark C,
azithromycin in human serum and tissues. J Antimicrob Chemother
et al. Activities of two novel macrolides, GW773546 and GW708408,
1990;25(supplA):73-82.
compared with those of telithromycin, eythromycin, azithromycin, and
clarithromycin against Haemophilus influenzae. Antimicrob Agents [25] Fraschini F, Scaglione F, Demartini G. Clarithromycin clinical
Chemother 2004;48:4113-9. pharmacokinetics. Clin Pharmacokinet 1993;25:189-204.
[3] Leclercq R, Courvalin P. Resistance to macrolides and related [26] Frydman AM, Le Roux Y, Desnottes JF, Kaplan P, Djebbar F,
antibiotics in Streptococcus pneumoniae. Antimicrob Agents Cournot A, et al. Pharmacokinetics of spiramycin in man. J Antimicrob
Chemother 2002;46:2727-34. Chemother 1988;22(supplB):93-103.
[4] Comité de l’antibiogramme de la société française de microbiologie. [27] Kavi J, Webberley JM, Andrews JM, Wise R. A comparison of the
Communiqué 2005. http://www.sfm.asso.fr/doc/download.php? pharmacokinetics and tissue penetration of spiramycin and
doc= DiU8C&fic= Communiqu%E9_2005.pdf. erythromycin. J Antimicrob Chemother 1988;22(supplB):105-10.

Maladies infectieuses 11
8-004-G-10 ¶ Macrolides

[28] Markham A, Faulds D. Roxithromycin. An update of its antimicrobial [54] Benhamou D, Bru JP, Chidiac C, Etienne J, Leophonte P, Marty N, et al.
activity, pharmacokinetic properties and therapeutic use. Drugs 1994; Légionellose : définition, diagnostic, traitement. Med Mal Infect 2005;
48:297-326. 35:1-5.
[29] Perronne C. Macrolides. In: Carbon C, Régnier B, Saimot G, Vildé JL, [55] SFP. Conférence de consensus. Prise en charge du patient atteint de
Yeni P, editors. Médicaments anti-infectieux. Paris: Flammarion; 1994. mucoviscidose (pneumologie et infectiologie). Arch Pediatr 2003;10:
p. 153-63. 280-94.
[30] Sides GD, Cerimele BJ, Black HR, Busch U, DeSante KA. [56] Schultz MJ. Macrolide activities beyond their antimicrobial effects:
Pharmacokinetics of dirithromycin. J Antimicrob Chemother 1993; macrolides in diffuse panbronchiolitis and cystic fibrosis. J Antimicrob
31(supplC):65-75. Chemother 2004;54:21-8.
[57] SPILF et SFD. Conférence de consensus. Érysipèle et fasciite
[31] Bédos JP. Les antibiotiques d’activité intracellulaire. Lettre Infect 1996; nécrosante : prise en charge. Med Mal Infect 2000;30(suppl4):245-6.
11:591-8. [58] Fernandez-Obregon AC. Azithromycin for the treatment of acne. Int
[32] Ishiguro M, Koga H, Kohno S, Hayashi T, Yamaguchi K, Hirota M. J Dermatol 2000;39:45-50.
Penetration of macrolides into human polymorphonuclear leucocytes. [59] Stamm WE. Azithromycin in the treatment of uncomplicated genital
J Antimicrob Chemother 1989;24:719-29. chlamydial infections. Am J Med 1991;91(suppl3A):19S-22S.
[33] Carbon C. Pharmacodynamics of Macrolides, Azalides, and [60] SPILF. Conférence de consensus. Maladies sexuellement transmissi-
Streptogramins: effects on extracellular pathogens. Clin Infect Dis bles chez la mère, la femme, la mineure. Méd Mal Infect 1993;23:296-
1998;27:28-32. 303 (n°spécial).
[34] Van Bambeke F, Tulkens PM. Macrolides: pharmacokinetics and [61] Bosch-Driessen LH, Verbraak FD, Suttorp-Schulten MS, Hoyng CB,
pharmacodynamics. Int J Antimicrob Agents 2001;18(suppl1): Rothova A. A prospective, randomized trial of pyrimethamine and
S17-S23. azithromycin vs pyrimethamine and sulfadiazine for the treatment of
[35] Goldman RC, Scaglione F. The macrolide-bacterium interaction and its ocular toxoplasmosis. Am J Ophthalmol 2002;134:34-40.
biological basis. Curr Drug Targets Infect Dis 2004;4:241-60. [62] Fernandez-Martin J, Leport C, Morlat P, Meyohas MC, Chauvin JP,
Vilde JL. Pyrimethamine-clarithromycin combination for therapy of
[36] Tamaoki J. The effects of macrolides on inflammatory cells. Chest acute Toxoplasma encephalitis in patients with AIDS. Antimicrob
2004;125(suppl2):41S-51S. Agents Chemother 1991;35:2049-52.
[37] Rubin BK, Henke MO. Immunomodulatory activity and effectiveness [63] Saba J, Morlat P, Raffi F, Hazebroucq V, Joly V, Leport C, et al.
of macrolides in chronic airway disease. Chest 2004;125(suppl2): Pyrimethamine plus azithromycin for treatment of acute toxoplasmic
70S-78S. encephalitis in patients with AIDS. Eur J Clin Microbiol Infect Dis
[38] Garey KW, Alwany A, Danziger LH, Rubinstein I. Tissue reparative 1993;12:853-6.
effects of macrolide antibiotics in chronic inflammatory sinopulmonary [64] Jacobson JM, Remington J, Farthing C, Holden-Wiltse J, Bosler EM,
diseases. Chest 2003;123:261-5. Harris C, et al. Dose escalation, phase I/II study of azithromycin and
[39] Rubinstein E. Comparative safety of the different macrolides. Int pyrimethamine for the treatment of toxoplasmic encephalitis in AIDS.
J Antimicrob Agents 2001;18(suppl1):S71-S76. AIDS 2001;15:583-9.
[40] Abu-Gharbieh E, Vasina V, Poluzzi E, De Ponti F. Antibacterial [65] Karakousis PC, Moore RD, Chaisson RE. Mycobacterium avium
macrolides: a drug class with a complex pharmacological profile. complex in patients wth HIV infection in the era of highly active
Pharmacol Res 2004;50:211-22. antiretroviral therapy. Lancet Infect Dis 2004;4:557-65.
[66] Dattwyler RJ, Grunwaldt E, Luft BJ. Clarithromycin in treatment of
[41] Guerin JM, Leibinger F. Why not to use erythromycin in GI motility. early Lyme disease: a pilot study. Antimicrob Agents Chemother 1996;
Chest 2002;121:301-2. 40:468-9.
[42] Lauby V, Mallaret M, Dufrêne I, Amalfitano G, Stanke F. Macrolides et [67] Luft BJ, Dattwyler RJ, Johnson RC, Luger SW, Bosler EM, Rahn DW,
interactions médicamenteuses : revue de la littérature. Therapie 1996; et al. Azithromycin compared with amoxicillin in the treatment of
51:177-84. erythema migrans. A double-blind, randomized, controlled trial. Ann
[43] Commission de la transparence. Fiches de transparence. Médicaments Intern Med 1996;124:785-91.
anti-infectieux en pathologies communautaires 2004. Accédé le [68] Wormser GP, Nadelman RB, Dattwyler RJ, Dennis DT, Shapiro ED,
24/02/05 sur http://afssaps-prd.afssaps.fr/html/has/sgt/pdf/ft04.pdf. Steere AC, et al. Practice guidelines for the treatment of lyme disease.
[44] AFFSAPS. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante : Clin Infect Dis 2000;31(suppl1):S1-S14.
angine. Recommandations de l’AFSSAPS réactualisation 2002. Méd [69] Donta ST. Macrolide therapy of chronic Lyme disease. Med Sci Monit
Mal Infect 2003;33:4-6 (HS1). 2003;9:136-42.
[45] AFFSAPS. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante : [70] Brogden RN, Peters DH. Dirithromycin. A review of its antimicrobial
otite moyenne aiguë. Recommandations de l’AFSSAPS juillet 2001. activity, pharmacokinetic properties and therapeutic efficacy. Drugs
Med Mal Infect 2001;31:579s-600s. 1994;48:599-616.
[71] Cascio A, Colomba C. Efficacy and safety of clarithromycin as
[46] AFFSAPS. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante : treatment for mediterranean spotted fever in children: a randomized
sinusite aiguë de l’enfant. Recommandations de l’AFSSAPS juillet controlled trial. Clin Infect Dis 2001;33:409-11.
2001. Med Mal Infect 2001;31:508s-521s. [72] Marrie TJ. Coxiella burnetii pneumonia. Eur Respir J 2003;21:713-9.
[47] AFFSAPS. Prescription des antibiotiques en odontologie et [73] Anderson SL, Berman J, Kuschner R, Wesche D, Magill A, Wellde B,
stomatologi.e. Recommandations de l’Afssaps juillet 2001. Med Mal et al. Prophylaxis of Plasmodium falciparum malaria with
Infect 2002;32:131-3. azithromycin administered to volunteers. Ann Intern Med 1995;123:
[48] SPILF. Révision de la conférence de consensus : prise en charge des 771-3.
infections des voies respiratoires basses. Med Mal Infect 2000;30: [74] Sadiq ST, Glasgow KW, Drakeley CJ, Muller O, Greenwood BM,
566-80. Mabey DC, et al. Effects of azithromycin on malariometric indices in
[49] File TJ. Clinical efficacy of newer agents in short-duration therapy for The Gambia. Lancet 1995;346:881-2.
community-acquired pneumonia. Clin Infect Dis 2004;39:S159-S164. [75] Taylor WR, Richie TL, Fryauff DJ, Picarima H, Ohrt C, Tang D, et al.
Malaria prophylaxis using azithromycin: a double-blind, placebo-
[50] AFFSAPS. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante :
controlled trial in Irian Jaya, Indonesia. Clin Infect Dis 1999;28:74-81.
infections respiratoires basses de l’enfant. Recommandations de
[76] Guerrant RL, Van Gilder T, Steiner TS, Thielman NM, Slutsker L,
l’AFSSAPS juillet 2001. Med Mal Infect 2001;31:522s-551s.
Tauxe RV. Practice guidelines for the management of infectious
[51] Floret D. Antibioprophylaxie de la coqueluche. Nouvelles recomman- diahrrea. Clin Infect Dis 2001;32:331-50.
dations. Med Mal Infect 2004;34(suppl1):S71-S73. [77] Frenck RW, Mansour A, Nakhla I, Sultan Y, Putnam S, Wierzba T, et al.
[52] File TJ, Garau J, Blasi F, Chidiac C, Klugman K, Lode H, et al. Short-course azithromycin for the treatment of uncomplicated typhoid
Guidelines for empiric antimicrobial prescribing in community- fever in children and adolescents. Clin Infect Dis 2004;38:951-7.
acquired pneumoniae. Chest 2004;125:1888-901. [78] Ji B, Jamet P, Perani EG, Bobin P, Grosset JH. Powerful bactericidal
[53] Chidiac C, Maulin L. Pneumonies à Legionella pneumophila : aspects activities of clarithromycin and minocycline against Mycobacterium
cliniques et thérapeutiques. Med Mal Infect 2003;33:549-53. leprae in lepromatous leprosy. J Infect Dis 1993;168:188-90.

12 Maladies infectieuses
Macrolides ¶ 8-004-G-10

[79] Solomon AW, Holland MJ, Alexander ND, Massae PA, Aguirre A, [81] Kaplan JE, Masur H, Holmes KK, US Public Health Service. Infectious
Natividad-Sancho A, et al. Mass treatment with single-dose Disease Society of America. Guidelines for preventing opportunistic
azithromycin for trachoma. N Engl J Med 2004;351:1962-71. infection among HIV-infected persons. MMWR Recommend Rep 2002;
[80] Wells BJ, Mainous 3rd AG, Dickerson LM. Antibiotics for the 51:1-52 (RR-8).
secondary prevention of ischemic heart disease: a meta-analysis of [82] Viget N, Legout L, Alfandari S. Kétolides. EMC (Elsevier SAS, Paris),
randomized controlled trials. Arch Intern Med 2004;164:2156-61. Maladies infectieuses, 8-004-M-15, 2005: 58p.

B. Rammaert, Interne des Hôpitaux.


Clinique de pneumologie, Hôpital Calmette, CHRU, 59037 Lille, France.
S. Alfandari, Praticien hospitalier (alfandari@nordnet.fr).
Service de réanimation et maladies infectieuses, CH Dron, 59208 Tourcoing, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Rammaert B., Alfandari S. Macrolides. EMC (Elsevier SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-004-G-10, 2006.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Maladies infectieuses 13
¶ 8-004-J-10

Polymyxines
A. Sotto, J.-P. Lavigne

Les polymyxines sont des antibiotiques polypeptidiques commercialisés depuis de nombreuses années.
Leur utilisation actuelle reste exceptionnelle en raison de leur toxicité rénale potentielle. Cependant,
l’émergence évolutive de bactéries multirésistantes, notamment parmi les Pseudomonas aeruginosa et
les Acinetobacter baumannii et l’absence de nouvelles molécules efficaces sur ces bactéries dans un
avenir proche devraient favoriser la renaissance de ces antibiotiques. En France sont disponibles la
polymyxine B utilisée sous forme de topique et la colistine commercialisée sous forme de colistine sulfate
utilisée par voie orale et colistiméthate sodique utilisée par voie parentérale. L’intérêt de l’aérosolisation
de la colistine a été souligné dans les surinfections pulmonaires au cours de la mucoviscidose. Elle reste à
évaluer dans les infections pulmonaires chez les patients non atteints de mucoviscidose. Les indications
par voie parentérale devraient se limiter à des infections graves liées à des bactéries résistantes aux
antibiotiques couramment disponibles. Il est nécessaire cependant de réévaluer, tant sur le plan
pharmacodynamique que sur le plan pharmacocinétique, ces antibiotiques in vivo.
© 2007 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Antibiotiques polypeptides ; Polymyxines ; Colistine ; Bactéries multirésistantes

Plan est utilisée sous forme de topiques. La colistine est commercia-


lisée sous forme de colistine sulfate utilisée par voie orale et de
colistiméthate sodique (appelée aussi colistine méthanesulfate,
¶ Introduction 1
pentasodium colistiméthane sulfate, colistine mésilate sodique,
¶ Structure chimique 1 colistine méthane sulfonate sodique ou colistine sulfonyl
¶ Microbiologie 1 méthate) utilisée par voie parentérale (voie intraveineuse, voie
Spectre d’activité 1 intramusculaire) ou aérosolisation. Un milligramme de colistine
Mécanisme d’action 2 correspond à 12 500 unités internationales (UI).
Mécanismes de résistance 2
Bactéricidie 2
¶ Pharmacocinétique 2 ■ Structure chimique
Pharmacocinétique de la colistine sulfate 3
Pharmacocinétique de la colistiméthate sodique 3
Les polymyxines, dont la masse moléculaire est d’environ
1 000 Da, ont une structure polypeptidique cationique. Elles
¶ Indications thérapeutiques 3 sont caractérisées par un cycle heptapeptidique, une forte teneur
Polymyxine B 3 en acide diaminobutyrique et une chaîne latérale se finissant
Colistine 3 par un résidu acide gras. Leur synthèse n’est pas directement
¶ Effets secondaires 4 dépendante des ribosomes [1]. Elles sont caractérisées par leur
Pour les formes utilisées par voie locale 4 structure amphipathique, c’est-à-dire qu’elles possèdent à la fois
Pour les formes utilisées par voie générale 5 des régions hydrophobes et des régions hydrophiles. Cette
¶ Contre-indications et précautions d’emploi 5 caractéristique qui les rapproche d’une molécule de détergent
Pour les formes utilisées par voie locale 5 leur permet d’interagir avec les membranes cellulaires et de
Précautions d’emploi 5 modifier leur perméabilité.
¶ Conclusion 5
■ Microbiologie
Spectre d’activité
■ Introduction
Le spectre d’activité des polymyxines concerne des bacilles à
Diverses polymyxines ont été isolées depuis le milieu du XXe Gram négatif. In vitro, de nombreuses entérobactéries (Escheri-
siècle. Il s’agit des polymyxines A, B, C, D, E, F, K, M, P, S et T. chia coli, Enterobacter spp., Klebsiella spp., Salmonella spp.,
Ce sont des antibiotiques naturels issus de Bacillus polymyxa. Shigella spp., Citrobacter spp.) sont sensibles. Les polymyxines
Actuellement seules sont utilisées en thérapeutique humaine la ont également une très bonne activé antibactérienne in vitro
polymyxine B et la polymyxine E ou colistine (association de sur Pseudomonas aeruginosa, Acinetobacter spp., Haemophilus spp.,
polymyxine E1 et polymyxine E2). En France, la polymyxine B Bordetella spp., Pasteurella spp., Vibrio spp. (Tableau 1) [2-5].

Maladies infectieuses 1
8-004-J-10 ¶ Polymyxines

Tableau 1. à des concentrations élevées d’antibiotique avec un moindre


Spectre d’activité in vitro des polymyxines. risque d’accumulation tissulaire et donc de toxicité. In vitro, des
Bactéries sensibles Bactéries résistantes effets bactéricides synergiques de la colistine avec d’autres
antibiotiques ont été mis en évidence sur différentes bactéries
Escherichia coli Bactéries à Gram positif
multirésistantes. Un effet postantibiotique de la colistine sur
Enterobacter spp. Cocci à Gram négatif P. aeruginosa a été décrit [4].
Klebsiella spp. Anaérobies L’étude de l’association de la colistine avec différents antibio-
Salmonella spp. Burkholderia cepacia tiques tels que ceftazidime, aztréonam, méropénème, gentami-
Shigella spp. Proteus spp. cine, pipéracilline, ciprofloxacine, sur une souche sensible de
Citrobacter spp. Providencia spp. P. aeruginosa isolée d’un patient porteur d’une mucoviscidose a
Pseudomonas aeruginosa Serratia spp. montré une meilleure activité antibactérienne de l’association
Acinetobacter spp. Morganella spp. par rapport à la colistine en monothérapie [16]. Les associations
Haemophilus spp. Certaines souches de colistine et rifampicine et à un moindre degré colistine et
Stenotrophomonas maltophilia triméthoprime/sulfaméthoxazole se sont révélées synergiques
Bordetella spp.
vis-à-vis de Stenotrophomonas maltophilia multirésistants et
Pasteurella spp.
notamment à la rifampicine et au triméthoprime/sulfamé-
Vibrio spp.
thoxazole. Un effet synergique de l’association polymyxine et
sulfonamide ou triméthoprime a également été observé sur
Proteus spp. et Serratia spp., naturellement résistants aux
Mécanisme d’action polymyxines [17]. Dans ces associations, la colistine a été utilisée
à une fois et 4 fois sa concentration minimale inhibitrice [CMI]
Les polymyxines sont des antibiotiques bactéricides qui
vis-à-vis du germe étudié et la rifampicine ainsi que le
agissent sur la membrane cytoplasmique bactérienne. Cette
triméthoprime/sulfaméthoxazole à des concentrations corres-
dernière, constituée d’une bicouche lipidique, est fondamentale
pondant à des taux sériques moyens, c’est-à-dire, respectivement
pour les échanges passifs ou actifs de la bactérie avec le milieu
à 2 µg/ml et 2,38 µg/ml [18]. L’association de colistine (une fois
extrabactérien. Cette membrane joue également un rôle dans la
respiration et les réactions d’oxydation. Par le biais d’une et 4 fois sa CMI vis-à-vis du germe étudié) et de rifampicine
réaction électrostatique, les polymyxines cationiques interagis- (2 µg/ml) a également une activité synergique vis-à-vis d’Acine-
sent avec le lipopolysaccharide (LPS) anionique de la membrane tobacter baumannii multirésistant [19]. Une activité bactéricide
externe bactérienne. Ainsi, les polymyxines s’incorporent entre synergique de l’association colistine et ceftazidime vis-à-vis de P.
les couches lipidiques et protéiques de la membrane bactérienne aeruginosa multirésistant a été mise en évidence à l’aide d’un
induisant une rupture de l’intégrité osmotique. Cela se traduit modèle pharmacodynamique in vitro [20]. En revanche, il n’a
par la formation de pores par déplacement d’ions Mg 2+ et pas été mis en évidence d’effet synergique de l’association
Ca2+ qui induisent des anomalies d’échange, notamment des colistine et ciprofloxacine vis-à-vis de P. aeruginosa [20].
fuites de phosphate vers le milieu extrabactérien. Il s’ensuit un Ces associations, outre leur intérêt pharmacodynamique,
dysfonctionnement bactérien puis une mort de la bactérie [6, 7]. pourraient réduire les risques d’effets secondaires. Cependant,
nous manquons de données in vivo sur les effets bactéricides
Mécanismes de résistance synergiques de la colistine associée à d’autres antibiotiques [21].

Il s’agit essentiellement d’une résistance naturelle. Les


données sur des résistances acquises aux polymyxines sont
limitées. Des bactéries à Gram négatif peuvent développer une
résistance à la colistine par des mécanismes de mutation ou
d’adaptation. La résistance par mutation est habituellement à
“ Points forts
bas niveau. Chez P. aeruginosa, un haut niveau de résistance
peut survenir par adaptation en présence in vitro de colistine/ Les polymyxines :
polymyxine B [8, 9] . L’analyse des souches de P. aeruginosa • sont des antibiotiques polypeptidiques ;
résistantes aux polymyxines a montré des altérations de la • sont bactéricides ;
membrane externe de la bactérie : diminution du taux de LPS, • agissent sur la membrane cytoplasmique bactérienne ;
diminution du taux de protéines spécifiques, diminution du • sont actives sur de nombreux bacilles à Gram négatif ;
taux de Mg2+ et de Ca2+ , altérations lipidiques [10-12]. Certains • sont inactives sur les bactéries à Gram positif.
auteurs ont montré que la résistance de P. aeruginosa émergeait La résistance acquise aux polymyxines est limitée.
plus fréquemment chez des patients porteurs de mucoviscidose
La résistance croisée avec d’autres antibiotiques n’existe
et chez qui des aérosols de colistine étaient pratiqués [4, 12, 13].
pas.
Cependant d’autres auteurs ont montré une stabilité de la
sensibilité de P. aeruginosa à la colistine après de nombreuses
années d’utilisation [14]. Il existe une résistance croisée entre les
polymyxines mais pas avec les autres antibiotiques [15]. Les
bactéries à Gram positif, les cocci à Gram négatif, les anaérobies,
Burkholderia cepacia ainsi que certaines entérobactéries, Proteus ■ Pharmacocinétique
spp., Providencia spp., Serratia spp., Morganella spp. et certaines
Les données pharmacocinétiques chez l’homme concernant
souches de Stenotrophomonas maltophilia sont résistants. Les
polymyxines n’agissent pas sur la réplication bactérienne ce qui les polymyxines restent limitées. En outre, la majorité de ces
pourrait expliquer le faible potentiel de résistance bactérienne données ont été obtenues à l’aide de dosages microbiologiques,
acquise à ces antibiotiques. ce qui n’a pas permis de différencier la colistiméthate sodique
de la colistine base dans certaines situations. En effet, la
colistiméthate sodique peut être hydrolysée en milieu aqueux
Bactéricidie en dérivés sulfométhylés et en colistine. Le développement
La colistiméthate sodique possède une activité antibacté- d’une méthode fiable de dosage par chromatographie liquide
rienne moindre que la colistine sulfate. La vitesse de bactéricidie haute performance est récent, permettant ainsi de doser séparé-
des polymyxines est rapide. Cette bactéricidie est concentration- ment colistiméthate sodique et colistine [22]. La plupart des
dépendante. Cela pourrait être mis à profit pour envisager une auteurs s’accordent sur le fait que des investigations supplé-
dose unique journalière de colistine comme pour les aminosi- mentaires sont nécessaires pour mieux caractériser ces antibio-
des. Cela aurait pour conséquence une exposition des bactéries tiques.

2 Maladies infectieuses
Polymyxines ¶ 8-004-J-10

Pharmacocinétique de la colistine sulfate


Elle est utilisée par voie orale. “ Points forts
Absorption
La colistine sulfate est très faiblement absorbée au niveau du Pharmacocinétique de la colistiméthate sodique
tube digestif adulte. Une absorption digestive a pu être consta- • Absorption digestive très faible.
tée chez l’enfant. Des concentrations sériques comprises entre • Administration par voie parentérale ou aérosols.
77 et 159 µg/l ont été mesurées chez des adultes sains et des • Bonne diffusion dans le poumon, le rein, le foie, le
patients atteints de mucoviscidose après inhalation d’une dose cerveau.
unique de 25 mg de colistine sulfate. • Élimination principalement rénale.
Diffusion et élimination • Adaptation posologique en cas d’insuffisance rénale.
Les paramètres pharmacocinétiques disponibles ne concer-
nent que des expérimentations animales.
solution nasale, pommade à usage cutané, pommade ophtalmo-
Pharmacocinétique de la colistiméthate logique, compresses imprégnées stériles, poudre auriculaire,
sodique capsules vaginales, pâte à usage dentaire.
En fonction des indications et des formes topiques, elle peut
Elle est utilisée par voie parentérale ou sous forme d’aérosols.
être associée à des antibiotiques, principalement aminosides
Il existe une forme associée à la bacitracine et à l’hydrocortisone
mais également tétracycline ainsi qu’à un antifongique, la
utilisable en collyre dont l’administration oculaire entraîne un
nystatine. Elle peut également être associée à des médicaments
passage systémique non négligeable.
non anti-infectieux. Il s’agit le plus souvent d’un corticoïde. Il
Absorption existe des spécialités contenant de la polymyxine B à usage local
associée à un anesthésique local ou encore à un vasoconstricteur
La colistiméthate sodique est très faiblement absorbée au
à effet sympathicomimétique alpha. La polymyxine B trouve
niveau du tube digestif adulte. Après injection intramusculaire
des indications :
d’une dose de 1 MUI (80 mg), chez un adulte à fonction rénale
• en ORL : traitement local des otites externes à tympan fermé,
normale, le pic sérique est obtenu en 1 à 2 heures [23].
particulièrement en cas d’eczéma infecté du conduit auditif
Diffusion externe ; traitement local de l’otite chronique, soit en
Il existe peu d’informations sur le volume de distribution de préopératoire pour favoriser l’assèchement, soit en postopéra-
la colistiméthate sodique. Il a récemment été évalué à toire en cas de présence de cavités d’évidement pétromastoï-
0,34 ± 0,10 l/kg à l’état d’équilibre chez des patients atteints de diennes avec ou sans tympanoplastie ; traitement local
mucoviscidose après injection par voie intraveineuse à la d’appoint anti-inflammatoire et antibactérien des états
posologie de 1,63 – 3,11 mg/kg toute les 8 heures. Sa concen- congestifs aigus au cours des rhinites et des sinusites ;
tration plasmatique 1 heure après l’injection est comprise entre • en ophtalmologie : traitement local en fonction des compo-
2,6 et 9,8 mg/l [24]. Sa pénétration tissulaire est faible, possible- sants de la spécialité des conjonctivites, kératites, blépharites,
ment en rapport avec son poids moléculaire élevé et sa pola- dacryocystites, uvéites, épisclérites, sclérites, chalazion,
rité [23]. Des études expérimentales ont montré que la colistine orgelet ;
était fortement liée aux membranes lipidiques des cellules de • en dermatologie : traitement local d’appoint des infections
différents tissus : foie, poumons, reins, cerveau, cœur et cutanées (essentiellement pilaires) à staphylocoques et/ou
muscles [25]. Elle inhibe notamment de façon spécifique l’action streptocoques et des dermatoses impétiginisées ainsi que dans
de l’insuline en stimulant le transport d’hexose et le métabo- la stérilisation des gîtes staphylococciques. Dans ces situa-
lisme du glucose [26]. Elle diffuse mal dans le liquide céphalora- tions, la polymyxine n’a d’intérêt qu’en cas de présence de
chidien bien que récemment, une équipe ait rapporté la germes à Gram négatif sensibles puisqu’elle n’est efficace ni
guérison d’une méningite à A. baumannii avec des taux satisfai- sur les staphylocoques ni sur les streptocoques ;
sants de colistine dans le liquide céphalorachidien [27]. Elle • en gynécologie : traitement local des vaginites.
traverse difficilement la barrière fœtoplacentaire. Elle diffuse
dans le lait maternel. Colistine
Métabolisme Malgré une bonne activité antibactérienne vis-à-vis de bacilles
La colistiméthate sodique peut subir une hydrolyse en milieu à Gram négatif de plus en plus résistants à d’autres antibioti-
aqueux, en fonction des conditions de temps et de température, ques d’utilisation courante, la colistine reste peu utilisée,
avec formation de dérivés sulfométhylés et de colistine [28]. La notamment par voie générale. Pour certains auteurs, l’émer-
colistine base ne semble pas métabolisée. gence constante de bactéries multirésistantes, la rareté de
nouveaux antibiotiques permettant de lutter contre de telles
Élimination bactéries, amènent à penser que la colistine en utilisation
La demi-vie de la colistiméthate sodique a été évaluée à parentérale pourrait voir son utilisation augmenter dans les
124 ± 52 minutes et celle de la colistine à 251 ± 79 minutes chez années à venir et ainsi trouver une renaissance [15, 28]. En effet,
des patients atteints de mucoviscidose après injection de la colistine a été relayée comme antibiotique d’utilisation
colistiméthate sodique par voie intraveineuse à la posologie de exceptionnelle dans les années 1980 après la commercialisation
1,63 – 3,11 mg/kg toutes les 8 heures. La clairance de la des céphalosporines de troisième génération et des pénicillines
colistiméthate sodique a été calculée à 2,01 ± 0,46 ml/min/kg. à large spectre. Elle ne devrait cependant pas être utilisée dans
Les polymyxines sont principalement excrétées par le rein par les sepsis simples ou dans les sepsis dus à des bactéries sensibles
filtration glomérulaire [24]. Près de 50 % de la dose administrée aux antibiotiques usuels. En outre, une évaluation clinique et
subit une excrétion rénale dans les 4 heures suivant l’adminis- pharmacocinétique semble nécessaire afin de redéfinir les
tration [29]. Une adaptation posologique est donc nécessaire en indications exactes de cet antibiotique.
cas d’insuffisance rénale.
Utilisation par voie locale
■ Indications thérapeutiques Colonisations et infections bronchopulmonaires
Il s’agit d’une utilisation sous forme d’aérosols dont les
Polymyxine B indications sont essentiellement limitées à la mucoviscidose.
En France, elle est commercialisée sous diverses formes à L’aérosolisation d’antibiotiques a pour intérêt d’obtenir de fortes
utilisation locale : collyre, solution pour instillation auriculaire, concentrations au niveau du site infecté ou colonisé en évitant

Maladies infectieuses 3
8-004-J-10 ¶ Polymyxines

une exposition systémique à l’antibiotique administré [30]. Ainsi, Des évaluations complémentaires sont donc nécessaires dans ces
le jury de la conférence d’experts de 2002 sur la prise en charge indications [43, 44].
du patient atteint de mucoviscidose a proposé, pour le traite-
ment de la primocolonisation, en association à la biantibiothé- Utilisation par voie parentérale
rapie bactéricide par voie intraveineuse, une possible
administration d’aérosols de colistine pour une durée de 3 à Les modalités d’administration sont habituellement la
6 mois [31]. Les posologies préconisées sont de 1 à 6 MUI/j en perfusion intraveineuse discontinue. La posologie est variable
une à trois prises. Dans la prise en charge de l’infection selon le type de produit commercialisé. En France, la posologie
chronique, l’aérosolthérapie n’est pas indiquée dans le traite- recommandée est de 50 000 UI/kg/j chez l’adulte et le grand
ment des exacerbations. Pour ce qui concerne le traitement enfant et de 50 000 à 100 000 UI/kg/j chez le nourrisson, le
systématique programmé de l’infection chronique, seuls les nouveau-né et le prématuré. L’administration se fait en 2 à
aérosols de tobramycine sont validés. Une étude randomisée, 3 fois par jour. Des posologies plus élevées de 10 000 à
comparant la nébulisation de tobramycine versus la nébulisa- 150 000 UI/kg/j ont été retenues pour la mucoviscidose [31]. La
tion de la colistine chez le patient atteint de mucoviscidose et posologie est à adapter à la clairance de la créatinine.
infecté chronique par P. aeruginosa, a été récemment publiée [32]. Le traitement avec succès d’une bactériémie à A. baumannii,
Elle a montré une diminution significative de l’inoculum de par perfusion intraveineuse continue de colistine à la posologie
P. aeruginosa dans les expectorations dans les deux traitements. de 2 MUI/j, a été récemment rapporté [45].
Cependant, seule la tobramycine a permis une amélioration de Des taux significatifs de succès ou d’amélioration clinique ont
la fonction respiratoire. été observés chez des patients hospitalisés en réanimation et
Des auteurs ont rapporté l’intérêt de l’aérosolisation de recevant de la colistine par voie parentérale. Ce choix thérapeu-
colistine en dehors de la mucoviscidose. En traitement curatif, tique a été réalisé habituellement en raison d’une résistance de
il a été utilisé la plupart du temps en traitement adjuvant d’une l’agent infectieux aux autres antibiotiques disponibles sur le
antibiothérapie parentérale chez des patients de réanimation marché. Il s’agissait de pneumopathies, d’infections urinaires, de
porteurs de pneumopathies nosocomiales à P. aeruginosa ou bactériémies, d’infections du site opératoire, de péritonites,
A. baumannii [33, 34]. Cependant les posologies journalières, la d’infections de cathéters veineux central à bacilles à Gram
fréquence d’administration et la durée du traitement ne sont négatif multirésistants, en particulier à P. aeruginosa et A. bau-
pas uniformisées. Cette modalité d’administration a également mannii [46-48]. Il s’agissait d’études ouvertes non randomisées ou
été utilisée dans la prophylaxie secondaire des pneumopathies rétrospectives. La colistine par voie intraveineuse est un choix
chez des patients séropositifs pour le virus de l’immunodéfi- possible en association au cours des exacerbations infectieuses
cience humaine (VIH) [35, 36] . L’aérosolisation de colistine de la mucoviscidose, en rapport notamment avec une souche de
semble donc bien codifiée au cours de la mucoviscidose. Dans P. aeruginosa multirésistante [49, 50]. La conférence française de
les autres situations, des études complémentaires sont nécessai- consensus de 2002 sur la prise en charge du patient atteint de
res car nous manquons de données pharmacocinétiques sur mucoviscidose recommande, dans cette situation, l’association
cette forme d’administration ainsi que sur les modalités de de la colistine à une biantibiothérapie [31]. Des auteurs ont
posologie et de durée de traitement. également rapporté des succès lors de traitement au long cours
(3 à 6 mois) par colistine chez des patients porteurs de matériel
Infections neuroméningées orthopédique surinfecté par P. aeruginosa résistant à l’ensemble
Dans des situations de sauvetage, en raison de la multirésis- des antibiotiques disponibles, sauf à la colistine [51].
tance de la bactérie en cause, la colistine a été administrée avec
succès par voie intrathécale seule ou avec un aminoside [37, 38].
Cette voie a été utilisée dans le traitement d’infections nosoco- ■ Effets secondaires
miales sévères du système nerveux central (méningites, ventri-
culites), notamment à P. aeruginosa. Le plus souvent, ce La colistiméthate sodique semble moins toxique que la
traitement local a été associé à un traitement parentéral de colistine base.
colistine [39, 40].
Les posologies de colistiméthate sodique en injection intra-
thécale sont de 60 000 UI/j chez l’adulte et de 10 000 à
Pour les formes utilisées par voie locale
20 000 UI/j chez l’enfant et le nourrisson. Chez l’adulte, il est En ce qui concerne les aérosols, des risques de bronchospas-
préconisé d’utiliser des posologies progressives : 20 000 UI le mes ont été démontrés chez des enfants inhalant de la colistine
1er jour et 40 000 le 2e jour. et porteurs de mucoviscidose et ayant des antécédents person-
nels ou familiaux d’asthme [52, 53]. Des auteurs proposent de
Indications digestives
tester systématiquement le risque de bronchoconstriction chez
La colistine est ici administrée par voie orale sous forme de les enfants. Dans le cas où ce test est impossible, une prémédi-
colistine sulfate. Cette forme est réservée à l’adulte et à l’enfant cation par un bronchodilatateur est recommandée [54]. Chez des
de plus de 18 kg (environ âgé de 6 ans). Les comprimés sont patients traités par aérosols de colistine, des épisodes de
dosés à 1,5 MUI. dyspnée, toux, pharyngite, majoration de l’expectoration ont
Deux indications sont actuellement retenues. Le traitement été décrits [32]. Malgré leur fréquence (jusqu’à la moitié des cas
des diarrhées aiguës bactériennes, à bactéries sensibles. La dans certaines séries), ils restent habituellement bénins. Cepen-
posologie préconisée est de 250 000 UI/kg/j en trois ou quatre dant, des épisodes de serrement thoracique et d’apnée ont été
prises pendant 7 jours au maximum. L’autre indication est décrits en rapport avec un blocage neuromusculaire [55, 56].
représentée par la décontamination intestinale au cours des L’inhalation préalable de b2-agoniste semble réduire les effets
aplasies médullaires induites par les cytostatiques. La colistine secondaires locaux des aérosols de colistine [34]. Des auteurs ont
est utilisée à la posologie de 1,5 MUI, 4 à 6 fois par jour. Elle rapporté, sur une période de 5 ans, la survenue de portage de
peut être associée à d’autres antibiotiques comme la néomy- P. aeruginosa résistant à la colistine chez six enfants atteints de
cine [41] ou une fluoroquinolone comme la ciprofloxacine [42]. mucoviscidose ayant reçu des aérosols de cet antibiotique, mais
La colistine a également été utilisée en décontamination leurs antécédents étaient également marqués par des perfusions
digestive, associée à d’autres anti-infectieux, chez des patients de colistine. Les auteurs n’ont pu conclure aux modalités
hospitalisés en réanimation afin de diminuer l’incidence des exactes d’acquisition de ces bactéries multirésistantes : pression
infections nosocomiales. Si le taux d’infections, notamment de de sélection et/ou transmission interhumaine [12]. Dans le cadre
pneumopathies nosocomiales, est significativement plus faible d’instillations auriculaires, des toxicités cochléaires et vestibu-
chez les patients recevant la décontamination, des auteurs n’ont laires ont été rapportées essentiellement lorsque le tympan était
pas constaté d’effet sur la durée d’hospitalisation en unité de perforé [57]. Enfin, les traitements cutanés peuvent occasionner
soins intensifs, ni sur la mortalité, et certains ont même observé des dermatites de contact, voire des effets systémiques quand la
l’émergence de colonisation par des bactéries multirésistantes. surface de peau lésée traitée est étendue [58, 59].

4 Maladies infectieuses
Polymyxines ¶ 8-004-J-10

Pour les formes utilisées par voie générale


Dans les années 1960 et 1970, des publications ont rapporté
des effets secondaires sévères, notamment rénaux et neurologi-
“ Points forts
ques, à l’occasion de l’utilisation de la colistine par voie
Principaux effets secondaires des polymyxines
intraveineuse, entraînant ainsi la limitation de son utilisa-
• Voie locale :
tion [60, 61]. Certains auteurs ont suggéré une toxicité dose-
dépendante de la colistine [15]. Des données plus récentes n’ont C aérosols : bronchospasmes ;
pas confirmé ce fait [29]. Il semble également que son adminis- C topiques cutanés : dermatite de contact.
tration par perfusion intraveineuse continue favorise sa fixation • Voie générale :
aux membranes tissulaires et son accumulation tissulaire [62]. C toxicité rénale ;
L’administration intraveineuse discontinue serait donc préféra- C toxicité neurologique et neuromusculaire ;
ble et répondrait de surcroît à l’activité concentration- C allergies ;
dépendante de cet antibiotique. C réactions aux points d’injections intramusculaires.
Toxicité rénale
La détérioration de la fonction rénale, effet secondaire
principal et relativement fréquent, semble rester le principal Précautions d’emploi
écueil à une utilisation plus large. Elle est favorisée et risque Pour les formes parentérales, l’existence d’une insuffisance
d’être définitive d’autant plus qu’il existe une insuffisance rénale nécessite une adaptation posologique et une surveillance
rénale préexistante [48] ; ce qui est relativement fréquent dans les de la fonction rénale. L’utilisation concomitante de médica-
séries de patients traités rapportées dans la littérature, puisqu’il ments néphrotoxiques est déconseillée. Les curares peuvent être
s’agit la plupart du temps de patients hospitalisés en réanima- potentialisés en cas d’administration parentérale et/ou périto-
tion. En outre, la toxicité rénale de la colistine peut être néale de la colistine.
potentialisée par l’utilisation concomitante d’autres médica- Pour les formes orales, malgré la faible absorption digestive,
ments néphrotoxiques, la survenue d’un choc septique ou il est préférable de ne pas prescrire de colistine en cas d’insuf-
encore une défaillance multiviscérale. En revanche, certains fisance rénale sévère et de lésions de la muqueuse digestive.
auteurs ne rapportent pas de toxicité rénale significative chez L’administration de colistine est déconseillée pendant la
des patients atteints de mucoviscidose et traités pour des grossesse et l’allaitement.
exacerbations infectieuses pulmonaires [50]. Il est cependant
nécessaire de surveiller la fonction rénale sous traitement [49] et
ce d’autant plus que le patient est âgé [63]. ■ Conclusion
Toxicités neurologique et neuromusculaire L’utilisation actuelle des polymyxines reste encore rare en
France, probablement en raison du risque de toxicité rénale.
Cette toxicité pourrait être sous-estimée en raison de l’utili-
Dans un avenir proche, ces antibiotiques anciens ont des
sation fréquente chez des patients intubés, ventilés mécanique-
chances de réémerger en raison de l’évolution croissante de la
ment et sédatés. Dans les années 1960, des cas de paralysies
résistance bactérienne. C’est pourquoi il serait nécessaire de les
réversibles associées à l’utilisation des polymyxines ont été
réévaluer in vivo, tant sur le plan pharmacodynamique que sur
rapportés [60, 64]. Cependant, des publications récentes n’en font
le plan pharmacocinétique ainsi que dans le domaine de leur
pas état [46] ou indiquent, pour la majorité des cas déclarés, des
toxicité.
effets mineurs comme des engourdissements, des picotements,
une faiblesse musculaire [49]. Des auteurs soulignent la possible
.

responsabilité de polyneuropathies de réanimation [47]. Des


symptômes psychiatriques, des encéphalopathies, des toxicités ■ Références
atteignant les nerfs crâniens (à l’origine de myopie, névrite [1] Hancock RE, Chapple DS. Peptide antibiotics. Antimicrob Agents
optique, surdité, vertiges) ont également été rapportés [65]. Il Chemother 1999;43:1317-23.
existe un risque de blocage neuromusculaire en cas d’association [2] Catchpole CR, Andrews JM, Brenwald N, Wise R. A reassessment of
à des agents curarisants. the in-vitro activity of colistin sulphomethate sodium. J Antimicrob
Chemother 1997;39:255-60.
Allergies [3] Ruiz J, Nunez ML, Perez J, Simarro E, Martinez-Campos L, Gomez J.
Evolution of resistance among clinical isolates of Acinetobacter over a
Des réactions allergiques, notamment cutanées, nécessitent
6-year period. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1999;18:292-5.
l’arrêt du traitement. [4] Li J, Turnidge J, Milne R, Nation RL, Coulthard K. In vitro
pharmacodynamic properties of colistin and colistin methanesulfonate
Effets secondaires locaux against Pseudomonas aeruginosa isolates from patients with cystic
Les injections intramusculaires peuvent être douloureuses aux fibrosis. Antimicrob Agents Chemother 2001;45:781-5.
points d’injection. [5] Li J, Nation RL, Milne RW, Turnidge JD, Coulthard K. Evaluation of
colistin as an agent against multi-resistant Gram-negative bacteria. Int
Effets hématologiques J Antimicrob Agents 2005;25:11-25.
[6] Lorian V. The mode of action of antibiotics on Gram-negative bacilli.
Les polymyxines présenteraient un effet anticoagulant avec Arch Intern Med 1971;128:623-32.
un allongement du taux de prothrombine (TP) et un ralentisse- [7] Newton BA. The properties and mode of action of the polymyxins.
ment de l’agrégation plaquettaire [66]. Bacteriol Rev 1956;20:14-27.
[8] Brown MR, Fenton EM, Watkins WM. Tetracycline-sensitive
polymyxin-resistant Pseudomonas aeruginosa. Lancet 1972;2:86.
■ Contre-indications et précautions [9] Conrad RS, Galanos C. Fatty acid alterations and polymyxin B binding
by lipopolysaccharides from Pseudomonas aeruginosa adapted to
d’emploi polymyxin B resistance. Antimicrob Agents Chemother 1989;33:
1724-8.
Pour les formes utilisées par voie locale [10] Moore RA, Chan L, Hancock RE. Evidence for two distinct
mechanisms of resistance to polymyxin B in Pseudomonas aeruginosa.
L’allergie aux polymyxines et la myasthénie contre-indiquent Antimicrob Agents Chemother 1984;26:539-45.
l’utilisation des polymyxines. La forme orale est contre- [11] Gunn JS, Lim KB, Krueger J, Kim K, Guo L, Hackett M, et al. PmrA-
indiquée en cas d’hypersensibilité ou d’intolérance au gluten, en PmrB-regulated genes necessary for 4-aminoarabinose lipid A modifi-
raison de la présence d’amidon de blé dans l’excipient. cation and polymyxin resistance. Mol Microbiol 1998;27:1171-82.

Maladies infectieuses 5
8-004-J-10 ¶ Polymyxines

[12] Denton M, Kerr K, Mooney L, Keer V, Rajgopal A, Brownlee K, et al. [34] Michalopoulos A, Kasiakou SK, Mastora Z, Rellos K, Kapaskelis AM,
Transmission of colistin-resistant Pseudomonas aeruginosa between Falagas ME. Aerosolized colistin for the treatment of nosocomial
patients attending a pediatric cystic fibrosis center. Pediatr Pulmonol pneumonia due to multidrug-resistant Gram-negative bacteria in
2002;34:257-61. patients without cystic fibrosis. Crit Care 2005;9:R53-R59.
[13] Tamm M, Eich C, Frei R, Gilgen S, Breitenbucher A, Mordasini C. [35] Green ST, Nathwani D, Gourlay Y, McMenamin J, Goldberg DJ,
Inhaled colistin in cystic fibrosis. Schweiz Med Wochenschr 2000;130: Kennedy DH. Nebulized colistin (polymyxin E) for AIDS-associated
1366-72. Pseudomonas aeruginosa pneumonia. Int J STD AIDS 1992;3:130-1.
[14] Littlewood JM, Koch C, Lambert PA, Hoiby N, Elborn JS, Conway SP, [36] Zylberberg H, Vargaftig J, Barbieux C, Pertuiset N, Rothschild C,
et al. A ten year review of colomycin. Respir Med 2000;94:632-40. Viard JP. Prolonged efficiency of secondary prophylaxis with colistin
[15] Evans ME, Feola DJ, Rapp RP. Polymyxin B sulfate and colistin: old aerosols for respiratory infection due to Pseudomonas aeruginosa in
antibiotics for emerging multiresistant Gram-negative bacteria. Ann patients infected with human immunodeficiency virus. Clin Infect Dis
Pharmacother 1999;33:960-7. 1996;23:641-3.
[16] Rynn C, Wootton M, Bowker KE, Alan Holt H, Reeves DS. In vitro [37] Vasen W, Desmery P, Ilutovich S, Di Martino A. Intrathecal use of
assessment of colistin’s antipseudomonal antimicrobial interactions colistin. J Clin Microbiol 2000;38:3523.
with other antibiotics. Clin Microbiol Infect 1999;5:32-6. [38] Quinn AL, Parada JP, Belmares J, O’Keefe JP. Intrathecal colistin and
[17] Stratton CW. Mechanisms of action for antimicrobial agents: general sterilization of resistant Pseudomonas aeruginosa shunt infection. Ann
principles and mechanisms for selected classes of antibiotics. In: Pharmacother 2005;39:949-52.
Lorian V, editor. Antibiotics in laboratory medicine. New York: [39] Gump WC, Walsh JW. Intrathecal colistin for treatment of highly
Williams and Wilkins; 1996. p. 579-603. resistant Pseudomonas ventriculitis. Case report and review of the
literature. J Neurosurg 2005;102:915-7.
[18] Giamarellos-Bourboulis EJ, Karnesis L, Giamarellou H. Synergy of
[40] Kasiakou SK, Rafailidis PI, Liaropoulos K, Falagas ME. Cure of post-
colistin with rifampin and trimethoprim/sulfamethoxazole on
traumatic recurrent multiresistant Gram-negative rod meningitis with
multidrug-resistant Stenotrophomonas maltophilia. Diagn Microbiol
intraventricular colistin. J Infect 2005;50:348-52.
Infect Dis 2002;44:259-63.
[41] Storring RA, Jameson B, McElwain TJ, Wiltshaw E. Oral non-absorbed
[19] Giamarellos-Bourboulis EJ, Xirouchaki E, Giamarellou H. Interactions antibiotics prevent infection in acute non-lymphoblastic leukaemia.
of colistin and rifampin on multidrug-resistant Acinetobacter Lancet 1977;2:837-40.
baumannii. Diagn Microbiol Infect Dis 2001;40:117-20. [42] Prentice HG, Hann IM, Nazareth B, Paterson P, Bhamra A, Kibbler CC.
[20] Gunderson BW, Ibrahim KH, Hovde LB, Fromm TL, Reed MD, Oral ciprofloxacin plus colistin: prophylaxis against bacterial infection
Rotschafer JC. Synergistic activity of colistin and ceftazidime against in neutropenic patients. A strategy for the prevention of emergence of
multiantibiotic-resistant Pseudomonas aeruginosa in an in vitro antimicrobial resistance. Br J Haematol 2001;115:46-52.
pharmacodynamic model. Antimicrob Agents Chemother 2003;47: [43] Quinio B, Albanese J, Bues-Charbit M, Viviand X, Martin C. Selective
905-9. decontamination of the digestive tract in multiple trauma patients. A
[21] Tascini C, Ferranti S, Messina F, Menichetti F. In vitro and in vivo prospective double-blind, randomized, placebo-controlled study. Chest
synergistic activity of colistin, rifampin, and amikacin against a 1996;109:765-72.
multiresistant Pseudomonas aeruginosa isolate. Clin Microbiol Infect [44] Bergmans DC, Bonten MJ, Gaillard CA, Paling JC, van der Geest S,
2000;6:690-1. van Tiel FH, et al. Prevention of ventilator-associated pneumonia by
[22] Li J, Milne RW, Nation RL, Turnidge JD, Coulthard K, Valentine J. oral decontamination: a prospective, randomized, double-blind,
Simple method for assaying colistin methanesulfonate in plasma and placebo-controlled study. Am J Respir Crit Care Med 2001;164:382-8.
urine using high-performance liquid chromatography. Antimicrob [45] Michalopoulos A, Kasiakou S, Rosmarakis E, Falagas M. Cure of
Agents Chemother 2002;46:3304-7. multidrug-resistant Acinetobacter baumannii bacteraemia with
[23] Goodwin NJ, Friedman EA. The effects of renal impairment, peritoneal continuous intravenous infusion of colistin. Scand J Infect Dis 2005;
dialysis, and hemodialysis on serum sodium colistimethate levels. Ann 37:142-5.
Intern Med 1968;68:984-94. [46] Levin AS, Barone AA, Penco J, Santos MV, Marinho IS, Arruda EA,
[24] Li J, Coulthard K, Milne R, Nation RL, Conway S, Peckham D, et al. et al. Intravenous colistin as therapy for nosocomial infections caused
Steady-state pharmacokinetics of intravenous colistin by multidrug-resistant Pseudomonas aeruginosa and Acineto-
methanesulphonate in patients with cystic fibrosis. J Antimicrob bacter baumannii. Clin Infect Dis 1999;28:1008-11.
Chemother 2003;52:987-92. [47] Garnacho-Montero J, Ortiz-Leyba C, Jimenez-Jimenez FJ, Barrero-
[25] Kunin CM, Bugg A. Binding of polymyxin antibiotics to tissues: the Almodovar AE, Garcia-Garmendia JL, Bernabeu-WittelI M, et al.
major determinant of distribution and persistence in the body. J Infect Treatment of multidrug-resistant Acinetobacter baumannii ventilator-
Dis 1971;124:394-400. associated pneumonia (VAP) with intravenous colistin: a comparison
[26] Amir S, Sasson S, Kaiser N, Meyerovitch J, Shechter Y. Polymyxin B with imipenem-susceptible VAP. Clin Infect Dis 2003;36:1111-8.
is an inhibitor of insulin-induced hypoglycemia in the whole animal [48] Michalopoulos AS, Tsiodras S, Rellos K, Mentzelopoulos S,
Falagas ME. Colistin treatment in patients with ICU-acquired infec-
model. Studies on the mode of inhibitory action. J Biol Chem 1987;
tions caused by multiresistant Gram-negative bacteria: the renaissance
262:6663-7.
of an old antibiotic. Clin Microbiol Infect 2005;11:115-21.
[27] Jimenez-Mejias ME, Pichardo-Guerrero C, Marquez-Rivas FJ, Martin-
[49] Conway SP, Pond MN, Watson A, Etherington C, Robey HL,
Lozano D, Prados T. Pachon. J. Cerebrospinal fluid penetration and
Goldman MH. Intravenous colistin sulphomethate in acute respiratory
pharmacokinetic/pharmacodynamic parameters of intravenously exacerbations in adult patients with cystic fibrosis. Thorax 1997;52:
administered colistin in a case of multidrug-resistant 987-93.
Acinetobacter baumannii meningitis. Eur J Clin Microbiol Infect Dis [50] Ledson MJ, Gallagher MJ, Cowperthwaite C, Convery RP,
2002;21:212-4. Walshaw MJ. Four years’ experience of intravenous colomycin in an
[28] Falagas ME, Kasiakou SK. Colistin: the revival of polymyxins for the adult cystic fibrosis unit. Eur Respir J 1998;12:592-4.
management of multidrug-resistant Gram-negative bacterial infec- [51] Stein A, Raoult D. Colistin: an antimicrobial for the 21st century? Clin
tions. Clin Infect Dis 2005;40:1333-41. Infect Dis 2002;35:901-2.
[29] Reed MD. The pharmacokinetics of colistin in patients with cystic [52] Maddison J, Dodd M, Webb AK. Nebulized colistin causes chest
fibrosis. J Clin Pharmacol 2001;41:645-54. tightness in adults with cystic fibrosis. Respir Med 1994;88:145-7.
[30] Westerman EM, Le Brun PP, Touw DJ, Frijlink HW, Heijerman HG. [53] Alothman GA, Ho B, Alsaadi MM, Ho SL, O’Drowsky L, Louca E,
Effect of nebulized colistin sulphate and colistin sulphomethate on lung et al. Bronchial constriction and inhaled colistin in cystic fibrosis. Chest
function in patients with cystic fibrosis: a pilot study. J Cyst Fibros 2005;127:522-9.
2004;3:23-8. [54] Cunningham S, Prasad A, Collyer L, Carr S, Lynn IB, Wallis C.
[31] Marguet C. Conférence de consensus : prise en charge du patient atteint Bronchoconstriction following nebulised colistin in cystic fibrosis.
de mucoviscidose, novembre 2002. Arch Pediatr 2003;10:S317-S379. Arch Dis Child 2001;84:432-3.
[32] Hodson ME, Gallagher CG, Govan JR. A randomised clinical trial of [55] Anthony MA, Louis DL. Apnea due to intramuscular colistin therapy.
nebulised tobramycin or colistin in cystic fibrosis. Eur Respir J 2002; Report of a case. Ohio State Med J 1966;62:336-8.
20:658-64. [56] Decker DA, Fincham RW. Respiratory arrest in myasthenia gravis with
[33] Hamer DH. Treatment of nosocomial pneumonia and tracheobronchitis colistimethate therapy. Arch Neurol 1971;25:141-4.
caused by multidrug-resistant Pseudomonas aeruginosa with [57] Gabrielson RM. Colistin and ototoxicity. Drug Intell Clin Pharm 1983;
aerosolized colistin. Am J Respir Crit Care Med 2000;162:328-30. 17:48.

6 Maladies infectieuses
Polymyxines ¶ 8-004-J-10

[58] Inoue A, Shoji A. Allergic contact dermatitis from colistin. Contact [63] Ouderkirk JP, Nord JA, Turett GS, Kislak JW. Polymyxin B
Dermatitis 1995;33:200. nephrotoxicity and efficacy against nosocomial infections caused by
[59] Sasaki S, Mitsuhashi Y, Kondo S. Contact dermatitis due to sodium multiresistant Gram-negative bacteria. Antimicrob Agents Chemother
colistimethate. J Dermatol 1998;25:415-7. 2003;47:2659-62.
[60] Wolinsky E, Hines JD. Neurotoxic and nephrotoxic effects of colistin in [64] Lindesmith LA, Baines Jr. RD, Bigelow DB, Petty TL. Reversible
patients with renal disease. N Engl J Med 1962;266:759-62. respiratory paralysis associated with polymyxin therapy. Ann Intern
[61] Koch-Weser J, Sidel VW, Federman EB, Kanarek P, Finer DC, Med 1968;68:318-27.
Eaton AE. Adverse effects of sodium colistimethate. Manifestations [65] Snavely SR, Hodges GR. The neurotoxicity of antibacterial agents. Ann
and specific reaction rates during 317 courses of therapy. Ann Intern Intern Med 1984;101:92-104.
Med 1970;72:857-68. [66] Klingemann HG, Egbring R, Kaffarnik H. Effects of polymyxin B and
[62] Craig WA, Kunin CM. Significance of serum protein and tissue binding E (colistin) on blood coagulation, thrombocyte function, and fibrin
of antimicrobial agents. Annu Rev Med 1976;27:287-300. structure. Arzneimittelforschung 1980;30:1719-21.

A. Sotto (albert.sotto@chu-nimes.fr).
Service de médecine interne B, Groupe hospitalo-universitaire de Carémeau, place du Professeur-Debré, 30029 Nîmes cedex 09, France.
J.-P. Lavigne.
Laboratoire de bactériologie, virologie, parasitologie, Groupe hospitalo-universitaire de Carémeau, place du Professeur-Debré, 30029 Nîmes cedex 09,
France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Sotto A., Lavigne J.-P. Polymyxines. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-004-J-10,
2007.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Maladies infectieuses 7
 8-004-J-20

Acide fusidique
V. Gendrin

L’acide fusidique est un antibiotique antistaphylococcique. Son activité puissante contre les cocci à
Gram positif inclut les Staphylocoques dorés résistant à la méticilline (SARM). La proportion de souches
résistantes augmente progressivement, ce qui implique que l’acide fusidique ne soit prescrit qu’après anti-
biogramme dans les infections systémiques. L’acide fusidique doit être associé à d’autres antibiotiques
(aminosides, glycopeptides, fluoroquinolones, etc.) pour prévenir l’émergence de mutants résistants. La
voie intraveineuse est utilisée pour le traitement des infections sévères à SARM (ostéite, arthrite, bac-
tériémie) en excluant les méningites et les infections urinaires. La forme orale est intéressante dans le
traitement de relais des infections ostéo-articulaires.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Acide fusidique ; Antibiotique antistaphylococcique ; Staphylocoque résistant à la méticilline ;


Ostéoarthrite ; Bactériémie

Plan l’eau. Le fusidate de sodium utilisé en thérapeutique est hydro-


soluble et liposoluble, ce qui lui confère une bonne distribution
■ Introduction 1 tissulaire.
■ Structure et propriétés physicochimiques 1


Pharmacocinétique 1
 Pharmacocinétique
Mode d’action, spectre antibactérien et résistances 2
Mode d’action 2 L’administration intraveineuse de 500 mg d’acide fusidique
Spectre d’activité antibactérienne 2 donne une concentration plasmatique 100 fois supérieure aux
Résistances bactériennes à l’acide fusidique 2 cmI des staphylocoques [1] . Les principaux paramètres pharma-
Acide fusidique et association d’antibiotiques 2 cologiques après injection intraveineuse figurent au Tableau 1.
■ Tolérance 2 La demi-vie plasmatique est d’environ 14 heures. En prises répé-
■ Principales indications cliniques 3 tées, les taux plasmatiques témoignent d’une pharmacocinétique
non linéaire de l’acide fusidique, avec diminution de la clairance
■ Mode d’administration : posologie 3
d’élimination du produit. En conséquence, les concentrations
■ Conclusion 3 plasmatiques résiduelles et les pics de concentration obtenus en
administrations répétées sont plus élevés que ne le laissait prévoir
la pharmacocinétique de la prise unique. Lors de l’administration
orale unique de 500 mg d’acide fusidique, la concentration
 Introduction maximale est de 33 ± 3,2 mg/l, obtenue 2,1 ± 0,3 heures après
l’ingestion. La demi-vie est de 16 ± 3,5 heures. Après administra-
Seul représentant de la classe des fusidanines, l’acide fusidique tion orale, la biodisponibilité est de l’ordre de 90 % [2] . L’acide
est un antibiotique de structure stéroïdienne dont le spectre fusidique est fortement lié aux protéines plasmatiques (97 %). La
d’activité intéresse les bactéries à Gram positif, en particulier les distribution de l’acide fusidique est particulièrement bonne dans
staphylocoques. Il est isolé en 1962 à partir de filtrats de culture les tissus mous, l’os, le liquide synovial, la plèvre. Au décours
de Fusidium coccineum et est apparenté par sa structure à la cépha- d’une intervention en chirurgie cardiaque, après injection unique
losporine P1, obtenue à partir de Cephalosporium acremonium et de 500 mg, des concentrations plasmatiques de 32,4 ± 10,8 mg/l
à l’acide helvolique. Depuis vingt ans, l’évolution des multirésis- et des concentrations myocardiques (auricule) de 10,7 ± 4,2 mg/g
tances des staphylocoques et la mise au point de nouvelles formes sont observées, le rapport des concentrations tissulaires et plas-
galéniques ont donné un regain d’intérêt à cette molécule. matiques étant identique à celui du céfamandole [3] . De faibles
quantités de principe actif sont retrouvées dans le cerveau, le lait et
le placenta, mais l’acide fusidique diffuse peu dans le liquide céré-
 Structure et propriétés brospinal (LCS). Après métabolisation hépatique à 95 %, l’acide
fusidique est éliminé dans la bile où il se concentre (4 fois à 12
physicochimiques fois les taux plasmatiques), sous forme de différents métabolites
dont certains conservent une activité antibactérienne. Deux pour
L’acide fusidique est un acide monocarboxylique de pK = 5,3, cent de la dose administrée sont éliminés dans les urines sous
non saturé auquel sa structure stéroïde confère des propriétés sur- forme inactive. La pharmacocinétique n’est donc pas modifiée
factives. C’est un composé cristallin, incolore, peu soluble dans chez le sujet âgé et en cas d’insuffisance rénale. En revanche,

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 9 > n◦ 2 > mai 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)50181-X
8-004-J-20  Acide fusidique

Tableau 1. Résistances bactériennes à l’acide fusidique


Principaux paramètres pharmacologiques de l’acide fusidique après injec-
tion unique (500 mg) et injections répétées (500 mg/8 h) [1] . La résistance naturelle des bacilles à Gram négatif est le fait
d’une imperméabilité non spécifique de leur paroi bactérienne.
Injection Injections
unique répétées
Chez les bactéries à Gram positif, une résistance est facilement
obtenue in vitro par passage sur des milieux contenant des
C max (␮g/l) 52,4 ± 4,7 123,1 ± 11,6 concentrations croissantes de la molécule. Elle est due à la pré-
Demi-vie (h) 9,8 ± 0,7 14,2 ± 1,9 sence de mutants chromosomiques porteurs d’une translocase
Clairance rénale (ml/min) 21,8 ± 2,1 11,1 ± 1,2 altérée (gène FusA). La proportion de mutant est de l’ordre de
Volume de distribution (l/kg) 0,30 ± 0,04 0,21 ± 0,02 1 pour 107 -108 . Deux autres mécanismes ont été décrit (FusB et
FusC), entraînant l’expression de protéines protégeant le site de
C max : concentration maximale. liaison de l’acide fusidique [9] .
La prévalence de souches de S. aureus résistants à l’acide fusi-
dique était de 5 % en 1996 dans une grande étude multicentrique
chez les patients porteurs d’une pathologie hépatique ou biliaire,
internationale, avec une grande variabilité géographique [10] .
l’acide fusidique doit être utilisé avec précaution, et des contrôles
Depuis, des épidémies clonales de S. aureus résistant à l’acide fusi-
réguliers du bilan hépatique sont recommandés [4] . L’insuffisance
dique ont été décrites dans toute l’Europe, rendant l’efficacité de
hépatocellulaire représente une contre-indication à l’utilisation
cet antibiotique plus aléatoire. Plusieurs études montrent un lien
de l’acide fusidique.
entre l’utilisation de l’acide fusidique en monothérapie (essen-
tiellement sous forme topique, mais aussi par voie générale) et
l’émergence de résistances vis-à-vis de cet antibiotique, aussi bien
 Mode d’action, spectre chez S. aureus résistant que sensible à la méticilline [11] .
Par ailleurs, depuis les années 1990, ont émergé à l’échelle
antibactérien et résistances mondiale des souches de SARM dites communautaires (SARM-C),
car elles infectent des patients qui n’ont aucun facteur de risque
Mode d’action traditionnel d’acquisition de SARM (pas d’hospitalisation ni
L’acide fusidique agit sur la synthèse protéique en inhibant le d’antibiothérapie préalable). Ces souches de SARM-C sont très
facteur d’élongation EF-G (translocase), ce qui bloque la traduc- fréquentes dans certains pays (États-Unis, Afrique de Nord, Grèce),
tion de l’acide ribonucléique (ARN) messager, au niveau de la et plus rares dans d’autres (Grande-Bretagne, France), mais sont
sous-unité 50 S du ribosome [5] . Cette activité est bactériostatique, globalement de plus en plus fréquentes parmi les infections com-
mais devient bactéricide à forte concentration (de 2 fois à 32 fois la munautaires à S. aureus. La souche de SARM-C majoritaire en
cmI). Ce mode d’action très spécifique explique l’absence de résis- France présente un profil de résistance aux antibiotiques très par-
tance croisée entre l’acide fusidique et les autres antibiotiques, en ticulier qui permet son identification de façon aisée : résistance à
particulier la méticilline. la pénicilline, l’oxacilline, la kanamycine, la tétracycline et pro-
fil intermédiaire pour l’acide fusidique. Cette identification est
d’autant plus importante que ces souches peuvent être sécrétrices
Spectre d’activité antibactérienne [6–8] d’une toxine (la leucocidine de Panton Valentine), et provoquer
des infections nécrosantes sévères au niveau pulmonaire, cutané
L’acide fusidique agit sur les cocci et bacilles à Gram positif et osseux.
et sur les cocci à Gram négatif (Tableau 2). Les valeurs critiques Un autre clone de SARM à la fois hospitalier et communautaire
retenues par le Comité de l’antibiogramme sont comprises entre diffuse également actuellement. Il possède le gène codant pour la
2 mg/l et 16 mg/l. Parmi les staphylocoques, les cmI les plus basses toxine du choc toxique staphylococcique et présente également
sont obtenues avec S. aureus (CMI90 = 0,06 mg/l), les staphylo- un profil de résistance particulier aux antibiotiques : résistance à
coques à coagulase négative étant légèrement moins sensibles la pénicilline, l’oxacilline, la kanamycine, la tobramycine et profil
(CMI90 = 1 mg/l). Les cmB sont comprises chez les staphylocoques intermédiaire pour l’acide fusidique [12–16] .
entre deux fois et 16 fois la cmI.
Les autres espèces sensibles avec des cmI basses sont les
Clostridium (CMI90 = 0,12 mg/l), les corynebactéries, les Neisseria,
Propionibacterium acnes et certains Bacteroides.
Acide fusidique et association d’antibiotiques
L’utilisation de l’acide fusidique en association est conseillée
afin de prévenir l’émergence de mutants résistants. Les résultats
Tableau 2.
des études d’associations sont souvent discordants selon la tech-
Concentrations minimales inhibitrices (CMI) de l’acide fusidique vis-à-vis
nique utilisée. Parmi les études publiées, on retrouve rarement
des principales espèces bactériennes [17] .
un effet synergique ou un antagonisme en association avec la
Espèce Écart des CMI (mg/l) vancomycine, la fosfomycine ou la rifampicine [17–19] . L’émergence
S. aureus 0,03-0,06 de souches résistantes est rare lors de l’utilisation de ces associa-
tions [10] .
S. méti R 0,06-0,5
S. epidermidis méti S 0,03-0,06
S. epidermidis méti R 0,03-32
S. viridans 1-6  Tolérance
S. pneumoniae 2-16
Par voie orale, l’acide fusidique entraîne des troubles diges-
N. meningitidis 0,06-0,25 tifs (nausées, diarrhées, vomissements) chez environ dix pour
N. gonorrheae 0,03-0,005 cent des patients. L’acide fusidique peut entraîner des hépatites
C. diphteriae 0,004-0,005 cholestatiques dose dépendantes, qui sont d’avantage associées à
Bacteroides fragilis 0,5-16 l’administration par voie intraveineuse et sont réversibles à l’arrêt
du traitement. Une surveillance du bilan hépatique est recom-
Clostridium perfringens 0,06-1
mandée chez les patients présentant une pathologie hépatique ou
Clostridium difficile 0,5-64 biliaire, et chez ceux recevant un traitement prolongé ou à forte
Peptostreptococcus 0,06-2 dose [4] . Ce produit est irritant pour la paroi veineuse nécessitant
F. necrophorum 16-32 de diluer les 500 mg de poudre dans 250 ml au moins et de le per-
Enterobactéries 100 fuser lentement sur deux heures. De rares cas d’éruptions cutanées
allergiques ou de toxicité hématologique ont été décrit [4] .

2 EMC - Maladies infectieuses


Acide fusidique  8-004-J-20

 Principales indications cliniques  Références


Les indications essentielles de l’acide fusidique sont les infec- [1] Taburet AM, Guibert J, Kitzis MP, Sorensen H, Acar JF, Singlas E.
tions staphylococciques. Dans les infections ostéo-articulaires (y Pharmacokinetics of sodium fusidate after single and repeated infu-
compris sur matériel), il existe une expérience clinique importante sions and oral administration of a new formulation. J Antimicrob
avec la forme orale [20–23] . Dans les endocardites et les bactérié- Chemother 1990;25(supplB):23–31.
mies, l’acide fusidique a également été employé avec succès, en [2] Garrod LP, Lambert HP, O’Grady F. Fusidanes. Antibio Chemother
particulier chez l’enfant, que ce soit en première intention ou 1981;5:220–37.
[3] Bergeron MG, Desaulnier D, Lessard C, Lemieux M, Despre JP, Metras
en traitement de relais [24, 25] , néanmoins il ne fait pas partie des
I, et al. Concentrations of fusidic acid, cloxacillin and cefamendole
traitements de première intention des endocardites à staphylo- in sera and atrial appendages of patients undergoing cardiac surgery.
coques [26] . La mise sur le marché de la forme injectable a permis Antimicrob Agents Chemother 1985;27:928–32.
le traitement des états infectieux sévères documentés à staphy- [4] Fusidic acid. In: Martindale, the complete drug reference. New York:
locoque, toujours en association avec un autre antibiotique [27, 28] The Pharmaceutical Press; 2007.
pour limiter le risque de sélection de mutants résistants. [5] Tanaka N, Kinoshita T, Masokawa H. Mechanism of protein synthesis
Les formes pommades et crèmes sont indiquées dans le inhibition by fusidic acid and related antibiotic. Biochem Biophys Res
traitement des infections cutanées staphylococciques et strepto- Commun 1968;30:278–83.
cocciques. Il n’est pas recommandé d’utiliser des topiques à bases [6] Canzi AM, Weber P, Boussougant Y. Activité de l’acide fusidique sur
d’antibiotiques pour les plaies chroniques et pour les plaies chi- les bactéries anaérobies strictes. Pathol Biol 1987;35:577–80.
rurgicales [29] . [7] Del Bene VE, John JF, Twitty JA, Lewis JW. Anti staphylococcal acti-
vity of teicoplanin, vancomycin and other antimicrobial agents. The
significance of methicillin resistance. J Infect Dis 1986;154:349–52.
 Mode d’administration : [8] Verbist L. The antimicrobial activity of fusidic acid. J Antimicrob
Chemother 1990;25(supplB):1–5.
posologie [9] Lannergard J, Norstrom T, Hughes D. Genetic determinants of
resistance to fusidic acid among clinical bacteremia isolates of Sta-
L’acide fusidique (Fucidine® ) est présenté en comprimés pelli- phylococcus aureus. Antimicrob Agents Chemother 2009;53:2059–65.
culés dosés à 250 mg, en suspension buvable pédiatrique et en [10] Zinn CS, Westh H, Rosdahl VT, Sarisa Study Group. An international
ampoule injectable de 500 mg. Par voie locale, on dispose d’un multicenter study of antimicrobial resistance and typing of hospital
Staphylococcus aureus isolates from 21 laboratories in 19 countries or
gel ophtalmique (Fucithalmic® à 1 %), d’une pommade et d’une
states. Microb Drug Resist 2004;10:160–8.
crème. La forme pommade ne doit pas être utilisée sur les lésions [11] Howden BP, Grayson ML. Dumb and dumber–the potential waste of
suintantes et macérées. Par voie orale, chez l’enfant, la posologie a useful antistaphylococcal agent: emerging fusidic acid resistance in
recommandée d’acide fusidique est de 30 mg/kg/j à 60 mg/kg/j à Staphylococcus aureus. Clin Infect Dis 2006;42:394–400.
diviser en deux prises à trois prises. Chez l’adulte, la posologie [12] Dumitrescu O, Dauwalder O, Boisset S, Reverdy ME, Tristan A, Van-
orale recommandée est de 1 g/j à 1,5 g/j, en deux prises à trois denesch F. Résistance aux antibiotiques chez Staphylococcus aureus :
prises, en fonction de la gravité de l’infection traitée [30] . La forme les points-clés en 2010. Med Sci 2010;26:943–9.
injectable nécessite une perfusion par voie intraveineuse lente de [13] Vandenesch F, Naimi T, Enright MC, Lina G, Nimmo GR, Heffer-
deux heures, le produit étant dilué dans au moins 250 ml de sérum nan H, et al. Community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus
physiologique ou de glucosé à 5 % ; l’apport sodé est non négli- aureus carrying Panton-Valentine leukocidin genes: worldwide emer-
geable. La posologie habituelle est de 500 mg trois fois par jour gence. Emerg Infect Dis 2003;9:978–84.
chez l’adulte et de 20 mg/kg/j à 40 mg/kg/j chez l’enfant. Il n’y a [14] Dufour P, Gillet Y, Bes M, Lina G, Vandenesch F, Floret D, et al.
pas d’adaptation de la posologie chez l’insuffisant rénal. Community-acquired methicillin-resistant Staphylococcus aureus
infections in France: emergence of a single clone that produces Panton-
Valentine leukocidin. Clin Infect Dis 2002;35:819–24.
 Conclusion [15] Dauwalder O, Lina G, Durand G, Bes M, Meugnier H, Jarlier V,
et al. Epidemiology of invasive methicillin-resistant Staphylococcus
aureus clones collected in France in 2006 and 2007. J Clin Microbiol
L’acide fusidique reste une alternative thérapeutique intéres- 2008;46:3454–8.
sante dans le traitement des infections bactériémiques ou osseuses [16] Durand G, Bes M, Meugnier H, Enright MC, Forey F, Liassine N,
à staphylocoques méticillino-résistants, mais toujours en asso- et al. Detection of new methicillin-resistant Staphylococcus aureus
ciation en particulier avec les glycopeptides. L’augmentation de clones containing the toxic shock syndrome toxin 1 gene responsible
la fréquence des résistances impose la réalisation d’un antibio- for hospital- and community-acquired infections in France. J Clin
gramme avant la prescription de cet antibiotique. L’utilisation Microbiol 2006;44:847–53.
en monothérapie, y compris sous forme topique, est associée à [17] Caillon J, Drugeon HB. L’acide fusidique : le point de vue du bacté-
l’émergence de résistances. riologiste. Lettre Infectiol 1994;9:284–8.
[18] Farber BF, Yee YC, Karchmer AW. Interaction between rifampin and
fusidic acid against methicillin resistant coagulase positive and nega-

“ Points essentiels [19]


tive staphylococci. Antimicrob Agents Chemother 1986;30:174–5.
Foldes M, Munro R, Sorbell TC, Shankers S, Toohey M. In vitro effects
of vancomycin, rifampicin and fusidic acid, alone and in combina-
tion, against methicilllin resistant Staphylococcus aureus. J Antimicrob
• L’acide fusidique est un antibiotique essentiellement uti- Chemother 1983;11:21–6.
lisable sur les staphylocoques dorés et les staphylocoques [20] Coombs RB, Mehtar S, Menday AP. Fusidic acid in orthopedics. Cur-
à coagulase négative, après antibiogramme. rent Therapeutic Research 1987;42:501–8.
• Il doit être utilisé en association sous peine de sélection- [21] Troisième conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse.
Les infections bactériennes ostéo-articulaires en dehors des infections
ner rapidement des mutants résistants (risque également
à mycobactéries. Med Mal Infect 1991;21:37-44.
présent lors de l’utilisation des formes topiques). [22] Recommandations de pratique clinique : infections ostéo-articulaires
• Il diffuse bien dans les différents tissus de l’organisme sur matériel (prothèse, implant, ostéosynthèse). Texte long. Med Mal
(tissu osseux, tissu mous...), à l’exception du LCS et des Infect 2009;39:815-63.
urines. [23] Recommandations de pratique clinique : spondylodiscites primitives
• Ses effets indésirables principaux sont sa toxicité hépa- et secondaires à un geste intra discal sans mise en place de matériel.
Texte court. Med Mal Infect 2007;37:554-72.
tique et parfois des troubles digestifs.
[24] Eykin SJ. Staphylococcal bacteremia and endocarditis and fusidic acid.
• Les indications de choix sont les infections ostéo-
J Antimicrob Chemother 1990;25(supplB):33–8.
articulaires. [25] Moy RJ, George RH, De Giovanni JV, Silove ED. Improving survival
in bacterial endocarditis. Arch Dis Child 1986;61:394–9.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-004-J-20  Acide fusidique

[26] Habib G, Hoen B, Tornos P, Thuny F, Prendergast B, Vilacosta I. [29] Prescriptions des antibiotiques par voie locale dans les infections
Guidelines on the prevention, diagnosis, and treatment of infective cutanées bactériennes primitives et secondaires. Recommandations.
endocarditis (new version 2009): the Task Force on the Prevention, Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé. Juillet
Diagnosis, and Treatment of Infective Endocarditis of the European 2004.
Society of Cardiology (ESC). Endorsed by the European Society of [30] Acide fusidique. Résumé des Caractéristiques du Produit. Dictionnaire
Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID) and the VIDAL médicaments; 2011.
International Society of Chemotherapy (ISC) for Infection and Cancer.
Eur Heart J 2009;30:2369–413.
[27] Portier H. A multicenter open clinical trial of a new intravenous formu- Pour en savoir plus
lation of fusidic acid in severe staphylococcal infections. J Antimicrob
Chemother 1990;25(supplB):35–44. Acide fusidique. In: Karie S, Launay-Vacher V, Deray G editors. GPR Anti-
[28] Portier H, Chavanet P, Kisterman JP. L’acide fusidique : le point de vue bactériens (guide de prescription des médicaments chez le patient
du clinicien. Lettre Infectiol 1994;9:286–91. insuffisant rénal). Paris: Méditions International; 2005. p. 286-7.

V. Gendrin, Assistant hospitalier, chef de clinique universitaire (v.gendrin@chu-nancy.fr).


Service de maladies infectieuses et tropicales, Bâtiment Philippe Canton, Hôpitaux de Brabois, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gendrin V. Acide fusidique. EMC - Maladies infectieuses 2012;9(2):1-4 [Article 8-004-J-20].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

4 EMC - Maladies infectieuses


 8-004-J-30

Fosfomycine
V. Gendrin

La fosfomycine est un antibiotique à large spectre. Son activité antibactérienne inclut les cocci à Gram
positif, dont certains Staphylococcus aureus méticillinorésistants (SAMR), et les pneumocoques et les
bacilles à Gram négatif, dont certains bacilles pyocyaniques. L’utilisation de la fosfomycine par voie
injectable dans les infections graves est possible uniquement en association avec d’autres antibiotiques
(bêtalactamines, aminosides, glycopeptides, etc.). Les études de ces associations in vitro varient selon les
techniques utilisées. Cependant, la fosfomycine demeure un antibiotique utile du fait de sa faible toxicité
et sa bonne pénétration tissulaire, notamment dans les méninges, les végétations cardiaques et l’os.
L’utilisation dans les infections graves est cependant conditionnée par les résultats de l’antibiogramme
du fait d’une fréquence croissante des souches résistantes. La fosfomycine trométamol, forme orale, est
indiquée exclusivement en traitement monodose de la cystite aiguë chez la jeune femme.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fosfomycine ; Fosfomycine trométamol ; Staphylocoques méti-R ; Méningite postopératoire ;


Cystite

Plan  Structure et propriétés


■ Introduction 1 physicochimiques
■ Structure et propriétés physicochimiques 1 La forme injectable, la fosfomycine sodique se présente sous
■ Pharmacocinétique 1 forme d’une fine poudre blanche facilement soluble dans l’eau,
Dosage 1 stable pendant 24 heures dans les solutions de chlorure de sodium
Diffusion 1 à 0,9 % et de glucose à 5 %, et dont le faible poids moléculaire
■ Mode d’action, spectre antibactérien, résistances (138) contribue à sa bonne distribution tissulaire. Il possède les
et association 2 caractéristiques d’un acide faible. Un flacon de 1 g de fosfomy-
Mode d’action 2 cine apporte 14,4 mmol de sodium (0,33 g). La forme orale, la
Spectre antibactérien et mécanismes de résistances 2 fosfomycine trométamol possède un poids moléculaire de 259,2.
Associations 2 Elle se présente sous forme de poudre cristalline, très soluble dans

l’eau et est stable pendant deux ans dans des containers clos. Un
Tolérance 2
sachet de 3 grammes de fosfomycine trométamol contient 2,2 g
■ Indications cliniques 3 de saccharose.
■ Mode d’administration. Posologie 3
■ Conclusion 3
 Pharmacocinétique
Dosage
 Introduction La méthode habituellement utilisée pour doser la fosfomycine
dans les liquides biologiques est une méthode microbiologique
La fosfomycine est isolée pour la première fois en 1969 sous le (germe test : Proteus mirabilis ATCC 21100).
nom de phosphonomycine à partir de colonies de Streptomyces
fradiae provenant d’échantillons de terre prélevés dans la pro-
vince d’Alicante. Sa structure chimique est alors connue et la Diffusion
fosfomycine fait rapidement l’objet d’une synthèse directe [1] . La
fosfomycine sodique commercialisée en France n’est utilisable que Fosfomycine disodique par voie intraveineuse
par voie parentérale. Son utilisation est limitée au traitement des Les concentrations plasmatiques sont proportionnelles à la dose
infections sévères en milieu hospitalier, et toujours en associa- administrée. La perfusion intraveineuse lente (1 g/h) présente
tion. La fosfomycine trométamol a été développée au début des des avantages par rapport à la voie veineuse directe : phase de
années 1990 pour permettre l’utilisation orale de la molécule. Son décroissance moins rapide, meilleur étalement des concentrations
utilisation en prise unique est limitée au traitement de la cys- plasmatiques. Après une perfusion continue de 4 g en 4 heures,
tite aiguë non compliquée de la jeune femme. La fosfomycine le pic de concentration plasmatique atteint 120 mg/l à la fin de
demeure toujours l’unique représentant de sa propre famille. la perfusion, 40 mg/l à la sixième heure et 24 mg/l à la huitième

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 9 > n◦ 2 > mai 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)50182-1
8-004-J-30  Fosfomycine

heure. La liaison aux protéines plasmatiques est faible, inférieure Tableau 1.


à 10 %. La petite taille de la molécule, sa solubilité, son faible Activité antibactérienne de la Fosfomycine [6] .
degré d’ionisation et de fixation protéique expliquent sa bonne Espèces CMI (mg/l)
distribution tissulaire avec un volume de distribution plasmatique
d’environ 20 litres. Dans le LCR, le rapport de concentration (taux 50 90 Extrêmes
tissulaire/taux plasmatique) est de 30 % à 50 % à la phase active Staphylococcus aureus 3 13 0,125-128
de la méningite et de 10 % à 20 % à la phase de guérison. Ce rap- Staphylococcus epidermidis 2 38 1- > 256
port est voisin de 50 % dans le tissu rénal, la plèvre, le placenta,
Staphylococcus faecalis 14 41 0,25- > 256
le tissu prostatique, les amygdales, de 20 % dans l’os et dans la
bile, de 15 % dans les sécrétions bronchiques. La fosfomycine n’est Streptococcus groupe A 28 54 2-64
pas métabolisée dans l’organisme. Par un mécanisme de transport Streptococcus groupe B 12 45 2-64
actif, la fosfomycine se concentre à l’intérieur des polynucléaires. Streptococcus pneumoniae 5 10 4-16
Son excrétion biliaire est nulle. Elle est éliminée par voie urinaire Escherichia coli 0,4 8 0,125-64
sous forme active. La demi-vie d’élimination plasmatique est de
Shigella < 0,125 0,3 0,125-2
2 heures environ. Cette demi-vie est accrue chez l’insuffisant rénal
pour atteindre six heures lorsque la clairance de la créatinine est Citrobacter < 0,125 0,5 0,125-2
de l’ordre de 50 ml/mn/1,73 m2 et 12 heures lorsque la clairance Salmonella 0,4 3 0,125-16
est de 5 ml/mn/1,73 m2 à 10 ml/mn/1,73 m2 . La posologie lors de Klebsiella 1 31 0,125-256
perfusion continue sera ainsi réduite de 2 g à 8 g par 24 heures chez Enterobacter 1 11 0,125-256
l’insuffisant rénal. Compte tenu d’une élimination élevée par le
Serratia 0,8 6 0,125-32
rein artificiel chez le sujet hémodialysé, une administration de 2 g
est conseillée dès la fin de la séance [2] . Proteus autres que morganii 0,4 2 0,125- > 256
Proteus morganii 24 115 8- > 256
Fosfomycine trométamol Providencia 2 6 0,125-32
Son absorption orale est élevée, de l’ordre de 70 %. Les Pseudomonas 5 14 0,125- > 256
concentrations plasmatiques maximales (20 mg/l à 30 mg/l) sont Acitenobacter 54 > 128 0,25- > 256
atteintes deux heures après une prise d’une dose de 50 mg/kg. Haemophilus 0,7 3 0,125-16
La demi-vie d’élimination est comprise entre 3 heures et 5 heures
chez l’adulte sain. Son élimination prépondérante est urinaire
sous forme active où les concentrations après l’administration de chromosomique est rapide en monothérapie. Elle a été observée
3 g restent supérieures à 1 000 mg/l pendant 12 heures et 100 mg/l lors de traitement en association avec la vancomycine en perfu-
pendant 48 heures [3] . sion continue corrélée à des concentrations sériques trop basses
de vancomycine [7] . La fréquence de mutation est de l’ordre de
10−6 pour les staphylocoques, imposant, pour prévenir in vivo
 Mode d’action, spectre l’émergence de mutants, l’utilisation de la molécule en associa-
tion. Les bactéries mutantes ont une résistance de haut niveau
antibactérien, résistances (CMI > 1 024 mg/l). Une résistance acquise de nature plasmidique
et association a été décrite lors d’infections à entérobactéries [8] .
Récemment les taux de résistance observés pour les pathogènes
Mode d’action les plus fréquents sont de [9–16] :
• 0,3 % à 1 % pour Escherichia coli (jusqu’à 9,1 % pour certains
La fosfomycine est un antibiotique bactéricide qui agit en inhi- E. coli porteurs de BLSE) ;
bant la synthèse des précurseurs du peptidoglycane, composant • 3,1 % à 12,5 % pour P. mirabilis ;
principal de la paroi bactérienne. La fosfomycine, pour agir, doit • 18 % à 47 % pour K. pneumoniae ;
pénétrer à l’intérieur de la bactérie en utilisant des systèmes de • 8,2 % pour E. faecalis ;
transport actif dont celui constitutif du L-glycérophosphate et • 12 % à 60 % pour P. aeruginosa ;
celui inductible des hexoses phosphates [4] . • 12,1 % pour S. aureus résistant à la méticilline.

Spectre antibactérien et mécanismes Associations


de résistances L’association de la fosfomycine avec d’autres classes
Le spectre d’action de la fosfomycine est large, incluant certains d’antibiotiques (bêtalactamines, aminosides, fluoroquinolones,
cocci à Gram positif et à Gram négatif, certaines entérobactéries et glycopeptides) a un effet le plus souvent synergique ou additif.
Haemophilus. Les espèces habituellement sensibles sont Staphylo- L’association fosfomycine-rifampicine peut être antagoniste [17] .
coccus aureus et epidermidis dont certains méti-R, pneumocoques, L’association fosfomycine-bêta-lactamines restaure une activité
Neisseria, Escherichia coli, Salmonella, Shigella, Yersinia, Enterobac- sur les staphylocoques méticillinorésistants lorsque ceux-ci sont
ter, Serratia, Proteus mirabilis et vulgaris, Haemophilus. Cependant, encore sensibles à la fosfomycine [18] . Ceci est lié au fait que la
la sensibilité de S. aureus et S. epidermidis s’est réduite au cours fosfomycine réduit la quantité des protéines liant aux pénicillines
de ces vingt dernières années, une proportion importante des (PLP) inductibles, surtout de la PLP2a responsable de la résistance
souches hospitalières sont devenues résistantes [5] . Les espèces à la méticilline [19] . L’association avec les aminoglycosides est
irrégulièrement sensibles sont Staphylococcus saprophyticus, Strep- synergique. L’association avec les glycopeptides (vancomy-
tococcus A, B, D, Providencia stuartii, Pasteurella, Listeria, Bacteroïdes, cine, teicoplanine) est indifférente, additive ou synergique sur
Clostridium, Prevotella, Chlamydia, Mycoplasma. Acinetobacter et S. aureus. L’association de la fosfomycine avec les aminosides et
Morganella morganii sont naturellement résistants [6] (Tableau 1). les glycopeptides réduirait la toxicité rénale de ces derniers [20] .
Les concentrations minimales inhibitrices (CMI) pour les espèces
sensibles sont inférieures à 32 ␮g/ml en gélose de Müeller Hin-
ton additionné de glucose-6-phosphate, inférieures à 8 ␮g/ml en  Tolérance
gélose nutritive additionné de glucose-6-phosphate. La résistance
naturelle est liée à l’absence chez la bactérie du système de trans- La tolérance de la fosfomycine est bonne, avec absence de
port L-glycérophosphate alors que la résistance acquise est liée à la toxicité hépatique ou rénale. De rares cas d’agranulocytoses ou
perte du système de transport inductible du glucose-6-phosphate. de neutropénies transitoires ont été décrits. Des cas d’éruptions
L’émergence de mutants résistants à haut niveau par mutation cutanées (urticaires, rash érythémateux, exceptionnellement

2 EMC - Maladies infectieuses


Fosfomycine  8-004-J-30

éruptions bulleuses) ont également été décrits. Les effets indési- La fosfomycine trométamol se présente sous forme de sachets
rables fréquents sont des veinites lors des perfusions répétées, et de 3 g à administrer en prise unique 2 heures ou 3 heures avant les
surtout des apports sodés importants (4 g/j lors de la posologie repas, toujours après la miction, dans un demi-verre d’eau.
habituelle) pouvant être à l’origine d’œdèmes chez l’insuffisant
cardiaque ou rénal et d’hypokaliémies par excrétion urinaire
accrue de potassium (risque potentialisé par l’utilisation simulta-  Conclusion
née de diurétiques) nécessitant une surveillance trihebdomadaire
des électrolytes, notamment pour les patients traités par digita- La fosfomycine a vu son utilisation se restreindre au cours de
liques. ces dernières années du fait des résistances staphylococciques plus
Chez la femme enceinte, les risques ne sont pas connus, néan- fréquentes. Néanmoins, elle reste un partenaire de dernier recours
moins les données animales, et les données cliniques (en nombre dans le traitement des infections graves, documentées au plan
limité) sont rassurantes, permettant l’utilisation de fosfomycine bactériologique, à SARM et à bacilles Gram négatif, en l’absence
disodique quel que soit le terme de la grossesse, vu le bénéfice d’alternative. La forme orale conserve une place limitée au traite-
attendu. La fosfomycine trométamol n’est pas adaptée au traite- ment en prise unique de la cystite aiguë non compliquée chez la
ment de la cystite aiguë de la femme enceinte, pour des raisons femme.
d’efficacité, mais son utilisation n’expose pas à un risque térato-
gène particulier.
La fosfomycine est éliminée en petite quantité dans le
lait maternel et, en l’absence de données chez le nouveau-
né, l’utilisation de fosfomycine est déconseillée pendant
“ Points essentiels
l’allaitement.
La forme orale peut être à l’origine, en cas d’utilisation de doses • La fosfomycine est un antibiotique à large spectre, pou-
quotidiennes supérieures à 3 g, de troubles digestifs (selles molles, vant être utilisé par voie intraveineuse notamment dans
nausées). les infections sévères à Staphylocoques résistant à la méti-
cilline ou à bacilles Gram négatif (y compris Pseudomonas
aeruginosa) après vérification de l’antibiogramme.
 Indications cliniques • Elle doit être utilisée en association sous peine de sélec-
tionner rapidement des mutants résistants.
La fosfomycine IV (Fosfocine® ) reste indiquée dans le trai- • Elle diffuse bien dans les différents tissus de l’organisme
tement des infections staphylococciques nosocomiales, en (liquide cérébrospinal [LCS], tissu osseux, etc.).
particulier en cas de localisations méningées, ventriculaires ou • Ses effets indésirables principaux sont les rétentions
ostéoarticulaires, à condition d’avoir préalablement vérifié son hydrosodées et les hypokaliémies.
activité, en raison de la fréquence croissante des résistances. • La fosfomycine trométamol est utilisée par voie orale
Elle sera toujours utilisée en association, en particulier avec dans la seule indication du traitement minute de la cystite
le céfotaxime (Claforan® ) ou la ceftriaxone (Rocephine® ) dans aiguë non compliquée de la femme.
les méningites post-neurochirurgicales ou avec les glycopeptides
dans les infections ostéoarticulaires à staphylocoques résistants
à la méticilline [21, 22] . Sous traitement par fosfomycine, la persis-
tance ou la réapparition de la fièvre doit faire évoquer l’émergence
d’un mutant résistant. Elle peut être utilisée, toujours en associa-
tion avec une céphalosporine, un carbapénème ou un aminoside
dans le traitement des infections sévères à entérobactéries (Serra-  Références
tia) ou à Pseudomonas aeruginosa [23–25] .
Son utilisation pourrait être envisagée en deuxième intention [1] Hendlin D, Stapley EO, Jackson M, Wallick H, Miller AK, Wolf FJ,
dans certaines situations délicates : méningite aiguë à Streptococcus et al. Phosphonomycin is a newly discovered antibiotic produced by
streptomycetes. It is effective, when administered by the oral route, to
pneumoniae, en cas d’allergie grave aux bêtalactamines en asso-
mice infected with Gram-positive or Gram-negative microorganisms.
ciation à la vancomycine (+/- à la rifampicine), ou en cas de
The antibiotic is bactericidal and inhibits cell-wall synthesis. Science
mauvaise évolution de la méningite à 72 heures, après imagerie 1969;166:122–3.
et ponction lombaire de contrôle, en association avec le céfo- [2] Kirby W. Pharmacokinetics of fosfomycin. Chemotherapy 1977;
taxime ou la ceftriaxone en alternative avec la rifampicine ou la 23:141–51.
vancomycine [26] , infections à entérocoques Vanco-R [27] . Par voie [3] Moroni M. Fosfomycine trometamol dans les infections urinaires
orale, la fosfomycine trométamol est indiquée dans la seule indi- basses non compliquées de l’adulte. Eur Urol 1987;13:101–4.
cation du traitement minute de la cystite aiguë non compliquée [4] Kahan FM, Kahan JS, Cassidy PJ, Kropp H. The mechanism of action
de la femme [3] . Elle peut être utilisée également dans la même of fosfomycin. Ann NY Acad Sci 1974;235:364–86.
indication chez l’adolescente pubère. [5] Wolff M, Lucet JC, Decre D. Traitement des infections systémiques à
staphylocoques dorés. In: Vachon F, Coulaud JP, Poccidalo JJ, Regnier
B, editors. Actualités en réanimation et urgences. Paris: Arnette; 1992.
 Mode d’administration. p. 193-211.
[6] Salhi A. Activité bactériostatique in vitro de la fosfomycine. Etude
Posologie préliminaire multicentrique avant tout usage thérapeutique en France.
Med Mal Infect 1978;8:677–84.
[7] Georges B, Brown L, Mazerolles M, Decun JF. Infections sévères
La fosfomycine disodique (Fosfocine® ) se présente sous forme
à Staphylococcus aureus méticilline-résistants. Emergence de résis-
de flacon de 1 g et 4 g à diluer dans une ampoule de solvant avant
tance à l’acide fusidique ou à la fosfomycine lors du traitement par
administration en perfusion veineuse lente (1 g/h) dans 125 ml à vancomycine en perfusion continue. Presse Med 1997;26:502–6.
250 ml de solution de chlorure de sodium à 0,9 % ou de glucose [8] Sharez JB, Mendoza MC. Plasmid encoded fosfomycin resistance.
à 5 %. La posologie habituelle est de 8 g/j à 12 g/j répartie en 3 Antimicrob Agents Chemother 1991;35:791–5.
injections à 4 injections chez l’adulte et 100 mg/kg/j à 200 mg/kg/j [9] Oteo J, Bautista V, Lara N, Cuevas O, Arroyo M, Fernandez S,
chez l’enfant. Les taux plasmatiques efficaces sont de 100 mg/l à et al. Parallel increase in community use of fosfomycin and resistance
120 mg/l au pic (fin de perfusion) et de 20 mg/l à 40 mg/l à la val- to fosfomycin in extended-spectrum ␤-lactamase (ESBL)-producing
lée. Chez l’insuffisant rénal, la posologie sera adaptée en modifiant Escherichia coli. J Antimicrob Chemother 2010;65:2459–63.
l’intervalle entre les perfusions et en conservant la dose unitaire [10] Maraki S, Samonis G, Rafailidis PI, Vouloumanou EK, Mavroma-
moyenne de 70 mg/kg. Chez le patient présentant une insuffi- nolakis E, Falagas ME. Susceptibility of urinary tract bacteria to
sance hépatocellulaire, la posologie habituelle peut être utilisée. fosfomycin. Antimicrob Agents Chemother 2009;53:4508–10.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-004-J-30  Fosfomycine

[11] Kahlmeter G. An international survey of the antimicrobial [20] Neuman M. Etude comparative de la néphrotoxicité de l’amikacine
susceptibility of pathogens from uncomplicated urinary tract infec- administrée seule ou associée à la fosfomycine. Med Mal Infect
tions: the ECO·SENS Project. J Antimicrob Chemother 2003;51: 1983;13:497–502.
69–76. [21] Recommandations de pratique clinique : infections ostéoarticulaires
[12] Marchese A, Gualco L, Debbia EA, Schito GC, Schito AM. In vitro sur matériel (prothèse, implant, ostéosynthèse). Texte long. Med Mal
activity of fosfomycin against gram-negative urinary pathogens and Infect 2009;39:815-63.
the biological cost of fosfomycin resistance. Int J Antimicrob Agents [22] Recommandations de pratique clinique : spondylodiscites primitives
2003;22(suppl2):53–9. et secondaires à un geste intra discal sans mise en place de matériel.
[13] Gamero Delgado MC, García-Mayorgas AD, Rodríguez F, Ibarra A, Texte court. Med Mal Infect 2007;37:554-72.
Casal M. Susceptibility and resistance of Pseudomonas aeruginosa to [23] Dureux JB, Canton P, Weber M, Toussain P, Roche G. La fosfomy-
antimicrobial agents. Rev Esp Quimioter 2007;20:230–3. cine dans le traitement des états septicémiques et des endocardites
[14] Schülin T. In vitro activity of the aerosolized agents colistin and tobra- bactériennes. Med Mal Infect 1981;11:524–32.
mycin and five intravenous agents against Pseudomonas aeruginosa [24] Gerard A, Menard O, Canton P, Roche G, Dureux JB. The place of
isolated from cystic fibrosis patients in southwestern Germany. J Anti- Fosfomycin and its association in the treatment of Staphylococcal sep-
microb Chemother 2002;49:403–6. ticemias. In Fosfomycin Proceeding of the International Symposium.
[15] Picot S, Rakotomalala RS, Farny K, Simac C, Michault A. Evolution Instituto Farmacologia Espanola 1987. p. 158-65.
of resistance to antibiotics from 1997 to 2005 in the Reunion Island. [25] Portier H, Tremeaux JC, Chavanet P, Gouyon JB, Duez JM, Kaz-
Med Mal Infect 2010;40:617–24. mierczak A. Treatment of severe staphylococcal infections with
[16] Falagas ME, Roussos N, Gkegkes ID, Rafailidis PI, Karageorgopoulos cefotaxime and fosfomycine in combination. J Antimicrob Chemother
DE. Fosfomycine for the treatment of infections caused by gram- 1984;14(supplB):277–84.
positive cocci with advanced antimicrobial drug résistance: a review [26] 17e conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse. Prise
of microbiological, animal and clinical studies. Expert Opin Investig en charge des méningites bactériennes aiguës communautaires (à
Drugs 2009;18:921–44. l’exclusion du nouveau-né). Texte court. Med Mal Infect 2009;39:175-
[17] Drugeon HB, Kazmierczak A. Les associations avec la fosfomycine 86.
sur staphylococcus: les partenaires les plus intéressants. Sem Hop Paris [27] Allerberger F, Klare I. In vitro activity of fosfomycin against
1987;63:3549–52. vancomycin-resistant enterococci. J Antimicrob Chemother
[18] Duez JM, Kohli E, Pechino A. Association entre la fosfomycine et 1999;43:211–7.
l’oxacilline ou le cefotaxime chez les staphylocoques méticillino-
résistants et les entérocoques. Pathol Biol 1983;31:515–8. Pour en savoir plus
[19] Utsui Y, Ohya S. Antibacterial activity of cefmetazole alone and
in combination with fosfomycin against methicillin and cephem- Fosfomycine. In: Karie S, Launay-Vacher V, Deray G editors. GPR Anti-
resistant Staphylococcus aureus. Antimicrob Agents Chemother bactériens (guide de prescription des médicaments chez le patient
1986;30:917–22. insuffisant rénal). Paris: Méditions International; 2005, p. 286-7.

V. Gendrin, Assistant hospitalier, chef de clinique universitaire (v.gendrin@chu-nancy.fr).


Service de maladies infectieuses et tropicales, Bâtiment Philippe Canton, Hôpitaux de Brabois, 54511 Vandœuvre-lès-Nancy cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Gendrin V. Fosfomycine. EMC - Maladies infectieuses 2012;9(2):1-4 [Article 8-004-J-30].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

4 EMC - Maladies infectieuses


 8-004-K-10

Rifamycines
L. Letranchant, C. Rabaud, T. May

La classe des rifamycines a été découverte en Italie en 1957. Le chef de file de la famille, la rifamycine B,
est une molécule naturelle isolée à partir du sol de Nocardia mediterranei. Le nom provient du film
français « Du rififi à Paname » qui passait en salle à l’époque, évoquant le caractère tueur de la molécule.
Les rifamycines, ainsi que d’autres antibiotiques, ayant dans leur structure chimique une chaîne en forme
d’anse, appartiennent au groupe des ansamycines. La rifamycine B a été transformée en solution aqueuse
aérée en une molécule plus active, la rifamycine S, elle-même transformée par réduction en rifamycine
SV. Cette dernière est un antibiotique très actif et plus soluble, mais non absorbable par voie orale. En
1965 était synthétisé un dérivé 3-4-méthyl-pipérazinyl-iminométhyle administrable par voie orale, appelé
rifampicine, qui est devenu le principal composant de la famille.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Rifamycine ; Rifampicine ; Rifabutine ; Rifapentine ; Rifalazil ; Rifamycine SV

Plan l’acide désoxyribonucléique (ADN) en ARN, et non son élonga-


tion. L’activité plus faible vis-à-vis des bactéries à Gram négatif est
■ Rifampicine 1 due à une moins bonne pénétration à travers l’enveloppe externe
Mécanisme d’action 1 de ces bactéries.
Structure 1 L’action bactéricide de la rifampicine s’exerce aussi sur des
Spectre antibactérien 1 bactéries en phase de repos. La rifampicine entraîne un effet post-
Mécanismes de résistance 2 antibiotique. Aussi, une bactérie pyogène peut-elle rester inhi-
Pharmacocinétique 2 bée pendant 5 à 6 heures après son exposition à l’antibiotique.
Interactions médicamenteuses et pharmacologiques 2 La rifampicine est capable de tuer des bactéries intracellulaires.
Incidents et accidents 3
Mode d’administration et dosage 3
Contre-indications et précautions d’emploi 3
Structure
Indications thérapeutiques 3 La rifampicine est un zwitterion hydrosoluble en milieu acide
■ Autres rifamycines 5 et surtout liposoluble, diffusant bien au travers des membranes
Rifamycine SV 5 lipidiques. C’est un produit de couleur rouge brique.
Rifabutine 5
Rifapentine 6
Rifalazil 6 Spectre antibactérien
Rifaximine 6
La rifampicine est un antibiotique à large spectre, surtout actif
■ Conclusion 6 sur les bactéries à Gram positif et les bacilles de la tuberculose.
Elle est très active sur la plupart des staphylocoques, Staphylococ-
cus aureus et staphylocoques à coagulase négative. Elle est aussi
active sur les bactéries intracellulaires. Elle est active sur les strep-
tocoques, mais moins que la pénicilline. Les entérocoques sont
 Rifampicine modérément sensibles. Parmi les bactéries à Gram négatif, le
méningocoque, Neisseria meningitidis, est tout particulièrement
Mécanisme d’action sensible. Les autres bactéries à Gram négatif les plus sensibles
sont Haemophilus influenzae, Haemophilus ducreyi et Neisseria gonor-
Comme toutes les rifamycines, la rifampicine exerce un effet rhoeae. Pour les autres, elles sont habituellement peu sensibles
bactéricide par inhibition de l’acide ribonucléique (ARN) poly- ou résistantes. Les concentrations minimales inhibitrices (CMI)
mérase, en se fixant sur l’enzyme et en bloquant l’initiation de des Pseudomonas sp. et des Acinetobacter sp. varient en effet de
la transcription [1] . Par fixation sur la sous-unité bêta, les rifa- 4 à 16 (Comité de l’antibiogramme de la Société française de
mycines empêchent l’initiation de la chaîne de transcription de microbiologie 2011). La rifampicine est active sur des bactéries

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 9 > n◦ 4 > novembre 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)50183-3
8-004-K-10  Rifamycines

à multiplication intracellulaire comme Legionella sp., Brucella sp. 2 heures et demie, 3 heures et 5 heures pour des doses respec-
et Chlamydia sp. [2, 3] . Elle est de plus active sur des anaérobies tives de 300, 600 et 900 mg. La rifampicine est métabolisée par
comme Clostridium difficile, agent de la colite pseudomembra- le foie en un dérivé désacétylé, biologiquement actif, mais moins
neuse postantibiotique, Bacillus anthracis, agent du charbon, et de actif que la rifampicine, et plus hydrosoluble. La rifampicine est
nombreuses souches de Bacteroides sp. Elle est active sur Bordetella excrétée activement dans la bile, à 80 % sous forme du métabo-
pertussis, Rhodococcus equi et Helicobacter pylori [4–8] . La rifampi- lite. La concentration biliaire de la molécule-mère est de 50 mg/l
cine est très active sur les mycobactéries du complexe tuberculosis : et celle du métabolite de 300 mg/l. Ces deux molécules suivent
Mycobacterium tuberculosis, Mycobacterium africanum et Mycobacte- un cycle entérohépatique, plus important pour la molécule-mère.
rium bovis. La rifampicine possède une efficacité sur Mycobacterium Pendant les premiers jours du traitement, la rifampicine induit les
leprae, l’agent de la lèpre, et sur Mycobacterium ulcerans, agent enzymes hépatiques qui la métabolisent, diminuant la demi-vie
d’ulcérations cutanées délabrantes dans certains pays tropicaux. et la concentration résiduelle à 12 heures. Après 1 à 2 semaines de
L’efficacité de la rifampicine sur les autres mycobactéries, dites traitement, un équilibre s’établit. Après une prise unique, 60 % de
atypiques, est inconstante : Mycobacterium fortuitum, Mycobacte- l’antibiotique se retrouve dans les selles. À des doses supérieures
rium chelonae, Mycobacterium simiae et Mycobacterium ulcerans ou égales à 300 mg, la capacité excrétoire du foie est saturée et
sont résistants, Mycobacterium haemophilum et Mycobacterium mal- la rifampicine apparaît dans l’urine, où la proportion retrouvée
moense sont habituellement sensibles et Mycobacterium kansasii, est de 6 à 30 % de la dose ingérée. Le métabolite désacétylé rend
Mycobacterium scrofulaceum, Mycobacterium xenopi et Mycobacte- compte d’au moins 50 % de l’activité bactérienne de l’urine le
rium marinum sont inconstamment sensibles mais la rifampicine premier jour du traitement, puis cette proportion diminue. La
peut, dans certains cas d’infection avec ces espèces, apporter un concentration urinaire de la rifampicine et de son métabolite
bénéfice thérapeutique au sein d’associations d’antibiotiques [9–11] . atteint 200 à 350 mg/l. Après perfusion intraveineuse de 600 mg
en 1 heure et demie, le pic plasmatique est d’environ 6 mg/l. Chez
le vieillard, les concentrations plasmatiques sont peu modifiées,
Mécanismes de résistance l’excrétion biliaire compensant la baisse de la fonction rénale.
La rifampicine sélectionne facilement des mutants résistants Chez l’enfant, la pharmacocinétique est semblable à celle obser-
in vitro et in vivo. Les mutations touchent le gène rpo qui vée chez l’adulte. La rifampicine diffuse dans presque tous les
code la sous-unité bêta de l’ARN-polymérase, conduisant à des tissus de l’organisme. Des concentrations supérieures aux concen-
niveaux variables de résistance. Cette résistance peut être iden- trations plasmatiques sont atteintes dans les poumons, le foie,
tifiée rapidement par réaction de polymérisation en chaîne [1] . la bile, la paroi vésiculaire et l’urine. Les concentrations obte-
Environ un bacille tuberculeux sur 107 est un mutant résis- nues dans ces organes ou liquides peuvent, contrairement à la
tant [12] . La monothérapie de la tuberculose par la rifampicine est concentration plasmatique, être supérieures à la CMI de certaines
donc formellement contre-indiquée, tout particulièrement dans bactéries à Gram négatif, réputées peu sensibles. La concentra-
les tuberculoses caverneuses. En effet, la concentration des bacilles tion dans les larmes est identique à la concentration plasmatique.
est la plus élevée dans le caséum liquéfié présent dans les cavernes La concentration salivaire représente 20 % de cette dernière. La
tuberculeuses. En France, la résistance primaire des bacilles tuber- rifampicine atteint des concentrations thérapeutiques dans le
culeux à la rifampicine est à 1 % ; la résistance secondaire, chez liquide pleural, le liquide d’ascite et les autres liquides de cavi-
des personnes déjà traitées pour tuberculose, est d’environ 10 % tés, dans les sécrétions bronchiques, le lait (environ 2 mg/l), la
et est le plus souvent associée à une résistance à l’isoniazide [12] . paroi vésicale, le liquide interstitiel cutané et les tissus mous. La
La fréquence de mutations est plus élevée avec les bactéries pyo- rifampicine pénètre dans l’os, la concentration étant supérieure
gènes : 10−7 pour S. aureus, Streptococcus sp., H. influenzae type b, en cas d’inflammation. La concentration dans l’humeur aqueuse
et N. meningitidis ; 10−8 pour Escherichia coli. Il faut donc éviter atteint 0,2 à 1,3 mg/l.
d’utiliser la rifampicine en monothérapie. Chez l’animal, la concentration dans le vitré est la moitié de la
La seule indication de la rifampicine en monothérapie est précédente. La concentration dans le liquide cérébrospinal varie
la chimioprophylaxie de la méningite à méningocoques et à de 0 à 0,5 mg/l chez le volontaire sain ; elle est plus élevée, de
H. influenzae type b (beaucoup plus rare en France depuis la vac- l’ordre de 1,3 mg/l, en cas de méningite, avec une dose orale quo-
cination systématique des nourrissons), car en prophylaxie, le tidienne de 600 mg. La rifampicine diffuse mieux dans les abcès
nombre de méningocoques ou d’H. influenzae dans l’organisme que beaucoup d’autres antibiotiques et est à activité bactéricide
est faible, bien inférieur à la fréquence de mutation. à l’intérieur des phagocytes. La rifampicine est un des rares anti-
Dans les infections à pyogènes, la rifampicine doit être associée biotiques à conserver une relative activité bactéricide au contact
à un antibiotique d’une autre famille : aminoside, fluoroquino- d’un matériel étranger.
lone, acide fusidique, glycopeptide, bêtalactamine, macrolide,
cycline, etc. L’étude in vitro de l’effet bactéricide des associations Interactions médicamenteuses
d’antibiotiques incluant la rifampicine peut retrouver un effet
synergique, indifférent ou antagoniste selon les souches et les anti- et pharmacologiques
biotiques [13–15] . Un effet antagoniste in vitro n’est pas toujours
Parmi les rifamycines, la rifampicine est l’inducteur des
délétère in vivo. Chez le malade, une association antibiotique ne
enzymes microsomales sériques hépatiques le plus puissant, prin-
prévient pas toujours la sélection d’un mutant résistant à la rifam-
cipalement de l’isoforme CYP3A du cytochrome P-450, suivie de
picine. Cette sélection se produit plus facilement si l’antibiotique
la rifapentine, puis de la rifabutine [16] . Cet effet est responsable de
partenaire ne diffuse pas bien dans certains sites infectés où la
l’inactivation de nombreux produits avec une réduction de leur
rifampicine diffuse.
biodisponibilité orale et de leurs concentrations sériques.
En cas d’association avec ces produits, il est recommandé de
Pharmacocinétique recourir aux dosages pharmacologiques pour adapter les posolo-
gies. C’est le cas pour les corticoïdes, les anticoagulants oraux,
La rifampicine peut être administrée par voie orale ou en per- les œstroprogestatifs, les digitaliques, les quinidiniques, les bêta-
fusion intraveineuse [10] . L’absorption digestive de la rifampicine bloquants éliminés par métabolisation hépatique, les imidazolés,
est quasi complète. Après une prise orale de 600 mg chez l’adulte les sulfamides hypoglycémiants, la ciclosporine, la thyroxine,
ou de 10 mg/kg chez l’enfant, le pic de concentration plasmatique la théophylline et dérivés, la méthadone, la dapsone, le chlo-
est obtenu en 1 à 4 heures (en moyenne 2 heures), atteignant 7 à ramphénicol, les barbituriques, le diazépam, le clofibrate, la
10 mg/l, avec des extrêmes de 4 à 32 mg/l. Après une prise orale de disopyramide, etc. Pour les antifongiques azolés, l’interaction avec
1200 mg, le pic dépasse habituellement 30 mg/l, témoignant de la le kétoconazole est complète et se produit aussi dans l’autre sens,
saturation de l’excrétion biliaire. L’absorption concomitante d’un le kétoconazole empêchant l’absorption intestinale de la rifampi-
repas riche en graisses retarde et diminue le pic plasmatique. cine. L’interaction avec le fluconazole (moins 23 % de l’aire sous la
La rifampicine se lie à 80 % aux protéines sériques. La demi- courbe [AUC] du fluconazole) ou l’itraconazole est plus modeste
vie plasmatique augmente avec la dose administrée : elle est de mais justifie toutefois l’augmentation de leurs posologies.

2 EMC - Maladies infectieuses


Rifamycines  8-004-K-10

Il existe également une interaction entre la rifampicine et la symptomatiques est de 0,5 à 2 % avec l’isoniazide seul, et de 2,5
buprénorphine (avec une diminution de 70 % de la concentration à 6 % avec l’isoniazide et la rifampicine. Le délai d’apparition de
plasmatique de la buprénorphine) [17] . l’hépatite est également significativement plus court : 2 semaines
L’interaction avec les inhibiteurs de protéase, qui sont des avec les associations incluant la rifampicine et 11 semaines avec
inhibiteurs du cytochrome P-450, aboutit à une diminution des les associations n’utilisant pas la rifampicine [28] . De rares cas de
concentrations sériques des antiviraux et à une augmentation des pancréatite ont été observés. Un traitement prolongé pourrait
concentrations sériques des rifamycines, notamment de la rifam- favoriser l’ostéomalacie.
picine, ce qui contre-indique leur utilisation [18] . Au début de l’utilisation de la rifampicine dans la chimiothéra-
Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse pie antituberculeuse, cet antibiotique a été prescrit dans certains
ont des différences majeures dans leur action sur le CYP3A, avec cas sous forme de fortes doses (1200 mg) intermittentes, en vue
en conséquence des interactions avec les rifamycines différentes d’éviter des prises quotidiennes de médicaments. Ce schéma de
selon l’inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse. prescription a nettement augmenté l’incidence des effets secon-
L’association névirapine et rifampicine n’est pas recommandée du daires, induisant des manifestations immunoallergiques, parfois
fait de la diminution des concentrations de névirapine plasma- graves. Ce mode d’administration est donc actuellement contre-
tique [19] . L’utilisation de rifampicine avec l’éfavirenz est possible ; indiqué.
l’augmentation des doses d’éfavirenz à 800 mg ne serait plus
nécessaire dans certaines populations de patients. En effet, la
rifampicine induit l’expression du cytochrome P450 isoenzyme Mode d’administration et dosage
2B6, qui métabolise l’éfavirenz ; or il existe un polymorphisme
La rifampicine est commercialisée sous forme de gélules
génétique de ce cytochrome, plus fréquent chez des patients
à 300 mg, d’une suspension buvable à 2 % contenant 50 mg
d’origine africaine, et qui entraîne une diminution du méta-
de rifampicine par cuillère–mesure de 2,5 ml et 100 mg par
bolisme de l’éfavirenz, permettant chez ces patients, d’avoir
cuillère–mesure de 5 ml, et sous forme de flacons à 600 mg pour
une bonne concentration sanguine d’éfavirenz après la prise de
la perfusion intraveineuse. Dans le traitement de la tuberculose,
600 mg malgré la coprescription de rifampicine [20, 21] .
la rifampicine doit toujours être associée à d’autres antibiotiques
L’utilisation concomitante de la rifampicine et du raltégravir
actifs. La posologie quotidienne est de 10 mg/kg (8 à 12 mg/kg),
ou du maraviroc n’est pas recommandée (car elle diminue les
pouvant atteindre 15 à 20 mg/kg chez l’enfant de moins de 7 ans.
concentrations de raltégravir de 40 à 60 % et de 80 % pour le
La posologie est de 10 mg/kg/j chez le nouveau-né de moins de
maraviroc) [22, 23] . Mais si la coadministration de la rifampicine
1 mois. Par voie orale, la dose quotidienne doit être adminis-
avec le raltégravir ne peut être évitée, il faut doubler les doses
trée en une prise le matin à jeun, en association avec les autres
de raltégravir.
antituberculeux. En cas de traitement par voie veineuse, la poso-
L’association triméthoprime–sulfaméthoxazole (cotrimoxa-
logie est identique ; le flacon doit être dilué dans 250 mg de
zole) augmente la concentration plasmatique de la rifampicine.
soluté glucosé à 5 % et la perfusion doit être lente, sur 1 heure
La rifampicine augmente la synthèse des métabolites hépato-
et demie.
toxiques de l’isoniazide.
Dans le traitement des autres infections, la posologie chez
l’adulte est de 10 à 15 mg/kg toutes les 12 heures. Chez le nourris-
son et l’enfant de moins de 15 ans, la posologie est de 10 mg/kg
Incidents et accidents toutes les 12 heures. Chez le nouveau-né de moins de 1 mois, elle
est de 5 mg/kg toutes les 12 heures.
La rifampicine est un antibiotique habituellement bien toléré.
La rifampicine est aussi commercialisée au sein d’associations
Elle entraîne une coloration orangée des urines, dont il faut
fixes d’antituberculeux, utiles pour favoriser l’observance du trai-
prévenir le malade. Cette coloration orangée peut détériorer défi-
tement et éviter la sélection de souches résistantes du bacille
nitivement des lentilles de contact souples.
tuberculeux. Ainsi, des comprimés associant 120 mg de rifam-
L’intolérance gastro-intestinale à la rifampicine est présente
picine, 50 mg d’isoniazide et 300 mg de pyrazinamide sont
chez 7 à 28 % des patients [24] . Elle peut être palliée par
disponibles pour la phase d’attaque du traitement, à la dose
l’administration du produit pendant ou immédiatement après
quotidienne d’un comprimé pour 12 kg de poids. Des compri-
le repas. Des colites pseudomembraneuses à C. difficile ont été
més associant 300 mg de rifampicine et 150 mg d’isoniazide sont
décrites.
disponibles pour la phase d’entretien du traitement, à la dose
La rifampicine peut être responsable de réactions
quotidienne de deux comprimés pour un adulte de plus de 50 kg.
d’hypersensibilités immédiates, dans 5 % des cas. Elles se
caractérisent par un érythème de la face plus ou moins pruri-
gineux, associé à une hyperhémie conjonctivale. Survenant 2 à Contre-indications et précautions d’emploi
3 heures après l’administration, elle rétrocède spontanément.
Des réactions sévères avec éruption généralisée sont rares. Le La rifampicine est contre-indiquée en cas d’allergie aux rifamy-
syndrome de Lyell est exceptionnel. Une hyperéosinophilie cines et chez les sujets atteints de porphyries. Le port de lentilles
est possible. L’infection par le virus de l’immunodéficience de contact souples doit être évité pendant toute la durée du
humaine (VIH) accroît le risque d’intolérance cutanée ou fébrile traitement, même de courte durée, la rifampicine les colorant
à la rifampicine. Un bilan allergologique et dans certains cas définitivement en orangé. L’insuffisance hépatique sévère doit
une désensibilisation à la rifampicine dans un service spécialisé conduire à réduire les doses de rifampicine, sans jamais dépasser
peuvent être proposés. 900 mg/j. Cet antibiotique est à éviter en cas d’ictère. En cas de
Cependant, d’autres réactions d’hypersensibilité peuvent se grossesse, la rifampicine doit être si possible évitée et être réservée
voir avec la rifampicine par mécanismes immunoallergiques, prin- au traitement des tuberculoses ou en prophylaxie des méningites à
cipalement au cours de traitement intermittent de rifampicine. méningocoque [29] . Des effets tératogènes n’ont été observés qu’à
La réaction immunoallergique la plus fréquente est le syndrome fortes doses chez les rongeurs. La prise de rifampicine pendant
pseudogrippal. Il apparaît 1 à 2 heures après l’administration de les dernières semaines de la grossesse peut exceptionnellement
rifampicine et subsiste pendant une douzaine d’heures. Il survient entraîner une hémorragie postnatale, qui peut être prévenue par
dans les 3 à 6 mois qui suivent l’installation du traitement inter- l’injection de vitamine K à la naissance.
mittent et régresse spontanément. Les autres manifestations qui
peuvent être rencontrées sont des thrombopénies, des anémies
hémolytiques, des insuffisances rénales aiguës pouvant nécessi- Indications thérapeutiques
ter une épuration extrarénale, des défaillances respiratoires et des
états de choc [25–27] .
Tuberculose
Administrée seule, la rifampicine est rarement hépatotoxique. La rifampicine est un antituberculeux de première ligne qui est
En revanche, l’association isoniazide-rifampicine occasionne une bactéricide et qui est actif à la fois sur les bacilles extracellulaires et
élévation fréquente des transaminases. L’incidence des hépatites intracellulaires [9, 10] . Elle permet de stériliser la nécrose caséeuse.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-004-K-10  Rifamycines

Le couple rifampicine–pyrazinamide, qui est à la base La rifampicine est également utilisée dans les infections pro-
du traitement moderne de la tuberculose, a permis de fondes ou ostéomyélites à M. marinum, en association avec la
raccourcir la durée du traitement de la tuberculose pulmo- clarythromycine et l’éthambutol [11] .
naire à bacilles sensibles à seulement six mois. Le trai-
tement actuellement recommandé est une quadrithérapie
rifampicine–pyrazinamide–isoniazide–éthambutol pendant deux Infections à cocci à Gram positif
mois, suivie d’une bithérapie rifampicine–isoniazide pendant Infections à staphylocoques
quatre mois. L’éthambutol peut être arrêté après réception
La rifampicine est très active sur les staphylocoques (S. aureus et
de l’antibiogramme, en l’absence de résistance à la rifam-
à coagulase négative). Du fait du risque de sélection de mutant
picine ou à l’isoniazide. Le traitement doit être démarré le
résistant, elle ne doit jamais être utilisée en monothérapie. La
plus tôt possible, dès le diagnostic établi ou fortement sus-
rifampicine, du fait de sa bonne pénétration dans la plupart des
pecté. Un traitement antituberculeux d’épreuve est licite dans
tissus, est utilisée dans de nombreuses infections à staphylocoque
certains cas de fièvre prolongée inexpliquée. La durée du
(endocardite, méningite, spondylodiscite et infections osseuses,
traitement doit être prolongée au-delà de six mois dans cer-
etc.). D’autre part, elle agit directement sur le biofilm [34] , rendant
tains cas : tuberculose neuroméningée, résistance, mauvaise
intéressante sa prescription en association, pour des infections sur
observance [30, 31] .
matériels étrangers (endocardites sur prothèses valvulaires, infec-
L’utilisation de la rifampicine n’est pas recommandée dans le
tions osseuses sur matériel, méningite sur dérivations externes,
traitement de la tuberculose des patients infectés par le VIH, chez
etc.) [35, 36] .
ceux déjà traités ou devant débuter un traitement antirétroviral
Dans les infections osseuses, elle est utilisée soit d’emblée per
incluant soit des inhibiteurs de protéase, soit des inhibiteurs non
os ou par voie intraveineuse, soit en relais d’une antibiothérapie
nucléosidiques autres que l’éfavirenz.
parentérale.
Dans chacun de ces cas, la rifampicine doit être remplacée par la
Les associations possibles avec la rifampicine pour des infec-
rifabutine, en adaptant la dose de rifabutine [32] . L’association de
tions à staphylocoques oxacillinosensibles sont les fluoroquino-
rifampicine et d’isoniazide pendant trois mois peut être prescrite
lones, la clindamycine (à condition de doser la clindamycine
pour la chimioprophylaxie de la tuberculose chez un individu à
car la rifampicine diminue les concentrations plasmatiques de
risque, exposé à un malade bacillifère. L’association de rifampicine
clindamycine), l’acide fusidique (en surveillant bien le bilan
et de pyrazinamide pendant deux mois s’est également montrée
hépatique car il s’agit de deux antibiotiques qui peuvent
efficace dans cette indication.
avoir une toxicité hépatique) et le cotrimoxazole en l’absence
d’alternative.
Lèpre Pour les staphylocoques oxacillinorésistants, les glycopeptides
La rifampicine est bactéricide sur M. leprae. Son utilisation quo- peuvent être associés à la rifampicine en différant la prescription
tidienne à la dose de 600 mg/j est préférable, mais ce rythme de rifampicine de 48 heures, le temps d’atteindre des taux sériques
d’administration est beaucoup trop cher pour la plupart des suffisants de glycopeptides pour éviter l’émergence de staphylo-
pays en voie de développement. C’est pourquoi la rifampicine coques résistants à la rifampicine.
est souvent administrée sous forme d’une dose mensuelle de Dans les endocardites infectieuses, l’utilisation de rifampicine
600 mg. Des cas de résistance secondaire à la rifampicine ont par voie veineuse est recommandée dans le traitement des infec-
été décrits. La lèpre tuberculoïde (paucibacillaire) peut être trai- tions sur prothèses valvulaires en association avec un glycopeptide
tée par l’association de dapsone (100 mg/j) et de rifampicine ou une pénicilline (en fonction de la sensibilité du staphylocoque)
(600 mg/mois), pendant 6 mois. et un aminoside.
S’il existe une seule lésion cutanée de lèpre tuberculoïde, un Seul dans des endocardites du cœur droit chez des patients
traitement par une seule dose de rifampicine 600 mg, ofloxacine usagers de drogues, un traitement par voie orale associant
400 mg et minocycline 100 mg est proposé. de la rifampicine et de la ciprofloxacine a montré la même
Dans les pays en voie de développement, on prescrit de façon efficacité qu’un traitement parentéral par glycopeptide et
quotidienne la dapsone (100 mg/j) et la clofazimine (50 mg/j), et aminoside, suggérant chez ces patients, qui posent souvent
de façon mensuelle une prise supervisée de 600 mg de rifampicine des problèmes de voie d’abord, dans certains cas, de faire
et 300 mg de clofazimine ; la durée du traitement est d’au moins un relais par voie orale sous réserve d’une bonne obser-
1 an ou jusqu’à négativation de l’examen microscopique direct vance [37] .
des prélèvements cutanés [33] . L’association rifampicine–daptomycine dans des modèles expé-
Dans les pays bien médicalisés, chez l’adulte, la lèpre paucibacil- rimentaux d’endocardites à staphylocoques méticillinorésistants
lifère est traitée par rifampicine 600 mg/j et clofazimine 100 mg/j (SAMR) ne semble pas apporter de bénéfice en termes de vitesse
ou dapsone 100 mg/j pendant 6 mois, alors que la lèpre multiba- de bactéricidie, mais pourrait prévenir l’émergence de souches
cillifère se traite par rifampicine 600 mg/j, clofazimine 100 mg/j résistantes à la daptomycine [38] .
et dapsone 100 mg/j pendant au moins 12 mois ou jusqu’à néga- La rifampicine a également une activité in vitro sur les SAMR
tivation bactériologique. communautaires sécréteurs de leucocidine de Panton-Valentine,
Les prises intermittentes mensuelles n’induisent pas de syn- mais elle ne doit pas être utilisée dans les infections cutanées
drome pseudogrippal. en raison de sa capacité à sélectionner des mutants résistants
lorsqu’elle est prescrite en monothérapie.
Mycobactérioses atypiques
La rifampicine a une activité inconstante sur les diverses espèces Infections à streptocoques et entérocoques
de mycobactéries atypiques (cf. supra). Actuellement, les antibio- La rifampicine est moins active que la pénicilline qui reste
grammes réalisés pour évaluer la sensibilité des mycobactéries le traitement de référence des infections à streptocoques. La
atypiques aux antibiotiques ne sont pas toujours fiables, car rifampicine peut être utilisée en association avec la ceftriaxone
leurs résultats ne sont souvent pas prédictifs de l’activité de ou le céfotaxime pour le traitement des méningites à pneu-
l’antibiotique in vivo. La détermination des CMI, de plus en plus mocoque d’évolution défavorable à 48 à 72 heures [39] . Dans les
pratiquée, permet une meilleure orientation du traitement. modèles expérimentaux, la rifampicine libère moins de cytokines
Le traitement de Mycobacterium avium comporte de la rifam- inflammatoires, notamment dans le liquide cérébrospinal, que les
picine, de la clarithromycine ou de l’azithromycine et de bêtalactamines et réduit ainsi la mortalité précoce des méningites
l’éthambutol et dans les formes sévères en association avec des aiguës [40] .
aminosides. Chez les patients séropositifs pour le VIH, la rifampi- Dans les infections à entérocoques, la rifampicine peut être
cine est remplacée par de la rifabutine. utilisée en association avec une pénicilline pour les infections
Pour M. kansasii, un traitement par rifampicine à 10 mg/kg/j osseuses sur matériel, en relais d’un aminoside, à la phase
(maximum 600 mg/j) associé à de l’éthambutol 15 mg/kg/j, de initiale par voie veineuse puis par voie orale en traitement
l’isoniazide à 5/mg/kg/j et de la pyridoxine est recommandé. d’entretien [36] .

4 EMC - Maladies infectieuses


Rifamycines  8-004-K-10

Chimioprophylaxie de la méningite avec succès dans certains cas de leishmaniose cutanée à Leishma-
à méningocoque et de la méningite nia tropica [47] et de méningites amibiennes à Acanthamoeba ou
Naegleria.
à Haemophilus influenzae
La rifampicine peut être utilisée en association avec la vancomy-
La chimioprophylaxie des sujets contacts autour d’un cas cine ou l’érythromycine pour le traitement de l’infection à R. equi,
de méningite ou de méningococcémie repose sur la prescrip- que l’on observe parfois chez l’immunodéprimé [6] .
tion de rifampicine à la dose de 10 mg/kg, deux fois par jour La rifampicine, associée à du cotrimoxazole, est active dans
(dose maximale : 600 mg, deux fois/j) pendant 2 jours. Cette le traitement du rhinosclérome, maladie granulomateuse du nez
posologie est valable pour l’adulte et pour l’enfant. Chez le due à Klebsiella rhinoscleromatis. Cependant, dans la plupart des
nouveau-né de moins de 1 mois, la posologie est de seulement pays, un traitement de plusieurs mois par fluoroquinolones, ou à
5 mg/kg, deux fois par jour pendant 2 jours. Chez la femme défaut par cycline, est utilisé pour traiter les patients atteints de
enceinte, cette chimioprophylaxie peut être utilisée. Si la rifampi- rhinosclérome [48] .
cine est utilisée dans les 3 ou 4 jours précédant l’accouchement, Bien que n’étant pas le traitement de choix, la rifampicine est
le nouveau-né doit recevoir une dose de vitamine K (0,5 à active sur le chancre mou, dû à H. ducreyi.
1 mg) par voie injectable afin de prévenir des troubles de la
coagulation. Indications non antibiotiques
Chez les jeunes filles et femmes en âge de procréer, du fait de
la diminution d’efficacité de la contraception orale par la rifam- La rifampicine est parfois utilisée pour traiter le prurit secon-
picine, il est conseillé d’envisager une contraception mécanique daire aux cholestases chroniques. L’effet antiprurigineux de
pendant toute la durée du traitement et pendant la semaine qui la rifampicine pourrait être expliqué par une accélération de
suit. l’élimination ou du métabolisme des substances prurigènes grâce
Cette chimioprophylaxie doit être aussi donnée chez le patient à son effet inducteur enzymatique. Elle diminuerait également la
index, en cas de traitement par pénicilline ou tout agent anti- concentration hépatocytaire d’acides biliaires. Par ailleurs, du fait
infectieux autre que le céfotaxime ou la ceftriaxone. En effet, de son activité antimicrobienne sur la flore intestinale, la rifampi-
la pénicilline G ne permet pas d’éradiquer le portage nasal de cine modifierait le métabolisme intestinal de certaines substances
N. meningitidis contrairement au céfotaxime, à la ceftriaxone ou prurigènes [49] .
à la ciprofloxacine [41] . Dans cette indication, la rifampicine est utilisée à la posologie
La chimioprophylaxie de la méningite à H. influenzae type b de 10 mg/kg/j avec une surveillance régulière des transaminases.
est indiquée pour tous les sujets contacts non vaccinés, dans les
collectivités avec des enfants de moins de 2 ans et dans les familles
avec des enfants de moins de 4 ans. Dans ce cas, la posologie de  Autres rifamycines
rifampicine est de 10 mg/kg deux fois par jour pendant 4 jours
(demi-dose chez le nouveau-né). Rifamycine SV
Brucellose La rifamycine SV n’est commercialisée que sous formes desti-
nées à l’application locale. Le collyre et la pommade ophtalmique
Le traitement de la brucellose aiguë repose sur la doxycycline à la rifamycine SV sont très utilisés pour le traitement des conjonc-
(200 mg/j) pendant 6 semaines, associée soit à la streptomycine tivites bactériennes. La rifamycine SV est active sur Chlamydia
pendant 14 à 21 jours, soit à la gentamicine 7 à 14 jours, soit à de trachomatis, agent du trachome, et sur le gonocoque [10] . Les autres
la rifampicine (10 à 15 mg/kg/j, soit environ 600 mg à 900 mg/j présentations locales (solution auriculaire, collutoire, solution
chez l’adulte) pendant 6 semaines. pour application locale) peuvent avoir des indications limitées.
Chez l’enfant de moins de 8 ans, le traitement de la brucellose Leur utilisation peut exposer à la sélection de bactéries résistantes
se fait soit par l’association de cotrimoxazole pendant 6 semaines aux rifamycines.
et gentamicine pendant 7 jours, soit par l’association rifampicine
15/mg/kg/j pendant 6 semaines et gentamicine pendant 7 jours.
Chez la femme enceinte, un traitement par monothérapie Rifabutine
de rifampicine pendant 6 semaines ou une bithérapie associant
cotrimoxazole et rifampicine pendant 6 semaines peuvent être La rifabutine est un dérivé spiropipéridyle de la rifamycine
proposés. S, produit par hémisynthèse [50] . Le spectre de la rifabutine sur
En cas de brucellose focalisée (endocardite, spondylodiscites, les mycobactéries inclut celui de la rifampicine, avec une acti-
etc.), une triple antibiothérapie est indiquée par doxycycline vité comparable sur les souches de M. tuberculosis sensibles à la
(200 mg/j), rifampicine (600 mg/j) pendant plusieurs mois et un rifampicine. Moins d’un tiers des souches résistantes à la rifampi-
aminoside pendant 14 à 21 jours [42] . cine garde une sensibilité relative à la rifabutine [51] . Cependant,
les souches ayant un haut niveau de résistance à la rifampi-
Légionellose cine résistent à la rifabutine. Il n’est donc pas recommandé
d’utiliser de la rifabutine en cas de résistance de M. tuberculosis
La rifampicine est très active in vitro et dans les modèles expéri- à la rifampicine [52] . La rifabutine se distingue surtout par une
mentaux vis-à-vis de Legionella pneumophila. Son association aux meilleure activité sur Mycobacterium avium et Mycobacterium intra-
macrolides, ou à une fluoroquinolone, est recommandée dans les cellulare [52–54] . En effet, la rifabutine inhibe 81 % des souches de M.
légionelloses graves, notamment chez l’immunodéprimé [43] . avium à une concentration de 1 mg/l, alors que seulement 6 % des
souches sont inhibés par la même concentration de rifampicine.
Infections à bacilles à Gram négatif Cependant, la pharmacocinétique de la rifabutine est moins
multirésistants favorable que celle de la rifampicine. La rifabutine est absorbée
par le tube digestif, atteignant chez l’adulte un pic de concentra-
La rifampicine peut être utilisée dans les infections à bacilles
tion plasmatique d’environ 0,5 mg/l, 4 heures après ingestion de
à Gram négatif multirésistants tels que Pseudomonas aeruginosa,
300 mg. La demi-vie plasmatique est de 16 heures, et la liaison aux
Acinetobacter baumannii, ou autres bacilles à Gram négatif multi-
protéines de 20 %. L’antibiotique se concentre dans de nombreux
résistants, en association avec la colistine, voire avec un troisième
tissus, et notamment le poumon où les concentrations peuvent
antibiotique. En effet, l’association colistine et rifampicine semble
être dix fois supérieures aux concentrations plasmatiques.
plus efficace in vitro qu’une monothérapie par colistine [44–46] .
Il existe, comme pour les autres rifamycines, une clairance hépa-
tique et rénale. La rifabutine exerce un effet inducteur moindre
Autres infections que la rifampicine sur les enzymes microsomales hépatiques,
La rifampicine est active sur de nombreuses souches notamment le cytochrome P-450. Il existe des interactions entre
d’anaérobies, y compris de Bacteroides fragilis, mais cette activité la rifabutine et les inhibiteurs de protéase ou les inhibiteurs non
n’a pas été documentée en clinique. La rifampicine a été utilisée nucléosidiques de la transcriptase inverse (Tableau 1). Il n’y a pas

EMC - Maladies infectieuses 5


8-004-K-10  Rifamycines

Tableau 1. 4 mois suivants. La rifapentine a la même hépatotoxicité que la


Adaptation du traitement antirétroviral et de la rifabutine. rifampicine, mais entraîne moins de syndrome pseudogrippal.
Posologie de Posologie de la rifabutine En revanche, la rifapentine s’est révélée moins efficace que la
l’antirétroviral rifampicine dans le traitement de la tuberculose chez les patients
infectés par le VIH. Comme la rifampicine, la rifapentine est un
Tout inhibiteur Inchangée 150 mg trois fois par inducteur du cytochrome P-450 et peut donc modifier le métabo-
de protéase semaine (ou 1 jour sur 2)
lisme de nombreux médicaments [16] .
associé au
ritonavir
Éfavirenz Inchangée 450 mg/j Rifalazil
Névirapine Inchangée 300 mg/j La rifalazil (benzoxazine–rifamycine) est une nouvelle rifa-
mycine, en cours de développement. Elle est efficace sur la
tuberculose, sur les souches de M. complex avium, sur S. aureus,
d’interaction entre la rifabutine et le raltégravir ou le maraviroc ; C. trachomatis, C. difficile et H. pylori.
cependant, en l’absence de données cliniques, aucune recomman- Cette molécule a une demi-vie plus longue que celle de la rifam-
dation n’est actuellement établie [31] . picine et elle a très peu d’interactions avec le cytochrome 3A.
Le kétoconazole, le fluconazole et la clarithromycine aug- Alors que la rifalazil est bien tolérée en dose unique dans le
mentent les concentrations sériques de la rifabutine. Le traitement des infections à C. trachomatis, certains essais cliniques
fluconazole augmente l’AUC de la rifabutine de plus de 80 % ; en retrouvent plus de syndromes pseudogrippaux qu’avec la rifampi-
revanche, les concentrations plasmatiques du fluconazole ne sont cine quand la rifalazil est utilisée en association dans le traitement
pas modifiées. L’association rifabutine (300 mg/j)-clarithromycine de tuberculoses pulmonaires [16] .
(1 g/j) entraîne une diminution de l’AUC de la clarithromycine de
44 %.
En dehors de la toxicité hépatique, les autres effets indésirables Rifaximine
décrits sont des arthralgies, des arthrites, des uvéites, des ulcéra- La rifaximine est une rifampicine non absorbée efficace sur
tions buccales et des modifications de la couleur de la peau en cas C. difficile. Elle est utilisée dans la prévention des récurrences des
de surdosage. colites pseudomembraneuses à C. difficile, le plus souvent à la dose
La rifabutine est indiquée dans le traitement curatif de de 400 mg deux fois par jour pendant 15 jours après un traitement
l’infection à M. avium chez les patients séropositifs pour le VIH [32] . par vancomycine [57, 58] .
Elle doit être toujours donnée en association à au moins deux La rifaximine est bien tolérée avec peu d’effets secondaires tels
autres antibiotiques : clarithromycine, éthambutol. Elle permet de que des céphalées et des distensions abdominales.
réduire le taux de sélection de résistance à la clarithromycine [55] . Elle a également été utilisée pour la prévention de récidive
Elle s’est également révélée efficace dans le traitement préven- d’encéphalopathie hépatique chez les patients atteints de cirrhose
tif des infections à M. avium chez les sujets infectés par le VIH et dans le traitement du syndrome du côlon irritable.
et ayant une concentration de lymphocytes CD4 inférieure à La rifaximine n’est pas commercialisée en France, mais est uti-
200/mm3 . Néanmoins, la rifabutine est rarement utilisée dans
lisée au États-Unis.
cette indication, en raison des interactions médicamenteuses avec
de nombreux antiviraux.
Pour la prophylaxie primaire de l’infection à M. avium, la poso-
logie est de 300 mg/j. Pour le traitement curatif des infections à
 Conclusion
M. avium, la posologie est comprise entre 300 et 450 mg/j. Cette
posologie doit être réduite en cas de prise concomitante de clari- Les rifamycines et notamment la rifampicine sont des antibio-
thromycine et/ou des inhibiteurs non nucléosidiques de la reverse tiques actifs sur un grand nombre de bactéries à Gram positif ou
transcriptase et/ou des inhibiteurs de la protéase. négatif et de mycobactéries. Elles ne doivent jamais être utilisées
Dans le traitement de la tuberculose, la rifabutine s’est mon- en monothérapie du fait du risque de sélection de mutants résis-
trée aussi efficace que la rifampicine mais n’a pas l’autorisation tants, sauf dans de rares indications. Il faut se méfier du risque
de mise sur le marché, en France, pour le traitement des tuber- d’interaction médicamenteuse lors de la prescription de rifam-
culoses à bacilles sensibles. Elle est recommandée à la place de la picine. En effet, la rifampicine, comme la rifapentine, sont des
rifampicine, chez les patients infectés par le VIH et recevant un inducteurs du cytochrome P-450, alors que la rifabutine ou le
traitement antirétroviral par inhibiteurs non nucléosidiques de la rifalazil le sont beaucoup moins. Ces antibiotiques sont habituel-
transcriptase inverse ou par inhibiteurs de protéase. lement bien tolérés, l’effet secondaire le plus fréquent étant le
La rifabutine est commercialisée sous forme de comprimés à syndrome pseudogrippal.
150 mg.
La rifabutine s’est montrée également efficace dans l’éradication
des infections à Helicobacter pylori chez les patients en échec thé-  Références
rapeutique [56] .
[1] Tupin A, Gualtieri M, Roquet-Banares F, Morichaud Z, Brodolin
K, Leonetti JP. Resistance to rifampicin: at the crossroads between
Rifapentine ecological, genomic and medical concerns. Int J Antimicrob Agents
2010;35:519–23.
La rifapentine ou cyclopentyl–rifamycine est un antibiotique [2] Andrews JM. BSAC standardized disc susceptibility testing method
dont l’activité antibactérienne est proche de celle de la rifampi- (version 8). J Antimicrob Chemother 2009;64:454–89.
cine. Elle est commercialisée aux États-Unis, mais pas en Europe. [3] Dreses-Werringloer U, Padubrin I, Zeidler H, Köhler L. Effects of
In vitro, l’activité de la rifapentine sur M. tuberculosis et M. leprae Azithromycin and Rifampicin on Chlamydiae trachomatis. Infection
est supérieure à celle de la rifampicine mais inférieure sur les in vitro. Antimicrob Agents Chemother 2001;45:3001–8.
[4] Jiang ZD, DuPont HL, La Rocco M, Garey KW. In vitro susceptibility
souches de M. complex avium. La résistance est habituellement
of Clostridium difficile to rifaximin and rifampicin in 359 consecutive
croisée entre ces deux antibiotiques. La rifapentine se distingue
isolates at a university hospital in Houston, Texas. J Clin Pathol
par une demi-vie plus longue par rapport à la rifampicine. Elle est 2010;63:3355–8.
commercialisée sous forme de comprimés à 150 mg. Aux États- [5] Luna VA, King DS, Gulledge J, Cannons AC, Amuso PT, Cattani
Unis, son indication est retenue uniquement dans le traitement J. Susceptibility of Bacillus anthracis, Bacillus cereus, Bacil-
de la tuberculose pulmonaire non résistante, à la posologie de lus mycoides, Bacillus pseudomycoides and Bacillus thuringiensis
600 mg, deux fois par semaine, en association à l’isoniazide, le to 24 antimicrobials using Sensititre automated microbroth dilu-
pyrazinamide et l’éthambutol pendant les 2 premiers mois, puis tion and Etest agar diffusion methods. J Antimicrob Chemother
600 mg par semaine en association avec l’isoniazide pendant les 2007;60:555–67.

6 EMC - Maladies infectieuses


Rifamycines  8-004-K-10

[6] Kedlaya I, Ing MB, Wong SS. Rhodococcus equi infections in [27] Fenniche S, Maalej S, Fekih L, Hassene H, Belhabib D, Meqdiche ML.
immunocompetent hosts: case report and review. Clin Infect Dis Manifestations of rifampicin-induced hypersensitivity. Presse Med
2001;32:E39–46. 2003;32:1167–9.
[7] Brett M, Short P, Beatson S. The comparative in-vitro activity of [28] Altman C, Biour M, Grangé JD. Toxicité hépatique des antitubercu-
roxithromycin and other antibiotics against Bordetella pertussis. J leux. Presse Med 1993;22:1212–6.
Antimicrob Chemother 1998;41(supplB):23–7. [29] Mnyani CN, McIntyre JA. Tuberculosis pregnancy. BJOG
[8] Vecsei A, Kipet A, Innerhofer A, Graf U, Blinder C, Gizci H, 2010;118:226–31.
et al. Time trends of Helicobacter pylori resistance to antibio- [30] Tattevin P, Chapplain JM, Lesprit P, Billy C, Roblot F, Alfandari S,
tics in children living in Vienna, Austria. Helicobacter 2010;15: et al. Tuberculosis treatment duration in France: from guidelines to
214–20. daily practice. Eur J Intern Med 2006;17:427–9.
[9] Farr BM. Rifamycins. In: Principles and practice of infectious diseases. [31] Tattevin P. Tuberculous treatment in 2007. Med Mal Infect
New York: Churchill Livingstone; 1999. p. 348–61. 2007;37:617–28.
[10] Kucers A, Crowe SM, Grayson ML, Hoy JF. Rifampicin (Rifampin). [32] Girard PM, Katlama C, Pialoux G. VIH. Paris: Doin; 2011.
In: The use of antibiotics. London: Butterworth-Heinemann; 1997. p. [33] Britton WJ, Lockwood DN. Leprosy. Lancet 2004;363:11209–19.
676–708. [34] Saginur R, Stdenis M, Ferris W, Aaron SD, Chan F, Lee C, et al.
Multiple combination bactericidal testing of staphylococcal biofilms
[11] Griffith DE, Aksamit T, Brown-Ellliott BA, Catanzaro A, Daley C,
from implant-associated infections. Antimicrob Agents Chemother
Gordin F, et al. An official ATS/IDSA statement: diagnosis, treatment,
2006;50:55–61.
and prevention of nontuberculous mycobacterial diseases. Am J Respir
Crit Care Med 2007;175:367–416. [35] Habib G, Hoen B, Tornos P, Thuny F, Prendergast B, Vila-
costa I. Guidelines on the prevention, diagnosis and treatment of
[12] Veziris N, Robert J. Anti-tuberculosis drug resistance and therapeutic infective endocarditis (new version 2009). Eur Heart J 2009;30:
dead end. Med Sci 2010;26:976–80. 2369–413.
[13] Silva LV, Araujo MT, Santos KR, Nunes AP. Evaluation of synergis- [36] SPILF. Recommandations de pratique clinique. Infections ostéoarticu-
tic potential of vancomycin combined with other antimicrobial agents laires sur matériel (prothèse, implant, ostéosynthèse). Med Mal Infect
against methicillin-resistant Staphylococcus aureus and coagulase- 2009;39:745–74.
negative Staphylococcus spp. strains. Mem Inst Oswaldo Cruz [37] Heldman AW, Hartert TV, Ray SC, Daoud EG, Kowalski TE, Pompili
2011;106:44–50. VJ, et al. Oral antibiotic treatment of right-sided staphylococcal endo-
[14] Martinez-Lacasa J, Cabellos C, Martos A, Fernandez A, Tubeau F, carditis in drug injection users: prospective randomized comparison
Viladrich PF, et al. Experimental study of efficacy of vancomycin, with parenteral therapy. Am J Med 1996;101:68–76.
rifampicin and dexamethasone in the therapy of pneumococcal menin- [38] Miro JM, Garcia de la Maria C, Armero Y, Soy D, Moreno A, Del Rio
gitis. J Antimicrob Chemother 2002;49:507–13. A, et al. Addition of gentamicin or rifampicin does not enhance the
[15] Salem AH, Elkhatib WF, Noreddin AM. Pharmacodynamic assessment effectiveness of daptomycin in treatment of experimental endocarditis
of vancomycin-rifampicin combination against methicillin resistant due to methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Antimicrob Agents
Staphylococcus aureus biofilm: a parametric response surface analysis. Chemother 2009;53:4172–7.
J Pharm Pharmacol 2011;63:73–9. [39] SPILF, 17e conférence de consensus. Prise en charge des méningites
[16] Aristoff PA, Garcia GA, Kirchhoff PD, Hollis Showalter bactériennes aiguës communautaires (à l’exclusion du nouveau-né).
HD. Rifamycins-obstacles and opportunities. Tuberculosis Med Mal Infect 2009;39:175–86.
2010;90:94–118. [40] Nau R, Wellmer A, Soto A. Rifampin reduces early mortality in
[17] McCance-Katz EF, Moody DE, Prathikanti S, Friedland G, Rainey experimental Streptococcus pneumoniae meningitis. J Infect Dis
PM. Rifampicin, but not rifabutin, may produce opiate withdra- 1999;179:1557–60.
wal in buprenorphine-maintained patients. Drug Alcohol Depend [41] Ministère de la Santé, circulaire n◦ RI1/2011/33 du 27/01/2011 relative
2011;118:326–34. à la prophylaxie des infections invasives à méningocoque.
[18] L’homme RF, Nijland HM, Gras L, Aarnoutse RE, Vab Cre- [42] Solera J. Update on brucellosis: therapeutic challenges. Int J Antimi-
vel R, Boeree M, et al. Clinical experience with combina- crob Agents 2010;36:S18–20.
tion use of lopinavir/ritonavir and rifampicin. AIDS 2009;23: [43] Varner TR, Bookstaver PB, Rudisill CN, Albrecht H. Role
863–5. of rifampicin-based combination therapy for severe community
[19] Manosuthi W, Sungkanuparph S, Thakkinstian A, Rattanasiri S, Chao- acquired Legionella pneumophila pneumonia. Ann Pharmacother
vavanich A, Prasithsirikul W, et al. Plasma nevirapine levels and 2011;45:967–76.
24 weeks efficacy in HIV-infected patients receiving nevirapine-based [44] Cirioni O, Ghiselli R, Orlando F, Silvestri C, Mocchegiani F, Rocchi
highly active antiretroviral therapy with or without rifampicin. Clin M, et al. Efficacy of colistin/rifampin combination in experimental
Infect Dis 2006;43:253–5. rat models of sepsis due to a multiresistant Pseudomonas aeruginosa
[20] Orell C, Cohen H, Conradie F, Zeinecker J, Ive P, Sanne I, et al. Efa- strain. Crit Care Med 2007;35:1717–23.
virenz and rifampicin in the South African context: is there a need to [45] Bassetti M, Repetto E, Righi E, Boni S, Diverio M, Molinari MP,
dose-increase efavirenz with concurrent rifampicin therapy? Antivir et al. Colistin and rifampicin in the treatment of multidrug-resistant
Ther 2011;16:527–34. of Acinetobacter baumannii infections. J Antimicrob Chemother
2008;61:417–20.
[21] Cohen K, Grant A, Dandara C, Mcllleron H, Pemba L, Fiel-
[46] Urban C, Mariano N, Rahal JJ. In vitro double and triple bacte-
ding K, et al. Effect of rifampicin-based antitubercular therapy
ricidal activities of doripenem, polymyxin B, and rifampin against
and the cytochrom P450 2B6 516G > T polymorphism on efavirenz
multidrug-resistant Acinetobacter baumannii, Pseudomonas aerugi-
concentrations in adults in South Africa. Antivir Ther 2009;14:
nosa, Klebsiella pneumoniae and Escherichia coli. Antimicob Agents
687–9.
Chemother 2010;54:2732–4.
[22] Brainard DM, Wenning LA, Stone JA, Wagner JA, Iwamoto M. Clinical [47] Kochar DK, Saini G, Kochar SK, Sirohi P, Bumb RA, Metha RD,
pharmacology profile of raltegravir, an HIV-1 integrase strand transfer et al. A double blind, randomised placebo controlled trial of rifampicin
inhibitor. J Clin Pharmacol 2011;51:1376–402. with omeprazole in the treatment of human cutaneous leishmaniasis.
[23] Abel S, Jenkins TM, Whitlock LA, Ridgway CE, Muirhead GJ. Effects J Vector Borne Dis 2006;43:161–7.
of CYP3A4 inhibitors on the pharmacokinetics of maraviroc in healthy [48] Gaafar HA, Gaafar AH, Nour YA. Rhinoscleroma: an update expe-
volunteers. Br J Clin Pharmacol 2008;65:38–46. rience through the last 10 years. Acta Otolaryngol 2011;131:440–6.
[24] Roblot F, Besnier JM, Giraudeau B, Simonnard N, Joinville-Bera [49] Kremer AE, Beuers U, Oude-Elferink RP, Pusl T. Pathogenesis and
AP, Coipeau P, et al. Lack of association between rifam- treatment of pruritus in cholestasis. Drugs 2008;68:2163–82.
picin plasma concentration and treatment-related side effects [50] Rifabutin. Tuberculosis 2008;2:145–7.
in osteoarticular infections. Fundam Clin Pharmacol 2007;21: [51] Umubyeyi A, Rigouts L, Shamputa IC, Dediste A, Struelens M,
363–9. Portaels F. Low levels of second line drug resistance among multidrug-
[25] Perriot J, Chambonnet E, Eschalier A. Managing the adverse events of resistant Mycobacterium tuberculosis isolates from Rwanda. Int J
antitubercular agents. Rev Mal Respir 2011;28:542–55. Infect Dis 2008;12:152–6.
[26] Couraud S, Giroder B, Vuillermoz S, Vincent M. Rifampicin indu- [52] Recommandations de la Société de pneumologie de langue française
ced thrombocytopenia: one new case. Rev Fr Allergol 2006;46: pour la prise en charge de la tuberculose en France. Rev Mal Respir
656–8. 2004;21:S3–104.

EMC - Maladies infectieuses 7


8-004-K-10  Rifamycines

[53] Grassi C, Peona V. Use of rifabutin in the treatment of pulmonary [56] Van Zanten SV, Desai S, Best L, Cooper-Lesins G, Malatjalian D,
tuberculosis. Clin Infect Dis 1996;22:550–4. Haldane D, et al. Rescue therapy using a rifabutin-based regimen is
[54] Masur H. And the public health service task force on prophylaxis effective for cure Helicobacter pylori infection. Can J Gastroenterol
and therapy for Mycobacterium avium complex. N Engl J Med 2010;24:303–6.
[57] Shah D, Dang MD, Hasbun R, Koo HL, Jiang ZD, DuPont HL, et al.
1993;329:898–904.
Clostridium difficile infection: update on emerging antibiotic treat-
[55] May T, Brel F, Beuscart C. Comparison of combination therapy regi- ment options and antibiotic resistance. Expert Rev Anti Infect Ther
mens for treatment of human immunodeficiency virus-infected patients 2010;8:555–64.
with disseminated bacteremia due to Mycobacterium avium. Clin Infect [58] Rivkin A, Gim S. Rifaximin: new therapeutic indication and future
Dis 1997;25:621–9. directions. Clin Ther 2011;33:812–27.

L. Letranchant, Praticien hospitalier (l.letranchant@chu-nancy.fr).


C. Rabaud, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
T. May, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service des maladies infectieuses et tropicales, Centre hospitalier universitaire de Nancy, Hôpitaux de Brabois, bâtiment Philippe-Canton, allée du Morvan,
54500 Vandœuvre-les-Nancy, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Letranchant L, Rabaud C, May T. Rifamycines. EMC - Maladies infectieuses 2012;9(4):1-8 [Article
8-004-K-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

8 EMC - Maladies infectieuses


 8-004-L-10

Glycopeptides
N. Bourgeois-Nicolaos, C. Guillet-Caruba

Les glycopeptides constituent une famille d’antibiotiques dont les deux représentants disponibles en
médecine humaine sont la vancomycine et la teicoplanine. Ils agissent en inhibant la synthèse de la
paroi bactérienne en bloquant la synthèse du peptidoglycane. Ils sont bactéricides mais cette bactéricidie
est lente et temps-dépendante. Non absorbés par voie orale, ils sont exclusivement utilisés par voie
parentérale pour les infections systémiques. Leur spectre d’action étroit est dirigé contre les bactéries à
Gram positif. Ils sont réservés aux traitements des infections graves documentées ou présumées à des
bactéries à Gram positif résistantes aux ␤-lactamines ou chez des patients allergiques aux ␤-lactamines.
Les limites de la vancomycine sont la tolérance et la bactéricidie lente. La néphrotoxicité dose dépendante
de la vancomycine et l’émergence de souches staphylocoques et entérocoques de sensibilité diminuée aux
glycopeptides nécessitent l’ajustement du taux sérique. La teicoplanine semble moins toxique mais plus
coûteuse. Dans un souci de maîtrise de la résistance des bactéries aux antibiotiques, l’usage de ces
molécules doit être parcimonieux et correspondre à des indications bien précises.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Glycopeptides ; Vancomycine ; Teicoplanine ; Peptidoglycane ; Entérocoques ;


Staphylococcus aureus ; Clostridium difficile

Plan constituant la famille des glycopeptides à être utilisées en méde-


cine humaine. Les glycopeptides sont des antibiotiques réservés
■ Introduction 1 aux hôpitaux. Ces deux molécules ont un spectre étroit et sont
essentiellement utilisées dans le traitement des infections à cocci
■ Origines, structure chimique et propriétés physicochimiques 1 à Gram positif, comme les staphylocoques, les streptocoques et
Vancomycine 1 les entérocoques, en cas de multirésistance aux antibiotiques ou
Teicoplanine 2 d’intolérance aux ␤-lactamines. Cependant, une certaine néphro-
■ Mode d’action 3 toxicité, une bactéricidie lente, l’émergence de la résistance aux
Cible 3 glycopeptides chez les entérocoques et les staphylocoques ainsi
Spectre d’activité antibactérienne 3 que la commercialisation récente de nouveaux anti-Gram positif
■ Résistances 4 font discuter l’intérêt de cette classe d’antibiotiques.
Mécanismes de résistance acquise 4 Cette revue porte sur l’origine, la structure chimique, le méca-
Épidémiologie de la résistance 5 nisme d’action et de résistance et l’utilisation clinique de la

vancomycine et de la teicoplanine.
Paramètres pharmacocinétiques 5
Vancomycine 6


Teicoplanine
Utilisation en clinique
6
6
 Origines, structure chimique
Indications 6 et propriétés physicochimiques
Posologie, rythme et voie d’administration 7
Suivi thérapeutique 7 La vancomycine et la teicoplanine sont toutes deux d’origine
Tolérance 8 naturelle.
■ Nouveaux lipoglycopeptides en cours de développement 8
■ Conclusion 8 Vancomycine
Sous-produit de fermentation d’un actinomycète, Streptomyces
orientalis, la vancomycine a été découverte en 1956 à partir
d’échantillon de boues du Mississipi. Largement utilisée lors
 Introduction de son introduction en clinique en 1958, la vancomycine a
connu une première période faste rapidement tempérée par
Anciennes molécules utilisées respectivement depuis plus de des problèmes d’intolérance et par la découverte des pénicil-
cinquante ans et trente ans, la vancomycine et la teicoplanine lines M. Bénéficiant de nouvelles techniques de purification
sont les deux seules molécules parmi la centaine de molécules et de l’émergence de souches de staphylocoques résistants aux

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 9 > n◦ 2 > mai 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)50184-5
8-004-L-10  Glycopeptides

HO Figure 1.
HO A. Formule chimique de la vancomycine [2] .
O OH B. Formule chimique de la teicoplanine [2] .
O O
H2N CH3
HO O Cl
H3C O O

HO OH
Cl
O H O H
O N N
N N NH
H O H
HN O NHCH3
O
HOOC CONH2

OH
HO OH
A

CO
HO HN
HO
O O Cl
HO
O O
OH
HO O
HO O
Cl
NHAc O H O H O
O N N NH2
N N N
H O H O H
HN
HOOC
HO O
OH OH
HO O
OH
O OH
OH B
OH

␤-lactamines, la vancomycine a connu un renouveau devenant d’Actinoplanes teichomyceticus. Cette molécule est seulement uti-
ainsi l’antibiotique majeur des infections à bactéries à Gram lisée en Europe et ne fait pas partie de l’arsenal thérapeutique des
positif résistantes aux ␤-lactamines et aux autres antibiotiques États-Unis.
antistaphylococciques. Comme la vancomycine, la teicoplanine possède une struc-
La présence d’un noyau heptapeptidique confère aux glycopep- ture heptapeptidique sur laquelle se greffent des groupements
tides un poids moléculaire bien plus élevé que celui des autres hydroxyles (Fig. 1B). La teicoplanine est un glycopeptide composé
molécules antibiotiques comme les ␤-lactamines et les amino- de six composants : cinq formant le groupe majeur A2 et un
sides. formant le groupe mineur A3. Les cinq composants (TA2 -1 à
D’une masse moléculaire de 1 449 daltons (Da), la vancomy- TA2 -5) formant le groupe A2 présentent une masse moléculaire
cine (C66 H75 Cl2 N9 O24 ) est un heptapeptide linéaire contenant un variant de 1 875 Da à 1 891 Da du fait de la présence de trois rési-
disaccharide formé d’une molécule de glucose et de glucosamine dus osidiques (D-mannose, N-acétylglucosamine et d’un résidu
et des acides aminés résiduels (bêtahydroxychlorotyrosine, phé- N-acylglucosamine) et une chaîne latérale variable d’acide gras
nylglycine N-méthyl-leucine et l’acide aspartique) (Fig. 1A). comprenant 9 atomes de carbone à 11 atomes de carbone. Cette
Molécule très polaire, la vancomycine est commercialisée sous chaîne variable d’acide gras confère à la molécule certaines de ces
forme de lyophilisat de chlorhydrate de vancomycine pour usage propriétés physicochimiques. Le composant A3 comporte deux
parentéral intraveineux. Cette molécule est irritante pour les résidus osidiques et aucun résidu acyl, ce qui lui confère une
veines et inutilisable par voie intramusculaire. masse moléculaire de 1 562 Da et le caractère le plus polaire des
composants de la teicoplanine.
La teicoplanine présente une plus grande lipophilie, lui permet-
Teicoplanine tant une meilleure pénétration tissulaire que la vancomycine avec
un relargage lent, d’où une demi-vie plus longue. Cette molécule
Molécule plus récente que la vancomycine, la teicoplanine est un acide faible, soluble dans l’eau et présentant une bonne
a été découverte en 1978 comme produit de fermentation tolérance intraveineuse ou intramusculaire.

2 EMC - Maladies infectieuses


Glycopeptides  8-004-L-10

 Mode d’action France par le Comité français de l’antibiogramme (CA-SFM) en


2011 [66] et l’European Committee on Antimicrobial Susceptibi-
Cible lity (EUCAST) [65] . Il faut noter que depuis 2011, le CA-SFM a
suivi les recommandations de l’EUCAST dans le cadre d’une har-
Les glycopeptides sont des inhibiteurs de la synthèse du compo- monisation européenne de l’interprétation de la sensibilité aux
sant principal de la paroi bactérienne, le peptidoglycane. La glycopeptides surtout pour les staphylocoques.
synthèse du peptidoglycane requiert trois étapes : la synthèse de
précurseurs pentapeptidiques dans le cytoplasme ; ces derniers
sont fixés sur le transporteur lipidique (lipide II) qui permet leur Espèces sensibles
translocation à la surface de la membrane cytoplasmique ; poly-
mérisation des précurseurs par des réactions de transpeptidation Les glycopeptides ont un spectre étroit. Ils sont actifs géné-
et transglycosylation [1, 2] . ralement sur les bactéries à Gram positif aérobies tels que les
Les glycopeptides agissent sur la dernière étape de forma- espèces des genres staphylocoques, streptocoques, entérocoques,
tion du peptidoglycane. Ils se fixent par l’intermédiaire de cinq corynébactéries, Listeria et Bacillus [5–9] . La vancomycine et de la
liaisons hydrogène à l’extrémité peptidyl-D-alanyl-D-alanine ter- teicoplanine ont une activité bactérienne in vitro sur certaines
minal (D-Ala-D-Ala) du précurseur pentapeptidique [3] (Fig. 2). bactéries à Gram positif. Les spectres d’activité antibactérienne
Leur grande taille et leur structure tridimensionnelle permettent à de la vancomycine et de la teicoplanine sont superposables. La
ces molécules de recouvrir le D-Ala-D-Ala terminal du précurseur teicoplanine a une activité supérieure sur les entérocoques mais
pentapeptidique. Cet encombrement stérique empêche l’action inférieure sur les staphylocoques à coagulase négative.
des carboxypeptidases et des transpeptidases qui ne peuvent plus Pratiquement toutes les souches Staphylococcus aureus y compris
exciser la D-alanine terminale du précurseur et assurer la liaison celles résistantes à la méticilline (staphylocoques résistants à la
du D-alanyl subterminal au résidu du précurseur pentapeptidique méticilline [SARM]) sont sensibles à la vancomycine et la teico-
déjà polymérisé au sein du peptidoglycane. Ce blocage stérique planine [9] . En dehors du Staphylococcus haemolyticus, la grande
s’exerce sur deux types de précurseurs du peptidoglycane : le majorité des staphylocoques à coagulase négative sont sensibles
lipide II présent dans l’espace périplasmique à la surface de la aux glycopeptides.
cellule et les précurseurs ayant des extrémités D-Ala-D-Ala libres. L’activité des glycopeptides s’exerce également sur les espèces
Ils inhibent l’action des transglycosylases qui permettent de créer du genre entérocoque dont les plus fréquentes sont Enterococ-
une liaison entre les fractions glucidiques et les précurseurs penta- cus faecalis et Enterococcus faecium. Les CMI de la vancomycine
peptidiques [2] . Les glycopeptides provoquent ainsi un arrêt de la et de la teicoplanine sont dispersées de 0,25 mg/l à 4 mg/l pour
synthèse du peptidoglycane et de la croissance bactérienne. E. faecalis et E. faecium avec une CMI modale à 1 mg/l [9] . Du fait
Ces antibiotiques sont lentement bactéricides Ils sont rarement d’une résistance à bas niveau à la vancomycine de type VanC,
bactéricides au bout de 24 heures et ne le deviennent qu’après Enterococcus gallinarum et Enterococcus casseliflavus ont des CMI de
48 heures de contact avec les bactéries. Une hypothèse est que la vancomycine plus élevées et restent sensibles à la teicoplanine.
l’action des inhibiteurs de la synthèse de la paroi (glycopeptides Les glycopeptides sont aussi actifs sur les bactéries à Gram positif
ou ␤-lactamines) active la libération d’autolysines qui dégradent anaérobies y compris les espèces du genre Clostridium [8, 10] .
la paroi, provoquant ainsi le suicide bactérien [4] . Cependant, du
fait de leur taille et de l’encombrement stérique, les glycopeptides
gênent l’action de ces enzymes. Espèces résistantes
Nocardia asteroides, les lactobacilles, Leuconostoc, Pediococcus,
Spectre d’activité antibactérienne Erysipelothrix, Ricketsia et Coxiella, Bartonella, les mycoplasmes, les
Chlamydiae, les tréponèmes, les leptospires, les mycobactéries sont
L’activité antibactérienne in vitro des glycopeptides est déter- résistants. De plus, du fait de leur grande masse moléculaire, les
minée selon l’interprétation des valeurs des concentrations glycopeptides ne sont pas actifs contre les bactéries à Gram néga-
minimales inhibitrices (CMI) obtenues avec les méthodes stan- tif aérobies et anaérobies, car ils ne peuvent emprunter les porines
dards de mesure. Des concentrations critiques sont proposées en de la membrane externe de ces bactéries.

Paroi Membrane Cytoplasme Figure 2. Biosynthèse du peptidoglygane et mécanisme


bactérienne d’action des glycopeptides [2] .
2L-Ala

D-Lactate
2 D-Ala
Inhibition de la
tranglycosylation,
transpeptidation,et D-Ala-D-Lact
carboxypeptidation
D-Ala-DAla

UDP
tripeptide
L-Ala-D-Glu-L-Lys

UDP
Glycopeptides

EMC - Maladies infectieuses 3


8-004-L-10  Glycopeptides

 Résistances Le phénotype VanB est le deuxième en importance chez les


souches d’entérocoques. Le gène vanB a également été décrit
Mécanismes de résistance acquise chez d’autres genres bactériens comme Streptococcus bovis [18] ou
Clostridium. Ce phénotype est transférable in vitro entre des
Les premiers rapports sur la résistance aux glycopeptides ont souches d’entérocoques et également in vivo entre C. symbiosum
été publiés dès 1979 pour les staphylocoques à coagulase néga- et des souches d’entérocoques [14, 19] . La résistance de type VanB
tive [11] , en 1986 pour les entérocoques [12] et en 1997-1998 pour est induite par la présence de vancomycine uniquement. Le phé-
S. aureus [13] . La résistance aux glycopeptides peut être due à une notype VanB se caractérise par des niveaux variables de résistance
modification de la cible ou à une réorganisation de la structure de à la vancomycine tandis que la teicoplanine conserve également
la paroi bactérienne. Le premier mécanisme a été d’abord décrit son activité.
chez les entérocoques et plus récemment chez S. aureus. Tandis que Le phénotype VanD a été décrit uniquement dans des souches
le deuxième mécanisme a été rapporté chez les staphylocoques à d’entérocoques et est exprimé de manière constitutive. Les autres
coagulase négative ou S. aureus. Le Tableau 1 recense l’ensemble phénotypes (VanE, VanG, VanL et, VanN) résultent de la synthèse
des phénotypes de résistance acquise aux glycopeptides décrits à pariétale des précurseurs du peptidoglycane ayant une extrémité
ce jour. D-Ala-D-Ser. Ils sont caractérisés par un faible niveau de résistance
à la vancomycine et une sensibilité à la teicoplanine.
Certaines souches sont non seulement résistantes à la vancomy-
Modification de la cible des glycopeptides
cine et à la teicoplanine, mais requièrent également la présence
Ce mécanisme de résistance est dû à l’acquisition d’opérons qui des glycopeptides pour leur croissance. Ces souches sont donc
spécifient des enzymes pour la synthèse des précurseurs du pep- dites « dépendantes à la vancomycine ». Elles ont été isolées à
tidoglycane de faible affinité et l’élimination des précurseurs de la suite d’un traitement au long cours de glycopeptides [20] . La
haute affinité produits par la bactérie hôte. Ces précurseurs se ter- voie classique de synthèse du peptidoglycane est non fonction-
minent soit par un D-alanyl-D-lactate, soit en D-alanyl-D-serine nelle à la suite de l’inactivation de l’enzyme (D-Ala-D-Ala ligase)
au lieu de D-alanyl-D-alanine. dimérisant la D-alanine. La synthèse du peptidoglycane ne peut
Le type de résistance VanA caractérisée par une résistance induc- alors se faire que par la voie alternative utilisant la formation de
tible de haut niveau à la vancomycine et à la teicoplanine a dimères D-Ala-D-Lac, qui est induite par la présence de vancomy-
été décrit le premier et est le plus répandu. L’opéron VanA code cine. Ces souches ne peuvent donc se multiplier en absence de cet
pour une déshydrogénase (VanH) qui réduit le pyruvate en D- antibiotique [14] .
lactate (D-Lac) et une ligase (VanA) qui catalyse la formation de
la liaison ester entre D-Ala et D-Lac. Le dipeptide D-Ala-D-Lac
remplace D-Ala-D-Ala dans la voie synthèse du peptidoglycane.
Modification de la paroi bactérienne
Cette substitution élimine une liaison hydrogène essentielle à Différents termes ont été utilisés pour définir les souches de
la fixation des antibiotiques et réduit considérablement l’affinité S. aureus de sensibilité diminuée aux glycopeptides, staphylo-
pour les glycopeptides. L’interaction des glycopeptides avec sa coques dorés de sensibilité intermédiaire à la vancomycine (VISA) ;
cible est prévenue par l’élimination des précurseurs terminés en staphylocoques dorés de sensibilité intermédiaire hétérogène à la
D-Ala. Deux enzymes sont impliquées dans ce processus : D-D vancomycine (hétéroVISA) et staphylocoques dorés de sensibilité
dipeptidase (VanX) qui hydrolyse le dipeptide D-Ala-D-Ala syn- intermédiaire aux glycopeptides (GISA). Le terme de VISA a été
thétisé par la ligase (Ddl) de l’hôte et une D, D carboxypeptidase le premier utilisé car les souches ainsi nommées étaient intermé-
(VanY) qui enlève le D-Ala C-terminal des précurseurs lorsque diaires à la vancomycine (CMI = 8 mg/l) et avaient été isolées au
l’élimination du D-Ala-D-Ala par VanX est incomplète. Le gène Japon où seule la vancomycine était utilisée comme glycopep-
vanA a été retrouvé chez d’autres espèces d’entérocoques comme tide. Le terme GISA a été ensuite introduit pour tenir compte de
E. avium, E. durans, E. mundtii, E. casseliflavus et E. gallinarum et la teicoplanine. Le terme hétéroVISA définit des souches catégori-
également dans d’autres genres bactériens comme Streptococcus sées comme sensible à la vancomycine mais avec des CMI limites
gallolyticus, Cellulomonas turbata, Arcanobacterium haemolyticum, égales à 2 mg/l ou 4 mg/l. La détermination de la CMI avec des ino-
Bacillus circulons, et S. aureus [14] . Le gène vanA a été localisé aussi cula forts révèle la présence de sous populations intermédiaires
bien dans le chromosome bactérien que sur un plasmide. Le gène (CMI = 8 mg/l) à la vancomycine [21] . Généralement ces souches
vanA est transférable in vitro et in vivo entre entérocoques [15] , héteroVISA sont intermédiaires ou résistants à la teicoplanine.
d’entérocoques vers S. aureus [16] , Streptococcus sanguis, Streptococ- Les souches de phénotypes VISA et hétéroVISA apparaissent être
cus pyogenes, Lactococcus lactis et Listeria monocytogenes [17] . Ce des mutants qui accumulent plusieurs facteurs impliqués dans le
type de résistante est induit par la présence de vancomycine et de mécanisme de résistance [22] . Les souches ont une paroi épaissie
teicoplanine. (environ deux fois), une activité autolytique accrue, relarguent

Tableau 1.
Différents phénotypes de résistance aux glycopeptides acquis.
Phénotype VanA VanM VanB VanD VanE VanG VanL VanN VISA hétéroVISA
Espèces Enterococcus E. faecium E. faecalis
S. aureus E. faecium E. faecium E. faecalis E. faecalis S. aureus S. aureus
Sensibilité
Vancomycine R R r/R R R r r r r S
Teicoplanine R R S r/R S S S S r/R r/R
Expression Inductible ND Inductible Constitutive Inductible et Inductible Inductible Constitutive
constitutible
Localisation Plasmide et Plasmide Plasmide et Chromosome Chromosome Chromosome ND
Chromosome Chromosome
Précurseur D-Ala-D-Lac D-Ala-D-Lac D-Ala-D-Lac D-Ala-D-Lac D-Ala-D-Ser D-Ala-D-Ser D-Ala-D-Ser D-Ala-D-Ser Paroi épaissie
modifié Augmentation
des
précurseurs
D-Ala-D-Ala

VISA : Staphyloccus aureus de sensibilité intermédiaire à la vancomycine ; hétéroVISA : Staphyloccus aureus de sensibilité intermédiaire hétérogène à la vancomycine ;
S. aureus : Staphyloccus aureus ; E. faecalis : Enterococcus faecalis ; E. faecium : Enterococcus faecium ; R : haut niveau de résistance (CMI > 16 mg/l) ; r : bas niveau de résistance
(CMI 8-16 mg/l) ; S : sensible ; ND : non documenté.

4 EMC - Maladies infectieuses


Glycopeptides  8-004-L-10

des débris du peptidoglycane, produisent plus de précurseurs du pays, l’Italie et l’Angleterre ont une prévalence élevée des ERG
peptidoglycane, des PLP4 (protéine liant la pénicilline) inactives, parmi les isolats cliniques, 19,6 % et 10,4 % respectivement [38] . De
présentent une diminution d’amidation du muropeptide et ont plus les données de surveillance du réseau européen « European
multiples autres altérations de leur paroi. Ceci traduit une réorga- Antimicrobial Resistance Surveillance System (EARSS) » montrent
nisation complexe du métabolisme du peptidoglycane qui peut une augmentation de la résistance dans quelques pays en 2005,
empêcher l’accès de la vancomycine à sa cible. Une autre hypo- notamment dans neuf pays un taux de prévalence de plus de
thèse non exclusive serait l’hyperproduction de précurseurs du 10 % a été rapporté dont cinq avaient un taux supérieur à 20 %
peptidoglycane agissant comme autant de leurres pour les glyco- (Israël 45,7 %, Chypre 40 %, Portugal 33,7 %, Royaume-Uni 33 %,
peptides. Irlande 30,9 %, Grèce 37 %, Italie 18,7 %, Belgique 14 % et Répu-
Chez les souches de S. epidermidis et S. haemolyticus résistantes à blique tchèque 13,7 %) (EARSS : www.rivm.nl/earss/). Depuis, la
la teicoplanine mais sensibles à la vancomycine, le mécanisme situation est redevenue moins inquiétante pour ces pays. Selon
de résistance exacte reste à ce jour imparfaitement connu et les données de l’EARSS, la France se situe parmi les pays à la
comme pour S. aureus semble multifactoriel [23] . Une hyperpro- prévalence d’ERG la plus basse, notamment après les Pays-Bas et
duction d’une protéine membranaire de 39 kDa a été mise en la Norvège. En France, avant 2004, bien que de petites épidémies
évidence. Cependant la composition en acides aminés ou la réti- aient pu être signalées, la proportion de résistance à la vanco-
culation de la paroi comme l’affinité pour la teicoplanine ne mycine chez les entérocoques isolés en milieu hospitalier était
sont pas modifiés par rapport à des souches sensibles [11] . La résis- stable bien que de petites épidémies aient pu être signalées. Cette
tance croisée à la vancomycine et teicoplanine chez S. epidermidis proportion était estimée à moins de 2 %. En 2004, l’Observatoire
est attribuable en partie à une séquestration accrue de ces anti- national de l’épidémiologie de la résistance bactérienne aux anti-
biotiques en présence de concentrations subinhibitrices [24] . La biotiques (ONERBA) et EARSS ont montré une augmentation de
fixation de la teicoplanine est beaucoup plus importante que la proportion de souche d’E. faecium résistant à la vancomycine
celle de la vancomycine. De plus, il a été observé des anoma- (voisine de 5 %). Cette augmentation a incité à renforcer les
lies morphologiques, une formation d’agrégats et une résistance mesures de contrôle et les recommandations sanitaires. Depuis
à l’autolyse suggérant que la fixation du glycopeptide au peptido- 2008, la proportion d’E. faecium résistant aux glycopeptides en
glycane pariétal n’est pas le seul mécanisme de résistance. France est inférieure à 1 %. La France signale majoritairement
des E. faecium VanA bien qu’un important foyer épidémique
d’E. faecium VanB se soit développé dans le Nord en 2008 [39] .
Épidémiologie de la résistance Staphylocoques
Entérocoques Depuis 1988, on redoutait, suite à l’émergence de ces résis-
Les premières souches d’entérocoques résistants aux glycopep- tances aux glycopeptides chez les entérocoques, un transfert de
tides (ERG) ont été rapportées en France en 1987, où il s’agissait cette résistance plasmidique à S. aureus. En fait dans un premier
d’isolements sporadiques et en Grande-Bretagne dans un contexte temps, dès 1990, des souches de S. aureus présentant une moindre
épidémique en 1988 [12, 25] , puis aux États-Unis en 1989-1990 [26] . sensibilité à la teicoplanine ont pu être mis en évidence. Puis en
La nature plasmidique et transférable de la résistance à la vanco- 1996, les premières souches de S. aureus de moindre sensibilité à la
mycine et à la teicoplanine a alors été caractérisée chez des souches vancomycine (dites VISA ou GISA) ont été rapportées d’abord au
E. faecium [12] . Depuis, l’émergence des ERG a été observée dans le Japon puis aux États-Unis puis en France. Les souches de S. aureus
monde entier. L’augmentation la plus spectaculaire de l’incidence intermédiaires ou résistantes à la vancomycine et à la teicoplanine
de la résistance a été observée dans les unités de soins intensifs aux sont exceptionnelles [40] . À l’inverse, il a été rapporté moins rare-
États-Unis, avec un passage de 0,3 % en 1989 à 28 % en 2003 [27] . ment des souches dites héteroVISA. La fréquence est inférieure à
Aux États-Unis, la proportion d’infections nosocomiales à ERG est 2 % chez les SARM en France [41] . Les souches hétéroVISA sont sur-
supérieure au reste du monde et les ERG sont aujourd’hui au 3e représentées dans un clone majeur de SARM très fréquent dans
rang des bactéries multirésistantes dans les unités de soins inten- les années 1980 et associant des résistances à la gentamicine, à la
sifs [28] . Les épidémies apparaissent liées à la diffusion de souches rifampicine et aux fluoroquinolones. Ce clone tend à disparaître
clonales au sein d’un hôpital ou entre les hôpitaux, cependant en France.
récemment dans de nombreux hôpitaux circulent de multiples Plus récemment, en 2002, la première souche de SARM, résis-
clones, devenus endémiques et difficiles à contrôler [29] . La sélec- tante de haut niveau à la vancomycine et à la teicoplanine due à
tion de ces souches pourrait être due à l’utilisation importante en l’acquisition du gène vanA a été détectée au Michigan aux États-
milieu hospitalier de la vancomycine, des céphalosporines de troi- Unis. Depuis, 11 SARM de type vanA ont été isolés ; neuf aux
sième génération et des agents actifs sur les bactéries anaérobies. États-Unis, une souche en Inde et une en Iran [42] . Aucune souche
La majorité des souches ont un phénotype VanA. n’a été détectée à ce jour en France.
Au Canada, le taux d’ERG a augmenté depuis les premières Comme pour S. aureus, la résistance à la vancomycine chez les
observations mais dans une proportion inférieure à celles obser- staphylocoques à coagulase négative est rare. Par contre la résis-
vées aux États-Unis. Aucune épidémie majeure n’a été, à ce tance à la teicoplanine est plus fréquente que pour S. aureus. La
jour, rapportée [30] . Dans les pays d’Amérique latine, le taux prévalence de souches de staphylocoques à coagulase négative
de prévalence des ERG a augmenté entre 2003 et 2008 pour de sensibilité diminuée aux glycopeptides a été estimée à 10,1 %
atteindre aujourd’hui 15,5 % dans certains pays comme le Bré- dans une étude multicentrique européenne [43] , 11,1 % dans une
sil [31] . L’émergence des infections nosocomiales à ERG a aussi été étude française chez des souches isolées de bactériémies [44] et
rapportée en Asie et en Australie [32, 33] . À l’opposé des États-Unis, 5,1 % chez des souches isolées d’infections osseuses sur maté-
le phénotype VanB est plus fréquemment retrouvé en Australie et riel [23] . L’espèce S. haemolyticus doit être distinguée des autres
Singapour chez les souches d’E. faecium. espèces de staphylocoques à coagulase négative. Les souches de
En Europe, la situation est différente, l’utilisation de cette espèce sont fréquemment résistantes à la méticilline et sont
l’avoparcine (analogue de la vancomycine) jusqu’en 1995, considérées comme naturellement peu sensibles à la teicoplanine.
comme promoteur de croissance dans les élevages animaliers, Dans une étude hongroise, 32 % des souches de S. haemolyticus iso-
a favorisé la formation d’un réservoir communautaire d’ERG. lées dans des bactériémies étaient intermédiaires ou résistants à la
Depuis 1997, l’utilisation de l’avoparcine a été arrêtée dans teicoplanine [45] .
l’ensemble des pays européens. Des études en Allemagne, en
Italie, au Danemark et aux Pays-Bas ont montré alors une dimi-
nution du portage des ERG [34–37] . Parallèlement la prévalence des  Paramètres pharmacocinétiques
ERG dans les hôpitaux augmente depuis les débuts des années
1990. Dans une étude multicentrique, l’isolement des ERG dans Les glycopeptides administrés par voie orale ne sont pas
les infections reste faible de l’ordre 0 % à 1,7 % selon les pays. absorbés. La vancomycine et la teicoplanine différent par leurs
Cependant dans cette même étude sur trois hôpitaux dans deux propriétés pharmacocinétiques.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-004-L-10  Glycopeptides

Tableau 2. demi-vie plus longue par immaturité de la fonction rénale, chez


Caractéristiques pharmacocinétiques de la vancomycine et de la les sujets âgés souvent insuffisants rénaux, chez les grands brû-
teicoplanine. lés dont la clairance est augmentée et les insuffisants hépatiques
Vancomycine Teicoplanine sévères.
Les enfants éliminent plus rapidement la vancomycine que les
Biodisponibilité orale Quasi nulle Quasi nulle adultes d’où le recours à des posologies plus importantes [48] .
Voie intraveineuse Perfusion lente Directe
Voie intramusculaire Non Oui
Teicoplanine
Voie sous cutanée Non Possible
Liaison aux protéines 10-55 % 90 % Absorption
Diffusion Bonne : rein, poumon, Bonne : cœur, sphère La teicoplanine n’est pas absorbée par le tractus gastro-
plèvre, ascite, bronchopulmonaire, intestinal. Elle peut être administrée par voie intraveineuse ou
péricarde, synovie, synovie inflammée intramusculaire, voire en sous cutanée. Les biodisponibilités obte-
péritoine nues par voie intraveineuse et intramusculaire sont équivalentes.
Moyenne : os
Faible : LCS, bile, os Faible : LCS Distribution et pénétration tissulaire
Temps de demi-vie 6 heures 70 heures La teicoplanine se distribue selon un modèle tricomparti-
140 heures si anurie mental : diffusion plasmatique, diffusion tissulaire et relargage
tissulaire.
Non hémodialysable Non hémodialysable
Ce glycopeptide présente une forte fixation protéique de l’ordre
Élimination urinaire 90 % sous forme 80 % sous forme de 90 % d’où un état d’équilibre long à obtenir et l’administration
inchangée inchangée
systématique de doses de charge [46] .
LCS : liquide cérébrospinal. Cette molécule très lipophile diffuse rapidement dans les tissus
cardiaques et bronchopulmonaires [49] . La pénétration dans le LCS
est minime chez les patients ne présentant pas d’inflammation des
Vancomycine méninges.

Absorption Métabolisme et élimination


Du fait d’une absorption quasi nulle par le tractus gastro- Le métabolisme est quasi nul et l’élimination essentiellement
intestinal, la vancomycine est utilisée uniquement par voie urinaire avec une filtration glomérulaire. Une fraction est éliminée
intraveineuse pour le traitement des infections systémiques par voie biliaire.
(Tableau 2). Le temps de demi-vie est en moyenne de 70 heures (40-
100 heures).
Distribution et pénétration tissulaire À l’inverse de la vancomycine, la teicoplanine ne peut pas être
La vancomycine se distribue selon un modèle multicompar- éliminée par hémodialyse, par hémofiltration et par dialyse péri-
timental complexe. La vancomycine présente une phase de tonéale.
distribution relativement lente avec une demi-vie oscillant de
30 minutes à 90 minutes. Cette molécule présente une fixation Facteurs influençant la pharmacocinétique
aux protéines plasmatiques de l’ordre de 10 % à 55 % [46] . Sa faible Chez l’insuffisant rénal, la dose de charge est identique à celle
liposolubilité explique la lente et faible diffusion dans les tis- préconisée chez le sujet sain, mais du fait d’un allongement du
sus. Cette molécule présente une bonne diffusion dans le rein temps de demi-vie et d’une augmentation de l’aire sous la courbe,
et le poumon, une diffusion moyenne dans les liquides pleu- les doses quotidiennes d’entretien doivent être adaptées ou espa-
raux, d’ascite, péricardiques et synoviaux (40 % à 70 % des taux cées en fonction de la teicoplaninémie.
sériques) mais faible dans la bile et médiocre dans l’os (1-3 mg/kg). À l’inverse de la vancomycine, les paramètres pharmacociné-
Le passage de la vancomycine dans le liquide cérébrospinal (LCS) tiques chez l’enfant semblent identiques à ceux de l’adulte. La
est minime si les méninges sont saines. Cependant le passage dans teicoplanine n’est pas prescrite chez le nouveau-né.
le LCS de la vancomycine est fonction du degré de l’inflammation
(10 % à 20 % des concentrations sériques) et de l’âge du patient.
 Utilisation en clinique
Métabolisme et élimination
Le mécanisme métabolique n’est pas connu et semblerait Indications
minime. Environ 90 % de la dose injectée est éliminée dans les
L’usage de la vancomycine et de la teicoplanine est réservé aux
urines par filtration glomérulaire sous forme active entraînant une
établissements de santé. Anticocci à Gram positif, ces deux molé-
concentration urinaire de l’ordre de 100 mg/l à 500 mg/l. La clai-
cules doivent être réservées au traitement des infections sévères
rance rénale est de 60 ml/min environ. Une très faible fraction est
à staphylocoques résistants à la méticilline, à streptocoques de
éliminée par la bile sous forme inchangée.
sensibilité diminué aux pénicillines et à entérocoques résistants à
Le temps de demi-vie est très variable d’un patient à l’autre, avec
l’ampicilline. Elles peuvent être prescrites chez des patients pré-
une moyenne de six heures (trois heures à 12 heures) et pouvant
sentant une allergie vraie aux ␤-lactamines sans autre alternative
s’allonger de façon importante chez l’insuffisant rénal et les per-
thérapeutique.
sonnes âgées. Dans ces deux derniers cas, il est nécessaire d’adapter
la posologie.
L’hémodialyse ne modifie pas les concentrations de vancomy-
Vancomycine
cine à l’inverse de l’hémofiltration et la dialyse péritonéale qui Les indications de la vancomycine sont :
éliminent la vancomycine. Traitement curatif par voie intraveineuse
La vancomycine administrée par voie intraveineuse constitue
Facteurs influençant la pharmacocinétique le traitement de première intention des infections sévères docu-
En cas d’insuffisance rénale, le temps de demi-vie est allongé et mentées ou suspectes à SARM ou à staphylocoques à coagulase
peut atteindre 144 heures chez les patients anuriques [47] , nécessi- négative, comme les bactériémies, les endocardites sur valves
tant un suivi du taux sanguin de la vancomycine (vancocinémie) natives ou prothétiques, les pneumonies, les infections osseuses et
et une adaptation posologique. Un monitorage de la vancomy- ostéoarticulaires et les infections sévères des tissus mous (nécrose
cine est nécessaire également chez les nouveau-nés présentant une et fasciite). Du fait d’une moindre efficacité de la vancomycine

6 EMC - Maladies infectieuses


Glycopeptides  8-004-L-10

en présence de souches de sensibilité diminuée aux glycopep- sévères d’une durée de plus de cinq jours à raison d’une dose de
tides, toute prescription de vancomycine dans le traitement de charge de 15 mg/kg en une heure puis d’une dose continue de
ces infections sévères doit être préalablement accompagnée d’une 30 mg/kg/j [56] .
détermination de la CMI à la vancomycine. Les recommandations Toutes ces posologies par voie intraveineuse sont données à titre
américaines de l’Infectious Diseases Society of America (IDSA) pré- indicatif et sont à adapter en fonction du suivi thérapeutique.
conise d’utiliser une antibiothérapie alternative à la vancomycine Chez l’insuffisant rénal, on adapte les posologies en fonction de
si la CMI de la vancomycine vis-à-vis de la souche de S. aureus ou la clairance de la créatinine (posologie = (clairance créatinine x
de staphylocoques à coagulase négative est supérieure à 2 mg/l [50] . 15) + 150 mg/j).
La vancomycine n’est pas préconisée dans le traitement des L’administration par voie orale de vancomycine dans le traite-
infections à staphylocoques sensibles à la méticilline car son ment des infections à Clostridium difficile engageant le pronostic
activité semblerait moins efficace que celle de l’oxacilline [51] . vital ou résistant au métronidazole est réalisée à la dose de 125 mg
La vancomycine peut être utilisée dans le cas d’allergie aux x 4/j à 500 mg x 4/j. Aucune adaptation posologique n’est néces-
␤-lactamines dans les infections sévères à staphylocoques méticil- saire pour cette voie puisque la vancomycine n’est pas absorbée
line sensible, à streptocoques, entérocoques ou pneumocoques. par voie orale [53] .
La prescription de vancomycine n’est plus systématique dans le
traitement empirique des neutropénies fébriles mais reste recom-
mandée en cas de choc et/ou d’hypotension, de colonisation à Teicoplanine
SARM, d’infections de la peau ou des tissus mous et d’infections La teicoplanine est administrée par voie intramusculaire ou
sur cathéter [52] . Néanmoins, l’adjonction de la vancomycine est intraveineuse avec une dose d’attaque de 6 mg/kg toutes les
recommandée en cas de persistance de la fièvre après 48 heures 12 heures pendant un jour à trois jours. La dose relais d’entretien
d’antibiothérapie large dirigée contre les bacilles à Gram négatif. est de 6 mg/kg/j à 8 mg/kg/j en une injection. Dans certaines situa-
tions cliniques, une dose de charge de 3 injections à 5 injections de
Traitement curatif par voie orale
12 mg/kg toutes les 12 heures, peut être recommandée. Les doses
La vancomycine peut être administrée per os pour le traitement unitaires d’entretien peuvent aller jusqu’à 12 mg/kg.
de deuxième intention des colites pseudomembraneuses à Clostri-
dium difficile toxinogène engageant le pronostic vital ou résistant
au métronidazole [53] .
Suivi thérapeutique
Traitement préventif
Du fait d’une marge thérapeutique étroite, d’une grande varia-
La vancomycine peut aussi être utilisée dans l’antibio-
bilité interindividuelle de la pharmacocinétique des glycopeptides
prophylaxie chirurgicale en chirurgie orthopédique, cardiovas-
et de la grande variabilité des CMI des souches bactériennes,
culaire ou neurochirurgie chez des patients allergiques aux
notamment des staphylocoques, il est essentiel que toute admi-
␤-lactamines ou colonisés par des SARM.
nistration parentérale de plus de deux jours de glycopeptides soit
accompagnée d’un monitorage de la vancocinémie ou de la tei-
Teicoplanine coplaninémie, et d’un réajustement éventuel de la dose standard
La teicoplanine administrée par voie intraveineuse ou intra- initiale. Le prélèvement sanguin pour dosage des glycopeptides
musculaire présente les mêmes indications que la vancomycine est réalisé sur tube sec.
administrée par voie parentérale. Elle est toutefois souvent moins Le dosage de la vancomycine administrée en discontinue est
active, notamment en ce qui concerne les infections à sta- réalisé 36 heures à 48 heures après le début du traitement et juste
phylocoques à coagulase négative et doit être accompagnée avant administration de la dose suivante si la fonction rénale est
systématiquement d’une détermination de la CMI de la souche normale ou deux heures avant si la fonction rénale est perturbée.
bactérienne. Toujours après avis d’un infectiologue, la teicopla- Le taux résiduel de vancomycine à atteindre dans le traitement
nine peut être prescripte en alternative à la vancomycine dans des infections sévères est de 15 mg/l à 20 mg/l [50] . Un consensus
les situations suivantes : en cas d’intolérance à cette dernière, en récemment publié fait état que le taux résiduel ne peut seule-
relais de la vancomycine pour un traitement au long cours notam- ment se limiter à une valeur arbitraire, mais doit tenir compte
ment les infections ostéoarticulaires en ambulatoire ou en cas de la valeur de la CMI du germe incriminé. Ainsi, l’objectif à
d’impossibilité d’avoir un accès veineux. atteindre peut s’exprimer également par un quotient inhibiteur
(QI = taux sérique/CMI) au moins égal à 8 [50, 57] . Ces deux objectifs
nécessitent très souvent un compromis difficile entre une éven-
Posologie, rythme et voie d’administration tuelle toxicité de la vancomycine et des souches présentant une
CMI de la vancomycine égale ou supérieure à 2 mg/l. En effet,
Vancomycine il apparaît que le niveau de la CMI de la vancomycine est un
La vancomycine peut être utilisée par voie intraveineuse soit en paramètre majeur à considérer pour prédire l’efficacité. Plusieurs
administration continue, soit en administration discontinue. Ces études ont étudié l’effet de la vancomycine en fonction de la
deux voies d’administration auraient une efficacité et une néphro- CMI et s’accordent à montrer une baisse de l’efficacité de la van-
toxicité comparables. Bien que controversé, la perfusion continue comycine quand la CMI atteint 2 mg/l [58–60] . Si une adaptation
présenterait trois avantages : une concentration sérique efficace posologique est mise en place, un nouveau dosage sérique doit être
atteinte plus rapidement, une variabilité interpatients plus faible, réalisé au moins 36 heures à 48 heures après le début de la nou-
un monitorage plus facile et moins coûteux que par administra- velle posologie. Le suivi thérapeutique est hebdomadaire, voire
tion discontinue [54] . bihebdomadaire ou plus si la fonction rénale est instable.
En Europe, l’administration discontinue de vancomycine chez Pour la perfusion continue, la mesure de la vancocinémie peut
le patient adulte est réalisée à la dose de 30 mg/kg/j en deux à être effectuée à n’importe quel moment dès que l’état d’équilibre
quatre perfusion d’une heure au moins et chez l’enfant à raison de est atteint, c’est-à-dire à partir du deuxième jour de traitement [61] .
15 mg/kg toutes les six heures du fait d’un volume de distribution La concentration moyenne efficace est de 15 mg/l à 20 mg/l, voire
et d’une clairance plus élevés que chez l’adulte [48] . Les nouvelles de 20 mg/l à 35 mg/l pour le traitement des infections ostéoar-
recommandations de l’IDSA proposent chez l’adulte une poso- ticulaires, les endocardites ou si la CMI du germe incriminé est
logie de 15 mg/kg à 20 mg/kg toutes les huit heures à 12 heures augmentée [62] . Si une adaptation posologique a été mise en place,
sans dépasser deux grammes par injection et en cas d’infections un nouveau dosage sérique est réalisé au moins 24 heures après le
sévères à SARM de type sepsis, méningite, pneumonie ou endo- début de la nouvelle perfusion.
cardite, une dose de charge de 25 mg/kg à 30 mg/kg en une heure La teicoplaninémie résiduelle est évaluée 24 heures après la qua-
minimum [55] . trième dose ou cinquième dose de charge et juste avant la dose
Les dernières recommandations de l’IDSA ne font pas état de d’entretien. Elle doit être comprise entre 15 mg/l et 20 mg/l, voire
l’utilisation continue de la vancomycine [50] . La perfusion conti- 20 mg/l à 40 mg/l dans les infections sévères. Ce suivi thérapeu-
nue est le plus souvent prescrite dans le traitement des infections tique est hebdomadaire.

EMC - Maladies infectieuses 7


8-004-L-10  Glycopeptides

Tolérance
Les effets indésirables de la vancomycine se déclinent prin-
cipalement sous trois formes : l’intolérance veineuse locale, la
“ Points essentiels
néphrotoxicité et le syndrome de l’homme rouge (Red Man Syn-
• Les glycopeptides ont un spectre large sur les bactéries
drom).
La veinite ou la thrombophlébite sont réactionnelles au pH à Gram positif aérobie ou anaérobie
acide de la solution de vancomycine et peuvent être prévenues • Ils sont des inhibiteurs de la synthèse de la paroi bacté-
en diluant la solution dans 250 ml de chlorure de sodium ou de rienne
glucosé isotonique. • Ils ont une activité bactéricide lente
La néphrotoxicité de la vancomycine en monothérapie est • C’est le traitement de référence des infections graves à
rare et surviendrait avec une incidence de 0 % à 7 % légèrement staphylocoques résistants à la méticilline
supérieure à celle des médicaments non néphrotoxiques [55, 63] . • L’efficacité du traitement est fonction de la CMI de la
La néphrotoxicité est concentration-dépendante et habituel- vancomycine du germe
lement réversible. Chez l’enfant, comme chez l’adulte, elle • La toxicité rénale dose dépendante de la vancomycine
se manifeste surtout pour des taux sériques supérieurs à
nécessite un ajustement du taux sérique
40 mg/l ou quand la vancomycine est utilisée en associa-
• Il y a une inquiétude pour l’avenir quant à la sélection
tion avec d’autres médicaments néphrotoxiques comme les
aminosides [55, 64] . de souches de staphylocoques et d’entérocoques de sen-
Autre principal effet indésirable de la vancomycine, le Red Man sibilité diminuée voire résistantes aux glycopeptides, d’où
Syndrom se manifeste par un érythème au niveau du cou, du la nécessité d’utiliser cette classe d’antibiotiques dans le
visage et du torse accompagné de prurit et d’hypotension. Ce syn- cadre strict de ses indications
drome correspond à une libération d’histamine lors d’injection
trop rapide de vancomycine. Cet effet indésirable peut être pré-
venu en administrant la vancomycine lentement par voie intra-
veineuse en une heure à deux heures. Cette perfusion lente peut
même s’accompagner d’une injection d’antihistaminiques [55] .
 Références
Le nombre de cas d’ototoxicité sous antibiothérapie par vanco- [1] Reynolds PE. Structure, biochemistry and mechanism of action of gly-
mycine apparaît très faible et serait corrélé à des concentrations copeptide antibiotics. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1989;8:943–50.
sériques de vancomycine supérieures à 50 mg/l. [2] Van Bambeke F, Van Laethem Y, Courvalin P, Tulkens PM. Glyco-
La teicoplanine semble moins toxique que la vancomy- peptide antibiotics: from conventional molecules to new derivatives.
cine, entraînant rarement des cas d’intolérance locale du fait Drugs 2004;64:913–36.
d’un pH neutre ou des manifestations de type Red Man [3] Arthur M, Reynolds P, Courvalin P. Glycopeptide resistance in entero-
Syndrom. cocci. Trends Microbiol 1996;4:401–7.
Malgré le peu de données cliniques, les glycopeptides peuvent [4] Henriques Normark B, Normark S. Antibiotic tolerance in pneumo-
être utilisés quel que soit le terme de la grossesse en raison du cocci. Clin Microbiol Infect 2002;8:613–22.
bénéfice maternel. La vancomycine est préférée à la teicoplanine. [5] Rolston K, Dholakia N, Ho DH, LeBlanc B, Dvorak T, Streeter H.
Un bilan auditif de l’enfant doit être effectué en cas d’utilisation In-vitro activity of ramoplanin (a novel lipoglycopeptide), vancomy-
prolongée pendant la grossesse. cin, and teicoplanin against Gram-positive clinical isolates from cancer
patients. J Antimicrob Chemother 1996;38:265–9.
[6] Soriano F, Fernandez-Roblas R, Calvo R, Garcia-Calvo G.
 Nouveaux lipoglycopeptides In vitro susceptibilities of aerobic and facultative non-spore-forming
Gram-positive bacilli to HMR 3647 (RU 66647) and 14 other antimi-
en cours de développement crobials. Antimicrob Agents Chemother 1998;42:1028–33.
[7] Gomez-Garces JL, Alos JI, Tamayo J. In vitro activity of linezolid and
L’émergence et la diffusion de la résistance aux glycopep- 12 other antimicrobials against coryneform bacteria. Int J Antimicob
tides chez les entérocoques et les staphylocoques ont stimulé la Chemother 2007;29:688–92.
recherche de nouveaux glycopeptides ces dix dernières années. [8] Noren T, Alriksson I, Akerlund T, Burman LG, Unemo M. In-vitro
susceptibility to 17 antimicrobials of clinical Clostridium difficile
Trois nouveaux lipoglycopeptides semisynthétiques sont en cours
isolates collected in 1993-2007 in Sweden. Clin Microbiol Infect
de développement pour le traitement de bactéries à Gram posi-
2010;16:1104–10.
tif multirésistants : oritavancine et telavancine sont reliées à la
[9] Putnam SD, Sader HS, Moet GJ, Mendes RE, Jones RN. Worldwide
vancomyicne et la dalbavancine est reliée structurellement à la
summary of telavancin spectrum and potency against Gram-positive
teicoplanine. pathogens: 2007 to 2008 surveillance results. Diagn Microbiol Infect
Dis 2010;67:359–68.
[10] Citron DM, Merriam CV, Tyrrell KL, Warren YA, Fernandez H, Gold-
 Conclusion stein EJC. In vitro activities of ramoplanin, teicoplanin, vancomycin,
linezolid, bacitracin, and four other antimicrobials against intestinal
anaerobic bacteria. Antimicrob Agents Chemother 2003;47:2334–8.
L’utilisation des glycopeptides doit continuer à s’inscrire dans
un cadre strict de prescriptions limitées à des indications pré- [11] Biavasco F, Vignaroli C, Varaldo PE. Glycopeptide resistance in
coagulase-negative staphylococci. Eur J Clin Microbiol Infect Dis
cises et accompagnées d’une surveillance adaptée et régulière.
2000;19:403–17.
En effet, les indications se limitent aux infections graves à
[12] Leclercq R, Derlot E, Duval J, Courvalin P. Plasmid-mediated resis-
cocci à Gram positif multirésistants et au cas d’allergie aux
tance to vancomycin and teicoplanin in Enterococcus faecium. N Engl
␤-lactamines. Quand un glycopeptide est indiqué, la vancomy- J Med 1988;319:157–61.
cine doit être utilisée en première intention. La teicoplanine est [13] Hiramatsu K, Aritaka N, Hanaki H, Kawasaki S, Hosoda Y, Hori
une alternative en cas de contre-indication ou d’impossibilité S, et al. Dissemination in Japanese hospitals of strains of Staphy-
d’utiliser la vancomycine. Par ailleurs, afin d’optimiser leur lococcus aureus heterogeneously resistant to vancomycin. Lancet
efficacité, améliorer leur tolérance et limiter l’émergence de 1997;350:1670–3.
souches résistantes, l’administration parentérale des glycopep- [14] Courvalin P. Vancomycin Resistance in Gram-Positive Cocci. Clin
tides doit se faire sous contrôle d’un monitorage confrontant Infect Dis 2006;42:S25–34.
le taux sérique résiduel et la valeur de la CMI de la bactérie [15] Bourgeois-Nicolaos N, Moubareck C, Mangeney N, Butel MJ,
incriminée. À la vue de ce suivi, une adaptation posolo- Doucet-Populaire F. Comparative study of vanA gene transfer from
gique ou une alternative thérapeutique doivent être discutées si Enterococcus faecium to Enterococcus faecalis and to Enterococcus
besoin. faecium in the intestine of mice. FEMS Microbiol Lett 2006;254:27–33.

8 EMC - Maladies infectieuses


Glycopeptides  8-004-L-10

[16] Noble WC, Virani Z, Cree RG. Co-transfer of vancomycin and other [36] Klare I, Badstubner D, Konstabel C, Bohme G, Claus H, Witte W.
resistance genes from Enterococcus faecalis NCTC 12201 to Staphy- Decreased incidence of VanA-type vancomycin-resistant enterococci
lococcus aureus. FEMS Microbiol Lett 1992;72:195–8. isolated from poultry meat and from fecal samples of humans in the
[17] Biavasco F, Giovanetti E, Miele A, Vignaroli C, Facinelli B, Varaldo community after discontinuation of avoparcin usage in animal husban-
PE. In vitro conjugative transfer of VanA vancomycin resistance dry. Microb Drug Resist 1999;5:45–52.
between Enterococci and Listeriae of different species. Eur J Clin [37] Pantosti A, Grosso MD, Tagliabue S, Macri A, Caprioli A. Decrease of
Microbiol Infect Dis 1996;15:50–9. vancomycin-resistant enterococci in poultry meat after avoparcin ban.
[18] Poyart C, Pierre C, Quesne G, Pron B, Berche P, Trieu-Cuot P. Lancet 1999;354:741–2.
Emergence of vancomycin resistance in the genus Streptococcus: cha- [38] Goossens H. Vancomycin-resistant Enterococcus faecium derived from
racterization of a vanB transferable determinant in Streptococcus bovis. animals colonizing the human gut: the missing evidence. Clin Micro-
Antimicrob Agents Chemother 1997;41:24–9. biol Infect 1999;5:64–6.
[19] Launay A, Ballard SA, Johnson PD, Grayson ML, Lambert T. Transfer [39] Bourdon N, Fines-Guyon M, Thiolet JM, Maugat S, Coignard B,
of vancomycin resistance transposon Tn1549 from Clostridium sym- Leclercq R, et al. Changing trends in vancomycin-resistant ente-
biosum to Enterococcus spp. in the gut of gnotobiotic mice. Antimicrob rococci in French hospitals, 2001-08. J Antimicrob Chemother
Agents Chemother 2006;50:1054–62. 2011;66:713–21.
[20] Bert F, Leflon-Guibout V, Le Grand J, Bourdon N, Nicolas-Chanoine [40] Hiramatsu K. Vancomycin-resistant Staphylococcus aureus: a
MH. Emergence d’entérocoque dependant de la vancomycine à la suite new model of antibiotic resistance. Lancet Infect Dis 2001;1:
d’un traitement par glycopeptide : cas clinique et revue. Pathol Biol 147–55.
2009;57:56–60. [41] Cartolano GL, Cheron M, Benabid D, Leneveu M, Boisivon A.
[21] Hiramatsu K, Hanaki H, Ino T, Yabuta K, Oguri T, Tenover FC. Methicillin-resistant Staphylococcus aureus (MRSA) with reduced
Methicillin-resistant Staphylococcus aureus clinical strain with redu- susceptibility to glycopeptides (GISA) in 63 French general hospitals
ced vancomycin susceptibility. J Antimicrob Chemother 1997;40: J. Clin Microbiol Infect 2004;10:448–51.
135–6. [42] Perichon B, Courvalin P. VanA-type vancomycin-resistant Staphylo-
[22] Howden BP, Davies JK, Johnson PD, Stinear TP, Grayson coccus aureus. Antimicrob Agents Chemother 2009;53:4580–7.
ML. Reduced vancomycin susceptibility in Staphylococcus aureus, [43] Mendes RE, Sader HS, Jones RN. Activity of telavancin and compa-
including vancomycin-intermediate and heterogeneous vancomycin- rator antimicrobial agents tested against Staphylococcus spp. isolated
intermediate strains: resistance mechanisms, laboratory detection, and from hospitalised patients in Europe (2007-2008). Int J Antimicrob
clinical implications. Clin Microbiol Rev 2010;23:99–139. Agents 2010;36:374–9.
[23] Cremniter J, Slassi A, Quincampoix JC, Sivadon-Tardy V, Bauer T, Por- [44] Gallon O, Guillet-Caruba C, Lamy B, Laurent F, Doucet-Populaire
cher R, et al. Decreased susceptibility to teicoplanin and vancomycin F, Decousser JW. In vitro activity of daptomycin against Staphylo-
in coagulase-negative Staphylococci isolated from orthopedic-device- cocci;isolated from bacteremia and community-onset skin and soft
associated infections. J Clin Microbiol 2010;48:1428–31. tissue infections in France: data from two nationwide studies. Eur J
[24] Sieradzki K, Villari P, Tomasz A. Decreased susceptibilities to teicopla- Clin Microbiol Infect Dis 2009;28:1209–15.
nin and vancomycin among coagulase-negative methicillin-resistant [45] Kristof K, Kocsis E, Szabo D, Kardos S, Cser V, Nagy K, et al.
clinical isolates of staphylococci. Antimicrob Agents Chemother Significance of methicillinGeicoplanin resistant Staphylococcus hae-
1998;42:100–7. molyticus; in bloodstream infections in patients of the Semmelweis
[25] Uttley AH, Collins CH, Naidoo J, George RC. Vancomycin-resistant University hospitals in Hungary. Eur J Clin Microbiol Infect Dis
enterococci. Lancet 1988;1:57–8. 2011;30:691–9.
[26] Centers for Disease Control and Prevention (CDC). Nosocomial ente- [46] Dykhuizen RS, Harvey G, Stephenson N, Nathwani D, Gould IM.
rococci resistant to vancomycin–United States, 1989-1993. Morb Protein binding and serum bactericidal activities of vancomycin and
Mortal Wkly Rep 1993; 42:597–9. teicoplanin. Antimicrob Agents Chemother 1995;39:1842–7.
[27] Centers for Disease Control and Prevention (CDC). National Noso- [47] Rodvold KA, Blum RA, Fischer JH, Zokufa HZ, Rotschafer JC,
comial Infections Surveillance 5NNIS) system report, data summary Crossley KB, et al. Vancomycin pharmacokinetics in patients with
from January 1992 through June 2004. Morb Mortal Wkly Rep 2004; various degrees of renal function. Antimicrob Agents Chemother
32:470-85. 1988;32:848–52.
[28] Low DE, Keller N, Barth A, Jones RN. Clinical prevalence, antimicro- [48] Rodvold KA, Everett JA, Pryka RD, Kraus DM. Pharmacokinetics
bial susceptibility, and geographic resistance patterns of enterococci: and administration regimens of vancomycin in neonates, infants and
results from the SENTRY Antimicrobial Surveillance Program, children. Clin Pharmacokinet 1997;33:32–51.
1997-1999. Clin Infect Dis 2001;32:S133–45. [49] McNulty CA, Garden GM, Wise R, Andrews JM. The pharmacoki-
[29] Harbarth S, Cosgrove S, Carmeli Y. Effects of antibiotics on nosoco- netics and tissue penetration of teicoplanin. J Antimicrob Chemother
mial epidemiology of vancomycin resistant enterococci. Antimicrob 1985;16:743–9.
Agents Chemother 2002;46:1619–28. [50] Liu C, Bayer A, Cosgrove SE, Daum RS, Fridkin SK, Gorwitz RJ,
[30] Ofner-Agostini M, Johnston BL, Simor AE, Embil J, Matlow A, Mul- et al. Clinical practice guidelines by the Infectious Diseases Society
vey M, et al. Vancomycin-resistant enterococci in Canada: results from of America for the treatment of methicillin-resistant Staphylococcus
the Canadian nosocomial infection surveillance program, 1999-2005. aureus infections in adults and children. Clin Infect Dis 2011;52:
Infect Control Hosp Epidemiol 2008;29:271–4. e18–55.
[31] Sader HS, Jones RN. Antimicrobial susceptibility of Gram-positive [51] Kim SH, Kim KH, Kim HB, Kim NJ, Kim EC, Oh Md, et al. Out-
bacteria isolated from US medical centers: results of the Daptomy- come of vancomycin treatment in patients with methicillin-susceptible
cin Surveillance Program (2007-2008). Diagn Microbiol Infect Dis Staphylococcus aureus bacteremia. Antimicrob Agents Chemother
2009;65:158–62. 2008;52:192–7.
[32] Koh TH, Hsu LY, Chiu LL, Lin R. Emergence of epidemic clones [52] Cometta A, Marchetti O, Calandra T. Empirical use of
of vancomycin-resistant Enterococcus faecium in Singapore. J Hosp anti-Gram-positive antibiotics in febrile neutropaenic cancer
Infect 2006;63:234–6. patients with acute leukaemia. Eur J Cancer 2007;5:23–31.
[33] Christiansen KJ, Tibbett PA, Beresford W, Pearman JW, Lee RC, [53] Bauer MP, Kuijper EJ, van Dissel JT. European Society of Clinical
Coombs GW, et al. Eradication of a large outbreak of a single strain Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID): Treatment guidance
of vanB vancomycin- resistant Enterococcus faecium at a major aus- document for Clostridium difficile infection (CDI). Clin Microbiol
tralian teaching hospital. Infect Control Hosp Epidemiol 2004;25: Infect 2009;15:1067–79.
384–90. [54] Wysocki M, Delatour F, Faurisson F, Rauss A, Pean Y, Misset B,
[34] Aarestrup FM, Seyfarth AM, Emborg HD, Pedersen K, Hendriksen et al. Continuous versus intermittent infusion of vancomycin in severe
RS, Bager F. Effect of abolishment of the use of antimicrobial agents staphylococcal infections: prospective multicenter randomized study.
for growth promotion on occurrence of antimicrobial resistance in Antimicrob Agents Chemother 2001;45:2460–7.
fecal enterococci from food animals in Denmark. Antimicrob Agents [55] Rybak MJ, Lomaestro BM, Rotschafer JC, Moellering J, Craig
Chemother 2001;45:2054–9. WA, Billeter M, et al. Vancomycin therapeutic guidelines: A sum-
[35] Bager F, Aarestrup FM, Madsen M, Wegener HC. Glycopeptide mary of consensus recommendations from the infectious diseases
resistance in Enterococcus faecium from broilers and pigs follo- society of america, the american society of health-system pharma-
wing discontinued use of avoparcin. Microb Drug Resist 1999;5: cists, and the society of infectious diseases pharmacists. Clin Infect
53–6. Dis 2009;49:325–7.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-004-L-10  Glycopeptides

[56] Kasiakou SK, Sermaides GJ, Michalopoulos A, Soteriades ES, Falagas [62] Kitzis MD, Goldstein FW. Monitoring of vancomycin serum levels
ME. Continuous versus intermittent intravenous administration of anti- for the treatment of staphylococcal infections. Clin Microbiol Infect
biotics: a meta-analysis of randomised controlled trials. Lancet Infect 2006;12:92–5.
Dis 2005;5:581–9. [63] Hazlewood KA, Brouse SD, Pitcher WD, Hall RG. Vancomycin-
[57] Harding I, MacGowan AP, White LO, Darley ES, Reed V. Teicoplanin associated nephrotoxicity: grave concern or death by character
therapy for Staphylococcus aureus septicaemia: relationship between assassination? The American J Med 2010;123:182.
pre-dose serum concentrations and outcome. J Antimicrob Chemother [64] Jeffres MN, Isakow W, Doherty JA, Micek ST, Kollef MH. A retros-
2000;45:835–41. pective analysis of possible renal toxicity associated with vancomycin
[58] Hidayat LK, Hsu DI, Quist R, Shriner KA, Wong-Beringer A. in patients with health care-associated methicillin-resistant Staphylo-
High-dose vancomycin therapy for methicillin-resistant Staphylo- coccus aureus pneumonia. Clin Ther 2007;29:1107–15.
coccus aureus infections: efficacy and toxicity. Arch Intern Med [65] Glycopeptides - EUCAST clinical MIC breakpoints 2009.
2006;166:2138–44. http://www.srga.org/eucastwt/mictab/MICglycopeptides v2.html.
[59] Sakoulas G, Moise-Broder PA, Schentag J, Forrest A, Moellering [66] Recommandations 2011. Comité de l’antibiogramme de la Société
Jr RC, Eliopoulos GM. Relationship of MIC and bactericidal acti- française de microbiologie. http://www.sfm-microbiologie.org/pages/
vity to efficacy of vancomycin for treatment of methicillin-resistant ?page=746&id page=180.
Staphylococcus aureus bacteremia. J Clin Microbiol 2004;42:
2398–402. Pour en savoir plus
[60] Moise PA, Sakoulas G, Forrest A, Schentag JJ. Vancomycin in vitro
bactericidal activity and its relationship to efficacy in clearance of www.infectiologie.com/site/medias/ documents/consensus/Antibiopro-
methicillin-resistant Staphylococcus aureus bacteremia. Antimicrob phylaxie-chirurgicale.pdf.
Agents Chemother 2007;51:2582–6. www.lecrat.org.
[61] Galperine T, Bernard L. Antibiotic therapy of osteoarticular infections Contrôle des entérocoques résistants aux glycopeptides, états des lieux en
in the adult. Revue du Praticien 2007;57:995–1002. France. Bull Epidemiol Hebd 2008; no 41-42.

N. Bourgeois-Nicolaos (nadege.bourgeois@abc.aphp.fr).
Service de microbiologie, Hôpital Antoine Béclère, AP-HP, 157, rue de la porte-de-Trivaux, 92141 Clamart cedex, France.
EA 4065, UFR des sciences pharmaceutiques et biologiques, Université Paris Descartes, 4, avenue de l’Observatoire, 75270 Paris cedex 6, France.
C. Guillet-Caruba.
Service de microbiologie, Hôpital Antoine Béclère, AP-HP, 157, rue de la porte-de-Trivaux, 92141 Clamart cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bourgeois-Nicolaos N, Guillet-Caruba C. Glycopeptides. EMC - Maladies infectieuses 2012;9(2):1-10
[Article 8-004-L-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Maladies infectieuses


¶ 8-004-M-15

Kétolides
N. Viget, L. Legout, S. Alfandari

Les kétolides sont des dérivés semi-synthétiques de l’érythromycine A. Leur efficacité sur les pathogènes
respiratoires communs ou atypiques, ainsi que leur bonne concentration dans les compartiments
respiratoires ont fait développer leurs indications dans les infections respiratoires hautes et basses. Leur
efficacité reste pour l’instant préservée sur les cocci à Gram positif résistants à la pénicilline et aux
macrolides et ils semblent peu inducteurs de résistance MLSB. Si la télithromycine est actuellement
disponible, les autres composants de cette famille sont encore en développement.
© 2005 Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Kétolides ; Télithromycine ; Céthromycine ; Pneumocoque ; Staphylocoque ;


Pneumonies communautaires ; Sinusites ; Bronchites ; Angines ; Résistance

Plan carbone. Leur principale caractéristique est la substitution du


3-L-cladinose par un groupement kéto. [12] Bien qu’on ait
longtemps pensé que le cladinose était responsable de l’activité
¶ Introduction 1
antimicrobienne des macrolides, celle-ci est conservée pour les
¶ Structure 1 kétolides comme la télithromycine et l’ABT-773 grâce à l’ajout
¶ Mode d’action 1 d’un radical carbamate en C11-C12. [9] Un groupement méthyle
¶ Spectre d’activité antibactérienne 1 en position 6 (comme la clarithromycine) leur confère égale-
ment une plus grande stabilité acide.
¶ Résistances 3
Mécanismes de résistance 3
Épidémiologie de la résistance 3
¶ Pharmacodynamie 3 ■ Mode d’action
¶ Pharmacocinétique 4 Comme les macrolides, les kétolides inhibent la synthèse
Biodisponibilité 4 protéique bactérienne en inhibant la traduction de l’ARN
Pénétration tissulaire 4 messager par le ribosome bactérien de deux manières :
¶ Tolérance et effets secondaires 4 • en bloquant le fonctionnement de la sous-unité 50S du
¶ Interactions médicamenteuses 4 ribosome. Les macrolides et les kétolides se fixent sur la
même région du 23S ARNr (sur les domaines V et II), mais la
¶ Indications 4 liaison est 10 fois plus forte pour la télithromycine et l’HMR
Télithromycine 4 3004 que pour l’érythromycine. [24] Le C11/C12 carbamate
Céthromycine 5 semble jouer un rôle majeur dans cette forte affinité par son
¶ Conclusion 5 interaction avec le domaine II du 23S, qui favorise la liaison
avec le domaine V ; [12]
• en bloquant l’assemblage des précurseurs de la sous-unité 50S
du ribosome, provoquant leur dégradation nucléolytique. [1]
■ Introduction
Les kétolides forment une nouvelle famille d’antibiotiques
dérivés des macrolides. Depuis l’apparition de l’érythromycine
■ Spectre d’activité
A dans les années 1950, les hauts niveaux de résistance des antibactérienne
cocci à Gram positif ont conduit à limiter leurs indications, et
ont rendu nécessaire le développement d’autres molécules. La Les concentrations critiques séparent les souches bactériennes
télithromycine est actuellement le seul représentant disponible sensibles des souches intermédiaires et des souches résistantes.
en clinique. Néanmoins, d’autres molécules sont en cours Même si elles sont encore discutées, les concentrations critiques
d’évaluation, tels la céthromycine (ABT-773), l’HMR 3004, le RU de la télithromycine actuellement définies par le laboratoire
66252, le RU 56006. sont les suivantes : sensible < 0,5 et résistant > 2 mg/l.
Le profil microbiologique des kétolides est caractérisé par une
excellente activité in vitro sur la plupart des germes pathogènes
■ Structure respiratoires, y compris les souches MLSB résistantes. L’activité
de la télithromycine et de la céthromycine sur les cocci à Gram
Ce sont des dérivés semi-synthétiques de l’érythromycine A. positif et sur les germes « atypiques » est majorée par rapport
Ils possèdent donc un noyau lactone central de 14 atomes de aux macrolides et aux azalides.

Maladies infectieuses 1
8-004-M-15 ¶ Kétolides

Tableau 1.
Activités comparées de la télithromycine, de la céthromycine, de l’érythromycine, de l’azithromycine et de la clarithromycine sur différents micro-organismes
(CMI 90, en mg/l). [5, 8, 26, 27, 37, 44, 46, 49, 53].
Bactérie Télithromycine Céthromycine Érythromycine Azithromycine Clarithromycine Références
bibliographiques
S. pneumoniae 0,25 0,06 32 [48, 28]

Péni-S 0,25 0,015 > 32


Péni-I 0,06 0,008 > 32
Péni-R 0,25 0,03 > 32
Ery-S 0,008 0,002 0,06
Mef(A) 1 0,12 8
Erm(B) 0,12 0,015 > 32
Erm(B)+mef(A) 0,25 0,25 > 128
Mutation ribosome 0,12 0,12 > 128
C. pneumoniae 0,25 0,015 [23]

H. influenzae a 2 4 2 16 [56]

M. catarrhalis 0,12 0,12 0,12 0,12 0,12 [56]

L. pneumophila 0,125 0,5 0,5 0,046 [15, 16]

S. pyogenes 0,5 0,06 16 [37, 1, 48, 52]

Sensibles 0,06 0,008 0,03


mef(A) 1 0,06 16
mef(A)–erm(A) 1 0,06 16
erm(B) 2-32 0,01-1 64-128
mef(A)-erm(B) 8-32 0,12-2 128
Erm(A) 0,008-0,03 < 0,004-0,008 0,5-1
S. agalactiae 0,016 0,063 0,032 0,125 [36]

S. aureus [1, 48, 52]

SASM erySclinS 0,12 < 0,031 0,5 2 0,125


SARM eryRclinR > 64 > 64 > 64 > 16 > 64
Staph.coag.neg [1, 52]

OxaSerySclinS 0,12 < 0,031 0,5 1 0,25


oxaReryRclinR > 64 > 64 > 64 > 16 > 64
Bordetella pertussis 0,03 0,06 0,06 0,06 [1]

E. faecalis 4 > 128 > 128 > 128 [36]

E. faecium 16 32 64 16 [49]

C. diphteriae 0,008 0,026 0,058 0,008 [1]

L. monocytogenes 0,25 0,25 1 0,125 [1]

B. pertussis 0,03 0,06 0,06 0,06 [26]

Ureaplasma spp. 0,03 0,016 1 1 0,063 [5, 53]

M. hominis 16 0,031 > 64 > 64 > 64 [5, 53]

M. pneumoniae < 0,015 < 0,001 < 0,004 < 0,001 < 0,001 [5, 53]

B. burgdorferi 0,06 à 0,12 0,03 à 0,12 > 0,5 0,12 à 0,5 0,25 à > 0,5 [27]

N. gonorrhea 0,125 1 1 0,125 [36]

N. meningitidis 0,12 1 1 0,5 [46]

Finegoldia magna 0,063 8 2 128 [36]

Bacteroides fragilis 4 2 4 4 [36]

Prevotella bivia 1 1 0,25 4 [36]

P.anaerobius 0,063 8 2 128 [36]

T.whipplei 0,25 à 0,5 1à2 1à2 [8]

Rickettsia spp. 0,5 à 1 0,125 à 8 [44]

Bartonella spp. 0,003 à 0,015 0,006 à 0,25 [44]

Coxiella burnetii 1 8 [44]

a
les résultats obtenus étaient similaires que les souches soient ou non porteuses d’une bêtalactamase.

En général, l’activité in vitro de la céthromycine est supé- Tableau 2.


rieure à celle de la télithromycine sur les streptocoques, avec des Caractéristiques pharmacocinétiques de la télithromycine (d’après [1, 39]).

concentrations minimales inhibitrices (CMI) plus basses de une


Posologie 800 mg 1/jour
à deux dilutions. [48] Sur le pneumocoque, les kétolides conser-
Biodisponibilité 57 %
vent une activité quel que soit le phénotype de résistance à la Durée d’obtention du pic sérique (Tmax) 1-3 h
pénicilline et aux macrolides. Ils sont bactéricides, [28, 30] avec Demi-vie d’élimination (800 mg) 9-13 h
des CMI90 de la télithromycine entre 2 et 4 fois plus élevées que Concentration plasmatique maximale 2 mg/l
la céthromycine selon les études. [48, 54] Sur les staphylocoques, au pic (Cmax)
l’activité dépend du phénotype de sensibilité : un phénotype de Concentration plasmatique résiduelle 0,04-0,07 mg/l
résistance de type MLSB constitutif entraîne une résistance aux au creux
kétolides, et les souches résistantes à la méticilline sont en Concentration dans les macrophages Ratio médian : 407
général résistantes. [1, 48, 52] alvéolaires (à 24 h)
Les CMI de diverses espèces bactériennes sont présentées sur Concentration dans le liquide épithélial Ratio médian : 12,7
les Tableaux 1 et 2. alvéolaire (à 24 h)
Ainsi, le spectre de la télithromycine tel qu’il est défini par le Concentration dans les leucocytes (à 24 h) Ratio médian : 705
dictionnaire Vidal et le laboratoire [4] est le suivant : Liaison protéique 70 %
• espèces sensibles : aérobies à Gram positif : Streptococcus Métabolisme Hépatique
Élimination 80% selles
pneumoniae sensible ou résistant à l’érythromycine A, résis-
tance < 1 % en Europe, Streptococcus pyogenes, résistance entre
1 et 22 % en Europe, Streptococcus agalactiae : streptocoques
du groupe viridans, streptocoques des groupes C et G (bêta- l’érythromycine selon un mécanisme MLS B inductible.
hémolytiques), Staphylococcus aureus sensible ou résistant à Aérobies à gram négatif : Moraxella catarrhalis. Autres :

2 Maladies infectieuses
Kétolides ¶ 8-004-M-15

Legionella pneumophila, Chlamydia pneumoniae, Chlamydia Pour cette dernière le mécanisme ne semble pas être de type
psittaci, Mycoplasma pneumoniae ; erm(B) ou mef(A), mais pourrait être dû à d’autres mutations
• espèces modérément sensibles : Haemophilus influenzae et ribosomales de la sous-unité 23S. [28]
Haemophilus parainfluenzae ;
• espèces résistantes : Staphylococcus aureus résistant à l’érythro-
mycine A par mécanisme constitutif, ce qui constitue environ
Épidémiologie de la résistance
80 % des souches de type SARM ; entérobactéries ; bacilles à L’évolution de la résistance des pathogènes impliqués dans les
Gram négatifs non fermentants type Pseudomonas ; Acineto- infections respiratoires tels que Streptococcus pneumoniae,
bacter baumannii. Haemophilus influenzae, Moraxella catarrhalis, Streptococcus
pyogenes, Staphylococcus aureus est actuellement suivie de façon
prospective à travers le monde dans plus de 20 pays par l’étude
■ Résistances PROTEKT (Prospective Resistant Organism Tracking and Epidemio-
logy for the Ketolide Telithromycin), mise en place par le labora-
Mécanismes de résistance toire Aventis. Les souches sont isolées de patients présentant des
infections respiratoires hautes et basses et les CMI, notamment
Pour les macrolides, les mécanismes de résistance suivants des bêtalactamines, des macrolides et dérivés, du linézolide et
ont été décrits : des quinolones sont effectuées.
• une modification de la cible (résistance MLSB) qui peut être Pour S. pneumoniae, les résultats de l’étude PROTEKT de 1999
inductible ou constitutive, par acquisition de gènes erm à 2000 [20] montraient une sensibilité à la télithromycine de
codant pour une méthylation de la sous-unité 23S du ribo- 99,9 % des 3 362 isolats, alors que 22,1 % des souches étaient
some, ce qui empêche la fixation de l’antibiotique sur son résistantes à la pénicilline (46,2 % en France), et 31 % étaient
site de fixation ; résistantes à l’érythromycine A (57,6 % en France). Ainsi, seules
• une résistance par efflux (M résistance) codée par un gène trois souches étaient résistantes à la télithromycine (l’une venait
mef ; de France et les deux autres d’Italie), avec des CMI de 4,2 et
• des mutations des protéines L4 et L22 de la sous-unité 50S du 8 mg/l. [19] Par ailleurs, la prévalence globale de la résistance aux
ribosome ont récemment été décrites sur des souches de quinolones était faible (1 %), mais détectée dans neuf pays sur
pneumocoque, cette résistance est encore rare et confère un 25, avec un taux de 14,3 % à Hong Kong. [38]
haut niveau de résistance aux macrolides ; [17, 31, 32] Pour H. influenzae, sur 2 948 souches, 16,6 % étaient porteu-
• la dégradation du noyau lactone par des enzymes inactivatri- ses d’une bêtalactamase (31,3 % en France). La prévalence de la
ces de type estérase hydrolysantes ou phosphorylantes. Ce résistance à la télithromycine était de 0,1 %, avec des CMI
phénomène joue un rôle mineur dans la résistance. élevées à 8 mg/l pour les trois souches concernées, sans associa-
tion à une bêtalactamase. 1,3 % des souches et 2,7 % parmi les
Résistance par mutation de cible souches avec bêtalactamase étaient intermédiaires à la télithro-
Les kétolides restent actifs en cas de résistance de type MLSB mycine. [25]
par acquisition de gènes erm, du fait de la plus forte affinité de Pour M. catarrhalis, 92 % des 1 131 souches avaient une
la liaison avec le domaine II du 23S. Celle-ci maintient l’inte- bêtalactamase. La sensibilité aux macrolides et à la télithromy-
raction cruciale pour l’activité avec le domaine V. Cet effet est cine était conservée. [25]
a priori lié à la présence d’un groupe carbamate en C11/12. [1, Sur les 1 485 isolats de S. pyogenes de l’étude PROTEKT, 9,6 %
24] étaient résistants à l’érythromycine, avec des variations géogra-
Le potentiel inducteur des kétolides est beaucoup plus faible phiques importantes (de 46 % en Pologne, pas de résistance en
que celui des macrolides et apparentés, grâce au groupement Belgique par exemple), et 2,4 % à la télithromycine. La moindre
3-kéto remplaçant le L-cladinose. [31, 32] Néanmoins, ce potentiel sensibilité à la télithromycine était associée à une résistance à
existe, au moins a minima, puisque in vitro, l’exposition répétée l’érythromycine constitutive, médiée par l’erm(B), alors qu’un
de souches de pneumocoques à des concentrations subinhibitri- efflux de type mef(A) ou une mutation de type erm(TR) conser-
ces de télithromycine entraîne la sélection de pneumocoques vait l’activité du kétolide. [10, 18]
mutants dont les CMI sont croissantes, même si elles restent En ce qui concerne les staphylocoques, 1 547 souches ont été
sensibles. [11] De la même façon, les kétolides en présence de testées, avec un peu moins de 20 % de résistance à la télithro-
souches de staphylocoques dorés de type erm(A) inductibles sont mycine, corrélée à la méticillinorésistance, et au phénotype
capables d’induire la sélection de mutants erm(A) constitu- MLSB constitutif. [10]
tifs. [47] Ces mêmes phénomènes s’observent pour la céthromy- Des résultats globalement similaires étaient obtenus par le
cine. [43] groupe de surveillance canadien CROSS (Canadian Respiratory
Organism Susceptibility Study group) sur S. pneumoniae, H. influen-
Résistance par efflux zae et M. catarrhalis, avec la télithromycine et avec la céthromy-
cine. [55, 56]
Les phénotypes de résistance les plus courants sont de type
mef(A) ou mef(E) pour les streptocoques, et msr pour les staphy-
locoques. La télithromycine garde une bonne activité sur les
streptocoques exprimant les gènes mef mais elle agit comme
■ Pharmacodynamie
inducteur de résistance sur les staphylocoques possédant les Les kétolides sont bactériostatiques concentration-dépendants
gènes msr, bien qu’étant un mauvais substrat des pompes sur les germes pathogènes respiratoires y compris les pneumo-
Msr. [1] coques résistants à l’érythromycine et les entérocoques. Une
activité bactéricide est possible sur certaines espèces (pneumo-
Cas particulier de « S. pneumoniae » coque), mais uniquement à fortes concentrations. [7] Les études
Sur le pneumocoque, en cas de résistance à l’érythromycine, in vitro et sur modèle animal ont montré que l’efficacité de la
et ce quel que soit le mécanisme (MLSB, efflux ou mutation des télithromycine [7] ainsi que de la céthromycine [30] étaient
protéines L4 et L22 ribosomales), les kétolides restent actifs, corrélées à un pic et un ratio AUC/CMI élevé. In vitro et sur
avec néanmoins une légère augmentation des CMI in vitro. [17, modèle animal de pneumonie à pneumocoque, la céthromycine
18, 32, 54] La tendance est la même en cas de résistance à la faisait preuve d’une activité bactéricide. [30, 42]
pénicilline. [28, 35, 48] Un effet postantibiotique (persistance d’une activité inhibi-
Cependant, la résistance du pneumocoque aux kétolides, trice alors que la concentration d’antibiotique est inférieure à la
même si elle reste exceptionnelle, n’est pas nulle puisque l’on a CMI) important existe. Celui-ci est chiffré entre 1,2 et 8,2
isolé, in vitro mais aussi in vivo, des souches résistantes. Elle est heures pour la télithromycine, et dépend des espèces bactérien-
plus connue pour la télithromycine mais des augmentations de nes. Il s’exerce sur S. pneumoniae, S. aureus, qu’ils soient
CMI à la céthromycine commencent à être mises en évidence. sensibles ou résistants à l’érythromycine, M. catarrhalis, H.

Maladies infectieuses 3
8-004-M-15 ¶ Kétolides

influenzae producteur ou non de bêtalactamase, et de façon plus


prolongée si les souches de streptocoques sont sensibles à
■ Interactions médicamenteuses
l’érythromycine. [7, 14, 40] La télithromycine est un inhibiteur du cytochrome CYP3A4
Les macrolides sont réputés avoir un effet immunomodula- et in vitro du CYP2D6. [9] In vivo, les études ont montré des
teur. Cet effet est controversé selon les études. Cet effet sur interactions avec le midazolam, le cisapride et la simvastatine,
l’immunité a été mis en évidence pour la télithromycine par par inhibition du CYP3A4. Les médicaments inducteurs tels que
une équipe [3] par diminution de la production des cytokines la rifampicine entraînent une chute significative des concentra-
pro-inflammatoires par les monocytes : la télithromycine, dans tions de télithromycine. En conséquence, l’association de la
cette étude, inhibe la production d’interleukine 1$ et de tumor télithromycine avec des molécules substrats du CYP3A4 est
necrosis factor alpha (TNF-$). Ces résultats n’ont pas été confir- contre-indiquée, et le traitement doit être suspendu durant
més et l’intérêt pratique de ces éventuelles propriétés n’est pas l’administration de la télithromycine, ou la posologie évaluée au
connu. cas par cas. [4]
Statines : pas d’association avec la simvastatine, la lovastatine
et l’atorvastatine ; prudence avec la cérivastatine.
■ Pharmacocinétique Benzodiazépines : augmentation des taux sériques du mida-
zolam, et dans une moindre mesure du triazolam et l’alprazo-
Biodisponibilité lam.
Médicaments allongeant le QT : pas d’association avec le
Après administration orale, l’absorption de la télithromycine cisapride, le pimozide, l’astémizole et la terfénadine, pouvant
est rapide, atteignant la Cmax en 1 heure. La prise concomi- entraîner des troubles du rythme cardiaque, prudence avec les
tante de nourriture ne modifie pas l’absorption. Les taux autres.
sériques sont relativement élevés. La liaison protéique est Dérivés alcaloïdes de l’ergot de seigle (tels que l’ergotamine) :
d’environ 70 %. La biodisponibilité absolue est de 57 %. La par extrapolation à partir de l’érythromycine, l’association est
posologie de 800 mg en une prise par jour confère des taux contre-indiquée.
plasmatiques suffisants pour le traitement des principales Ciclosporine, tacrolimus et sirolimus : monitorage des
infections respiratoires communautaires. [41] Il n’y a pas de concentrations plasmatiques durant le traitement, et diminution
modification de biodisponibilité décrite dans certaines popula- de la posologie en fonction des taux.
tions, tels les personnes âgées et les insuffisants rénaux ou Itraconazole, kétoconazole : augmentation de l’AUC de la
hépatiques. télithromycine ne nécessitant pas d’adaptation posologique.
Les kétolides sont métabolisés dans le foie. L’élimination se Autres : augmentation des AUC de la théophylline, de la
fait à 80 % dans les selles, pour deux tiers sous forme de digoxine et du lévonorgestrel sans implications cliniques.
métabolite, et pour un tiers sous forme inchangée. L’excrétion
de la télithromycine est quasi complète dans les urines en
24 heures et dans les fèces en 72 heures. [13]
Il n’existe pas, à ce jour, de forme parentérale.
■ Indications
Pénétration tissulaire Télithromycine
Elle a été particulièrement étudiée pour la télithromycine au Les essais cliniques ont montré chez l’homme l’efficacité de
niveau des différents compartiments du poumon : liquide la télithromycine dans le traitement des pneumonies commu-
épithélial alvéolaire, macrophages, muqueuse bronchique et nautaires. Les taux de succès cliniques ou en terme d’éradication
parenchyme. bactérienne étaient en général de l’ordre de 90 %. Un essai
La concentration intracellulaire, et notamment dans les randomisé, en double aveugle chez 404 patients rapportait une
macrophages alvéolaires, est marquée par un ratio particulière- efficacité comparable de la télithromycine à 800 mg/j et de
ment élevé : la télithromycine est 146 fois plus dosée que dans l’amoxicilline à 1 g × 3/j. [22] Dans un autre essai portant sur
le plasma 8 heures après l’administration (81 mg/l), à 24 heures 448 patients ayant pour comparateur la clarithromycine à
la concentration dans les macrophages est encore de 23 mg/l, 500 mg × 2 des résultats similaires étaient obtenus. [50] Dans les
et la télithromycine y reste détectable dans les 48 heures suivant études, l’efficacité était maintenue dans les pneumonies à
l’administration. [29, 39] Dans le liquide épithélial alvéolaire, les pneumocoques résistants à la pénicilline ou à l’érythromy-
concentrations sont là aussi supérieures à celles du plasma cine. [21] Dans l’exacerbation aiguë de bronchite chronique, la
(3,7 mg/l 8 heures après la prise). [39] Elles restent également molécule était comparée à l’amoxicilline-clavulanate pendant
bonnes dans le parenchyme pulmonaire. 10 jours chez 348 patients, avec des taux de succès équivalents
Ainsi la concentration dans les macrophages et le liquide de 86 et 82 % respectivement. [33] Les mêmes résultats étaient
épithélial alvéolaires reste supérieure à la CMI90 de S.pneumoniae obtenus versus le céfuroxime-axétil. [34] Dans la sinusite
pendant 24 heures après une dose, et d’H. influenzae pendant maxillaire aiguë, un traitement de 5 jours était efficace comparé
8 heures. [39] à l’amoxicilline-clavulanate et au céfuroxime-axétil ; et dans
Aucune étude pharmacologique n’a évalué la diffusion dans l’angine par rapport à la pénicilline et à la clarythromycine. [45]
les autres compartiments. Par ailleurs, l’activité a été évaluée sur divers types d’infec-
tions en modèle animal : sur la légionellose la molécule était
aussi efficace que l’érythromycine mais restait bactériostati-
■ Tolérance et effets secondaires que. [15] En pathologie gynécologique et obstétricale les résultats
suggèrent que la télithromycine pourrait être prescrite dans ce
Les effets indésirables les plus fréquemment observés lors des type d’infection, notamment en cas de co-infection à Chlamy-
études cliniques étaient d’ordre digestif : 13,7 % des patients diae. [36] Une bonne activité était également rapportée pour le
ont présenté de la diarrhée, 8,7 % des nausées, 3,1 % des traitement d’abcès intrapéritonéaux à Bacteroides fragilis, [51] de
vomissements. Les autres effets secondaires rapportés sont des péritonites à entérocoques, d’infection musculaire à S. aureus, [6]
troubles du système nerveux à type de céphalées dans 6,7 % des ainsi qu’en association dans la toxoplasmose. [2]
cas, ou nervosité, insomnie ou somnolence dans 3,5 % des cas, En France, l’autorisation de mise sur le marché de la télithro-
des troubles du goût, une élévation des enzymes hépatiques mycine autorise les indications suivantes : [4]
(ALAT, ASAT, PAL). [4, 33, 50] • pneumonies communautaires de gravité légère à modérée, à
L’impact sur la flore oropharyngée et digestive a été étudié : la dose de 800 mg en une prise par jour pendant 8 à
on notait une augmentation des levures, la sélection de souches 10 jours ;
de Bacteroides fragilis résistantes, une augmentation des staphy- • exacerbation aiguë des bronchites chroniques à la posologie
locoques, l’absence de colonisation par Clostridium difficile chez de 800 mg/j pendant 5 jours ;
le volontaire sain. [1] • sinusites aiguës : 800 mg/j pendant 5 jours ;

4 Maladies infectieuses
Kétolides ¶ 8-004-M-15

• angines/pharyngites à streptocoque bêtahémolytique du [8] BoulosA, Rolain JM, Raoult D.Antibiotic susceptibility of Trophyrema
groupe A en alternative aux bêtalactamines : 800 mg/j whipplei in MRC5 cells. Antimicrob Agents Chemother 2004;48:
pendant 5 jours ; 747-752.
• chez l’enfant de 12 à 18 ans : l’indication est celle des [9] Bryskier A. Ketolides-telithromycin, an example of a new class of
angines/pharyngites à streptocoque bêtahémolytique du antimicrobial agents. Clin Microbiol Infect 2000;6:657-660.
groupe A en alternative aux bêtalactamines, aux mêmes [10] Canton R, Loza E, Morosini MI, Baquero F. Antimicrobial resistance
posologies que chez l’adulte. amongst isolates of Streptococcus pyogenes and Staphylococcus
Selon les recommandations de l’AFSAPPS, la télithromycine aureus in the PROTEKT antimicrobial surveillance programme during
peut être utilisée en traitement des pneumonies chez l’adulte 1999-2000. J Antimicrob Chemother 2002;50(suppl1):9-24.
sans facteur de risque ni signe de gravité relevant d’un traite- [11] Davies TA, Dewasse BE, Jacobs MR, Appelbaum PC. In vitro
ment ambulatoire, en alternative à l’amoxicilline qui demeure development of resistance to telithromycin (HMR 3647), four
le traitement de référence des pneumonies à pneumocoques, ou macrolides, clindamycin, and pristinamycin in Streptococcus
des macrolides qui demeurent le traitement de référence des pneumoniae. Antimicrob Agents Chemother 2000;44:414-417.
pneumonies à germes « atypiques » (M. pneumoniae, C. pneumo- [12] Douthwaite S, Champney WS. Structures of ketolides and macrolides
niae, Legionella). determine their mode of interaction with the ribosomal target site.
J Antimicrob Chemother 2001;48(suppl1):1-8.
[13] Drusano G. Pharmacodynamic and pharmacokinetic considerations in
Céthromycine antimicrobial selection: focus on telithromycin. Clin Microbiol Infect
2001;7(suppl3):24-29.
En ce qui concerne la céthromycine, les études de phase III
[14] Dubois J, St-Pierre C. Telithromycin comparative bactericidal activity
sont actuellement en cours, et semblent prometteuses. Le
and postantibiotic effect against respiratory pathogens (abstract
produit a été évalué dans les infections respiratoires sur modèle
WeP96). Clin Microbiol Infect 2000;6(suppl1):85.
animal, [16, 30] et, in vitro, sur différents pathogènes impliqués
[15] Edelstein PH, Edelstein MA. In vitro activity of the ketolide HMR 3647
dans ces infections, notamment les pneumocoques et les
(RU 6647) for Legionella spp., its pharmacokinetics in Guinea pigs,
intracellulaires. Les indications seront probablement globale- and use of the drug to treat Guinea pigs with Legionella pneumophila
ment superposables à celles de la télithromycine. In vivo, une pneumonia. Antimicrob Agents Chemother 1999;43:90-95.
étude portant sur un petit nombre de patients [12] montre une [16] Edelstein PH, Higa F, Edelstein MA. In vitro activity of ABT-773
bonne efficacité microbiologique dans le traitement des pneu- against Legionella pneumophila, its pharmacokinetics in Guinea pigs,
monies à C. pneumoniae aux posologies de 150 mg une fois par and its use to treat Guinea pigs with L.pneumophila pneumonia.
jour comparé à 150 mg 2 fois par jour. [23] Antimicrob Agents Chemother 2001;45:2685-2690.
[17] Farrell DJ, Douthwaite S, Morrissey I, Bakker S, Poehlsgaard J,
Jakobsen L, et al. Macrolide resistance by ribosomal mutation in
■ Conclusion clinical isolates of Streptococcus pneumoniae from the PROTEKT
1999-2000 study. Antimicrob Agents Chemother 2003;47:1777-1783.
Les kétolides représentent des molécules séduisantes pour le [18] Farrell DJ, Morrissey I, Bakker S, Felmingham D. Molecular
traitement ambulatoire des infections respiratoires hautes et characterization of macrolide resistance mechanisms among Strepto-
basses, de par leur spectre et leur pharmacocinétique adaptés. coccus pneumoniae and Streptococcus pyogenes isolated from the
Leur principale limite, en utilisation hospitalière, est l’absence PROTEKT 1999-2000 study. J Antimicrob Chemother 2002;
de forme parentérale. 50(suppl1):39-47.
Ils représentent une alternative aux bêtalactamines dans la [19] Felmingham D. Evolving resistance patterns in community-acquired
stratégie thérapeutique, ainsi qu’une possibilité d’épargne des respiratory tract pathogens: first results from the PROTEKT global sur-
fluoroquinolones antipneumococciques intéressante en termes veillance study. J Infect 2002;44(supplA):3-10.
d’écologie bactérienne et de diminution de la pression de [20] Felmingham D, Reinert R, Hirakata Y, Rodloff AC. Increasing
sélection. prevalence of antimicrobial resistance among isolates of Streptococcus
Comme pour d’autres classes, la surveillance de l’épidémiolo- pneumoniae from the PROTEKT surveillance study, and comparative
gie des résistances des pathogènes est primordiale, et pourra lors in vitro activity of the ketolide, telithromycin. J Antimicrob Chemother
de la progression des résistances amener à modifier les choix du 2002;50(suppl1):25-37.
clinicien. [21] Fogarty CM, Kohno S, Buchanan P, Aubier M, Baz M. Community-
Cette famille apparue récemment sera encore amenée à évoluer acquired respiratory tract infections caused by resistant pneumococci:
et ses indications seront probablement élargies dans l’avenir. clinical efficacy of the ketolide telithromycin. J Antimicrob Chemother
2003;51:947-955.
[22] Hagberg L, TorresA, Van Rensburg D, Leroy B, Rangaraju M, Ruuth E.
■ Références Efficacy and tolerability of once-daily telithromycin compared with
high-dose amoxicillin for treatment of community-acquired
[1] Ackermann G, Rodloff AC. Drugs of the 21st century: telithromycin pneumonia. Infection 2002;30:386.
(HMR 3647): the first ketolide. J Antimicrob Chemother 2003;51: [23] Hammerschlag MR, Reznik T, Roblin PM, Ramirez J, Summersgill J,
497-511. Bukofzer S. Microbiological efficacy of ABT-773 (cethromycin) for
[2] Araujo F, Khan A, Bryskier A, Remington J. Use of ketolides in the treatment of community-acquired pneumonia due to Chlamydia
combination with other drugs to treat experimental toxoplasmosis. pneumoniae. J Antimicrob Chemother 2003;51:1025-1028.
J Antimicrob Chemother 1998;42:665-667. [24] Hansen LH, Mauvais P, Douthwaite S. The macrolide-ketolide
[3] Araujo F, Slifer T, Remington J. Inhibition of secretion of antibiotic bounding site is formed by structures in domains II and V of
Interleukine-1 and Tumor Necrosis Factor alpha by the ketolide 23S ribosomal RNA. Mol Microbiol 1999;31:623-631.
antibiotic telithromycin. Antimicrob Agents Chemother 2002;46: [25] Hoban D, Felmingham D. The PROTEKT surveillance study:
3327-3330.
antimicrobial susceptibility of Haemophilus influenzae and Moraxella
[4] Aventis Pharma. Résumés caractéristiques produit. 2002.
catarrhalis from community-acquired respiratory tract infections.
[5] Bebear CM, Renaudin H, Bryskier A, Bebear C. Comparative activity
of telithromycin (HMR 3647), levofloxacin, and other antimicrobial J Antimicrob Chemother 2002;50(suppl1):49-59.
agents against human mycoplasmas. Antimicrob Agents Chemother [26] Hoppe JE, Bryskier A. In vitro susceptibilities of Bordetella pertussis
2000;44:1980-1982. and Bordetella parapertussis to two ketolides (HMR 3004 and
[6] Bonnefoy A, Guitton M, Delachaume C, Le Priol P, Girard AM. In vivo HMR3647), four macrolides (azithromycin, clarithromycin, erythro-
efficacy of the new ketolide telithromycin (HMR 3647) in murine infec- mycin A, and roxithromycin), and two ansamycins (rifampicin and
tion models. Antimicrob Agents Chemother 2001;44:2118-2125. rifapentin). Antimicrob Agents Chemother 1998;42:965-966.
[7] Boswell FJ, Andrews JM, Wise R. Pharmacodynamic properties of [27] Hunfeld KP, Wichelhaus TA, Rodel R, Acker G, Brade V, Kraiczy P.
HMR 3647, a novel ketolide, on respiratory pathogens, enterococci and Comparison of in vitro activities of ketolides, macrolides and a azalide
Bacteroides fragilis demonstrated by studies of time-kill kinetics and against the spirochete Borrelia burgdorferi. Antimicrob Agents
postantibiotic effect. J Antimicrob Chemother 1998;41:149-153. Chemother 2004;48:344-347.

Maladies infectieuses 5
8-004-M-15 ¶ Kétolides

[28] Jorgensen JH, Crawford SA, McElmeel L, Whitney CG. Activities of [44] Rolain JM, Maurin M, Bryskier A, Raoult D. In vitro activities of
cethromycin and telithromycin against recent north american isolates telithromycin (HMR3647) against Rickettsia rickettsii, Rickettsia
of Streptococcus pneumoniae. Antimicrob Agents Chemother 2004;48: conorii, Rickettsia africae, Rickettsia typhi, Rickettsia prowazekii,
605-607. Coxiella burnetii, Bartonella henselae, Bartonella quintana,
[29] Kadota J, Ishimatsu Y, Iwashita T, Matsubara Y, Tomono K, Tateno M, Bartonella bacilliformis, and Ehrlichia chaffensis. Antimicrob Agents
et al. Intrapulmonary pharmacokinetics of telithromycin, a new Chemother 2000;44:1391-1393.
ketolide, in healthy japanese volunteers. Antimicrob Agents Chemother [45] Roos K, Brunswig-Pitschner C, Kostrica R, Pietola M, Leroy B,
2002;46:917-921. Rangaraju M, et al. Efficacy and tolerability of once-daily therapy with
[30] Kim MK, Zhou W, Tessier P, Xuan D, Ye M, Nightingale CH, et al. telithromycin for 5 or 10 days for the treatment of acute maxillary
Bactericidal effect and pharmacodynamics of cethromycin (ABT-773) sinusitis. Chemotherapy 2002;48:100-108.
in a murine pneumococcal pneumonia model. Antimicrob Agents [46] Saez-Nieto JA, Vazquez JA. In vitro activities of ketolides HMR 3647
Chemother 2002;46:3185-3192. and HMR3004, levofloxacin, and other quinolones and macrolides
[31] Leclercq R. Overcoming antimicrobial resistance: profile of a new against Neisseria spp. and Moraxella catarrhalis. Antimicrob Agents
ketolide antibacterial telithromycin. J Antimicrob Chemother 2001; Chemother 1999;43:983-984.
48(suppl1):9-23. [47] Schmitz FJ, Petridou J, Jagush H, Astfalk N, Scheuring S, Scharwz S.
[32] Leclercq R. Will resistance to ketolides develop in Streptococcus Molecular characterization of ketolide-resistant erm(A)-carrying
pneumoniae. J Infect 2002;44(supplA):11-16. Staphylococcus aureus isolates selected in vitro by telithromycin,ABT-
[33] Leroy B, Rangaraju M, Bienfait-Beozon C. Telithromycin is as effec- 773, quinupristin and clindamycin. J Antimicrob Chemother 2002;49:
tive as amoxicillin/clavulanate in acute exacerbation of chronic 611-617.
bronchitis. Respir Med 2002;96:862-871. [48] Shortridge V, Zhong P, Cao Z, Beyer J, Almer L, Ramer N, et al.
[34] Lorenz J. Clinical efficacy of new antibacterial therapies in at-risk Comparison of in vitro activities of ABT-773 and telithromycin against
populations. J Infect 2002;44(supplA):25-30. Macrolide-susceptible and -resistant streptococci and staphylococci.
[35] Mason E, Lamberth L, Wald E, Bradley J, Barson W, Kaplan S. In vitro Antimicrob Agents Chemother 2002;46:783-786.
activities of Cethromycin (ABT-773), a new ketolide, against [49] Singh K, Malathum K, Murray B. In vitro activities of a new ketolide,
Streptococcus pneumoniae strains that are not susceptible to penicillins ABT-773, against multidrug-resistant Gram-positive cocci. Antimicrob
or macrolides. Antimicrob Agents Chemother 2003;47:166-169. Agents Chemother 2001;45:3640-3643.
[36] Mikamo H, Yin XH, Ninomiya M, Tamaya T. In vitro and in vivo
[50] Tellier G, Hassman J, Leroy B, Sidarous E, Youngblood D. Oral
antibacterial activities of telithromycin. Chemotherapy 2003;49:
telithromycin (HMR 3647) 800 mg once daily is well tolerated and as
62-65.
effective as oral clarythromycin 500mg twice daily in community-
[37] Morosini MI, Canton R, Loza E, Del Campo R, Almaraz F, Baquero F.
acquired pneumonia in adults. 40th ICAAC, Toronto, 471. 2000.
Streptococcus pyogenes isolates with characterized macrolide
[51] Thadepalli H, Chuah S, Qazi S, Thadepalli F, Gollapudi S. Bacteroides
resistance mechanisms in Spain: in vitro activities of telithromycin and
cethromycin. J Antimicrob Chemother 2003;52:50-55. fragilis-induced intra-abdominal abcess in an experimental model
[38] Morrissey I, Farrel D, Bakker S, Buckridge S, Felmingham D. treated with telithromycin (HMR 3647). Chemotherapy 2001;47:43-
Molecular characterization of antimicrobial susceptibility of 49.
fluoroquinolone-resistant or-susceptible Streptococcus pneumoniae [52] Von Eiff C, Peters G. Comparative in vitro activity of ABT-773 and two
from Hong-Kong. Antimicrob Agents Chemother 2003;47:1433-1435. macrolides against staphylococci. J Antimicrob Chemother 2004;49:
[39] Muller-Serieys C, Soler P, Cantalloube C, Lemaitre F, Gia HP, 189-192.
Brunner F, et al. Bronchopulmonary disposition of the ketolide [53] Waites K, Crabb D, Duffy L. In vitro activities of ABT-773 and other
telithromycin (HMR3647). Antimicrob Agents Chemother 2001;45: antimicrobial against human mycoplasmas. Antimicrob Agents
3104-3108. Chemother 2003;47:39-42.
[40] Munckhof WJ, Borlace G, Turndridge JD. Postantibiotic suppression [54] Weiss K, Guilbault C, Cortes L, Restieri C, Low DE, the EQUERE
of growth of erythromycin A-susceptible and -resistant Gram-positive project. Genotypic characterization of macrolide-resistant strains of
bacteria by the ketolides telithromycin (HMR 3647) and HMR 3004. Streptococcus pneumoniae isolated in Quebec, Canada, and in vitro
Antimicrob Agents Chemother 2000;44:1749-1753. activity of ABT-773 and telithromycin. J Antimicrob Chemother 2002;
[41] Namour F, Wessels DH, Pascual MH, Reynolds D, Sultan E, Lenfant B. 50(suppl1):403-406.
Pharmacokinetics of the new ketolide telithromycin (HMR 3647) [55] Zhanel G, Palatnick L, Nichol KA, Bellyou T, Low DE, Hoban D.
administered in ascending single and multiple doses. Antimicrob Antimicrobial resistance in respiratory tract Streptococcus pneumoniae
Agents Chemother 2001;45:170-175. isolates: results of the canadian respiratory organism susceptibility
[42] Neuhauser M, Prause J, Danziger L, Pendland S. In vitro activities of study, 1997 to 2002. Antimicrob Agents Chemother 2003;47:
ABT-773 against ermB strains of Streptococcus pneumoniae. 1867-1874.
Antimicrob Agents Chemother 2003;47:1132-1134. [56] Zhanel G, Palatnick L, Nichol KA, Low DE, Hoban D, the CROSS
[43] Nilius A, Hensey-Rudloff D, Reimann M, Flamm R. Comparison of study group. Antimicrobial resistance in Haemophilus influenzae and
selection for mutants with reduced susceptibility to ABT-773, Moraxella catarrhalis respiratory tract isolates: results of the canadian
erythromycin and rifampicin in respiratory tracts pathogens. respiratory organism susceptibility study, 1997 to 2002. Antimicrob
J Antimicrob Chemother 2002;49:831-836. Agents Chemother 2003;47:1875-1881.

N. Viget (nviget@ch-tourcoing.fr).
Service universitaire des maladies infectieuses et du voyageur, centre hospitalier de Tourcoing, faculté de médecine de Lille, 135, rue du Président Coty,
59208 Tourcoing, France.
L. Legout.
Clinique d’orthopédie, Hôpitaux universitaires de Genève, Suisse.
S. Alfandari.
Service de réanimation médicale, centre hospitalier de Tourcoing, faculté de médecine de Lille, 135, rue du Président Coty, 59208 Tourcoing, France.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Maladies infectieuses
¶ 8-005-A-15

Oxazolidinones
N. Bourgeois-Nicolaos, F. Doucet-Populaire

Les oxazolidinones sont des antibiotiques qui appartiennent à une famille chimique complexe. Depuis
2002, une seule molécule est commercialisée, le linézolide (Zyvoxid®). Il a pour cible le ribosome. Son
mode d’action est l’inhibition de la synthèse protéique en empêchant la formation du complexe
d’initiation. Le linézolide est actif in vitro et in vivo sur les staphylocoques, les streptocoques, les
entérocoques, les corynébactéries et certaines bactéries anaérobies (Peptostreptococcus, Clostridium et
Fusobacterium). Il est indiqué dans le traitement des pneumopathies et des infections compliquées de la
peau et des tissus mous lorsqu’elles sont documentées ou suspectées à bactéries à Gram positif. Du point
de vue pharmacocinétique, le linézolide a une excellente biodisponibilité permettant un relais rapide par
voie orale. Cependant des échecs sporadiques de traitement ont été rapidement rapportés sous
traitement au cours d’infections à staphylocoques et entérocoques. Des mutations ponctuelles dans le
domaine V de l’acide ribonucléique ribosomique (ARNr) 23S, dont la plus fréquente (G en U) en position
2576 (numération Escherichia coli), site de fixation des oxazolidinones, ont été retrouvées. Dans un
contexte où les résistances aux traitements classiques des entérocoques, pneumocoques et
staphylocoques ne cessent d’augmenter, le linézolide peut être considéré comme une alternative
thérapeutique pour traiter les infections à cocci à Gram positif.
© 2010 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Oxazolidinones ; Linézolide ; Ribosome ; Gram positif ; Infections pulmonaires ;


Infections peaux et des tissus mous

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Les oxazolidinones sont une nouvelle classe d’antibiotiques
¶ Structure chimique et mode d’action 2 synthétiques. Ces antibiotiques forment une famille non
Structure chimique 2 apparentée aux autres familles d’antibiotiques. C’est une classe
Mécanisme d’action 3 chimique complexe, qui regroupe des agents antibactériens et
Spectre d’activité antibactérienne 3 des inhibiteurs de monoamine oxydase (IMAO). Les premières
Espèces sensibles 3 molécules ont été synthétisées par DuPont Pharmaceuticals pour
Espèces résistantes 5 être utilisées dans le domaine agricole comme fongicide,
¶ Résistances 5 herbicide et pesticide. Elles ont été utilisés pour traiter préven-
Mécanismes de résistance acquise 5 tivement les plants de tomates contre les infections dues à
Épidémiologie de la résistance 6 Agrobacterium tumefaciens et Xanthomonas vesticatoria. Les
¶ Paramètres pharmacocinétiques 7 premières molécules possédant une activité antibactérienne à
Pharmacocinétique 7 usage humain ont été décrites en 1984. Il s’agit de la molécule
Pharmacodynamique 7 dénommée S6123 qui possède une activité antistaphylocccique
¶ Indications thérapeutiques 8 et antistreptococcique modérée mais elle est inactive sur les
Infections à bactéries à Gram positif multirésistantes 8 entérocoques. L’optimisation de ce dérivé a permis en 1987, la
Infections pulmonaires 8 synthèse de plusieurs dérivés par Dupont de Nemours,
Infection de la peau et des tissus mous 8 DuP105 et DuP721. Les produits de cette famille n’ont cepen-
Efficacité du linézolide dans des indications hors AMM 8 dant été développés pour la commercialisation que dans les
¶ Contre-indications et effets secondaires 9 années 1990 initialement par Upjohn Corporation. Deux
Contre-indications 9 produits avaient été initialement sélectionnés pour développe-
Effets secondaires 9 ment, l’éperzolide et le linézolide, mais seul le linézolide a été
¶ Linézolide et microbiote intestinal 10 retenu, notamment du fait de ses propriétés pharmacocinéti-
Impact du linézolide sur le microbiote intestinal 10 ques. Le linézolide est actuellement commercialisé sous le nom
Sélection des souches résistantes au linézolide au sein de Zyvoxid®.
du microbiote intestinal 10 Cette revue porte essentiellement sur le linézolide. Il a été
¶ Conclusion 10 mis sur le marché en 2000 aux États-Unis, puis dans plusieurs
pays européens, dont la France en 2002. Ses indications sont

Maladies infectieuses 1
8-005-A-15 ¶ Oxazolidinones

1 O

O
5 H
O N N
N

2 F 4
O

A
O O
N O O
N H
N OH H3C N N N N
N N
N N

F F O

TR-700 RWJ-416457

O O
O H O
R N N N N N NHCOCH3
O O2N X

F F

Famille Rχ-01 1: X=O RBx 7644 Ranbezolide


2: X=S RBx 800 B
Figure 1. Structures chimiques des oxazolidinones.
A. Relation structure-activité du linézolide [1]. 1. Groupement qui augmente les propriétés pharmacocinétiques et la solubilité dans l’eau ; 2. fluoration du cycle
phényl qui améliore l’activité et l’efficacité ; 3. groupements essentiels pour une bonne activité ; 4. configuration en S du C5 nécessaire à l’activité
antibactérienne.
B. Structures chimiques de nouvelles oxazolidinones en cours de développement.

Tableau 1.
actuellement le traitement des pneumonies nosocomiales et
Propriétés physicochimiques du linézolide.
communautaires et les infections compliquées de la peau et
des tissus mous à germes sensibles. Formule chimique C16H20FN3O4
Masse moléculaire 337,35 daltons
Point de fusion 179 °C
■ Structure chimique et mode Indice de rotation optique – 9 °C (c = 0,919 CHCl3)
Solubilité dans l’eau 3,2 mg/ml (pH 6,8)
d’action Lipophilie 0,55 n-octanol/eau (composé
amphiphilique)
Structure chimique pK 1,8
Numéro CAS 165 800-03-3
Les oxazolidinones sont formées d’un cycle saturé à
CAS : chemical abstract service.
cinq liaisons avec un atome d’azote, un atome d’oxygène et
une fonction cétone. Le linézolide est une 3-(fluorophényl)-
2-oxazolidinone, plus précisément le (S)-N-[[3-(3-fluoro-4-
morpholinylphényl)-2-oxo-oxazolodinyl]méthyl] acétamide TR700
(Fig. 1A). C’est une molécule de petite taille de poids molécu- Il s’agit de la partie active d’une nouvelle oxazolidinone, le
laire de 337 daltons. La substitution en C5 par un groupement TR701 (DA-7128). Cette molécule est produite rapidement lors
acylamino-méthyle et la présence d’un fluor en position 3 de l’absorption et du passage sanguin après une administration
du noyau phényl ont amélioré son activité microbiologique par voie orale ou intraveineuse du TR701. Le TR700 a une
comparativement aux premières oxazolidinones [1]. Le linézolide activité quatre à 16 fois supérieure au linézolide [2]. Un essai de
se présente sous la forme d’une poudre blanche cristallisée. phase I a montré qu’une dose par jour suffisait. Récemment un
Les propriétés physicochimiques sont résumées dans le essai de phase II dans les infections compliquées de la peau des
Tableau 1. tissus mous a débuté.
La structure chimique des oxazolidinones se prête aisément à
une grande quantité de modifications chimiques justifiant une RWJ-416457
activité importante de recherche afin de découvrir de nouveaux
composés et nouvelles sous-classes. De nombreuses études Cette molécule a un spectre d’activité similaire au linézolide.
rapportent la synthèse de nouvelles oxazolidinones par substi- Les valeurs des concentrations minimales inhibitrices (CMI) du
tutions de différents groupes chimiques et modifications RWJ-416457 sont deux à quatre fois inférieures au CMI du
structurales (Fig. 1B). linézolide chez les cocci à Gram positif [3]. L’activité in vivo de

2 Maladies infectieuses
Oxazolidinones ¶ 8-005-A-15

cette molécule dans trois modèles différents d’infection chez la


souris s’est révélée similaire au linézolide [4]. FMET-ARNt

Linézolide
Famille Rv−01
Cette famille a une activité in vitro deux à huit fois supé-
rieure au linézolide, avec un spectre d’activité qui s’étend vers Sous-unité
Haemophilus influenzae et Moraxella catarrhalis [5]. ribosomale 30S
Sous-unité Complexe
Ranbezolide ribosomale 30S d’initiation
+ ARNm
ARNm
C’est un dérivé des oxazolidinones avec une activité in vitro
similaire au linézolide sur les cocci à Gram positif [6]. C’est la
première oxazolidinone qui a une activité identique sur les
germes à Gram positif et négatif anaérobies. De plus le ranbezo-
lide peut inhiber la synthèse de biofilm par les Ribosome 70S
staphylocoques [7]. Sous-unité ribosomale 50S

Mécanisme d’action
Élongation
Le linézolide est un inhibiteur de la synthèse protéique. Les Sous-unité
oxazolidinones ont pour cible le ribosome et plus précisément ribosomale 30S
Facteurs
le centre de la peptidyltransferase (PTC) (domaine V de l’acide d’élongation
ribonucléique ribosomal 23S [ARNr 23S]) [8]. Le linezolide se fixe
dans la poche de la PTC formée de nucléotides universellement ARNm
conservés, au niveau du site A, proche des sites de fixation du
chloramphénicol et de la lincomycine et entre en compétition Acide fusidique
avec ces deux antibiotiques. Bien que son site de fixation soit Protéine Macrolides, streptogramines,
proche de celui du chloramphenicol et les lincosamides, le chloramphénicol, tétracyclines
linézolide n’a pas d’activité antipeptidyltransferasique. Il se fixe
par des liaisons de Van der Waals aux bases présentes dans le Figure 2. Mécanisme d’action du linézolide. ARNm : acide ribonucléi-
domaine V en position 2503, 2504, 2506 et 2451 (numérotation que messager ; ARNt : acide ribonucléique de transfert ; FMET :
Escherichia coli), et par une liaison hydrogène avec la base U en formylméthionine.
position 2585.
En l’absence d’antibiotique, la base U2585 est très flexible,
pouvant prendre différentes conformations. Sa flexibilité permet Tableau 2.
le transfert de l’acide aminé présent sur l’ARN de transfert Concentrations et diamètres critiques pour le linézolide d’après le comité
initiateur du site P vers le site A du PTC [9]. de l’Antibiogramme de la Société française de microbiologie 2009
Le mécanisme exact de l’interaction du linézolide avec l’ARNr (www.sfm.asso.fr/nouv/general.php?pa=2).
23S n’est pas encore complètement élucidé. Il agit par un
mécanisme original en bloquant à un stade très précoce la Espèce Concentrations Diamètres
traduction au niveau de la phase d’initiation (Fig. 2). La liaison critiques (mg/l) critiques (mm)
du linézolide au site A, empêche la fixation du N-formyl- S R S R
méthionyl-ARNt, en stabilisant le nucléotide U2585 dans une Enterococcus spp. ≤4 >4 ≥ 24 < 24
conformation non productive [8]. Cette conformation empêche
Staphylococcus spp. ≤4 >4 ≥ 24 < 24
le transfert de l’acide aminé présent sur l’ARN de transfert
S. pneumoniae ≤2 >4 ≥ 28 < 24
initiateur du site P vers le site A du ribosome et empêche la
formation du complexe d’initiation, qui comprend le N-formyl- Streptococcus spp a ≤2 >4 ≥ 28 < 24
méthionyl-ARNt, l’ARNm, les facteurs d’initiation IF2 et IF3 et S : sensible ; R : résistante.
a
les sous-unités ribosomales [10] . L’étape de translation est Excepté S. pneumoniae.
inhibée et la traduction n’est dès lors plus possible.

méticilline. Il reste actif in vitro sur les souches de staphyloco-


Spectre d’activité antibactérienne ques de sensibilité diminuée aux glycopeptides et sur les
Les concentrations critiques proposées en France par le souches de S. aureus résistantes à la vancomycine isolées
comité de l’Antibiogramme de la Société française de micro- récemment aux États-unis (CMI de 1 à 2 mg/l) [13].
biologie en 2009 (www.sfm.asso.fr/publi/general.php?pa=1) Le linézolide a une activité intéressante vis-à-vis des entéro-
sont reportées dans le Tableau 2, et sont identiques à celles coques. Les CMI à l’égard des souches d’Enterococcus faecalis et
proposées en Europe par l’European Committee on Antimi- Enterococcus faecium sensibles ou résistantes à la vancomycine
crobial Susceptibility Testing (www.srga.org/eucastwt/MICTAB/ sont identiques et varient de 2 à 4 mg/l [14]. Il est très actif sur
MICoxazolidones.htm) et aux États-unis par le Clinical and les différentes espèces de streptocoques sensibles ou résistantes
Laboratory Standards Institute [11]. Si la CMI du linézolide est à la pénicilline [15] avec des CMI comprises entre 0,5 et 1 mg/l.
supérieure à 4 mg/l, la souche est dite résistante au linézolide. À l’égard des souches résistantes aux macrolides, le linézolide
reste actif qu’il s’agisse d’une résistance par un mécanisme
d’efflux actif (gène mef) ou par une modification de la cible
Espèces sensibles (gène erm) [16].
Son spectre d’action comprend principalement les bactéries à
Gram positif aérobies (Tableau 3). Bacilles à Gram positif
Bien que l’utilisation du linézolide soit plutôt orientée vers le
Cocci à Gram positif
traitement des infections à cocci à Gram positif classiques tels
Le linézolide a une activité comparable à celle de la vanco- que S. aureus, E. faecalis, E. faecium et Streptococcus pneumoniae,
mycine sur les souches de Staphylococcus aureus et de staphylo- des études ont été réalisées sur l’activité de cette molécule sur
coques à coagulase négative, quelle que soit leur sensibilité à la des germes isolés moins fréquemment à l’hôpital mais posant

Maladies infectieuses 3
8-005-A-15 ¶ Oxazolidinones

Tableau 3. Tableau 4.
Activité in vitro du linézolide (concentrations minimales inhibitrices, Activité in vitro du linézolide (concentrations minimales inhibitrices, CMI
CMI, en mg/l) vis-à-vis des cocci à Gram positif et des anaérobies [12]. en mg/l) vis-à-vis de diverses espèces [12].
Espèce Dispersion de Espèce Dispersion de
CMI (mg/l) CMI50 CMI90 CMI CMI50 CMI90
Cocci à Gram positif Bacilles à Gram positif
Staphylococcus aureus 0,12–4 2 2–4 Bacillus spp. 0,25–2 1 2
Staphylocoque à coagulase négative 0,06–4 1–2 2–4 Corynebacterium spp. < 0,06–4 0,25 0,5–4
Enterococcus faecalis 0,5–4 2 2–4 Erysipelothrix rhusiopathiae ≤ 0,125 NA NA
Enterococcus faecium 1–4 2 2–4 Lactobacillus spp. 1–8 4 8
Enterococcus avium 1–2 1 2 Listeria spp. 2 2 2
Enterococcus casseliflavus 2–4 2 4 Nocardia asteroides 1–4 2 4
Enterococcus gallinarum 2–4 2 4 Nocardia brasiliensis 0,5–4 1 2
Enterococcus raffinosus 1–2 2 2 Nocardia farcinica 1–8 4 4
Streptocoques bêtahémolytiques ≤ 0,06–2 0,5–1 1–2 Nocardia nova 0,5–2 2 2
Streptococcus agalactiae 0,25–2 1 2 Autres Nocardia 1–4 4 4
Streptococcus pyogenes 0,12–2 0,5 1–2 Rhodococcus equi 0,5–2 2 2
Streptocococcus pneumoniae ≤ 0,03–4 ≤ 0,5–2 1–2 Rhodococcus spp. 1 NA NA
Streptococcus anginosus 0,25–2 1 1
Mycobactéries
Streptococcus bovis 0,5–2 1 1
Mycobacterium abscessus 0,5–128 8 16
Streptococcus constellatus ≤ 0,12–1 1 1
Mycobacterium avium complex ≤ 2 – ≥ 32 32 64
Streptococcus intermedius ≤ 0,12–2 1 1
Mycobacterium chelonae 1–64 8 16
Streptococcus mitis ≤ 0,12–2 1 1
Mycobacterium fortuitum (groupe) 1–32 4 16
Streptococcus mutans ≤ 0,12–2 1 1
Mycobacterium kansasii 0,125–4 0,5 – ≤ 2 1 – ≤ 2
Streptococcus oralis 0,25–16 1 1
Mycobacterium marinum 1–2 2 2
Streptococcus salivarius 0,25–2 1 1
Myobacterium smegmatis (groupe) 0,5–4 NA NA
Streptococcus sanguis 0,25–2 1 1
Mycobacterium szulgai ≤ 0,2 – 4 ≤2 4
Streptococcus viridans ≤ 0,06–2 1 1–2
Mycobacterium tuberculosis ≤ 0,125–1 0,5 0,5–1
Abiotrophia spp. ≤ 0,125–2 ≤ 0,125 ≤ 0,125
Mycobacterium ulcerans 0,25–4 0,5 2
Aerococcus spp. 1 NA NA
Gemella morbillorum ≤ 0,125 NA NA Bacilles à Gram négatif
Lactococcus cremori 0,5 NA NA Bordetella pertussis 4 4 4
Leuconostoc spp. 2 NA NA Brucella melitensis 16 16 16
Micrococcus spp. 0,5–1 1 1 Coxiella burnetti 2–4 4 4
Pediococcus spp. 0,5–2 NA NA Escherichia coli >8 NA NA
Stomatococcus spp. ≤ 0,125–1 NA NA Eickenella corrodens 8–16 8 8
Haemophylus influenzae 2–32 16 16
Anaérobies Helicobacter pylori 4–64 8–16 8–32
Bacteroides spp. 2–4 4 4 Klebsiella pneumoniae >8 NA NA
Prevotella spp. ≤ 0,06–8 2 4 Legionella spp. 1–8 2–4 4–8
Fusobacterium spp. ≤ 0,06–2 0,5 1 Pasteurella multocida 1–2 2 2
Fusobacterium varium 1–2 1 2
Porphyromonas spp. ≤ 0,06–1 NA NA Cocci à Gram négatif
Veillonella spp. ≤ 0,06–0,5 NA NA Brahanamella catarrhalis 4–8 8 8
Actinomyces spp. 0,25–8 0,5 1 Mycoplasmes
Clostridium spp. ≤ 0,06–8 2 4–8 Mycoplasma hominis 2–8 8 8
Clostridium difficile 1–16 2 2–8 Mycoplasma pneumoniae > 64 > 64 > 64
Eubacterium spp. 0,25–8 2 2–4
NA : non applicable (moins de 10 souches étudiées).
Propionibacterium spp. 0,25–1 0,5 0,5–1
Bifidobacterium spp. 0,125–1 0,5–1 1
Peptostretococcus spp. 0,5–2 1 2
Finegoldia magna 0,5–2 1 2 Propionibaterium spp., Bifidobacterium, mais aussi des microorga-
Micromonas micros 0,05–1 0,5 0,5 nismes à Gram négatif comme Prevotella et Fusobacterium
Aerococcus prevotii ≤ 0,03–2 0,5 1 (Tableau 3).
NA : non applicable (moins de 10 souches étudiées).
Mycobactéries
un réel problème thérapeutique. C’est le cas de bactéries à Gram Le linézolide démontre également une bonne activité in vitro
positif telles que Bacillus, Corynebacterium, Rhodococcus, Listeria, sur Mycobacterium tuberculosis, y compris sur les souches
Actinomyces et Nocardia sp. (Tableau 4). Le linézolide apparaît résistantes à l’isoniazide et à la rifampicine [18]. De plus, il est
comme le seul antibiotique actif contre toutes les espèces de actif in vitro sur d’autres mycobactéries comme Mycobacterium
Nocardia [17]. marinum, Mycobacterium kansasii, et Mycobacterium szulgai.
Cependant l’activité sur d’autres espèces de mycobactéries
Germes anaérobies atypiques comme Mycobacterium avium, Mycobacterium fortuitum,
Les microorganismes anaérobies font partie du spectre du Mycobacterium abscessus, et Mycobacterium chelonae est discutée
linézolide comme les Clostridium, les Peptostreptococcus spp., avec des CMI in vitro du linézolide élevées (Tableau 4).

4 Maladies infectieuses
Oxazolidinones ¶ 8-005-A-15

Espèces résistantes rrl codant l’ARNr 23S soit par méthylation d’une adénine
au niveau l’ARN 23S.
En revanche, le linézolide est inactif vis-à-vis de certaines
bactéries à Gram négatif aérobies dont les entérobactéries, Mutations dans les gènes rrl
Pseudomonnas, Neisseria, et Haemophilus influenzae (Tableau 4).
Divers mutants ribosomaux résistants ont été sélectionnés au
Les entérobactéries sont résistantes naturellement au linézolide
laboratoire, notamment chez E. coli, S. aureus, E. faecalis, E.
par un mécanisme d’efflux membranaire, mis en évidence en
faecium, Streptococcus pneumoniae M. smegmatis, Halobacterium
inactivant la pompe transmembranaire AcrAB de Escherichia coli
halobium [20]. Plusieurs types de mutations dans le domaine V
par mutagenèse dirigée [19].
Bien que le linézolide montre une certaine activité in vitro ont été retrouvés, dont la plus fréquente (G en U) est en
sur Legionella, Mycoplasma et Chlamydia, les données sont position 2576 (numérotation de E. coli) (Fig. 3).
insuffisantes pour démontrer son efficacité clinique. La sélection de mutants résistants est difficile à obtenir au
laboratoire et les fréquences de mutations sont faibles (de 10–9 à
10–11) [21, 22]. Ces dernières varient selon l’espèce bactérienne. Par
■ Résistances exemple, la sélection de souches d’E. faecalis résistantes apparaît
plus facile que pour des souches d’E. faecium [21]. Cette observa-
tion est probablement liée au fait que d’une part ces espèces
Mécanismes de résistance acquise comportent un nombre différent de gènes rrl codant l’ARNr 23S
(quatre chez E. faecalis et six chez E. faecium) et que d’autre part,
Modification de la cible : l’ARN ribosomal 23S il est souvent nécessaire que plusieurs copies soient mutées pour
de la sous-unité ribosomale 50S (ARNr 23S) obtenir la résistance. La résistance peut émerger par mutations
successives des copies ou par recombinaison homologue consécu-
L’ARNr 23S, site de fixation du linézolide, constitue la base tive à la mutation d’une copie [23]. L’accumulation de mutations
moléculaire de la résistance au linézolide. La cible peut être dans les différentes copies du gène rrl codant l’ARNr 23S confère
modifiée soit par introduction d’une mutation dans les gènes des niveaux de résistance croissants [24].

U — A
U — A
C — G
C — G
A — U A
C —
| — A — U
G — C
G A A UG — C
U G 2032 C Ec C — G 2447 U Sa, Hh, Ms
G A C — G
U C — G 2450
AC C C G U Hh C 2062 A C — G A U
U G A G A
C • G 2447 A
U A 2452 U, Hh
G — C
Sp G 2059 A 2453 C,G Hh
U 2050 A | |
Sp A 2057 G G C AA U
A A C A
G C U A U A C CG CC GA G U
CCC GC GG C A G A C G C
| | • | • | | | | | | | |
| | | • | | | | | | | | Centre de la
C G G U G U G G C G G C G CU A U A
GGG UG CC G U C U C C peptidyltransférase UU A
Sp A 2612 AU C A |
Domaine V
Sp/Ef U/G 2610 C
U de l'ARNr 23S
G C 2499 G Hh
G
U 2500 G/T Hh/Sa
C
U C
2600 A GU G G
A A A 2503 G Sa
AC A U 2504 G Sa Hh
G C U G U
G U G 2505 A Sa Ef Em
A
U G — C U
G C G U • G
U G C — G
G — C —
Sa, Scn, Ef, Em, Sp, So U 2576 G A — U
C G — C C 2512 U Ef
C
Sp G 2571 A C — G 2513 U Ef
— G • U
G — C |
U — A |
A G — C A U C C U G G G G C U G A
A A
A | | | | | • | •
U G
UU — A U G G G C C C U G G
AA A U
— A — U
C — G
C — G — 2550
G — C
C U
U U G

Figure 3. Structure secondaire du centre de la peptidyltransférase (domaine V de l’acide ribonucléique ribosomique 23S) de Escherichia coli. Les sites
de mutations surlignés en bleu sont responsable de la résistance aux oxazolidinones retrouvés chez Enterococcus faecalis (Ef), Enterococcus faecium (Em),
Escherichia coli (Ec), Halobacterium habium (Hh), Mycobacterium smegmatis (Ms), Staphylococcus aureus (Sa), Staphylocoques à coagulase négative (Scn) et
Streptococcus pneumoniae (Sp).

Maladies infectieuses 5
8-005-A-15 ¶ Oxazolidinones

Tableau 5.
Nucléotides de l’acide ribonucléique 23S dans le centre de la peptidyltransférase impliqués dans la résistance au linézolide et une corésistance avec soit
les phénicolés, les streptogramines, les lincosamides ou soit les pleuromutilines.
Nucléotide Corésistanse aux
Phénicolés(a) Lincosamides(b) Streptogramines(c) Pleuromutines(d)
2032 + + – +
2057 + – – –
2059 – – + –
2062 + – + –
2447 + – – +
2452 + – – –
2453 + – – –
2499 – – – +
2500 + – – +
2503 + + + +
2504 + – – +
2505 + – – –
2576 + – – +
(a) (b) (c) (d)
+ : présence ; – : absence. Chloramphénicol. Clindamycine et lincomycine. Streptogramines A et B, virginiamycine. Tiamuline.

En clinique, des souches résistantes ont émergé dès l’utilisa- quelques pays d’Europe (Grèce, Royaume-Uni, Irlande, Allema-
tion en thérapeutique du linézolide. Les espèces pour lesquelles gne, Autriche, Pologne, Italie), en Asie, et Amérique latine. Dans
ont été rapportées une résistance sont surtout E. faecium, E. les études de surveillance épidémiologique, la résistance au
faecalis, plus rarement S. aureus, S. epidermis, Streptococcus oralis linézolide chez les cocci à Gram positif est rarement observée.
et S. pneumoniae [20]. Chez les entérocoques et les staphyloco- Néanmoins le taux de résistance au linézolide est en constante
ques, c’est essentiellement la mutation G2576U dans l’ARNr progression. En cinq ans, il est passé de 0,07 % en 2002 à
23S, déjà observée in vitro, mais d’autres mutations dans le 0,44 % en 2007 [29]. En France, à notre connaissance, une seule
domaine V ont été identifiées U2500A chez S. aureus [25] , souche de S. aureus a été rapportée chez une jeune fille atteinte
A2059G et G2057A chez S. pneumoniae [26]. de mucoviscidose après deux ans de 11 cures intermittentes par
Les CMI du linézolide vis-à-vis des mutants résistants vont de le linézolide [30].
16 (parfois 8) à 128 mg/l. Ce mécanisme n’est pas responsable Le genre Enterococcus est le plus souvent retrouvé parmi les
de résistance croisée avec les macrolides, les tétracyclines ou les espèces ayant acquise une résistance au linézolide dans les
aminosides agissant également sur le ribosome. Cependant, en différents programmes de surveillance. Cependant la résistance
fonction de la position de la mutation retrouvée des résistances au linézolide en clinique a été rapportée dans d’autres espè-
croisées aux phénicolés (chloramphénicol), lincosamides ces [20]. Le taux de résistance en 2004 des staphylocoques à
(clindamycine, lincomycine), pleuromutilines (tiamuline) ou coagulase négative était très inférieur à celui des entérocoques
streptogramines (streptogramine A ou B) ont été décrites chez (0,09 % et 0,67 % respectivement). Depuis 2007, la résistance
des mutants obtenus in vitro ou en clinique (Tableau 5). chez les staphylocoques à coagulase négative est en forte
progression en comparaison aux autres genres bactériens avec
Méthylation de l’adénine en position 2503 de l’ARNr 23S
un taux qui atteint, en 2007, 1,76 % contre 1,13 % pour le
Outre les mutations dans l’ARNr 23S, la résistance au linézo- genre Enterococcus. Le programme de surveillance SENTRY
lide a été récemment corrélée à la présence du gène cfr effectué entre 1999 et 2006 sur plus de 3500 souches non
(chloramphénicol florfénicol résistance) codant une méthyl- typiques telles Corynebacterium, Micrococcus, Listeria, n’a révélé
transférase responsable de la méthylation du nucléotide A2503 aucune résistance au linézolide [31]. Par ailleurs, les études chez
(selon la numérotation chez E. coli) de l’ARNr 23S [27]. Cette l’animal sont beaucoup plus rares. En effet quelques études
méthylation va non seulement affecter la fixation des phenico- effectuées chez le chien [32] chez le porc, les bovins et les
lés mais aussi celui de membres de quatre autres familles poulets [33] n’ont pas mis en évidence de résistance au
d’antibiotiques agissant sur le ribosome bactérien. Ce méca-
linézolide.
nisme confère donc une résistance croisée de haut niveau vis-
Les souches résistantes ont été isolées principalement chez
à-vis des oxazolidinones, des phénicolés, des lincosamides, des
des patients ayant reçu du linézolide pendant une période
pleuromutilines et de la streptogramine A. Les niveaux de
prolongée (> 20 jours de traitement). Cependant quelques cas
résistance au linézolide sont variés chez les souches portant le
ont été rapportés chez des patients n’ayant pas reçu de linézo-
gène cfr. Les CMI du linézolide varient de 4 à 256 mg/l selon
lide [34] et notamment au cours d’une épidémie hospitalière
les souches.
d’entérocoques résistants à la vancomycine et au linézolide [35].
Délétion dans la protéine ribosomale L4 Récemment la transmission croisée a été également en cause
dans des épidémies hospitalières à Staphylocoques à coagulase
Une délétion de six paires de bases (pb) dans le gène rplD
négative [36] et une épidémie à S. aureus résistant au linézolide
codant la protéine ribosomale L4 a été corrélée à une résistance
en Espagne [37].
de bas niveau au linézolide avec une CMI du linézolide pour ces
Cette résistance clinique est associée essentiellement à des
souches à la limite de la sensibilité (4 mg/l). La transformation
mutations ribosomales. Chez les entérocoques et les staphylo-
d’une souche de pneumocoque sensible par le gène rplD muté
coques, c’est essentiellement la mutation G2576U dans l’ARNr
a entraîné une augmentation de CMI de 1 à 4 mg/l [28]. Ce
23S, mais d’autres mutations dans le domaine V ont été
mécanisme a été décrit uniquement chez deux souches clini-
identifiées (Fig. 3). Les deux autres mécanismes de résistance au
ques de S. pneumoniae et confère une corésistance aux macroli-
linézolide précédemment décrits sont très rares. Le gène cfr a été
des et chloramphenicol.
retrouvé pour la première fois, en Europe dans 3,6 % de souches
de staphylocoques d’origine animale résistantes au chloramphé-
Épidémiologie de la résistance nicol [38]. Depuis 2008, ce gène a été aussi retrouvé dans deux
La résistance au linézolide a émergé dès l’utilisation en souches cliniques de S. aureus et une souche de S. epidermidis
thérapeutique de cet antibiotique aux États-Unis et ensuite dans aux États-unis et en Colombie [39, 40]. La corrélation entre la

6 Maladies infectieuses
Oxazolidinones ¶ 8-005-A-15

présence du gène cfr et la résistance au linézolide n’a pas été Tableau 6.


décrite pour d’autres espèces comme Streptococcus ou Enterococ- Paramètres pharmacocinétiques du linézolide après administration de
cus à ces jours. La délétion de six pb dans la protéine riboso- 600 mg par voie orale ou intraveineuse toutes les 12 heures.
male L4 n’a été rapportée que chez deux souches de Voie orale Voie intraveineuse
S. pneumoniae [28].
Cmax (mg/l) 21,2 ± 5,78 15,1 ± 2,52
Cmin (mg/l) 6,2 ± 2,94 3,68 ± 2,36
■ Paramètres pharmacocinétiques Tmax (h) 1 ± 0,62 0,51 ± 0,03
AUC 138 ± 42,1 89,7 ± 31,0
(mg h/l)
Pharmacocinétique T1/2 (h) 5,4 ± 2,06 4,8 ± 1,70
Le linézolide existe sous trois formes galéniques : une solu- Clairance 80 ± 29 123 ± 40
tion pour usage intraveineux, une suspension pour usage oral (ml/min)
ainsi que des comprimés pour voie orale. Le Tableau 6 récapi- AUC : aire sous courbe ; Cmax : concentration plasmatique maximale ; Cmin :
tule ses principales caractéristiques pharmacocinétiques. concentration plasmatique minimale ; Tmax : temps pour atteindre la Cmax ;
T1/2 : demi-vie d’élimination.

Biodisponibilité
orale [46]. Des concentrations fécales de linézolide non négligea-
Le linézolide est rapidement et complètement absorbé après bles sont obtenues (7,1 ± 2,6 mg/kg de selles) chez des volon-
administration orale avec une biodisponibilité voisine de 100 %. taires sains après quatre jours de traitement per os [47]. Les
Le pic plasmatique est obtenu une à deux heures après l’admi- données sur la concentration fécale après administration du
nistration et la concentration dans le sérum à l’état d’équilibre linézolide par voie injectable sont rares. Une étude ne retrouve
est de 15 à 20 mg/l après plusieurs prises de 600 mg deux fois pas de substance active dans les fèces [41].
par jour de linézolide par voie orale ou intraveineuse [41]. Si le Le linézolide n’interfère pas avec le cytochrome P450.
repas retarde l’apparition du pic sérique, cela ne modifie pas la En revanche, il inhibe de manière compétitive la
cinétique du linézolide. monoamine-oxydase A.
En cas d’insuffisance rénale, il n’y a pas lieu d’ajuster la
Distribution et pénétration tissulaire
posologie. En cas de dialyse, il faut administrer le linézolide
Son volume de distribution est important, avec une valeur après la séance. En cas d’insuffisance hépatique légère à
située entre 40 et 50 litres, suggérant une distribution impor- modérée, il n’est pas nécessaire de modifier la posologie [48].
tante à travers le compartiment extracellulaire. En ce qui
concerne la liaison aux protéines plasmatiques, environ 31 % Pharmacodynamique
du linézolide est lié. Il n’y a pas de variation significative de
l’aire sous la courbe (AUC) lorsque la fonction rénale et/ou la Comme la plupart des inhibiteurs de la synthèse protéique,
fonction hépatique sont modifiées. Il n’existe pas de différences les oxazolidinones possèdent une activité bactériostatique
significatives dans les profils pharmacocinétiques entre les contre la plupart des germes sensibles. Cependant son activité
hommes et les femmes. peut être bactéricide in vitro sur certaines espèces de streptoco-
Sa pénétration dans le tissu pulmonaire, cutané, dans le ques telle S. pneumoniae ainsi que quelques bactéries anaérobies
système nerveux central, dans l’os, la graisse et le muscle a été (B. fragilis et Clostridium perfringens) [49]. Bien que l’ensemble des
démontrée [42]. La pénétration du linézolide dans les tissus a été situations d’utilisation clinique du linézolide reste à établir, il
analysée comme le montre le Tableau 7. Le linézolide pénètre semble qu’en raison de cette activité bactéricide, il pourrait être
bien dans les méninges. Les concentrations de cet antibiotique intéressant dans le traitement des endocardites infectieuses à
dans le liquide céphalorachidien (LCR) correspondaient à 70 % streptocoques. Des concentrations plus élevées in vitro n’entraî-
des concentrations obtenues dans le sérum chez des volontaires nent pas d’augmentation de l’activité antibactérienne en termes
sains, sans inflammation des méninges [44] et 66 % chez des de vitesse de bactéricidie, montrant ainsi son caractère temps-
patients atteints de maladies neurochirurgicales avec une dépendant [49]. Dans des études in vivo, son activité bactéricide
inflammation des méninges [45]. sur des souches de S. aureus résistantes à la méticilline était
observée lors d’une administration en perfusion continue [50].
Métabolisme et élimination In vitro, le linézolide a un effet postantibiotique variant de
1,8 à 4,0 heures en fonction de l’espèce bactérienne en
Le linézolide est métabolisé par oxydation non enzymatique cause [51]. In vivo, un effet postantibiotique de trois à qua-
du noyau morpholine et donne deux métabolites inactifs de tre heures a été observé chez la souris à l’égard de S. pneumoniae
l’acide carboxylique. Sa principale voie d’élimination est la voie sensible à la pénicilline G et de S. aureus sensible à la méticil-
urinaire (85 %). La clairance rénale est inférieure à la clairance line [41] . Vis-à-vis de souches résistantes comme S. aureus
de la créatinine laissant supposer qu’il existe une réabsorption résistant à la méticilline et E. faecium résistant aux glycopepti-
tubaire du produit. La demi-vie d’élimination est d’environ des, l’effet postantibiotique observé in vitro était faible (d’envi-
cinq heures. ron une heure) [22].
Le taux de substance active retrouvée dans les fèces est Devant l’activité temps-dépendante et l’activité bactéricide
compris entre 5,3 et 10,9 % de la dose administrée par voie lente du linézolide, une association apparaît souhaitable pour

Tableau 7.
Concentration du linézolide dans différents tissus après administration de 600 mg deux fois par jour de linézolide [43].
Tissus Voie d’administration Concentration tissulaire Concentration plasmatique % de pénétration
(mg/l) (mg/l)
Liquide bordant l’épithélium bronchique orale 64,3 15,5 415
Os i.v. 8,6 15,8 60
Muscle i.v. 13,4 15,8 94
Liquide céphalorachidien i.v. 7,5 10,3 71
Liquide péritonéal orale 6,9 11,2 61
i.v. : intraveineuse.

Maladies infectieuses 7
8-005-A-15 ¶ Oxazolidinones

pouvoir stériliser un foyer infectieux et a essentiellement pour avec une pneumonie communautaire. Le linézolide n’a pas
but d’augmenter son activité bactéricide et notamment la phase montré sa supériorité par rapport aux céphalosporines de
de bactéricidie précoce, ainsi que de limiter le risque d’émer- troisième génération chez les patients infectés par S. pneumoniae
gence de mutants résistants en cours de traitement. Son contrairement à un taux de guérison supérieur (93,5 % versus
association à d’autres antibiotiques est mal connue en clinique. 68,2 %) chez les patients bactériémiques [59]. Si le linézolide est
De nombreuses études in vitro ont été publiées sur ce sujet mais proposé comme traitement des pneumopathies communautaires
peu d’études in vivo sont rapportées. La synergie a été observée à bactéries à Gram positif, il ne doit cependant pas être
in vitro avec l’amoxicilline, l’érythromycine, les tétracyclines, la considéré comme l’antibiotique de choix dans cette indication.
quinupristine-dalfopritistine, avec des concentrations subinhi- Dans les pneumopathies nosocomiales, son efficacité a été
bitrices d’imipénème et l’ertapénème [52] . Dans un modèle établie dans deux essais multicentriques randomisés en double
expérimental d’endocardite chez le lapin, cette synergie a été insu chez des adultes. Les patients étaient traités avec soit du
confirmée pour l’imipénème [53] et l’ertapènème [54]. L’associa- linézolide à la posologie de 600 mg en intraveineuse toutes les
tion du linézolide avec la rifampicine inhibe la sélection de 12 heures, soit de la vancomycine par intraveineuse à la dose
populations résistantes à la rifampicine mais ne montre pas de un gramme toutes les 12 heures pendant sept à 21 jours. Ces
d’augmentation de l’activité bactéricide par rapport à l’activité deux molécules, associées à l’aztréonam dans l’hypothèse d’une
du linézolide seul sur les souches de S. aureus résistant à la infection mixte avec des bacilles à Gram négatif, ont montré
méticilline [55]. En revanche, l’association du linézolide à la une efficacité équivalente. Cependant, l’analyse rétrospective
doxycycline prévient la sélection de souches résistantes au des données mentionnées dans les études prospectives précé-
linézolide de E. faecium [56]. L’association du linézolide serait dentes a montré que le linézolide avait une activité supérieure
indifférente in vitro avec l’acide fusidique, la fosfomycine et la à la vancomycine dans le traitement des pneumonies nosoco-
gentamicine [52] . Cependant dans le modèle expérimental miales à S. aureus résistant à la méticilline [60] . Sa bonne
d’endocardite chez le lapin, l’activité du linézolide associé à la efficacité dans le traitement des pneumonies à S. aureus résistant
gentamicine a montré une activité bactéricide sur les souches de à la méticilline peut être corrélée à la haute concentration de
S. aureus résistant à la méticilline [57]. Enfin, son association à la cette molécule dans le liquide de lavage bronchoalvéolaire [61].
vancomycine ou la ciprofloxacine serait antagoniste [52].
Infection de la peau et des tissus mous
■ Indications thérapeutiques Les infections cutanées constituent la deuxième indication
dans la mesure où S. aureus et S. pyogenes représentent les
Les premiers résultats thérapeutiques ont été très encoura- deux étiologies les plus fréquentes. Dans l’étude multicentrique,
geants, aboutissant à la mise sur le marché du produit aux États- randomisée, en double insu de Stevens, le linézolide a été
unis en 2000 et en France en 2002. Le linézolide est indiqué comparé à l’oxacilline. Les patients recevaient soit du linézolide
dans le traitement des pneumopathies nosocomiales et commu- à la posologie de 600 mg deux fois par jour par voie intravei-
nautaires et des infections compliquées de la peau et des tissus neuse, soit de l’oxacilline à la posologie de 2 g toutes les six
mous lorsqu’elles sont documentées ou suspectées à bactéries à heures par voie intraveineuse. Secondairement, un relais par la
Gram positif. voie orale avec la même molécule était proposé dans les deux
Il se prescrit à la posologie de 600 mg deux fois par jour par bras de traitement. Que ce soit en intention de traiter ou en
voie orale ou veineuse chez l’adulte de plus de 18 ans. En perprotocole, l’efficacité clinique, microbiologique et la tolé-
France les données de pharmacocinétique, de tolérance et rance du linézolide ont été identiques à celle de l’oxacilline [62].
d’efficacité chez l’enfant et l’adolescent (< 18 ans) ont été jugées Il a été aussi comparé à la vancomycine dans le traitement des
insuffisantes pour pouvoir établir des recommandations posolo- infections de la peau et des tissus mous à S. aureus résistant à la
giques. L’utilisation de cet antibiotique dans cette population méticilline. Il s’est montré plus efficace que la vancomycine
n’est pas recommandée. Cependant aux États-Unis, le linézolide pour une même tolérance [63]. De plus, son utilisation réduit la
est utilisé à la posologie de 600 mg deux fois par jour chez durée d’administration par voie intraveineuse et donc la durée
l’adolescent de plus de 12 ans et à la posologie de 10 mg/kg d’hospitalisation de ces patients.
toutes les huit heures chez l’enfant de moins de 12 ans. Du fait Enfin, au cours d’infections cutanées à bactéries aérobies et
d’une biodisponibilité excellente de la forme orale, cette forme anaérobies (Fusobacterium, Prevotella, Peptostreptococcus) après
galénique peut être prescrite d’emblée ou permettre un relais morsures d’animaux, le linézolide a montré une efficacité
précoce. La prescription est hospitalière. La durée de traitement, comparable à celle des macrolides. Il peut donc être proposé
en dehors de cas particuliers, ne doit pas excéder 28 jours. après documentation bactériologique. Il est également actif sur
les pasteurelles [64].
Infections à bactéries à Gram positif
multirésistantes Efficacité du linézolide dans des indications
Son efficacité dans le traitement des infections à bactéries à
hors AMM
Gram positif multirésistantes a été démontrée dans des infec- Bien que n’ayant pas l’autorisation de mise sur le marché
tions à S. aureus résistant à la méticilline ou à entérocoque (AMM) dans ces indications thérapeutiques, le linézolide a été
résistant à la vancomycine [42]. Concernant les infections à utilisé avec succès dans des observations ponctuelles.
staphylocoques, il s’agit d’études comparant l’efficacité du
linézolide par rapport à celle de la vancomycine. Les résultats en
Endocardites bactériennes
intention de traiter montrent une même efficacité des
deux molécules, sans effet secondaire supplémentaire du L’efficacité de cette molécule est relatée dans des modèles
linézolide par rapport aux glycopeptides [58] . Le linézolide expérimentaux d’endocardite à S. aureus sensible ou résistante à
permet de traiter avec succès, les bactériémies à E. faecalis ou la méticilline (SARM) chez le lapin [52]. Il a été démontré une
E. faecium résistants à la vancomycine [42]. efficacité équivalente du linézolide (à la posologie de 50 ou
75 mg/kg de masse corporelle) et de la vancomycine (à la
Infections pulmonaires posologie de 25 mg/kg deux fois par jour). Cependant dans un
autre cas expérimental identique (lapins affectés d’une endocar-
Un essai multicentrique a été réalisé dans 27 pays comparant dite aortique à SARM), il a été rapporté que la vancomycine (à
l’efficacité d’un traitement par linézolide intraveineux puis oral la posologie de 30 mg/kg deux fois par jour) restait supérieure
à un traitement par une céphalosporine de troisième génération au linézolide (à la posologie de 75 mg/kg trois fois par jour le
intraveineux, suivi de cefpodoxime pour traiter des patients premier jour puis deux fois par jour les quatre jours suivants) ou

8 Maladies infectieuses
Oxazolidinones ¶ 8-005-A-15

à l’association des deux molécules (aux posologies indiquées du pied chez le patient diabétique où il a été comparé à
ci-dessus) [65]. Enfin, lors d’une endocardite à E. faecium résistant l’association ampicilline-sulbactam ou amoxicilline-acide
à la vancomycine chez le rat, le linézolide (à la posologie de clavulanique au cours d’une étude multicentrique
25 mg/kg de masse corporelle, administré toutes les huit heures randomisée [83].
par voie intrapéritonéale) s’est montré plus efficace que la
vancomycine [66]. Patient atteint par la mucoviscidose
Chez l’homme, utilisé en monothérapie, il a permis la
guérison d’endocardites à cocci à Gram positif. Mais des échecs La littérature scientifique ne fournit pas d’études cliniques sur
ont été rapportés, notamment dans des cas d’endocardite sur le linézolide chez le patient atteint de mucoviscidose. Deux cas
valve native à E. faecalis ou à S. aureus résistant à la méticilline cliniques portant sur deux patients adultes atteints par la
ou sur prothèse à S. aureus résistant à la méticilline intermé- mucoviscidose font état d’une amélioration des symptômes
diaire aux glycopeptides [67]. Cependant, aucune souche résis- associée à une éradication du S. aureus résistant à la méticilline
tante n’a été isolée dans ces échecs de traitement par le dans les crachats [84, 85] . Une étude rétrospective française
linézolide. Enfin, récemment ce dernier a montré une activité rapporte 22 prescriptions de linézolide chez six patients atteints
supérieure à l’ampicilline dans la prophylaxie des endocardites par la mucoviscidose. Dans 12 cas, une amélioration clinique
à S. oralis ou E. faecalis [68]. était évoquée, pour huit, les renseignements étaient imprécis et
dans deux cas, au contraire, une aggravation conduisait à l’arrêt
Infection du système nerveux central du traitement en raison d’infections mixtes à S. aureus et
Pseudomonas aeruginosa [86]. La conférence de consensus fran-
Dans un modèle expérimental de méningite à S. pneumoniae çaise inclut le linézolide dans l’arsenal thérapeutique antista-
chez le lapin, les concentrations de linézolide dans le liquide phylococcique et souligne son intérêt comme alternative
céphalorachidien (LCR) correspondaient à 38 % des concentra- thérapeutique dans le traitement des exacerbations à S. aureus
tions obtenues dans le sérum, soit entre 1,8 mg/l à 9,5 mg/l, et résistant à la méticilline et éventuellement dans la prophylaxie
donc bien au-dessus de la CMI pour la souche étudiée (CMI secondaire des infections à S. aureus résistant à la méticilline
= 0,5 mg/l) [69]. Des résultats similaires ont été obtenus chez et S. aureus sensible à la méticilline (www.has-sante.fr/
l’homme après l’administration de 600 mg deux fois par jour de portail/upload/docs/application/pdf/Mucovisc_pneumo_infectio
linézolide par voie intraveineuse avec des concentrations dans _court.pdf).
le LCR comprises entre 2 et 7,0 mg/l, généralement au-dessus Des études cliniques sont nécessaires afin de confirmer
des CMI pour les bactéries infectant les méninges [70]. l’efficacité du linézolide dans cette indication.
Le linézolide a été utilisé dans des d’infections nosocomiales
du système nerveux central chez l’homme (méningite, ventri-
culite et abcès). Plusieurs cas de méningites à E. faecium résistant
à la vancomycine, à S. epidermidis résistant à la méticilline et à
■ Contre-indications et effets
S. aureus résistant à la meticiclline ont été traités efficacement secondaires
par le linézolide en monothérapie ou en association avec un
autre antibiotique [71]. Il a aussi montré son efficacité au cours
du traitement de ventriculites à S. aureus résistant à la méticil- Contre-indications
line et de sensibilité intermédiaire aux glycopeptides [72] à
Ce médicament est contre-indiqué chez les patients présen-
E. faecium résistant à la vancomycine, chez un adulte de
tant une hypersensibilité au produit ou à l’un de ses excipients,
67 ans [73] et chez un enfant de sept mois, (à la posologie de
chez les patients traités par les inhibiteurs de la monoamine
10 mg/kg toutes les huit heures) [74]. Enfin, au cours d’un abcès
oxydase A ou B ou ayant reçu l’un de ces produits dans les
cérébral à Peptostreptococcus [75], cet antibiotique a été prescrit
deux semaines précédentes, chez les patients traités par l’un
avec succès.
des médicaments suivants : inhibiteurs de la recapture de la
sérotonine, antidépresseurs tricycliques, agonistes des récep-
Infections osseuses teurs 5HT1, sérotoninergiques, sympathomimétiques, vasopres-
seurs, médicaments dopaminergiques. Le linézolide ne doit pas
De façon expérimentale, il a été montré que le linézolide
être administré pendant la grossesse et l’allaitement doit être
n’était pas supérieur au placebo pour traiter une ostéomyélite à
interrompu avant et pendant le traitement par celui-ci.
S. aureus chez le rat [76]. En revanche, sa pénétration dans le
tissu osseux apparaît comparable à celle de la vancomycine chez
11 patients recevant l’une ou l’autre de ces molécules 20 minu- Effets secondaires
tes avant ou 12 heures avant une chirurgie de l’épaule [77].
D’autres études font état de sa bonne pénétration dans l’os et La tolérance du linézolide est bonne. Des effets secondaires
l’articulation à l’occasion de remplacement de prothèse de mineurs ont été rapportés lors des essais cliniques avec par ordre
hanche ou de genou lors d’ostéoarthrite ou arthrite rhuma- de fréquence : des diarrhées (4,3 %), des nausées (3,4 %) et des
toïde [78], le linézolide étant utilisé en prophylaxie de l’inter- maux de tête (2,2 %) [87]. Des effets secondaires majeurs ont été
vention chirurgicale. rapportés chez 0,4 % des patients (thrombopénies, hyperten-
Il a été utilisé à la posologie de 600 mg, deux fois par jour sion, vomissements sévères, attaque ischémique transitoire, des
pendant 6 à 10 semaines pour traiter des infections sur prothèse anomalies des fonctions hépatiques, pancréatites et insuffisance
totale de hanche ou de genou. Dans une étude récente sur rénale) [87]. D’autres anomalies cliniques comme des cas de
20 cas, l’évolution a été favorable pour 16 d’entre eux [79]. neuropathies périphériques ou de névrites optiques, sont
Dans un cas de spondylodiscite secondaire à une bactériémie observées essentiellement après une utilisation prolongée de cet
à SARM et entérocoque résistant à la vancomycine, il a été antibiotique (entre 1 à 10 mois selon les cas) [88]. Sur le plan
utilisé en monothérapie sur une période de six semaines avec biologique, les principaux effets secondaires rapportés sont
une prise en charge chirurgicale au terme des trois premières hématologiques avec une thrombopénie réversible, essentielle-
semaines. L’évolution a été favorable [80]. Plusieurs études font ment lorsque le traitement excède 15 jours [89]. Cette thrombo-
état de la prescription de linézolide au cours d’infections pénie serait due à la destruction des plaquettes par un
ostéoarticulaires superficielles ou profondes, où l’évolution a été mécanisme auto-immun [90] . Les risques de thrombopénie
favorable dans 55 % à 90 % des cas selon les études [81, 82]. varient de 2,4 % à 47 % selon les études [42, 91] . L’anémie
Cependant, une étude récente rapporte un taux élevé d’effets semble moins fréquente. Dans une étude après l’AMM du
secondaires comparé aux autres études ; 19 % des patients linézolide sur ses effets hématologiques, 72 désordres hémato-
avaient eu besoin d’arrêter le traitement [82]. Enfin, le linézolide logiques ont été recensés, soit un sur 750 patients traités. Par
semble pouvoir être utilisé avec succès au cours de l’infection ordre de fréquence, on observe des thrombopénies (n = 32), des

Maladies infectieuses 9
8-005-A-15 ¶ Oxazolidinones

anémies (n = 19), des pancytopénies (n = 13) et des bicytopénies Sélection des souches résistantes
(n = 5). L’anémie serait due à l’inhibition de la respiration
mitochondriale [92]. Ces effets secondaires hématologiques sont
au linézolide au sein du microbiote
réversibles à l’arrêt du traitement. La toxicité du traitement est intestinal
liée à la durée du traitement. La plupart des effets indésirables
L’émergence de la résistance au sein des flores commensales
graves ont été observés pour des durées de traitement de plus
est maintenant reconnue comme un modulateur majeur de
de 28 jours. Une surveillance étroite de la formule sanguine est
l’évolution de la résistance bactérienne aux antibiotiques chez
donc recommandée pour les traitements se prolongeant au-delà les bactéries pathogènes, notamment parce que de nombreux
de 10 à 14 jours. pathogènes sont d’abord des bactéries opportunistes d’origine
commensale (comme les entérocoques presque toujours, les
staphylocoques souvent et les pneumocoques parfois) ou qu’ils
■ Linézolide et microbiote acquièrent des mécanismes de résistance par transfert horizontal
à partir de cette flore.
intestinal La résistance au linézolide est le plus souvent associée à des
mutations dans l’ARNr 23S. Dans notre laboratoire, nous avons
modélisé l’émergence de la résistance au linézolide chez l’espèce
Impact du linézolide sur le microbiote E. faecalis (espèce d’entérocoques prédominante dans le micro-
intestinal biote intestinale) et le comportement des souches résistantes au
sein de l’écosystème intestinal dans un modèle animal [24]. Nous
Dans la littérature, l’effet du linézolide sur le microbiote avons montré que l’émergence, la concentration et la persis-
intestinal a été évalué dans une étude chez l’homme sain et tance des mutants résistants au linézolide dépendaient de la
dose administrée.
chez l’animal.
Chez les patients traités par linézolide, peu d’études se sont
Lode et al. ont étudié l’impact écologique du linézolide à la
intéressées à la sélection de souches résistantes au linézolide
dose de 600 mg deux fois par jour par voie orale chez
dans le tube digestif. Deux souches d’E faecium résistantes à la
douze volontaires sains. Au cours du traitement par le linézo-
vancomycine et au linézolide ont été retrouvées dans le rectum
lide, dans la flore aérobie, les entérocoques disparaissent tandis de deux patients sur 14 après 16 et 48 jours de traitement par
que la concentration de Klebsiella sp. est augmentée. Dans la le linézolide [98].
flore anaérobie, les concentrations des genres Bifidobacterium, Une seule étude s’est intéressée à suivre l’émergence de la
Lactobacillus, Clostridium et Bacteroides sont nettement dimi- résistance au linézolide chez les anaérobies en regardant plus
nuées [47]. La diminution de la flore dominante anaérobie est particulièrement le groupe Bacteroides fragilis. Les valeurs des
comparable à celle observée après l’administration d’érythromy- CMI du linézolide chez B. fragilis augmentaient au cours du
cine à la dose de 1 000 mg deux fois par jour ou de clindamy- traitement par le linézolide [99].
cine à la dose de 150 mg quatre fois par jour pendant Récemment, il a été montré que la résistance au linézolide
sept jours [93]. Aucune donnée n’est disponible chez des patients pouvait être due à la présence du gène cfr localisé sur des
hospitalisés traités par le linézolide. plasmides qui peuvent transférer horizontalement entre staphy-
Dans un modèle de souris conventionnelles, l’analyse par locoques [27]. Ce mécanisme reste extrêmement rare [27]. Le
électrophorèse en gradient sur gel dénaturant (DGGE) des selles transfert de bactéries résistantes aux antibiotiques de l’animal à
de souris traitées par du linézolide pendant six jours par voie l’homme est bien documenté. L’homme peut acquérir des
orale, montre des modifications dans la flore dominante, avec bactéries résistantes suite à une exposition directe des animaux
un indice de similarités de 11 % par rapport à un traitement par d’élevage, par la chaîne alimentaire et par le transfert de gène
une solution saline [94]. De plus, dans ce modèle l’administra- de résistance aux antibiotiques aux bactéries qui composent le
tion du linézolide a favorisé la colonisation du tube digestif des microbiote intestinal [100]. Pour l’instant, aucune donnée n’est
souris par une souche de Klebsiella pneumoniae productrice d’une disponible sur les risques de la diffusion du gène cfr dans le
b-lactamase à spectre élargi (BLSE) et la colonisation d’entéro- microbiote intestinal.
coques résistants à la vancomycine dans certaines conditions, si
la dose administrée était faible et si l’inoculum était
important [94].
Ces deux études chez le volontaire sain et l’animal montrent
■ Conclusion
que l’administration d’un traitement par le linézolide par voie
orale pourrait modifier la flore dominante anaérobie, diminuer Les oxazolidinones sont de nouvelles entités thérapeutiques
l’effet de barrière et faciliter l’implantation de souches exogènes. dans le domaine des agents anti-infectieux. Aujourd’hui, seul le
linézolide est commercialisé et est venu renforcer la gamme des
Les manifestations cliniques induites par la disparition de
antibiotiques disponibles notamment pour le traitement des
l’effet de barrière sous l’administration des antibiotiques sont les
infections dues aux bactéries à Gram positif multirésistantes. La
diarrhées dont une proportion significative est reliée à une
biodisponibilité de sa forme orale en rend sa prescription facile.
colonisation par Clostridium difficile. Dans les études de
Si ses indications princeps sont limitées (infections pulmonaires
phase III, seulement quatre patients sur 4047 (0,2 %) traités par et compliquées de la peau et des tissus mous), diverses publica-
le linézolide ont développé une complication associée à C. dif- tions font état de son efficacité dans d’autres situations clini-
ficile [95] dont un seul cas de colite pseudomembraneuse. Dans ques telles endocardites, infections du système nerveux central,
la littérature, un seul cas de colite pseudomembraneuse due à infections osseuses et infections à mycobactéries. Des études
l’administration de linézolide par voie intraveineuse chez un plus complètes devraient permettre de confirmer l’intérêt de ces
patient atteint de spondylodiscite a été rapporté [96]. Deux fac- indications. Dès la commercialisation de cet antibiotique aux
teurs ont pu contribuer à l’émergence de la colite pseudomem- États-Unis et dans quelques pays européens, des mutants
braneuse, l’hospitalisation antérieure avec une antibiothérapie résistants chez les entérocoques et les staphylocoques ont été
prolongée et l’administration du linézolide par voie intravei- isolés mais restent peu nombreux. Actuellement, aucune
neuse au cours de laquelle la concentration dans le tube digestif association synergique ne permet de prévenir la sélection de
n’est pas suffisante pour éradiquer C. difficile. Il a été montré populations résistantes au linézolide. Il convient donc de
que la présence de linézolide à la concentration de 0,5 fois la l’utiliser à bon escient. D’autres oxazolidinones verront proba-
CMI du linézolide vis-à-vis de C. difficile (CMI 50 % = 2 mg/l), blement le jour, notamment le torezolide, qui a montré une
pouvait favoriser la transcription des gènes codant les toxines A activité intéressante sur les souches d’entérocoques et de
et B de C. difficile [97]. staphylocoques résistantes au linézolide [2].

10 Maladies infectieuses
Oxazolidinones ¶ 8-005-A-15

■ Références
.

[22] Rybak MJ, Cappelletty DM, Moldovan T, Aeschlimann JR, Kaatz GW.
Comparative in vitro activities and postantibiotic effects of the
[1] Barbachyn MR, Ford CW. Oxazolidinone structure-activity oxazolidinone compounds eperezolid (PNU-100592) and
relationships leading to linezolid. Angew Chem Int 2003;42:2010-23. linezolid (PNU-100766) versus vancomycin against Staphylococcus
[2] Jones RN, Moet GJ, Sader HS, Mendes RE, Castanheira M. TR-700 in aureus, coagulase-negative staphylococci, Enterococcus faecalis,
vitro activity against and resistance mutation frequencies among Gram- and Enterococcus faecium. Antimicrob Agents Chemother 1998;42:
positive pathogens. J Antimicrob Chemother 2009;63:716-20. 721-4.
[3] Livermore DM, Warner M, Mushtaq S, North S, Woodford N. In vitro [23] Lobritz M, Hutton-Thomas R, Marshall S, Rice LB. Recombination
activity of the oxazolidinone RWJ-416457 against linezolid-resistant proficiency influences frequency and locus of mutational resistance to
and -susceptible staphylococci and enterococci. Antimicrob Agents linezolid in Enterococcus faecalis. Antimicrob Agents Chemother
Chemother 2007;51:1112-4. 2003;47:3318-20.
[4] Hilliard JJ, Fernandez J, Melton J, Macielag MJ, Goldschmidt R, [24] Bourgeois-Nicolaos N, Massias L, Couson B, Butel MJ, Andremont A,
Bush K, et al. In vivo activity of the pyrrolopyrazolyl-substituted Doucet-Populaire F. Dose dependence of emergence of resistance to
oxazolidinone RWJ-416457. Antimicrob Agents Chemother 2009;53: linezolid in Enterococcus faecalis in vivo. J Infect Dis 2007;195:
2028-33. 1480-8.
[5] Lawrence L, Danese P, DeVito J, Franceschi F, Sutcliffe J. In vitro [25] Meka VG, Pillai SK, Sakoulas G. Linezolid resistance in sequential
activities of the Rx-01 oxazolidinones against hospital and community Staphylococcus aureus isolates associated with a T2500A mutation in
pathogens. Antimicrob Agents Chemother 2008;52:1653-62. the 23S rRNA gene and loss of a single copy of rRNA. J Infect Dis
[6] Kalia V, Miglani R, Purnapatre KP. Mode of action of ranbezolid 2004;190:311-7.
against staphylococci and structural modeling studies of its interaction [26] Farrell DJ, Morrissey I, Bakker S, Buckridge S, Felmingham D. In vitro
with ribosomes. Antimicrob Agents Chemother 2009;53:1427-33. activities of telithromycin, linezolid, and quinupristin-dalfopristin
[7] Mathur T, Singhal S, Khan S. Effect of oxazolidinone, RBx 7644 against Streptococcus pneumoniae with macrolide resistance
(ranbezolid), on inhibition of staphylococcal adherence to plastic sur- due to ribosomal mutations. Antimicrob Agents Chemother 2004;48:
faces. J Chemother 2008;20:420-7. 3169-71.
[8] Wilson DN, Schluenzen F, Harms JM, Starosta AL, Connell SR, [27] Long KS, Poehlsgaard J, Kehrenberg C, Schwarz S, Vester B. The Cfr
Fucini P. The oxazolidinone antibiotics perturb the ribosomal peptidyl- rRNA methyltransferase confers resistance to Phenicols,
transferase center and effect tRNApositioning. Proc Natl Acad Sci USA Lincosamides, Oxazolidinones, Pleuromutilins, and Streptogramin A
2008;105:13339-44. antibiotics. Antimicrob Agents Chemother 2006;50:2500-5.
[9] Martin Schmeing T, Huang KS, Strobel SA, Steitz TA. An induced-fit [28] Wolter N, Smith AM, Farrell DJ, Schaffner W, Moore M, Whitney CG,
mechanism to promote peptide bond formation and exclude hydrolysis et al. Novel mechanism of resistance to oxazolidinones, macrolides,
of peptidyl-tRNA. Nature 2005;438:520-4. and chloramphenicol in ribosomal protein L4 of the Pneumococcus.
[10] Aoki H, Ke L, Poppe SM. Oxazolidinone antibiotics target the P site on Antimicrob Agents Chemother 2005;49:3554-7.
Escherichia coli ribosomes. Antimicrob Agents Chemother 2002;46: [29] Jones RN, Ross JE, Castanheira M, Mendes RE. United States
1080-5. resistance surveillance results for linezolid (LEADER Program for
[11] CLSI. Performance standards for antimicrobial susceptibility testing: 2007). Diagn Microbiol Infect Dis 2008;62:416-26.
approved standard [M100-S16]. 16th Informational Supplement [30] Garnier F, Bourgeois-Nicolaos N, Langepin J. Staphylococcus aureus
Wayne,PA: CLSI, 2006. résistant au linézolide, première souche décrite en France. 27e Réunion
[12] Bourgeois-Nicolaos N, Piriou O, Butel MJ, Doucet-Populaire F. Interdisciplinaire de chimiothérapie Anti-Infectieuse, Paris, 5 et 6
Linezolid: antibacterial activity, clinical efficacy and resistance. Ann décembre 2007. 70p.
Biol Clin (Paris) 2006;64:549-64. [31] Jones RN, Stilwell MG, Hogan PA, Sheehan DJ. Activity of linezolid
[13] Leuthner KD, Cheung CM, Rybak MJ. Comparative activity of the new against 3,251 strains of uncommonly isolated Gram-positive
lipoglycopeptide telavancin in the presence and absence of serum organisms: report from the SENTRY Antimicrobial Surveillance
against 50 glycopeptide non-susceptible staphylococci and three Program. Antimicrob Agents Chemother 2007;51:1491-3.
vancomycin-resistant Staphylococcus aureus. J Antimicrob Chemother [32] Damborg P, Sorensen AH, Guardabassi L. Monitoring of antimicrobial
2006;58:338-43. resistance in healthy dogs: First report of canine ampicillin-resistant
[14] Marchese A, Schito GC. The oxazolidinones as a new family of Enterococcus faecium clonal complex 17. Vet Microbiol 2008;132:
antimicrobial agent. Clin Microbiol Infect 2001;7:66-74. 190-6.
[15] Tubau F, Fernandez-Roblas R, Linares J, Martin R, Soriano F. In vitro [33] de Jong A, Bywater R, Butty P. A pan-European survey of antimicrobial
activity of linezolid and 11 other antimicrobials against 566 clinical susceptibility towards human-use antimicrobial drugs among zoonotic
isolates and comparison between NCCLS microdilution and Etest and commensal enteric bacteria isolated from healthy food-producing
methods. J Antimicrob Chemother 2001;47:675-80. animals. J Antimicrob Chemother 2009;63:733-44.
[16] Betriu C, Redondo M, Palau ML, Sánchez A, Gómez M, Culebras E, [34] Bonora MG, Ligozzi M, Luzzani A, Solbiati M, Stepan E, Fontana R.
et al. Comparative in vitro activities of linezolid, quinupristin- Emergence of linezolid resistance in Enterococcus faecium not
dalfopristin, moxifloxacin, and trovafloxacin against erythromycin- dependent on linezolid treatment. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2006;
susceptible and -resistant streptococci. Antimicrob Agents Chemother 25:197-8.
2000;44:1838-41. [35] Herrero IA, Issa NC, Patel R. Nosocomial spread of linezolid-resistant,
[17] Gomez-Flores A, Welsh O, Said-Fernandez S, Lozano-Garza G, vancomycin-resistant Enterococcus faecium. N Engl J Med 2002;
Tavarez-Alejandro RE, Vera-Cabrera L. In vitro and in vivo activities 346:867-9.
of antimicrobials against Nocardia brasiliensis. Antimicrob Agents [36] Kelly S, Collins J, Davin M, Gowing C, Murphy PG. Linezolid
Chemother 2004;48:832-7. resistance in coagulase-negative staphylococci. J Antimicrob
[18] Alcala L, Ruiz-Serrano MJ, Perez-Fernandez Turegano C. In vitro Chemother 2006;58:898-9.
activities of linezolid against clinical isolates of Mycobacterium [37] de la Torre M, Sanchez M, Morales G. Outbreak of linezolid-resistant
tuberculosis that are susceptible or resistant to first-line antituberculous Staphylococcus aureus in intensive care. Program/Abstract Addendum
drugs. Antimicrob Agents Chemother 2003;47:416-7. 48th Interscience Conference of Antimicrobial Agents Chemotherapy
[19] Ford CW, Zurenko GE, Barbachyn MR. The discovery of linezolid, the /46th Annual Meeting of Infection Disease Society American 2008.
first oxazolidinone antibacterial agent. Curr Drug Targets Infect Disord C2-1835a.
2001;1:181-99. [38] Kehrenberg C, Schwarz S. Distribution of florfenicol resistance genes
[20] Meka VG, Gold HS. Antimicrobial resistance to linezolid. Clin Infect fexA and cfr among chloramphenicol-resistant Staphylococcus isolates.
Dis 2004;39:1010-5. Antimicrob Agents Chemother 2006;50:1156-63.
[21] Prystowsky J, Siddiqui F, Chosay J. Resistance to linezolid: [39] Arias CA, Vallejo M, Reyes J, Panesso D, Moreno J, Castañeda E, et al.
characterization of mutations in rRNA and comparison of their occur- Clinical and microbiological aspects of linezolid resistance mediated
rences in vancomycin-resistant enterococci. Antimicrob Agents by the cfr gene encoding a 23S rRNA methyltransferase. J Clin
Chemother 2001;45:2154-6. Microbiol 2008;46:892-6.

Maladies infectieuses 11
8-005-A-15 ¶ Oxazolidinones

[40] Mendes RE, Deshpande LM, Castanheira M, DiPersio J, Saubolle MA, [62] Stevens DL, Smith LG, Bruss JB. Randomized comparison of linezolid
Jones RN. First report of cfr-mediated resistance to linezolid in human (PNU-100766) versus oxacillin-dicloxacillin for treatment of
staphylococcal clinical isolates recovered in the United States. complicated skin and soft tissue infections. Antimicrob Agents
Antimicrob Agents Chemother 2008;52:2244-6. Chemother 2000;44:3408-13.
[41] MacGowan AP. Pharmacokinetic and pharmacodynamic profile of [63] Weigelt J, Itani K, Stevens D. Linezolid versus vancomycin in
linezolid in healthy volunteers and patients with Gram-positive infec- treatment of complicated skin and soft tissue infections. Antimicrob
tions. J Antimicrob Chemother 2003;51:ii17-ii25. Agents Chemother 2005;49:2260-6.
[42] Bouza E, Munoz P. Linezolid: pharmacokinetic characteristics and [64] Goldstein EJ, Citron DM, Merriam CV. Linezolid activity compared to
clinical studies. Clin Microbiol Infect 2001;7:75-82. those of selected macrolides and other agents against aerobic and
[43] Dutronc H, Bocquentin F, Galperine T, Lafarie-Castet S, Dupon M. anaerobic pathogens isolated from soft tissue bite infections in humans.
Linezolid, the first oxazolidinone antibiotic. Med Mal Infect 2005;35: Antimicrob Agents Chemother 1999;43:1469-74.
427-34. [65] Chiang FY, Climo M. Efficacy of linezolid alone or in combination with
[44] Zeana C, Kubin CJ, Della-Latta P, Hammer SM. Vancomycin-resistant vancomycin for treatment of experimental endocarditis due to
Enterococcus faecium meningitis successfully managed with linezolid: Methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Antimicrob Agents
case report and review of the literature. Clin Infect Dis 2001;33:477-82. Chemother 2003;47:3002-4.
[45] Myrianthefs P, Markantonis SL, Vlachos K, Anagnostaki M, [66] Patel R, Rouse MS, Piper KE, Steckelberg JM. Linezolid therapy of
Boutzouka E, Panidis D, et al. Serum and cerebrospinal fluid concen- vancomycin-resistant Enterococcus faecium experimental
trations of linezolid in neurosurgical patients. Antimicrob Agents endocarditis. Antimicrob Agents Chemother 2001;45:621-3.
Chemother 2006;50:3971-6. [67] Hill E, Herijgers P, Herregods MC, Peetermans W. Infective
[46] Slatter JG, Stalker DJ, Feenstra KL, Welshman IR, Bruss JB, Sams JP, endocarditis treated with linezolid: case report and literature review.
et al. Pharmacokinetics, metabolism, and excretion of linezolid Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2006;25:202-4.
following an oral dose of [(14)C]linezolid to healthy human subjects. [68] Athanassopoulos G, Pefanis A, Sakka V, Iliopoulos D, Perrea D,
Drug Metab Dispos 2001;29:1136-45. Giamarellou H. Linezolid in prophylaxis against experimental aortic
[47] Lode H. Von der HN, Ziege S, Borner K, Nord CE. Ecological effects of valve endocarditis due to Streptococcus oralis or Enterococcus
linezolid versus amoxicillin/clavulanic acid on the normal intestinal faecalis. Antimicrob Agents Chemother 2006;50:654-7.
microflora. Scand J Infect Dis 2001;33:899-903. [69] Cottagnoud P, Gerber CM, Acosta F, Cottagnoud M, Neftel K,
[48] Moellering RC. Linezolid: the first oxazolidinone antimicrobial. Ann Tauber MG. Linezolid against penicillin-sensitive and -resistant
Intern Med 2003;138:135-42. pneumococci in the rabbit meningitis model. J Antimicrob Chemother
[49] Zurenko GE, Yagi BH, Schaadt RD. In vitro activities of U-100592 and 2000;46:981-5.
U-100766, novel oxazolidinone antibacterial agents. Antimicrob [70] Villani P, Regazzi MB, Marubbi F, Viale P, Pagani L, Cristini F, et al.
Agents Chemother 1996;40:839-45. Cerebrospinal fluid linezolid concentrations in postneurosurgical
[50] Jacqueline C, Batard E, Perez L. In vivo efficacy of continuous infusion central nervous system infections. Antimicrob Agents Chemother 2002;
versus intermittent dosing of linezolid compared to vancomycin in a 46:936-7.
methicillin-resistant Staphylococcus aureus rabbit endocarditis model. [71] Rupprecht TA, Pfister HW. Clinical experience with linezolid for the
Antimicrob Agents Chemother 2002;46:3706-11. treatment of central nervous system infections. Eur J Neurol 2005;12:
[51] Munckhof WJ, Giles C, Turnidge JD. Post-antibiotic growth suppres- 536-42.
sion of linezolid against Gram-positive bacteria. J Antimicrob [72] Amod F, Moodley I, Peer AK. Ventriculitis due to a hetero strain of
Chemother 2001;47:879-83. vancomycin intermediate Staphylococcus aureus (hVISA): successful
[52] Jacqueline C, Caillon J, Potel G. Linézolide, données récentes expéri- treatment with linezolid in combination with intraventricular
mentales in vitro et in vivo. Antibiotiques 2005;7:225-33. vancomycin. J Infect 2005;50:252-7.
[53] Jacqueline C, Navas D, Batard E. In vitro and In vivo synergistic [73] Kanchanapoom T, Koirala J, Goodrich J, Agamah E, Khardori N.
activities of linezolid combined with subinhibitory concentrations of Treatment of central nervous system infection by vancomycin-resistant
imipenem against methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Enterococcus faecium. Diagn Microbiol Infect Dis 2003;45:213-5.
Antimicrob Agents Chemother 2005;49:45-51. [74] Graham PL,Ampofo K, Saiman L. Linezolid treatment of vancomycin-
[54] Jacqueline C, Caillon J, Grossi O. In vitro and in vivo assessment of resistant Enterococcus faecium ventriculitis. Pediatr Infect Dis J 2002;
linezolid combined with ertapenem: a highly synergistic combination 21:798-800.
against methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Antimicrob Agents [75] Salin F, Vianello F, Manara R. Linezolid in the treatment of brain
Chemother 2006;50:2547-9. abscess due to Peptostreptococcus. Scand J Infect Dis 2006;38:203-5.
[55] Jacqueline C, Caillon J, Le Mabecque V. In vitro activity of linezolid [76] Patel R, Piper KE, Rouse MS, Steckelberg JM. Linezolid therapy of
alone and in combination with gentamicin, vancomycin or rifampicin Staphylococcus aureus experimental osteomyelitis. Antimicrob Agents
against methicillin-resistant Staphylococcus aureus by time-kill curve Chemother 2000;44:3438-40.
methods. J Antimicrob Chemother 2003;51:857-64. [77] Lovering AM, Bamnister GC, MacGowan AP. A comparison of the
[56] Zinner SH, Gilbert D, Lubenko IY, Greer K, Firsov AA. Selection of penetration of vancomycin and linezolid into bone. 44th Interscience
linezolid-resistant Enterococcus faecium in an in vitro dynamic model: Conference on antimicrobial Agents and Chemotherapy, Washington,
protective effect of doxycycline. J Antimicrob Chemother 2008;61: October30-November 2, 2004.
629-35. [78] Barberan J. Management of infections of osteoarticular prosthesis. Clin
[57] Jacqueline C, Asseray N, Batard E. In vivo efficacy of linezolid in Microbiol Infect 2006;12:93-101.
combination with gentamicin for the treatment of experimental [79] Bassetti M, Vitale F, Melica G. Linezolid in the treatment of Gram-
endocarditis due to methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Int positive prosthetic joint infections. J Antimicrob Chemother 2005;55:
J Antimicrob Agents 2004;24:393-6. 387-90.
[58] Stevens DL, Herr D, Lampiris H, Hunt JL, Batts DH, Hafkin B. [80] Melzer M, Goldsmith D, Gransden W. Successful treatment of vertebral
Linezolid versus vancomycin for the treatment of methicillin-resistant osteomyelitis with linezolid in a patient receiving hemodialysis and
Staphylococcus aureus infections. Clin Infect Dis 2002;34:1481-90. with persistent methicillin-resistant Staphylococcus aureus and
[59] San Pedro GS, Cammarata SK, Oliphant TH, Todisco T. Linezolid vancomycin-resistant Enterococcus bacteremias. Clin Infect Dis 2000;
versus ceftriaxone/cefpodoxime in patients hospitalized for the 31:208-9.
treatment of Streptococcus pneumoniae pneumonia. Scand J Infect Dis [81] Rayner CR, Baddour LM, Birmingham MC, Norden C, Meagher AK,
2002;34:720-8. Schentag JJ. Linezolid in the treatment of osteomyelitis: results of
[60] Wunderink RG, Rello J, Cammarata SK, Croos-Dabrera RV, compassionate use experience. Infection 2004;32:8-14.
Kollef MH. Linezolid vs vancomycin: analysis of two double-blind [82] Harwood PJ, Talbot C, Dimoutsos M. Early experience with linezolid
studies of patients with methicillin-resistant Staphylococcus aureus for infections in orthopaedics. Injury 2006;37:818-26.
nosocomial pneumonia. Chest 2003;124:1789-97. [83] Lipsky BA, Itani K, Norden C. Treating foot infections in diabetic
[61] Conte Jr. JE, Golden JA, Kipps J, Zurlinden E. Intrapulmonary patients: a randomized, multicenter, open-label trial of linezolid versus
pharmacokinetics of linezolid. Antimicrob Agents Chemother 2002;46: ampicillin-sulbactam/amoxicillin-clavulanate. Clin Infect Dis 2004;
1475-80. 38:17-24.

12 Maladies infectieuses
Oxazolidinones ¶ 8-005-A-15

[84] Ferrin M, Zuckerman JB, Meagher A, Blumberg EA. Successful [95] Rubinstein E, Isturiz R, Standiford HC, Smith LG, Oliphant TH,
treatment of methicillin-resistant Staphylococcus aureus pulmonary Cammarata S, et al. Worldwide assessment of linezolid’s clinical safety
infection with linezolid in a patient with cystic fibrosis. Pediatr and tolerability: comparator-controlled phase III Studies. Antimicrob
Pulmonol 2002;33:221-3. Agents Chemother 2003;47:1824-31.
[85] Serisier DJ, Jones G, Carroll M. Eradication of pulmonary methicillin- [96] Zabel LT, Worm S. Linezolid contributed to Clostridium diffıcile colitis
resistant Staphylococcus aureus (MRSA) in cystic fibrosis with with fatal outcome. Infection 2005;33:155-7.
linezolid. J Cystic Fibrosis 2004;3:61. [97] Gerber M, Walch C, Loffler B, Tischendorf K, Reischl U,
[86] Betton D, Gairard-Dory AC, Kessler R. Use of linezolid for the Ackermann G. Effect of sub-MIC concentrations of metronidazole,
treatment of lung infections in adults with cystic fibrosis. Rev Pneumol vancomycin, clindamycin and linezolid on toxin gene transcription and
Clin 2006;62:374-8. production in Clostridium diffıcile. J Med Microbiol 2008;57:776-83.
[87] French G. Safety and tolerability of linezolid. J Antimicrob Chemother [98] Bassetti M, Farrel PA, Callan DA, Topal JE, Dembry LM. Emergence
2003;51:ii45-ii53.
of linezolid-resistant Enterococcus faecium during treatment of
[88] Ferry T, Ponceau B, Simon M. Possibly linezolid-induced peripheral
enterococcal infections. Int J Antimicrob Agents 2003;21:593-4.
and central neurotoxicity: report of four cases. Infection 2005;33:151-4.
[99] Schmidt-Ioanas M, de Roux A, Lode H. New antibiotics for the
[89] Gerson SL, Kaplan SL, Bruss JB. Hematologic effects of linezolid:
treatment of severe staphylococcal infection in the critically ill patient.
summary of clinical experience. Antimicrob Agents Chemother 2002;
46:2723-6. Curr Opin Crit Care 2005;11:481-6.
[90] Bernstein WB, Trotta RF, Rector JT, Tjaden JA, BarileAJ. Mechanisms [100] Kehrenberg C, Cuny C, Strommenger B, Schwarz S, Witte W.
for linezolid-induced anemia and thrombocytopenia. Ann Methicillin-resistant and -susceptible Staphylococcus aureus strains of
Pharmacother 2003;37:517-20. clonal lineages ST398 and ST9 from swine carry the multidrug
[91] Attassi K, Hershberger E, Alam R, Zervos MJ. Thrombocytopenia resistance gene cfr. Antimicrob Agents Chemother 2009;53:779-81.
associated with linezolid therapy. Clin Infect Dis 2002;34:695-8.
[92] Stein GE. Safety of newer parenteral antibiotics. Clin Infect Dis 2005;
41:S293-S302. Pour en savoir plus
[93] Sullivan A, Edlund C, Nord CE. Effect of antimicrobial agents on the
ecological balance of human microflora. Lancet Infect Dis 2001;1:101- Comité de l’Antibiogramme de la Société française de microbiologie :
14. www.sfm.asso.fr/publi/general.php?pa=1 et www.sfm.asso.fr/nouv/
[94] Pultz NJ, Stiefel U, Donskey CJ. Effects of daptomycin, linezolid, and general.php?pa=2.
vancomycin on establishment of intestinal colonization with European Committee on Antimicrobial Susceptibility Testing.
vancomycin-resistant enterococci and extended-spectrum-{beta}- www.srga.org/eucastwt/MICTAB/MICoxazolidones.htm.
lactamase-producing Klebsiella pneumoniae in mice. Antimicrob Haute Autorité de santé : www.has-sante.fr/portail/upload/docs/
Agents Chemother 2005;49:3513-6. application/pdf/Mucovisc_pneumo_infectio_court.pdf.

N. Bourgeois-Nicolaos (nadege.bourgeois@abc.aphp.fr).
F. Doucet-Populaire.
Laboratoire de bactériologie-hygiène, Service de microbiologie immunologie biologique, Hôpital Antoine Béclère, Assistance publique-Hôpitaux de Paris,
Université Paris-Sud XI, 157, rue de la Porte-de-Trivaux, 92141 Clamart cedex, France.
EA4065, UFR des sciences pharmaceutiques et biologiques, Université Paris Descartes, 4, avenue de l’Observatoire, 75270 Paris cedex 06, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bourgeois-Nicolaos N., Doucet-Populaire F. Oxazolidinones. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies
infectieuses, 8-005-A-15, 2010.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

Maladies infectieuses 13
¶ 8-006-D-10

Choix d’une antibiothérapie


V. Meyssonnier, F. Bricaire

En pratique médicale les prescriptions antibiotiques sont parmi les plus usuelles mais aussi parmi les plus
difficiles. Le choix d’un antibiotique doit être guidé par une démarche intellectuelle conduisant à répondre
impérativement à trois questions : quel est le site infecté ? Quelle bactérie est en cause ? Sur quel terrain
survient l’infection bactérienne ? Il doit respecter au mieux l’écologie bactérienne en constante évolution
dont les réseaux de surveillance mis en place en France permettent d’établir des recommandations
nationales qui éclairent le prescripteur dans son choix qu’il peut alors justifier. Le choix d’un antibiotique
dépend également de facteurs pharmacocinétiques et pharmacodynamiques permettant de s’assurer
que l’antibiotique choisi sera le plus efficace au niveau du site de l’infection et qu’il sera bien toléré par le
patient. Un seul antibiotique suffit, dans la majorité des cas, pour traiter une infection bactérienne mais le
choix de celui-ci doit impérativement être réévalué secondairement et adapté aux éventuels résultats
des prélèvements microbiologiques. Il existe également certaines indications très précises
d’antibioprophylaxie. Mais les nouvelles molécules deviennent rares et chaque année des bactéries avec
de nouveaux phénotypes de résistance émergent. Il est donc nécessaire d’utiliser les antibiotiques à notre
disposition selon un choix éclairé et justifié en respectant impérativement les bonnes règles de
prescription.
© 2011 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Site ; Bactérie ; Terrain ; PK/PD ; Justification de l’antibiothérapie

Plan une pression de sélection sur des germes qui réduit potentielle-
ment l’efficacité des molécules antibiotiques. Si un antihyper-
tenseur garde ses propriétés quelles que soient ses modalités de
¶ Introduction 1
prescription, il n’en est pas de même pour un antibiotique.
¶ Généralités 1 C’est la raison pour laquelle toute antibiothérapie doit être
¶ Où, quel site infecté ? 2 raisonnée. La politique de limitation de la consommation des
¶ Par quoi, quelle(s) bactérie(s) ? 2 antibiotiques en France depuis 2002 (campagne de la Caisse
nationale d’assurance maladie « les antibiotiques c’est pas
¶ Chez qui, quel terrain ? 3
automatique ») a été suivie de résultats significatifs sur la
¶ Consensus et recommandations 3 diminution du nombre d’antibiotiques prescrits par les méde-
¶ PK/PD : pourquoi ? 4 cins sans une augmentation d’incidence des infections sévères
Aminosides 4 supposées être prévenues par ces antibiothérapies antérieure-
Glycopeptides 4 ment prescrites. On a vu une diminution de 30 % des prescrip-
Fluoroquinolones 4 tions d’antibiotiques chez les enfants moins de 6 ans [1]. Le
Bêtalactamines 4 choix d’un antibiotique doit être guidé par une démarche
¶ Monothérapie ou bithérapie ? 4 intellectuelle impérative, possible à partir du moment où on se
donne les moyens de rechercher les informations clés qui
¶ Indication d’une antibioprophylaxie 5 guideront notre traitement et qui justifieront alors notre choix.
¶ Conclusion 5 En clair, notre démarche doit avancer selon trois axes : quel est
le site infecté ? Quelle bactérie est en cause ? Sur quel terrain
survient l’infection bactérienne ?

■ Introduction
■ Généralités
En pratique médicale, les prescriptions antibiotiques sont
parmi les plus usuelles. Cette grande fréquence impose d’autant Le premier symptôme faisant évoquer une infection bacté-
plus de prudence dans leurs exécutions que les conséquences de rienne est souvent une fièvre, même si celle-ci peut être absente,
cette prescription sont extrêmement importantes : toute anti- même lors de syndromes septiques graves sur des terrains
biothérapie se doit d’abord d’être efficace ; pour ce faire, elle particuliers comme une insuffisance rénale chronique ou des
doit être ciblée. Le succès est d’autant plus impératif que patients recevant une corticothérapie. Fièvre ne veut pas dire
l’infection risque d’être sévère. Elle doit aussi respecter au mieux antibiothérapie d’emblée. En revanche, elle nécessite un bilan
l’écologie bactérienne. Toute prescription inadaptée participe à clinique, biologique, voire morphologique antérieur permettant

Maladies infectieuses 1
8-006-D-10 ¶ Choix d’une antibiothérapie

d’affirmer l’origine bactérienne de celle-ci, de justifier et une antibiothérapie [2]. Il faut continuer à explorer cette fièvre
d’orienter nos prescriptions qui en découlent. Tout patient par d’autres moyens diagnostiques spécialisés.
présentant une fièvre doit avoir des hémocultures (au moins En revanche, si notre prise en charge permet d’identifier
deux rapidement espacées) et des prélèvements locaux accessi- précisément un site infecté, il faut alors aborder l’axe suivant de
bles en fonction des sites infectieux suspectés. Les prélèvements notre démarche diagnostique qui est celui de savoir quelle
bactériologiques sont d’un intérêt majeur pour une bonne prise bactérie est en cause dans cette infection, guidant alors le choix
en charge du patient infecté afin d’isoler et d’identifier la ou les de notre antibiothérapie dont le spectre d’activité couvre la (ou
bactéries en cause et d’ajuster notre antibiothérapie. les) bactérie(s) en cause et dont la disponibilité au niveau du
En revanche, il est indispensable en cas de fièvre, d’évaluer site infectieux est optimale (cf. infra).
avant tout sa tolérance et de rechercher des critères de syn-
drome septique grave détaillés dans la mise au point de 2007 du
Groupe Transversal Sepsis regroupant les sociétés françaises ■ Par quoi, quelle(s) bactérie(s) ?
d’anesthésie et réanimation, de médecine d’urgence et de
pathologies infectieuses adultes et pédiatriques [2] . Il est Toute fièvre isolée ainsi que toute suspicion d’infection
primordial de savoir détecter les malades à risque de syndrome bactérienne nécessite une tentative de documentation micro-
septique grave et de connaître la conduite à tenir recommandée biologique. Nous devons nous donner les moyens d’effectuer
dans une telle situation. Il s’agit d’un adulte, suspect d’infection des prélèvements de bonne qualité au niveau du site infecté
et présentant au moins deux des symptômes suivants inexpli- supposé. En dehors des hémocultures qui doivent être prélevées
qués par ailleurs : température supérieure à 38,2 °C ou hypo- systématiquement devant toute fièvre, quel que soit le site
thermie au-dessous de 36 °C, tachypnée supérieure à 30/min, infecté, afin d’éliminer une dissémination hématogène de la
tachycardie au-dessus de 120/min, pression artérielle systolique bactérie, d’isoler et d’identifier celle-ci, les prélèvements au
inférieure à 120 mmHg. Celui-ci est d’autant plus à risque que niveau du site infecté, si celui-ci est accessible, sont primordiaux
l’infection est d’origine pulmonaire, ou intra-abdominale, ou afin d’adapter au mieux notre antibiothérapie (ponction de
lorsqu’il existe des signes directs d’infection grave (purpura, liquide biologique ou d’abcès, biopsie tissulaire, avec mise en
lésions de fasciite nécrosante, etc.) et qu’apparaissent secondai- culture bactériologique et mycobactériologique, examen anato-
rement une thrombopénie, une hypernatrémie et/ou une mopathologique et colorations spécifiques). Les prélèvements
hyperbilirubinémie. bactériologiques sont d’autant plus nécessaires qu’il s’agit d’un
En cas de syndrome septique grave, il est d’autant plus organe fermé ou d’un liquide biologique stérile (urine, liquide
important de faire des prélèvements bactériologiques, de cérébrospinal, liquide des séreuses) signant le diagnostic
s’assurer d’avoir une voie d’abord vasculaire de bon calibre, de topographique et bactériologique de l’infection si une bactérie
mettre en place une surveillance continue du patient et d’entre- est présente. En ce qui concerne les sites supposés infectés
prendre, si l’hypothèse de l’origine bactérienne du sepsis est « ouverts », non stériles (peau, muqueuses buccale, génitale et
posée, une antibiothérapie sans délai (au maximum dans les digestive, sécrétions bronchiques), les prélèvements sont moins
3 heures [3]) adaptée à l’origine présumée du foyer infectieux, à indispensables, voire inutiles. Leur significativité n’est pas
l’épidémiologie générale et locale, et aux risques spécifiques au évidente, leur interprétation est difficile et les bactéries retrou-
malade, en tenant compte du résultat d’éventuels examens vées sur ces prélèvements ne sont pas toujours à l’origine de
directs de prélèvements. Celle-ci est double et synergique afin l’infection. D’autres moyens diagnostiques sont à notre dispo-
d’obtenir une bactéricidie maximale pour un contrôle rapide du sition, notamment immunologiques (exemple : sérologie,
sepsis, et adaptée secondairement aux résultats des prélèvements antigénurie), méthodes de biologie moléculaire (polymerase chain
bactériologiques. reaction [PCR]) et/ou morphologiques (échographie, tomodensi-
Mais toute fièvre ne signifie pas problème infectieux. Tout tométrie, imagerie par résonance magnétique, scintigraphie,
problème infectieux ne veut pas dire prescription antibiotique. etc.) pour poser le diagnostic microbiologique et orienter les
C’est ici que l’importance de l’interrogatoire bien conduit et prélèvements.
d’un examen clinique complet se révèle essentielle. Ils doivent En cas d’absence de documentation microbiologique d’infec-
permettre au clinicien de se faire une idée sur la nécessité ou tion d’un site identifié ou d’infection d’un site non stérile
non d’une antibiothérapie et de hiérarchiser l’urgence de sa (exemple : dermohypodermite aiguë), il faut alors faire le choix
prescription. Si certains caractères de gravité jugés sur l’état d’une antibiothérapie probabiliste. Celle-ci est orientée sur la
clinique, ou tenant au terrain (âge, immunodéprimé) obligent à connaissance de l’écologie bactérienne du milieu d’où provient
devoir prescrire une antibiothérapie justifiée ou probabiliste, le patient. Il est nécessaire de différencier une infection
bactérienne communautaire, acquise en ville avec une certaine
dans bien des circonstances après les prélèvements d’usage
sensibilité de la bactérie en cause aux antibiotiques, d’une
(hémocultures, examen cytobactériologique des urines [ECBU],
infection nosocomiale, acquise à l’hôpital (« nosokomeone »
etc.), il est aussi possible de surseoir parce que l’origine bacté-
signifie hôpital en grec) dont la sensibilité de la bactérie aux
rienne n’apparaît pas évidente, parce que la documentation
antibiotiques est possiblement moindre après émergence de
d’une origine bactérienne n’est pas suffisamment définie. La
mutants résistants à certains antibiotiques due à la pression de
surveillance clinique, la pratique d’examens complémentaires
sélection qui est plus forte à l’hôpital.
sont alors nécessaires. Mais de façon, systématique, il est
La connaissance de l’épidémiologie de la résistance (fré-
indispensable de se poser les trois questions suivantes.
quence, facteurs de risque, etc.) est importante pour le choix
raisonné de l’antibiothérapie, en particulier pour le traitement
probabiliste des infections graves ou en l’absence d’analyse
■ Où, quel site infecté ? bactériologique et donc d’antibiogramme. La connaissance de
l’épidémiologie de la résistance aide à la définition des spectres
Notre démarche diagnostique doit se baser sur un interroga- antibactériens des antibiotiques ainsi qu’à l’établissement des
toire précis recherchant les facteurs d’exposition aux différents recommandations nationales. Pour cela, il existe des réseaux de
agents bactériens (expositions respiratoire, cutanéomuqueuse, surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques
sexuelle, sanguine), les signes fonctionnels présentés par le permettant de connaître l’évolution de celle-ci au cours du
patient explorés par un examen clinique précis orientant les temps [4]. Au sein de chaque hôpital, il existe une surveillance
prélèvements microbiologiques et permettant de poser le des infections nosocomiales par les comités de lutte contre les
diagnostic d’une infection bactérienne d’un site donné. infections nosocomiales (CLIN) coordonnés au niveau régional
Il se peut que le bilan diagnostique d’une fièvre ne permette par les centres de coordination de la lutte contre les infections
pas d’objectiver un site infecté en particulier. En dehors de nosocomiales (CCLIN) qui regroupent également le réseau
situations précises liées au terrain du patient qui nécessitent une d’alerte, d’investigation et de surveillance des infections
antibiothérapie en urgence « à l’aveugle » (syndrome septique nosocomiales (RAISIN). Par ailleurs, l’Observatoire national de
grave, aplasie), il n’est alors pas nécessaire de débuter d’emblée l’épidémiologie de la résistance bactérienne (ONERBA) fédère

2 Maladies infectieuses
Choix d’une antibiothérapie ¶ 8-006-D-10

actuellement 15 réseaux de surveillance de la résistance bacté- quel délai par rapport à l’épisode fébrile actuel ? A-t-il reçu des
rienne en ville et à l’hôpital. Dans le cadre d’une collaboration antibiotiques dans les mois précédents et lesquels ? A-t-il déjà
entre l’Institut national de veille sanitaire (InVS) et l’ONERBA, présenté une infection ou est-il porteur d’une bactérie multiré-
les réseaux Azay-résistance, Réussir et Île-de-France fournissent sistante (BMR) ?
au réseau européen EARSS (European Antimicrobial Resistance Toutes ces questions sont primordiales pour ajuster notre
Surveillance System) les données de résistance des principales antibiothérapie probabiliste dont le spectre d’action peut être
bactéries isolées d’hémoculture chez des patients hospitalisés adapté aux bactéries antérieurement isolées chez ce patient et
dans des services hospitaliers répartis sur l’ensemble du territoire dont une famille peut être préférée à une autre selon ce que le
français [5, 6]. Ces réseaux de surveillance sont un outil majeur patient a reçu comme antibiotique dans les mois précédents. Il
pour la bonne prescription des antibiotiques qui doit être a été bien démontré que la prise de quinolone mais aussi de
adaptée à l’évolution de l’épidémiologie de la résistance bêtalactamines dans les mois précédents augmentait de façon
bactérienne [7, 8]. En effet, la preuve ou l’isolement immédiat du significative le risque de présenter une infection à E. coli
germe n’est pas un impératif. La connaissance du site suffit résistant aux quinolones [10].
souvent à affirmer la responsabilité d’un germe, ou à évoquer
Le choix de notre antibiothérapie a comme objectif d’être
dans un raisonnement probabiliste un ou des germes possible-
efficace par contrôle de l’infection en tuant les bactéries. Mais
ment responsables. Ainsi, une angine doit faire envisager la
elle doit aussi être bien tolérée par le patient pour pouvoir être
responsabilité d’un streptocoque, de même un érysipèle ; une
infection urinaire est a priori due à Escherichia coli, une pneu- entreprise et poursuivie pendant la durée optimale pour traiter
monie à un pneumocoque, une sinusite à un pneumocoque à l’infection. Il est donc important de connaître une éventuelle
Haemophilus influenzae et/ou à des anaérobies. intolérance à une ou plusieurs familles d’antibiotiques ou
En se référant aux questions obligatoires précédemment terrain particulier, qui contre-indiquerait leur(s) utilisation(s) ou
évoquées, présidant au choix d’une antibiothérapie, il suffit nécessiterait une adaptation des posologies (grossesse, insuffi-
qu’il ne soit pas possible de répondre à la question « Quel est sance rénale ou hépatique, allergie). Par ailleurs, il est primor-
le site infecté ? », ou à la question « Quelle est la bactérie dial de surveiller la tolérance de l’antibiotique choisi au niveau
possiblement responsable ? » pour que la nécessité d’une clinique et biologique mais aussi à l’aide de dosages des
antibiothérapie immédiate n’existe pas : il en est ainsi lors de concentrations sériques résiduelles des antibiotiques qui,
viroses, ou lors de maladie fébrile non infectieuse. Cette en plus d’être un reflet de l’efficacité du traitement, sont aussi
conduite parfois difficile à tenir nécessite pour le praticien de un paramètre indirect de bonne tolérance, notamment
donner des explications claires à son patient : le pourquoi d’une en l’absence de surdosage (aminoside, glycopeptides,
non-prescription antibiotique pourtant attendue ou souhaitée et bêtalactamines).
même l’absence de prescription d’un antipyrétique également
sollicité pour des raisons psychologiques et de confort. L’analyse
évolutive de la fièvre est un élément souvent important dans
l’abord du diagnostic, ou dans la surveillance. Chez l’adulte, la
■ Consensus et recommandations
fièvre en soi n’est pas, sauf cas particulier, nocive. En dehors du La Société de pathologie infectieuse de langue française
cas de l’enfant, vouloir à tout prix faire baisser la fièvre, n’est (SPILF) met à disposition sur son site toutes les conférences de
pas toujours un objectif pertinent. Si une antibiothérapie est consensus, conférences d’experts et recommandations officielles
débutée, celle-ci doit être impérativement réévaluée à 24 à sur l’utilisation des anti-infectieux, et notamment des antibio-
48 heures et adaptée aux éventuels résultats microbiologiques.
tiques, issues des sociétés savantes et des agences de l’état
(Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé
[AFSSAPS], Haut conseil de la santé publique [HCSP], etc.) [11].
■ Chez qui, quel terrain ? Elles sont mises à jour les unes après les autres, notamment
quand les réseaux de surveillance sus-cités mettent en évidence
En cas de syndrome septique grave ou non, il est important une modification significative de l’épidémiologie bactérienne en
de connaître les risques spécifiques au malade et notamment si faveur de l’émergence de nouvelles souches bactériennes et de
celui-ci présente une immunodépression particulière l’exposant sensibilités différentes. Par exemple, on peut voir dans les
à des germes particulier. Elle est donc à rechercher à l’interro- recommandations sur la prise en charge et la prévention des
gatoire et dans les antécédents du patient et doit entraîner des infections cutanées liées aux souches de Staphylococcus aureus
recherches particulières d’agents infectieux opportunistes.
résistants à la méthicilline communautaires (SARM CO) du
Par ailleurs, il faut rechercher une aplasie chez un patient
HCSP, qu’il n’est pas recommandé en 2009 de prendre en
fébrile à risque, qui l’expose alors à un risque d’aggravation
compte le SARM dans l’antibiothérapie probabiliste d’une
rapide de l’infection et à un choc septique nécessitant une prise
infection communautaire suspecte d’être due à S. aureus [12].
en charge thérapeutique urgente et adaptée. En effet, les para-
Dans la mise au point de juin 2010 de l’antibiothérapie par
mètres pharmacocinétiques/pharmacodynamiques (PK/PD) sont
voie générale dans les infections respiratoires basses de l’adulte
modifiés et sont à prendre en compte notamment dans les
modalités d’administration des antibiotiques, par exemple en de l’AFSSAPS/SPILF en collaboration avec la Société française de
augmentant la posologie des antibiotiques utilisés. L’antibiotique pneumologie (SPLF), les messages clés sont les suivants [11, 13] :
de choix est une bêtalactamine à large spectre. En cas d’aplasie • le principal agent pathogène impliqué dans les pneumonies
fébrile, l’association d’un aminoside n’est plus systématiquement aiguës communautaires (PAC) est le pneumocoque (Strepto-
recommandée depuis la première conférence européenne sur les coccus pneumoniae). La gravité des PAC liées à cette étiologie
infections dans les leucémies (European Conference on Infec- justifie de débuter en urgence une antibiothérapie efficace
tions in Leukemia, ECIL-1), en dehors de la présence d’un choc sur S. pneumoniae : amoxicilline 1 g × 3 par jour pendant 7 à
septique ou syndrome septique grave ou de suspicion d’infection 14 jours ;
à Pseudomonas aeruginosa ou bacille à Gram négatif résistant, • en cas de pneumonie aiguë communautaire survenant dans
même si ces dernières indications ne sont basées sur aucune un contexte grippal, il est recommandé de prescrire l’associa-
étude randomisée. L’association systématique d’un glycopeptide tion amoxicilline-acide clavulanique (pendant 7 à 14 jours),
comme la vancomycine n’est pas indiquée en probabiliste, que les bactéries à prendre en compte étant S. pneumoniae,
ce soit au début de la fièvre ou en cas de persistance de celle-ci. Staphylococcus aureus, Haemophilus influenzae et les streptoco-
Elle reste recommandée sans étude randomisée à l’appui, en cas ques du groupe A. Les bactéries « atypiques » semblent ne
de choc septique ou d’infection sur cathéter [9]. jouer aucun rôle dans ce contexte ;
En plus des antécédents personnels du patient qui sont • la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est
recherchés systématiquement à l’interrogatoire, il faut se donner une maladie chronique inflammatoire des bronches, lente-
les moyens de connaître les antécédents bactériologiques du ment progressive, caractérisée par une diminution non
patient. A-t-il déjà présenté une infection bactérienne ? Dans complètement réversible des débits aériens. Seules certaines

Maladies infectieuses 3
8-006-D-10 ¶ Choix d’une antibiothérapie

exacerbations de BPCO sont d’origine bactérienne, et Ce sont des antibiotiques temps-dépendants dont l’efficacité
justifient alors une antibiothérapie pendant 7 à 14 jours sur est corrélée au temps T au-dessus la CMI (T > CMI), c’est-à-dire
les critères suivants : la durée (sur 24 heures) pendant laquelle la concentration de
C dyspnée d’effort en dehors de toute exacerbation et l’antibiotique est supérieure à la CMI, mais aussi au rapport aire
expectoration franchement purulente verdâtre (amoxicil- sous la courbe/CMI (AUC : area under curve ou « aire sous la
line ou céfuroxime-axétil ou cefpodoxime-proxétil ou courbe »). Il existe également pour cette famille d’antibiotiques
céfotiam-hexétil ou macrolide ou pristinamycine ou une grande variabilité interindividuelle du fait de la variation
télithromycine), du Vd (Vd = 0,5-1,5 l/kg, soit des concentrations sériques allant
C dyspnée au moindre effort ou dyspnée de repos en dehors du simple au triple). En pratique, il faut rechercher un rapport
de toute exacerbation (amoxicilline-acide clavulanique C supérieur à 4-5 × CMI pendant 100 % du temps de traite-
ou céphalosporine de troisième génération intraveineuse ment. En dessous, la vancomycine n’est pas bactéricide [16]. On
ou lévofloxacine). estime que la diffusion tissulaire de la vancomycine est aux
alentours de 20 % de ce qui est injecté dans le sang [17]. Il faut
Ces documents sont un outil essentiel pour guider notre
donc multiplier par cinq la posologie pour obtenir une concen-
choix d’antibiothérapie.
tration théorique au site infectieux suffisante. C’est pourquoi,
en cas de CMI à 1 mg/l, afin d’obtenir une concentration
■ PK/PD : pourquoi ? d’antibiotique suffisante pour être bactéricide, soit 5 fois la CMI
(5 × 1 = 5 mg/l), l’objectif de concentration plasmatique à
Pourquoi faut-il doser les antibiotiques ? Tout d’abord, pour l’équilibre est donc de 5 × 5 = 25 mg/l. Enfin, la demi-vie (T1/2)
s’assurer de l’efficacité du traitement choisi en partant du fait de la vancomycine étant longue (6 à 10 h), sans dose de charge,
qu’il existe une relation entre la concentration sérique de la concentration à l’équilibre serait obtenue en 30 à 50 heures,
l’antibiotique et son efficacité ; pour éviter d’être toxique en c’est pourquoi il est primordial de débuter tout traitement par
supposant qu’il existe une relation entre la concentration vancomycine par une dose de charge de 15 mg/kg sur 1 heure,
d’antibiotique et son éventuelle toxicité ; mais aussi pour pallier permettant alors de doser la concentration plasmatique dès la
la grande variabilité interindividuelle faisant que 3 grammes 12e heure et d’adapter la posologie si besoin.
d’amoxicilline sont amplement suffisants pour traiter une
pneumopathie à pneumocoque chez un patient mais entraînent Fluoroquinolones
un échec clinique chez un patient de 120 kilos. Il est important,
même si on a identifié la bactérie responsable de l’infection au Ce sont des antibiotiques temps- et concentration-dé-
niveau d’un site précis, d’évaluer l’efficacité de notre traitement, pendants. Leur efficacité est corrélée au rapport AUC/CMI et la
notamment dans des sites profonds comme le tissu osseux, mais prévention des résistances est corrélée au rapport Cmax/CMI.
aussi dans des populations particulières (réanimation, surpoids, La CMI de la bactérie en cause a un rôle majeur dans l’adapta-
insuffisants rénaux, etc.). Nous disposons de niveaux de preuve tion de la posologie et donc dans l’efficacité du traitement. Le
importants pour les familles suivantes : aminosides, glycopepti- rapport AUC/CMI doit être supérieur à 125 pour une bactérici-
des, fluoroquinolones, bêtalactamines. die optimale envers les bacilles à Gram négatif et supérieur à
35 pour les cocci à Gram positif. Un rapport Cmax/CMI
supérieur à 12 prévient l’émergence de mutants résistants [18]. La
Aminosides concentration à l’équilibre étant atteinte en 24 à 48 heures, il
Ce sont des antibiotiques concentration-dépendants dont faut faire un dosage à partir du troisième jour de traitement
l’efficacité est corrélée au rapport de la concentration maximale (sauf pour la moxifloxacine et la lévofloxacine dont la demi-vie
sur la concentration minimale inhibitrice (Cmax/CMI). Les est deux fois plus longue), juste avant la prise (H0), puis 1 heure
prélèvements doivent être faits au pic soit 30 minutes après la après la prise (H1), puis 3 à 5 heures après la prise (H3 ou H5),
fin de l’injection de l’aminoside. Leur néphrotoxicité est ce qui permet de calculer l’AUC et donc d’obtenir le rapport
corrélée à la concentration minimale (Cmin) ou concentration AUC/CMI.
résiduelle (prélèvements à faire juste avant l’injection suivante).
Leur suivi thérapeutique est donc recommandé dans le résumé Bêtalactamines
des caractéristiques du produit (RCP). Par ailleurs, il existe une
grande variabilité interindividuelle du fait des variations du Ce sont des antibiotiques temps-dépendants dont l’efficacité
volume de distribution (Vd) et de la clairance d’élimination (en est corrélée au T supérieur à la CMI. Il existe une très grande
lien avec la qualité de la fonction rénale). On considère que si variabilité pharmacocinétique des concentrations avec un temps
le rapport Cmax/CMI est supérieur à 10 %, on a 90 % de succès T au-dessus de la CMI allant de 40 % à 70 % selon l’antibioti-
clinique. De plus, un rapport supérieur à 8 prévient la recrois- que et la bactérie pour avoir une bactéricidie optimale (cépha-
sance de mutants résistants (concentration prévenant la crois- losporines de 3e génération (C3G) et entérobactéries = 70 %,
sance des mutants résistants ou CPM) [14]. Les concentrations C3G et pneumocoque = 40 %). De plus, la concentration
plasmatiques des aminosides sont imprévisibles, peuvent être plasmatique à l’équilibre doit être, pour les infections sévères,
modifiées par de nombreux facteurs (sexe, poids, âge, ascite, supérieure à huit fois la CMI pour obtenir une bactéricidie
œdème, réanimation, brûlés, etc.) et le Vd peut varier (0,15- optimale [19].
0,40/kg), nécessitant alors de doser les aminosides pour adapter
leur posologie.
En cas de neutropénie, une administration fractionnée des ■ Monothérapie ou bithérapie ?
bêtalactamines associées aux aminosides augmente la bactérici-
die de ces derniers. On a également observé une diminution de Une infection bactérienne est, dans la majorité des cas
l’effet postantibiotique des aminosides poussant à maintenir contrôlée et bien traitée par une monothérapie antibiotique. En
une administration en plusieurs injections par jour même si cela effet, l’association synergique bactéricide d’une bêtalactamine et
n’est pas démontré in vitro [15]. d’un aminoside reste encore un réflexe pour de nombreux
praticiens, souvent inutile quant à la bonne prise en charge du
Glycopeptides patient et à l’épargne de pression antibiotique à laquelle sont
exposées les bactéries présentes dans l’organisme de chaque
La concentration plasmatique de la vancomycine est corrélée patient. Il a été montré in vitro que plus une bactérie (Pseudo-
à son efficacité. Seule, la vancomycine n’est peu (ou pas) monas aeruginosa et bacilles à Gram négatif) était en contact
néphrotoxique. La toxicité augmente avec les posologies élevées, avec un aminoside, plus sa sensibilité aux aminosides dimi-
s’il existe une insuffisance rénale préexistante, si d’autres nuait, on parle alors de résistance adaptative. C’est pourquoi sa
médicaments néphrotoxiques sont utilisés en même temps prescription, le plus souvent toujours en association, doit être
(aminosides). réfléchie et justifiée [20].

4 Maladies infectieuses
Choix d’une antibiothérapie ¶ 8-006-D-10

Les indications d’une bithérapie sont au nombre de trois et Toute prescription inadaptée participe à une pression de
dans tous les cas doivent être justifiées ayant comme objectifs sélection sur des germes qui réduit potentiellement l’efficacité
les suivants : des molécules antibiotiques. L’infectiologue semble jouer parfois
• augmenter la bactéricidie en cas de syndrome septique grave, les Cassandre mais l’antibiothérapie est une tâche difficile et elle
comme cela est recommandé par les sociétés de pathologies est le plus souvent mal conduite, que ce soit en France ou dans
infectieuses, de réanimation et de médecine d’urgence [4, 21], la plupart des pays du monde. On voit émerger des bactéries de
par une association synergique et bactéricide associant le plus sensibilité diminuée aux antibiotiques comme les salmonelles
souvent une bêtalactamine et un aminoside ; ou cas de site d’Asie du Sud-Est devenues résistantes aux quinolones, ou
infectieux profond où la diffusion de l’antibiotique est Escherichia coli producteur de bêtalactamase à spectre élargi,
moindre comme dans les endocardites ou les infections dont la prise en charge antibiotique nécessite une adaptation à
osseuses [22] ; l’écologie bactérienne qui est en constante évolution. Les
• élargir le spectre d’activité antibiotique en cas de syndrome nouvelles molécules deviennent rares et il est nécessaire
septique grave mais aussi en cas de terrain fragile où on ne
d’utiliser celles à notre disposition selon un choix éclairé et
peut prendre le risque de ne pas couvrir tous les agents
justifié en respectant impérativement les bonnes règles de
bactériens possiblement en cause ;
prescription.
• éviter l’émergence de mutants résistants en présence de
certains germes (entérobactéries du groupe 3, Pseudomonas
aeruginosa, Mycobacterium tuberculosis) ou avec des antibioti-
ques comme essentiellement la rifampicine, mais aussi l’acide
fusidique, la fosfomycine, voire les fluoroquinolones [23].
“ Points forts
■ Indication Trois questions clés : site infectieux, bactérie, terrain
Prélèvements bactériologiques
d’une antibioprophylaxie Adaptation à l’antibiogramme
Connaissance et respect de l’écologie bactérienne
Préférentiellement, le but et la justification d’une antibiopro-
phylaxie obéissent aux mêmes règles que celles des antibiothé- Suivi des consensus et recommandations
rapies curatives : lutter contre un germe ou des germes
susceptibles de se développer en une circonstance jugée à risque .

d’infection. Ainsi est-il reconnu certaines conditions où l’anti-


bioprophylaxie est nécessaire : la plus ancienne est la préven- ■ Références
tion antistreptococcique du rhumatisme articulaire aigu.
Aujourd’hui, même si des remises en cause existent, il est admis [1] Sabuncu E, David J, Bernède-Bauduin C, Pépin S, Leroy M, Boëlle PY,
que tout sujet porteur d’une cardiopathie, d’une valve artifi- et al. Significant reduction of antibiotic use in the community after a
cielle, doit avoir une antibioprophylaxie lors de tout geste nationwide campaign in France, 2002-2007. PLoS Med. 2009;6:
susceptible de créer une greffe endocarditique : geste stomato- e1000084.
logique, manœuvre endoscopique, anesthésie générale. Selon [2] Groupe transversal sepsis. Prise en charge initiale des états septiques
des critères appréciant le degré de risque tenant à la cardiopa- graves de l’adulte et de l’enfant. Réanimation 2007;16:1–21.
thie, du geste à réaliser, l’antibioprophylaxie est plus ou moins [3] Alberti C, Brun-Buisson C, Burchardi H, Martin C, Goodman S,
importante et dirigée contre les streptocoques ou éventuelle- Artigas A, et al. Epidemiology of sepsis and infection in ICU patients
ment d’autres bactéries susceptibles de se greffer [22]. Le splénec- from an international multicenter cohort study. Intensive Care Med
tomisé se défend mal contre le pneumocoque. Aussi, toute 2002;28:108-21.
fièvre de cause non immédiatement repérée chez un asplénique [4] http://www.invs.sante.fr/surveillance/resistance/sources_donnees.
doit justifier la prescription d’une antibiothérapie antipneumo- htm#cnr.
coccique. Une telle antibioprophylaxie est parfois recommandée [5] http://www.onerba.org/.
seule ou associée à la vaccination antipneumococcique devenue [6] www.earss.fr/.
aujourd’hui l’élément essentiel de cette protection. En chirurgie, [7] De Kraker M. Trends in antimicrobial resistance in Europe: update of
la prophylaxie antibiotique accompagne la plupart des gestes EARSS results. Euro Surveill 2007;12:E070315.3.
opératoires : basée sur le traitement de germe en petite quantité, [8] Goossens H, Ferech M, Vander Stichele R, Elseviers M, ESAC Project
se multipliant peu, cette prophylaxie, en règle simple, est Group.. Outpatient antibiotic use in Europe and association with
efficace. Elle doit surtout être courte pour éviter des modifica- resistance: a cross-national database study. Lancet 2005;365:579-87.
tions néfastes des flores : l’injection d’une dose unique est [9] Cometta A, Kern WV, De Bock R, Paesmans M, Vandenbergh M,
recommandée et la prescription au-delà de 48 heures est Crokaert F, et al. Vancomycin versus placebo for treating persistent
interdite [23]. Dans le cadre d’infections urinaires récidivantes fever in patients with neutropenic cancer receiving piperacillin-
et/ou sur terrain favorisant, une antibioprophylaxie peut être tazobactam monotherapy. Clin Infect Dis 2003;37:382-9.
proposée dans certains cas particuliers [24]. Un certain nombre [10] De Mouy D. Community-acquired urinary tract infections in 15 to 65
years old female patients in France. Susceptibility of E. coli according
d’états d’immunodépression justifient des prophylaxies anti-
to history: AFORCOPI-BIO network 2003. Med Mal Infect 2007;
infectieuses : au cours de certaines hémopathies et de greffes
37:594-8.
d’organes, des études randomisées ont démontré l’apport d’une
[11] http://www.infectiologie.com/site/consensus_recos.php.
antibioprophylaxie à base de quinolones chez les patients
[12] HCSP. SARM communautaire : prise en charge et prévention. 2009.
neutropéniques avec une diminution significative des épisodes
[13] AFSSAPS. Antibiothérapie par voie générale dans les infections
fébriles, des infections à bacilles à Gram négatif et cocci à Gram
respiratoires basses de l’adulte : mise au point. 2010.
positif et des décès, notamment chez les patients présentant une
[14] Moore RD, Lietman PS, Smith CR. Clinical response to amino-
leucémie aiguë ou une autogreffe de cellules souches chez qui
glycoside therapy: importance of the ratio of peak concentration to
la neutropénie dure plus de 7 jours [25, 26].
minimal inhibitory concentration. J Infect Dis 1987;155:93-9.
[15] Lortholary O, Lefort A, Tod M, Chomat AM, Darras-Joly C, Cordon-
nier C. Club de Reflexion sur les Infections en Onco-Hématologie.
■ Conclusion Pharmacodynamics and pharmacokinetics of antibacterial drugs in the
management of febrile neutropenia. Lancet Infect Dis 2008;8:612-20.
Toute antibiothérapie doit être raisonnée et justifiée. Notre [16] McGrath BJ, Kang SL, Kaatz GW, Rybak MJ. Bactericidal activities of
choix doit être guidé par trois questions incontournables teicoplanin, vancomycin, and gentamicin alone and in combination
auxquelles on doit répondre : quel est le site infecté ? Quelle against Staphylococcus aureus in an in vitro pharmacodynamic model
bactérie est en cause ? Sur quel terrain survient cette infection ? of endocarditis. Antimicrob Agents Chemother 1994;38:2034-40.

Maladies infectieuses 5
8-006-D-10 ¶ Choix d’une antibiothérapie

[17] Albanèse J, Léone M, Bruguerolle B, Ayem ML, Lacarelle B, Martin C. [22] Habib G, Hoen B, Tornos P, Thuny F, Prendergast B, Vilacosta I, et al.
Cerebrospinal fluid penetration and pharmacokinetics of vancomycin Guidelines on the prevention, diagnosis, and treatment of
administered by continuous infusion to mechanically ventilated infective endocarditis (new version 2009): the Task Force on the
patients in an intensive care unit. Antimicrob Agents Chemother 2000; Prevention, Diagnosis, and Treatment of Infective Endocarditis
44:1356-8. of the European Society of Cardiology (ESC). Eur Heart J 2009;
[18] Forrest A, Ballow CH, Nix DE, Birmingham MC, Schentag JJ. 30:2369-413.
Development of a population pharmacokinetic model and optimal [23] SFAR. Associations ou monothérapie en réanimation chirurgicale et en
sampling strategies for intravenous ciprofloxacin. Antimicrob Agents chirurgie. Conférence d’experts, 1999.
Chemother 1993;37:1065-72.
[24] AFSSAPS. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires
[19] Jehl F, Levêque D. Perfusion continue des bétalactamines : intérêts,
bactériennes communautaires chez l’adulte, 2008.
inconvénients, modalités pratiques. Réanimation 2009;18:343-52.
[20] Barclay ML. Adaptive resistance following single doses of gentamicin [25] Bucaneve G, Micozzi A, Menichetti F, Martino P, Dionisi MS,
in a dynamic in vitro model. Antimicrob Agents Chemother 1992;36: Martinelli G, et al. Levofloxacin to prevent bacterial infection in
1951-7. patients with cancer and neutropenia. N Engl J Med 2005;353:
[21] Kumar A, Zarychanski R, Light B, Parrillo J, Maki D, Simon D, et al. 977-87.
Early combination antibiotic therapy yields improved survival [26] Cullen M, Steven N, Billingham L, Gaunt C, Hastings M, Simmonds P,
compared to monotherapy in septic shock: A propensity-matched et al. Antibacterial prophylaxis after chemotherapy for solid tumors
analysis. Crit Care Med 2010;38:1773-85. and lymphomas. N Engl J Med 2005;353:988-98.

V. Meyssonnier (vanina.meyssonnier@psl.aphp.fr).
F. Bricaire.
Service des maladies infectieuses et tropicales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75651 Paris cedex 13, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Meyssonnier V., Bricaire F. Choix d’une antibiothérapie. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies
infectieuses, 8-006-D-10, 2011.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

6 Maladies infectieuses
 8-006-G-10

Médicaments antiparasitaires
(paludisme exclu)
V. Lamand, S. Spadoni, X. Bohand

En dehors du paludisme, les médicaments antiparasitaires actuellement disponibles ont vocation à traiter
les patients porteurs de parasitoses à helminthes et à protozoaires. Les médicaments destinés à traiter les
helminthoses humaines sont principalement représentés par les dérivés benzimidazolés, l’ivermectine et le
praziquantel. Le recours à d’autres médicaments souvent plus anciens est utile dans certaines situations.
Les médicaments antiprotozoaires font appel, la plupart du temps, à d’autres classes thérapeutiques
de très grande diversité tant sur le plan chimique que pharmacodynamique, comme les dérivés nitro-
imidazolés, l’amphotéricine B ou encore les dérivés antimoniés.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Antihelminthiques ; Antiprotozoaires ; Helminthes ; Protozoaires

Plan ainsi qu’une éducation sanitaire à commencer dès l’âge scolaire [5] .
Les interventions thérapeutiques individuelles classiques en pays
■ Introduction 1 tempérés peuvent être accompagnées en zone tropicale de pro-
grammes collectifs de contrôle des grandes endémies parasitaires.
■ Médicaments antihelminthiques 1
Cette revue générale présente, pour chaque médicament, le mode
Médicaments antihelminthiques majeurs 1
d’action, les propriétés pharmacocinétiques, les effets indésirables
Autres médicaments antihelminthiques 3
et la disponibilité en France. Les présentations, indications et
Perspectives 4
posologies sont résumées et regroupées dans les tableaux syn-
■ Médicaments antiprotozoaires 5 thétiques. La prise en charge thérapeutique des ectoparasitoses
Dérivés nitro-imidazolés 5 (gale, pédiculoses) qui repose principalement sur l’utilisation de
Dérivés de l’hydroxyquinoline 5 médicaments topiques et de l’ivermectine n’est pas abordée.
Dérivés du dichloroacétamide 6
Dérivés antimoniés 6
Dérivés arsenicaux
Dérivés du nitrofurane
6
6
 Médicaments antihelminthiques
Dérivés de la diaminidine 7 Médicaments antihelminthiques majeurs
Autres antiprotozoaires 7
Perspectives 8 Benzimidazolés
Les benzimidazolés sont des antihelminthiques de large spectre
particulièrement actifs contre les nématodes du tube diges-
 Introduction tif (oxyurose, ascaridiose, etc.) et la plupart des cestodes (taeniasis,
etc.). Le triclabendazole se distingue des autres benzimidazolés
par ses indications ciblées : fasciolose à Fasciola (F.) hepatica et F.
Les helminthes sont des métazoaires subdivisés en vers cylin- gigantica. Les benzimidazolés provoquent d’importantes modifi-
driques (nématodes) et en deux types de vers plats (trématodes et cations biochimiques chez les nématodes sensibles, notamment
cestodes). Les protozoaires sont des êtres unicellulaires. Le carac- en inhibant l’assemblage des microtubules par fixation à la ␤-
tère pathogène de ces différents parasites détermine des maladies tubuline [6] . La mort des parasites intestinaux sensibles survient
globalement cosmopolites, retrouvées dans les pays industrialisés lentement. Même si les benzimidazolés ne semblent pas expo-
mais plus souvent rencontrées sous les tropiques [1, 2] . Certaines ser la femme enceinte à un risque important [7, 8] , leurs propriétés
parasitoses restent encore l’apanage de la pauvreté et des condi- embryotoxiques et tératogènes mises en évidence chez l’animal
tions d’hygiène défectueuses [3] . Le diagnostic d’orientation doit se déconseillent la prescription chez la femme enceinte et pendant
baser sur les données épidémiologiques, l’anamnèse et l’examen l’allaitement.
clinique qui doit rechercher à côté des signes classiquement ren-
contrés, des signes pathognomoniques, comme par exemple la Albendazole
calcification de la paroi vésicale dans la bilharziose (Schistosoma Principales propriétés.
[S.] haematobium) ou les signes neurologiques de la neurocysticer- L’ingestion des comprimés d’albendazole au cours d’un repas
cose [4] . La mise en place d’un traitement antiparasitaire nécessite améliore la tolérance digestive. L’albendazole est faiblement
l’identification du parasite et peut associer la prise en charge absorbé après administration orale. La résorption est améliorée
des sujets asymptomatiques, le suivi strict des règles d’hygiène par l’ingestion d’aliments riches en lipides. La métabolisation

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 11 > n◦ 3 > août 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(14)61372-7
8-006-G-10  Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)

est intestinale et hépatique (cytochrome P450) et conduit à carbamazépine, etc.) peuvent réduire les concentrations tissu-
la formation d’un métabolite actif (sulfoxyde-albendazole). Le laires. Le mébendazole peut réduire le besoin en insuline chez les
pic plasmatique du sulfoxyde-albendazole est atteint au bout diabétiques. Une surveillance accrue de la glycémie est impérative
de 2 heures. L’albendazole a une demi-vie d’environ 8 heures chez ces patients.
et s’élimine principalement par voie biliaire [9, 10] . En France,
l’albendazole se présente sous deux noms commerciaux (Zentel® , Thiabendazole
Eskazole® ), en raison d’indications différentes. Zentel® ne connaît L’utilisation thérapeutique du thiabendazole est limitée en rai-
pas de restriction de prescription et est disponible en pharmacie son de ses effets indésirables fréquents, bien supérieurs à ceux des
d’officine. Eskazole® est soumis à une prescription initiale hos- autres benzimidazolés [15] . Le thiabendazole (Mintézol® ) n’est plus
pitalière semestrielle et n’est dispensé que par une pharmacie commercialisé en France.
hospitalière (rétrocession). Triclabendazole
Risques associés au traitement. Les effets indésirables du
Principales propriétés.
traitement par albendazole sont rares [11] . Des manifestations
Le triclabendazole est rapidement absorbé après administration
digestives (douleurs épigastriques, diarrhées, nausées), des cépha-
orale mais subit un effet de premier passage hépatique impor-
lées, des vertiges et des cas de fièvre isolée ont été rapportés [12] .
tant durant lequel se forme un dérivé sulfoxyde actif. Le pic
La présence de jaune orangé sunset (jaune orangé S) dans les
sérique est observé environ 2 heures après l’administration orale.
comprimés (absent de la suspension buvable) peut déclencher
La prise du triclabendazole après un repas améliore la biodispo-
des réactions allergiques. Un traitement prolongé par albendazole
nibilité. La demi-vie d’élimination du métabolite sulfoxyde est
expose parfois à un risque d’alopécie réversible, de leucopénie par-
d’environ 11 heures. L’élimination se fait principalement par la
fois sévère ainsi qu’à des perturbations du métabolisme hépatique.
bile (90 %) [16] . Le triclabendazole (Egaten® ) peut être prescrit par
Une surveillance de la numération–formule sanguine (NFS) et des
tout médecin et est disponible en pharmacie d’officine. La posolo-
transaminases s’impose en cas de traitement prolongé ou à fortes
gie est de 10 mg/kg en une prise dans le traitement des fascioloses
doses.
dues à F. hepatica ou F. gigantica, à renouveler 12 à 24 heures après
Flubendazole la première prise en cas d’infestation sévère.
Principales propriétés. Risques associés au traitement.
Les comprimés de flubendazole sont à prendre pendant les De fréquents effets indésirables ont été rapportés, en particulier
repas avec de l’eau. Ils peuvent être croqués. Le flubendazole se lorsque la charge parasitaire est importante : sudation, diarrhées,
caractérise par une faible absorption intestinale (5 à 10 %). Le pic nausées, ictère, urticaire, vertiges, malaises. L’administration d’un
plasmatique est atteint en 2 heures. Le flubendazole est majoritai- traitement antispasmodique pendant les 5 à 7 jours suivant le
rement éliminé dans les selles durant les trois jours qui suivent la traitement réduit les douleurs abdominales et l’ictère résultant
prise [10] . Ce médicament (Fluvermal® ) peut être prescrit par tout souvent de l’élimination par les voies biliaires des parasites morts.
médecin et est disponible en pharmacie d’officine. La posologie Le bilan hépatique peut être perturbé [17] . Les patients présentant
est de 100 mg en deux prises pendant trois jours pour le traitement un allongement de l’intervalle QTc doivent être traités avec pru-
des ascaridioses, tricocéphaloses et ankylostomoses, et de 100 mg dence. En raison du risque de torsades de pointe, l’association
en une prise à renouveler dans les 2 à 3 semaines suivantes pour du triclabendazole au pimozide ou à la quinidine est contre-
le traitement des oxyuroses. indiquée. Le triclabendazole (et son métabolite actif) possède
Risques associés au traitement. Le flubendazole est particu- des propriétés d’inhibition enzymatique du cytochrome P450 qui
lièrement bien toléré. Les effets secondaires, rares et mineurs, sont contre-indiquent son association aux dérivés de l’ergot de seigle
essentiellement d’ordre digestif : nausées, vomissements, diar- en raison d’un risque d’ergotisme [10] .
rhées et douleurs abdominales [6] .
Ivermectine
Mébendazole Principales propriétés
Principales propriétés. Dérivée de Streptomyces avermitilis, l’ivermectine est issue du
Le mébendazole est faiblement absorbé après administration domaine thérapeutique vétérinaire. En interrompant la neuro-
orale et subit un effet de premier passage hépatique important, transmission induite par l’acide gamma-aminobutyrique (GABA),
limitant sa biodisponibilité à environ 20 % de la dose ingérée. l’ivermectine induit une paralysie neuromusculaire des parasites
L’administration au cours d’un repas riche en graisses améliore la conduisant à leur mort [6] . L’ivermectine doit être administrée à
biodisponibilité. Le pic plasmatique du mébendazole est atteint jeun avec de l’eau, en respectant un intervalle sans prise de nour-
2 à 4 heures après la prise. Le mébendazole est fortement méta- riture de 2 heures avant et après la prise. Pour les enfants de
bolisé par le foie en métabolites moins actifs, éliminés par voie moins de 6 ans, les comprimés peuvent être écrasés. Après admi-
biliaire. La demi-vie d’élimination est de 3 à 6 heures. Chez les nistration orale, un pic plasmatique est observé à la 4e heure. Le
patients qui vivent dans des zones fortement endémiques, un trai- volume de distribution est important, de fortes concentrations
tement régulier (trois à quatre fois/an) est conseillé afin de réduire sont retrouvées au niveau de la peau. La demi-vie plasmatique est
la charge vermineuse et de la maintenir sous le niveau de signifi- de 12 heures. L’excrétion est presque exclusivement fécale, moins
cation clinique [13] . Le mébendazole (Vermox® ) est disponible en de 1 % de la dose administrée est retrouvée dans les urines. Dans
France dans le cadre d’une autorisation temporaire d’utilisation certaines situations, l’ivermectine peut être administrée par voie
(ATU). rectale [18] . En France, l’ivermectine se présente sous deux noms
Risques associés au traitement. commerciaux (Stromectol® , Mectizan® ), d’indications différentes.
La tolérance clinique est excellente en cure courte. Quelques Stromectol® n’a pas de restriction de prescription et est disponible
cas de convulsions ont été rarement rapportés, surtout chez les en pharmacie d’officine. La posologie standard dans la prise en
enfants. Chez les sujets massivement infectés par les nématodes, charge des anguilluloses gastro-intestinales est de 200 ␮g/kg en
le mébendazole entraîne des douleurs abdominales et une diar- une prise. Destiné à des programmes d’ampleur et par conséquent
rhée avec expulsion importante de vers. Quelques manifestations à traiter une pathologie exceptionnelle en France, Mectizan® n’est
allergiques (exanthèmes, urticaire, voire œdème de Quincke) ont pas disponible en pharmacie d’officine. Les médecins qui auraient
été signalées [14] . L’association mébendazole–métronidazole doit à soigner une onchocercose importée peuvent s’adresser directe-
être évitée en raison du risque de syndrome de Stevens–Johnson. ment auprès du laboratoire commercialisant ce médicament ou
Un traitement au long cours peut entraîner des perturbations modifier leur prescription par du Stromectol® . Dans le traitement
hépatiques et rénales, nécessitant une surveillance biologique, d’une onchocercose, la posologie de Mectizan® est de 150 ␮g/kg
voire une adaptation posologique. Une insuffisance hépatique, en une prise, à renouveler 3 à 12 mois après la prise initiale.
une diminution de l’excrétion biliaire ainsi que la prise simul-
tanée de cimétidine (inhibiteur du cytochrome P450) peuvent Risques associés au traitement
entraîner des concentrations plasmatiques élevées de mében- La tolérance clinique et biologique du traitement par iver-
dazole. À l’inverse, les inducteurs enzymatiques (rifampicine, mectine est généralement bonne [19] . Les principaux effets

2 EMC - Maladies infectieuses


Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)  8-006-G-10

indésirables bénins et transitoires se caractérisent surtout par de la pathologie traitée semble faible [23] . En cas d’allaitement,
des troubles gastro-intestinaux (nausées, constipation, diar- l’enfant ne doit pas être nourri au sein dans les 72 heures suivant
rhées, etc.), des troubles neurologiques (vertige, somnolence, le traitement de la mère.
tremblements, etc.), des perturbations biologiques (cytolyse hépa-
tique modérée, hyperéosinophilie, etc.), et des modifications de
l’électrocardiogramme (ECG) non spécifiques. Des effets plus
sévères ont été rapportés chez des patients porteurs d’une
charge en microfilaires importante avant traitement. Des cas
“ Point fort
d’encéphalites graves, voire mortelles, ont été décrits, sur- • Face à la diversité des helminthoses, la prise en charge
tout en cas d’infestation par Loa loa. Dans le traitement de
thérapeutique repose actuellement sur l’utilisation de
l’onchocercose, la réaction caractéristique d’hypersensibilité de
Mazzotti peut survenir. Elle se manifeste par une atteinte cutanée nombreux médicaments dont les principaux sont les ben-
(intense prurit, éruptions cutanées, adénopathies, lymphangites), zimidazolés, l’ivermectine et le praziquantel. Ces trois
une atteinte digestive (nausées, vomissements, diarrhées), une classes médicamenteuses se caractérisent par leur bonne
atteinte oculaire (larmoiement, uvéite, conjonctivite, photopho- tolérance, leur facilité d’utilisation et leur efficacité.
bie, etc.) et une atteinte générale (fièvre, tachycardie, hypotension • Outre le triclabendazole aux indications très spécifiques,
orthostatique, détresse respiratoire, arthralgies, myalgies, cépha- les benzimidazolés occupent actuellement une place de
lées) [20] . Ces symptômes peuvent persister plusieurs jours. Les choix dans le traitement des helminthoses digestives à
patients présentant une dermatite onchocerquienne hyperréac- nématodes et des échinococcoses.
tive ou « sowda », surtout observée au Yémen, peuvent développer • L’ivermectine se positionne comme le médicament
des réactions cutanées sévères après traitement par ivermec-
de référence dans le traitement des filarioses et des
tine [21] . Dans les campagnes de traitement de masse de la
filariose à Wuchereria bancrofti, l’ivermectine ne doit pas être anguilluloses, et le praziquantel dans la prise en charge
associée à la diéthylcarbamazine. L’effet microfilaricide rapide thérapeutique des bilharzioses et des taeniasis (hors auto-
de la diéthylcarbamazine risque en effet d’exposer les sujets risation de mise sur le marché [AMM]).
à des effets indésirables graves s’ils sont co-infectés par la Dans certaines situations (résistance, contexte clinique
filaire de Loa loa. En raison de données de sécurité insuffi- délicat, accès aux soins, etc.), le recours à d’autres médi-
santes, l’administration d’ivermectine est déconseillée chez la caments utilisés seuls ou en association aux médicaments
femme enceinte, allaitante et chez l’enfant pesant moins de de référence offre une alternative.
15 kg.

Praziquantel
Principales propriétés Autres médicaments antihelminthiques
Le praziquantel est un composé de la famille des pyrazino- Pyrantel
isoquinoléines, qui provoque une paralysie musculaire des
parasites [6] . Il entraîne également, par influx d’ions Ca2+ , des Principales propriétés
lésions tégumentaires qui activent les mécanismes de défense Le pyrantel agit par blocage neuromusculaire, paralysant les
de l’hôte et aboutissent à la destruction des vers. Les compri- helminthes et permettant leur expulsion dans le courant fécal,
més de praziquantel doivent être pris à la fin d’un repas, avec par péristaltisme [6] . Les larves de vers en migration dans les tis-
un peu de liquide mais sans être croqués. En cas de prises répé- sus ne sont pas atteintes. La prise de pyrantel peut se faire à
tées dans la même journée, l’intervalle entre chaque prise doit tout moment de la journée, sans purgation ou mise à jeun avant
être compris entre 4 et 6 heures. L’absorption digestive du pra- la prise médicamenteuse. L’absorption digestive du pyrantel est
ziquantel est rapide. Un effet de premier passage hépatique est faible, et de cette propriété résulte son action sélective sur les
à l’origine de grandes variations interindividuelles des taux plas- nématodes intestinaux. Plus de 50 % du médicament sont excrétés
matiques. La concentration plasmatique maximale est obtenue sous forme inchangée dans les selles. Environ 7 % sont éliminés
en 1 à 3 heures. La biodisponibilité est supérieure à 80 % mais dans les urines, sous forme métabolisée ou inchangée. Le pyran-
est réduite par la dexaméthasone, par les inducteurs enzyma- tel existe sous deux dénominations : Combantrin® et Helmintox® .
tiques et augmentée par la cimétidine. La demi-vie d’élimination Combantrin® peut être prescrit par tout médecin et est disponible
du praziquantel est de 1 heure à 1 heure 30, mais elle peut être en pharmacie d’officine. La posologie standard est de 750 mg en
prolongée en cas d’hépatopathie sévère. L’élimination est prin- une prise chez l’adulte de moins de 75 kg ou de 1 g pour les poids
cipalement urinaire (plus de 70 % au cours des 24 premières plus élevés, à renouveler 2 à 3 semaines plus tard. Helmintox®
heures), sous forme métabolisée [22] . Le praziquantel (Biltricide® ) n’est pas disponible en métropole mais est réservé aux départe-
peut être prescrit par tout médecin et est disponible en pharmacie ment et territoires d’outre-mer (DOM-TOM) et à l’exportation.
d’officine. Risques associés au traitement
Le pyrantel est un médicament généralement bien toléré. Les
Risques associés au traitement
effets indésirables, rarement observés et transitoires, sont surtout
Le praziquantel est un médicament généralement très bien d’ordre digestif (nausées, vomissements, diarrhées, douleurs abdo-
toléré [10] . Les effets indésirables observés (douleurs abdominales, minales) et d’ordre neurologique (céphalées, vertige, asthénie,
nausées, vomissements, diarrhées, céphalées, somnolence, ver- troubles du sommeil) [24] . En cas d’atteinte hépatique, la posolo-
tiges) sont transitoires et dose-dépendants. Des effets indirects gie doit être réduite. La pipérazine ne doit pas être associée au
(fièvre, éruptions cutanées, arthralgies et myalgies) sont occa- pyrantel [10] . L’utilisation du pyrantel chez la femme enceinte et
sionnels et souvent liés à la charge parasitaire. Une diarrhée pendant l’allaitement n’est pas recommandée. La présence de gly-
sanglante peut survenir chez des patients massivement infectés cérol et de sorbitol dans la suspension buvable peut provoquer des
par S. mansoni ou S. intercalatum. Des perturbations biologiques céphalées et des diarrhées. La présence de jaune orangé S dans les
(hémoglobine, protides, bilirubine) ont parfois été rapportées. En comprimés (absent dans la suspension buvable) peut déclencher
cas de cysticercose cérébrale associée, l’administration de prazi- des réactions allergiques.
quantel peut entraîner une céphalée intense, une méningite, des
crises d’épilepsie et des troubles mentaux. Ces effets sont habituel-
Niclosamide
lement retardés de 2 à 3 jours par rapport au début du traitement et
répondent favorablement au traitement symptomatique. Le pra- Principales propriétés
ziquantel est contre-indiqué en cas de cysticercose oculaire (risque Le niclosamide est un anthelminthique qui agit en bloquant
de lésions oculaires irréversibles). Il ne doit pas être utilisé au cours le cycle de Krebs, ce qui perturbe le métabolisme du parasite
du premier trimestre de la grossesse, même si le risque au regard qui devient sensible aux enzymes protéolytiques de l’hôte. Sous

EMC - Maladies infectieuses 3


8-006-G-10  Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)

l’effet du médicament, les vers dégénèrent dans l’intestin. Les la demi-vie plasmatique varie de 6 à 12 heures. La diéthylcarbama-
comprimés doivent être mastiqués longuement et complètement, zine est intensément métabolisée. Son élimination se fait par voie
puis avalés sans eau ou avec très peu d’eau pour arriver dans urinaire pour environ 20 %. La dose quotidienne à atteindre est de
l’estomac sous forme pulvérisée. Chez l’enfant de moins de 6 mg/kg. L’alcalinisation urinaire peut induire une diminution de
6 ans, les comprimés sont écrasés aussi finement que possible l’élimination pouvant majorer les effets indésirables. La posologie
et mélanger avec très peu d’eau. Le niclosamide est très peu doit donc être réduite en cas de perturbation des fonctions rénales
résorbé par voie digestive et est éliminé par les fèces. Un et en cas d’alcalinisation prolongée des urines. Chez l’enfant, la
traitement laxatif préliminaire la veille est conseillé chez les diéthylcarbamazine doit être administrée en doses quotidiennes
patients atteints de constipation chronique. L’administration de fractionnées. Elle peut être prescrite par tout médecin et la dis-
boissons alcoolisées, susceptibles d’augmenter la résorption diges- pensation ne peut se faire que par une pharmacie hospitalière
tive, doit être évitée. Lors de l’infection à Hymenolepis nana (rétrocession).
(quatre comprimés à j1 puis deux comprimés/j de j2 à j7 chez
l’adulte), l’élimination du mucus intestinal peut être favorisée Risques associés au traitement
par l’ingestion de jus de fruits acides. Les vers, vivant sous le Les effets indésirables de la diéthylacarbamazine sont rarement
mucus, deviennent alors plus accessibles au médicament. Lors graves (anorexie, nausées, céphalées, somnolence et vomisse-
du traitement des autres taeniasis, la posologie chez l’adulte est ments) et disparaissent généralement en quelques jours [28] . Le
de deux comprimés le matin suivi de deux comprimés 1 heure risque de somnolence doit être rappelé aux patients. Les effets
plus tard. Le patient doit prendre un repas léger la veille au soir indésirables majeurs résultent de la réponse de l’hôte à la des-
et rester totalement à jeun pendant 3 heures après la dernière truction des parasites et dépendent de la filariose traitée. Ils
prise médicamenteuse. Lors d’une parasitose à Taenia solium, le peuvent être sévères chez les sujets fortement infestés par Oncho-
médicament n’est pas actif contre les formes larvaires, ce qui cerca volvulus, chez lesquels une réaction de Mazzotti, comme pour
peut exposer le patient au risque de cysticercose secondaire par l’ivermectine, peut survenir, dans les quelques heures suivant la
auto-infestation. Dans ce cas, un purgatif salin est nécessaire première prise. Son intensité dépend de la dose de médicament
2 heures après la prise du niclosamide [6] . Un antiémétique peut et de la charge microfilarienne. Ces symptômes peuvent persis-
également être administré avant le traitement. Trédémine® peut ter plusieurs jours. Des réactions similaires sont retrouvées dans
être prescrit par tout médecin et est disponible en pharmacie les filarioses lymphatiques ou à Loa loa. Des hémorragies réti-
d’officine. niennes et des encéphalites sévères chez les patients fortement
infestés par Loa loa ont été décrites. Des perturbations biologiques
Risques associés au traitement réversibles (hyperleucocytose, protéinurie) peuvent être observées
Le niclosamide est pratiquement dénué d’effets indésirables pendant le traitement. Dans les filarioses lymphatiques, la mort
en dehors de troubles digestifs ou neurologiques, mineurs et des vers adultes entraîne la formation de nodules palpables dans
passagers. Un choc anaphylactique peut survenir de façon excep- le tissu sous-cutané et le long du cordon spermatique. Par mesure
tionnelle. L’utilisation du niclosamide ne doit être envisagée de précaution, l’utilisation de la diéthylcarbamazine est décon-
que si nécessaire au cours de la grossesse, et évitée pendant seillée pendant la grossesse et chez la femme allaitante. L’atteinte
l’allaitement. oculaire grave dans l’onchocercose et l’intolérance au blé (allergie
autre que la maladie cœliaque) contre-indiquent sa prescription.
Pipérazine Les patients avec antécédents de convulsions doivent être sur-
veillés. Afin de prévenir les effets indésirables, il faut instaurer une
Principales propriétés
posologie progressive et associer éventuellement une corticothé-
La pipérazine [25] entraîne une paralysie des vers par blocage rapie (0,5 mg/kg en équivalent prednisolone) [10] . Enfin, la dose de
neuromusculaire conduisant à leur expulsion péristaltique. Les 400 mg/j de diéthylcarbamazine ne doit pas être dépassée.
doses de pipérazine peuvent être fractionnées ou administrées en
une seule prise dans l’intervalle des repas. La pipérazine est rapi-
dement absorbée après une prise orale. La demi-vie plasmatique
Pyrvinium
est très variable. Elle est partiellement métabolisée dans le foie, le Désormais supplanté par les benzimidazolés, le pyrvinium a
reste est éliminé sous forme inchangée dans les urines. La pipéra- démontré une grande efficacité dans l’oxyurose. La prise orale
zine (Vermifuge Sorin® ), disponible en pharmacie d’officine, peut (5 mg/kg) des comprimés (dosés à 50 mg) ou de la suspension
être prescrite par tout médecin. Chez l’adulte et l’enfant de plus de buvable se fait de préférence au cours du repas ou juste avant
40 kg, la posologie est de quatre cuillères–mesure par jour pendant le coucher. Les comprimés doivent être avalés avec un peu d’eau
sept jours dans le traitement d’une oxyurose, à renouveler dans sans être croqués. Le pyrvinium (Povanyl® ), très bien toléré (nau-
les 2 à 4 semaines suivantes et de deux jours pour une ascaridiose. sées, vomissements, douleurs abdominales, céphalées transitoires,
coloration rouge des selles) n’est aujourd’hui plus disponible en
Risques associés au traitement France [26] .
L’administration de pipérazine peut entraîner des nausées,
vomissements, diarrhées et douleurs abdominales. La survenue de
réactions allergiques, d’une fièvre ou d’arthralgies doit conduire Perspectives
à l’arrêt du traitement. De rares effets neurologiques (céphalées,
crises convulsives, vertiges) et visuels surviennent en cas de sur- L’exemple des semences de courge utilisées en préparation
dosage ou de défaut d’élimination rénale. La présentation sous magistrale avec efficacité dans le traitement des taeniasis à
forme d’un sirop doit conduire à la vigilance chez les patients dia- Taenia saginata illustre l’attrait et l’intérêt du monde végétal.
bétiques [26] . Par précaution, il ne faut pas prescrire la pipérazine Les pharmacopées traditionnelles regorgent de plantes et de
chez la femme enceinte ou allaitante. La pipérazine est contre- préparations variées qui stimulent toujours la convoitise des
indiquée chez les sujets épileptiques, les insuffisants rénaux et chercheurs [29, 30] . Toutefois, peu de nouveaux médicaments sont
hépatiques. arrivés sur le marché au cours des dernières années [31] . Les déri-
vés de l’artémisinine ont, outre leurs propriétés antimalariques,
révélé des propriétés thérapeutiques très intéressantes dans la bil-
Diéthylcarbamazine
harziose [32] . L’oxamniquine a démontré un intérêt thérapeutique
Principales propriétés dans la bilharziose à S. mansoni [33] . Le nitazoxanide est dispo-
La diéthylcarbamazine (Notézine® ), dérivé de la pipérazine, a nible par voie orale dans le cadre d’une ATU nominative. Outre
une action microfilaricide, en provoquant une altération de la sur- son activité protozoocide, son large spectre d’activité pourrait
face membranaire et une désorganisation cellulaire des larves des le positionner comme une alternative très intéressante dans le
filaires [27] . Le mécanisme d’action sur les filaires adultes n’est pas traitement de certaines helminthoses (ascaridoses, taeniasis, fas-
connu. Les comprimés de diéthylcarbamazine doivent être ingé- cioloses, etc.) et en cas de polyinfestation [34, 35] . La tribendimidine,
rés après les repas. L’absorption intestinale est rapide et presque utilisée par voie orale, a été autorisée à la commercialisation en
totale. Un pic plasmatique survient en 1 à 3 heures après la prise et Chine en 2004 [36] . Elle se positionne comme un médicament

4 EMC - Maladies infectieuses


Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)  8-006-G-10

à large activité antiparasitaire [37] . Enfin, d’autres médicaments après 7 à 10 j de traitement, épidermolyse, œdème généralisé),
(méfloquine, doxycycline, monepantel, etc.) pourraient venir de troubles neurologiques (polyneuropathies dose-dépendantes,
enrichir l’arsenal antihelminthique dans les années à venir [38] . paresthésies, polynévrites périphériques), de troubles hématolo-
giques (thrombopénies, agranulocytose) et de troubles psychiques
(désorientation, insomnie, vertiges) [43, 44, 48] . Le benznidazole ne
 Médicaments antiprotozoaires doit pas être administré aux femmes enceintes, aux personnes
souffrant d’insuffisance rénale ou hépatique. L’absorption simul-
Dérivés nitro-imidazolés tanée d’alcool peut provoquer une réaction antabuse.

5-nitro-imidazolés Nitazoxanide
Principales propriétés Principales propriétés
La présence d’un groupement nitré en position 5 sur un cycle Le nitazoxanide est très utilisé en Amérique latine comme
imidazole confère à ces médicaments une activité à la fois antipa- antiparasitaire digestif [34] . Son mécanisme d’action repose sur
rasitaire et antibiotique contre les espèces anaérobies. La réduction l’inhibition directe de la pyruvate-ferrédoxine oxydoréductase,
de leur groupement NO2 bloque la voie pyruvate-ferrédoxine enzyme indispensable au métabolisme. Le nitazoxanide (Alinia® ,
et lèse l’acide désoxyribonucléique (ADN) [39] . Actuellement, le comprimés 500 mg, suspension buvable 100 mg/5 ml) est dispo-
métronidazole, chef de file des nitro-imidazolés, l’ornidazole, le nible en France dans le cadre d’une ATU nominative. Il est indiqué
tinidazole et le secnidazole [40] sont commercialisés en France. Les dans le traitement des diarrhées à Giardia lamblia et à Cryptospori-
formes orales sont disponibles en officine de ville, les formes dium parvum. Après prise orale, le nitazoxanide subit une désacéty-
injectables sont réservées à l’usage hospitalier. D’autres imida- lation rapide et complète pour aboutir à deux métabolites actifs, le
zolés (nimorazole, fexinidazole, azanidazole) ne sont pas encore tizoxanide et son glucuronoconjugué. Leurs Tmax sont obtenus
disponibles en France [41] . Avec une résorption digestive rapide entre 1 et 4 heures. La bioéquivalence relative de la suspension
(Tmax entre 1 à 3 h), leur biodisponibilité est presque de 100 % buvable par rapport à la forme comprimé est de 70 %. L’absorption
non réduite par la prise de repas. La distribution tissulaire est du nitazoxanide est améliorée par la prise au cours d’un repas. Le
rapide et touche les différents secteurs de l’organisme. Les demi- tizoxanide est éliminé dans les urines (33 %), les fèces (67 %) et
vies d’élimination sont variables donnant lieu à des schémas la bile, son glucuronoconjugué dans les urines et la bile [49] . Chez
posologiques différents (8 h pour le métronidazole, 13 h pour l’enfant de 1 à 3 ans, la posologie est de 100 mg/12 heures. Chez
l’ornidazole et le tinidazole, 25 h pour le secnidazole). l’enfant de 4 à 11 ans, elle est de 200 mg/12 heures et au-delà de
12 ans de 500 mg deux fois par jour.
Risques associés au traitement
Modérés et doses-dépendants, les effets indésirables regroupent Risques associés au traitement
essentiellement des troubles digestifs (gastralgies, dysgueusies, Bien toléré, le nitazoxanide peut donner lieu à des dou-
nausées) et neurologiques (somnolence, vertiges, céphalées). En leurs gastro-intestinales dont la sévérité est proportionnelle à
cas de traitement prolongé, ils peuvent donner des leucopénies la dose administrée, des diarrhées, des nausées et des maux de
et des neuropathies périphériques. Le métronidazole peut colorer tête [50] . Le nitazoxanide doit être utilisé avec précaution en cas
les urines en brun-rouge. En cas de prise simultanée d’alcool, un d’hypersensibilité aux salicylés et de pathologie cardiovasculaire.
effet antabuse peut être observé. Les nitro-imidazolés sont contre- La suspension buvable contient du saccharose dont il faut tenir
indiqués au cours de l’allaitement. Même si le métronidazole a été compte en cas d’apports contrôlés en sucre. Il est contre-indiqué
utilisé sans incident au cours de la grossesse, il semble préférable chez la femme enceinte et allaitante.
de ne pas l’utiliser au cours du premier trimestre [8, 42]

2-nitro-imidazolés Dérivés de l’hydroxyquinoline


Principales propriétés Principales propriétés
Le benznidazole est un antiparasitaire, actif en phase aiguë et Les dérivés halogénés de la 8-hydroxyquinoline présentent un
en phase chronique de la maladie de Chagas. Son mode d’action effet amœbicide de contact dont le mécanisme d’action reste
repose sur la formation de liaisons covalentes avec l’ADN, les incertain. Ils sont utilisés en monothérapie dans le traitement
lipides et les protéines du parasite [43] . Son efficacité est incons- de porteurs sains d’amibes intraluminales ou en association à
tante et limitée à certains stades de la maladie, due à l’existence un 5-nitro-imidazolé dans le traitement des formes invasives de
de résistances en augmentation [44, 45] . Aussi, des associations sont l’amœbose. Il s’agit de l’iodoquinol, du clioquinol, du tiliqui-
actuellement testées afin d’obtenir une synergie d’action : benzni- nol et du tilbroquinol. Seule l’association tiliquinol-tilbroquinol
dazole et nifurtimox, benznidazole et allopurinol, benznidazole (Intétrix® ) est disponible en France, pouvant être prescrite par tout
et kétoconazole, fluconazole, itraconazole ou posaconazole [46] , médecin et disponible en pharmacie d’officine. Ces médicaments
benznidazole et dérivés de la diamidine [47] . Il n’est actuellement sont partiellement résorbés au niveau intestinal. Le schéma poso-
disponible qu’en Amérique latine. En France, il peut être importé logique d’Intétrix® est de deux gélules matin et soir pendant dix
dans le cadre d’une ATU nominative. Le benznidazole est présenté jours, à prendre de préférence en début de repas [10] . Dans les pays
en comprimés dosés à 100 mg. L’absorption par voie digestive est où il est disponible, l’iodoquinol (Diodoquin® , Yodoxin® , compri-
rapide et pratiquement totale (Tmax entre 2 et 4 h). La demi-vie més à 210 mg et 650 mg) est employé à la posologie de 650 mg trois
d’élimination est d’environ 12 heures. Les produits de la métaboli- fois par jour chez l’adulte et à la dose de 30–40 mg/kg/j (maximum
sation du benznidazole sont éliminés pour les deux tiers par voie 2 g) en trois prises chez l’enfant, pendant 20 jours.
rénale. La posologie standard chez l’adulte est de 5 à 7 mg/kg/j
en deux prises au cours d’un repas pour limiter les effets indési- Risques associés au traitement
rables, elle est de 10 mg/kg/j en deux prises chez l’enfant de moins
de 12 ans. La durée de traitement varie entre 30 et 90 jours [47] . Les effets indésirables classiquement observés sont des nausées,
La prise en charge des atteintes cardiaques dues à la maladie de vomissements, diarrhées, crampes abdominales, fièvre, fris-
Chagas peut être effectuée à l’aide du benznidazole [48] . sons, neuropathies périphériques, éruptions cutanées, réactions
allergiques. Du fait de la nature chimique de l’iodoquinol, des per-
Risques associés au traitement turbations des paramètres biologiques de la fonction thyroïdienne
Les effets indésirables du benznidazole sont nombreux, fré- sont à prévoir plusieurs mois après le traitement [47] . Des effets
quents (près de 50 % des cas) et peuvent être sévères nécessitant indésirables graves sont parfois observés : neuropathie myélo-
parfois l’arrêt du traitement. Il est en général mieux toléré optique subaiguë pour le clioquinol, atrophie du nerf optique
par les enfants que par les adultes. Il s’agit principalement chez l’enfant pour l’iodoquinol, hépatite pour l’association
de nausées disparaissant en quelques jours sans diminution de tiliquinol-tilbroquinol. Les dérivés de l’hydroxyquinoline sont
dose, de réactions dermatologiques (éruptions bénignes survenant contre-indiqués chez l’enfant, la femme enceinte et allaitante.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-006-G-10  Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)

Dérivés du dichloroacétamide ou un arrêt de traitement [60] . Un suivi électrocardiographique


et biologique (créatininémie, protéinurie, transaminases et NFS)
Principales propriétés s’impose [51] .
Les dérivés du dichloroacétamide (furoate de diloxanide
[Furamide® ], téclozan, étofamide) ont une activité amœbicide Dérivés arsenicaux
de contact, de mécanisme d’action inconnu. Ils sont utilisés en
monothérapie dans le traitement de porteurs asymptomatiques Principales propriétés
d’amibes intraluminales ou en association à un 5-nitro-imidazolé Trois dérivés de l’arsenic ont montré une activité antiproto-
dans le traitement des formes invasives de l’amœbose. Le diloxa- zoaire : l’acétarsol comme amœbicide de contact, le tryparsamide
nide (ATU nominative en France) est administré par voie orale et le mélarsoprol comme trypanocides. Du fait de leur toxicité,
puis hydrolysé au niveau intestinal. Une partie du diloxanide ces produits ne sont pas disponibles en France. Le mélarsoprol
libéré est ensuite résorbée. La posologie standard du diloxanide (Arsobal® 180 mg/5 ml en ampoule), retiré du marché, reste toute-
chez l’adulte est 500 mg (soit un comprimé) trois fois par jour pen- fois accessible par le biais de l’Organisation mondiale de la santé
dant dix jours. Chez l’enfant, elle est de 20 mg/kg/j pendant dix (OMS). Le mécanisme d’action repose sur l’action de l’arsenic sur
jours [39] . La dose recommandée de téclozan est de 100 mg toutes les groupements thiols des protéines parasitaires. Les résistances
les 8 heures pendant cinq jours consécutifs ou encore de 500 mg sont importantes en Afrique centrale [45] . Insoluble dans l’eau, le
toutes les 12 heures pendant trois jours. mélarsoprol est exclusivement administré par voie intraveineuse
en solution dans du propylène glycol. Une fraction cliniquement
Risques associés au traitement significative de mélarsoprol diffuse dans le liquide cérébrospinal
Ces traitements sont bien tolérés, les effets indésirables étant (LCS), ce qui l’indique dans le traitement des formes ménin-
principalement gastro-intestinaux. Dans de rares cas ont été rap- goencéphaliques des trypanosomoses africaines. L’élimination
portés des diplopies, urticaires et prurits. est rapide et majoritairement hépatobiliaire. Pour l’adulte et
l’enfant, le schéma posologique pour les infections à Trypano-
soma rhodesiense repose sur une administration de 2–3,6 mg/kg/j
Dérivés antimoniés les trois premiers jours, suivie, sept jours après, d’une seconde
série d’administration à 3,6 mg/kg/j pendant trois jours, répé-
Principales propriétés tée une troisième fois sept jours après la seconde série. Pour
Les dérivés de l’antimoine actuellement employés sont penta- la prise en charge des infections à Trypanosoma brucei gam-
valents offrant une meilleure tolérance. Ils sont indiqués dans biense, la posologie est de 2,2 mg/kg/j pendant dix jours (adulte
le traitement des leishmanioses viscérales, cutanéomuqueuses et et enfant) [47] .
cutanées, à l’exception des infections à Leishmania aethiopica.
Leur mécanisme d’action est mal connu : l’antimoine pentavalent Risques associés au traitement
serait réduit en antimoine trivalent actif inhibant la synthèse de De maniement délicat, le mélarsoprol doit être utilisé en milieu
l’adénosine triphosphate (ATP) [51] . Les phénomènes de résistance hospitalier. La dégradation de l’état général du patient (fièvre,
nécessitent une augmentation des doses et/ou un allongement de douleurs abdominales, vomissements, arthralgies, hypertension,
la durée de traitement avec le risque d’une stibio-intolérance, voire atteintes myocardiques, hémolyse, neuropathies périphériques)
d’une stibio-intoxication (atteintes hépatique, rénale et myo- nécessite parfois des adaptations posologiques. L’incidence des
cardique) [52, 53] . Actuellement, seul l’antimoine de méglumine encéphalopathies liées au mélarsoprol est de l’ordre de 5 à 10 %
(Glucantime® ) ayant une teneur en antimoine Sb5 de 85 mg/ml des patients, fatales dans plus de 10 % des cas [45] . L’administration
(8,5 %) est commercialisé en France. Il peut être prescrit par tout simultanée de corticoïdes permettrait d’en diminuer la fré-
médecin et est disponible en pharmacie d’officine. À l’étranger, le quence [61] . Le mélarsoprol est contre-indiqué chez la femme
stibiogluconate de sodium (Pentostam® ) ayant une teneur en Sb5 enceinte [42] .
de 100 mg/ml (10 %) est disponible au Royaume-Uni et aux États-
Unis [47] et sous forme de générique en Inde [54] . L’absorption de
ces antimoines pentavalents par voie orale est quasi nulle, néces-
Dérivés du nitrofurane
sitant une administration par voie parentérale (intramusculaire Principales propriétés
profonde pour l’antimoine de méglumine ou intraveineuse lente
pour le stibiogluconate de sodium). Leur élimination rénale est Le nifurtimox (Lampit® , comprimés dosés à 120 mg) est indiqué
rapide suivant une courbe biphasique (demi-vie initiale d’environ dans le traitement de la maladie de Chagas, le nifuratel (associé
2 h, demi-vie terminale d’environ 40 h) avec la possibilité de à la nystatine dans la spécialité Mycomnes® ) dans les infections
concentration dans les cellules du système réticuloendothélial à Trichomonas vaginalis et la furazolidone (Furoxone® ) dans le
où il est transformé en dérivés actifs trivalents [55] . Cependant, traitement de la giardiose. Ces médicaments ne sont pas dispo-
l’élimination peut être incomplète conduisant à une accumu- nibles en France. Le nifurtimox est accessible par le biais d’une
lation du produit et à l’apparition de stibio-intoxication [51] . ATU nominative. Les cas de résistance au nifurtimox peuvent
L’état d’équilibre tissulaire nécessite un délai de plus d’une être prévenus par l’association avec l’éflornithine dans le proto-
semaine [56, 57] . Des essais de formulation sous forme de liposomes cole nifurtimox eflornithine combination therapy (NECT), intégré à la
ou encore à base de cyclodextrine pour une administration par liste des médicaments essentiels de l’OMS. Le mécanisme d’action
voie orale ont été récemment réalisés [58] . Le schéma posologique du nifurtimox repose sur la formation d’un métabolite radical
recommandé est de 20 mg/kg/j (exprimé en Sb5 ) pendant 20 jours nitro-anion et de composés peroxydes ou superoxydes lésant les
pour la leishmaniose cutanée et pendant 28 jours pour les leish- macromolécules cellulaires, couplée à l’inhibition de la trypano-
manioses viscérales et cutanéomuqueuses [59] . thione réductase, enzyme antioxydante de défense spécifique du
parasite. Après une administration par voie orale, le nifurtimox
est bien résorbé par voie digestive mais subit un effet de pre-
Risques associés au traitement mier passage hépatique. Le pic sérique est obtenu en 2 heures.
Les effets indésirables sont fréquents et augmentent avec l’âge. Il L’élimination est rénale et la demi-vie est d’environ 3 heures, aug-
s’agit de douleurs aux points d’injection, céphalées, asthénie, nau- mentée chez l’insuffisant rénal. Différents de ceux recommandés
sées, vomissements, douleurs abdominales, arthralgies, myalgies, par l’OMS, les schémas posologiques du nifurtimox préconisés
dysgueusies. Une élévation transitoire des taux sériques d’amylase par le laboratoire sont à considérer selon l’âge du patient : 15 à
et de lipase survient fréquemment, régressant à l’arrêt du traite- 20 mg/kg/j en quatre prises chez l’enfant de moins de 10 ans ;
ment. Des cas de pancréatites aiguës observés chez les insuffisants 12,5 à 15 mg/kg/j en quatre prises chez l’enfant de 11 à 16 ans ;
rénaux et les patients co-infectés virus de l’immunodéficience 8 à 10 mg/kg/j en trois ou quatre prises chez l’adulte (> 17 ans).
humaine (VIH)/leishmaniose, des troubles cardiaques, hématolo- En phase aiguë, la durée de traitement est de 90 jours et 120 jours
giques et hépatiques imposent une modification de la posologie en phase chronique [62] . Les posologies de la furazolidone et du

6 EMC - Maladies infectieuses


Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)  8-006-G-10

nifuratel chez l’adulte sont respectivement de 100 mg quatre fois des polyamines nécessaires à la division et à la différenciation
par jour per os pendant dix jours (1,25 mg/kg/j quatre fois/j chez cellulaire. L’éflornithine est peu efficace dans les infections à
l’enfant) et de 200 à 400 mg trois fois par jour per os. Trypanosoma brucei rhodesiense, en raison d’un cycle de renou-
vellement de cette enzyme beaucoup plus rapide [67] . Par voie
Risques associés au traitement orale, l’éflornithine présente une biodisponibilité d’environ 50 %
et un Tmax d’environ 4 heures. La distribution tissulaire est
Fréquents, réversibles et d’intensité peu sévère, les effets indé-
bonne avec une diffusion significative dans le LCS. L’éflornithine
sirables du nifurtimox regroupent essentiellement des troubles
est éliminée dans les urines à hauteur de 80 % sous forme
gastro-intestinaux diminués lorsque la prise se fait pendant ou
inchangée avec une demi-vie d’élimination d’environ 3 heures. Le
après le repas, et neuropsychiques (excitabilité, somnolence,
schéma posologique chez l’adulte et l’enfant est de 400 mg/kg/j
hallucinations). Quelques cas de convulsions ont été décrits.
en quatre perfusions intraveineuses lentes de 2 heures pendant
La posologie doit être réduite en cas de perte de poids, de
14 jours [45, 47] .
troubles neurologiques ou d’autres manifestations d’intolérance.
L’apparition d’une neuropathie périphérique doit faire arrêter le
traitement [63, 64] . À fortes doses peuvent survenir des leucopé- Risques associés au traitement
nies, résolutives à l’arrêt du traitement [65] . Un bilan biologique Relativement bien tolérée, l’éflornithine entraîne des effets
(NFS, fonctions hépatique et rénale) doit être réalisé tous les indésirables fréquents : diarrhées en cas de prise par voie orale, ver-
mois. Le nifurtimox est contre-indiqué chez la femme enceinte, tiges, vomissements, céphalées, toxicité hématologique (anémie,
l’insuffisant rénal, l’insuffisant hépatique, en cas de troubles car- leucopénie). Des convulsions, pertes auditives, alopécie, troubles
diaques et de déficit en glucose-6-déshydrogénase. En raison des cutanés, fièvre ont été notés. Tous ces effets sont réversibles à
effets potentiellement mutagènes, une contraception orale est l’arrêt du traitement [67] .
préconisée [64, 66] . Le nifuratel et la furazolidone peuvent provo-
quer une réaction antabuse avec l’alcool.
Suramine
Principales propriétés
Dérivés de la diaminidine La suramine sodique (Moranyl® ) est un dérivé polycyclique de
Principales propriétés l’urée actif sur Trypanosoma brucei gambiense et Trypanosoma bru-
cei rhodesiense, particulièrement lors de la phase de dissémination
Différents dérivés (pentamidine, diminazène [Bérénil® ], pafura- lymphaticosanguine. Non disponible en France, la suramine (fla-
midine) sont commercialisés ou font l’objet d’essais cliniques [41] . con pour solution injectable 1 g) demeure accessible gratuitement
La pentamidine agit en inhibant la synthèse de l’ADN para- auprès de l’OMS. Son mécanisme d’action repose sur l’inhibition
sitaire par blocage de la thymidine synthétase, par fixation à de nombreuses enzymes (dihydrofolate réductase, hexokinase,
l’acide ribonucléique (ARN) de transfert et en perturbant l’activité etc.) à l’origine de désordres intracellulaires [68] . Administrée exclu-
mitochondriale [51] . La pentamidine est employée en première sivement par voie intraveineuse, la suramine se lie fortement aux
intention dans les infections à Trypanosoma brucei gambiense protéines plasmatiques et ne passe pas la barrière hématoencépha-
en phase lymphaticosanguine et dans les leishmanioses cuta- lique. Peu métabolisée, la suramine est éliminée très lentement
nées en cas d’échec des antimoniés ou de stibio-intolérance. par voie rénale avec une demi-vie terminale d’environ 50 jours.
La pentamidine est également active sur Pneumocystis jirovecii. Le schéma posologique débute avec une dose-test de 2 mg chez
Commercialisée en France, la pentamidine (Pentacarinat® , solu- l’enfant et de 100–200 mg chez l’adulte. La suramine est ensuite
tion injectable 300 mg) peut être prescrite par tout médecin et administrée en intraveineuse lente aux jours 1, 3, 7, 14 et 21 à la
est disponible en officine de ville. Des flacons dosés à 200 mg dose de 20 mg/kg chez l’enfant et de 1 g chez l’adulte [45, 47] .
sont fabriqués spécialement pour l’OMS et fournis gratuitement.
Non résorbée par voie digestive, la pentamidine s’administre en
intramusculaire ou en intraveineuse lente chez un patient alité. Risques associés au traitement
La distribution tissulaire touche le foie et le rein, sans diffuser Le risque de réactions anaphylactiques sévères justifie
dans le LCS. La demi-vie d’élimination après une dose unique l’administration d’une dose-test. D’autres effets indésirables
est de l’ordre de 6 heures après une administration intravei- sont fréquents : vomissements, diarrhées, troubles de la consci-
neuse (9 h en intramusculaire). La posologie de la pentamidine ence, photophobie, urticaire, hyperesthésies palmoplantaires et
est de 4 mg/kg/injection intramusculaire pour une cure de 7 neuropathies périphériques. Des réactions plus sévères (fièvre,
à 10 injections dans le traitement de la trypanosomose, et de atteinte rénale, troubles hématologiques, atrophie du nerf
2–3 mg/kg tous les jours ou tous les deux jours pour un traitement optique) peuvent survenir [69] . Tératogène, la suramine est
de 4 à 7 injections dans la leishmaniose cutanée [47] . contre-indiquée chez la femme enceinte.

Risques associés au traitement


Fumagilline
La pentamidine entraîne fréquemment des effets toxiques
Principales propriétés
dépendants de sa dose et de son accumulation (troubles du
rythme, hépatiques et hématologiques). L’utilisation de la penta- Extraite d’Aspergillus fumigatus, la fumagilline est indiquée dans
midine peut induire une insuffisance rénale légère et réversible, le traitement des diarrhées sévères dues à la microsporidiose
une hypoglycémie précoce et transitoire, parfois une hyperglycé- intestinale à Enterocytozoon bieneusi chez les patients adultes,
mie pouvant aller jusqu’à un diabète insulinodépendant ou une infectés par le VIH. Commercialisée en France, la fumagilline
pancréatite aiguë. Une surveillance biologique est nécessaire. La (Flisint® , gélules 20 mg) est réservée à l’usage hospitalier et doit
pentamidine est déconseillée chez la femme enceinte [42] . être conservée au congélateur à –20 ◦ C. Après ouverture du fla-
con, le médicament peut être conservé 14 jours maximum entre
2 ◦ C et 8 ◦ C. Son mécanisme d’action semble être lié à l’inhibition
Autres antiprotozoaires de l’ARN chez le parasite. Le Tmax est obtenu entre 1 et 4 heures
et l’excrétion rénale est très faible. La posologie recommandée est
Éflornithine de trois gélules par jour pendant 14 jours.
Principales propriétés
L’éflornithine, ou encore la DL-␣-difluorométhylornithine Risques associés au traitement
(DFMO) est un médicament actif dans la phase encéphalo- Des troubles hématologiques (thrombopénie, neutropénie à
méningée de l’infection par Trypanosoma brucei gambiense. La surveiller), des troubles gastro-intestinaux, une augmentation de
spécialité Ornidyl® (voie orale et injectable) est accessible gra- la lipase et des transaminases sériques sont fréquemment retrou-
tuitement auprès de l’OMS. Elle agit comme un inhibiteur vés. L’utilisation de ce médicament est déconseillée au cours de la
irréversible de l’ornithine-décarboxylase empêchant la synthèse grossesse [10] .

EMC - Maladies infectieuses 7


8-006-G-10  Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)

Miltéfosine
Principales propriétés
La miltéfosine est le premier traitement par voie orale de la
“ Point fort
leishmaniose viscérale et constitue une alternative lors des échecs
thérapeutiques aux dérivés antimoniés, même si des cas de résis- • La prise en charge médicamenteuse des infections à
tance ont été rapportés [70] . La miltéfosine (Impavido® , gélules protozoaires fait appel à un large panel de médicaments
50 mg) dispose en France du statut d’ATU nominative. Son méca- dont les principaux sont représentés par les dérivés nitro-
nisme d’action repose sur une cytotoxicité directe altérant la imidazolés, les dérivés antimoniés et l’amphotéricine B.
synthèse lipidique des constituants membranaires du parasite et • Les 5-nitro-imidazolés ont une efficacité limitée aux
sur l’activation des fonctions immunes de l’hôte. Bien résorbée, parasites intestinaux anaérobies avec un profil de tolérance
la miltéfosine diffuse largement dans l’organisme et présente une
relativement satisfaisant pour les traitements courts.
demi-vie d’environ huit jours. La Tmax varie entre 8 et 24 heures
• Les dérivés antimoniés pentavalents, actifs sur les
chez l’adulte. La miltéfosine est lentement métabolisée par la
phospholipase pour former des métabolites physiologiques [71] . La leishmanioses et administrés exclusivement par voie
miltéfosine est administrée chez l’adulte et l’enfant à la posologie parentérale, relèvent d’un maniement plus délicat, asso-
de 2,5 mg/kg/j (maximum 150 mg/j) pendant 28 jours. ciant un suivi de l’efficacité à la prévention des
stibio-intolérance ou stibio-intoxication.
Risques associés au traitement
• L’amphotéricine B, traitement de référence dans les
Relativement bien tolérée, la miltéfosine expose à des troubles
leishmanioses viscérales de l’immunodéprimé, se posi-
gastro-intestinaux réversibles et à des vertiges, ainsi qu’à une élé-
vation transitoire des taux sériques des transaminases, de l’urée tionne comme une alternative thérapeutique de choix
et de la créatinine, nécessitant une surveillance. Tératogène, la dans les leishmanioses graves ou en cas d’échec aux anti-
miltéfosine est contre-indiquée chez les femmes enceintes, en âge moniés. Les formulations lipidiques de l’amphotéricine B
de procréer ou refusant la contraception et ce jusqu’à deux mois améliorent le profil d’efficacité et de tolérance.
après la fin du traitement, ainsi qu’en cas de déficit enzymatique
de la fatty aldehyde dehydrogenase (syndrome de Sjögren–Larrson),
d’insuffisance rénale et hépatique.
une bonne efficacité dans la toxoplasmose [45] . Les tétracyclines
Amphotéricine B ont montré leur efficacité dans l’amœbose intestinale. Les antifon-
Principales propriétés giques imidazolés sont également actifs contre différentes espèces
de Leishmania [45] .
Utilisées comme antifongiques, l’amphotéricine B (Fungizone® )
et ses formulations lipidiques (AmBisome® , Abelcet® , Amphocil® )
sont également de puissants agents antileishmaniens [49] . Perspectives
L’amphotéricine B agit en se fixant sur les stérols membra-
naires des parasites, entraînant un déséquilibre ionique létal, et Outre les associations d’agents antiprotozoaires fortement
stimule, par ailleurs, l’activité phagocytaire des macrophages. encouragées par l’OMS, de nombreuses molécules d’origine
La forme liposomale permet d’accroître la biodisponibilité, la synthétique ou végétale font l’objet de recherches intensives.
demi-vie (26–38 h pour AmBisome® ), la tolérance et l’efficacité Actuellement en cours d’essais cliniques, la sitamaquine, une 8-
de l’amphotéricine B. Dans le traitement des leishmanioses amino-quinoline responsable d’un stress oxydatif toxique, est
viscérales, la dose cumulative recommandée d’AmBisome® est de le deuxième médicament par voie orale développé dans le trai-
18–24 mg/kg en six perfusions intraveineuses de 30 à 60 minutes : tement de la leishmaniose [73, 74] . Les oxaboroles représentent
une perfusion par jour pendant cinq jours consécutifs et une une nouvelle classe prometteuse dans le traitement des try-
sixième perfusion le 10e jour chez l’enfant et le sujet immuno- panosomoses [41, 46] . Les dérivés alcaloïdes des ␤-carbolines ont
compétent. Chez le sujet immunodéprimé, des doses jusqu’à été identifiés comme ayant une activité antileishmanienne [75]
40 mg/kg sur 10 à 20 jours consécutifs ont été administrées. comparable à l’amphotéricine B et à la pentamidine [76] . La cori-
fungin, un dérivé polyène similaire de l’amphotéricine B, dispose
Risques associés au traitement du statut de médicament orphelin approuvé par la Food and Drug
L’amphotéricine B présente de nombreux effets indésirables Administration dans le traitement de la méningoencéphalite ami-
parfois sévères : signes d’intolérance nécessitant le ralentisse- bienne primitive [45] . Enfin, d’autres composés extraits des plantes
ment de la perfusion ou l’emploi de corticoïdes (fièvre, frissons, semblent démontrer une activité intéressante dans le traitement
hypotension, vertiges, convulsions, choc, etc.), néphrotoxicité de la leishmaniose [77, 78] .
dose-dépendante généralement réversible et toxicité hémato-
logique nécessitant une surveillance rigoureuse des lignées
sanguines [10] . Mieux toléré et plus court, le traitement par ampho- Déclaration d’intérêts : Les auteurs n’ont pas transmis de déclaration de liens
téricine liposomale peut donner lieu, dans de rares cas, à des d’intérêts en relation avec cet article.
réactions anaphylactoïdes. Son usage est surtout limité par son
coût.
 Références
Antibiotiques et antifongiques
De nombreux agents anti-infectieux sont utilisés en seconde [1] ANOFEL Association française des enseignants de parasitologie et
intention ou en association à un agent antiprotozoaire afin d’en mycologie. Parasitoses et mycoses des régions tempérées et tropicales.
Paris: Elsevier Masson; 2013.
potentialiser l’efficacité, de réduire la durée du traitement ou
[2] Knopp S, Steinmann P, Hatz C, Keiser J, Utzinger J. Nematode infec-
encore de limiter l’apparition des résistances. La paromomycine
tions: filariases. Infect Dis Clin North Am 2012;26:359–81.
(Humatin® ) est un aminoside non disponible en France ayant
[3] Knopp S, Steinmann P, Keiser J, Utzinger J. Nematode infections:
une activité dans la leishmaniose, l’amœbose à Entamoeba his- soil-transmitted helminths and trichinella. Infect Dis Clin North Am
tolytica et alléguée mais non prouvée dans la cryptosporidiose de 2012;26:341–58.
l’immunodéprimé. Dans la leishmaniose viscérale, elle est utilisée [4] Del Brutto OH. Diagnostic criteria for neurocysticercosis, revisited.
en association aux dérivés antimoniés à la dose de 12 à 16 mg/kg/j Pathog Glob Health 2012;106:299–304.
pendant 21 jours [52] . Une formulation en gel a été évaluée et [5] Jia TW, Melville S, Utzinger J, King CH, Zhou XN. Soil-transmitted
semble représenter une alternative dans le traitement topique helminth reinfection after drug treatment: a systematic review and
des leishmanioses cutanées [72] . Les macrolides (azithromycine, meta-analysis. Plos Negl Trop Dis 2012;6:e1621.
clarithromycine, spiramycine), la clindamycine, des sulfamides [6] Perlemuter L, Perlemuter G. Guide thérapeutique. Paris: Elsevier Mas-
associés au triméthoprime ou à la pyriméthamine ont montré son; 2012.

8 EMC - Maladies infectieuses


Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)  8-006-G-10

[7] Diav-Citrin O, Schechtman S, Arnon J, Lubart I, Ornoy A. Pregnancy [35] Speich B, Ame SM, Ali SM, Alles R, Hattendorf J, Utzinger
outcome after gestational exposure to mebendazole: a prospective J, et al. Efficacy and safety of nitazoxanide, albendazole, and
controlled cohort study. Am J Obstet Gynecol 2003;188:282–5. nitazoxanide-albendazole against Trichuris trichiura infection: a ran-
[8] Bourée P, Bisaro F. Maladies parasitaires et grossesse. Rev Prat domized controlled trial. PLoS Negl Trop Dis 2012;6:e1685.
2007;57:137–47. [36] Xiao SH, Wu HM, Tanner M, Utzinger J, Wang C, Tribendimidine:.
[9] Merino G, Molina AJ, Garcia JL, Pulido MM, Prieto JG, Alvarez a promising, safe and broad-spectrum anthelmintic agent from China.
AI. Intestinal elimination of albendazole sulfoxide: pharmacokinetic Acta Trop 2005;94:1–14.
effects of inhibitors. Int J Pharm 2003;263:123–32. [37] Xiao SH, Utzinger J, Tanner M, Keiser J, Xue J. Advances with the Chi-
[10] Vital Durand D, Le Jeune C. Guide pratique des médicaments (Dorosz). nese anthelminthic drug tribendimidine in clinical trials and laboratory
Paris: Maloine; 2012. investigations. Acta Trop 2013;126:115–26.
[11] Horton J. Albendazole: a broad spectrum anthelminthic for treatment [38] Keiser J, Utzinger J. The drugs we have and the drugs we need against
of individuals and populations. Curr Opin Infect Dis 2002;15:599–608. major helminth infections. Adv Parasitol 2010;73:197–230.
[12] Horton J. Albendazole: a review of anthelmintic efficacy and safety in [39] Edouard B, Bohand X, Maslin J. Médicaments des infections à pro-
humans. Parasitology 2000;121(Suppl.):S113–32. tozoaires (paludisme exclu). EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
[13] Tom A. Résumé des caractéristiques du produit. Vermox® 500 mg. Maladies infectieuses, 8-006-G-15, 2005.
Laboratoires Janssen Cilag; 2011. [40] Acar J, Petitjean O, Dubreuil L. Le secnidazole, un nouveau 5-nitro-
[14] Simon F, Bohand X. Mébendazole (Vermox® ). Med Trop imidazolé. Antibiotiques 2005;7:177–82.
1998;58:129–30. [41] Mäser M, Wittlin S, Rottmann M, Wenzler T, Kaiser M, Brun R. Anti-
[15] Marcos L, Terashima A, Samalvides F, Alvarez H, Lindo F, Tello parasitic agents: new drugs on the horizon. Curr Opin Pharmacol
R, et al. Thiabendazole for the control of Strongyloides stercoralis 2012;12:562–6.
infection in a hyperendemic area in Peru. Rev Gastroenterol Peru [42] Richard-Lenoble D, Chandenier J, Duong TH. Traitements antipara-
2005;25:341–8. sitaires chez la femme enceinte et chez l’enfant en 2003. Med Trop
[16] Boulliat C, Wolf A, Gaillard K, Oliver M. Le triclabendazole. Med 2003;63:491–7.
Trop 2010;70:341–2. [43] Coilliot C, Rouault M, Wolf A, Boulliat C, Béranger C, Gaillard K, et al.
[17] Couturier F, Hiar I, Hansmann Y, Christmann D. Place du triclaben- Le benznidazole : un des rares traitements de la maladie de Chagas.
dazole dans le traitement des fasciolases hépatiques. Med Mal Infect Med Trop 2011;71:25–7.
1999;29:753–7. [44] Urbina JA. Chemotherapy of Chagas disease. Curr Pharm Des
[18] Tarr PE, Miele PS, Peregoy KS, Smith MA, Neva FA, Lucey DR. Case 2002;8:287–95.
report: rectal administration of ivermectin to a patient with Strongy- [45] Astelbauer F, Walochnik J. Antiprotozoal compounds: state of the art
loides hyperinfection syndrome. Am J Trop Med Hyg 2003;68:453–5. and new developments. Int J Antimicro Ag 2011;38:118–24.
[19] Datry A, Thellier M, Alfa-Cisse O, Danis M, Caumes E. Ivermectin, [46] Buckner FS, Waters NC, Avery VM. Recent highlights in anti-
a broad spectrum antiparasitic drug. Presse Med 2002;31:607–11. protozoan drug development and resistance research. Int J Parasitol
[20] Olson BG, Domachowske JB. Mazzotti reaction after presumptive Drugs Drug Resis 2012;2:230–5.
treatment for schistosomiasis and strongyloidiasis in a Liberian refu- [47] Pearson RD, Weller PF, Guerrant RL. Chemotherapy of parasitic
gee. Pediatr Infect Dis J 2006;25:466–8. diseases. In: Guerrant RL, Walker DH, Weller PF, editors. Tropical
[21] Richard-Lenoble D, al-Qubati Y, Toe L, Pisella PJ, Gaxotte P, al- infectious diseases: principles, pathogens and practice. Philadelphia:
Kohlani A. Human onchocerciasis and “sowda” in the Republic of Elsevier Saunders; 2011. p. 76–94.
Yemen. Bull Acad Natl Med 2001;185:1447–59. [48] Viotti R, Vigliano C, Armenti H, Segura E. Treatment of chronic
[22] Dayan AD. Albendazole, mebendazole and praziquantel. Review Chagas’disease with benznidazole: clinical and serologic evolution of
of non-clinical toxicity and pharmacokinetics. Acta Trop patients with long-term follow-up. Am Heart J 1994;127:151–62.
2003;86:141–59. [49] Divoux E, Szajner S, Le Moal G, Venisse N, Faucher-Grassin J, Dupuis
[23] Olds GR. Administration of praziquantel to pregnant and lactating A. Mise au point sur le traitement de la cryptosporidiose : intérêt du
women. Acta Trop 2003;86:185–95. nitazoxanide. J Pharm Clin 2006;25:197–205.
[24] Urbani C, Albonico M. Anthelminthic drug safety and drug adminis- [50] Stockis A, De Bruyn S, Gengler C, Rosillon D. Nitazoxanide pharma-
tration in the control of soil-transmitted helminthiasis in community cokinetics and tolerability in man during 7 days dosing with 0.5 and
campaigns. Acta Trop 2003;86:215–21. 1 g b.i.d. Int J Clin Pharmacol Ther 2002;40:221–7.
[25] Tracy JW, Webster LT. Médicaments des helminthiases. In: Hardman [51] Carré N, Collot M, Guillard P, Horellou M, Gangneux JP. La leishma-
JG, Limbird LE, Molinoff PB, Ruddon RW, Goodman Gilman A, edi- niose viscérale : Épidémiologie, diagnostic, traitement et prophylaxie.
tors. Les bases pharmacologiques de l’utilisation des médicaments. J Pharm Clin 2010;29:121–48.
New York: McGraw-Hill; 1998. p. 1007–23. [52] Thakur CP, Dedet JP, Narain S, Pratlong F. Leishmania species, drug
[26] Bases de données du Centre national hospitalier d’information sur le unresponsiveness and visceral leishmaniasis in Bihar, India. Trans R
médicament (CNHIM). Thériaque® . www.theriaque.org. Soc Trop Med Hyg 2001;95:187–9.
[27] Florencio MS, Peixoto CA. The effects of diethylcarbamazine on the [53] Gangneux JP. Traitement de la leishmaniose viscérale : modalités
ultrastructure of microfilariae of Wuchereria bancrofti. Parasitology récentes. Presse Med 1999;28:2057–66.
2003;126:551–4. [54] Janvier F. Thérapeutique des leishmanioses. Med Trop 2008;68:584–5.
[28] McLaughlin SI, Radday J, Michel MC, Addiss DG, Beach MJ, Lam- [55] Minodier P, Robert S, Retornaz K, Garnier JM. Leishmaniose infantile :
mie PJ, et al. Frequency, severity, and costs of adverse reactions nouvelles thérapeutiques. Arch Pediatr 2003;10(Suppl. 5):S550–6.
following mass treatment for lymphatic filariasis using diethylcarba- [56] Tracy JW, Webster LT. Médicaments utilisés pour le traitement des
mazine and albendazole in Leogane, Haiti, 2000. Am J Trop Med Hyg infections dues aux protozoaires: trypanosomes, leishmanioses, ami-
2003;68:568–73. biase, trichomonase, et autres infections à protozoaires. In: Hardman
[29] Fennell CW, Lindsey KL, McGaw LJ, Sparg SG, Stafford GI, Elgo- JG, Limbird LE, Molinoff PB, Ruddon RW, Goodman Gilman A, edi-
rashi EE, et al. Assessing African medicinal plants for efficacy and tors. Les bases pharmacologiques de l’utilisation des médicaments.
safety: pharmacological screening and toxicology. J Ethnopharmacol New York: McGraw-Hill; 1998. p. 985–1006.
2004;94:205–17. [57] Chulay JD, Fleckenstein L, Smith DH. Pharmacokinetics of antimony
[30] Muthee JK, Gakuya DW, Mbaria JM, Kareru PG, Mulei CM, Njonge during treatment of visceral leishmaniasis with sodium stibogluconate
FK. Ethnobotanical study of anthelmintic and other medicinal plants or meglumine antimoniate. Trans R Soc Trop Med Hyg 1988;82:69–72.
traditionally used in Loitoktok district of Kenya. J Ethnopharmacol [58] Frézard F, Demicheli C, Ribeiro RR. Pentavalent antimonials: new
2011;135:15–21. perspectives for old drugs. Molecules 2009;14:2317–36.
[31] Bohand X, Aupée O. Nouveautés thérapeutiques dans les traitements [59] US Centers for Disease Control and Prevention. Drugs for parasitic
antihelminthiques. Med Trop 2006;66:329–30. infections. Atlanta, GA: CDC; 2010.
[32] Keiser J, Utzinger J. Artemisinins and synthetic trioxolanes in the treat- [60] Delgado J, Macías J, Pineda JA, Corzo JE, González-Moreno MP, de la
ment of helminth infections. Curr Opin Infect Dis 2007;20:605–12. Rosa R, et al. High frequency of serious side effects from meglumine
[33] Ferrari ML, Coelho PM, Antunes CM, Tavares CA, da Cunha AS. antimoniate given without an upper limit dose for the treatment of vis-
Efficacy of oxamniquine and praziquantel in the treatment of Schisto- ceral leishmaniasis in human immunodeficiency virus type-1-infected
soma mansoni infection: a controlled trial. Bull World Health Organ patients. Am J Trop Med Hyg 1999;61:766–9.
2003;81:190–6. [61] Pépin J, Milord F, Guern C, Mpia B, Ethier L, Mansinsa D. Trial of
[34] Fox LM, Saravolatz LD. Nitazoxanide: a new thiazolide antiparasitic prednisolone for prevention of melarsoprol-induced encephalopathy in
agent. Clin Infect Dis 2005;40:1173–80. gambiense sleeping sickness. Lancet 1989;1:1246–50.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-006-G-10  Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu)

[62] Wolf A, Boulliat C, Coillot C, Rouault M, Gaillard K, Béranger C, [74] Carvalho L, Luque-Ortega JR, López-Martín C, Castanys S, Rivas
et al. Le nifurtimox, molécule en plein devenir dans le traitement de la L, Gamarro F. The 8-aminoquinoline analogue sitamaquine causes
maladie de Chagas. Med Trop 2011;72:131–3. oxidative stress in Leishmania donovani promastigotes by tar-
[63] Mar JJ, Docampo R. Chemotherapy for Chagas’disease: a perspective geting succinate dehydrogenase. Antimicrob Agents Chemother
of current therapy and considerations for future research. Rev Infect 2011;55:4202–10.
Dis 1986;8:884–903. [75] Tonin LT, Panice MR, Nakamura CV, Rocha KJ, Santos AO, Ueda-
[64] Le Loup G, Lescure FX, Develoux M, Pialoux G. Maladie de Chagas : Nakamura T, et al. Antitrypanosomal and antileishmanial activities of
formes cliniques et prise en charge en zone non endémique. Presse novel N-alkyl-(1-phenylsubstituted-beta-carboline)-3-carboxamides.
Med 2009;38:1654–66. Biomed Pharmacother 2010;64:386–9.
[65] Castro JA, de Mecca MM, Bartel LC. Toxic side effects of drugs used [76] Gellis A, Dumètre A, Lanzada G, Hutter S, Ollivier E, Vanelle P,
to treat Chagas’ disease (American trypanosomiasis). Hum Exp Toxicol et al. Preparation and antiprotozoal evaluation of promising b-carboline
2006;25:471–9. alkaloids. Biomed Pharmacother 2012;66:339–47.
[66] Coura JR, de Castro S. A critical review on Chagas disease chemothe- [77] Sen R, Chatterjee M. Plant derived therapeutics for the treatment of
rapy. Mem Inst Oswaldo Cruz 2002;97:3–24. Leishmaniasis. Phytomedicine 2011;18:1056–69.
[67] Louis FJ, Keiser J, Simarro PP, Schmid C, Jannin J. L’éflornithine dans [78] Rocha LG, Almeidab JRGS, Macêdo RO, Barbosa-Filhob JM. A
le traitement de la maladie du sommeil. Med Trop 2003;63:559–63. review of natural products with antileishmanial activity. Phytomedicine
[68] Delespaux V, De Koning HP. Drugs and drug resistance in African 2005;12:514–35.
trypanosomiasis. Drug Resist Updat 2007;10:30–50.
[69] Aronson JK. Suramin. In: Aronson JK, editor. Meyler’s side effects of
drugs: the international encyclopedia of adverse drug reactions and Pour en savoir plus
interactions.. Amsterdam: Elsevier; 2006. p. 3249–54.
[70] Choudhury K, Zander D, Kube M, Reinhardt R, Clos J. Identification Cinquetti G, Massoure MP, Rey P. Traitement des parasitoses digestives
of a Leishmania infantum gene mediating resistance to miltefosine and (amœbose exclue). EMC Maladies infectieuses 2012:10 p [8-518-A-
SbIII. Int J Parasitol 2008;38:1411. 15].
[71] More B, Bhatt H, Kukreja V, Ainapure SS. Miltefosine: great expecta- Carme B, Esterre P. Filarioses. EMC Maladies infectieuses 2012:19 p [8-
tions against visceral leishmaniasis. J Postgrad Med 2003;49:101–3. 514-A-20].
[72] Gonçalves GS, Fernandes AP, Souza RC, Cardoso JE, Oliveira- Dedet JP. Leishmanies, leishmanioses : biologie, clinique et thérapeutique.
Silva F, Maciel FC, et al. Activity of a paromomycin hydrophilic EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-506-A-
formulation for topical treatment of infections by Leishmania (Leish- 10, 2009 : 14 p.
mania) amazonensis and Leishmania (Viannia) braziliensis. Acta Trop Faucher B, Piarroux R. Actualités sur les leishmanioses viscérales. Rev Med
2005;93:161–7. Interne 2011;32:544–51.
[73] Freitas-Junior LH, Chatelain E, Kim HA, Siqueira-Neto JL. Visceral Develoux M, Le Loup G, Lescure FX, Pialoux G. Maladie de Cha-
leishmaniasis treatment: What do we have, what do we need and how gas : une parasitose américaine émergente en Europe. J Anti-Infect
to deliver it? Int J Parasitol Drugs Drug Resis 2012;2:11–9. 2012;14:27–34.

V. Lamand, Assistante des hôpitaux des armées.


Hôpital d’Instruction des Armées du Val de Grâce, boulevard Port-Royal, 75230 Paris cedex 05, France.
S. Spadoni, Assistante des hôpitaux des armées.
Hôpital d’Instruction des Armées Sainte-Anne, BP 600, 83800 Toulon Armées, France.
X. Bohand, Professeur agrégé du Val-de-Grâce, chef de service (xavier.bohand@santarm.fr).
Hôpital d’Instruction des Armées Percy, service de pharmacie hospitalière, 101, avenue Henri-Barbusse, 92141 Clamart cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Lamand V, Spadoni S, Bohand X. Médicaments antiparasitaires (paludisme exclu). EMC - Maladies
infectieuses 2014;11(3):1-10 [Article 8-006-G-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Maladies infectieuses


 8-006-H-10

Chimiothérapie antivirale
D. Desbois, E. Dussaix

Cette dernière décennie, des progrès spectaculaires ont été accomplis dans le traitement des infections
chroniques par le virus de l’immunodéficience humaine et les virus des hépatites B et C. La compréhension
fine des mécanismes de multiplication intracellulaire des virus a permis le développement d’un nombre
important de molécules antivirales à usage clinique. Cependant, la chimiothérapie antivirale se heurte
à plusieurs obstacles. Les virus sont des parasites intracellulaires stricts qui détournent la machinerie
cellulaire pour se multiplier. Les antiviraux, en inhibant la réplication virale, peuvent ainsi perturber le
métabolisme cellulaire, d’où leur fréquente cytotoxicité. De plus, les molécules utilisables chez l’homme par
voie générale n’agissent que sur les virus en phase de multiplication et sont, de ce fait, dénuées d’activité
sur les virus latents. Enfin, les virus possèdent une grande variabilité génétique à l’origine de la sélection de
mutants résistants responsables des échappements virologiques. L’amélioration des connaissances sur les
mécanismes de résistance et le développement d’outils virologiques performants ont permis d’optimiser
le suivi virologique des patients traités et ont contribué au recul des échecs thérapeutiques. Néanmoins,
nous ne possédons pas encore de molécules actives sur un grand nombre de virus et les recherches doivent
être activement poursuivies.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Parasitisme intracellulaire ; Virus ; antiviral ; Cytotoxicité

Plan • la diversité des mécanismes de réplication des virus à ADN et à


ARN qui exige des molécules antivirales adaptées quasiment à
■ Introduction 1 chaque infection virale ;
• enfin, l’existence de vaccins dans un bon nombre d’infections
■ Modes d’action des molécules à activité antivirale 2 virales qui a ralenti le développement des traitements antivi-
Attachement du virus et pénétration à l’intérieur de la cellule cible 2 raux.
Libération du génome viral dans la cellule hôte 3 Du fait de leur toxicité, les premières molécules antivirales ont
Réplication du virus 3 surtout ciblé les infections herpétiques graves comme l’encépha-
Étapes finales de la réplication virale 6 lite herpétique où le rapport bénéfice/risque autorisait la mise sous
■ Résistance 7 traitement. Par la suite, le développement de la chimiothérapie
Concept de résistance 7 antivirale a largement bénéficié de l’avènement des techniques de
Méthodes de recherche des résistances 8 biologique moléculaire qui ont permis, d’une part, de compren-
■ Association d’antiviraux 8 dre le cycle de multiplication virale et d’identifier ainsi des cibles

spécifiques, le plus souvent des enzymes virales et, d’autre part,
Conclusion 9
de développer des techniques de diagnostic, permettant ainsi de
prescrire le plus précocement possible une thérapeutique antivi-
rale adéquate et efficace. Différentes méthodes sont utilisées par
 Introduction l’industrie pharmaceutique pour découvrir de nouvelles molé-
cules à activité antivirale :
Alors que nous disposons vis-à-vis des infections bactériennes • le criblage à l’aveugle, permettant de tester des centaines, voire
d’une gamme étendue d’antibiotiques, nos moyens de lutte contre des milliers de molécules parmi des substances naturelles ou
les infections virales se sont limités pendant longtemps à quelques synthétiques dont on ignore les propriétés pharmacologiques
molécules souvent toxiques et aux indications très limitées. Plu- éventuelles ;
sieurs raisons peuvent expliquer cette situation contrastée : • le criblage orienté, qui consiste à réaliser sur une molécule mère
• les virus sont des parasites intracellulaires stricts qui, pour se des modifications chimiques afin d’en accroître l’activité tout
multiplier, détournent la machinerie cellulaire. Ainsi, la chi- en diminuant sa toxicité ;
miothérapie antivirale, en inhibant la multiplication virale, • la conception par modélisation moléculaire, qui per-
peut perturber le métabolisme cellulaire et s’avérer cytotoxique. met, à partir d’une cible bien définie dont la structure
Si de très nombreuses molécules démontrent une activité virale tridimensionnelle a été établie par cristallographie aux
in vitro, seul un très petit nombre d’entre elles se révèlent uti- rayons X, de concevoir des inhibiteurs spécifiques de cette
lisables chez l’homme ; cible.

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 9 > n◦ 2 > mai 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)57897-X
8-006-H-10  Chimiothérapie antivirale

Lors du développement préclinique d’une molécule antivirale, l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH),
de nombreuses études in vitro et in vivo sont menées. Un bon ces étapes sont précédées de la transcription inverse de l’ARN en
antiviral doit respecter le fonctionnement cellulaire tout en ADN complémentaire (ADNc) qui, par la suite, s’intègre dans le
inhibant la synthèse des constituants viraux. En pratique, cela se génome cellulaire ;
traduit par un index de sélectivité (rapport de la concentration • l’assemblage et la maturation des nouveaux virus ;
cytotoxique à la CI50 ou CI90 , concentration d’antiviral inhibant • la libération, hors de la cellule, des virions néoformés.
50 % ou 90 % de la multiplication virale en culture cellulaire) qui Selon l’étape inhibée, on peut classer les antiviraux en :
doit être le plus élevé possible. La valeur de la CI50/90 d’un antiviral • inhibiteurs d’entrée ;
donné sur un virus varie non seulement avec la méthode utilisée • inhibiteurs de la libération du génome viral ;
pour quantifier la multiplication virale en culture cellulaire, • inhibiteurs d’intégration ;
mais aussi avec le type de cellules et la souche virale utilisés. En • inhibiteurs de la synthèse des acides nucléiques viraux ;
pratique, les CI50/90 doivent être déterminées sur plusieurs types • inhibiteurs de l’assemblage et de la maturation des virions néo-
cellulaires, comprenant des cultures primaires plus représenta- formés ;
tives des cellules de l’organisme, et les souches virales utilisées • inhibiteurs de la libération des virions néoformés (Fig. 1).
doivent être des souches sauvages. L’activité de l’antiviral doit Cette dernière décennie a été particulièrement féconde en
également être étudiée en modèle animal d’infection expérimen- matière de chimiothérapie antivirale. L’infection par le VIH est
tale, suffisamment proche de la physiopathologie de l’infection celle pour laquelle notre arsenal thérapeutique s’est le plus enrichi
humaine naturelle. Enfin, l’antiviral doit être testé quant à son avec plus de 25 molécules disponibles, actives à toutes les étapes
aptitude à sélectionner des mutants résistants in vitro en culture du cycle de réplication. Le traitement des hépatites B et C chro-
cellulaire, en particulier par le nombre de passages requis pour niques a largement bénéficié des progrès réalisés dans le domaine
parvenir à un niveau de résistance significatif. Nous verrons du VIH.
que le risque d’émergence de mutants résistants est un facteur
majeur d’échec thérapeutique. La résistance est liée à la sélection,
lors d’une réplication virale persistante sous traitement, de
quasi-espèces préexistantes à l’instauration du traitement qui
présentent des mutations de résistance au niveau des gènes
“ Point important
cibles. Pour détecter ces mutants résistants, nous disposons de
Les molécules à activité antivirale inhibent une des six
tests génotypiques qui recherchent les mutations associées à la
étapes du cycle de multiplication intracellulaire du virus :
résistance, et de tests phénotypiques qui étudient l’impact de ces
• l’attachement du virus à son ou ses récepteur(s) cellu-
mutations sur la sensibilité du virus aux antiviraux.
laire(s) spécifique(s) ;
• la pénétration du virus dans la cellule cible ;
• la décapsidation et la libération du génome viral ;
“ Point important • la réplication ;
• l’assemblage et la maturation des virions ;
Les obstacles au développement des antiviraux sont : • la libération des virions hors de la cellule cible.
• le parasitisme intracellulaire obligatoire des virus qui
sont dépourvus d’autonomie et doivent donc, pour se
multiplier, utiliser la machinerie cellulaire. La chimio-
thérapie antivirale, en perturbant aussi le métabolisme Attachement du virus et pénétration
cellulaire, est souvent cytotoxique ; à l’intérieur de la cellule cible
• la diversité des mécanismes de réplication des virus à
Les antiviraux possédant ce mécanisme d’action ont été déve-
acide désoxyribonucléique (ADN) et à acide ribonucléique loppés pour lutter contre l’infection par le VIH. L’entrée du
(ARN) qui exige des molécules antivirales adaptées quasi- VIH dans les lymphocytes CD4+ se fait grâce à la glycoprotéine
ment à chaque infection virale ; d’enveloppe du virus, la gp160, constituée de deux sous-unités :
• enfin, l’existence de vaccins dans un bon nombre la gp120 et la gp41, et peut se décomposer en trois étapes [1, 2] :
d’infections virales, qui a ralenti les recherches sur les traite- • liaison de la gp120 au récepteur CD4 situé à la surface de la
ments antiviraux. cellule ;
• modification conformationnelle de la gp120 qui se fixe alors
à un corécepteur, qui est un récepteur de chimiokines : CCR5
ou CXCR4. Le CCR5 est le corécepteur des souches à tropisme
 Modes d’action des molécules macrophagique qui prédominent pendant la phase asympto-
matique. Le CXCR4 est le corécepteur des souches à tropisme
à activité antivirale lymphotrope qui émergent en phase tardive de l’infection ;
• cette liaison démasque la gp 41, qui adopte sa conformation
Aujourd’hui, nous ne disposons d’aucune molécule virucide
fusiogène, s’ancre dans la membrane de la cellule cible et assure
administrable par voie générale. En effet, les produits virucides
l’apposition et la fusion des membranes virales et cellulaires.
altèrent aussi bien les structures cellulaires que les structures
On distingue actuellement deux classes thérapeutiques
virales. Les molécules utilisables in vivo sont actives uniquement
d’inhibiteurs d’entrée du VIH : les inhibiteurs de fusion et les
sur des virus en phase de multiplication et sont, par définition,
antagonistes du CCR5 (Tableau 1).
virostatiques. Le développement de nouveaux antiviraux, sur la
base des interactions cellules-virus, consiste à concevoir des molé-
cules inhibant une ou plusieurs étapes du cycle de multiplication
Inhibiteurs de fusion
intracellulaire du virus qu’il s’agisse de : Une seule molécule appartenant à cette classe thérapeutique
• l’attachement du virus sur des récepteurs de la membrane cel- est commercialisée : l’enfuvirtide ou T20. Cet antirétroviral est
lulaire ; un polypeptide synthétique de 36 acides aminés administré
• la pénétration du virus à l’intérieur de la cellule cible par endo- par voie sous-cutanée, qui, en se liant à la gp41, bloque la
cytose ou fusion ; fusion virus/cellule par inhibition compétitive [3] . Son princi-
• la décapsidation et la libération du génome viral ; pal effet secondaire est local avec des réactions cutanées au
• la réplication qui compte trois phases : la transcription et la tra- site d’injection : douleur, érythème, nodules et prurit. Un excès
duction des protéines virales précoces de régulation, la synthèse d’infections bactériennes, principalement des pneumopathies, a
des acides nucléiques viraux, puis la transcription et la traduc- également été observé chez certains patients traités par cette molé-
tion des protéines virales tardives de structure. Dans le cas de cule. L’émergence de mutants résistants au T20 est rapide et réduit

2 EMC - Maladies infectieuses


Chimiothérapie antivirale  8-006-H-10

Inhibiteurs d´entrée

1. Attachement du virus sur la cellule cible

2. Pénétration du virus à l´intérieur de la cellule cible

Intégration du génome viral


dans le génome cellulaire
Synthèse du génome viral
Inhibiteurs Inhibiteurs de protéase
d´intégration
Inhibiteurs 5. Assemblage et
4. Réplication
de la synthèse maturation des néovirions
des acides nucléiques viraux

Inhibiteurs de protéase
Inhibiteurs de la libération du génome viral

3. Décapsidation et libération du génome viral Synthèse des protéines virales

6. Libération des néovirions


Inhibiteurs de la libération

Figure 1. Étapes du cycle de multiplication intracellulaire des virus inhibés spécifiquement des molécules antivirales.

l’affinité de l’antirétroviral pour sa cible. Cette résistance est asso- tadine, qui possédait le même mécanisme d’action et présentait
ciée à des changements des acides aminés 36 à 45 du domaine de moins d’effets secondaires, n’est plus commercialisée.
fusion de la gp41 [4] . Une seule mutation confère une résistance
complète à la molécule.
Réplication du virus
Antagonistes du CCR5 C’est sur cette étape du cycle viral que la plupart des antiviraux
actuellement commercialisés agissent.
Le premier antagoniste du CCR5 ayant obtenu l’autorisation
de mise sur le marché (AMM) en 2007 est le maraviroc, admi-
nistrable par voie orale. Cette molécule inhibe l’entrée du VIH Inhibiteurs des acides désoxyribonucléiques
dans la cellule par effet allostérique après liaison au corécepteur polymérases
CCR5 [5] . Elle ne peut être utilisée que chez les patients infectés Ces inhibiteurs sont des analogues nucléosidiques ou nucléoti-
par des souches à tropisme R5. Les principaux effets indésirables diques, des analogues de pyrophosphate ou des inhibiteurs non
rapportés avec cet antiviral sont des troubles digestifs et des cépha- nucléosidiques. La plupart agissent sous forme triphosphatée.
lées. Le vicriviroc, un autre inhibiteur de CCR5, est en évaluation.
L’échappement virologique au maraviroc est lié soit à la sélection Analogues nucléosidiques et nucléotidiques
d’une sous-population X4 minoritaire à l’instauration du traite- On différencie les molécules qui doivent être triphosphory-
ment, ce qui représente le cas le plus fréquent, soit à l’émergence lées (analogues nucléosidiques) de celles qui possèdent déjà un
de virus R5 résistants [6] . Les déterminants de la résistance à cette groupement phosphate et qui ne requièrent que deux phospho-
classe thérapeutique ne sont pas encore bien définis. rylations (analogues nucléotidiques). Elles entrent en compétition
avec les nucléosides naturels pour être incorporés dans l’ADN viral
en synthèse, mais, étant dépourvues de groupement hydroxyle en
Libération du génome viral dans la cellule 3 , entraînent l’arrêt prématuré de l’élongation.
hôte De nombreux analogues nucléos(t)idiques ont été dévelop-
pés dans le traitement des infections à Herpesviridae (Tableau 2).
L’amantadine a été le premier antiviral utilisé contre la grippe. L’aciclovir (ACV) est un analogue de la guanosine. La première
Elle est surtout prescrite dans le traitement préventif de la phosphorylation nécessite l’action de la thymidine kinase des
grippe A [7] . Cette molécule inhibe la protéine M2 présente uni- virus herpès simplex de type 1 et 2 (HSV1 et HSV2) et du virus
quement chez les virus grippaux A, d’où son inactivité sur les virus varicelle zona (VZV) ou de la phosphotransférase UL97 du cyto-
grippaux B. La protéine M2 est insérée dans l’enveloppe virale et mégalovirus (CMV). L’ACV est cependant très peu actif sur le
possède une activité de canal ionique. Le virus pénètre dans la CMV. Son affinité pour les kinases virales est 30 à 50 fois plus
cellule cible par endocytose. La protéine M2, par son activité de élevée que vis-à-vis des ADN polymérases cellulaires d’où sa haute
canal à protons, acidifie le contenu de la particule virale et permet spécificité et sa très faible toxicité. L’utilisation de cette molécule
la dissociation des ARN viraux de la matrice. Ceux-ci migrent alors dans l’encéphalite herpétique a transformé le pronostic de cette
vers le noyau où ils sont transcrits et répliqués. L’amantadine, en infection. L’ACV est administré par voie intraveineuse ; pour une
inhibant la protéine M2, inhibe la libération du génome viral. Les administration orale on utilise sa prodrogue, le valACV, ester de
principaux effets secondaires observés avec cette molécule sont la L-valine et de l’ACV. Le ganciclovir (GCV) est un analogue de
neuropsychiatriques : nervosité, vertiges et insomnie. La riman- la guanosine. Il est actif sur tous les Herpesviridae, mais est utilisé

EMC - Maladies infectieuses 3


8-006-H-10  Chimiothérapie antivirale

Tableau 1. Tableau 2.
Antirétroviraux ayant une autorisation de mise sur le marché en France en Principales indications cliniques des antiviraux actifs sur les Herpesviridae
2010. par voie générale. L’aciclovir et sa prodrogue orale, le valaciclovir.
DCI Nom commercial DCI Virus Indications cliniques
Inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse Aciclovir HSV Primo-infection herpétique sévère génitale ou
Zidovudine (AZT) Rétrovir® Zovirax® orale, syndrome de Kaposi-Juliusberg,
méningoencéphalite herpétique, herpès
Didanosine (ddI) Videx®
néonatal, eczéma herpétisé, hépatite herpétique,
Lamivudine (3TC) Epivir® herpès extensif des immunodéprimés, kératites
Emtricitabine (FTC) Emtriva® et kérato-uvéites, herpès génital récurrent
Stavudine (d4 T) Zérit® Prévention des infections extensives chez les
sujets immunodéprimés, des récurrences
Abacavir (ABC) Ziagen®
d’infections oculaires et génitales
Inhibiteurs nucléotidiques de la transcriptase inverse VZV Formes compliquées de varicelle et de zona chez
Ténofovir (TDF) Viread® l’immunocompétent
Varicelle et zona grave chez le sujet
Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse immunodéprimé, varicelle chez la femme
Efavirenz (EFV) Sustiva® enceinte dont l’éruption survient 8 à 10 jours
Névirapine (NVP) Viramune® avant l’accouchement ou en cas de forme
compliquée, varicelle du nouveau-né, formes
Etravirine (ETV) Intelence®
graves de varicelle chez l’enfant de moins de 1 an
Inhibiteurs de la protéase Traitement du zona ophtalmique
Atazanavir (ATV) Reyataz® Valaciclovir HSV Traitement des infections génitales et oculaires
Darunavir (DRV) Prezista® Zelitrex® VZV Prévention des infections génitales, orofaciales
Fosamprénavir (FPV) Telzir® CMV et oculaires récidivantes
Prévention des douleurs et complications
Indinavir (IDV) Crixivan®
oculaires associées au zona
Lopinavir/ritonavir (LPV/RTV) Kaletra® Prévention des infections à CMV après
Nelfinavir (NFV) Viracept® transplantation
Ritonavir (RTV) Norvir®
DCI : dénomination commune internationale ; HSV : herpes simplex virus ;
Saquinavir (SQV) Invirase® VZV : virus varicelle zona ; CMV : cytomégalovirus.
Tipranavir (TPV) Aptivusy
Tableau 3.
Inhibiteur de fusion Principales indications cliniques des antiviraux actifs sur les Herpesviridae
Enfuvirtide (T20) Fuzeon® par voie générale. Le ganciclovir et sa prodrogue orale, le valganciclovir ;
Inhibiteur de CCR5 le foscarnet, le famciclovir et le cidofovir.
Maraviroc (MVC) Celsentri® DCI Virus Indications cliniques
Inhibiteur d’intégrase Ganciclovir CMV Traitement des infections disséminées
Cymévan® rétiniennes, digestives, pulmonaires et
Raltégravir (RGV) Isentress®
encéphaliques
DCI : dénomination commune internationale. Prévention des infections après transplantation
Valganciclovir CMV Traitement d’attaque et traitement d’entretien
essentiellement dans les infections à CMV où il est 40 fois plus Rovalcyte® de la rétinite chez les patients sidéens
actif que l’ACV [8] . La première phosphorylation est assurée par Prévention des infections après transplantation
l’UL97 et les phosphorylations ultérieures sont prises en charge Foscarnet HSV Traitement des infections mucocutanées à HSV
par les kinases cellulaires. Sa principale toxicité est hématologique Foscavir® CMV résistants à l’aciclovir chez les patients
(leuconeutropénie, thrombopénie et anémie). Il est également immunodéprimés
mutagène et tératogène. Sa prodrogue, le valGCV, est adminis- Traitement des infections disséminées
trable par voie orale. Le penciclovir est un analogue acyclique de rétiniennes, digestives, pulmonaires et
la guanosine administré par voie parentérale. Sa prodrogue orale, encéphaliques
le famciclovir, est utilisée dans le zona (Tableau 3). Comme pour Famciclovir VZV Prévention des douleurs et complications
l’ACV, la première phosphorylation est assurée par la thymidine Oravir® oculaires du zona chez l’adulte
kinase des HSV 1 et 2 et du VZV et, de ce fait, cette molécule est immunocompétent de plus de 50 ans
peu toxique. Le cidofovir (CDV) est un analogue nucléotidique
monophosphaté de la cytidine et possède un spectre d’activité Cidofovir HSV Traitement des infections à HSV résistants à
très large vis-à-vis d’un grand nombre de virus à ADN : Herpes- Vistide® CMV l’aciclovir et au foscarnet
Traitement de la rétinite des patients sidéens
viridae, adénovirus, papovavirus, papillomavirus et poxvirus. Son
Traitement des infections à CMV résistants au
activation ne nécessite que deux phosphorylations par des kinases
ganciclovir et au foscarnet
cellulaires. Sa principale toxicité est rénale. La sélection de souches
HSV résistantes aux analogues nucléos(t)iques ne se voit que chez DCI : dénomination commune internationale ; HSV : herpes simplex virus ;
les patients immunodéprimés sous traitement suboptimal par la VZV : virus varicelle zona ; CMV : cytomégalovirus.
conjonction d’une charge virale élevée et de l’absence de défenses
immunitaires. Les souches HSV résistantes sont en majorité des conduisant parfois à l’impasse thérapeutique. Les facteurs favo-
mutants à thymidine kinase déficiente (par délétion ou codon risant l’émergence de résistance sont : un traitement de longue
stop) ou à thymidine kinase altérée (par substitution de nucléo- durée, une charge virale élevée dans le sang et une immunodé-
tide), ne phosphorylant plus l’ACV. L’alternative thérapeutique est pression intense. La diminution de l’immunosuppression peut
alors le foscarnet. Des mutations de résistance peuvent également permettre, dans certains cas, de juguler la réplication virale [10] .
être sélectionnées dans l’ADN polymérase, mais elles sont plus La recherche des souches résistantes est indiquée lorsque la répli-
rares. Il n’existe pas de mutants à ADN polymérase déficient, car cation persiste au-delà de 3 semaines de traitement. Celle-ci est
cette enzyme est indispensable à la réplication virale [9] . La résis- effectuée par un test phénotypique et un test génotypique par
tance du CMV aux antiviraux est un véritable problème chez les séquençage nucléotidique des gènes UL97 (codant pour la phos-
patients immunodéprimés, particulièrement en transplantation, photransférase virale) et UL54 (codant pour l’ADN polymérase

4 EMC - Maladies infectieuses


Chimiothérapie antivirale  8-006-H-10

virale) du CMV. Les résistances au GCV résultent de mutations analogue de la guanosine et la telbivudine un analogue de la
dans les gènes UL54 et UL97. Les mutations de l’UL97 sont les thymidine. L’adéfovir et l’entécavir sont également actifs sur le
premières à apparaître. Le niveau de résistance est variable selon VIH. De ce fait, chez les patients co-infectés VIH/VHB, le choix
les mutations. Si le traitement se prolonge, des mutations secon- du traitement anti-VHB repose sur l’indication ou non d’un trai-
daires peuvent apparaître dans l’UL54 conférant un niveau de tement antirétroviral. S’il n’y a pas d’indication au traitement
résistance plus élevé et le plus souvent une résistance croisée avec anti-VIH à court terme (2 à 3 ans), les médicaments qui présentent
le CDV, voire le foscarnet. Près de 80 % des mutations d’UL97 une double activité anti-VIH et anti-VHB ne doivent pas être uti-
portent au niveau du site catalytique ou sur la région d’interaction lisés. Cette situation est de plus en plus rare. En cas de traitement
avec le GCV. Les mutants UL97 conservent une capacité réplica- VIH associé, il est actuellement proposé d’instituer une multi-
tive comparable à celle des souches sauvages et ne présentent pas thérapie comprenant du TDF associé à la 3TC ou au FTC. Les
de pouvoir pathogène particulier. Les mutations de la polymérase principaux effets secondaires liés à ces molécules sont des troubles
virale UL54 sont très nombreuses, réparties sur tout le gène, et digestifs, neurosensoriels (céphalées) et des troubles du sommeil.
situées dans les domaines conservés de la protéine. Ces mutations L’adéfovir possède une toxicité rénale, sa posologie quotidienne
sont défavorables à la réplication virale [10] . ne doit donc pas dépasser 10 mg/j. Les molécules présentant le
Dans le traitement de l’infection VIH, les inhibiteurs meilleur profil de résistance en première ligne thérapeutique sont
nucléos(t)idiques de la transcriptase inverse (INTI) ont constitué l’entécavir et le TDF. Aucune mutation de résistance n’a été décrite
la première classe d’antirétroviraux commercialisés (Tableau 1). à 4 ans avec le TDF, et le taux de résistance virologique est inférieur
Ils sont actifs contre le VIH-1 et le VIH-2. La zidovudine (AZT) et à 1 % avec l’entécavir à 6 ans. En revanche, le taux de résistance
la stavudine (d4 T) sont des analogues de la thymidine, la lami- génotypique est de 15 % à 20 % par an avec la 3TC, atteignant un
vudine (3TC) un analogue de la cytidine, la didanosine (ddI) plateau autour de 70 % après 5 ans de traitement, et de 5 % à 10 %
un analogue de l’adénosine et l’abacavir un analogue de la gua- par an pour l’adéfovir et la telbivudine [14] .
nine. L’emtricitabine (FTC) est un analogue fluoré en 5 de la
cytosine. Son activité in vitro est cinq fois plus importante sur
le VIH que la 3TC, et il possède une demi-vie intracellulaire et Analogues de pyrophosphate
plasmatique plus élevée. Le ténofovir (TDF) est un nucléotide L’inhibition des ADN polymérases virales peut être effectuée
acyclique de la déoxyadénosine monophosphate, qui ne requiert directement par certaines molécules sans phosphorylation préa-
donc que deux phosphorylations pour être actif. La phosphoryla- lable. C’est le cas du foscarnet (l’acide phosphonoformique
tion du TDF en TDF diphosphate conduit au métabolite actif qui trisodique ou PFA) qui est un analogue de pyrophosphate. Il
inhibe la transcriptase inverse par compétition avec le nucléoside inhibe directement l’ADN polymérase des Herpesviridae en se
déoxyadénosine 5 -triphosphate. La toxicité principale liée à cette fixant sur le site catalytique et bloque ainsi la libération des
classe thérapeutique est la toxicité mitochondriale, conséquence molécules de pyrophosphate [15] (Tableau 2). Ses principaux effets
de l’inhibition non spécifique de l’ADN polymérase ␥ mitochon- secondaires sont une néphrotoxicité tubulaire, une hypocalcémie
driale par ces molécules. Cette toxicité se traduit cliniquement et des ulcérations génitales.
par une asthénie, une fatigabilité musculaire, un amaigrissement Le maribavir, molécule active contre les souches de CMV résis-
et une toxicité d’organe qui diffère selon les molécules : acidose tantes au GCV, au CDV et au PFA, inhibe directement l’UL97 par
lactique (d4 T), neuropathie (d4 T, ddI), pancréatite (d4 T, ddI), blocage de l’incorporation de l’adénosine triphosphate (ATP) dans
myopathie (AZT), lipoatrophie (AZT, d4 T), tubulopathie (TDF) ou le site catalytique de l’enzyme [16] . Cependant, son développement
anémie (AZT). L’utilisation du d4 T a été restreinte en raison de a été arrêté suite à son manque d’efficacité [17] .
ses effets indésirables potentiels graves. En effet, les données de Les molécules actives contre le CMV le sont aussi vis-à-vis de
pharmacovigilance depuis sa commercialisation ainsi que celles l’herpès virus humain 6 (HHV6).
publiées dans la littérature ont permis de mieux caractériser son
profil de sécurité d’emploi, et notamment la survenue d’acidose
lactique, de lipoatrophie et de neuropathie périphérique. Une éva- Analogues non nucléosidiques
luation du bénéfice/risque doit être effectuée pour chaque patient Trois inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse
et une alternative thérapeutique doit être envisagée chaque fois du VIH (INNTI) sont commercialisés : l’efavirenz (EFV) et la névi-
que cela est possible. Le TDF possède aussi une toxicité osseuse rapine (NVP) qui sont des INNTI de première génération et
(ostéoporose). Le principal effet secondaire lié à l’abacavir est l’étravirine ou TMC125, INNTI de deuxième génération actif sur
une réaction d’hypersensibilité (fièvre, éruption cutanée, signes les souches de VIH-1 résistantes aux molécules de première géné-
digestifs, malaise et asthénie intense) observée chez 3 % à 5 % ration (Tableau 1). Ils agissent directement, sans phosphorylation
des patients, en général dans les six premières semaines de traite- préalable, par inhibition non compétitive en se fixant sur une
ment. Des susceptibilités génétiques liées au système HLA ont été petite poche hydrophobe située près du site actif de l’enzyme.
décrites : l’abacavir ne doit pas être administré chez les patients Ce sont des inhibiteurs sélectifs et puissants, inactifs sur le VIH-1
porteurs de l’allèle HLA-B*5701 [11] . Deux mécanismes de résis- de groupe O et le VIH-2. Leurs principaux effets secondaires
tance aux INTI ont été décrits : sont : une intolérance cutanée avec survenue de rashs plus sévères
• l’excision de l’analogue nucléosidique déjà incorporé, par des avec la NVP, des hépatites cytolytiques principalement à la NVP,
mutations appelées TAM (thymidine analog mutations) ; des troubles neuropsychiques (cauchemars, vertiges, insomnie)
• la diminution d’incorporation des nucléos(t)ides artificiels au liés à l’EFV. La délavirdine n’est plus disponible en France. La
profit des nucléotides naturels. rilpivirine ou TMC278, est un INNTI de deuxième génération,
La transcriptase inverse du VIH est un hétérodimère ayant la déjà approuvé aux États-Unis, et qui devrait obtenir l’AMM très
forme d’une main ouverte. Les mutations de résistance peuvent prochainement en Europe pour les patients naïfs de traitement
être localisées au site actif de polymérisation situé au niveau de la antirétroviral ayant une charge virale plasmatique inférieure à
paume, au site de fixation des nucléotides, ou à distance. Certaines 10 000 copies/ml. En effet, sa puissance est moindre que l’EFV sur
mutations sont spécifiques d’un inhibiteur et n’engendrent pas les charges virales élevées, mais ses effets secondaires sont égale-
de résistance croisée (par exemple la K70E pour le TDF), d’autres ment beaucoup moins nombreux. Les mutations de résistance
diminuent la sensibilité du virus à plusieurs INTI (comme les aux INNTI sont sélectionnées au niveau du site de fixation des
TAM et la mutation K65R). Deux profils génotypiques sont res- molécules dans la poche hydrophobe de la transcriptase inverse.
ponsables d’une résistance croisée de haut niveau à tous les INTI : Une seule mutation peut entraîner une résistance de haut niveau
une mutation au codon 151 responsable du phénotype MDR pour et croisée entre les molécules de première génération [18, 19] . Ces
multi-drug resistance [12] , et des insertions de plusieurs acides ami- mutations émergent très rapidement lors d’un schéma thérapeu-
nés entre les codons 69 et 70 [13] . tique suboptimal. L’intérêt des INNTI de deuxième génération
La 3TC et le TDF sont également actifs sur le virus de l’hépatite B est de conserver une activité chez les patients en échec aux
(VHB). D’autres analogues nucléos(t)iques actifs sur le VHB ont composés de première génération. Des mutations de résistances
été développés : l’adéfovir, l’entécavir et la telbivudine. L’adéfovir ont été décrites au TMC125 dont une mutation majeure portant
est un analogue de l’adénosine monophosphate, l’entécavir un sur l’acide aminé 181.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-006-H-10  Chimiothérapie antivirale

Inhibiteurs d’intégrase ou PKR qui inhibe la synthèse des protéines virales, et les pro-
téines Mx impliquées dans la résistance cellulaire à l’infection par
Les molécules de cette classe thérapeutique ont été développées
certains virus [26] . Le spectre d’activité antivirale de l’interféron ␣
pour le traitement de l’infection à VIH. L’intégrase du VIH est une
s’étend théoriquement à tous les virus. La forme actuellement uti-
protéine de 288 acides aminés. Une fois la transcription inverse
lisée en thérapeutique est la forme pégylée, sur laquelle sont fixées
effectuée, elle se fixe à l’ADN VIH linéaire au sein d’un complexe
plusieurs chaînes de polyéthylène glycol. Cette forme galénique
de préintégration et digère les extrémités 3 (activité 3 proces-
a une demi-vie plus importante, les concentrations obtenues sont
sing). L’ensemble passe dans le noyau de la cellule, puis l’intégrase
plus stables et plus prolongées, ce qui permet une injection sous-
insère l’ADN VIH proviral dans l’ADN génomique cellulaire (acti-
cutanée hebdomadaire. L’interféron ␣ est utilisé dans le traitement
vité de transfert de brin). L’ensemble est ensuite réparé par des
de l’hépatite B. Son utilisation est intéressante et de courte durée
enzymes cellulaires et virales. L’intégration de l’ADN proviral dans
chez des patients positifs pour l’antigène HBe présentant des
le génome cellulaire est fondamentale pour la stabilité du génome
facteurs prédictifs de bonne réponse : âge jeune, transaminases
viral, ainsi que pour une expression optimale des gènes viraux. Le
supérieures à trois fois la normale, charge virale inférieure ou
raltégravir, commercialisé depuis 2008, est actuellement l’unique
égale à 7 log10 unités internationales (UI)/ml, infection par une
représentant de cette classe thérapeutique (Tableau 1). C’est un
souche de génotype A ou B [27] . Chez ces patients, le taux de
inhibiteur puissant et sélectif de l’intégrase du VIH qui se fixe sur
rémissions prolongées est d’environ 50 %. L’interféron ␣ est éga-
le complexe de préintégration et bloque ainsi sa fixation sur l’ADN
lement utilisé en association à la ribavirine dans le traitement de
cellulaire [20] . Cette molécule appartient à la famille des inhibi-
l’hépatite C chronique. Le taux de réponses virologiques soute-
teurs sélectifs de transfert de brin. Elle est active également sur
nues (RVS), c’est-à-dire acide ribonucléique du virus de l’hépatite
le VIH-2. Ses principaux effets secondaires sont : digestifs, cuta-
C (ARN VHC), indétectable 6 mois après l’arrêt du traitement, est
nés (rash) et neuropsychiatriques (céphalées, vertige, insomnie,
d’environ 50 % chez les patients infectés par une souche de géno-
rêves anormaux et asthénie). Deux autres inhibiteurs d’intégrase
type 1, et de près de 80 % chez les patients infectés par une souche
sont actuellement en développement : l’elvitégravir et le doluté-
de génotype 2 ou 3. De nombreux facteurs prédictifs de réponse
gravir. Les mutations de résistance au raltégravir sont localisées
au traitement ont été identifiés, liés aussi bien à l’hôte qu’au virus.
essentiellement dans le domaine catalytique de l’enzyme entre les
Très récemment, il a été montré que des polymorphismes géné-
acides aminés 50 et 212. Elles diminuent l’affinité de l’inhibiteur
tiques localisés sur le chromosome 19 en amont du promoteur
qui ne peut plus chélater les ions magnésium indispensables à
de l’IL-28B étaient le facteur le plus prédictif d’une RVS chez les
l’étape de transfert de brin [21] . L’échappement est observé princi-
sujets infectés par une souche de génotype 1 [28] . Dans une popu-
palement lorsque le raltégravir est utilisé dans une combinaison
lation multiethnique, une RVS a été obtenue chez 80 % des sujets
d’antirétroviraux ne comportant aucune autre molécule pleine-
ayant un génotype ML de l’IL-28B. L’allèle C est plus fréquent
ment active. La barrière génétique de cette molécule étant faible,
dans la population caucasienne que dans la population africaine,
une seule mutation induit une résistance complète. De plus, en cas
ce qui explique les moins bons résultats observés dans cette popu-
de réplication résiduelle, les mutations s’accumulent et réduisent
lation. Le gène de l’IL-28B code pour l’interféron ␭. Celui-ci, en
ainsi la possibilité de traitement ultérieur par l’elvitégravir qui
se liant à différents récepteurs, active la voie de signalisation
présente un profil de résistance croisée avec le raltégravir. Le dolu-
JAK/STAT, entraînant l’activation de nombreux gènes impliqués
tégravir présenterait, lui, un profil de résistance différent de ces
dans la réponse antivirale. L’interféron ␣ est également utilisé
deux inhibiteurs.
en monothérapie dans le traitement de l’hépatite C aiguë avec
un taux de RVS supérieur à 90 %. Les patients traités sont ceux
Inhibiteur de l’inosine monophosphate qui n’ont pas éliminé spontanément le virus 2 à 4 mois après
déshydrogénase : la ribavirine l’apparition des symptômes. Les effets secondaires de l’interféron
La ribavirine a un mode d’action complexe. Sa forme active sont très nombreux et parfois sévères : syndrome pseudogrippal,
est la forme monophosphate et sa cible principale est l’inosine asthénie, amaigrissement, troubles du comportement, troubles
monophosphate (IMP) déshydrogénase, qui convertit l’IMP en du sommeil, atteintes neurosensorielles, maladies auto-immunes
xanthine MP, étape cruciale dans la synthèse de guanosine tri- (dysthyroïdies, diabète), cardiovasculaires, rénales (protéinurie et
phosphate (GTP) et de déoxyGTP (dGTP) [22] . L’inhibition de cette syndrome néphrotique), dermatologiques (sécheresse de la peau,
enzyme aboutirait à une déplétion du pool des GTP et des dGTP prurit, rash cutané, eczéma, alopécie), digestives, hépatiques et
et, par conséquence, à un arrêt de la synthèse de l’ADN et des ARN hématologiques (anémie, leucopénie et thrombopénie). Il n’existe
viraux. Elle inhiberait également l’activité des ARN polymérases pas de résistance à l’interféron décrite.
ARN-dépendantes et possèderait une activité mutagène par incor-
poration dans l’ARN viral. Elle est active in vitro, aussi bien contre
les virus à ARN que contre les virus à ADN. Elle est employée
Étapes finales de la réplication virale
sous forme d’aérosol dans le traitement des formes graves de Inhibiteurs de protéase
l’infection à virus respiratoire syncytial du nourrisson [23] . Par voie
orale, elle constitue le traitement des infections chroniques par le Les protéases existent chez un grand nombre de virus et sont
virus de l’hépatite C en association avec l’interféron alpha (␣). caractérisées par leur site catalytique. Elles sont impliquées dans
Ses principaux effets secondaires sont une anémie hémolytique, la maturation des protéines structurales des virions néoformés.
une tératogénicité et une toux sèche évoluant par quintes. La La protéase du VIH appartient à la famille des aspartylpro-
ribavirine est également active contre les virus des fièvres hémor- téases, son site catalytique comprenant deux molécules d’acide
ragiques. Administrée par voie intraveineuse, elle diminue la aspartique. Cette protéine est un homodimère constitué de deux
mortalité de la fièvre de Lassa [24] et de la fièvre hémorragique avec chaînes identiques de 99 acides aminés chacune. Elle clive le pré-
atteinte rénale due au virus Hantaan [25] . curseur polypeptidique gag-pol et individualise ainsi la protéase,
la transcriptase inverse et l’intégrase. Ce clivage est indispen-
sable à la formation de nouveaux virions matures et infectieux.
Inhibiteurs de la traduction des acides
Les inhibiteurs de protéase (IP) ont été développés par modéli-
ribonucléiques messagers viraux sation moléculaire : ce sont des peptidomimétiques qui se lient
L’interféron ␣ est une cytokine produite par les cellules infectées compétitivement sur le site actif de la protéase et inhibent ainsi
qui possède une action antivirale, antiproliférative et immunomo- l’assemblage des néovirions dans la cellule infectée. L’inhibition
dulatrice. Il se fixe spécifiquement à son récepteur situé à la surface de cette étape aboutit à la production de virions défectifs qui sont
des cellules cibles, ce qui déclenche une cascade d’activations alors incapables d’infecter de nouvelles cellules. L’apparition de
intracellulaires, aboutissant, via l’induction des nombreux gènes, cette classe d’antirétroviraux, qui compte aujourd’hui neuf repré-
à la production de multiples effecteurs cellulaires. Les systèmes sentants, a constitué un événement majeur dans la prise en charge
enzymatiques les mieux connus sont : la 2 -5 oligoadénylate syn- thérapeutique des patients infectés par le VIH (Tableau 1). Le rito-
thétase qui active une endoribonucléase L cellulaire dégradant les navir est un potentialisateur pharmacologique (boost) des autres
ARNm viraux, la protéine kinase dépendante des ARN bicaténaires IP. À faible dose, il inhibe les cytochromes P450, ce qui permet

6 EMC - Maladies infectieuses


Chimiothérapie antivirale  8-006-H-10

d’augmenter les concentrations plasmatiques de l’IP associé. Un L’inhibition de cette enzyme a pour conséquence un arrêt de la
autre potentialisateur est actuellement en développement : le diffusion des virus de cellule à cellule. Deux inhibiteurs, actifs
cobicistat. Tous les IP sont métabolisés au niveau hépatique par les contre les virus grippaux A et B, sont disponibles : l’oseltamivir
cytochromes P450, en particulier les isoenzymes 3A et, de ce fait, administré par voie orale et le zanamivir administré par voie
sont à l’origine de nombreuses interactions médicamenteuses. intranasale [34] . Ces deux molécules ont une action curative, mais
Les effets secondaires liés à l’utilisation de cette classe thérapeu- aussi préventive. Elles atténuent les symptômes, réduisent leur
tique sont principalement digestifs, cardiovasculaires (infarctus durée et potentiellement les risques de complication. Le perami-
du myocarde, athérosclérose) et métaboliques (lipodystrophies, vir est un autre inhibiteur de la neuraminidase pour lequel la
hypertriglycéridémie, hypercholestérolémie, insulinorésistance, Food and Drug Administration a autorisé l’utilisation dans des
diabète). D’autres effets secondaires spécifiques de certains IP conditions d’urgence pour le traitement de la grippe A(H1N1)v.
ont été rapportés : hépatiques (augmentation des transami- Ce médicament, réservé à l’usage hospitalier, est utilisé par voie
nases avec le nelfinavir et le tipranavir, hyperbilirubinémie avec injectable. Un nouvel inhibiteur de neuraminidase, le laninami-
l’atazanavir), cutanés (rash avec le fosamprénavir et le nelfina- vir, est actuellement en développement. L’utilisation excessive de
vir), cardiaques (allongement de l’espace QT avec le saquinavir) la rimantadine a vite fait apparaître des résistances liées à la sub-
et rénaux (coliques néphrétiques avec l’indinavir). La résistance stitution d’un seul acide aminé dans la région transmembranaire
aux IP est un phénomène graduel avec accumulation progres- de la protéine M2, qui ont conduit à la retirer du marché. Le
sive de mutations. Elle est liée à des mutations situées, d’une virus pandémique A(H1N1)v était naturellement résistant à cette
part, au niveau du site actif de l’enzyme et, d’autre part, à dis- molécule [35] . Rare jusqu’en 2007, la résistance aux inhibiteurs de
tance de celui-ci. On distingue les mutations primaires, c’est-à-dire neuraminidase a progressivement augmenté, pouvant atteindre
sélectionnées les premières lors d’un échappement virologique au 100 % dans certains pays entre 2008 et 2009. Les mutations sélec-
traitement antirétroviral, très souvent situées au niveau du site tionnées peuvent concerner des acides aminés du site catalytique
actif de l’enzyme, et les mutations secondaires, qui s’accumulent et/ou des acides aminés stabilisateurs de ce site. Celles situées au
et renforcent la résistance. La potentialisation par le ritonavir per- niveau du site actif entraînent une diminution de l’activité enzy-
met d’augmenter la puissance virologique et d’élever la barrière matique, celles sur les acides aminés structuraux une diminution
génétique des IP associés [29] . De nombreuses études montrent de l’affinité du substrat pour le site actif. Plusieurs mutations en
qu’il existe une grande différence entre les IP potentialisés par fonction des différents types et sous-types de neuraminidase ont
le ritonavir et les IP non potentialisés, en termes de fréquence été identifiées. En juin 2010, près de 300 virus A(H1N1)v résis-
de sélection de mutations de résistance chez les patients naïfs tants à l’oseltamivir ont été détectés, caractérisés et notifiés à
d’antirétroviraux. Il est donc recommandé de toujours prescrire l’Organisation mondiale de la santé. La majorité des souches résis-
des IP potentialisés par le ritonavir (IP/r) lors des traitements de tantes a été isolée chez des patients recevant de l’oseltamivir en
première intention. Enfin, plusieurs études ont montré que la curatif. Près d’un tiers de ces patients présentaient une immunodé-
présence de mutations dans le gène gag, au niveau des sites de ficience sévère. Toutes ces souches portaient la mutation H275Y et
clivage ou à proximité, semble conférer une résistance aux IP [10] . conservaient leur sensibilité au zanamivir. Des mutants résistants
L’impact de ces mutations dans le gène gag, chez des virus por- au zanamivir et à l’oseltamivir ont également été décrits avec la
teurs de mutations dans le gène de la protéase, a été évalué dans de sélection de la mutation I223R responsable d’une augmentation
nombreuses études montrant une restauration partielle de la capa- de la CI50 à l’oseltamivir et au zanamivir d’un facteur 45 et 10,
cité réplicative de ces virus mutés [30] . La fréquence de sélection respectivement [36] .
de mutations de résistance dépend aussi de la présence de muta-
tions de résistance aux antirétroviraux associés. En effet, chez des
patients prétraités et naïfs d’IP, la préexistence de certaines muta-
tions sur la transcriptase inverse prédispose à la survenue plus
rapide et plus fréquente de mutations sur la protéase [31] .
“ Point important
La protéase NS3 du VHC possède, dans sa fonction N-terminale,
une activité sérine-protéase. Elle clive la polyprotéine virale et pro- On distingue plusieurs classes thérapeutiques d’antiviraux
duit les protéines virales matures. Dans sa fonction C-terminale, en fonction de l’étape inhibée :
elle possède une activité nucléotidique triphosphatase (NTPase) et • les inhibiteurs d’entrée : les inhibiteurs de fusion et les
ARN hélicase. Cette protéine joue un rôle essentiel dans la répli- antagonistes CCR5 ;
cation du virus. Deux inhibiteurs spécifiques et puissants de cette • les inhibiteurs de la libération du génome viral : les
protéase ont été développés et sont, depuis très récemment, en amantadanes ;
autorisation temporaire d’utilisation : le bocéprévir et le télaprévir. • les inhibiteurs de l’intégrase du VIH ;
Ces deux molécules sont administrées par voie orale en associa- • les inhibiteurs de la réplication comprenant les inhibi-
tion à l’interféron ␣ pégylé et la ribavirine. Elles ne sont pour le
teurs des ADN polymérase virales, les inhibiteurs de l’IMP
moment utilisables que chez les patients infectés par une souche
de génotype 1 n’ayant pas répondu ou ayant rechuté à une bithé- déshydrogénase et les inhibiteurs de la traduction des ARN
rapie antérieure associant l’interféron ␣ à la ribavirine. Le gain messagers viraux ;
observé avec une trithérapie en termes de RVS varie de 27 % à 31 % • les inhibiteurs de l’assemblage et de la maturation des
selon les études [32] . Des effets secondaires ont été rapportés avec virions : les inhibiteurs de protéase ;
ces deux molécules à type de : dysgueusie, prurit, rash cutané et • les inhibiteurs de la libération des virions : les inhibiteurs
anémie [33] . Les seules données de résistance disponibles pour ces de la neuraminidase.
molécules proviennent des différentes études cliniques menées
lors du développement. La probabilité de sélectionner des mutants
est plus élevée en l’absence de réponse virologique (diminution
de la charge virale de moins de 1 log) après 4 semaines de trai-  Résistance
tement. Des mutations majeures de résistance sont sélectionnées
aux acides aminés 36, 54 et 155. Le profil de résistance au télapré- Concept de résistance
vir serait spécifique au sous-type viral 1a ou 1b [32] . L’utilisation
de ces molécules en thérapeutique devrait permettre de mieux La variabilité génétique des virus est très grande et s’explique,
caractériser les mutations de résistance. d’une part, par le taux d’erreurs spontanées des ADN polymérases
virales lors de la transcription du génome qui sont dépourvues
d’activité correctrice et, d’autre part, par la dynamique de la répli-
Inhibiteurs de la neuraminidase cation virale. Cette variabilité est responsable de l’hétérogénéité
La neuraminidase des virus grippaux permet, par son activité des populations virales présentes chez un même individu (quasi-
sialidase, la libération des virions néoformés qui bourgeonnent espèces). La résistance est liée à la sélection, lors d’une réplication
à la surface de la cellule et évite ainsi la formation d’agrégats. virale persistante sous traitement, de quasi-espèces préexistantes à

EMC - Maladies infectieuses 7


8-006-H-10  Chimiothérapie antivirale

l’instauration du traitement qui présentent des mutations de résis- génération à haut débit, notamment le pyroséquençage (ultradeep
tance au niveau des gènes cibles. La sélection des mutants dépend sequencing). L’interprétation des résultats génotypiques a comme
de facteurs pharmacologiques (difficulté d’observance ou interac- objectif, à partir d’une combinaison de mutations, de prédire
tions médicamenteuses), de la puissance du traitement antiviral la réponse virologique à chaque antiviral. Ces tests sont plus
et de la barrière génétique du virus vis-à-vis des différentes molé- largement utilisés que les tests phénotypiques du fait de leurs
cules. Le risque est d’autant plus élevé que la barrière génétique de plus grandes simplicité et rapidité et de leur moindre coût. Des
la molécule est faible. La meilleure prévention de l’apparition de algorithmes remis régulièrement à jour déduisent, à partir du pro-
la résistance consiste à diminuer de façon profonde et durable la fil de mutations présentes, la sensibilité d’une souche vis-à-vis
charge virale. Le suivi virologique des patients traités repose donc d’un antiviral. Ces algorithmes sont élaborés à partir des données
sur la quantification de la charge virale par des tests de polyme- issues des études de corrélation entre le profil de mutations avant
rase chain reaction (PCR) ou de reverse transcriptase-polymerase chain l’instauration d’un traitement chez un patient et la réponse viro-
reaction (RT-PCR) en temps réel pour s’assurer de l’efficacité du trai- logique à celui-ci. La recherche de mutations de résistance peut
tement. Les concentrations résiduelles plasmatiques peuvent être aussi être effectuée grâce à une technique d’hybridation inverse,
mesurées pour certains antiviraux, en particulier les IP et INNTI utilisée pour la détection des mutations de résistance du VHB aux
dans l’infection VIH, ce qui permet de veiller à la bonne obser- analogues nucléotidiques. Les produits de PCR sont hybridés sur
vance et d’adapter, si besoin, les posologies. En cas d’échappement une bandelette de nitrocellulose comportant des sondes oligonu-
virologique, le traitement doit être modifié le plus rapidement cléotidiques spécifiques de mutations connues. Cette technique
possible pour éviter l’accumulation de mutations de résistance. est très sensible et permet de détecter des variants minoritaires.
Cependant, elle ne permet de détecter que des mutations de résis-
tance déjà connues et se pose le problème du polymorphisme au
Méthodes de recherche des résistances niveau des codons impliqués dans la résistance. Les tests géno-
typiques ont désormais une place primordiale dans la prise en
Méthodes phénotypiques charge thérapeutique des patients chroniquement infectés par le
Le phénotype de résistance permet de déterminer les CI50 et VIH et le VHB, et constituent une aide importante au choix du
CI90 du virus cultivé in vitro en présence de concentrations crois- traitement de relais. Dans l’infection VIH, il existe des recom-
santes d’antiviral. Plus la CI50 et/ou la CI90 d’une souche virale mandations nationales sur l’indication des tests génotypiques de
vis-à-vis d’un antiviral est élevée, moins la souche est sensible à résistance :
cette molécule. L’étude du phénotype de résistance est la méthode • primo-infection ou infection récente (moins de 6 mois) ;
de référence pour mesurer l’efficacité des antiviraux, apprécier le • initiation du premier traitement antirétroviral ;
retentissement des mutations sur la réplication de la souche et sa • échec thérapeutique ;
sensibilité aux antiviraux, et enfin étudier les synergies et antago- • décision de changement de traitement.
nismes entre les différents antiviraux. Cependant, l’interprétation
des résultats dépend de la valeur seuil fixée définissant la résis-
tance. La réalisation des tests phénotypiques nécessite l’isolement
préalable du virus en culture cellulaire, l’obtention d’un stock de
virus et de cellules infectées, avec le risque de sélection d’une
“ Point important
souche mieux adaptée à la réplication in vitro. Ces tests sont donc
Les limites de la chimiothérapie antivirale sont :
difficiles à standardiser et ne sont applicables qu’aux virus culti-
• son interférence avec le métabolisme cellulaire, respon-
vables in vitro. Des tests phénotypiques à partir de virus recombi-
nant (RVA) ont été développés pour le VIH afin d’éviter l’isolement sable de sa cytotoxicité ;
du virus en culture cellulaire qui est délicate et qui nécessite un • son incapacité à éradiquer les infections virales latentes ;
laboratoire de haute sécurité L3. La première étape consiste à • l’émergence de mutations de résistance liée à la grande
extraire l’ARN viral du plasma, puis à amplifier les gènes cibles variabilité génétique des virus.
des antirétroviraux par RT-PCR. Les produits d’amplifications sont
ensuite transfectés en cellule eucaryote dans un plasmide conte-
nant le génome du VIH délété de ces gènes cibles et provenant
d’une souche à haute capacité réplicative en cellules MT4 (lignée  Association d’antiviraux
de lymphocytes T humains). Les CI50 et CI90 vis-à-vis de différents
antirétroviraux de ce virus recombinant sont ensuite déterminées. Pour limiter l’émergence de mutants résistants, le traitement de
Cette technique permet de réaliser des tests phénotypiques sur l’infection VIH associe différents antirétroviraux. Il peut s’agir de
des souches difficiles à isoler du plasma, mais a l’inconvénient molécules agissant sur des cibles différentes (associations diver-
de s’adresser à des virus recombinants dans un environnement gentes comme INTI et IP) ou sur la même cible (association
génétique artificiel différent du génome des cellules infectées. convergente comme deux INTI et un INNTI). Le traitement ini-
Cette méthodologie est également appliquée pour prédire le tro- tial associe deux INTI à un troisième agent : un INNTI ou un
pisme R5 ou X4 de souches VIH. Le gène codant la gp120 est IP. De nombreuses options sont validées en termes d’efficacité
amplifié. Les produits d’amplification sont insérés dans des vec- immunovirologique. Pour simplifier le traitement, en diminuant
teurs d’expression de l’enveloppe et transfectés dans cellules CD4+ le nombre de comprimés par prise, des associations galéniques
CCR5+ et CD4+ CXCR4+. Ces tests RVA restent aujourd’hui un fixes ont été développées : AZT + 3TC (Combivir® ), ABC + 3TC
outil de recherche et ne sont pas disponibles en pratique. (Kivexa® ), AZT + 3TC + ABC (Trizivir® ), TDF + FTC (Truvada® ), et
très récemment, une combinaison associant 2 INTI à 1 INNTI :
TDF + FTC + EFV (Atripla® ). Une association galénique compre-
Méthodes génotypiques nant quatre antirétroviraux (TDF + FTC + elvitégravir + cobicistat)
Les tests génotypiques permettent d’analyser les mutations pré- ou Quad est actuellement en phase III. Très prochainement,
sentes dans les gènes cibles des antiviraux. Les gènes cibles sont une combinaison associant TDF + FTC + TMC278 sera disponible.
amplifiés par PCR ou RT-PCR puis séquencés afin d’identifier les Dans le traitement de l’hépatite C, la trithérapie s’est également
mutations connues pour être associées à la résistance, par rap- développée. L’interféron pégylé permet d’obtenir une virosuppres-
port à une séquence de référence. Cette technique permet de sion complète plus rapide et ainsi limite l’émergence de mutations
mettre en évidence les souches mutées lorsqu’elles représentent de résistance aux IP [33] . Quant à la ribavirine, elle permet de
au moins 20 % de la population virale. Des techniques permettant diminuer le taux de rechutes qui est deux fois plus élevé avec la
la détection de variants minoritaires avec une sensibilité de 0,1 % bithérapie interféron pégylé et IP qu’avec la trithérapie [37] . Dans le
à 1 % ont été développées, mais restent pour le moment réservées traitement de l’hépatite B, les pratiques cliniques évoluent dans le
à la recherche : PCR spécifique d’allèle, séquençage de multiples sens d’une addition de plus en plus précoce d’une seconde molé-
clones moléculaires après dilution limite (single genome sequen- cule antivirale en cas de virosuppression insuffisante en tenant
cing), séquençage ultrasensible par des techniques de nouvelle compte des données de résistance croisée [38] .

8 EMC - Maladies infectieuses


Chimiothérapie antivirale  8-006-H-10

[6] Moore JP, Kuritzkes DR. A piece de resistance: how HIV-1 escapes

“ Points forts [7]


small molecule CCR5 inhibitors. Curr Opin HIV AIDS 2009;4:118–24.
Monto AS, Ohmit SE, Hornbuckle K, Pearce CL. Safety and efficacy
of long-term use of rimantadine for prophylaxis of type A influenza in
nursing homes. Antimicrob Agents Chemother 1995;39:2224–8.
• La résistance est liée à la sélection de souches pré- [8] Stals FS, de Clercq E, Bruggeman CA. Comparative activity
existantes à l’instauration du traitement, comportant des of (S)-1-(3-hydroxy-2-phosphonylmethoxypropyl)cytosine and 9-(1,
mutations dans les gènes codant les protéines cibles des 3-dihydroxy-2-propoxymethyl)guanine against rat cytomegalovirus
antiviraux. infection in vitro and in vivo. Antimicrob Agents Chemother
• La sélection de ces souches résistances se fait quand la 1991;35:2262–6.
[9] Morfin F, Thouvenot D. Herpes simplex virus resistance to antiviral
réplication virale persiste sous traitement. Elle dépend de drugs. J Clin Virol 2003;26:29–37.
facteurs pharmacologiques, de la puissance antivirale du [10] Alain S, Cotin S, Hantz S. Résistance du cytomégalovirus aux antivi-
traitement et de la barrière génétique du virus vis-à-vis des raux. Virologie 2009;13:215–22.
molécules utilisées. [11] Mallal S, Nolan D, Witt C, Masel G, Martin AM, Moore C, et al. Asso-
• La meilleure prévention contre l’apparition de résis- ciation between presence of HLA-B*5701. HLA-DR7, and HLA-DQ3
tances est de diminuer de façon durable la charge virale and hypersensitivity to HIV-1 reverse-transcriptase inhibitor abacavir.
Lancet 2002;359:727–32.
qui doit être régulièrement contrôlée par des tests de PCR
[12] Shirasaka T, Kavlick MF, Ueno T, Gao WY, Kojima E, Alcaide ML,
et RT-PCR en temps réel. et al. Emergence of human immunodeficiency virus type 1 variants with
• La recherche de souches résistantes peut se faire par : resistance to multiple dideoxynucleosides in patients receiving therapy
◦ un test phénotypique qui détermine les concen- with dideoxynucleosides. Proc Natl Acad Sci USA 1995;92:2398–402.
trations inhibant de 50 % et 90 % (CI50 et CI90 ) [13] Masquelier B, Race E, Tamalet C, Descamps D, Izopet J,
la multiplication du virus cultivé in vitro en pré- Buffet-Janvresse C, et al. Genotypic and phenotypic resistance pat-
terns of human immunodeficiency virus type 1 variants with insertions
sence de concentrations croissantes d’antiviral. Des
or deletions in the reverse transcriptase (RT): multicenter study of
tests recombinants ont été développés pour éviter patients treated with RT inhibitors. Antimicrob Agents Chemother
l’isolement du virus en culture ; 2001;45:1836–42.
◦ un test génotypique qui détecte les mutations de [14] Trepo C, Zoulim F. Treatment of hepatitis B: new perspectives. Gas-
résistance présentes dans les gènes cibles des anti- troenterol Clin Biol 2009;33:811–7.
viraux par séquençage nucléotidique. [15] Crumpacker CS. Mechanism of action of foscarnet against viral poly-
merases. Am J Med 1992;92:3S–7S.
[16] Trofe J, Pote L, Wade E, Blumberg E, Bloom RD. Maribavir: a novel
antiviral agent with activity against cytomegalovirus. Ann Pharmaco-
ther 2008;42:1447–57.
 Conclusion [17] Dropulic LK, Cohen JI. Update on new antivirals under development
for the treatment of double-stranded DNA virus infections. Clin Phar-
Des progrès considérables en termes d’efficacité, de tolérance macol Ther 2010;88:610–9.
et de simplification de traitement ont été obtenus ces dix der- [18] Richman DD, Havlir D, Corbeil J, Looney D, Ignacio C, Spector SA,
nières années et ont profondément modifié la prise en charge et al. Nevirapine resistance mutations of human immunodeficiency
thérapeutique des infections chroniques. De plus, la compréhen- virus type 1 selected during therapy. J Virol 1994;68:1660–6.
[19] Bacheler LT, Anton ED, Kudish P, Baker D, Bunville J, Krakowski
sion des mécanismes de résistance et l’amélioration constante
K, et al. Human immunodeficiency virus type 1 mutations selected
des outils diagnostiques comme la PCR en temps réel et le
in patients failing efavirenz combination therapy. Antimicrob Agents
séquençage nucléotidique des gènes cibles des antiviraux ont Chemother 2000;44:2475–84.
permis d’améliorer considérablement le suivi virologique des [20] Grinsztejn B, Nguyen BY, Katlama C, Gatell JM, Lazzarin A, Vittecoq
patients. Tous ces progrès ont convergé vers une meilleure tolé- D, et al. Safety and efficacy of the HIV-1 integrase inhibitor raltegravir
rance des traitements, une meilleure observance renforcée par (MK-0518) in treatment-experienced patients with multidrug-resistant
les séances d’éducation thérapeutique, une meilleure efficacité virus: a phase II randomised controlled trial. Lancet 2007;369:1261–9.
et donc au recul des échecs thérapeutiques. Cependant, nous [21] Roquebert B, Marcelin AG, Descamps D, Calvez V. La résistance du
sommes toujours dépourvus d’antiviraux pour traiter des infec- VIH aux inhibiteurs de l’intégrase. Virologie 2009;13:35–42.
tions virales graves comme la rage, la rougeole ou encore la [22] Hofmann WP, Herrmann E, Sarrazin C, Zeuzem S. Ribavirin mode
dengue. De plus, à ce jour, aucune stratégie antivirale n’est capable of action in chronic hepatitis C: from clinical use back to molecular
d’éradiquer les infections latentes à Herpesviridae ainsi que les mechanisms. Liver Int 2008;28:1332–43.
infections chroniques par le VIH et le VHB. L’identification de [23] Smith DW, Frankel LR, Mathers LH, Tang AT, Ariagno RL, Prober CG.
nouvelles cibles thérapeutiques et l’élaboration de nouveaux anti- A controlled trial of aerosolized ribavirin in infants receiving mechani-
viraux sont donc des nécessités. cal ventilation for severe respiratory syncytial virus infection. N Engl
J Med 1991;325:24–9.
[24] Bausch DG, Hadi CM, Khan SH, Lertora JJ. Review of the literature
 Références and proposed guidelines for the use of oral ribavirin as postexposure
prophylaxis for Lassa fever. Clin Infect Dis 2010;51:1435–41.
[25] Safronetz D, Haddock E, Feldmann F, Ebihara H, Feldmann H. In vitro
[1] Rizzuto CD, Wyatt R, Hernandez-Ramos N, Sun Y, Kwong PD, Hen- and in vivo activity of ribavirin against Andes virus infection. PLoS
drickson WA, et al. A conserved HIV gp120 glycoprotein structure One 2011;6:e23560.
involved in chemokine receptor binding. Science 1998;280:1949–53. [26] Pawlotsky JM. Résistance du virus de l’hépatite C aux traitements
[2] Wyatt R, Sodroski J. The HIV-1 envelope glycoproteins: fusogens, antiviraux. Virologie 2000;4:353–9.
antigens, and immunogens. Science 1998;280:1884–8. [27] Janssen HL, van Zonneveld M, Senturk H, Zeuzem S, Akarca US,
[3] Poveda E, Briz V, Soriano V. Enfuvirtide, the first fusion inhibitor to Cakaloglu Y, et al. Pegylated interferon alfa-2b alone or in combination
treat HIV infection. AIDS Rev 2005;7:139–47. with lamivudine for HBeAg-positive chronic hepatitis B: a randomised
[4] Marcelin AG, Reynes J, Yerly S, Ktorza N, Segondy M, Piot JC, et al. trial. Lancet 2005;365:123–9.
Characterization of genotypic determinants in HR-1 and HR-2 gp41 [28] Thompson AJ, Muir AJ, Sulkowski MS, Ge D, Fellay J, Shianna KV,
domains in individuals with persistent HIV viraemia under T-20. AIDS et al. Interleukin-28B polymorphism improves viral kinetics and is
2004;18:1340–2. the strongest pretreatment predictor of sustained virologic response in
[5] Dorr P, Westby M, Dobbs S, Griffin P, Irvine B, Macartney M, genotype 1 hepatitis C virus. Gastroenterology 2010;139:120-9 e18.
et al. Maraviroc (UK-427, 857), a potent, orally bioavailable, and [29] Lichterfeld M, Wohrmann A, Schmeisser N, Fatkenheuer G, Salzberger
selective small-molecule inhibitor of chemokine receptor CCR5 with B, Wyen C, et al. Superior virological efficacy of ritonavir-boosted pro-
broad-spectrum anti-human immunodeficiency virus type 1 activity. tease inhibitor regimens compared to single protease inhibitor therapy.
Antimicrob Agents Chemother 2005;49:4721–32. Eur J Med Res 2003;8:56–60.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-006-H-10  Chimiothérapie antivirale

[30] Nijhuis M, van Maarseveen NM, Lastere S, Schipper P, Coakley E, [38] Zoulim F, Locarnini S. Hepatitis B virus resistance to nucleos(t)ide
Glass B, et al. A novel substrate-based HIV-1 protease inhibitor drug analogues. Gastroenterology 2009; 137:1593-608 e1-2.
resistance mechanism. PLoS Med 2007;4:e36.
[31] Maguire M, Shortino D, Klein A, Harris W, Manohitharajah V, Tisdale
M, et al. Emergence of resistance to protease inhibitor amprenavir in
human immunodeficiency virus type 1-infected patients: selection of
four alternative viral protease genotypes and influence of viral suscep-
tibility to coadministered reverse transcriptase nucleoside inhibitors. Pour en savoir plus
Antimicrob Agents Chemother 2002;46:731–8.
[32] Pawlotsky JM. Update on Investigational HCV Agents. Clinical Care Delaugerre C, Meynard JL, Morand-Joubert L. Guide des résistances au
Options, 2009. cours de l’infection à VIH RESOB’S 2007. France: Elsevier Masson;
[33] Jensen DM. A new era of hepatitis C therapy begins. N Engl J Med 2007.
2011;364:1272–4. Girard PM, Katlama C, Pialoux G. VIH. Paris: Doin; 2007.
[34] Marmier E, Llavador V, Malato L, Roncin L, Fleury HJ. La résistance Lok ASF, McMahon BJ. Chronic Hepatitis B. Update 2009. AASLD practice
du virus de la grippe aux antiviraux : méthodes d’identification. Rev guidelines. Hepatology 2009;50(3):661-2.
Francoph Lab 2010;422:63–8. Pialoux G, Martinez V, Charpentier C. Extraits du e-journal de la 18th CROI.
[35] Townsend MB, Smagala JA, Dawson ED, Deyde V, Gubareva L, La lettre de l’infectiologue. Tome XXVI- Suppl. 1 au n◦ 2, mars-avril
Klimov AI, et al. Detection of adamantane-resistant influenza on a 2011.
microarray. J Clin Virol 2008;42:117–23. Prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH. Recomman-
[36] van der Vries E, Stelma FF, Boucher CA. Emergence of a dations du groupe d’experts. Rapport 2010 sous la direction du Pr
multidrug-resistant pandemic influenza A (H1N1) virus. N Engl J Med Patrick Yéni. Paris: La Documentation Française; 2010.Traitement
2010;363:1381–2. de l’hépatite C et nouvelles molécules. AASLD Boston 29 octobre-2
[37] Hezode C, Forestier N, Dusheiko G, Ferenci P, Pol S, Goeser T, et al. novembre. 2010.www.edimark.fr/ejournaux/AASLD/2010.
Telaprevir and peginterferon with or without ribavirin for chronic HCV Wartelle-Bladou C. Optimisation de la bithérapie pégylée : vers un traitement
infection. N Engl J Med 2009;360:1839–50. à la carte. La lettre de l’Hépato-gastroentérologue 2011; XIV(1).

D. Desbois, Assistant hospitalo-universitaire (delphinedesbois@hotmail.com).


E. Dussaix, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Laboratoire de virologie, Hôpital Paul-Brousse, AP-HP, 12-14, avenue Paul-Vaillant-Couturier, 94804 Villejuif, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Desbois D, Dussaix E. Chimiothérapie antivirale. EMC - Maladies infectieuses 2012;9(2):1-10 [Article
8-006-H-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Maladies infectieuses


 8-006-J-10

Molécules antirétrovirales
F. Caby, C. Katlama

Les traitements antirétroviraux (ARV) ont, au cours de la dernière décennie, profondément changé le
cours de la maladie du virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Actuellement, l’arsenal thérapeu-
tique se compose de six classes médicamenteuses : les inhibiteurs de la transcriptase inverse — avec deux
familles, les analogues nucléosidiques (INTI) et les non nucléosidiques (INNTI) — les inhibiteurs de pro-
téase (IP), les inhibiteurs d’intégrase (INI), les inhibiteurs d’entrée comprenant un inhibiteur de fusion
et un inhibiteur du corécepteur CCR5. Le développement des ARV au cours des dix dernières années a
permis la commercialisation de molécules plus efficaces, mieux tolérées et d’administration plus simple.
Plusieurs éléments caractérisent chaque molécule : sa puissance antirétrovirale, sa tolérance, sa barrière
génétique à la résistance, sa pharmacologie et ses interactions médicamenteuses, fréquentes. En ini-
tiation de traitement, les antirétroviraux sont utilisés en trithérapie comportant l’association de deux
analogues nucléosidiques — essentiellement ténofovir ou abacavir et lamivudine ou emtricitabine et un
troisième agent qui peut être soit un inhibiteur non-nucléosidique de la transcriptase inverse (INTI), soit
un inhibiteur de la protéase (IP) soit un inhibiteur d’intégrase (INI). Actuellement, plusieurs trithérapies
sont disponibles sous forme combinée, c’est à dire permettant une seule prise quotidienne d’un comprimé
unique. Les traitements recommandés permettent un contrôle maximal de la réplication du VIH condui-
sant à l’indétectabilité de la charge virale dans le sang non seulement chez les patients débutant un
traitement ARV, mais aussi pour les patients infectés par des virus résistants à une ou deux classes théra-
peutiques. Cette indétectabilité est le garant de l’absence de développement de résistance virale et de la
réduction de la transmission virale entre individus. Le développement de molécules antirétrovirales doit
se poursuivre compte tenu de la nécessité de maintenir le traitement ARV à vie, en l’absence de possibilité
d’éradication.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Antirétroviraux ; Barrière génétique ; Résistance ; Charge virale ; Effets secondaires

Plan ■ Inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse 5


Caractéristiques de la classe thérapeutique 5
■ Introduction 2 Névirapine (Viramune® ) 5
Éfavirenz (Sustiva® ) 6
■ Inhibiteurs nucléosidiques et nucléotidiques Étravirine (Intelence® ) 6
de la transcriptase inverse (INTI) 3 Rilpivirine (Edurant® ) 6
Caractéristiques de la classe thérapeutique 3
■ Inhibiteurs de protéase 7
Ténofovir (Viread® ) 3
Abacavir (Ziagen® ) 3 Caractéristiques de la classe thérapeutique 7
3TC (lamivudine, Epivir® ) 4 Atazanavir (Reyataz® ) 7
FTC (emtricitabine, Emtriva® ) 4 Darunavir (Prezista® ) 7
AZT (zidovudine, Retrovir® ) 4 Saquinavir (Invirase® ) 7
DdI (didanosine, Videx® ) 5 Lopinavir/ritonavir (Kaletra® ) 8
D4 T (stavudine, Zerit® ) 5 Fosamprénavir (Telzir® ) 8
Indinavir (Crixivan® ) 8
Tipranavir (Aptivus® ) 8
Nelfinavir (Viracept® ) 8

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 10 > n◦ 2 > mai 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(13)57898-7
8-006-J-10  Molécules antirétrovirales

■ Inhibiteurs de fusion 9 Les médicaments ARV inhibent la réplication virale à différentes


Enfuvirtide (Fuzeon® ) 9 étapes du cycle du virus de l’immunodéficience humaine (Fig. 1) ;
■ Inhibiteurs de CCR5 9 ils agissent sur un virus qui se réplique, ne sont pas actifs sur le
Maraviroc (Celsentri® ) 9 virus intégré sous forme d’acide désoxyribonucléique (ADN) pro-
viral dans le génome de la cellule hôte et ne permettent donc pas
■ Inhibiteurs d’intégrase 9
l’éradication du virus.
Caractéristiques de la classe thérapeutique 9
Il existe six classes thérapeutiques définies par leur mécanisme
Raltégravir (Isentress® ) 10
d’action qui passe :
Elvitégravir 10
• soit par l’inhibition d’une enzyme virale :
Dolutégravir 11
◦ inhibiteurs de la transcriptase inverse avec deux familles : les
inhibiteurs nucléostidiques de la transcriptase inverse (INTI)
et les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase
inverse (INNTI) qui empêchent l’action de la transcriptase
inverse, enzyme des rétrovirus permettant la rétrotranscrip-
tion du brin d’acide ribonucléique (ARN) viral en ADN
 Introduction proviral, avant l’étape d’intégration de ce dernier dans
le génome de la cellule hôte. L’incorporation d’analogues
Les traitements antirétroviraux (ARV) ont, au cours de la der- nucléos(t)idiques conduit à l’arrêt de l’élongation de la
nière décennie, profondément changé le cours de l’infection par chaîne d’ADN proviral et donc à l’interruption du cycle de
le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). S’ils furent initiés réplication du VIH.
avec la zidovudine à la fin des années 80, c’est à partir de 1996 que ◦ inhibiteurs d’intégrase (INI) : l’intégrase du VIH permet, en
les combinaisons triples connues sous le terme de « trithérapies » deux étapes, l’intégration de l’ADN VIH dans le génome de
ont permis de réduire de plus de 80 % la mortalité et la morbi- la cellule qu’il infecte,
dité liées à cette infection. Les traitements antirétroviraux ont ◦ inhibiteurs de la protéase (IP), permettant d’empêcher la for-
considérablement évolué dans leur efficacité, leur simplicité (avec mation des protéines du VIH, étape clé de la maturation du
notamment la mise à disposition de formules combinant au sein virus ;
d’un même comprimé trois antirétroviraux), leur tolérance. • soit par le blocage d’un récepteur du VIH situé sur la membrane
La tolérance de ces traitements ARV est un enjeu majeur non plasmique de la cellule hôte : ce sont les inhibiteurs d’entrée,
seulement à court et moyen termes, mais aussi à long terme ils comprennent les inhibiteurs de fusion et les inhibiteurs du
puisqu’en l’absence d’éradication du virus, ceux-ci doivent être corécepteur CCR5.
maintenus définitivement. Le traitement ARV représente un élé- Les ARV sont habituellement utilisés en association – on parle
ment majeur dans les stratégies de contrôle de l’épidémie VIH de traitement combiné ou cART (combined antiretroviral the-
à travers le monde par la réduction drastique de la contagio- rapy) – pour obtenir une puissance antirétrovirale suffisante et
sité qu’ils induisent lorsque la réplication virale plasmatique est réduire le risque d’émergence de souches virales mutées et résis-
contrôlée efficacement. tantes.

Particule VIH Nouvelles Figure 1. Cycle de réplication


gp120 particules VIH du virus de l’immunodéficience
Le VIH se lie humaine (VIH) avec sites d’action
à la cellule hôte des différents antirétroviraux
(ARV). INTI : inhibiteurs nucléo-
sidiques de la transcriptase
inverse ; INNTI : inhibiteurs non
nucléosidiques de la transcriptase
Inhibiteurs
CCR5 inverse, ADN : acide désoxy-
Inhibiteurs ribonucléique ; ARN : acide
de fusion ribonucléique.
NH2

CD4

Bourgeonnement
COOH des particules VIH

ARN viral
ARN viral
3ème étape
Protéase
Inhibiteurs Protéines VIH
1ère étape de protéase
Transcriptase
inverse

INTI, INNTI

2ème étape
ADN viral Intégrase
double brin
Inhibiteurs ADN viral intégré
d’intégrase dans l’ADN de la cellule hôte
ôte

2 EMC - Maladies infectieuses


Molécules antirétrovirales  8-006-J-10

Actuellement, les traitements disponibles dans les pays sans Pharmacocinétique et diffusion
contraintes de ressources permettent le contrôle de la réplication
La demi-vie d’élimination intracellulaire prolongée (plus de
virale chez plus de 90 % des patients sous traitements (données de
50 heures) permet une prise unique quotidienne. L’élimination
la base hospitalière française – French Hospital Database on HIV
a lieu par voie rénale, à la fois par filtration glomérulaire et par
[FHDH]).
sécrétion tubulaire active. Une adaptation de dosage est nécessaire
chez les patients dont la clairance de la créatinine est inférieure
à 50 ml/min.
 Inhibiteurs nucléosidiques Le ténofovir passe mal la barrière hématoencéphalique avec un
score de pénétration dans le liquide céphalo-rachidien (LCR) éva-
et nucléotidiques lué à 1 (score de Charter). Peu d’interactions médicamenteuses
de la transcriptase inverse sont associées à la prescription de ténofovir. La coprescription de
ténofovir et d’atazanavir nécessite cependant d’associer le ritona-
Caractéristiques de la classe thérapeutique vir (100 mg) à l’atazanavir afin d’éviter le risque de concentrations
plasmatiques trop faibles d’atazanavir.
Les inhibiteurs nucléosidiques et nucléotidiques de la transcrip-
tase inverse (INTI) agissent sur les virus VIH-1 et VIH-2. Pour être Mode d’administration et posologie
actifs, ces analogues compétitifs de nucléos(t)ides naturels doivent
Le ténofovir est disponible sous forme de comprimés
être triphosphorylés par des kinases intracellulaires.
soit seul (Viread® ) 300 mg/j soit combiné en un seul
Leur puissance antirétrovirale (cf. glossaire) permet la réduction
comprimé avec l’emtricitabine (Truvada® ) et l’éfavirenz
de la charge virale plasmatique d’environ 0,5 à 1,5 log10 copies/ml
(EFV) (Atripla® ). Récemment, deux nouvelles trithérapies
selon les molécules.
viennent de compléter l’arsenal thérapeutique avec la
Leur barrière génétique à la résistance (cf. glossaire) est faible
combinaison ténofovir/emtricitabine/rilpivine (Eviplera® ) et
pour la lamivudine (3TC) et l’emtricitabine (FTC) avec la sélec-
ténofovir/emtricitabine/cobicistat/elvitégravir (Stribild® ).
tion rapide de mutations conférant une résistance, alors qu’elle
Adaptation nécessaire en cas d’insuffisance rénale ++
est intermédiaire pour les autres INITI (ténofovir [TDF], abaca-
vir [ABC], zidovudine [AZT]). Certaines mutations entraînent une
Effets secondaires spécifiques
résistance d’emblée de haut niveau comme la mutation K65R
pour le ténofovir. D’autres doivent être associées, en géné- Le ténofovir est globalement bien toléré. Deux toxicités sont à
ral par accumulation progressive, pour induire une résistance noter et à rechercher :
phénotypiquement significative. C’est le cas des mutations asso- • une néphrotoxicité en particulier au niveau tubulaire proximal,
ciées aux analogues thymidiniques (cf. glossaire) (TAM) qui en à l’origine de rares syndromes de Fanconi parfois associée à une
s’accumulant finissent par induire une résistance à ces molécules. insuffisance rénale [2] . L’âge et la prise prolongée de ténofovir
Le degré de résistance croisée entre les INTI varie selon les muta- augmentent le risque d’insuffisance rénale ;
tions en cause, mais l’accumulation de ces mutations en augmente • une diminution de la densité minérale osseuse en particulier
toujours le risque. chez les patients à partir de 50 ans. Celle-ci serait liée à une
perte rénale tubulaire de phosphate induisant une résorption
osseuse accrue [3] .
Interactions médicamenteuses
Elles sont peu fréquentes avec cette classe de médicaments. Résistance
En cas de virémie persistante sous ténofovir, la mutation K65R
Tolérance sur le gène de la transcriptase inverse virale peut être sélection-
née, à l’origine d’un haut niveau de résistance à cette molécule.
Les effets indésirables les plus importants pour cette classe sont
L’insertion T69S est responsable elle aussi d’un haut niveau de
liés à la toxicité mitochondriale. En effet, les INTI ne sont pas
résistance au ténofovir, croisée à l’ensemble des INTI. Les résis-
parfaitement spécifiques de la transcriptase inverse du VIH et
tances induites par les analogues thymidiniques telles que M41L,
sont aussi substrats de l’ADN polymérase gamma des mitochon-
E44D, D67 N, T69D/N/S, L74V/I, L210 W, T215Y/F impactent elles
dries. En inhibant cette dernière, l’ADN des mitochondries va
aussi en partie l’activité du ténofovir. Il est à noter que la mutation
se trouver en quantité insuffisante ou muté, ayant pour consé-
Q151 M, responsable d’une résistance à l’ensemble des inhibiteurs
quence une chaîne respiratoire défectueuse, une insuffisance de
nucléosidiques, n’impacte pas l’inhibiteur nucléotidique qu’est le
production d’adénosine triphosphate (ATP) et une orientation du
ténofovir.
métabolisme vers le mode anaérobie. La plupart des complications
observées avec les INTI sont liées à la toxicité mitochondriale :
• le syndrome de lipoatrophie, très stigmatisant, consiste en Abacavir (Ziagen® )
une perte progressive de la graisse périphérique au niveau
des membres, des fesses et du visage avec la caractéristique L’abacavir est un analogue nucléosidique de la didéoxyguano-
fonte des boules de Bichat, conférant aux joues un aspect sine. Il fait partie des INTI recommandés dans le choix d’une
creusé. Au niveau des membres, cette fonte du tissu adipeux première ligne de traitement ARV sauf en cas de charge virale
peut s’accompagner d’une veinomégalie, donnant à l’extrême, préthérapeutique supérieure à 100 000 copies/ml [1] .
l’aspect « d’écorché » ;
• neuropathie périphérique ; Pharmacocinétique et diffusion
• pancréatite ; Sa longue demi-vie d’élimination intracellulaire permet une
• atteintes hématologiques : anémie, leucopénie, thrombopénie. prise unique quotidienne. Son métabolisme est essentiellement
Les analogues thymidiniques (stavudine et zidovudine) et la hépatique. L’abacavir diffuse bien à travers la barrière hématoen-
didanosine sont les plus délétères sur la mitochondrie, et ne sont céphalique, avec un score de Charter (cf. glossaire) évalué à 3.
plus recommandés à ce titre
Mode d’administration et posologie
® L’abacavir est disponible :
Ténofovir (Viread )
• seul, sous forme de comprimés de 300 mg, administré à la poso-
Le ténofovir est un analogue nucléotidique actif sur VIH-1, logie de 300 mg × 2 par jour ;
VIH-2 et sur le virus de l’hépatite B (VHB). Il fait partie des • sous forme combinée avec la lamivudine en un comprimé
INTI préférentiels dans le choix d’une première ligne de traite- unique quotidien (ABC/3TC 600/300 mg, Kivexa® ) ou encore
ment ARV [1] et représente une molécule de premier choix dans le associé à la lamivudine et la zidovudine à la posologie de
traitement de la co-infection VIH-VHB. 1 cp × 2 par jour (ABC/AZT/3TC 300/150/300 mg Trizivir® ).

EMC - Maladies infectieuses 3


8-006-J-10  Molécules antirétrovirales

Il n’est pas nécessaire d’adapter la posologie en cas d’insuffi- co-infection VIH-VHB doivent être prudentes et dans tous les cas
sance rénale ou de dialyse. En cas d’insuffisance hépatocellulaire, un remplacement par une molécule active sur le VHB doit être
l’abacavir est contre-indiqué. envisagé.

Effets secondaires spécifiques


FTC (emtricitabine, Emtriva® )
Syndrome d’hypersensibilité avec malaise général, fièvre, myal-
gies, troubles digestifs, exanthème, toux, pharyngite. Il survient L’emtricitabine est l’énantiomère d’un thioanalogue nucléo-
avec une incidence d’environ 5 %, le plus souvent dans les six sidique de la didéoxycytidine, se distinguant de la lamivudine
premières semaines (11e jour en médiane) rapidement résolutif par la présence d’une molécule de fluor. Sa demi-vie est plus
après l’arrêt de l’abacavir. Ce risque a quasiment pu être annulé en longue. Comme la lamivudine, l’emtricitabine inhibe également
dépistant les patients porteurs de l’allèle HLA B*5701, prédicteur la réplication du virus de l’hépatite B. L’intérêt du FTC, comme le
de la survenue de ce syndrome, et en contre-indiquant la pres- 3TC, réside dans sa bonne tolérance, son profil de résistance, son
cription d’abacavir chez eux. Ainsi, l’abacavir ne doit être prescrit administration en une prise quotidienne. Il est principalement
qu’après vérification de l’absence de portage du groupe tissulaire utilisé sous forme de comprimé combiné TDF/FTC (Truvada® ),
HLA B*5701 (prélèvement sanguin). TDF/FTC/EFV (Atripla® ) TDF/FTC/Rilpivirine (Eviplera® ).
L’abacavir est faiblement inhibiteur de l’ADN polymérase
gamma des mitochondries et donc peu pourvoyeur de toxicité Pharmacocinétique et diffusion
mitochondriale. Le risque accru de survenue d’infarctus du myo-
carde en début de traitement par l’abacavir [4] signalé par une étude La demi-vie d’élimination longue du FTC permet largement une
n’a pas été confirmé [5] . prise unique quotidienne. L’élimination se fait principalement par
voie rénale, par un double mécanisme de filtration glomérulaire
Résistance et de sécrétion tubulaire. La diffusion dans le LCR est relativement
bonne avec un score de Charter estimé à 3.
L’abacavir est résistant en présence de la mutation K65R et en
présence de TAMs (au moins cinq) qui sont surtout sélectionnées
par les analogues thymidiniques que sont la zidovudine et la sta- Mode d’administration et posologie
vudine, ou encore présence de la mutation Q151 M ou d’insertion L’emtricitabine est disponible sous forme de capsules de 200 mg
au codon 69. Les mutations sélectionnées par les analogues thy- ou de solution à la concentration de 10 mg/ml, administré à la
midiniques que sont la zidovudine et la stavudine ainsi que la posologie de 200 mg en une prise unique journalière. Le FTC est
mutation M184V, confèrent également une résistance à l’abacavir surtout utilisé sous forme combinée avec le ténofovir (Truvada® )
lorsqu’au moins cinq d’entre elles sont présentes. ou encore avec le ténofovir et l’éfavirenz (Atripla® ) ou avec téno-
fovir et rilpivirine. En cas d’insuffisance rénale avec une clairance
inférieure à 50 ml/min, une adaptation posologique est à prévoir.
3TC (lamivudine, Epivir® )
La lamivudine est un analogue nucléosidique de la didéoxy- Effets secondaires et surveillance
cytidine, actif sur le VIH-1 et 2 et sur le virus de l’hépatite B
L’emtricitabine est bien tolérée, faible inhibiteur de l’ADN
et représente une molécule de choix dans le traitement de la
polymérase gamma des mitochondries donc peu pourvoyeur
co-infection VIH-VHB. Très proche de l’emtricitabine, ces deux
de toxicité mitochondriale. Une discrète hyperpigmentation des
molécules sont très largement utilisées en association avec le téno-
paumes et des plantes est parfois observée, plus fréquemment
fovir et l’abacavir.
chez les patients africains ou asiatiques et plus souvent chez
l’enfant que chez l’adulte. Les mêmes précautions que celles
Pharmacocinétique et diffusion recommandées pour la lamivudine doivent être observées en cas
La demi-vie d’élimination intracellulaire est de 10 à 15 heures de co-infection VIH-VHB.
et permet une administration en une prise quotidienne.
L’élimination est essentiellement rénale sous forme inchangée. La
diffusion dans le LCR est médiocre (20 %) et le score de Charter est AZT (zidovudine, Retrovir® )
évalué à 2 pour cette molécule. Peu d’interactions sont associées à
La zidovudine, analogue nucléosidique de la thymidine est la
la prise de lamivudine du fait d’un métabolisme principalement
première molécule ARV mise sur le marché, en 1987, et la seule
rénal.
disponible par voie intraveineuse. Encore très utilisée dans le
monde, en particulier dans les pays à ressources limitées compte
Mode d’administration et posologie tenu de son coût modeste, sa toxicité mitochondriale en a limité
La lamivudine est disponible : l’utilisation dans les pays où elle peut être remplacée avantageu-
• seule sous forme de comprimés à 150 ou 300 mg ou en solution sement sur le plan de la tolérance, par le TDF ou l’ABC.
à la concentration de 10 mg/ml. La posologie est de 150 mg × 2
par jour ou 300 mg en une prise unique quotidienne chez Pharmacocinétique et diffusion
l’adulte, ou encore 8 mg/kg/j en deux prises quotidiennes chez
l’enfant. Une adaptation posologique est nécessaire si la clai- L’absorption digestive est de l’ordre de 65 %, non influencée par
rance de la créatinine est inférieure à 50 ml/min ; la prise d’aliments. Sa demi-vie d’environ 4 à 6 heures ne permet
• sous forme combinée avec l’abacavir en un comprimé pas une administration en deux fois par jour.
unique quotidien (ABC/3TC 600/300 mg, Kivexa® ), ou avec Les associations zidovudine-ribavirine sont contre-indiquées du
la zidovudine à la posologie de 1 comprimé × 2 par jour fait d’une inhibition compétitive de la phosphorylation de la zido-
(AZT/3TC 150/300 mg ; Combivir® ) enfin avec l’abacavir et vudine d’une hématotoxicité majeure.
la zidovudine à la posologie de 1 comprimé × 2 par jour La diffusion à travers la barrière hématoencéphalique est bonne
(ABC/AZT/3TC 300/150/300 mg, Trizivir® ). avec un rapport de concentrations LCS/plasma autour de 60 à
75 % et un score de Charter maximal à 4.
Effets secondaires et surveillance
La lamivudine est bien tolérée, faiblement inhibitrice de l’ADN
Mode d’administration et posologie
polymérase gamma mitochondriale et donc peu pourvoyeuse de La zidovudine (Retrovir® ) est disponible :
toxicité mitochondriale. En raison de son activité sur le VHB et du • seule sous forme de comprimés à 300 mg, de gélules à 100 ou
risque de rebond des taux de l’ADN VHB à l’arrêt de la lamivudine 200 mg, de solution à la concentration de 10 mg/ml ou sous
avec le risque d’hépatite aiguë gravissime, les décisions d’arrêt ou forme injectable par voie veineuse. La posologie est de 500 à
de remplacement de cette molécule chez les patients atteints de 600 mg en deux prises par jour chez l’adulte ;

4 EMC - Maladies infectieuses


Molécules antirétrovirales  8-006-J-10

• sous forme combinée avec le 3TC (AZT/3TC, Combivir® pour la névirapine, soit neuropsychiatriques et métaboliques pour
300/150 mg) à la posologie de un comprimé deux fois l’éfavirenz. Les INNTI de seconde génération – étravirine et ril-
par jour ou zidovudine + lamivudine + abacavir (Trizivir® pivirine – offrent un meilleur profil de tolérance. L’ensemble de
300/150/300 mg) moins utilisée actuellement. la classe n’a pas d’action sur l’ADN polymérase gamma des
Tout comme la zidovudine, ces combinaisons ne sont plus mitochondries et ne sont donc pas à l’origine de toxicité mito-
recommandées en première intention. chondriale.

Effets secondaires spécifiques


Névirapine (Viramune® )
Effets secondaires précoces : anémie macrocytaire, neutropénie,
céphalées (30 %), nausées (30 %), asthénie (20 %), diarrhée (10 %). Largement utilisée dans les pays à ressources limitées, la névi-
Il faut éviter l’association avec des médicaments hématotoxiques. rapine (NVP) n’est plus recommandée en France en première
Effets secondaires à moyen et long termes liés à la toxicité intention du fait de sa toxicité initiale cutanée et hépatique.
mitochondriale : lipodystrophie, myalgies voire myopathie avec
élévation des créatines phosphokinase (CPK), neuropathie, car- Pharmacocinétique et diffusion
diomyopathie, acidose lactique plus rare qu’avec stavudine.
Autres effets secondaires à moyen et long termes : hyperpig- La névirapine auto-induit son métabolisme auprès du cyto-
mentation unguéale et de la muqueuse orale, liée à des dépôts chrome P450 3A4, ce qui entraîne une diminution de sa demi-vie
progressifs de mélanine, troubles de l’humeur et du sommeil. d’élimination de 45 heures à 23 heures après deux semaines
de traitement, justifiant une augmentation de dose après les
14 premiers jours. Le métabolisme est donc principalement hépa-
DdI (didanosine, Videx® ) tique, impliquant le système du cytochrome P450. La rifampicine
peut, en revanche, entraîner une diminution des concentrations
La didanosine est un analogue de la didéoxyinosine, il n’est de névirapine dans le plasma et le fluconazole les augmenter, ce
quasiment plus utilisé du fait d’une trop grande toxicité mito- qui rend ces associations déconseillées.
chondriale à l’origine notamment de pancréatites pouvant être La névirapine diffuse bien d’une part à travers la barrière héma-
fatales et de neuropathies périphériques invalidantes, sécheresse toencéphalique (45 %) avec un score de Charter optimal, estimé
de la peau, troubles digestifs. à 4, d’autre part à travers la barrière hématoplacentaire, justifiant
son utilisation large pour la prévention de la transmission mère-
Résistance enfant dans les pays à ressources limitées.
Le ddI peut sélectionner la mutation L74V qui diminue l’activité
de l’abacavir et de la lamivudine et la M184V est responsable d’une Mode d’administration et posologie
résistance à la lamivudine et l’emtricitabine ou des TAMs.
La névirapine est disponible sous forme de comprimés de
200 mg ou de solution à la concentration de 10 mg/ml. Chez
D4 T (stavudine, Zerit® ) l’adulte, la posologie est de 200 mg par jour les 14 premiers jours
puis de 200 mg × 2 par jour ensuite. La névirapine existe sous
La stavudine est un analogue nucléosidique de la thymi- forme générique combinée, en association à la lamivudine et la
dine (INTI), qui ne doit plus être utilisée du fait d’une toxicité stavudine ou à l’AZT, dans les pays à ressources limitées.
mitochondriale responsable de neuropathie périphérique, de pan- Aucune adaptation posologique n’est nécessaire en cas
créatite aiguë, de cytolyse et de lipoatrophie. d’insuffisance rénale.

Effets secondaires spécifiques


 Inhibiteurs non nucléosidiques L’effet indésirable le plus fréquent est l’exanthème (20 %),
de la transcriptase inverse survenant essentiellement dans les six premières semaines de
traitement. Ces éruptions sont habituellement sans gravité
Caractéristiques de la classe thérapeutique s’estompant spontanément malgré la poursuite du traitement.
Cependant, des atteintes particulièrement graves sont possibles
Les inhibiteurs non nucléosidiques de la transcriptase inverse (DRESS syndrome, syndromes de Stevens-Johnson ou de Lyell).
(INNTI) sont des inhibiteurs puissants et spécifiques de la trans- Des hépatites cytolytiques exceptionnellement fulminantes
criptase inverse du VIH. Ils sont inactifs sur le VIH-2 et les VIH-1 sont possibles dans les six premières semaines de traitement. Ce
du groupe O. Ils agissent sur le VIH-1 de façon non compétitive, en risque est plus important lorsque les CD4 sont élevés. Ainsi, chez
se fixant directement à proximité du site catalytique de l’enzyme, les patients débutant un traitement, faut-il limiter l’instauration
au sein d’une poche hydrophobe. Il en résulte une perte de la flexi- de la névirapine aux femmes ayant moins de 250 CD4/mm3 et aux
bilité de la transcriptase, altérant sa capacité à synthétiser l’ADN hommes ayant moins de 400 CD4/mm3 .
lors de l’étape de rétrotranscription du brin d’ARN viral en ADN Toute manifestation générale d’hypersensibilité telle que la
proviral. survenue de fièvre avec sensation de malaise justifie l’arrêt du
Ce sont de puissants antirétroviraux entraînant une réduction traitement.
de la charge virale plasmatique d’environ 1 à 1,5 log10 copies/ml. Le profil métabolique de la névirapine et sa tolérance neuro-
La barrière génétique des INNTI (nevirapine, éfavirenz, rilpivi- psychiatrique sont meilleurs que celui de l’éfavirenz. Le profil
rine) est basse, induisant la sélection très rapide de mutations de lipidique de cette molécule est l’un des meilleurs dans l’arsenal
haut niveau de résistance en cas de réplication persistante sous thérapeutique antirétroviral actuel [6, 7] .
INNTI. L’étravirine (ETV) a une barrière génétique plus élevée. L’absence de tératogénicité justifie que la névirapine soit l’une
des molécules prescrites en première intention pour la prévention
Interactions médicamenteuses de la transmission de la mère à l’enfant (TME) dans les pays où il
Les INNTI, métabolisés par certains isoenzymes du système du n’existe pas d’alternative. En revanche, dans cette indication, elle
cytochrome P450, en particulier CYP3A4, peuvent en être à la ne doit plus jamais être utilisée en monothérapie compte tenu de
fois inducteurs ou inhibiteurs entraînant parfois des modifica- la sélection de mutations de résistance rapide et durable qu’elle
tions importantes des concentrations des molecules qui lui sont induit chez la mère et l’enfant.
combinées.
Surveillance spécifique
Tolérance Une vigilance toute particulière doit être réservée pour dépister
Les INNTI de première génération induisent des effets secon- l’apparition de signes cutanés. Le patient doit être prévenu des
daires habituellement précoces, liés soit à une hypersensibilité effets secondaires potentiels du traitement.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-006-J-10  Molécules antirétrovirales

Les transaminases doivent être contrôlées tous les 14 jours pen-


dant les deux premiers mois de traitement, le troisième mois, puis
Étravirine (Intelence® )
tous les six mois. L’étravirine est le premier INNTI de deuxième génération récem-
ment commercialisé.
Résistance Son avantage principal est une meilleure tolérance que
l’éfavirenz ou la névirapine avec en particulier l’absence de
Une réplication persistante sous névirapine entraîne très rapi-
troubles neurologiques.
dement des mutations de haut niveau de résistance croisée à
l’éfavirenz, à la rilpivirine. Les mutations les plus fréquentes
sont K103H/N/S/T, Y181 C/I, Y188 C/H/l, G190A/C/E/Q/S/T/V. Pharmacocinétique et diffusion
Les mutations situées au codon 103 et 188 ne réduisent pas la
sensibilité à l’étravirine. L’absorption digestive est bonne, majorée par la prise alimen-
taire. L’étravirine est métabolisé par les cytochromes CYP450 3A4
et CYP2 C. Sa demi-vie d’élimination est longue de l’ordre de 30
Éfavirenz (Sustiva® ) à 40 heures.

C’est le plus utilisé des INNTI soit sous forme seule


(Sustiva® 600 mg) soit sous forme combinée avec le ténofovir et Mode d’administration et posologie
l’emtricitabine (Atripla® 600/300/200 mg) très largement utilisé L’étravirine est disponible sous forme de comprimés à 100 mg et
dans le monde en initiation de traitement. 200 mg, dispersibles dans l’eau. La posologie est de 200 mg × 2 par
jour. L’administration en une prise quotidienne est possible.
Pharmacocinétique et diffusion
La demi-vie d’élimination de l’éfavirenz de 52 à 76 h, diminuant Effets secondaires spécifiques
à 40 à 55 h après induction de son propre métabolisme, permet
une prise unique quotidienne. Son métabolisme est hépatique via La survenue d’un exanthème habituellement modéré, s’observe
le système du cytochrome P450, sa diffusion à travers la barrière chez environ 10 % des patients. Elle impose rarement l’arrêt du
hématoencéphalique est intermédiaire avec un score de Charter à traitement. De très rares cas d’éruption sévère avec épidermolyse
3 pour cette molécule. Toute molécule métabolisée par le système ou de DRESS-syndrome ont été rapportés, renforçant les précau-
du CYP 450 est susceptible d’interagir avec l’éfavirenz qui peut être tions de surveillance nécessaires à l’initiation du traitement. Fait
à la fois inhibiteur ou inducteur des iso-enzymes de ce système. important, il n’a pas été rapporté à ce jour d’intolérance cutanée
croisée avec la névirapine ou l’éfavirenz.
L’excellente tolérance neuropsychiatrique et métabolique de
Mode d’administration et posologie l’étravirine en fait une molécule potentiellement intéressante
L’éfavirenz est utilisé : chez les patients ayant des troubles cardio-vasculaires et lipi-
• seul, sous forme de comprimé à 600 mg (Sustiva® ) à la posologie diques.
journalière d’un comprimé, à prendre le soir ; Des hépatites cytolytiques ont été décrites chez les patients co-
• ou sous forme combinée avec le ténofovir et l’emtricitabine infectés par le virus de l’hépatite C ou B.
(Atripla® ) à raison d’un comprimé par jour.

Effets secondaires spécifiques Rilpivirine (Edurant® )


Troubles neuropsychiatriques (50 %) La rilpivirine (TMC278) est le second des INNTI de seconde
Troubles du sommeil avec rêves ou cauchemars, insomnie ou génération, en cours de développement. Son développement cible
hypersomnie, sensation d’ébriété, vertiges, troubles de la concen- essentiellement l’initiation du traitement ARV en particulier sous
tration voire hallucinations. Ces troubles surviennent chez une forme combinée en association avec emtricitabine/ténofovir en
majorité de patients qu’il est important de prévenir avant toute 1 comprimé unique journalier (Eviplera® ).
prise, et s’estompent en 8 à 10 jours. Lorsqu’ils persistent au-delà
d’un mois, ils doivent faire considérer l’arrêt du traitement et
éventuellement le remplacement par la rilpivirine. À plus long Pharmacocinétique
terme, des syndromes dépressifs liés à un traitement par éfavirenz L’absorption de la rilpivirine par voie orale est bonne, majo-
ont été décrits. rée par la prise d’un repas. Le métabolisme est hépatique et passe
par le cytochrome CYP3A4, à l’origine d’interactions médica-
Troubles cutanés (25 %)
menteuses en cas de co-administration de molécules ayant le
À type d’exanthème. Le plus souvent modéré et d’évolution même métabolisme. La prise d’inhibiteur de la pompe à pro-
spontanément résolutive sans nécessiter d’arrêt du traitement. tons ou d’antihistaminiques de type H2 entraînerait une baisse
Le risque d’exanthème sous éfavirenz est plus important en cas des concentrations plasmatiques de rilpivirine de 40 et 75 % res-
d’intolérance cutanée préalable à la névirapine. Toute aggravation pectivement, nécessitant une prise décalée d’au moins 12 h de
ou persistance des troubles doit conduire à l’arrêt de l’éfavirenz. celle de la rilpivirine.
Hépatotoxicité (1 à 8 %)
Dans un contexte d’hypersensibilité à la molécule ou plus tar- Mode d’administration et posologie
divement. Ces hépatites sont en règle générale plus rares et moins
graves que sous névirapine. La rilpivirine est disponible sous forme de comprimés de 25 mg
(Edurant® ) et doit être administrée à la posologie de 25 mg en
Dyslipidémie une prise journalière ou sous forme combinée avec TDF/FTC/RPV
Avec une augmentation des taux plasmatiques de cholestérol (Eviplera® ).
total, low density lipoprotein (LDL) et high density lipoprotein (HDL)
cholestérol et des triglycérides.
Effets secondaires spécifiques
Tératogénicité Dans les essais de phase III ECHO et THRIVE, la rilpivirine était
L’ éfavirenz est contre-indiqué pendant la grossesse du fait d’une mieux tolérée que l’éfavirenz avec moins d’effets indésirables
tératogénicité décrite chez le primate et chez l’homme, respon- neurologiques, psychiatriques et cutanés, aboutissant à moins
sable en particulier de d’anomalies de la fermeture du tube au d’arrêts [9, 10] . Dans les études de phase II, des doses testées de 50 et
cours du premier mois. Il est donc préférable de choisir un traite- 75 mg n’ont pas été retenues compte tenu d’un signal de toxicité
ment sans efavirenz chez les femmes en age de procérer [8] . possible en relation avec un allongement de l’espace QT à l’ECG.

6 EMC - Maladies infectieuses


Molécules antirétrovirales  8-006-J-10

 Inhibiteurs de protéase d’atazanavir 6,7 fois plus élevée que celle de l’atazanavir (400 mg)
sans ritonavir. Il pénètre mal dans le liquide céphalorachidien
Caractéristiques de la classe thérapeutique (score de Charter à 2).
Outre les interactions habituelles des IP, la concentration de
Les IP agissent au niveau du processus d’assemblage des pro- l’atazanavir est diminuée en présence de ténofovir (non significa-
téines virales nouvellement synthétisées en inhibant l’action de tivement si l’atazanavir est utilisé en association avec le ritonavir)
la protéase. Celle-ci permet de cliver les produits des gènes gag et en présence d’inhibiteurs de la pompe à protons.
(codant les protéines du core, de la matrice, de la capside et de
la nucléocapside) et pol (codant la polymérase, la transcriptase Mode d’administration et posologie
inverse et l’intégrase virales). La plupart des IP sont des peptido- L’atazanavir est disponible sous forme de gélules de 150, 200 et
mimétiques se liant compétitivement au site actif de la protéase. 300 mg. Il est administré une fois par jour à la dose de 300 mg asso-
L’inhibition de la protéase virale conduit à la production de cié au ritonavir (100 mg). L’atazanavir doit être ingéré pendant les
virions défectifs, incapables d’infecter de nouvelles cellules. repas.
Les IP sont de puissants antirétroviraux actifs sur le VIH-1 et le
VIH-2, induisant une réduction de charge virale plasmatique de Effets secondaires spécifiques
l’ordre de 1,5 à 2 log10 copies/ml.
Les IP sont métabolisés par les enzymes du cytochrome P450, en Le principal effet secondaire est l’hyperbilirubinémie libre,
particulier CYP3A4 dont ils peuvent en être inducteurs ou inhibi- presque constante, parfois associée à un ictère (7 %), réversible
teurs. Il en résulte des interactions médicamenteuses fréquentes à l’arrêt du traitement. Cette anomalie est liée à l’inhibition de
d’une part avec les antirétroviraux associés, mais aussi avec la glycuroconjugaison de la bilirubine. Cette hyperbilirubinémie
d’autres classes médicamenteuses. L’effet inhibiteur très puissant est habituellement associée à une concentration plasmatique éle-
du ritonavir sur le CYP3A4 est mis à profit pour améliorer la bio- vée de la molécule pour laquelle un ajustement de dose peut être
disponibilité de la plupart des IP. Ainsi, une dose faible de ritonavir proposé. L’atazanavir entraîne moins d’augmentation du LDL-
(100 mg) qui accompagne la prise d’un IP permet d’augmenter la cholestérol et des triglycérides que les autres IP. Cet avantage est
concentration plasmatique de celui-ci et par conséquent de dimi- conservé en cas d’association à de petites doses de ritonavir.
nuer les doses unitaires de l’IP administré et même son nombre
de prises journalières : on parle « d’IP boosté » par le ritonavir.
Les IP sont caractérisés par une barrière génétique à la résis-
Darunavir (Prezista® )
tance élevée. Ainsi lorsque la réplication n’est pas complètement Le darunavir, dernier-né de la classe thérapeutique des IP,
inhibée, la sélection de mutations est progressive et plusieurs est une molécule non peptidique conçue structurellement pour
mutations sont habituellement nécessaires pour impacter signi- contourner les résistances aux IP couramment utilisés jusqu’alors.
ficativement l’efficacité d’un IP. Ces mutations sont situées au In vitro, les IC50 restent basses (< 10 nmol/l) sur des souches
niveau ou à distance du site de fixation du substrat et conduisent virales multirésistantes aux autres IP.
à une diminution de l’affinité de l’IP pour la protéase. Quelques
mutations sont spécifiques de certains inhibiteurs, cependant il Pharmacocinétique et diffusion
existe un degré de résistance croisée entre les différentes molécules
de cette classe, d’autant plus large que le nombre de mutations La biodisponibilité du darunavir est de 82 % en présence de rito-
accumulées est important. navir, majorée de 30 % en cas d’administration avec un repas. Sa
Les IP présentent des effets secondaires communs et assez fré- demi-vie d’élimination plasmatique est de 15 heures en présence
quents : de ritonavir justifiant une administration uniquotidienne.
• digestifs : ballonnement abdominal, diarrhée et plus généra- La pénétration du darunavir dans le système nerveux central
lement inconfort digestif. Ces effets, très fréquents avec les est relativement bonne, avec un score de Charter évalué à 3 pour
premières générations d’IP, sont devenus plus rares avec les plus cette molécule.
récents (atazanavir, darunavir) ;
• les troubles métaboliques sont observés chez plus d’un tiers Mode d’administration et posologie
des patients sous IP et peuvent consister en une hypercho- Le darunavir (Prézista® ) est disponible sous forme de comprimés
lestérolémie, une hypertriglycéridémie et une intolérance au dosés à 600 mg et 400 mg chez l’adulte. Il est administré :
glucose (voire diabète avéré). Leur prévalence est variable selon • soit à la dose de 800 mg (2 cp) une fois par jour, en associa-
les IP, moins élevée avec l’atazanavir qu’avec le lopinavir. Par tion avec ritonavir 100 mg, chez les patients naïfs de traitement
ailleurs les IP augmentent le risque cardiovasculaire de façon ARV ;
proportionnelle à la durée d’exposition à cette classe, indépen- • soit à la dose de 600 mg deux fois par jour en association avec
damment de leur impact lipidique [5] ; ritonavir 100 mg matin et soir, chez les patients prétraités, en
• modification de la répartition des graisses : avec lipohy- particulier en cas de mutations sur le gène de la protéase préa-
pertrophie consistant en une accumulation de graisse sous lablement archivées.
mentonnière (double menton), cervicodorsale (aspect en Le darunavir doit être administré avec prudence en cas
« bosse de bison »), au niveau des seins, adiposité périviscérale d’insuffisance hépatocellulaire. Aucune adaptation des doses n’est
intra-abdominale. nécessaire en cas d’insuffisance rénale modérée.

Effets secondaires spécifiques


Atazanavir (Reyataz® )
Pas d’effet secondaire autre que les effets de classe en dehors de
L’atazanavir est un IP de deuxième génération parmi les plus la survenue possible d’un exanthème dans les premières semaines
utilisés compte tenu de son efficacité, de sa simplicité de prise en de traitement, souvent modéré et ne nécessitant pas l’arrêt du
une fois par jour, de la possibilité de l’utiliser boosté par le ritona- traitement.
vir (le plus souvent), mais aussi « déboosté », sans ritonavir, chez
des patients en succès thérapeutique et lorsqu’il est en associa-
tion avec abacavir-emtricitabine. Enfin, au sein de la classe des IP, Saquinavir (Invirase® )
l’atazanavir dispose d’un profil métabolique moins défavorable.
Premier IP commercialisé en 1995, son utilisation, comme celle
des autres IP de première génération, s’est réduite actuellement
Pharmacocinétique et diffusion malgré un excellent profil métabolique et un coût relativement
L’atazanavir est rapidement absorbé. Sa demi-vie d’élimination modéré pour la classe. Sa présentation a évolué et depuis 2006, il
est de 6,5 heures, permettant l’administration en une fois par est maintenant disponible sous forme d’Invirase® 500 mg prescrit
jour. La coadministration de ritonavir (100 mg) et d’atazanavir à la dose de 2 comprimés pelliculés deux fois par jour, associés au
(300 mg) permet d’obtenir une concentration minimale (Cmin) ritonavir (100 mg × 2 /jour) [11, 12] .

EMC - Maladies infectieuses 7


8-006-J-10  Molécules antirétrovirales

Mode d’administration et posologie principalement rénale et cutanée. L’indinavir est l’IP le moins lié
aux protéines (60 %) et à ce titre, il bénéficie d’une très bonne
Le saquinavir est disponible sous forme de comprimés pelliculés
diffusion à travers la barrière hématoencéphalique.
de 500 mg et doit être administré à la posologie de 1000 mg deux
fois par jour.
Mode d’administration et posologie
Effets secondaires L’indinavir est prescrit à la posologie de 400 mg matin et
Ils sont essentiellement d’ordre digestif : diarrhée, vomisse- soir en association à 100 mg de ritonavir deux fois par jour.
ments, douleurs abdominales, troubles dyspeptiques. Les effets L’indinavir requiert une hydratation quotidienne de 1,5 à
secondaires biologiques, sont rares et habituellement peu sévères : 2 litres d’eau non alcaline pour prévenir la formation de calculs
élévation des CPK (5 %) et des transaminases. Le saquinavir béné- urinaires.
ficie d’un bon profil de tolérance métabolique parmi l’ensemble
des IP.
Effets secondaires
Les principaux effets secondaires de l’indinavir sont : la lithiase
Lopinavir/ritonavir (Kaletra® ) rénale par cristallisation urinaire des métabolites, rares cas de
Il appartient aux IP de première génération et est encore actuel- néphrites interstitielles et d’anémie hémolytique.
lement l’un des IP les plus administrés dans le monde. L’intérêt du Hyperbilirubinémie libre, par inhibition de l’uridine diphos-
lopinavir est d’être coadministré avec le ritonavir dans une même phate (UDP)-glucuronosyl transférase et donc inhibition de la
gélule (Kaletra® ). glucuroconjugaison de la bilirubine. Sécheresse de la peau et ano-
malies des phanères avec ongles incarnés récidivants.
Pharmacocinétique et diffusion
Le lopinavir est rapidement absorbé, sa demi-vie plasmatique
est de 5 à 6 heures. Sa diffusion dans le système nerveux central
Tipranavir (Aptivus® )
est relativement bonne avec un score de Charter à 3 pour cette Le tipranavir est le premier IP non peptidique très sélectif
molécule. pour cette enzyme. C’est une molécule indiquée unique-
ment en contexte d’échec virologique. Cependant, son profil
Mode d’administration et posologie pharmacocinétique responsable d’importantes interactions médi-
Le médicament se présente sous forme de comprimés cofor- camenteuses, sa tolérance moyenne et l’existence d’alternatives
mulés avec le ritonavir contenant 200 mg de lopinavir et 50 mg parmi les molécules récentes en ont limité l’utilisation.
de ritonavir (Kaletra® ). La posologie est de 400 mg × 2 par jour
pendant les repas ou de 800 mg en une prise quotidienne. La pré- Pharmacocinétique
sentation galénique actuelle en comprimés ne nécessite plus de
réfrigération. Il est, comme la plupart des autres IP, métabolisé par le cyto-
chrome P450 et, à ce titre, ses concentrations sont augmentées par
Effets secondaires spécifiques la prise concomitante de ritonavir. Il constitue un très puissant
inducteur du CYP 450 et requiert pour son boost pharmaco-
Troubles digestifs dominés par des diarrhées parfois persis- logique une dose de ritonavir double de celle des autres IP,
tantes, hypertriglycéridémie, hypercholestérolémie, trouble de la soit de 200 mg accompagnant chacune des 2 prises par jour de
glycorégulation et lipodystrophie. tipranavir.

Fosamprénavir (Telzir® ) Mode d’administration et posologie


Le fosamprénavir, moins utilisé actuellement, reste une option Le tipranavir, en présence de ritonavir, a une demi-vie de 5 à
possible plutôt en initiation de traitement. Son efficacité et sa 6 heures. C’est un puissant inducteur enzymatique et de ce fait ne
tolérance sont comparables à celles du lopinavir® . doit pas être associé aux autres IP, à la zidovudine ni à l’abacavir
dont les concentrations plasmatiques peuvent être très abaissées.
Pharmacocinétique et diffusion Le tipranavir (Aptivus® ) est disponible sous forme de capsules
molles à 250 mg ou de solution buvable à 100 mg/ml. Il s’utilise
La prodrogue fosamprénavir est hydrolysée en amprénavir pen-
à la posologie de 500 mg boosté par 200 mg de ritonavir, deux
dant l’absorption digestive. La demi-vie d’élimination est de
fois par jour. Le tipranavir est contre-indiqué en cas d’insuffisance
l’ordre de 7 à 10 heures. La pénétration du fosamprénavir dans
hépatique modérée ou sévère.
le système nerveux central n’est pas bonne malgré un score de
Charter rendu à 3.
Effets secondaires spécifiques
Mode d’administration et posologie La toxicité du tipranavir est principalement hépatique justi-
Le fosamprénavir se présente sous forme de comprimés à fiant le contrôle des transaminases de façon rapprochée en début
700 mg et d’une solution orale dosée à 50 mg/ml. La posologie de traitement. Les troubles digestifs (nausées, diarrhées) sont fré-
usuelle est de 700 mg × 2 par jour en association au ritonavir quents ainsi que les anomalies lipidiques. Des cas d’hémorragie
100 mg × 2 par jour. La dose recommandée est de 700/100 mg × 2 intracrânienne ont été rapportés pour lesquelles la responsabi-
par jour. lité du tipranavir ne peut être exclue. Une prudence particulière
s’impose chez les patients ayant des facteurs de risque (traitement
Effets secondaires spécifiques anticoagulant notamment).
• Éruption cutanée avec possibilité (rare) de syndrome de
Stevens-Johnson.
• Paresthésies péribuccales. Nelfinavir (Viracept® )
• Risque d’hémorragie chez les hémophiles. Le Nelfinavir a été le quatrième IP mis sur le marché en 1998.
Longtemps largement utilisé devant un profil de tolérance relati-
Indinavir (Crixivan® ) vement acceptable pour la classe thérapeutique à l’époque et ne
requérant pas de boost par le ritonavir, son utilisation a considé-
L’indinavir est un IP de première génération qui n’est rablement diminué puis, après un arrêt temporaire de fabrication,
plus recommandé en France compte tenu de sa toxicité, celle-ci a été définitivement arrêtée.

8 EMC - Maladies infectieuses


Molécules antirétrovirales  8-006-J-10

 Inhibiteurs de fusion séquençage du génome viral en particulier de la région codant


pour l’enveloppe virale, soit par phénotypage. En cas de virémie
L’entrée du virus dans la cellule est un processus quicomprend indétectable, ce séquençage peut être réalisé à partir de l’ADN pro-
plusieurs étapes, en particulier la reconnaissance du virus par des viral retrouvé à l’intérieur des peripheral blood mononuclear cells
récepteurs membranaires de la cellule hôte. Les inhibiteurs de (PBMC). En inhibant le corécepteur CCR5, le maraviroc pourrait
fusion agissent en se fixant à la protéine d’enveloppe virale gp41 modifier les mécanismes de réponse immunitaire vis-à-vis du VIH
et en empêchant de la sorte sa modification conformationnelle avec en particulier une activation immunitaire qui apparaît dimi-
qui normalement induit le processus de fusion des membranes nuée et des conséquences bénéfiques sur la remontée du taux de
virale et cellulaire. lymphocytes CD4.
Sa puissance antirétrovirale permet une réduction de la charge
virale plasmatique de l’ordre de 1,8 log10 copies/ml. Le profil
Enfuvirtide (Fuzeon® ) de tolérance rapporté à ce jour est excellent pour cette molé-
cule récemment commercialisée. Le maraviroc est essentiellement
L’enfuvirtide est le seul représentant de la classe des inhibiteurs indiqué actuellement pour le traitement des patients en échec
de fusion. C’est un peptide de 36 acides aminés actif sur le VIH-1, virologique. Des études évaluant son intérêt dans des stratégies
mais inactif sur le VIH-2. Sa puissance antirétrovirale importante dépourvues de NRTI ou d’IP et de leurs effets secondaires métabo-
permet une réduction de la charge virale plasmatique de l’ordre de liques sont en cours d’évaluation.
2 log10 copies/ml. Il est efficace sur les souches virales résistantes
aux autres classes ARV et très bien toléré sur le plan systémique.
Pharmacocinétique et diffusion
Cependant son administration par injections sous-cutanées deux
fois par jour, l’apparition de la nouvelle classe thérapeutique des La demi-vie plasmatique est de l’ordre de 13 heures.
INI ainsi que l’arrivée des IP et INTI de nouvelle génération, en L’élimination est essentiellement digestive après métabolisme
ont limité la prescription. hépatique via les enzymes du cytochrome P450 (CYP3A4).
Le maraviroc étant substrat du CYP3A4, des interactions médi-
Pharmacocinétique camenteuses sont fréquentes. L’association à la rifampicine induit
une diminution de 70 % des concentrations plasmatiques de
La demi-vie d’élimination est de 3,8 heures, justifiant une admi- maraviroc, nécessitant un doublement de la dose administrée de
nistration biquotidienne. L’enfuvirtide n’a pas de métabolisme via maraviroc si aucune autre alternative thérapeutique n’est possible.
le CYP450, il n’y a pas d’interaction médicamenteuse rapportée, Enfin, la diffusion du maraviroc à travers la barrière hématoen-
en particulier avec les autres ARV. céphalique est bonne avec un score de Charter évalué à 3 pour
cette molécule.
Mode d’administration et posologie
La posologie est de 90 mg (un flacon reconstitué), en adminis- Mode d’administration et posologie
tration sous-cutanée, deux fois par jour. La dose n’est pas modifiée
Le maraviroc est disponible sous forme de comprimés à 150 mg
en cas d’insuffisance rénale si la clairance de la créatinine est
et 300 mg. La posologie varie selon les ARV associés :
supérieure à 35 ml/min.
• 1 comprimé à 300 mg × 2 /jour en règle générale ;
• 1 comprimé à 150 mg × 2 /jour si associé à un IP/r (sauf pour
Effets secondaires spécifiques le tipranavir/r ou le fosamprénavir/r pour lesquels la posolo-
Une réaction au site d’injection est observée chez la plupart gie à 300 mg × 2 /jour reste recommandée), quels que soient les
des patients, souvent limitée à un nodule légèrement inflam- autres ARV associés ;
matoire [13] . Les réactions d’hypersensibilité à l’enfuvirtide sont • 2 comprimés à 300 mg × 2 fois/jour si associé à EFV ou ETV, en
exceptionnelles. l’absence d’IP/r.
Du fait de la complexité d’administration et des réactions
locales, une éducation thérapeutique du patient est nécessaire. Effets secondaires spécifiques
La tolérance du maraviroc est globalement excellente. Les
 Inhibiteurs de CCR5 effets secondaires rapportés sont essentiellement digestifs (nau-
sées essentiellement), généraux (asthénie, insomnie), des vertiges
ou encore un exanthème. Une élévation des transaminases est
L’entrée du VIH dans la cellule hôte passe par la reconnaissance possible en particulier dans les premières semaines de traitement.
spécifique de la protéine d’enveloppe virale gp120, par le récepteur Aucun effet secondaire n’a été rapporté sur le plan métabolique.
primaire membranaire CD4 de la cellule hôte. Cette recon-
naissance entraîne une modification conformationnelle de la
gp120, capable alors de se fixer au corécepteur membranaire,
CCR5 le plus souvent ou CXCR4 en cas de maladie VIH  Inhibiteurs d’intégrase
avancée. Les antagonistes des corécepteurs CCR5 empêchent la
reconnaissance « gp120-corécepteur CCR5 », étape préalable et Caractéristiques de la classe thérapeutique
nécessaire au processus de fusion des membranes virale et L’étape d’intégration de l’ADN proviral dans le génome de
cellulaire. la cellule hôte comporte trois phases : d’abord la formation du
complexe de préintégration (PIC) qui comporte l’intégrase virale
Maraviroc (Celsentri® ) et l’ADN proviral. Ensuite, le clivage de l’ADN proviral de façon à
en libérer les extrémités 3 (3 processing). Enfin, l’intégration pro-
Le maraviroc, unique représentant commercialisé de cette classe prement dite, par le transfert des brins d’ADN proviral au sein de
thérapeutique, est actif sur le VIH-1 et le VIH-2 et sur les souches l’ADN de la cellule hôte (strand transfer).
virales résistantes aux autres ARV. Il se fixe de façon spécifique sur Les inhibiteurs de l’intégrase virale (integrase strand transfer
le corécepteur CCR5, par un mécanisme allostérique non compé- inhibitors [INSTI]) empêchent le transfert de brin, c’est-à-dire
titif. C’est le seul antirétroviral qui n’agit pas sur le virus lui-même, la dernière phase de l’intégration. Le raltégravir est le premier
mais sur la cellule cible de celui-ci. Actif à l’extérieur de la cellule médicament commercialisé de cette classe. D’autres INI sont
hôte, il n’a donc pas besoin d’y pénétrer. actuellement en phase III de développement (elvitégravir, dolu-
Le maraviroc n’est, par définition, actif que sur les virus utilisant tégravir).
le corécepteur CCR5 pour entrer dans la cellule, et pas sur les virus Leur puissance antirétrovirale est élevée de l’ordre de 1,5 à
utilisant le corécepteur CXCR4 ni sur les virus à tropisme mixte 2 log10 copies/ml. Leur action est plus rapide que celles des autres
« X4/R5 ». Le tropisme du virus doit donc être déterminé avant ARV permettant de raccourcir le délai d’obtention de virémie indé-
la prescription du maraviroc. Cette détermination se fait soit par tectable dans le plasma.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-006-J-10  Molécules antirétrovirales

Les INI ont une faible barrière génétique à la résistance caractéri-


sée par le développement rapide de mutation en cas de réplication
virale persistante. De plus, la résistance est croisée entre raltégravir
et elvitégravir. Le dolutégravir en cours de développement semble
“ Point fort
actif sur certaines souches virales résistantes au raltégravir.
Glossaire
Les INI offrent un excellent profil de tolérance en particulier sur
• Puissance antirétrovirale d’une molécule : capa-
le plan métabolique [14] .
cité à réduire la charge virale plasmatique alors qu’elle est
administrée en monothérapie chez des patients naïfs de
traitement antirétroviral, pendant une période limitée de
Raltégravir (Isentress® ) 7 à 15 jours (évaluation réalisée en essai thérapeutique de
Le raltégravir est actif sur le VIH-1 et le VIH-2 et sur les souches phase IIa).
résistantes aux trois classes thérapeutiques les plus utilisées (INTI, • Barrière génétique à la résistance d’une molé-
INNTI ou IP). cule ARV : capacité à ne pas sélectionner des souches
virales résistantes alors que persiste une virémie détectable
sous traitement. Ainsi, la barrière génétique élevée des IP
Pharmacocinétique et diffusion
induit une sélection relativement lente de mutation de
Le raltégravir est rapidement absorbé par le tube digestif. Il résistance et l’accumulation de plusieurs mutations avant
existe une grande variabilité des concentrations plasmatiques de sélectionner une souche virale phénotypiquement résis-
intra- et interindividuelles. Sa demi-vie d’élimination est de
tante.
9 heures. Il est glycuroconjugué par l’UGT1A1 au niveau du foie et
• Mutations aux analogues de la thymidine (thymi-
n’est pas métabolisé par les enzymes du cytochrome P450 ce qui
lui permet d’échapper aux interactions avec les molécules sub- dinic analog mutations [TAM]) : ensemble des mutations
strats de ces enzymes. En revanche, les inducteurs de l’UGT1A1 de résistance sélectionnées par les analogues thymidi-
(comme la rifampicine) diminuent les concentrations plasma- niques (AZT et d4 T) dont l’accumulation aboutit à une
tiques du raltégravir. résistance à ces molécules qui peut être parfois croisée avec
Les inhibiteurs de la pompe à protons augmentent les concen- une résistance à d’autres INTI. Il s’agit de mutations situées
trations plasmatiques de raltégravir sans qu’un ajustement de sur le gène de la transcriptase inverse : M41L, D67 N, K70R,
posologie soit pour autant nécessaire. De même, l’atazanavir aug- L210 W, T215A/C/D/E/G/H/I/l/N/S/V, K219Q/E.
mente la concentration plasmatique du raltégravir sans nécessité • Score de Charter : score prenant en compte à la fois la
d’ajustement de doses non plus.
pénétration d’une molécule ARV dans le système nerveux
Sa pénétration dans le système nerveux central est intermé-
diaire avec un score de Charter évalué à 3 pour cette molécule.
central et son efficacité clinique neurologique.
• Réservoir : on en distingue deux types :
◦ les réservoirs anatomiques que sont les compar-
Mode d’administration et posologie timents où peut se répliquer le VIH de façon
Le raltégravir est administré par voie orale à raison de relativement indépendante du reste du corps, essen-
1 comprimé de 400 mg × 2 par jour. L’insuffisance rénale et tiellement les ganglions, le tube digestif, le système
l’insuffisance hépatique modérées ne requièrent pas d’adaptation nerveux central et le compartiment génital. Les molé-
des doses. cules ARV diffusent plus ou moins facilement dans ces
différents compartiments ;
◦ le réservoir du VIH représenté par les cellules hôtes
Effets secondaires infectées demeurant à l’état quiescent, où le VIH ne
Le raltégravir est une molécule très bien tolérée avec peu d’effets se réplique plus, mais persiste autant de temps que
secondaires : troubles digestifs (diarrhée, ballonnements), éléva- la cellule reste vivante au sein du génome de cette
tion des transaminases (en particulier chez les patients co-infectés dernière. Les molécules ARV sont inactives sur ce virus
par le virus de l’hépatite B ou C), élévation des CPK. qui ne se réplique plus, ce qui représente l’obstacle
majeur pour son éradication.

Elvitégravir
Inhibiteur d’intégrase de seconde génération, cette molé-
cule est actuellement en développement dans des études de
phase III. L’elvitégravir, dont la biodisponibilité est augmentée
“ Points essentiels
par la prise des repas, est métabolisé au niveau hépatique par • Les antirétroviraux inhibent la multiplication du VIH en
le cytochrome CYP3A4. La posologie retenue au terme d’essais
interrompant le cycle de réplication virale, mais n’agissent
de phase II est de 150 mg en une prise unique quotidienne,
à condition d’être coadministré par un « boosteur », le rito-
pas sur les virus latents, intégrés dans le génome de
navir ou le cobicistat. L’étude de phase III GS-05-183-0145 a cellules hôtes à l’état quiescent, au sein des réservoirs
comparé en double aveugle elvitégravir/ritonavir et raltégra- (cf. glossaire), et ne permettent donc pas son éradication.
vir, en association avec une combinaison ARV optimisée, chez • Six classes d’antirétroviraux ont maintenant fait la
des patients prétraités. Les résultats ont permis de montrer la preuve de leur efficacité. Les plus utilisés permettent
non-infériorité de l’elvitégravir/r par rapport au raltégravir à d’obtenir une excellente efficacité associée à une plus
S48 en termes d’efficacité virologique (proportion de patients grande simplicité de prise et une meilleure tolérance.
ayant une charge virale plasmatique inférieure à 50 copies/ml). • Pour obtenir une inhibition de la réplication virale plas-
Cet INI est en cours d’évaluation dans d’autres essais de matique sous le seuil de 50 copies/ml, ils doivent être
phase III, en particulier au sein d’une nouvelle formulation en
associés en règle générale au sein de combinaisons antiré-
un comprimé unique quotidien chez les patients naïfs (elvitégra-
vir/cobicistat/emtricitabine/ténofovir, Quad® ) et dans des straté-
trovirales.
gies de « switch » chez des patients traités en succès virologique.
• Leur administration peut s’accompagner d’effets secon-
Les mutations suivantes sont associées à une résistance à daires qui justifient une surveillance clinique et biologique
l’elvitégravir : T66I/A/K, E92Q, F121Y, E138 K, G140 C/S, P145S, spécifique et régulière.
S147G, Q148H/R/K, V151L, N155H/S/T.

10 EMC - Maladies infectieuses


Molécules antirétrovirales  8-006-J-10

Dolutégravir [5] Lang S, Mary-Krause M, Cotte L, Gilquin J, Partisani M, Simon A,


et al. Impact of individual antiretroviral drugs on the risk of myocardial
Cet INI de seconde génération a montré une activité antivi- infarction in human immunodeficiency virus-infected patients: a case-
rale sur des souches résistantes au raltégravir et à l’elvitégravir control study nested within the french hospital database on hiv anrs
dans des essais de phase II. Son absorption digestive est rapide, cohort co4. Arch Intern Med 2010;170:1228–38.
de l’ordre de 2 à 3 h, et sa biodisponibilité non influen- [6] Sax PE. Report from the 5th IAS Conference on HIV Pathogene-
cée par la prise des repas. Le métabolisme du dolutégravir sis Treatment and Prevention. Nevirapine vs. boosted atazanavir–the
passe essentiellement par une glucuroconjugaison au niveau ARTEN Study. J Watch AIDS Clin Care 2009;21:80.
de l’UGT1A1 hépatique et fait également participer le cyto- [7] Worm SW, Sabin C, Weber R. Risk of myocardial infarction in patients
chrome CYP 3A de façon mineure. La posologie retenue pour les with HIV infection exposed to specific individual antiretroviral drugs
from the 3 major drug classes: the data collection on adverse events of
essais de phase III chez les patients naïfs est de 50 mg une fois par
anti-HIV drugs (D: A: D) study. J Infect Dis 2010;201:318–30.
jour tandis qu’elle est évaluée à 50 mg deux fois par jour chez les
[8] Sibiude J, Mandelbrot L, Blanche S, Le Chenadec J, Boullag-Bonnet
patients en échec thérapeutique porteurs de souches résistantes au N, Faye A, et al. Birth defects and ART in the french perinatal cohort,
raltégravir. a prospective exhaustive study among 13,124 live births from 1994 to
Les mutations suivantes sont associées à une résistance 2010. Conference on Retroviruses and Oportunistic Infections, Atlanta
au dolutégravir : V151L, S153Y, T66 K + L74 M, E92Q + N155H, 2013, session orale no 24.
E138A/K + Q148H/K/R, G140 C/S + Q148H/K/R, Q148R + N155H. [9] Hodder S, Arasteh K, De Wet J. Effect of gender and race on the
week 48 findings in treatment-naïve. HIV-1-infected patients enrol-
led in the randomized, phase III trials ECHO and THRIVE. HIV Med
 Références 2012;13:406–15.
[10] Cohen CJ, Molina JM, Cassetti I, Chetchotisakd P, Lazzarin A, Orkin
[1] Rapport 2010 sur la prise en charge médicale des personnes C, et al. Week 96 efficacy and safety of rilpivirine in treatment-naïve,
infectées par le VIH sous la direction du Pr. Patrick Yéni - HIV-1 patients in two phase III randomised trials. AIDS 2012 Dec 3
Ministère des Affaires sociales et de la Santé. www.sante.gouv.fr. [Epub ahead of print].
Available at: http://www.sante.gouv.fr/rapport-2010-sur-la-prise- [11] Ghosn J, Flandre P, Cohen-Codar I. Long-term (96-week) follow-
en-charge-medicale-des-personnes-infectees-par-le-vih-sous- up of antiretroviral-naïve HIV-infected patients treated with first-line
la-direction-du-pr-patrick-yeni.html. Accessed November 19, lopinavir/ritonavir monotherapy in the MONARK trial*. HIV Med
2012. 2010;11:137–42.
[2] Cooper RD, Wiebe N, Smith N, Keiser P, Naicker S, Tonelli M. [12] Eron Jr J, Yeni P, Gathe Jr J, Estrada V, DeJesus E, Staszewski S,
Systematic review and meta-analysis: renal safety of tenofovir diso- et al. The KLEAN study of fosamprenavir-ritonavir versus lopinavir-
proxil fumarate in HIV-infected patients. Clin Infect Dis 2010;51: ritonavir, each in combination with abacavir-lamivudine, for initial
496–505. treatment of HIV infection over 48 weeks: a randomised non-inferiority
[3] Bonjoch A, Figueras M, Estany C. High prevalence of and progression trial. Lancet 2006;368:476–82.
to low bone mineral density in HIV-infected patients: a longitudinal [13] Kousignian I, Launay O, Mayaud C, Rabaud C, Costagliola D, Abgrall
cohort study. AIDS 2010;24:2827. S. Does enfuvirtide increase the risk of bacterial pneumonia in patients
[4] Use of nucleoside reverse transcriptase inhibitors and risk of receiving combination antiretroviral therapy? J Antimicrob Chemother
myocardial infarction in HIV-infected patients enrolled in the 2010;65:138–44.
D:A: D study: a multi-cohort collabration. Lancet 2008;371: [14] Hazuda DJ. Inhibitors of human immunodeficiency virus type I inte-
1417–26. gration. Curr Opin HIV & AIDS 2006;1:212–7.

F. Caby, Médecin des Hôpitaux.


Département des maladies infectieuses et tropicales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Inserm U943, Paris, France.
C. Katlama, Médecin des Hôpitaux, professeur des Universités (christine.katlama@psl.aphp.fr).
Département des maladies infectieuses et tropicales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47-83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Inserm U943, Paris, France.
Université Pierre-et-Marie-Curie-Paris VI, 4, place Jussieu, 75005 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Caby F, Katlama C. Molécules antirétrovirales. EMC - Maladies infectieuses 2013;10(2):1-11 [Article
8-006-J-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 11


¶ 8-006-N-10

Résistance bactérienne :
définitions, mécanismes, évolution
A. Philippon

La résistance bactérienne aux antibiotiques a été rapportée dès la découverte du premier antibiotique, la
pénicilline G. Outre cette résistance naturelle, propre à de nombreuses espèces bactériennes rencontrées
dans la nature, la résistance acquise est rapidement découverte, par exemple chez le staphylocoque doré,
peu de temps après l’introduction de ce premier antibiotique. Cette fatalité n’allait plus s’arrêter depuis
50 ans, illustrant l’extraordinaire plasticité du monde microbien, tant au plan génétique, avec en
particulier la mutation, les transferts de gènes, plus récemment les mobilisations de gènes
chromosomiques, que biochimique (imperméabilité, inactivation enzymatique, modification d’affinité,
substitution de cibles, efflux). En l’absence de mise à disposition de nouvelles molécules, un meilleur usage
et contrôle des antibiotiques est devenu une nécessité absolue.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Antibiotiques ; Résistance ; Imperméabilité ; inactivation enzymatique ; Bêtalactamases ; Efflux

Plan quotidien, bien que pas toujours nécessaire (classes thérapeuti-


ques habituellement sensibles et modérément sensibles) est la
¶ Introduction 1 recherche d’une éventuelle résistance acquise. Cet examen
permet de définir des catégories cliniques, dont celle « résis-
¶ Définitions de la résistance 2
tante », la définition étant selon le Comité de l’antibiogramme
¶ Mécanismes biochimiques 4 de la société française de microbiologie (CA-SFM) : « les souches
Interférence avec le mécanisme de transport de type catégorisées résistantes sont celles pour lesquelles il existe une
imperméabilité 5 probabilité d’échec thérapeutique, quels que soient les traite-
Inactivation ou détoxification enzymatique 5 ments et la dose d’antibiotique » [1].
Modification d’affinité de la cible 6
L’existence de souches résistantes est connue depuis la
Substitution de cible 6
découverte des antibiotiques, dont celle de la pénicilline G, avec
Interférence avec le mécanisme de transport de type efflux 6
la notion de résistance naturelle, innée à certaines espèces
¶ Mécanismes génétiques 6 bactériennes dont celles classées dans la famille des entérobac-
¶ Évolution 7 téries telles Escherichia coli, Proteus mirabilis, Klebsiella pneumo-
Émergence rapide 7 niae, etc. La résistance acquise à cet antibiotique avec
Fréquence du mécanisme émergent rapidement en augmentation 8 l’isolement de souches de staphylocoque doré, quelques mois
Résistance diffusible, car transférable 8 après son utilisation en clinique en 1943, montra la nécessité de
Évolution possible d’un gène de résistance 8 commercialiser de nouvelles molécules, souvent obtenues par
Évolution de la résistance aux C3G (nouvelles bêtalactamases hémisynthèse, avec les progrès de la chimie industrielle dès les
à spectre élargi) 9
années 1950. Le développement de nouvelles molécules entre
Association de mécanismes 10
les années 1950 et 1985 masqua l’émergence continuelle de
Évolution globale 10
nouveaux mécanismes de résistance qui pouvaient servir même
¶ Conclusion 11 à les promouvoir. Le constat actuel de l’absence de nouvelles
découvertes dans ce domaine a conduit, depuis trop peu de
temps, à une réelle prise de conscience au plan national ou
international. La mise en place de réseaux de surveillance
■ Introduction comme, en France, l’Observatoire national de l’épidémiologie de
la résistance bactérienne aux antibiotiques (ONERBA)
La résistance aux antibiotiques est intuitivement liée, pour le
(http://www.onerba.org/) ou encore le réseau européen de
clinicien, à la résistance clinique (échec de traitement) qui peut
être, d’abord, corrélée avec le spectre clinique d’un antibiotique, surveillance de la résistance bactérienne aux antibiotiques
donc à une éventuelle prescription inadaptée, suite à la possible (EARSS) (http://www.earss.rivm.nl/) atteste cette préoccupation.
méconnaissance de l’autorisation de mise sur le marché (AMM) Une autre mesure a été de promouvoir le bon usage des
de l’antibiotique prescrit. antibiotiques auprès du corps médical mais aussi du grand public
La résistance acquise aux antibiotiques est devenue un sujet dont on a pu récemment mesurer les effets sur la moindre
mondial de préoccupation ; car les bactéries font, de plus en consommation de ces médicaments.
plus, de la résistance, c’est-à-dire s’adaptent à nos thérapeuti- Si d’un point de vue clinique, seule est réellement essentielle la
ques antibactériennes et sont responsables d’échecs de traite- résistance clinique, signifiant échec du traitement, la résistance
ment. D’ailleurs, la finalité de l’antibiogramme, examen si bactérienne présente d’autres aspects qui relèvent plus du

Maladies infectieuses 1
8-006-N-10 ¶ Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution

domaine scientifique ou épidémiologique comme la résistance


chromosomique, plasmidique, transposable, enzymatique, par
efflux ou encore croisée, ou associée, etc. [2].

■ Définitions de la résistance
• Naturelle : existence d’un ou de plusieurs mécanismes de
résistance innés, donc propres à l’espèce bactérienne. Elle
intervient dans la définition du spectre clinique d’un antibio-
tique (Fig. 1).
• Acquise : acquisition d’un mécanisme de résistance pour une
souche d’une espèce habituellement sensible (Fig. 2).
• Clinique : expression habituelle de la résistance in vivo par
l’échec thérapeutique. La corrélation entre la réponse in vitro
obtenue avec l’antibiogramme et celle in vivo n’est pas
possible sans l’expérience clinique. Un exemple significatif est
celui de la lecture de l’antibiogramme non interprétée, bien
qu’il y ait « sensibilité in vitro » à la pipéracilline (concentra-
tion minimale inhibitrice [CMI] de 2 mg/l) pour une souche
sauvage de Klebsiella pneumoniae (Fig. 1). Il y a souvent
résistance clinique lors du traitement d’une pneumopathie
par cette pénicilline à large spectre. Cet exemple est, par
ailleurs, symbolique de la lecture interprétative, compte tenu
de la présence d’un mécanisme de résistance naturel en
relation avec un effet inoculum [1, 2].
• Croisée : fait référence au spectre d’inactivation lié à un
même mécanisme de résistance vis-à-vis de divers antibioti-
ques appartenant à la même famille ou sous-groupe. Cette
notion est utilisée lors de la lecture interprétative de l’anti-
biogramme. Exemples : consulter le communiqué du
CA-SFM [1]. Les souches de Klebsiella pneumoniae sont naturel-
lement de phénotype « pénicillinase de bas niveau » avec une
résistance à l’amoxicilline et à la ticarcilline aisément détectée
in vitro. La résistance est croisée avec les autres aminopéni-
cillines telles l’ampicilline, l’épicilline, la métampicilline, etc.,
ou les carboxypénicillines telle la carbénicilline. Un autre Figure 2.
exemple bien connu est celui de la résistance acquise ou A. Phénotype de résistance acquise aux pénicillines à large spectre
intrinsèque à la méticilline sur les souches de Staphylococcus (amoxicilline ou AMX et ticarcilline ou TIC) chez Escherichia coli. AMC,
aureus. Il y a résistance croisée entre toutes les bêtalactamines, amoxicilline + acide clavulanique ; AMX : amoxicilline ; ATM : aztréo-
quelle que soit la valeur de CMI obtenue in vitro. nam ; CAZ : ceftazidime ; CF : céfalotine ; CTX : céfotaxime ; CXM :
• Chromosomique : résistance liée au chromosome. Il s’agit céfuroxime ; FEP : céfépime ; FOX : céfoxitine ; IPM : imipénème ; MEC :
ainsi d’expliquer le déterminisme génétique d’une résistance mécillinam ; MOX : latamoxef ; PIP : pipéracilline ; TCC : ticarcilline
naturelle ou acquise dont le ou les gènes est ou sont lié(s) au + acide clavulanique ; TIC : ticarcilline ; PTZ : pipéracilline + tazobactam.
chromosome. Aussi compte tenu de la localisation naturelle B. Phénotype sauvage.
de ce ou ces gènes de résistance au chromosome, cette
résistance est souvent propre à certaines espèces.
• Extrachromosomique : la résistance est liée à l’acquisition
d’un fragment d’acide désoxyribonucléique (ADN) porteur
d’un ou plusieurs gènes de résistance, le plus souvent en
position cytoplasmique tel un ADN plasmidique identifié
facilement après une électrophorèse sur gel suivie d’une
révélation avec un colorant fluorescent (cf. infra, plasmide).
Le synonyme de cette résistance, qui est donc acquise, est
plasmidique.
• Plasmidique : le support génétique de la résistance est un
ADN additionnel porteur d’un ou plusieurs gènes de résis-
tance, le plus souvent en position cytoplasmique, donc
facilement détectable (cf. extrachromosomique). Le contenu
plasmidique de souches bactériennes peut être inventorié par
une électrophorèse sur gel d’agarose (étape de séparation)
puis révélation avec un colorant fluorescent se fixant sur
l’ADN (bromhydrate d’éthidium) (Fig. 3, 4). La taille des
plasmides varie de 0,5 kilobase (kb) à 450 kb. Plus leur taille
est importante, plus grand sera le nombre de gènes codant la
résistance, par exemple, résistance à plusieurs familles
Figure 1. Phénotype de résistance naturelle aux pénicillines à large d’antibiotiques ou encore aux antiseptiques, etc. (cf. résis-
spectre (amoxicilline [AMX] et ticarcilline [TIC]) d’une souche de Klebsiella tance associée).
pneumoniae. AMC : amoxicilline + acide clavulanique ; ATM : aztréonam ; • Associée : cette résistance est médiée par un plasmide codant
CAZ : ceftazidime ; CF : céfalotine ; CTX : céfotaxime ; CXM : céfu- la résistance à des antibiotiques de familles différentes (Fig. 5)
roxime ; CEP : céfépime ; FOX : céfoxitine ; IPM : imipénème ; MEC : (cf. résistance plasmidique).
mécillinam ; MOX : latamoxef ; PIP : pipéracilline ; TCC : ticarcilline • Transposable : gène(s) de résistance localisé(s) sur un ADN
+ acide clavulanique ; TIC : ticarcilline ; PTZ : pipéracilline + tazobactam. « mobile » ayant une organisation particulière. Le transposon

2 Maladies infectieuses
Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution ¶ 8-006-N-10

Figure 5.
A. Contrôle avant transfert de plasmide par conjugaison chez une souche
réceptrice de Pseudomonas aeruginosa sensible aux antibiotiques de types
aminosides et sulfamide, à un antiseptique mercuriel et à un sel de métaux
Figure 3. Mise en évidence sur une table à ultraviolets de la séparation lourds (tellurite).
sur un gel d’électrophorèse de bandes d’acide désoxyribonucléique B. Expression phénotypique après transfert du plasmide pour les mêmes
(ADN) (fluorescentes) de plasmides de taille différente sur des souches substances antibactériennes.
d’Escherichia coli.

Chromosome A Chromosome B

Tn Tn
Excision Transposition

Transposition Excision
Tn Tn

Plasmide Plasmide

Bactérie A Bactérie B
Figure 4. Contenu plasmidique de souches d’Escherichia coli (A à F) Figure 6. Modèle de mobilisation de transposon (Tn) d’un chromo-
résistantes à plusieurs familles d’antibiotiques telles que les bêtalactami- some d’une bactérie donatrice à gauche à un plasmide (acide désoxyri-
nes, aminosides, tétracyclines, sulfamides, etc. En F, souche sans plas- bonucléique cytoplasmique). Après conjugaison (modèle le plus fréquent
mide. En G, marqueurs de taille en acide désoxyribonucléique (ADN). La de transfert de gènes de résistance) du plasmide à la bactérie réceptrice B,
flèche blanche indique le sens de la migration des ADN sur le gel. il peut y avoir excision, et transposition du Tn, donc insertion sur le
chromosome de cette bactérie.
peut transposer d’un plasmide à un chromosome ou vice
versa. Cet ADN additionnel augmente la taille du génome, de Susceptibility Testing (EUCAST) (http://www.escmid.org/
l’ordre de 4 à 30 kb (Fig. 6). sites/index_f.aspx ? par=2.4) (Fig. 7).
• Génétique : sa définition pourrait être : « modification du • Inductible : ce terme évoque l’expression augmentée de la
patrimoine génétique d’une bactérie entraînant des augmen- résistance en présence d’un inducteur de type antibiotique. Il y
tations limitées de CMI (× 4 à 8 fois), souvent peu appa- a donc une diminution de l’activité antibactérienne lors de
rente ». De légères modifications du patrimoine génétique l’association de deux antibiotiques de la même famille dont
d’une bactérie peuvent entraîner une moindre sensibilité à un l’un est inducteur et l’autre sensible à cette augmentation de
antibiotique ou plusieurs de la même famille selon le méca- l’expression du mécanisme de résistance. La détection de la
nisme de résistance ; celles-ci sont révélées lors de la détermi- résistance inductible est simple par la méthode de diffusion
nation de CMI (mg/l) ou par une diminution des diamètres avec la mise en évidence d’un antagonisme (diminution
d’inhibition (mm) (antibiogramme par diffusion ou méthode d’activité). La Figure 8 illustre un tel effet sur une souche de
des disques). L’échec clinique n’est pas obligatoirement connu Staphylococcus aureus exprimant le phénotype « macrolides,
lors de l’émergence de telles souches de sensibilité diminuée. lincosamides et synergistines » (MLSB inductible). La détection
Cette situation a été celle de l’émergence, dès 1983, des d’un tel mécanisme entraîne, en pratique quotidienne, une
premières souches d’entérobactéries telles Klebsiella pneumoniae interprétation pour les antibiotiques des familles des MLS.
ou Escherichia coli productrices de bêtalactamases à spectre L’effet régulé ou variable de l’expression de la sensibilité
élargi (BLSE) [3, 4]. Cette modification de la sensibilité d’une vis-à-vis de certains antibiotiques d’une même famille ou d’une
espèce bactérienne a été prise récemment en compte dans la famille voisine a eu pour conséquences pratiques de rechercher
définition de la concentration épidémiologique (epidemiologi- à commercialiser des molécules non inductrices comme les
cal cut-off) par l’European Committee on Antimicrobial macrolides à 16 atomes. La deuxième conséquence pratique est

Maladies infectieuses 3
8-006-N-10 ¶ Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution

50

40

30
Epidemiological cut-off :
%

WT ≤ 0,064 mg/l
20

10

0
≤ 0,002
0,004
0,008
0,016
0,032
0,064
0,125
0,25
0,5
1
2
4
8
16
32
64
128
256
512
mg/l
Figure 7. Escherichia coli : exemple de distribution des concentrations
minimales inhibitrices (CMI) (mg/l) de la ciprofloxacine avec prise en
compte de epidemiological cut-off value par l’European Committee on
Antimicrobial Susceptibility Testing (EUCAST) (http://www.escmid.
org/sites/index_f.aspx ? par=2.4) ; 4416 observations. Point critique
clinique : S ≤ 0,5 mg/l. R > 1 mg/l.

Figure 8. Staphylococcus aureus. Phénotype macrolides, lincosamides Figure 9. Enterobacter cloacae.


et synergistines (MLSB inductible). Spi : spiramycine ; Pri : pristinamy- A. Phénotype « céphalosporinase inductible ».
cine ; Cli : clindamycine ; Lin : lincomycine ; Ery : érythromycine. B. Phénotype « hyperproducteur ou déréprimé ». AMC : amoxicilline
+ acide clavulanique ; AMX : amoxicilline ; ATM : aztréonam ; CAZ :
ceftazidime ; CEP ou FEP : céfépime ; CF : céfalotine ; CTX : céfotaxime ;
CXM : céfuroxime ; FOX : céfoxitine ; IPM : imipénème ; MEC : mécilli-
d’éviter d’associer deux antibiotiques de la même famille dont
nam ; MOX : latamoxef ; PIP : pipéracilline ; PTZ : pipéracilline + tazobac-
l’une est inductrice et l’autre sensible à l’induction. Cette règle
tam ; TCC : ticarcilline + acide clavulanique ; TIC : ticarcilline.
a été oubliée dans les années 1980 lors d’association de type
carbénicilline + céfoxitine pour le traitement d’infections à
bacilles à Gram négatif chez le neutropénique. En effet, diverses
espèces telles Enterobacter cloacae, Enterobacter aerogenes, liés à la sélection de variants devenus résistants par hyper-
Citrobacter freundii présentent une résistance inductible à production de leur céphalosporinase chromosomique de base
nombre de bêtalactamines en présence de céfoxitine. Enfin, la (Fig. 9) [5].
troisième conséquence est liée à l’éventualité d’isoler, lors de • De bas niveau : l’individualisation de ce type de résistance,
traitement avec des antibiotiques appartenant à la même dont l’expression est faible en termes de diamètre ou de CMI,
famille que celui qui est inducteur, un clone ou un variant s’oppose à une expression plus importante du même
présentant une dérégulation du mécanisme de résistance mécanisme. Il y a une conséquence dans le choix thérapeutique
entraînant une hyperproduction de l’enzyme inactivatrice de bien distinguer la résistance de bas niveau (naturelle) de
(cf. résistance constitutive). celle de haut niveau (acquise). L’exemple le plus caractéristique
• Constitutive : suite à une modification de l’ADN codant un est celui des aminosides (gentamicine, par exemple) chez les
gène impliqué dans la résistance inductible (mutation, streptocoques et entérocoques qui peuvent être associés, lors de
insertion d’IS, etc.), il s’agit alors d’une expression augmentée résistance de bas niveau, avec un antibiotique d’une autre
de la résistance, par exemple chez Staphylococcus aureus vis-à-vis famille telle bêtalactamine ou glycopeptide, pour obtenir une
de diverses molécules appartenant aux macrolides et synergie bactéricide. En pratique au laboratoire, la distinction
lincosamides. La détection en pratique du phénotype MLSB entre ces deux types de résistance s’effectue avec un choix
constitutif est relativement facile, l’interprétation est alors judicieux de concentrations d’aminosides (par exemple,
fonction des recommandations du Comité français de disques hautement chargés ou concentration plus élevée).
l’antibiogramme [1]. Un autre synonyme de cette résistance
pourrait être déréprimée. Au plan expérimental, il est plus
difficile de démontrer la modification d’un gène (séquençage ■ Mécanismes biochimiques
nécessaire) que de mesurer l’activité enzymatique d’une souche
hyperproductrice. Un autre exemple de résistance constitutive Préciser le déterminisme biochimique de la résistance pré-
est celui lié à l’introduction, dans les années 1980, de sente un intérêt avant tout scientifique mais aussi pratique. Car
céphalosporines stables aux pénicillinases de l’époque pour des cliniciens, il amène à comprendre la résistance croisée
(céphalosporines de 3e génération [C3G]). Dès les premiers entre antibiotiques de la même famille. L’intérêt scientifique
traitements lors d’infections à Enterobacter cloacae par exemple, permet d’imaginer de nouvelles molécules plus actives, car
avec une C3G telle la céfotaxime, ont été rapportés des échecs échappant à l’action de tel ou tel mécanisme.

4 Maladies infectieuses
Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution ¶ 8-006-N-10

PLP
Porine

Ribosome
Porine
Cytoplasme

Système d'efflux

Peptidoglycane

me mc
Figure 10. Représentation schématique du mode d’action d’un anti-
biotique (exemple d’une bêtalactamine). me : membrane externe ; mc :
membrane cytoplasmique ; PLP : protéines liant la pénicilline.

1
Porine
Ribosome
2
Porine

3
Porine Ribosome

4 PLP additionnelle
Figure 12. Expression phénotypique usuelle d’une souche d’Escherichia
coli imperméable.
A. AMC : amoxicilline + acide clavulanique ; AMX : amoxicilline ; ATM :
Système d'efflux aztréonam ; CAZ : ceftazidime ; CF : céfalotine ; CTX : céfotaxime ;
5
Ribosome CXM : céfuroxime ; FEP : céfépime ; FOX : céfoxitine ; IPM : imipénème ;
MEC : mécillinam ; MOX : latamoxef ; PIP : pipéracilline ; TCC : ticarcil-
line + acide clavulanique ; TIC : ticarcilline ; PTZ : pipéracilline + tazobac-
me mc
tam.
Figure 11. Mécanismes biochimiques de la résistance bactérienne. B. K : kanamycine ; GM : gentamicine ; TM : tobramycine ; NET : nétil-
me : membrane externe ; mc : membrane cytoplasmique ; PLP : protéi- micine ; AN : amikacine ; NA : acide nalidixique ; PEF : péfloxacine ; CIP :
nes liant la pénicilline. ciprofloxacine ; TMP : triméthoprime ; SSS : sulfamides ; SXT : cotrimoxa-
zole ; CS : colistine ; FOS : fosfomycine ; RA : rifampicine ; C : chloram-
phénicol ; FT : nitrofuranes.
Ainsi le renouveau des bêtalactamines dans les années 1980
(C3G et carbapénèmes) chez les bacilles à Gram négatif a été Interférence avec le mécanisme
l’obtention de molécules d’hémisynthèse plus hydrophiles, donc
ayant d’une part une meilleure diffusion à travers les porines
de transport de type imperméabilité
(canaux aqueux), d’autre part une meilleure affinité pour leurs Ce mécanisme est connu depuis très longtemps et explique
cibles, à savoir les protéines liant la pénicilline (PLP) (radioac- pour partie la résistance naturelle de nombreux bacilles à Gram
tive), leur synonyme étant penicillin binding protein (PBP). Le négatif aux antibiotiques hydrophobes comme les premières
choix d’une nouvelle bêtalactamine pouvait aussi porter sur une bêtalactamines telles benzylpénicilline, méticilline, oxacilline,
les macrolides (érythromycine) ou encore les glycopeptides
moindre affinité pour les bêtalactamases, donc une éventuelle
(vancomycine).
plus grande stabilité à l’inactivation enzymatique. La Figure 10
La résistance acquise par imperméabilité est aussi décrite en
est une représentation très schématique du mode d’action d’un
liaison avec le dysfonctionnement d’une porine. Ce mécanisme
antibiotique (exemple d’une bêtalactamine). de résistance a été par le passé difficile à distinguer de celui qui
Le mode d’action des antibiotiques comme celui des bêtalac- fut découvert plus tardivement et appelé efflux (cf. infra). Chez
tamines permet aussi une meilleure compréhension des méca- les bacilles à Gram négatif, son expression phénotypique est de
nismes de résistance éventuels. Depuis quelques années, cinq niveau peu élevé, les CMI étant augmentées d’un facteur
mécanismes ont été individualisés pour expliquer la résistance 4-8 fois pour certains antibiotiques tels que bêtalactamines,
naturelle et surtout acquise des bactéries aux antibiotiques quinolones, triméthoprime, fosfomycine, chloramphénicol ou
(Fig. 11) : encore tétracyclines (Fig. 12A, B) [6]. Il peut être associé à un
• imperméabilité ; autre mécanisme de résistance [7].
• inactivation enzymatique ;
• affinité diminuée ; Inactivation ou détoxification enzymatique
• substitution de cible ; La résistance par destruction des molécules d’antibiotiques
• efflux. soit à l’extérieur de la bactérie (enzyme exocellulaire) soit dans

Maladies infectieuses 5
8-006-N-10 ¶ Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution

la bactérie (enzyme endocellulaire ou périplasmique) est soit des porines (imperméabilité) et d’autre part d’autres mécanismes
naturelle, soit plus fréquemment acquise et touche plusieurs de résistance est rapportée depuis plus de 15 ans [20, 21]. La
familles d’antibiotiques. résistance par systèmes d’efflux, de découverte plus récente,
Si l’on examine la famille des bêtalactamines, une étonnante apparaît être le principal mécanisme chez les bactéries à Gram
diversité d’enzymes dénommées bêtalactamases est maintenant négatif et divers gènes codent pour des protéines membranaires
individualisée, au moins 350 ; ce qui montre la prédominance permettant l’efflux de l’antibiotique hors de la cellule et donc
de ce mécanisme de résistance, en particulier dans la résistance empêchant son accumulation intracellulaire. Ces protéines, de
acquise. Il est d’ailleurs intéressant de constater depuis un peu l’ordre de 40-46 kDa, montrent des homologies structurales
plus d’une décennie, au niveau mondial, une émergence entre elles ainsi qu’avec d’autres protéines d’efflux comme celles
continuelle de nouveaux types enzymatiques pour expliquer la des systèmes multidrug resistance (MDR) [22, 23].
résistance vis-à-vis des C3G ou encore des carbapénèmes [8-12]. Les gènes chromosomiques codant des protéines membranai-
Ainsi, la résistance vis-à-vis des C3G apparue dans les années res de transport peuvent être responsables de la résistance à
1985 était en relation avec des pénicillinases mutées de type divers antibiotiques. Chez Escherichia coli, le système multiple
TEM ou sulfhydril-variable (SHV) et dénommées BLSE [13]. Plus de antibiotic resistance (mar) est un système qui augmente le niveau
150 enzymes modifiées sont à l’heure actuelle identifiées dans de résistance à de nombreux antibiotiques dont les bêtalactami-
le monde (consulter la base de données : http://www.lahey. nes. Constitué de plusieurs gènes tels marA, marB, marRAB,
org/studies/inc_webt.asp). Cependant, le mécanisme allait se marC, etc. marA code un activateur transcriptionnel qui agit au
compliquer avec l’émergence de nouvelles BLSE aux niveau de plusieurs promoteurs, et dont la synthèse est réprimée
dénominations le plus souvent exotiques comme brazilian en l’absence d’antibiotique par un répresseur, produit du gène
extended spectrum (BES-1), guyana extended spectrum (GES-1), marRAB. La surexpression de MarA entraîne la diminution de
Pseudomonas extended resistance (PER-1), Serratia fonticola (SFO-1), l’expression de la porine OmpF et la surexpression de la pompe
Tlahuicas (TLA-1), tribu mexicaine, et enfin Vietnam extended à efflux AcrAB et la résistance à divers antibiotiques. Des
spectrum (VEB-1). Cependant, le groupe émergent le plus mutants résistants aux bêtalactamines dans d’autres systèmes
important reste celui dénommé céfotaximase (CTX-M) [9, 14]. d’efflux homologues au système AcrAB ont été décrits chez
La résistance acquise aux carbapénèmes, imipénème par d’autres entérobactéries qu’Escherichia coli.
exemple, est plus récente. Quelques souches d’Enterobacter En pratique médicale, l’individualisation simple de ces divers
productrices d’enzymes inactivatrices ont été isolées dans les mécanismes est illusoire à l’exception de certaines bactéries à
années 1985 avec l’individualisation des types imi-1, sme-1, Gram positif comme la résistance des streptocoques aux macro-
etc. [11, 15]. Plus récemment, de nouveaux types plasmidiques ont lides [gène mef(A)] [2].
été rapportés, dénommés Klebsiella pneumoniae carbapenemases
(KPC). Ces enzymes sont heureusement encore exceptionnelles,
car isolées presque uniquement en Amérique du Nord [12]. ■ Mécanismes génétiques
Néanmoins, un cas d’importation récent (malade américain Le déterminisme génétique de la résistance, qu’elle soit
venant de New York) vient d’être identifié en France (C. Poyart, naturelle ou acquise, est de mieux en mieux appréhendé grâce
communication personnelle). aux progrès des méthodes d’analyses moléculaires incluant le
Chez l’espèce Pseudomonas aeruginosa, les enzymes sont tout à clonage de gènes, l’amplification génique (polymerase chain
fait différentes avec les types imipénémases (IMP) et Verona reaction [PCR]), le séquençage et plus récemment l’amplification
imipenemases (VIM) et plus récemment german imipenemases génomique. La résistance acquise d’une bactérie offre un
(GIM) ou encore Sao Paulo imipenemases (SPM) [15]. éventail très diversifié de solutions génétiques que celle-ci peut
Enfin, un autre exemple de cette complexité croissante des développer à l’égard des antibiotiques. Parmi les définitions de
enzymes inactivatrices des bêtalactamines est celui des souches la résistance proposées ci-dessus, plusieurs d’entre elles sont
d’Acinetobacter baumannii pour lesquelles les bêtalactamases d’ailleurs en relation directe avec le déterminisme génétique
produites appartiennent à la classe D, soit des oxacillinases comme les résistances chromosomique, extrachromosomique,
(OXA) [16]. plasmidique, transposable, inductible, constitutive ou dérépri-
mée, etc.
Modification d’affinité de la cible De manière un peu schématique, les mécanismes génétiques
La modification d’affinité d’une ou plusieurs cibles affecte sont de deux types : modification d’ADN chromosomique par
plus les bactéries à Gram positif que celles à Gram négatif. mutation et transferts d’ADN plasmidiques ou non, ces deux
L’exemple le plus important concerne la résistance à la pénicil- mécanismes pouvant survenir simultanément ou successive-
line G de Streptococcus pneumoniae. Si son émergence fut longue, ment. Ces deux grands types d’événements peuvent survenir de
les premières souches résistantes en France ont été isolées dans manière très variée comme l’illustrent les exemples suivants ou
les années 1985 [17]. Cette modification d’affinité de la cible [18, encore, schématiquement, la Figure 13.
19] a pour effet d’exiger une plus grande concentration de Il peut s’agir d’un gène de résistance en position chromoso-
l’antibiotique concerné, donc la CMI de l’antibiotique sera mique spécifique d’espèce et responsable de la résistance
supérieure. naturelle à plusieurs antibiotiques de la même famille, par
Si l’exemple des bêtalactamines chez le pneumocoque illustre exemple les pénicillines telles l’ampicilline, l’amoxicilline et la
bien ce type de résistance, d’autres antibiotiques auraient pu ticarcilline. Ce gène peut se transposer sur un ADN cytoplasmi-
être cités. que de type plasmide multicopie qui va alors générer une plus
grande quantité d’enzyme, donc un niveau de résistance
beaucoup plus important incluant maintenant la pipéracilline,
Substitution de cible les céphalosporines de première et de deuxième génération
Ce mécanisme a été individualisé depuis plusieurs décennies (C1G, C2G). Le gène transposé sur un plasmide conjugatif, dit
avec l’exemple des sulfamides. Mais un exemple aussi contribu- « tra+ » pour transférable, peut alors diffuser dans d’autres
tif est celui de la résistance intrinsèque ou méticillinorésistance bactéries, jusque-là naturellement sensibles à ces antibiotiques.
des staphylocoques, d’autant que la cible additionnelle PLP2A Cependant, dans des conditions de survie difficiles liées à une
identifiée dans les souches résistantes court-circuite les autres pression antibiotique à la suite d’un traitement, certaines
PLP [2]. La conséquence majeure au plan thérapeutique concerne bactéries transposent du chromosome au plasmide, en amont
la résistance croisée entre toutes les bêtalactamines. du gène de résistance, une séquence d’insertion IS. La consé-
quence est une production d’enzyme très augmentée. Un autre
Interférence avec le mécanisme événement génétique, banal en apparence, permet à la bactérie
de surmonter le dernier traitement à base de C3G. Le gène de
de transport de type efflux résistance peut muter, c’est-à-dire qu’à la faveur du renouvelle-
La résistance non enzymatique liée à des modifications de ment de l’ADN (réplication), un changement minimal d’une
protéines membranaires évoquant d’une part un rôle éventuel base va entraîner dans l’enzyme le codage d’un nouvel acide

6 Maladies infectieuses
Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution ¶ 8-006-N-10

Gène de résistance

Promoteur fort (mutation)

Excision
Transposition sur plasmide tra+

Transfert du plasmide tra+


Mutation(s) du gène de résistance
(conjugaison)

Insertion IS

Figure 13. Destins possibles d’un gène de résistance aux antibiotiques. tra : transférable.

aminé. Cette mutation dite « ponctuelle » va modifier la à 10 10 individus par millilitre ou gramme dans lesquelles
structure tertiaire de l’enzyme et donc lui donner, peut-être, peuvent préexister des variants moins sensibles ; aussi la
beaucoup plus d’affinité pour la C3G (Km [constante de pression de sélection d’un antibiotique actif peut favoriser leur
Michaelis] diminuée) et donc permettre de l’inactiver. D’une émergence, d’où de constante évolution probable.
pénicillinase spécifique d’espèce, la bactérie, en quelques
événements génétiques de fréquence faible, de l’ordre du
millionième pour chacun d’entre eux, a donné la possibilité à ■ Évolution
d’autres bactéries de parenté proche de survivre à une attaque
par C3G. Si le dernier recours reste les carbapénèmes telle Les déterminismes biochimiques et surtout génétique de la
l’imipénème, la grande question que l’on peut se poser est la résistance bactériennne amènent à un constat pessimiste en
suivante : existe-t-il une mutation ponctuelle permettant à raison de cet extraordinaire potentiel d’adaptation dont dispo-
l’enzyme codée d’inactiver l’imipénème ? c’est une probabilité sent les bactéries. La résistance bactérienne est donc une fatalité
possible ; elle peut être appréciée soit in vitro au laboratoire par mais d’importance variable selon le pays, l’espèce bactérienne et
sélection de mutants, soit en clinique avec l’émergence de l’antibiotique, fonction de son succès, donc de son utilisation.
souches résistantes. Nous illustrons d’abord cette constante évolution à l’aide
Le scénario précédent pourrait s’appliquer en pratique à la d’exemples puisés à partir de la principale famille d’antibioti-
bêtalactamase chromosomique de l’espèce Klebsiella pneumoniae ques, les bêtalactamines (Fig. 14).
dénommée SHV-1 ou encore, comme démontré beaucoup plus La résistance bactérienne acquise présente certaines caracté-
récemment, chez une autre entérobactérie de l’environnement, ristiques en termes d’évolution.
d’isolement rare en pratique médicale, Kluyvera ascorbata,
progéniteur probable des bêtalactamases du groupe CTX-M [24]. Émergence rapide
Le terme CTX-M désigne une plus grande activité de ces
enzymes vis-à-vis du céfotaxime (C3G) que de la ceftazidime Dès la découverte d’un nouvel antibiotique, il a été constaté
(autre C3G). Elles peuvent ensuite évoluer par mutation et donc l’isolement d’espèces bactériennes naturellement résistantes à
acquérir la résistance vis-à-vis de cette dernière C3G. celui-ci. Ainsi avant les premiers essais cliniques de la pénicilline
Si nos connaissances au plan génétique ont fantastiquement G, il a été découvert la résistance naturelle des entérobactéries
progressé au cours de la dernière décennie, l’usage de plus en dont Escherichia coli lors de la production industrielle de cet
plus répandu des techniques d’analyse moléculaire au plan antibiotique. Plus de 40 ans après, lors de la découverte de
mondial permet de nouvelles découvertes, expliquant partielle- l’imipénème, des espèces naturellement résistantes à ce dernier
ment la diffusion de nouveaux gènes de résistance. L’acquisition antibiotique ont été identifiées telles Stenotrophomonas maltophi-
d’éventuels gènes de résistance s’effectue donc, le plus souvent lia, Burkholderia cepacia, Chryseobacterium meningosepticum, etc.
par conjugaison ou sexualité bactérienne, par simple contact Dans les deux années suivant l’introduction d’un antibioti-
entre deux bactéries pouvant être d’espèces différentes. Ces que, de rares souches résistantes sont fréquemment isolées dans
gènes de résistance sont portés sur diverses structures génétiques un contexte d’échecs cliniques. Leur rareté n’impressionne, il est
de type plasmide, intégron avec un ou plusieurs gènes cassettes. vrai, que les spécialistes. Ainsi les souches de Staphylococcus
Les analyses comparatives de séquences ont conduit à la aureus productrices d’une pénicillinase ont été isolées dès 1943,
découverte récente de nouvelles structures génétiques avec les la pénicilline G n’étant prescrite qu’au début 1942. Plus tard, la
common region (CR) et leurs probables recombinases [25]. résistance intrinsèque ou méticillinorésistance est apparue chez
En conclusion, les bactéries, en particulier commensales, cette même espèce bactérienne dans l’année suivant l’introduc-
constituent d’importantes populations, de l’ordre de 10 8 tion de ce nouvel antibiotique (Fig. 14). Au sein des bacilles à

Maladies infectieuses 7
8-006-N-10 ¶ Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution

Nouvelles imipénémases
Nouvelles BLSE
Klebsiella pneumoniae case +
Pseudomonas aeruginosa OXA mutées +
Imipénème Pseudomonas aeruginosa imipénémase +
Stenotrophomonas maltophilia
Pénicillines LS + inhibiteur
Escherichia coli ...... TRI/IRT +
Céphalosporines de 3e génération

Enterobacter ...... HP case +


Acinetobacter Pase + Klebsiella pneumoniae ...... BLSE +
Neisseria gonorrhoae Pase +
Haemophilus influenzae Pase +
Ampicilline Pseudomonas aeruginosa Pase +
Autres entérobactéries Pase +
Céphalotine Escherichia coli Proteus mirabilis Pase +
Enterobacter Citrobacter Serratia ...... Case +

Pénicilline G Méticilline
Staphylococcus Staphylococcus Enterococcus Pase +
aureus Pase + aureus Méti-R

1942 1955 1964 1980 1990 2005


Figure 14. Évolution de la résistance aux bêtalactamines entre 1940 et 2005. TRI/IRT : résistant aux inhibiteurs/inhibitor TEM resistant ; BLSE : bêtalactamases
à spectre élargi ; OXA : oxacillinases ; Case : carbapénémase ; Pase : pénicillinase ; Méti-R : méticillinorésistant.

Gram négatif, deux exemples illustrent cette fatalité. Les


premières souches d’entérobactéries résistantes à l’ampicilline,
première pénicilline à large spectre introduite en Europe en 104 164
1963 et productrices de TEM, émergent en 1964 en Grèce BLSE 237 238
(Fig. 14). La première C3G a été introduite en 1980, les premiers
Km
échecs de traitement par hyperproduction de céphalosporinase
(HP case) sont observés dès les premiers essais cliniques ; puis
les premières souches de Klebsiella pneumoniae productrices de 69
BLSE [5, 13, 26]. TRI/IRT
Km 244
Cette émergence rapide de la résistance acquise en clinique TEM-1/2
est initialement limitée à quelques espèces bactériennes.
D’autres espèces telle Streptococcus pneumoniae paraissent Figure 15. Deux exemples d’évolution par mutation chez la bêtalacta-
capables d’échapper à l’action, par exemple, de la pénicilline G. mase TEM. BLSE : bêtalactamases à spectre élargi ; TRI/IRT : TEM résistant.
Ce n’est qu’en 1980 que les premières souches de pneumoco-
ques de sensibilité diminuée émergent en France [17]. Ce bon
comportement est le fait que la résistance pour se développer résistance est bien détecté au laboratoire comme celui de la
nécessitait d’abord la sélection de variants de streptocoques production de BLSE chez les entérobactéries et la mise en œuvre
buccaux et commensaux de moindre sensibilité (sélection de de mesures spécifiques. Nous analyserons ultérieurement ces
mutants avec des PLP modifiées). Puis le transfert par transfor- mesures qui peuvent être prises dans un souci de nette
mation et la recombinaison de plusieurs de ces gènes doivent diminution de la fréquence de résistance.
être possibles entre une souche de ces streptocoques et une
souche de pneumocoques sensible en portage sain [18].
Ce déterminisme génétique complexe explique donc finale-
Résistance diffusible, car transférable
ment l’émergence de la résistance qu’après plus de 30 années de Une des explications de cette prévalence de résistance
prescription de pénicilline G. Une telle association de mécanis- augmentant inexorablement est liée soit au déterminisme
mes n’a pu s’effectuer, par exemple, chez Streptococcus pyogenes génétique de celle-ci, soit aux aptitudes de la bactérie en cause.
(groupe sérologique A). Il convient cependant de ne pas se Dans le premier cas, il s’agit de gènes facilement transférables
réjouir trop vite. Car la même association de mécanismes a été comme ceux intégrés dans un plasmide, un transposon, voire
rapportée chez Neisseria meningitidis sur des souches de sensibi- un intégron. La résistance est alors détectée dans diverses
lité diminuée à la pénicilline G [27]. espèces bactériennes, cela dans de nombreux pays. L’exemple le
plus probant reste la diffusion épidémique du gène codant la
Fréquence du mécanisme émergent bêtalactamase TEM.
Les aptitudes de la bactérie en cause sont, par exemple, celle
rapidement en augmentation à « adopter » des gènes de bactéries voisines telles que les
L’émergence de la résistance des premières souches de streptocoques commensaux et d’autre part son habitat préféren-
pneumocoques à la pénicilline G n’est apparue en France qu’en tiel, la cavité buccale permettant une telle adoption.
1984. Cependant, la prévalence a rapidement augmenté pour
atteindre 50 % des souches, bien que de légères variations Évolution possible d’un gène de résistance
persistent selon l’origine des souches [28].
La prévalence des souches d’Escherichia coli résistantes aux Diverses observations illustrent le potentiel évolutif d’un gène
pénicillines à large spectre est maintenant de 50 %, celle de résistance bactérien avec, comme exemple, la découverte
d’Haemophilus influenzae étant assez proche (http://www. dans les années 1985 des BLSE [3, 4] et, quelques années après,
onerba.org). celles dénommées TEM résistant aux inhibiteurs (TRI) ou encore
Cependant, si la prévalence peut rapidement augmenter après inhibitor TEM resistant (IRT) [29], résultats de mutations dans des
l’émergence des premières souches, celle-ci peut heureusement positions différentes du gène codant l’enzyme précédemment
régresser très significativement lorsque le nouveau mécanisme de citée, TEM-1 ou TEM-2 (Fig. 15).

8 Maladies infectieuses
Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution ¶ 8-006-N-10

Ainsi, selon les besoins d’évolution de la bactérie pour sa et enfin VEB-1. Des enzymes proches de GES-1 ont été
survie, un même gène peut, selon les conditions environne- découvertes en Grèce, malheureusement dénommées à tort
mentales, évoluer dans deux sens opposés. D’une part, il peut y integron borne cephalosporinase (IBC-1, IBC-2) [32].
avoir l’évolution vers une plus grande résistance aux bêtalacta- L’existence, pour ces nouvelles enzymes, de localisation
mines dont les C3G ; dans ce cas, les mutations ont été obser- géographique préférentielle rend compte d’une distribution
vées toujours dans les mêmes positions du gène codant, à savoir géographique différente. Ainsi l’enzyme VEB-1 est très répandue
104, 164, 237 et/ou 238 [13, 26] . L’effet de cette ou de ces dans le Sud-Est asiatique, PER-1 est prépondérante en Turquie
substitutions en acides aminés est une meilleure affinité (Km alors que PER-2 n’a été décrite qu’en Argentine [14]. Enfin
diminuée) pour les bêtalactamines. TLA-1 n’a été observée qu’au Mexique. Néanmoins, elles peuvent
À l’inverse, la bêtalactamase TEM peut évoluer par mutation être observées en France comme PER-1, GES-1 et même sous une
du gène dans les positions 69 et 244 ou d’autres, identifiées par forme épidémique comme récemment VEB-1 chez Acinetobacter
la suite, vers une plus grande sensibilité à certaines bêtalactami- baumannii [33].
nes sans conséquences thérapeutiques notables. Cette substitu- La bêtalactamase plasmidique SFO-1 n’a été identifiée qu’une
tion d’acide(s) aminé(s) a pour effet d’obtenir une enzyme seule fois dans une souche d’Enterobacter cloacae au Japon. Elle
modifiée avec un Km augmenté (µM), donc ayant une moindre présente la particularité d’avoir pour progéniteur une
affinité pour les bêtalactamines, dont l’acide clavulanique. Cette entérobactérie d’isolement rare en bactériologie médicale,
diminution d’affinité a comme conséquence une plus grande l’espèce Serratia fonticola. Enfin, les gènes correspondant à ces
concentration de l’inhibiteur pour obtenir le même effet. Cette BLSE sont le plus souvent retrouvés dans des structures de type
résistance aux inhibiteurs définit les enzymes TRI ou IRT [30]. intégron comme gènes cassettes (VEB-1, IBC-1, GES-1, GES-3) et
L’obtention de mutants mixtes, BLSE et TRI, est possible mais donc sous la dépendance de promoteurs situés à l’extrémité 3' du
rare. On parle d’enzymes CMT pour complex mutant TEM [31]. gène de l’intégrase.
Un autre exemple d’évolution d’un gène de résistance
(mutation) vers une plus grande résistance vis-à-vis des C3G Résistance acquise aux C3G, aux céfamycines
(ceftazidime) est aussi illustré chez Pseudomonas aeruginosa par et aux inhibiteurs enzymatiques (classe C)
celle des bêtalactamases de la classe D ou oxacillinases [16].
par acquisition d’une céphalosporinase
Cette évolution d’un gène de résistance n’est pas seulement
liée au gène de structure mais elle peut être en relation avec une
plasmidique
mutation dans le système de régulation (dérépression ou Ce n’est que vers 1988 que sont apparues aux États-Unis et
hyperproduction) en relation vers une plus grande résistance en Europe les premières souches cliniques de Klebsiella (Kleb-
comme celle vis-à-vis des C3G (ceftazidime) est aussi observée siella pneumoniae, Klebsiella oxytoca) montrant un phénotype de
chez les bacilles à Gram négatif naturellement producteurs résistance de type céphalosporinase alors qu’elles n’en produi-
d’une case tels qu’Enterobacter cloacae, Enterobacter aerogenes, sent pas naturellement [34-36]. La découverte de « céphalospori-
Pseudomonas aeruginosa [5]. nases plasmidiques » originaires d’entérobactéries, productrices
La résistance acquise peut être, donc, extrêmement modula- naturelles, indiquait une nouvelle et importante étape de la
ble. Une telle souplesse permet au monde bactérien une résistance acquise aux antibiotiques (C3G en particulier) par
adaptation possible aux thérapeutiques, même les plus récentes. mobilisation de gènes chromosomiques.
Cette émergence d’un mécanisme de résistance tout à fait
Évolution de la résistance aux C3G inédit et important allait s’amplifier et être démontrée chez
diverses espèces d’entérobactéries : Klebsiella pneumoniae,
(nouvelles bêtalactamases à spectre élargi) Klebsiella oxytoca, Salmonella enterica, Proteus mirabilis Escherichia
Parmi les autres exemples de résistance enzymatique aux C3G coli, Enterobacter cloacae, Enterobacter aerogenes, Shigella, etc. De
chez les entérobactéries prédomine au plan mondial un groupe très nombreuses publications confirment cette émergence dans
d’enzymes dénommé CTX-M (pour céfotaximase) qui conférait, de nombreux pays avec la prédominance d’un ou deux types
à l’origine, un plus haut niveau de résistance au céfotaxime (ou dont CMY-2, et même chez l’animal. Les perspectives sont
ceftriaxone), céfépime et aztréonam qu’à la ceftazidime [8, 9, 14]. inquiétantes, liées à l’isolement de Salmonella productrices de
Certaines d’entre elles ont, plus récemment, évolué par case, en particulier, d’origine animale [37].
mutation (ponctuelle ou non) générant un haut niveau de Le phénotype de résistance observé est similaire à celui d’une
résistance à la ceftazidime telles que les enzymes CTX-M-15, céphalosporinase chromosomique hyperproduite avec, généra-
CTX-M-16, CTX-M-19, CTX-M-23 ou encore très récemment lement, une résistance aux C3G, une sensibilité au mécillinam,
CTX-M-32 dérivant par simple mutation (Asp240Gly) de CTX- aux « C4G » (céfépime, cefpirome) et à l’imipénème et enfin
M-1. Ce groupe d’enzymes rencontré chez diverses espèces de une résistance aux associations avec l’acide clavulanique.
bacilles à Gram négatif telles qu’entérobactéries (Escherichia coli, La majorité des souches productrices est résistante à la céfoxi-
Klebsiella pneumoniae, Pseudomonas mirabilis, Salmonella enterica, tine, à l’exception de celles productrices de l’enzyme ACC-1 [36].
Shigella flexneri, etc.) ou autres (Vibrio cholerae) est maintenant Si ces enzymes en position chromosomique sont inductibles,
très largement répandu dans le monde. caractère aisément détecté dans l’antibiogramme par diffusion par
La phylogénie de ces nouvelles BLSE montre actuellement un un antagonisme entre une bêtalactamine inductrice (imipénème)
regroupement au sein de cinq branches (dendogramme : et une C3G, les enzymes plasmidiques sont, le plus souvent, non
http://www.lahey.org/studies/inc_webt.asp). Les analyses géné- inductibles, à l’exception de ACT-1, de DHA-1 et de CFE-1. Par
tiques ont montré que les gènes progéniteurs appartiennent au séquençage, il a été démontré la présence d’un gène régulateur
genre Kluyvera, entérobactéries d’isolement très rare en ampR en amont du gène de structure, ampC. L’interprétation de
bactériologie médicale [14, 24]. Ainsi le phylum CTX-M-2 dérive de l’antibiogramme pour ce mécanisme de résistance est identique
la bêtalactamase naturelle de Kluyvera ascorbata alors que le à celle de l’hyperproduction chromosomique.
phylum CTX-M-8 vient de Kluyvera georgiana. L’environnement Ce nouvel aspect de la résistance acquise aux C3G a eu, pour
génétique de plusieurs CTX-M a permis de découvrir l’existence première conséquence, de clairement démontrer la possible
de structures génétiques inconnues comme la séquence mobilisation de gènes chromosomiques au sein du monde
d’insertion ISEcp1 apportant un promoteur ou encore l’IS513. Si le bactérien. Ainsi pour plusieurs de ces enzymes transférables, les
mécanisme exact de la mobilisation de ces gènes est encore mal progéniteurs ont été identifiés : groupe CMY (Citrobacter
précisé, il reste la question essentielle du lieu de capture de ces freundii), DHA-1 (Morganella morganii), groupe FOX (Aeromonas
gènes : environnement hydrique, tellurique, alimentaire, voire caviae), ACT-1 (Enterobacter asburiae) et ACC-1 (Hafnia alvei).
agronomique, etc. Cette dernière céphalosporinase présente la particularité d’être
D’autres BLSE caractérisées par un haut niveau de résistance à la inhibée par la céfoxitine, donc la souche productrice apparaît
ceftazidime et parfois à l’aztréonam plutôt qu’au céfotaxime ont sensible à cette bêtalactamine. L’étude de l’environnement
une distribution moins large que le groupe CTX-M [8, 10, 11]. Dans génétique de ces gènes a démontré que la mobilisation de ces
ce groupe sont individualisées BES-1, GES-1, PER-1, SFO-1, TLA-1, gènes faisait intervenir des séquences d’insertion déjà évoquées

Maladies infectieuses 9
8-006-N-10 ¶ Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution

pour certaines BLSE telles ISEcp1, orf513 ou encore des IS de diverses entérobactéries telles Klebsiella pneumoniae, Salmonella
type IS de transposon composite [25]. Si le mécanisme exact de enterica, Escherichia coli, Klebsiella oxytoca, et causes d’épidémies
la mobilisation de ces gènes est encore mal précisé, il reste la hospitalières, les gènes KPC sont, au moins, plasmidiques et se
question majeure du ou des lieux de telle mobilisation de gènes. transmettent facilement par conjugaison.
L’environnement hydrique peut être évoqué ; en effet, l’agricul- Les gènes cassettes codant les BLSE de type GES-1, voire GES-
ture et l’aquaculture a utilisé, ou utilise les antibiotiques. Que 3 peuvent, par mutation, acquérir une activité carbapénémase,
savons-nous de la consommation d’antibiotiques en horticul- voire céphamycinase ; il s’agit au moins de GES-4, récemment
ture, par exemple, pour le traitement du feu bactérien ou encore identifié au Japon et en Grèce [32].
dans l’alimentation, etc. ?

Résistance acquise aux C4G (cases Association de mécanismes


chromosomiques à spectre élargi) La dernière évolution notable de la résistance acquise aux
La résistance chromosomique acquise aux C3G liée à l’hyper- bêtalactamines au sein des bacilles à Gram négatif concerne
production de la case (mutation du gène régulateur ampD) l’isolement de souches multirésistantes présentant une accumu-
s’individualise par une résistance à diverses bêtalactamines dont lation de mécanismes de résistance. À titre d’exemple, chez
la ticarcilline, la pipéracilline, les céfamycines, les C3G ou diverses entérobactéries, l’association d’une céphalosporinase et
encore l’aztréonam mais quelques bêtalactamines restent d’une imperméabilité au niveau d’une porine et/ou associée à
épargnées telles mécillinam, C4G (céfépime, cefpirome) et un efflux génère la résistance à de nombreuses bêtalactamines
carbapénèmes (imipénème). (spectre de la céphalosporinase) à laquelle s’ajoute celle aux
Cependant a émergé, depuis peu en clinique, la résistance carbapénèmes dont l’imipénème. La bêtalactamase AmpC ou
acquise aux C4G, en particulier en France [38, 39]. Les rares céphalosporinase peut être chromosomique, en général hyper-
souches cliniques isolées (Enterobacter cloacae, Enterobacter produite (Enterobacter cloacae, Enterobacter aerogenes, etc.), ou
aerogenes, Serratia marcescens) sont souvent hyperproductrices de plasmidique [35, 40]. Il n’est pas rare, maintenant, d’isoler des
leur céphalosporinase chromosomique, par ailleurs modifiée soit souches de Klebsiella pneumoniae, productrices de trois, voire de
par mutation ponctuelle (par exemple L-293-P), soit par délétion quatre bêtalactamases [10, 43].
de plusieurs bases (9 à 12) au niveau de la région codante de la À l’heure actuelle, un constat préoccupant sur la résistance
case, dite alpha-10. Des mutants ponctuels in vitro ont déjà été acquise aux C3G chez Salmonella doit être dressé, aussi bien
rapportés et étaient liés à des substitutions d’acides aminés dans pour des souches d’origine humaine qu’animale. Ainsi ont été
la même région du gène ampC. Ces deux types de modification identifiées diverses enzymes de type CTX-M dans divers sérovars
génique diminuent le Km de l’enzyme qui a pour effet d’aug- dans de nombreux pays, dont la France, voire dans de nom-
menter le rapport k(cat)/K(m) vis-à-vis par exemple du céfépime. breux continents. Le constat est tout aussi préoccupant pour les
Il y a donc une résistance additionnelle aux C4G (céfépime, souches de Salmonella productrices de diverses cases transféra-
cefpirome). bles telles CMY-2, CMY-4, ACC-1, ou encore DHA-1. Récem-
ment a été rapportée en France une épidémie de toxi-infection
Résistance aux carbapénèmes alimentaire collective (TIAC) de 14 cas liée à la consommation
Commercialisés depuis plus de 15 ans, l’imipénème ou encore d’une viande de cheval importée et contaminée mais d’origine
le méropénème dans des pays autres que la France restent inconnue [37]. En conclusion, il apparaît urgent de mettre en
toujours des molécules très actives, donc apparaissent souvent, œuvre une surveillance beaucoup plus étroite de ce groupe
pour le clinicien, le dernier recours thérapeutique. Cependant, bactérien. Cependant, la détection de ces enzymes exige une
quelques signes d’inquiétude pointent, suite à la découverte implication beaucoup plus grande des autorités en moyens et en
d’enzymes nouvelles, majoritairement transférables, dénommées matériel ; la difficulté sera, quelquefois, l’association de plusieurs
IMP, VIM, SPM, GIM, KPC, GES, OXA, etc. chez des bactéries mécanismes de résistance enzymatique comme CMY-7 + SHV-9
opportunistes comme Pseudomonas aeruginosa et Acinetobacter (61) ou encore SHV-2a + CMY-4 + CTX-M-3.
baumannii mais beaucoup plus rarement chez des entérobacté-
ries en France [11, 12, 15, 16]. Évolution globale
Les métallobêtalactamases (classe B) sont d’isolement rare
chez les entérobactéries en France. Ces enzymes ont été rappor- Les diverses évolutions évoquées ci-dessus ont amené les
tées en particulier sur des souches de Pseudomonas aeruginosa. divers acteurs de la santé, il y a plusieurs années, à tenter de
• Deux mécanismes « anciens », au moins, sont déjà connus. diminuer cette inexorable augmentation de la résistance, en
L’un combine l’hyperproduction d’une céphalosporinase à particulier initialement en Amérique du Nord. Un autre élément
celle de la perte d’une porine comme déjà décrit dans les capital de cette réflexion était l’absence de découverte, donc
années 1980 chez Enterobacter cloacae ou Enterobacter aeroge- d’éventuelle commercialisation de nouveaux antibiotiques. Si
nes [40]. Ce type d’association est maintenant observé lors de l’on n’y avait pas pris garde, nous nous serions retrouvés avant
production d’une case plasmidique chez Klebsiella pneumoniae, l’ère des antibiotiques.
Salmonella enterica, etc. [35, 41]. L’autre mécanisme de résis- Parmi ces initiatives, citons une mise en place de la sur-
tance, connu depuis les années 1980, se caractérise par un veillance au plan national de l’évolution de la résistance acquise
haut niveau de résistance à l’aztréonam et une sensibilité aux antibiotiques chez diverses espèces bactériennes telles que
presque normale aux C3G. Il s’agit de la production d’une Staphylococcus aureus, Streptococcus pneumoniae, Haemophilus
carbapénémase en position chromosomique de classe A influenzae, Escherichia coli, Pseudomonas aeruginosa, Campylobacter
(NMC-A, Sme-1, Sme-2, IMI-1, IMI-2). Ces enzymes sont coli, etc.
restées heureusement marginales. Au plan national figurent d’abord l’Institut national de veille
• La dernière évolution identifiée depuis peu est beaucoup plus sanitaire (InVS) (http://www.invs.sante.fr/presentations/), les
inquiétante, car elle est liée à la découverte de carbapénéma- différents centres nationaux de référence (CNR) avec celui sur
ses plasmidiques, majoritairement de type KPC. Ces enzymes Campylobacter (http://www.cnrch.u-bordeaux2.fr/), ou encore
sont heureusement encore exceptionnelles, car isolées presque l’Observatoire national de l’étude de la résistance des bactéries
uniquement en Amérique du Nord [12]. Néanmoins, un cas aux antibiotiques (ONERBA), en France, fédérant divers réseaux
d’importation récent (malade américain venant de New York) comme celui des hôpitaux universitaires, les laboratoires
vient d’être identifié en France [42]. d’analyses de biologie médicale ou encore les hôpitaux militaires
Phénotypiquement, KPC-1, KPC-2, KPC-3 confèrent un haut (http://www.onerba.org/rubrique.php3?id_rubrique=10).
niveau de résistance aux C3G contrairement aux carbapénéma- Au plan européen, l’European Antimicrobial Resistance
ses chromosomiques ayant une sensibilité presque normale aux Surveillance System (EARSS) (http://www.rivm.nl/earss/)
C3G (NMC-A, Sme-1, Sme-2 et IMI-1). De plus, pour le groupe rassemble 45 pays européens et fournit des informations sur un
KPC, la résistance est croisée entre carbapénèmes (imipénème, nombre limité d’espèces. Il est à prévoir que dans quelques
méropénème, ertapénème, doripénème). Identifiées chez années, les bases de données seront beaucoup plus conséquentes.

10 Maladies infectieuses
Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution ¶ 8-006-N-10

80 100

70
63,1 90
60
53,7

80
50
% de SARM

40
70

30 39,4

% de sensibilité
60
20 26,6
Hôpitaux SSR-SLD
10 50
Hôpitaux court séjour
0
40
1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
Année
30
Figure 16. Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM). Évo-
lution en pourcentage entre 1993 et 2003 au sein des hôpitaux de
20
l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (http://www.onerga.org).
Hôpitaux SSR-SLD : hôpitaux de soins de suite et réadaptation-soins de
longue durée. 10

Bien évidemment, au plan international, se mettent en place 0

divers réseaux comme au Center for Diseases Control (CDC) aux 1993 1994 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
États-Unis avec, en particulier, le National Antimicrobial Année
Resistance Monitoring System (NARMS) créé dès 1996 en
Acide fusidique Érythromycine
collaboration avec la Food and Drug Administration. Celui-ci
surveille, en particulier, la sensibilité des entérobactéries d’origine Fosfomycine Tobramycine

humaine et animale (http://www.cdc.gov/narms/). Gentamicine Fluoroquinolone


D’autres initiatives concourent à cette prise de conscience à Rifampicine
destination du corps médical (recommandations) ou encore du
grand public (bonne prescription). Figure 17. Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM).
Voici quelques exemples d’évolution de la résistance aux Évolution de la sensibilité à divers antibiotiques entre 1993 et 2003
antibiotiques. au sein des hôpitaux de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris
• La surveillance de la fréquence de résistance a été évaluée dans (http://www.onerga.org).
les hôpitaux de l’Assistance publique de Paris depuis les années
1990. Pour les souches de Staphylococcus aureus méticil-
70
linorésistante, celle-ci a diminué de 33 % pour les hôpitaux de
court séjour, en particulier en réanimation et en chirurgie. Mais 60
elle a augmenté (+ 17 %) pour les hôpitaux de soins de suite et
réadaptation-soins de longue durée (SSR-SLD) (Fig. 16) 50
l'ensemble des BLSE
% de l'espèce parmi

(http://www.onerga.org). Il est intéressant de noter l’augmen-


tation de la sensibilité à d’autres antibiotiques : gentamicine 40
(de 12 à 82 %), érythromycine (8 à 48 %), ou encore la
30
rifampicine (27 à 84 %) (Fig. 17).
• Un autre exemple de surveillance de la résistance au sein des
20
hôpitaux de l’Assistance publique de Paris est celui de la
fréquence d’isolement de souches productrices de BLSE au sein 10
des entérobactéries (Fig. 18) (http://www.onerga.org).
• La surveillance de la fréquence de résistance de Campylobacter 0
(Campylobacter coli et Campylobacter jejuni) vis-à-vis des 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
quinolones a été évaluée dans plusieurs pays au cours d’une Année
décennie
(http://www.cdc.gov/ncidod/eid/vol7no1/engbergG2.htm)
Klebsiella pneumoniae Enterobacter aerogenes
(Fig. 19). Pour la France, consulter le CNR Campylobacter Escherichia coli Enterobacter cloacae
(http://www.cnrch.u-bordeaux2.fr/).
Nous pourrions indiquer d’autres exemples de l’évolution de la Figure 18. Évolution du pourcentage d’entérobactéries productrices
résistance des bactéries aux antibiotiques. Il apparaît de bêtalactamases à spectre élargi (BLSE) entre 1995 et 2003 au sein des
d’importantes différences selon les pays, les espèces bactériennes hôpitaux de l’Assistance publique-hôpitaux de Paris (http://www.
et les antibiotiques, reflets très probables des pressions de onerga.org).
sélection, donc de leur usage. Néanmoins, ces diverses données de
plus en plus conséquentes et évolutives au plan mondial sont le
dehors du domaine purement médical. Quel que soit le type de
reflet des préoccupations au plan national de cet inquiétant
résistance examiné, il est à noter que la résistance bactérienne
problème de l’augmentation de la résistance acquise. Quelques
est une fatalité à plus ou moins long terme en raison de
signes apparaissent indiquer la possibilité de voir diminuer les
l’étonnant arsenal génétique que les bactéries sont en mesure
fréquences de résistance après plusieurs années d’application de
d’opposer à nos thérapeutiques. L’exemple des bêtalactamines,
mesures contraignantes.
principale famille d’antibiotiques, en est une parfaite illustra-
tion, en particulier chez les bactéries à Gram négatif comme les
■ Conclusion entérobactéries.
Comme la découverte et la commercialisation de nouveaux
À partir des années 1945, les antibiotiques ont révolutionné antibiotiques devenaient de plus en plus aléatoires, une prise de
nos pratiques médicales, mais ils sont aujourd’hui en danger, conscience du milieu médical, relayé par les pouvoirs publics, a
suite à une utilisation excessive et trop fréquente, même en tenté et tente de juguler cette émergence continuelle de

Maladies infectieuses 11
8-006-N-10 ¶ Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution

[10] Philippon A, Arlet G. Bêta-lactamases des bacilles à Gram-négatif : le


90 mouvement perpétuel. Ann Biol Clin (Paris) 2005;64:37-51.
80 [11] Poirel L, Nordmann P. Acquired carbapenem-hydrolyzing beta-
70
lactamases and their genetic support. Curr Pharm Biotechnol 2002;3:
117-21.
60
[12] Bratu S, Landman D, Haag R, Recco R, Eramo A, Alam M, et al. Rapid
50 spread of carbapenem-resistant Klebsiella pneumoniae in New York
40 City: a new threat to our antibiotic armamentarium. Arch Intern Med
30 2005;165:1430-5.
20 [13] Philippon A, Labia R, Jacoby G. Extended-spectrum beta-lactamases.
10
Antimicrob Agents Chemother 1989;33(suppl5):1131-6.
[14] Bonnet R. Growing group of extended-spectrum beta-lactamases: the
0
Th CTX-M enzymes. Antimicrob Agents Chemother 2004;48:1-4.
Es aïl
Au pa a [15] Walsh TR, Toleman MA, Poirel L, Nordmann P. Metallo-ß-lactamases:
19 999

gn nd
19 98

Fr tri e
the quiet before the storm? Clin Microbiol Rev 2005;18:306-25.
1 7

an ch e
1

Pa
9
1 996

ys ce e
1 995

Fin
19 994

Ita lan -B [16] Naas T, Nordmann P. OXA-type beta-lactamases. Curr Pharm Des
1 93

as
19 992

Ét lie de
an 1 990 1

ats 1999;5:865-79.
1 9

Ro
-U
98 9

Année Da ya
t 1 98

um nis [17] Geslin P, Buu-Hoi A, Fremaux A, Acar JF. Antimicrobial resistance in


9

ne e-
ma Un Pays
rk i Streptococcus pneumoniae: an epidemiological survey in France,
Av

1970-1990. Clin Infect Dis 1992;15:95-8.


Figure 19. Campylobacter (Campylobacter coli, Campylobacter jejuni). [18] Hakenbeck R, Konig A, Kern I, Van der Linden M, Keck W, Billot-
Évolution de la résistance aux quinolones en fonction du pays et du temps. Klein D, et al. Acquisition of five high-Mr penicillin-binding protein
BLSE : bêtalactamases à spectre élargi (http://www.cdc.gov/ncidod/ variants during transfer of high-level beta-lactam resistance from
eid/vol7no1/engbergG2.htm). Streptococcus mitis to Streptococcus pneumoniae. J Bacteriol 1998;18:
1831-40.
[19] Bruckner R, Nuhn M, Reichmann P, Weber B, Hakenbeck R. Mosaic
bactéries résistantes. Il convient donc de mettre en œuvre, au genes and mosaic chromosomes-genomic variation in Streptococcus
plan planétaire, diverses stratégies ou mesures correctrices telle pneumoniae. Int J Med Microbiol 2004;294:157-68.
celle du bon usage des antibiotiques et pas seulement à l’hôpital [20] Gutmann L, Billot-Klein D, Williamson R, Goldstein FW, Mounier J,
avec son référent « antibiotique ». Parmi les autres mesures, il Acar JF, et al. Mutation of Salmonella paratyphi A conferring cross-
convient de sensibiliser le malade lui-même ou son entourage resistance to several groups of antibiotics by decreased permeability
sur le non-intérêt de leur prescription devant certains types and loss of invasiveness. Antimicrob Agents Chemother 1988;32:
d’infection ; d’autant que la surveillance comparative de la 195-201.
consommation d’antibiotiques entre pays peut convaincre les [21] Dang P, Gutmann L, Quentin C, Williamson R, Collatz E. Some
sceptiques, etc. Enfin, la mise en place d’observatoire de la properties of Serratia marcescens, Salmonella paratyphi A, and
résistance permettra de mieux évaluer l’intérêt de certaines Enterobacter cloacae with non-enzyme-dependent multiple resistance
mesures comme la détection des bactéries multirésistantes to beta-lactam antibiotics, aminoglycosides, and quinolones. Rev Infect
(BMR), suivie de marquage et de mesures d’isolement. Restrein- Dis 1988;10:899-904.
dre leur usage dans d’autres domaines apparaît d’autant plus [22] Barbosa TM, Levy SB. Differential expression of over 60 chromosomal
évident que nous connaissons mal les conséquences en termes genes in Escherichia coli by constitutive expression of MarA.
de sélection de pression dans d’autres écosystèmes comme ceux J Bacteriol 2000;182:3467-74.
de l’agriculture dont l’harboriculture, l’aquaculture, par [23] Hocquet D, Llanes C, Patry I, El Garch F, Plesiat P. Deux systèmes
exemple. d’efflux exprimés simultanément dans des souches cliniques de
.
Pseudomonas aeruginosa. Pathol Biol 2004;52:455-61.
[24] Humeniuk C, Arlet G, Gautier V, Grimont P, Labia R, Philippon A.
■ Références Beta-lactamases of Kluyvera ascorbata, probable progenitors of some
plasmid-encoded CTX-M types. Antimicrob Agents Chemother 2002;
[1] Communiqué de l’antibiogramme de la Société française de 46:3045-9.
microbiologie. http://www.sfm.asso.fr/nouv/general.php?pa=2. [25] Partridge SR, Hall RM. In34, a complex In5 family class 1 integron
[2] Courvalin P, Bingen E, Leclercq R. L’antibiogramme. Paris: Siska; containing orf513 and dfrA10. Antimicrob Agents Chemother 2003;47:
2006. 342-9.
[3] Sirot D, Sirot J, Labia R, Morand A, Courvalin P, Darfeuille-
[26] Sirot D. Extended-spectrum plasmid-mediated beta-lactamases.
Michaud A, et al. Transferable resistance to third-generation
J Antimicrob Chemother 1995;36(supplA):19-34.
cephalosporins in clinical isolates of Klebsiella pneumoniae: identifi-
[27] Bowler LD, Zhang QY, Riou JY, Spratt BG. Interspecies recombination
cation of CTX-1, a novel beta-lactamase. J Antimicrob Chemother
between the penA genes of Neisseria meningitidis and commensal
1987;20:323-34.
[4] Brun-Buisson C, Legrand P, Philippon A, Montravers F, Ansquer M, Neisseria species during the emergence of penicillin resistance in N.
Duval J. Transferable enzymatic resistance to third-generation meningitidis: natural events and laboratory simulation. J Bacteriol
cephalosporins during nosocomial outbreak of multiresistant 1994;17:333-7.
Klebsiella pneumoniae. Lancet 1987;2:302-6. [28] Varon E, Gutmann L. Rapports d’activité: http://www.invs.
[5] Sanders CC, Sanders Jr. WE. Emergence of resistance to cefamandole: sante.fr/surveillance/cnr/index.htm.
possible role of cefoxitin-inducible beta-lactamases. Antimicrob [29] Vedel G, Belaaouaj A, Gilly L, Labia R, Philippon A, Névot P, et al.
Agents Chemother 1979;15:792-7. Clinical isolates of Escherichia coli producing TRI beta-lactamases:
[6] Gutmann L, Billot-Klein D, Williamson R, Goldstein FW, Mounier J, novel TEM-enzymes conferring resistance to beta-lactamase
Acar JF, et al. Mutation of Salmonella paratyphi A conferring cross- inhibitors. J Antimicrob Chemother 1992;30:449-62.
resistance to several groups of antibiotics by decreased permeability [30] Belaaouaj A, Lapoumeroulie C, Canica MM, Vedel G, Nevot P,
and loss of invasiveness. Antimicrob Agents Chemother 1988;32: Krishnamoorthy R, et al. Nucleotide sequences of the genes coding for
195-201. the TEM-like beta-lactamases IRT-1and IRT-2 (formerly called TRI-1
[7] Armand-Lefevre L, Leflon-Guibout V, Bredin J, Barguellil F, Amor A, and TRI-2). FEMS Microbiol Lett 1994;120:75-80.
Pages JM, et al. Imipenem resistance in Salmonella enterica serovar [31] Robin F, Delmas J, Chanal C, Sirot D, Sirot J, Bonnet R. TEM-109
Wien related to porin loss and CMY-4 beta-lactamase production. (CMT-5), a natural complex mutant of TEM-1 beta-lactamase
Antimicrob Agents Chemother 2003;47:1165-8. combining the amino acid substitutions of TEM-6 and TEM-33 (IRT-
[8] Arlet G, Philippon A. Les nouvelles ß-lactamases à l’aube du troisième 5). Antimicrob Agents Chemother 2005;49:4443-7.
millénaire. Rev Fr Lab 2003;352:41-55. [32] Vourli S, Giakkoupi P, Miriagou V, Tzelepi E, Vatopoulos AC,
[9] Bradford PA. Extended-spectrum beta-lactamases in the 21st century: Tzouvelekis LS. Novel GES/IBC extended-spectrum beta-lactamase
characterization, epidemiology, and detection of this important variants with carbapenemase activity in clinical enterobacteria. FEMS
resistance threat. Clin Microbiol Rev 2001;14:933-51. Microbiol Lett 2004;234:209-13.

12 Maladies infectieuses
Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution ¶ 8-006-N-10

[33] Poirel L, Menuteau O, Agoli N, Cattoen C, Nordmann P. Outbreak of [42] Naas T, Nordmann P, Vedel G, Poyart C. Plasmid-mediated
extended-spectrum beta-lactamase VEB-1-producing isolates of carbapenem-hydrolyzing beta-lactamase KPC in a Klebsiella
Acinetobacter baumannii in a French hospital. J Clin Microbiol 2003; pneumoniae isolate from France. Antimicrob Agents Chemother 2005;
41:3542-7. 49:4423-4.
[34] Papanicolaou GA, Medeiros AA, Jacoby GA. Novel plasmid-mediated [43] Hanson ND, Moland ES, Hossain A, Neville SA, Gosbell IB,
beta-lactamase (MIR-1) conferring resistance to oxyimino-and alpha- Thomson KS. Unusual Salmonella enterica serotype typhimurium
methoxy beta-lactams in clinical isolates of Klebsiella pneumoniae. isolate producing CMY-7, SHV-9 and OXA-30 beta-lactamases.
Antimicrob Agents Chemother 1990;34:2200-9. J Antimicrob Chemother 2002;49:1011-4.
[35] Philippon A, Arlet G, Jacoby GA. Plasmid-determined AmpC-type
ß-lactamases. Antimicrob Agents Chemother 2002;46:1-1.
[36] Philippon A, Arlet G. Les bêta-lactamases chez les bacilles à Gram Pour en savoir plus
négatif : que de nouveautés en 15 ans! Antibiotiques 2005;7:1-3.
[37] Espie E, de Valk H, Vaillant V, Quelquejeu N, Le Querrec F, Weill FX. http://www.microbes-edu.org.
An outbreak of multidrug-resistant Salmonella enterica serotype http://www.oms2.b3e.jussieu.fr/arinfobank/.
Newport infections linked to the consumption of imported horse meat http://www.rivm.nl/earss/links/#tcm:61-24648.
in France. Epidemiol Infect 2005;133:373-6. http://www.oie.int/fr/normes/mcode/fr_chapitre_3.9.1.htm.
[38] Barnaud G, Labia R, Raskine L, Sanson-Le Pors MJ, Philippon A, http://www.invs.sante.fr/beh/2004/32_33/.
Arlet G. Extension of resistance to cefepime and cefpirome associated http://www.esbic.de/esbic/ind_esar.htm.
to a six amino acid deletion in the H-10 helix of the cephalosporinase of http://www.antibioresistance.be/Links.html.
an Enterobacter cloacae clinical isolate. FEMS Microbiol Lett 2001; http://www.onerba.org/rubrique.php3?id_rubrique=20.
195:185-90. http://www.eurosurveillance.org/em/v05n12/0512-121.asp.
[39] Barnaud G, Benzerara Y, Gravisse J, Raskine L, Sanson-Le Pors MJ,
http://www.who.int/salmsurv/activities/bulletin_board/mess1004/en/
Labia R, et al. Selection during cefepime treatment of a new
index.html.
cephalosporinase variant with extended-spectrum resistance to
cefepime in an Enterobacter aerogenes clinical isolate. Antimicrob http://www.who.int/salmsurv/activities/bulletin_board/mess1905/en/
Agents Chemother 2004;48:1040-2. index.html.
[40] Lee EH, Nicolas MH, Kitzis MD, Pialoux G, Collatz E, Gutmann L. http://www.cdc.gov/narms/.
Association of two resistance mechanisms in a clinical isolate of http://www.cdc.gov/drugresistance/actionplan/index.htm.
Enterobacter cloacae with high-level resistance to imipenem. http://www.who.int/csr/en/.
Antimicrob Agents Chemother 1991;35:1093-8. http://www.inra.fr/.
[41] Martinez-Martinez L, Pascual A, Hernandez-Alles S, Alvarez-Diaz D, http://www.invs.sante.fr/surveillance/cnr/#4.
SuarezAI, Tran J, et al. Roles of beta-lactamases and porins in activities http://www.esac.ua.ac.be/main.aspx?c=*ESAC2 (consommation).
of carbapenems and cephalosporins against Klebsiella pneumoniae. http://www.hpa.org.uk/default.htm.
Antimicrob Agents Chemother 1999;43:1669-73. http://www.fougeres.afssa.fr/.

A. Philippon (Alain.Philippon@univ-paris5.fr).
Service de bactériologie, Hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Philippon A. Résistance bactérienne : définitions, mécanismes, évolution. EMC (Elsevier Masson SAS,
Paris), Maladies infectieuses, 8-006-N-10, 2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

Maladies infectieuses 13
 8-006-N-20

Antifongiques
C. Aguilar, V. Jullien, A. Alanio, S. Bretagne, P. Frange, F. Lanternier, O. Lortholary

Des progrès considérables ont été effectués au cours des dernières années dans la prise en charge des
infections fongiques, notamment grâce à l’utilisation de nouvelles thérapeutiques. L’augmentation de
l’arsenal thérapeutique implique pour les praticiens de connaître précisément les caractéristiques, le mode
d’administration, les effets indésirables et les indications des différents antifongiques, d’autant plus qu’ils
sont fréquemment administrés à des patients ayant des comorbidités. L’amphotéricine B déoxycholate,
utilisée depuis de nombreuses années, l’est maintenant moins au profit de ses formulations lipidiques,
moins néphrotoxiques. Dans la classe des azolés, le voriconazole et le posaconazole se sont ajoutés au
fluconazole et à l’itraconazole. Les médicaments de cette classe présentent l’avantage d’être disponibles
par voie orale, mais posent des problèmes d’interactions médicamenteuses. Les échinocandines, dernière
classe mise sur le marché, sont des molécules très bien tolérées, et ayant une efficacité majeure dans les
candidoses. Il faut noter que, chez les patients immunodéprimés, l’épidémiologie des infections fongiques
évolue, à la fois du fait du profil d’immunodépression, mais aussi du fait de l’exposition aux antifongiques.
Cela souligne l’importance d’une utilisation raisonnée de ces molécules. Les recommandations des sociétés
d’experts, s’appuyant sur les données de la littérature, sont utiles pour améliorer la prescription raisonnée
des antifongiques.
© 2015 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Azolés ; Candines ; Polyènes ; Mycose ; Aspergillose ; Candidose

Plan ■ Mode d’administration et surveillance 10


Polyènes et leurs formes lipidiques 10
■ Introduction 2 Flucytosine 11
Antifongiques azolés 11
■ Classification : propriétés physicochimiques et cibles cellulaires 2 Griséofulvine 11
Polyènes 2 Terbinafine 11
5-fluorocytosine 3 Échinocandines 11
Antifongiques azolés (imidazolés et triazolés) 3
■ Effets indésirables et interactions médicamenteuses 12
Échinocandines 4
Griséofulvine 4 Polyènes et leurs formes lipidiques 12
Terbinafine 4 Flucytosine 12
Antifongiques utilisés par voie locale dans les mycoses superficielles 4 Antifongiques azolés 12
Autres antifongiques 4 Échinocandines 13
Griséofulvine 13
■ Pharmacodynamie 5 Terbinafine 13
Polyènes et leurs formes lipidiques 5
■ Test de sensibilité in vitro et résistance aux antifongiques 13
Flucytosine 5
Antifongiques azolés 6 ■ Utilisation des antifongiques en prophylaxie chez
Échinocandines 6 l’immunodéprimé 13
■ Pharmacocinétique 6 Prophylaxie antifongique chez les neutropéniques (non greffés
Polyènes et leurs formes lipidiques 6 de moelle) 13
Flucytosine 7 Prophylaxie antifongique chez les patients recevant une
Antifongiques azolés 8 allogreffe de cellules souches hématopoïétiques 14
Griséofulvine 10 Prophylaxie antifongique au cours de l’infection par le virus
Terbinafine 10 de l’immunodéficience humaine 15
Échinocandines 10 Prophylaxie antifongique chez les transplantés d’organes 15
Prophylaxie antifongique chez les patients atteints de déficits
immunitaires primitifs 15
Prophylaxie de la candidose néonatale 15

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 12 > n◦ 1 > février 2015
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(14)45921-0
8-006-N-20  Antifongiques

■ Traitement curatif des infections fongiques invasives 15 de 200 molécules à action antifongique, élaborées par les actino-
Candidoses 16 mycètes, appartiennent à cette famille. Elle est caractérisée par
Cryptococcose 17 un spectre d’absorption aux ultraviolets (UV) et par un groupe
Aspergillose invasive 17 chromophore formé de doubles liaisons conjuguées (CH = CH)N,
Histoplasmose 17 d’où le nom de polyènes. Les polyènes ont en outre un grand
Coccidioïdomycose 18 anneau lactone macrocyclique et sont parfois dénommés, pour
Blastomycose 18 cette raison, macrolides polyéniques.
Paracoccidioïdomycose 18 La partie active de ces composés est l’anneau macrolide, avec
Sporotrichose 18 une partie rigide lipophile et une partie flexible hydrophile.
Pénicilliose 18
Mucormycoses 18
Fusariose 18 Amphotéricine B
Scédosporiose 18
Propriétés physicochimiques
■ Nouveaux antifongiques 18 L’AMB est un heptaène, d’un poids moléculaire de 924,09.
■ Conclusion 19 C’est une poudre jaune insoluble dans l’eau et dans l’alcool,
soluble dans des solvants organiques : diméthylsulfoxide (30 à
40 mg/ml) ou diméthylformamide (4 mg/ml). Combinée à des
sels biliaires tel le désoxycholate de sodium, l’AMB est facile-
 Introduction ment mise en suspension dans un soluté glucosé isotonique
à 5 %, réalisant ainsi une suspension colloïdale – et non une
solution – injectable par voie intraveineuse. Un flacon d’AMB
Un nombre croissant de praticiens est confronté à la problé- injectable contient 50 mg de poudre d’AMB, 41 mg de désoxy-
matique des infections fongiques, avec, d’une part, des mycoses cholate de sodium (Na) et 25,2 mg de tampon phosphate de
superficielles fréquentes dans la population générale et, d’autre sodium.
part, des mycoses invasives qui, elles, sont beaucoup plus rares L’AMB peut également être incorporée dans des vecteurs
et surviennent dans des contextes particuliers, principalement lipidiques, notamment les liposomes. Les liposomes sont des
chez des patients immunodéprimés. Néanmoins, le « champ » de vésicules consistant en un environnement aqueux entouré de
l’immunodépression ne fait que s’élargir, du fait de l’utilisation couches phospholipidiques. La première formulation utilisée chez
de thérapeutiques lourdes en oncohématologie (chimiothérapies l’homme consistait en des vésicules multilamellaires contenant
aplasiantes ou allogreffe de moelle notamment), mais également un mélange de deux phospholipides : la dimyristoylphosphatidyl-
de traitements immunosuppresseurs de plus en plus complexes choline (DMPC) et le dimyristoylphosphatidylglycérol (DMPG)
pour des maladies systémiques ou des greffes d’organes solides. contenant 5 à 10 % d’AMB par rapport aux lipides.
Les infections fongiques peuvent également survenir chez des Trois formulations en sont actuellement commercialisées en
patients atteints de déficit immunitaire non lié à un traite- Europe :
ment, qu’il soit primitif ou secondaire. C’est le cas notamment • l’AMB liposomale (Ambisome® ), qui consiste en des vésicules
de l’immunodépression induite par l’infection par le virus de unilamellaires de 80 nm contenant 10 % mol d’AMB ;
l’immunodéficience humaine (VIH), même si l’introduction de • le complexe lipidique d’AMB (Abelcet® [ABLC]), contenant des
trithérapies antirétrovirales efficaces a permis de réduire consi- lipides et de l’AMB à une concentration de 33 % mol ;
dérablement l’incidence des infections opportunistes, qui restent • la dispersion colloïdale d’AMB (Amphocil® , Amphotec®
néanmoins un problème majeur au diagnostic, ou dans les [ABCD]) qui contient du sulfate de cholestérol en quantité équi-
pays en voie de développement. De plus, certaines pathologies molaire à l’AMB, formant des particules colloïdales.
comme le diabète doivent être considérées comme des formes
particulières d’immunodépression, pouvant favoriser certaines
infections, et notamment des infections fongiques. Enfin, les Cibles cellulaires
infections fongiques se rencontrent aussi chez des patients venant L’AMB est une molécule lipophile, insoluble dans l’eau à pH
de zones tropicales, qu’ils soient immunodéprimés ou non. Ainsi, physiologique, qui augmente la perméabilité transmembranaire
le nombre de malades exposés aux risques d’infection fongique (notamment des membranes fongiques) aux cations monovalents
invasive ne cesse d’augmenter. (Na+ , potassium [K+ ]). La déplétion du potassium intracellu-
Au cours des dernières années, des progrès considérables ont été laire entraîne secondairement la mort de la cellule. La relative
faits dans la prise en charge des infections fongiques invasives, sélectivité de la toxicité de l’AMB pour les cellules fongiques
grâce notamment à l’extension de l’arsenal thérapeutique dispo- s’explique de la manière suivante : en solution aqueuse, l’AMB
nible. Alors que pendant des années le traitement des mycoses existe à l’état de monomères solubles, d’oligomères solubles et
invasives reposait essentiellement sur l’amphotéricine B (AMB), d’agrégats insolubles qui se forment successivement lorsque l’on
d’autres molécules telle la flucytosine, puis les dérivés azolés ont augmente la concentration. Les monomères se lient à l’ergostérol
permis des progrès notables. Les formulations lipidiques de l’AMB de la membrane de la cellule fongique pour lequel ils ont une
ont permis d’améliorer considérablement la tolérance de celle- forte affinité, ce qui conduit à la formation des canaux. À plus
ci. Enfin, au cours des 15 dernières années, des molécules très forte concentration, les oligomères solubles s’insèrent dans les
puissantes sont apparues sur le marché, avec les nouveaux anti- membranes des cellules de mammifères, sous l’action favorisante
fongiques azolés et les échinocandines. du cholestérol, et forment des canaux. Ainsi, l’action toxique
de l’AMB s’exerce à une concentration plus basse sur les cel-
lules fongiques que sur les cellules de mammifères. L’AMB aurait
 Classification : propriétés par ailleurs une activité antifongique indirecte, médiée par les
macrophages.
physicochimiques et cibles
cellulaires
Nystatine
Les principaux antifongiques utilisables par voie systémique La nystatine (Mycostatine® ) est un tétraène d’un poids molé-
sont indiqués dans le Tableau 1. culaire de 926,1. C’est une substance amphotère qui subit une
détérioration en milieu acide. Son mode d’action et ses proprié-
Polyènes tés antifongiques sont tout à fait comparables à ceux de l’AMB.
L’absence d’absorption intestinale et la toxicité en cas d’injection
Les deux principaux polyènes utilisés sont l’AMB (Fungizone® ), intramusculaire ou intraveineuse limitent sa prescription aux
et ses formulations lipidiques, et la nystatine (Mycostatine® ). Plus mycoses cutanées, vaginales et digestives.

2 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

Tableau 1.
Antifongiques utilisables par voie systémique.
DCI Nom générique Formes galéniques
®
Polyènes Amphotéricine B Fungizone Poudre pour solution injectable 50 mg
Amphotéricine B liposomale Ambisome® Solution injectable 50 mg
Complexe lipidique d’amphotéricine B Abelcet® Solution injectable 100 mg
5-FC Flucytosine Ancotil® Comprimé 500 mg
Solution injectable 2,5 g
Azolés Itraconazole Sporanox® Gélules 100 mg
Solution buvable 10 mg/ml
Solution pour perfusion 10 mg/ml
Fluconazole Triflucan® Gélules 50, 100 et 200 mg
Suspension buvable 10 mg/ml, 40 mg/ml
Solution injectable 100 et 200 mg
Voriconazole V-Fend® Comprimés 50 mg, 200 mg
Poudre injectable 200 mg
Suspension buvable 40 mg/ml
Posaconazole Noxafil® Suspension buvable
Échinocandines Caspofungine Cancidas® Poudre pour solution injectable 50 mg
Anidulafungine Ecalta® Poudre pour solution injectable 100 mg
Micafungine Mycamine® Poudre pour solution injectable

DCI : dénomination commune internationale.

5-fluorocytosine le posaconazole sont utilisables uniquement par voie orale, alors


que les autres sont disponibles sous forme orale et sous forme
Propriétés physicochimiques intraveineuse.
La 5-fluorocytosine (5-FC), ou flucytosine, est une pyrimide
fluorée. Propriétés physicochimiques
C’est une poudre blanche cristalline, faiblement soluble dans
Il s’agit de poudres pratiquement insolubles dans l’eau, solubles
l’eau distillée à 20 ◦ C (1,2 %), soluble dans l’eau à 60 ◦ C ou dans
dans les solvants organiques : polyéthylène glycol, alcool, chlo-
l’alcool. La solution est relativement stable à la température du
roforme, diméthylformamide, diméthylsulfoxique. Elles sont
laboratoire. La présentation orale ne contient pas de sodium, la
hygroscopiques et se conservent plus d’un an à +4 ◦ C.
forme injectable de la 5-FC a pour véhicule un soluté physio-
logique à 9 ‰ de NaCl. Le poids moléculaire est de 129,1. La
5-FC est peu liée (10 à 12 %) aux protéines sériques et elle est Cibles cellulaires
dialysable. Les antifongiques imidazolés (miconazole, kétoconazole) et
triazolés (fluconazole, itraconazole, voriconazole et posaconazole)
Cibles cellulaires sont des inhibiteurs enzymatiques qui bloquent certaines isoen-
Les deux principaux modes d’action connus sont une perturba- zymes des cytochromes P450 (CYP450) des mitochondries des
tion de la synthèse protéique par substitution de 5-fluorouracile cellules fongiques.
(5-FU) à l’uracile dans l’acide ribonucléique (ARN) fongique, et Cette inhibition s’exerce en particulier sur la
une altération de la biosynthèse de l’acide désoxyribonucléique 14-alpha-déméthylase, qui effectue la transformation du lanosté-
(ADN) fongique par inhibition de la thymidylate synthétase. rol en ergostérol, principal stérol membranaire. On observe donc
Deux étapes sont indispensables pour que la 5-FC exerce son une accumulation des précurseurs dans la chaîne de synthèse :
action : la pénétration dans la cellule fongique (en compétition lanostérol et divers 14-méthylstérols.
avec la cytosine), régie par la cytosine perméase, et la trans- D’autres modes d’action ont été proposés : lésions directes par
formation en 5-FU grâce à une cytosine désaminase. L’absence fixation sur la membrane avec perte de potassium intracellu-
ou la perte de ces enzymes rend le champignon résistant à la laire ; accumulation de peroxyde toxique, résultat de l’interaction
5-FC. Les cellules des mammifères étant pratiquement dépour- des dérivés azolés sur les enzymes oxydatifs. Outre l’atteinte des
vues de cytosine désaminase, peu de 5-FU (toxique) est formée systèmes membranaires, ces molécules peuvent altérer la paroi
dans les cellules humaines, ou pas du tout. Dans la cellule fon- fongique, avec défaut de séparation des bourgeons de la levure
gique, la 5-FU est transformée en 5-fluorouridine qui est mono-, mère, et inhiber la formation des filaments de Candida albi-
puis di-, puis triphosphatée, et finalement incorporée dans l’ARN cans. Les triazolés sont nés de la N-substitution des imidazolés.
à la place de l’uracile, faussant ainsi le code de la synthèse pro- Les propriétés pharmacologiques, le spectre d’activité, et surtout
téique. La production de 5-fluorodéoxyuridine diphosphate, puis la moindre interaction avec le système des CYP450 humains,
de 5-fluorodéoxyuridine monophosphate, inhibiteur non com- séparent les triazolés des imidazolés. Le mode d’action des anti-
pétitif de la thymidylate synthétase, interfère avec la synthèse de fongiques azolés est résumé sur la Figure 1.
l’ADN du champignon. Le fluconazole a une bonne activité sur les Candida sp., en
dehors de C. krusei, constamment résistant, et de C. glabrata, de
sensibilité inconstante. Il est également efficace sur Cryptococcus
Antifongiques azolés (imidazolés et triazolés) neoformans. Il n’a en revanche pas d’activité sur Aspergillus sp. En
revanche, l’itraconazole a une activité sur Aspergillus sp.
L’utilisation, à partir de 1968, de dérivés azolés obtenus par Le voriconazole est un triazolé à large spectre, disponible
synthèse chimique, a constitué une étape importante de la thé- par voies orale et intraveineuse. Il est actif in vitro sur de
rapeutique antifongique. Tous ces composés ont en commun le nombreux champignons filamenteux incluant Aspergillus sp.,
noyau azolé. Scedosporium sp. et Fusarium sp., mais sans action sur les muco-
Le miconazole (Daktarin® ) a été le premier imidazolé utili- rales. Son spectre d’activité concerne également les Candida sp.,
sable par voie intraveineuse. Le kétoconazole (Nizoral® ) a été le y compris ceux résistant au fluconazole (certains C. albicans,
premier imidazolé bien absorbé par voie orale. Les triazolés actuel- certains C. glabrata, C. krusei), C. neoformans et Trichosporon sp.,
lement utilisés en thérapeutique comprennent le fluconazole, et les champignons dimorphiques. Le mode d’action est ana-
l’itraconazole, le voriconazole et le posaconazole. L’itraconazole et logue à celui des autres dérivés azolés sur le CYP450 de la

EMC - Maladies infectieuses 3


8-006-N-20  Antifongiques

hydroxide) doit être reconstituée avec du chlorure de sodium


Acyl-coenzyme A ou du dextrose. Les groupes hydroxy et méthyl des chaînes
latérales de l’anidulafungine sont responsables de son insolu-
bilité dans l’eau. L’anidulafungine doit être reconstituée dans
de l’eau. L’excipient contient fructose, mannitol, polysorbate,
Hydroxyméthylglutamyl-CoA acide tartarique et sodium hydroxyde. Les formes reconstituées
d’échinocandines sont stables pendant 24 heures [1] .

Cibles cellulaires
Acide mévalonique
Les échinocandines agissent en inhibant de façon non compéti-
tive la bêta-1-3-glucane-synthase, située dans la paroi cellulaire, et
qui induit une déplétion en glucane de la paroi fongique condui-
Squalène sant à la lyse fongique. Le glucane n’existe pas dans les cellules
des mammifères, ce qui explique la bonne activité des candines
sur les champignons et leur bonne tolérance chez l’homme.
Le spectre concerne tous les champignons ayant l’enzyme cible.
Lanostérol Ainsi, la majorité des espèces est concernée, à l’exception des
champignons basidiomycètes tels que C. neoformans et Trichospo-
ron sp. qui en sont dépourvus. Pneumocystis jirovecii est également
sensible.
24-méthylène
dihydrolanostérol
Griséofulvine
Azole
Propriétés physicochimiques
Déméthylstérol La griséofulvine isolée de Penicillium griseofulvum et d’autres
Penicillium sp. se présente sous la forme d’une poudre blanche
cristalline de saveur amère.
Pratiquement insoluble dans l’eau, elle est facilement soluble
Ergostérol Amphotéricine B dans l’alcool et les solvants organiques.

Cibles cellulaires
Membrane cellulaire La griséofulvine inhibe la mitose cellulaire par son action sur les
microtubules. Fongistatique, elle est responsable d’altérations de
la paroi fongique s’accompagnant d’anomalies de développement
Figure 1. Mode d’action des dérivés azolés sur la synthèse de des filaments terminaux qui sont élargis, épaissis et enroulés (cur-
l’ergostérol, principal stérol membranaire des champignons et cible de ling effect). L’action in vivo est de type fongistatique. L’apparition
l’amphotéricine B. CoA : coenzyme A. de résistance est possible.

14-alpha-lanostérol-déméthylase, mais l’action du voriconazole Terbinafine


est plus sélective sur cette enzyme que celle du kétoconazole ou
Propriétés physicochimiques
de l’itraconazole.
La structure du posaconazole, sous forme d’une chaîne linéaire, La terbinafine (Lamisil® ) est un antifongique de synthèse de la
comme c’est le cas de l’itraconazole, diffère de celle du fluconazole classe des allylamines.
et du voriconazole, plus compacte. Cette structure linéaire permet C’est un produit très lipophile, lié à 90 % aux protéines sériques.
une interaction supplémentaire avec le CYP51. Il a un spectre large
comprenant la majorité des espèces de Candida sp., Aspergillus sp., Cibles cellulaires
les champignons dimorphiques et la plupart des mucorales.
Son mode d’action concerne les premières étapes de la synthèse
de l’ergostérol par inhibition de la squalène époxidase. L’action est
Échinocandines fongicide in vitro.

Les échinocandines sont des métabolites naturels présents dans


les produits de fermentation des champignons et mis en évidence Antifongiques utilisés par voie locale
dans la recherche de nouveaux antibiotiques par les techniques dans les mycoses superficielles
de screening. Trois échinocandines sont actuellement commercia-
lisées en Europe : la caspofungine (Cancidas® ), la micafungine Il existe de nombreuses substances à action antifongique spé-
(Mycamine® ) et l’anidulafungine (Ecalta® ). cifique utilisées par voie locale, d’autres sont des antiseptiques
avec un spectre d’activité touchant également de nombreux
Propriétés physicochimiques micro-organismes non fongiques.
La terbinafine a également une action in vivo dans le traitement
Les échinocandines sont de grosses molécules de poids molé-
de certaines mycoses systémiques, mais son utilisation est limitée
culaire d’environ 1200. Ce sont des lipoprotéines de structure
au traitement des mycoses superficielles.
apparentée avec des noyaux hexapeptidiques cycliques iden-
tiques, mais des chaînes latérales lipidiques différentes qui
influencent certaines propriétés des médicaments : activité anti- Autres antifongiques
fongique, lipophilie, solubilité et toxicité. La caspofungine est
soluble dans l’eau et l’éthanol. Elle est dispensée sous forme de Le cycloheximide est un antifongique toxique incorporé à cer-
poudre (l’excipient contenant du sucrose, du mannitol, de l’acide tains milieux de culture pour éviter la croissance de nombreux
acétique et du sodium hydroxyde), qui doit être reconstituée avec contaminants. Certaines levures, tel Cryptococcus, sont sensibles à
une solution contenant du dextrose. La micafungine est soluble la cycloheximide. L’iodure de potassium a pour seule indication
dans l’eau mais pas dans l’éthanol. La poudre contenant la sub- le traitement de la sporotrichose cutanéolymphatique. Les sul-
stance active et des excipients (lactose, acide citrique, sodium fones et les sulfamides d’action prolongée donnent des résultats

4 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

que l’AMB ne peut pas se libérer. L’Abelcet® est néanmoins actif


in vivo sur ces souches, car les phospholipases de l’hôte libèrent
l’AMB.
Échinocandines :
inhibition de la β 1-3 glucane synthase L’activité de l’AMB est soumise à un effet inoculum : la CMI vis-
à-vis de Fusarium spp. augmente de 10 à 20 fois lorsque l’inoculum
Flucytosine : passe de 102 à 105 conidies/ml. Cette observation pourrait expli-
inhibition de quer la difficulté à éradiquer l’infection en situation d’inoculum
Paroi la synthèse fort. L’AMB est moins active sur les champignons en phase sta-
d’ADN et d’ARN
tionnaire, surtout pendant les premières heures de contact ; il
faut trois à cinq fois plus longtemps pour ramener l’inoculum
à un niveau indétectable, selon que cet inoculum est issu
d’une culture en phase exponentielle de croissance ou en phase
stationnaire.

Noyau Effet postantifongique


L’AMB induit un effet postantifongique (EPAF) (période pen-
dant laquelle il existe une inhibition de la recroissance du
champignon après exposition à l’antifongique) qui dépend de
la concentration et du temps de contact. Pour des concentra-
tions comprises entre 0,5 et 32 fois la CMI, la durée de cet effet
Membrane varie entre 0,5 et 10,6 heures vis-à-vis de Candida spp., et de 2,8 à
10,4 heures vis-à-vis de C. neoformans. La durée de l’EPAF conduit
à penser qu’il n’est pas obligatoire d’obtenir une concentration
Azolés et terbinafine : résiduelle supérieure à la CMI au site de l’infection pour assurer
inhibition de la synthése une efficacité maximale.
de l'ergostérol membranaire
Polyènes : Pénétration et activité intracellulaire
liaison à l'ergostérol et formation L’AMB désoxycholate (Fungizone® ) est active sur C. albicans
de pores membranaires
en situation intracellulaire. In vitro, dans des macrophages
Figure 2. Mode d’action des antifongiques. ADN : acide désoxyribonu- péritonéaux de souris, la Fungizone® est capable d’éradiquer
cléique ; ARN : acide ribonucléique. C. albicans en 24 heures, à une concentration égale à 16 fois la
CMI. En revanche, l’AMB liposomale (Ambisome® ) n’est active
sur les germes intracellulaires qu’après une période d’incubation
seulement dans les mycétomes actinomycosiques et les nocar-
(24 heures), permettant la libération de l’AMB à partir des lipo-
dioses. Divers sulfamides agissent dans une certaine mesure dans
somes phagocytés par les macrophages ; encore faut-il atteindre
les formes mucocutanées de la paracoccidioïdomycose.
une concentration huit fois supérieure à celle de la Fungizone®
Les diamidines aromatiques (Lomidine® ), utilisées autrefois
pour observer la même efficacité. In vivo, cette moindre
avec quelques succès dans les infections à Blastomyces dermati-
activité des formes liposomales est compensée par les fortes
tidis, ne le sont actuellement plus dans l’arsenal thérapeutique
doses, et donc par les concentrations plus élevées qui sont
antifongique, sauf dans le traitement des infections à P. jirovecii,
atteintes.
désormais classé parmi les agents fongiques, vis-à-vis desquels
sont également actifs le cotrimoxazole (plus connu pour son
activité antibactérienne, et donc non traité dans ce chapitre), Influence d’une neutropénie
l’atovaquone et la caspofungine. Expérimentalement, la neutropénie (induite par le cyclophos-
Le mode d’action des différents antifongiques est schématisé phamide) se traduit par une baisse importante de l’activité de
sur la Figure 2. l’AMB, aussi bien en termes de survie que de réduction de
l’inoculum fongique dans les tissus infectés.

 Pharmacodynamie Influence du vecteur lipidique sur l’efficacité


Dans un modèle expérimental de cryptococcose murine,
Polyènes et leurs formes lipidiques l’Amphocil® et l’Ambisome® ont démontré une efficacité simi-
Mode d’action laire et se sont montrés supérieurs à l’Abelcet® , ces trois produits
étant administrés à raison de 10 mg/kg. La Fungizone® , adminis-
In vitro, l’AMB induit une fongicidie concentration- trée à la dose maximale tolérée (1 mg/kg), était nettement moins
dépendante, qui est nettement perceptible pour une active dans le même modèle. Des résultats qualitativement simi-
concentration égale à une concentration minimale inhibi- laires ont été observés dans la leishmaniose viscérale murine.
trice (CMI) et qui augmente jusqu’à au moins 32 fois la CMI. À En comparant les différents produits à posologie identique, les
ce niveau de concentration, elle atteint 1 log colony forming units résultats sont controversés, avec notamment une moindre effi-
(CFU)/ml par heure pour des souches particulièrement sensibles. cacité de l’Abelcet® et de l’Amphocil® -Amphotec® , mais une
In vivo, l’efficacité de l’AMB, administrée sous forme de désoxy- meilleure efficacité de l’Ambisome® en comparaison à l’AMB libre,
cholate ou de chacune des formulations lipidiques actuellement dans le modèle expérimental d’aspergillose invasive (AI). Dans
commercialisées, est dose-dépendante. Contrairement aux azolés, le modèle de cryptococcose murine, l’Abelcet® permettait un
l’ajout de sérum au milieu de culture entraîne une réduction meilleur contrôle de l’infection que l’AMB conventionnelle.
de l’activité de l’AMB, probablement en raison de la nature
restrictive de la liaison de l’AMB aux lipoprotéines du sérum.
D’une manière générale, l’incorporation de l’AMB dans un vec- Flucytosine
teur lipidique (liposome) a tendance à majorer les CMI de l’AMB
vis-à-vis des champignons, ainsi qu’à réduire la vitesse de fon-
Mode d’action
gicidie in vitro. Cependant, la dissociation de l’AMB à partir de La flucytosine possède une activité fongicide temps-
son vecteur lipidique étant très différente in vitro et in vivo, dépendante. Un modèle murin de candidose invasive a ainsi
l’importance clinique de ces observations reste à démontrer. Par montré que la diminution de la charge fongique 24 heures après
exemple, les souches mutantes ne produisant pas de phopholi- le début du traitement était corrélée au temps pendant lequel
pases extracellulaires sont, in vitro, résistantes à l’Abelcet® , parce la concentration plasmatique de flucytosine était supérieure à la

EMC - Maladies infectieuses 5


8-006-N-20  Antifongiques

CMI (T > CMI), l’efficacité maximale étant obtenue pour un T qu’il existe de différence sensible entre les souris immunocom-
supérieur à la CMI supérieur ou égal à 20 à 25 % du temps entre pétentes ou neutropéniques. L’activité des antifongiques azolés
deux administrations [2] . semble donc préservée en cas de neutropénie.
In vitro, il a également été montré que l’exposition prolongée de
souche de Candida à des concentrations de flucytosine inférieure
à 25 mg/l était associée à l’apparition de mutants résistants [3] . Échinocandines
Mode d’action
Effet postantifongique
Les échinocandines sont fongicides vis-à-vis des levures du
La flucytosine induit un EPAF dont la durée est typiquement genre Candida. In vitro cette fongicidie est atteinte pour des
comprise entre deux et six heures pour C. albicans et C. neoformans, concentrations proches de la CMI. Au-delà de la CMI, la vitesse
pour une concentration égale à quatre à huit fois la CMI. La durée de fongicidie est peu corrélée à la concentration [6] . Les échino-
de cet effet dépend de la durée d’exposition des levures à la flucy- candines sont également efficaces sur les biofilms à Candida, avec,
tosine, et de sa concentration. En association avec l’AMB, l’EPAF dans le cas de la caspofungine, 99 % de fongicidie après 48 heures
est plus long qu’avec l’AMB seule. En association avec les azolés, d’exposition à des concentrations de 0,125–1 mg/l [7] . Un phéno-
l’EPAF est plus long qu’avec la flucytosine seule. mène paradoxal de recroissance fongique a été observé in vitro
pour des concentrations très supérieures à la CMI (16 à 32 fois).
Antifongiques azolés Néanmoins, cet effet paradoxal disparaît en présence de sérum
humain, laissant à penser que ses conséquences in vivo sont
Mode d’action négligeables. Les modèles animaux de candidoses invasives ont
permis de démontrer que l’efficacité des échinocandines vis-à-vis
Les azolés, en milieu de Sabouraud, sont fongistatiques vis-à-
des Candida est essentiellement corrélée au rapport AUC/CMI [8] .
vis de C. albicans ou de C. neoformans ; leur effet est inexistant à
Des études réalisées spécifiquement sur des modèles d’infection à
0,5 fois la CMI, et devient maximal entre deux et quatre fois la
C. glabrata ont suggéré que les doses recommandées sont fongi-
CMI. À cette concentration, l’inoculum reste parfaitement stable statiques, une fongicidie ne pouvant être atteinte qu’à des doses
pendant 24 heures. Cependant, l’ajout de 10 % de sérum humain bien supérieures [9, 10] .
au milieu de Sabouraud confère au fluconazole un effet fongicide Les échinocandines ont également in vitro une activité fongi-
vis-à-vis de C. albicans ou de C. neoformans de type concentration- statique sur les Aspergillus [11] . Dans le cas de la caspofungine, une
dépendant. La vitesse de fongicidie reste toutefois modeste, de fongicidie a pu être obtenue pour quelques souches d’Aspergillus
l’ordre de 1 log CFU/ml en 12 heures. Par ailleurs, même en milieu et pour des concentrations une à 16 fois supérieures à la CMI.
dépourvu de sérum, l’incubation de C. albicans en milieu non Néanmoins, l’utilisation de tests alternatifs a mis en évidence une
nutritif (eau pure), en présence de fluconazole pendant 28 jours, multiplication de l’inoculum de départ après 48 heures de contact
provoque une fongicidie concentration-dépendante qui est maxi- avec des concentrations identiques aux concentrations théori-
male à environ dix fois la CMI. Ainsi, les champignons en phase quement fongicides [12] . L’efficacité des échinocandines dans les
stationnaire seraient plus sensibles aux azolés que ceux en phase aspergilloses invasives a cependant été retrouvée in vivo dans des
exponentielle de croissance. Enfin, in vivo, la fongicidie du fluco- modèles animaux qui ont identifié une efficacité concentration-
nazole, du voriconazole et du posaconazole augmente en fonction dépendante corrélée au rapport Cmax/CMI [13] .
de la dose administrée (selon une relation sigmoïde), et est déter-
minée par le rapport de l’aire sous la courbe des concentrations
Effet postantifongique
plasmatiques (AUC) et de la CMI vis-à-vis de la souche [4, 5] . Il en
résulte qu’à doses journalières égales, un schéma d’administration Les échinocandines possèdent un effet postantifongique mar-
comportant une seule prise est théoriquement aussi efficace qu’un qué et concentration-dépendant vis-à-vis des Candida. In vitro,
schéma comportant plusieurs prises : il est normalement inutile, des effets postantifongiques de plus de dix heures ont été trouvés
du point de vue de l’efficacité, de fractionner la dose journa- après une heure de contact à des concentrations égales à quatre
lière. Néanmoins, la faisabilité d’un traitement en dose unique fois la CMI [6] . Les échinocandines sont en revanche dépourvues
journalière dépend des caractéristiques pharmacocinétiques des d’effet postantifongique vis-à-vis des Aspergillus [14] .
molécules.
Pénétration et activité intracellulaire
Effet postantifongique La micafungine pénètre dans les macrophages des cellules
In vitro, cet effet est majoré en présence de sérum, lorsque alvéolaires pulmonaires, selon un rapport de concentration
les expositions à l’antifongique sont répétées, en présence de macrophage/plasma proche de 1 [15] . Il a été montré in vitro que
polynucléaires, et en cas d’association à la 5-FC. L’EPAF est par pour des concentrations identiques, l’efficacité de la caspofungine
ailleurs dépendant de la concentration en antifongique (supé- est plus importante dans le compartiment intramonocytaire qu’au
rieure à quatre fois la CMI) et de la durée de contact qui doit être niveau extracellulaire [16] .
supérieure à 12 heures. Dans ces conditions, la durée de l’EPAF est
de l’ordre de une à trois heures in vitro. Influence d’une neutropénie
Un modèle de candidose invasive comparant l’efficacité de
Pénétration et activité intracellulaire l’anidulafungine et du fluconazole chez des souris neutropéniques
Les azolés systémiques pénètrent dans les cellules et s’y ou non neutropéniques a permis de montrer que l’anidulafungine
concentrent de manière variable selon les composés. Dans cer- conservait une efficacité chez les animaux neutropéniques, mais
tains modèles, les azolés sont fongistatiques vis-à-vis des germes qu’elle n’était dans ce cas plus supérieure à celle du fluconazole [17] .
intracellulaires (C. albicans) phagocytés par les macrophages ou les L’efficacité des échinocandines semble donc atténuée en cas de
polynucléaires. Dans d’autres modèles, ils ont une activité fongi- neutropénie.
cide qui est majorée par un traitement préalable par les facteurs de
croissance tels que le granulocyte colony stimulating factor (G-CSF)
et le granulocyte macrophage-GSF (GM-CSF).  Pharmacocinétique
Influence d’une neutropénie Polyènes et leurs formes lipidiques
La réalisation d’un modèle d’infection systémique à C. albicans Cinétique de l’amphotéricine B administrée sous
chez la souris rendue ou non neutropénique permet d’apprécier
l’impact des polynucléaires sur la réponse aux antifongiques.
forme de Fungizone®
Le fluconazole et l’itraconazole sont fongistatiques dans ce La cinétique de l’AMB reste très mal connue en dépit de son uti-
modèle, et leur efficacité est fonction de la dose administrée, sans lisation très ancienne. Chez l’homme, elle n’est pas absorbée par

6 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

Tableau 2.
Relations entre les caractéristiques physicochimiques du vecteur et les caractéristiques pharmacocinétiques de l’amphotéricine B.
Nom Forme des Taille des Composition de l’excipient Stabilité Captation tissulaire
particules particules dans le sang
Ambisome® Liposomes 80 nm Complexe LSH-DSPG-cholestérol-AMB 2-0.8-1-0.4 +++ Foie, rate
Abelcet® Rubans 1,6–11 ␮m Complexe DMPC-DMPG-AMB 7-3-1 + Poumon, foie, rate
Amphocil® /Amphotec® Disques 122 ± 48 nm Complexe sulfate cholestérol-AMB 1-1 +++ Foie, rate

LSH : lécithine de soja hydrogénée ; DSPG : distéaroylphosphatidylglycérol ; DMPC : dimyristoylphosphatidylcholine ; DMPG : dimyristoylphosphatidylglycérol ; AMB :
amphotéricine B.

voie orale (moins de 5 %), à l’inverse de nombreux rongeurs, dont phénomènes dépendent à leur tour de la composition du vec-
la souris, et cette voie n’est donc pas utilisée pour le traitement teur et de la taille des particules. Le Tableau 2 résume les relations
d’une mycose systémique. La liaison aux protéines sériques et aux connues entre les caractéristiques physicochimiques du vecteur
lipoprotéines sériques est très élevée. Il en est de même pour les et les caractéristiques pharmacocinétiques de l’AMB. Les vecteurs
lipoprotéines des membranes cellulaires. L’AMB se lie au cholesté- riches en phospholipides saturés et/ou en cholestérol, comme
rol dans l’organisme, avec une affinité dix fois plus faible que pour ceux de l’Ambisome® et de l’Amphocil® -Amphotec® , sont peu
la liaison à l’ergostérol fongique. Ainsi, plus de 90 % de la molé- sensibles à l’hydrolyse par les high density lipoproteins (HDL) et
cule est sous forme liée dans l’organisme. Pour cette raison, l’AMB à l’opsonisation, ce qui leur confère une grande stabilité dans
n’est pas dialysable ; toutefois, une forte hyperlipidémie peut, par le sang où l’AMB reste majoritairement associée aux liposomes.
rétention sur le filtre de dialyse, servir de substrat à l’AMB, qui est Au contraire, l’Abelcet® est rapidement hydrolysé (trois heures) et
donc partiellement retenue. libère l’AMB qui se lie à l’albumine et aux lipoprotéines, mais cette
La concentration plasmatique maximale est de 1,5 à 2 mg/l hydrolyse est saturable dans la gamme des doses thérapeutiques.
et la décroissance des concentrations est triexponentielle. La Les liposomes intacts sont captés par les monocytes circulants
demi-vie des deux dernières phases est de 24 à 48 heures et de et les macrophages du système réticuloendothélial, où l’AMB est
l’ordre de 15 jours. Cependant, la demi-vie cliniquement per- libérée dans les lysosomes et peut ensuite diffuser. Les particules
tinente, c’est-à-dire celle qui intervient dans le calcul du délai de grande taille (Abelcet® ) sont captées largement au niveau des
d’équilibration, est celle de la deuxième phase (24 à 48 heures). poumons. Globalement, par rapport à la Fungizone® , à doses
L’AMB est caractérisée par un volume de distribution très élevé, équivalentes d’AMB, les formulations lipidiques induisent des
de l’ordre de 4 l/kg, qui indique une pénétration tissulaire intense. concentrations deux à cinq fois plus élevées dans le foie et la rate,
De fait, les quelques mesures de concentrations tissulaires réali- cinq fois moins élevées dans le rein, comparables ou plus élevées
sées chez l’homme montrent des valeurs plus élevées que dans dans le cerveau. Au niveau des poumons, l’Abelcet® produit des
le plasma au niveau du foie, de la rate, des reins, des valeurs concentrations cinq fois plus élevées, alors que l’Ambisome® et
similaires au niveau des poumons, et des valeurs plus basses au l’Amphocil® -Amphotec® donnent des concentrations plus basses
niveau du cœur et du cerveau. Cependant, les mesures réalisées que la Fungizone® . En ce qui concerne la cinétique plasmatique,
dans les liquides extracellulaires comme le liquide cérébrospinal la comparaison entre les différentes formulations est compliquée
(LCS) sont très basses (inférieures à 0,02 mg/l, 24 heures après la par le fait que les concentrations n’évoluent pas proportionnel-
prise, à l’équilibre). L’AMB pénètre mal dans l’humeur vitrée et lement aux doses administrées : elles s’accroissent de manière
le liquide amniotique. Il est probable que l’AMB soit essentiel- supraproportionnelle pour l’Ambisome® (en raison d’une baisse
lement localisée au niveau des membranes cellulaires. Les voies de la clairance et du volume de distribution), mais de manière
d’élimination de l’AMB sont en majeure partie inconnues : la clai- infraproportionnelle pour l’Abelcet® et l’Amphocil® -Amphotec®
rance totale est d’environ 30 ml/min, mais la clairance rénale (par augmentation de la clairance et du volume de distribu-
n’est que de 1 ml/min et 2 à 5 % de la dose sont retrouvés sous tion). Le Tableau 3 résume les différentes évolutions qui montrent
forme inchangée dans les urines de 24 heures. L’élimination de l’influence considérable de la formulation et de la dose sur la
l’AMB n’est pas modifiée chez l’insuffisant rénal, de même qu’en cinétique de l’AMB. Cependant, la traduction clinique de ces dif-
cas d’hémodialyse. Il existe également une élimination biliaire, férences cinétiques reste encore incertaine.
mais qui ne contribue au mieux qu’à l’élimination de 15 % de
la dose. L’élimination de 80 % de la dose restante est inconnue,
mais il a été supposé qu’elle procéderait par dégradation tissulaire. Flucytosine
Cependant, aucun métabolite n’a été identifié, que ce soit chez
l’homme ou l’animal. Les facteurs de variation de la cinétique de L’absorption digestive de la 5-FC est rapide et complète. La
l’AMB ont été peu étudiés. Chez l’enfant, le volume de distribu- diffusion tissulaire est excellente, avec notamment 74 % des
tion est plus petit et la clairance plus élevée par rapport à l’adulte, concentrations sériques retrouvées dans le LCS et 90 % dans le
lorsqu’ils sont rapportés au poids. Il en résulte des concentrations liquide synovial. La demi-vie est de trois à cinq heures. L’excrétion
plasmatiques environ deux fois plus basses que chez l’adulte, à urinaire est de 90 %, sous forme inchangée.
dose équivalente en mg/kg, ainsi qu’une demi-vie plus courte (7 à Par voie orale, la flucytosine est absorbée avec une biodispo-
20 heures). Chez le nouveau-né, la clairance est parfois très basse, nibilité de 90 %. Le pic sérique est atteint en 0,5 à deux heures
surtout dans les premiers jours après la naissance, tandis que le chez l’adulte à fonction rénale normale, mais le pic est retardé
volume de distribution rapporté au poids est équivalent à celui de (quatre à six heures) chez l’insuffisant rénal. La concentration
l’adulte. Il en résulte une demi-vie plus longue (60 à 700 heures) maximale (en mg/l) après la première administration est à peu
qui risque d’entraîner une accumulation importante et qui justi- près égale à la dose exprimée en mg/kg (soit 37,5 à 50 mg/kg).
fie un allongement à 48 heures de l’intervalle posologique. Chez Après administration répétée aux intervalles recommandés (cf.
l’adulte neutropénique, de même que chez les patients en unité infra), les concentrations à l’équilibre sont deux fois plus impor-
de soins intensifs (essentiellement cancéreux), la cinétique ne tantes. La flucytosine, qui est peu liée aux protéines plasmatiques,
semble pas modifiée de manière importante par rapport à celle pénètre dans tous les liquides de l’organisme (volume de distribu-
des sujets « normaux » [18, 19] , mais la variabilité interindividuelle tion : 0,6 à 1 l/kg). Elle se trouve à la même concentration que
des concentrations est très importante. dans le sérum au niveau du liquide péritonéal, et à des concen-
trations plus basses dans le liquide synovial du genou (un tiers)
Cinétique de l’amphotéricine B administrée et l’humeur aqueuse (un cinquième). Les concentrations dans le
LCS sont légèrement plus basses (70 %) que celles dans le sérum. La
dans un excipient lipidique flucytosine n’étant pas métabolisée, elle s’élimine par voie rénale
Elle dépend de la cinétique propre du vecteur lipidique et de où l’on retrouve la quasi-totalité de la dose absorbée (clairance :
la cinétique de libération de l’AMB de son vecteur. Ces deux 160 ml/min). Les concentrations urinaires sont très supérieures à

EMC - Maladies infectieuses 7


8-006-N-20  Antifongiques

Tableau 3.
Paramètres pharmacocinétiques de l’amphotéricine B administrée sous différentes formulations.
DCI Dose (mg/kg) Cmax (mg/l) AUC (mg/l/h) Demi-vie (h) Clairance Volume de
(ml/min/kg) distribution (l/kg)
Fungizone® 1 2 18 ± 5 24–48 0,43 4
Ambisome® 1 7,3 6,9 25 0,27 0,58
5 57,6 713 17 0,17 0,22
Abelcet® 1,2 2,2 ± 0,8 6,7 ± 1,0 77 ± 21 2,6 ± 0,6 21 ± 8
5 2,4 ± 0,9 9,5 ± 1,4 173 ± 78 7,3 ± 1,1 131 ± 58
Amphocil® /Amphotec® 1 2,2 9,7 ± 4,0 28 ± 9 1,5 2,8 ± 0,7
5 3 33,3 ± 15 28 ± 9 2 4 ± 1,6

DCI : dénomination commune internationale ; AUC : aire sous la courbe.

celles observées dans le sérum. L’excrétion se fait par filtration glo- avec le fluconazole (réduction de l’AUC de 20 %). Par ailleurs,
mérulaire, sans réabsorption ni sécrétion tubulaires. La demi-vie l’absorption de l’itraconazole connaît une grande variabilité inter-
d’élimination dépend de la fonction rénale. Chez l’adulte nor- et intra-individuelle. Les concentrations salivaires et l’AUC dans la
mal, elle est de trois à six heures, et de six à sept heures chez le salive sont plus élevées avec la suspension orale qu’avec la forme
prématuré. La clairance de la flucytosine diminue parallèlement gélule de fluconazole. Le fluconazole est disponible par voie orale
à celle de la créatinine, si bien que la demi-vie passe à 15 heures ou parentérale et présente un profil pharmacologique favorable.
pour une clairance à 40 ml/min, et à 30 heures pour une clairance La biodisponibilité par ces deux voies est équivalente, l’absorption
à 20 ml/min. Elle atteint 85 heures chez le patient anurique. La digestive n’étant pas modifiée par une diminution de l’acidité
5-FC est éliminée par dialyse péritonéale. gastrique. Enfin, le fluconazole peut être administré par sonde gas-
trique, en même temps que l’alimentation entérale, aux patients
en unité de soins intensifs, sans diminuer sa biodisponibilité.
Antifongiques azolés
Absorption Concentrations plasmatiques
La biodisponibilité des azolés est en général élevée, au moins Schématiquement, le kétoconazole, l’itraconazole, le vorico-
chez le volontaire sain. Elle est majorée par la prise au cours des nazole et le posaconazole sont des bases faibles, lipophiles,
repas pour le kétoconazole et l’itraconazole en gélule, ainsi que peu solubles dans l’eau. Le kétoconazole, l’itraconazole et le
par l’augmentation de la dose unitaire, en raison de la saturation voriconazole sont fortement métabolisés selon un processus
de l’effet de premier passage hépatique. De même, la biodisponi- saturable qui leur confère une cinétique dose-dépendante et
bilité du voriconazole augmente lorsque la dose unitaire s’élève. temps-dépendante. Le posaconazole est, quant à lui, peu métabo-
Elle est de 90 % à faibles doses. Après administration orale de 1 g lisé et excrété essentiellement sous forme inchangée dans les fèces.
de miconazole, le pic sérique obtenu en deux à quatre heures est À l’opposé, le fluconazole est une base faible hydrosoluble, peu
d’environ 1 mg/ml. La solubilité et l’absorption du miconazole lipophile, et faiblement métabolisée. Les principaux paramètres
varient beaucoup selon les sujets. L’absorption du posaconazole pharmacocinétiques des antifongiques azolés sont rassemblés
est un cas particulier. En effet, du fait de sa grande hydropho- dans le Tableau 4. La liaison du kétoconazole aux protéines
bicité, le posaconazole se dissout difficilement dans le tractus sériques est de plus de 90 %. Les concentrations plasmatiques
digestif. De ce fait, pris sous forme de solution, l’absorption du fluconazole sont proportionnelles aux doses administrées, au
est saturable et l’exposition au posaconazole n’augmente plus moins entre 50 et 400 mg/j. Les paramètres pharmacocinétiques
lorsque la dose journalière dépasse 800 mg [20] . Cette dissolution du fluconazole ne varient pas au cours du temps (si la fonction
est cependant améliorée par la prise concomitante d’un repas rénale reste stable), et le rapport d’accumulation est de 2,5 envi-
riche en lipides, ce qui augmente l’exposition d’un facteur 4 [21] . ron, ce qui signifie que les concentrations à l’équilibre sont 2,5 fois
L’absorption de 100 mg de posaconazole sous une nouvelle forme plus élevées qu’après la première dose. La liaison du fluconazole
de comprimé semble meilleure et indifférente à l’effet du repas, aux protéines sériques est faible (11 %), sa demi-vie longue, supé-
avec une concentration moyenne de 11 000 versus 8000 ng/ml rieure à 30 heures.
pour la même dose en solution orale [22] . Le kétoconazole, le Les concentrations plasmatiques de fluconazole sont identiques
posaconazole et l’itraconazole en gélules voient leur absorption après administration de gélules ou de la suspension orale. La
réduite lorsque le potentiel hydrogène (pH) gastrique est élevé, liaison de l’itraconazole aux protéines est importante (99 %) et
par exemple par la prise d’antiacides (réduction de 30 à 50 %), sa demi-vie d’élimination d’environ 20 heures. L’itraconazole, le
d’antihistaminiques H2 , d’inhibiteurs de la pompe à protons, ou kétoconazole et le voriconazole ont un métabolisme saturable
de didanosine dont la formulation est fortement tamponnée. Cer- qui est responsable d’une augmentation supraproprotionnelle des
taines pathologies telles que le syndrome de l’immunodéficience concentrations plasmatiques par rapport aux doses administrées.
acquise (sida) diminuent également l’absorption du kétocona- Par exemple, l’AUC de l’itraconazole est multipliée par dix entre
zole et de l’itraconazole, alors qu’une mucite ou une diarrhée 50 et 200 mg, celle du voriconazole est multipliée par trois lorsque
réduit fortement l’absorption du posaconazole [23] . La posologie de la posologie passe de 2 à 3 mg/kg deux fois par jour. La satura-
l’itraconazole en gélule doit être doublée. L’itraconazole en solu- tion du métabolisme entraîne une baisse de la clairance et donc
tion buvable (où il est associé à l’hydroxypropyl-cyclodextrine) un allongement de la demi-vie lorsque la dose augmente, mais
présente un comportement nettement différent de la forme également à la répétition des administrations. Ces phénomènes
gélule, puisque, sous cette forme, son absorption n’est pas dimi- de non-linéarité rendent très difficile la prédiction des concen-
nuée chez le patient au stade sida ; elle est plus basse au cours des trations plasmatiques à l’équilibre, lorsque la dose ou l’intervalle
repas et, globalement, les concentrations plasmatiques atteintes posologique sont modifiés. La mesure des concentrations plas-
sont environ une fois et demie plus élevées qu’avec la forme gélule. matiques résiduelles est nécessaire en cas de changement de
L’itraconazole solution buvable devrait donc être utilisé de pré- posologie ou en cas de modification importante de la fonction
férence à la forme gélule, notamment chez le patient au stade hépatique ou digestive.
sida. Le kétoconazole, l’itraconazole et le voriconazole voient
également leur disponibilité réduite de 80 à 90 % par certains
inducteurs enzymatiques, comme la rifampicine, la rifabutine,
Distribution tissulaire
le phénobarbital et la phénytoïne. Ces interactions sont moins Le kétoconazole, le fluconazole, l’itraconazole, le posaconazole
importantes avec le posaconazole et mineures, voire négligeables, et le voriconazole présentent des caractéristiques très différentes,

8 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

Tableau 4.
Paramètres pharmacocinétiques des antifongiques azolés.
Kétoconazole Itraconazole Fluconazole Voriconazole a Posaconazole
b
Biodisponibilité (%) 75 73 95 90 maxi Inconnue
Cmax (200 mg per os) (mg/l) 1,5–3 0,2–0,4 4–6 ND
Tmax (heure) 1–4 3–4 2–4 2 5–10
Cmax (200 mg/j) (mg/l) 3–4 1 10–12 ND ND
Demi-vie (heure) 2,7–4,7 c 34–72 c 30–35 6 28
18–27 d
Délai d’équilibration (jour) 1–1,5 14–15 6–10 ND 7
Pourcentage liaison protéines plasmatiques 99 99,8 12–23 e 65 > 98
Volume de distribution (l/kg) 0,3–0,4 10 0,7–0,8 2 7–25
Diffusion dans le LCS – ± +++ ? ±
Pourcentage élimination rénale <5 <5 70 à 90 <5 <5
Métabolisation +++ +++ 10 à 25 % 95 % 30 %
OH-itraconazole :
actif
Effet de premier passage +++ +++ 0 + –
Élimination biliaire ND ++ ND ND +++
Voie d’administration Per os Per os (intraveineuse Per os et intraveineuse Per os et intraveineuse Per os
en développement)

ND : non documenté ; LCS : liquide cérébrospinal.


a
En expérimentation clinique.
b
Pour une solution orale, en prenant en compte l’itraconazole et l’hydroxy-itraconazole.
c
À l’équilibre.
d
Métabolite hydroxy-itraconazole.
e
Varie en fonction de la pathologie.

dont certaines ont ou peuvent avoir un retentissement clinique. particulier au niveau de l’œil. À l’inverse, dans certains modèles
La diffusion du miconazole dans le LCS est trop faible pour qu’il expérimentaux, une concentration tissulaire élevée de fluconazole
soit utilisable dans les infections neurologiques. Sa diffusion est ne s’accompagne pas forcément d’une bonne efficacité.
faible dans la salive, bonne dans le liquide synovial. Le kétoco-
nazole est fortement lié aux protéines (albumine) et son volume Élimination
de distribution est faible, ce qui indique une liaison restrictive,
c’est-à-dire qui empêche partiellement la pénétration tissulaire. Le Tableau 4 regroupe les informations essentielles sur
Les concentrations tissulaires sont au mieux de l’ordre de la moi- l’élimination de ces azolés. La demi-vie du miconazole est
tié de celles observées dans le plasma, et elles sont très basses dans d’environ 1,7 heures. Le miconazole est essentiellement méta-
l’os, le LCS et l’œil. En revanche, l’itraconazole et le posaconazole, bolisé dans le foie, en dérivés inactifs. Une grande partie (40
eux aussi très liés aux protéines (albumine), ont un volume de à 50 %) est éliminée dans les selles, sous forme active. Une
distribution très élevé, indiquant une liaison permissive, c’est-à- faible partie (10 %), pratiquement inactive, passe dans les urines.
dire qui n’empêche pas la pénétration tissulaire, en raison d’une La molécule est peu dialysable. Le kétoconazole est métabolisé
affinité plus élevée pour les sites de liaison cellulaires (CYP450, dans le foie et excrété sous forme inactive, essentiellement dans
etc.). Les concentrations tissulaires de l’itraconazole sont deux à la bile. L’itraconazole est métabolisé, notamment en hydroxy-
dix fois supérieures aux concentrations plasmatiques ; elles sont itraconazole, métabolite dont les concentrations atteignent 1,5
très basses dans le LCS et dans l’humeur aqueuse, mais élevées à deux fois celles du produit parent, et qui possède la même acti-
dans le parenchyme cérébral, ce qui expliquerait l’efficacité de vité antifongique. Compte tenu de la longueur de leur demi-vie,
l’itraconazole dans le traitement des cryptococcoses méningées. l’état d’équilibre n’est atteint qu’après une ou deux semaines de
La concentration du posaconazole dans les cellules alvélolaires traitement pour le fluconazole et l’itraconazole respectivement.
pulmonaires est 30 à 40 fois plus élevée que la concentration plas- Cet inconvénient est facilement contourné par l’administration
matique [24] , et sa diffusion dans le LCS est très faible, mais peut d’une dose de charge de 600 à 800 mg au cours des deux à
être significativement augmentée dans un contexte d’atteinte quatre premiers jours de traitement. Le voriconazole est éliminé
inflammatoire de la barrière hématoencéphalique (BHE). Le vori- par métabolisme hépatique, principalement via le CYP450 2C19.
conazole est modérément lié aux protéines plasmatiques (58 %), Le posaconazole est essentiellement (66 %) excrété sous forme
son volume de distribution moyen de 4,8 l/kg traduit une impor- inchangée dans la bile. Le reste est éliminé par glucuroconjugaison
tante diffusion tissulaire. Des concentrations tissulaires élevées de via l’UDP-glucuronosyltransférase 1-4 (UGT1A4), le métabolite
voriconazole ont ainsi été mesurées dans le cerveau, le cœur, le glucuroconjugué étant à son tour éliminé soit dans la bile, soit
foie, les reins, la rate et l’os [25, 26] . Des concentrations équivalentes par voie rénale.
à environ 50 % de la concentration plasmatique ont également
été retrouvées dans les humeurs aqueuses et vitrées [27] . Enfin, Facteurs de variation
le fluconazole est peu lié aux protéines plasmatiques (alpha-1- En cas d’insuffisance rénale sévère, la demi-vie du fluconazole
glycoprotéine-acide), et même si cette liaison augmente chez les s’allonge d’un facteur 2 (clairance de la créatinine [CLCR ] com-
cancéreux et les insuffisants rénaux chroniques, elle reste trop prise entre 20 et 60 ml/min) ou 3 (CLCR inférieure à 20 ml/min),
faible pour empêcher la pénétration tissulaire (et également cel- et l’intervalle posologique doit être augmenté dans le même
lulaire). Le fluconazole diffuse bien dans l’ensemble des liquides rapport. En revanche, aucune adaptation n’est nécessaire pour
de l’organisme, où il atteint 0,8 à trois fois les concentrations l’itraconazole, le voriconazole, le posaconazole et le kétoconazole
plasmatiques. En particulier, il pénètre bien dans l’œil, le LCS dans cette situation. Il est cependant préférable de privilégier la
et le parenchyme cérébral. Il faut cependant insister sur le fait voie orale à la voie intraveineuse en cas d’insuffisance rénale dans
que, dans les modèles animaux d’infection expérimentale, une le cas de l’itraconazole et du voriconazole, en raison des consé-
bonne efficacité des azolés, notamment de l’itraconazole, est par- quences inconnues de l’accumulation des excipients présents
fois observée, en dépit de concentrations tissulaires très basses, en dans leurs formes injectables. En effet, ces excipients hydrophiles,

EMC - Maladies infectieuses 9


8-006-N-20  Antifongiques

dérivés des cyclodextrines, qui permettent la solubilisation du et éliminé sous forme inactive dans les urines (80 %) et les selles
voriconazole et de l’itraconazole en milieu aqueux, sont norma- (20 %). La demi-vie est de 17 heures. L’antifongique est fortement
lement éliminés par voie rénale. concentré dans le stratum corneum, par diffusion directe et grâce à
En cas de cirrhose hépatique grave, les demi-vies de une haute concentration dans le sébum. Il est également retrouvé
l’itraconazole et du fluconazole sont respectivement multipliées dans l’épiderme et le derme à des concentrations supérieures aux
par deux et trois, ce qui impose, ici encore, d’allonger l’intervalle CMI des dermatophytes. Au niveau de l’ongle, il existe une diffu-
posologique dans le même rapport. Cependant, la prédiction des sion rapide à partir du lit sous-unguéal et une incorporation par
concentrations étant très aléatoire dans cette pathologie, il est l’ongle nouvellement formé. Le produit reste au niveau de l’ongle
recommandé de mesurer les concentrations plasmatiques rési- plusieurs mois après l’arrêt du traitement. La concentration est
duelles. De même, la posologie de voriconazole doit être diminuée également élevée dans les cheveux et reste présente environ deux
en cas d’insuffisance hépatique légère et modérée [28] , alors qu’il mois après la fin du traitement.
semble inutile de modifier celle du posaconazole [29] . Néanmoins,
du fait de la très forte variabilité pharmacocinétique interindivi-
duelle de ces deux molécules, la vérification des concentrations Échinocandines
plasmatiques est également fortement recommandée.
Du fait de leur nature lipopeptidique qui impliquerait leur
Chez les patients neutropéniques, et notamment en cas
dégradation dans le tractus digestif, les échinocandines ne
d’allogreffe de moelle, la biodisponibilité du kétoconazole et de
peuvent être administrées que par voie orale ou sous-cutanée. Les
l’itraconazole est réduite et la demi-vie du kétoconazole est dimi-
échinocandines ont des profils pharmacocinétiques relativement
nuée d’un facteur 3. L’absorption du fluconazole chez l’enfant
proches. Ces molécules sont fortement fixées à l’albumine (80 %
neutropénique est complète, mais la demi-vie est diminuée d’un
de fixation pour l’anidulafungine, 96 % pour la caspofungine et
facteur 2. Ces modifications amènent à administrer des doses deux
plus de 99 % pour la micafungine). Leur volume de distribution
à trois fois plus élevées pour conserver les concentrations plasma-
est généralement décrit entre 9,5 litres pour la caspofungine et
tiques usuelles, mais ici encore la mesure de ces concentrations
33 litres pour l’anidulafungine, ce qui est faible et reflète ainsi une
semble indispensable pour ajuster la posologie.
diffusion initiale essentiellement limitée au niveau des comparti-
Les clairances du fluconazole et de l’itraconazole sont légère-
ments hydrique [1] . Il a cependant été montré que le volume de
ment réduites chez le sujet âgé, sans conséquence clinique. En
distribution de la caspofungine augmente progressivement dans
revanche, la demi-vie d’élimination du fluconazole est allongée
le temps jusqu’à atteindre au bout de trois à quatre jours des
d’un facteur 2,5 à 3 chez le prématuré, en raison d’une augmen-
valeurs de l’ordre de 150 litres, qui témoignent d’une diffusion
tation du volume de distribution. Le volume de distribution se
profonde au niveau tissulaire [31] . De même, la micafungine dif-
normalise à partir de 15 jours chez l’enfant né à terme. Lorsque la
fuse dans les macrophages des cellules alvélolaires [15] . Enfin, un
fonction rénale est normale, la posologie de fluconazole recom-
modèle de méningoencéphalite candidosique chez le lapin a mon-
mandée dans les infections graves est de 6 à 12 mg/kg toutes
tré qu’à très forte dose la micafungine peut traverser la BHE pour
les 72 heures pour les enfants de moins de 15 jours, toutes les
atteindre des concentrations efficaces dans le LCS [32] .
48 heures pour les enfants de 15 à 30 jours, et toutes les 24 heures
Ces trois molécules ont des voies d’élimination différentes. La
pour les enfants plus âgés.
caspofungine est métabolisée au niveau hépatique par hydrolyse
Le CYP450 2C19, qui est la principale voie d’élimination
enzymatique et N-acétylation, la micafungine est principale-
du voriconazole, est soumis à un polymorphisme génétique.
ment métabolisée par la catéchol-orthométhyl-transférase, et
Cinq pour cent des sujets appartenant aux populations noires
l’anidulafungine est éliminée par hydrolyse non enzymatique.
et caucasienne et 20 % des sujets asiatiques sont ainsi métabo-
Les demi-vies d’élimination sont assez semblables d’une molé-
liseurs lents pour cette voie enzymatique, et présentent aux doses
cule à l’autre : dix heures pour la caspofungine, 13 heures pour
recommandées des expositions au voriconazole environ quatre
la micafungine, 25 heures pour l’anidulafungine [1] .
fois supérieures à celles obtenues chez les sujets métaboliseurs
La pharmacocinétique des échinocandines n’est pas modifiée
rapides [30] .
par l’insuffisance rénale. En revanche, la posologie de la caspofun-
Enfin, chez le patient brûlé (à plus de 30 %), la cinétique du
gine doit être diminuée à 35 mg en cas d’insuffisance hépatique
fluconazole est légèrement modifiée par rapport à celle des sujets
modérée [33] , ce qui n’est pas le cas de l’anidulafungine [34] . Il n’y a
sains : la clairance est augmentée, d’où une demi-vie plus courte,
actuellement pas de donnée disponible pour la caspofungine en
valant environ 24 heures, ce qui justifie d’augmenter les doses
cas d’insuffisance hépatique sévère.
d’un tiers environ.
Chez l’enfant, la clairance de la micafungine est d’autant plus
grande que l’enfant est jeune. Une clairance rapportée au poids
Griséofulvine trois fois supérieure à celle de l’adulte est ainsi retrouvée chez
les nouveau-nés prématurés [35] . La clairance de la caspofungine
Administrée par voie orale, la griséofulvine est absorbée par
rapportée à la surface corporelle est constante entre les âges de
l’intestin de façon très inégale selon les sujets. L’administration
1 et 17 ans. De ce fait, une même dose de 50 mg/m2 permet
orale de 1 g donne, en moyenne à la quatrième heure, un pic
d’obtenir dans cette tranche d’âge des concentrations similaires
sérique de 1,5 à 2 ␮g/ml. Les taux sériques baissent fortement en
à celles obtenues chez l’adulte pour la dose recommandée de
huit à dix heures et sont à l’état de traces au bout de 72 heures.
50 mg [36] . Concernant l’anidulafungine, une dose de 1,5 mg/kg
L’absorption intestinale est accrue lorsque l’antifongique est sous
chez l’enfant de la naissance à 17 ans permet d’obtenir les concen-
forme microcristalline ou administré au cours d’un repas riche
trations retrouvées chez l’adulte pour la dose de 100 mg [37, 38] .
en graisses. Sa liaison aux protéines est de 80 %. La demi-vie est
d’environ 24 heures. Le produit est éliminé dans les selles et les
urines. Bien que la diffusion concerne plusieurs viscères, seule la
pénétration cutanée présente un intérêt thérapeutique. Après la  Mode d’administration
prise orale, la griséofulvine est détectable dans l’épiderme, dans et surveillance
la partie supérieure du stratum corneum, en deux ou trois jours ;
elle atteint la mi-hauteur de la couche cornée en 15 jours et la Polyènes et leurs formes lipidiques
surface de la peau en 25 à 30 jours. La griséofulvine, ou un de ses
métabolites, semble incorporée à la kératine et suit passivement Dans les candidoses oropharyngées, on peut utiliser la suspen-
la progression des cellules vers la surface. Le produit est concentré sion orale. La posologie est de trois à quatre cuillères à café par
dans la kératine des cheveux, des poils et des ongles. jour chez l’adulte ; la solution peut être utilisée comme un bain
de bouche.
Du fait de sa très faible solubilité dans l’eau, elle ne peut pas
Terbinafine être administrée telle quelle en solution aqueuse. La plus ancienne
Après administration orale, le pic plasmatique est obtenu en formulation est la Fungizone® , qui est une suspension micellaire
deux heures. L’antifongique est intensément métabolisé par le foie d’AMB déoxycholate, utilisée depuis plus de 30 ans. Depuis les

10 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

années 1990, les formulations lipidiques d’amphotéricine B ont biologique ; les normes varient alors selon les laboratoires. Il
été développées. Une formulation lipidique, l’Abelcet® (AMB lipid faut mesurer la somme des concentrations plasmatiques de
complex) a été mise sur le marché en 1997, puis une formula- l’itraconazole et de son métabolite actif, l’hydroxy-itraconazole,
tion liposomale, l’Ambisome® , en 1998. L’Amphocil® , dispersion de préférence au pic présumé. Dans les candidoses survenant au
colloïdale d’AMB, n’est pas commercialisée en France. cours de l’infection par le VIH, la concentration totale devrait
L’AMB doit être administrée dans du soluté glucosé à 5 %. En dépasser 1000 ng/ml pour assurer une efficacité maximale, tandis
France, il est d’usage d’administrer la Fungizone® en perfusion que, dans l’aspergillose pulmonaire expérimentale, la concentra-
lente, 0,2 mg/kg par heure, c’est-à-dire en quatre à six heures, tion de 5000 ng/ml a été proposée. Des études contrôlées chez
éventuellement un jour sur deux à double dose, mais des perfu- l’homme seraient cependant nécessaires avant de généraliser de
sions plus courtes (une heure) ne semblent pas plus mal tolérées. telles recommandations.
L’Ambisome® peut être administrée en perfusion de 30 à Le voriconazole (V-Fend® ) existe par voie orale (gélules), et
60 minutes, avec un débit plus lent en cas de mauvaise tolérance. par voie intraveineuse. La posologie en traitement curatif est de
L’Abelcet® est perfusé à 2,5 mg/kg par heure. 6 mg/kg deux fois par jour à J1 puis de 4 mg/kg deux fois par
jour à partir de J2 (7 mg/kg/12 heures d’emblée chez l’enfant).
L’excellente biodisponibilité par voie orale permet de relayer un
Flucytosine traitement par voie intraveineuse par la voie orale assez rapide-
ment. La forme intraveineuse ne doit pas être utilisée chez les
La flucytosine (Ancotil® ) est disponible sous forme de compri-
insuffisants rénaux. En revanche, la forme orale peut être utili-
més à 500 mg, et de solution injectable à 1 % (2,5 g de 5-FC dans
sée chez ces patients sans modification de dose. Pour une bonne
un flacon de soluté salé isotonique de 250 ml). La solution injec-
absorption, le voriconazole par voie orale doit être administré à
table est utilisée par voie intraveineuse. En l’absence d’insuffisance
distance des repas. Le dosage est utile, notamment s’il existe des
rénale, la posologie habituelle de la 5-FC, par voie orale ou paren-
médicaments à risque d’interaction. Il est par ailleurs fortement
térale (perfusions d’une heure) est de 100 mg/kg en quatre doses
recommandé chez l’enfant traité par voie orale compte tenu de
journalières. L’intervalle posologique est allongé à 12 heures si
la variabilité pharmacocinétique dans cette population. Le taux
la clairance de la créatinine est comprise entre 20 et 40 ml/min,
résiduel à atteindre est d’au moins 1 sans dépasser 5 mg/l.
et à 24 heures si la clairance est entre 10 et 20 ml/min. En cas
Le posaconazole (Noxafil® ) existe uniquement sous forme de
de clairance inférieure à 10 ml/min, ou de dialyse péritonéale, la
suspension buvable. La dose utilisée en traitement curatif est de
posologie doit être ajustée en fonction de la concentration sérique
800 mg/j (200 mg quatre fois par jour à J1 et J2, puis 400 mg deux
de flucytosine. En cas d’hémodialyse, la dose n’est administrée
fois par jour chez les patients d’oncohématologie, et 400 mg deux
qu’après chaque séance de dialyse, et aucune administration n’est
fois par jour chez les autres patients). Il n’est pas nécessaire de
faite entre les séances.
modifier les doses en cas d’insuffisance rénale ou hépatique. Son
Enfin, lors des associations avec l’AMB, la posologie de la
absorption est mauvaise et nécessite pour être optimale la prise
flucytosine doit être réduite en cas d’apparition d’une insuffi-
concomitante d’aliments gras ou de Coca-Cola® . Cette mauvaise
sance rénale, en raison du risque accru d’hématotoxicité. Dans
absorption nécessite de contrôler le taux résiduel, après cinq jours
ce contexte, ou en cas d’insuffisance cardiaque, il importe égale-
de traitement. Ce taux doit être compris entre 0,6 et 1 mg/l en cas
ment de tenir compte de l’apport sodé en cas d’administration par
de traitement prophylactique et à plus de 1 mg/l en curatif.
voie intraveineuse (2 g par flacon de 2,5 g).
Les concentrations sériques de flucytosine doivent, autant que
possible, être maintenues entre 25 et 80 mg/l, tout au long de Griséofulvine
l’intervalle posologique. En dessous de 25 mg/l, il existe un risque
d’inefficacité et de développement de mutants résistants. Au- Elle existe sous formes topique et orale. La posologie orale est
dessus de 100 mg/l, les risques toxiques sont fortement majorés. de 0,5 à 1 g/j chez l’adulte, de 10 mg/kg par jour chez l’enfant, de
Dans la pratique, des zones thérapeutiques plus étroites ont 10 à 20 mg/kg par jour chez l’animal, en une ou deux prises au
parfois été recommandées. Globalement, la tolérance semble net- cours d’un repas.
tement améliorée par le suivi des dosages sériques, en raison
de la très grande variabilité interindividuelle des concentrations
sériques de flucytosine. Il reste toutefois nécessaire de contrôler
Terbinafine
la fonction rénale pendant le traitement, ainsi que la formule La posologie orale est de 250 mg/j, à distance d’un repas pour
sanguine et les enzymes hépatiques une fois par semaine. le traitement des dermatophyties : deux à quatre semaines dans le
traitement des lésions de la peau glabre, deux à six semaines pour
les pieds d’athlète et les kératodermies plantaires, six semaines à
Antifongiques azolés trois mois pour les onyxis des mains, et trois à six mois pour les
Le fluconazole (Triflucan® ) est disponible sous forme de gélules onyxis des pieds. La posologie atteint 1 g par jour dans le traite-
à 50, 100 et 200 mg, de poudre pour suspension buvable ment des chromomycoses et des mycétomes.
(50 mg/5 ml), et de flacons de perfusion à 100 ou 200 mg.
L’itraconazole (Sporanox® ) est disponible en gélules à 100 mg Échinocandines
qui ne doivent pas être ouvertes, et en solution orale en cyclo-
dextrine 10 mg/ml. La posologie initiale de l’itraconazole, dans Les échinocandines existent actuellement uniquement sous
les mycoses systémiques, est de 600 mg/j pendant au moins trois forme injectable par voie intraveineuse.
jours, puis de 400 mg/j en une prise, au cours d’un repas riche La caspofungine (Cancidas® ) s’administre en une perfusion par
en lipides. Sa prise peut éventuellement être associée à un verre jour, d’une durée d’une heure. Cancidas® ne doit pas être dilué
de Coca-Cola® . La posologie reste inchangée en cas d’insuffisance dans des solutions contenant du glucose (qui affectent sa stabi-
rénale. La solution orale d’itraconazole en cyclodextrine doit être lité). Chez l’adulte, la dose est de 70 mg à J1 puis 50 mg par jour
administrée en dehors des repas. à partir de J2 chez les patients de moins de 80 kg, et 70 mg/j chez
Le suivi thérapeutique se justifie essentiellement, pour les patients de plus de 80 kg. Chez l’enfant de 12 mois à 17 ans,
l’itraconazole, dans le traitement d’une mycose systémique, en la dose est de 70 mg/m2 de surface corporelle à J1, puis 50 mg/m2
raison de la grande variabilité de son absorption et de sa ciné- à partir de J2. Chez l’enfant de moins de 12 mois, il existe peu
tique non linéaire, et notamment en cas de troubles digestifs ou de données, les doses proposées étant de 25 mg/m2 si moins de
lors de certaines associations médicamenteuses. Le dosage doit trois mois, et 50 mg/m2 de 3 à 12 mois. Il n’y a pas d’adaptation
être réalisé 24 heures après la dernière administration, à partir du nécessaire en cas d’insuffisance rénale, même sévère. Le produit
septième jour de traitement. La méthode high pressure liquid chro- n’est pas dialysable. En cas d’insuffisance hépatique modérée chez
matography (HPLC) permet de doser simultanément l’itraconazole l’adulte, la dose doit être diminuée à 70 mg à J1 puis 35 mg à par-
et son métabolite actif, l’hydroxy-itraconazole (taux supérieur à tir de J2. Il n’y a pas de donnée en cas d’insuffisance hépatique
1000 ng/ml). Le dosage peut également être réalisé par méthode sévère.

EMC - Maladies infectieuses 11


8-006-N-20  Antifongiques

La micafungine (Mycamine® ) s’administre à la dose de prouvées ou probables (étude Ambiload), les effets indésirables
50 mg/j en prophylaxie, 100 mg pour le traitement des mycoses étaient plus fréquents dans le bras 10 mg/kg par jour, avec notam-
systémiques, et 150 mg/j pour le traitement des candidoses œso- ment plus d’insuffisance rénale et d’hypokaliémie [40] .
phagiennes, tout cela chez les personnes de plus de 40 kg. Chez L’amélioration de la tolérance avec l’Abelcet® (à la dose de
les adultes et enfants de moins de 40 kg, la dose est de 2 mg/kg par 5 mg/kg par jour) porte surtout sur la fonction rénale, avec une
jour dans les mycoses invasives et de 1 mg/kg en prophylaxie. À augmentation de la créatininémie deux à trois fois moins impor-
noter qu’il est possible que le nourrisson requière des posologies tante que celle observée sous Fungizone® à 1 mg/kg par jour, une
beaucoup plus importantes, de l’ordre de 10 à 12 mg/kg par jour baisse de la créatininémie peut être observée sous traitement. En
pour obtenir des concentrations plasmatiques satisfaisantes [39] . revanche, la fréquence des effets indésirables immédiats (fièvre,
Aucune adaptation n’est nécessaire en cas d’insuffisance rénale, frissons, nausées, vomissements) et les abandons de traitement
même sévère. Une insuffisance hépatique modérée ne nécessite surviennent dans 8 à 15 % des cas.
pas d’ajustement posologique ; en revanche, il n’existe pas de La tolérance de l’Amphocil® a été évaluée à des doses entre
donnée chez les patients atteints d’insuffisance hépatique sévère. 0,5 et 8 mg/kg par jour (le plus souvent 4 ou 6 mg/kg par jour).
L’anidulafungine (Ecalta® ) est administrée à la dose de 200 mg/j Les effets indésirables les plus fréquents sont les frissons (9 %),
à J1, puis 100 mg/j à partir de J2. Il n’y a pas de donnée sur la fièvre (7 %), une hypotension (5 %) et une thrombocytopénie
l’utilisation chez des patients de moins de 18 ans. L’insuffisance (3 %). L’augmentation de la créatininémie n’a été observée que
rénale ne justifie pas d’une réduction des doses. L’insuffisance dans 1,2 % des cas, et les abandons de traitement ont représenté
hépatique, même sévère, ne nécessite pas d’ajustement de la poso- 12 % des cas. La prémédication n’est donnée que si la tolérance
logie. à une dose test de 5 mg/kg par jour n’est pas bonne, et il est
recommandé de ne pas dépasser 7,5 mg/kg par jour.

 Effets indésirables Flucytosine


et interactions médicamenteuses Les effets indésirables principaux de la flucytosine sont les
troubles hématologiques, les troubles gastro-intestinaux et hépa-
Polyènes et leurs formes lipidiques tiques.
La flucytosine peut entraîner une leucopénie, une thrombocy-
La toxicité par voie orale est nulle. Les effets indésirables topénie ou une pancytopénie. Cet effet apparaît dans 20 à 33 % des
habituellement observés en cours ou immédiatement après cas, et se développe presque toujours après deux à quatre semaines
l’administration intraveineuse de Fungizone® sont des nausées, de traitement. Il est dose-dépendant et concentration-dépendant,
des vomissements, de la fièvre, des frissons, des maux de tête, des et conduit à la recommandation de ne pas dépasser la posologie
myalgies, des arthralgies, des douleurs abdominales et de la diar- de 100 mg/kg par jour et/ou une concentration plasmatique de
rhée. L’AMB a une action irritative locale pour les veines perfusées, 80 mg/l. Les intolérances digestives sont observées dans 6 à 18 %
mais également dans d’autres sites : injection sous-conjonctivale, des cas et consistent en diarrhées, anorexie, nausées, vomisse-
injection intra-articulaire, injection intrarachidienne. Plus graves ments et douleurs abdominales. Dans les cas extrêmes, une colite
sont les arachnoïdites au point d’injection, avec douleurs et déficit (atteignant surtout le côlon proximal) avec perforation intestinale
neurologique. Dans certains cas, la moelle peut être lésée, proba- a pu être observée. Un mécanisme de toxicité fait intervenir la
blement par ischémie. formation de 5-FU. La 5-FC absorbée par le tube digestif ou admi-
Le principal effet indésirable de l’AMB amenant fréquemment nistrée par voie intraveineuse est en partie sécrétée dans la lumière
à un arrêt du traitement est la toxicité rénale. En effet, il existe intestinale. Certaines bactéries du côlon, tel Escherichia coli, ont
une toxicité glomérulaire par vasoconstriction rénale et contrac- une désaminase qui peut transformer la 5-FC en 5-FU. La 5-FU est
tion des cellules mésangiales, entraînant une diminution du responsable in situ de la toxicité colique et, une fois absorbée, de
débit de filtration glomérulaire et une insuffisance rénale avec la toxicité médullaire.
augmentation de la créatininémie. La toxicité est potentialisée La flucytosine provoque une élévation des enzymes hépatiques
par la prescription simultanée d’autres médicaments éventuel- dans 5 à 15 % des cas, mais elle reste le plus souvent asympto-
lement néphrotoxiques : ciclosporine, diurétiques, aminosides, matique. Cependant, quelques décès par hépatites nécrosantes
aciclovir. La toxicité rénale chez l’homme n’est pas diminuée ont été rapportés. Les réactions allergiques cutanées sont peu fré-
par la perfusion de mannitol. En revanche, une charge sodée, quentes (moins de 5 %). En raison de son mécanisme d’action, la
ou au moins un chiffre normal de natrémie, semble un facteur flucytosine ne doit pas être administrée chez la femme enceinte,
important pour réduire, voire faire régresser la néphrotoxicité. même si aucun cas de tératogenèse ne semble avoir été rapporté.
De plus, la toxicité tubulaire de l’AMB (liée à la formation de
pores membranaires par les oligomères d’AMB) est responsable
de l’hypokaliémie et de l’hypomagnésémie très fréquemment
Antifongiques azolés
observées. D’autres effets indésirables sont également rencontrés : Interactions médicamenteuses
hyper- ou hypotension artérielle, arythmies, rashs cutanés et réac-
Les azolés sont des inhibiteurs enzymatiques qui agissent sur
tions anaphylactoïdes, pseudovertiges, troubles visuels, troubles
certaines isoenzymes des CYP450. Le fluconazole inhibe forte-
auditifs, convulsions. Il peut également se développer une ané-
ment les isoenzymes de la famille CYP2C9, et faiblement les
mie normochrome normocytaire, probablement par diminution
isoenzymes de la famille CYP3A. Le kétoconazole, l’itraconazole et
de la synthèse d’érythropoïétine. Rarement, des perturbations
le posaconazole présentent un profil d’inhibition inverse de celui
du bilan hépatique, une thrombocytopénie, une leucopénie et
du fluconazole. Le voriconazole inhibe les isoenzymes 3A4, 2C9 et
une agranulocytose peuvent être observées. Dans la pratique, la
2C19. L’inhibition de ces enzymes conduit à l’augmentation des
néphrotoxicité, la fièvre et les frissons sont les effets indésirables
concentrations des médicaments métabolisés par l’isoenzyme cor-
majeurs, qui apparaissent dans environ 50 % des cas, et peuvent
respondante. Les principaux médicaments dont la concentration
conduire à l’arrêt du traitement. Ces effets indésirables limitent
est augmentée par la prescription des antifongiques sont résu-
souvent la posologie idéale de la Fungizone® à 1 mg/kg par
més dans le Tableau 5. De la même façon, des médicaments qui
jour.
inhibent eux même ces enzymes vont augmenter les concentra-
Plusieurs études randomisées ont permis de montrer que
tions des antifongiques. Il faut également signaler l’interaction de
l’Ambisome® a un profil de toxicité meilleur que celui de l’AMB
l’itraconazole avec certains produits de chimiothérapie tels que le
déoxycholate, avec moins d’insuffisance rénale (19 versus 34 %),
cyclophosphamide ou la vincristine.
et moins d’effets indésirables liés à la perfusion (17 versus 44 %).
Dans une étude de 2007 sur l’utilisation de plus fortes poso-
logies d’Ambisome® (10 mg/kg par jour pendant deux semaines Effets indésirables
puis 3 mg/kg par jour en comparaison avec la dose classique de Les effets indésirables communs aux divers antifongiques
3 mg/kg par jour d’emblée) en traitement des infections fongiques azolés sont les troubles gastro-intestinaux (nausées, douleurs

12 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

Tableau 5. Par ailleurs, les azolés sont responsables d’une fœtotoxicité chez
Interactions médicamenteuses avec les antifongiques azolés. le rat, mais pas chez le lapin ; encore que cet effet n’a été observé
Médicaments dont la concentration Médicaments qui diminuent qu’à des doses élevées (40 à 160 mg/kg), et le risque de toxicité
est augmentée par l’antifongique la concentration de pour le fœtus est considéré comme faible chez l’homme. Cepen-
l’antifongique dant, les azolés sont contre-indiqués par principe chez la femme
enceinte.
Immunosuppresseurs : ciclosporine, Rifampicine
tacrolimus, sirolimus Phénytoïne et autres
Anti-infectieux : rifabutine, anticonvulsiavnts Échinocandines
halofantrine, inhibiteurs de protéase Antiacides c
(VIH) a , quinidine a En raison du mode d’action (inhibition de synthèse des bêtaglu-
Sulfamides hypoglycémiants canes de la paroi fongique, ces glucanes étant absents des cellules
Anticonvulsivants : phénytoïne de mammifères), les candines ont un excellent profil de tolé-
Antiarythmiques : théophylline rance. Des réactions à type d’histaminolibération (prurit, urticaire,
digoxine a , cisapride bouffées vasomotrices) sont décrites rarement, et surviennent
Benzodiazépines : triazolam, généralement lorsque le débit de perfusion est trop élevé.
midazolam De rares cas d’élévation des enzymes hépatiques ou
Anticoagulants : warfarine d’aggravation de la fonction hépatique ont été décrits, sans
Statines : simvastaine a , que la relation de cause à effet soit toujours très claire [44] .
cérivastatine a , atorvastatine *
antihistaminiques ; terfénadine a ,
astémizole a Griséofulvine
Alfentanil
Oméprazole b Interactions médicamenteuses
VIH : virus de l’immunodéficience humaine. La griséofulvine accélère le métabolisme des antivitamines K.
a
Sauf fluconazole. L’efficacité de la griséofulvine peut être diminuée par la pres-
b
Uniquement pour le voriconazole. cription simultanée de barbituriques. Le médicament exerce un
c
Kétoconazole et itraconazole. effet anti-inflammatoire qui n’est pas de type cortisonique ; il
augmente le pH cutané et pourrait avoir une action de type estro-
abdominales, diarrhées, parfois vomissements et constipation), génique.
les réactions allergiques (prurit, rash cutané), les maux de tête
et l’élévation transitoire des enzymes hépatiques. La fréquence de Effets indésirables
ces effets indésirables dépend de la dose journalière et de la durée
de traitement. Le médicament est généralement bien toléré. Les céphalées, sur-
Les réactions d’hypersensibilité sont bénignes dans l’immense tout en début de traitement, et les éruptions cutanées avec ou sans
majorité des cas. photosensibilisation sont les deux principaux effets indésirables.
Le voriconazole a une toxicité cutanée particulière : les Ont également été signalés : des troubles gastro-intestinaux, des
complications cutanées concernent 17 à 20 % des patients. Elles modifications du goût, une asthénie, une confusion, une insta-
peuvent être aiguës, allant d’un simple rash érythémateux à des bilité, une leucopénie. Quelques cas de lupus érythémateux
lésions sévères de type Stevens Johnson ou Lyell. Chez des patients disséminé ou d’hépatite ont également été observés. Il ne doit
prenant le traitement au long cours, des réactions de photosensi- pas être prescrit chez la femme enceinte, les porphyriques, les
bilité peuvent survenir (1 à 2 % des patients). Ces réactions sont insuffisants hépatiques et les lupiques.
rapidement réversibles à l’arrêt du traitement [41] . Au cours des
dernières années, plusieurs cas de cancers cutanés ont été décrits, Terbinafine
sous la forme de carcinomes spinocellulaires dans les zones photo-
exposées [42, 43] . Les effets indésirables sont rares : troubles digestifs, réactions
L’hépatotoxicité se traduit par une élévation des enzymes hépa- cutanées, hépatites, neutropénies et thrombopénies. Des agueu-
tiques, parfois avec ictère. Elle est dose-dépendante et fonction de sies partielles ou totales, réversibles à l’arrêt du traitement, ont été
la durée du traitement. Une élévation modérée des transaminases signalées.
survient chez 2 à 5 % des patients, avec un retour spontané à la
normale. Elle intervient dans un délai très variable et elle est réver-
sible à l’arrêt du traitement dans un délai tout aussi variable. Le  Test de sensibilité in vitro
traitement doit être interrompu dès que le taux de transaminases
s’élève à trois fois le chiffre normal. et résistance aux antifongiques
Les azolés, en raison de leur mécanisme d’action, inhibent fai-
Il existe de nombreuses techniques. Il y a deux types de résis-
blement la synthèse du cortisol et de la testostérone. Cela peut
tance : primaire et secondaire.
se traduire par une baisse de la libido, une gynécomastie et une
impuissance qui sont réversibles à l’arrêt du traitement.
Le voriconazole peut provoquer des effets indésirables visuels,
de type photopsie, ou hallucinations (alors en cas de surdo-
 Utilisation des antifongiques
sage). Ces effets indésirables visuels sont réversibles à l’arrêt du en prophylaxie
traitement, et n’entraînent que rarement une interruption du trai-
tement, sauf en cas d’hallucinations. chez l’immunodéprimé
Une hypokaliémie a rarement été observée avec le flucona-
zole mais plus fréquemment avec l’itraconazole. Le fluconazole
Prophylaxie antifongique
a parfois été associé à une thrombocytopénie sévère. De manière chez les neutropéniques
exceptionnelle, l’itraconazole et le fluconazole ont été démontrés (non greffés de moelle)
responsables d’une alopécie. Une hypertension artérielle et des
œdèmes des membres inférieurs ont été observés avec de fortes Les infections fongiques invasives représentent la princi-
posologies d’itraconazole. Son association aux antivitamines K ou pale cause infectieuse de mortalité chez les patients atteints
aux sulfamides hypoglycémiants est contre-indiquée, car l’effet d’hémopathie maligne recevant des chimiothérapies lourdes.
biologique de ces médicaments est augmenté. Des effets indési- Dans une étude italienne rétrospective multicentrique [45] repre-
rables neurologiques centraux ont été observés à des posologies nant 11 802 patients adultes suivis pour une hémopathie maligne,
(hors autorisation de mise sur le marché [AMM]) de 1600 mg/j ou 4,6 % des patients avaient eu un épisode d’infection fongique
plus de fluconazole. invasive probable ou prouvée. L’incidence était la plus élevée

EMC - Maladies infectieuses 13


8-006-N-20  Antifongiques

(12 %) chez les patients suivis pour une leucémie aiguë myélo- options (voriconazole-7 mg/kg chaque 12 heures en intraveineuse
blastique, et 6,5 % chez les patients atteints de leucémie aiguë lente ou 200 mg deux fois par jour, micafungine-1 mg/kg par jour,
lymphoblastique. L’aspergillose représentait 58 % des infections AMB liposomale en aérosols).
fongiques invasives et les candidémies 33 %.
Chez les patients atteints de leucémie aiguë myéloblastique
(ou de myélodysplasie à haut risque d’acutisation), le risque
Prophylaxie antifongique chez les patients
d’infection fongique invasive survient essentiellement au cours recevant une allogreffe de cellules souches
de la neutropénie suivant la chimiothérapie d’induction, ou au hématopoïétiques
cours du traitement d’une rechute ou d’une maladie réfractaire,
alors que les cas survenant au cours d’une chimiothérapie de Au cours de la greffe de moelle allogénique, deux périodes
consolidation sont beaucoup plus rares [46, 47] . sont particulièrement à risque d’infection fongique invasive : la
Le traitement antifongique en prophylaxie se justifie donc période de neutropénie postchimiothérapie de conditionnement,
essentiellement au cours de la phase postchimiothérapie dont la durée tend à diminuer avec l’évolution des schémas de
d’induction après une leucémie aiguë, les traitements des autres conditionnement, et la période après prise de greffe, au cours de
hémopathies malignes entraînent des neutropénies de plus courte laquelle la possible réaction du greffon contre l’hôte (graft ver-
durée (moins de sept jours) exposant à un risque fongique faible. sus host disease [GVHD]) va nécessiter la majoration du traitement
Les premières prophylaxies antifongiques utilisées chez les immunosuppresseur et entraîner un risque infectieux supplémen-
patients neutropéniques ont été la nystatine puis les dérivés de taire.
l’AMB par voie orale. Le kétaconazole a ensuite été utilisé par voie
systémique, avec des résultats contradictoires. Au cours de la période de neutropénie
Plusieurs études ont montré un effet bénéfique du fluco- postchimiothérapie de conditionnement
nazole, avec de plus un profil de tolérance très satisfaisant. Le fluconazole a montré son efficacité en prévention des can-
Néanmoins, une importante réserve à l’utilisation de ce traite- didoses dans plusieurs études dans les années 1990 [53, 54] avec une
ment est l’absence d’activité du fluconazole sur Aspergillus sp. réduction de la mortalité si le traitement est administré de façon
L’itraconazole a un revanche une activité contre Aspergillus sp., prolongée (75 jours postgreffe). L’itraconazole a été évalué dans
et plusieurs études ont montré son efficacité en prophylaxie pri- cette indication, et était plus efficace que le fluconazole dans la
maire [48] . Cependant, son utilisation est limitée par les problèmes prévention des infections fongiques invasives (notamment du fait
d’absorption (notamment pour la forme gélules), de tolérance de son activité anti-Aspergillus) [55, 56] , mais l’interaction avec le
digestive et d’interaction médicamenteuse avec le cyclophospha- cyclophosphamide et les alcaloïdes [57] pose problème, ainsi que
mide et les alcaloïdes de la pervenche. la fréquence supérieure des effets indésirables.
Les candines ont été peu évaluées en prophylaxie primaire. Une étude chez 600 patients sur l’utilisation du voriconazole
Au cours des cinq dernières années, ce sont essentiellement versus fluconazole (jusqu’à 180 jours postgreffe) montrait une
les nouveaux antifongiques azolés qui ont été évalués en pro- diminution des infections fongiques invasives (incluant les asper-
phylaxie, et essentiellement le posaconazole, qui a montré dans gilloses invasives) mais pas d’effet sur la survie globale [58] .
deux larges essais randomisés son efficacité en prophylaxie pri- Le posaconazole dans cette indication a été évalué dans une
maire [49, 50] . Le premier évaluait le posaconazole au cours de la seule étude (33 patients recevant le posaconazole à la dose de
chimiothérapie d’induction de leucémies aiguës myéloblastiques 200 mg/j jusqu’à J100 versus itraconazole dans un groupe his-
(LAM) ou de syndromes myélodysplasiques [SMD] versus le fluco- torique de 16 patients) montrant une diminution des infections
nazole ou l’itraconazole, et montrait une incidence d’infections fongiques invasives [59] .
fongiques invasives de 2 % dans le groupe posaconazole versus La micafungine a été évaluée versus fluconazole pendant la
8 % dans le groupe traité par itraconazole ou fluconazole, et une période de neutropénie [60] et il y avait une tendance à la dimi-
diminution de la mortalité globale. nution des aspergilloses, mais pas de différence de mortalité.
Le posaconazole est donc la prophylaxie antifongique de choix Au final, au cours de cette période, plusieurs molécules sont
en première intention pour les patients à haut risque d’infections utilisables, et la prévention du risque aspergillaire n’a pas montré
fongiques invasives (induction de LAM/SMD). Si le traitement per d’effet sur la survie. Néanmoins, l’Infectious Diseases Society of
os ne peut être administré, ce qui est une situation non rare chez America (IDSA) recommande l’utilisation d’une molécule à acti-
ces patients en raison de la mucite et des troubles digestifs induits vité anti-Aspergillus en cas de neutropénie attendue supérieure
par les chimiothérapies, différentes options sont envisageables à 15 jours, d’épisode antérieur d’aspergillose, ou de neutropénie
(formulations lipidiques d’AMB notamment). prolongée juste avant le conditionnement [51] . De plus, dans les
Dans les recommandations américaines sur la prise en charge recommandations européennes de l’ECIL [61] , la prophylaxie par
des patients neutropéniques [51] , la prophylaxie par posacona- fluconazole doit être associée à une surveillance biologique des
zole est recommandée chez les patients après une chimiothérapie paramètres suggérant une infection fongique invasive dans les
d’induction ou de rattrapage pour une LAM ou un SMD à haut centres dépourvus de chambre à flux laminaire ou dans lesquels
risque. C’est également la prophylaxie primaire recommandée le taux d’AI est élevé.
par l’European Conference on Infections in Leukemia (ECIL). En pédiatrie, les recommandations 2012 de l’ECIL men-
Au cours des neutropénies suivant la chimiothérapie d’induction tionnent, comme options possibles, l’itraconazole (BI, 5 mg/kg
pour les leucémies aiguës lymphoblastiques, la prophylaxie anti- deux fois par jour, avec une surveillance recommandée des
fongique contre Candida sp. semble suffisante, et pour celle-ci le dosages plasmatiques médicamenteux), le posaconazole (BI pour
fluconazole et la micafungine sont utilisables. l’enfant âgé de plus de 12 ans, 200 mg trois fois par jour, avec
Dans les neutropénies d’une durée inférieure à sept jours, la pro- une surveillance recommandée des dosages plasmatiques médi-
phylaxie antifongique n’est pas recommandée, le risque fongique camenteux), l’AMB liposomale (BII, 1 ou 2,5 mg/kg deux fois par
n’étant pas majeur. De plus, les prophylaxies antifongiques ont un semaine), le fluconazole (CI, 8 à 12 mg/kg par jour) voire d’autres
impact écologique, puisque par exemple l’utilisation large du flu- options (voriconazole-7 mg/kg chaque 12 heures en intraveineuse
conazole en prophylaxie primaire a entraîné une augmentation lente ou 200 mg deux fois par jour per os, micafungine-1 mg/kg
des souches de Candida de sensibilité diminuée au fluconazole par jour, AMB liposomale en aérosols).
(C. glabrata et C. krusei) [52] .
En pédiatrie, les recommandations 2012 de l’ECIL mentionnent Après la période de prise de greffe
comme options possibles l’itraconazole (B1, 5 mg/kg deux fois chez les patients présentant une réaction
par jour, avec une surveillance recommandée des dosages plas-
matiques médicamenteux), le posaconazole (BI pour l’enfant
du greffon contre l’hôte
âgé de plus de 12 ans, 200 mg trois fois par jour, avec une La plupart des infections fongiques invasives surviennent chez
surveillance recommandée des dosages plasmatiques médica- des patients ayant une GHVD de grade 3-4, recevant une cor-
menteux), l’AMB liposomale (BII, 1 ou 2,5 mg/kg deux fois par ticothérapie à forte doses [62, 63] . Le rôle de l’infliximab dans
semaine), le fluconazole (CI, 8–12 mg/kg par jour) voire d’autres l’augmentation des infections fongiques invasives est également

14 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

évoqué par plusieurs auteurs [64] . Une étude randomisée compa- d’AMB sous forme liposomale à la dose de 3 à 5 mg/kg par jour
rant l’utilisation du posaconazole versus fluconazole chez des pendant au moins quatre semaines, voire jusqu’à la résolution
patients atteints de GVHD de grade au moins deux pendant des principaux facteurs de risque [67] .
24 semaines, a montré une réduction significative des infections En ce qui concerne le risque aspergillaire, les patients les plus à
fongiques invasives, et particulièrement des AI [53] . Néanmoins, risque sont les transplantés pulmonaires, chez lesquels une pro-
le problème de l’absorption du posaconazole se pose à nouveau phylaxie peut être réalisée par des inhalations de formulations
dans cette population de patients lorsqu’il existe une GVHD diges- lipidiques d’AMB, ou par un traitement par voie systémique par
tive. Une étude rétrospective sur l’utilisation du voriconazole (per itraconazole ou voriconazole [68] . Une prophylaxie est également
os ou intraveineuse) en prophylaxie primaire chez des patients parfois proposée chez des receveurs de cœur ou de foie à risque
recevant une corticothérapie supérieure à 1 mg/kg par jour pour (et doit alors chez ces derniers également couvrir le risque de
une GVHD retrouvait uniquement deux infections à Candida candidémie).
spp. chez 97 patients [65] . Les recommandations ECIL privilégient
l’utilisation du posaconazole ou du voriconazole dans cette indi-
cation.
En pédiatrie, les recommandations 2012 de l’ECIL men- Prophylaxie antifongique chez les patients
tionnent, comme options possibles, le posaconazole (BI, pour atteints de déficits immunitaires primitifs
l’enfant âgé de plus de 12 ans), le voriconazole (BI) et
l’itraconazole (CII), tous trois nécessitant une surveillance phar- Les principaux déficits immunitaires s’accompagnant d’un
macologique de l’exposition médicamenteuse. risque important d’infection fongique invasive, justifiant une pro-
phylaxie antifongique, sont la granulomatose septique chronique
(chronic granulomatous disease [CGD]), et le déficit en signal trans-
Prophylaxie antifongique au cours ducer and activator of transcription 3 (STAT3) (anciennement appelé
de l’infection par le virus syndrome de Job-Buckley).
La granulomatose septique chronique est un déficit du « burst
de l’immunodéficience humaine oxydatif » des cellules phagocytaires, dû à des mutations de gènes
Bien que certaines études aient montré une efficacité de la codant pour une des sous-unités du complexe de la nicotina-
prophylaxie primaire antifongique au cours de l’infection par le mide adénosine dinucléotide phosphate (NADPH) oxydase. Les
VIH, contre les candidoses cutanéomuqueuses, la cryptococcose patients ont un risque accru d’infections bactériennes à pyogènes
et l’histoplasmose, celle-ci ne doit pas être utilisée en pratique ou à croissance lente (Nocardia sp., Actinomyces sp.), mais éga-
clinique, compte tenu de son coût, du risque de l’apparition de lement un risque d’infections fongiques invasives, aspergillose
souches de levures résistantes et de l’absence d’effet sur la sur- essentiellement. Les aspergilloses sont plus souvent dues à Asper-
vie. Seules les prophylaxies secondaires des mycoses systémiques gillus nidulans que chez les patients neutropéniques.
restent utilisées. Des études cliniques comportant une méthodo- La molécule utilisée en prophylaxie est l’itraconazole, dont
logie rigoureuse ont démontré que le fluconazole est la molécule l’efficacité dans cette indication a été montrée dans un essai ran-
de choix dans la prévention secondaire de la cryptococcose ; domisé en cross over publié en 2003 [69] . La posologie utilisée est
l’itraconazole est le traitement de première intention pour préve- de 10 mg/kg par jour chez l’enfant et de 200 mg/j chez l’adulte, à
nir les récidives de l’histoplasmose et de l’infection à Penicillium adapter aux résultats des dosages. Ces données ont été confirmées
marneffei. L’efficacité des traitements antirétroviraux actuels per- par des analyses de cohorte en France [70] .
met d’interrompre ces prophylaxies secondaires une fois que les Au cours du déficit en STAT3, il existe un défaut de la
CD4 sont supérieurs à 100 à 200/mm3 (en fonction des champi- réponse inflammatoire au niveau de la peau et du poumon,
gnons) pendant plusieurs mois. En cas de prophylaxie secondaire avec une susceptibilité bactérienne essentiellement au staphy-
sur ce terrain (par le fluconazole ou l’itraconazole), il importe de locoque, et également au pneumocoque (par le biais d’un
surveiller les interactions médicamenteuses. défaut de réponse humorale). Les infections pulmonaires ont
la particularité d’évoluer vers la constitution de pneumatocèles,
lesquelles peuvent être colonisées à Aspergillus sp., évoluant
Prophylaxie antifongique vers d’authentiques infections fongiques invasives. De plus, les
chez les transplantés d’organes patients ont très fréquemment des candidoses cutanéomuqueuses
récidivantes, et ce dès le plus jeune âge [71] .
Une étude publiée en 2010 [66] rapportait les résultats d’un L’attitude prophylactique ne repose pas sur des études rando-
réseau de surveillance prospectif (réseau Transplant-Associated misées. En pratique, on recommande l’utilisation du fluconazole
Infection Surveillance Network [TRANSNET]) sur la survenue des pour prévenir les candidoses cutanéomuqueuses tant qu’il n’y a
infections fongiques invasives chez les transplantés d’organe aux pas de lésions pulmonaires. Si le patient est symptomatique sur
États-Unis (de 2001 à 2006, 16 808 patients suivis). L’incidence le plan pulmonaire (infection, dilatation des bronches ou pneu-
cumulée à un an des infections fongiques invasives était de matocèle), le fluconazole est remplacé par l’itraconazole afin de
11,6 %, 8,6 %, 4,7 %, 4 %, 3,4 % et 1,3 % respectivement pour les couvrir Aspergillus. La même dose que chez les patients atteints
receveurs de greffe de grêle, de poumon, de foie, de cœur, de de CGD est recommandée, avec une adaptation aux résultats des
pancréas, de rein. Les infections les plus fréquentes étaient les dosages.
candidoses invasives (53 % des infections fongiques invasives),
les AI (19 %), la cryptococcose (8 %), les moisissures non asper-
gillus (8 %), les mycoses endémiques (5 %) et les mucormycoses
(2 %). L’incidence semblait augmenter légèrement au cours des
Prophylaxie de la candidose néonatale
années. Dans les services de néonatologie caractérisés par une incidence
Les données sur la prophylaxie antifongique dans la littérature élevée de candidoses invasives néonatales, une prophylaxie par
sont souvent parcellaires, et ne concernent qu’un nombre limité fluconazole peut être considérée chez les nourrissons prématurés
de malades. Il est donc difficile d’apprécier l’efficacité réelle de ces de poids inférieur à 1 kg (3 à 6 mg/kg deux fois par semaine) [72, 73] .
prophylaxies, et leur utilisation reste controversée. Cependant,
l’attitude privilégiée par de nombreux centres est celle d’une pro-
phylaxie antifongique ciblée, chez les patients les plus à risque
d’infection fongique. Ainsi, les patients transplantés du foie, du
grêle ou du pancréas, d’autant plus s’il s’agit de réintervention,
 Traitement curatif des infections
d’intervention longue ou s’il existe des colonisations connues à fongiques invasives
Candida sp., sont les plus à risque de candidose invasive. La société
américaine de transplantation recommande l’utilisation de fluco- Les principales indications des antifongiques sont résumées
nazole à la dose de 400 mg/j (6 mg/kg par jour chez l’enfant) ou dans le Tableau 6.

EMC - Maladies infectieuses 15


8-006-N-20  Antifongiques

Tableau 6.
Résumé des principales indications des antifongiques en traitement curatif.
Amphotéricine B Fluconazole Itraconazole Voriconazole Posaconazole Échinocandines Flucytosine
(AMB) et formes
liposomales
Aspergillose Deuxième intention Non indiqué Troisième intention Traitement Deuxième Deuxième Non indiqué
invasive première intention intention
intention de
l’AI probable
ou prouvée
Candidoses Deuxième intention En relais si Non indiqué Deuxième Deuxième Première Non indiqué
systémiques souche sensible intention intention intention
Mucormycose Traitement Non indiqué Non indiqué Non indiqué En relais du Intérêt en Non indiqué
d’attaque traitement par association avec
AMB liposomale l’AMB ?
Cryptococcose Traitement En relais du Non indiqué Non indiqué Non indiqué Non indiqué Traitement
d’attaque, en traitement d’attaque, en
association avec la d’attaque association avec
5-FC l’AMB
Histoplasmose Traitement de Non indiqué Traitement de Non indiqué Non indiqué Non indiqué Non indiqué
première intention première intention des
dans les formes formes localisées de
disséminées l’immunocompétent
Traitement de relais
après AMB

AI : aspergillose invasive ; 5-FC : 5-fluorocytosine.

Candidoses elle est de moindre activité sur C. guillermondi et C. parapsilosis.


La micafungine a une efficacité identique à l’AMB liposomale,
Candidoses oropharyngées comme cela a été montré dans une étude randomisée [78] et
Le traitement des candidoses oropharyngées repose principale- l’anidulafungine a montré une non-infériorité par rapport au flu-
ment sur l’éviction des circonstances favorisantes chaque fois que conazole [79] . Le nombre de patients neutropéniques inclus dans
possible et sur des soins locaux (bains de bouche d’AMB en suspen- ces essais est inférieur ou égale à 10 %. Les dérivés lipidiques
sion [Fungizone® ]). Les associations au bicarbonate de sodium ou de l’AMB sont efficaces sur la majorité des souches de Candida,
à l’Hextril® ne sont pas justifiées. Des mesures d’hygiène (brossage notamment C. glabrata (qui peut être de sensibilité diminuée
des dents, nettoyage des prothèses dentaires) doivent être asso- aux azolés) et C. parapsilosis (intrinsèquement moins sensible aux
ciées. En cas d’échec, un traitement systémique peut être associé, échinocandines), en revanche leur tolérance est moindre que celle
par un azolé comme le fluconazole (50 à 100 mg/j) per os. Les sus- des échinocandines. Le fluconazole est efficace sauf sur C. krusei,
pensions orales de fluconazole et d’itraconazole se sont montrées et parfois sur C. glabrata qui peut être de sensibilité diminuée.
très efficaces dans le traitement des candidoses oropharyngées ou L’itraconazole a une activité in vitro sur Candida sp., mais n’a pas
œsophagiennes chez l’adulte ou l’enfant immunodéprimé. été évalué dans cette indication. Le voriconazole a une bonne effi-
Le traitement de première ligne des candidoses oropharyn- cacité sur Candida sp., sauf ceux qui sont de sensibilité diminuée
gées du patient VIH est le fluconazole (100 mg/j pendant sept au fluconazole. Le posaconazole a un spectre d’activité iden-
jours). Les alternatives sont un traitement par comprimés muco- tique au voriconazole mais n’a pas été évalué en traitement des
adhésifs de miconazole ou solution orale d’itraconazole. En cas candidoses invasives. La flucytosine peut être intéressante en asso-
de candidose œsophagienne, le traitement de première ligne est le ciation au cours du traitement des endocardites et méningites.
fluconazole 14 à 21 jours à la posologie de 200 mg/j. L’itraconazole C. krusei est souvent résistant à la flucytosine.
solution est une alternative. En cas de candidose réfractaire, le Chez les patients non neutropéniques [80] , les échinocandines
traitement par azolé doit être guidé par l’antifongigramme [74] . sont également recommandées en première ligne. Le fluconazole
garde une indication en cas de C. parapsilosis de moindre sen-
sibilité aux échinocandines. Les formulations lipidiques d’AMB
Candidémies et candidoses invasives (LAMB ou ABLC) ou le voriconazole peuvent être utilisés en
Les candidoses invasives (définies par un prélèvement positif seconde intention, respectivement en raison de leur moins bonne
à candida sur un site normalement stérile) et les candidémies tolérance et de leur plus grand nombre d’interactions et spectre
surviennent principalement chez des patients neutropéniques plus étroit.
en oncohématologie, mais également, et avec une fréquence En pédiatrie, la même approche thérapeutique est recomman-
croissante, chez des patients de réanimation en particulier au dée [81] , les échinocandines ou l’AMB liposomale peuvent être
décours d’une chirurgie digestive, C. albicans étant le plus fré- prescrites en première ligne. La recommandation concernant
quemment impliqué, dans plus de la moitié des cas, suivi de l’AMB liposomale est différente chez l’enfant en raison d’une
C. glabrata, C. parapsilosis, C. tropicalis, C. krusei. La mortalité est meilleure tolérance de la molécule chez l’enfant que chez l’adulte.
élevée, et l’un des principaux facteurs pronostiques est la précocité
d’instauration du traitement antifongique [75] .
La durée du traitement d’une candidémie est de 14 jours à partir
Candidoses néonatales
de la première hémoculture négative en l’absence de neutropé- Celles-ci sont particulièrement fréquentes chez le prématuré
nie. Le traitement est d’au moins 28 jours après élimination d’une et le jeune enfant. Elles sont marquées par une mortalité glo-
endophtalmie ainsi que d’une endocardite [76] . Le retrait du cathé- balement plus basse que la candidose invasive de l’enfant plus
ter doit être réalisé en cas de candidémie. grand, mais par une fréquente atteinte du système nerveux cen-
Chez les patients neutropéniques, les échinocandines sont tral, se manifestant par une méningoencéphalite, avec un risque
recommandées en première intention. Les échinocandines sont important de séquelles neurodéveloppementales [82] . Le traite-
rapidement fongicides sur la plupart des espèces de Candida. La ment recommandé dure trois semaines et comporte en première
caspofungine a montré une efficacité identique à l’AMB dans le intention l’AMB désoxycholate à la posologie de 1 mg/kg par
traitement des candidoses invasives avec une toxicité moindre [77] ; jour ou de l’AMB liposomale. En cas de mise en évidence de

16 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

Candida dans un prélèvement théoriquement stérile ou un exa- microbiologiques ; le diagnostic d’AI est alors considéré comme
men cytobactériologique des urines (ECBU) d’un nouveau-né, il possible, probable ou prouvé.
est recommandé de réaliser un bilan d’extension par ponction En 2002, une étude randomisée [86] a comparé le voriconazole
lombaire et fond d’œil. (à la dose de 6 mg/kg chqaue 12 heures J1 puis 4 mg/kg chaque
12 heures à partir de J12, en intraveineuse) et le traitement par
AMB (1 à 1,5 mg/kg par jour en intraveineuse) chez des patients
Cryptococcose ayant une aspergillose probable ou prouvée. Cette étude a montré
un taux de réponse favorable supérieur chez les patients trai-
L’IDSA a émis en 2000 des recommandations pour le traitement
tés par voriconazole (53 % dans le bras voriconazole versus 32 %
des cryptococcocoses. Ces recommandations ont été actualisées
dans le bras AMB), avec une amélioration de la survie (survie à
en 2010 [83] .
12 semaines de 71 % dans le bras voriconazole versus 58 % dans
La prise en charge de la cryptococcose neuroméningée repose
le groupe traité par AMB). Il y avait de plus moins d’effets indé-
sur l’association du traitement antifongique avec la réduction
sirables dans le groupe traité par voriconazole. L’efficacité du
d’une éventuelle hyperpression intracrânienne par ponctions
voriconazole a également été montrée chez des patients en échec
lombaires évacuatrices associées si nécessaire à la pose d’une déri-
d’un traitement antifongique conventionnel [87–89] et dans plu-
vation ventriculaire.
sieurs cohortes [90, 91] .
En ce qui concerne les cryptococcoses neuroméningées du
Le voriconazole est donc le traitement de première intention
patient VIH positif, le traitement d’induction consiste en
recommandé en cas d’AI probable ou prouvée [92] .
l’association d’AMB à la dose de 0,7 à 1 mg/kg par jour par voie
Les formulations lipidiques de l’AMB semblent aussi efficaces
intraveineuse, associé à de la flucytosine à 100 mg/kg par jour par
que cette dernière (taux de réponse d’environ 40 %) et mieux
voie orale, pendant deux semaines au moins (en cas de négati-
tolérées ; elles peuvent donc être indiquées en deuxième inten-
vation de la culture de cryptocoque dans le LCS). Ce traitement
tion en cas d’intolérance au voriconazole ou d’échec [93, 94] . Une
est suivi d’un traitement d’entretien par fluconazole 6 mg/kg per
étude comparant les doses de 3 mg/kg par jour et 10 mg/kg par jour
os pendant au moins huit semaines. Par la suite, la prophylaxie
retrouvait une efficacité identique, et moins de toxicité à 3 mg/kg
secondaire (par fluconazole 200 mg/j) doit être maintenue jusqu’à
par jour [40] .
ce que le traitement antirétroviral permette une augmentation des
L’efficacité de la caspofungine a été récemment évaluée en trai-
CD4 à plus de 100/mm3 et une charge virale indétectable pendant
tement de première intention au cours de l’AI chez des patients
au moins trois mois. Il faut noter que le traitement antirétrovi-
greffés de cellules souches retrouvant un taux de réponse de
ral ne doit être introduit immédiatement, en raison du risque de
42 % [95] . Elle a été également évaluée chez des patients non gref-
syndrome de reconstitution immunitaire (IRIS), mais être débuté
fés retrouvant un taux de réponses de 33 % pour un objectif fixé à
après deux à quatre semaines de traitement antifongique.
35 % [96] . Pour cette raison la caspofungine n’est pas recommandée
En cas d’insuffisance rénale ou de mauvais tolérance de l’AMB,
en première ligne dans le traitement de l’AI [61] .
celle-ci peut être remplacée par l’Ambisome® (3 à 4 mg/kg par jour)
Le posaconazole peut être utilisé en cas d’échec des autres thé-
ou l’Abelcet® (5 mg/kg par jour).
rapeutiques telles que le voriconazole (efficacité de 42 % dans
Chez les patients transplantés d’organe, chez lesquels le risque
une étude) [97] , mais il faut être particulièrement vigilant quant
de toxicité rénale de l’AMB est plus important, le traitement
à l’obtention de doses efficaces compte tenu des problèmes
d’attaque comporte de l’AMB liposomale (≥ 4 mg/kg par jour)
d’absorption, chez des patients ayant souvent des problèmes
ou de ABLC (5 mg/kg par jour) associé au 5-FC (100 mg/kg par
digestifs.
jour) pendant deux semaines, suivi d’un traitement d’entretien
Bien que des cas de succès soient rapportés pour l’utilisation
par fluconazole 400 à 800 mg/j pendant huit semaines, puis 200
d’associations d’antifongiques, il n’y a pas actuellement d’études
à 400 mg/j pendant six mois à un an. Si l’administration de
permettant de recommander des associations en première inten-
5-FC n’est pas possible, le traitement d’attaque consiste en de
tion.
l’Ambisome® ou de l’Abelcet® pendant quatre à six semaines.
Un traitement chirurgical est indiqué en cas de proximité des
Enfin, chez les patients non infectés par le VIH et non trans-
gros vaisseaux pulmonaires.
plantés, le traitement d’attaque est plus prolongé (quatre semaines
En pédiatrie, les recommandations 2012 de l’ECIL mentionnent
d’AMB et de 5-FC), suivi d’un traitement d’entretien par flucona-
en première intention le voriconazole intraveineux (AI, 7 mg/kg
zole 400 mg/j pendant huit semaines puis 200 mg/j pendant 6 à
chaque 12 heures chez l’enfant de moins de 12 ans) avec, comme
12 mois.
alternatives possibles l’AMB liposomale (BI, 3 à 5 mg/kg par jour),
Le cryptococcome cérébral justifie un traitement très prolongé
le complexe lipidique d’AMB (BII, 5 mg/kg par jour). En cas
par polyène en association avec le 5-FC pour une durée d’au moins
d’atteinte neuroméningée, le voriconazole est fortement recom-
six semaines, avec un relai par fluconazole 400 à 800 mg/j pendant
mandé.
six à 18 mois.
En cas d’échec, et en fonction de la molécule utilisée en
Concernant les formes non neuroméningées (ce diagnostic
première intention, peuvent se discuter le voriconazole (AI), la
nécessitant un bilan d’extension, comprenant notamment une
caspofungine (AII, 70 mg/m2 à J1 puis 50 mg/m2 par jour), l’AMB
ponction lombaire systématique), le traitement comprend du flu-
liposomale (BI), le complexe lipidique d’AMB (BII) ou une associa-
conazole 400 mg/j pendant 6 à 12 mois. À noter que s’il existe une
tion médicamenteuse (CII), voire d’autres options (itraconazole,
atteinte pulmonaire sévère ou une atteinte disséminée (fongémie)
posaconazole, micafungine).
ou en cas de titre antigénique élevé (≥ 1/512), l’attitude doit alors
être la même que dans les cryptococcoses neuroméningées.
Au cours du traitement par flucytosine, il est recommandé de Histoplasmose
surveiller le dosage plasmatique compte tenu du nombre limité Histoplasmose à H. capsulatum [98]
d’études rapportant l’utilisation de ce médicament chez l’enfant.
Chez l’immunocompétent, la primo-infection de l’adulte ne
nécessite habituellement pas de traitement, sauf si elle est sympto-
Aspergillose invasive matique pendant plus de huit jours. L’itraconazole peut alors être
administré pendant trois mois. Les formes pulmonaires sévères,
L’AI est une pathologie grave, survenant principalement chez les formes disséminées, endovasculaires et neurologiques néces-
des patients immunodéprimés (neutropénies prolongées chez des sitent un traitement par formulations lipidiques d’AMB (ou la
patients d’oncohématologie le plus souvent). forme déoxycholate chez les patients ayant moins de risque de
La gravité de cette affection impose un traitement adapté et de néphrotoxicité). Dans les formes pulmonaires modérées à sévères,
mise en œuvre rapide. Les critères diagnostiques des AI ont évo- ce traitement peut être relayé au bout de deux semaines par de
lué au cours des dernières années [84] , permettant de mieux définir l’itraconazole, pour une durée totale de traitement de 12 semaines.
les indications thérapeutiques [85] . Ces critères tiennent compte Dans les formes neurologiques, le traitement par AMB doit être
de facteurs d’hôtes (neutropénie, traitement immunosuppres- plus prolongé (quatre à six semaines) et suivi d’un traitement par
seur, etc.), d’une présentation clinique compatible et de critères itraconazole pendant un an.

EMC - Maladies infectieuses 17


8-006-N-20  Antifongiques

Les formes pulmonaires chroniques cavitaires doivent être trai- voriconazole à l’itraconazole chez des patients atteints de formes
tées par itraconazole pendant au moins un an. aiguës modérées ou chroniques, a montré que le voriconazole
Chez l’immunodéprimé, l’AMB liposomale reste le traitement a une bonne activité dans cette pathologie [104] . Cependant, son
de choix des patients ayant une forme disséminée sévère, avec coût en limite l’utilisation dans les pays où la paracoccidioïdomy-
relais par l’itraconazole. L’itraconazole en première intention cose est endémique.
(400 mg/j pendant trois mois) est très efficace dans les formes Les formes sévères ou les formes de l’immunodéprimé néces-
modérées, sans atteinte neurologique, avec un taux de rémission sitent un traitement par AMB (dose totale de 2 g), suivi d’une
de 85 %. Le fluconazole est moins efficace que l’itraconazole. Chez prophylaxie secondaire par azolés.
l’immunodéprimé, une prophylaxie secondaire par itraconazole
doit être maintenue tant que persiste l’immunosuppression.
En cas d’utilisation d’itraconazole chez l’enfant, des dosages
Sporotrichose [105]
plasmatiques médicamenteux doivent impérativement être réa- Le premier traitement efficace dans les formes cutanées a été
lisés, afin d’en adapter la posologie si nécessaire. l’iodure de potassium. L’itraconazole a ensuite été montré comme
efficace dans ces formes, mais également dans les formes pulmo-
Histoplasmose à H. duboisii [99] naires ou ostéoarticulaires. Dans les formes pulmonaires sévères,
Le traitement classique est l’AMB avec une dose totale mini- les formes disséminées ou les formes neuroméningées, le trai-
male de 2 g. Les rechutes s’observent, même plusieurs années après tement d’attaque par AMB ou ses formulations lipidiques est
l’arrêt du traitement. L’efficacité de l’itraconazole a été documen- recommandé, relayé après amélioration de l’état clinique par
tée dans quelques observations à la posologie de 200 à 400 mg/j l’itraconazole. La durée du traitement doit être de trois à six mois
pendant 12 mois. Un traitement chirurgical associé est parfois dans les formes cutanées et d’au moins 12 mois pour les autres
indiqué, notamment dans certains foyers ostéoarticulaires et gan- formes.
glionnaires.
Pénicilliose [99]
Coccidioïdomycose [100]
Les polyènes peuvent être utilisés dans les formes disséminées
Dans la coccidioïdomycose de l’immunocompétent, le traite- des patients infectés par le VIH. L’itraconazole ou le voricona-
ment de choix de première intention des formes disséminées zole peuvent être utilisés dans les formes moyennement sévères.
graves repose sur l’AMB ou ses formulations lipidiques. Dans les La prophylaxie secondaire par l’itraconazole (200 mg/j) doit être
autres formes, le fluconazole peut être proposé à la posologie de administrée tant qu’il n’existe pas de reconstitution immunitaire.
400 mg/j, voire plus dans les atteintes neurologiques et dans les
formes pulmonaires chroniques. L’itraconazole est également une Mucormycoses
alternative thérapeutique possible.
Plus récemment, une étude chez 20 patients avec une cocci- Les infections invasives à mucorales surviennent essentielle-
dioïdomycose disséminée (sans atteinte neuroméningée) ou une ment chez les patients immunodéprimés (hémopathies, diabète).
coccidioïdomycose pulmonaire chronique, a montré que le posa- Ces infections sont caractérisées par une morbi-mortalité élevée.
conazole était un traitement efficace (80 % de réponse favorable) Le traitement est médicochirurgical et doit être très précoce. Le
et bien toléré [101] . Le voriconazole peut également être une option traitement repose sur l’AMB liposomale à fortes posologies. Pour
thérapeutique dans les formes réfractaires [102] . la LAMB, La posologie doit être au minimum de 5 mg/kg par jour,
Le traitement chirurgical peut être indiqué dans les formes et peut parfois être augmentée jusqu’à 10 mg/kg par jour, notam-
pulmonaires cavitaires rebelles, en complément du traitement ment pour les formes neurologiques [106] .
antifongique. Il est également indiqué dans les complications Le traitement peut être relayé par du posaconazole.
ostéoarticulaires. Dans les hydrocéphalies compliquant les Du fait de la mortalité très élevée associée à cette affection, se
méningites, un shunt peut être posé. pose la question de l’utilisation d’association d’antifongiques [107] .
Chez l’immunodéprimé, l’AMB ou ses formulations lipidiques, Bien que les échinocandines n’aient pas d’activité in vitro sur
mieux tolérées, est le traitement de première intention des formes les mucorales, des données de modèles murins et également une
disséminées. Dans les autres formes, le fluconazole est le traite- étude rétrospective sur 41 patients suggèrent un bénéfice d’une
ment de choix. bithérapie associant AMB liposomale et caspofungine. L’efficacité
du chélateur du fer le déférasirox n’a pas été confirmée par une
étude récente. L’association polyènes et posaconazole est décon-
Blastomycose [103] seillée en raison des données animales.
Le traitement des formes modérées (pulmonaires ou dissémi-
nées) repose, chez l’enfant et l’adulte, sur l’itraconazole à la dose
de 10 mg/kg par jour (dose maximale : 400 mg/j) [104] . Les formes
Fusariose
sévères, sans atteinte du système nerveux central, sont traitées par Les infections à Fusarium sp. surviennent chez des patients très
AMB (0,7 à 1 mg/kg par jour), ou AMB liposomale (3 à 5 mg/kg par immunodéprimés (patients d’oncohématologie notamment). Le
jour) pendant une à deux semaines, suivis d’un traitement par profil de sensibilité aux antifongiques montre une moindre sen-
itraconazole pour six (formes pulmonaires) à 12 mois (formes dis- sibilité des différentes espèces aux antifongiques actuels, ce qui
séminées). Enfin, pour formes avec atteinte du système nerveux rend le traitement antifongique médiocrement efficace. Les médi-
central, l’AMB liposomale 5 mg/kg par jour doit être administrée caments utilisables sont les polyènes, le voriconazole (qui semble
pendant quatre à six semaines, suivie d’un traitement par azolés avoir la meilleure activité) [108] , et le posaconazole.
(itraconazole, voriconazole ou fluconazole à forte dose) pendant
au moins un an. Chez les patients immunodéprimés, il semble
préférable d’utiliser un traitement d’attaque par AMB ou AMB
Scédosporiose
liposomale, suivi d’un traitement d’entretien par itraconazole. Les infections à Scedosporium sp., en dehors des cas
La poursuite d’une prophylaxie secondaire peut être justifiée si d’inoculation, surviennent également chez des patients immu-
l’immunodépression persiste. Les échinocandines ne doivent pas nodéprimés. Le traitement le plus efficace sur S. apiospermum est
être utilisées en raison de leur activité modérée sur blastomyces le voriconazole. L’efficacité est plus inconstante sur S. prolificans ;
in vitro. une association avec la terbinafine peut parfois être indiquée [109] .

Paracoccidioïdomycose [99]
 Nouveaux antifongiques
Les formes modérées peuvent être traitées par itraconazole,
avec cependant la nécessité d’un traitement prolongé (6 à Diverses molécules sont efficaces chez l’homme : ravuconazole,
12 mois). Une étude randomisée réalisée au Brésil, comparant le isavuconazole et emfumafungine.

18 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

 Conclusion [11] Espinel-Ingroff A. In vitro antifungal activities of anidulafungin


and micafungin, licensed agents and the investigational triazole
posaconazole as determined by NCCLS methods for 12,052 fungal
La prise en charge thérapeutique et prophylactique des infec-
isolates: review of the literature. Rev Iberoam Micol 2003;20:
tions fongiques invasives a beaucoup évolué au cours des dernières
121–36.
années, notamment grâce à l’apparition de nouveaux traite- [12] Kiraz N, Oz Y, Dag I. The evaluation of in vitro pharmacodynamic
ments antifongiques. Cependant, cette augmentation de la palette properties of amphotericin B, voriconazole and caspofungin against
d’antifongiques à la disposition des praticiens ne doit pas faire A. fumigatus isolates by the conventional and colorimetric time-kill
perdre de vue qu’il s’agit de traitements pour la plupart coû- assays. Med Mycol 2011;49:594–601.
teux, non dénués d’effets indésirables, et que les indications [13] Wiederhold NP, Kontoyiannis DP, Chi J, Prince RA, Tam VH, Lewis
d’utilisation doivent être réfléchies en s’aidant des données dispo- RE. Pharmacodynamics of caspofungin in a murine model of inva-
nibles dans la littérature. Il est essentiel de prescrire ces traitements sive pulmonary aspergillosis: evidence of concentration-dependent
à bon escient, car l’émergence de la résistance aux antifongiques activity. J Infect Dis 2004;190:1464–71.
pourrait devenir une problématique majeure au cours des pro- [14] Manavathu EK, Ramesh MS, Baskaran I, Ganesan LT, Chandrase-
chaines années du fait de leur large prescription, d’autant plus kar PH. A comparative study of the post-antifungal effect (PAFE)
que le nombre d’antifongiques en cours de développement est of amphotericin B, triazoles and echinocandins on Aspergillus fumi-
relativement limité. Enfin, il faut souligner que les antifongiques gatus and Candida albicans. J Antimicrob Chemother 2004;53:
les plus coûteux ne sont pas accessibles dans les pays en voie de 386–9.
développement, où les infections fongiques restent fréquentes, du [15] Nicasio AM, Tessier PR, Nicolau DP, Knauft RF, Russomanno J,
fait à la fois des mycoses exotiques, et des mycoses invasives sur- Shore E, et al. Bronchopulmonary disposition of micafungin in
venant chez des patients infectés par le VIH. Il reste donc utile healthy adult volunteers. Antimicrob Agents Chemother 2009;53:
de savoir prescrire les antifongiques les moins coûteux, qui ont 1218–20.
également fait la preuve de leur efficacité. [16] Baltch AL, Bopp LH, Smith RP, Ritz WJ, Michelsen PB. Anti-
candidal effects of voriconazole and caspofungin, singly and in
combination, against Candida glabrata, extracellularly and intra-
Déclaration d’intérêts : F. Lanternier : Travel Grant : MSD. Speaker Bureau : cellularly in granulocyte-macrophage colony stimulating factor
Gilead, MSD. (GM-CSF)-activated human monocytes. J Antimicrob Chemother
O. Lortholary : consultant Gilead Sciences ; orateur : Pfizer, Astellas, MSD, 2008;62:1285–90.
Gilead Sciences. [17] Wiederhold NP, Najvar LK, Bocanegra R, Kirkpatrick WR, Patterson
Les autres auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en relation avec TF. Comparison of anidulafungin’s and fluconazole’s in vivo activity
cet article. in neutropenic and non-neutropenic models of invasive candidiasis.
Clin Microbiol Infect 2012;18:E20–3.
[18] Heinemann V, Bosse D, Jehn U, Kähny B, Wachholz K, Debus
 Références A, et al. Pharmacokinetics of liposomal amphotericin B (Ambi-
some) in critically ill patients. Antimicrob Agents Chemother 1997;41:
1275–80.
[1] Wagner C, Graninger W, Presterl E, Joukhadar C. The echinocan- [19] Heinemann V, Kähny B, Jehn U, Mühlbayer D, Debus A, Wachholz
dins: comparison of their pharmacokinetics, pharmacodynamics and K, et al. Serum pharmacology of amphotericin B applied in lipid
clinical applications. Pharmacology 2006;78:161–77. emulsions. Antimicrob Agents Chemother 1997;41:728–32.
[2] Andes D, van Ogtrop M. In vivo characterization of the [20] Ullmann AJ, Cornely OA, Burchardt A, Hachem R, Kontoyiannis
pharmacodynamics of flucytosine in a neutropenic murine disse- DP, Töpelt K, et al. Pharmacokinetics, safety, and efficacy of posaco-
minated candidiasis model. Antimicrob Agents Chemother 2000;44: nazole in patients with persistent febrile neutropenia or refractory
938–42. invasive fungal infection. Antimicrob Agents Chemother 2006;50:
[3] Normark S, Schönebeck J. In vitro studies of 5-fluorocytosine resis- 658–66.
tance in Candida albicans and Torulopsis glabrata. Antimicrob Agents [21] Krishna G, Moton A, Ma L, Medlock MM, McLeod J. Pharmacoki-
Chemother 1972;2:114–21. netics and absorption of posaconazole oral suspension under various
[4] Andes D, Marchillo K, Stamstad T, Conklin R. In vivo pharma- gastric conditions in healthy volunteers. Antimicrob Agents Chemo-
cokinetics and pharmacodynamics of a new triazole, voriconazole, ther 2009;53:958–66.
in a murine candidiasis model. Antimicrob Agents Chemother [22] Krishna G, Ma L, Martinho M, O’Mara E. Single-dose phase I study
2003;47:3165–9. to evaluate the pharmacokinetics of posaconazole in new tablet and
[5] Andes D, Marchillo K, Conklin R, Krishna G, Ezzet F, Cacciapuoti A, capsule formulations relative to oral suspension. Antimicrob Agents
et al. Pharmacodynamics of a new triazole, posaconazole, in a murine Chemother 2012;56:4196–201.
model of disseminated candidiasis. Antimicrob Agents Chemother [23] Lebeaux D, Lanternier F, Elie C, Suarez F, Buzyn A, Viard JP,
2004;48:137–42. et al. Therapeutic drug monitoring of posaconazole: a monocen-
[6] Ernst EJ, Roling EE, Petzold CR, Keele DJ, Klepser ME. In vitro tric study with 54 adults. Antimicrob Agents Chemother 2009;53:
activity of micafungin (FK-463) against Candida spp.: microdilu- 5224–9.
tion, time-kill, and postantifungal-effect studies. Antimicrob Agents [24] Conte Jr JE, Golden JA, Krishna G, McIver M, Little E, Zurlin-
Chemother 2002;46:3846–53. den E. Intrapulmonary pharmacokinetics and pharmacodynamics of
[7] Ramage G, VandeWalle K, Bachmann SP, Wickes BL, López-Ribot posaconazole at steady state in healthy subjects. Antimicrob Agents
JL. In vitro pharmacodynamic properties of three antifungal Chemother 2009;53:703–7.
agents against preformed Candida albicans biofilms determi- [25] Weiler S, Fiegl D, MacFarland R, Stienecke E, Bellmann-Weiler R,
ned by time-kill studies. Antimicrob Agents Chemother 2002;46: Dunzendorfer S, et al. Human tissue distribution of voriconazole.
3634–6. Antimicrob Agents Chemother 2011;55:925–8.
[8] Andes D, Diekema DJ, Pfaller MA, Bohrmuller J, Marchillo K, Lepak [26] Denes E, Boumediene A, Durox H, Oksman A, Saint-Marcoux F,
A. In vivo comparison of the pharmacodynamic targets for echino- Darde ML, et al. Voriconazole concentrations in synovial fluid and
candin drugs against Candida species. Antimicrob Agents Chemother bone tissues. J Antimicrob Chemother 2007;59:818–9.
2010;54:2497–506. [27] Hariprasad SM, Mieler WF, Holz ER, Gao H, Kim JE, Chi J,
[9] Howard SJ, Livermore J, Sharp A, Goodwin J, Gregson L, et al. Determination of vitreous, aqueous, and plasma concentra-
Alastruey-Izquierdo A, et al. Pharmacodynamics of echinocandins tion of orally administered voriconazole in humans. Arch Ophthalmol
against Candida glabrata: requirement for dosage escalation to 2004;122:42–7.
achieve maximal antifungal activity in neutropenic hosts. Antimicrob [28] Theuretzbacher U, Ihle F, Derendorf H. Pharmacokine-
Agents Chemother 2011;55:4880–7. tic/pharmacodynamic profile of voriconazole. Clin Pharmacokinet
[10] Arendrup MC, Pfaller MA. Caspofungin Etest susceptibility testing 2006;45:649–63.
of Candida species: risk of misclassification of susceptible iso- [29] Moton A, Krishna G, Ma L, O’Mara E, Prasad P, McLeod J, et al.
lates of C. glabrata and C. krusei when adopting the revised CLSI Pharmacokinetics of a single dose of the antifungal posaconazole as
caspofungin breakpoints. Antimicrob Agents Chemother 2012;56: oral suspension in subjects with hepatic impairment. Curr Med Res
3965–8. Opin 2010;26:1–7.

EMC - Maladies infectieuses 19


8-006-N-20  Antifongiques

[30] Ikeda Y, Umemura K, Kondo K, Sekiguchi K, Miyoshi S, Nakashima [50] Ullmann AJ, Lipton JH, Vesole DH, Chandrasekar P, Langston
M. Pharmacokinetics of voriconazole and cytochrome P450 2C19 A, Tarantolo SR, et al. Posaconazole or fluconazole for prophy-
genetic status. Clin Pharmacol Ther 2004;75:587–8. laxis in severe graft-versus-host disease. N Engl J Med 2007;356:
[31] Stone JA, Xu X, Winchell GA, Deutsch PJ, Pearson PG, Migoya 335–47.
EM, et al. Disposition of caspofungin: role of distribution in deter- [51] Freifeld AG, Bow EJ, Sepkowitz KA, Boeckh MJ, Ito JI, Mullen
mining pharmacokinetics in plasma. Antimicrob Agents Chemother CA, et al. Clinical practice guideline for the use of antimicrobial
2004;48:815–23. agents in neutropenic patients with cancer: 2010 update by the
[32] Hope WW, Mickiene D, Petraitis V, Petraitiene R, Kelaher AM, Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2011;52:
Hughes JE, et al. The pharmacokinetics and pharmacodynamics of e56–93.
micafungin in experimental hematogenous Candida meningoence- [52] Hachem R, Hanna H, Kontoyiannis D, Jiang Y, Raad I. The changing
phalitis: implications for echinocandin therapy in neonates. J Infect epidemiology of invasive candidiasis: Candida glabrata and Candida
Dis 2008;197:163–71. krusei as the leading causes of candidemia in hematologic malignancy.
[33] Mistry GC, Migoya E, Deutsch PJ, Winchell G, Hesney M, Li S, et al. Cancer 2008;112:2493–9.
Single- and multiple-dose administration of caspofungin in patients [53] Slavin MA, Osborne B, Adams R, Levenstein MJ, Schoch HG,
with hepatic insufficiency: implications for safety and dosing recom- Feldman AR, et al. Efficacy and safety of fluconazole pro-
mendations. J Clin Pharmacol 2007;47:951–61. phylaxis for fungal infections after marrow transplantation--a
[34] Dowell JA, Stogniew M, Krause D, Damle B. Anidulafungin does not prospective, randomized, double-blind study. J Infect Dis 1995;171:
require dosage adjustment in subjects with varying degrees of hepatic 1545–52.
or renal impairment. J Clin Pharmacol 2007;47:461–70. [54] Goodman JL, Winston DJ, Greenfield RA, Chandrasekar PH, Fox
[35] Heresi GP, Gerstmann DR, Reed MD, van den Anker JN, Blumer B, Kaizer H, et al. A controlled trial of fluconazole to prevent fungal
JL, Kovanda L, et al. The pharmacokinetics and safety of micafun- infections in patients undergoing bone marrow transplantation. N Engl
gin, a novel echinocandin, in premature infants. Pediatr Infect Dis J J Med 1992;326:845–51.
2006;25:1110–5. [55] Winston DJ, Maziarz RT, Chandrasekar PH, Lazarus HM, Gold-
[36] Walsh TJ, Adamson PC, Seibel NL, Flynn PM, Neely MN, Schwartz man M, Blumer JL, et al. Intravenous and oral itraconazole
C, et al. Pharmacokinetics, safety, and tolerability of caspofun- versus intravenous and oral fluconazole for long-term antifungal
gin in children and adolescents. Antimicrob Agents Chemother prophylaxis in allogeneic hematopoietic stem-cell transplant reci-
2005;49:4536–45. pients. A multicenter, randomized trial. Ann Intern Med 2003;138:
[37] Benjamin Jr DK, Driscoll T, Seibel NL, Gonzalez CE, Roden 705–13.
MM, Kilaru R, et al. Safety and pharmacokinetics of intrave- [56] Marr KA, Crippa F, Leisenring W, Hoyle M, Boeckh M, Balajee
nous anidulafungin in children with neutropenia at high risk for SA, et al. Itraconazole versus fluconazole for prevention of fungal
invasive fungal infections. Antimicrob Agents Chemother 2006;50: infections in patients receiving allogeneic stem cell transplants. Blood
632–8. 2004;103:1527–33.
[38] Cohen-Wolkowiez M, Benjamin Jr DK, Piper L, Cheifetz IM, Moran [57] Harnicar S, Adel N, Jurcic J. Modification of vincristine dosing during
C, Liu P, et al. Safety and pharmacokinetics of multiple-dose ani- concomitant azole therapy in adult acute lymphoblastic leukemia
dulafungin in infants and neonates. Clin Pharmacol Ther 2011;89: patients. J Oncol Pharm Pract 2009;15:175–82.
702–7. [58] Wingard JR, Carter SL, Walsh TJ, Kurtzberg J, Small TN, Baden
[39] Hope WW, Smith PB, Arrieta A, Buell DN, Roy M, Kaibara A, et al. LR, et al. Randomized, double-blind trial of fluconazole versus vori-
Population pharmacokinetics of micafungin in neonates and young conazole for prevention of invasive fungal infection after allogeneic
infants. Antimicrob Agents Chemother 2010;54:2633–7. hematopoietic cell transplantation. Blood 2010;116:5111–8.
[40] Cornely OA, Maertens J, Bresnik M, Ebrahimi R, Ullmann AJ, Bouza [59] Sánchez-Ortega I, Patiño B, Arnan M, Peralta T, Parody R, Gudiol C,
E, et al. Liposomal amphotericin B as initial therapy for invasive et al. Clinical efficacy and safety of primary antifungal prophylaxis
mold infection: a randomized trial comparing a high-loading dose with posaconazole vs itraconazole in allogeneic blood and marrow
regimen with standard dosing (AmBiLoad trial). Clin Infect Dis transplantation. Bone Marrow Transplant 2011;46:733–9.
2007;44:1289–97. [60] Van Burik J-AH, Ratanatharathorn V, Stepan DE, Miller CB, Lipton
[41] Frick MA, Soler-Palacín P, Martín Nalda A, Guarner ME, Nadal CF. JH, Vesole DH, et al. Micafungin versus fluconazole for prophy-
Photosensitivity in immunocompromised patients receiving long-term laxis against invasive fungal infections during neutropenia in patients
therapy with oral voriconazole. Pediatr Infect Dis J 2010;29: undergoing hematopoietic stem cell transplantation. Clin Infect Dis
480–1. 2004;39:1407–16.
[42] McCarthy KL, Playford EG, Looke DFM, Whitby M. Severe [61] Maertens J, Marchetti O, Herbrecht R, Cornely OA, Flückiger U, Frêre
photosensitivity causing multifocal squamous cell carcinomas secon- P, et al. European guidelines for antifungal management in leukemia
dary to prolonged voriconazole therapy. Clin Infect Dis 2007;44: and hematopoietic stem cell transplant recipients: summary of the
e55–6. ECIL 3--2009 update. Bone Marrow Transplant 2011;46:709–18.
[43] Epaulard O, Leccia MT, Blanche S, Chosidow O, Mamzer-Bruneel [62] Marr KA, Carter RA, Crippa F, Wald A, Corey L. Epidemiology and
M-F, Ravaud P, et al. Phototoxicity and photocarcinogenesis associa- outcome of mould infections in hematopoietic stem cell transplant
ted with voriconazole. Med Mal Infect 2011;41:639–45. recipients. Clin Infect Dis 2002;34:909–17.
[44] Kim R, Khachikian D, Reboli AC. A comparative evaluation of [63] Thursky KA, Worth LJ, Seymour JF, Miles Prince H, Slavin MA.
properties and clinical efficacy of the echinocandins. Expert Opin Spectrum of infection, risk and recommendations for prophylaxis and
Pharmacother 2007;8:1479–92. screening among patients with lymphoproliferative disorders treated
[45] Ascioglu S, Rex JH, de Pauw B, Bennett JE, Bille J, Crokaert F, et al. with alemtuzumab*. Br J Haematol 2006;132:3–12.
Defining opportunistic invasive fungal infections in immunocompro- [64] Marty FM, Lee SJ, Fahey MM, Alyea EP, Soiffer RJ, Antin JH, et al.
mised patients with cancer and hematopoietic stem cell transplants: Infliximab use in patients with severe graft-versus-host disease and
an international consensus. Clin Infect Dis 2002;34:7–14. other emerging risk factors of non-Candida invasive fungal infections
[46] Pagano L, Caira M, Nosari A, Rossi G, Locatelli F, Viale P, et al. in allogeneic hematopoietic stem cell transplant recipients: a cohort
Hema e-Chart: Italian Registry for prospective analysis of epidemio- study. Blood 2003;102:2768–76.
logy, management and outcome of febrile events in patients with [65] Gergis U, Markey K, Greene J, Kharfan-Dabaja M, Field T, Wetzstein
hematological malignancies. J Chemother 2010;22:20–4. G, et al. Voriconazole provides effective prophylaxis for invasive fun-
[47] Lortholary O, Gangneux J-P, Sitbon K, Lebeau B, de Monbrison gal infection in patients receiving glucocorticoid therapy for GVHD.
F, Le Strat Y, et al. Epidemiological trends in invasive aspergillo- Bone Marrow Transplant 2010;45:662–7.
sis in France: the SAIF network (2005-2007). Clin Microbiol Infect [66] Pappas PG, Alexander BD, Andes DR, Hadley S, Kauffman CA,
2011;17:1882–9. Freifeld A, et al. Invasive fungal infections among organ transplant
[48] Glasmacher A, Prentice AG. Evidence-based review of antifungal pro- recipients: results of the Transplant-Associated Infection Surveillance
phylaxis in neutropenic patients with haematological malignancies. J Network (TRANSNET). Clin Infect Dis 2010;50:1101–11.
Antimicrob Chemother 2005;56(Suppl. 1):i23–32. [67] Pappas PG, Silveira FP. Candida in solid organ transplant recipients.
[49] Cornely OA, Maertens J, Winston DJ, Perfect J, Ullmann AJ, Walsh Am J Transplant 2009;9(Suppl. 4):S173–9.
TJ, et al. Posaconazole vs. fluconazole or itraconazole prophylaxis in [68] Singh N, Husain S. Invasive aspergillosis in solid organ transplant
patients with neutropenia. N Engl J Med 2007;356:348–59. recipients. Am J Transplant 2009;9(Suppl. 4):S180–91.

20 EMC - Maladies infectieuses


Antifongiques  8-006-N-20

[69] Gallin JI, Alling DW, Malech HL, Wesley R, Koziol D, Marciano B, [88] Perfect JR, Marr KA, Walsh TJ, Greenberg RN, DuPont
et al. Itraconazole to prevent fungal infections in chronic granuloma- B, de la Torre-Cisneros J, et al. Voriconazole treatment for
tous disease. N Engl J Med 2003;348:2416–22. less-common, emerging, or refractory fungal infections. Clin Infect
[70] Beauté J, Obenga G, Le Mignot L, Mahlaoui N, Bougnoux ME, Mouy Dis 2003;36:1122–31.
R, et al. Epidemiology and outcome of invasive fungal diseases in [89] Walsh TJ, Lutsar I, Driscoll T, Dupont B, Roden M, Ghahramani P,
patients with chronic granulomatous disease: a multicenter study in et al. Voriconazole in the treatment of aspergillosis, scedosporiosis
France. Pediatr Infect Dis J 2011;30:57–62. and other invasive fungal infections in children. Pediatr Infect Dis J
[71] Chandesris M-O, Melki I, Natividad A, Puel A, Fieschi C, Yun L, 2002;21:240–8.
et al. Autosomal dominant STAT3 deficiency and hyper-IgE syn- [90] Upton A, Kirby KA, Carpenter P, Boeckh M, Marr KA. Invasive
drome: molecular, cellular, and clinical features from a French national aspergillosis following hematopoietic cell transplantation: outcomes
survey. Medicine 2012;91:e1–19. and prognostic factors associated with mortality. Clin Infect Dis
[72] Kaufman D, Boyle R, Hazen KC, Patrie JT, Robinson M, 2007;44:531–40.
Donowitz LG. Fluconazole prophylaxis against fungal coloniza- [91] Salmeron G, Porcher R, Bergeron A, Robin M, Peffault de Latour
tion and infection in preterm infants. N Engl J Med 2001;345: R, Ferry C, et al. Persistent poor long-term prognosis of allogeneic
1660–6. hematopoietic stem cell transplant recipients surviving invasive asper-
[73] Manzoni P, Stolfi I, Pugni L, Decembrino L, Magnani C, Vetrano G, gillosis. Haematologica 2012;97:1357–63.
et al. A multicenter, randomized trial of prophylactic fluconazole in [92] Walsh TJ, Anaissie EJ, Denning DW, Herbrecht R, Kontoyiannis DP,
preterm neonates. N Engl J Med 2007;356:2483–95. Marr KA, et al. Treatment of aspergillosis: clinical practice guide-
[74] Lortholary O, Petrikkos G, Akova M, Arendrup MC, Arikan-Akdagli lines of the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis
S, Bassetti M, et al. ESCMID guideline for the diagnosis and manage- 2008;46:327–60.
ment of Candida diseases 2012: patients with HIV infection or AIDS. [93] Bowden R, Chandrasekar P, White MH, Li X, Pietrelli L, Gurwith
Clin Microbiol Infect 2012;18(Suppl. 7):68–77. M, et al. A double-blind, randomized, controlled trial of amphotericin
[75] Taieb F, Méchaï F, Lefort A, Lanternier F, Bougnoux ME, Lortholary B colloidal dispersion versus amphotericin B for treatment of inva-
O. Management of candidemia and invasive candidiasis. Rev Med sive aspergillosis in immunocompromised patients. Clin Infect Dis
Interne 2011;32:173–80. 2002;35:359–66.
[76] Ullmann AJ, Akova M, Herbrecht R, Viscoli C, Arendrup MC, [94] Leenders AC, Daenen S, Jansen RL, Hop WC, Lowenberg B,
Arikan-Akdagli S, et al. ESCMID guideline for the diagno- Wijermans PW, et al. Liposomal amphotericin B compared with
sis and management of Candida diseases 2012: adults with amphotericin B deoxycholate in the treatment of documented and
haematological malignancies and after haematopoietic stem cell suspected neutropenia-associated invasive fungal infections. Br J Hae-
transplantation (HCT). Clin Microbiol Infect 2012;18(Suppl. 7): matol 1998;103:205–12.
53–67. [95] Herbrecht R, Maertens J, Baila L, Aoun M, Heinz W, Martino R, et al.
[77] Mora-Duarte J, Betts R, Rotstein C, Colombo AL, Thompson-Moya Caspofungin first-line therapy for invasive aspergillosis in allogeneic
L, Smietana J, et al. Comparison of caspofungin and amphotericin B hematopoietic stem cell transplant patients: an European Organisation
for invasive candidiasis. N Engl J Med 2002;347:2020–9. for Research and Treatment of Cancer study. Bone Marrow Transplant
[78] Kuse ER, Chetchotisakd P, da Cunha CA, Ruhnke M, Barrios C, 2010;45:1227–33.
Raghunadharao D, et al. Micafungin versus liposomal amphotericin [96] Viscoli C, Herbrecht R, Akan H, Baila L, Sonet A, Gallamini A, et al.
B for candidaemia and invasive candidosis: a phase III randomised An EORTC Phase II study of caspofungin as first-line therapy of inva-
double-blind trial. Lancet 2007;369:1519–27. sive aspergillosis in haematological patients. J Antimicrob Chemother
[79] Reboli AC, Rotstein C, Pappas PG, Chapman SW, Kett DH, Kumar 2009;64:1274–81.
[97] Walsh TJ, Raad I, Patterson TF, Chandrasekar P, Donowitz GR,
D, et al. Anidulafungin versus fluconazole for invasive candidiasis. N
Graybill R, et al. Treatment of invasive aspergillosis with posacona-
Engl J Med 2007;356:2472–82.
zole in patients who are refractory to or intolerant of conventional
[80] Cornely OA, Bassetti M, Calandra T, Garbino J, Kullberg BJ, Lortho-
therapy: an externally controlled trial. Clin Infect Dis 2007;44:
lary O, et al. ESCMID guideline for the diagnosis and management of
2–12.
Candida diseases 2012: non-neutropenic adult patients. Clin Micro-
[98] Wheat LJ, Freifeld AG, Kleiman MB, Baddley JW, McKinsey DS,
biol Infect 2012;18(Suppl. 7):19–37.
Loyd JE, et al. Clinical practice guidelines for the management of
[81] Hope WW, Castagnola E, Groll AH, Roilides E, Akova M, Arendrup
patients with histoplasmosis: 2007 update by the Infectious Diseases
MC, et al. ESCMID guideline for the diagnosis and management of
Society of America. Clin Infect Dis 2007;45:807–25.
Candida diseases 2012: prevention and management of invasive infec- [99] Lortholary O, Denning DW, Dupont B. Endemic mycoses: a treatment
tions in neonates and children caused by Candida spp. Clin Microbiol update. J Antimicrob Chemother 1999;43:321–31.
Infect 2012;18(Suppl. 7):38–52. [100] Galgiani JN, Ampel NM, Blair JE, Catanzaro A, Johnson RH, Stevens
[82] Benjamin Jr DK, Stoll BJ, Fanaroff AA, McDonald SA, Oh W, DA, et al. Coccidioidomycosis. Clin Infect Dis 2005;41:1217–23.
Higgins RD, et al. Neonatal candidiasis among extremely low birth [101] Catanzaro A, Cloud GA, Stevens DA, Levine BE, Williams PL, John-
weight infants: risk factors, mortality rates, and neurodevelopmental son RH, et al. Safety, tolerance, and efficacy of posaconazole therapy
outcomes at 18 to 22 months. Pediatrics 2006;117:84–92. in patients with nonmeningeal disseminated or chronic pulmonary
[83] Perfect JR, Dismukes WE, Dromer F, Goldman DL, Graybill JR, coccidioidomycosis. Clin Infect Dis 2007;45:562–8.
Hamill RJ, et al. Clinical practice guidelines for the management of [102] Kim MM, Vikram HR, Kusne S, Seville MT, Blair JE. Treatment
cryptococcal disease: 2010 update by the Infectious Diseases Society of refractory coccidioidomycosis with voriconazole or posaconazole.
of America. Clin Infect Dis 2010;50:291–322. Clin Infect Dis 2011;53:1060–6.
[84] Marchetti O, Lamoth F, Mikulska M, Viscoli C, Verweij P, Bre- [103] Chapman SW, Dismukes WE, Proia LA, Bradsher RW, Pappas PG,
tagne S. ECIL recommendations for the use of biological markers Threlkeld MG, et al. Clinical practice guidelines for the management
for the diagnosis of invasive fungal diseases in leukemic patients of blastomycosis: 2008 update by the Infectious Diseases Society of
and hematopoietic SCT recipients. Bone Marrow Transplant 2012;47: America. Clin Infect Dis 2008;46:1801–12.
846–54. [104] Queiroz-Telles F, Goldani LZ, Schlamm HT, Goodrich JM,
[85] De Pauw B, Walsh TJ, Donnelly JP, Stevens DA, Edwards JE, Espinel-Ingroff A, Shikanai-Yasuda MA. An open-label compara-
Calandra T, et al. Revised definitions of invasive fungal disease tive pilot study of oral voriconazole and itraconazole for long-term
from the European Organization for Research and Treatment of treatment of paracoccidioidomycosis. Clin Infect Dis 2007;45:
Cancer/Invasive Fungal Infections Cooperative Group and the Natio- 1462–9.
nal Institute of Allergy and Infectious Diseases Mycoses Study [105] Barros MB, de L, de Almeida Paes R, Schubach AO. Sporothrix
Group (EORTC/MSG) Consensus Group. Clin Infect Dis 2008;46: schenckii and sporotrichosis. Clin Microbiol Rev 2011;24:633–54.
1813–21. [106] Skiada A, Lanternier F, Groll AH, Pagano L, Zimmerli S, Her-
[86] Herbrecht R, Denning DW, Patterson TF, Bennett JE, Greene RE, brecht R, et al. Diagnosis and treatment of mucormycosis in patients
Oestmann JW, et al. Voriconazole versus amphotericin B for pri- with haematological malignancies: guidelines from the 3rd European
mary therapy of invasive aspergillosis. N Engl J Med 2002;347: Conference on Infections in Leukemia (ECIL 3). Haematologica
408–15. 2013;98:492–504.
[87] Denning DW, Ribaud P, Milpied N, Caillot D, Herbrecht R, Thiel E, [107] Spellberg B, Ibrahim A, Roilides E, Lewis RE, Lortholary O, Petrikkos
et al. Efficacy and safety of voriconazole in the treatment of acute G, et al. Combination therapy for mucormycosis: why, what, and how?
invasive aspergillosis. Clin Infect Dis 2002;34:563–71. Clin Infect Dis 2012;54(Suppl. 1):S73–8.

EMC - Maladies infectieuses 21


8-006-N-20  Antifongiques

[108] Lortholary O, Obenga G, Biswas P, Caillot D, Chachaty E, Bienvenu [109] Troke P, Aguirrebengoa K, Arteaga C, Ellis D, Heath CH, Lutsar
A-L, et al. International retrospective analysis of 73 cases of invasive I, et al. Treatment of scedosporiosis with voriconazole: clini-
fusariosis treated with voriconazole. Antimicrob Agents Chemother cal experience with 107 patients. Antimicrob Agents Chemother
2010;54:4446–50. 2008;52:1743–50.

C. Aguilar.
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
V. Jullien.
Service de pharmacologie, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris, France.
A. Alanio.
S. Bretagne.
Laboratoire de parasitologie-myocologie, Hôpital Saint-Louis, AP–HP, 11, avenue Claude-Vellefaux, 75010 Paris, France.
Unité de mycologie moléculaire, Centre national de référence des mycoses invasives et des antifongiques, Institut Pasteur, 25-28, rue du Docteur-Roux, 75015
Paris, France.
P. Frange.
Unité d’immuno-hématologie pédiatrique, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
F. Lanternier.
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
O. Lortholary (olivier.lortholary@nck.aphp.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, Hôpital Necker-Enfants malades, 149, rue de Sèvres, 75015 Paris, France.
Unité de mycologie moléculaire, Centre national de référence des mycoses invasives et des antifongiques, Institut Pasteur, 25-28, rue du Docteur-Roux, 75015
Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Aguilar C, Jullien V, Alanio A, Bretagne S, Frange P, Lanternier F, et al. Antifongiques. EMC - Maladies
infectieuses 2015;12(1):1-22 [Article 8-006-N-20].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

22 EMC - Maladies infectieuses


 8-006-P-10

Conseils médicaux aux voyageurs


S. Jauréguiberry, E. Caumes

Les conseils médicaux aux voyageurs permettent de diminuer la fréquence de la pathologie du voya-
geur. Les maladies exotiques emblématiques du voyageur sont dominées par les maladies transmises par
les arthropodes (arboviroses, paludisme, etc.) ou par voie féco-orale (hépatites virales A et E, typhoïde,
diarrhée du voyageur, etc.). Mais les maladies infectieuses les plus fréquentes sont cosmopolites et les
problèmes de santé non infectieux (coup de soleil, piqûres d’insectes, blessures accidentelles) sont cou-
rants. Les principales règles de prévention portent sur les vaccinations contre certaines maladies (tétanos,
poliomyélite, diphtérie, fièvre jaune, hépatite A, hépatite B, typhoïde, méningocoques, rage, encéphalite
japonaise, encéphalite vernoestivale à tiques, grippe), les mesures d’hygiène (alimentaire, hydrique, cor-
porelle, sexuelle, etc.) et les chimioprophylaxies (paludisme). Un effort particulier doit maintenant viser à
diminuer la mortalité liée aux accidents de la voie publique et aux noyades qui sont les principales causes
évitables de mortalité du voyageur.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Voyages ; Voyageur ; Paludisme ; Diarrhée du voyageur ; Vaccinations ; Hygiène ; Chimioprophylaxie

Plan La plupart des pathologies infectieuses notamment tropicales


sont accessibles à la prévention et/ou à la vaccination. Le tryptique
■ Introduction 1 préventif classique (vaccinations, chimioprophylaxie, hygiène) a
ainsi réduit de façon importante la part des maladies infectieuses
■ Épidémiologie 1 dans la pathologie du voyageur. Elle n’est plus désormais respon-
Morbidité chez le voyageur 1 sable que de 1 à 3 % des causes de rapatriements sanitaires ou
Mortalité au cours du voyage 2 de décès. Mais seule la connaissance précise des risques encourus
■ Pathologies infectieuses 2 permet d’orienter les conseils médicaux, en fonction de la desti-
Transmission vectorielle 2 nation, du mode de voyage et de facteurs propres aux voyageurs
Transmission féco-orale 4 (âge, sexe, état physiologique, prise médicamenteuse).
Contamination alimentaire ou hydrique 5
Transmission sexuelle 5
Transmission sanguine (parentérale)
Pénétration transcutanée
5
6
 Épidémiologie
Morsure et inoculation animale 6 Les voyageurs sont susceptibles d’être affectés par des maladies
Transmission aérienne 6 infectieuses cosmopolites ou tropicales. Certaines sont la consé-
Transmission nosocomiale 6 quence d’une transmission alimentaire ou hydrique (Tableau 1) [4] .
■ Prévention 6
Vaccinations 6
Mesures d’hygiène 8 Morbidité chez le voyageur
Chimioprophylaxies 9
L’évaluation de la pathologie du voyageur est rendue difficile
Pharmacie de voyage 11
par la multiplicité des approches (séries, cas cliniques, étude de
■ Conclusion 11 cohorte, étude transversale, etc.).
Les études épidémiologiques qui font référence sont des études
de cohortes basées sur des réponses à des questionnaires. Elles
permettent une approche globale de cette pathologie, toute des-
 Introduction tination confondue. De nombreuses études ont ainsi évalué les
problèmes de santé présentés par les voyageurs en leur soumet-
Les conseils médicaux donnés aux voyageurs réduisent la mor- tant un questionnaire [5–9] . La proportion de voyageurs malades
bidité et surtout la mortalité en voyage [1, 2] . Si environ 50 % des varie de 15 à 70 %. Les principales pathologies sont, par ordre
50 millions de personnes qui voyagent chaque année vont pré- de fréquence, la diarrhée, les affections des voies aériennes
senter un problème de santé à leur retour ou durant leur voyage, supérieures, les dermatoses et les infections systémiques. Envi-
seuls 10 % consultent effectivement un médecin [3] . ron 10 % des voyageurs consultent un médecin pendant le

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 10 > n◦ 2 > mai 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(13)56474-X
8-006-P-10  Conseils médicaux aux voyageurs

Tableau 1. Transmission vectorielle


Incidence mensuelle des problèmes de santé en voyage (d’après [4] ).
Les vecteurs, stricto sensu, sont des arthropodes qui trans-
Diarrhée 20–60 %
mettent des agents pathogènes : virus, bactéries, parasites. Les
Paludisme (Afrique de l’Ouest, pas de prophylaxie) 3,5 % principaux arthropodes vecteurs de maladies sont les moustiques,
Dengue et grippe 1% les mouches et les tiques. De plus, les morsures et piqûres de cer-
tains arthropodes peuvent induire des lésions cutanées d’origine
Morsure animale et tuberculose, infection 0,5 % allergique (puces, acariens, punaises, moustiques, hyménoptères),
Paludisme (Afrique tropicale) 0,2 % venimeuse (envenimations marines, plus rarement terrestres) ou
inflammatoire (la piqûre ou morsure constituant la porte d’entrée
Hépatite A 3/10 000 d’une infection cutanée le plus souvent à staphylocoque ou à
Typhoïde (Asie du Sud-Est, Afrique) 2/10 000 streptocoque) [15, 16] .
Encéphalite vernoestivale (Autriche rurale) 1/10 000
Paludisme
Hépatite B 5/100 000
Parmi les maladies transmises par les moustiques, le paludisme
Infection VIH 2/100 000 est le plus à craindre. Pour le voyageur, le risque d’infection varie
Accident mortel 1/100 000 en fonction de la destination, du type de chimioprophylaxie
et de l’adhésion aux conseils de protection individuelle contre
Encéphalite japonaise 1/1 000 000 les piqûres de moustique (cf. infra). Le risque est plus particu-
Méningococcie < 1/1 000 000 lièrement élevé en Afrique subsaharienne, chez les migrants de
retour au pays et en Océanie. Le risque décroît pour l’Asie du
VIH : virus de l’immunodéficience humaine. Sud, l’Amérique centrale et l’Asie du Sud-Est. Enfin, le risque est
faible pour l’Amérique du Sud et certaines zones des Caraïbes,
voire nul pour l’Afrique du Nord [17] . Le risque n’est pas uniforme
voyage ou après le retour. Cinq voyageurs sur mille seront
à l’intérieur d’un même pays et il varie selon les époques de
hospitalisés. Les études les plus récentes montrent l’apparition
l’année et les conditions du voyage. Les voyageurs les plus
de pathologies non infectieuses : dermatoses solaires, piqûres
exposés sont les immigrés de retour au pays et les expatriés. En
d’arthropodes, mal d’altitude, mal des transports, accidents et
France, en 2010, 70 % des accès sont survenus chez des patients
blessures, pathologies psychiatriques [7–9] . Une échelle d’incidence
migrants lors d’un retour estival au pays [18] . Ces populations sont
des principales maladies du voyageur est actualisée régulièrement
non seulement moins bien informées du risque et des mesures
(Tableau 1) [4] .
prophylactiques mais le prix des médicaments et répulsifs est
Les facteurs de risque de maladies en voyage les plus fréquem-
également un frein majeur à leur large utilisation. L’inadaptation
ment retrouvés sont le jeune âge, la durée prolongée du séjour et
de la chimioprophylaxie se traduit par l’augmentation rapide du
certaines destinations (comme l’Inde par exemple).
nombre de cas de paludisme chez le voyageur comme cela a été
Les études faites au retour de voyage sont une autre approche
observé à la fin des années 1980 en France (où l’on est passé de
de la pathologie du voyageur mais souvent réalisées dans des
moins de 3000 cas déclarés en 1984 à 4860 cas en 1988) du fait
services spécialisés dans la pathologie du voyageur, elles intro-
de l’apparition de la chloroquinorésistance en Afrique. Un pic
duisent un biais. Cependant elles montrent que la diarrhée, les
a été atteint en 2000 avec environ 4000 cas déclarés et 8000 cas
dermatoses, les infections des voies respiratoires et les infections
estimés. Depuis 2001, le nombre de cas est en constante régres-
systémiques sont les principales causes de consultation au retour
sion en France, avec environ 3500 cas estimés en 2011 (donnée
de voyage [10, 11] .
du Centre national de référence du paludisme). En revanche, les
proportions des formes graves et mortelles semblent augmenter.
La surveillance du paludisme d’importation permet de distinguer
Mortalité au cours du voyage trois zones selon la fréquence de la chloroquinorésistance voire de
la multirésistance (Tableau 3) [18] . Les pays du groupe I sont définis
Beaucoup moins d’études se sont intéressées à la mortalité
par l’absence de chloroquinorésistance, ceux du groupe II par la
des voyageurs. Les causes de mortalité chez 2463 touristes amé-
présence d’une chloroquinorésistance et ceux du groupe III, de
ricains décédés lors d’un voyage ont été évaluées en 1975 et
plus en plus nombreux d’année en année, par la présence d’une
1984. L’origine du décès était cardiovasculaire (49 %), liée à un
forte prévalence de chloroquinorésistance et de multirésistance.
accident de la voie publique (7 %), à une noyade (4 %), ou à
Enfin, le risque de contracter la maladie varie d’un continent à
d’autres accidents (12 %). Dans 25 % des cas, la cause de la
l’autre. Pour le voyageur, ce risque est de l’ordre de 0,2 à 3,5 %
mort est inconnue et les infections ne rendent compte que
par mois d’exposition en Afrique. Il est beaucoup plus faible en
d’un pour cent des décès [12] . Une étude canadienne montre
cas de voyage en Asie [4, 19, 20] (Tableau 1). Mais le risque varie en
des résultats proches, les principales causes de mortalité chez
fait d’un pays à l’autre dans un même continent et même d’une
309 canadiens étant d’origine cardiovasculaire (51 %), liées à un
région à l’autre dans un même pays.
accident (25 %), un meurtre (7,8 %), un suicide (5,2 %) ou une
infection (3 %) [13] .
Les données françaises sont concordantes. Entre 2000 et 2004, Arboviroses
1319 décès sont survenus à l’étranger dont 3 à 4 % concernaient Les arboviroses sont des viroses transmises par des arthropodes.
de jeunes enfants. Les traumatismes, les accidents et les noyades On en dénombre plus d’une centaine. La fièvre jaune peut être
sont significativement liés aux voyages ; 30 % des décès sont dus prévenue par une vaccination de même que l’encéphalite japo-
à des accidents cardiovasculaires mais ce taux est similaire au naise et l’encéphalite vernoestivale à tiques qui sont beaucoup
taux attendu au plan national. Les maladies infectieuses sont moins fréquentes car de répartition géographique plus limitée.
responsables de 1,4 % des décès essentiellement par paludisme La dengue et, dans une moindre mesure, le chikungunya, respon-
(Tableau 2) [14] . sables de syndrome algoéruptifs, sont en pleine expansion. Il n’y a
pas de vaccin disponible pour le moment (des études sont en cours
pour la dengue) et la prophylaxie repose sur la lutte antivectorielle
(maladies transmises par des moustiques du genre Aedes).
 Pathologies infectieuses
Fièvre jaune
Les principales pathologies infectieuses auxquelles sont expo- Elle sévit en Afrique et en Amérique intertropicale. Les zones
sées le voyageur sont de transmission vectorielle et féco-orale [10] . d’endémicité amarile (zone où il existe un risque potentiel
Mais la part occupée par les maladies non infectieuses (cf. supra) d’infection dû à la présence de vecteurs et de réservoirs animaux)
est croissante [7–9] . couvrent une surface plus grande que les zones officiellement

2 EMC - Maladies infectieuses


Conseils médicaux aux voyageurs  8-006-P-10

Tableau 2.
Répartition des décès par cause : rapatriement de corps Inter-Mutuelle Assistance (IMA) 2000–2004 et Europe Assistance (EA) 2004 et données nationales
(d’après [14] ).
Décès à l’étranger France 2001–2

IMA 2000–2004 EA 2004 % observé % attendu % observé


Accidents, traumatismes
Accidents transports 354 22 28,1 9,0 1,4
Deux roues 31 3 2,5
Transports en commun 13 3 1,0
Voie publique 16 – 1,3
Accidents vie courante 229 23 18,1 5,3 4,1
Loisirs 126 16 10,0
– noyades 82 11 6,5
– montagne 31 3 2,5
Domestiques 32 0 2,5
Autres et non précisé 71 7 5,6
Catastrophe naturelle 2 0 0,2
Traumatismes intentionnels 40 1 3,2 7,1 2,1
Suicides 26 1 2,1 6,6 2,0
Homicides 14 0 1,1 0,5 0,1
Total 625 46 49,5 22,5 7,7
Causes non accidentelles
Cardiovasculaire 346 19 27,4 16,7 29,9
Maladies infectieuses 18 3 1,4 2,1 1,9
Paludisme 5 2 0,4
Dengue 1 0 0,1
Autres non infectieux 46 3 3,7
Maladie (sans précision) 186 10 14,7
Cause inconnue 41 5 3,3
Total 637 40 50,5

déclarées comme infectées (zone où des cas ont été déclarés à Encéphalite japonaise
l’Organisation mondiale de la santé [OMS] et dont les pays exigent Elle est présente en Asie, dans les zones rurales, plus particuliè-
le certificat de vaccination contre la fièvre jaune). Il n’y a pas de rement dans les régions de rizière, et surtout pendant la saison
fièvre jaune en Asie mais la présence conjointe du vecteur (Aedes) des pluies et le début de la saison sèche. Son aire de réparti-
et du réservoir animal explique que nombre de pays asiatiques tion géographique s’étend du Pakistan à l’ouest, jusqu’au Japon
exigent un certificat de vaccination antiamarile pour les voya- et aux Philippines à l’est et à l’Indonésie au sud. L’incidence
geurs en provenance des zones infectées ou de zones d’endémicité chez le voyageur est exceptionnelle (33 cas d’importation réper-
amarile même en cas de simple transit. toriés au niveau mondial entre 1973 et 2008) et il existe une
vaccination [23] .
Dengue
Elle sévit dans la plupart des pays tropicaux mais les principaux
foyers se trouvent en Asie du Sud-Est, en Océanie, dans le sous- Encéphalite vernoestivale
continent indien, dans les Caraïbes et en Amérique latine [21] . La
C’est une virose des pays tempérés transmise par une tique.
dengue hémorragique est observée en Asie du Sud-Est, en Océa-
Elle est présente en Europe, de l’Allemagne et l’Alsace à l’ouest,
nie, dans les Antilles depuis 1981 et, depuis les années 2000,
à la Pologne et la Russie, jusqu’en Sibérie, à l’est. La période
en Amérique latine. Les formes hémorragiques, qui font toute
de transmission couvre la période d’activité des tiques de mai
la gravité de la maladie, touchent surtout les jeunes enfants en
à octobre. Les marcheurs et les campeurs sont particulièrement
Asie et en Océanie mais elles peuvent aussi être observées chez
exposés quand ils séjournent dans les zones boisées des pays
les voyageurs. L’utilisation d’aspirine au cours de la maladie est
d’endémie.
formellement contre-indiquée ; celle-ci augmenterait le risque de
syndrome hémorragique.

Chikungunya Fièvre de West Nile


Il sévit dans le sous-continent indien, en Asie du Sud-Est, dans Elle réalise une méningoencéphalite transmise par piqûre de
les îles de l’océan Indien et en Afrique [21] . Il se différencie de moustiques. Elle était présente en Afrique, au Moyen-Orient et en
la dengue par des arthralgies extrêmement invalidantes pouvant Europe du Sud mais a émergée dans les années 2000 en Amérique
évoluer vers un rhumatisme inflammatoire chronique [21, 22] . Sur le du Nord où elle sévit pendant l’été et l’automne. En quelques
plan biologique, une thrombopénie et une leucopénie sont plus années, elle a traversé tous les États-Unis d’Amérique, de la côte
faveur de la dengue [22] . est à la côte ouest.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-006-P-10  Conseils médicaux aux voyageurs

Tableau 3.
Répartition des zones de résistance de Plasmodium falciparum. Ne sont pas représentés les pays du groupe 0 (pays sans paludisme) et les pays à transmission
sporadique ne nécessitant pas de chimioprophylaxie au cours du voyage (d’après [18] ).
Pays du groupe I Pays du Pays du groupe III
groupe II
Afrique Madagascar Afrique du Sud (nord-est), Angola, Bénin, Burkina Faso,
Burundi, Cameroun, Comores, Congo, Côte d’Ivoire,
Djibouti, Érythrée, Éthiopie, Gambie, Gabon, Ghana, Guinée,
Guinée-Bissau, Guinée équatoriale, Kenya, Liberia, Malawi,
Mali, Mauritanie, Mayotte, Mozambique, Namibie, Niger,
Nigéria, Ouganda, République centrafricaine, République
démocratique du Congo, Rwanda, Sao Tomé-et-Principe,
Sénégal, Sierra Leone, Somalie, Soudan, Swaziland, Tanzanie,
Tchad, Togo, Zaïre, Zambie, Zimbabwe
Amérique Argentine (nord) a , Belize a , Bolivie a sauf Bolivie (Amazonie), Brésil (Amazonie), Colombie (Amazonie),
Amazonie, Costa Rica a , Guatemala a , Équateur, Guyana, Guyane française (fleuves frontaliers),
Haïti, Honduras a , Jamaïque Panama (est), Pérou (Amazonie), Surinam, Venezuela
(agglomération de Kingston), Mexique (Amazonie)
(Yucatan) a , Nicaragua a , Panama
(ouest) a , Paraguay (est) a , Pérou a (sauf
Amazonie), République dominicaine,
Salvador a , Venezuela (sauf Amazonie)
Asie Chine (nord-est) a Inde, Népal Bangladesh, Bhoutan, Cambodge, Chine (Yunnan et Hainan),
(Teraï), Sri Inde (nord-est), Indonésie (sauf Bali : risque nul), Laos,
Lanka a , Malaisie (sauf zones urbaines et côtières), Myanmar, Pakistan,
Tadjikistan a Philippines, Thaïlande (zones frontalières), Vietnam (sauf
côtes et deltas), Timor Leste
Moyen-Orient Iran a (sauf sud-est), Irak a (nord), Yémen Afghanistan, Arabie saoudite (sud, ouest), Iran (sud-est),
(île Socotra) Yemen (sauf Socotra)
Océanie Îles Salomon, Papouasie-Nouvelle-Guinée, Vanuatu
a
Essentiellement Psalmodium vivax.

Parasitoses Les piqûres d’insectes se surinfectent fréquemment à des germes


banals (staphylocoque, streptocoque) et sont des causes d’abcès
Leishmanioses
sous-cutané, de pyodermites, et de dermohypodermite [15, 24] .
Ce sont des parasitoses des pays tropicaux et tempérés chauds
transmises par piqûre de phlébotomes. Leur forme clinique
(cutanée, muqueuse, viscérale) et leur répartition géographique Transmission féco-orale
(Afrique, Asie, Amérique, Europe du Sud) sont variables selon
l’espèce de Leishmania en cause. En France, les leishmanioses La transmission féco-orale concerne les bactéries transpor-
observées chez le voyageur sont habituellement des formes cuta- tées passivement (mains sales, mouches, etc.) des fèces vers
nées acquises, à l’occasion d’un séjour à l’étranger, dans le les aliments. Les bactéries transmises par une eau impropre
Nouveau ou l’Ancien Monde [16, 24] . sont souvent les mêmes que celles transmises sur un mode
féco-oral. La désinfection de l’eau de boisson et le respect des
Filarioses règles d’hygiène alimentaire permettent de prévenir la plupart
Ce sont des parasitoses transmises par piqûre d’arthropodes des maladies transmises sur ce mode (cf. infra « Nutrition et
de genre différent. Les principales filarioses sont l’onchocercose boissons »).
(surtout ouest-africaine), la loase (limitée au bloc forestier cen-
trafricain) et les filarioses lymphatiques (plus cosmopolites). Les Diarrhée du voyageur
filarioses sont rares chez les touristes et plus volontiers obser- La diarrhée du voyageur est la plus fréquente des maladies du
vées chez les expatriés et les personnes originaires de zone voyageur [27, 28] . C’est un syndrome clinique aux surnoms ima-
d’endémie [16, 24] . gés (« turista », « revanche de Montezuma », etc.) et défini par
Trypanosomoses la survenue de plus de trois selles non moulées par jour éven-
Les trypanosomoses africaine (maladie du sommeil) et sud- tuellement associée à des nausées, des vomissements ou, plus
américaine (maladie de Chagas) sont rares chez les touristes. La rarement, à de la fièvre [29] . Cette diarrhée survient, en général
maladie de Chagas est plutôt observée chez les migrants ori- au troisième ou quatrième jour après l’arrivée ou plus tardi-
ginaires de pays d’endémie, principalement de Bolivie [25] . La vement durant le séjour. La durée est courte et l’évolution en
trypanosomose africaine est observée chez les migrants et les expa- règle bénigne, mais peut amener le voyageur à modifier son pro-
triés en zone d’endémie ou les voyageurs, plus souvent au retour gramme dans 40 % des cas [28] . Enfin, cet épisode initial peut
d’Afrique de l’Est (parcs nationaux) [26] . évoluer vers des troubles digestifs chroniques dans environ 5 %
des cas, s’intégrant dans le cadre d’un syndrome de l’intestin
irritable postinfectieux [30] . D’autres complications (syndrome de
Maladies bactériennes Guillain-Barré, arthrites réactionnelles) sont également possibles
Certaines maladies bactériennes peuvent être transmises par avec certains agents microbiens (Campylobacter spp., Yersinia
piqûre ou morsure d’arthropodes. Ce sont la peste (puces), les spp., etc.).
bartonelloses (puces, phlébotomes), les rickettsioses (tiques, poux, L’incidence de la diarrhée du voyageur varie selon le terrain et
puces, etc.), et les borrélioses comme les fièvres récurrentes (tiques, la destination. On distingue trois zones géographiques : l’Europe
poux) et la maladie de Lyme (tiques). La transmission par la tique de de l’Ouest et du Nord, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le Japon
la fièvre boutonneuse méditerranéenne et de la maladie de Lyme et l’Amérique du Nord (fréquence inférieure à 10 %), le pourtour
nécessite un temps de contact prolongé entre la tique et l’hôte méditerranéen, l’Europe de l’Est, le Moyen-Orient et la Chine (10
car la tique ne déverse son contenu salivaire qu’une fois repue du à 20 %), et le reste du monde (Amérique latine, Afrique, Asie)
sang de l’hôte. (20 à 50 %). Le risque est maximal dans les pays où le niveau

4 EMC - Maladies infectieuses


Conseils médicaux aux voyageurs  8-006-P-10

socioéconomique est le plus bas et le péril fécal le plus élevé [27, 31] . accroissement progressif de la réceptivité au virus de l’hépatite A.
Le risque de diarrhée du voyageur augmente chez certains voya- L’exposition à ce virus est de plus en plus retardée par rapport
geurs : aux années précédentes et par rapport aux pays en développe-
• originaires des pays les plus développés ; ment. Dans six départements du centre-ouest de la France, en
• ayant le statut socioéconomique le plus élevé ; 1991, la séroprévalence, inférieure à 5 % avant l’âge de 16 ans, pro-
• n’ayant pas voyagé dans des pays tropicaux dans les six derniers gressait par paliers successifs d’environ 11 % par décennie pour
mois ; atteindre 94 % au-delà de 70 ans [36] . L’essentiel des cas observés
• voyageant sur un mode aventureux ; en France sont en rapport avec des cas dans l’entourage (48 %) et
• ne respectant pas les règles hygiénodiététiques (le lavage des un séjour hors métropole (41 %) [37] . Chez le voyageur européen,
mains au sortir des toilettes et avant les repas est la plus impor- la séroprévalence est plus élevée chez les personnes nées avant
tante) ; 1944, ayant des antécédents d’ictère ou ayant vécu au moins un
• présentant une hypochlorydrie gastrique (gastrectomie, traite- an dans un pays pauvre car l’acquisition d’une hépatite A se fait
ment antiacide, néoplasie), une maladie intestinale inflamma- de plus en plus souvent à l’occasion d’un voyage à l’étranger. Le
toire chronique (maladie de Crohn, rectocolite hémorragique) risque de contracter une hépatite A est plus important dans le
ou un déficit immunitaire ; sous-continent indien qu’en Afrique, au Moyen-Orient, en Asie
• d’un jeune âge [27, 28] . du Sud-Est ou dans les pays méditerranéens. Comme pour la diar-
Enfin des facteurs génétiques, comme certains polymorphismes rhée du voyageur, le risque apparaît d’autant plus élevé que le
dans la région promotrice codante de l’interleukine 8, se trouvent niveau d’hygiène du pays visité est bas et les voyageurs les plus à
associés à un risque accru d’infection à certains germes [31, 32] . risque sont les résidents à l’étranger.
De nombreux agents pathogènes sont responsables de diarrhée
chez le voyageur. Le principal est Escherichia coli enterotoxino- Poliomyélite
gène, en cause dans environ 50 % des cas. Les autres agents La poliomyélite est une maladie virale, cosmopolite, de moins
pathogènes sont des parasites (Entamoeba histolytica, Giardia lam- en moins fréquente dans les pays en développement ; aucun cas
blia, Isospora belli, Cryptosporidium sp., Cyclospora sp.), des virus n’a été rapporté en Amérique depuis 1994 et l’Europe est décla-
(rotavirus, norovirus) et des bactéries (Shigella sp., Salmonella ente- rée indemne depuis 2002 [38] . La contamination est interhumaine
rica non typhi, E. coli non enterotoxinogène, Campylobacter jejuni, directe ou le plus souvent indirecte par les aliments ou l’eau. Du
Yersinia enterocolitica, Arcobacter spp., Vibrio spp., etc.). La pré- fait de l’insuffisance de la couverture vaccinale, notamment chez
valence respective de ces agents pathogènes dépend du lieu de les personnes âgées, la réintroduction accidentelle du virus dans
séjour et de la saison mais, lorsqu’une cause est identifiée, les les pays occidentaux peut entraîner des épidémies chez les per-
bactéries sont responsables de 70 % des diarrhées, les virus de sonnes non protégées par la vaccination, comme ce fut le cas aux
10 à 20 % et les parasites de 5 à 10 % [27, 33] . Toutes les études Pays-Bas en 1992 [39] . L’épidémie récente au Tadjikistan rappelle
retrouvent une fréquence élevée des diarrhées polymicrobiennes aussi la possibilité de réintroduction de la maladie par importation
(5–15 %) et sans germes identifiés dans 20 à 40 % [27, 28] . Le fait au sein d’une population peu ou mal vaccinée [38] .
majeur est l’apparition d’une résistance des bactéries les plus cou-
rantes (E. coli, Shigella sp., Salmonella sp.) aux antibiotiques les plus Parasitoses intestinales
anciens et l’émergence des infections à E. coli enteroaggregatif [34] .
L’amœbose, la giardiose, l’ascaridiose, l’isosporose, la cyclo-
sporose, la cryptosporidiose et l’oxyurose sont habituellement
Fièvre typhoïde transmises sur un mode féco-oral par l’ingestion des formes kys-
La fièvre typhoïde est une infection cosmopolite, mais endé- tiques de ces parasites qui contaminent l’eau de boisson ou les
mique dans les pays les plus pauvres du fait du péril fécal. Les aliments. L’hydatidose fait intervenir dans son cycle parasitaire
voyageurs les plus exposés sont les immigrés d’origine africaine, des animaux (chiens, moutons). Chez les voyageurs, les plus fré-
particulièrement les enfants, retournant en vacances dans les pays quentes des parasitoses sont la giardiose et l’amœbose.
d’origine de leurs parents, les routards et les touristes séjournant
dans le sous-continent indien, une destination particulièrement Contamination alimentaire ou hydrique
à risque [35] . L’acquisition de la typhoïde en Asie est un facteur de
risque d’infection par des souches résistantes à l’acide nalidixique. Certains aliments peuvent être à l’origine d’intoxications
(ciguatera, dinoflagellose, syndrome du restaurant chinois) ou
Choléra de parasitoses (dont le cycle parasitaire fait intervenir un ani-
mal comme hôte intermédiaire) : distomatoses, gnathostomose,
La septième pandémie (due à Vibrio cholerae 01 biovar El tor), qui
anisakidose, angiostrongyloïdose, tæniasis, toxoplasmose, trichi-
avait débuté dans les Célèbes en 1960, s’est étendue à l’Afrique
nellose et cysticercose. Cette dernière est aussi de plus en plus
(1970) puis à l’Amérique du Sud (1991). L’année 2010 a vu
souvent considérée comme une maladie de transmission féco-
l’émergence du choléra en Haïti et en République dominicaine.
orale.
Depuis la fin de l’année 1992, un nouveau type de vibrion cho-
La dracunculose, maladie en voie d’éradication, est transmise
lérique (V. cholerae 0139 Bengale) se répand dans toute l’Asie du
par l’eau de boisson, ni filtrée, ni bouillie, puisée dans des puits
Sud-Est à partir de l’Inde. Le choléra est une maladie particulière-
sans margelle, dans les, maintenant rares et peu touristiques
ment grave dans les pays en développement en cas d’impossibilité
régions d’endémie.
de perfusion (taux de létalité proche de 10 %) mais il est très rare-
ment observé chez le voyageur (moins de 0,001 %) [4] .
Transmission sexuelle
Hépatites virales
Parmi les infections sexuellement transmissibles (IST),
Deux hépatites virales, A et E, ont une transmission féco-orale. l’hépatite B et l’infection par le virus de l’immunodéficience
humaine (VIH) font courir le risque le plus grave aux voyageurs.
Hépatite E
L’origine tropicale de la contamination explique également la
Elle est transmise par l’eau ou l’alimentation sur un mode épidé- possibilité d’observer des IST inhabituelles (donovanose, chancre
mique dans les pays en développement. Les cas observés en France mou, lymphogranulomatose vénérienne, etc.) ou ayant un profil
concernent les migrants, les voyageurs mais aussi des résidents de sensibilité différent aux antibiotiques classiquement utilisés
autochtones n’ayant jamais quitté le pays. en France (gonococcie, chancre mou, etc.).
Hépatite A
Elle se transmet par l’eau ou les aliments. La prévalence Transmission sanguine (parentérale)
de l’infection varie en fonction de l’âge et des conditions
socioéconomiques. Dans les pays économiquement développés, Les plus fréquentes sont l’hépatite B et l’infection par le VIH
du fait de l’amélioration des conditions d’hygiène, on observe un mais ces maladies restent avant tout des maladies sexuellement

EMC - Maladies infectieuses 5


8-006-P-10  Conseils médicaux aux voyageurs

transmissibles. L’exposition au risque concerne aussi la trans- des mêmes unités de soins (transmission croisée). Ces voyageurs
fusion sanguine (pratique peu répandue dans les pays en doivent faire l’objet d’un dépistage systématique de portage de ces
développement en l’absence de banque du sang) et la transmission bactéries multirésistantes s’ils ont été hospitalisés dans un pays
par voie percutanée résultant soit d’un partage d’aiguilles (injec- étranger dans les six mois précédents [46] .
tion, tatouage, acupuncture) ou de vaccinostyles (frottis sanguin).
Si la contamination par le virus de l’hépatite B est le plus sou-
vent sexuelle, elle peut également être consécutive à une blessure,
une coupure ou une piqûre lors de pratiques à risque (tatouage,
 Prévention
perçage des oreilles, soins médicaux donnés ou reçus, etc.). La Parmi les risques du voyage, les maladies infectieuses sont
diffusion dans l’entourage familial ou proche est possible. Pour les plus simples à prévenir. Vaccinations, chimioprophylaxies
le voyageur, le risque de développer une hépatite B (symptoma- et règles hygiénodiététiques ont permis d’en diminuer consi-
tique) a été estimé à 4,5 sur 100 000 voyageurs. Ce risque touche dérablement la fréquence. Pour le voyageur et le médecin qui
surtout le voyageur de longue durée [40] . La transmission du virus les conseille, les meilleures sources d’informations sont les
de l’hépatite C lors de soins médicaux a aussi été rapportée [41] . centres de vaccination antiamarile et de conseils aux voya-
geurs (liste des centres disponible à l’addresse suivante http :
Pénétration transcutanée //www.diplomatie.gouv.fr/fr/conseils-aux-voyageurs 909/fiches-
reflexes 12464/faire 12465/sante-vaccinations 12472/index.html),
La pénétration transcutanée d’un agent microbien peut se les centres de renseignements téléphoniques, et les recom-
faire lors d’un contact avec l’eau douce (bilharziose, leptospirose, mandations du ministère de la santé publiées chaque
mélioïdose, naeglériose), en marchant sur le sol (anguillulose, année [18] .
ankylostomose, larva migrans cutanée ankylostomienne, mycé- De plus, chez les personnes âgées, un bilan de santé doit
tomes) ou lors d’une effraction cutanée (tétanos, charbon). être systématique avant le départ. Une maladie chronique non
Le tétanos doit faire l’objet d’une attention plus particulière équilibrée est la seule contre-indication au voyage. Les autres
chez les personnes âgées et porteuses de plaies chroniques (ulcères, contre-indications sont relatives : plus de deux chutes dans
escarres). L’incidence chez le voyageur est probablement faible l’année précédente, antécédents récents de chute, de pertes de
mais il peut être difficile de trouver dans les pays pauvres des connaissances, d’accidents ischémiques, syndrome de l’oubli
immunoglobulines humaines spécifiques antitétaniques ; or les malin (prédémence). Le voyageur devra se munir de docu-
sérums hétérologues (de cheval), moins coûteux, peuvent entraî- ments bilingues (français, anglais) décrivant des pathologies
ner des effets indésirables parfois graves. sous-jacentes, d’un double de l’ordonnance habituelle (le nom
des médicaments écrit en générique et les posologies exprimées
en poids et non en nombre de comprimés), du dernier élec-
Morsure et inoculation animale trocardiogramme, de certificats éventuels de contre-indication
vaccinale ou d’autorisation de port de seringues. Les femmes
La plupart des maladies d’inoculation sont transmises par mor- enceintes doivent faire l’objet d’une attention particulière. Un avis
sure ou griffure animale, mais certaines peuvent l’être par léchage de l’obstétricien est recommandé avant le départ. Un problème de
de lésions cutanées ou des muqueuses (rage) ou blessure par des santé en cours de grossesse survenant dans un pays à faible niveau
éléments (os, peau, épine, etc.) animaux (érysipéloïde, tularémie, de recours sanitaire peut s’avérer rapidement préjudiciable à la
charbon). Ces maladies sont répandues dans les pays tempérés mère et à la grossesse. Les précautions d’hygiène alimentaire et
(maladie des griffes du chat, catpox, cowpox) et dans les pays tro- de lutte antivectorielle seront particulièrement observées sur ce
picaux (charbon, etc.). terrain compte tenu du risque de formes graves d’hépatite E et de
La plus grave de ces maladies d’inoculation est sans conteste paludisme.
la rage dont la prévention doit être systématiquement envisagée Aux âges extrêmes de la vie, une attention renforcée sera portée
après morsure. La rage est une maladie virale constamment mor- à l’exposition au soleil et aux fortes chaleurs avec un risque impor-
telle une fois déclarée. Elle peut être prévenue par la vaccination tant de déshydratation et de coup de chaleur. Il faudra éviter aux
après exposition. Des animaux enragés se rencontrent partout enfants le contact avec les animaux même domestiques. Enfin, le
dans le monde à l’exception d’un petit nombre de pays [42] . La bien fondé du voyage avec des nourrissons doit être discuté.
rage se transmet par léchage des muqueuses ou morsure par un
animal contaminé. Les animaux, réservoirs de virus, sont varia-
bles en fonction des pays : chiens, chats, chauves-souris, renards, Vaccinations
chacals, ratons laveurs, mangoustes, singes, etc.
Couverture vaccinale
La couverture vaccinale des voyageurs est insuffisante, plus
Transmission aérienne particulièrement pour les personnes âgées et la vaccination
Elle concerne des maladies cosmopolites (grippe, diphtérie, antitétanique. Même la couverture pour une vaccination aussi
méningococcie, pneumococcie, tuberculose, rougeole, etc.) et essentielle que celle contre la fièvre jaune n’atteint jamais 100 %.
tropicales (histoplasmose, coccidioïdomycose, peste pulmonaire, Mais l’immunité de la population française vis-à-vis des maladies
mélioïdose, lèpre). Les maladies respiratoires sont une cause prévenues par une vaccination n’est pas forcément corrélée à la
majeure de pathologie du voyageur [43] . La grippe toucherait 1 % couverture vaccinale évaluée par l’interrogatoire du voyageur ou
des voyageurs par mois de voyage et représenterait la maladie la l’examen de son carnet de santé ou de vaccination. L’évaluation
plus facilement prévenue par la vaccination [4, 44] . fiable de cette immunité s’appuie plutôt sur le dosage des anticorps
et la mise en évidence d’un titre supérieur au seuil de séroprotec-
tion.
Transmission nosocomiale
L’augmentation du tourisme médical et l’hospitalisation des
Calendrier vaccinal
voyageurs malades dans les pays tropicaux et certains pays occi- L’établissement du calendrier vaccinal dépend des vaccinations
dentaux mettent ces voyageurs hospitalisés face au risque de indiquées, de leurs modalités (rappel ou primovaccination), du
contracter des bactéries multirésistantes [45] . Ces bactéries incluent délai avant le départ et des contre-indications vaccinales. La
des Staphylococcus aureus résistant à la méticilline (SARM), des bonne tolérance des vaccins modernes et la possibilité de mul-
E. coli BLSE (bêtalactamase à spectre étendu), des acinetobac- tiples associations et combinaisons ont simplifié le calendrier
ter résistant à l’imipénème, des Pseudomonas totorésistants, et vaccinal.
plus généralement des entérobactéries sécrétrices de carbapéné- Les autorités sanitaires de certains pays peuvent exiger un
mases. Elles peuvent se transmettre au retour à des personnes certificat de vaccination authentifié pour la fièvre jaune et
de l’entourage ainsi que lors d’hospitalisation, à des patients les méningocoques (pèlerinage à La Mecque). Ces vaccinations

6 EMC - Maladies infectieuses


Conseils médicaux aux voyageurs  8-006-P-10

doivent être mentionnées sur un carnet international de vacci- immunoglobulines G (IgG) antivirus de l’hépatite A (HAV) est utile
nation délivré par les centres de vaccination internationaux. Le chez les personnes ayant pu être exposées au virus de l’hépatite A
certificat doit mentionner la date de la vaccination, l’origine et (âgé de plus de 40 ans, antécédent d’ictère, séjour de plus d’un
le numéro du lot du vaccin, le nom du médecin vaccinateur, son an dans un pays en développement) afin d’éviter une vaccination
numéro d’inscription à l’Ordre des médecins et sa signature. En inutile. Elle est de plus en plus recommandée chez les enfants [49] .
cas de contre-indication, le médecin vaccinateur établit un cer- Même si la fréquence des formes graves est moins élevée chez les
tificat médical daté, rédigé en anglais en cas de voyage en pays enfants, de telles formes sont possibles ; de plus, les enfants por-
non francophone, attestant du motif de non-vaccination mais les teurs asymptomatiques au retour de voyage peuvent être source
pays concernés peuvent en tenir compte ou non, selon leur bon d’épidémies en milieu scolaire.
vouloir.
Grippe
La vaccination antivariolique n’est plus requise depuis 1981
(éradication de la variole proclamée par l’OMS le 8 mai 1980). La Les indications classiques de ce vaccin doivent être respectées
vaccination anticholérique n’a aucun caractère obligatoire selon car la grippe est fréquente chez les voyageurs. Plus particulière-
l’OMS depuis 1973. Dans des circonstances particulières (huma- ment, elle peut être à l’origine d’épidémies au cours de croisières
nitaire travaillant en zone épidémique), une vaccination orale par en bateau, mais aussi à l’occasion d’autres rassemblements de
vaccin inactivé est possible en France [18] . population [44] . La grippe représente l’une des premières causes de
fièvre au retour de voyage qui peut être prévenue par la vaccina-
tion [50] .
Vaccinations obligatoires
Fièvre jaune Vaccinations parfois recommandables
La vaccination antiamarile est obligatoire pour se rendre dans Hépatite B
certains pays d’Afrique et d’Amérique du Sud. En fait, elle est
En l’absence d’infection préalable, la vaccination contre
nécessaire dans toutes les zones d’endémicité amarile d’Afrique
l’hépatite B peut être indiquée chez les personnes à risque
et d’Amérique intertropicale, même ceux pour lesquels il n’existe
(rapport sexuels non protégés) et les résidents à l’étranger
aucune obligation. En Asie, des pays indemnes de fièvre jaune
(risque d’exposition augmentant avec le temps). Pour les autres
mais réceptifs (présence du vecteur et du réservoir animal) rendent
voyageurs, elle est discutée en fonction des risques liés à la
obligatoire cette vaccination pour les voyageurs venant d’une
contamination par voie sexuelle (souvent évitable) ou sanguine
zone d’endémie. Elle est exigible dans le cadre du Règlement
(accidentelle et plus imprévisible). L’intérêt de cette vaccination
sanitaire international. La vaccination est contre-indiquée en cas
pour les voyageurs de courte durée est discutée par certains [40] .
de déficit immunitaire, d’allergie à l’œuf et au fructose et chez
Cependant le voyage doit aussi être l’occasion de mettre à jour la
l’enfant de moins de six mois. Elle peut être pratiquée pendant
vaccination contre l’hépatite B car les indications débordent lar-
les deux derniers trimestres de la grossesse si nécessaire. On ne lui
gement le cadre du voyage [5] . Deux injections sous-cutanées à un
connaît pas d’effet tératogène. Une injection unique protège dès
mois d’intervalle avec un rappel à six mois confèrent une pro-
le dixième jour pour une durée de dix ans et en cas de rappel, la
tection efficace. Un dosage préalable des anticorps est nécessaire
protection débute le jour même pour une durée identique. Elle est
chez les personnes appartenant aux populations à risque pour évi-
pratiquée dans des centres agrées. Des effets indésirables sévères
ter une vaccination inutile. Un schéma accéléré est possible en cas
(fièvre jaune-like) avec atteinte neurologique ou viscérale ont été
de départ imminent.
rapportés lors de la primovaccination. L’incidence est faible (0,3
à 0,4 pour 100 000 vaccinations) et clairement corrélée à l’âge Typhoïde
élevé du vacciné et aux antécédents de maladie thymique [47, 48] . La vaccination antityphoïdique ne protège que contre la fièvre
L’indication se posera alors au cas par cas. typhoïde [18] . Elle est bien tolérée et ne connaît pas de contre-
indication majeure. Elle est indiquée chez tous les voyageurs
Méningocoques A, C, Y et W 135 devant séjourner dans des conditions précaires notamment dans
La vaccination antiméningococcique A, C, Y et W 135 est obli- le sous-continent indien. Une seule injection confère une pro-
gatoire pour les pèlerinages en Arabie Saoudite à La Mecque et à tection d’au moins trois ans. L’immunité apparaît dix jours après
Médine. l’injection.

Vaccinations recommandées Méningocoques A, C, Y et W 135


La vaccination antiméningococcique A et C est recomman-
Tétanos, poliomyélite, diphtérie, coqueluche dée surtout chez les enfants et les adultes jeunes voyageant dans
La mise à jour des vaccinations antitétanique, antipoliomyéli- les pays d’épidémie potentielle (Afrique subsaharienne, en saison
tique, antidiphtérique et anticoqueluche est nécessaire. Pour les sèche), dans des conditions difficiles (promiscuité) quelle que soit
vaccinations antitétanique et antipoliomyélite, si le dernier rappel la durée du voyage [18] . Une injection protège pendant 3 à 5 ans.
date de plus de dix ans, deux injections de 1 à 6 mois d’intervalle L’immunité apparaît dix jours après l’injection. Le vaccin est effi-
suffisent ; un rappel est nécessaire tous les dix ans. Pour le vac- cace après l’âge de 12 mois (sérotype A) et 18 mois (sérotype C). Il
cin antidiphtérique, le vaccin habituel (DT polio) étant mal toléré ne protège pas contre le sérotype B.
après l’âge de 40 ans, on préfère utiliser le dT polio, mieux toléré La vaccination antiméningococcique A, C, Y et W 135 est par-
car à une concentration dix fois inférieure au vaccin DT-polio fois obligatoire (cf. supra « Vaccinations obligatoires ») et pourrait
mais avec une immunogénicité équivalente. La diphtérie est endé- être dorénavant conseillée pour les pays d’Afrique sahélienne ou
mique dans la plupart des pays en développement et dans les pays les sérotypes Y et W 135 sont apparus. Elle est exigée par les auto-
d’Europe de l’Est. rités saoudiennes lors des pèlerinages en Arabie Saoudite.
Hépatite A Rage
Cette vaccination est indispensable chez les voyageurs non Le vaccin antirabique est recommandé chez les voyageurs expo-
immuns, surtout après 40 ans ou chez les personnes déjà por- sés à des contacts répétés avec les animaux (principalement le
teuses d’une hépatite chronique (virale C, auto-immune) du fait chien) ou séjournant en région d’endémie rabique (c’est-à-dire
de la plus grande sévérité de l’hépatite A. Une injection sous- presque tous les pays en développement) à distance d’un centre
cutanée permet une protection efficace en 2 à 3 semaines. Un de vaccination antirabique. Les jeunes enfants, entre 1 et 3 ans,
rappel six mois plus tard induit une protection pour plus de dix plus à risque d’être exposés au risque (début de la marche et
ans. La tolérance est bonne et il n’y a pas de contre-indication de l’autonomie) et dans l’impossibilité d’exprimer un contact
particulière. à risque, bénéficieront d’une indication élargie. L’immunité est
Ce vaccin est indiqué chez tout adulte non immun (plus de acquise après trois injections (J0, J7, J28). Les rappels se font à
80 % des Français de plus de 60 ans sont actuellement immuns un an puis tous les trois ans. En cas de morsure, il est nécessaire
mais cette prévalence a tendance à diminuer) devant séjourner d’effectuer deux injections à trois jours d’intervalle et la sérothé-
dans des pays à bas niveau d’hygiène. Le dosage préalable des rapie est inutile. Si la vaccination date de plus de trois ans ou

EMC - Maladies infectieuses 7


8-006-P-10  Conseils médicaux aux voyageurs

est incomplète le protocole le plus fréquemment utilisé est le 2- Transport aérien


1-1 (dit de Zagreb) comprenant deux injections à J0 (une dans
Les contre-indications au transport aérien sont l’insuffisance
chaque deltoïde), puis une à J7 et une à J21. Si elles sont nécessaires
respiratoire sévère, l’angor instable, un infarctus récent, une inter-
les immunoglobulines (sérothérapie) seront injectées en même
vention chirurgicale abdominale récente, une grossesse à partir de
temps que la première dose de vaccin curatif [51] .
la 36e semaine. Cette liste n’est pas exhaustive et s’appréciera au
cas par cas.
Encéphalite japonaise Le transport aérien expose à la maladie thromboembolique
La vaccination contre l’encéphalite japonaise est indiquée chez (syndrome de la classe économique) surtout en cas de facteur
les voyageurs séjournant en milieu rural, en période à risque, dans favorisant (thrombophilie, insuffisance veineuse) et de voyages
les pays d’endémie d’Asie du Sud-Est et du sous-continent indien. prolongés (durée supérieure à 6 heures). Une prévention sys-
Deux injections (J0, J28) permettent d’acquérir une protection tématique (hydratation satisfaisante, proscription de l’alcool,
efficace sept jours après la deuxième injection [23] . déambulation régulière, port de vêtements amples) est nécessaire.
Il a été montré que le port de bas de contention élastiques dimi-
Encéphalite vernoestivale à tiques nuait le risque de thromboses en voyage [52] . Éventuellement, une
Un vaccin est maintenant commercialisé et la vaccination peut injection d’héparine de bas poids moléculaire peut être indiquée
être pratiquée partout. Elle est indiquée chez les personnes voya- avant le départ chez les personnes à risque thromboembolique
geant dans les régions d’endémie en période de transmission. avéré. À l’arrivée, un repos compensateur est indispensable, si
Deux injections, à un mois d’intervalle, confèrent une protection possible jambes surélevées.
efficace. La troisième injection 9 à 12 mois après la deuxième injec- Les médicaments parfois conseillés pour prévenir le mal des
tion permet de renforcer l’immunité jusqu’à trois ans. Le premier transports ont des effets indésirables potentiels, surtout chez les
rappel surviendra dans les cinq ans suivant la troisième injec- personnes âgées (effet anticholinergique des antinaupathiques).
tion. Il existe une présentation pédiatrique à partir d’un an et Le départ est générateur de stress et peut entraîner chutes, acci-
un schéma rapide de vaccination en 21 jours. dents coronariens et mort subite. Le stress du départ peut être
prévenu en arrivant à l’avance au lieu de rendez-vous, en se faisant
accompagner par des personnes qui facilitent l’enregistrement et
Tuberculose
aident au port des bagages. Ceux-ci doivent être répartis de façon
Le vaccin bilié de Calmette et Guérin (BCG) est recommandé, à éviter les bagages trop encombrants et à prendre en bagage à
après trois mois, chez tous les enfants et les adultes non immuns main les plus légers avec les médicaments indispensables.
devant séjourner pendant plus d’un mois dans les pays à forte
incidence de tuberculose (continent africain, continent asiatique,
Proche et Moyen-Orient, Amérique Centrale et du Sud, Europe Acclimatement
centrale et de l’Est). Le décalage horaire (jet lag en anglais) se traduit principale-
ment par des troubles du sommeil. Spontanément, l’adaptation
demande autant de jours que de fuseaux horaires traversés. Il est
Mesures d’hygiène plus fréquent dans le sens ouest-est que dans le sens est-ouest.
En cas de traitement continu (contraception orale, traitement du
Conditions de voyage diabète, anticoagulant, etc.), il faut adopter très progressivement
Il faut connaître avec exactitude le programme du voyage et l’heure locale afin d’éviter les risques de surdosage. La mélato-
ses exigences physiques pour choisir un séjour compatible avec nine (non commercialisée en France) est le seul traitement ayant
les performances physiques de la personne. En effet, le seul cri- une certaine efficacité. Sinon on peut atténuer les effets du déca-
tère restrictif est la pathologie sous-jacente. Un pays de haut lage horaire en adoptant dès le départ les horaires de sommeil,
niveau sanitaire est une destination prudente pour toutes les per- d’exposition lumineuse et de repas du pays de destination.
sonnes souffrant d’une maladie chronique car, dans les pays à Chaleur et froid peuvent être mal supportés. Les diabétiques,
faible niveau de recours sanitaire, peu de personnes pourraient les insuffisants cardiaques ou respiratoires, les obèses s’adaptent
faire face à une décompensation aiguë. Des conditions variées de plus difficilement aux modifications climatiques. Les médica-
voyage vont affecter plus particulièrement l’évolution de certaines ments anticholinergiques, bêtabloquants et inhibiteurs calciques
pathologies : diminuent l’adaptation à la chaleur. Les diurétiques induisent
• changement brutal d’altitude et insuffisance cardiorespiratoire ; des troubles hydroélectrolytiques. Une aération constante et une
• transport prolongé en position assise (en bus, bateau ou avion) hydratation suffisante permettent de supporter les grosses cha-
et stase veineuse avec risque thromboembolique ; leurs. Le froid est sans danger quand on pense à s’en protéger
• transport prolongé en pays chaud en l’absence de climatisation par des vêtements adaptés mais il peut être le facteur déclenchant
et troubles métaboliques avec risque d’arythmie cardiaque ou d’un syndrome de Raynaud, d’un angor ou d’une crise d’asthme.
d’accidents ischémiques ; Les séjours en altitude exposent au mal de l’altitude et à
• marches prolongées ou escalades de monuments et impotence ses complications souvent mortelles (œdème pulmonaire ou
fonctionnelle par arthrose de hanche ou autre maladie articu- cérébral). Une insuffisance cardiaque ou respiratoire, un angor
laire ; instable, un diabète, un asthme ou une épilepsie mal contrôlés
• séjour dans des hôtels bruyants et inconfortables ou temps de contre-indiquent de tels séjours. Sur place, la meilleure préven-
repos insuffisant et insomnie, avec risque de chute, décompen- tion du mal de l’altitude est de ne pas monter trop vite trop haut :
sation d’une insuffisance cardiaque ou coronarienne. au dessus de 3000 mètres d’altitude, il est conseillé de ne pas dépas-
Les principaux critères de sélection sont l’état cardiovasculaire, ser 300 mètres de dénivelé par jour surtout en début de séjour. Un
respiratoire et ostéoarticulaire. La destination et les modalités sulfamide diurétique (acétazolamide) prévient le mal d’altitude s’il
du voyage sont choisies en fonction de certaines caractéristiques est pris deux jours avant et pendant deux jours à haute altitude.
fournies par le voyagiste : mode de transport, durée du voyage Le seul traitement vraiment efficace est la redescente [53] .
en avion, nombre d’escales, arrivée directe en haute altitude, âge
moyen des autres participants pour les voyages en groupe, rythme
Nutrition et boissons
des visites de monuments, présence d’un temps de repos com-
pensateur à l’arrivée et de journées libres pour récupérer pendant Aliments et boissons sont les principales sources d’infections
le voyage, activités physiques prévues, infrastructures sanitaires bactériennes, virales, parasitaires et d’intoxication. L’hygiène de
locales. Un contrat d’assurance-assistance sanitaire doit être sys- l’alimentation en pays tropical réduit tous ces risques.
tématiquement souscrit par le voyageur, couvrant au minimum L’eau de boisson doit être purifiée par ébullition ou bien filtra-
la prise en charge des frais médicaux sur place et le rapatriement tion et désinfection ou consommée en bouteille encapsulée [54] . À
sanitaire, et ne doit pas exclure les décompensations de maladie moins d’avoir été préparés à partir d’eau pure, les glaçons doivent
chronique. être évités.

8 EMC - Maladies infectieuses


Conseils médicaux aux voyageurs  8-006-P-10

Tout aliment cru, à l’exception des fruits et légumes à enve- À l’intérieur, et au cours de la nuit, la présence d’insectes peut
loppe, et le lait non pasteurisé sont potentiellement dangereux. être diminuée par de nombreux moyens : climatisation, treillis
Les aliments cuits conservés à température ambiante font cou- antimoustiques aux fenêtres, moustiquaire imprégnée (mais elle
rir le même risque. Il faudrait théoriquement s’assurer avant leur est encombrante et nécessite un support pour l’accrocher), dif-
consommation qu’ils ont été fraîchement cuits ou conservés à une fusion d’insecticides (pyréthrinoïdes) sous forme de diffuseurs
température supérieure à 60 ◦ C [27, 28] . électriques (durée de 8 à 10 heures), de plaquettes insecticides
(valable plusieurs jours), de bougies ou spirales autocombustibles
Hygiène corporelle pour l’extérieur (efficaces pendant une dizaine d’heures s’ils n’ont
pas été cassés au moment de la pose). La pulvérisation d’un
La peau, censée protéger l’organisme vis-à-vis de l’extérieur insecticide en bombe a une efficacité limitée à la durée de la pul-
est particulièrement exposée. Les maladies dermatologiques sont vérisation. La vitamine B1, les ultrasons, l’homéopathie, les huiles
fréquentes [24] . Elles sont prévenues par des mesures d’hygiène essentielles n’ont pas montré d’efficacité satisfaisante dans la lutte
corporelle. Se laver fréquemment avec de l’eau et du savon per- antivectoriellle [56] .
mettra d’éviter les dermatoses liées à la chaleur et à l’humidité En ce qui concerne les maladies transmises par les tiques, la
(bourbouille, intertrigos). meilleure prévention est une inspection soigneuse de la peau après
Il est toujours nécessaire de porter des chaussures et sur certaines une randonnée dans une région infestée de tiques pour limiter la
plages d’interposer une natte, entre sable et peau. En Afrique inter- durée du contact à moins de 24 heures. Mais le port de vêtements
tropicale, il faut faire sécher le linge à l’intérieur des pièces, à couvrants et imprégnés d’insecticide est aussi considéré comme
défaut le repasser avec un fer très chaud afin d’éviter tout risque protecteur [56] .
de myiase furonculoïde. Parmi les risques liés aux animaux, la rage est la plus à craindre.
Le contact avec certains végétaux ou bois exotiques peut pro- Dans tous les pays d’endémie, mieux vaut éviter le contact avec les
voquer des dermites aiguës de contact. chiens, les chats domestiques et les animaux sauvages (chauves-
La prévention des risques d’infections cutanées à germes banals souris, chacals, renards, mouffettes, ratons-laveurs, mangoustes,
(staphylocoques, streptocoques) repose sur l’hygiène cutanée et la singes, etc.). Quant aux animaux venimeux, la meilleure façon
prise en charge correcte de toute effraction de la barrière cutanée d’éviter morsures de serpents ou d’araignées, piqûres de scorpions
(désinfection et soins locaux). ou de poissons venimeux, est d’être aussi prudent que respec-
tueux.
Soleil
Il accélère le vieillissement cutané et favorise le développement Infections sexuellement transmissibles et sida
de cancer cutané. Même si c’est surtout de la quantité de soleil
accumulée, notamment pendant l’enfance et l’adolescence, qui La seule manière de prévenir les infections sexuellement trans-
rend compte de l’apparition de cancers à l’âge adulte, il est tou- missibles, dont le syndrome d’immunodéficience acquise (sida),
jours préférable d’éviter les bains de soleil, de ne pas s’exposer est de s’abstenir de relations sexuelles. Sinon, le préservatif, cor-
entre 12 heures et 16 heures solaires et de ne pas utiliser de rectement utilisé, est le moyen le plus efficace. Les autres mesures
produits photosensibilisants (déodorants, cosmétiques, parfums, de prévention de l’infection par le VIH sont les suivantes : refuser
topiques, médicaments). Les sujets roux à peau claire doivent les transfusions sauf nécessité absolue, éviter toutes injections (les
renoncer au bronzage. Les sujets blonds à peau claire s’exposeront vaccinations sont faites avant le départ), ainsi que les tatouages,
plus progressivement que les sujets bruns, sous couvert d’écrans l’acupuncture, les soins dentaires et le percement des oreilles. Ces
solaires. L’application d’antisolaires est astreignante, répétée au mesures sont valables aussi pour la prévention de l’hépatite C [41] .
cours de la journée, recommencée après les bains et la trans- Les personnes sous traitement médical nécessitant des injections
piration. Par ailleurs, ils protègent bien mieux des UVB (coups répétées doivent emporter tout le nécessaire et se munir d’une
de soleil) que des UVA (vieillissement cutané, carcinogénèse). lettre explicative de leur médecin traitant.
Leur utilisation intensive, en permettant une augmentation de
l’exposition solaire et donc de la quantité d’UVA reçue, accroît
peut être le risque de cancer de la peau. La meilleure protection Chimioprophylaxies
est donc l’éviction solaire. Il existe des médicaments photopro-
tecteurs dont la chloroquine, mais ceux-ci ne protègent que des Paludisme
effets liés aux UVB. Le port du chapeau est indispensable en cas La chimioprophylaxie est le complément, parfois indispen-
de calvitie même débutante. sable, de la protection contre les piqûres de moustiques [1, 18, 57] .
Elle est rarement recommandée pour les séjours au Moyen-Orient,
Baignade dans le sous-continent indien, en Asie du Sud-Est, Océanie, et
en Amérique latine. Les recommandations sont plus larges pour
Se laver ou se baigner en eau douce, chaude et stagnante, l’Afrique subsaharienne. Mais, même en Afrique, le danger est
expose, dans certaines régions, au risque de bilharziose en plus variable selon l’itinéraire et l’époque du voyage : moindre en sai-
de la leptospirose et de la naeglériose. son sèche, nul en haute altitude et faible dans les grandes villes.
En eau de mer, et dans certaines régions, se chausser de san- Les pays avec paludisme sont classés en trois groupes selon la pré-
dales ou de palmes permettra de se protéger du corail, autant sence ou non de Plasmodium falciparum, et l’existence ou non de
que des animaux marins venimeux. Les noyades sont une cause chloroquinorésistance voire de multirésistance (Tableau 3) [18] . En
importante de mortalité chez le voyageur. fait, ces résistances sont répandues en foyers dispersés et non en
nappe comme cette représentation schématique pourrait le faire
Nuisances : arthropodes, animaux croire. Il existe donc d’importantes disparités à l’intérieur d’un
Il est indispensable de se protéger efficacement contre les même pays. Les dernières recommandations tentent d’approcher
piqûres et morsures d’arthropodes, vecteurs de nombreuses mala- la finesse épidémiologique de répartition du paludisme.
dies transmissibles (cf. supra). La protection contre les piqûres
d’insectes diffère selon les heures. Arsenal thérapeutique
À l’extérieur (dès la nuit tombée pour le paludisme, Les médicaments utilisables en 2013 à titre préventif
l’encéphalite japonaise, l’infection au virus West Nile, la leish- sont au nombre de cinq (chloroquine, chloroquine–proguanil,
maniose), il faut porter des vêtements amples, clairs, couvrants et atovaquone–proguanil, méfloquine et doxycycline) mais aucun
imprégnés d’insecticides, et appliquer des répulsifs sur les surfaces ne permet actuellement de se protéger avec une certitude abso-
découvertes [55] . Le plus efficace est le diéthyltoluamide (DEET, lue et en toute innocuité. Leur utilisation est plus limitée chez les
dosé à au moins 30 %) qui assure une protection moyenne de enfants, les femmes enceintes et, dans une moindre mesure, chez
quatre heures [56] . Il ne doit pas être appliqué sur de grandes sur- les personnes âgées, du fait d’interactions médicamenteuses ou de
faces, les muqueuses et les plis de flexion. contre-indications.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-006-P-10  Conseils médicaux aux voyageurs

Tableau 4.
Recommandations concernant la chimioprophylaxie du paludisme (d’après [18] ).
Adultes Pays du groupe 0 (zone sans paludisme ou à risque négligeable) Pas de chimioprophylaxie
Pays du groupe I (pas de chloroquinorésistance) Chloroquine (Nivaquine® 100) : 1 comprimé chaque jour (il est
possible aussi de prendre Nivaquine® 300 : 1 comprimé 2 fois par
semaine) pendant le séjour et durant les 4 semaines qui suivent
Pays du groupe II (existence de chloroquinorésistance) Chloroquine (Nivaquine® 100) : 1 comprimé chaque jour et
proguanil (Paludrine® 100) : 2 comprimés chaque jour, en une seule
prise au cours d’un repas pendant le séjour et durant les 4 semaines
qui suivent
Chloroquine + proguanil (Savarine® ) : 1 comprimé par jour pendant
le séjour et durant les 4 semaines qui suivent
Atovaquone + proguanil (Malarone® ) : 1 comprimé par jour pendant
le séjour et durant la semaine qui suit
Pays du groupe III (fréquence de la chloroquinorésistance et Méfloquine (Lariam® 250) : 1 comprimé une fois par semaine
risque de multirésistance) pendant le séjour et durant les 3 semaines qui suivent (tester avant le
départ si la tolérance est correcte)
Atovaquone + proguanil (Malarone® ) : 1 comprimé par jour pendant
le séjour et durant la semaine qui suit
Doxycycline (au-delà de 8 ans et en l’absence de grossesse), à la dose
de 100 mg/j pendant le séjour et durant les 4 semaines qui suivent,
en cas d’intolérance à la méfloquine, au proguanil, à l’atovaquone
ou pour son coût
Femmes Il est déconseillé aux femmes enceintes de se rendre en zone de forte transmission du paludisme ou de multirésistance
enceintes et les (pays du groupe III)
femmes en âge
de procréer
Les indications sont les mêmes que pour l’adulte. Seule la doxycycline est contre-indiquée dans tous les cas. L’association
atovaquone + proguanil peut être envisagée si nécessaire
Femmes en âge de procréer : éviter toute grossesse une semaine après la chimioprophylaxie par doxycycline
Jeunes enfants Placer lits et berceaux dans des moustiquaires imprégnées sans perforation
Les nourrissons doivent recevoir une prophylaxie par la chloroquine et le proguanil
La méfloquine 5 mg/kg/semaine est utilisable chez l’enfant à partir de 15 kg
Des galéniques enfant sont disponibles et adaptées au poids pour l’association atovaquone + proguanil
Garder les antipaludiques (chloroquine) hors d’atteinte des enfants
Consulter immédiatement un médecin en cas de maladie avec ou sans fièvre

Attitude pratique Le traitement prophylactique par antibiotique connaît depuis


En France, on peut se baser sur les recommandations du longtemps des indications plus larges aux États-Unis qu’en
ministère de la Santé [18] (Tableau 4). La chloroquine (débu- France [18, 28, 31] . Si cette approche semble montrer de très bon taux
tée le jour du départ et poursuivie 4 semaines après le retour) de succès avec une efficacité de 80 à 100 %, le risque de sélec-
est recommandée dans les pays du groupe I. Les associations tion de souches résistantes et d’effets secondaires parfois graves
chloroquine–proguanil (débutée le jour du départ et poursuivie n’a pas fait retenir cette approche en France [18, 28, 31] . Une autre
quatre semaines après le retour) ou atovaquone-proguanil (débu- possibilité serait l’utilisation de la rifaximine (non disponible
tée le jour du départ et poursuivie 1 semaine après le retour) en France), antibiotique non absorbé (moins de 0,4 %) et mon-
sont recommandées dans les pays du groupe II. L’association trant, dans certaines études, une efficacité préventive de l’ordre de
atovaquone–proguanil ou la méfloquine (testée à deux reprises au 75 % [58] . Une chimioprophylaxie peut malgré tout être indiquée
moins avant le départ et poursuivie 3 semaines après le retour) ou chez les patients qui doivent à tout prix éviter une trop grande
la doxycycline (débutée le jour du départ et poursuivie 4 semaines perte liquidienne (traitement en cours par digitaliques, diuré-
après le retour) peuvent être recommandées dans les pays du tiques ou antiarythmiques), les patients achlorydriques et ceux
groupe III. présentant une colite inflammatoire chronique. Certains auteurs
Le traitement présomptif peut s’envisager dans certaines étendent les indications de la chimioprophylaxie à un plus grand
conditions, en cas d’isolement géographique (loin d’une nombre de personnes, celles avec maladies sous-jacentes (sida, car-
structure de santé) c’est-à-dire à plus de 12 h d’une consul- diopathie chez les personnes âgées, diabète insulinodépendant,
tation médicale et du diagnostic parasitologique de certi- prise d’inhibiteurs de l’adénosine triphosphatase (ATPase) comme
tude. Le traitement repose alors sur l’association atovaquone- l’oméprazole), aux voyageurs désirant prendre une chimiopro-
proguanil (Malarone® ), ou arthéméter–luméfantrine (Riamet® ) ou phylaxie et à ceux pour lesquels même une diarrhée de courte
dihydroartémisine–piperaquine (Eurartesim® ), plus récemment durée est inacceptable (hommes d’affaire, sportifs, etc.) [28, 31] .
commercialisée. Quand il est indiqué, le traitement prophylactique ne se justifie
que pour des séjours de courte durée. Débutée le jour de l’arrivée,
la chimioprophylaxie est poursuivie deux jours après le retour,
Diarrhée du voyageur sans dépasser une durée totale de trois semaines. De nombreux
Très fréquente au cours du voyage, la diarrhée du voyageur gué- médicaments ont fait la preuve de leur efficacité lors d’études
rit habituellement et spontanément en moins de quatre jours. Elle contrôlées [28, 31] . Parmi eux, et du fait de leur moindre toxicité (en
peut néanmoins avoir des conséquences graves en cas de déper- dehors du risque de photosensibilisation dont le voyageur devra
dition hydroélectrolytique importante. être prévenu), on peut recommander la ciprofloxacine 500 mg/j,

10 EMC - Maladies infectieuses


Conseils médicaux aux voyageurs  8-006-P-10

le sous-salicylate de bismuth (non commercialisé en France) et antibiotiques adaptés au spectre des infections cutanées, respira-
la rifaximine (non commercialisée en France) voire le nifuroxa- toires et digestives (si la possibilité d’une consultation médicale
zide [28, 31] . au cours du voyage semble problématique), écran photoprotec-
teur, répulsifs et antiseptiques cutanés sont les plus utiles. Pour le
Autres chimioprophylaxies traitement de la diarrhée du voyageur, la réhydratation orale est
toujours indispensable et les antibiotiques les plus souvent recom-
Filariose à « Loa loa »
mandables restent les fluoroquinolones (hors contre-indication),
La chimioprophylaxie de la filariose à Loa loa, qui sévit dans par exemple la ciprofloxacine à la posologie de 500 mg deux fois
le bloc forestier centrafricain, repose sur la prise hebdomadaire de par jour pendant 1 à 5 jours selon la gravité [18] . Les antiseptiques
300 mg de diéthylcarbamazine (Notézine® ) pendant toute la durée intestinaux comme le nifuroxazide n’ont pas fait la preuve de
du séjour ou 200 mg, deux fois par jour, trois jours de suite tous leur efficacité dans cette indication. Les inhibiteurs de la motri-
les mois [59] . Elle est exceptionnellement indiquée chez certains cité intestinale (lopéramide, diphenoxylate) ainsi que les dérivés
coopérants à risque (agronomes, forestiers, etc.) et jamais chez le de l’hydroxyquinoléine (clioquinol, iodoquinol) sont inefficaces
voyageur. ou dangereux en cas de diarrhée présentant des caractères inva-
Mal des transports sifs (sang, pus) [60, 61] . En revanche, ils rendent des services en cas
Plusieurs médicaments le préviennent. Leur efficacité est de diarrhée modérée sans critère de gravité et lorsque le recours
probablement équivalente et tous ont des effets secondaires (som- aux toilettes est impossible (voyage en bus, absence de toilettes,
nolence ou effets liés à leur composante atropinique). Les plus etc.) [62] .
anciennement utilisés sont les antihistaminiques, par exemple la Si l’état clinique est inquiétant le recours au médecin local
cyclizine. La scopolamine (Scopoderm TTS® ), atropinique par voie est essentiel et le voyageur n’a pas vocation à se substituer au
transcutanée, a pour elle l’avantage d’induire moins de somno- médecin (danger des autodiagnostics erronés et des traitements
lence, et d’avoir une durée de vie prolongée mais l’inconvénient inadéquats).
de son effet atropinique avec les contre-indications et les précau-
tions d’emploi qui en découlent.
Mal d’altitude
 Conclusion
La meilleure prévention reste une ascension lente et progres- Le tryptique préventif – vaccination, hygiène, chimioprophy-
sive. Néanmoins, une prophylaxie est possible par l’acétazolamide laxie – explique le recul des maladies infectieuses dans la mortalité
à la dose de 125 à 250 mg, deux fois par jour, débutée deux et la morbidité du voyageur. La pathologie du voyageur est tou-
jours avant l’arrivée et poursuivie les deux jours suivants. Une jours dominée par la diarrhée du voyageur mais d’autres maladies
telle chimioprophylaxie ne dispense pas pour autant de redes- plus courantes et moins exotiques émergent : infections des voies
cendre à une altitude inférieure en cas de malaise, cette descente aériennes, dermatoses, pathologie psychiatrique, mal d’altitude,
constituant le seul traitement raisonnable du mal de l’altitude [53] . mal des transports, etc.
L’acétazolamide connaît les mêmes précautions d’emploi que les Un effort particulier doit maintenant viser à diminuer la morta-
autres sulfamides en plus de celles des diurétiques. lité liée aux accidents de la voie publique et aux noyades qui sont
Lucite estivale bénigne et la lucite polymorphe les principales causes évitables de décès en voyage.
Ces dermatoses induites par le soleil, peuvent être prévenues,
dans une certaine mesure, par les antipaludéens de synthèse (chlo-
roquine, hydroxychloroquine), l’acide para-amino-benzoïque, le  Références
bêtacarotène ou la puvathérapie. Le traitement doit être débuté
15 jours avant le départ et poursuivi pendant toute la durée de [1] Caumes E. Santé et voyages. Paris: Flammarion Médecine Sciences;
l’exposition solaire. 2001.
[2] Steffen R. Travel medicine – prevention based on epidemiological data.
Trans R Soc Trop Med Hyg 1991;85:156–62.
Pharmacie de voyage [3] Ryan ET, Wilson ME, Kain KC. Illness after international travel. N Engl
J Med 2002;347:505–16.
Il n’existe pas de pharmacie de voyage type et celle-ci sera [4] Steffen R, Amitirigala I, Mutsch M. Health risks among travelers – need
établie en fonction des antécédents médicaux, des chimiopro- for regular updates. J Travel Med 2008;15:145–6.
phylaxies envisagées et des différents problèmes médicaux que [5] Steffen R, Rickenbach M, Wilhelm U, Helminger A, Schar M. Health pro-
le voyageur aura à résoudre. Au cours des transports, les médica- blems after travel to developing countries. J Infect Dis 1987;156:84–91.
ments seront répartis entre bagages à main avec certificat médical [6] Bruni M, Steffen R. Impact of travel-related health impairments. J Travel
pour le passage des contrôles de sécurité (pour les médicaments Med 1997;4:61–4.
indispensables ne pouvant être mis en soute) et bagages en soute. [7] Rack J, Wichmann O, Kamara B. Risk and spectrum of diseases in tra-
velers to popular tourist destinations. J Travel Med 2005;12:248–53.
Les traitements habituels doivent être prescrits en quantité suf-
[8] Winer L, Alkan M. Incidence and precipitating factors of morbidity
fisante, couvrant une période plus longue que celle du voyage.
among Israeli travelers abroad. J Travel Med 2002;9:227–32.
L’ordonnance habituelle sera éventuellement revue en fonc- [9] Hill DR. Health problems in a large cohort of Americans traveling to
tion des risques encourus comme la chaleur (diurétiques), le developing countries. J Travel Med 2000;7:259–66.
soleil (médicaments photosensibilisants, notamment les fluoro- [10] Freedman DO, Weld LH, Kozarsky PE. Spectrum of disease and rela-
quinolones) ou des traitements recommandés (méfloquine et tion to place of exposure among ill returned travelers. N Engl J Med
bêtabloquants par exemple). 2006;354:119–30.
Diarrhée, infections aiguës des voies aériennes supérieures et [11] Ansart S, Perez L, Vergely O, Danis M, Bricaire F, Caumes E. Illnesses in
dermatoses sont les pathologies les plus souvent observées au travelers returning from the tropics: a prospective study of 622 patients.
cours du voyage avec les réactions aux piqûres et morsures J Travel Med 2005;12:312–8.
d’arthropodes, les dermatoses solaires, les blessures accidentelles. [12] Hargarten SW, Baker TD, Guptill K. Overseas fatalities of United States
Les morsures animales, les hépatites virales, les parasitoses intes- citizen travelers: an analysis of deaths related to international travel. Ann
tinales, le paludisme (en Afrique), les maladies sexuellement Emerg Med 1991;20:622–6.
transmissibles, mais aussi la constipation, les hémorroïdes, les pro- [13] MacPherson DW, Guerillot F, Streiner DL, Ahmed K, Gushulak BD,
Pardy G. Death and dying abroad: the Canadian experience. J Travel
blèmes dentaires ou le syndrome grippal sont plus rares [1, 2, 4] . Faire
Med 2000;7:227–33.
face à ces maux est relativement facile avec peu de médicaments. [14] Jeannel D, Allain-loos S, Bonmarin I. Les décès de français lors d’un
La plupart des médicaments essentiels, peuvent être trouvés sur séjour à l’étranger et leur causes. Bull Epidemiol Hebd 2006;(n◦ 23-
place mais la fréquence des contrefaçons doit faire préférer un 24):166–8.
approvisionnement avant le départ. Antalgiques, antipyrétiques, [15] Ansart S, Perez L, Jaureguiberry S, Danis M, Bricaire F, Caumes E.
antidiarrhéiques moteurs (à utiliser seulement en cas de diar- Spectrum of dermatoses in 165 travelers returning from the tropics with
rhée non invasive) et antisecrétoires intestinaux, antipaludéens, skin diseases. Am J Trop Med Hyg 2007;76:184–6.

EMC - Maladies infectieuses 11


8-006-P-10  Conseils médicaux aux voyageurs

[16] Hochedez P, Caumes E. Common skin infections in travelers. J Travel [40] Sonder GJ, van Rijckevorsel GG, van den Hoek A. Risk of hepatitis B for
Med 2008;15:252–62. travelers: is vaccination for all travelers really necessary? J Travel Med
[17] Freedman DO. Clinical practice. Malaria prevention in short-term trave- 2009;16:18–22.
lers. N Engl J Med 2008;359:603–12. [41] Jaureguiberry S, Grandiere-Perez L, Ansart S, Laklache H, Metivier S,
[18] CMVI-HCSP. Recommandations sanitaires pour le voyageur, 2012. Bull Caumes E. Acute hepatitis C virus infection after a travel in India. J Travel
Epidemiol Hebd 2012;(20–21):223–53. Med 2005;12:55–6.
[19] Schmid S, Chiodini P, Legros F. The risk of malaria in travelers to India. [42] WHO. Expert Consultation on Rabies, First Report, Who Technical
J Travel Med 2009;16:194–9. Series. 2005(vol 931).
[20] van Rijckevorsel GG, Sonder GJ, Geskus RB. Declining incidence of [43] Ansart S, Pajot O, Grivois JP. Pneumonia among travelers returning from
imported malaria in the Netherlands, 2000-2007. Malar J 2010;9:300. abroad. J Travel Med 2004;11:87–91.
[21] Chen LH, Wilson ME. Dengue and chikungunya infections in travelers. [44] Mutsch M, Tavernini M, Marx A. Influenza virus infection in travelers to
Curr Opin Infect Dis 2010;23:438–44. tropical and subtropical countries. Clin Infect Dis 2005;40:1282–7.
[22] Hochedez P, Canestri A, Guihot A, Brichler S, Bricaire F, Caumes E. [45] Hussenet C, Jaureguiberry S, Robert J, Rouby JJ, Bricaire F, Caumes E.
Management of travelers with fever and exanthema, notably dengue and Multidrug-resistant Acinetobacter baumannii infections in three returning
chikungunya infections. Am J Trop Med Hyg 2008;78:710–3. travelers evacuated from Algeria, Thailand, and Turkey after hospitaliza-
[23] Fischer M, Lindsey N, Staples JE, Hills S. Japanese encephalitis vaccines: tion in local intensive care units. J Travel Med 2011;18:358–60.
recommendations of the Advisory Committee on Immunization Practices [46] Lepelletier D, Andremont A, Grandbastien B. Risk of highly resistant
(ACIP). MMWR Recomm Rep 2010;59:1–27. bacteria importation from repatriates and travelers hospitalized in foreign
[24] Caumes E, Carriere J, Guermonprez G, Bricaire F, Danis M, Gentilini countries: about the French recommendations to limit their spread. J
M. Dermatoses associated with travel to tropical countries: a prospective Travel Med 2011;18:344–51.
study of the diagnosis and management of 269 patients presenting to a [47] Lindsey NP, Schroeder BA, Miller ER. Adverse event reports following
tropical disease unit. Clin Infect Dis 1995;20:542–8. yellow fever vaccination. Vaccine 2008;26:6077–82.
[25] Lescure FX, Canestri A, Melliez H. Chagas disease, France. Emerg Infect [48] Monath TP, Cetron MS. Prevention of yellow fever in persons traveling
Dis 2008;14:644–6. to the tropics. Clin Infect Dis 2002;34:1369–78.
[26] Gautret P, Clerinx J, Caumes E, Simon F, Jensenius M, Loutan L, et al. [49] Behrens RH. Changing epidemiology of hepatitis A: time for vaccination
Imported human African trypanosomiasis in Europe, 2005-2009. Euro in childhood. J Travel Med 2001;8:105.
Surveill 2009;14, pii:19327. [50] Luna LK, Panning M, Grywna K, Pfefferle S, Drosten C. Spec-
[27] DuPont HL, Ericsson CD, Farthing MJ. Expert review of the evidence trum of viruses and atypical bacteria in intercontinental air travelers
base for prevention of travelers’ diarrhea. J Travel Med 2009;16:149–60. with symptoms of acute respiratory infection. J Infect Dis 2007;195:
[28] Cailhol J, Bouchaud O. Turista: travelers’ diarrhea. Presse Med 675–9.
2007;36:717–22. [51] INVS. Avis du Conseil supérieur d’hygiène publique de France (Section
[29] Steffen R, Tornieporth N, Clemens SA. Epidemiology of travelers’ diar- des maladies transmissibles) relatif à la vaccination antirabique préven-
rhea: details of a global survey. J Travel Med 2004;11:231–7. tive, au traitement post-exposition au suivi sérologique des personnes
[30] DuPont AW. Postinfectious irritable bowel syndrome. Clin Infect Dis régulièrement exposées au virus de la rage des chauves-souris en France
2008;46:594–9. métropolitaine. Bull Epidemiol Hebd 2005;(29–30):151–2.
[31] Diemert DJ. Prevention and self-treatment of traveler’s diarrhea. Clin [52] Scurr JH, Machin SJ, Bailey-King S, Mackie IJ, McDonald S, Smith
Microbiol Rev 2006;19:583–94. PD. Frequency and prevention of symptomless deep-vein thrombosis in
[32] Jiang ZD, Okhuysen PC, Guo DC. Genetic susceptibility to enteroag- long-haul flights: a randomised trial. Lancet 2001;357:1485–9.
gregative Escherichia coli diarrhea: polymorphism in the interleukin-8 [53] Luks AM, McIntosh SE, Grissom CK. Wilderness Medical Society
promotor region. J Infect Dis 2003;188:506–11. consensus guidelines for the prevention and treatment of acute altitude
[33] Jiang ZD, Dupont HL, Brown EL. Microbial etiology of travelers’ illness. Wilderness Environ Med 2010;21:146–55.
diarrhea in Mexico, Guatemala, and India: importance of enterotoxi- [54] Schlosser O. Drinking water for travelers. Med Trop 1999;59:125–8.
genic Bacteroides fragilis and Arcobacter species. J Clin Microbiol [55] Fradin MS, Day JF. Comparative efficacy of insect repellents against
2010;48:1417–9. mosquito bites. N Engl J Med 2002;347:13–8.
[34] Adachi JA, Jiang ZD, Mathewson JJ. Enteroaggregative Escherichia coli [56] PPAV Working group. Personal protection against biting insects and ticks.
as a major etiologic agent in traveler’s diarrhea in 3 regions of the world. Parasite 2011;18:93–111.
Clin Infect Dis 2001;32:1706–9. [57] Wyler DJ. Malaria chemoprophylaxis for the traveler. N Engl J Med
[35] Caumes E, Ehya N, Nguyen J, Bricaire F. Typhoid and paratyphoid fever: 1993;329:31–7.
a 10-year retrospective study of 41 cases in a Parisian hospital. J Travel [58] DuPont HL, Jiang ZD, Okhuysen PC. A randomized, double-blind,
Med 2001;8:293–7. placebo-controlled trial of rifaximin to prevent travelers’ diarrhea. Ann
[36] Dubois F, Thevenas C, Caces E. Seroepidemiology of hepatitis A in six Intern Med 2005;142:805–12.
departments in West-Central France in 1991. Gastroenterol Clin Biol [59] Nutman TB, Miller KD, Mulligan M. Diethylcarbamazine prophylaxis
1992;16:674–9. for human loiasis. Results of a double-blind study. N Engl J Med
[37] Couturier E, Letort M, Roque A, Dussaix E, Delarocque-Astagneau E. 1988;319:752–6.
Acute hepatitis A surveillance in France, 2006. First year of mandatory [60] Caumes E, Menegaux F, Hoang C, Duhem C, Bricaire F, Chigot JP. From
notification. Bull Epidemiol Hebd 2007;(29–30):253–5. travelers’ diarrhea to abdominal surgery: report of three cases. J Travel
[38] Nokleby H, De Carvalho Gomes H, Johansen K, Kreidl P. Protection Med 2004;11:117–9.
against poliomyelitis in Europe. Euro Surveill 2010;15, pii:19556. [61] Li ST, Grossman DC, Cummings P. Loperamide therapy for acute diarrhea
[39] Oostvogel PM, van Wijngaarden JK, van der Avoort HG. Poliomyelitis in children: systematic review and meta-analysis. PLoS Med 2007;4:e98.
outbreak in an unvaccinated community in The Netherlands, 1992-93. [62] DuPont HL, Ericsson CD, Farthing MJ. Expert review of the evidence
Lancet 1994;344:665–70. base for self-therapy of travelers’ diarrhea. J Travel Med 2009;16:161–71.

S. Jauréguiberry, Praticien hospitalier (stephane.jaureguiberry@psl.aphp.fr).


Service des maladies infectieuses et tropicales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
E. Caumes, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service des maladies infectieuses et tropicales, Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière, 47, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris, France.
Faculté de médecine Pierre et Marie Curie, Site La Pitié-Salpêtrière, 91-105, boulevard de l’Hôpital, 75634 Paris, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Jauréguiberry S, Caumes E. Conseils médicaux aux voyageurs. EMC - Maladies infectieuses 2013;10(2):1-12
[Article 8-006-P-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Maladies infectieuses


IV - Infections Bactériennes
 8-007-A-10

Infections à staphylocoques : aspects


physiopathologiques, bactériologiques
et cliniques
M. Brière, D. Boutoille, J. Caillon, G. Potel, E. Batard

Les staphylocoques sont des bactéries commensales de l’homme qui constitue leur réservoir principal. On
distingue Staphylococcus aureus, qui colonise la peau et les muqueuses de 20 à 30 % de la population
générale, et les staphylocoques à coagulase négative (Staphylococcus epidermidis principalement) pré-
sents chez l’ensemble de l’espèce humaine. Les premiers sont caractérisés par leurs nombreux facteurs de
virulence. Ils présentent en effet de multiples adhésines de surface appelées microbial surface component
reconizing adhesive matrix molecules (MSCRAMM), sécrètent de nombreuses enzymes (coagulases,
protéases, etc.) et des toxines spécifiques (exfoliatines, toxic shock syndrome toxin 1 [TSST-1], leucoci-
dine de Panton Valentine [LPV], etc.). Ils ont également la capacité d’interférer de multiples manières avec
la réponse immunitaire innée de l’hôte pour échapper à celle-ci. Tous ces facteurs de virulence favorisent
leur pathogénicité leur permettant d’être à l’origine, après effraction cutanéomuqueuse, d’infections sup-
puratives diverses localisées ou métastatiques, mais aussi d’infections toxiniques spécifiques. L’évolution
des infections à S. aureus en l’absence de traitement adapté est le plus souvent rapidement sévère.
Actuellement, leur prise en charge est facilitée par l’essor de nouvelles techniques diagnostiques utilisées
en microbiologie (spectrométrie de masse matrix-assisted laser desorption ionisation-time of flight
[MALDI-TOF], biologie moléculaire, etc.). L’émergence de S. aureus résistant à la méticilline au sein des
structures de soins, mais aussi dans le milieu communautaire, rend leur prise en charge parfois difficile.
Les staphylocoques à coagulase négative, quant à eux, ont longtemps été considérés comme des conta-
minants du fait de leur caractère commensal et de leur faible nombre de facteurs de virulence. Cependant,
leur rôle pathogène n’est aujourd’hui plus à démontrer. Ils sont principalement à l’origine d’infections
nosocomiales torpides, particulièrement chez des patients immunodéprimés et/ou porteurs de matériel
étranger. Leur physiopathologie, moins bien connue, implique principalement la formation de biofilm et
l’échappement immunitaire.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Staphylococcus aureus ; Staphylocoques à coagulase négative ; Physiopathologie ; Colonisation ;


Biofilm

Plan ■ Aspects cliniques des infections staphylococciques 5


Infections dues à Staphylococcus aureus 5
■ Introduction 1 Infections dues aux staphylocoques à coagulase négative 6
■ Conclusion 7
■ Physiopathologie : du portage à l’infection 2
Portage cutanéomuqueux 2
Adhésion et formation de biofilm 2
Relations avec le système immunitaire 2
Enzymes et toxines 3  Introduction
Régulation des gènes de virulence 3
Particularités des staphylocoques à coagulase négative 4 Les staphylocoques sont des bactéries ubiquitaires, dont le réser-

voir principal est l’homme. Très résistants, ils sont fréquemment
Diagnostic microbiologique 4
Bactériologie classique 4 retrouvés dans l’environnement. À ce jour, 49 espèces différentes
Sensibilité aux antibiotiques 4 ont été identifiées, dont 17 ont déjà été isolées chez l’homme [1, 2] .
Apport des nouvelles techniques de bactériologie 4 La plupart des souches isolées chez l’homme appartiennent aux
espèces dites « staphylocoques à coagulase négative » (SCN) qui

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 11 > n◦ 4 > novembre 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(14)64845-6
8-007-A-10  Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques, bactériologiques et cliniques

font partie de la flore cutanéomuqueuse et colonisent l’ensemble collagène, les protéines de liaison à la fibronectine ou encore les
des individus. Néanmoins, dans certains contextes, les SCN clumping factor A et B (ClfA et B) qui se lient au fibrinogène. Ces
peuvent être des pathogènes typiquement opportunistes. À côté MSCRAMM jouent un rôle majeur dans la physiopathologie des
de ces espèces commensales peu pathogènes, 30 % des individus infections. Le ClfB a un rôle primordial dans la colonisation de
sont colonisés par une espèce de staphylocoque plus virulente l’épithélium nasal [12] . La plupart des MSCRAMM sont isolées sur
produisant une coagulase : Staphylococcus aureus [3] . Celui-ci est un l’ensemble des souches de S. aureus, les SCN en expriment moins.
pathogène majeur de l’homme, à l’origine de pathologies sou- Après cette étape initiale d’adhésion, les bactéries se divisent,
vent sévères aussi bien dans la communauté que dans les milieux s’accumulent et de multiples interactions intercellulaires se
de soins [4] . L’incidence des infections à S. aureus est élevée, avec mettent en place. Cela aboutit à la formation d’une structure
une tendance à la hausse depuis une vingtaine d’années. Parallè- appelée biofilm, composée d’un ensemble de bactéries formant
lement à cette augmentation d’incidence, des difficultés de prise plusieurs couches, enchâssées dans une matrice extracellulaire
en charge sont apparues, liées à la dissémination de souches polymérique qu’elles sécrètent, adhérentes entre elles et à un
résistantes sous pression de sélection antibiotique. La meilleure support inerte ou vivant. Si la production de biofilm concerne
compréhension de la physiopathologie des infections à staphylo- surtout les SCN, il est aussi formé par S. aureus, particulièrement
coques est donc devenue un sujet de préoccupation majeur. dans les contextes d’infections chroniques ou sur matériel. La
formation du biofilm implique la production d’un polysaccha-
ride extracellulaire : le polysaccharide intercellular adhesin (PIA)
 Physiopathologie : du portage dont l’expression dépend de l’opéron ica, et qui va permettre
d’amalgamer les staphylocoques entre eux [13] . La formation du
à l’infection PIA a donc un rôle majeur dans la formation du biofilm. Cepen-
dant, certaines souches sont capables de produire du biofilm sans
La physiopathologie des infections à S. aureus est principale- PIA. Ces souches, même si elles restent rares, témoignent de la
ment abordée. Celle des infections à SCN moins bien décrite est complexité des mécanismes de formation et de régulation du bio-
abordée en fin de chapitre. film. Il semble que les biofilms produits par les SCN contiennent
beaucoup plus de PIA que ceux produits par S. aureus. Le biofilm
n’est pas une structure inerte, mais un ensemble complexe orga-
Portage cutanéomuqueux nisé en trois dimensions et traversé de canaux nutritifs. Après une
phase de maturation du biofilm, les bactéries vont pouvoir se déta-
Avant d’être une espèce pathogène, S. aureus colonise 30 % des
cher de cette formation complexe par l’intermédiaire de protéases
individus de la population générale en l’absence de toute symp-
et de nucléases favorisant ainsi la diffusion de l’infection [14] . Les
tomatologie [3] . Sa niche écologique principale se situe dans les
phenol soluble modulin (PSM), qui sont des exotoxines, semblent
fosses nasales antérieures, au niveau du vestibule. Il peut éga-
avoir un rôle majeur dans la maturation et le détachement du
lement coloniser la peau et les muqueuses à différents niveaux
biofilm.
(aisselles, périnée, mains, tube digestif, etc.) [5, 6] . Les déterminants
du portage de S. aureus sont multiples. Certains sont liés à l’hôte
comme le fait d’être un homme, diabétique, dialysé, toxicomane,
séropositif pour le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) Relations avec le système immunitaire
ou d’avoir reçu une antibiothérapie préalable [3] . D’autres sont liés
S. aureus a élaboré de multiples stratégies pour déjouer les méca-
à l’environnement ou à la bactérie elle-même [7] . La transmission
nismes de défense immunitaire innée de l’hôte qu’il colonise
croisée des souches de S. aureus entre individus est favorisée par
et/ou infecte [15, 16] . L’immunité innée constitue la première ligne
le manuportage. Parmi les individus porteurs, différents types de
de défense vis-à-vis des agents pathogènes. Elle a un rôle fonda-
portage sont décrits. Les études de suivi de cohorte ont en effet
mental pour éviter la colonisation et les infections bactériennes.
objectivé qu’il existait des individus non porteurs (environ 50 %
Elle met en jeu des mécanismes constitutifs, comme la barrière
de la population), d’autres porteurs intermittents (environ 30 %)
cutanéomuqueuse, la sécrétion de peptides antimicrobiens catio-
et, enfin, des porteurs permanents (15 à 30 % selon les études) [3, 6] .
niques (défensines, phospholipase A2, lactoferrine), la sécrétion
Ces différents statuts de portage font l’objet de controverses, cer-
de lysozyme ou la phagocytose. Elle met également en jeu des
tains suggèrent que les porteurs intermittents et les non-porteurs
mécanismes inductibles. La réponse inflammatoire est déclen-
peuvent être regroupés dans une même catégorie [8] . L’intérêt porté
chée par les interactions entre des composants infectieux avec
à cette notion de portage est lié au fait que les individus por-
des récepteurs cellulaires ou solubles (complément). Les cytokines
teurs de S. aureus ont un risque plus important de développer des
pro-inflammatoires et l’activation du complément permettent
infections staphylococciques que les non-porteurs [9] . L’incidence
ensuite le recrutement des cellules immunitaires au site inflam-
des infections est en effet plus élevée parmi les porteurs ; elle est
matoire et la production d’opsonines avant la phase d’immunité
réduite après éradication temporaire du portage nasal par applica-
acquise. S. aureus peut interférer avec de nombreuses étapes de
tion locale de mupirocine chez les patients hémodialysés et chez
cette réaction. Il a d’abord la possibilité de neutraliser l’action
ceux devant subir une chirurgie cardiaque [9, 10] . Par ailleurs, dans
de certaines défensines, d’une part, en modifiant l’affinité de
plus de 80 % des cas, les souches isolées au niveau nasal et au site
sa paroi pour les cations (en neutralisant les charges négatives),
de l’infection sont identiques [11] . Dans les conditions physiolo-
d’autre part, en produisant des peptides qui vont interagir direc-
giques, la peau et les muqueuses forment une barrière de défense
tement avec certaines défensines comme la staphylokinase (SAK)
contre les staphylocoques. Le processus infectieux survient chez
ou l’auréomycine. Cette résistance aux peptides antimicrobiens
les individus porteurs à l’occasion d’une rupture de cette bar-
permet la survie de la bactérie en intracellulaire, au sein du phago-
rière, par des plaies traumatiques, trophiques ou iatrogènes, ou
some. S. aureus a également une résistance au lysozyme. La catalase
par l’invasion de structures cutanées tels les follicules pilo-sébacés
et les pigments caroténoïdes lui confèrent par ailleurs un certain
ou les glandes sudoripares. Dans le cas des pathologies toxiniques
degré de résistance aux dérivés oxydatifs. Certains autres produits
tel le choc toxique staphylococcique, seule la toxine la franchit.
de S. aureus interagissent directement avec le système du complé-
ment ; c’est par exemple le cas des staphylococcus complement
Adhésion et formation de biofilm inhibitors (SCIN), de extracellular fibrinogen binding protein (Efb), ou
de la SAK qui peut cliver l’interaction C3b/immunoglobulines G
Pour qu’une bactérie colonise un tissu, il faut d’abord qu’elle (IgG).
puisse y adhérer. S. aureus possède de nombreuses adhésines de S. aureus inhibe également le recrutement des polynucléaires
surface appelées microbial surface component reconizing adhesive neutrophiles (PNN) au site de l’infection, par la sécrétion
matrix molecules (MSCRAMM) qui lui permettent d’adhérer à une d’inhibiteurs du chimiotactisme des PNN comme les chemotaxis
grande variété de protéines de l’hôte. Les principales sont la inhibitory protein of S. aureus (CHIPS), ou encore en empêchant cer-
protéine A qui permet la liaison au facteur Willebrand présent taines interactions membranaires, par l’intermédiaire notamment
au niveau des endothéliums lésés, les protéines de liaison au de l’extracellular adherence protein (Eap) limitant ainsi la fixation, la

2 EMC - Maladies infectieuses


Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques, bactériologiques et cliniques  8-007-A-10

diapédèse puis l’extravasation des PNN. Certaines toxines comme l’infection car, d’une part, ils participent à la persistance de la
la leucocidine de Panton Valentine (LPV) sécrétées par certaines bactériémie et, d’autre part, ces thrombi très riches en bactéries
souches ont la capacité de provoquer directement la lyse des PNN. peuvent être lysés par la SAK avec un risque majeur de métastases
S. aureus dispose également de multiples mécanismes pour évi- septiques secondaires.
ter la phagocytose. Ainsi, plus de 90 % des souches de S. aureus Parmi les protéines de membrane actives, les hémolysines (ou
isolées en clinique élaborent une capsule polysaccharidique dont toxines) α, β, γ et δ ont la propriété de lyser les érythrocytes et,
11 sérotypes ont été rapportés. Cette capsule modifie la recon- d’une façon générale, les cellules eucaryotes. Les hémolysines α
naissance des motifs bactériens par les récepteurs dédiés (pathogen et δ entraînent en effet la formation de pores membranaires, alors
recognition receptors [PRR]) et protège de la lyse directe médiée par que la β-hémolysine est une sphingomyélinase [21] . L’hémolysine ␥
le complément. Certaines capsules (types 5 et 8) représentent plus peut également lyser les leucocytes. La LPV est une enzyme à deux
de 80 % des souches isolées en clinique, d’où la réalisation d’essais composants peptidiques, les composants S et F, codés respective-
vaccinaux ciblant ces capsules particulières [17] . ment par les gènes luk-S-PV et luk-F-PV. La LPV appartient à la
La protéine A, présente dans la paroi de l’ensemble des S. aureus famille des « pore-forming toxins ». La principale cible de la LPV
est un superantigène (SAg). Les SAg sont des protéines qui ont la est le PNN. Avant de le lyser, la LPV l’active, induisant la libéra-
capacité de lier directement le fragment Fc des anticorps (partie tion de substances chimiotactiques (interleukine 8 et leucotriène
constante) empêchant ainsi l’opsonisation. Les SAg peuvent égale- B4), d’enzymes et de dérivés de l’oxygène [22] . Il en résulte une
ment contourner l’interaction hautement spécifique entre cellule nécrose tissulaire et l’abcédation, à l’origine d’infections invasives
présentatrice d’antigène (CPA) et lymphocytes T (LT) par fixation sévères (cf. « Aspects cliniques des infections staphylococciques »).
directe et simultanée sur une chaîne ␤ (non spécifique) des récep- En France, la prévalence des souches sécrétant la LPV reste rare,
teurs des LT et sur une zone également aspécifique d’une molécule malgré l’émergence de clones de S. aureus communautaires résis-
du complexe majeur d’histocompatibilité de type II. Cette inter- tant à la méticilline (SARM-C) produisant la LPV [23] . À l’inverse,
action forcée, qui s’établit entre la CPA et les LT, provoque une aux États-Unis, le clone USA300 est devenu en peu de temps le
stimulation polyclonale aspécifique des LT, à l’origine d’un relar- clone majoritaire dans les infections communautaires de la peau
gage massif de cytokines entraînant une réponse inflammatoire et des parties molles [24] .
disproportionnée. S. aureus produit trois types de SAg : la protéine D’autres toxines peuvent également être produites par S. aureus.
A, les entérotoxines et la toxic shock syndrome toxin 1 (TSST-1). La Les exfoliatines A et B ont pour cible la desmogléine-1 [25] .
protéine A est également un puissant immunomodulateur. ClfA Cette glycoprotéine du desmosome est impliquée dans l’adhésion
apparaît également comme un facteur s’opposant à la phago- intercellulaire au sein du derme superficiel. Le clivage de la
cytose par sa capacité à enrober les bactéries d’une couche de desmogléine-1 par les toxines exfoliatives interrompt les ponts
fibrinogène, limitant ainsi l’opsonisation. intercellulaires, aboutissant à la formation de bulles. Les patho-
La coagulase de S. aureus va par ailleurs pouvoir se lier à la logies associées à cette toxine sont le syndrome d’exfoliation
prothrombine et former un complexe : la staphylothrombine généralisée et l’impétigo bulleux. Moins de 2 % des souches de
qui entraîne la polymérisation du fibrinogène en fibrine et la portage peuvent sécréter ces exfoliatines [26] . Parmi les autres types
formation d’un caillot, protégeant également la bactérie de la de toxines sécrétées par S. aureus, deux ont des propriétés super-
phagocytose. antigéniques. Il s’agit des entérotoxines, d’une part, et de la
Le biofilm interagit également avec la réponse immunitaire. En TSST-1, d’autre part. S. aureus arbore plus de 15 entérotoxines
effet, les bactéries, en particulier celles situées dans les couches différentes, les plus fréquentes sont SEA, SEB et SEC et sont à
les plus profondes du biofilm sont peu accessibles aux anti- l’origine de symptômes gastro-intestinaux. La TSST-1, quant à elle,
biotiques et au système immunitaire. De plus, au sein d’un est à l’origine du syndrome de choc toxique staphylococcique.
biofilm, les conditions particulières de pH, d’osmolarité ou encore Dix à 20 % des souches de portage contiennent les gènes codant
d’oxygénation, mais aussi la régulation du métabolisme bactérien la TSST-1, cependant, celle-ci n’est sécrétée que dans des condi-
à la baisse, avec multiplication minimale sont à l’origine d’une tions bien particulières, expliquant la rareté des chocs toxiques
moindre sensibilité aux traitements antibiotiques [18] . staphylococciques. Ces toxines agissent principalement par effet
La réaction immunitaire adaptative qui se met ensuite en superantigène, expliquant la brutalité des symptômes des mala-
place repose sur la reconnaissance des anticorps. Ceux-ci recon- dies reliées. Les symptômes du choc toxique staphylococcique et
naissent de nombreux constituants de S. aureus, en particulier le syndrome de fuite capillaire qui lui est associé, sont attribués
les acides teichoïques, le peptidoglycane, des adhésines de sur- au relargage massif de cytokines de type Th1 ; la susceptibilité
face, les polysaccharides capsulaires, etc. Ces anticorps, et la de certains individus à cette toxine pourrait être associée à leur
mémoire immunitaire, semblent cependant insuffisants pour incapacité à synthétiser des anticorps spécifiques [27] .
empêcher la survenue de nouvelles infections. Plusieurs essais
d’immunothérapie ou de vaccination ont été initiés ces dernières
années, dont aucun n’a actuellement abouti à la phase de com- Régulation des gènes de virulence
mercialisation [19] . Enfin, comme il a été mentionné ci-dessus,
grâce à sa résistance aux peptides antimicrobiens, mais aussi à S. aureus possède trois grandes familles de régulateurs qui per-
d’autres mécanismes mal élucidés à ce jour, notamment à un mettent à la bactérie de contrôler l’expression de ses facteurs de
changement de phénotype, S. aureus peut survivre à l’intérieur virulence en fonction de son environnement.
de certaines cellules eucaryotes [20] . Il reste ainsi à « l’abri » des Les plus connus sont le système accessory gene regulator (agr) et
effecteurs de l’immunité et des antibiotiques qui diffusent mal en les systèmes de régulation à deux composants [28] . Le système agr
intracellulaire. Ce phénotype appelé small colony variants (SCV) a est composé d’un système de quorum sensing (agrD et B) qui réagit
surtout été décrit pour S. aureus, mais également pour Staphylococ- à la densité bactérienne. Il agit par le biais d’un système à deux
cus epidermidis. composants (agrA et C), qui contrôlent la transcription d’un acide
ribonucléique (ARN) régulateur (ARNIII). En phase de croissance
bactérienne, lorsque l’inoculum bactérien est faible, il n’intervient
Enzymes et toxines pas, mais lorsque l’inoculum est élevé, il réprime l’expression des
facteurs d’adhésion et des protéines associées à la paroi et contrôle
S. aureus produit nombre d’exoenzymes, de protéines de mem- positivement l’expression des exoenzymes et toxines staphylo-
brane actives (hémolysine et leucocidine) et de toxines impliquées cocciques favorisant ainsi l’extension locorégionale de l’infection
dans sa virulence. Ces exoenzymes ont des activités protéase, hya- et sa dissémination. Le système agr est le système de régulation
luronidase, collagénase, lipase, élastase ou encore nucléase. Elles central. D’autres systèmes de régulation à deux composants sont
sont impliquées dans la destruction des tissus de l’hôte, favorisant également décrits et impliqués dans la régulation des gènes de
ainsi l’extension de l’infection et dans l’extraction de nutriments virulence et aussi, le plus souvent, des gènes du métabolisme de
utiles à la bactérie. S. aureus produit également une coagulase S. aureus [29] . Il s’agit notamment de sae, de srrAB et d’arlS.
qui va favoriser la formation de thrombus septiques locaux. Ces Une autre famille de régulateurs est formée par les ADN-binding
thromboses septiques favorisent la dissémination hématogène de proteins dont la principale est staphylococcal accessory regulator

EMC - Maladies infectieuses 3


8-007-A-10  Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques, bactériologiques et cliniques

(sar) ; sarA va pouvoir promouvoir l’expression d’agr. Les facteurs La résistance à la méticilline est liée aux gènes mec (mecA princi-
␴ sont également des composés bactériens qui peuvent réagir à un palement), qui sont localisés sur des éléments génétiques mobiles
stimulus environnemental, en se combinant au sein de la bactérie chromosomiques appelés staphylococcal cassette chromosome (SCC)
à une ARN polymérase pour permettre la transcription de gènes mec [32] . Les SCCmec sont des îlots génétiques exogènes qui ont
spécifiques. la capacité de se mobiliser grâce à leurs recombinases (ccrA et
Enfin, la dernière famille de régulateurs est celle des small ccrB). Leurs extrémités sont démarquées par des séquences répé-
ARN, qui semblent jouer un rôle majeur dans la régulation de tées directes et indirectes permettant leur intégration à un site
l’expression des gènes [30] . homologue du chromosome bactérien. À ce jour, 11 types de
SCCmec ont été décrits [34] . Les types I, II et III ont été montrés
comme appartenant aux clones de SARM nosocomiaux. Ils sont
Particularités des staphylocoques à coagulase relativement volumineux (35 à 60 kB) et portent outre mecA de
négative multiples gènes de résistance aux antibiotiques. Les types IV, V
et VI sont associés aux SARM-C. Ceux-ci sont plus petits et ne
La physiopathologie des infections à SCN est moins bien
contiennent pas de multiples gènes de résistance aux autres anti-
connue. Ils disposent de peu de facteurs de virulence comparés
biotiques, mais semblent liés avec la LPV et les gènes d’autres
à S. aureus. Leur virulence repose principalement sur leur capa-
exotoxines.
cité à adhérer, à former du biofilm et sur leurs mécanismes
Apparues plus récemment, ces cassettes de structure plus petite
d’échappement au système immunitaire. Ainsi, les facteurs de
peuvent diffuser en l’absence de pression de sélection antibio-
virulence des SCN ne sont pas à l’origine d’une agression directe
tique [35] . Si les SARM nosocomiaux sont principalement clonaux,
de l’hôte mais permettent leur persistance chez celui-ci [2] . Comme
les SARM-C semblent l’être nettement moins (à l’exception
S. aureus, les SCN colonisent au préalable l’hôte qu’ils infectent à
notoire du clone USA300). Leur émergence est indépendante des
l’occasion d’une rupture de la barrière cutanéomuqueuse.
SARM nosocomiaux, leur dissémination étant liée à l’acquisition
de ces SCCmec de petites tailles [36] .
 Diagnostic microbiologique En France, jusqu’à 20 % des souches de S. aureus isolées à
l’hôpital sont des SARM [37] . Le principal clone de SARM hospita-
lier isolé en France est le clone Lyon [38] . Dans la communauté, les
Bactériologie classique SARM sont encore rares en Europe, mais représentent jusqu’à 80 %
Les staphylocoques sont aéro-anaérobies facultatifs, très résis- des souches pathogènes isolées aux États-Unis [39, 40] . Si les SARM-
tants dans le milieu extérieur et peu exigeants en culture. Leur C sont moins clonaux que les SARM nosocomiaux, on distingue
temps de croissance est court (18 à 24 heures pour S. aureus, 48 néanmoins en France un clone majoritaire qui est le clone euro-
à 72 heures pour les SCN). À l’examen direct, après coloration de péen ST80, qui reste cependant rare. Enfin, le clone « Géraldine »
Gram, ils apparaissent comme des cocci à Gram positif groupés en est un clone de SARM qui est à la fois hospitalier et communau-
amas. Cet examen microscopique permet un diagnostic unique- taire [38] .
ment présomptif. Le diagnostic peut être affiné après 24 heures de Parmi les SCN, sous pression de sélection antibiotique, il y
culture à 37 ◦ C sur gélose enrichie ou sur milieu sélectif (milieu de a également eu une dissémination de la résistance. Celle-ci a
Chapman) grâce à des caractéristiques phénotypiques spécifiques. été majeure, grâce notamment à la dissémination des SCCmec
S. aureus apparaît sous forme de colonies lisses hémolytiques, de de type IV, qui est actuellement le support de résistance à la
couleur jaune-doré, fermentant le mannitol à l’origine d’un virage méticilline le plus fréquent parmi les souches de S. epidermidis
résistant à la méticilline (SERM) communautaires et hospita-
colorimétrique sur gélose de Chapman. À ce stade de culture pri-
lières [41] . La prévalence de la résistance à la méticilline est
maire, il est possible d’affiner le diagnostic par l’utilisation de tests
nettement plus fréquente parmi les souches de SCN que parmi
diagnostiques rapides comme la mise en évidence d’une catalase,
les souches de S. aureus, puisqu’elle concerne plus de 70 % des
qui permet de distinguer le genre Staphylococcus (catalase plus) du
souches isolées en clinique [42, 43] . Contrairement à S. aureus, la dis-
genre Streptococcus (catalase moins), ou de tests d’agglutination
sémination des souches résistantes n’est pas clonale. Concernant
rapide détectant la présence de déterminants de surface (protéine
les autres familles d’antibiotiques (aminosides, fluoroquinolones,
A, récepteur au fibrinogène) spécifiques de S. aureus. La détection
sulfamides, tétracyclines, chloramphénicol, macrolides, rifampi-
de la coagulase libre sur plasma de lapin permet une identifica-
cine, etc.) les gènes de résistance ont aussi largement diffusé parmi
tion définitive de S. aureus, le plus souvent en trois heures, mais
les SCN, qui sont souvent multirésistants.
peut parfois nécessiter jusqu’à 24 heures. L’antibiogramme, quant
à lui, est disponible à 24 heures.
Une incubation prolongée est nécessaire dans les contextes Apport des nouvelles techniques
d’infections chroniques pour la détection de variants mor-
phologiques qui peuvent être confondus avec d’autres espèces
de bactériologie
bactériennes [31] . Leur identification est un challenge quotidien Compte tenu de la gravité des infections à staphylocoques, la
en microbiologie, notamment lors d’infections sur matériel. rapidité du diagnostic microbiologique et de l’évaluation de la
sensibilité des bactéries aux antibiotiques est un enjeu majeur
Sensibilité aux antibiotiques pour adapter au mieux la prise en charge des patients. De nou-
velles techniques ont donc été développées de manière à accélérer
Avant l’avènement des antibiotiques, les infections invasives ce diagnostic. Ainsi, la spectrométrie de masse matrix-assisted laser
à S. aureus étaient souvent fatales. La découverte de la pénicil- desorption ionisation-time of flight (MALDI-TOF) a été dévelop-
line a transformé leur pronostic. Cependant, sous la pression pée en microbiologie. Elle permet, après isolement primaire des
de sélection des antibiotiques, la sensibilité des staphylocoques colonies bactériennes, une identification très rapide (en quelques
est en constante évolution. Actuellement, on estime que 90 % minutes) des staphylocoques [44] . Certaines équipes développent
des souches sont résistantes à la pénicilline G en France. Cette avec succès des protocoles permettant l’utilisation de cette tech-
résistance est liée à la production d’une pénicillinase dont le nique directement à partir d’hémocultures, raccourcissant encore
gène blaZ est porté par un plasmide [32] . De façon plus préoc- le délai d’obtention de l’identification bactérienne [45] . À côté de
cupante, on constate la dissémination de souches de S. aureus ces techniques de spectrométrie de masse, les techniques de bio-
résistant à la méticilline (SARM) qui est l’antibiotique antista- logie moléculaire ont également été largement développées. Elles
phylococcique de référence. La méticilline est une pénicilline sont en effet très sensibles, spécifiques et permettent d’obtenir des
hémisynthétique qui n’est pas hydrolysée par la pénicillinase résultats rapides. Elles sont rendues possibles par l’identification
BlaZ. La résistance à la méticilline est liée à l’acquisition de pro- de gènes cibles qu’il va être possible d’amplifier et d’identifier. Si
téines de liaison de la pénicilline (PLP), appelées PLP2a de faible elles ont d’abord été développées sur les cultures bactériennes pri-
affinité pour les bêtalactamines, expliquant une résistance croisée maires, elles sont actuellement largement utilisées directement
à l’ensemble des bêtalactamines, à l’exception de la ceftaroline [33] . sur les prélèvements microbiologiques. Ainsi, il est possible à

4 EMC - Maladies infectieuses


Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques, bactériologiques et cliniques  8-007-A-10

partir d’hémocultures positives, dont la coloration de Gram objec- de ces infections communautaires cutanéomuqueuses à l’origine
tive des cocci à Gram positif en amas, de réaliser une ou plusieurs d’infections volontiers sévères, récurrentes et extrêmement conta-
polymerase chain reaction (PCR) en temps réel directement sur gieuses [22] . En France, la prévalence des infections à SARM-C reste
l’hémoculture, permettant en moins de deux heures de confir- faible [51] .
mer la présence d’un staphylocoque (PCR rrs), son identification
comme S. aureus ou SCN (PCR femA) et de rechercher un témoin Bactériémies
de la résistance à la méticilline (PCR mecA) [46] . À ce jour, il existe
Contrairement aux SCN, une seule hémoculture positive à
même des systèmes automatisés de PCR en temps réel avec extrac-
S. aureus suffit à retenir le diagnostic de bactériémie et doit motiver
tion intégrée. C’est le cas du test Xpert MRSA/SA® réalisé sur la
la prescription d’une antibiothérapie en urgence et la recherche
plate-forme GeneXpert® (Cepheid) [47] . Enfin, certaines équipes
d’une porte d’entrée. Actuellement on assiste en Europe et à
ont développé des puces à ADN, permettant de réaliser en parallèle
travers le monde à l’augmentation de la prévalence des septi-
de multiples PCR, ainsi, la puce StaphyType96® permet de tester
cémies à S. aureus qui représentent plus de 20 % des bactéries
plus de 300 gènes [48] . Ces puces ne sont pas, à l’heure actuelle, dis-
isolées dans les hémocultures [52, 53] . Les bactériémies à S. aureus
ponibles en routine, mais sont des techniques très prometteuses.
sont associées à une plus grande morbi-mortalité que les autres
Les limites de ces nouvelles technologies sont leur coût, qui est à
bactéries [53] . En effet, le risque d’une bactériémie à S. aureus est
mettre en balance avec l’amélioration de la prise en charge et la
l’apparition de métastases septiques qui concernent jusqu’à un
diminution de la morbi-mortalité [49] .
tiers des malades, particulièrement ceux porteurs de matériel
À côté de ces techniques, des avancées ont également eu lieu
étranger [54] . L’un des arguments en faveur d’une telle compli-
dans le domaine immunochromatographique et la recherche de
cation est la persistance de la fièvre et d’hémocultures positives
certains facteurs de virulence comme la LPV est actuellement pos-
malgré 48 à 72 heures d’antibiothérapie adaptée [54] . En cas de
sible par un simple test immunochromatographique [50] .
matériel infecté, notamment de cathéter, l’ablation est en géné-
Si les techniques de biologie moléculaire sont d’un apport
ral indispensable pour espérer être curatif. Toute bactériémie à
majeur au quotidien en termes de diagnostic, elles ont éga-
S. aureus doit faire s’interroger sur la présence d’une endocardite
lement été développées pour permettre de typer les souches
infectieuse associée, et entraîner la réalisation d’une échographie
de S. aureus dont la répartition est, il faut le rappeler, haute-
cardiaque, ce d’autant qu’il n’y a pas de porte d’entrée retrou-
ment clonale, permettant d’étudier leur épidémiologie globale et
vée, que l’ensemble des hémocultures prélevées sont positives,
locale.
qu’il existe des emboles septiques, ou qu’il existe une valvulopa-
thie sous-jacente. La moitié des patients porteurs d’une prothèse
valvulaire ayant une bactériémie à S. aureus présentent une endo-
 Aspects cliniques des infections cardite [55] .
staphylococciques Endocardites
Infections dues à Staphylococcus aureus Les staphylocoques sont les agents les plus fréquemment
responsables d’endocardite infectieuse en France et dans les
Du fait de ses nombreux facteurs de virulence, S. aureus peut être pays industrialisés puisqu’ils représentent jusqu’à 36,2 % des
à l’origine d’infections diverses dont l’évolution peut être rapide- agents causals (S. aureus : 26,6 % ; SCN : 9,7 %), leur proportion
ment sévère en l’absence de traitement adapté. Après passage de semblant globalement augmenter [56, 57] . Dans ces pays, S. aureus
la barrière cutanée, les bactéries peuvent en effet disséminer vers est la première cause d’endocardites sur valve native et sur
un site plus ou moins profond, par voie contiguë ou par diffusion valve prothétique [58] . S. aureus est associé à une évolution plus
hématogène. rapide, et à une plus grande fréquence des portes d’entrée cuta-
nées ou iatrogènes, des complications emboliques et des signes
Infections de la peau et des parties molles échographiques de complication paravalvulaire [59] . Les embo-
lies systémiques, volontiers multiples, peuvent être cutanées,
On distingue différents types de staphylococcies de la peau
rénales, spléniques, ostéoarticulaires, etc. Les complications neu-
et des parties molles selon la structure anatomique concer-
rologiques liées à un embole concernent jusqu’à un tiers des
née. L’impétigo, limité à l’épiderme, concerne principalement
patients [60] . Celles-ci peuvent être paucisymptomatiques et se
les enfants et se caractérise par des lésions maculeuses, puis
présenter sous forme d’abcès cérébraux, d’anévrysmes myco-
vésiculeuses, évoluant rapidement vers des croûtes jaunâtres pré-
tiques mais aussi de méningite. Le diagnostic d’endocardite du
dominant à la face au niveau péri-orificiel.
cœur gauche à S. aureus doit donc amener systématiquement
L’onyxis et le périonyxis sont des atteintes superficielles chro-
à rechercher des métastases secondaires, notamment cérébrales
niques du mur unguéal et de sa périphérie. Les staphylococcies
par la réalisation d’une imagerie de type tomodensitométrie.
du derme superficiel centrées sur un follicule pileux sont appe-
La mortalité des endocardites à S. aureus est élevée, de 30
lées folliculites. Le sycosis correspond à une atteinte extensive au
à 62 % [61, 62] . S. aureus est également le principal agent des
niveau de la barbe. L’atteinte plus profonde du follicule pilosébacé
endocardites du cœur droit [58, 63] . Celles-ci concernent majoritai-
(derme profond) correspond au furoncle. Il entraîne une indura-
rement les utilisateurs de drogues intraveineuses et les porteurs
tion douloureuse qui évolue en quelques jours vers une nécrose et
de cathéters intraveineux. Elles sont souvent révélées par des
l’élimination du follicule pileux. En cas d’agglomérat de furoncles,
emboles septiques pulmonaires et sont de pronostic moins
on parle d’anthrax et, en cas de furoncles récidivants, de furoncu-
sévère.
lose.
Celle-ci est favorisée par le portage chronique de S. aureus ou
par une immunodépression. Toutes ces atteintes cutanées ont lieu Pneumopathies
en contexte non fébrile. Leur diagnostic est essentiellement cli- S. aureus est une cause rare de pneumopathie communautaire,
nique. Les furoncles centro-faciaux sont à risque d’évolution vers concernant principalement les sujets âgés vivant en institu-
une staphylococcie maligne de la face, infection gravissime avec tion, diabétiques ou alcooliques [64] . Il est néanmoins, une cause
thrombophlébite septique qui peut s’étendre vers les sinus caver- fréquente et grave de surinfection des pneumonies virales, notam-
neux. Les mastites sont fréquemment liées à S. aureus. Favorisées ment lors des épidémies de grippe [65] . S’il est difficile cliniquement
par l’allaitement maternel, elles apparaissent le plus souvent dans de distinguer S. aureus des autres pathogènes responsables de
le post-partum précoce et risquent d’évoluer vers l’abcédation. pneumopathie, celui-ci est typiquement associé à des pneumo-
Les panaris superficiels ou sous-cutanés sont des infections typi- pathies nécrosantes, sévères, dont l’évolution est rapide et peut
quement staphylococciques. Enfin, les staphylocoques peuvent se compliquer d’abcès ou de pleurésie purulente. Par ailleurs,
également causer des infections des muqueuses : conjonctivites pendant la dernière décennie, on a constaté l’émergence de pneu-
purulentes, otites, etc. Aux États-Unis, les SARM-C qui sécrètent mopathies communautaires extrêmement sévères, d’évolution
la LPV sont devenus en peu de temps les clones majoritaires rapide, souvent précédées d’un syndrome pseudogrippal, chez

EMC - Maladies infectieuses 5


8-007-A-10  Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques, bactériologiques et cliniques

de jeunes adultes sans comorbidité avec atteinte multilobaire, contiguïté sont endémiques dans les pays tropicaux, favorisées par
hémoptysie, leucopénie et fièvre élevée liées à une infection à un la malnutrition et les infections parasitaires, ou par l’infection par
SARM-C sécrétant la LPV [66] . le VIH. Enfin, actuellement, le rôle des staphylocoques, notam-
La mortalité de ces pneumonies est supérieure à 75 % [67] . ment par l’intermédiaire de ses superantigènes, est exploré dans
Si les pneumonies communautaires à S. aureus restent rares, la de nombreuses pathologies a priori non infectieuses comme le
prévalence des pneumonies nosocomiales à S. aureus n’a cessé psoriasis, l’allergie, la maladie de Kawasaki ou encore la maladie
d’augmenter et représente actuellement jusqu’à 28 % des cas [68] . de Wegener [75] .

Infections ostéoarticulaires Syndromes toxiniques


On distingue les infections ostéoarticulaires (IOA) par diffusion Toxi-infection alimentaire à staphylocoques
hématogène des IOA par contiguïté, avec inoculation directe du C’est la plus fréquente des toxi-infections alimentaires
pathogène dans des contextes particuliers comme en postopéra- (TIAC) [76] . L’incubation est très courte, d’une à quatre heures
toire, ou sur des plaies chroniques chez des patients diabétiques après l’ingestion d’aliments contaminés par S. aureus contenant
ou artéritiques, ou encore après un traumatisme à l’origine d’une des entérotoxines thermostables préformées. Les patients pré-
fracture ouverte. sentent brutalement des nausées, des vomissements, des douleurs
L’ostéomyélite aiguë hématogène sur os sain est l’apanage de abdominales souvent suivies de diarrhée aqueuse en contexte
l’enfant et prédomine sur les métaphyses des os longs. Le germe d’apyrexie. La guérison est spontanée en 12 heures. Il n’y a pas
en cause est, dans l’immense majorité des cas, S. aureus. Les ostéo- d’intérêt à rechercher la présence de S. aureus dans les selles car,
myélites par voie hématogène chez l’adulte sont plus rares et d’une part, celui-ci est présent dans la flore intestinale de nom-
surviennent le plus souvent sur un os remanié, notamment chez breux individus sans signification pathologique, d’autre part, la
des patients porteurs de matériel étranger. symptomatologie est liée à l’ingestion de la toxine préformée et
Le risque d’infection de matériel en cas de bactériémie à S. aureus non à celle de la bactérie. À ce jour, plus de 20 entérotoxines
est supérieur à 30 % en cas de prothèse articulaire et est beaucoup ont été identifiées, les plus fréquentes sont SEA, SEB et
plus important qu’en cas de bactériémie à un autre pathogène [69] . SEC.
Le matériel étranger favorise la formation de biofilm par la bacté-
rie. Les infections ostéoarticulaires sur matériel nécessitent une Syndrome de choc toxique staphylococcique
prise en charge spécifique, médicochirurgicale. En dehors des Lié à la toxine TSST-1, le syndrome de choc toxique staphylococ-
sepsis précoces après pose de matériel, l’ablation de celui-ci est cique (SCT) survient classiquement en période menstruelle chez
nécessaire en combinaison avec une antibiothérapie adaptée pour des jeunes femmes utilisant des tampons super absorbants. Cette
espérer obtenir la guérison [70] . À ce jour, les staphylocoques sont toxine agit également comme un superantigène. Elle est produite
les pathogènes les plus souvent responsables d’IOA sur matériel, dans des conditions particulières (de pH, de richesse en protéines,
puisque les SCN sont isolés dans 30 à 43 % des cas et S. aureus de pression partielle en oxygène [O2 ] et en oxyde de carbone
dans 12 à 23 % des cas [71] . Les spondylodiscites sont également [CO2 ]) par des souches de S. aureus qui colonisent la muqueuse
principalement liées à S. aureus et peuvent se compliquer d’abcès vaginale [77] . Alors que 1 à 5 % des jeunes femmes sont colonisées
paravertébraux et/ou d’épidurites [72] . au niveau vaginal par des souches pouvant produire la TSST-1,
Si les IOA aiguës à S. aureus sont souvent très symptomatiques, la faible prévalence du SCT (un cas pour 1 000 000 d’habitants)
il faut se méfier de leur évolution possible vers des ostéomyélites est expliquée par la nécessité de réunir des conditions particu-
chroniques qui peuvent se développer sur des mois et des années, lières pour que la toxine soit produite et par l’existence d’anticorps
souvent de façon paucisymptomatique. anti-TSST-1 chez la plupart des individus [78, 79] . La toxine produite
De même que les infections osseuses, les arthrites septiques localement peut ensuite traverser les muqueuses et disséminer.
peuvent résulter d’une dissémination hématogène ou d’une ino- Typiquement les hémocultures sont stériles, et le diagnostic
culation directe. Cependant, la diffusion hématogène est le mode microbiologique est permis par la réalisation d’un prélèvement
de contamination le plus fréquent. S. aureus est le pathogène local. Cliniquement, le SCT associe un état de choc fébrile sévère
isolé dans plus de la moitié des cas [73] . Les arthrites hématogènes à des œdèmes généralisés et à un érythème maculeux diffus, avec
sont favorisées par l’existence d’une arthropathie inflammatoire desquamation après quelques jours d’évolution.
ou dégénérative sous-jacente, par un diabète ou un traitement À côté des SCT menstruels, des SCT non menstruels ont aussi été
corticostéroïde [73] . Cliniquement, les arthrites se distinguent des décrits ; ceux-ci peuvent survenir lors de toute infection localisée à
bursites qui n’atteignent que les bourses périarticulaires prédo- S. aureus, mais aussi en l’absence d’infection évidente, par exemple
minant dans les zones de pression et qui ne sont pas associées par colonisation d’une plaie opératoire. Des prélèvements locaux
à une limitation douloureuse lors de la mobilisation articulaire. systématiques à la recherche de S. aureus produisant la toxine,
Les bursites septiques sont liés à S. aureus dans plus de 80 % des doivent être réalisés en cas de suspicion de SCT. Dans les cas de SCT
cas [74] . non menstruel, d’autres toxines jouant le rôle de superantigènes
Quel que soit le type d’infection ostéoarticulaire pris en charge, peuvent être mises en évidence, comme des entérotoxines.
la documentation microbiologique est indispensable avant la
Syndrome d’exfoliation généralisée
mise en route d’une antibiothérapie, soit par l’intermédiaire
d’hémocultures dans les infections à diffusion hématogène, soit Il affecte principalement l’enfant avant 2 ans et, plus rarement,
par ponction/biopsie osseuse en cas de négativité des hémocul- l’adulte immunodéprimé ou insuffisant rénal [80] . Il est secondaire
tures. à une colonisation par une souche de S. aureus produisant une
exfoliatine (ETA ou ETB). La présentation clinique est celle d’une
Autres infections fièvre et d’une érythrodermie douloureuse, évoluant rapidement
vers un décollement bulleux généralisé avec présence d’un signe
Bien que les infections précédemment décrites prédominent, de Nikolsky. Contrairement au syndrome de Lyell, les muqueuses
tous les organes peuvent être atteints soit par contamina- sont épargnées. L’évolution est le plus souvent bénigne sous anti-
tion directe – S. aureus est en particulier un grand pourvoyeur biothérapie adaptée. Une forme mineure de ce syndrome est
d’infections de site opératoire – soit après une bactériémie. Dans l’impétigo bulleux.
le contexte postopératoire, les infections à S. aureus surviennent le
plus souvent précocement. Enfin, quelques particularités méritent
d’être rapportées. Par exemple, si la présence de S. aureus dans Infections dues aux staphylocoques
les urines peut témoigner d’une authentique pyélonéphrite ou à coagulase négative
d’une prostatite (diagnostics qui restent rares), il peut également
témoigner d’une infection accidentelle à l’occasion d’une bac- Colonisant la peau et les muqueuses, les SCN jouent un
tériémie par rupture de microabcès rénaux. La présence d’abcès rôle de flore de barrière protectrice, évitant la prolifération
musculaires à S. aureus est le plus souvent le fait d’une infec- d’agents pathogènes. Du fait de leur caractère commensal, les
tion de contiguïté en France, mais les pyomyosites sans foyer de SCN ont ainsi été longtemps considérés comme non pathogènes

6 EMC - Maladies infectieuses


Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques, bactériologiques et cliniques  8-007-A-10

et interprétés comme contaminants dans les prélèvements biolo-


Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
giques. Néanmoins, leur rôle pathogène n’est aujourd’hui plus à
relation avec cet article.
démontrer [2] . C’est l’isolement de bactéries identiques (en termes
d’identification et d’antibiogramme) en plusieurs sites ou à diffé-
rents moments qui indique leur caractère pathogène. Ainsi, il faut
au moins deux hémocultures au même SCN pour retenir le diag-
 Références
nostic de bactériémie à SCN. S. epidermidis est l’espèce de SCN le
[1] Parte AC. LPSN–list of prokaryotic names with standing in nomencla-
plus souvent isolée en pathologie humaine, du fait probablement
ture. Nucleic Acids Res 2014;42:D613–6.
de sa prépondérance au niveau cutané [81] . [2] Von Eiff C, Peters G, Heilmann C. Pathogenesis of infections due to
En dehors des deux exceptions notables que sont les infections coagulase-negative staphylococci. Lancet Infect Dis 2002;2:677–85.
urinaires basses à Staphylococcus saprophyticus de la femme jeune [3] Kluytmans J, van Belkum A, Verbrugh H. Nasal carriage of Staphylo-
et les endocardites sur valves natives à S. epidermidis (représen- coccus aureus: epidemiology, underlying mechanisms, and associated
tant 10 % de ces endocardites) [82] , les SCN sont surtout à l’origine risks. Clin Microbiol Rev 1997;10:505–20.
d’infections opportunistes chez des patients immunodéprimés ou [4] Lowy FD. Staphylococcus aureus infections. N Engl J Med
porteurs de matériel étranger. À ce titre, S. epidermidis est l’agent 1998;339:520–32.
le plus fréquemment à l’origine d’infections nosocomiales [83] . [5] Peacock SJ, de Silva I, Lowy FD. What determines nasal carriage of
Ainsi, les SCN sont responsables de 30 % des bactériémies asso- Staphylococcus aureus? Trends Microbiol 2001;9:605–10.
ciées aux soins, la plupart étant liées à la présence d’un matériel [6] Wertheim HF, Melles DC, Vos MC, van Leeuwen W, van Belkum A,
étranger de type cathéter. Ils sont ainsi la cause la plus fréquente Verbrugh HA, et al. The role of nasal carriage in Staphylococcus aureus
d’infections sur cathéters intraveineux [84] . Le plus souvent, ces infections. Lancet Infect Dis 2005;5:751–62.
infections sur matériel se font par contamination du matériel par [7] Armand-Lefevre L, Ruimy R, Andremont A. Clonal comparison of Sta-
la flore cutanée ou par les mains des soignants lors de la pose, phylococcus aureus isolates from healthy pig farmers, human controls,
puis se développent à bas bruit pendant les mois qui suivent. and pigs. Emerg Infect Dis 2005;11:711–4.
[8] Van Belkum A, Verkaik NJ, de Vogel CP, Boelens HA, Verveer J, Nou-
Ainsi, dans une étude récente, S. epidermidis a été montré comme
wen JL, et al. Reclassification of Staphylococcus aureus nasal carriage
étant à l’origine de 16 % des endocardites sur valves mécaniques,
types. J Infect Dis 2009;199:1820–6.
souvent compliquées (abcès intracardiaques, dysfonction prothé- [9] Wertheim HF, Vos MC, Ott A, van Belkum A, Voss A, Kluytmans JA,
tique) et létales dans 24 % des cas [85] . Dans ce travail, les infections et al. Risk and outcome of nosocomial Staphylococcus aureus bacte-
étaient diagnostiquées dans les deux mois à un an suivant la pose raemia in nasal carriers versus non-carriers. Lancet 2004;364:703–5.
de matériel. Contrairement à S. aureus, les SCN ne sont que rare- [10] Simor AE. Staphylococcal decolonisation: an effective strategy for
ment à l’origine d’infection aiguë menaçant le pronostic vital à prevention of infection? Lancet Infect Dis 2011;11:952–62.
court terme. Ils sont plutôt à l’origine d’infections subaiguës pou- [11] Von Eiff C, Becker K, Machka K, Stammer H, Peters G, Study Group.
vant se révéler plusieurs mois ou années après la pose de matériel. Nasal carriage as a source of Staphylococcus aureus bacteremia. N
Parmi les SCN, Staphylococcus lugdunensis tient une place à part. En Engl J Med 2001;344:11–6.
effet, s’il est rarement isolé, il paraît associé à des infections plus [12] Wertheim HF, Walsh E, Choudhurry R, Melles DC, Boelens HA, Miaj-
agressives, symptomatiques de façon aiguë le rapprochant plus de lovic H, et al. Key role for clumping factor B in Staphylococcus aureus
S. aureus que de S. epidermidis. Il a en particulier été décrit comme nasal colonization of humans. PLoS Med 2008;5:e17.
agent étiologique d’endocardites fulminantes sur valve native, [13] Rohde H, Burandt EC, Siemssen N, Frommelt L, Burdelski C, Wurs-
d’infections de la peau et des tissus mous ou de bactériémies [2] , ter S, et al. Polysaccharide intercellular adhesin or protein factors in
etc. biofilm accumulation of Staphylococcus epidermidis and Staphylo-
coccus aureus isolated from prosthetic hip and knee joint infections.
Biomaterials 2007;28:1711–20.
 Conclusion [14] Otto M. Staphylococcal infections: mechanisms of biofilm maturation
and detachment as critical determinants of pathogenicity. Annu Rev
Med 2013;64:175–88.
En pathologie humaine nosocomiale ou communautaire, les [15] Foster TJ. Immune evasion by staphylococci. Nat Rev Microbiol
infections staphylococciques restent une des causes d’infections 2005;3:948–58.
les plus fréquentes. Elles regroupent des pathologies diverses, liées [16] Zecconi A, Scali F. Staphylococcus aureus virulence factors in evasion
principalement à l’expression de facteurs de virulence particu- from innate immune defenses in human and animal diseases. Immunol
liers. Leur prise en charge reste un challenge quotidien pour les Lett 2013;150:12–22.
cliniciens et les microbiologistes. [17] Shinefield HR. Use of a conjugate polysaccharide vaccine in the pre-
vention of invasive staphylococcal disease: is an additional vaccine
needed or possible? Vaccine 2006;24(Suppl. 2):65–9.
[18] Stewart PS, Costerton JW. Antibiotic resistance of bacteria in biofilms.
“ Points essentiels [19]
Lancet 2001;358:135–8.
Fowler VG, Allen KB, Moreira ED, Moustafa M, Isgro F, Boucher
HW, et al. Effect of an investigational vaccine for preventing Staphy-
• On distingue S. aureus des SCN. Les SCN comprennent lococcus aureus infections after cardiothoracic surgery: a randomized
trial. JAMA 2013;309:1368–78.
de nombreuses espèces distinctes, S. epidermidis étant [20] Grosz M, Kolter J, Paprotka K, Winkler AC, Schäfer D, Chatterjee SS,
l’espèce la plus fréquemment isolée en pathologie et al. Cytoplasmic replication of Staphylococcus aureus upon phago-
humaine. somal escape triggered by phenol-soluble modulin ␣. Cell Microbiol
• S. aureus possède de nombreux facteurs de virulence. Il 2014;16:451–65.
peut être à l’origine d’infections suppuratives diverses loca- [21] Dinges MM, Orwin PM, Schlievert PM. Exotoxins of Staphylococcus
lisées ou métastatiques, mais aussi d’infections toxiniques aureus. Clin Microbiol Rev 2000;13:16–34.
[22] Shallcross LJ, Fragaszy E, Johnson AM, Hayward AC. The role of the
spécifiques. En l’absence de prise en charge, leur évolution Panton-Valentine leucocidin toxin in staphylococcal disease: a syste-
est le plus souvent rapidement défavorable. matic review and meta-analysis. Lancet Infect Dis 2013;13:43–54.
• Les SCN, eux, possèdent moins de facteurs de virulence [23] Robert J, Tristan A, Cavalié L, Decousser JW, Bes M, Etienne J,
que S. aureus. Ils sont le plus souvent à l’origine d’infections et al. Panton-valentine leukocidin-positive and toxic shock syndrome
torpides, nosocomiales chez des patients immunodépri- toxin 1-positive methicillin-resistant Staphylococcus aureus: a French
més ou porteurs de matériel étranger. multicenter prospective study in 2008. Antimicrob Agents Chemother
• La dissémination de staphylocoques résistant à la méti- 2011;55:1734–9.
[24] King MD, Humphrey BJ, Wang YF, Kourbatova EV, Ray SM, Blum-
cilline dans les milieux de soins mais aussi dans la berg HM. Emergence of community-acquired methicillin-resistant
communauté rend parfois leur prise en charge difficile. Staphylococcus aureus USA 300 clone as the predominant cause of
skin and soft-tissue infections. Ann Intern Med 2006;144:309–17.

EMC - Maladies infectieuses 7


8-007-A-10  Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques, bactériologiques et cliniques

[25] Ladhani S. Understanding the mechanism of action of the exfolia- [46] Ruimy R, Dos-Santos M, Raskine L, Bert F, Masson R, Elbaz S,
tive toxins of Staphylococcus aureus. FEMS Immunol Med Microbiol et al. Accuracy and potential usefulness of triplex real-time PCR for
2003;39:181–9. improving antibiotic treatment of patients with blood cultures sho-
[26] Becker K, Friedrich AW, Lubritz G, Weilert M, Peters G, Von Eiff C. wing clustered Gram-positive cocci on direct smears. J Clin Microbiol
Prevalence of genes encoding pyrogenic toxin superantigens and exfo- 2008;46:2045–51.
liative toxins among strains of Staphylococcus aureus isolated from [47] Rossney AS, Herra CM, Brennan GI, Morgan PM, O’Connell B.
blood and nasal specimens. J Clin Microbiol 2003;41:1434–9. Evaluation of the Xpert methicillin-resistant Staphylococcus aureus
[27] Parsonnet J, Hansmann MA, Delaney ML, Modern PA, Dubois (MRSA) assay using the GeneXpert real-time PCR platform for rapid
AM, Wieland-Alter W, et al. Prevalence of toxic shock syndrome detection of MRSA from screening specimens. J Clin Microbiol
toxin 1-producing Staphylococcus aureus and the presence of anti- 2008;46:3285–90.
bodies to this superantigen in menstruating women. J Clin Microbiol [48] Monecke S, Jatzwauk L, Weber S, Slickers P, Ehricht R. DNA
2005;43:4628–34. microarray-based genotyping of methicillin-resistant Staphylococ-
[28] Novick RP, Geisinger E. Quorum sensing in staphylococci. Annu Rev cus aureus strains from Eastern Saxony. Clin Microbiol Infect
Genet 2008;42:541–64. 2008;14:534–45.
[29] Somerville GA, Proctor RA. At the crossroads of bacterial metabolism [49] Bauer KA, West JE, Balada-Llasat JM, Pancholi P, Stevenson KB,
and virulence factor synthesis in Staphylococci. Microbiol Mol Biol Goff DA. An antimicrobial stewardship program’s impact with
Rev 2009;73:233–48. rapid polymerase chain reaction methicillin-resistant Staphylococcus
[30] Pichon C, Felden B. Small RNA genes expressed from Staphy- aureus/S. aureus blood culture test in patients with S. aureus bactere-
lococcus aureus genomic and pathogenicity islands with specific mia. Clin Infect Dis 2010;51:1074–80.
expression among pathogenic strains. Proc Natl Acad Sci U S A [50] Badiou C, Dumitrescu O, George N, Forbes AR, Drougka
2005;102:14249–54. E, Chan KS, et al. Rapid detection of Staphylococcus aureus
[31] Garcia LG, Lemaire S, Kahl BC, Becker K, Proctor RA, Denis O, Panton-Valentine leukocidin in clinical specimens by enzyme-linked
et al. Antibiotic activity against small-colony variants of Staphylococ- immunosorbent assay and immunochromatographic tests. J Clin
cus aureus: review of in vitro, animal and clinical data. J Antimicrob Microbiol 2010;48:1384–90.
Chemother 2013;68:1455–64. [51] Lamy B, Laurent F, Gallon O, Doucet-Populaire F, Etienne J, Decous-
[32] Hao H, Dai M, Wang Y, Huang L, Yuan Z. Key genetic elements ser JW, et al. Antibacterial resistance, genes encoding toxins and
and regulation systems in methicillin-resistant Staphylococcus aureus. genetic background among Staphylococcus aureus isolated from
Future Microbiol 2012;7:1315–29. community-acquired skin and soft tissue infections in France: a natio-
[33] Zhanel GG, Sniezek G, Schweizer F, Zelenitsky S, Lagacé-Wiens PR, nal prospective survey. Eur J Clin Microbiol 2012;31:1279–84.
Rubinstein E, et al. Ceftaroline: a novel broad-spectrum cephalosporin [52] De Kraker ME, Jarlier V, Monen JC, Heuer OE, van de Sande N, Grund-
with activity against meticillin-resistant Staphylococcus aureus. Drugs mann H. The changing epidemiology of bacteraemias in Europe: trends
2009;69:809–31. from the European Antimicrobial Resistance Surveillance System. Clin
[34] International Working Group on the Classification of Staphylococ- Microbiol Infect 2013;19:860–8.
cal Cassette Chromosome Elements (IWG-SCC). Classification of [53] Naber CK. Staphylococcus aureus bacteremia: epidemiology,
staphylococcal cassette chromosome mec (SCCmec): guidelines for pathophysiology, and management strategies. Clin Infect Dis
reporting novel SCCmec elements. Antimicrob Agents Chemother 2009;48(Suppl. 4):S231–7.
2009;53:4961–7. [54] Cosgrove SE, Fowler Jr VG. Management of methicillin-
[35] Lee SM, Ender M, Adhikari R, Smith JM, Berger-Bächi B, Cook resistant Staphylococcus aureus bacteremia. Clin Infect Dis
GM. Fitness cost of staphylococcal cassette chromosome mec in 2008;46(Suppl. 5):S386–93.
methicillin-resistant Staphylococcus aureus by way of continuous [55] El-Ahdab F, Benjamin Jr DK, Wang A, Cabell CH, Chu VH, Stryjewski
culture. Antimicrob Agents Chemother 2007;51:1497–9. ME, et al. Risk of endocarditis among patients with prosthetic valves
[36] Ito T, Okuma K, Ma XX, Yuzawa H, Hiramatsu K. Insights on antibiotic and Staphylococcus aureus bacteremia. Am J Med 2005;118:225–9.
resistance of Staphylococcus aureus from its whole genome: genomic [56] Selton-Suty C, Célard M, Le Moing V, Doco-Lecompte T, Chirouze
island SCC. Drug Resist Updat Rev Comment Antimicrob Anticancer C, Iung B, et al. Preeminence of Staphylococcus aureus in infec-
Chemother 2003;6:41–52. tive endocarditis: a 1-year population-based survey. Clin Infect Dis
[37] Jarlier V, Trystram D, Brun-Buisson C, Fournier S, Carbonne A, Marty 2012;54:1230–9.
L, et al. Curbing methicillin-resistant Staphylococcus aureus in 38 [57] Hoen B, Duval X. Clinical practice. Infective endocarditis. N Engl J
French hospitals through a 15-year institutional control program. Arch Med 2013;368:1425–33.
Intern Med 2010;170:552–9. [58] Habib G, Hoen B, Tornos P, Thuny F, Prendergast B, Vilacosta I, et al.
[38] Dauwalder O, Lina G, Durand G, Bes M, Meugnier H, Jarlier V, Guidelines on the prevention, diagnosis, and treatment of infective
et al. Epidemiology of invasive methicillin-resistant Staphylococcus endocarditis (new version 2009): the Task Force on the Prevention,
aureus clones collected in France in 2006 and 2007. J Clin Microbiol Diagnosis, and Treatment of Infective Endocarditis of the European
2008;46:3454–8. Society of Cardiology (ESC). Endorsed by the European Society of
[39] Del Giudice P, Tattevin P, Etienne J. Community-acquired methicillin- Clinical Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID) and the
resistant Staphylococcus aureus: review. Presse Med 2012;41:713–20. International Society of Chemotherapy (ISC) for Infection and Cancer.
[40] Den Heijer CD, van Bijnen EM, Paget WJ, Pringle M, Goossens Eur Heart J 2009;30:2369–413.
H, Bruggeman CA, et al. Prevalence and resistance of commen- [59] Fernández Guerrero ML, González López JJ, Goyenechea A, Fraile J,
sal Staphylococcus aureus, including meticillin-resistant S. aureus, in de Górgolas M. Endocarditis caused by Staphylococcus aureus: a reap-
nine European countries: a cross-sectional study. Lancet Infect Dis praisal of the epidemiologic, clinical, and pathologic manifestations
2013;13:409–15. with analysis of factors determining outcome. Medicine 2009;88:1–22.
[41] Rolo J, de Lencastre H, Miragaia M. Strategies of adaptation of [60] Røder BL, Wandall DA, Espersen F, Frimodt-Møller N, Skinhøj P,
Staphylococcus epidermidis to hospital and community: amplifi- Rosdahl VT. Neurologic manifestations in Staphylococcus aureus
cation and diversification of SCCmec. J Antimicrob Chemother endocarditis: a review of 260 bacteremic cases in nondrug addicts. Am
2012;67:1333–41. J Med 1997;102:379–86.
[42] Ma XX, Wang EH, Liu Y, Luo EJ. Antibiotic susceptibility of [61] Nadji G, Rémadi JP, Coviaux F, Mirode AA, Brahim A, Enriquez-
coagulase-negative staphylococci (CoNS): emergence of teicoplanin- Sarano M, et al. Comparison of clinical and morphological
non-susceptible CoNS strains with inducible resistance to vancomycin. characteristics of Staphylococcus aureus endocarditis with endocar-
J Med Microbiol 2011;60:1661–8. ditis caused by other pathogens. Heart Br Card Soc 2005;91:932–7.
[43] Cercenado E. Update of antimicrobial resistance in Gram-positive [62] Fowler Jr VG, Miro JM, Hoen B, Cabell CH, Abrutyn E, Rubinstein E,
microorganisms. Med Clin 2010;135(Suppl. 3):10–5. et al. Staphylococcus aureus endocarditis: a consequence of medical
[44] Dubois D, Leyssene D, Chacornac JP, Kostrzewa M, Schmit PO, Talon progress. JAMA 2005;293:3012–21.
R, et al. Identification of a variety of Staphylococcus species by matrix- [63] Akinosoglou K, Apostolakis E, Marangos M, Pasvol G. Native valve
assisted laser desorption ionization-time of flight mass spectrometry. right sided infective endocarditis. Eur J Intern Med 2013;24:510–9.
J Clin Microbiol 2010;48:941–5. [64] Garau J, Calbo E. Community-acquired pneumonia. Lancet
[45] Moussaoui W, Jaulhac B, Hoffmann AM, Ludes B, Kostrzewa M, 2008;371:455–8.
Riegel P, et al. Matrix-assisted laser desorption ionization time-of- [65] Tashiro M, Ciborowski P, Klenk HD, Pulverer G, Rott R. Role of
flight mass spectrometry identifies 90% of bacteria directly from blood Staphylococcus protease in the development of influenza pneumonia.
culture vials. Clin Microbiol Infect 2010;16:1631–8. Nature 1987;325:536–7.

8 EMC - Maladies infectieuses


Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques, bactériologiques et cliniques  8-007-A-10

[66] Gillet Y, Vanhems P, Lina G, Bes M, Vandenesch F, Floret D, et al. [80] Lamand V, Dauwalder O, Tristan A, Casalegno JS, Meugnier H, Bes
Factors predicting mortality in necrotizing community-acquired pneu- M, et al. Epidemiological data of staphylococcal scalded skin syn-
monia caused by Staphylococcus aureus containing Panton-Valentine drome in France from 1997 to 2007 and microbiological characteristics
leukocidin. Clin Infect Dis 2007;45:315–21. of Staphylococcus aureus associated strains. Clin Microbiol Infect
[67] Khanafer N, Sicot N, Vanhems P, Dumitrescu O, Meyssonier V, Tris- 2012;18:E514–21.
tan A, et al. Severe leukopenia in Staphylococcus aureus-necrotizing, [81] Piette A, Verschraegen G. Role of coagulase-negative staphylococci in
community-acquired pneumonia: risk factors and impact on survival. human disease. Vet Microbiol 2009;134:45–54.
BMC Infect Dis 2013;13:359. [82] Murdoch DR, Corey GR, Hoen B, Miró JM, Fowler Jr VG,
[68] Jones RN. Microbial etiologies of hospital-acquired bacterial pneu- Bayer AS, et al. Clinical presentation, etiology, and outcome of
monia and ventilator-associated bacterial pneumonia. Clin Infect Dis infective endocarditis in the 21st century: the International Collbo-
2010;51(Suppl. 1):S81–7. ration on Endocarditis-Prospective Cohort Study. Arch Intern Med
[69] Sendi P, Banderet F, Graber P, Zimmerli W. Periprosthetic joint 2009;169:463–73.
infection following Staphylococcus aureus bacteremia. J Infect [83] Rogers KL, Fey PD, Rupp ME. Coagulase-negative staphylococcal
2011;63:17–22. infections. Infect Dis Clin North Am 2009;23:73–98.
[70] Osmon DR, Berbari EF, Berendt AR, Lew D, Zimmerli W, Steckelberg [84] Rodríguez-Créixems M, Muñoz P, Martín-Rabadán P, Cercenado
JM, et al. Diagnosis and management of prosthetic joint infection: cli- E, Guembe M, Bouza E. Evolution and aetiological shift of
nical practice guidelines by the Infectious Diseases Society of America. catheter-related bloodstream infection in a whole institution: the micro-
Clin Infect Dis 2013;56:e1–25. biology department may act as a watchtower. Clin Microbiol Infect
[71] Zimmerli W, Trampuz A, Ochsner PE. Prosthetic-joint infections. N 2013;19:845–51.
Engl J Med 2004;351:1645–54. [85] Chu VH, Miro JM, Hoen B, Cabell CH, Pappas PA, Jones P, et al.
[72] Gouliouris T, Aliyu SH, Brown NM. Spondylodiscitis: update Coagulase-negative staphylococcal prosthetic valve endocarditis–a
on diagnosis and management. J Antimicrob Chemother contemporary update based on the International Collboration on
2010;65(Suppl. 3):III11–24. Endocarditis: prospective cohort study. Heart Br Card Soc 2009;95:
[73] Shirtliff ME, Mader JT. Acute septic arthritis. Clin Microbiol Rev 570–6.
2002;15:527–44.
[74] Zimmermann 3rd B, Mikolich DJ, Ho Jr G. Septic bursitis. Semin
Arthritis Rheum 1995;24:391–410.
[75] Yarwood JM, Leung DY, Schlievert PM. Evidence for the involvement Pour en savoir plus
of bacterial superantigens in psoriasis, atopic dermatitis, and Kawasaki
syndrome. FEMS Microbiol Lett 2000;192:1–7. Mandell, Douglas, and Bennett’s. 195- Staphylococcus aureus (Including
[76] Hennekinne JA, De Buyser ML, Dragacci S. Staphylococcus aureus Staphylococcal Toxic Shock). Principles and Practice of Infectious
and its food poisoning toxins: characterization and outbreak investiga- Diseases. 2010.
tion. FEMS Microbiol Rev 2012;36:815–36. Mandell, Douglas, and Bennett’s. 196- Staphylococcus epidermidis and other
[77] McCormick JK, Yarwood JM, Schlievert PM. Toxic shock syn- Coagulase-Negative Staphylococci. Principles and Practice of Infec-
drome and bacterial superantigens: an update. Annu Rev Microbiol tious Diseases. 2010.
2001;55:77–104. Centre de national de référence des staphylocoques :
[78] Lappin E, Ferguson AJ. Gram-positive toxic shock syndromes. Lancet http://cnr-staphylocoques.univ-lyon1.fr.
Infect Dis 2009;9:281–90. Campus de microbiologie médicale : www.microbes-edu.org/etudiant/
[79] Descloux E, Perpoint T, Ferry T, Lina G, Bes M, Vandenesch F, et al. etudiants.html.
One in five mortality in non-menstrual toxic shock syndrome versus Société française d’hygiène hospitalière : www.sf2h.net/#.
no mortality in menstrual cases in a balanced French series of 55 cases. International Working Group on the Staphylococcal Cassette Chromosome
Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2008;27:37–43. elements : www.sccmec.org.

M. Brière (magali.briere@chu-nantes.fr).
Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France.
Service d’accueil des urgences, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France.
Université de Nantes, Faculté de médecine, EA 3826 Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.
D. Boutoille.
Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France.
Université de Nantes, Faculté de médecine, EA 3826 Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.
J. Caillon.
Université de Nantes, Faculté de médecine, EA 3826 Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.
Service de bactériologie hygiène, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France.
G. Potel.
E. Batard.
Service d’accueil des urgences, CHU de Nantes, 1, place Alexis-Ricordeau, 44093 Nantes, France.
Université de Nantes, Faculté de médecine, EA 3826 Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Brière M, Boutoille D, Caillon J, Potel G, Batard E. Infections à staphylocoques : aspects physiopathologiques,
bactériologiques et cliniques. EMC - Maladies infectieuses 2014;11(4):1-9 [Article 8-007-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 9


 8-007-B-10

Thérapeutique des infections


à staphylocoques
E. Batard, D. Boutoille, D. Lepelletier, J. Caillon, G. Potel

Le traitement des infections staphylococciques repose sur l’antibiothérapie et sur la prise en charge des
corps étrangers et dispositifs médicaux auxquels ces infections peuvent être associées. Les antibiotiques
préférentiels sont les pénicillines M, et les glycopeptides en cas de résistance aux pénicillines M. La résis-
tance de Staphylococcus aureus aux antibiotiques a connu des évolutions significatives au cours des
dernières années. La résistance de S. aureus aux pénicillines M a diminué au cours des années 2000 dans
les hôpitaux français, et il n’est pas constaté en France d’épidémie de S. aureus résistant à la méticilline
(SARM) communautaires, contrairement aux États-Unis. La résistance de S. aureus aux glycopeptides
reste très rare. D’une façon générale, les isolats cliniques de staphylocoques à coagulase négative sont
plus souvent résistants aux antibiotiques, et certaines de ces résistances (pénicillines M par exemple) ont
augmenté au cours des dernières années. Les infections ostéoarticulaires sont préférentiellement traitées
par des antibiotiques à bonne diffusion osseuse (en particulier, fluoroquinolones, clindamycine, acide
fusidique, rifampicine). La rifampicine est particulièrement utile dans les infections osseuses sur matériel.
Le linézolide est une alternative intéressante en cas de résistances multiples, mais son utilisation au long
cours est limitée par sa toxicité. De nouvelles molécules ont été plus récemment développées (dapto-
mycine, télavancine, ceftaroline), dont les indications restent assez limitées, et peuvent être utiles en
recours. La décontamination du portage de SARM a des indications très ciblées dans certaines filières de
soins. Les mesures d’hygiène sont primordiales pour éviter la transmission croisée de souches multirésis-
tantes de S. aureus. L’utilisation raisonnée des antibiotiques, et en particulier celle des fluoroquinolones,
a également un rôle dans la prévention de la colonisation et de l’infection à SARM.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Staphylococcus aureus ; Staphylocoque à coagulase négative ; Méticilline ; Glycopeptides

Plan  Traitement curatif


■ Traitement curatif 1 Antibiotiques antistaphylococciques
Antibiotiques antistaphylococciques 1
Traitement probabiliste 1 Le staphylocoque, en particulier Staphylococcus aureus, est une
Infections cutanées ou sous-cutanées 2 bactérie caractérisée par sa capacité à acquérir rapidement de
Endocardites 2 nouveaux mécanismes de résistance aux antibiotiques, et par la
Bactériémies et infections sur matériel endovasculaire 3 multiplicité de ses mécanismes de virulence. Par conséquent, les
Infections ostéoarticulaires 3 antibiotiques antistaphylococciques doivent conserver une acti-
Pneumopathies 4 vité inhibitrice, sinon bactéricide, sur une proportion suffisante de
Infections urinaires 4 souches isolées en pratique clinique. Cette activité inhibitrice doit
Méningites et ventriculites 4 s’adapter aux mécanismes de virulence de Staphylococcus spp., et
cela quel que soit l’environnement des bactéries : milieu extracel-
■ Prophylaxie 4
lulaire, intracellulaire ou encore biofilm.
Prévention de la transmission croisée 4
Prophylaxie préopératoire 4
Bon usage des antibiotiques 5
Traitement probabiliste
Le traitement des infections à staphylocoques comprend la prise
en charge éventuelle du choc septique, le traitement chirurgical de
la porte d’entrée et des métastases septiques et une antibiothérapie
adaptée.

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 11 > n◦ 1 > février 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(13)61373-3
8-007-B-10  Thérapeutique des infections à staphylocoques

Tableau 1.
Posologies des principaux antibiotiques utilisés dans les infections staphylococciques (fonction rénale normale).
Classe Molécule Posologie enfant (mg/kg/j) Posologie adulte
Pénicillines M Oxacilline, cloxacilline 100 à 150 35 à 200 mg/kg/j
Aminoside Gentamicine 3 3 à 8 mg/kg/j
Synergistines Pristinamycine 50 à 100 2 à 3 g/j
Lincosamide Clindamycine 15 à 40 600 à 2700 mg/j
Fluoroquinolone Ofloxacine 400 à 600 mg/j
Glycopeptides Vancomycine 25 à 30 30 à 60 mg/kg/j après une dose
de charge (25 à 30 mg/kg) en
cas d’infection sévère
Téicoplanine 10 mg/kg après trois doses de 10 à 6 à 12 mg/kg/j après trois à
12 mg/kg à 12 heures d’intervalle huit doses de charge de 6 à
12 mg/kg à 12 heures
d’intervalle
Télavancine 10 mg/kg/j
Lipopeptide Daptomycine 4 à 10 mg/kg/j
Oxazolidinone Linézolide 1200 mg/j
Autres Acide fusidique 20 à 40 1,5 g/j
Rifampicine 20 à 30 (deux prises/j) 20 à 30 mg/kg/j (deux prises/j)
Fosfomycine 200 100 à 200 mg/kg/j
Cotrimoxazole 6 (triméthoprime)/30 (sulfaméthoxazole) 1600 (triméthoprime)/320 (sulfaméthoxazole)
mg/j à
3200 (triméthoprime)/640 (sulfaméthoxazole)
mg/j

Le choix de l’antibiothérapie repose sur trois critères princi- de gravité locaux ou généraux. En l’absence de signe de gravité,
paux : le site de l’infection, les signes de gravité et la sensibilité de une antibiothérapie ciblée sur le staphylocoque (pénicilline M,
la souche à la méticilline. D’une façon générale, l’antibiothérapie céphalosporine de première génération, macrolide ou synergis-
antistaphylococcique repose sur une pénicilline M en cas de sen- tine) suffit généralement [3] . S. aureus peut être isolé dans les
sibilité à la méticilline, ou sur un glycopeptide en cas de résistance dermohypodermites bactériennes nécrosantes avec ou sans fas-
à la méticilline. Ce type d’antibiothérapie, dont le spectre étroit ciite nécrosante (DHBN-FN), le plus souvent dans le cadre d’une
n’inclut pas les bactéries à Gram négatif, doit être débuté d’une infection plurimicrobienne [4] . De ce fait, le consensus recom-
façon probabiliste en cas de forte suspicion d’infection staphylo- mande d’inclure S. aureus dans le spectre de l’antibiothérapie
coccique (en particulier en cas d’infection à point de départ cutané chez le toxicomane présentant une DHBN-FN, en plus du
telle une thrombophlébite sur cathéter veineux), ou en présence streptocoque, et préconise une bithérapie intraveineuse à base
de cocci Gram positif en amas à l’examen direct d’un prélèvement d’amoxicilline-acide clavulanique, pénicilline M, voire céphalo-
bactériologique. Quand l’antibiogramme n’est pas encore dispo- sporine de première génération ou glycopeptide, associé à la
nible, la présence d’un facteur de risque de méticillinorésistance gentamicine [4] .
(antécédent de portage ou d’infection par un staphylocoque résis-
tant à la méticilline, hospitalisation ou antibiothérapie récente,
dialyse chronique, vie en institution) justifie la prescription d’un
glycopeptide à la place d’une pénicilline M. En cas d’allergie aux
␤-lactamines, l’antibiothérapie repose en première intention sur
Endocardites
un glycopeptide. Il semble cependant que la vancomycine soit En cas d’endocardite sur valve native due à un staphylocoque
un peu moins active que les pénicillines M pour le traitement des sensible à la méticilline, le traitement repose sur la cloxacilline
infections à S. aureus sensible à la méticilline (SASM) [1, 2] . intraveineuse à la dose de 12 g/j en quatre à six doses pendant
Les associations d’antibiotiques antistaphylococciques ont quatre à six semaines, qui peut être associée à la gentamicine pen-
pour principaux buts d’augmenter la bactéricidie et de diminuer le dant les trois à cinq premiers jours [5, 6] . S’il s’agit d’une souche
risque de sélection de mutants résistants. En présence de signes de résistante à la méticilline ou, en cas d’allergie aux ␤-lactamines,
gravité (instabilité hémodynamique, suspicion de foyer infectieux c’est la vancomycine qui doit être utilisée, associée à la genta-
à fort inoculum ou dans lequel la diffusion des antibiotiques est micine [5] . Bien que la téicoplanine ait l’autorisation de mise sur
limitée, telle une endocardite, une pneumopathie, une infection le marché (AMM) en France pour l’endocardite, son utilisation
ostéoarticulaire, une infection méningée), l’adjonction de gen- dans l’endocardite staphylococcique n’est pas recommandée au
tamicine à la pénicilline M intraveineuse ou au glycopeptide est Royaume-Uni, où elle est également commercialisée, du fait de
utilisée afin d’accélérer la bactéricidie au sein du foyer infectieux, l’important taux d’échecs constaté dans les premières années de
et de réduire la durée de la bactériémie et le risque de dissémi- son utilisation [7] . La phase initiale du traitement, correspondant
nation hématogène de l’infection. L’utilité de l’adjonction d’un à la dose de charge, doit être prolongée jusqu’à quatre jours, et
aminoside en cas de bactériémie sans aucun des signes de gravité la posologie quotidienne augmentée à 12 mg/kg. La daptomycine
sus-cités n’est pas démontrée. Cette situation nécessite néanmoins est recommandée au même titre que la vancomycine aux États-
l’administration intraveineuse de l’antibiothérapie. Unis pour les endocardites à S. aureus résistant à la méticilline
Les posologies des antibiotiques sont indiquées dans le (SARM) [8] .
Tableau 1. En cas d’endocardite sur prothèse valvulaire, la cloxacilline ou
la vancomycine – selon la sensibilité à la méticilline – est associée
Infections cutanées ou sous-cutanées pendant au moins six semaines à la rifampicine, du fait de son
efficacité sur les biofilms, et à la gentamicine pendant les deux pre-
La présence ou non de signes de gravité permet de guider le mières semaines de traitement [5] . L’indication chirurgicale prend
choix initial : antibiotiques oraux en l’absence de signes de gra- en compte principalement la présence de complications et d’une
vité ; voie intraveineuse et avis chirurgical en présence de signes prothèse valvulaire [5] .

2 EMC - Maladies infectieuses


Thérapeutique des infections à staphylocoques  8-007-B-10

En cas d’endocardite droite à SASM, la durée du traitement par Infections ostéoarticulaires


pénicilline M peut être réduite à deux semaines, s’il n’y a pas
de métastase infectieuse, pas d’empyème, pas de complications Toute infection ostéoarticulaire doit être documentée par des
cardiaques ni extracardiaques, pas de prothèse valvulaire ni prélèvements fiables, comprenant principalement les hémocul-
d’endocardite gauche associée, pas d’immunodépression sévère, si tures, les prélèvements peropératoires et la ponction à l’aiguille
la taille de la végétation n’excède pas 20 mm et s’il y a une bonne d’une collection ou d’une articulation [11] . Les staphylocoques, en
réponse au traitement [5] . Un traitement oral par ciprofloxacine particulier S. aureus, sont les bactéries le plus souvent responsables
(750 mg deux fois par jour) et rifampicine (300 mg deux fois par d’infections ostéoarticulaires [12–14] . Le traitement probabiliste,
jour) peut aussi être prescrit si la souche est sensible aux deux anti- commencé dans l’attente des résultats des prélèvements adéquats,
biotiques [5] . Si un glycopeptide est utilisé (allergie ou résistance doit donc impérativement inclure le staphylocoque dans son
aux pénicillines M), le traitement doit durer quatre semaines ou spectre. Des recommandations ont été publiées en France pour
plus [5] . le traitement des spondylodiscites, des infections sur matériel et
des infections ostéoarticulaires chez l’enfant [14–16] . D’une façon
générale, la voie intraveineuse est préconisée en début de trai-
tement, pour une durée de 4 à 7 jours chez l’enfant, et jusqu’à
15 jours chez l’adulte et en cas d’infection sur matériel [14, 16] . Le
Bactériémies et infections sur matériel relais oral peut être effectué avant le 15e jour chez l’adulte, selon
endovasculaire l’évolution des signes locaux et systémiques, le délai d’une éven-
tuelle intervention chirurgicale et la possibilité d’utiliser, à partir
L’antibiothérapie d’une bactériémie non compliquée (défi- de l’antibiogramme, une association d’antibiotiques per os ayant
nie par l’absence d’endocardite, de prothèse et de métastase une bonne pénétration osseuse [14] . En cas d’infection sur matériel
infectieuse, l’obtention de la défervescence après 72 heures de trai- due à un SASM, le traitement intraveineux initial repose habi-
tement efficace et la stérilité des hémocultures deux à quatre jours tuellement sur une pénicilline M ou la céfazoline, associée à la
après l’hémoculture ayant permis de diagnostiquer la bactériémie) gentamicine ou à la rifampicine. En relais oral, la rifampicine
est constituée d’une pénicilline M (ou d’un glycopeptide en cas est recommandée, associée à un autre antibiotique ayant une
de résistance à la méticilline suspectée ou avérée) pendant deux bonne disponibilité osseuse (fluoroquinolone, acide fusidique,
semaines ou plus [8] . Un traitement par gentamicine peut lui être clindamycine). D’autres associations sont possibles (fluoroqui-
associé pendant 1 à 5 jours, bien que l’intérêt de cette associa- nolone plus acide fusidique, clindamycine plus acide fusidique,
tion n’ait pas été démontré. En cas d’endocardite ou de métastase rifampicine plus cotrimoxazole) [14] . En cas d’infection sur maté-
infectieuse, le traitement est adapté. riel à SARM, le traitement initial repose sur un glycopeptide
En cas de bactériémie à S. aureus liée à un cathéter vas- associé à la rifampicine, ou à l’acide fusidique, la fosfomycine
culaire, l’ablation systématique du cathéter est recommandée, ou la doxycycline, relayés par de la rifampicine per os associée
associée à une antibiothérapie de 4 à 6 semaines [9] . La repose à l’acide fusidique, la clindamycine, la doxycycline, le cotri-
d’une voie veineuse centrale ne s’envisage qu’après stérilisation moxazole ou le linézolide [15] . En cas de résistances multiples, il
des hémocultures. L’antibiothérapie peut être raccourcie à deux peut être nécessaire d’utiliser un antibiotique parentéral (glyco-
semaines en l’absence des facteurs de complication suivants : peptide, fosfomycine). Le linézolide peut être utilisé en dernier
diabète, immunodépression (corticothérapie, autre traitement recours, avec les limites liées au risque de toxicité pour les
immunodépresseur, neutropénie), cathéter laissé en place, maté- traitements prolongés [8] . Le traitement des spondylodiscites à
riel intravasculaire (pacemaker, greffon vasculaire récemment mis SASM repose, à la phase initiale, sur une pénicilline M éventuel-
en place), endocardite (cherchée systématiquement par écho- lement associée à la gentamicine (en phase bactériémique), ou
graphie cardiaque transœsophagienne à réaliser au moins cinq sur une fluoroquinolone associée à la rifampicine, l’acide fusi-
jours après le début de la bactériémie), thrombophlébite, fièvre dique ou la clindamycine [15] . Une spondylodiscite à SARM relève
ou bactériémie persistant après trois jours de traitement, méta- de l’association céfotaxime–fosfomycine, ou de vancomycine
stase infectieuse détectée par un examen clinique complet [9] . éventuellement associée à un autre antistaphylococcique, relayé
Dans le cas, qui doit rester exceptionnel, où l’abord vascu- per os par du cotrimoxazole ou une association choisie selon
laire à long terme est laissé en place, l’échange du cathéter sur l’antibiogramme [15] . En cas d’infection à SASM chez l’enfant,
guide et un verrou antibiotique sont recommandés [9] . En cas une monothérapie intraveineuse par ␤-lactamine (cloxacilline,
d’infection à S. aureus sans bactériémie (positivité de la culture céfamandole, céfuroxime ou amoxicilline/acide clavulanique) est
du cathéter vasculaire), une antibiothérapie de 5 à 7 jours est recommandée à la phase initiale, et par ␤-lactamine (céfadroxil ou
recommandée [9] . amoxicilline/acide clavulanique), clindamycine ou cotrimoxazole
En cas de bactériémie à staphylocoque à coagulase négative en relais oral [16] . En cas d’infection à SARM, les recommanda-
(SCN) associée à un cathéter vasculaire, deux prises en charge sont tions pédiatriques comprennent l’association de la vancomycine
possibles [9] . La première consiste à enlever le cathéter, avec une avec la rifampicine ou une monothérapie par clindamycine (si la
antibiothérapie systémique de 5 à 7 jours. La seconde solution souche est sensible à l’érythromycine) à la phase initiale intra-
consiste à laisser le cathéter en place, et à traiter par voie systé- veineuse, puis la clindamycine per os si la souche est sensible à
mique et avec un verrou antibiotique pendant 10 à 14 jours. S’il l’érythromycine, ou une association à base de rifampicine (avec
existe des signes de gravité (choc septique, cellulite ou tunnel- cotrimoxazole, acide fusidique ou fluoroquinolone) [16] .
lite) ou de complication (thrombophlébite, endocardite), ou si les L’antibiothérapie doit être associée à un traitement chirurgical
signes d’infection persistent plus de 72 heures après le début d’un dans la plupart des cas. En cas d’arthrite septique, l’inoculum bac-
traitement adapté, le cathéter veineux central doit être ôté [9] . Les térien est réduit par la ponction articulaire, et éventuellement par
infections à Staphylococcus lugdunensis doivent être traitées comme des lavages articulaires répétés sous arthroscopie ou par arthro-
les infections à S. aureus [9] . tomie de drainage [11] . L’immobilisation plâtrée n’a probablement
En cas d’infection de pacemaker ou de défibrillateur implan- qu’un intérêt antalgique, elle doit être levée dès la sédation des
table, l’ablation complète du matériel (boîtier et sonde) est signes locaux [11] . En cas d’infection sur prothèse articulaire, le net-
recommandée en cas d’endocardite ou de sepsis grave, de signes toyage chirurgical des tissus infectés et nécrosés est indispensable,
locaux importants (abcédation, érosion du pacemaker, fistulisa- quoique parfois contre-indiqué par l’état général du patient [11] .
tion, adhérence cutanée), ou de bactériémie à staphylocoque [10] . Selon les cas, la prothèse peut être laissée en place, changée en un
L’antibiothérapie est recommandée pour une durée de 10 à ou deux temps, ou déposée sans repose.
14 jours après ablation du matériel pour les infections de la Les données scientifiques manquent pour étayer la durée
poche, d’au moins 14 jours après ablation pour les bactérié- totale de l’antibiothérapie des infections ostéoarticulaires [8, 17] . La
mies, et d’au moins 4 à 6 semaines en cas de complication durée de l’antibiothérapie chez l’adulte est généralement de 3 à
(endocardite, thrombophlébite, ostéomyélite, persistance de la 4 semaines en cas d’arthrite aiguë, d’au moins huit semaines en cas
bactériémie malgré l’ablation de matériel et une antibiothérapie d’ostéomyélite aiguë, de 6 à 12 semaines en cas de spondylodis-
adaptée) [10] . cite ou d’infection sur matériel [8, 14, 15] . Chez l’enfant, des durées

EMC - Maladies infectieuses 3


8-007-B-10  Thérapeutique des infections à staphylocoques

totales plus courtes sont proposées : deux semaines pour une


arthrite aiguë non compliquée, trois semaines pour une ostéomyé-
 Prophylaxie
lite aiguë unifocale non compliquée, sous réserve d’une évolution Prévention de la transmission croisée
clinique et biologique favorable [16] .
En complément des précautions standard, qui comprennent
en particulier l’hygiène des mains, le port de gants et de tablier
Pneumopathies en cas de contact avec tout produit biologique humain, les
Le traitement des pneumonies nosocomiales à SARM repose sur muqueuses ou la peau lésée, la prise en charge hospitalière
la vancomycine ou le linézolide [18] . La vancomycine est associée d’un patient infecté ou colonisé par un SARM nécessite des pré-
globalement à un taux d’échecs de 40 % [18] . Ce taux d’échecs pour- cautions complémentaires de type « contact » [32] . Ces mesures
rait être au moins en partie dû à un sous-dosage [19] . La supériorité comprennent l’isolement en chambre individuelle, le port de sur-
du linézolide sur la vancomycine reste discutée, en particulier blouse à usage unique en cas de contact rapproché avec le patient
parce que les modalités de traitement par vancomycine (poso- et son environnement proche, l’utilisation de matériel de soin
logie et dose de charge en particulier) sont toujours débattues, à usage unique ou dédié au patient, et la signalisation du sta-
responsables d’un sous-dosage de vancomycine dans les essais cli- tut infectieux du patient, notamment lors des consultations ou
niques, qui reflète probablement la pratique clinique [20–22] . Un transferts [33] . Des précautions complémentaires « gouttelettes » y
traitement bref de sept jours est recommandé chez les patients sont associées en cas de prélèvement respiratoire positif (masque
dont les signes cliniques d’infection se résolvent rapidement [18] . antiprojection, dit « chirurgical »), lors des soins directs et à proxi-
En cas de pneumonie communautaire de réanimation survenant mité du patient. Comme le portage de SARM peut persister
dans un contexte grippal, comprenant un tableau gravissime, une jusqu’à deux ans, en particulier en cas de plaie cutanée chro-
pneumonie nécrosante ou une forte suspicion de SARM sécréteur nique, d’hospitalisation récente et d’exposition aux antibiotiques,
de la toxine de Panton-Valentine, il est recommandé d’associer au ces mesures doivent être réévaluées lors des hospitalisations ulté-
céfotaxime un traitement antistaphylococcique ayant des proprié- rieures.
tés antitoxiniques, à type de vancomycine plus clindamycine ou Le dépistage du portage de SARM est réalisé par prélèvement
rifampicine, ou de linézolide [23] . La place de la ceftaroline, active nasal et au moins un prélèvement sur un autre site (préfé-
sur le SARM, reste à déterminer dans cette indication précise [24] . rentiellement, les lésions cutanées) [32] . Le dépistage du SARM
est recommandé à l’admission et régulièrement au cours de
l’hospitalisation en réanimation chez les patients à haut risque
Infections urinaires d’infection (notamment dialysés chroniques, porteurs de cathé-
ter central de longue durée, greffés hépatiques), et chez tous les
Les traitements en monodose par fosfomycine trométamol et
patients en cas de situation d’épidémie récente ou installée (situa-
par fluoroquinolone sont peu actifs dans les cystites à Staphylococ-
tion endémoépidémique) [32] . Le dépistage est aussi recommandé :
cus saprophyticus. En cas de suspicion de cystite à S. saprophyticus
• à l’admission et régulièrement au cours de l’hospitalisation
(absence de nitrites à la bandelette urinaire, femme de moins
en réanimation chez les patients à haut risque d’infection
de 30 ans), un traitement par nitrofurantoïne, ou une fluoro-
(notamment dialysés chroniques, porteurs de cathéter central
quinolone pendant trois jours, est préféré. Quand l’examen
de longue durée, greffés hépatiques), et chez tous les patients
direct des urines révèle la présence de cocci à Gram positif,
en cas de situation d’épidémie récente ou installée (situation
et si l’antibiothérapie ne peut pas attendre l’identification du
endémo-épidémique) [32] ;
germe et son antibiogramme, une antibiothérapie d’attente par
• à l’admission en service de Médecine, Chirurgie ou Obstétrique
amoxicilline/acide clavulanique permet de couvrir à la fois les
(MCO) en situation d’épidémie récente ou installée chez les
entérocoques et les staphylocoques. Le cotrimoxazole constitue
patients à risque de portage de SARM (antécédent de portage
une alternative intéressante aux antistaphylococciques majeurs
de SARM, provenance de service en situation épidémique, hos-
dans les infections urinaires dues à une souche sensible, du fait
pitalisations fréquentes, lésions cutanées) ;
d’une forte élimination urinaire et d’une bonne diffusion dans
• à l’admission en soins de suite réadaptation en cas d’épidémie
les parenchymes urinaires.
récente [32] .
En cas d’uroculture positive chez un patient porteur d’une
L’éradication du portage de SARM repose sur une décontami-
sonde vésicale, seule l’infection urinaire symptomatique, en
nation nasale (application de mupirocine) et corporelle (toilette
opposition à la colonisation urinaire asymptomatique, doit être
avec un savon antiseptique) [32] . La décontamination du portage
traitée. La sonde vésicale doit être, si possible, ôtée, sinon
de SARM doit être réservée aux patients seulement colonisés, c’est-
changée. La colonisation urinaire, asymptomatique, ne justifie
à-dire en l’absence de prélèvements à visée diagnostique (lésions
pas d’antibiothérapie ; l’indication du sondage vésical doit, en
cutanées, urines, trachée) positifs à SARM [32] . Les objectifs de
revanche, être réévaluée [25] .
la décontamination sont à la fois collectifs (prévention de la
dissémination horizontale du SARM) et individuels (prévention
Méningites et ventriculites de l’auto-infection, en particulier chez le patient à haut risque
d’infection) [32] .
Bien que la pénétration dans le liquide cérébrospinal (LCS) des
pénicillines M soit mal connue et que celle de la vancomycine
soit médiocre, ces molécules forment la base du traitement des Prophylaxie préopératoire
méningites staphylococciques aux États-Unis, éventuellement en
association à la rifampicine [26] . La diffusion de la vancomycine Les staphylocoques sont responsables d’un tiers des infections
pourrait être moins aléatoire en utilisant la perfusion continue [27] . de site opératoire (ISO), et d’environ deux tiers des ISO en chi-
L’association céfotaxime–fosfomycine constitue une alternative rurgie cardiaque et orthopédique. La prévention des ISO repose
efficace [28] . Après réception de l’antibiogramme, et en cas de résis- sur :
tance aux antibiotiques précédents, une association à base de • la détection d’une infection préexistante ;
rifampicine, thiophénicol, clindamycine, acide fusidique ou fluo- • les mesures d’hygiène générale pré-, per- et postopératoires ;
roquinolone peut être prescrite, du fait de la bonne diffusion • l’antibioprophylaxie pour les interventions des classes I et II
méningée de ces composés [29] . Le linézolide et le cotrimoxazole d’Altemeier (céfazoline, céfamandole, céfuroxime, céfoxitine) ;
constituent des alternatives intéressantes [8, 30, 31] . • et dans certains cas sur la décontamination du portage nasal de
La prise en charge chirurgicale comprend l’ablation du matériel S. aureus, par mupirocine [33, 34] .
infecté, la mise en place d’un drainage externe et la réim- Si la conférence de consensus de gestion du risque infectieux
plantation d’une dérivation après l’antibiothérapie. L’instillation préopératoire de 2004 recommandait le dépistage et la déconta-
d’antibiotique par un cathéter ventriculaire ou dans un réservoir mination par mupirocine des patients et des soignants seulement
peut être utile en cas d’échec du traitement, ou si le traitement en cas d’incidence élevée d’ISO à S. aureus (taux supérieur à
chirurgical ne peut être réalisé [26] . 2 %), des données récentes de la littérature montrent l’intérêt de

4 EMC - Maladies infectieuses


Thérapeutique des infections à staphylocoques  8-007-B-10

la décontamination systématique (nasale, corporelle et oropha- [6] Gould FK, Denning DW, Elliott TS, Foweraker J, Perry JD, Prender-
ryngée) des patients détectés porteurs, notamment en chirurgie gast BD, et al. Guidelines for the diagnosis and antibiotic treatment
cardiaque [34, 35] . Le dépistage du portage nasal de SARM est recom- of endocarditis in adults: a report of the Working Party of the Bri-
mandé chez les patients opérés présentant un ou plusieurs facteurs tish Society for Antimicrobial Chemotherapy. J Antimicrob Chemother
de risque de portage de SARM, en particulier les antécédents de 2012;67:269–89.
portage de SARM, les patients venant de service ou structure à [7] Elliott TS, Foweraker J, Gould FK, Perry JD, Sandoe JA. Guidelines
forte prévalence de SARM ou présentant des plaies et lésions cuta- for the antibiotic treatment of endocarditis in adults: report of the Wor-
nées [34] . Si le patient est détecté porteur de SARM en préopératoire, king Party of the British Society for Antimicrobial Chemotherapy. J
l’antibioprophylaxie repose sur la vancomycine et les mesures Antimicrob Chemother 2004;54:971–81.
complémentaires de type « contact » seront prescrites ; la décon- [8] Liu C, Bayer A, Cosgrove SE, Daum RS, Fridkin SK, Gorwitz RJ,
tamination par mupirocine n’est pas indiquée dans ce cas. et al. Clinical practice guidelines by the Infectious Diseases Society
of America for the treatment of methicillin-resistant Staphylococcus
aureus infections in adults and children: executive summary. Clin Infect
Bon usage des antibiotiques Dis 2011;52:285–92.
[9] Mermel LA, Allon M, Bouza E, Craven DE, Flynn P, O’Grady NP,
La proportion de SARM à l’hôpital est corrélée à la quantité et al. Clinical practice guidelines for the diagnosis and manage-
d’antibiotiques consommés à l’hôpital, en particulier pour les ment of intravascular catheter-related infection: 2009 Update by the
fluoroquinolones, les céphalosporines de troisième génération et Infectious Diseases Society of America. Clin Infect Dis 2009;49:
les macrolides [36, 37] . Des travaux suggèrent que la fréquence des 1–45.
SARM à l’hôpital peut être diminuée en réduisant drastiquement [10] Baddour LM, Epstein AE, Erickson CC, Knight BP, Levison
la prescription hospitalière de fluoroquinolones, de céphalospo- ME, Lockhart PB, et al. Update on cardiovascular implantable
electronic device infections and their management: a scientific sta-
rines de troisième génération et de carbapénèmes [37–39] .
tement from the American Heart Association. Circulation 2010;121:
458–77.
[11] Troisième conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse.
Les infections bactériennes ostéo-articulaires en dehors des infections
“ Points essentiels [12]
à mycobactéries. Med Mal Infect 1991;20:37–44.
Gouliouris T, Aliyu SH, Brown NM. Spondylodiscitis: update
on diagnosis and management. J Antimicrob Chemother
• Le traitement des infections staphylococciques peut 2010;65(Suppl. 3):III11–24.
[13] Mathews CJ, Weston VC, Jones A, Field M, Coakley G. Bacterial
nécessiter une prise en charge chirurgicale (ablation d’un
septic arthritis in adults. Lancet 2010;375:846–55.
dispositif médical particulier). [14] SPILF. Recommandations de pratique clinique. Infections ostéo-
• La résistance de S. aureus aux pénicillines M a diminué articulaires sur matériel (prothèse, implant, ostéosynthèse). 2008.
au cours des années 2000 dans les hôpitaux français ; la [15] SPILF. Recommandations pour la pratique clinique. Spondylodiscites
résistance des staphylocoques à coagulase négative à la infectieuses primitives et secondaires à un geste intra-discal sans mise
méticilline a augmenté. en place de matériel, 2008.
• La rifampicine est particulièrement utile dans les infec- [16] Grimprel E, Lorrot M, Haas H, Pinquier D, Parez N, Ferroni A, et al.
Osteoarticular infections: therapeutic proposals of the Paediatric Infec-
tions sur matériel.
tious Diseases Group of the French Society of Paediatrics (GPIP). Arch
• Le linézolide est une alternative intéressante dans la
Pediatr 2008;15(Suppl. 2):S74–80.
pneumonie nosocomiale et en cas de résistances multiples, [17] Spellberg B, Lipsky BA. Systemic antibiotic therapy for chronic osteo-
mais son utilisation au long cours est limitée du fait de sa myelitis in adults. Clin Infect Dis 2012;54:393–407.
toxicité. [18] American Thoracic Society, Infectious Diseases Society of Ame-
• Des molécules récemment développées (daptomycine, rica. Guidelines for the management of adults with hospital-acquired,
télavancine, ceftaroline) peuvent être utiles en recours. ventilator-associated, and healthcare-associated pneumonia. Am J Res-
• Les mesures d’hygiène sont primordiales pour éviter la pir Crit Care Med 2005;171:388–416.
[19] Moise-Broder PA, Forrest A, Birmingham MC, Schentag JJ. Phar-
transmission de souches multirésistantes de S. aureus. macodynamics of vancomycin and other antimicrobials in patients
with Staphylococcus aureus lower respiratory tract infections. Clin
Pharmacokinet 2004;43:925–42.
[20] Torres A. Antibiotic treatment against methicillin-resistant Staphy-
lococcus aureus hospital- and ventilator-acquired pneumonia: a
step forward but the battle continues. Clin Infect Dis 2012;54:
 Références 630–2.
[21] Wolff M, Mourvillier B. Linezolid for the treatment of nosocomial
[1] Gonzalez C, Rubio M, Romero-Vivas J, Gonzalez M, Picazo JJ. pneumonia due to methicillin-resistant Staphylococcus aureus. Clin
Bacteremic pneumonia due to Staphylococcus aureus: a comparison Infect Dis 2012;55:160–1.
of disease caused by methicillin-resistant and methicillin-susceptible [22] Wunderink RG, Niederman MS, Kollef MH, Shorr AF, Kunkel MJ,
organisms. Clin Infect Dis 1999;29:1171–7. Baruch A, et al. Linezolid in methicillin-resistant Staphylococcus
[2] Kim SH, Kim KH, Kim HB, Kim NJ, Kim EC, Oh MD, et al. Out- aureus nosocomial pneumonia: a randomized, controlled study. Clin
come of vancomycin treatment in patients with methicillin-susceptible Infect Dis 2012;54:621–9.
Staphylococcus aureus bacteremia. Antimicrob Agents Chemother [23] AFSSAPS, SPILF. Antibiothérapie par voie générale dans les infec-
2008;52:192–7. tions respiratoires basses de l’adulte. Pneumonie aiguë communau-
[3] Turnidge J, Grayson ML. Optimum treatment of staphylococcal infec- taire. Exacerbations de bronchopneumopathie chronique obstructive,
tions. Drugs 1993;45:353–66. 2010.
[4] Société de pathologie infectieuse de langue française, Société française [24] Saravolatz LD, Stein GE, Johnson LB. Ceftaroline: a novel cephalospo-
de dermatologie. Conférence de consensus. Érysipèle et fasciite nécro- rin with activity against methicillin-resistant Staphylococcus aureus.
sante : prise en charge. Med Mal Infect 2000;30:241–5. Clin Infect Dis 2011;52:1156–63.
[5] Habib G, Hoen B, Tornos P, Thuny F, Prendergast B, Vilacosta I, et al. [25] Hooton TM, Bradley SF, Cardenas DD, Colgan R, Geerlings SE, Rice
Guidelines on the prevention, diagnosis, and treatment of infective JC, et al. Diagnosis, prevention, and treatment of catheter-associated
endocarditis (new version 2009): the task force on the prevention, diag- urinary tract infection in adults: 2009 International Clinical Practice
nosis, and treatment of infective endocarditis of the European Society Guidelines from the Infectious Diseases Society of America. Clin Infect
of Cardiology (ESC). Endorsed by the European Society of Clinical Dis 2010;50:625–63.
Microbiology and Infectious Diseases (ESCMID) and the Internatio- [26] Tunkel AR, Hartman BJ, Kaplan SL, Kaufman BA, Roos KL, Scheld
nal Society of Chemotherapy (ISC) for infection and cancer. Eur Heart WM, et al. Practice guidelines for the management of bacterial menin-
J 2009;30:2369–413. gitis. Clin Infect Dis 2004;39:1267–84.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-007-B-10  Thérapeutique des infections à staphylocoques

[27] Albanese J, Leone M, Bruguerolle B, Ayem ML, Lacarelle B, Martin [36] Monnet DL, MacKenzie FM, Lopez-Lozano JM, Beyaert A, Camacho
C. Cerebrospinal fluid penetration and pharmacokinetics of vancomy- M, Wilson R, et al. Antimicrobial drug use and methicillin-resistant
cin administered by continuous infusion to mechanically ventilated Staphylococcus aureus, Aberdeen, 1996-2000. Emerg Infect Dis
patients in an intensive care unit. Antimicrob Agents Chemother 2004;10:1432–41.
2000;44:1356–8. [37] Monnet DL, MacKenzie FM, Skov R, Jensen ET, Gould IM,
[28] Portier H, Armengaud M, Becq-Giraudon B, Bousser J, Desbordes JM, Frimodt-Moller N. Fighting MRSA in hospitals: time to restrict the
Duez JM, et al. Traitement par l’association céfotaxime-fosfomycine broad use of specific antimicrobial classes? J Hosp Infect 2005;61:
des méningites de l’adulte à staphylocoques ou à entérobactéries. 267–8.
Presse Med 1987;16:2161–6. [38] Parienti JJ, Cattoir V, Thibon P, Lebouvier G, Verdon R, Daubin C, et al.
[29] Gemmell CG, Edwards DI, Fraise AP, Gould FK, Ridgway GL, Warren Hospital-wide modification of fluoroquinolone policy and meticillin-
RE. Guidelines for the prophylaxis and treatment of methicillin- resistant Staphylococcus aureus rates: a 10-year interrupted time-series
resistant Staphylococcus aureus (MRSA) infections in the UK. J analysis. J Hosp Infect 2011;78:118–22.
Antimicrob Chemother 2006;57:589–608. [39] Lafaurie M, Porcher R, Donay JL, Touratier S, Molina JM.
[30] Sipahi OR, Bardak S, Turhan T, Arda B, Pullukcu H, Ruksen M, Reduction of fluoroquinolone use is associated with a decrease
et al. Linezolid in the treatment of methicillin-resistant staphylococcal in methicillin-resistant Staphylococcus aureus and fluoroquinolone-
post-neurosurgical meningitis: a series of 17 cases. Scand J Infect Dis resistant Pseudomonas aeruginosa isolation rates: a 10 year study. J
2011;43:757–64. Antimicrob Chemother 2012;67:1010–5.
[31] Sousa D, Llinares P, Meijide H, Gutierrez JM, Miguez E, Sanchez E,
et al. Clinical experience with linezolid for the treatment of neurosur-
gical infections. Rev Esp Quimioter 2011;24:42–7. Pour en savoir plus
[32] Société française d’hygiène hospitalière. Recommandations
nationales. Prévention de la transmission croisée : précautions Que YA, Moreillon P. Staphylococcus aureus (including staphylococcal toxic
complémentaires contact. Consensus formalisé d’experts. Avril 2009. shock). In: Mandell GL, Bennett JE, Dolin R, editors. Principles and
Hygiènes 2009;17:81–138. practice of infectious diseases. Philadelphia: Elsevier Churchill Living-
[33] Société française d’hygiène hospitalière. Surveiller et prévenir les stone; 2010. p. 2543–78.
infections liées aux soins. Hygiènes 2010;18:1–175. Rupp MR, Fey PD. Staphylococcus epidermidis and other coagulase-
[34] Société française d’hygiène hospitalière. Conférence de consensus. negative staphylococci. In: Mandell GL, Bennett JE, Dolin R, editors.
Gestion préopératoire du risque infectieux. Paris, 5 mars 2004. Principles and practice of infectious disease. Philadelphia: Elsevier
[35] Bode LG, Kluytmans JA, Wertheim HF, Bogaers D, Vandenbroucke- Churchill Livingstone; 2010. p. 2579–89.
Grauls CM, Roosendaal R, et al. Preventing surgical-site infections in Crossley KB, Jefferson KK, Archer GL, Fowler VG Jr. Staphylococci in
nasal carriers of Staphylococcus aureus. N Engl J Med 2010;362:9–17. Human Diseases. Chichester: Wiley-Blackwell; 2009. 623p.

E. Batard, Professeur des Universités, praticien hospitalier (eric.batard@chu-nantes.fr).


Université de Nantes, EA3826, Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, Faculté de médecine, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.
Service des urgences, CHU de Nantes, 44093 Nantes cedex 1, France.
D. Boutoille, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Université de Nantes, EA3826, Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, Faculté de médecine, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.
Service des maladies infectieuses et tropicales, CHU de Nantes, 44093 Nantes cedex 1, France.
D. Lepelletier, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Université de Nantes, EA3826, Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, Faculté de médecine, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.
Unité de gestion du risque infectieux, CHU de Nantes, 44093 Nantes cedex 1, France.
J. Caillon, Maître de conférences des Universités, praticien hospitalier.
Université de Nantes, EA3826, Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, Faculté de médecine, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.
Laboratoire de bactériologie, CHU de Nantes, 44093 Nantes cedex 1, France.
G. Potel, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Université de Nantes, EA3826, Thérapeutiques cliniques et expérimentales des infections, Faculté de médecine, 1, rue Gaston-Veil, 44000 Nantes, France.
Service des urgences, CHU de Nantes, 44093 Nantes cedex 1, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Batard E, Boutoille D, Lepelletier D, Caillon J, Potel G. Thérapeutique des infections à staphylocoques.
EMC - Maladies infectieuses 2014;11(1):1-6 [Article 8-007-B-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

6 EMC - Maladies infectieuses


 8-012-A-10

Infections à pneumocoques
C. Janoir, E. Varon

Le pneumocoque, bactérie du microbiote rhinopharyngé de l’homme, est toujours en 2012 l’étiologie


majeure des méningites, des pneumonies et des otites moyennes aiguës. Il est une cause majeure
d’infections invasives aux âges extrêmes de la vie : avant l’âge de 2 ans et après 70 ans, où le risque
d’infection invasive à pneumocoque est respectivement trois fois et cinq à dix fois plus élevé. L’avènement
des antibiotiques et en premier lieu de la pénicilline a permis une réelle amélioration du traitement des
infections à pneumocoques. Il a fallu près de 30 ans pour voir émerger dans les années 1970 les pre-
miers clones de sensibilité diminuée à la pénicilline, puis les clones multirésistants qui ont disséminé à
travers le monde. À partir des années 2000, l’immunisation des enfants de moins de 2 ans avec le vaccin
conjugué heptavalent a complètement modifié l’épidémiologie des pneumocoques, en conduisant à la
quasi-disparition des souches de sérotype vaccinal en majorité résistant aux antibiotiques, qui ont laissé
place à des sérotypes non vaccinaux. Depuis 2003, la proportion des souches de sensibilité diminuée à la
pénicilline est en baisse régulière, atteignant 27 % dans les infections invasives en 2011. Les bêtalacta-
mines constituent le traitement de première intention de ces infections. De nombreux travaux ont permis
d’identifier certaines étapes clés de la physiopathologie des infections à pneumocoques et de nombreux
facteurs de virulence, le plus important restant la capsule. Cette structure de surface polyosidique, à
l’origine de la classification en 93 sérotypes, est également à la base du développement des vaccins. La
stratégie de prévention des infections graves à pneumocoques chez l’enfant de moins de 2 ans et dans les
autres populations à risque repose désormais sur l’utilisation du vaccin conjugué 13-valent, qui a rem-
placé le vaccin 7-valent en juin 2010. Cependant, malgré des antibiotiques et une vaccination efficaces,
les infections à pneumocoques représentent aujourd’hui encore un problème de santé publique avec une
morbidité importante et une mortalité élevée, en particulier dans le cas des méningites.
© 2014 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Streptococcus pneumoniae ; Sérotype ; Pneumonies ; Méningites ; Bêtalactamines ; Vaccination

Plan ■ Diagnostic biologique 10


Diagnostic direct 10
■ Historique 1 Diagnostic par identification d’un composant du pneumocoque 10
Étude de la sensibilité du pneumocoque aux antibiotiques 11
■ Agent pathogène 2
■ Traitement 11
Morphologie 2
Caractères culturaux 2 Traitement des méningites 11
Structure antigénique 2 Traitement des pneumonies communautaires 12
Génétique 2 Traitement des otites moyennes aiguës 12
Transformation naturelle 2 ■ Prophylaxie 12
Pouvoir pathogène expérimental 3 Vaccin polyosidique Pneumo23® 12
Sensibilité aux antibiotiques 3 Vaccins conjugués 13
■ Épidémiologie 4 ■ Surveillance des infections à pneumocoques 15
Réservoir – Colonisation 4
Données épidémiologiques sur les infections à pneumocoques 4
■ Physiopathologie 5
Transmission
De la colonisation à l’infection de l’hôte : facteurs de risque
5
5
 Historique
Facteurs de virulence 5 En 1881, Louis Pasteur isole pour la première fois à partir de
Physiopathologie des principales infections à pneumocoques 7 la salive d’un enfant mort de la rage un bâtonnet extrêmement
■ Clinique 7 court, un peu déprimé vers son milieu, en forme de « 8 » et entouré
Infections de la sphère oto-rhino-laryngée 7 d’une sorte d’auréole. En 1901, Chester établit la première des-
Infections des voies respiratoires inférieures 8 cription de Streptococcus pneumoniae (alors nommé Micrococcus
Infections neuroméningées 9 pneumoniae). La découverte chez le pneumocoque du phéno-
Autres localisations 10 mène de transfert génétique par transformation naturelle en 1928

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 11 > n◦ 3 > août 2014
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(14)56442-3
8-012-A-10  Infections à pneumocoques

Structure antigénique
La spécificité antigénique des pneumocoques, à l’origine de la
sérotypie, est liée à la structure de la capsule, présente à la sur-
face des pneumocoques chez plus de 99 % des souches isolées en
clinique. Dans la plupart des cas, la capsule est liée de manière
covalente au peptidoglycane sous-jacent. La capsule est un poly-
mère d’unités polyosidiques reliées par des ponts glycosidiques,
chaque unité étant constituée de deux à huit sucres différents.
Les variations de l’immunogénicité de la capsule s’expliquent
par la composition en sucres ainsi que par le type de liaison
entre ces sucres, et par la présence de substituants sur certains
d’entre eux [2] . Le nombre de sérotypes a été porté récemment à 93,
avec la description récente de trois nouveaux sérotypes [3–5] . Cer-
tains de ces sérotypes, du fait de leur communauté antigénique,
sont regroupés en sérogroupe. La capsule polyosidique est à la
base de la vaccination antipneumococcique. Des échanges capsu-
laires in vivo (« switch » capsulaire), par transformation naturelle
au sein de l’espèce, peuvent jouer un rôle dans l’échappement
au système immunitaire de l’hôte [6] . Des échanges avec d’autres
Figure 1. Culture ␣-hémolytique sur gélose au sang. Noter l’aspect streptocoques ont aussi contribué à la diversité des capsules des
des colonies et la sensibilité à l’optochine, principaux caractères phéno- pneumocoques.
typiques d’identification du pneumocoque. La paroi des pneumocoques contient une autre structure anti-
génique : le polyoside de type C, à l’origine de la classification des
streptocoques selon Lancefield. Ce polyoside C est présent dans
par Griffith sera en partie à l’origine, des années plus tard, de toutes les souches de pneumocoques, y compris dans les souches
l’identification de l’acide désoxyribonucléique (ADN) comme sup- non capsulées. Le test immunochromatographique de diagnostic
port de l’information génétique. rapide repose sur la détection de cet antigène dans l’urine ou dans
le liquide céphalorachidien (LCR) des patients.

 Agent pathogène
Génétique
S. pneumoniae appartient à la famille des Streptococcaceae
(embranchement des Firmicutes, classe des Bacilli, ordre des Lacto- Le génome de S. pneumoniae est très proche de celui d’autres
bacillales) et au genre Streptococcus. Dans le Bergey’s Manual (édition streptocoques du microbiote rhinopharyngé tels que S. mitis et
1986), au sein de ce genre, il est associé aux streptocoques pyo- S. oralis. Ces trois espèces sont localisées au sein d’un cluster
gènes en raison de son pouvoir pathogène. Cependant, sur des défini par la proximité des séquences de l’acide désoxyribonu-
critères d’identification phénotypique, S. pneumoniae est classé cléique ribosomique (ADNr) 16S, le groupe mitis, dans lequel se
dans le groupe de Streptococcus mitis, avec S. mitis et Streptococcus définissent trois sous-groupes dont l’un regroupe les souches de
oralis [1] . S. mitis et de S. pneumoniae ; le sous-groupe constitué des souches
de S. oralis est phylogénétiquement plus lointain. Leur ancêtre
commun serait une espèce pathogène S. pneumoniae-like, dont
Morphologie l’espèce S. mitis se serait progressivement différentiée par la perte
de gènes de virulence et l’adaptation à la vie commensale [7, 8] .
S. pneumoniae est un coque à Gram positif, de diamètre inférieur
S. mitis serait ainsi le principal réservoir de variabilité génétique
à 2 ␮m, immobile et asporulé. Il se présente le plus fréquemment
pour le pneumocoque.
sous forme de diplocoques, parfois en courtes chaînettes. La plu-
Le premier génome séquencé en totalité, publié en 2001, est
part des isolats cliniques sont capsulés, mais la capsule n’est pas
le génome d’une souche de sérotype 4 (TIGR4) ; il fait 2,2 Mbases,
toujours facile à visualiser par la coloration de Gram. Dans les
avec un taux de GC (coefficient de Chargaff) de 37,7 % et contient
produits pathologiques, l’aspect typique est celui de diplocoques
2236 régions codantes [9] . L’analyse ultérieure d’un grand nombre
lancéolés, plus ou moins appariés par leurs extrémités effilées.
de souches a permis d’identifier les gènes appartenant au core
génomique, présents chez toutes les souches de S. pneumoniae
Caractères culturaux (environ 1650). Il est intéressant de noter que tous les gènes de
virulence de S. pneumoniae n’appartiennent pas à ce core géno-
Comme tous les streptocoques, S. pneumoniae est une bacté-
mique, et que certains gènes codant des facteurs de virulence
rie anaérobie–aérobie tolérante, homofermentaire, ne possédant
majeurs, comme la pneumolysine et l’autolysine, ont été retrou-
ni oxydase ni catalase. Il s’agit d’une bactérie fragile, très sen-
vés dans des souches de S. mitis [8] .
sible à l’acidification des milieux de culture qui se produit
au cours des fermentations, ce qui nécessite pour la cultiver
l’utilisation de milieux glucosés tamponnés (pH 7,8) et/ou enri- Transformation naturelle
chis au sang défibriné de cheval ou de mouton. Sur ces milieux,
les conditions de culture optimales associent une température La transformation naturelle est un mécanisme de transfert géné-
d’incubation de 37 ◦ C à une atmosphère enrichie en gaz carbo- tique permettant l’acquisition d’un caractère stable transmissible
nique (5 %). En 24 heures, le pneumocoque donne des petites à la descendance, à l’origine de diversité génétique. Ce méca-
colonies (d’environ 1 mm de diamètre) bombées à contours régu- nisme, qui existe chez de nombreuses espèces bactériennes, a été
liers, alphahémolytiques en 24 heures sur gélose au sang (Fig. 1). mis en évidence chez le pneumocoque par F. Griffith en 1928.
Les bactéries capsulées donnent, sur gélose, des colonies d’aspect L’injection à des souris d’une souche S (capsulée) entraînait la
lisse, dites colonies S (pour « smooth »), les non-capsulées des colo- mort des animaux alors que, dans les mêmes conditions expé-
nies d’aspect rugueux, nommées colonies R (pour « rough »), et rimentales, une souche R (non capsulée) était non virulente.
certains sérotypes, en particulier le sérotype 3, présentent des colo- En revanche, un mélange de bactéries S mortes et de bactéries R
nies d’aspect muqueux. Sur la plupart des milieux de culture vivantes entraînait également la mort des souris, et les bactéries
utilisés, les colonies de S. pneumoniae subissent une autolyse à par- vivantes retrouvées dans le sang des souris, à l’origine de la patho-
tir de 24 heures, qui se traduit par un creusement des colonies en logie, présentaient un aspect lisse S sur gélose. Le caractère S avait
leur centre et un aspect ombiliqué. Ce phénomène impose des donc été transféré des bactéries mortes aux bactéries vivantes, et
repiquages fréquents des souches afin de conserver leur vitalité. ce phénomène fut appelé transformation naturelle.

2 EMC - Maladies infectieuses


Infections à pneumocoques  8-012-A-10

Le mécanisme de la transformation bactérienne est un phéno- molécules. Au sein de cette famille, les molécules les plus actives
mène complexe, finement régulé, qui exige que la bactérie soit sont les aminopénicillines et les céphalosporines de troisième
dans un état physiologique particulier appelé « compétence ». Le génération injectables (cefotaxime, ceftriaxone) [16–19] .
pneumocoque est compétent durant une quarantaine de minutes,
en début de phase exponentielle de croissance. La bactérie com- Résistances acquises
pétente est capable de lier un ADN bicaténaire libre dans le
milieu extracellulaire grâce à l’expression d’un complexe mem- Le pneumocoque a acquis des résistances vis-à-vis de nom-
branaire ; un des brins de cet ADN est ensuite internalisé alors breux antibiotiques, à l’exception des glycopeptides, bien que de
que l’autre est dégradé [10] . L’ADN simple brin entrant est intégré rares souches tolérantes à la vancomycine aient été décrites [20] . La
dans le chromosome bactérien par recombinaison homologue s’il situation la plus préoccupante concerne la résistance aux bêtalac-
présente une homologie génétique suffisante avec l’ADN chro- tamines et aux macrolides.
mosomique de la souche receveuse [11] . Les pneumocoques en Mécanismes de résistance aux bêtalactamines
état de compétence produisent des molécules toxiques vis-à- Les cibles essentielles des bêtalactamines sont les cinq pro-
vis des autres pneumocoques résidents non compétents et/ou téines de liaison à la pénicilline (PLP) de haut poids moléculaire,
des streptocoques génétiquement proches comme S. oralis et enzymes impliquées dans la synthèse du peptidoglycane. Le méca-
S. mitis, entraînant ainsi leur lyse. Ce phénomène, qualifié de nisme de résistance est lié à une modification de ces cibles qui
« fratricide », permet de coordonner l’acquisition de la compé- résulte d’échanges génétiques purement chromosomiques. Au
tence à la disponibilité d’ADN homologue libre dans le milieu cours de la transformation naturelle, les gènes codant ces PLP
extérieur [12, 13] . sont échangés par recombinaison avec des gènes homologues
Dans le cas du pneumocoque, la transformation naturelle revêt d’autres streptocoques oraux du microbiote rhinopharyngé. Les
une grande importance physiologique puisque ce mécanisme est, espèces « donatrices » sont essentiellement S. mitis et dans une
entre autres, à l’origine de la résistance aux bêtalactamines ainsi moindre mesure S. oralis [21] ; ces échanges génétiques aboutissent
que du phénomène d’échange capsulaire entraînant un échappe- à la formation de PLP dites mosaïques. La survenue de mutation(s)
ment au vaccin. ponctuelle(s) peut également jouer un rôle ; certaines mutations
sont à l’origine de phénotypes de résistance particuliers, associant
Pouvoir pathogène expérimental une résistance aux céphalosporines et une sensibilité paradoxale
aux aminopénicillines [22] . Ces mécanismes, qui peuvent être
Le modèle de choix pour l’expérimentation animale est actuel- associés, conduisent à une perte relative d’affinité d’une ou de
lement la souris, aisément manipulable et très sensible aux plusieurs PLP pour les bêtalactamines, l’activité de chaque molé-
infections à pneumocoques. Ce modèle a été largement utilisé cule étant plus ou moins affectée selon le type et le nombre de
pour clarifier la physiopathologie des infections à pneumocoques PLP modifiées. Les pneumocoques sont alors dits de sensibilité
et tenter d’identifier de nombreux facteurs de virulence ainsi diminuée à la pénicilline (PSDP). La résistance aux pénicillines
que pour évaluer l’efficacité de nouvelles molécules antibiotiques nécessite la modification d’au moins une PLP parmi les PLP2x,
ou la réponse vaccinale à différents antigènes. Les pathologies 1a et 2b ; quant à la résistance aux céphalosporines, elle implique
observées varient en fonction des voies d’inoculation utilisées. au moins la modification de l’une des deux PLP, 2x ou 1a. La
Après une administration intranasale ou intratrachéale, la sou- résistance est croisée à l’ensemble des bêtalactamines, mais à des
ris développe une infection pulmonaire, généralement associée à niveaux différents pour chacune d’entre elles. En conséquence, la
un sepsis, qui entraîne la mort de l’animal ; ce modèle peut être concentration minimale inhibitrice (CMI) de chaque molécule ne
modulé afin de mimer au mieux la pneumonie franche lobaire peut pas être déduite de celle de la pénicilline G [23] .
aiguë humaine [14] . Un sepsis peut aussi être observé après inocu- Il peut exister par ailleurs un phénomène de tolérance aux
lation par voie intraveineuse ou intrapéritonéale. Dans ce modèle bêtalactamines, qui se traduit par une augmentation de la concen-
de souris, les souches de pneumocoques n’expriment pas toutes tration minimale bactéricide (CMB) de l’antibiotique vis-à-vis de
la même virulence, certaines n’étant pas pathogènes alors que la souche, alors que la concentration minimale inhibitrice (effet
d’autres entraînent la mort des animaux en trois à quatre heures. bactériostatique) est conservée. Ce phénomène, qui s’explique
Il existe un autre modèle expérimental de pneumonie, développé par des modifications de la régulation de l’activité autolytique,
chez le lapin immunocompétent [15] . Plusieurs modèles expéri- pourrait être responsable de certains échecs thérapeutiques.
mentaux de méningites ont également été développés, à l’origine
chez le rat et le lapin, et plus récemment chez la souris. Enfin, Mécanismes de résistance aux macrolides et kétolides
plusieurs modèles animaux peuvent être utilisés pour l’étude de Le mécanisme principal de résistance aux macrolides résulte
l’otite moyenne aiguë, entre autres le rat, le hamster, le chinchilla d’une modification de leur cible, la sous-unité 50S du ribosome
et encore la souris [14] . bactérien. Ce mécanisme de résistance est lié à une méthylation
de l’acide ribonucléique (ARN) ribosomal 23S, sur l’adénine en
position 2058, sous la dépendance d’un gène erm (erythromycin
Sensibilité aux antibiotiques ribosome methylase), essentiellement ermB chez S. pneumoniae. Ce
Phénotype sauvage gène peut s’exprimer de manière constitutive, mais il est plus
généralement inductible, la force de l’induction variant en fonc-
S. pneumoniae est naturellement sensible à un grand nombre tion des macrolides. La résistance est croisée à tous les macrolides
d’antibiotiques : pénicillines, céphalosporines, macrolides et kéto- et concerne aussi les lincosamides et la streptogramine B (phéno-
lides, glycopeptides, synergistines, tétracyclines, rifampicine, type de résistance MLSB ), mais ne confère pas de résistance à la
linézolide, cotrimoxazole et chloramphénicol. Les pneumocoques pristinamycine et à la télithromycine. Le gène ermB est habituel-
sont naturellement résistants à la péfloxacine, l’ofloxacine, lement localisé sur un transposon, généralement associé au gène
la ciprofloxacine, mais sensibles à deux fluoroquinolones, tetM codant pour la résistance aux tétracyclines et au gène aphA-3
la lévofloxacine et la moxifloxacine, qui peuvent être utili- codant pour la résistance à la kanamycine [23] .
sées en thérapeutique, selon les recommandations françaises, Un autre mécanisme de résistance à l’érythromycine a été
dans des indications précises [16] . Comme toutes les bactéries décrit : il s’agit d’un mécanisme d’efflux actif spécifique, sous la
anaérobies, S. pneumoniae, présente en raison d’une chaîne respi- dépendance du gène mefE, inductible par les macrolides à 14 et
ratoire incomplète, une imperméabilité naturelle aux aminosides, 15 atomes de carbone. L’existence d’un tel mécanisme se traduit
se traduisant par une résistance de bas niveau vis-à-vis de par une résistance aux macrolides en C14 et C15, sans effet sur
l’ensemble des molécules de cette famille ; chez les souches les macrolides en C16, lincosamides, streptogramines et kétolides
sauvages, la synergie avec les bêtalactamines est cependant (phénotype de résistance M).
conservée.
Les molécules de choix dans le traitement des infections à Mécanismes de résistances aux fluoroquinolones
pneumocoques restent les bêtalactamines, malgré la moindre La résistance aux fluoroquinolones est liée soit à la survenue de
sensibilité de certaines souches de S. pneumoniae vis-à-vis de ces mutations ponctuelles dans l’une et/ou l’autre cible de ces

EMC - Maladies infectieuses 3


8-012-A-10  Infections à pneumocoques

antibiotiques, la gyrase et la topoïsomérase IV, soit à gique) et a évolué avec l’introduction des vaccins conjugués.
l’augmentation d’un efflux actif. Les souches présentant un Entre 1998–2002, période qui précède l’introduction du vaccin
efflux actif exprime un bas niveau de résistance, de même conjugué 7-valent, et 2008–2009, l’incidence globale a légère-
que les souches présentant une mutation dans une seule des ment mais significativement augmentée, de 9,1 à 11,2 cas pour
cibles (le plus souvent la topoïsomérase IV) et ces mécanismes 100 000 habitants, bien qu’elle ait diminué chez les enfants
n’entraînent pas de résistance aux fluoroquinolones actives sur de moins de 2 ans, principale cible du vaccin 7-valent (de
les pneumocoques (lévofloxacine et moxifloxacine en France). En 32,7 à 24,6 cas pour 100 000 habitants). Depuis l’introduction
revanche, l’association de mutations dans la topoïsomérase IV et du nouveau vaccin conjugué 13-valent, la tendance globale
dans la gyrase se traduit par un haut niveau de résistance, et une semble s’inverser : en 2011, l’incidence des infections inva-
résistance croisée à toutes les fluoroquinolones [24, 25] . Par ailleurs, sives à pneumocoques, tous âges confondus, atteint 10,6 pour
des transferts horizontaux au niveau des gènes de topoïsomérases 100 000 habitants. Elle continue de baisser chez l’enfant de moins
ont été mis en évidence, mais leur fréquence reste faible [26] . de 2 ans (18,8 cas pour 100 000 habitants) et amorce une diminu-
tion chez l’adulte de plus de 64 ans (passant de 7,2 en 2008–2009
à 6,9 cas pour 100 000 habitants en 2011).
 Épidémiologie Les populations les plus à risque pour les infections invasives
à pneumocoques sont les enfants de moins de 1 an et les per-
Réservoir – Colonisation sonnes âgées de plus de 80 ans [37] . Chez l’enfant, le pneumocoque
représente la première cause de décès par infection bactérienne en
S. pneumoniae est un pathogène humain, dont le principal réser-
France.
voir connu est le rhinopharynx. Cependant, des infections à
En 2011, le nombre total de méningites à pneumocoques a été
pneumocoques ont été décrites chez certains animaux domesti-
évalué à 720, soit une incidence de 1,1 pour 100 000 habitants. Le
qués par l’homme, en particulier les chevaux [27] .
pneumocoque reste la première étiologie bactérienne des ménin-
La colonisation du rhinopharynx apparaît précocement au
gites et représente en particulier presque 50 % des bactéries isolées
cours de la vie, et le taux de porteurs est maximal parmi les enfants
dans les méningites de l’enfant de 2 à 11 mois, et plus de 60 % dans
de moins de 2 ans [28, 29] . La fréquence de colonisation est augmen-
les méningites de l’adulte à partir de 25 ans [37, 38] .
tée par la vie en collectivité (notamment en crèche, où il peut
dépasser 70 %), l’importance de la fratrie, la saison froide. Elle est Épidémiologie de la résistance en France (Centre national
également augmentée lors d’infections virales, en particulier la de référence des pneumocoques [CNRP]), données
grippe. Après l’âge de 2 ans, le portage décline progressivement, épidémiologiques 2011)
pour atteindre chez les adultes un taux inférieur à 10 %. Ce phé- Résistance aux bêtalactamines. Depuis la description des
nomène reflète vraisemblablement l’acquisition progressive d’une premiers cas d’infections à PSDP en Australie en 1967, la préva-
immunité muqueuse vis-à-vis des sérotypes circulants les plus fré- lence de ces souches n’a cessé de progresser régulièrement dans le
quents. La colonisation par des souches de PSDP est favorisée par monde, et particulièrement en France, où la prévalence maximale
la pression de sélection exercée par les traitements antibiotiques, a été atteinte en 2001–2002, avec 52 % de souches de sensibilité
particulièrement fréquents chez les enfants de moins de 2 ans [30] . diminuée à la pénicilline G (CMI > 0,064 mg/l), et respectivement
L’épidémiologie du portage fluctue dans le temps : la pression 31 % et 17 % de souches de sensibilité diminuée à l’amoxicilline et
immunitaire naturelle de la population entraîne des modifications au céfotaxime. La mise en place, fin 2001, du Plan national pour
de la distribution des sérotypes circulants liée à des vagues [31, 32] , préserver les antibiotiques et l’introduction du vaccin conjugué
mais le bouleversement le plus important est intervenu sous l’effet heptavalent fin 2002 (dirigé contre les principaux sérotypes impli-
la pression de sélection du vaccin conjugué. La vaccination par qués dans les infections invasives, et dont la majorité étaient de
le vaccin conjugué heptavalent s’est traduite par la réduction du sensibilité diminuée aux bêtalactamines) ont permis d’amorcer
portage des sept sérotypes vaccinaux, accompagnée d’un phé- une décroissance de la résistance de S. pneumoniae vis-à-vis des
nomène de remplacement sérotypique [33, 34] . En France, jusqu’en bêtalactamines. Parmi les souches isolées d’infections invasives en
2010, le sérotype 19A représentait encore 15 % des souches de por- 2011, 25 % sont de sensibilité diminuée à la pénicilline. La préva-
tage, les sérotypes 6A/C et 15A/BC représentant chacun plus de lence des PSDP est plus importante parmi les souches isolées de
5 % des souches restantes [35] . L’introduction du vaccin conjugué prélèvements respiratoires (49 %) et d’OMA (62 %). Moins de 1 %
13-valent, en remplacement du vaccin heptavalent, devrait se tra- étaient résistantes à la pénicilline (CMI > 2 ␮g/ml). La prévalence
duire à court ou moyen terme par une nouvelle évolution de la de la sensibilité diminuée à l’amoxicilline et aux céphalospo-
distribution des sérotypes. rines de troisième génération par voie injectable est moindre.
Pour l’amoxicilline, molécule recommandée en première inten-
Données épidémiologiques sur les infections tion dans le traitement des pneumonies communautaires et des
OMA, elle atteint 10 % des souches isolées d’infections inva-
à pneumocoques sives, 35 % des souches isolées d’OMA et 25 % des souches isolées
Généralités d’infections respiratoires. En ce qui concerne les céphalosporines
de troisième génération injectables (recommandées en particulier
Les infections à pneumocoques sont des infections fréquentes, dans le traitement des méningites et dans le traitement des pneu-
essentiellement communautaires, dont l’incidence est plus élevée monies graves), la prévalence de la sensibilité diminuée est de 4 %
dans les pays en développement que dans les pays industrialisés. dans les infections invasives ; aucune souche isolée de méningite
Dans le monde, le nombre d’infections à S. pneumoniae est estimé, n’est résistante (CMI > 2 ␮g/ml) (Tableau 1).
par an, à 100 millions pour les otites moyennes aiguës (OMA), Résistance aux macrolides. Les macrolides représentaient
5 millions pour les pneumonies, 100 000 pour les méningites à l’alternative de choix dans le traitement des infections respi-
pneumocoques et 10 millions de bactériémies. Aux États-Unis, ratoires à pneumocoques. À partir de 1984, la résistance aux
le nombre d’infections invasives a été estimé à 44 000 pour macrolides a beaucoup progressé à travers le monde et en France,
l’année 2009, à l’origine de 5000 décès [36] . En France, le pneumo- où elle a atteint 51 % en 2001. Depuis, de la même manière que
coque arrive en première position parmi les bactéries responsables pour les bêtalactamines, on assiste à une diminution régulière
de méningites, d’OMA et de pneumonies communautaires. de cette résistance, avec cependant des différences nettes selon
Les infections à pneumocoques évoluent essentiellement sous le type d’infection. En 2011, la résistance aux macrolides atteint
un mode sporadique, avec une recrudescence hivernale ; quelques 26 % dans les infections invasives, mais 57 % dans les OMA et
cas groupés de pneumonies peuvent être observés en saison froide, 49 % au cours des infections respiratoires tout venant (Tableau 1).
généralement dans les collectivités où règne la promiscuité. La prévalence de la résistance aux macrolides est plus élevée pour
les souches de sensibilité diminuée aux bêtalactamines.
Incidence en France
Résistance aux fluoroquinolones. Depuis la description des
L’incidence des infections invasives à pneumocoques en France premières souches cliniques résistantes aux fluoroquinolones
est surveillée par le réseau EPIBAC (Épidémiologie bactériolo- antipneumococciques, au début des années 1990, la prévalence

4 EMC - Maladies infectieuses


Infections à pneumocoques  8-012-A-10

Tableau 1.
Prévalence des souches de pneumocoques de sensibilité diminuée (I + R) aux bêtalactamines ou aux macrolides en 2011, en fonction des pathologies chez
l’enfant (≤ 15 ans) et chez l’adulte (> 15 ans) (données du Centre national de référence du pneumocoque).
I + R (%) Méningites Bactériémies Otite moyenne aiguë Infections respiratoires a
Enfants Adultes Enfants Adultes Enfants Adultes
Pénicilline 28 28 17 26 62 49
Amoxicilline 7 12 7 12 35 25
Céfotaxime b 3 4 2 5 12 8
Érythromycine 36 29 18 27 57 49
a
Infections respiratoires sans bactériémies.
b
Souches intermédiaires pour la plupart : dans les infections invasives une seule souche était résistante au céfotaxime (CMI > 2 mg/l).

des souches exprimant un mécanisme de résistance vis-à-vis des du pneumocoque. Les facteurs à l’origine de cette évolution ne
fluoroquinolones (efflux ou mutations) est relativement stable. sont pas tous caractérisés, mais certains sont liés à la bactérie et
En 2011, 1 % des souches étudiées exprimaient un mécanisme de d’autres à l’hôte.
résistance aux fluoroquinolones, avec 0,3 % résistantes aux fluo-
roquinolones antipneumococciques.
Facteurs liés à la bactérie
Distribution des sérotypes (CNRP, données Le portage est la première étape des infections à pneumocoques.
épidémiologiques 2009–2011) Il s’agit d’un processus dynamique qui évolue de façon séquen-
Dans les infections invasives tielle mais sa durée est très variable en fonction des sérotypes,
En 2011, les quatre sérotypes majoritaires des souches isolées de quelques heures à quelques mois [28, 29] . L’épidémiologie du
des infections invasives de l’adulte et de l’enfant sont le 12F, le portage ne reflète pas l’épidémiologie des infections invasives.
19A, le 7F, et le 1, responsables de près de 45 % des infections. Les sérotypes les plus fréquemment isolés d’infections invasives
Parmi ceux-ci, seul le sérotype 19A est de sensibilité diminuée à appartiennent à deux catégories : des sérotypes moyennement
la pénicilline, les souches de sérotypes 12F, 7F et 1 y étant quasi- invasifs mais très fréquents en portage, comme le sérotype 3, et
ment constamment sensibles. La distribution des sérotypes varie des sérotypes très invasifs mais peu retrouvés en portage, tels que
cependant selon l’âge et la pathologie. Tous prélèvements confon- les 1, 4, 7F et 14 ; ces sérotypes très invasifs sont efficaces dans
dus, le sérotype 1 est relativement peu fréquent chez les enfants leur capacité à initier la maladie et ont des durées de portage
de moins de 23 mois et les adultes, mais sa prévalence est forte court avant de déclencher l’infection. En revanche, certains séro-
chez les enfants de 2 à 15 ans ; par ailleurs, ce sérotype est qua- types sont essentiellement retrouvés en portage (par exemple le
siment absent dans les méningites (Fig. 2). Ces quatre sérotypes sérotype 35B) : on considère qu’il s’agit de sérotypes bons colo-
sont contenus dans le nouveau vaccin 13-valent, à l’exception du nisateurs mais peu invasifs. Cet équilibre entre la capacité de
12F, en nette augmentation ces deux dernières années. colonisation et la capacité de virulence du pneumocoque semble
liée à la fois à la structure capsulaire des différents sérotypes mais
Dans les otites moyennes aiguës de l’enfant probablement également au fond génétique des souches [40–42] .
En 2011, le sérotype 19A représente plus d’un tiers des souches
isolées de pus d’oreille. Il faut cependant tempérer ce résultat car
l’analyse épidémiologique des OMA n’est réalisée que sur des pus Facteurs liés à l’hôte
d’oreilles obtenus, par définition, à partir d’OMA en échec théra- Certains sujets sont « à risque » de faire des infections pneumo-
peutique après le traitement probabiliste initial. Il est donc peu cocciques. Ces facteurs prédisposant sont :
étonnant que l’on retrouve essentiellement des souches apparte- • les âges extrêmes de la vie (< 2 ans et > 65 ans) ;
nant à un sérotype résistant aux bêtalactamines. • l’infection par le virus de l’immunodéficience humaine (VIH) ;
Dans les pneumonies de l’adulte • les déficits immunitaires congénitaux ou acquis ;
Deux sérotypes dominent largement l’épidémiologie des pneu- • l’hypo- ou l’asplénie, qu’elle soit fonctionnelle (drépanocytose)
monies à pneumocoques : le sérotype 19A et le sérotype 35B, ou anatomique ;
également de sensibilité diminuée aux bêtalactamines. • certaines pathologies sous-jacentes comme les insuffisances
respiratoires ou rénales chroniques, l’insuffisance cardiaque,
le diabète, la bronchopneumopathie chronique obstructive
 Physiopathologie (BPCO), l’asthme [43] ;
• l’alcoolisme et le tabagisme qui sont aussi des facteurs de risque
Transmission de faire une infection à pneumocoque [44] .
La co-infection par un virus respiratoire, en particulier par
La transmission se fait par voie interhumaine, non épidémique,
le virus grippal, favorise également le passage de portage à
d’un individu colonisé vers un autre, par le biais des gouttelettes
infection, qu’il s’agisse d’une OMA ou, surtout, d’une infection
de Pflügge contaminées par des souches de portage. De ce fait,
invasive [29, 40] .
elle est favorisée par la promiscuité, la saison froide, ainsi que
Par ailleurs, il existe également des facteurs qui favorisent
les infections virales des voies respiratoires supérieures [39] . Toute
l’infection par une souche de PSDP :
infection à pneumocoque débute par une phase de portage, de
• le jeune âge ;
durée variable. Classiquement, on distingue les infections non
• les séjours en collectivité ;
invasives, où les pneumocoques vont exercer leur pouvoir patho-
• la prise récente de bêtalactamines (< 3 mois) ;
gène directement au niveau de muqueuses par extension à partir
• l’hospitalisation récente ;
de leur réservoir rhinopharyngé, des infections invasives qui sur-
• les antécédents d’OMA ou de pneumopathies.
viennent après la phase d’invasion qui a généralement lieu au
niveau de la muqueuse pharyngée ou alvéolaire.

Facteurs de virulence
De la colonisation à l’infection de l’hôte :
facteurs de risque Les facteurs de virulence majeurs du pneumocoque sont la
capsule et la pneumolysine, mais de nombreuses études ont
Le passage de l’état de colonisation à l’état d’infection est un récemment mis en évidence l’existence de facteurs de virulence
phénomène assez rare, compte tenu de l’importance du portage accessoires.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-012-A-10  Infections à pneumocoques

20,00 %
18,00 %
16,00 %
Nombre de souches
14,00 %
12,00 %
10,00 %
8,00 %
6,00 %
4,00 %
2,00 %
0,00 %
14
18C
19F
23F
4
6B
1
19A
7F
3
5
6A
12F
24F
15A
33F
10A
25A
22F
15C
15B
23B
6C
35B
11A
NT
Autres
Sérotypes vaccinaux PCV13
A
20,00 %
18,00 %
16,00 %
Nombre de souches

14,00 %
12,00 %
10,00 %
8,00 %
6,00 %
4,00 %
2,00 %
0,00 %
14
18C
19F
23F
4
6B
9V
19A
7F
3
1
6A
5
12F
22F
6C
15A
35B
11A
10A
8
23B
23A
24F
15B
17F
33F
9N
35F
NT
Autres
Sérotypes vaccinaux PCV13
B
Figure 2. Distribution des sérotypes isolés d’infections invasives en 2011. Les sérotypes contenus dans le vaccin conjugué heptavalent apparaissent en
bleu ; les sérotypes supplémentaires contenus dans le vaccin 13-valent (PCV13) apparaissent en orange, les sérotypes non vaccinaux sont indiqués en vert.
A. Chez l’enfant (n = 434).
B. Chez l’adulte (n = 1026).

Capsule de rôle dans l’étape de colonisation du rhinopharynx, mais son


rôle dans la pathogenèse des infections respiratoires [49, 50] et des
Plus de 99 % des souches isolées d’infections invasives sont cap-
méningites [51, 52] a été démontré.
sulées. La capsule est à l’origine d’un phénomène de résistance à
la phagocytose par diminution de l’opsonisation. En effet, sa pré-
sence limite l’interaction du complément et des fractions Fc des
immunoglobulines, liées aux structures bactériennes pariétales Autres facteurs de virulence
sous-jacentes, avec leurs récepteurs présents à la surface des cel- De nombreuses autres protéines du pneumocoque jouent
lules phagocytaires [45] . L’expression de la capsule réduit également également un rôle dans la virulence de cette bactérie [53] . La contri-
le piégeage de la bactérie par le mucus et donc son élimination bution de chacune de ces structures à la pathogenèse varie en
mécanique [46] . fonction du type d’infection [45, 54] . On peut citer, entre autres :
• l’autolysine principale LytA qui joue un rôle important dans
Pneumolysine la virulence en favorisant la libération de la pneumolysine et
La pneumolysine est une protéine très conservée au sein d’autres composants pro-inflammatoires ;
de l’espèce S. pneumoniae et exprimée par la quasi-totalité des • la protéine PspA qui joue un rôle dans la protection vis-à-vis de
souches. Elle appartient à la famille des cytolysine cholestérol- la défense innée de l’hôte, à la fois en inhibant l’opsonisation
dépendante. Il s’agit d’une toxine cytoplasmique, vraisemblable- par le complément et grâce à sa capacité d’adhésion à la lac-
ment libérée dans le milieu extérieur lors de la lyse bactérienne, toferrine, qui protégerait la bactérie de l’activité bactéricide de
capable de créer des pores dans les membranes cellulaires après l’apolactoferrine ;
polymérisation de plusieurs sous-unités. Cela se traduit par • la protéine PspC qui est une protéine de surface pluri-
une activité cytotoxique directe vis-à-vis de différentes cellules fonctionnelle capable de se lier au transporteur des IgAs
cibles, en particulier les cellules épithéliales et endothéliales de (immunoglobuline A sécrétoires) ; cette propriété jouerait un
l’arbre respiratoire, ainsi que les phagocytes. La pneumolysine rôle dans la translocation du pneumocoque au travers de
est également capable d’activer directement la voie classique du l’épithélium respiratoire [55, 56] ;
complément par sa capacité de fixation au fragment Fc des immu- • la protéine PavA qui est une adhésine liant la fibronectine favo-
noglobulines ainsi qu’au composé C1q [47] . En outre, elle présente risant la liaison aux cellules endothéliales ; les mutants, ne
une action pro-inflammatoire qui serait liée à sa capacité à lier l’exprimant pas, ont une virulence atténuée dans les modèles
les récepteurs Toll-like 4 [48] . La pneumolysine ne semble pas avoir animaux de sepsis et de méningite ;

6 EMC - Maladies infectieuses


Infections à pneumocoques  8-012-A-10

• les neuraminidases (protéines Nan) qui diminuent la viscosité muqueuses rhinopharyngées (portage) ou pulmonaire (pneumo-
du mucus en clivant l’acide N-acétylneuraminique des mucines, nie). Le passage direct du rhinopharynx vers le sang pourrait faire
ce qui pourrait permettre l’exposition des récepteurs des adhé- intervenir la protéine PspC par sa capacité de liaison au récepteur
sines du pneumocoque et favoriser ainsi l’adhésion de la polymérique des Ig (pIgR), qui transporte normalement les IgA et
bactérie aux cellules hôtes. IgM par transcytose à travers les épithéliums des muqueuses. Le
La régulation de l’expression de la capsule est corrélée à la pneumocoque utiliserait ainsi cette machinerie cellulaire afin de
pathogenèse des infections : en effet, la capsule est plus faible- traverser les cellules épithéliales rhinopharyngées [55] . L’invasion
ment exprimée au cours de l’étape de colonisation afin de rendre à partir du parenchyme pulmonaire fait intervenir un autre
possible l’exposition à la surface des structures d’adhérence, alors mécanisme [54] . La capacité de survie et de multiplication du pneu-
qu’en revanche son expression est augmentée au cours des infec- mocoque dans le compartiment sanguin est liée majoritairement
tions invasives, favorisant ainsi la survie du pneumocoque [57, 58] . au rôle antiphagocytaire de la capsule, ainsi qu’à l’expression
Ces modifications d’expression de la capsule sont associées à des d’autres protéines telles que PspA et la pneumolysine, grâce à sa
modifications d’expression de plusieurs protéines de surface et se capacité d’activer le complément.
traduisent par des modifications de la morphologie des colonies
bactériennes ; c’est le phénomène de variation de phase, qui dis- Méningite
tingue majoritairement deux phénotypes de colonie, opaque et
translucide [59, 60] . Les facteurs de risque majeurs associés à la survenue d’une
méningite à pneumocoque sont l’asplénie, l’infection VIH, les
implants cochléaires ; l’hypoglammaglobulinémie et le myé-
Physiopathologie des principales infections lome multiple peuvent aussi contribuer au développement d’une
à pneumocoques méningite à pneumocoque [62] . Chez l’enfant, le facteur de risque
principal est un âge inférieur à 2 ans [63] .
Le pneumocoque est une bactérie non toxinogène, à multipli- La dissémination du pneumocoque vers les méninges se fait
cation extracellulaire, dont la physiopathologie est liée en partie essentiellement par voie hématogène, à la suite d’une bacté-
à la libération lors de la lyse bactérienne de composants qui vont riémie intense et prolongée. Le site préférentiel de passage du
entraîner de la part de l’hôte une réaction inflammatoire intense, pneumocoque vers le système nerveux central est l’endothélium
qui participe largement aux lésions tissulaires et à la gravité de la cérébral, via la traversée des cellules endothéliales cérébrales [64] .
pathologie. L’adhésion de la bactérie aux cellules endothéliales entraînerait
Otite moyenne aiguë une augmentation en surface de l’expression du récepteur du
PAF (platelet activating factor), rapidement internalisé après liai-
La caisse du tympan est reliée au pharynx par la trompe son avec son ligand ; un composant de surface du pneumocoque
d’Eustache, par laquelle est drainé le mucus sécrété dans l’oreille étant un ligand de ce récepteur, le pneumocoque traverserait
moyenne. Lors d’une infection virale de la sphère oropharyngée, ainsi les cellules endothéliales dans des vacuoles d’endocytose.
l’inflammation de la trompe d’Eustache entraîne une diminution Une fois dans le liquide céphalorachidien, le pneumocoque peut
du drainage du mucus. Ce mécanisme favorise la prolifération survivre aisément en raison de la faiblesse des défenses immu-
bactérienne dans l’oreille moyenne, réalisant ainsi une OMA nitaires présentes. L’infection par le pneumocoque induit une
purulente. Son évolution se fait en deux phases : une phase forte réaction inflammatoire dans les méninges, polynucléaire
congestive (tympan rouge avec reliefs normaux sans bombement dépendante, et il est désormais clair que les dommages surve-
et donc sans épanchement) et une phase de suppuration (inflam- nant au cours des méningites résultent essentiellement de la
mation tympanique avec épanchement rétrotympanique). Deux réaction de l’hôte à diverses structures bactériennes. Les struc-
germes dominent l’épidémiologie des OMA purulentes : le pneu- tures à l’origine du phénomène pro-inflammatoire sont variées
mocoque et Haemophilus influenzae, responsables respectivement (acides teichoïques, peptidoglycane, ADN, pneumolysine, etc.),
de 25 à 40 % et 30 à 40 % des cas. Le pneumocoque est associé à et la cascade des événements est loin d’être totalement éluci-
un risque de complications plus élevé. dée. Le régulateur central de la réponse inflammatoire semble
être NF-␬B ; la cytokine pro-inflammatoire précoce interleukine 1␤
Pneumonie (IL-1␤) est impliquée dans le déclenchement et l’amplification
L’infection du parenchyme pulmonaire se fait par dissémina- de réaction inflammatoire alors que l’IL-6 semble intervenir au
tion d’une souche de pneumocoque à partir du rhinopharynx, contraire en contrôlant négativement cette dernière. La produc-
favorisé par une diminution des défenses de l’hôte, mécaniques tion de chimiokines diverses aboutit au recrutement massif de
ou immunologiques. Les principales défenses mécaniques sont la leucocytes du compartiment sanguin vers le liquide céphalora-
toux et le drainage par les cils vibratiles vers le carrefour oro- chidien, où ils vont sécréter divers composés, en particulier des
pharyngé des sécrétions bronchiques et pulmonaires piégeant protéases Zn-dépendantes capables de dégrader les composants de
les micro-organismes. L’altération de ces défenses mécaniques la matrice extracellulaire, ou des radicaux libres oxydés ou nitrés.
résulte le plus fréquemment d’infections virales respiratoires. Les Ces composés sont bactéricides mais participent également à la
défenses immunologiques relèvent de l’immunité innée (cellules destruction tissulaire.
phagocytaires professionnelles) et acquise (synthèse d’anticorps Le résultat ultime est la rupture de l’intégrité de la barrière
spécifiques) ; leur altération résulte généralement de pathologies hématoencéphalique, qui se traduit par la fuite de liquide du
immunosuppressives ou d’une splénectomie. compartiment sanguin vers le cerveau, à l’origine d’un œdème
Après dissémination, le pneumocoque est capable d’adhérer aux cérébral et d’une augmentation de pression intracrânienne.
cellules épithéliales pulmonaires, grâce à l’expression de nom- Lorsque la pression est trop forte, il peut y avoir engagement
breuses protéines de surface [61] . La multiplication bactérienne et cérébral et/ou diminution de la perfusion cérébrale.
la production de certains facteurs de virulence vont alors aboutir La mortalité des méningites à pneumocoques est plus élevée que
à une très forte réaction inflammatoire de la part de l’hôte, avec la mortalité associée aux méningites à Haemophilus influenzae et
production d’un exsudat œdémateux composé de polynucléaires au méningocoque [64] , ce qui pourrait être lié à une stérilisation du
neutrophiles, d’hématies et de fibrine. Cette réaction inflamma- LCR moins rapide dans les infections à pneumocoques comparées
toire massive, qui tend à s’opposer à la multiplication bactérienne, aux infections liées au méningocoque.
se traduit par une compression des capillaires. En cas de succès des
mécanismes de défense, la migration de monocytes-macrophages
va permettre le nettoyage des lésions avec une restitution quasi
totale.
 Clinique
Bactériémie Infections de la sphère oto-rhino-laryngée
Le passage du pneumocoque vers le compartiment sanguin, L’OMA purulente se traduit par des symptômes fonctionnels
qui définit l’étape d’invasion, se fait généralement à partir des et généraux d’infection aiguë. Les signes généraux sont avant

EMC - Maladies infectieuses 7


8-012-A-10  Infections à pneumocoques

tout la fièvre, mais aussi l’asthénie et l’anorexie. Les signes


fonctionnels sont dominés par l’otalgie, qui se traduit chez le
nourrisson par une irritabilité, des pleurs, une insomnie. L’otalgie
et la fièvre, les deux signes les plus classiques de l’OMA puru-
lente, ne sont pas constants et n’ont aucune spécificité. D’autres
symptômes peuvent être associés, comme une rhinorrhée, une
toux, des vomissements ou une diarrhée, liés à l’infection virale
déclenchante, ou une conjonctivite purulente (orientant vers
H. influenzae). Une fièvre élevée (> 38,5 ◦ C) associée à une symp-
tomatologie hyperalgique oriente le diagnostic étiologique vers
S. pneumoniae.
Le diagnostic repose sur l’examen otoscopique, qui permet de
mettre en évidence une inflammation (congestion ou hypervascu-
larisation marquée) associée à un épanchement rétrotympanique,
extériorisé ou non [65] .
Les complications majeures des otites à pneumocoques, parti-
culièrement chez l’enfant de moins de 2 ans, sont la méningite et
la mastoïdite, cette dernière étant désormais rare.
Le pneumocoque est également une des principales bactéries à
l’origine de sinusite purulente, qu’elle soit maxillaire, ethmoïdale,
sphénoïdale ou frontale.

A
Infections des voies respiratoires inférieures
Pneumonie franche lobaire aiguë
S. pneumoniae est l’agent étiologique principal des pneumo-
nies aiguës communautaires (PAC), isolé dans 30 à 47 % des
cas [66] . Bien que la symptomatologie clinique, de même que les
signes radiologiques ou biologiques, ne soit pas spécifique d’une
étiologie particulière, certains éléments peuvent orienter vers le
diagnostic d’une pneumonie à pneumocoque.

Formes cliniques
La pneumonie à pneumocoque est caractérisée dans sa forme
typique (pneumonie franche lobaire aiguë) par un début brutal,
associant un frisson intense et prolongé, une fièvre rapidement
à 40 ◦ C, qui s’installe en plateau, un malaise général, une toux
sèche dans les premières heures devenant progressivement grasse.
La dyspnée est progressive. La brutalité de l’infection favorise la
réactivation des infections endogènes, d’où la présence possible
chez ces patients d’herpès nasolabial. Le patient va se mettre pro-
gressivement à expectorer des crachats purulents, puis rouillés.
Les pneumonies franches lobaires aiguës sont bactériémiques B
dans environ 20 % des cas, et un épanchement pleural est associé
dans 20 à 40 % des cas. L’atteinte de plus d’un lobe est possible Figure 3. Pneumonie franche lobaire aiguë à pneumocoque (clichés du
et est considéré comme un signe de gravité de la pneumonie. La docteur Jouveshomme).
mortalité n’est pas négligeable, même avec une prise en charge A. Radiographie thoracique.
adéquate, en particulier chez les sujets présentant des comorbidi- B. Scanner.
tés associées, ou lorsque la symptomatologie clinique présente des
signes de gravité ; elle atteint 20 % chez les patients hospitalisés
en réanimation.
La forme typique, observée généralement chez le sujet en bonne
santé, n’est pas la plus fréquente. L’âge et le terrain peuvent modi- Conduite à tenir
fier la présentation clinique, retardant parfois le diagnostic et la Devant une suspicion de pneumonie communautaire aiguë,
mise en route du traitement. trois éléments doivent être pris en compte afin d’optimiser la prise
Chez l’enfant, la pneumonie à pneumocoque s’observe en charge du patient.
essentiellement avant l’âge de 5 ans. Hormis la fièvre élevée Le diagnostic formel de PAC doit être documenté par la radio-
d’apparition brutale, toujours présente, le tableau clinique peut graphie thoracique, qui permet de mettre en évidence une atteinte
être atypique, avec des manifestations digestives ou neurologiques de parenchyme pulmonaire, au niveau alvéolaire (cas des PAC à
(céphalées, convulsions, etc.), et les signes respiratoires peuvent pneumocoque, entre autres) ou du tissu interstitiel (pneumonies
être absents, à l’exception de l’augmentation de la fréquence res- atypiques). Les critères à analyser sont le terrain sur lequel se déve-
piratoire. loppe la pneumonie, et l’éventuelle présence de signes de gravité
de la pneumonie (Fig. 4). La classification de la pneumonie oriente
Examens complémentaires le choix des examens complémentaires possibles et le type de prise
La radiographie thoracique met en évidence une opacité alvéo- en charge.
laire homogène systématisée à un ou plusieurs lobes (Fig. 3). La En ambulatoire, les examens microbiologiques ne sont pas
biologie est non spécifique et révèle un syndrome inflammatoire recommandés et rarement pratiqués, de même que la radiographie
important et une hyperleucocytose à polynucléaires. Les hémo- thoracique. En revanche, lorsque les patients sont hospitalisés,
cultures ne sont contributives que dans les formes sévères et ne la recherche de l’agent étiologique est systématique, à partir de
sont pas recommandées dans les formes sans signes de gravité prélèvement respiratoires (expectoration, aspiration, brosse bron-
du sujet sans comorbidité associée. La recherche des antigènes chique, lavage bronchoalvéolaire [LBA], etc.) ; dans la plupart des
urinaires solubles peut également être réalisée [67] . cas, des hémocultures sont aussi prélevées.

8 EMC - Maladies infectieuses


Infections à pneumocoques  8-012-A-10

Figure 4. Arbre décisionnel. Critères de diagnostic et de


Pneumonie communautaire prise en charge des pneumonies aiguës communautaires (PAC)
(d’après la mise au point de l’Agence française de sécu-
rité sanitaire des produits de santé [Afssaps] de juillet 2010).
BPCO : bronchopneumopathie chronique obstructive.
Recherche de signes de gravité :
- atteinte des fonctions supérieures
- atteinte des fonctions vitales
- température < 35°C ou ≥ 40°C
- néoplasie associée
- pneumonie d'inhalation ou sur obstacle
trachéo-bronchique connu ou suspecté
ou de situations particulières :
- complication de la pneumonie
- conditions socioéconomiques défavorables
- inobservance thérapeutique prévisible
- isolement social (surtout pour les personnes âgées)

Non Oui

Recherche de facteurs de risque de mortalité : Hospitalisation


- âge > 65 ans recommandée
- toutes comorbidités associées : insuffisance
cardiaque congestive, maladie cérébro-vasculaire,
maladie rénale, maladie hépatique, BPCO
- immunodépression - âge ≤ 65 ans et deux
- drépanocytose homozygote facteurs de risque ou
- antécédent de pneumonie bactérienne - âge > 65 ans et au
- hospitalisation dans l’année moins un facteur de
- vie en institution risque

- âge ≤ 65 ans sans ou avec un seul facteur de risque Prise en charge


ou généralement
- âge > 65 ans sans facteur de risque ambulatoire

Autres formes d’infections respiratoires de 50 % ; en revanche, la présence de deux de ces signes est quasi
constante, et l’absence de tous ces signes doit faire exclure le diag-
L’autre forme fréquente d’infection respiratoire pneumococ-
nostic de méningite [68] .
cique est la surinfection d’une BPCO. Cette pathologie est
Des complications neurologiques peuvent survenir au décours
également un facteur de risque de développer une pneumonie. Les
de l’infection, avec une fréquence élevée, telles que l’œdème
pleurésies primaires sont rares, de même que les pneumothorax.
cérébral ou l’hydrocéphalie, entraînant coma, déficit neurolo-
gique focal ou crises comitiales. Des troubles hémodynamiques
Infections neuroméningées peuvent être également observés, de même que des complications
systémiques (choc, défaillance respiratoire, rénale ou multivis-
C’est une pathologie grave, qui reste associée à une forte morta- cérale) [69] . La mortalité élevée des méningites à pneumocoques
lité malgré des traitements antibiotiques efficaces : environ 10 % serait due à la fréquence de ces complications.
chez l’enfant, 20 à 30 % chez l’adulte. En outre, la fréquence des
séquelles est importante, principalement chez l’adulte. Le diag-
Symptomatologie du nourrisson
nostic doit donc être porté sans retard : l’examen clinique doit
permettre de suspecter la méningite afin de procéder à un pré- Chez le nourrisson, les signes cliniques sont souvent frustres et
lèvement de liquide céphalorachidien par ponction lombaire en peu spécifiques : la fièvre est présente dans la moitié des cas, des
vue d’une analyse cytobactériologique dont le résultat confirmera signes digestifs (diarrhée, vomissement, etc.) sont souvent pré-
(ou non) le diagnostic. sents, et dans un tiers des cas environ on observe une fontanelle
bombée. Une léthargie ou une hypotonie peuvent être associée,
Symptomatologie de l’adulte de même que des convulsions. Devant tout état de mal convulsif
prolongé, il est d’ailleurs recommandé de pratiquer une ponction
Classiquement, chez l’enfant, l’adolescent et l’adulte, plusieurs lombaire [70] . Les mêmes complications que chez l’adulte peuvent
signes cliniques peuvent être associés : survenir chez l’enfant.
• des signes d’infections : fièvre, frissons ;
• un syndrome méningé : céphalées, nausées et vomissements
(en jet), photophobie, raideur nucale à la flexion ; les signes Évolution
de Kernig et de Brundzinski ne sont pas toujours présents ; La mortalité des méningites à pneumocoques chez l’adulte est
• parfois des troubles de la conscience, du comportement, ou un estimée entre 16 et 37 %, et la survenue de séquelles neurologiques
déficit sensitivomoteur ; chez les survivants est élevée (plus de 30 %).
• un purpura peut, rarement, être associé dans les méningites à
pneumocoques. Marqueurs d’évolution défavorable
La triade classique est constituée de la fièvre, de la raideur nucale De nombreuses études se sont intéressées aux facteurs pro-
et d’une altération de la conscience. Cependant, plusieurs études nostiques de l’évolution des méningites, et en particulier des
concordent pour indiquer que la sensibilité diagnostique dans les méningites à pneumocoques. Les marqueurs d’évolution défavo-
méningites bactériennes de cette triade est faible, un peu moins rable consensuels sont les suivants [69] :

EMC - Maladies infectieuses 9


8-012-A-10  Infections à pneumocoques

• troubles de la vigilance ; ne nécessite pas d’exploration bactériologique. L’examen cyto-


• complications neurologiques ; bactériologique d’un crachat, possible chez les patients traités
• complications systémiques ; en ambulatoire, ne doit être analysé que si les critères de
• troubles hémodynamiques : hypotension, tachycardie ; qualité suivants sont respectés : cellules épithéliales inférieures
• présence de pathologies associées ; ou égales à 10/champs et leucocytes supérieurs ou égaux à
• protéinorachie élevée ; 25/champs à l’objectif 10. D’autres prélèvements plus invasifs
• faible réaction cellulaire dans le LCR. peuvent être réalisés, essentiellement chez les patients hos-
pitalisés, comme le lavage bronchoalvéolaire et le brossage
Séquelles protégé distal. L’analyse bactériologique réalisée sur les prélè-
Les séquelles sont fréquentes, particulièrement chez l’adulte, vements pulmonaires est quantitative, les seuils retenus pour
chez lesquels des fréquences de séquelles de 30 à plus de 50 % identifier la bactérie pathogène variant en fonction du type de
ont été rapportées. Les principales séquelles sont neurologiques prélèvement.
(aphasie, atteintes des paires crâniennes) et auditives (hypoacou- Le diagnostic des otites est essentiellement clinique. Le diag-
sie modérée à profonde, unilatérale dans un tiers des cas). Des nostic étiologique n’a d’intérêt que dans le cas d’un échec de
troubles cognitifs à titre de perte de mémoire ont également été traitement, d’otite récidivante ou chez le nourrisson de moins de
observés. Avec une fréquence moindre (de l’ordre de 15 % des cas), 3 mois. Dans ce cas, la paracentèse permet de recueillir du pus
des séquelles de même type sont retrouvées chez l’enfant, chez les- d’oreille à des fins d’analyse bactériologique.
quels des cas d’épilepsie ont également été rapportés. La séquelle Des hémocultures doivent toujours être prélevées en cas de sus-
la plus fréquente est la surdité (environ 10 %), qui peut être défi- picion d’infection grave.
nitive si la destruction de l’oreille interne est suivie précocement
d’une phase d’ossification [69] . Isolement et identification
La culture d’un pneumocoque se fait toujours sur gélose au sang
Autres localisations frais, incubée en atmosphère enrichie à 5 % de dioxyde de carbone
(CO2 ). L’identification de colonies de pneumocoques se fait sur
Le pneumocoque peut également être responsable d’infections plusieurs critères [72] :
sévères telles que les endocardites, les péritonites ou les arthrites • hémolyse partielle ␣ sur gélose au sang frais ;
septiques. Les endocardites à S. pneumoniae (moins de 1 % des • catalase négative ;
endocardites infectieuses) surviennent principalement chez les • sensibilité à l’optochine (95 % environ des souches isolées) ;
hommes d’âge moyen, en cas d’alcoolisme chronique ou de splé- • lyse aux sels biliaires.
nectomie, et sont associées à une forte mortalité. Les péritonites à La description récente d’une espèce proche du pneumocoque,
pneumocoque sont dans la plupart des cas des péritonites primi- Streptococcus pseudopneumoniae [73] , dont le rôle pathologique reste
tives. Rares, elles sont observées principalement chez les patients incertain, peut compliquer l’identification du pneumocoque.
cirrhotiques, les enfants et les femmes porteuses de dispositif Le sérotypage complet est un élément important de
intra-utérin. Leur traitement est souvent exclusivement médical l’identification des pneumocoques, en particulier à des fins
(antibiothérapie) mais il peut associer une laparotomie à visée épidémiologiques, et se pratique essentiellement dans les labora-
diagnostique ou thérapeutique. toires spécialisés comme le CNRP. Historiquement, la technique
utilisée était la réaction de gonflement de la capsule visible
au microscope après incubation avec un sérum dirigé contre
 Diagnostic biologique les antigènes capsulaires (quellung reaction) ; cette réaction est
très spécifique mais peu utilisée. Le sérotypage peut se faire
Diagnostic direct aujourd’hui par agglutination des colonies avec des particules de
latex sensibilisées avec des anticorps capsulaires, commercialisés
S. pneumoniae est une bactérie fragile, les différents prélève- par le Statens Serum Institute de Copenhague (Danemark).
ments doivent être acheminés rapidement au laboratoire. Des Enfin, dans des cas particulièrement délicats, l’identification
milieux de transport particuliers favorisant la survie de cette bac- peut se faire sur le séquençage du gène codant la superoxy-
térie sont disponibles. dédismutase (sod), particulièrement bien conservé parmi les
pneumocoques [74, 75] .
Examen direct
La sensibilité de l’examen direct après coloration de Gram varie Diagnostic par identification d’un composant
largement en fonction des produits pathologiques observés. Cet
examen est particulièrement contributif au cours de l’analyse d’un du pneumocoque
LCR, même si la sensibilité de cet examen est variable en fonction Recherche des antigènes solubles
de l’étiologie bactérienne : elle peut être augmentée en concen-
trant le LCR par cytocentrifugation. Par agglutination classique
Des tests d’agglutination basés sur la mise en évidence d’un
Analyse d’un LCR sérotype capsulaire de pneumocoque ont été commercialisés,
Un LCR recueilli lors d’une méningite à pneumocoque mais leur sensibilité est fortement limitée par l’existence de
est trouble et présente une réaction cellulaire importante à plus de 90 sérotypes et l’évolution de la distribution de ces
type de polynucléaires neutrophiles associée à des anomalies sérotypes sous l’effet conjugué des vaccins et de la pression
biochimiques (rapport glycorachie/glycémie inférieur à 40 %, pro- antibiotique.
téinorachie supérieure à 0,45 g/l). La sensibilité de cet examen,
positif à partir de 105 UFC (unités formant colonies)/ml, est éle- Par immunochromatographie sur membrane
vée dans les méningites à pneumocoques (proche de 100 % en • Plus récemment, un test rapide d’immunochromatographie sur
l’absence de traitement antibiotique), car les taux bactériens dans membrane a été commercialisé (BinaxNOW® Streptococcus pneu-
le LCR sont généralement élevés [71] . Cet examen permet de retrou- moniae urinary antigen test). Ce test est basé sur la détection
ver des diplocoques extracellulaires d’aspect caractéristique. du polyoside de paroi des pneumocoques, qui a l’intérêt d’être
En cas d’examen direct négatif, d’autres examens peuvent être commun à toutes les souches, mais dont la spécificité est par-
réalisés : détection des antigènes solubles, amplification d’ADN tagée avec certains streptocoques oraux (en particulier S. mitis).
génomique (cf. infra). Il peut être utilisé dans les urines et le LCR.
• Diagnostic étiologique de méningite. La détection de cet antigène
Autres prélèvements dans le LCR montre une excellente spécificité et une sensibi-
Au cours d’une pneumonie, plusieurs prélèvements respi- lité proche de 100 % dans le diagnostic de méningite ; dans
ratoires peuvent être réalisés, même si la majorité des PAC les urines, la recherche de cet antigène est moins sensible et

10 EMC - Maladies infectieuses


Infections à pneumocoques  8-012-A-10

moins spécifique (car il peut être positif suite à une simple


colonisation), donc moins contributif particulièrement chez
l’enfant [71] .
• Diagnostic étiologique de pneumonie. La sensibilité de ce diagnos-
tic est évaluée autour de 50 %, voire 80 % dans les pneumonies
bactériémiques, et sa spécificité est supérieure à 90 % [76, 77] .
L’inconvénient majeur de ce test, par ailleurs simple et rapide,
est son coût. Sa contribution au diagnostic étiologique des
pneumonies devrait être réservée aux pneumonies graves [78] .

Techniques de biologie moléculaire


La recherche d’ADN génomique de pneumocoque par PCR
(polymerase chain reaction) peut être réalisée en cas de méningite
purulente dont la culture est négative. Les deux cibles les plus fré-
quemment utilisées sont le gène ply codant la pneumolysine (dont
certains allèles peuvent ne pas être amplifiés en raison de muta-
tions) et le gène lytA de l’autolysine, plus conservé. Cependant,
chacun de ces gènes a été retrouvé dans des souches du groupe
mitis. Le prélèvement doit impérativement avoir été conservé A
congelé pour réaliser ces amplifications avec succès.

Étude de la sensibilité du pneumocoque


aux antibiotiques
Un antibiogramme doit être réalisé de manière systématique
sur toute souche de pneumocoque isolée d’un produit patholo-
gique. Selon les recommandations du Comité de l’antibiogramme
de la Société française de microbiologie (CA-SFM) 2011, un disque
d’oxacilline dosé à 5 ␮g est utilisé pour détecter les souches de
PSDP ; un diamètre inférieur à 26 mm témoigne d’une diminu-
tion de sensibilité de la souche aux bêtalactamines. Dans ce cas,
il est recommandé de tester la CMI des molécules utilisées en
thérapeutique, et au minimum les CMI de la pénicilline G, de
l’amoxicilline et d’une céphalosporine de troisième génération
par voie injectable (céfotaxime ou ceftriaxone) [18] , les valeurs des
CMI pouvant être variables en fonction des molécules (Fig. 5).
La sensibilité diminuée à la pénicilline est définie par une CMI
supérieure à 0,064 mg/l, la sensibilité diminuée à l’amoxicilline B
et aux CIIIG (céfotaxime, ceftriaxone) est définie par une CMI
supérieure à 0,5 mg/l (les souches étant classées résistantes à ces Figure 5. Souches de sensibilité diminuée aux bêtalactamines.
trois molécules lorsque la CMI de l’antibiotique est supérieure à A. Concentration minimale inhibitrice (CMI) d’amoxicilline (AML) :
2 mg/l). 1 mg/l .
Les autres antibiotiques testés sont les molécules susceptibles B. CMI de céfotaxime (CT) : 1 mg/l.
d’être utilisées dans les infections à pneumocoques, en première
ou deuxième intention : MLS (macrolides, lincosanides, synergis-
tines) et dérivés (érythromycine, lincomycine ou clindamycine, La prise en charge d’une méningite doit être la plus rapide
pristinamycine, télihromycine), rifampicine, glycopeptides, cotri- possible. Tout retard au diagnostic et/ou à l’antibiothérapie est
moxazole, aminosides, tétracycline, fluoroquinolones. En ce qui un facteur d’évolution péjorative. Face à une suspicion clinique
concerne cette dernière famille d’antibiotique, deux molécules de méningite, le traitement probabiliste consensuel doit être ins-
seulement sont indiquées dans le traitement des infections à tauré immédiatement après la ponction lombaire effectuée à des
pneumocoques : la lévofloxacine et la moxifloxacine (dont les fins d’analyse cytobactériologique du LCR, et au plus tard trois
indications ont été sévèrement restreintes en raison d’effets secon- heures après l’arrivée à l’hôpital. Les résultats de l’analyse du LCR,
daires de type atteintes hépatiques, parfois sévères). Cependant, en particulier les résultats de l’examen direct après coloration
l’existence d’un premier niveau de résistance augmente le risque de Gram, doivent être transmis le plus rapidement possible au
de sélectionner un haut niveau de résistance sous traitement et se clinicien.
traduisant par un échec thérapeutique. Pour cette raison, le CA- Le traitement probabiliste des méningites de l’adulte et de
SFM préconise de tester sur l’antibiogramme la norfloxacine, qui l’enfant de plus de 3 mois repose sur l’utilisation de céphalospo-
permet de dépister les bas niveaux de résistance (liés à l’existence rines de troisième génération par voie injectable, céfotaxime ou
d’un efflux actif ou d’une mutation dans une seule cible). ceftriaxone (sauf en cas d’éléments justifiant une suspicion de
listériose), mais les posologies varient en fonction des germes sus-
pectés. En cas d’examen direct du LCR négatif, ou en absence
 Traitement de résultat, le traitement probabiliste recommandé est le même
que si l’examen direct révèle la présence de cocci à Gram positif
(suspicion de pneumocoque) :
Le traitement des infections à pneumocoques entre, la plupart • céfotaxime, 300 mg/kg/j en intraveineuse, soit en quatre perfu-
du temps, dans le cadre de traitements établis par des conférences sions, soit en administration continue avec une dose de charge
de consensus. de 50 mg/kg sur une heure (administration de la dose de charge
concomitante à la mise en place de la perfusion continue) ; ou
Traitement des méningites • ceftriaxone, 100 mg/kg/j en intraveineuse, en une ou deux per-
fusions.
Le traitement consensuel des méningites a été établi en Une corticothérapie adjuvante est recommandée, qui doit être
novembre 2008, lors de la dernière conférence de consensus sur administrée immédiatement avant ou de façon concomitante à la
les méningites de l’enfant de plus de 3 mois et l’adulte [19] . première administration d’antibiotique. Les posologies retenues

EMC - Maladies infectieuses 11


8-012-A-10  Infections à pneumocoques

sont de 10 mg chez l’adulte et 0,015 mg/kg chez l’enfant, et cette d’allergie avec contre-indication aux bêtalactamines, la pristina-
dose initiale doit être répétée toutes les six heures pendant quatre mycine peut être utilisée à partir de l’âge de 6 ans (en raison de sa
jours. forme comprimé et du risque associé de fausse route), dans une
L’association de la vancomycine à la céphalosporine de troi- forme sans gravité, chez l’enfant sans troubles digestifs (absence
sième génération injectable n’est plus justifiée dans la prise en de vomissements). Tous les autres cas doivent être hospitalisés.
charge des méningites de l’adulte. En revanche, l’adjonction de La durée d’un traitement par bêtalactamine recommandée dans
vancomycine reste tolérée chez l’enfant. une pneumonie à pneumocoque est de 7 à 14 jours.

Remarques sur le traitement des PAC


Traitement des pneumonies communautaires (enfant et adultes)
Le traitement antibiotique, probabiliste, doit être instauré dès La bonne diffusion de l’amoxicilline dans le parenchyme pul-
que le diagnostic de PAC est porté. Il doit systématiquement monaire permet d’être efficace sur le pneumocoque, y compris
prendre en compte le pneumocoque du fait de la fréquence de sur des souches de sensibilité diminuée aux bêtalactamines. Pour
ce pathogène et de la gravité potentielle de l’infection pneumo- cette raison, les céphalosporines de troisième génération par
coccique, et cela même en cas de pneumonie postgrippale. La prise voie injectable ne doivent pas être prescrites en ville au seul
en charge des patients dépend cependant du terrain sur lequel la motif de l’évolution des résistances de S. pneumoniae, sauf s’il y
pathologie est survenue (existence de facteurs de risque de mor- a vomissements ou troubles digestifs importants. Les céphalo-
talité) et de la présence de signes de gravité. sporines de première, deuxième et troisième génération par voie
orale ne sont pas recommandées en raison d’une activité insuf-
PAC de l’adulte [16, 79] fisante sur les souches de pneumocoques de sensibilité diminuée
à la pénicilline ; de plus, les concentrations atteintes au niveau
Pneumonie non grave
parenchymateux ne sont pas optimales et il est habituellement
Chez l’adulte présumé sain, sans signe de gravité, la prise en impossible d’augmenter la posologie pour des raisons de tolé-
charge est ambulatoire et le traitement de première intention reste rance.
l’amoxicilline, 3 g par jour, en particulier en cas de suspicion de Les cyclines et l’association triméthoprime–sulfaméthoxazole
pneumocoque (début brutal de la pneumonie d’installation infé- ne sont pas recommandées en raison d’une activité insuffisante
rieure à 24 heures). Lorsqu’il n’existe pas d’argument particulier sur les souches de pneumocoques de sensibilité diminuée à la
en faveur du pneumocoque, et que le sujet est âgé ou présente pénicilline.
une comorbidité associée, la molécule de choix est l’association Dans tous les cas, les FQAP ne doivent pas être prescrites si le
amoxicilline–acide clavulanique, ou une céphalosporine de troi- malade a reçu une fluoroquinolone dans les trois derniers mois.
sième génération par voie injectable, céfotaxime ou ceftriaxone,
ou une fluoroquinolone antipneumococcique (FQAP) (lévofloxa-
cine ou moxifloxacine, dont l’usage a été restreint en juillet 2008 Traitement des otites moyennes aiguës [80]
au traitement des PAC lorsque aucun autre antibiotique ne peut
être utilisé). Les deux étiologies majeures des otites moyennes aiguës après
Lorsque la prise en charge est ambulatoire, le praticien doit trois mois sont le pneumocoque et H. influenzae. Le traitement
procéder à une réévaluation systématique du patient après 48 à des OMA repose sur l’utilisation de l’amoxicilline (80–90 mg/kg/j)
72 heures de traitement. en première intention, ou de l’association amoxicilline–acide
Pour l’adulte âgé de moins de 65 ans et présentant deux facteurs clavulanique en cas de suspicion d’H. influenzae (par exemple
de risque de mortalité ou pour l’adulte âgé de plus de 65 ans avec en cas de syndrome otite–conjonctivite). En cas d’allergie à
au moins un facteur de risque, l’hospitalisation est recommandée. l’amoxicilline, le cefpodoxime peut être prescrit chez l’enfant et
l’adulte si les céphalosporines ne sont pas contre-indiquées. En cas
Pneumonie grave d’allergie croisée, le cotrimoxazole peut être prescrit chez l’adulte
Les pneumonies graves sont dues majoritairement au pneumo- et l’enfant, alors que la pristinamycine ne peut être utilisée qu’à
coque et à Legionella pneumophila. Le patient doit être hospitalisé partir de 6 ans, en raison de sa forme galénique.
en unité de soins intensifs ou en réanimation, et le traitement
probabiliste de première intention associe une céphalosporine
de troisième génération par voie intraveineuse (céfotaxime ou  Prophylaxie
ceftriaxone) à un macrolide par voie intraveineuse ou à la lévo-
floxacine. La prophylaxie des infections à pneumocoques repose essentiel-
lement sur la vaccination. La politique vaccinale française repose
PAC de l’enfant [79] sur l’existence de deux vaccins ciblant les antigènes polyosides
capsulaires, le vaccin non conjugué Pneumo23® à destination des
Chez l’enfant de moins de 3 ans adultes à risque, et le vaccin conjugué Prévenar13® à destination
Lors d’une pneumonie communautaire évoquant le pneu- des enfants de moins de 5 ans.
mocoque, le choix initial est l’amoxicilline à raison de
80–100 mg/kg/j en trois prises.
En cas d’allergie bénigne à la pénicilline sans contre-indication Vaccin polyosidique Pneumo23®
aux céphalosporines, les céphalosporines de troisième génération Le vaccin Pneumo23® est constitué de polyosides purifiés à par-
par voie injectable sont recommandées. En cas de contre- tir de 23 sérotypes, à raison de 25 ␮g de chaque antigène. Les
indication aux bêtalactamines, l’hospitalisation est souhaitable sérotypes constitutifs représentent les principaux sérotypes isolés
pour mettre en place une antibiothérapie parentérale adaptée. d’infections invasives dans les pays industrialisés et/ou résistants à
L’impossibilité d’absorber par voie orale des médicaments, et la pénicilline : 1, 2, 3, 4, 5, 6B, 7F, 8, 9N, 9V, 10A, 11A, 12F, 14, 15B,
a fortiori l’existence de vomissements, sont une indication à 17F, 18C, 19A, 19F, 20, 22, 23F et 33F. Du fait de sa composition
l’hospitalisation. polyosidique, ce vaccin induit une réponse thymo-indépendante ;
Chez l’enfant de 3 ans et plus il est donc inactif chez l’enfant de moins de 2 ans et peu immuno-
gène chez l’enfant de moins de 5 ans. Il n’induit pas d’immunité
Chez l’enfant de 3 ans et plus, la stratégie thérapeutique ini-
muqueuse et ne modifie donc pas le portage pharyngé.
tiale s’appuie sur le tableau clinique et radiologique qui peut avoir
valeur d’orientation entre une infection à pneumocoque et une
infection à bactérie atypique.
Efficacité
Un tableau clinique et radiologique en faveur d’une infection L’efficacité de ce vaccin reste sujet à controverse.
à pneumocoque (début brutal, sévérité des symptômes) relève De récentes méta-analyses montrent cependant que ce vac-
de l’antibiothérapie telle qu’elle a été proposée ci-dessus. En cas cin aurait un effet protecteur sur les infections invasives à

12 EMC - Maladies infectieuses


Infections à pneumocoques  8-012-A-10

pneumocoques dans la population générale adulte, particulière- 1, 3, 4, 5, 6A, 6B, 7F, 9V, 14, 18C, 19A, 19F et 23F, avec les mêmes
ment chez les jeunes adultes en bonne santé et dans une moindre recommandations.
mesure chez les sujets âgés, chez qui l’efficacité du vaccin dimi-
nue dans le temps. Dans cette dernière population, l’impact sur Impact de la vaccination par le vaccin conjugué
le risque de pneumonie est moins clair [81] . Enfin, les études n’ont
7-valent
pas clairement démontré de bénéfice net chez les sujets à risque,
surtout chez les sujets présentant une pathologie sous-jacente ou Aux États-Unis, le vaccin 7-valent a été introduit en 2000 et
une immunodépression sévère [82] . était recommandé pour tous les enfants de moins de 2 ans et pour
les enfants entre 2 et 5 ans présentant des facteurs de risque. La
Recommandations couverture vaccinale atteignait presque 90 % en 2006. La vacci-
nation des enfants a entraîné une diminution de l’incidence des
Recommandations de l’Organisation mondiale de la santé infections à pneumocoques, non seulement dans la population
(OMS) vaccinée mais également dans la population générale, à la suite de
Les recommandations de l’OMS ne sont pas les mêmes pour les la diminution de la transmission des souches à partir des enfants.
pays industrialisés dont les moyens financiers permettent une vac- La diminution très nette des infections invasives à pneumocoques
cination assez large (personnes âgées et personnes à haut risque) et de sérotypes vaccinaux n’a été que partiellement compensée par
les pays à ressources limitées, pour lesquels l’OMS ne recommande l’augmentation de l’incidence des infections à pneumocoques de
pas une vaccination systématique de ces mêmes populations, la sérotypes non vaccinaux, qui pourraient être moins virulents [85] .
priorité devant être accordée à la vaccination des nourrissons par Cependant, cette augmentation a été plus nette parmi les popula-
les vaccins conjugués (cf. infra) [82] . tions fragilisées, en particulier les adultes immunodéficients à la
En France suite d’une infection par le VIH.
En France, la vaccination par le Pneumo23® est recommandée En France
pour les personnes de plus de 5 ans présentant un facteur prédis- Comme il a déjà été mentionné, l’incidence globale des
posant aux infections invasives à pneumocoques [83] : infections invasives à pneumocoques n’a pas significativement
• asplénie fonctionnelle ou splénectomie ; diminué après l’introduction de vaccin heptavalent, sauf dans la
• drépanocytose homozygote ; population directement concernée par la vaccination, les enfants
• insuffisance respiratoire ; de moins de 2 ans [86] . La nette diminution de l’incidence des séro-
• insuffisance cardiaque ; types vaccinaux (Fig. 6) a été compensée par l’augmentation de
• syndrome néphrotique ; l’incidence des sérotypes non vaccinaux liés au remplacement
• patients alcooliques avec hépatopathie chronique ; sérotypique.
• sujets présentant des antécédents d’infection pulmonaire ou Il faut noter également qu’un impact non négligeable sur la
invasive à pneumocoque ; survenue des OMA et des pneumonies a été mis en évidence chez
• infection au VIH, quel que soit leur statut immunovirolo- les enfants de moins de 2 ans [87] .
gique (aux États-Unis, la vaccination est recommandée chez ces
patients lorsque le taux de CD4+ est supérieur à 200/ml). Immunogénicité du vaccin conjugué 13-valent
Pour tous ces patients, le vaccin est pris en charge par la Sécurité
sociale, au taux de 65 %. Aucune étude d’efficacité protectrice pour le vaccin conjugué
13-valent n’a été réalisée, selon les recommandations de l’OMS.
Mode d’administration En revanche, l’immunogénicité de ce vaccin a été comparée à
celle du précédent vaccin heptavalent. Le vaccin 13-valent pro-
Le vaccin est administré en une seule injection, par voie intra- cure une immunogénicité acceptable pour dix des 13 sérotypes
musculaire ou sous-cutanée. après deux ou trois doses d’immunisation primaire et remplit les
Le vaccin doit être conservé entre +2 et +8 ◦ C et ne doit pas critères d’immunogénicité après l’injection de rappel pour tous
être congelé. L’administration simultanée avec d’autres vaccins, les sérotypes [88] .
comme le vaccin antigrippal, est possible (sur l’autre bras).
Schéma vaccinal et mode d’administration
Effets secondaires et contre-indications
Les recommandations du Haut Conseil de santé publique pour
Les principaux effets secondaires sont des réactions locales, la vaccination par le vaccin conjugué 13-valent sont les suivantes
telles que rougeurs et douleurs au point d’injection, qui touchent pour les enfants de moins de 2 ans [89] :
30 à 50 % des patients, et qui sont généralement plus fréquentes • deux doses à deux mois d’intervalle (la première dose dès l’âge
lors d’une revaccination. Une fièvre modérée peut également être de 2 mois) et un rappel à l’âge de 12 mois pour les nourris-
observée, mais dans l’ensemble ce vaccin présente une bonne sons sans facteurs de risque particuliers ; la dose de rappel
tolérance car les réactions graves sont très rares. est importante pour le maintien d’une protection individuelle
maximale vis-à-vis des infections invasives, mais également
Vaccins conjugués pour la diminution du portage rhinopharyngé des souches
vaccinales ;
Le premier vaccin conjugué antipneumococcique destiné à lut- • trois doses à un mois d’intervalle (la première dose dès l’âge de
ter contre les infections invasives de l’enfant, principalement les 2 mois) et un rappel à l’âge de 12 mois pour les nourrissons avec
méningites, a été commercialisé en France en 2001 : il s’agissait facteurs de risque ;
d’un vaccin heptavalent couvrant les sérotypes 4, 6B, 9V, 14, • deux doses à huit semaines d’intervalle auxquelles s’ajoute
18C, 19F et 23F. Ce vaccin a été introduit dans le calendrier une dose de vaccin pneumococcique 23-valent au moins huit
vaccinal français en décembre 2002 pour les enfants de moins semaines après, pour les enfants âgés de 24 à 54 mois non vac-
de 2 ans présentant des facteurs de risque d’infection invasive cinés.
à pneumocoque. En 2006, sa recommandation a été élargie à Des recommandations pour la période de transition entre les
tous les enfants de moins de 2 ans, ainsi qu’aux enfants de 2 deux vaccins (7-valent et 13-valent) ont également été élaborées.
à 5 ans à risque élevé d’infection invasive à pneumocoque. La Le vaccin conjugué 13-valent peut être administré, en un
couverture vaccinale a augmenté progressivement au cours de site d’injection séparé, avec les vaccins hexavalents (DTPCaHib
ces années, atteignant chez les enfants de 3 à 12 mois nés en et hépatite B), le vaccin contre le méningocoque C, le vac-
2010, 85 % pour une primovaccination complète [84] ; cependant, cin contre les rougeole–oreillons–rubéole, et le vaccin contre
le taux de rappel chez les enfants de 16 à 24 mois reste insuffi- l’hépatite A.
sant, de l’ordre de 65 % et trop tardif (âge médian de 14,2 mois). Dans son avis du 25 avril 2013 [90] , le Haut Conseil de la santé
En juin 2010, la formule du vaccin conjugué heptavalent a été publique a proposé une liste commune de personnes éligibles à
remplacée par une nouvelle formule constituée de 13 sérotypes : la vaccination contre le pneumocoque, âgées de plus de 2 ans.

EMC - Maladies infectieuses 13


8-012-A-10  Infections à pneumocoques

100 % 100 %
0–23 mois 0–23 mois
90 % 90 %
Sérotypes vaccinaux PCV7

Sérotypes vaccinaux PCV7


24–59 mois 24–59 mois
80 % 80 %
5–15 ans 5–15 ans
70 % 70 %
16–64 ans 16–64 ans
60 % 60 %
> 64 ans > 64 ans
50 % 50 %
40 % 40 %
30 % 30 %
20 % 20 %
10 % 10 %
0% 0%
2001 2003 2005 2007 2009 2011 2001 2003 2005 2007 2009 2011
(n = 1205) (n = 996) (n = 806) (n = 1058) (n = 1176) (n = 1042) (n = 337) (n = 397) (n = 430) (n = 430) (n = 481) (n = 432)
A B
100 % 100 %
90 % 90 %
Sérotypes vaccinaux PCV13

Sérotypes vaccinaux PCV13


80 % 80 %
70 % 70 %
60 % 60 %
0–23 mois
50 % 50 %
24–59 mois 0–23 mois
40 % 40 %
5–15 ans 24–59 mois
30 % 30 %
16–64 ans 5–15 ans
20 % 20 %
> 64 ans 16–64 ans
10 % 10 %
> 64 ans
0% 0%
2001 2003 2005 2007 2009 2011 2001 2003 2005 2007 2009 2011
(n = 1205) (n = 996) (n = 806) (n = 1058) (n = 1176) (n = 1042) (n = 337) (n = 397) (n = 430) (n = 430) (n = 481) (n = 432)
C D
Figure 6. Évolution de la couverture sérotypique des vaccins conjugués dans les infections invasives entre 2001 et 2011.
A. Couverture du PCV7 dans les bactériémies.
B. Couverture du PCV7 dans les méningites.
C. Couverture du PCV13 dans les bactériémies.
D. Couverture du PCV13 dans les méningites.

Il recommande la vaccination par le vaccin conjugué 13-valent, ostéoméningée ou d’implant cochléaire : une dose de vaccin
puis par le vaccin polyosidique 23-valent selon les schémas conjugué 13-valent, suivie d’une dose de vaccin polyosidique
suivants : 23-valent au moins huit semaines après.
• pour les enfants âgés de 2 à 5 ans à risque élevé d’infection inva-
sive à pneumocoque et appartenant à cette liste : deux doses
de vaccin conjugué 13-valent à huit semaines d’intervalle, sui- Effets secondaires et contre-indications
vies d’une dose de vaccin polyosidique 23-valent au moins huit La tolérance du vaccin conjugué 13-valent est similaire à celle
semaines après ; observée pour le vaccin conjugué heptavalent. Les effets indési-
• pour les personnes âgées de plus de 5 ans immunodépri- rables les plus fréquemment rapportés ont été des réactions au
mées, ainsi qu’en cas de syndrome néphrotique, de brèche site d’injection, de la fièvre, une irritabilité, une perte d’appétit

“ Points essentiels
• Le pneumocoque est une bactérie présente dans le rhinopharynx de l’homme, principalement chez les enfants de moins de 2 ans,
qui constitue son réservoir naturel. Un des facteurs de virulence majeurs de cette bactérie est la capsule polyosidique, à l’origine de
sa classification en 93 sérotypes.
• Le pneumocoque est une des étiologies majeures des infections respiratoires communautaires (pneumonies avec ou sans bactérié-
mie, otites moyennes aiguës et sinusites), ainsi que des méningites, en particulier chez le jeune enfant de moins de 2 ans et chez le
sujet âgé. Outre les âges extrêmes de la vie, d’autres facteurs de risque d’infection à pneumocoque ont été identifiés, telle l’asplénie
organique ou fonctionnelle associée à un risque particulièrement élevé.
• Le traitement de première intention repose sur les bêtalactamines. La fréquence de la résistance à ces molécules, liée à des échanges
génétiques avec des espèces du microbiote rhinopharyngé, est en net recul depuis une dizaine d’année et concerne, en 2011, 25 %
des souches isolées d’infections invasives. Malgré des antibiotiques efficaces, les méningites et les pneumonies restent associées à
une mortalité élevée.
• Depuis 2003, un vaccin conjugué 7-valent efficace chez l’enfant est disponible, et recommandé chez l’enfant de moins de 2 ans. En
France, son utilisation a permis de faire reculer significativement l’incidence des infections invasives liées aux sept sérotypes contenus,
mais l’émergence de sérotypes de remplacement a limité la baisse globale de l’incidence de ces infections. Depuis 2010, ce vaccin a
été remplacé par un vaccin conjugué 13-valent.

14 EMC - Maladies infectieuses


Infections à pneumocoques  8-012-A-10

et des altérations du sommeil (hypersomnie ou diminution du [16] AFSSAPS. Antibiothérapie par voie générale dans les infections res-
sommeil). Les réactions locales et la fièvre peuvent être plus impor- piratoires basses de l’adulte. Mise au point. 2010 : www.afssaps.fr/var/
tantes chez les enfants âgés de plus de 12 mois que chez les afssaps site/storage/original/application/b33b6936699f3fefdd
nourrissons. 075316c40a0734.pdf.
[17] Goldstein FW. Choice of an oral beta-lactam antibiotic for infections
due to penicillin-resistant Streptococcus pneumoniae. Scand J Infect
Dis 1997;29:255–7.
 Surveillance des infections [18] SFM. Comité de l’antibiogramme de la Société française de microbio-
logie. Recommandations 2012. 2012 : www.sfm-microbiologie.org/
à pneumocoques UserFiles/file/CASFM/casfm 2012.pdf.
[19] SPILF. 17e Conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse.
En France, l’épidémiologie des infections à pneumocoques fait Prise en charge des méningites bactériennes aiguës communau-
l’objet d’un réseau de surveillance coordonné par le CNRP, qui taires (à l’exclusion du nouveau-né). 2008 : www.infectiologie.
recueille et analyse chaque année la totalité des souches isolées com/site/medias/ documents/consensus/Meningites consensus-
de LCR et d’hémocultures d’enfants par les laboratoires partici- long.pdf.
pants, ainsi qu’une partie des souches d’hémocultures adultes. [20] Novak R, Henriques B, Charpentier E, Normark S, Tuomanen E. Emer-
Une année sur deux, la surveillance porte également sur les gence of vancomycin tolerance in Streptococcus pneumoniae. Nature
souches isolées de liquides pleuraux, une partie des souches iso- 1999;399:590–3.
lées d’OMA en échec thérapeutique et une partie des souches [21] Dowson CG, Hutchison A, Brannigan JA, George RC, Hansman D,
isolées de pneumonies non bactériémiques. En 2011, le réseau Liñares J, et al. Horizontal transfer of penicillin-binding protein genes
de surveillance de S. pneumoniae se compose de 23 Observatoires in penicillin-resistant clinical isolates of Streptococcus pneumoniae.
régionaux du pneumocoque , couvrant 73 % du territoire. Proc Natl Acad Sci USA 1989;86:8842–6.
Par ailleurs, toutes les souches isolées de méningite peuvent être [22] Laible G, Hakenbeck R. Five independent combinations of mutations
adressées directement au CNRP. can result in low-affinity penicillin-binding protein 2x of Streptococcus
pneumoniae. J Bacteriol 1991;173:6986–90.
[23] Varon E, Houssaye S. Résistance des agents infectieux impliqués dans
les infections des voies respiratoires basses en France. Med Mal Infect
Déclaration d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens d’intérêts en
2006;36:555–69.
relation avec cet article.
[24] Pan XS, Ambler J, Mehtar S, Fisher LM. Involvement of topoiso-
merase IV and DNA gyrase as ciprofloxacin targets in Streptococcus
pneumoniae. Antimicrob Agents Chemother 1996;40:2321–6.
[25] Janoir C, Zeller V, Kitzis MD, Moreau NJ, Gutmann L. High-
 Références level fluoroquinolone resistance in Streptococcus pneumoniae requires
mutations in parC and gyrA. Antimicrob Agents Chemother
[1] Facklam R. What happened to the Streptococci: overview of taxonomic 1996;40:2760–4.
and nomenclature changes. Clin Microbiol Rev 2002;15:613–30. [26] Balsalobre L, Ferrandiz MJ, Linares J, Tubau F, de la Campa AG.
[2] Bentley SD, Aanensen DM, Mavroidi A, Saunders D, Rabbinowitsch Viridans group streptococci are donors in horizontal transfer of topoi-
E, Collins M, et al. Genetic analysis of the capsular biosynthetic locus somerase IV genes to Streptococcus pneumoniae. Antimicrob Agents
from all 90 pneumococcal serotypes. PLoS Genet 2006;2:e31. Chemother 2003;47:2072–81.
[3] Park IH, Pritchard DG, Cartee R, Brandao A, Brandileone MC, Nahm [27] Wood JL, Newton JR, Chanter N, Mumford JA. Association between
MH. Discovery of a new capsular serotype (6C) within serogroup 6 of respiratory disease and bacterial and viral infections in British race-
Streptococcus pneumoniae. J Clin Microbiol 2007;45:1225–33. horses. J Clin Microbiol 2005;43:120–6.
[4] Jin P, Kong F, Xiao M, Oftadeh S, Zhou F, Liu C, et al. First report of [28] Gray BM, Converse 3rd GM, Dillon Jr HC. Epidemiologic studies of
putative Streptococcus pneumoniae serotype 6D among nasopharyn- Streptococcus pneumoniae in infants: acquisition, carriage, and infec-
geal isolates from Fijian children. J Infect Dis 2009;200:1375–80. tion during the first 24 months of life. J Infect Dis 1980;142:923–33.
[5] Calix JJ, Nahm MH. A new pneumococcal serotype, 11E, has a variably [29] Meats E, Brueggemann AB, Enright MC, Sleeman K, Griffiths DT,
inactivated wcjE gene. J Infect Dis 2010;202:29–38. Crook DW, et al. Stability of serotypes during nasopharyngeal carriage
[6] Coffey TJ, Enright MC, Daniels M, Morona JK, Morona R, Hryniewicz of Streptococcus pneumoniae. J Clin Microbiol 2003;41:386–92.
W, et al. Recombinational exchanges at the capsular polysaccharide [30] Ghaffar F, Friedland IR, McCracken Jr GH. Dynamics of nasopharyn-
biosynthetic locus lead to frequent serotype changes among natural geal colonization by Streptococcus pneumoniae. Pediatr Infect Dis J
isolates of Streptococcus pneumoniae. Mol Microbiol 1998;27:73–83. 1999;18:638–46.
[7] Kilian M, Poulsen K, Blomqvist T, Håvarstein LS, Bek-Thomsen M, [31] Feikin DR, Klugman KP. Historical changes in pneumococcal sero-
Tettelin H, et al. Evolution of Streptococcus pneumoniae and its close group distribution: implications for the era of pneumococcal conjugate
commensal relatives. PLoS One 2008;3:e2683. vaccines. Clin Infect Dis 2002;35:547–55.
[8] Donati C, Hiller NL, Tettelin H, Muzzi A, Croucher NJ, Angiuoli [32] Harboe ZB, Benfield TL, Valentiner-Branth P, Hjuler T, Lambert-
SV, et al. Structure and dynamics of the pan-genome of Streptococcus sen L, Kaltoft M, et al. Temporal trends in invasive pneumococcal
pneumoniae and closely related species. Genome Biol 2010;11:R107. disease and pneumococcal serotypes over 7 decades. Clin Infect Dis
[9] Tettelin H, Nelson KE, Paulsen IT, Eisen JA, Read TD, Peterson S, 2010;50:329–37.
et al. Complete genome sequence of a virulent isolate of Streptococcus [33] ObaroSK, Adegbola RA, BanyaWA, Greenwood BM. Car-
pneumoniae. Science 2001;293:498–506. riage of pneumococci after pneumococcal vaccination. Lancet
[10] Claverys JP, Martin B, Polard P. The genetic transformation machi- 1996;348:271–2.
nery: composition, localization, and mechanism. FEMS Microbiol Rev [34] Cohen R, Levy C, de La Rocque F, Gelbert N, Wollner A, Fritzell
2009;33:643–56. B, et al. Impact of pneumococcal conjugate vaccine and of reduc-
[11] Mortier-Barriere I, Humbert O, Martin B, Prudhomme M, Claverys JP. tion of antibiotic use on nasopharyngeal carriage of nonsusceptible
Control of recombination rate during transformation of Streptococcus pneumococci in children with acute otitis media. Pediatr Infect Dis J
pneumoniae: an overview. Microb Drug Resist 1997;3:233–42. 2006;25:1001–7.
[12] Claverys JP, Martin B, Havarstein LS. Competence-induced fratricide [35] Varon E Janoir C, Gutmann L. Rapport du CNRP 2011, épidémiologie
in streptococci. Mol Microbiol 2007;64:1423–33. 2010 : www.invs.sante.fr/surveillance/cnr/rapport cnrp 2009.pdf?
[13] Johnsborg O, Havarstein LS. Regulation of natural genetic trans- bcsi scan D99544420D78AF92=INjQxAic+JJVfIx+gnRzWBc
formation and acquisition of transforming DNA in Streptococcus AAABj52ZH&bcsi scan filename=rapport cnrp 2011.pdf.
pneumoniae. FEMS Microbiol Rev 2009;33:627–42. [36] CDC Active Bacterial Core Surveillance Report, Emerging Infections
[14] Chiavolini D, Pozzi G, Ricci S. Animal models of Streptococcus pneu- Program Network, Streptococcus pneumoniae, 2009 : www.cdc.gov/
moniae disease. Clin Microbiol Rev 2008;21:666–85. abcs/reports-findings/survreports/spneu09.pdf.
[15] Piroth L, Martin L, Coulon A, Lequeu C, Duong M, Buisson M, [37] Réseau EPIBAC. Surveillance des infections invasives à Haemophilus
et al. Development of a new experimental model of penicillin-resistant influenzae, Listeria monocytogenes, Neisseria meningitidis, Strepto-
Streptococcus pneumoniae pneumonia and amoxicillin treatment by coccus pneumoniae, Streptococcus agalactiae (B) et Streptococcus
reproducing human pharmacokinetics. Antimicrob Agents Chemother pyogenes (A) en France métropolitaine. Données épidémiologiques
1999;43:2484–92. 2011 : www.invs.sante.fr/surveillance/epibac/donnees.htm.

EMC - Maladies infectieuses 15


8-012-A-10  Infections à pneumocoques

[38] Varon E. Actualisation de l’épidémiologie des méningites bacté- [62] Revest M, Michelet C. Recherche de facteurs favorisants la survenue
riennes aiguës chez l’adulte en France. Med Mal Infect 2009;39: des méningites bactérienne communautaires (nouveau-né exclu). Med
432–44. Mal Infect 2009;39:562–71.
[39] McCullers JA. Insights into the interaction between Influenza Virus [63] Bingen E, Levy C, De la Rocque F, Boucherat M, Aujard Y,
and pneumococcus. Clin Microbiol Rev 2006;19:571–82. Cohen R. Méningites à pneumocoque de l’enfant en France : âge
[40] Sandgren A, Sjostrom K, Olsson-Liljequist B, Christensson B, de survenue et facteurs de risque médicaux. Arch Pediatr 2005;12:
Samuelsson A, Kronvall G, et al. Effect of clonal and serotype-specific 1187–9.
properties on the invasive capacity of Streptococcus pneumoniae. J [64] Koedel U, Scheld WM, Pfister H-W. Pathogenesis and pathophy-
Infect Dis 2004;189:785–96. siology of pneumococcal meningitis. Lancet Infect Dis 2002;2:
[41] Brueggemann AB, Griffiths DT, Meats E, Peto T, Crook DW, Spratt 721–36.
BG. Clonal relationships between invasive and carriage Streptococcus [65] AFSSAPS. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante
pneumoniae and serotype- and clone-specific differences in invasive dans les infections respiratoires hautes de l’adulte et de l’enfant. Argu-
disease potential. J Infect Dis 2003;187:1424–32. mentaire. 2005 : www.afssaps.fr/var/afssaps site/storage/original/
[42] Brueggemann AB, Peto TE, Crook DW, Butler JC, Kristinsson KG, application/490d564f355c8c55f3cad38d4f643943.pdf.
Spratt BG. Temporal and geographic stability of the serogroup-specific [66] Tremolieres F. Épidémiologie microbienne des infections respiratoires
invasive disease potential of Streptococcus pneumoniae in children. J basses : actualités. Med Mal Infect 2006;36:546–54.
Infect Dis 2004;190:1203–11. [67] Housset B. Cadre nosologique des infections respiratoires basses. Med
[43] Talbot TR, Hartert TV, Mitchel E, Halasa NB, Arbogast PG, Poehling Mal Infect 2006;36:538–45.
KA, et al. Asthma as a risk factor for invasive pneumococcal disease.
[68] Lucht F. Sensibilité et spécificité des signes cliniques chez l’adulte.
N Engl J Med 2005;352:2082–90.
Med Mal Infect 2009;39:445–51.
[44] Nuorti JP, Whitney CG. Updated recommendations for prevention
of invasive pneumococcal disease among adults using the 23-valent [69] des Portes V. Quel suivi à long terme pour quels patients ? Séquelles
pneumococcal polysaccharide vaccine (PPSV23). MMWR 2010;59: des méningites bactériennes chez l’enfant et chez l’adulte : incidence,
1102–6. types, modes d’évaluation. Med Mal Infect 2009;39:572–80.
[45] Kadioglu A, Weiser JN, Paton JC, Andrew PW. The role of Strepto- [70] Mercier JC. Signes évocateurs de méningites chez le nourrisson. Med
coccus pneumoniae virulence factors in host respiratory colonization Mal Infect 2009;39:452–61.
and disease. Nat Rev Microbiol 2008;6:288–301. [71] Carbonnelle E. Apport des examens biologiques dans le diagnostic
[46] Nelson AL, Roche AM, Gould JM, Chim K, Ratner AJ, Weiser positif, la détermination de l’étiologie et le suivi d’une méningite
JN. Capsule enhances pneumococcal colonization by limiting mucus- suspectée bactérienne. Med Mal Infect 2009;39:581–605.
mediated clearance. Infect Immun 2007;75:83–90. [72] Werno AM, Murdoch DR. Medical microbiology: laboratory diag-
[47] Marriott HM, Mitchell TJ, Dockrell DH. Pneumolysin: a double- nosis of invasive pneumococcal disease. Clin Infect Dis 2008;46:
edged sword during the host-pathogen interaction. Curr Mol Med 926–32.
2008;8:497–509. [73] Arbique JC, Poyart C, Trieu-Cuot P, Quesne G, Carvalho Mda G,
[48] Malley R, Henneke P, Morse SC, Cieslewicz MJ, Lipsitch M, Thomp- Steigerwalt AG, et al. Accuracy of phenotypic and genotypic tes-
son CM, et al. Recognition of pneumolysin by Toll-like receptor 4 ting for identification of Streptococcus pneumoniae and description of
confers resistance to pneumococcal infection. Proc Natl Acad Sci USA Streptococcus pseudopneumoniae sp. nov. J Clin Microbiol 2004;42:
2003;100:1966–71. 4686–96.
[49] Berry AM, Ogunniyi AD, Miller DC, Paton JC. Comparative viru- [74] Poyart C, Quesne G, Coulon S, Berche P, Trieu-Cuot P. Identifica-
lence of Streptococcus pneumoniae strains with insertion-duplication, tion of streptococci to species level by sequencing the gene encoding
point, and deletion mutations in the pneumolysin gene. Infect Immun the manganese-dependent superoxide dismutase. J Clin Microbiol
1999;67:981–5. 1998;36:41–7.
[50] Kadioglu A, Taylor S, Iannelli F, Pozzi G, Mitchell TJ, Andrew PW. [75] Kawamura Y, Whiley RA, Shu SE, Ezaki T, Hardie JM. Genetic
Upper and lower respiratory tract infection by Streptococcus pneumo- approaches to the identification of the mitis group within the genus
niae is affected by pneumolysin deficiency and differences in capsule Streptococcus. Microbiology 1999;145:2605–13.
type. Infect Immun 2002;70:2886–90. [76] Honore S, Trillard M, Ould-Hocine Z, Lesprit P, Deforges L, Legrand
[51] Wellmer A, Zysk G, Gerber J, Kunst T, Von Mering M, Bun- P. Contribution de la recherche d’antigénurie pneumococcique couplée
kowski S, et al. Decreased virulence of a pneumolysin-deficient strain à celle d’antigénurie légionelle au diagnostic de pneumonie à l’hôpital.
of Streptococcus pneumoniae in murine meningitis. Infect Immun Pathol Biol 2004;52:429–33.
2002;70:6504–8. [77] Dubrous P, Delacour H, Gerome P, Koeck J. Apport diagnostique de
[52] Hirst RA, Gosai B, Rutman A, Guerin CJ, Nicotera P, Andrew PW, la recherche des antigènes solubles bactériens. Immunoanal Biol Spe
et al. Streptococcus pneumoniae deficient in pneumolysin or auto- 2007;22:48–53.
lysin has reduced virulence in meningitis. J Infect Dis 2008;197: [78] SPLIF. 15e Conférence de prise en charge en thérapeutique anti-
744–51. infectieuse. Prise en charge des infections des voies respiratoires
[53] Bergmann S. Versatility of pneumococcal surface proteins. Microbio- basses de l’adulte immunocompétent. 2006 : www.infectiologie.
logy 2006;152:295–303. com/site/medias/ documents/consensus/inf respir long2006.pdf.
[54] Orihuela CJ, Radin JN, Sublett JE, Gao G, Kaushal D, Tuomanen EI. [79] AFSSAPS. Antibiothérapie par voie générale en pratique courante
Microarray analysis of pneumococcal gene expression during invasive dans les infections respiratoires basses de l’adulte et de l’enfant. Argu-
disease. Infect Immun 2004;72:5582–96. mentaire. 2005 : www.afssaps.fr/var/afssaps site/storage/original/
[55] Zhang JR, Mostov KE, Lamm ME, Nanno M, Shimida S, Ohwaki
application/e183cb9ee74726319784f8c3a8cd347b.pdf.
M, et al. The polymeric immunoglobulin receptor translocates
[80] SPILF/SFP/GPIP. Antibiothérapie par voie générale en pratique cou-
pneumococci across human nasopharyngeal epithelial cells. Cell
rante dans les infections respiratoires hautes de l’adulte et de l’enfant.
2000;102:827–37.
[56] Ring A, Tuomanen E. Host cell invasion by Streptococcus pneumoniae. Recommandations 2011 : www.infectiologie.com/site/medias/Recos/
Subcell Biochem 2000;33:125–35. 2011-infections-respir-hautes-recommandations.pdf.
[57] Kim JO, Weiser JN. Association of intrastrain phase variation in quan- [81] Jackson LA, Janoff EN. Pneumococcal vaccination of elderly adults:
tity of capsular polysaccharide and teichoic acid with the virulence of new paradigms for protection. Clin Infect Dis 2008;47:1328–38.
Streptococcus pneumoniae. J Infect Dis 1998;177:368–77. [82] OMS. Vaccin anti-pneumococcique polyosidique 23-valent. Note de
[58] Hava DL, LeMieux J, Camilli A. From nose to lung: the regulation synthèse de l’OMS. Rel Epidemiol Hebd 2008;42:373–84.
behind Streptococcus pneumoniae virulence factors. Mol Microbiol [83] InVS. Le calendrier des vaccinations et des recommandations vacci-
2003;50:1103–10. nales 2012 selon l’avis du Haut Conseil de la santé publique. Bull
[59] Weiser JN, Austrian R, Sreenivasan PK, Masure HR. Phase variation Epidemiol Hebd Avril 2012;(n◦ 14–15):169–70.
in pneumococcal opacity: relationship between colonial morphology [84] Gaudelus J, Cohen R. Évolution de la couverture vaccinale du vaccin
and nasopharyngeal colonization. Infect Immun 1994;62:2582–9. pneumococcique conjugué de 2006 à 2010 : analyse des carnets de
[60] Cundell DR, Weiser JN, Shen J, Young A, Tuomanen EI. Relation- santé. Med Enf 2011;31:187–90.
ship between colonial morphology and adherence of Streptococcus [85] Reingold A, Hadler J, Farley MM, Harrison L, Lynfield R, Bennett
pneumoniae. Infect Immun 1995;63:757–61. N, et al. Direct and indirect effects of routine vaccination of chil-
[61] Shivshankar P, Sanchez C, Rose LF, Orihuela CJ. The Streptococ- dren with 7-valent pneumococcal conjugate vaccine on incidence of
cus pneumoniae adhesion PsrP binds to Keratin 10 on lung cells. Mol invasive pneumococcal disease – United States, 1998–2003. MMWR
Microbiol 2009;73:663–79. 2005;54:893–7.

16 EMC - Maladies infectieuses


Infections à pneumocoques  8-012-A-10

[86] InVS. Impact de la vaccination par le vaccin antipneumococ- [90] Haut Conseil de la santé publique. Avis relatif aux recommandations
cique conjugué heptavalent sur l’incidence des infections invasives de la vaccination pour les adultes et les enfants âgés de plus de 2 ans à
à pneumocoques en France. Analyse des données de 2008. 2010 : risque d’infection invasive à pneumocoque. 25 avril 2013.
www.invs.sante.fr/display/?doc=presse/2010/le point sur/vaccination
pneumo 050710/index.html.
[87] InVS. Avis du Haut Conseil de la santé publique relatif à la réévalua-
tion des recommandations vaccinales du vaccin antipneumococcique
conjugué heptavalent dans les suites de l’extension d’AMM à la pré- Pour en savoir plus
vention des otites moyennes aiguës et des pneumonies à pneumocoque.
Bull Epidemiol Hebd 2009;(n◦ 14–15):171. Collège des universitaires de maladies infectieuses et tropicales
[88] HAS. Commission de la transparence. Prevenar13® , 0,5 ml, suspension (CMIT) ; Pilly E. Maladies infectieuses et tropicales. Paris: Éditions
injectable, vaccin pneumococcique polyosidique conjugué. Avis du Vivactis; 2012.
10 mars 2010 : www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/ Courvalin P, Leclercq R, Rice L. Antibiogramme. Paris: ESKA; 2012.
2010-04/prevenar13 - ct-7346.pdf. Siber GR, Klugman KP, Mäkelä PH. Pneumococcal vaccines: the impact of
[89] Haut Conseil de santé publique. Avis relatif à la vaccination par le conjugate vaccine. Paris: Éditions ASM; 2008.
vaccin pneumococcique conjugué 13-valent. 11 décembre 2009. Tuomanen EI. The pneumococcus. Paris: Éditions ASM; 2004.

C. Janoir.
Centre national de référence des pneumocoques (CNRP), Laboratoire de microbiologie, AP–HP, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908
Paris cedex 15, France.
Faculté de pharmacie, Université Paris-Sud-11, Département de microbiologie, EA-4043, 5, rue Jean-Baptiste-Clément, 92290 Châtenay-Malabry, France.
E. Varon (emmanuelle.varon@egp.aphp.fr).
Centre national de référence des pneumocoques (CNRP), Laboratoire de microbiologie, AP–HP, Hôpital européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75908
Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Janoir C, Varon E. Infections à pneumocoques. EMC - Maladies infectieuses 2014;11(3):1-17 [Article
8-012-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 17


 8-013-A-10

Infections à méningocoques
M.-K. Taha

Neisseria meningitidis, le méningocoque, est une bactérie capsulée strictement humaine, commensale
du rhinopharynx avec un portage asymptomatique de 10 % dans la population générale. Elle pourrait
être responsable d’infections invasives à déclaration obligatoire (méningite et septicémie, mais également
arthrite et péricardite). Ces infections posent un sérieux problème de santé publique à cause de leur gravité
et leur potentiel épidémique. La capsule du méningocoque détermine son sérogroupe. Six sérogroupes
sont le plus rencontrés dans les infections invasives à méningocoque dans le monde (A, B, C, Y, W-135 et
X). Actuellement, en France le sérogroupe B est prédominant (environ 65 % des cas), suivi du sérogroupe C
(environ 25 % des cas). L’âge médian est de 15 ans, mais l’incidence la plus élevée est observée chez les
nourrissons, avec un deuxième pic chez les adolescents. La létalité globale est de l’ordre de 10 %, mais
plus élevée en présence d’un purpura fulminans imposant une prise en charge précoce en préhospitalier
dès la suspicion clinique de purpura fulminans. L’antibiothérapie par les céphalosporines de troisième
génération (ceftriaxone) est l’élément majeur dans le traitement. De plus, la prise en charge intensive et
adaptée du choc doit être assurée en service de réanimation polyvalente. Les mesures préventives dans
l’entourage du malade sont assurées par la vaccination et/ou l’antibioprophylaxie. En l’absence d’un
vaccin contre le méningocoque B, la stratégie actuelle de vaccination en Europe cible le méningocoque C
à l’aide du vaccin conjugué selon plusieurs schémas. Des vaccins recombinants contre les souches du
méningocoque B sont en cours de développement.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Méningite ; Diagnostic ; Antibiotiques ; Épidémie ; Réanimation ; Sepsis ; Vaccination ; Prophylaxie

Plan ■ Diagnostic étiologique au laboratoire des infections invasives


à méningocoque 8
■ Introduction 1 Prélèvements biologiques 8
Examen de liquide cérébrospinal 10
■ Bactérie 2 Recherche des antigènes solubles 10
Structures de surface du méningocoque 2 Isolement et identification de Neisseria meningitidis par culture 10
Typage des souches du méningocoque 3 Méthodes moléculaires de diagnostic bactériologique sans
■ Épidémiologie 3 culture : diagnostic moléculaire de Nesseria meningitidis
Répartition des sérogroupes et des génotypes 4 par « polymerase chain reaction » 10
Répartition par sexe et par tranche d’âge 4 Étude de la sensibilité de Neisseria meningitidis aux antibiotiques 11
■ Processus infectieux et lésionnel 4 ■ Prise en charge des infections invasives à méningocoque 11
Transmission et acquisition 4 Prise en charge en préhospitalier 11
Bactériémie 5 Prise en charge des infections invasives à méningocoque en milieu
Franchissement de la barrière hématoméningée 5 hospitalier 11
■ Facteurs de risque pour développer une infection invasive à ■ Prévention des infections invasives à méningocoque 12
méningocoque 6 Antibioprophylaxie 13
Facteurs liés à la bactérie (virulence des souches) 6 Vaccination 13
Facteurs liés à l’hôte (susceptibilité de l’hôte) 6 ■ Information au public 15
Facteurs externes 6
■ Formes cliniques des infections invasives à méningocoques 6
Septicémie (méningococcémie) et purpura fulminans 6
Méningite à méningocoque 7  Introduction
Autres localisation des infections invasives à méningocoque 7
Évolution des infections invasives à méningocoque 8 La première description de la méningite cérébrospinale remonte
à 1805 à Genève par Vieusseux. De nombreux cas ont ensuite
été rapportés au cours du XIXe siècle, ce qui a permis de préciser

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 9 > n◦ 3 > août 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)58119-6
8-013-A-10  Infections à méningocoques

Figure 1. Structures de surface de Neisseria meningitidis par


microscopie électronique avec une représentation schématique
de ces structures et leurs rôles. 1. Membrane externe ; 2. pepti-
doglycane : réponse inflammatoire ; 3. membrane interne ;
4. capsule (sérogroupe) : résistance au complément ; 5. pili :
1
adhésion et transformation ; 6. lipo-oligosaccharides (endo-
2 toxine) : signalisation via TLR-4, choc ; 7. porine PorB (sérotype) :
induction de l’apoptose ; 8. porine PorA (séro-sous-type).
3

4 5

7 8

la cible de cette infection, à savoir les personnes jeunes vivant autres espèces de ce genre sont les Neisseria commensales. Les
en collectivité. C’est en 1887 que Weichselbaum isole des cocci deux espèces pathogènes sont très proches sur le plan génétique
d’un liquide cérébrospinal (LCS) et propose ainsi l’étiologie de la et constituent la même genospecies [1, 2] . N. meningitidis consti-
méningite cérébrospinale. L’existence de porteurs sains pour Neis- tue avec S. pneumoniae et H. influenzae, les principaux agents de
seria meningitidis est démontrée en 1901 et l’existence de différents méningite bactérienne aiguë communautaire. Le rhinopharynx
sérogroupes établie en 1907. En 1937, l’introduction des sulfa- est l’habitat naturel du méningocoque et sa porte d’entrée princi-
mides en remplacement de la sérothérapie transforme le pronostic pale. Le taux de portage asymptomatique est estimé à 10 % de la
de cette infection. population générale [3] . L’homme est le seul hôte connu de cette
Le caractère transmissible, la soudaineté et la gravité de cer- bactérie et il n’y a pas d’autre réservoir dans la nature.
taines formes cliniques des infections invasives à méningocoque Le méningocoque est une bactérie hautement variable grâce à sa
(IIM), parfois à l’origine du décès d’un enfant bien portant compétence naturelle pour la transformation par l’acide désoxy-
en quelques heures, sont responsables d’une panique qui, bien ribonucléique (ADN) et sa capacité de recombinaison. Il existe
souvent, est entretenue par une méconnaissance et une désinfor- de fréquents échanges génétiques (transferts horizontaux d’ADN)
mation sur les risques réels. entre les différentes souches, qui sont à l’origine de cette grande
En ce début du nouveau millénaire, l’infection méningococ- diversité génétique et d’un génome extrêmement dynamique.
cique est toujours épidémique en Afrique, dans ce qu’il est
convenu d’appeler la ceinture de la méningite. L’ampleur de ces
épidémies au cours des dernières années a fait classer l’infection Structures de surface du méningocoque
méningococcique dans les infections bactériennes émergentes par
l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Dans les pays déve- Les souches du méningocoque peuvent, grâce à une panoplie
loppés, le méningocoque n’est responsable que d’une morbidité de facteurs de virulence, survivre dans l’organisme infecté et lutter
relative, mais la persistance d’une issue fatale dans 10 % des cas contre ses défenses immunitaires.
malgré une antibiothérapie adaptée, le potentiel épidémique de La capsule protège la bactérie contre la dessiccation et joue un
cette infection et l’imperfection des antigènes vaccinaux actuel- rôle important dans la résistance à l’activité bactéricide du sérum.
lement disponibles en font toujours une pathologie d’actualité. Elle influence également les interactions entre la cellule hôte et la
Ainsi, la mise au point d’un vaccin « universel » et efficace contre bactérie.
le méningocoque dès les premiers mois de la vie est une priorité. L’immunospécificité de la capsule est à l’origine de la classi-
Ce vaccin qui, combiné aux vaccins contre les autres agents des fication en sérogroupes des souches du méningocoque. Douze
méningites bactériennes aiguës comme Haemophilus influenzae et sérogroupes sont actuellement décrits : A, B, C, X, Y, Z, 29E, W-135,
Streptococcus pneumoniae, constituerait les bases d’un vaccin contre H, I, K, L. La capsule du méningocoque est de nature polyosidique
l’ensemble des méningites bactériennes. et composée de polymères de N-acétyl mannosaminephosphate
(sérogroupe A) ou de polymères (homopolymères ou hétéropoly-
mères) d’acide polysialique (sérogroupes B, C, Y et W-135).
La capacité de liaison du méningocoque aux régulateurs néga-
 Bactérie tifs du complément (comme le facteur H, un régulateur négatif de
la voie alterne du complément) lui permet de réduire l’activation
N. meningitidis (ou méningocoque) est une bactérie capsu- du complément à sa surface et d’échapper ainsi à l’action bactéri-
lée à Gram négatif et à multiplication de type extracellulaire. cide du complément [4] .
Elle appartient à la famille de Neisseiaceae qui ne comprend D’autres structures de la surface bactérienne sont également
qu’un seul genre, le genre Neisseria [1] . Le genre Neisseria regroupe impliquées dans la colonisation, l’invasion et la dissémination
deux espèces pathogènes pour l’homme : N. meningitidis, agent des bactéries à partir de leur porte d’entrée (le rhinopharynx).
de septicémies et de méningites (parfois épidémiques) ainsi que Ce sont notamment les pili, qui sont des appendices filamenteux
d’arthrites et de péricardites, et N. gonorrhoeae, agent d’infections répartis à la surface bactérienne (Fig. 1). Les pili participent aux
génitales sexuellement transmissibles (urétrites, cervicites). Les processus d’adhésion aux cellules épithéliales du rhinopharynx

2 EMC - Maladies infectieuses


Infections à méningocoques  8-013-A-10

et aux cellules endothéliales. Les pili manifestent une variation des cas d’IIM en France, en Europe et en Amérique du Nord. Ces
antigénique qui permet à la bactérie d’échapper à la réponse complexes clonaux sont : complexe clonal ST-41/44, complexe
immunitaire de l’hôte, et de moduler le niveau et le tropisme de clonal 32 et complexe clonal ST-269 (les souches de ces complexes
l’adhésion des souches bactériennes aux cellules cibles [5] . clonaux sont souvent mais pas exclusivement du sérogroupe
Le méningocoque dispose de systèmes de captation du fer B). Les deux derniers complexes clonaux sont : ST-11 et ST-8 (les
directement de ressources humaines comme la lactoferrine et la souches de ces deux derniers complexes clonaux sont souvent
transferrine. mais pas exclusivement du sérogroupe C) [8] . Les complexes clo-
Les lipo-oligosaccharides (LOS) ou l’endotoxine sont l’équi- naux observés parmi les souches du sérogroupe A (très fréquent
valent des lipopolysaccharides des autres bactéries à Gram néga- en Afrique) sont distincts de ces cinq complexes clonaux.
tif et semblent aussi jouer un rôle important dans l’atteinte
« toxinique » au cours du choc septique.
Le peptidoglycane est une chaîne sous la membrane externe qui
assure la rigidité de la paroi bactérienne et c’est un médiateur dans
l’induction de la réponse inflammatoire.  Épidémiologie
Le méningocoque produit une immunoglobuline A1 (IgA1)
protéase qui est une protéine extracellulaire capable de couper Les IIM sont à déclaration obligatoire. Les critères de la décla-
spécifiquement l’IgA1 humaine. ration obligatoire peuvent varier entre les pays. En France, elle
Notons également les porines bactériennes (PorA et PorB), qui repose sur :
sont des protéines de membrane externe qui assurent le transport • la détection de la bactérie (par culture, polymerase chain reaction
de différents nutriments. [PCR] ou examen direct) dans un site stérile ou dans une biopsie
d’une lésion cutanée purpurique, ou le LCS ;
• un examen direct positif pour diplocoques à Gram négatif dans
Typage des souches du méningocoque le LCS ;
• un LCS évocateur de méningite bactérienne associé à un
Phénotypage purpura cutané ou à la présence d’antigènes solubles ménin-
Il s’agit de méthodes basées sur la reconnaissance immuno- gococciques (dans le LCS, le sang ou les urines).
logique par les anticorps de certaines structures de la surface Enfin, la présence d’un purpura fulminans est également un
bactérienne grâce à leur diversité. C’est le cas de la capsule et critère de déclaration en France : « purpura dont les éléments
des protéines de la membrane externe (les porines). En plus du s’étendent rapidement en taille et en nombre, avec au moins un
sérogroupe (l’identité de la capsule), les porines PorA et PorB élément nécrotique ou ecchymotique supérieur à 3 mm de dia-
sont immunogènes et présentent une diversité antigénique uti- mètre, associé à un syndrome infectieux sévère, non attribué à une
lisée pour le sérotypage (PorB) et le séro-sous-typage (PorA) des autre étiologie ». C’est le clinicien ou le biologiste qui fait la décla-
souches. Ainsi, une souche peut être caractérisée d’après sa for- ration obligatoire au responsable de veille sanitaire de l’Agence
mule antigénique (sérogroupe:sérotype:séro-sous-type). régionale de la santé.
Cependant, une proportion non négligeable de souches reste L’incidence annuelle pour 100 000 habitants des IIM varie d’un
non caractérisable par la technique enzym-linked immunosorbent pays à l’autre. Elle est d’un à quatre cas pour 100 000 habi-
assay utilisée actuellement pour le typage des souches. Elles sont tants dans les pays industrialisés. En France, l’incidence des IIM
donc non typables (NT) et non sous-typables (NST) par cette corrigé pour la sous-déclaration reste relativement stable sur les
méthode ; elles sont dites « NT:NST ». En 2010, 49 % des souches 25 dernières années (1985-2010) : entre un et 1,6 cas pour 100 000
du méningocoque isolées en France étaient NT et/ou NST. Ces habitants. Dans les pays tempérés, les infections surviennent
techniques immunologiques présentent donc certaines limites essentiellement pendant la saison hivernale. Ensuite, le nombre
quant à leur utilisation comme outil de caractérisation épidémio- de cas diminue pour arriver au niveau le plus bas à la fin de
logique. l’été.
Le méningocoque est également responsable d’épidémies de
méningite d’ampleur variable selon les pays. Ces épidémies sur-
Génotypage viennent d’une façon périodique et l’incidence de la maladie peut
L’utilisation des approches moléculaires a permis d’analyser dépasser 100 cas pour 100 000 habitants [9] . C’est le cas notam-
directement le génome bactérien et de mieux cerner ment en Afrique sub-saharienne dans la zone dite de la « ceinture
l’épidémiologie des infections méningococciques. Cette approche de la méningite ». Cette « ceinture » s’étend de l’Éthiopie à l’Est
fournit des marqueurs épidémiologiques capables de différencier au Sénégal à l’Ouest pour les niveaux entre 300 mm et 1 100 mm
les souches bactériennes. La base de ces méthodes est l’analyse de précipitations. Les infections surviennent pendant la saison
et la comparaison du polymorphisme de l’ADN bactérien des sèche où prédomine également le vent de sable (harmattan) [10] . En
différentes souches du méningocoque. Le plus souvent, le outre, des pandémies à travers le monde ont lieu. C’est le cas d’une
polymorphisme de l’ADN est révélé par la détermination de la épidémie qui s’est déclarée pendant le pèlerinage à la Mecque en
séquence nucléotidique. Actuellement, la méthode de référence 1987. Par ailleurs, des méningococcies ont été reportées dans plu-
est le multilocus sequence typing [6] . Elle indexe les variations de sieurs pays en Afrique (y compris en dehors de la ceinture de la
plusieurs loci chromosomiques. Le polymorphisme dans sept méningite) et en Europe [11, 12] .
gènes impliqués dans le métabolisme bactérien a été estimé en C’est également le cas de l’expansion clonale en Afrique et en
déterminant leurs séquences nucléotidiques. La combinaison des Europe des souches appartenant à un clone particulier du séro-
allèles identifiés de ces sept gènes définit le séquence-type (ST) de groupe W-135 et liées au pèlerinage à la Mecque, observée en l’an
la souche. Deux souches identiques par multilocus sequence typing 2000 [13] . Cependant, la part de ce clone dans les IIM a chuté depuis
partagent les mêmes sept allèles. Un complexe clonal représente 2003 [14] .
un groupe de souches qui sont différentes les unes des autres par La répartition par sérogroupe varie sur le plan mondial ; les
un ou deux allèles sur les sept de leurs ST. Ces souches sont donc souches des sérogroupes B et C sont majoritaires en Europe. Les
suffisamment proches pour qu’une origine commune leur soit sérogroupes W-135 et Y sont moins fréquents et évoquent souvent
reconnue. un terrain immunologique particulier du patient. Les souches du
Le typage génétique montre que les souches de portage, souvent sérogroupe A sont très rares et correspondent le plus souvent aux
non groupables, sont hétérogènes et distinctes des souches inva- cas importés. Cependant, les cas dus aux souches du sérogroupe
sives sur les plans phénotypique et génotypique [7] . Les souches Y semblent augmenter en Europe depuis 2010 et en particulier en
isolées à partir d’infections invasives appartiennent souvent à un Europe du Nord [15] .
nombre limité de complexes clonaux. Ceci laisse supposer que En Amérique du Nord, ce sont également les souches des
les souches de ces complexes possèdent des facteurs essentiels sérogroupes B et C qui sont majoritaires, avec une proportion
pour la virulence de N. meningitidis. Ainsi, cinq complexes clo- importante (un tiers des souches invasives) des souches du séro-
naux majeurs (hyperinvasifs) sont responsables de plus de 80 % groupe Y aux États-Unis depuis le milieu des années 1990.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-013-A-10  Infections à méningocoques

ABC
BC
BC W-135 Y
Y ABC
ABC A
W-135
X
A W-135

BC
Y
BC
W-135 A
W-135

BC
A
Figure 2.
A. Distribution mondiale des sérogroupes dans les infections inva-
sives à méningocoque (d’après l’Organisation mondiale de la santé).
B. Capsule d’un diplocoque observée par microscope à fluorescence
avec un anticorps contre la capsule (rouge).

Dans la ceinture de la méningite cérébrospinale, ce sont les Répartition par sexe et par tranche d’âge
souches du sérogroupe A qui dominent depuis plusieurs décen-
nies. Mais, après l’an 2001, les souches du sérogroupe W-135 Le sexe ratio homme/femme était de 1,2 en France en 2009 et
ont été responsables d’une poussée épidémique dans certains l’âge médian était de 15 ans. L’incidence (non corrigée pour la
pays de la ceinture comme le Burkina Faso et le Niger, mais leur sous-notification) chez les nourrissons avant 1 an était de 11,4
fréquence a chuté depuis 2005 [16] . En 2006, les souches du séro- pour 100 000 (premier pic d’IIM). L’incidence diminuait jusqu’à
groupe X étaient responsables d’une autre poussée épidémique au 12 ans et augmentait de nouveau chez les adolescents (deuxième
Niger [17] (Fig. 2). pic d’IIM), atteignant 3,5 pour 100 000 à 18 ans. Il était inférieur
à 1,2 pour 100 000 après 21 ans et remontait ensuite après 85 ans
(troisième pic d’IIM) [18] . En France, entre 2003 et 2008, 68 % des
cas étaient avant l’âge de 18 ans [19] . Le sérogroupe B était prédo-
Répartition des sérogroupes et des génotypes minant dans toutes les classes d’âge, mais en particulier chez les
En France, en 2010, les souches de sérogroupe B prédominaient, nourrissons de moins de 1 an où il était en cause dans 88 % des
avec 74 % des cas. La proportion des souches du sérogroupe C cas en 2009. La proportion d’IIM C était plus élevée chez les 10-
était de 17 %, mais ce sérogroupe montre des variations cycliques 14 ans (38 %), et celles dues aux sérogroupes W-135 et Y chez les
en nombre et en proportion avec des pics observés en 1992 et personnes de 50 ans et plus (respectivement 7 % et 8 %) [18] (Fig. 3).
2002. Le sérogroupe W-135 détecté dans des méningococcies en
France depuis 1994 atteignait une fréquence de 9,3 % en 2002.
Cette fréquence a chuté depuis 2003 et n’était plus que de 2 %  Processus infectieux et lésionnel
en 2010. La fréquence du sérogroupe Y semble augmenter ; elle
est de 7 % (la fréquence moyenne des 15 dernières années est Trois étapes majeures conditionnent le développement d’une
de 3,27 %) et est très majoritairement associée à des cas surve- infection invasive à méningocoque et déterminent les stratégies
nant chez des patients immunodéprimés (déficits en complément, thérapeutiques et prophylactiques :
sujets âgés, patients sous traitement immunosuppresseur, virus de • la transmission et l’acquisition ;
l’immunodéficience humaine, etc.). • la bactériémie ;
Quatre complexes clonaux prédominaient en 2009, comme au • le franchissement de la barrière hématoméningée.
cours des années précédentes, le complexe clonal ST-41/44 (29 %)
majoritairement du sérogroupe B, le complexe clonal ST-11 (24 %)
majoritairement du sérogroupe C, et le complexe clonal ST-32 Transmission et acquisition
(16 %) majoritairement de sérogroupe B ; le complexe clonal ST-
269 (8 %) reste élevé alors que sa part n’était que de 3 % en 2005 La transmission du méningocoque est aérogène, par les sécré-
et 6 % en 2006 et 2007 [18] . La fréquence du ST-269 est également tions rhinopharyngées (gouttelettes de Flügge) classiquement
en augmentation en Angleterre. après une exposition de plus de 1 heure et à courte distance (moins

4 EMC - Maladies infectieuses


Infections à méningocoques  8-013-A-10

100 % Figure 3. Distribution des cas


d’infections invasives à méningo-
coque confirmés par culture en
fonction de l’âge et du séro-
groupe (France en 2009) (d’après
80 % le Centre national de référence des
méningocoques).

60 %

40 %

20 %

0%
< 1 an 1-4 ans 5-9 ans 10-14 ans 15-19 ans 20-24 ans 25-44 ans 45-64 ans > 65 ans

W-135 Y C B

de 1 mètre). C’est la distance que peuvent parcourir des goutte- Bactériémie


lettes de 10 ␮m avant de s’évaporer ou de tomber par la gravité.
La taille de 10 ␮m de ces gouttelettes permet une rétention dans Les bactéries pénètrent dans le flux sanguin vraisemblable-
le rhinopharynx (porte d’entrée du méningocoque). L’infection ment par dissociation des jonctions intercellulaires et/ou par effet
de l’épithélium respiratoire par N. meningitidis se produit par cytotoxique (apoptose) sur les cellules cibles. En effet, les pili per-
l’acquisition d’une souche dans le rhinopharynx. L’acquisition mettent l’adhésion des souches invasives aux cellules épithéliales.
conduit le plus souvent à un portage asymptomatique (souches Cette étape serait suivie de l’induction de l’apoptose des cellules
de portage). Les méningocoques isolés chez les porteurs sains ont épithéliales cibles (en particulier celles du complexe clonal ST-11)
un potentiel faible de pathogénie. Ils ne produisent pas (ou très contrairement à l’adhésion des souches isolées chez des porteurs
peu) de polyosides capsulaires [20] . Le portage asymptomatique du asymptomatiques [24] . Dans la circulation sanguine, les bactéries
méningocoque est maximal à la fin de l’adolescence où il peut se disséminent et prolifèrent. Le méningocoque est capable de
atteindre 20 % à 25 % de sujets [21] . La durée moyenne du portage s’autolyser spontanément ; cela libère des médiateurs inflamma-
asymptomatique varie selon les études et elle est en moyenne de toires responsables d’un choc « toxinique ». En effet, la voie de
4,1 mois [22] . signalisation du toll-like receptor 4 (TLR4) par l’endotoxine bacté-
Chez les enfants, le portage de Neisseria lactamica, une espèce rienne est reconnue et entraîne ainsi l’induction des cytokines
commensale du genre Neisseria, peut atteindre 50 %. Ce portage pro-inflammatoires. Le recrutement de polynucléaires neutro-
peut avoir une importance dans le développement de l’immunité philes est ainsi provoqué par la production d’interleukine 8 (IL-8),
antiméningococcique. En effet, le portage de N. lactamica induit secondaire à l’activation de la production d’IL-1, dans les cellules
chez ces enfants des anticorps qui présentent une réaction croisée endothéliales. La dérégulation de la cascade de la coagulation peut
contre le méningocoque. Ces anticorps ne sont pas dirigés contre provoquer un choc septique (purpura fulminans et coagulation
la capsule (N. lactamica ne semble pas posséder de capsule). Ces intravasculaire disséminée) [25] .
anticorps seraient dirigés contre certains épitopes communs des
LOS [23] .
Rarement, l’acquisition est suivie d’une infection invasive. C’est Franchissement de la barrière
le cas notamment lors de l’acquisition d’une souche hyperin- hématoméningée
vasive (rarement rencontrée dans le portage asymptomatique).
La fragilité de l’hôte joue également un rôle majeur dans le Les mécanismes de franchissement de la barrière hématomé-
taux d’attaque d’IIM (exemple : les sujets ayant des déficits dans ningée ont été le sujet d’intenses recherches dans les dernières
les composants tardifs du complément). Les bactéries adhérent années. Des études récentes ont montré que l’adhésion facilitée
via leurs pili à des récepteurs spécifiques encore mal définis par les pili du méningocoque aux cellules endothéliales entraîne
de l’épithélium du tractus respiratoire supérieur, et colonisent la formation des microvillosités à la surface de la cellule infectée et
cette surface en proliférant in situ, avant d’envahir les espaces sous la colonie bactérienne. Ces microvillosités sont enrichies des
sous-épithéliaux et l’endothélium des vaisseaux drainant ces protéines cellulaires qui composent les jonctions serrées de la bar-
tissus. rière hématoméningée. La déplétion des jonctions serrées de ces
Le méningocoque a donc deux facettes dans son interaction protéines pourrait alors rendre cette barrière perméable [26, 27] . Un
avec son unique hôte : le portage asymptomatique, très fré- œdème local est constitué à la fois par l’extravasation du plasma
quent, et l’invasion qui est beaucoup plus rare. Cette bactérie et par le défaut de résorption du LCS, qui conduit à la création de
apparaît comme un « pathogène occasionnel » car la maladie lésions irréversibles du système nerveux central.
ne fait pas partie du cycle de la transmission de la bactérie Le processus lésionnel détermine donc deux phases dans la
puisque seules les bactéries qui résident dans le rhinopharynx méningite bactérienne aiguë :
sont transmissibles d’un hôte à un autre, les phases de bacté- • une phase de développement de l’infection, à partir du foyer
riémie et de méningite constituant une impasse (cul-de-sac) de primaire respiratoire, par des souches capables de dissémina-
l’évolution. tion/survie bactériémiques ;

EMC - Maladies infectieuses 5


8-013-A-10  Infections à méningocoques

• une phase toxinique, créant les lésions inflammatoires et le cellules épithéliales du rhinopharynx semble être favorisée par les
choc septique (purpura fulminans), et cytopathogène permet- infections virales grâce à la destruction épithéliale, notamment de
tant la traversée de la barrière hématoméningée. l’épithélium cilié. De plus, la neuraminidase virale pourrait agir
sur la capsule bactérienne composée d’acide polysialique (séro-
groupes B, C, Y et W-135), et pourrait ainsi favoriser l’adhésion
 Facteurs de risque du méningocoque et donc la colonisation des cellules épithé-
liales [36] . En effet, le méningocoque adhère mieux aux cellules
pour développer une infection épithéliales en culture et infectées par le virus de la grippe de
invasive à méningocoque type A. La signification de cette dernière observation reste peu
claire. En effet, le méningocoque adhère mieux aux mêmes types
de cellules épithéliales infectées par le virus respiratoire syncy-
Les IIM résultent vraisemblablement de la combinaison de trois
tial [37] . Cependant, aucun lien temporel n’a été décrit entre les
types de facteurs :
infections avec le virus respiratoire syncytial et les infections à
• facteurs liés à la bactérie (virulence des souches) ;
méningocoque. Enfin, la multiplication bactérienne est facilitée
• facteurs liés à l’hôte (susceptibilité de l’hôte) ;
par la diminution du chimiotactisme et de l’activité phagocytaire
• facteurs externes.
des macrophages, suite à l’infection virale [38] . En plus de l’effet
sur l’adhésion du méningocoque, le virus de la grippe a de nom-
Facteurs liés à la bactérie (virulence breux effets sur le système immunitaire chez l’homme, ainsi que
sur la muqueuse du rhinopharynx [39] . La synergie entre le virus de
des souches) la grippe A et le méningocoque a été reproduite dans un modèle
Un méningocoque pathogène et en particulier les souches animal de souris [40] .
appartenant aux complexes clonaux hyperinvasifs comme les Les facteurs du déclenchement d’une épidémie restent mécon-
souches du complexe clonal ST-11 sont plus significativement nus. L’association avec la sécheresse et le vent du sable
associés aux IIM [7] . Ce génotype est également significativement (harmattan) a été décrite dans les pays de la ceinture de la
associé à la mortalité indépendamment du sérogroupe de la méningite cérébrospinale en Afrique subsaharienne. Le rôle de la
souche incriminée. Cela peut expliquer la mortalité plus élevée des colonisation par des bactéries comme Escherichia coli (K51 et K93)
IIM du sérogroupe C car la majorité de ces souches appartiennent ou Bacillus pumilus (membres de la flore intestinale) a été évo-
au complexe clonal ST-11 [8, 18, 28] . qué. Ces bactéries stimulent la production d’anticorps de l’isotype
d’IgA ayant une réaction croisée avec la capsule du sérogroupe A
du méningocoque mais l’IgA n’active pas le complément. Lors de
Facteurs liés à l’hôte (susceptibilité de l’hôte) la dissémination de ces bactéries intestinales (à transmission oro-
fécale), ces IgA induites pourraient se fixer sur le méningocoque
Les facteurs de sensibilité de l’hôte sont essentiellement ceux et empêcheraient l’activité bactéricide antiméningococcique et
responsables de l’altération des défenses immunologiques. Il favoriseraient ainsi le pouvoir invasif du méningocoque [41–44] .
existe une corrélation entre le développement de la maladie et
l’absence d’activité bactéricide du sérum dépendant du complé-
ment [29] . Les facteurs de sensibilité aux IIM peuvent être les
déficits génétiques qui affectent le système du complément. C’est  Formes cliniques des infections
le cas notamment des sujets ayant une déficience dans les com-
posants tardifs du complément (C5-C9) du complexe d’attaque invasives à méningocoques
membranaire ou du déficit en properdine [30] . L’association entre
la susceptibilité aux IIM et la voie du complément a été Les IIM sont d’apparition soudaine et d’évolution rapide. La
également décrite par une étude de criblage génomique du première phase (4 à 6 heures en moyenne) se manifeste par des
polymorphisme (single nucleotide polymorphism) du gène codant symptômes non spécifiques. Seulement 51 % des enfants qui
le facteur H (un régulateur négatif de la voie alterne du consultent pendant cette phase sont envoyés à l’hôpital. Après
complément) [31] . cette phase, les sujets peuvent présenter le tableau classique
Ces déficits immunitaires peuvent être secondaires à un traite- (purpura, syndrome méningé, altération de la conscience). Cepen-
ment avec un anticorps monoclonal comme l’anti-C5a, dant, des signes précoces de sepsis peuvent être décelés, comme les
l’eculizumab, utilisé dans le traitement du syndrome hémo- extrémités froides (pieds et mains), les douleurs dans les extrémi-
lytique urémique atypique [32] ou chez les patients porteurs tés des membres supérieurs et inférieurs (qui peuvent manifester
d’une asplénie anatomique ou fonctionnelle (chez les par le refus de marcher) ou une coloration cutanée anormale. Ces
drépanocytaires). signes et symptômes apparaissent relativement tôt (en 8 heures)
Cependant, la fréquence de ces déficits est rare pour être à et plus précocement que le temps avant l’hospitalisation (temps
l’origine de cas épidémiques. Mais ces déficits contribuent aux médian de 19 heures). Ils peuvent être présents chez 72 % des
cas endémiques d’infections méningococciques, en particulier enfants. Ces signes et symptômes doivent être recherchés car ils
avec des souches du méningocoque appartenant aux génotypes peuvent être ignorés par les patients [45, 46] . Chez les nourrissons
peu pathogènes. Une infection avec de telles souches doit donc de moins de 1 an, les formes cliniques d’IIM sont trompeuses
évoquer la piste d’un déficit immunitaire et une exploration du et les symptômes encore moins spécifiques (nourrisson geignard,
complément. grognon, hypotonique, refus de téter, etc.).
Les altérations des récepteurs pour le Fc des IgG ou encore
du mannose-binding lectin ont été également associées aux IIM.
Le polymorphisme de certains gènes impliqués dans la réponse Septicémie (méningococcémie) et purpura
inflammatoire et la cascade de la coagulation (notamment les
gènes codant l’IL-10 et le tumor necrosis factor α [TNF ␣]) influence fulminans
le type et la gravité de ces infections [33, 34] . La septicémie est la première phase de l’IIM qui dans sa forme
sévère peut se compliquer de purpura fulminans qui correspond
Facteurs externes au purpura dont les éléments s’étendent rapidement en taille et en
nombre, avec au moins un élément nécrotique ou ecchymotique
Le rôle d’une infection grippale dans le déclenchement d’une de plus de 3 mm de diamètre. Le purpura fulminans est associé à
infection invasive à méningocoque a été proposé. L’incidence un syndrome infectieux et un état de choc témoigne de l’extrême
d’IIM a été liée à celle des syndromes grippaux survenus dans gravité de ce syndrome. Dans la littérature anglo-saxonne, c’est
les 5 semaines précédant la déclaration d’IIM. Un lien spatio- le terme meningococcal septic shock qui correspond au syndrome
temporel entre les deux incidences (syndromes grippaux et IIM) du purpura fulminans qui est donc avant tout un état de choc
a été également décrit [35, 36] . L’adhésion du méningocoque aux septique.

6 EMC - Maladies infectieuses


Infections à méningocoques  8-013-A-10

Tableau 1. Tableau 2.
Fréquences et temps médians d’apparition des signes et symptômes Fréquences et temps médians d’apparition des signes et symptômes clas-
observés pendant la phase de septicémie [45] . siques de méningites à méningocoques [45] .
Signe/symptôme Fréquence Temps médian Signe/symptôme Fréquence Temps médian
d’apparition (heures) d’apparition (heures)
Fièvre 94 % 1 Taches hémorragiques 61 % 13
Irritation 67 % 4 Céphalée et raideur de 35 % 13
la nuque
Douleur des jambes 37 % 7
Photophobie 28 % 15
Diarrhée 7% 9
Convulsion 10 % 17
Coloration anormale de la peau 19 % 10
Polypnée 11 % 11
• assourdissement des bruits du cœur, galop ;
Taches hémorragiques 61 % 13 • pouls distaux faibles.
En France et entre les années 2003 et 2008, la présence d’un
purpura fulminans a été rapportée pour 29 % de l’ensemble des
Le développement du purpura fulminans est brutal et rapide. cas déclarés. Cette proportion de purpura fulminans était signi-
Après les premiers signes du sepsis (extrémités froides et dou- ficativement (p < 0,001) plus élevée pour les IIM du sérogroupe
loureuses, douleurs abdominales et coloration cutanée anormale) C que pour les IIM du sérogroupe B (31 % contre 25 % respecti-
apparaît le purpura évoluant rapidement (taches hémorragiques vement). Pour les IIM du sérogroupe B, la répartition par groupes
ne s’effaçant pas à la vitropression). Ces taches peuvent être d’âges diffère significativement (p < 0,001) avec une proportion de
des simples pétéchies mais peuvent évoluer rapidement vers des purpura fulminans plus élevée chez les 1-4 ans que dans les autres
ecchymoses extensives et nécrotiques, associées à des troubles de groupes d’âges. Pour les IIM C, il existe également une différence
la circulation périphérique (marbrures et cyanose des extrémi- selon l’âge (p < 0,02), la proportion de purpura fulminans était plus
tés). La physiopathologie du purpura fulminans est celle de tout faible chez les personnes de 50 ans ou plus [19] .
choc septique et résulte de la capacité du LOS (l’endotoxine) du
méningocoque à induire massivement la réponse inflammatoire Méningite à méningocoque
de l’hôte [25] .
Le Tableau 1 indique les fréquences et temps médians Quand le tableau classique de la méningite se développe, le
d’apparition des signes et symptômes observés pendant la phase diagnostic clinique ne pose aucune difficulté et en particulier
de septicémie. Cependant, la présence d’un purpura fébrile n’est chez le grand enfant, l’adolescent ou l’adulte. Les signes et symp-
pas prédictif d’IIM puisque moins de 2 % des purpuras fébriles tômes classiques apparaissent après 10 heures du début des IIM
sont liés à une IIM [47] . La triade (irritabilité, léthargie, temps de (Tableau 2). Le diagnostic clinique de méningite communautaire
recoloration cutanée allongé) est proposé comme un facteur pré- aiguë est donc proposé devant la présence d’un syndrome infec-
dictif d’une IIM chez l’enfant avec une sensibilité à 100 %, une tieux associant une fièvre à début brutal et un syndrome méningé
spécificité à 60 %, une valeur prédictive négative de 100 % et une avec céphalées, vomissements en jet et phonophotophobie [49] .
valeur prédictive positive de 20 % [48] . Une autre triade (douleurs En France en 2009, parmi les 628 cas d’IIM notifiés, on retrouve
des jambes, extrémités froides et coloration cutanée anormale) 188 patients (30 %) présentant un tableau de méningite associée à
a été également proposée comme signe précoce (4 à 6 heures) de une méningococcémie, 282 patients (45 %) un tableau de ménin-
sepsis [45] . L’intérêt de ces signes et symptômes réside dans le choix gite seule et 155 patients (25 %) une méningococcémie seule [18] .
d’hospitaliser le patient ou d’inciter les parents à (re)consulter Cependant, le diagnostic reste difficile chez le nourrisson et peut
le médecin. La physiopathologie de ces triades et en particu- être proposé chez un nourrisson grognon, geignard, douloureux
lier des douleurs des jambes pourrait être liée aux contractions à la mobilisation, avec crises convulsives fébriles ou tout change-
musculaires suite à la production des cytokines inflammatoires ment de comportement habituel (refus de s’alimenter).
comme le TNF ␣ [45] . Néanmoins, il faut préciser que les études L’examen clinique doit comprendre, outre l’évaluation de l’état
définissant ces symptômes précoces correspondent le plus sou- hémodynamique, la recherche d’une fontanelle bombée, d’une
vent à un recueil rétrospectif des données, et peuvent donc hypotonie ou d’une raideur anormale à la mobilisation du rachis
être biaisées par les récits et mémoires des patients et de leurs cervical avec rejet de la tête en arrière, et des signes neurologiques
parents [45] . focaux [49] .
Une des difficultés majeures est celle de reconnaître le choc,
notamment chez le nourrisson. Ce dernier a une capacité à
maintenir une vasoconstriction et donc une pression artérielle Autres localisation des infections invasives
normale. La décompensation est souvent brutale et irréversible, à méningocoque
d’où l’intérêt d’avoir une évaluation initiale précise de toute lésion
purpurique en entourant les contours afin d’évaluer la progres- Rarement, le méningocoque peut être isolé d’autres sites stériles.
sion [49] . Cette évaluation doit comprendre l’état hémodynamique Entre 2003 et 2008, 1 % à 2 % des cas d’IIM notifiés en France
(fréquence cardiaque, amplitude du pouls, tension artérielle) et correspondaient à la présence de méningocoque (mise en évi-
la circulation périphérique (temps de recoloration, cyanose, cha- dence par culture ou par PCR) dans d’autres sites stériles (liquide
leur), l’état respiratoire et l’état neurologique (score de Glasgow). articulaire, liquide péricardique, liquide pleural, etc.).
En résumé, plusieurs éléments cliniques peuvent évoquer une Les arthrites et les péricardites à méningocoques sont de deux
hypoperfusion tissulaire ou une anomalie du débit cardiaque, et types.
aident la reconnaissance du choc [49] :
• diminution de la température cutanée des extrémités ; Arthrites et péricardites septiques
• cyanose ou pâleur des extrémités ; Ces formes apparaissent tôt dans l’IIM et la présence de la
• teint gris, marbrure cutanée, allongement du temps de recolo- bactérie est attestée par culture, ou PCR dans le liquide articu-
ration cutanée ; laire ou péricardique [50, 51] . Ces formes sont dues à la traversée
• diurèse inférieure à 1 ml/kg/h ; par le méningocoque de la membrane synoviale ou du péricarde.
• tachycardie ; Ces infections sont décrites seules ou associées à une ménin-
• hypotension souvent retardée. Il ne faut donc pas attendre gite [52] . Les arthrites septiques sont souvent des monoarthrites qui
l’hypotension artérielle pour la prise en charge du choc ; affectent les grandes articulations comme le genou, l’hanche ou
• pression artérielle pincée, voire élevée initialement ; l’épaule [51] . Entre 1999 et 2002, et sur 2 091 cas d’IIM confirmés
• pression artérielle diastolique basse ; par culture, 21 cas d’arthrites septiques sont décrits, dont 12 cas

EMC - Maladies infectieuses 7


8-013-A-10  Infections à méningocoques

(57 %) dans une articulation de genou et les autres à la hanche, la prévalence du déficit en C6 de la population afro-américaine
la cheville ou l’épaule. L’âge des cas variait entre 3 mois et 73 ans, du Sud-Est des États-Unis est de 1 pour 1 600 [58] . De même, la
avec un âge médian de 21 ans (contre 15 ans pour l’ensemble des prévalence du déficit en C9 est plus élevée dans la population
IIM). Le sexe ratio homme/femme était de 0,69 (contre 1,2 pour asiatique [30] . Enfin, les IIM chez les patients atteints de déficits
l’ensemble des IIM) [18, 51] . Les souches isolées étaient de plusieurs dans les composants tardifs du complément sont moins sévères et
sérogroupes, avec une surreprésentation significative des souches avec une mortalité plus faible que les IIM chez les sujets immuno-
du sérogroupe W-135. De plus, neuf des 21 souches (43 %) appar- compétents [30] . En effet, les souches du méningocoque retrouvées
tenaient au complexe clonal ST-11, et étaient des sérogroupes C et responsables des IIM chez les patients atteints de déficits dans
W-135. La surreprésentation des souches de W-135 et des souches les composants tardifs du complément sont souvent des souches
du complexe clonal ST-11 serait, en partie, liée à la surreprésenta- non groupables ou des sérogroupes/génotypes rares dans les
tion de ces souches pendant la période 2000-2004 (33 % et 10 % cas d’IIM [59] .
des souches des sérogroupes C et W-135 respectivement) contre Quant aux IIM chroniques, il s’agit d’une forme d’IIM qui
22 % et 3 % respectivement en 2009. La proportion des souches correspond, en l’absence de méningite, à une fièvre récurrente
du complexe clonal ST-11 était de 34 % pour la période 2000-2004 pendant au moins 1 semaine avec arthralgie et éruption cutanée
contre 24 % en 2009 [8, 18] . polymorphe (avec ou sans purpura) [60] .
Les péricardites septiques à méningocoques sont plus rares. Six
cas ont été décrits dans la série de 2 091 cas d’IIM confirmés par
culture en 1999 et 2002 (trois sérogroupes C, deux sérogroupes Évolution des infections invasives
W-135 et un sérogroupe Y) [51] . Les signes et symptômes de dou- à méningocoque
leur thoracique, tachycardie, polypnée, tamponnade, frottement
péricardique et pouls paradoxal au décours d’une IIM justifient la Les IIM restent une cause importante de morbidité et de mor-
réalisation d’une échographe cardiaque. talité. Le germe est impliqué dans près de 50 % des méningites
bactériennes de l’enfant [61] .
Arthrites et péricardites réactionnelles En France, l’évolution a été renseignée pour 96 % des cas décla-
rés entre 2003 et 2008. Parmi eux (n = 4 223), 84 % ont guéri
Elles sont d’apparition plus tardive, avec un délai moyen de et 5 % ont présenté des séquelles précoces. Elles sont en majo-
5 à 6 jours après le début de l’IIM et 3 à 5 jours après le début rité des nécroses cutanées avec ou sans amputation (nécroses
de l’antibiothérapie, et durent 7 jours [53] . Elles sont évoquées cutanées, cicatrices, amputation d’un membre, de phalanges ou
lorsque le liquide articulaire ou l’épanchement péricardique sont d’orteils), ou des troubles neurologiques graves (lésions auditives
stériles et en l’absence de preuve de la présence des bactéries ou visuelles, déficit moteur ou retard de développement). Mais les
(par PCR). Les arthrites réactionnelles touchent souvent plusieurs séquelles et troubles intellectuels ou cognitifs sont difficiles à esti-
articulations, y compris les petites articulations. Les arthrites et mer car ils sont diagnostiqués ou évalués plus tardivement, et de
péricardites réactionnelles sont rares, mais leur fréquence devrait ce fait échappent à la déclaration.
être réévaluée avec les techniques de diagnostic moléculaire. La létalité globale était de 11 % [19] . Après avoir augmenté entre
Elles se caractérisent par la persistance d’un syndrome inflamma- 1999 (10 %) et 2002 (16 %), la létalité globale des IIM est stable
toire. Leur physiopathologie est liée à la présence de complexes depuis 2003 entre 10 % et 12 %. Cependant, la létalité était de 27 %
immuns circulants concomitants à une baisse du C3 et des dépôts en présence d’un purpura fulminans contre 5 % en son absence.
d’antigènes méningococciques, d’anticorps et de fraction C3. Plu- De plus, la létalité était significativement plus élevée pour les IIM
sieurs atteintes peuvent également se déclarer simultanément C que les IIM B (16 % contre 9 % respectivement). La létalité variait
(cutanées, articulaires et oculaires) [54] . Ces formes répondent bien selon les groupes d’âges, étant plus élevée chez les jeunes enfants
aux anti-inflammatoires. et les adultes. Pour les IIM C, la létalité atteignait plus de 25 %
chez les adultes [19] (Fig. 4). En 2009, le nombre de patients avec
Autres localisations des infections invasives purpura fulminans était de 179, soit 28,5 % des IIM. La propor-
à méningocoque tion de purpura fulminans était de 26 % pour les IIM B, stable
depuis 2002. Cette proportion variait selon l’âge, atteignant 33 %
De rares cas de douleurs abdominales chez l’adulte simulant un
chez les moins de 15 ans contre 18 % chez les plus âgés (p = 0,001).
tableau pseudochirurgical et révélant un choc septique à ménin-
Pour les IIM C, elle était de 31 % sans variation significative selon
gocoque ont été cités dans la littérature. Cette particularité a été
l’âge. Elle était de 13 % pour les IIM W-135 et 12 % pour les
décrite récemment chez l’enfant [55] . De même, le méningocoque
IIM Y.
peut être responsable d’endophtalmie suite à une méningococcé-
Plusieurs scores de gravité ont été proposés pour évaluer la gra-
mie [56] . Les abcès cérébraux et les empyèmes sous-duraux sont très
vité de l’IIM. La plupart de ces scores ont été conçus pour être
rares au décours d’une IIM [57] .
utilisés en unités de soins intensifs, après une prise en charge
d’au moins 24 heures. Ces nombreux scores spécifiques ne font
Infections invasives récurrentes et chroniques pas mieux que le pediatric risk score of mortality [62] . Ils servent sur-
De nombreux facteurs liés à l’hôte peuvent augmenter la sus- tout à comparer les malades, notamment dans les essais cliniques.
ceptibilité aux IIM et provoquent ainsi des infections invasives En pratique sont de mauvais pronostic vital :
récurrentes. En effet, l’immunité protectrice antiméningocoque • la rapidité d’évolution ;
est essentiellement corrélée à l’activité lytique du complément • l’âge inférieur à 1 an ;
qui joue un rôle crucial dans l’immunité innée contre l’infection • l’absence de syndrome méningé ;
à méningocoque. Ainsi, les déficits génétiques du système du • la sévérité du choc.
complément sont décelés chez les patients présentant des infec- Le pronostic fonctionnel est lié à l’importance des lésions cuta-
tions invasives récurrentes à méningocoque. C’est notamment les nées et des ischémies distales, qui ne sont pas obligatoirement
déficits dans les composants tardifs du complément (C5 à C9) corrélées aux facteurs précédents [49] .
qui sont associés aux infections invasives récurrentes à ménin-
gocoques. D’autres déficits sont également associés avec les IIM
comme les déficits en properdine ou du facteur D de la voie alterne  Diagnostic étiologique
du complément [30] .
Les déficits du complément sont rares dans la population géné- au laboratoire des infections
rale, avec une prévalence de l’ordre de 0,03 % qui passe à 7 % invasives à méningocoque
chez les patients atteints d’IIM. Cette prévalence est plus élevée
que celle observée pour les patients atteints d’infections invasives Prélèvements biologiques
à pneumocoque ou à H. influenzae [30] . Elle est variable entre les
différents groupes de population. Ainsi, la prévalence du défi- Les échantillons prélevés et testés pour le diagnostic étiolo-
cit en C6 est plus élevée dans la population africaine. En effet, gique doivent corroborer les critères de définition des cas d’IIM

8 EMC - Maladies infectieuses


Infections à méningocoques  8-013-A-10

4 500
Nombre de cas Figure 4. Évolution clinique des infections invasives à ménin-
4 000 gocoque : France 2003-2008 [19] .
Purpura fulminans A. Total des cas.
3 500 Létalité B. Cas du sérogroupe B.
C. Cas du sérogroupe C.
3 000

Nombre de cas
2 500

2 000

1 500

1 000

500

0
< 1 an 1-4 ans 5-14 ans 15-19 ans 20-49 ans ≥ 50 ans Total
A
2 500
Nombre de cas
Purpura fulminans
2 000 Létalité
Nombre de cas

1 500

1 000

500

0
< 1 an 1-4 ans 5-14 ans 15-19 ans 20-49 ans ≥ 50 ans Total
B
1 200
Nombre de cas
1 000 Purpura fulminans
Létalité
800
Nombre de cas

600

400

200

0
< 1 an 1-4 ans 5-14 ans 15-19 ans 20-49 ans ≥ 50 ans Total
C

(isolement ou détection du méningocoque à partir d’un site doit être pratiquée lorsque le diagnostic de méningite est sus-
normalement stérile). À noter ici que les prélèvements rhinopha- pecté. Cependant, elle peut être retardée en cas d’hypertension
ryngés ne doivent pas être employés pour confirmer le diagnostic intracrânienne ou choc septique. La réalisation de la ponc-
d’IIM. En outre, les prélèvements doivent être réalisés en fonction tion lombaire ne doit en aucun cas retarder l’instauration de
de la présentation clinique (LCS, sang, biopsie cutanée, liquide l’antibiothérapie. En cas de prélèvements post mortem, ils doivent
péricardique, liquide articulaire, liquide péritonéal et liquide être réalisés le plus rapidement possible. Dans tous les cas
pleural). et à cause de la fragilité du méningocoque, les prélèvements
L’hémoculture est essentielle car la septicémie précède les loca- doivent être acheminés au laboratoire le plus vite possible et sans
lisations méningées ou extraméningées. La ponction lombaire réfrigération.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-013-A-10  Infections à méningocoques

Examen de liquide cérébrospinal laboratoire. La culture doit être réalisée dans les plus brefs délais
sur milieux enrichis (gélose au sang ou gélose supplémentée).
Examen macroscopique Ces milieux permettent l’isolement du méningocoque. La culture
Dans les méningites purulentes, le liquide est trouble (tous est réalisée à 37 ◦ C, en atmosphère humide enrichie avec 5 % à
les degrés existent) dans la majorité des cas à cause de 10 % de gaz carbonique. Les colonies, visibles après 18 heures,
l’hyperleucocytose. Cependant, l’observation d’un liquide clair sont grisâtres à bords réguliers et d’un diamètre de 1 à 2 mm.
n’élimine pas le diagnostic de méningococcie (purpura fulminans Le mélange inhibiteur VCF (vancomycine, colistine et fungi-
ou phase initiale). zone) est souvent utilisé pour rendre le milieu sélectif pour le
méningocoque.
Examen microscopique N. meningitidis est un diplocoque à Gram négatif possédant
un cytochrome oxydase et une catalase. Le méningocoque est
La cytologie montre une hyperleucocytose de degré variable (un capable d’acidifier le glucose et le maltose, et possède une gamma-
seuil de dix éléments cellulaire par millimètre-cube est générale- glutamyl transférase. Cependant, il existe des souches de N.
ment admis). Une prédominance des polynucléaires neutrophiles meningitidis à profil atypique.
oriente vers une méningite bactérienne. C’est la combinai- L’identification biochimique est complétée par le groupage
son de plusieurs marqueurs qui augmente la probabilité d’une sérologique au moyen d’immuns sérums dirigés contre les
méningite bactérienne aiguë : le rapport glycorachie/glycémie polyosides capsulaires qui déterminent les 12 sérogroupes actuel-
inférieur à 0,3, le nombre d’éléments cellulaires, le pourcen- lement décrits. L’identification des sérogroupes a une importance
tage de polynucléaires neutrophiles, l’hyperprotéinorachie et les médicale dans la prévention. En tout état de cause, les souches
marqueurs d’inflammation (protéine C-réactive et procalcito- doivent être envoyées au Centre national de référence des ménin-
nine) [63] . gocoques pour un typage complet.
L’utilisation en bactériologie clinique de l’identification par
Coloration de Gram spectrométrie de masse est en cours de développement. La
base de cette méthode est la spécificité du profil spectral d’une
Elle permet parfois d’observer des diplocoques à Gram néga- espèce bactérienne [66] . Des banques des données sont en cours
tif intra- ou extracellulaires donnant un diagnostic étiologique d’élaboration à partir de larges collections de souches. Cepen-
rapide, mais cet examen reste peu sensible (entre 48 % et 62 %). dant, cette méthode ne permet pas pour l’instant de déterminer le
sérogroupe du méningocoque et ne peut pas être employée direc-
Examen biochimique tement sans au moins une étape d’enrichissement et de séparation
des bactéries dans l’échantillon testé.
Cet examen montre une hyperprotéinorachie. Elle est la consé-
quence de l’inflammation des méninges qui endommage la
barrière hématoméningée et entraîne un passage des protéines
dans le LCS. La multiplication bactérienne dans le LCS entraîne Méthodes moléculaires de diagnostic
également une consommation du glucose (hypoglycorachie). bactériologique sans culture : diagnostic
moléculaire de Nesseria meningitidis
Recherche des antigènes solubles par « polymerase chain reaction »
Cette recherche est réalisée à l’aide des préparations d’anticorps L’isolement du méningocoque à partir des prélèvements bio-
dirigés contre les polyosides capsulaires. Non seulement elle peut logiques, même sans antibiothérapie préalable, reste difficile en
être effectuée dans le LCS, mais également dans le sérum et dans raison de la fragilité du germe et des conditions de son envoi
les urines. L’antibiothérapie n’empêche pas cette détection. En au laboratoire. De plus, l’antibiothérapie préalable, préconisée en
général, si le malade est traité depuis moins de 24 heures, le cas de suspicion de purpura fulminans, rend encore plus difficile
LCS représente l’échantillon de choix. Chez les malades traités l’isolement de la bactérie. Actuellement et sans antibiothérapie
depuis plus de 24 heures, les urines peuvent être testées. Plusieurs préalable, le taux de cet isolement à partir de l’hémoculture est
techniques sont utilisées : l’agglutination, la coagglutination, la de l’ordre de 50 % à 60 %, et de 73 % dans le LCS. Des méthodes
contre-immunoélectrophorèse. moléculaires (par PCR) pour le diagnostic bactérien sans culture
Dans l’agglutination, la préparation d’anticorps est fixée sur ont été développées. Elles permettent de proposer le diagnostic
des particules de latex. Elle est la plus simple et la plus rapide. étiologique sur la base de la présence de l’ADN de N. meningiti-
En fonction des kits commercialisés, les sérogroupes A, B, C, Y, dis dans les échantillons biologiques (sang, LCS, biopsie cutanée
W-135 peuvent être identifiés. La fiabilité de la recherche des anti- ou d’autres liquides biologiques comme le liquide péricardique
gènes solubles reste discutable, encore qu’une quantité minimale ou articulaire). Cette approche permet également de génogrouper
d’antigènes soit nécessaire. La sensibilité est de l’ordre de 37 % et (prédiction des sérogroupes A, B, C, Y, W-135 et X). Le diag-
peut être améliorée par un traitement ultrasonique pour atteindre nostic par PCR ne doit pas être proposé comme alternative à la
74 %. culture. La spécificité et la sensibilité de cette méthode appli-
La spécificité de la recherche des antigènes solubles souffre de quée à la détection de l’ADN de N. meningitidis dans le LCS sont
réactions croisées qui ont été décrites avec d’autres espèces bac- de 96 % et 93 % respectivement [67] . La sensibilité est plus faible
tériennes (E. coli K1 et H. parainfluenzae) [63] . Des réactions de dans le sang et elle décroît rapidement après l’antibiothérapie.
faux-positifs ou faux-négatifs sont possibles, et peuvent représen- En pratique, les prélèvements doivent être réalisés le plus
ter jusqu’à 12 % des tests réalisés [64] . précocement possible (moins de 18 heures après le début du
Des bandelettes de détection rapide ont été développées. Elles traitement).
utilisent une approche d’immunochromatographie et détectent En 2009, 561 soit 89 % des cas déclarés ont été confirmés par
les sérogroupes A, C, Y et W-135 avec une sensibilité et une spé- culture et/ou PCR. Pour 30 cas, seule la notion de purpura fulmi-
cificité de 100 % pour les souches isolées par culture et de 93,8 % nans était rapportée (5 % des cas). Pour le reste des 37 cas déclarés,
à 100 % lorsque les bandelettes sont utilisées directement sur le les critères de déclaration étaient un examen direct positif dans
LCS [65] . le LCS (19 cas) ou un LCS évocateur de méningite bactérienne
associée à un purpura cutané ou des antigènes solubles positifs
(18 cas). La part des IIM avec confirmation biologique et détermi-
Isolement et identification de Neisseria nation du sérogroupe uniquement par PCR est en augmentation
meningitidis par culture progressive depuis 2006, passant de 2 % à 10 % en 2009 [18] et elle
était de 16,9 % en 2010.
L’ensemencement des milieux de culture doit être rapide L’utilisation de la PCR pour le diagnostic des IIM a permis
(germe très fragile et sensible à la chaleur et au froid). Les pré- de mieux documenter la situation de ces infections dans plu-
lèvements doivent être maintenus à 37 ◦ C jusqu’à l’arrivée au sieurs pays de la ceinture de la méningite cérébrospinale. Ainsi,

10 EMC - Maladies infectieuses


Infections à méningocoques  8-013-A-10

l’émergence et le déclin du sérogroupe W-135 puis l’émergence


du sérogroupe X ont été révélées grâce à l’introduction de la PCR
 Prise en charge des infections
pour le diagnostic des IIM dans des pays comme le Burkina Faso invasives à méningocoque
et le Niger [17, 68] .
Les méningococcémies peuvent se compliquer de purpura ful-
minans et de choc septique mortel. Le traitement antibiotique
Étude de la sensibilité de Neisseria (bêtalactamines) est efficace à la phase précoce de dissémination
meningitidis aux antibiotiques des bactéries (parfois quelques heures), mais la cascade inflam-
matoire du choc septique accompagnant les signes de purpura
Après la culture suit l’étude de la sensibilité aux antibiotiques. Le fulminans (vascularite toxinique) ne peut, à ce jour, être contrée
choix des antibiotiques pour l’antibiogramme standard doit avoir par aucun traitement spécifique. Cette dualité de la maladie :
un intérêt clinique, tenir compte des recommandations thérapeu- processus infectieux inaugural aisément curable/complication
tiques ou prophylactiques et permettre de dépister les principaux septique incurable, impose un algorithme de diagnostic urgent
mécanismes de résistance acquis. La standardisation des méthodes et l’instauration d’une antibiothérapie adaptée [75] .
de détermination de concentration minimale inhibitrice (CMI) a La pénicilline G à fortes doses est le traitement historique des
été récemment menée au niveau européen par l’European Monito- IIM. Actuellement, ce sont l’amoxicilline et surtout les cépha-
ring Group on Meningococci. Elle a conduit à recommander le milieu losporines de troisième génération (ceftriaxone, céfotaxime) qui
MH enrichi de 5 % de sang de mouton défibriné qui donne des ont une bonne diffusion dans le liquide cérébrospinal et sont
résultats reproductibles entre laboratoires, ainsi que l’utilisation les antibiotiques de choix en première intention. Les phénico-
des bandelettes imprégnées d’un gradient d’antibiotique (E-test® ) lés (chloramphénicol huileux) gardent une place importante dans
ou la dilution en milieu gélosé [69] . C’est cette méthode (E-test® ) les pays de la ceinture de la méningite cérébrospinale. Le cef-
qui est maintenant recommandée comme standard en bactériolo- triaxone en une dose unique a été proposé comme alternatif
gie clinique. De plus, l’antibiogramme optimal de N. meningitidis au chloramphénicol huileux pour le traitement de la ménin-
doit comprendre une pénicilline (pénicilline G, ampicilline ou gite à méningocoque pendant la saison épidémique dans les
amoxicilline), une céphalosporine de troisième génération, le pays africains de la ceinture de la méningite cérébrospinale [76, 77] .
chloramphénicol (en Afrique), la rifampicine et la ciprofloxacine. D’autres antibiotiques comme le méropénème (une bêtalactamine
Un antibiogramme systématique sur les méningocoques est néces- du groupe des carbapénèmes) montrent une efficacité dans le trai-
saire pour assurer une prise en charge individuelle optimale des tement des méningites bactériennes chez l’enfant et l’adulte avec
patients et assurer la surveillance de l’évolution des résistances. une bonne pénétration dans le LCS [78] .
À l’exception des sulfamides, N. meningitidis reste au début
du XXIe siècle une bactérie globalement sensible aux antibio-
tiques, et les schémas thérapeutiques et prophylactiques actuels Prise en charge en préhospitalier
restent valables. Toutefois, cette espèce a démontré sa capacité
d’acquisition de résistance à diverses familles d’antibiotiques. La rapidité et la gravité du purpura fulminans imposent une
L’incidence croissante des souches de sensibilité diminuée aux prise en charge précoce dès la suspicion clinique de purpura
pénicillines (1 mg/l ≥ CMI ≥ 0,125 mg/l), qui pourrait évoluer fulminans en préhospitalier. L’antibiotique est, de préférence,
parallèlement à celle des pneumocoques multirésistants sous la ceftriaxone ou, en cas d’indisponibilité, le céfotaxime ou
l’influence des mêmes pressions de sélection, impose une vigi- à défaut l’amoxicilline. La ceftriaxone a une action démon-
lance soutenue. De même, l’apparition des souches résistantes trée sur le portage rhinopharyngé du méningocoque, ce qui
à la rifampicine et à la ciprofloxacine pose un problème en dispense de l’antibioprophylaxie du patient lui-même. En cas
prophylaxie. Il n’y a pas actuellement de résistance décrite aux d’antécédent d’hypersensibilité sévère aux bêtalactamines (anté-
céphalosporines de troisième génération. Le phénomène le plus cédent d’œdème de Quincke ou d’hypersensibilité immédiate
observé est la diminution de sensibilité à la pénicilline. Cette de type anaphylactique), la réintroduction d’une bêtalactamine
diminution résulte d’une altération dans la structure d’une pro- n’est pas recommandée, surtout si le patient est en état de choc.
téine affine à la pénicilline, la protéine PBP2 codée par le gène D’après les données de pharmacocinétique-pharmacodynamie et
penA. Cette modification de penA serait engendrée par trans- compte tenu de l’expérience clinique, les fluoroquinolones (cipro-
formation et recombinaison génétique. En effet, des transferts floxacine ou lévofloxacine) ou la rifampicine peuvent constituer
horizontaux d’ADN peuvent avoir lieu, au cours du portage un recours dans cette situation. Le choix de ces molécules tient
pharyngé, entre des souches de Neisseria commensales (comme compte également de leur activité sur N. meningitidis. Pour facili-
N. cinerea et N. lactamica) et N. meningitidis [70] . Le pourcentage ter la prise en charge et dans la mesure où il ne s’agit que d’une
des souches du méningocoque ayant une sensibilité diminuée première dose, une même posologie est recommandée pour la
à la pénicilline a augmenté en France pour atteindre 18 % en ceftriaxone, le céfotaxime et l’amoxicilline. Cette dose est de 1 g
1996 et 30 % en 2003. Cette fréquence a légèrement diminué chez l’adulte, et de 200 mg/kg chez le nourrisson et l’enfant sans
ensuite. Elle est stable depuis plusieurs années et était 24 % en dépasser 1 g. L’antibiotique est administré par voie intraveineuse
2009 [18] . Cependant, toutes les souches invasives étudiées en en utilisant une présentation pharmaceutique appropriée (sans
2009 au Centre national de référence des méningocoques étaient lidocaïne) ou à défaut par voie intramusculaire.
sensibles au céfotaxime, à la ceftriaxone et à la rifampicine, Quel que soit l’antibiotique utilisé, il importe ultérieurement
et deux souches de sérogroupe W135 étaient résistantes à la de respecter les doses recommandées pour les méningites et sep-
ciprofloxacine [18] . ticémies. L’impact de l’antibiothérapie précoce avant l’admission
La résistance acquise à la rifampicine est encore rare. Elle est sur le pronostic des IIM est difficile à évaluer par des études ran-
liée à des mutations du gène rpoB, combinées ou non à une domisées et contrôlées.
diminution de perméabilité, qui entraînent une résistance éle-
vée avec des CMI de 25 à plus de 256 ␮g/ml [71] . Les souches
résistantes à la ciprofloxacine (CMI > 0,06 ␮g/ml) sont décrites Prise en charge des infections invasives
en Argentine, Australie, France, Inde, Israël, Espagne et États- à méningocoque en milieu hospitalier
Unis, et apparaissent liées à des mutations ponctuelles du gène
gyrA [72–74] . À l’hôpital, il ne faut par retarder la prise en charge du choc (ne
Les souches de sensibilité réduite à la pénicilline G et les souches pas attendre l’hypotension artérielle car le choc peut être retardé,
résistantes à la rifampicine ou à la ciprofloxacine sont hétérogènes notamment chez le nourrisson du fait de sa capacité de vasocons-
et ne correspondent pas à une expansion clonale. Le dépistage triction entraînant donc une pression artérielle normale). Il faut
moléculaire de la résistance aux antibiotiques chez N. meningitidis assurer un remplissage correct et rapide. À l’admission, les prélève-
est un outil d’avenir qui permettra de détecter la résistance aux ments nécessaires au diagnostic étiologique doivent être effectués
principaux d’antibiotiques utilisés en thérapie et en prophylaxie (ponction lombaire en absence de contre-indication, prélève-
même en l’absence de la culture. ment sanguin ou de lésion purpurique cutanée). Les prélèvements

EMC - Maladies infectieuses 11


8-013-A-10  Infections à méningocoques

sanguins et/ou d’une lésion purpurique sont à privilégier dans lorsqu’il y a insuffisance rénale ou insuffisance respiratoire,
le purpura fulminans. En cas de décès avant leur réalisation, les est mieux assurée en service de réanimation polyvalente. Il
prélèvements sont effectués en post mortem, après accord de la faut donc rapidement et en parallèle prendre contact pour le
famille. transfert en réanimation d’un patient avec un purpura ecchy-
motique ou nécrotique et extensif, même en l’absence de
Antibiothérapie défaillance circulatoire.
L’antibiothérapie à but curatif est l’élément majeur dans le
traitement des IIM. Elle doit être administrée au patient qu’il Traitements adjuvants
ait reçu ou non un antibiotique avant son admission. Si un
antibiotique a été administré en préhospitalier (administré en La réaction inflammatoire en réponse des composants bac-
bolus), la prescription tient compte de la molécule injectée et de tériens (en particulier l’endotoxine) est centrale dans la
l’heure de son administration. L’administration de l’antibiotique physiopathologie des IIM et une corrélation a pu être établie entre
en milieu hospitalier est souvent en perfusion. Cela permet l’évolution fatale et le taux du TNF alpha dans le sérum [85] . Cette
de réduire la lyse bactérienne massive (réduire la libération réponse inflammatoire de l’hôte à l’infection se dérègle, et cause
des inducteurs bactériens de l’inflammation) et d’augmenter des dommages cellulaires et tissulaires. L’utilisation de corticoïdes
le temps de exposition (T > CMI) car les CMI sont basses chez dans le traitement des méningites à méningocoque (hors pur-
méningocoque [79] . pura fulminans) viserait à limiter les dommages tissulaires dus à la
Le traitement antibiotique doit être administré au plus vite et réponse inflammatoire. C’est la dexaméthasone qui est utilisée à la
sans attendre les résultats des examens biologiques. Il est d’abord dose de 10 mg/6 heures pendant 4 jours (0,15 mg/kg/6 heures pour
probabiliste, puis adapté quand le diagnostic est confirmé par les enfants) administrée simultanément ou dans les 20 minutes
l’isolement de la bactérie. L’antibiothérapie optimale dans les de l’antibiothérapie. Alors que ce traitement est admis dans la
méningites bactériennes doit employer un antibiotique ayant une méningite à H. influenzae et à pneumocoque chez l’enfant, la place
activité bactéricide dans le LCS. Cette activité peut être influencée des corticoïdes reste dans la méningite à méningocoque un sujet
par la capacité de l’antibiotique à traverser la barrière hématomé- de débat [86] . Les études qui montrent un effet bénéfique de cette
ningée et à pénétrer le LCS [80, 81] . La perméabilité de cette barrière thérapie sont peu nombreuses et effectuées essentiellement chez
est augmentée pendant la méningite bactérienne. Elle est égale- l’adulte. À l’heure actuelle, ce traitement n’est pas recommandé
ment affectée par le caractère lipophile de l’antibiotique, sa taille, dans la méningite à méningocoque de l’enfant contrairement à
sa structure et sa fraction liée aux protéines sériques [82, 83] . celle de l’adulte.
Les céphalosporines de troisième génération injectables (cef- Quatre axes sont ciblés par les traitements adjuvants :
triaxone ou céfotaxime) remplissent ces conditions et montrent • la neutralisation des facteurs bactériens responsables de
des CMI très basses pour les souches du méningocoque. En cas l’induction de la réponse inflammatoire ;
de suspicion de méningocoque, quelle que soit la présentation • la modulation de la réponse inflammatoire de l’hôte ;
clinique, une antibiothérapie par une céphalosporine de troi- • la neutralisation des mécanismes de l’hôte responsables des
sième génération (céfotaxime 200 mg/kg/j en quatre perfusions dommages tissulaires et cellulaires ;
ou ceftriaxone 75 mg/kg/j en une ou deux perfusions) est donc • la neutralisation des conséquences des dommages tissulaires.
préconisée. Il faut également agir sur plusieurs points de la cascade inflam-
La dose journalière maximale chez l’enfant pour le céfotaxime matoire, ce qui explique l’échec des « monothérapies » sur un
est de 12 g/j et pour la ceftriaxone de 4 g/j. La durée du trai- seul élément de cette cascade (échec de l’anti-IL-1 et les anticorps
tement est de 4 à 7 jours lorsqu’il s’agit d’une méningite à monoclonaux antiendotoxine par exemple).
méningocoque [84] . Dès que l’état clinique le permet, un traite- Ainsi, plusieurs cibles peuvent être visées dans la cascade de
ment prophylactique doit être administré au patient s’il n’a pas la coagulation en utilisant la protéine C qui est une protéine
été traité par ceftriaxone. naturellement anticoagulante, en l’utilisant sous forme recombi-
nante (Drotrecogin alpha) [87] , ou le tissue factor passway inhibitor et
Traitement du choc l’antithrombine [88] . Cependant, l’efficacité de la protéine C chez
l’enfant n’a pas été établie.
Comme dans tout choc septique, le pronostic du purpura fulmi-
La modulation de la voie de signalisation TLR4 est également
nans dépend de la précocité du traitement antibiotique, et d’une
ciblée par l’Eritoran, qui est un analogue de la portion lipidique
prise en charge intensive et adaptée du choc. Le principal objectif
de l’endotoxine bactérienne et qui agit comme un antagoniste de
de la prise en charge du choc est de maintenir un débit de perfu-
la voie TLR4. Des études de phases II ont montré une réduction
sion suffisant pour les organes et de prévenir l’hypoxie tissulaire.
de mortalité chez les patients sévères et une bonne tolérance. Les
À l’admission, il faut donc assurer une prise en charge générale études de phase III sont en cours. Le TAK 242 intervient aussi dans
en plus de l’antibiothérapie [49] : cette cascade de TLR4 comme un inhibiteur de la transduction du
• oxygénothérapie voire ventilation mécanique ; signal diminuant la production de cytokines pro-inflammatoires
• pose de deux voies veineuses périphériques (22 ou 24 G) en in vivo [89, 90] .
attendant la pose d’une voie centrale dès l’arrivée en réani- L’utilisation du glycérol (seul ou avec la dexaméthasone)
mation pour mesure de pression veineuse centrale et de la pour agir contre l’œdème cérébral a été proposée avec un effet
saturation en oxygène du sang veineux cave supérieur et bénéfique sur les séquelles neurologiques sévères au décours
l’utilisation des drogues vasopressives ; de la méningite bactérienne chez l’enfant [91, 92] . Le glycérol
• monitoring par scope, saturation pulsatile en oxygène et diu- (1,5 ml/kg/6 heures pendant 48 heures) agit comme un agent
rèse ; d’hyperosmolarité plasmatique dans le sang, réduisant ainsi le
• prise en charge « hémodynamique » reposant sur un rem- flux sanguin cérébral et l’œdème. Cependant, une récente étude
plissage vasculaire par cristalloïdes ou colloïdes (20 ml/kg n’a pas recommandé l’utilisation de ce médicament dans la
sur 20 minutes), à renouveler une fois sous contrôle de méningite bactérienne chez l’adulte dans les zones de haute séro-
l’auscultation cardiopulmonaire. Ce remplissage peut être prévalence de virus de l’immunodéficience humaine [93] .
renouvelé et associé à la noradrénaline (0,5 ␮g/kg/min, aug-
mentée par paliers jusqu’à 1 à 2 ␮g/kg/min) [49] ;
• contrôle de la fièvre qui majore la consommation d’oxygène
(paracétamol, 15 mg/kg par voie intraveineuse) ;
• intubation, recommandée en cas de grande instabilité dyna-
 Prévention des infections
mique, de trouble de conscience, après un remplissage de plus invasives à méningocoque
de 60 ml/kg et avant l’arrivée du syndrome de détresse respira-
toire aiguë ; Les IIM, par leur gravité et leur transmissibilité, nécessitent
• recherche et correction des troubles métaboliques (hypogly- en plus du diagnostic immédiat, des traitements et prophylaxies
cémie et hypocalcémie). La prise en charge hémodynamique, adaptés, ainsi qu’un contrôle du risque épidémique :

12 EMC - Maladies infectieuses


Infections à méningocoques  8-013-A-10

• pour l’entourage directement exposé, le sérogroupe de la souche Tableau 3.


doit être identifié pour déterminer les mesures préventives à Schéma de l’antibioprophylaxie [101] .
prendre dans l’entourage du malade (vaccination et/ou anti- Rifampicine a Adulte : 600 mg, deux fois par jour
bioprophylaxie) ; par voie orale Nourrisson et enfant (1 mois à 15 ans) :
• pour la communauté, pouvoir identifier le risque épidémique pendant 2 jours 10 mg/kg (sans dépasser 600 mg), deux fois
face à la survenue de cas groupés ou lorsqu’il y a une augmen- par jour
tation d’incidence des IIM. Nouveau-né (moins de 1 mois) : 5 mg/kg,
deux fois par jour
Femme enceinte : la rifampicine peut être
Antibioprophylaxie utilisée. En cas d’utilisation de la rifampicine
dans les 3-4 jours précédant l’accouchement,
L’objectif de l’antibioprophylaxie est d’éradiquer le portage de des troubles de la coagulation peuvent
la souche virulente chez les sujets contacts du cas index, de réduire apparaître chez le nouveau-né. Aussi, afin de
ainsi sa transmission et le risque des cas secondaires, et de prévenir prévenir leur apparition, une dose de 0,5 à
la diffusion d’une souche virulente dans la population. Pour cela, 1 mg de vitamine K1 doit être administrée
elle doit être administrée en urgence en cas de notification d’IIM par voie injectable (intramusculaire ou
(les cas remplissant l’un des critères de définition des cas d’IIM, intraveineuse lente) au nouveau-né dès la
cf. supra). En l’état actuel des connaissances, l’antibioprophylaxie naissance
concerne tous les sujets contacts identifiés, quel que soit leur sta- Jeunes filles et femmes en âge de procréer :
tut vaccinal. Le sujet contact est celui qui est exposé aux sécrétions du fait d’une diminution de l’efficacité de
rhinopharyngées du patient dans les 10 jours précédant son hos- contraceptifs oraux par la rifampicine
pitalisation. Le contact à risque est après une exposition de plus lorsque les deux médicaments sont associés,
de 1 heure et à courte distance (moins de 1 m) avec un contact en une contraception de type mécanique doit
« face à face ». Rappelons que le méningocoque est un germe fra- être envisagée pendant la durée du
gile qui ne survit pas dans le milieu extérieur et que la transmission traitement par rifampicine ainsi que
pendant la semaine qui suit, surtout si le
est exclusivement interhumaine. Il est donc important de bien
contraceptif oral habituel est microdosé
identifier les sujets contacts afin de ne pas utiliser abusivement
des antibiotiques recommandés en prophylaxie et favoriser ainsi En cas de Ceftriaxone par voie injectable, en dose
la sélection des bactéries résistantes. Le plus souvent, ces sujets contre-indication unique :
contacts se limitent à l’entourage familial. En collectivité d’enfant, ou de résistance Adulte : injection unique de 250 mg
milieu scolaire et autres structures apparentées, il faut limiter documentée à la Enfant, nourrisson, nouveau-né c : injection
l’antibioprophylaxie aux sujets contacts selon le type de collec- rifampicine b unique de 125 mg
tivité et l’activité des enfants. Dans toutes les activités sociales Femme enceinte : la ceftriaxone peut être
(lieu de travail, rassemblement, soirée, sport et voyage), il n’est utilisée
pas recommandé d’administrer d’antibioprophylaxie, sauf pour Ou
les sujets ayant un « contact à risque » selon les critères mention- Ciprofloxacine par voie orale, en dose
nés (cf. supra). L’antibiotique choisi pour l’antibioprophylaxie unique :
doit être actif sur N. meningitidis et bien toléré. Son action doit Adulte : dose unique de 500 mg
être rapide et prolongée dans le temps et doit atteindre des Enfant : dose unique de 20 mg/kg (sans
fortes concentrations dans le rhinopharynx. Trois antibiotiques dépasser 500 mg)
sont utilisés dans l’antibioprophylaxie : la rifampicine, la cef- Femme enceinte : compte tenu du contexte
triaxone et la ciprofloxacine. Le schéma d’antibioprophylaxie particulier de cette prophylaxie, la
actuellement recommandé en France est illustré dans le ciprofloxacine peut être utilisée
Tableau 3. a
La rifampicine peut entraîner une coloration rouge des sécrétions comme
l’urine, la salive et le liquide lacrymal. Elle peut colorer de façon permanente
les lentilles de contact.
Vaccination b
c
Il existe de rares souches résistantes à la rifampicine.
Chez le nouveau-né, un avis spécialisé peut être requis compte tenu de cer-
La vaccination autour d’un cas d’IIM complète l’antibio- taines contre-indications de la ceftriaxone dans cette classe d’âge.
prophylaxie lorsque la souche responsable du cas est d’un séro-
groupe contre lequel existe un vaccin. Les méningocoques sont une protection de 3 à 5 ans à partir du dixième jour après la vac-
des bactéries extracellulaires sensibles à l’activité lytique du cination. Ils ne semblent pas induire d’immunité des muqueuses
complément après sensibilisation par des IgG. La découverte de et n’altèrent donc pas le portage rhinopharyngé de ces bactéries.
ce mécanisme d’immunoprotection qui résulte de l’immunisation
naturelle par des souches de portage a conduit à l’élaboration de
vaccins acellulaires induisant des IgG bactéricides [29] . La capsule
Vaccins polyosidiques conjugués
polyosidique de N. meningitidis est un facteur majeur de virulence Ces vaccins sont obtenus par couplage chimique entre le
car elle permet l’échappement à la phagocytose primaire par les polyoside capsulaire et une protéine porteuse. Ils induisent une
macrophages et à la lyse complément-dépendante [94] . C’est à par- immunité T-dépendante (mémoire immunitaire et effet rap-
tir des antigènes capsulaires que sont fabriqués les vaccins actuels pel). Les vaccins conjugués offrent de nombreux avantages : ils
contre les méningocoques des sérogroupes A, C, Y et W-135. Il prolongent la durée de protection, ils induisent une mémoire
n’existe pas de vaccin polyosidique contre les méningocoques immunitaire permettant également une réponse anticorps rapide
du sérogroupe B. Ce polyoside est peu immunogène car il est et amplifiée aux injections de rappel. De plus, ces vaccins per-
similaire à un antigène du soi présent sur les cellules neurales, mettent la réduction du portage rhinopharyngé des souches
le neural cell adhesion molecule. Il existe deux types de vaccins invasives.
capsulaires. Trois types de vaccins conjugués sont sur le marché.
Vaccins conjugués contre le méningocoque du sérogroupe C
Vaccins polyosidiques simples Le polyoside C est couplé chimiquement à l’anatoxine téta-
Le vaccin bivalent contre les sérogroupes A et C, et le vac- nique ou à la protéine CRM197 de la toxine diphtérique (selon
cin tétravalent A, C, Y et W-135, induisent une immunité le fabricant) et adsorbé sur sels d’aluminium. Ces vaccins sont
T-indépendante (absence d’effet mémoire). Ils sont peu immuno- efficaces dès l’âge de 2 mois et leur immunogénicité est signifi-
gènes chez les moins de 2 ans. Cependant, le vaccin A + C peut cativement augmentée par rapport au vaccin non conjugué. La
être administré dès l’âge de 6 mois en cas d’exposition conta- recommandation d’utilisation d’un vaccin C conjugué dans les
gieuse au sérogroupe A. Ces vaccins sont efficaces et confèrent pays de l’Union Européenne varie selon les pays, de l’absence de

EMC - Maladies infectieuses 13


8-013-A-10  Infections à méningocoques

recommandation à la vaccination ciblée, ou même l’inscription L’utilisation de ce vaccin est étendu aux sujets âgés de 2 ans
au calendrier vaccinal (vaccination généralisée). Dans les pays qui et plus qui sont porteurs d’un déficit en fraction terminale du
ont instauré une stratégie de vaccination généralisée, une réduc- complément ou qui reçoivent un traitement anti-C5A, qui sont
tion rapide de l’incidence des IIM C a été observée, témoignant porteurs d’un déficit en properdine, ou ayant une asplénie ana-
d’un effet direct mais également indirect de la vaccination au-delà tomique ou fonctionnelle. En 2012, l’autorisation de mise sur le
des populations cibles. Toutefois, des différences existent selon marché (AMM) a été élargie aux sujets dès l’âge de 2 ans et un
les schémas et les tranches d’âge cibles. Une incertitude persiste nouveau vaccin tétravalent conjugué A, C, Y, W-135 a obtenu une
cependant à l’heure actuelle concernant la durée de protection. AMM chez les sujets dès l’âge d’1 an.
La réduction progressive de la protection vaccinale avec le temps
a été mise sur le compte de la baisse des anticorps bactéricides, Vaccin conjugué polyosidique méningococcique
en particulier chez les nourrissons vaccinés avant l’âge de 1 an. du sérogroupe A
La vaccination en Angleterre et au Pays de Galles a commencé L’introduction d’un nouveau vaccin conjugué « abordable »
en 1999. Les premières études avaient montré que, selon l’âge, le contre les souches du sérogroupe A (MenAfriVacTM ) a commencé
nombre de doses pouvait être réduit. Ainsi, le calendrier initial a en fin 2010. Ce vaccin a montré une bonne immunogénicité et
comporté trois doses (2, 3 et 4 mois) chez le nourrisson avant 1 an, une bonne tolérance dans les essais cliniques [98] . Il est prévu pour
deux doses entre 5 et 11 mois, et une seule dose pour le rattrapage 250 millions de sujets entre 1 et 29 ans avec l’immense espoir
entre 1 et 18 ans [95] . L’efficacité vaccinale était de 93 % pendant d’arrêter les épidémies dues aux souches du sérogroupe A en
la première année, mais elle a diminué voire disparu rapidement Afrique subsaharienne. Le développement de ce vaccin est rendu
à la seconde année. À cause de cette réduction progressive de la possible grâce au projet Meningitis Vaccine Project qui a été créé en
protection vaccinale, un autre schéma est adopté ensuite chez le partenariat entre l’OMS et le Program for Appropriate Technology in
nourrisson avec injections plus espacées (3, 4, 12 mois) et offre Health.
ainsi un effet rappel bénéfique à 12 mois.
En France, ce vaccin était recommandé de façon ciblée sans Vaccins à base des vésicules de membranes
recommandation de vaccination généralisée à l’échelon national. externe (OMV)
Cette stratégie de vaccination ciblée s’adresse en particulier aux L’absence d’un vaccin polyosidique contre les souches du séro-
sujets contacts et aux zones ayant une incidence du méningo- groupe B peut être contournée par le développement de vaccins
coque de sérogroupe C particulièrement élevée. Le Haut conseil de à base de protéines de surface bactérienne. Cependant, la varia-
la santé publique a modifié en 2009 les recommandations relatives bilité des immunogènes de surface du méningocoque est un
à la vaccination par le vaccin méningococcique conjugué de séro- obstacle à la généralisation de ces vaccins. Ce défaut a été par-
groupe C. Plusieurs éléments épidémiologiques, bactériologiques tiellement compensé par l’utilisation de vaccins « sur mesure »,
et médicoéconomiques ont justifié ces nouvelles recommanda- à base de vésicules membranaires exprimant l’ensemble des pro-
tions. En particulier, l’augmentation des alertes liées aux cas téines de la membrane externe bactérienne. Ces vaccins sont donc
groupés et l’émergence d’un nouveau clone virulent du ménin- souche-spécifiques et sont adéquats pour le contrôle des situations
gocoque qui pourrait être responsable d’un futur pic d’IIM C [96] . épidémiques ou hyperendémiques provoquées par des souches
La nouvelle stratégie comporte la vaccination systématique des d’un phénotype/génotype particulier (événement clonal). Cette
grands nourrissons entre 12 mois et 24 mois selon un schéma stratégie a été testée avec succès en conditions épidémiques dans
d’une dose de vaccin méningococcique conjugué de sérogroupe trois pays : Cuba, Norvège et Nouvelle Zélande, mais avec trois
C. Pendant la première phase de la mise en place de cette straté- souches différentes.
gie, un rattrapage est recommandé pour les sujets entre 2 et 24 ans Le développement de ce type de vaccin se heurte également à
révolus selon le même schéma d’une dose. Ce schéma est proche la difficulté pour un fabricant de produire des lots de vaccins en
de celui utilisé en 2002 par la Hollande (une seule dose à l’âge de quantité limitée, adaptée au marché restreint que peut représen-
14 mois avec un rattrapage jusqu’à 18 ans). Cette stratégie (chez ter un processus localisé d’expansion clonale. Cette limitation a
le grand nourrisson de plus de 1 an) mise sur une large couver- conduit à adopter une stratégie d’exploitation des trois vaccins de
ture vaccinale qui doit être obtenue rapidement pour assurer une type OMV déjà disponibles selon deux critères :
protection indirecte (immunité de groupe) chez les nourrissons • la souche épidémique locale doit être proche phénotypique-
de moins de 1 an. C’était le cas en Hollande avec une couverture ment et génotypiquement de la souche de l’un de ces trois
de 94 %. vaccins. En particulier, les souches doivent présenter la même
Le méningocoque est une bactérie compétente naturellement protéine de membrane externe PorA car la réponse immune
pour la transformation avec des fréquents échanges horizontaux bactéricide contre PorA est dominante ;
d’ADN entre les souches. L’apparition de variants par commuta- • les anticorps des sérums des sujets vaccinés avec le vaccin
tion de capsule représente un risque majeur d’échappement à la sélectionné doivent présenter une activité bactéricide contre la
vaccination. Actuellement, il n’y a pas de preuves d’une expan- souche locale à un titre similaire à celui obtenu contre la souche
sion de variant antigénique en Angleterre et au Pays de Galles. vaccinale.
Cependant, une expansion limitée des souches B du complexe Cette stratégie a été utilisée pour valider l’utilisation du vac-
clonal ST-11 a été observée en Espagne (au pays basque) [97] . cin norvégien MenBvacTM (à base d’une souche B:15:P1.7,16
du complexe clonal ST-32) contre l’expansion de la souche
Vaccin conjugué polyosidique méningococcique A, C, Y B14:P1.7,16 du même complexe clonal ST-32 en Seine Mari-
et W-135 time [99] . Elle représente une solution rationnelle au contrôle
vaccinal de poussées épidémiques clonales et géographiquement
Ce vaccin a été mis sur le marché aux Etats-Unis en 2005. La
circonscrites.
Food and Drug Administration recommande maintenant son utili-
sation chez les 2 à 55 ans. Un autre vaccin tétravalent conjugué a
obtenu une autorisation de mise sur le marché en 2010 en Europe
Vaccins recombinants
chez les sujets à partir de 11 ans. Il n’y a pas pour l’instant de Les tentatives d’élaboration de vaccins protéiques actifs contre
recommandations pour une utilisation généralisée de ce vaccin. toutes les souches se heurtent à la variabilité des protéines
L’utilisation du vaccin méningococcique conjugué tétravalent A, immunogènes de membrane externe du méningocoque. De nou-
C, Y, W-135 (avec un schéma d’une dose) est recommandée pour velles approches génomiques comme celle de la « vaccinologie
les pèlerins (de 11 ans et plus) de La Mecque (Hadj ou Umrah). La réverse » ont permis d’élaborer un « cocktail » de plusieurs pro-
vaccination doit être pratiquée au moins 10 jours avant le départ. téines conservées pour produire un vaccin universel contre les
Ce vaccin est également utilisé pour les sujets contacts (de 11 ans souches du méningocoque, en particulier le sérogroupe B [100] .
et plus) des cas d’IIM des sérogroupes A, Y ou W-135, les person- Ainsi, deux vaccins recombinants sont en cours de développe-
nels des laboratoires de recherche travaillant spécifiquement sur ment/enregistrement. Le premier vaccin contient essentiellement
le méningocoque, et les sujets âgés de 11 ans et plus se rendant trois protéines recombinantes et le vaccin OMV de la Nouvelle
dans une zone d’endémie à méningocoque A, Y ou W-135. Zélande. Le deuxième vaccin contient deux variants d’une même

14 EMC - Maladies infectieuses


Infections à méningocoques  8-013-A-10

protéine (la protéine bactérienne qui lie le facteur H humain qui [11] Moore PS, Reeves MW, Schwartz B, Gellin BG, Broome CV. Intercon-
est un régulateur négatif de la voie alterne du complément). Il est tinental spread of an epidemic group A Neisseria meningitidis strain.
à noter que ces deux vaccins contiennent cette protéine qui lie le Lancet 1989;2:260–3.
facteur H humain et qui joue un rôle dans la virulence bactérienne [12] Achtman M. Clonal spread of serogroup A meningococci: a para-
en permettant à la bactérie d’échapper à l’activité bactéricide du digm for the analysis of microevolution in bacteria. Mol Microbiol
complément. Cependant, plusieurs points restent à étudier : 1994;11:15–22.
• le niveau d’expression de ces protéines dans les différentes [13] Taha MK, Achtman M, Alonso JM, Greenwood B, Ramsay M, Fox A,
souches du méningocoque. Il faut également analyser la cor- et al. Serogroup W135 meningococcal disease in Hajj pilgrims. Lancet
rélation du niveau d’expression avec l’activité bactéricide 2000;356:2159.
[14] Taha MK, Giorgini D, Ducos-Galand M, Alonso JM. Continuing
protectrice des anticorps dirigés contre ces protéines ;
diversification of Neisseria meningitidis W135 as a primary cause of
• la distribution des variants de ces protéines parmi les souches
meningococcal disease after emergence of the serogroup in 2000. J
récentes de méningocoque ; Clin Microbiol 2004;42:4158–63.
• l’immunogénicité croisée entre les variants de ces protéines. [15] Thulin Hedberg S, Toros B, Fredlund H, Olcen P, Molling P. Genetic
La variabilité du méningocoque et les changements de characterisation of the emerging invasive Neisseria meningitidis sero-
l’épidémiologie des IIM imposent une réévaluation continue de group Y in Sweden, 2000 to 2010. Euro Surveill 2011;16.pii:19885.
la stratégie vaccinale contre le méningocoque en fonction de [16] Traore Y, Njanpop-Lafourcade BM, Adjogble KL, Lourd M, Yaro S,
l’évolution des données épidémiologiques et bactériologiques. Nacro B, et al. The rise and fall of epidemic Neisseria meningitidis
serogroup W135 meningitis in Burkina Faso, 2002-2005. Clin Infect
Dis 2006;43:817–22.
 Information au public [17] Boisier P, Nicolas P, Djibo S, Taha MK, Jeanne I, Mainassara HB, et al.
Meningococcal meningitis: unprecedented incidence of serogroup X-
Il est important d’assurer une information claire et précise pour related cases in 2006 in Niger. Clin Infect Dis 2007;44:657–63.
[18] Parent du Chatelet I, Taha M-K, Lepoutre A, Maine C, Deghmane AE,
éviter les idées erronées et les mesures inutiles comme la désinfec-
Lévy-Bruhl D. Les infections invasives à méningocoques en France,
tion des locaux, l’éviction scolaire de la fratrie du cas ou encore
en 2009. Bull Epidemiol Hebd 2010;n◦ 31-32:339–43.
l’isolement des sujets contacts. [19] Parent Du Chatelet I. Epidemiologie des infections invasives à ménin-
Le problème majeur et persistant des IIM reste celui de la prise en gocoque. Mt Pediatrie 2010;13:126–34.
charge du cas individuel. La mortalité reste élevée à plus de 10 % [20] Craven DE, Peppler MS, Frasch CE, Mocca LF, McGrath PP,
en France et est essentiellement associée au purpura fulminans. Washington G. Adherence of isolates of Neisseria meningitidis from
Si les méningites, dans leur expression clinique typique, avec le patients and carriers to human buccal epithelial cells. J Infect Dis
cortège fièvre-céphalées-nausées-raideur de la nuque et du dos, 1980;142:556–68.
déclenchent une prise en charge hospitalière rapide et un traite- [21] Ala’Aldeen DA, Neal KR, Ait-Tahar K, Nguyen-Van-Tam JS, English
ment approprié, le syndrome peu typique de méningococcémie, A, Falla TJ, et al. Dynamics of meningococcal long-term carriage
avec un « état septique » d’étiologie imprécise, ne doit pas retarder among university students and their implications for mass vaccination.
l’hospitalisation et l’antibiothérapie urgente, car l’évolution vers J Clin Microbiol 2000;38:2311–6.
le choc septique avec purpura ecchymotique extensif (à recher- [22] Gold R, Goldschneider I, Lepow ML, Draper TF, Randolph M. Car-
cher systématiquement sur tout le corps du patient) peut survenir riage of Neisseria meningitidis and Neisseria lactamica in infants and
en quelques heures. children. J Infect Dis 1978;137:112–21.
[23] Kim JJ, Mandrell RE, Griffiss JM. Neisseria lactamica and Neisse-
ria meningitidis share lipooligosaccharide epitopes but lack common
 Références capsular and class 1, 2, and 3 protein epitopes. Infect Immun
1989;57:602–8.
[24] Deghmane AE, Veckerle C, Giorgini D, Hong E, Ruckly C, Taha MK.
[1] Rossau R, Vandenbussche G, Thielemans S, Segers P, Grosch H, Differential modulation of TNF-alpha-induced apoptosis by Neisseria
Gothe E, et al. Ribosomal ribonucleic-acid cistron similarities and meningitidis. PLoS Pathog 2009;5:e1000405.
deoxyribonucleic-acid homologies of Neisseria, Kingella, Eikenella, [25] van Deuren M, Brandtzaeg P, van der Meer JW. Update on meningococ-
Simonsiella, Alysiella, and Centers-for-Disease-Control Group-Ef-4 cal disease with emphasis on pathogenesis and clinical management.
and Group-M-5 in the emended family Neisseriaceae. Int J Syst Bac- Clin Microbiol Rev 2000;13:144–66.
teriol 1989;39:185–98. [26] Coureuil M, Mikaty G, Miller F, Lecuyer H, Bernard C, Bourdoulous
[2] Guibourdenche M, Popoff MY, Riou JY. Deoxyribonucleic acid rela- S, et al. Meningococcal type IV pili recruit the polarity complex to
tedness among Neisseria gonorrhoeae, N. meningitidis, N. lactamica, cross the brain endothelium. Science 2009;325:83–7.
N. cinerea and “Neisseria polysaccharea”. Ann Inst Pasteur Microbiol [27] Coureuil M, Lecuyer H, Scott MG, Boularan C, Enslen H,
1986;137B:177–85. Soyer M, et al. Meningococcus hijacks a beta 2-adrenoceptor/beta-
[3] Yazdankhah SP, Caugant DA. Neisseria meningitidis: an overview of arrestin pathway to cross brain microvasculature endothelium. Cell
the carriage state. J Med Microbiol 2004;53(Pt9):821–32. 2010;143:1149–60.
[4] Lo H, Tang CM, Exley RM. Mechanisms of avoidance of host immu- [28] Levy C, Taha MK, Weil Olivier C, Quinet B, Lecuyer A, Alonso JM,
nity by Neisseria meningitidis and its effect on vaccine development. et al. Association of meningococcal phenotypes and genotypes with
Lancet Infect Dis 2009;9:418–27. clinical characteristics and mortality of meningitis in children. Pediatr
[5] Nassif X, Marceau M, Pujol C, Pron B, Beretti JL, Taha MK. Type-4 Infect Dis J 2010;29:618–23.
pili and meningococcal adhesiveness. Gene 1997;192:149–53. [29] Goldschneider I, Gotschlich EC, Artenstein MS. Human immunity
[6] Maiden MC, Bygraves JA, Feil E, Morelli G, Russell JE, Urwin R, et al. to the meningococcus. I. The role of humoral antibodies. J Exp Med
Multilocus sequence typing: a portable approach to the identification 1969;129:1307–26.
of clones within populations of pathogenic microorganisms. Proc Natl [30] Figueroa JE, Densen P. Infectious diseases associated with complement
Acad Sci USA 1998;95:3140–5. deficiencies. Clin Microbiol Rev 1991;4:359–95.
[7] Yazdankhah SP, Kriz P, Tzanakaki G, Kremastinou J, Kalmusova [31] Davila S, Wright VJ, Khor CC, Sim KS, Binder A, Breunis WB,
J, Musilek M, et al. Distribution of serogroups and genotypes et al. Genome-wide association study identifies variants in the CFH
among disease-associated and carried isolates of Neisseria meningi- region associated with host susceptibility to meningococcal disease.
tidis from the Czech Republic, Greece, and Norway. J Clin Microbiol Nat Genet 2010;42:772–6.
2004;42:5146–53. [32] Gruppo RA, Rother RP. Eculizumab for congenital atypical hemolytic-
[8] Zarantonelli ML, Lancellotti M, Deghmane AE, Giorgini D, Hong E, uremic syndrome. N Engl J Med 2009;360:544–6.
Ruckly C, et al. Hyperinvasive genotypes of Neisseria meningitidis in [33] Hibberd ML, Sumiya M, Summerfield JA, Booy R, Levin M, Menin-
France. Clin Microbiol Infect 2008;14:467–72. gococcal Research Group. Association of variants of the gene for
[9] Moore PS, Plikaytis BD, Bolan GA, Oxtoby MJ, Yada A, Zoubga A, mannose-binding lectin with susceptibility to meningococcal disease.
et al. Detection of meningitis epidemics in Africa: a population-based Lancet 1999;353:1049–53.
analysis. Int J Epidemiol 1992;21:155–62. [34] Nadel S, Newport MJ, Booy R, Levin M. Variation in the tumor necrosis
[10] Lapeyssonnie L. Cerebrospinal meningitis in Africa. Bull World Health factor-alpha gene promoter region may be associated with death from
Organ 1963;28(suppl):1–114. meningococcal disease. J Infect Dis 1996;174:878–80.

EMC - Maladies infectieuses 15


8-013-A-10  Infections à méningocoques

[35] Hubert B, Watier L, Garnerin P, Richardson S. Meningococcal disease [59] Orren A, Caugant DA, Fijen CA, Dankert J, van Schalkwyk EJ,
and influenza-like syndrome: a new approach to an old question. J Poolman JT, et al. Characterization of strains of Neisseria meningi-
Infect Dis 1992;166:542–5. tidis recovered from complement-sufficient and complement-deficient
[36] Rameix-Welti MA, Zarantonelli ML, Giorgini D, Ruckly C, Mara- patients in the Western Cape Province, South Africa. J Clin Microbiol
sescu M, van der Werf S, et al. Influenza A virus neuraminidase 1994;32:2185–91.
enhances meningococcal adhesion to epithelial cells through interac- [60] Benoit FL. Chronic meningococcemia. Case report and review of the
tion with sialic acid-containing meningococcal capsules. Infect Immun literature. Am J Med 1963;35:103–12.
2009;77:3588–95. [61] Levy C, Bingen E, Aujard Y, Boucherat M, Floret D, Gendrel D, et al.
[37] Raza MW, Ogilvie MM, Blackwell CC, Stewart J, Elton RA, Surveillance network of bacterial meningitis in children, 7 years of
Weir DM. Effect of respiratory syncytial virus infection on bin- survey in France. Arch Pediatr 2008;15(suppl3):S99–104.
ding of Neisseria meningitidis and Haemophilus influenzae type b [62] Leteurtre S, Leclerc F, Martinot A, Cremer R, Fourier C, Sadik A,
to a human epithelial cell line (HEp-2). Epidemiol Infect 1993;110: et al. Can generic scores (Pediatric Risk of Mortality and Pediatric
339–47. Index of Mortality) replace specific scores in predicting the outcome
[38] Peltola VT, McCullers JA. Respiratory viruses predisposing to of presumed meningococcal septic shock in children? Crit Care Med
bacterial infections: role of neuraminidase. Pediatr Infect Dis J 2001;29:1239–46.
2004;23(suppl1):S87–97. [63] Carbonnelle E. Laboratory diagnosis of bacterial meningitis: useful-
[39] Shaw MW, Arden NH, Maassab HF. New aspects of influenza viruses. ness of various tests for the determination of the etiological agent. Med
Clin Microbiol Rev 1992;5:74–92. Mal Infect 2009;39:581–605.
[40] Alonso JM, Guiyoule A, Zarantonelli ML, Ramisse F, Pires R, Anti- [64] Ballard TL, Roe MH, Wheeler RC, Todd JK, Glode MP. Comparison
gnac A, et al. A model of meningococcal bacteremia after respiratory of three latex agglutination kits and counterimmunoelectrophoresis for
superinfection in influenza A virus-infected mice. FEMS Microbiol the detection of bacterial antigens in a pediatric population. Pediatr
Lett 2003;222:99–106. Infect Dis J 1987;6:630–4.
[41] Griffiss JM, Goroff DK. IgA blocks IgM and IgG-initiated immune [65] Chanteau S, Dartevelle S, Mahamane AE, Djibo S, Boisier P, Nato F.
lysis by separate molecular mechanisms. J Immunol 1983;130: New rapid diagnostic tests for Neisseria meningitidis serogroups A,
2882–5. W135, C, and Y. PLoS Med 2006;3:e337.
[42] Filice GA, Hayes PS, Counts GW, Griffiss JM, Fraser DW. [66] Carbonnelle E, Mesquita C, Bille E, Day N, Dauphin B, Beretti JL,
Risk of group A meningococcal disease: bacterial interference et al. MALDI-TOF mass spectrometry tools for bacterial identification
and cross-reactive bacteria among mucosal flora. J Clin Microbiol in clinical microbiology laboratory. Clin Biochem 2011;44:104–9.
1985;22:152–6. [67] Taha MK, Alonso JM, Cafferkey M, Caugant DA, Clarke SC, Diggle
[43] Vann WF, Liu TY, Robbins JB. Bacillus pumilus polysaccharide cross- MA, et al. Interlaboratory comparison of PCR-based identifica-
reactive with meningococcal group A polysaccharide. Infect Immun tion and genogrouping of Neisseria meningitidis. J Clin Microbiol
1976;13:1654–62. 2005;43:144–9.
[44] Guirguis N, Schneerson R, Bax A, Egan W, Robbins JB, Shiloach [68] Parent du Chatelet I, Traore Y, Gessner BD, Antignac A, Naccro B,
J, et al. Escherichia coli K51 and K93 capsular polysaccharides are Njanpop-Lafourcade BM, et al. Bacterial meningitis in Burkina Faso:
crossreactive with the group A capsular polysaccharide of Neisse- surveillance using field-based polymerase chain reaction testing. Clin
ria meningitidis. Immunochemical, biological, and epidemiological Infect Dis 2005;40:17–25.
studies. J Exp Med 1985;162:1837–51. [69] Vazquez JA, Arreaza L, Block C, Ehrhard I, Gray SJ, Heuber-
[45] Thompson MJ, Ninis N, Perera R, Mayon-White R, Phillips C, Bailey ger S, et al. Interlaboratory comparison of agar dilution and Etest
L, et al. Clinical recognition of meningococcal disease in children and methods for determining the MICs of antibiotics used in management
adolescents. Lancet 2006;367:397–403. of Neisseria meningitidis infections. Antimicrob Agents Chemother
2003;47:3430–4.
[46] Inkelis SH, O’Leary D, Wang VJ, Malley R, Nicholson MK, Kupper-
[70] Antignac A, Kriz P, Tzanakaki G, Alonso JM, Taha MK. Polymor-
mann N. Extremity pain and refusal to walk in children with invasive
phism of Neisseria meningitidis penA gene associated with reduced
meningococcal disease. Pediatrics 2002;110(1Pt1):e3.
susceptibility to penicillin. J Antimicrob Chemother 2001;47:285–96.
[47] Mandl KD, Stack AM, Fleisher GR. Incidence of bacteremia in
[71] Taha MK, Thulin Hedberg S, Szatanik M, Hong E, Ruckly C, Abad
infants and children with fever and petechiae. J Pediatr 1997;131:
R, et al. Multicenter study for defining the breakpoint for rifampin
398–404.
resistance in Neisseria meningitidis by rpoB sequencing. Antimicrob
[48] Brogan PA, Raffles A. The management of fever and petechiae: making Agents Chemother 2010;54:3651–8.
sense of rash decisions. Arch Dis Child 2000;83:506–7. [72] Skoczynska A, Alonso JM, Taha MK. Ciprofloxacin resistance in Neis-
[49] Madhi F, Qutob D, Hau I. Prise en charge des infections invasives seria meningitidis, France. Emerg Infect Dis 2008;14:1322–3.
à méningocoques : diagnostic, traitement et mesures préventives. Mt [73] Strahilevitz J, Adler A, Smollan G, Temper V, Keller N, Block C.
Pediatrie 2010;13:135–43. Serogroup A Neisseria meningitidis with reduced susceptibility to
[50] Travis S, Wright EP, Innes EH. Primary meningococcal arthritis. J ciprofloxacin. Emerg Infect Dis 2008;14:1667–9.
Infect 1989;19:79–80. [74] Emergence of fluoroquinolone-resistant Neisseria meningitidis–
[51] Vienne P, Ducos-Galand M, Guiyoule A, Pires R, Giorgini D, Taha Minnesota and North Dakota, 2007-2008. MMWR Morb Mortal Wkly
MK, et al. The role of particular strains of Neisseria meningitidis in Rep 2008;57:173–5.
meningococcal arthritis, pericarditis, and pneumonia. Clin Infect Dis [75] Tunkel AR, Hartman BJ, Kaplan SL, Kaufman BA, Roos KL, Scheld
2003;37:1639–42. WM, et al. Practice guidelines for the management of bacterial menin-
[52] Herman RA, Rubin HA. Meningococcal pericarditis without meningi- gitis. Clin Infect Dis 2004;39:1267–84.
tis presenting as tamponade. N Engl J Med 1974;290:143–4. [76] Nathan N, Borel T, Djibo A, Evans D, Djibo S, Corty JF, et al. Cef-
[53] Whittle HC, Abdullahi MT, Fakunle FA, Greenwood BM, Bryceson triaxone as effective as long-acting chloramphenicol in short-course
AD, Parry EH, et al. Allertic complications of meningococcal disease. treatment of meningococcal meningitis during epidemics: a randomi-
I. Clinical aspects. Br Med J 1973;2:733–7. sed non-inferiority study. Lancet 2005;366:308–13.
[54] Greenwood BM, Whittle HC, Bryceson AD. Allergic complications [77] WHO. Standardized treatment of bacterial meningitis in Africa in
of meningococcal disease. II. Immunological investigations. Br Med J epidemic and non-epidemic situations. Geneva: World Health Orga-
1973;2:737–40. nisation; 2007.
[55] Tomezzoli S, Juárez Mdel V, Rossi SI, Lema DA, Barbaro CR, Fiorini [78] Baldwin CM, Lyseng-Williamson KA, Keam SJ. Meropenem: a review
S. Acute abdomen as initial manifestation of meningococcemia. Arch of its use in the treatment of serious bacterial infections. Drugs
Argent Pediatr 2008;106:260–3. 2008;68:803–38.
[56] Abousaesha F, Dogar GF, Young BJ, O’Hare J. Endophthalmi- [79] Pelkonen T, Roine I, Cruzeiro ML, Pitkaranta A, Kataja M, Peltola H.
tis as a presentation of meningococcal septicaemia. Ir J Med Sci Slow initial beta-lactam infusion and oral paracetamol to treat child-
1993;162:495–6. hood bacterial meningitis: a randomised, controlled trial. Lancet Infect
[57] Edwards MS, Baker CJ. Subdural empyema: an unusual complication Dis 2011;11:613–21.
of meningococcal meningitis. South Med J 1982;75:68–9. [80] Sande MA. Factors influencing the penetration and activity of antibio-
[58] Zhu Z, Atkinson TP, Hovanky KT, Boppana SB, Dai YL, Densen tics in experimental meningitis. J Infect 1981;3(suppl1):33–8.
P, et al. High prevalence of complement component C6 deficiency [81] Tauber MG, Sande MA. General principles of therapy of pyogenic
among African-Americans in the south-eastern USA. Clin Exp Immu- meningitis. Infect Dis Clin North Am 1990;4:661–76.
nol 2000;119:305–10. [82] Tunkel AR. Clinical trials report. Curr Infect Dis Rep 2001;3:347–51.

16 EMC - Maladies infectieuses


Infections à méningocoques  8-013-A-10

[83] Sinner SW, Tunkel AR. Antimicrobial agents in the treatment [93] Ajdukiewicz KM, Cartwright KE, Scarborough M, Mwambene JB,
of bacterial meningitis. Infect Dis Clin North Am 2004;18:581– Goodson P, Molyneux ME, et al. Glycerol adjuvant therapy in adults
602 [ix]. with bacterial meningitis in a high HIV seroprevalence setting in
[84] Société de Pathologie Infectieuse de Langue Française. 17e Malawi: a double-blind, randomised controlled trial. Lancet Infect Dis
Conférence de Consensus en Thérapeutique Anti-Infectieuse. In. 2011;11:293–300.
http://www.infectiologie.com/site/consensus recos.php ed; 2008. [94] Vogel U, Frosch M. Mechanisms of neisserial serum resistance. Mol
[85] Waage A, Halstensen A, Espevik T. Association between tumour necro- Microbiol 1999;32:1133–9.
sis factor in serum and fatal outcome in patients with meningococcal [95] Trotter CL, Andrews NJ, Kaczmarski EB, Miller E, Ramsay ME. Effec-
disease. Lancet 1987;1:355–7. tiveness of meningococcal serogroup C conjugate vaccine 4 years after
[86] de Gans J, van de Beek D. Dexamethasone in adults with bacterial introduction. Lancet 2004;364:365–7.
meningitis. N Engl J Med 2002;347:1549–56. [96] Deghmane AE, Parent du Chatelet I, Szatanik M, Hong E, Ruckly
[87] Nadel S, Goldstein B, Williams MD, Dalton H, Peters M, Macias WL, C, Giorgini D, et al. Emergence of new virulent Neisseria meningi-
et al. Drotrecogin alfa (activated) in children with severe sepsis: a tidis serogroup C sequence type 11 isolates in France. J Infect Dis
multicentre phase III randomised controlled trial. Lancet 2007;369: 2010;202:247–50.
836–43. [97] Perez-Trallero E, Vicente D, Montes M, Cisterna R. Positive effect of
[88] Fourrier F. Inhibiteurs de la coagulation et états infectieux graves. meningococcal C vaccination on serogroup replacement in Neisseria
Reanimation 2008;17:370–8. meningitidis. Lancet 2002;360:953.
[89] Cohen J. Non-antibiotic strategies for sepsis. Clin Microbiol Infect [98] Kshirsagar N, Mur N, Thatte U, Gogtay N, Viviani S, Preziosi MP, et al.
2009;15:302–7. Safety, immunogenicity, and antibody persistence of a new meningo-
[90] Wittebole X, Collienne C, Castanares-Zapatero D, Laterre PF. coccal group A conjugate vaccine in healthy Indian adults. Vaccine
Adjunctive therapies for severe sepsis. Int J Antimicrob Agents 2007;25(suppl1):A101–7.
2008;32(suppl1):S34–8. [99] Caron F, du Chatelet IP, Leroy JP, Ruckly C, Blanchard M, Bohic N,
[91] Kilpi T, Peltola H, Jauhiainen T, Kallio MJ, The Finnish Study Group. et al. From tailor-made to ready-to-wear meningococcal B vaccines:
Oral glycerol and intravenous dexamethasone in preventing neurolo- longitudinal study of a clonal meningococcal B outbreak. Lancet Infect
gic and audiologic sequelae of childhood bacterial meningitis. Pediatr Dis 2011;11:455–63.
Infect Dis J 1995;14:270–8. [100] Rappuoli R. Reverse vaccinology. Curr Opin Microbiol
[92] Peltola H, Roine I, Fernandez J, Gonzalez Mata A, Zavala I, Gon- 2000;3:445–50.
zalez Ayala S, et al. Hearing impairment in childhood bacterial [101] Instruction N◦ DGS/RI1/33 du 27 janvier 2011 relative à
meningitis is little relieved by dexamethasone or glycerol. Pediatrics la prophylaxie des infections invasives à méningocoque.
2010;125:e1–8. http://circulaire.legifrance.gouv.fr/pdf/2011/02/cir 32603.pdf.

M.-K. Taha (muhamed-kheir.taha@pasteur.fr).


Unité des infections bactériennes invasives, Centre national de référence des méningocoques, Institut Pasteur, 28, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris cedex
15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Taha MK. Infections à méningocoques. EMC - Maladies infectieuses 2012;9(3):1-17 [Article 8-013-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

EMC - Maladies infectieuses 17


 8-017-B-10

Coqueluche : physiopathologie, diagnostic


et prévention
N. Guiso

La coqueluche est une infection respiratoire bactérienne strictement humaine, gravissime pour les
nouveau-nés et parfois pour les personnes âgées et les femmes enceintes. Les agents de la maladie
sont les bactéries Bordetella pertussis et Bordetella parapertussis. Ces bactéries, qui sécrètent toxines et
adhésines, sont responsables des effets cytopathogènes locaux et systémiques observés lors de la maladie
tels que la destruction de l’épithélium respiratoire cilié et l’hyperlymphocytose. La vaccination intensive
des enfants avec des bactéries tuées a entraîné la diminution de la mortalité et de la morbidité dans la
plupart des pays développés. Cependant, la généralisation de la vaccination a aussi mis en évidence que
l’immunité naturelle tout comme l’immunité vaccinale est de durée limitée. Dans les populations vacci-
nées, un changement de transmission de la maladie a été observé, les adultes contaminent les nourrissons
non vaccinés, pour qui la maladie peut être mortelle. Grâce au développement de vaccins sous-unitaires
ne contenant que quelques protéines bactériennes purifiées et inactivées, des rappels vaccinaux pour
l’adolescent et l’adulte ont pu être introduits dans plusieurs pays européens, l’Australie et l’Amérique du
Nord. Avec une augmentation de la couverture vaccinale, un meilleur contrôle de la maladie devrait être
obtenu. La surveillance passe par l’utilisation de diagnostics biologiques spécifiques car la clinique peut
être atypique chez les adolescents et adultes anciennement vaccinés. Ces diagnostics sont en priorité la
culture, afin de suivre l’évolution des isolats sous pression vaccinale, et la polymerase chain reaction
en temps réel, diagnostic très sensible et rapide. Ces diagnostics sont remboursés. Ils permettent la mise
en place d’un traitement par macrolide, pour la personne infectée mais aussi pour son entourage, afin
d’arrêter la transmission de cette maladie très contagieuse.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Coqueluche ; Vaccins à germes entiers ; Vaccins sous-unitaires ;


Diagnostics biologiques de la coqueluche ; Adhésines ; Toxines ; PCR

Plan ■ Prévention et épidémiologie 6


■ Diagnostics 7
■ Historique de la maladie 1 Clinique 7
■ Bactériologie 2 Biologique 7
Caractères morphologiques et culturaux 2 ■ Traitement 8
Caractères biochimiques 2 Hospitalisation 8
Caractères génétiques 2 Antibiothérapie 8
Polymorphisme des isolats de Bordetella pertussis 2 Traitement des sujets contacts 8
■ Physiopathologie 3 Période d’éviction 8
Régulation de l’expression des facteurs de virulence des bordetelles 3 Conduite pratique du diagnostic 9
Acquisition du fer par les bordetelles 3
Pouvoir pathogène expérimental 3
Adhésion des bordetelles sur l’arbre respiratoire 3
Effets cytotoxiques des bordetelles
Échappement aux défenses de l’hôte
4
5
 Historique de la maladie
Synergie d’action des toxines et des adhésines des bordetelles 5
La première description de cette maladie a été rapportée par
Propriétés invasives des bordetelles 5
Guillaume de Baillou à la suite d’une épidémie qui eut lieu à
■ Immunité 5 Paris en 1578 [1] . Aux XVIe et XVIIe siècles, de nombreuses des-
Immunité naturelle 5 criptions d’épidémies en Europe ont été documentées, suggérant
Immunité humorale sérique 6 une expansion de la maladie [1] . La coqueluche est-elle vraiment
Immunité humorale locale 6 une maladie jeune ? L’absence de description dans la littérature
Immunité à médiation cellulaire 6 ancienne a suggéré que l’association de l’agent de la mala-
Immunité vaccinale 6 die, Bordetella pertussis, avec l’homme était récente. Cependant,

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 10 > n◦ 1 > février 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)60060-X
8-017-B-10  Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention

la diversité très limitée de la population bactérienne indique intermédiaires, les colonies sont brillantes et non hémolytiques.
que le pathogène est effectivement jeune mais a dû émerger En ce qui concerne B. parapertussis, quelle que soit la phase, il
d’un ancêtre commun ayant une association plus ancienne avec faut noter la sécrétion d’un pigment brun due à la présence d’une
l’homme [2] . L’accroissement de la population bactérienne a aussi tyrosinase.
pu faire émerger des bactéries plus virulentes à partir de bac-
téries qui circulaient antérieurement [3] . L’analyse des génomes
de bactéries appartenant à trois espèces du genre Bordetella sug- Caractères biochimiques
gère que l’espèce bactérienne animale, Bordetella bronchiseptica,
Les caractères biochimiques des bactéries du genre Bordetella
responsable d’infections respiratoires chez un grand nombre de
ne sont pas nombreux puisque ces bactéries n’ont pas d’activité
mammifères, se serait adaptée à l’homme pour donner les espèces
glucidolytique. Elles utilisent, en revanche, certains acides ami-
B. pertussis et Bordetella parapertussis, les deux agents de la coque-
nés comme source de carbone, tels que l’acide glutamique,
luche chez l’homme.
l’asparagine, l’alanine ou la sérine, ce qui donne une légère
L’étymologie du mot coqueluche est aussi inconnue.
alcalinisation des milieux. L’identification proprement dite des
Ce serait « cucullum », mot latin désignant le « capuchon »,
bordetelles est délicate, voire difficile, pour ceux qui sont peu
ou « coqueliner », c’est-à-dire chant du coq. On a aussi supposé
familiarisés avec ces bactéries. En effet, les caractères biochimiques
que le mot coqueluche pourrait trouver son origine dans le
qui servent à distinguer les espèces sont l’oxydase, la nitrate-
coquelicot car, aux XVIe et XVIIe siècles, on employait le sirop de
réductase, l’uréase et l’utilisation du citrate. L’aérobiose stricte
cette plante comme antitussif. Mais Goupil infirme cette étymo-
s’accompagne de la présence d’une catalase et d’une réaction à
logie car le pavot employé alors était le « papaver sommiferum »
l’oxydase positive, sauf pour B. parapertussis. B. bronchiseptica a une
et non le « papaver rhoeas » ou coquelicot ! [4]
activité nitrate-réductase, tandis que B. parapertussis a la capacité
C’est en 1900 que Jules Bordet identifia l’agent de la coqueluche
d’hydrolyser l’urée.
dans l’expectoration d’un enfant de 5 mois atteint de coqueluche,
mais n’arriva pas à l’isoler car il se heurta aux problèmes de fragilité
du germe. Il ne réussit à isoler la bactérie qu’en 1906 [5] , grâce à Caractères génétiques
la mise au point d’un milieu particulier contenant de l’amidon et
du sang défibriné de cheval, avec l’aide d’Octave Gengou (milieu Le génome d’un isolat de cinq espèces du genre Bordetella a été
Bordet-Gengou). réalisé [7] .
Il a ainsi pu être suggéré que B. pertussis et B. parapertussis
ont évolué séparément à partir d’un ancêtre commun qui serait
 Bactériologie B. bronchiseptica [2] . L’analyse des génomes séquencés des diffé-
rentes espèces de bordetelles montre que la taille du génome
de l’espèce se trouvant dans l’environnement (Bordetella petrii)
Les bactéries du genre Bordetella, en hommage à J. Bordet [5] ,
ou de l’espèce qui infecte plusieurs hôtes (B. bronchiseptica) est
sont des bactéries à Gram négatif de la famille des Alcaligenaceae.
plus grande que celle des isolats infectant strictement l’homme
Ce genre comprend maintenant neuf espèces dont B. pertussis et
(B. pertussis) ou celle qui infecte les oiseaux (B. avium) suggérant
B. parapertussis, les agents de la coqueluche.
fortement une adaptation à l’hôte, avec perte de matériel géné-
tique mais acquisition de gènes de virulence. Il y a plusieurs
Caractères morphologiques et culturaux exemples de bactéries devenues pathogènes pour l’homme au
moment du néolithique, et dans le chromosome desquelles des
Les bactéries du genre Bordetella sont de petits cocobacilles à éléments génétiques mobiles ou séquences d’insertion (IS) ont
Gram négatif. Ce sont des bactéries aérobies strictes ayant un été découverts [3] . Il s’avère que le nombre d’IS dans le génome
métabolisme respiratoire et dont la température optimale de crois- des isolats de B. pertussis est plus important que dans le génome
sance se situe entre 35 et 37 ◦ C. Les hydrates de carbone ne sont pas des isolats de B. bronchiseptica, tout comme le nombre de pseudo-
catabolisés par ces bactéries qui ont un besoin en nicotinamide, gènes.
en soufre et en azote (notamment sous forme d’acides aminés tel
l’acide glutamique). Les bordetelles sont généralement cultivées
sur le milieu mis au point par Bordet et Gengou. Ce milieu est éla- Polymorphisme des isolats de Bordetella
boré à partir d’infusion de pomme de terre avec 10 % de glycérol pertussis
et de la gélose dans lequel du sang défibriné de mouton ou de che-
val doit être ajouté. Un autre milieu dit « de Regan Lowe », a été L’hétérogénéité des isolats de B. pertussis a été décrite dès
mis au point à base de charbon, milieu qui doit aussi être enrichi l’isolement de cette bactérie [5] . Musser ne trouva, en 1986, qu’une
de sang. Le sang permet la neutralisation des divers inhibiteurs variation limitée en utilisant la technique de multilocus enzyme
de la croissance bactérienne comme les acides gras non saturés. electrophoresis” [8] , mais en 1987, Arico et al. montraient que la
Il a également l’avantage de permettre la visualisation du halo toxine de pertussis exprimée par la souche de référence Organisa-
d’hémolyse présent autour des colonies bactériennes sur milieu tion mondiale de la santé (OMS) était antigéniquement différente
de Bordet Gengou. de celle exprimée par d’autres isolats [9] . De très nombreuses
Sur milieu de Bordet Gengou, les colonies de B. pertussis appa- techniques de typage des bactéries ont été développées ensuite.
raissent entre trois et sept jours. Elles sont sphériques, d’environ Dès 1995, nous avons pu montrer que les isolats cliniques qui
0,2 mm de diamètre, luisantes, grisâtres, comparables à des goutte- circulaient en France étaient différents des souches vaccinales
lettes de mercure. Après trois à quatre jours d’incubation apparaît contenues dans le vaccin Ce [10] , qui avait été introduit en 1959. Ce
une zone d’hémolyse autour de la colonie. Ces bactéries sont dites résultat a été confirmé ensuite dans d’autres régions européennes,
« en phase I » car sécrétant de nombreux facteurs (cf. infra). Mais nord- et sud-américaines et australienne [11] . Ce polymorphisme
c’est avec B. pertussis que Bordet et Gengou apportent un exemple est très restreint mais le type des souches vaccinales qui était pré-
de la variabilité antigénique [5] . En effet, suivant les conditions de dominant pendant l’ère prévaccinale a été contrôlé 20 ans après
culture, la morphologie des colonies peut changer et les bacté- l’utilisation du vaccin Ce [11, 12] . Un autre type d’isolats circule
ries deviennent capables de croître sur milieu ordinaire. Or, les maintenant majoritairement. À l’opposé, dans un pays comme
immunsérums développés chez l’animal après vaccination avec le Sénégal, où la couverture vaccinale est très faible, les isolats cir-
la bactérie isolée sur milieu de Bordet-Gengou agglutinent cette culants sont semblables aux souches vaccinales et donc aux isolats
bactérie mais pas celle cultivée sur milieu ordinaire et vice versa. de l’ère prévaccinale dans les régions où la couverture vaccinale
Le phénomène a ensuite été détaillé par Leslie et Gardner. Ils est élevée [13] .
ont décrit quatre morphologies différentes : phases I à IV [6] . La Depuis 1995, les vaccins Ce ont été remplacés par des vaccins
phase IV correspond à des colonies grisâtres, mais non luisantes, sous-unitaires ou Ca ne contenant que des protéines bactériennes
non hémolytiques et n’agglutinant pas ou faiblement avec un purifiées et détoxifiées. Suite à la mise en évidence des IS dans
sérum antiphase I. Les phases II et III correspondent à des stades le génome de B. pertussis, nous avons émis l’hypothèse que

2 EMC - Maladies infectieuses


Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention  8-017-B-10

l’immunité vaccinale induite ciblant maintenant quelques pro- Acquisition du fer par les bordetelles
téines bactériennes, la circulation de bactéries n’exprimant pas
des antigènes vaccinaux, devrait être observée [14] . Il s’avère que Les bactéries pathogènes doivent, pour survivre, acquérir du
depuis 2005, c’est-à-dire sept ans après l’introduction des vaccins fer chez l’hôte qu’elles infectent. B. pertussis, B. parapertussis et
Ca en France, de tels isolats circulent [15–17] . En conclusion, il est B. bronchiseptica expriment plusieurs systèmes leur permettant
très important de poursuivre l’analyse génétique mais aussi pro- d’acquérir du fer [19] . Ces systèmes sont l’alcaligine, l’entérobactine
téomique des isolats qui circulent afin d’analyser leur évolution et l’utilisation des protéines de l’hème. Quand la concentration
et d’adapter les stratégies vaccinales. en fer est suffisante, l’expression de ces trois systèmes est inhibée
par le facteur de transcription Fur. Quand il y a carence de fer,
ces trois systèmes sont exprimés. Cependant, ces trois systèmes
peuvent aussi être régulés indépendamment [19] . Au tout début
 Physiopathologie de l’infection, la principale source de fer est la lactoferrine qui
se trouve en grande quantité dans le mucus. Ensuite au cours de
L’infection de l’hôte est initiée par le contact avec des sécrétions l’infection, quand l’épithélium est dégradé, les autres sources sont
d’un sujet infecté. Après l’inhalation de ces particules, les bactéries la transferrine et les protéines de l’hème. Grâce à ces différents sys-
entrent dans l’arbre respiratoire supérieur et adhèrent aux cellules tèmes, B. pertussis peut s’adapter très rapidement aux variations
trachéales ciliées. Là, elles doivent éviter l’action mécanique par des concentrations de fer tout au long de l’infection et continuer
les cellules ciliées, éviter la compétition avec la flore déjà en place à se multiplier. Le fer est ensuite internalisé à partir de récepteurs
dans l’appareil respiratoire et résister à l’immunité innée de l’hôte. situés à la surface de la bactérie et dont l’expression est dépendante
Pour ce faire, les bactéries sécrètent plusieurs protéines classifiées de la protéine Ton-B.
en adhésines et en toxines. L’expression de ces protéines est coor-
donnée, ce qui permet à la bactérie de persister et de se multiplier.
L’infection induit une maladie unique par ses manifestations et la Pouvoir pathogène expérimental
durée de ses symptômes.
Des modèles murins ont été mis au point au départ pour stan-
dardiser la production de vaccins Ce et essayer de déterminer leur
efficacité vaccinale. Les souris peuvent être infectées, soit par voie
Régulation de l’expression des facteurs intracérébrale (IC), soit par aérosols (AE) soit par voie intranasale
de virulence des bordetelles (IN). Une corrélation entre les résultats d’efficacité obtenus avec
le modèle murin IC de Kendrick [20] et ceux obtenus lors d’essais
Dès l’isolement de B. pertussis, Bordet et Gengou ont mis en cliniques [21] a été observée. Ce modèle IC a donc été choisi par
évidence que l’expression des protéines à la surface de la bactérie l’OMS pour mesurer l’efficacité des vaccins Ce, et continue d’être
pouvait varier par repiquages successifs [5] . Cette variation appelée utilisé. Cependant, les modèles IN et AE ont été reconsidérés car :
ensuite modulation antigénique par Leslie et Gardner [6] a depuis • le modèle IC ne reproduit pas les symptômes cliniques observés
été bien caractérisée et elle est sous la dépendance d’un système lors de la maladie humaine et est très difficile à réaliser ;
de régulation à deux composants : le système BvgASR [18] . Depuis, • les modèles IN et AE reproduisent une grande partie des symp-
un autre système a été mis en évidence, le système RisAS [18] . tômes observés lors de la maladie humaine. En effet, on observe
une sensibilité à la maladie en fonction de l’âge de l’animal,
une hyperlymphocytose, une destruction des cellules ciliées de
Système BvgASR
l’appareil respiratoire, une infection limitée à l’appareil respira-
Ce système de régulation est composé de deux protéines, BvgA toire, le développement d’une immunité à médiation humorale
qui est une protéine de 23 kDa qui se fixe sur l’acide désoxy- et à médiation cellulaire. Cependant, ni la toux, ni la trans-
ribonucléique de la bactérie, et BvgS qui est une protéine de mission ne peuvent être reproduites dans ces modèles car les
135 kDa qui comprend un domaine périplasmique, une région souris sont incapables de tousser, ne possédant pas le muscle
linker, une région transmetteur et une région receveur. Ce sys- leur permettant de le faire, à la différence du rat.
tème, au moins dans des conditions de laboratoire, est apte à Le modèle AE nécessite cependant un équipement très par-
réguler l’expression des facteurs de virulence de la bactérie sous ticulier et est moins reproductible que le modèle IN qui ne
influence des conditions environnementales telles la température, nécessite qu’une pipette calibrée. C’est avec ce modèle que, main-
l’addition de sulfates dans le milieu de culture ou d’acide nicoti- tenant, l’immunité conférée par différents vaccins vis-à-vis de
nique. Lorsque tous les facteurs sont exprimés, la bactérie est dite différents variants a été et va continuer à être analysée, tout
« virulente » et en phase I ou Bvg + et les gènes codant les facteurs comme la reproductibilité des lots de vaccins mis sur le marché [22]
de virulence exprimés dits gènes « vag » pour vir activated genes. (www.who.int/biologicals/en/).
Mais pendant la phase I, le système BvgAS active aussi l’expression
d’un répresseur R qui inhibe l’expression de gène dits « vrg » pour
vir repressed genes. La phase IV ou phase Bvg- correspond à une bac- Adhésion des bordetelles sur l’arbre
térie avirulente n’exprimant plus les gènes vag mais qui expriment
des gènes vrg. Les phases II et III sont des phases intermédiaires respiratoire
où seule une partie des facteurs de virulence est exprimée [18] . Les principales adhésines exprimées par B. pertussis, B. para-
À la suite de nombreuses recherches, on sait maintenant que pertussis et B. bronchiseptica sont les protéines fimbriales ou Fim,
ces phases correspondent soit à une variation de phase, soit à l’hémagglutinine filamenteuse FHA, et la Pertactine ou P.69 (PRN).
une modulation de phase. La variation de phase s’observe à une
fréquence d’environ 10−6 pour B. pertussis et est quasiment irré-
versible. Il s’agit souvent de mutations inactivant les protéines Protéines fimbriales
régulatrices, BvgS ou BvgA. La modulation se traduit par le même Deux protéines fimbriales, exprimées par B. pertussis, ont été
phénotype mais est réversible. Il s’agit, en effet, de l’inactivation caractérisés : Fim 2 et Fim 3. Elles sont sécrétées à la surface de
de la protéine BvgS en fonction des conditions environnemen- la bactérie. Ce sont des polymères formés de la même sous-unité,
tales. soit Fim 2, soit Fim 3. Elles ont à leur extrémité la même sous-
unité Fim D. Les deux protéines chaperons Fim B et Fim C, et Fim
D, assurent la formation des protéines fimbriales et leur sécré-
Système RisAS tion. Ces protéines ont un rôle dans l’adhésion des bactéries sur
Ce système, mis en évidence dans le génome de l’espèce les sucres sulfatés se trouvant dans l’appareil respiratoire et sur
B. bronchiseptica, régulerait l’expression de gènes requise pour la l’intégrine VLA-5 exprimée par les cellules phagocytaires [23] . Les
persistance intracellulaire de cette espèce [18] . Chez B. pertussis, le protéines fimbriales induisent la synthèse d’anticorps spécifiques
gène risA est fonctionnel mais pas le gène risS. lors de l’infection ou de la vaccination.

EMC - Maladies infectieuses 3


8-017-B-10  Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention

Hémagglutinine filamenteuse l’hypothèse actuelle serait que la PT ne serait pas une adhésine
mais faciliterait l’action des autres adhésines en modulant les
La FHA, codée par le gène fhaB, est une protéine sécrétée par
réponses immunes [27] .
B. pertussis, B. parapertussis et B. bronchiseptica. Le gène fhaB code
une protéine de 367 kDa, mais seul un fragment de 232 kDa est
excrété et peut être purifié. Sa sécrétion est réalisée par un système Effets cytotoxiques des bordetelles
de sécrétion (SS) de type V two-partner secretion (TPS) et une pro-
téase, SphB1 [23] . Après la protéolyse, la FHA clivée reste associée Comme souvent, les toxines exprimées par les bactéries du
à la membrane bactérienne via une association faible avec FHA genre Bordetella ont été mises en évidence en fonction des activités
C. La FHA possède deux régions contenant des répétitions diffé- biologiques observées au cours de l’infection.
rentes et imparfaites de 19 acides aminés, appelées R1 et R2 [23] .
Le nombre de R1 et R2 varierait entre les espèces mais aussi à Toxine cytotrachéale (TCT)
l’intérieur des espèces. La FHA possède au moins quatre sites de
fixation aux cellules de mammifères : un motif RGD qui lui permet Cette toxine est un muramylpeptide, fragment du peptido-
de se fixer sur les monocytes et les macrophages et probablement glycane constitutivement sécrété par B. pertussis, B. parapertussis
sur les leucocytes via le récepteur du complément de type 3 (CR3) ; et B. bronchiseptica. Il agit sur l’épithélium respiratoire en détrui-
un motif CRD qui lui permet de se fixer sur les carbohydrates sant le mécanisme de clairance ciliaire et en empêchant de façon
des cellules épithéliales ciliées et les macrophages ; un motif de durable sa réparation [30] . La TCT induit la synthèse d’IL-1 qui
type lectine qui lui permet de se fixer sur l’héparine et autres induit la synthèse de la nitric oxide synthetase et donc la synthèse
carbohydrates sulfatés des cellules épithéliales non ciliées [23] . Il de monoxyde d’azote (NO) provoquant la paralysie des cellules
a été montré que la FHA, en se fixant sur les macrophages, inhi- ciliées et leur régénération. Cette action de la TCT se fait en syner-
berait la synthèse de la cytokine pro-inflammatoire interleukine gie avec le lipopolysaccharide (LPS) [30] .
12 (IL-12) via un mécanisme IL-10-dépendant. Mais, par ailleurs,
une autre étude montre que la FHA pourrait induire des réponses Toxine de Bordetella pertussis
pro-inflammatoires et proapoptotiques après interaction avec Après fixation du domaine B de cette toxine sur la cellule
des monocytes humains ou des cellules épithéliales bronchiques eucaryote, la sous-unité S1 va pénétrer dans la cellule. Cette
humaines [23] . Enfin, les activités d’adhésine de la FHA seraient sous-unité S1, possédant une activité adénosine diphosphate
déterminées par ses interactions avec l’adénylcyclase-hémolysine (ADP)-ribosyltransférase, va inactiver les protéines G impliquées
(AC-Hly) [24] . dans les mécanismes de régulation cellulaire, en particulier celle
La FHA induit des taux élevés d’anticorps après infection et régulant l’activité de l’adénylcyclase eucaryote [31] . La PT a tou-
vaccination. jours été considérée comme responsable de tous les symptômes
de la maladie. Cependant, malgré un très grand nombre de tra-
Pertactine ou P.69 vaux, le rôle exact de cette toxine durant la maladie, à part
l’hyperleucocytose, n’est pas réellement connu. Par ailleurs, la
La PRN est un autotransporteur, c’est-à-dire une protéine qui
PT n’a pas de rôle dans l’apparition de la toux typique de la
assure son propre transport à la surface de la bactérie et la
coqueluche puisque B. parapertussis, bactérie aussi responsable de
protéolyse de son domaine carboxyterminal. Elle est sécrétée
coqueluche, ne synthétise pas cette toxine et provoque une toux
à la surface de B. pertussis, B. parapertussis et B. bronchiseptica.
qui est indifférenciable de celle provoquée par B. pertussis.
B. pertussis exprime une protéine de 60,5 kDa migrant anorma-
La PT induit la synthèse d’anticorps après infection et vaccina-
lement sur gel comme une protéine de 69 kDa, B. parapertussis
tion.
une protéine de 68 kDa et B. bronchiseptica une protéine de 70 kDa.
Les PRN diffèrent au niveau du nombre de régions riches en pro-
line [23] . Adénylcyclase-hémolysine
La PRN possède un motif RGD et a un rôle important dans Cette protéine est une toxine de type « repeats in toxins » (RTX),
l’adhésion de la bactérie aux cellules phagocytaires mais son sécrétée par B. pertussis, B. parapertussis et B. bronchiseptica. Elle
expression est délétère pour l’entrée de B. pertussis dans les cel- possède, outre une activité hémolytique et une activité invasive
lules épithéliales [25] . Elle serait le récepteur d’un bactériophage qui sont calcium-dépendantes, une activité adénylcyclase acti-
chez B. bronchiseptica [23] . La PRN contient deux régions immu- vable par la calmoduline, protéine eucaryote [27] . Cependant, pour
nodominantes 1 et 2 [26] . Le polymorphisme de la PRN exprimée être invasive, elle doit subir une modification post-traductionnelle
par les isolats cliniques se situe dans la région 1 pour celle expri- qui est l’addition de résidus palmitoyl au niveau des résidus lysine
mée par B. pertussis et dans la région 2 pour celle exprimée par 983 et 863. Cette protéine est sécrétée par un SS de type I.
B. bronchiseptica [26] . L’AC-Hly est responsable de la mort cellulaire par apoptose des
Elle induit la synthèse d’anticorps aussi bien après infection macrophages alvéolaires mis en contact avec B. pertussis [32] . Ce
qu’après vaccination. phénomène, mis en évidence in vitro, a été observé in vivo grâce à
un modèle murin d’infection respiratoire et dans certaines condi-
Toxine de Bordetella pertussis (PT) tions de culture des bactéries uniquement [33] . Son récepteur sur
les macrophages est l’intégrine CD11B/CD18 ou CR3 [34] . Cette
Cette protéine exprimée uniquement par B. pertussis et donc entrée est suivie par le clivage de la protéine qui libère le domaine
spécifique de cette espèce est une toxine de type A-B sécrétée par adénylcyclase dans la cellule. Ce domaine fixe alors la calmodu-
un SS de type IV [27] . Les gènes de structure et de sécrétion de cette line intracellulaire et ensuite l’adénosine triphosphate (ATP) et
toxine sont cotranscrits [28] et sont présents chez B. parapertussis produit des quantités importantes d’adénosine monophosphate
et B. bronchiseptica mais ne sont pas exprimés. Cette toxine a un cyclique (AMPc), ce qui induit l’apoptose des cellules [32] . L’AC-
rôle d’adhésine pour B. pertussis. La partie B, composée de cinq Hly est aussi apte à former des pores dans la membrane cellulaire
sous-unités (S2, S3, 2 × S4 et S5), se fixe spécifiquement sur les cel- et donc à lyser les globules rouges (activité hémolytique). Cette
lules eucaryotes et permet ainsi l’entrée de la partie A, composée activité nécessiterait une dimérisation à la différence de l’activité
d’une seule sous-unité appelée S1 [27] . En raison de l’homologie de invasive [27] .
certains motifs situés sur les sous-unités S2 et S3 de la partie B
avec les sélectines P et E des cellules endothéliales eucaryotes, il
a été suggéré que la PT se fixerait sur les lymphocytes circulants
« Bordetella transport effector A » (BteA)
qui ne pourraient alors plus se fixer sur les cellules endothéliales Cette protéine [35] est l’effecteur du SS de type III. Elle passe direc-
et ne migreraient donc plus vers le site de l’inflammation. Ce tement du cytoplasme de la bactérie au cytoplasme de la cellule
phénomène serait à l’origine de la leucocytose observée lors de hôte [36] et agirait indirectement en induisant une mort cellulaire
la maladie [29] . De plus, en se fixant sur les leucocytes, la par- non apoptotique [35] par un mécanisme encore inconnu à l’heure
tie B de la PT induirait l’activation du CR3 sur lequel se fixerait actuelle. Cette protéine ainsi que le SS de type III sont exprimés
la FHA. Cependant, ces hypothèses n’ont pas été confirmées et par B. bronchiseptica. BteA serait exprimée par B. pertussis mais

4 EMC - Maladies infectieuses


Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention  8-017-B-10

pas tous les gènes du SS de type III et il n’est donc pas démon- de la fibronectine, VLA-5 et Fim D, ce qui ensuite permettrait
tré qu’elle soit fonctionnelle lors d’une infection par B. pertussis. la fixation de la FHA sur l’intégrine CR3 [47, 48] . Parallèle-
Elle n’est pas exprimée par B. parapertussis (N. Hegerle et N. Guiso, ment, la PT a un effet inhibiteur sur les cellules productrices
communication personnelle). d’anticorps, ce qui inhiberait la phagocytose via les anti-
corps [27] .
Lipopolysaccharide En conséquence, la phagocytose des bactéries via CR3 serait
avantageuse pour la bactérie tandis que la phagocytose via les
Le LPS, présent chez la plupart des bactéries à Gram négatif,
récepteurs FcR et les anticorps faciliterait son élimination.
comprend le lipide A, l’oligosaccharide et un long polysaccha-
• B. pertussis exprime aussi une AC-Hly qui lui permet d’échapper
ride appelé antigène O. La structure du LPS de B. pertussis est
à la phagocytose en provoquant l’apoptose des phagocytes aussi
originale car elle manque d’antigène O, à la différence de B.
bien in vitro qu’in vivo [32–34, 49] . Cette action se fait par l’entrée
parapertussis et B. bronchiseptica qui en possèdent un. Le LPS
de l’AC-Hly par macropynocytose [50] .
des bordetelles a une faible toxicité mais une activité adju-
vante. La fraction oligosaccharidique est mitogène et induit la
synthèse d’IL-1 par les monocytes humains [37] . B. pertussis et Synergie d’action des toxines
B. parapertussis auraient modifié leur lipide A afin de moduler
leur interaction avec le récepteur toll-like (TLR4) et d’induire des et des adhésines des bordetelles
infections sévères et non persistantes, ceci à la différence de
B. pertussis, B. parapertussis et B. bronchiseptica sont des patho-
B. bronchiseptica [38] .
gènes respiratoires qui expriment plusieurs protéines ayant un
rôle important dans la pathogénicité de ces bactéries. La FHA, la
Échappement aux défenses de l’hôte PRN et les protéines fimbriales sont les adhésines majeures per-
mettant à B. pertussis de se fixer sur les récepteurs des cellules
Dès son entrée chez l’hôte, B. pertussis entre en contact avec les épithéliales de l’hôte tandis que la PT, l’AC-Hly, BteA et la TCT en
cellules de l’épithélium respiratoire, les macrophages alvéolaires synergie avec le LPS indirectement contribuent aussi à l’adhésion.
et les cellules dentritiques. Ensuite la bactérie sera en contact avec Suite à l’infection, il y a destruction et non-régénération des cel-
les lymphocytes B et T qui vont avoir en charge l’élimination du lules épithéliales ciliées par la TCT et le LPS, ce qui empêche
pathogène avec induction d’une immunité protectrice. B. pertus- l’élimination de la bactérie de l’appareil respiratoire. L’incapacité
sis a donc élaboré des stratégies pour échapper à l’action de ces de l’hôte à éliminer le mucus de l’appareil respiratoire, due à
défenseurs de l’hôte afin d’améliorer ses chances de survie chez l’absence de cellules ciliées fonctionnelles, entraîne cette toux
l’hôte et ensuite sa transmission à un autre hôte : caractéristique observée pendant la maladie. Les adhésines (FHA,
• les sentinelles que sont les macrophages alvéolaires sont aptes PRN, FIM, PT) et toxines (TCT, PT, AC-Hly) interagissent entre
à reconnaître des constituants du pathogène grâce à des TLR, elles, ce qui illustre bien la complexité des mécanismes d’adhésion
des cytosolic nucleotide-binding oligomerization domain (NOD)-like et de pathogénicité bactériens. Ces toxines et adhésines recon-
receptors (NODLR), des C-type lectins receptors et des retinoic acid- naissent des récepteurs sur les cellules de l’hôte (PT, FHA, FIM,
inducible gene-I-like receptors. Le lipide A de B. pertussis active PRN) ou se lient avec des protéines de leur hôte (AC-Hly). Cette
le TLR4, bien que moins efficacement que le lipide A typique fixation sur des récepteurs cellulaires est due à l’homologie avec
des bactéries entériques, par exemple [39] . Afin d’échapper aux des protéines de l’hôte telles la fibronectine (FHA, PRN), les sélec-
défenses de l’hôte, B. pertussis pourrait modifier la structure de tines (PT) et la calmoduline (AC-Hly). La régulation de l’expression
son lipide A en fonction des conditions qu’elle rencontre dans des toxines et des adhésines par le système Bvg est indispensable
l’appareil respiratoire en substituant les groupements phos- à l’infection chez les mammifères.
phates par de la glucosamine, comme cela a été montré in
vitro [40] ;
• le trisaccharide du LPS de B. pertussis empêche la fixation des Propriétés invasives des bordetelles
protéines du surfactant A et D et protège ainsi la bactérie de la
phagocytose [41] ; De nombreuses études ont montré que les bordetelles ont des
• il n’y a pas que le LPS qui se lie à TLR4, il y aurait aussi la PT qui se propriétés invasives et que plusieurs protéines ont un rôle dans
lierait aussi au TLR2 [42] . La PT empêcherait la reconnaissance du ce processus. La FHA est indispensable à l’entrée dans les cel-
LPS par le TLR4 et ainsi l’activation des récepteurs de l’immunité lules mais l’AC-Hly et la PRN (indirectement en interagissant avec
innée ; l’AC-Hly) inhiberaient l’entrée dans les cellules [25] . Cependant,
• la colonisation des surfaces de l’appareil respiratoire par B. les bactéries une fois entrées dans les cellules ne se multiplient
pertussis induit un recrutement de cellules immunes. Généra- pas [25] .
lement, ces cellules sont les neutrophiles puis les macrophages,
les cellules dentritiques et les lymphocytes [43] . La PT et la TCT
affectent le recrutement des neutrophiles et lymphocytes [27, 44] ,  Immunité
ce qui retarde la phagocytose des bactéries et donc permet leur
persistance ; Immunité naturelle
• la phagocytose de B. pertussis se fait selon deux mécanismes, soit
direct par la reconnaissance de protéines de surface bactérienne, Il est maintenant connu que l’immunité infectieuse ne dure pas
soit indirect par l’intermédiaire d’anticorps qui permettent toute la vie [51] . L’identification de corrélat de protection vis-à-vis
la reconnaissance d’opsonines (anticorps et composants du d’une infection à B. pertussis a été un des enjeux des nombreux
complément) ; essais cliniques qui se sont déroulés au moment du développe-
◦ l’opsonisation des bactéries in vitro via les IgA est médiée par ment des vaccins acellulaires. Lors de ces essais cliniques, il a
le récepteur CD89 et l’opsonisation via les IgG est médiée pu être montré que l’incidence d’une coqueluche sévère est plus
par les récepteurs CD32 et CD16 [45, 46] . Un autre argument faible chez les enfants possédant un taux élevé d’anticorps anti-PT,
important en faveur du rôle des anticorps dans l’élimination PRN et FIM [52] . Cependant, que ce soit dans les modèles murins
de la bactérie provient de l’étude récente d’Andreasen et ou lors de ces essais cliniques, il n’a jamais été possible de cor-
Carbonetti [27] . Ces auteurs ont montré que la déplétion des réler la protection à une réponse immune quantifiable vis-à-vis
neutrophiles chez des souris avant infection n’a aucun effet d’un antigène bactérien comme dans le cas de certaines infections
sur la colonisation de l’appareil respiratoire par les bactéries. virales, telles la poliomyélite ou les hépatites, ou bactériennes, tels
En revanche, des souris neutropéniques vaccinées n’arrivent la diphtérie ou le tétanos, suggérant l’intervention d’un autre type
pas à éliminer les bactéries après infection aussi bien que des de réponse immune. Il est clair que l’immunité anticoquelucheuse
souris normales vaccinées, est beaucoup plus complexe. Ce n’est pas très surprenant depuis
◦ la fixation de la bactérie sur les monocytes, macrophages et la mise en évidence des nombreux facteurs qui sont nécessaires à
neutrophiles et ensuite son entrée se feraient via le récepteur B. pertussis pour être pathogène.

EMC - Maladies infectieuses 5


8-017-B-10  Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention

Immunité humorale sérique de l’infection dans le modèle murin. Cependant, sous l’effet des
actions combinées de la FHA, de l’AC-Hly et du LPS, l’expression
Après infection, des anticorps spécifiques des adhésines et des de la cytokine IL-10 serait induite, ce qui inhiberait la réponse
toxines sécrétées par B. pertussis sont détectés dans le sérum des immune de type T.
patients. Les premières observations ont montré que des agglu-
tinines, ou anticorps agglutinant les bactéries, sont synthétisées
suite à une infection à B. pertussis. Parmi les agglutinogènes indui-
sant la synthèse d’agglutinines, Fim 2, Fim 3 et la PRN ont été
Immunité vaccinale
caractérisés. Une corrélation ayant été décrite entre la présence Les vaccins Ce et Ca sont immunogènes et induisent des taux
d’agglutinines et la protection chez l’enfant [21] , il a été décidé que d’anticorps élevés vis-à-vis des antigènes qu’ils contiennent. Les
tous les vaccins à germes entiers doivent contenir un mélange de taux d’anticorps anti-PT, FHA, PRN et Fim sont plus élevés après
souches exprimant Fim 2 et Fim 3 ou une souche exprimant à la vaccination avec des vaccins Ca qu’avec des vaccins Ce. Mais quel
fois les deux protéines fimbriales. que soit le type de vaccin, les anticorps disparaissent vite après
Après infection, des anticorps sériques anti-PT, FHA, AC-Hly, vaccination [55, 62] . Les vaccins Ce induisent une immunité de type
PRN sont également détectés [53] . Les anticorps les plus souvent Th1. En ce qui concerne les vaccins Ca, les résultats varient suivant
recherchés sont les anticorps anti-PT car ils sont spécifiques les études. Ils induisent soit une immunité de type Th1, soit une
des infections à B. pertussis alors que les anticorps anti-FHA, immunité mixte de type Th1/Th2 [52] .
anti-PRN et anti-AC-Hly sont spécifiques soit des infections à
B. pertussis, soit à B. parapertussis, soit à B. bronchiseptica. Les
anticorps anti-AC-Hly semblent apparaître plus précocement
que les autres anticorps [54] . Les anticorps anti-PT sont généra-  Prévention et épidémiologie
lement de type immunoglobuline G1 (IgG1 ) et IgG3 et sont
majoritairement dirigés contre la sous-unité S1 de la PT [52] . Les Deux types de vaccins coquelucheux existent maintenant, des
anticorps anti-PT synthétisés après l’infection disparaissent en vaccins Ce composés de suspensions bactériennes inactivées par
quelques mois mais les autres anticorps peuvent persister plus la chaleur et des vaccins Ca composés de protéines bactériennes
longtemps [55] . purifiées et inactivées.
Les vaccins Ce ont été utilisés en routine pendant plus de 50 ans
dans certains pays pour la vaccination des nourrissons et jeunes
Immunité humorale locale enfants. Ils peuvent s’avérer très efficaces et la France en est un
très bon exemple [63–65] . Mais d’une part, leur fabrication est dif-
L’infection naturelle par B. pertussis induit une réponse muco-
ficile de façon reproductible et d’autre part, ils sont mal tolérés,
sale spécifique vis-à-vis des antigènes de la bactérie. En particulier,
empêchant leur emploi de façon répétée. De plus, leur efficacité
des IgA anti-FHA sont détectés dans des sécrétions nasales de
et leur tolérance varient grandement d’un producteur à l’autre,
patients convalescents [56] .
rendant impossible toute généralisation des résultats obtenus [66] .
Pour l’ensemble de ces raisons, l’épidémiologie varie suivant les
Immunité à médiation cellulaire régions où les enfants ont été vaccinés avec des vaccins Ce. Les
différences entre les vaccins Ce et leur mauvaise tolérance ont
La présence d’un taux important d’anticorps après infec- conduit au développement des vaccins Ca.
tion indique que l’immunité à médiation humorale joue un Au cours d’essais ayant eu lieu dans différents pays (Allemagne,
rôle important dans les mécanismes de défense de l’organisme Italie, Sénégal, Suède), il a pu être montré que les vaccins Ca sont
vis-à-vis de B. pertussis ; cependant, les anticorps maternels ne efficaces et mieux tolérés par les nourrissons [66] . Les deux objectifs
protègent pas le nourrisson contre une infection à B. pertus- majeurs ont donc été obtenus.
sis [57] ; il n’existe pas de corrélation entre le taux d’anticorps L’épidémiologie est variable suivant les régions en raison du
sérique et la protection [51] ; des patients positifs au virus de vaccin utilisé mais aussi, du calendrier vaccinal et de la couver-
l’immunodéficience humaine (VIH+), qui possèdent des fonc- ture vaccinale. Dans les populations non vaccinées, l’incidence
tions cellulaires TCD4+ déficientes, sont sensibles aux infections à de la maladie est très élevée, tout comme la circulation du germe.
B. pertussis [58] . Les enfants ont généralement la maladie quand ils se retrouvent
Pour comprendre ce phénomène, plusieurs équipes de cher- en collectivité vers 4 à 5 ans et les adultes ayant des contacts natu-
cheurs ont analysé le profil de cytokines produites par les cellules rels tout au long de leur vie sont généralement immuns. Dans
immunocompétentes, soit de souris infectées, soit d’individus les populations où les jeunes enfants sont vaccinés avec un vac-
infectés. Il a été montré que des souris dépourvues de cel- cin efficace et une couverture élevée, on observe une vingtaine
lules T (souris nudes) développent une infection chronique à d’années après l’introduction de la vaccination chez les nourris-
B. pertussis [52] . Lorsque, avant l’infection, ces souris subissent sons et les très jeunes enfants une très forte diminution de la
un transfert de cellules T CD4+ de souris convalescentes, morbidité et de la mortalité. Dans ces populations, les enfants
une élimination totale des bactéries est observée quelques entre 2 et 8 à 10 ans sont protégés car vaccinés mais il y a une
semaines après l’infection. Les auteurs concluent que l’immunité augmentation du nombre d’adolescents et d’adultes infectés en
à médiation cellulaire joue un rôle important dans la guéri- l’absence de rappels vaccinal ou naturel [67, 68] . Ces adolescents et
son d’une infection primaire et dans la protection contre les jeunes adultes contaminent les nourrissons non ou incomplète-
réinfections [52] . ment vaccinés. Ce changement de transmission de la maladie est
Chez l’homme, tous les clones de cellules T de donneurs ayant principalement dû à la baisse de l’immunité vaccinale au cours du
eu la coqueluche dans leur enfance sont de phénotype CD4+ et temps [68] . Grâce au développement de vaccin Ca pour les enfants
reconnaissent spécifiquement soit la bactérie entière, soit les anti- mais aussi pour les adultes, des rappels vaccinaux ont pu être
gènes de B. pertussis (PT, FHA, PRN) lorsqu’ils sont présentés par introduits. La France a été le premier pays à introduire un rappel
des cellules B autologues [52] . Les cellules T spécifiques de la PT, la adolescent en 1998 [69] puis pour tous les adultes en contact avec
FHA, la PRN ont un profil de cytokines spécifiques des cellules T des nourrissons en 2004 [70] et enfin pour tous les adultes n’ayant
de type Th1. En effet, elles sécrètent de l’interféron gamma (INF pas eu de rappel depuis plus de 10 ans en 2008 [71] . La surveillance
gamma) et de l’IL-2 mais des niveaux indétectables d’IL-4 et d’IL- hospitalière qui est en place en France depuis 1996 permet de
5 après stimulation par les antigènes [52] . Plus récemment, il a été déterminer l’incidence de la maladie chez les moins de 2 mois
montré que la génération de cellules Th17 corrèle aussi avec la (de 200 cas/100 000 en moyenne car il ne faut pas oublier que la
protection [59] . Cette génération de cellules Th17 est due à l’action maladie est cyclique) et de suivre l’impact des recommandations
de la FHA et de l’AC-Hly qui inhibent l’expression d’un inhibiteur vaccinales avec le temps (site de l’Institut de veille sanitaire [InVS]
de l’expansion de ces cellules, l’IL-12 [59–61] . pour les données coqueluche). On observe, depuis l’addition des
En conclusion, il semblerait que l’induction d’une immunité rappels vaccinaux, une augmentation de l’âge des contaminateurs
Th1/Th17 serait essentielle pour induire une protection vis-à-vis de 21,6 ans de 1996 à 1998 à 28,7 ans de 2007 à 2010.

6 EMC - Maladies infectieuses


Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention  8-017-B-10

Le programme européen EUVac.net, initié en 1998 et financé n’est pas possible de dire à l’heure actuelle si la coqueluche est
par la communauté européenne, montre qu’entre 2003 et 2007, à l’origine de l’asthme ou si elle ne fait que révéler un terrain
43 482 cas de coqueluche ont été déclarés dans 20 pays euro- sous-jacent.
péens [68] . Une nette augmentation de l’âge des sujets est notée. Les complications neurologiques peuvent aussi s’observer chez
L’incidence de 4 pour 100 000 est certainement plus élevée en le nourrisson. On décrit des convulsions dans environ 3 % des cas
réalité, comme l’ont montré les études françaises [67, 72] en rai- et des états de mal convulsif avec encéphalopathies dans 0,1 %
son des carences de la surveillance aussi bien clinique que des cas chez des nourrissons âgés de moins de 1 an. La plupart
biologique. des complications neurologiques seraient en fait secondaires à
l’hypoxie et les à-coups d’hypertension entraînés par les accès
violents de toux du nourrisson.
 Diagnostics
Adolescents et adultes anciennement vaccinés
La coqueluche est une infection bactérienne, de l’arbre res- ou infectés
piratoire, peu ou pas fébrile, d’évolution longue et hautement La durée de protection après maladie naturelle est estimée à
contagieuse. La contamination se fait par voie respiratoire, par environ 12 à 15 ans [68] . L’immunité protectrice induite après vac-
l’intermédiaire de gouttelettes de pflugge émises au cours de la cination est également de durée limitée et variable selon les types
toux par un sujet malade. de vaccin. La durée de protection serait d’au moins six ans après
le dernier rappel.
Ainsi, l’infection va se traduire par des tableaux de gravité
Clinique extrêmement variables, allant de la forme typique sus-décrite à
L’expression clinique est variable selon l’âge des sujets, le sta- une toux banale et parfois de courte durée [68] . La toux peut ne
tut infectieux ou vaccinal et éventuellement les co-infections. À recouvrir aucun des caractères typiques du chant du coq et c’est
la différence de l’ère prévaccinale, une clinique atypique peut être seulement au cours d’une enquête étiologique d’une toux de plus
observée, en particulier chez les adolescents et les adultes. Il a de sept jours qu’il faut penser à la coqueluche – au même titre
été montré que chez les adultes, l’infection peut être asymptoma- que l’asthme, le reflux gastro-œsophagien ou la sinusite chro-
tique [73] . nique. La notion d’un contage dans l’entourage moins de 15 jours
auparavant oriente évidemment le diagnostic vers une origine
infectieuse. Chez l’adulte, la formule sanguine ne présente que
Sujets non vaccinés rarement une hyperlymphocytose et n’aide que peu au diagnos-
Succède à l’incubation comprise entre 10 et 20 jours une phase tic. La radiographie thoracique est le plus souvent normale mais
catarrhale qui est assimilée à une banale infection des voies indispensable à réaliser dans le contexte d’une toux chronique
aériennes supérieures, avec rhinorrhée, éternuements, injection pour envisager les diagnostics différentiels de la coqueluche. Elle
conjonctivale et toux modérée. Pendant cette période de cinq peut parfois révéler des complications du caractère chronique de
à dix jours, le sujet est contagieux. La fièvre est généralement la toux telles des fractures de côtes.
absente ou modérée ne dépassant pas 38,5 ◦ C. Ensuite, après La coqueluche de l’adulte est une maladie le plus souvent
cette phase catarrhale apparaît la phase des quintes. À la diffé- méconnue et dont le diagnostic devrait être évoqué devant toute
rence de la rhinopharyngite banale, la toux va progressivement toux sans cause évidente, persistante, sans fièvre, avec recrudes-
se transformer pour devenir insistante émétisante, cyanosante, à cence nocturne et insomniante [68] .
prédominance nocturne et devenir caractéristique par sa survenue
de quintes. La quinte consiste en la survenue paroxystique d’accès
violents de toux sans respiration efficace pendant 1 minute, Biologique
entraînant une turgescence du visage avec rougeur conjonctivale. Culture
La quinte peut durer 1 minute et les dernières secousses libèrent
parfois une expectoration muqueuse et sont suivies par la reprise C’est la méthode de choix actuelle pour identifier la bac-
inspiratoire qui annonce la fin de la quinte. Elle est sonore, res- térie chez un sujet malade. La technique de prélèvement est
semble au chant du coq, souvent marquée par un vomissement l’aspiration nasopharyngée sur tube sec stérile à l’aide d’une
et laisse le sujet exténué. Entre les quintes, le sujet n’a pas de sonde molle. En cas d’impossibilité, l’écouvillonnage nasal
symptômes. La contagiosité diminue rapidement dès les premières avec un tampon d’alginate de calcium peut aussi être utilisé
quintes. Elles augmentent pendant 10 à 15 jours et peuvent durer (www.pasteur.fr/pasteur/film cnr/prelev.swf). La culture doit être
de trois à quatre semaines. Ensuite, il y a une phase de conva- entreprise dans les deux à trois premières semaines de toux. Sa
lescence qui dure pendant plusieurs semaines pendant laquelle sensibilité est de 50 à 60 % dans la première semaine de toux
les quintes deviennent moins sévères et moins fréquentes, puis mais diminue très rapidement ensuite. La culture doit être mainte-
disparaissent. Mais la toux peut parfois durer de deux à trois nue afin d’analyser l’évolution des isolats circulants par le Centre
mois. national de référence (CNR). Les prélèvements doivent être ache-
Le nourrisson, de moins de 6 mois non vacciné, fait des formes minés dans les 2 heures au laboratoire pour être ensemencés sur le
sévères dues à son jeune âge. Les vomissements peuvent compro- milieu adéquat et très frais car les bordetelles, B. pertussis en parti-
mettre l’alimentation et peuvent induire une malnutrition ou une culier, sont des germes très fragiles. L’isolement dure entre quatre
déshydratation. À cet âge, le chant du coq est absent, les quintes et huit jours. Ce diagnostic est remboursé en France.
sont mal tolérées et peuvent s’accompagner d’accès de cyanose,
d’apnée et de bradycardies profondes. La forme clinique décrite « Polymerase chain reaction »
comme coqueluche maligne se traduit par une détresse respira- Cette technique a l’avantage d’être beaucoup plus rapide et plus
toire suivie d’une défaillance polyviscérale accompagnée d’une sensible que la culture (elle peut se pratiquer jusqu’à trois à quatre
lymphocytose majeure. semaines après le début des quintes). Elle est réalisée à partir des
Les complications demeurent fréquentes et redoutables dans les mêmes prélèvements biologiques que pour la culture. Cependant,
pays en voie de développement. Elles touchent surtout le jeune dans le cas de la PCR, le prélèvement peut être conservé jusqu’à
nourrisson malnutri, qui présente des surinfections bronchopul- 24 heures à température ambiante ou alors congelé jusqu’au
monaires, dont l’évolution est souvent létale à cet âge. À l’opposé, moment de la réalisation du test. Le diagnostic actuellement
les complications sont devenues beaucoup plus rares dans les pays utilisé est un diagnostic qui reconnaît plusieurs espèces de borde-
industrialisés en raison de l’amélioration des conditions de vie et telles. Deux tests existent, basés sur l’amplification de séquences
d’hygiène. En revanche, l’infection à B. pertussis pourrait provo- d’insertion (481 et 1001). Ces cibles ont été choisies car elles
quer les lésions épithéliales décrites (cf. supra) et faciliter ainsi existent en multiples copies sur le chromosome de B. pertussis,
la sensibilisation du patient à de multiples allergènes. Suite à la B. holmesii et quelquefois B. bronchiseptica pour l’IS 481, et sur
coqueluche, une maladie asthmatique peut se développer mais il le chromosome de B. parapertussis et quelquefois B. bronchiseptica

EMC - Maladies infectieuses 7


8-017-B-10  Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention

pour l’IS 1001, rendant le diagnostic très sensible. Le diagnostic Si les antibiotiques sont prescrits au moment de la phase des
Bordetella par PCR est réalisé par de nombreux laboratoires et des quintes (ce qui est la règle pour le cas index), ils ne diminuent pas
kits commerciaux validés existent [74] . Ce diagnostic est remboursé les symptômes et ne peuvent modifier le cours de la maladie. Au
en France. contraire, s’ils sont prescrits pendant la phase asymptomatique
Cependant, ce diagnostic n’est pas spécifique de la coqueluche ou la phase catarrhale, ils modifient l’évolution clinique. En cas
due à B. pertussis ou B. parapertussis, comme souligné précédem- d’intolérance aux macrolides, le cotrimoxazole peut être utilisé.
ment. Il a longtemps été considéré que la détection de B. holmesii
ne posait pas de problème car cette bactérie était responsable de
bactériémies. Or, récemment, il a été montré que la détection de Traitement des sujets contacts
matériel génétique portant l’IS 481 chez des adolescents et des
En plus de l’isolement des sujets malades, le traitement pro-
adultes pouvait correspondre non pas à B. pertussis mais à B. holme-
phylactique des sujets contacts par cinq jours de macrolides est
sii [75] . On ne sait pas à l’heure actuelle si B. holmesii est une bactérie
actuellement la seule prophylaxie recommandée pour l’entourage
opportuniste ou un réel pathogène à l’origine aussi d’infections
d’un sujet malade et contagieux (c’est-à-dire dans les trois pre-
respiratoires donnant lieu à un syndrome coqueluchoïde. En cas
mières semaines de toux). L’efficacité de ce traitement est liée à
de positivité de la PCR chez des sujets récemment vaccinés, il est
la précocité de sa mise en œuvre et à sa diffusion la plus étendue
donc important de vérifier s’il s’agit réellement d’une coqueluche.
possible aux sujets concernés, en particulier les nourrissons non
Pour ce faire, des PCR spécifiques de B. pertussis et de B. holmesii
vaccinés et les personnes âgées.
ont été développées ; cependant, elles sont moins sensibles car
elles ont pour cible un gène n’existant qu’en une seule copie sur
le chromosome. Le CNR peut réaliser ces tests sur demande.

Sérologie
“ Point fort
La sérologie est précieuse pour rendre le diagnostic au cas où la
culture serait défaillante. Les taux d’anticorps maintenant mesu- Conduite à tenir devant un patient atteint d’un
rés en routine sont ceux dirigés contre la PT. Ces taux sont mesurés syndrome coqueluchoïde.
par la technique immunoenzymatique (enzyme-linked immuno- En pratique : il est important de penser à la coqueluche
sorbent assay [Elisa]). L’infection à B. pertussis est confirmée si des devant un patient dont la toux évolue depuis plus de sept
anticorps anti-PT sont détectés dans le sérum d’un sujet non vac- jours, en l’absence d’une autre étiologie et devant les élé-
ciné. En revanche, si le sujet a été vacciné, la sérologie ne pouvant ments suivants :
faire la différence entre anticorps infectieux et vaccinaux, il est • toux insomniante à recrudescence nocturne avec reprise
inutile de la pratiquer à moins de 1 an de la vaccination [62] . inspiratoire difficile ;
Il est inutile de pratiquer une sérologie à un nourrisson de moins • chant du coq ;
de 6 mois en raison des premières vaccinations ou de la présence
• vomissements ;
des anticorps maternels. Cependant, au moment de son hospita-
lisation, on peut comparer le titre en anticorps de la mère à celui • cyanose, voire apnées ;
de son sérum pré-partum, qui est conservé par les laboratoires • notion de contage avec un cas confirmé biologique-
d’analyse 1 an. Ceci doit être réalisé, que la mère soit sympto- ment, avec une durée d’incubation compatible (7 à 21 j) ;
matique ou asymptomatique. L’infection est confirmée s’il y a • rappel vaccinal datant de plus de dix ans.
variation du taux d’anticorps entre les sérums pré- et post-partum.
Actuellement, la technique Elisa n’est réalisée que par le CNR car
il n’existe pas de kits commerciaux validés.

 Traitement “ Points essentiels


Hospitalisation • La coqueluche est une maladie respiratoire humaine très
Tout nourrisson de moins de 6 mois doit être impérativement contagieuse.
hospitalisé car une surveillance de tous les instants s’impose • Elle peut toucher l’homme à n’importe quel âge et on
tant est grand le risque de quintes asphyxiantes et d’apnée. Les peut avoir la maladie plusieurs fois au cours de sa vie.
techniques de réanimation peuvent être justifiées, en particu- • Elle est due à une bactérie extracellulaire, Bordetella per-
lier la ventilation artificielle en cas d’hypoxie profonde. La durée tussis, sécrétant toxines et adhésines.
d’hospitalisation varie avec l’âge du nourrisson. Entre 8 et 10 % • Le moyen de prévention est un vaccin sous-unitaire
des nourrissons nécessitent une hospitalisation en unité de soins composé de protéines bactériennes inactivées.
intensifs. • La vaccination consiste en une primo-vaccination à 2 à
3 à 4 mois, un rappel à 16 à 18 mois, à 11 à 13 ans et un à
Antibiothérapie l’âge adulte à l’occasion du rappel décennal à 27 à 28 ans,
ou pour tout adulte n’ayant pas reçu de rappel vaccinal
Les macrolides constituent une arme très efficace pour le depuis dix ans.
contrôle de la maladie et un complément à la vaccination. B. per- • La confirmation biologique par culture ou PCR sur pré-
tussis et B. parapertussis sont sensibles à de nombreuses familles
d’antibiotiques in vitro et les macrolides sont les antibiotiques de lèvement nasopharyngé est très importante afin de traiter
choix, en particulier la clarithromycine et l’azithromycine. rapidement les cas contacts du sujet infecté et arrêter la
Les recommandations sont les suivantes (Haut Conseil de la transmission.
santé publique [76] ) :
• azithromycine à la posologie de 20 mg/kg/j en une seule prise
journalière (sans dépasser la posologie adulte de 500 mg/j),
pendant 3 jours chez l’enfant ; 500 mg/j en une seule prise jour- Période d’éviction
nalière, pendant 3 jours chez l’adulte ;
• clarithromycine à la dose de 15 mg/kg/j pendant 7 jours à répar- En pratique, il est souhaitable d’exclure les cas tant que le diag-
tir en deux prises journalières (jusqu’à un maximum de 500 mg nostic n’aura pas été infirmé et en cas de confirmation, tant que
deux fois par jour) chez l’enfant ; 500 à 1000 mg/j pendant le malade n’a pas reçu cinq jours de traitement antibiotique (3 j si
7 jours en deux prises journalières chez l’adulte. le malade est traité avec l’azithromycine).

8 EMC - Maladies infectieuses


Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention  8-017-B-10

Conduite pratique du diagnostic [17] Hegerle N, Paris AS, Brun D, Dore G, Njamkepo E, Guillot S, et al.
Evolution of French Bordetella pertussis and Bordetella parapertussis iso-
Cas index lates: increase of bordetellae not expressing pertactin. Clin Microbiol Infect
2012;18:E340–6.
En pratique clinique, le diagnostic doit être posé le plus rapide- [18] Stibitz S. The Bvg regulon. In: Camille Locht INSERM U629, Institut
ment possible afin de prendre les mesures thérapeutiques urgentes Pasteur de Lille F, editors. Bordetella: molecular microbiology. France:
chez les sujets à risque (tels les nourrissons, les personnes âgées, les Horizon Bioscience; 2007. p. 47–67.
enfants non vaccinés), les isoler afin de limiter la contagiosité et [19] Brickman TJ, Armstrong SK. Temporal signaling and diffe-
traiter les cas contacts afin de stopper la transmission. Devant un rential expression of Bordetella iron transport systems: the
patient suspect de coqueluche, les critères retenus sont une toux role of ferrimones and positive regulators. Biometals 2009;22:
inhabituelle qui survient en quintes, à prédominance nocturne, 33–41.
[20] Kendrick PL, Eldering G, Dixon MK, Misner J. Mouse protection
sans fièvre et qui dure plus de sept jours. Le diagnostic de certitude
tests in the study of pertussis vaccine. Am J Public Health 1947;37:
passe par la biologie. 803–10.
[21] Standfast AF. Some factors influencing the virulence for mice of Bordetella
Enquête autour du cas index pertussis by the intracerebral route. Immunology 1958;2:123–34.
Dans tous les cas, une enquête doit être menée autour du cas [22] Guiso N, Capiau C, Carletti G, Poolman J, Hausser P. Intranasal murine
model of Bordetella pertussis infection. I. Prediction of protection in human
index pour dépister les contaminateurs et les cas secondaires
infants by acellular vaccines. Vaccine 1999;17:2366–76.
car la maladie est très contagieuse. En effet, la transmission par [23] Jacob-Dubuisson F, Locht C. The Bordetella adhesins. In: Camille Locht
voie aérienne est essentiellement intrafamiliale ou au sein d’une INSERM U629, Institut Pasteur de Lille, editors. Bordetella: molecular
collectivité. Cette enquête permet au clinicien de conforter son microbiology. Norfolk, United Kingdom: Horizon Bioscience; 2007. p.
diagnostic clinique en établissant un contact antérieur dans un 69–95.
délai compatible d’incubation (minimum 10 j) entre le contami- [24] Zaretzky FR, Gray MC, Hewlett EL. Mechanism of association of adenylate
nateur et le cas index. Elle permet aussi de confirmer le diagnostic cyclase toxin with the surface of Bordetella pertussis: a role for toxin-
par culture ou PCR sur les sujets contacts qui sont encore en filamentous haemagglutinin interaction. Mol Microbiol 2002;45:1589–98.
phase catarrhale. Enfin, l’enquête dans l’entourage des cas per- [25] Bassinet L, Gueirard P, Maitre B, Housset B, Gounon P, Guiso N. Role
of adhesins and toxins in invasion of human tracheal epithelial cells by
met la mise en œuvre de la prévention des cas secondaires, en les
Bordetella pertussis. Infect Immun 2000;68:1934–41.
traitant rapidement pour éviter la propagation de la maladie. Le [26] Boursaux-Eude C, Guiso N. Polymorphism of the repeated regions of
risque de contamination doit être considéré comme d’autant plus pertactin in Bordetella pertussis, Bordetella parapertussis and Bordetella
important que l’exposition vis-à-vis des sécrétions est prolongée, bronchiseptica. Infect Immun 2000;68:4815–7.
répétée et ceci dans une enceinte fermée de petite taille. [27] Carbonetti NH. Pertussis toxin and adenylate cyclase toxin: key virulence
La confirmation biologique est indispensable et repose sur la factors of Bordetella pertussis and cell biology tools. Future Microbiol
culture et la PCR pour les sujets toussant depuis moins de 21 jours 2010;5:455–69.
et pour les cas secondaires qu’ils ont contaminés si le sujet index [28] Verma A, Cheung AM, Burns DL. Stabilization of the pertussis toxin secre-
tousse depuis plus de 21 jours [76] . tion apparatus by the C terminus of PtlD. J Bacteriol 2008;190:7285–90.
[29] Saukkonen K, Burnette WN, Mar VL, Masure HR, Tuomanen EI. Pertus-
sis toxin has eukaryotic-like carbohydrate recognition domains. Proc Natl

 Références
Acad Sci USA 1992;89:118–22.
[30] Flak TA, Heiss LN, Engle JT, Goldman WE. Synergistic epithelial res-
ponses to endotoxin and a naturally occurring muramyl peptide. Infect
[1] Lapin JH. Whooping cough. Springfield, IL: CC Thomas; 1943. Immun 2000;68:1235–42.
[2] Diavatopoulos DA, Cummings CA, Schouls LM, Brinig MM, Relman DA, [31] Hewlett EL, Donato GM. Bordetella toxins. In: Camille Locht INSERM
Mooi FR. Bordetella pertussis, the causative agent of whooping cough, U629, Institut Pasteur de Lille F, editors. Bordetella: molecular microbio-
evolved from a distinct, human-associated lineage of B. bronchiseptica. logy. Norfolk, United Kingdom: Horizon Bioscience; 2007. p. 97–118.
PLoS Pathog 2005;1:373–83. [32] Khelef N, Zychlinsky A, Guiso N. Bordetella pertussis induces apopto-
[3] Mira JP, Charpentier J. Can genetics guide or modify the management of sis in macrophages: role of adenylate cyclase-hemolysin. Infect Immun
severe sepsis? Ann Fr Anesth Reanim 2003;22(Suppl. 1):48–52. 1993;61:4064–71.
[4] Goupil JM. L’histoire de la coqueluche [Thèse pour le doctorat en médecine [33] Gueirard P, Druilhe A, Pretolani M, Guiso N. Role of adeny-
1818, n◦ 261]. Paris, 1976. late cyclase-hemolysin in alveolar macrophage apoptosis during
[5] Bordet J, Gengou O. Le microbe de la coqueluche. Ann Inst Pasteur Bordetella pertussis infection in vivo. Infect Immun 1998;66:
1906;20:731–41. 1718–25.
[6] Leslie PH, Gardner AD. The phases of Haemophilus pertussis. J Hyg Camb [34] Guermonprez P, Khelef N, Blouin E, Rieu P, Ricciardi-Castagnoli P, Guiso
1931;31:423–34. N, et al. The adenylate cyclase toxin of Bordetella pertussis binds to
[7] Parkhill J, Sebaihia M, Preston A, Murphy LD, Thomson N, Harris DE, target cells via the alpha(M)beta(2) integrin (CD11b/CD18). J Exp Med
et al. Comparative analysis of the genome sequences of Bordetella per- 2001;193:1035–44.
tussis, Bordetella parapertussis and Bordetella bronchiseptica. Nat Genet [35] Panina EM, Mattoo S, Griffith N, Kozak NA, Yuk MH, Miller JF. A genome-
2003;35:32–40. wide screen identifies a Bordetella type III secretion effector and candidate
[8] Musser JM, Hewlett EL, Peppler MS, Selander RK. Genetic diversity and effectors in other species. Mol Microbiol 2005;58:267–79.
relationships in populations of Bordetella spp. J Bacteriol 1986;166:230–7. [36] French CT, Panina EM, Yeh SH, Griffith N, Arambula DG, Miller JF. The
[9] Arico B, Gross R, Smida J, Rappuoli R. Evolutionary relationships in the Bordetella type III secretion system effector BteA contains a conserved
genus Bordetella. Mol Microbiol 1987;1:301–8. N-terminal motif that guides bacterial virulence factors to lipid rafts. Cell
[10] Guiso N. Isolation, identification and characterization of Bordetella per- Microbiol 2009;11:1735–49.
tussis. Dev Biol Standard 1997;89:233–8. [37] Caroff M, Karibian D, Cavaillon JM, Haeffner-Cavaillon N. Structural
[11] Mooi FR, He Q, Guiso N. Phylogeny, evolution, and epidemiology of bor- and functional analyses of bacterial lipopolysaccharides. Microb Infect
detellae. In: Camille Locht INSERM U629, Institut Pasteur de Lille F, 2002;4:915–26.
editors. Bordetella: molecular microbiology. Norfolk, United Kingdom: [38] Preston A, Temple L, Sebaihia M, Parkhill J, Maskell DJ. Specification in
Horizon Bioscience; 2007. p. 17–45. the genus Bordetella as deduced from comparative genome analyses. In:
[12] Caro V, Bouchez V, Guiso N. Is the sequenced Bordetella pertussis strain Camille Locht INSERM U629, Institut Pasteur de Lille, editors. Bordetella:
Tohama I representative of the species? J Clin Microbiol 2008;46:2125–8. molecular microbiology. Norfolk, United Kingdom: Horizon Bioscience;
[13] Njamkepo E, Cantinelli T, Guigon G, Guiso N. Genomic analysis and com- 2007. p. 1–15.
parison of Bordetella pertussis isolates circulating in low and high vaccine [39] Fedele G, Nasso M, Spensieri F, Palazzo R, Frasca L, Watanabe M,
coverage areas. Microbes Infect 2008;10:1582–6. et al. Lipopolysaccharides from Bordetella pertussis and Bordetella
[14] Guiso N. Bordetella pertussis and pertussis vaccines. Clin Infect Dis parapertussis differently modulate human dendritic cell functions resul-
2009;49:1565–9. ting in divergent prevalence of Th17-polarized responses. J Immunol
[15] Bouchez V, Brun D, Cantinelli T, Dore G, Njamkepo E, Guiso N. First 2008;181:208–16.
report and detailed characterization of B. pertussis isolates not expressing [40] Marr N, Hajjar AM, Shah NR, Novikov A, Yam CS, Caroff M, et al.
pertussis toxin or pertactin. Vaccine 2009;27:6034–41. Substitution of the Bordetella pertussis lipid A phosphate groups with
[16] Bouchez V, Caro V, Levillain E, Guigon G, Guiso N. Genomic content glucosamine is required for robust NF-kappaB activation and release of
of Bordetella pertussis clinical isolates circulating in areas of intensive proinflammatory cytokines in cells expressing human but not murine Toll-
children vaccination. PLoS ONE 2008;3:e2437. like receptor 4-MD-2-CD14. Infect Immun 2010;78:2060–9.

EMC - Maladies infectieuses 9


8-017-B-10  Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention

[41] Schaeffer LM, McCormack FX, Wu H, Weiss AA. Bordetella pertussis [60] Hickey FB, Brereton CF, Mills KH. Adenylate cycalse toxin of Bordetella
lipopolysaccharide resists the bactericidal effects of pulmonary surfactant pertussis inhibits TLR-induced IRF-1 and IRF-8 activation and IL-12 pro-
protein A. J Immunol 2004;173:1959–65. duction and enhances IL-10 through MAPK activation in dendritic cells. J
[42] Fedele G, Spensieri F, Palazzo R, Nasso M, Cheung GY, Coote JG, Leukoc Biol 2008;84:234–43.
et al. Bordetella pertussis commits human dendritic cells to promote a [61] McGuirk P, Mills KH. Direct anti-inflammatory effect of a bacterial
Th1/Th17 response through the activity of adenylate cyclase toxin and virulence factor: IL-10-dependent suppression of IL-12 production by
MAPK-pathways. PLoS ONE 2010;5:e8734. filamentous hemagglutinin from Bordetella pertussis. Eur J Immunol
[43] Khelef N, Bachelet CM, Vargaftig BB, Guiso N. Characterization of murine 2000;30:415–22.
lung inflammation after infection with parental Bordetella pertussis and [62] Guiso N, Berbers G, Fry NK, He Q, Riffelmann M, Wirsing von Konig
mutants deficient in adhesins or toxins. Infect Immun 1994;62:2893–900 CH. What to do and what not to do in serological diagnosis of pertussis:
[published erratum appears in Infect Immun 1994;62:5707]. recommendations from EU reference laboratories. Eur J Clin Microbiol
[44] Cundell DR, Kanthakumar K, Taylor GW, Goldman WE, Flak T, Cole Infect Dis 2010;30:307–12.
PJ, et al. Effect of tracheal cytotoxin from Bordetella pertussis on human [63] Baron S, Njamkepo E, Grimprel E, Begue P, Desenclos JC, Drucker J,
neutrophil function in vitro. Infect Immun 1994;62:639–43. et al. Epidemiology of pertussis in French hospitals in 1993 and 1994:
[45] Hellwig SM, van Spriel AB, Schellekens JF, Mooi FR, van De Winkel thirty years after a routine use of vaccination. Pediatr Infect Dis J 1998;17:
JG. Immunoglobulin A-mediated protection against Bordetella pertussis 412–8.
infection. Infect Immun 2001;69:4846–50. [64] Njamkepo E, Rimlinger F, Thiberge S, Guiso N. Thirty-five years’ expe-
[46] Rodriguez ME, Hellwig SM, Hozbor DF, Leusen J, van der Pol WL, van de rience with the whole-cell pertussis vaccine in France: vaccine strains
Winkel JG. Fc receptor-mediated immunity against Bordetella pertussis. J analysis and immunogenicity. Vaccine 2002;20:1290–4.
Immunol 2001;167:6545–51. [65] Simondon F, Preziosi MP, Yam A, Kane CT, Chabirand L, Iteman I, et al.
[47] Hazenbos WL, van den Berg BM, Geuijen CW, Mooi FR, van Furth R. A randomized double-blind trial comparing a two-component acellular to
Binding of FimD on Bordetella pertussis to very late antigen-5 on mono- a whole-cell pertussis vaccine in Senegal. Vaccine 1997;15:1606–12.
cytes activates complement receptor type 3 via protein tyrosine kinases. J [66] Edwards KM, Decker MD. Pertussis vaccine. Vaccines 2004;21:471–528.
Immunol 1995;155:3972–8. [67] Gilberg S, Njamkepo E, Du Chatelet IP, Partouche H, Gueirard P, Ghasaros-
[48] Mobberley-Schuman PS, Weiss AA. Influence of CR3 (CD11b/CD18) sian C, et al. Evidence of Bordetella pertussis infection in adults presenting
expression on phagocytosis of Bordetella pertussis by human neutrophils. with persistent cough in a French area with very high whole-cell vaccine
Infect Immun 2005;73:7317–23. coverage. J Infect Dis 2002;186:415–8.
[49] Weingart CL, Mobberley-Schuman PS, Hewlett EL, Gray MC, Weiss AA. [68] Zepp F, Heininger U, Mertsola J, Bernatowska E, Guiso N, Roord J, et al.
Neutralizing antibodies to adenylate cyclase toxin promote phagocytosis of Rationale for pertussis booster vaccination throughout life in Europe. Lan-
Bordetella pertussis by human neutrophils. Infect Immun 2000;68:7152–5. cet Infect Dis 2011;11:557–70.
[50] Khelef N, Gounon P, Guiso N. Internalization of Bordetella pertussis adeny- [69] Anonymous. RENACOQ : surveillance de la coqueluche à l’hôpital en
late cyclase-haemolysin into endocytic vesicles contributes to macrophage 1997. Avis du Haut Conseil de la santé publique. Bull Epidemiol Hebd
cytotoxicity. Cell Microbiol 2001;3:721–30. 1998;(no 50):215–7.
[51] Wendelboe AM, Van Rie A, Salmaso S, Englund JA. Duration of immunity [70] Anonymous. Calendrier vaccinal 2004. Avis du Haut Conseil de la santé
against pertussis after natural infection or vaccination. Pediatr Infect Dis J publique. Bull Epidemiol Hebd 2004;(no 28–29):121–32.
2005;24(suppl5):S58–61. [71] Anonymous. Calendrier vaccinal 2008. Avis du Haut Conseil de la santé
[52] Mills KH. Immunity to Bordetella pertussis. Microb Infect 2001;3:655–77. publique. Bull Epidemiol Hebd 2008;(no 16–17):1–20.
[53] Cattaneo LA, Reed GW, Haase DH, Wills MJ, Edwards KM. The seroe- [72] Lasserre A, Laurent E, Turbelin C, Hanslik T, Blanchon T, Guiso N.
pidemiology of Bordetella pertussis infections: a study of persons ages Pertussis incidence among adolescents and adults surveyed in general prac-
1–65 years. J Infect Dis 1996;173:1256–9. tices in the Paris area, France, May 2008 to March 2009. Euro Surveill
[54] Guiso N, Grimprel E, Anjak I, Begue P. Western blot analysis of antibody 2011;16.pii:19783.
responses of young infants to pertussis infection. Eur J Clin Microbiol [73] Wendelboe AM, Njamkepo E, Bourillon A, Floret DD, Gaudelus J, Gerber
Infect Dis 1993;12:596–600. M, et al. Transmission of Bordetella pertussis to young infants. Pediatr
[55] Grimprel E, Begue P, Anjak I, Njamkepo E, François P, Guiso N. Long- Infect Dis J 2007;26:293–9.
term human serum antibody responses after immunization with whole-cell [74] Lanotte P, Plouzeau C, Burucoa C, Grelaud C, Guillot S, Guiso N, et al. Eva-
pertussis vaccine in France. Clin Diagn Lab Immunol 1996;3:93–7. luation of four commercial real-time PCR assays for detection of Bordetella
[56] Seddon PC, Novotny P, Hart CA, Smith CS. Systemic and mucosal antibody spp. in nasopharyngeal aspirates. J Clin Microbiol 2011;49:3943–6.
response to Bordetella pertussis antigens in children with whooping cough. [75] Njamkepo E, Bonacorsi S, Debruyne M, Gibaud SA, Guillot S, Guiso
Serodiagn Immunother Infect Dis 1989;3:337–43. N. Significant finding of Bordetella holmesii DNA in nasopharyngeal
[57] Bass JW, Zacher LL. Do newborn infants have passive immunity to pertus- samples from French patients with suspected pertussis. J Clin Microbiol
sis? Pediatr Infect Dis J 1989;8:352–3. 2011;49:4347–8.
[58] Bromberg K, Tannis G, Steiner P. Detection of Bordetella pertussis [76] www.hcsp.fr/docspdf/avisrapports/hcspr20080905 coqueluche.pdf.
associated with the alveolar macrophages of children with human immu-
nodeficiency virus infection. Infect Immun 1991;59:4715–9.
[59] Dunne A, Ross PJ, Pospisilova E, Masin J, Meaney A, Sutton CE, et al. Pour en savoir plus
Inflammasome activation by adenylate cyclase toxin directs Th17 responses
and protection against Bordetella pertussis. J Immunol 2010;185:1711–9. Institut Pasteur : www.pasteur.fr/cnr/coqueluche.

N. Guiso (nicole.guiso@pasteur.fr).
Unité prévention et thérapie moléculaires des maladies humaines, Centre national de la coqueluche et autres bordetelloses, CNRS URA-3012, Institut Pasteur,
25, rue du Docteur-Roux, 75724 Paris cedex 15, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Guiso N. Coqueluche : physiopathologie, diagnostic et prévention. EMC - Maladies infectieuses
2013;10(1):1-10 [Article 8-017-B-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

10 EMC - Maladies infectieuses


¶ 8-017-R-10

Listériose
M. Morillon, E. Garnotel

L’agent de la listériose est une bactérie, Listeria monocytogenes, très répandue dans l’environnement
naturel. Elle est responsable d’infection des animaux, notamment des animaux domestiques et de
l’homme. Fréquemment retrouvée dans les denrées alimentaires, la bactérie a développé des propriétés
qui lui permettent de survivre même dans la chaîne de traitement industriel des aliments. C’est pourquoi
l’ingestion de cette bactérie est un événement fréquent. Sans conséquence la plupart du temps, l’infection
peut se transformer en maladie lorsque l’inoculum est important et lorsque les défenses immunitaires sont
amoindries. La bactérie montre alors sa capacité à se multiplier dans les cellules de l’hôte et à se propager
de cellule à cellule. Ceci lui permet de franchir les barrières hémoméningée et fœtoplacentaire. Ainsi, les
manifestations cliniques les plus graves de la listériose sont des méningites et méningoencéphalites, et des
infections néonatales. Malgré la sensibilité de la bactérie aux antibiotiques, ces infections
s’accompagnent toujours d’un taux de mortalité élevé, de l’ordre de 30 %. Un effort particulier est donc
fait sur la prévention qui implique à la fois les autorités sanitaires, l’industrie alimentaire, la distribution et
les consommateurs. L’incidence de la listériose en France a considérablement diminué grâce aux mesures
prises depuis une dizaine d’années.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Listeria monocytogenes ; Méningoencéphalite ;


Infection néonatale par Listeria monocytogenes ; Facteurs de virulence de Listeria monocytogenes ;
Sécurité alimentaire

Plan ■ Introduction
¶ Introduction 1 Listeria monocytogenes est l’espèce bactérienne responsable de
¶ Agent pathogène 2 l’immense majorité des cas de listériose humaine. Cette infec-
Bactérie de l’environnement et des animaux 2 tion d’origine alimentaire peut se manifester sous forme
Une grande adaptabilité 2 sporadique mais aussi sous forme épidémique, principalement
¶ Épidémiologie 2 dans les pays où la production alimentaire est industrielle. En
raison de mesures de contrôle mises en place, l’incidence
¶ Physiopathologie 3
annuelle est en diminution, atteignant actuellement environ
Parasitisme intracellulaire 3
200 cas par an en France. Il s’agit d’une infection grave, y
Étapes de l’invasion 4
compris chez l’adulte immunocompétent chez lequel elle se
Réponse immunitaire 4
manifeste le plus souvent sous forme de méningite ou de
¶ Clinique 5 méningoencéphalite. La mortalité est élevée, proche de 30 %, et
Portage digestif asymptomatique 5 les séquelles fréquentes. Elle peut aussi infecter la femme
Gastroentérites 5 enceinte et le fœtus, aboutissant à des avortements ou à des
Formes périnatales 6 infections néonatales sévères. Ces caractères sont la consé-
Formes non périnatales 6
quence de propriétés développées par cette bactérie qui lui
¶ Diagnostic biologique 7 permettent de se multiplier dans les cellules de l’hôte et de
¶ Traitement 7 franchir les barrières. Ce détournement de la machinerie
¶ Prophylaxie 8 cellulaire en a fait un modèle d’étude pour les pathogènes
Prophylaxie sanitaire de la filière agroalimentaire 8 intracellulaires. La physiopathologie de cette infection est
Information des consommateurs et des populations à risque 8 maintenant une des plus étudiées et a permis des avancées dans
Surveillance de la listériose en France 8 la compréhension de l’adaptation des bactéries aux cellules de
mammifères. La réponse immunitaire de type T opposée à cette
¶ Conclusion 9
infection est également un modèle d’étude devenu classique en
immunologie. De façon encore plus large, cette bactérie est
maintenant utilisée expérimentalement comme support de
présentation d’antigènes au système immunitaire.

Maladies infectieuses 1
8-017-R-10 ¶ Listériose

■ Agent pathogène première une abondance de gènes codant des protéines de


surface, qui lui permettent d’interagir avec son environnement,
et des protéines de transport et de régulation [7], suggérant des
L. monocytogenes est la seule espèce du genre Listeria patho-
capacités particulières à s’adapter à des écosystèmes très divers.
gène pour l’homme. L. ivanovii est pathogène pour les animaux.
Les techniques d’hybridation sur microarrays et les études du
Les autres espèces sont L. innocua, L. seeligeri, L. welshimeri et
transciptome sont venues récemment préciser ces relations [5, 8].
L. grayi. Des infections humaines à L. ivanovii et L. seeligeri ont
été rapportées de façon exceptionnelle.
Découverte en 1924 par Murray chez des lapins de laboratoire Adaptation au froid
et des cobayes chez lesquels elle provoquait une infection
La croissance bactérienne est possible entre 0,5 °C et 45 °C.
accompagnée de monocytose, elle fut initialement baptisée
De nombreux facteurs entrent en compte parmi lesquels le
Bacillus monocytogenes [1]. Son pouvoir pathogène chez l’homme
raccourcissement des chaînes d’acides gras composant la
n’était vraiment reconnu que lors de la Seconde Guerre mon-
membrane cellulaire, lui conférant une plus grande fluidité aux
diale puis en 1949 lors d’une épidémie chez des nouveau-
basses températures, la production de protéines spécifiques
nés [2] où l’infection était nommée granulomatosis infanti-
appelées cold shock proteins et l’accumulation à partir du milieu
septica. L’origine alimentaire de la contamination n’était, quant
de substances cryoprotectrices comme la glycine bétaïne et la
à elle, identifiée qu’en 1981 lors d’une épidémie canadienne liée
carnitine [9].
à la consommation de chou contaminé par des engrais [3].
Adaptation à l’acidité
Bactérie de l’environnement et des animaux
La bactérie supporte des pH allant de 4,5 à 9. L’environne-
Les Listeria sont des bacilles à Gram positif, non sporulés et ment acide est rencontré dans la chaîne alimentaire mais aussi
non capsulés qui possèdent des flagelles leur conférant une dans l’estomac des mammifères et dans le phagosome du
mobilité de type péritriche. Ce sont des bactéries anaérobies macrophage. Les mécanismes de défense impliquent des protéi-
facultatives pouvant se multiplier dans une large plage de nes que l’on retrouve aussi dans la réponse au froid, l’activation
températures, de 0,5 à 45 °C. Les espèces se définissent par de la pompe à protons et notamment l’adénosine triphospha-
plusieurs caractères biochimiques, notamment l’acidification des tase (ATPase) F0-F1 et l’utilisation du système de la glutamate
sucres. Au sein de l’espèce L. monocytogenes, les antigènes de décarboxylase comme donneur de protons [10].
paroi (O) et flagellaires (H) permettent de définir 13 sérovars.
Trois d’entre eux (1/2a, 1/2b et 4b) sont responsables de 90 % Adaptation à la salinité
des cas. La plupart des épidémies sont liées au sérotype 4b.
Il s’agit de bactéries s’étant adaptées à une double vie : à la La croissance bactérienne est possible jusqu’à 10 % de NaCl.
fois bactéries de l’environnement et bactéries capables de La défense contre le choc osmotique met en jeu des protéines
survivre dans l’intestin des mammifères. dont deux protéines impliquées dans la réponse générique au
Leur habitat naturel est constitué par les végétaux en décom- stress et des substances osmoprotectrices parmi lesquelles on
position. Elles survivent 1 à 2 ans dans le sol et 6 mois dans la retrouve la bétaïne et la carnitine [11].
paille. Elles peuvent être isolées du sol, de l’eau douce, de la L’activation de ces différents systèmes de défense nécessite
vase, des eaux usées, et des végétaux. Les animaux se contami- des senseurs, figurés ici par des systèmes de transduction
nent en consommant ces végétaux et l’on a pu incriminer des membranaire à deux composants [9]. L’ensemble de ces méca-
ensilages contaminés. Comme l’homme, ils peuvent être nismes qui partagent plusieurs points communs est sous le
malades ou asymptomatiques. Chez les animaux d’élevage, la contrôle du facteur σB, activé en réponse au stress [5] et connu
maladie se manifeste sous forme d’avortements, de septicémie chez d’autres bactéries à Gram positif comme Bacillus subtilis. Il
néonatale ou de mammite. L’environnement de ces animaux est intéressant de souligner que cet élément intervient aussi
(fourrage, litières, sols, mangeoires, abreuvoirs), peut lui-même dans le contrôle des facteurs de virulence [12]. Ce même facteur
être contaminé. L’homme se contamine dans 99 % des cas par contrôle aussi la formation de biofilms, forme de vie alternative
voie digestive [4] en consommant des aliments d’origine végétale à celles des formes libres, planctoniques. Sous cette forme, et au
ou animale contenant ces bactéries. L’extraordinaire adaptabilité prix d’une croissance ralentie, les bactéries regroupées en
de L. monocytogenes lui permet de supporter des conditions communautés survivent mieux aux agressions physiques ou
extrêmes de température, d’acidité et de salinité et lui permet de chimiques. Ces systèmes sont complexes et peuvent être mixtes
survivre à travers les différents processus employés dans la avec d’autres genres bactériens comme Flavobacterium [13].
chaîne de production alimentaire moderne [5].

■ Épidémiologie

“ À retenir
L. monocytogenes étant une bactérie rurale, répandue dans la
nature et dans les élevages industriels, capable de se multiplier
lors des étapes de traitement des aliments, la contamination
Bactérie de l’environnement (végétaux) humaine est principalement alimentaire. Suivant qu’il s’agit de
produits laitiers ou de charcuterie, 10 à 45 % des aliments
• Contamine les herbivores et donc viandes et produits
contiennent Listeria mais à des taux faibles. Le quantum à partir
laitiers. duquel on estime qu’il y a un risque infectieux est de 102 unités
• Très adaptable, elle survit et se multiplie : au froid formant colonie (UFC)/g de produit [14]. Les bactéries étant
(4 °C) ; en milieu acide ; en milieu hypersalé. sensibles à la cuisson et à la pasteurisation, les aliments
• Très répandue dans les produits alimentaires, même incriminés sont des produits consommés crus ou peu cuits. Leur
industriels. contamination peut être originelle (lait de vache atteinte de
mammite, viande contaminée lors de l’abattage, végétaux au
contact du sol ou des engrais) mais aussi secondaire lors de la
manipulation des produits : étapes de la traite, du façonnage ou
Une grande adaptabilité de l’affinage des fromages, travail de la charcuterie. Le rôle des
surfaces de travail ou des outils sur lesquels a pu se développer
Le génome de L. monocytogenes a été complètement séquencé un biofilm est ici important. La contamination croisée de la
en 2001 [6] ainsi que celui de L. innocua. Les comparaisons entre chaîne de production par des produits frais contenant initiale-
l’espèce pathogène et l’espèce non pathogène montrent chez la ment peu de bactéries et dont la multiplication est ensuite

2 Maladies infectieuses
Listériose ¶ 8-017-R-10

Tableau 1. InIA
Cas groupés de listériose investigués de 1992 à 2003 en France (source 1 InIB
Institut de veille sanitaire [InVS]). D’après : De Buyser ML, Brisabois A,
Espié E, Delmas G, Dufour B. Implication du lait et des produits laitiers
dans les maladies infectieuses d’origine alimentaire en France de 1988 à
2003 (Bulletin épidémiologique de l’AFSSA. 2005;16:2).
2
Année Nombre de cas Aliment LLO
PLcA
1992 279 Langue de porc en gelée
1993 38 Rillettes
3
1995 36 Fromage de Brie
1997 14 Fromages de Pont- ActA
L’Évêque, Livarot
1999 3 Fromage époisses
1999 10 Rillettes
2000 32 Langue de porc en gelée
et charcuterie
2002 10 Charcuterie 4
2003 7 Charcuterie

Tableau 2. LLO
Principales épidémies recensées aux États-Unis. PLcA
5
PLcB
Année Nombre de cas Aliment
1985 142 Fromage « mexican style »
1989 10 Crevettes
1994 45 Lait chocolaté
1998-1999 108 Hot dogs tièdes Figure 1. Étapes de l’infection cellulaire par Listeria monocytogenes et
2000 29 Tranches de dinde principaux facteurs de pathogénicité impliqués. 1. Internalisation (InlA,
2002 54 Tranches de dinde InlB) ; 2. lyse de la membrane du phagosome (listériolysine [LLO]) et
réplication dans le cytosol ; 3. polymérisation de l’actine (Act A) ; 4.
passage de cellule à cellule ; 5. lyse de la double membrane du phago-
some (LLO, phospholipase [PlcB]).
favorisée par un nettoyage insuffisant est de plus en plus
soulignée. Le stockage enfin, notamment en compartiment
réfrigéré, avant la distribution, ou chez le consommateur lui-
même, peut être l’occasion d’une importante multiplication telles que des méningites ou des infections fœtoplacentaires.
bactérienne lorsqu’il est prolongé. Un aliment ayant initiale- Ces deux dernières sont liées à l’aptitude particulière de la
ment une teneur en Listeria inférieure à 10 2 UFC/g peut bactérie à pénétrer et à se multiplier dans les cellules ainsi qu’à
contenir 106 à 108 UFC/g au moment de la consommation [14]. se propager de cellule à cellule en échappant à la réponse
L’incidence d’environ 200 cas par an en France [15] est proba- immunitaire. Ces propriétés lui permettent de franchir plusieurs
blement sous-estimée malgré la déclaration rendue obligatoire barrières physiologiques : intestinale, hématoméningée, fœto-
depuis 1998. En effet, beaucoup de cas sporadiques et de formes placentaire. Les cellules impliquées peuvent être des phagocytes
bénignes échappent à cette surveillance. professionnels comme les macrophages, à l’exception des
L’analyse des épidémies recensées permet néanmoins de polynucléaires dans lesquels la bactérie est rapidement
retrouver les aliments à risque que sont en France les fromages détruite [15], ou non professionnels comme les entérocytes ou les
à pâte molle principalement au lait cru et les charcuteries hépatocytes. Cette stratégie adoptée pour échapper aux dom-
(Tableau 1). Aux États-Unis, les produits incriminés sont mages provoqués par la phagocytose se retrouve aussi dans
différents, reflet d’autres habitudes alimentaires (Tableau 2) mais d’autres genres bactériens comme Shigella et Rickettsia [19, 20]. Elle
les mécanismes restent les mêmes. La mise en cause récurrente est le résultat du détournement par la bactérie de mécanismes
de fromages à pâte molle, « mexican style », principalement physiologiques cellulaires [21]. Elle peut être schématisée en
consommés par la population hispanique, a abouti à la publi- plusieurs étapes (Fig. 1) :
cation de recommandations destinées aux femmes enceintes, en • pénétration et internalisation dans le phagosome ;
langue espagnole. D’autres produits comme les légumes ou des • lyse de la membrane du phagosome et réplication dans le
produits de la mer ont été mis en cause, plus souvent pour des cytosol ;
cas sporadiques [16]. • polymérisation de l’actine, déplacement intracellulaire et
Les autres modes de transmission sont plus rares et l’on a pu production de protrusions membranaires ;
relever des infections cutanées ou conjonctivales, notamment • passage de cellule à cellule et création d’une vacuole à double
chez les vétérinaires et les employés d’abattoir, une transmission membrane ;
nosocomiale a pu aussi être évoquée dans des services de • lyse de cette vacuole et perpétuation du cycle dans le cyto-
néonatalogie [17, 18]. sol [22, 23].

Pénétration
■ Physiopathologie
C’est un mécanisme actif dans lequel la bactérie induit sa
La multiplication et l’invasion de l’hôte constituent le propre internalisation. Le rôle de deux protéines bactériennes
deuxième volet de la double vie de Listeria. InlA et InlB qui appartiennent à la famille des internalines a été
largement étudié [21, 22]. InlA a pour ligand la E-cadhérine,
Parasitisme intracellulaire protéine transmembranaire impliquée dans les jonctions
intercellulaires notamment des épithéliums. Son rôle est
L. monocytogenes est une bactérie intracellulaire facultative, essentiel pour la pénétration dans les entérocytes. InlB a
responsable aussi bien de gastroentérites que d’infections graves plusieurs ligands possibles, le récepteur du facteur de croissance

Maladies infectieuses 3
8-017-R-10 ¶ Listériose

hépatocytaire C-met, présent également dans le placenta, les Étapes de l’invasion


glycosaminoglycanes dont les héparine-sulfates, largement
répandus à la surface des cellules eucaryotes et enfin la fraction L’ingestion doit être importante, de l’ordre de 105 à 109
gC1q du premier composant de la cascade du complément qui bactéries, pour qu’une infection patente se produise. Une partie
jouerait le rôle de corécepteur. Les deux internalines interagis- importante de l’inoculum est détruite par le pH gastrique. Les
sent dès cette étape avec le cytosquelette d’actine, pour aboutir bactéries pénètrent dans les entérocytes et les cellules M des
à un remodelage membranaire et à la formation de la vacuole plaques de Peyer, se propagent entre les cellules et atteignent la
de phagocytose ou phagosome. lamina propria (Fig. 2). Elles sont ingérées par des cellules
dendritiques qui les transportent dans les circulations lympha-
tique et sanguine [15]. Elles parviennent ainsi dès les premières
Lyse de la membrane du phagosome
heures dans la moelle osseuse [25], dans le foie et dans la rate où
Dans la vacuole, la bactérie se trouve dans un environnement elles sont phagocytées par les macrophages. Dans le foie, non
acide qui pourrait lui être nuisible. Elle va dès lors lyser la seulement les cellules de Kupffer mais aussi les hépatocytes sont
membrane de la vacuole et s’échapper vers le cytosol qui est à envahis, ce qui provoque la formation précoce de granulomes
pH neutre. Cette lyse membranaire fait intervenir la listérioly- inflammatoires hépatiques. Le processus s’arrête ici dans la
sine (LLO) spécifique de L. monocytogenes et la phospholipase majorité des cas, la réponse immunitaire parvenant à éliminer
PlcA. Listeria. Il s’agit alors de formes asymptomatiques ou pauci-
La LLO est une toxine stable à pH acide mais qui se déplie et symptomatiques. Si cette réponse est déficiente ou si l’inoculum
se trouve neutralisée à pH neutre. Ceci permet la sortie de la est trop important, l’infection aboutit à une bactériémie, point
vacuole sans endommager par la suite le reste des membranes de départ de l’invasion du système nerveux central ou du
cellulaires [23]. Une fois libérée, la bactérie se multiplie dans le placenta. Les bactéries sont alors en position intracellulaire dans
cytosol, contrairement aux autres bactéries intracellulaires les monocytes circulants ou sous forme libre. Le franchissement
résidant dans les vacuoles. Ce mécanisme est encore imparfai- de la barrière hématoencéphalique et l’infection du système
tement connu. nerveux central obéissent à des mécanismes encore imparfaite-
ment connus. Les phagocytes mononucléés infectés jouent un
rôle important dans ce franchissement [25] qui aboutit à une
Polymérisation de l’actine
encéphalite diffuse et à la formation d’abcès cérébraux, princi-
Les bactéries polymérisent alors l’actine, abondant composant palement localisés dans le rhombencéphale. En revanche, le rôle
du cytosquelette. La protéine bactérienne ActA mime pour cela de l’internaline A et de la E-cadhérine vient d’être démontré
l’action de protéines cellulaires physiologiques de la famille dans le franchissement de la barrière fœtoplacentaire qui
WASP. Grâce à l’attachement à plusieurs ligands et plusieurs aboutit à la formation d’abcès granulomateux dans les villosités
intermédiaires tels que la profiline et la vinculine, elle réalise trophoblastiques [26]. L’atteinte de l’unité fœtoplacentaire est
par « nucléation », autour du corps bactérien, une polymérisa- favorisée par l’immunodépression locale existant au niveau du
tion asymétrique qui entraîne la formation des comètes placenta.
d’actine, en arrière du sens de déplacement. Ces comètes
propulsent la bactérie vers les cellules adjacentes en formant des Réponse immunitaire
protrusions [22, 24].
La stratégie de propagation intercellulaire de la bactérie lui
permettant d’échapper au contact des anticorps et du complé-
Multiplication bactérienne ment, la réponse de l’hôte est presque exclusivement cellulaire.
Celle-ci a été étudiée de façon extensive [27] depuis plusieurs
Les bactéries se trouvent dès lors dans une vacuole de
années et le modèle L. monocytogenes a servi de base à la
phagocytose à double membrane dont elles vont sortir grâce à
connaissance de la réponse cellulaire dans les infections
l’action de la LLO et de la phospholipase PlcB. Le cycle reprend
bactériennes.
alors avec à la fois la multiplication bactérienne et la polymé-
L’immunité innée joue un rôle fondamental dans les premiè-
risation de l’actine.
res heures de l’infection. Les macrophages, activés par
Les gènes codant ces différents facteurs de virulence sont
l’interféron-c, phagocytent les bactéries. La lyse de la vacuole de
groupés sur le chromosome bactérien dans un « îlot de patho-
phagocytose par la LLO est suivie par l’invasion du cytosol qui
génicité ». Ces gènes sont sous le contrôle du régulateur
active le facteur nucléaire NFjB. Ce facteur induit le recrute-
transcriptionnel PrfA. Cet activateur est lui-même dépendant de
ment de monocytes par l’intermédiaire de la production de CC
facteurs de stress tels que la température : rendu inactif aux
chemokine ligand 2 (CCL2). Les monocytes recrutés sont activés
basses températures par une régulation post-transcriptionnelle,
par le relarguage des produits de dégradation microbienne qui
il retrouve une activité aux températures plus élevées telles que
se lient à leurs toll like receptors (TLR). Ils se différencient alors
celles des mammifères. Cette régulation existe vraisemblable-
en cellules dendritiques productrices de tumor necrosis factor
ment aussi pour les variations d’osmolarité ou de pH en relation
(TNF) et de inductible NO synthetase (iNOs). La production de
avec le facteur σB. Cet îlot regroupe les facteurs majeurs de
NO et le burst oxydatif contribuent à la bactéricidie. Cette
virulence de L. monocytogenes mais l’exploitation de la séquence
réponse précoce permet à la réponse adaptative, plus spécifique
génomique et du protéome suggère d’autres gènes de virulence,
mais plus lente, de se mettre en place.
plus disséminés ; leur rôle est en cours d’exploration.
Immunité adaptative
Le rôle des lymphocytes T CD8 est ici beaucoup mieux connu
que celui des CD4. Deux sous-populations sont impliquées :
“ À retenir CD8 restreints par les molécules du complexe majeur d’histo-
compatibilité (CMH) de classe Ib et CD8 restreints par les
molécules du CMH de classe Ia (dites « classiques »).
Bactérie à développement intracellulaire La première (CD8 restreints par le CMH Ib) intervient plus
Réalise une subversion des mécanismes physiologiques précocement, activée par des molécules spécifiquement bacté-
cellulaires : riennes, des peptides ayant une extrémité N formyl-méthionine
• induit sa propre phagocytose ; terminale. Ces peptides sont relargués dans le cytosol et
• détruit la membrane du phagosome ; nécessitent donc une lyse bactérienne préalable. Les CD8 ainsi
• utilise le cytosquelette pour se propager d’une cellule à activés se différencient en cellules cytotoxiques (CTL), produc-
une autre, échappant ainsi à l’immunité humorale. trices d’interféron-c (IFN-c). Cette réponse n’existe que de façon
transitoire au début de la réaction primaire.

4 Maladies infectieuses
Listériose ¶ 8-017-R-10

Système
nerveux
central
3 - Bactériémie
et localisation Mœlle osseuse
secondaire

Rate

Foie

2 - Circulation
lymphatique
et sanguine

Ganglion
mésentérique

Fœtus 1 - Translocation digestive


Figure 2. Étapes de l’invasion par Listeria monocytogenes. Translocation digestive : la bactérie quitte la lumière intestinale, est internalisée dans les
entérocytes, les cellules M puis dans les cellules dendritiques. Circulation lymphatique et sanguine : elle gagne les ganglions mésentériques grâce aux cellules
phagocytaires puis de là, le foie, la rate et la moelle osseuse. À l’occasion d’une bactériémie, elle peut atteindre le système nerveux central et franchir la barrière
hématoméningée. Elle peut aussi franchir la barrière fœtoplacentaire.

L’activation des CD8 restreints par le CMH Ia dépend, quant enceinte, responsable d’une atteinte fœtale, ou néonatale
à elle, des antigènes sécrétés, principalement la LLO et la p60, présente dès les premiers jours de la naissance (forme néonatale
une hydrolase impliquée dans la division bactérienne. Ces précoce). D’autres localisations secondaires à la bactériémie sont
protéines sont dégradées dans le protéasome, principalement plus rarement rencontrées et tous les organes peuvent être
des cellules dendritiques. Ce sont ces cellules qui présentent les atteints : endocarde, os, articulation, foie, etc. La contamination
peptides associés au CMH aux CD8 naïfs. Ces derniers se du tube digestif peut conduire à une colonisation de la filière
multiplient et se différencient en cellules effectrices d’une part génitale responsable de l’infection du nouveau-né lors de
et en cellules mémoires d’autre part. Les mécanismes bactérici- l’accouchement : c’est la forme néonatale tardive. Toutes les
des sont ensuite moins bien connus et font intervenir le formes néonatales sont favorisées par l’immaturité du système
recrutement de macrophages et de polynucléaires neutrophiles. immunitaire du nouveau-né.
L. monocytogenes ne peut pas se multiplier dans les polynucléai-
res neutrophiles qui la détruisent rapidement.
Malgré tout, plusieurs points restent encore à préciser : le rôle Portage digestif asymptomatique
des CD4 et celui de l’immunité locale au niveau de la muqueuse
intestinale [28]. Les modèles souris, largement utilisés jusqu’à Selon les études, 15 à 70 % des aliments sont contaminés et
présent, impliquent une inoculation veineuse ou péritonéale qui malgré cela le taux d’incidence de la maladie reste faible. On
ne prenait pas en compte cette voie de contamination. estime le nombre d’expositions à 5-10/personne/an [3]. Cela
signifie que la contamination digestive sans conséquence
clinique est extrêmement fréquente.
■ Clinique L. monocytogenes est rencontrée chez 5 % des personnes en
bonne santé (1,7 à 77 % selon le métier et l’exposition) et
L’histoire naturelle de l’infection par L. monocytogenes permet jusqu’à 21 % dans l’entourage familial de cas cliniques. Des
de comprendre les différentes formes cliniques de la maladie. études ont permis de montrer que ce portage était en général de
La contamination est réalisée par voie digestive. Dans courte durée (environ 2 mois) [29].
certaines conditions, notamment sous l’effet d’un inoculum
important, la bactérie est responsable d’une véritable gastroen-
térite, entité clinique décrite récemment. L. monocytogenes Gastroentérites
franchit ensuite la barrière intestinale et pénètre dans la
circulation générale, se concentrant en premier lieu dans la L’infection digestive par L. monocytogenes peut se traduire par
moelle osseuse, le foie et la rate. Dans la grande majorité des une gastroentérite fébrile. Les aliments incriminés sont divers
cas, l’hôte maîtrise l’infection qui se résume fréquemment à un (crevettes, salade de riz ou de maïs, lait chocolaté, plats
portage digestif asymptomatique. Sous l’effet de facteurs préparés, fromage frais), et les sérotypes impliqués sont identi-
favorisants, particulièrement les déficits de l’immunité à ques à ceux des autres formes cliniques. En revanche, l’inocu-
médiation cellulaire, la bactérie peut se répliquer dans la lum est toujours très important (supérieur à 109 CFU/ml de
circulation générale, réalisant alors une septicémie, ou bien, au lait), avec un taux d’attaque dans la population exposée élevé
décours de bactériémies, se localise dans deux organes de (supérieur à 70 %). Les sujets malades ne présentent pas de
prédilection : le système nerveux central, conduisant à des facteurs de risque et l’évolution est toujours favorable, différant
méningites ou des encéphalites ; et le placenta chez la femme totalement des autres situations cliniques.

Maladies infectieuses 5
8-017-R-10 ¶ Listériose

L’incubation est de 24 heures. Les signes les plus fréquents Formes non périnatales
sont la fièvre (75 %), les céphalées (86 %), les douleurs abdo-
minales (72 %), les nausées (54 %) et vomissements (38 %), plus Après contamination digestive, les facteurs qui favorisent le
rarement des arthromyalgies [30]. passage de l’infection à la maladie sont de trois ordres :
Ce tableau de gastroentérite rappelle la phase prodromique • l’inoculum infectieux ;
parfois retrouvée dans les formes invasives. • peut-être des facteurs de virulence particuliers : les sérotypes
1/2a et b et 4b sont responsables de la grande majorité des
infections mais aucune différence dans les facteurs de viru-
Formes périnatales lence connus n’a été mise en évidence entre les différents
sérotypes ;
Listériose gravidique • tous les facteurs d’immunodépression cellulaire.
La contamination de la mère peut se faire à tous les stades de Hormis la grossesse, les facteurs de risque liés à l’hôte sont
la grossesse (dès le 2e mois) mais la plupart des cas surviennent retrouvés dans 73 % des cas [32]. Ils sont classés par le Centre
après le 5 e mois car c’est au 3 e trimestre que la baisse de national de référence (CNR) entre trois groupes de risque
l’immunité cellulaire empêche la maîtrise de l’infection et décroissants :
permet l’infection placentaire. • les sujets atteints d’hémopathie, de syndrome de l’immuno-
La bactériémie chez la mère est asymptomatique ou pauci- déficience acquise (sida), les patients transplantés ;
symptomatique. Le tableau clinique est trompeur, prenant • les sujets atteints de cancers solides, d’hépatopathies ou les
l’aspect d’un syndrome pseudogrippal, d’un tableau digestif ou sujets hémodialysés ;
parfois de pyélonéphrite : fièvre, frissons, céphalées, myalgies, • les personnes ayant un diabète mal équilibré ou les sujets
parfois diarrhées et douleurs abdominales ou lombaires [29, 31]. alcooliques.
Les signes cliniques disparaissent spontanément malgré l’infec- Les sujets âgés en bonne santé n’ont pas un risque beaucoup
tion placentaire. Une ascension thermique est parfois observée plus élevé que celui de la population générale. De même les
au moment de l’accouchement, due à la mobilisation des enfants ne sont pas une population à risque [33].
bactéries localisées dans le placenta. Il est primordial d’évoquer Malgré la susceptibilité des patients atteints par l’infection au
et de diagnostiquer cette phase bactériémique (hémocultures virus de l’immunodéficience humaine (VIH) au stade du sida, le
chez la mère) car cela permet, par un traitement simple mais nombre de cas de listériose est faible dans cette population. Ceci
précoce, de traiter la localisation placentaire, et d’arriver à la est probablement dû à la protection conférée par l’utilisation du
naissance à terme d’un enfant sain. triméthoprime-sulfaméthoxazole dans le cadre de la prophylaxie
Au contraire, selon l’importance et la précocité de l’infection de l’infection à Pneumocystis jiroveci dès que le taux de CD4 est
durant la grossesse, la chorioamniotite conduit à un avortement inférieur à 200/mm3.
septique (22 % des cas), ou à un accouchement prématuré d’un
enfant infecté (1,6 % des avortements et accouchements Neurolistériose
prématurés serait dû à L. monocytogenes) [31].
L’incubation des formes invasives est très variable, allant de
Listériose néonatale précoce quelques jours à 2-3 mois (moyenne de 31 jours).
L’atteinte du système nerveux central se traduit par deux
La contamination à partir du placenta se fait certainement tableaux principaux : une méningite subaiguë ou une encépha-
par voie hématogène mais aussi par ingestion et inhalation de lite avec une localisation plus particulière au niveau du
liquide amniotique, ce qui se traduit par une forte concentra- rhombencéphale.
tion de L. monocytogenes dans les poumons et l’intestin du
nouveau-né [31]. Méningite
La maladie se manifeste dès la naissance ou dans les 24 heu-
L. monocytogenes est le deuxième agent responsable de
res par une septicémie, une détresse respiratoire aiguë (cyanose,
méningites chez les sujets de plus de 50 ans. La localisation
apnée), plus rarement par une méningite ou une myocardite
méningée représente 30 à 55 % des formes non néonatales.
(septicémie avec méningite dans deux tiers des cas). La forme la
Le mode d’apparition est souvent subaigu précédé d’une
plus sévère est représentée par le granulomatosis infantiseptica
phase prodromique trompeuse de 5 à 15 jours : fièvre, asthénie,
(granulomatose septique infantile) décrit pour la première fois
douleurs abdominales, céphalées, vomissements. À la phase
dans l’Allemagne de l’Est de l’après-guerre : éruption maculopa-
d’état, le tableau clinique est classique (fièvre, vomissement,
puleuse, pustuleuse extensive, associée à une granulomatose
signes méningés) [34]. L’atteinte des paires crâniennes est plus
disséminée (système nerveux central, surrénales, rate, rein,
spécifique (7-50 % des cas) : paralysie faciale parfois inaugurale,
poumon, tractus gastro-intestinal) notamment au niveau
dysphonie, dysphagie ou dysarthrie.
hépatique, responsable d’un ictère [28]. La mortalité est élevée
(50 à 75 %). Rhombencéphalite
La mortalité globale de ces formes précoces est de 20 à 50 %.
L’examen du placenta réalisé systématiquement à la naissance Elle rappelle la circling disease décrite par les vétérinaires. C’est
montre des abcès multiples. une forme clinique rare mais évocatrice. Elle associe une
méningonévrite crânienne fébrile (céphalées, nausées, vomisse-
Listériose néonatale tardive ments, dysphagie, diplopie, paralysie faciale et hypoacousie) à
des signes cérébelleux et pyramidaux ou des troubles sensitifs
Cette contamination, moins fréquente, s’effectue lors du alternes.
passage de la filière génitale. La bactérie est probablement Une atteinte des hémisphères cérébraux peut s’observer. La
inhalée ou ingérée. L’enfant naît en bonne santé après une clinique dépend de la localisation des abcès. Les crises épilepti-
grossesse sans problème. Les signes cliniques apparaissent après ques sont fréquentes (26 % des cas). Le pronostic est sévère.
une période d’incubation de quelques jours à quelques semaines La tomodensitométrie peut être normale en phase de début
(moyenne de 14 j). Le tableau clinique est celui d’une ménin- et ne peut donc exclure le diagnostic. L’imagerie par résonance
gite identique à celles dues aux autres agents infectieux : fièvre, magnétique est l’examen de choix. Elle permet de visualiser des
irritabilité, anorexie, diarrhée, hypotonie, bombement des hypersignaux T2 bien limités en phase tardive [34].
fontanelles. Le pronostic est ici meilleur mais dépend de la
précocité du traitement. Bactériémie, septicémie et localisations
Enfin, des cas de contamination néonatale d’origine nosoco- secondaires
miale ont été décrits : il s’agit notamment d’une transmission
croisée liée à l’utilisation d’huiles minérales pour le corps dans Le tableau clinique lié à la présence de la bactérie dans le
une maternité [17]. sang circulant est similaire à celui rencontré dans les autres

6 Maladies infectieuses
Listériose ¶ 8-017-R-10

infections bactériennes : du simple syndrome pseudogrippal au L’isolement de L. monocytogenes de prélèvements biologiques


sepsis sévère avec coagulation intravasculaire disséminée habituellement stériles ne pose pas de problème : bactérie de
(CIVD), associée à un syndrome de détresse respiratoire aiguë. l’environnement, elle est relativement peu exigeante en élé-
Les localisations secondaires sont fréquentes. ments nutritifs. L’isolement des selles ou autres produits
L’endocardite survient essentiellement sur prothèse ou valve contaminés nécessite d’utiliser des méthodes d’enrichissement
lésée et sur cœur gauche, avec souvent des emboles septiques et des milieux sélectifs mis au point dans l’industrie agroali-
secondaires (deux tiers des cas). mentaire (milieu polymyxine-acriflavine-LiCl-ceftazidime-
Plusieurs cas d’hépatite sont décrits sur cirrhose ou transplan- esculine-mannitol [PALCAM]) [38].
tation hépatique. Des granulomes ou des abcès sont retrouvés Après culture, l’identification de L. monocytogenes est relative-
au niveau du foie et de la rate. Les autres localisations digestives ment aisée : sur gélose trypticase soja, les colonies présentent en
sont le péritoine (chez des sujets dialysés ou sur ascite) ou la transillumination oblique une coloration bleu-vert caractéristi-
vésicule biliaire. que. Il s’agit de bacilles à Gram positif, biconvexes en forme de
Les arthrites notamment sur des terrains de polyarthrite navette, parfois disposés en « palissade », aéroanaérobies
rhumatoïde ou sur du matériel sont plus fréquentes que les facultatifs, possédant une catalase. Un caractère simple mais
ostéomyélites, ou spondylodiscites [28]. important doit être recherché : ce sont des bactéries qui
Enfin, des infections localisées peuvent être secondaires à une présentent une mobilité à la température de 25 °C alors qu’elles
inoculation directe : conjonctivite du nouveau-né ou infection sont immobiles à 37 °C. Des galeries d’identification biochimi-
cutanée chez les vétérinaires. ques (API® Listeria) permettent de différencier L. monocytogenes
des autres espèces de Listeria, bien que seule L. monocytogenes
soit pathogène pour l’homme [14, 39].
Enfin, des techniques de polymerase chain reaction (PCR) ont
été mises au point dans certains laboratoires permettant un
“ À retenir diagnostic rapide [40].

• La contamination est très fréquente : 5 à 10 par ■ Traitement


personne et par an.
• Manifestations cliniques rares et portage asymp- La listériose est une maladie rare et grave (mortalité globale
tomatique plus fréquent. de 30 %) [32]. C’est la raison pour laquelle il n’existe pas d’essais
• Diagnostiqué le plus souvent au stade des cliniques randomisés permettant de déterminer le protocole
complications : thérapeutique optimal. Le choix est guidé essentiellement par
les résultats de l’étude des résistances in vitro, les modèles
C listériose néonatale ;
animaux et l’expérience clinique. Il est parfois discordant avec
C neurolistériose. ce qui est connu de la physiopathologie de la maladie et
notamment avec le caractère intracellulaire de la bactérie.
L. monocytogenes est sensible in vitro à un grand nombre
d’antibiotiques : pénicilline G, aminopénicillines, acyluréidopé-
■ Diagnostic biologique nicillines, carbapénèmes, aminosides, tétracyclines, macrolides,
phénicolés, rifampicine, sulfamides, triméthoprime, et vanco-
La listériose est une maladie grave, dont les signes cliniques mycine. Il est important de noter que la bactérie possède une
sont la plupart du temps non spécifiques. Le diagnostic biolo- résistance naturelle aux céphalosporines, antibiotiques de choix
gique est par conséquent fondamental et repose sur l’isolement des méningites bactériennes. Les fluoroquinolones, malgré leur
de la bactérie. pénétration intracellulaire, sont le plus souvent inefficaces in
Pour cela, différents prélèvements doivent être réalisés. vivo. Des échecs ont été rapportés lors de l’utilisation des
Dans le cas d’une atteinte du système nerveux central, la phénicolés dans des cas de méningites. Plusieurs résistances
ponction lombaire est indispensable. Dans les méningites, acquises sont décrites (triméthoprime, chloramphénicol,
l’aspect du liquide céphalorachidien (LCR), qui dépend de la érythromycine, kanamycine et rifampicine) mais la plus fré-
cellularité, est variable. Il est souvent clair ou trouble, parfois quente reste la résistance à la tétracycline probablement en
franchement purulent. En effet, la cellularité varie de quelques rapport avec l’utilisation de cette famille d’antibiotiques dans
dizaines d’éléments nucléés à plus de 10 000/mm3. Elle n’est pas l’alimentation animale [37].
corrélée au pronostic. Les polymorphonucléaires neutrophiles Les bases du traitement reposent sur l’association amoxi-
sont prédominants dans 70 % des cas, les formules panachées cilline-aminoside (les aminopénicillines aux doses usuelles étant
sont caractéristiques. La protéinorachie est augmentée (1,1 à bactériostatiques sur L. monocytogenes, les aminosides permettent
19 g/l) mais l’hypoglycorachie, habituellement spécifique des une bactéricidie rapide dans les infections sévères). En cas
infections bactériennes, est absente dans 60 % des cas [31, 35]. d’allergie, l’utilisation de l’association triméthoprime-sulfa-
L’examen direct après coloration de Gram n’est que rarement méthoxazole est préconisée (passage de la barrière hématomé-
contributif (28 %) [36]. Cependant, la découverte de bacilles à ningée et activité intracellulaire). La vancomycine associée à la
Gram positif est très suggestive. gentamicine ne peut être utilisée que dans les bactériémies
Dans les formes à prédominance encéphalitique, les paramè- (diffusion aléatoire dans le LCR).
tres du LCR sont peu ou pas perturbés : cellularité faible, Ces principes se déclinent en fonction des tableaux cliniques
prédominance de lymphocytes, absence de la bactérie. de la manière suivante.
Les hémocultures doivent être systématiquement réalisées, • Neurolistériose :
quel que soit le tableau clinique, et notamment devant tout C amoxicilline 200 mg/kg/j et gentamicine (3 mg/kg/j)
épisode fébrile chez la femme enceinte. Prélèvement de choix pendant 3 semaines, poursuivies par 3 semaines supplé-
dans les septicémies, elles sont souvent positives dans les mentaires d’amoxicilline seule lors de rhombencéphalite ou
méningites mais aussi les encéphalites où elles sont un des rares d’abcès cérébraux ;
moyens d’isolement de la bactérie. C en cas d’allergie aux b-lactamines : le cotrimoxazole
Dans les cas de listériose néonatale, de nombreux sites sont (triméthoprime : 6 à 8 mg/kg/j et sulfaméthoxazole : 30 à
prélevés : méconium, sang, LCR, aspiration nasale et pharyngée, 40 mg/kg/j) pendant 14 à 42 jours serait aussi efficace ;
sécrétions conjonctivales chez le nouveau-né ; la culture d’un C en cas d’insuffisance rénale : amoxicilline 200 mg/kg/j et
fragment de placenta chez la mère est l’examen le plus sensible cotrimoxazole (triméthoprime : 6 à 8 mg/kg/j et sulfamé-
(96 %) [37]. Une amniocentèse par voie transabdominale peut thoxazole : 30 à 40 mg/kg/j) pendant 21 jours. Cette
être pratiquée en cours de grossesse. association peut être également recommandée dans les

Maladies infectieuses 7
8-017-R-10 ¶ Listériose

formes neurologiques très sévères, les deux antibiotiques Tableau 3.


passant la barrière hématoméningée. Information des personnes à risque (d’après la circulaire DGS/VS n° 98-
• Listériose de la femme enceinte (méningite exclue) : 240 du 15 avril 1998).
C en cas de suspicion de listériose lors de l’apparition d’une Éviter de consommer des aliments fréquemment impliqués dans les
fièvre inexpliquée chez une femme enceinte, amoxicilline infections à Listeria monocytogenes
(4 g/j per os) pour une durée de 14 jours ; - fromages au lait cru (et fromages râpés)
C si le diagnostic est confirmé, amoxicilline pendant 3 semai- - poissons fumés, coquillages crus, surimi, tarama, etc.
nes à forte dose (200 mg/kg/j) associée à la gentamicine
- graines germées (telles que les graines de soja)
(3 mg/kg/j) pendant 3 à 5 jours ; certains préconisent un
- produits de charcuterie cuite tels que rillettes, pâtés, foie gras, produits
traitement d’entretien par amoxicilline (3 g/j per os) en gelée
jusqu’au terme (intérêt non démontré) ;
- pour le jambon, préférer les produits préemballés (plutôt que la coupe)
C en cas d’allergie, des alternatives sont possibles : macroli-
Limiter l’inoculum
des, aminosides, vancomycine, cotrimoxazole (précautions
d’emploi au cours de la grossesse). - enlever la croûte des fromages
• Listériose néonatale et bactériémie : amoxicilline 200 mg/kg/j - laver soigneusement les légumes crus et les herbes aromatiques
et gentamicine (3 mg/kg/j) pendant 15 jours. - cuire les aliments crus d’origine animale (viande, poissons, lardons),
Il n’y a pas lieu de recommander une antibioprophylaxie cuire les steaks hachés à cœur
systématique en cas de consommation d’un aliment contaminé Éviter les contaminations croisées
par L. monocytogenes. En revanche, le patient doit être informé - conserver les aliments crus séparément des aliments cuits ou prêts à
des signes cliniques de la maladie et doit consulter rapidement être consommés
si ceux-ci surviennent dans un délai de 2 mois après consom- - après manipulation des aliments non cuits, se laver les mains et
mation du produit incriminé (avis du Conseil supérieur nettoyer les ustensiles de cuisine
d’hygiène publique de France [CSHPF] du 29 juin 1999). Respecter les règles d’hygiène alimentaire
- réchauffer les restes alimentaires et les plats cuisinés soigneusement
avant consommation
■ Prophylaxie - nettoyer fréquemment et désinfecter ensuite avec de l’eau de Javel son
réfrigérateur
La prophylaxie des infections à L. monocytogenes repose sur - s’assurer que la température du réfrigérateur est inférieure à 4 °C
deux catégories de mesures : la prévention de la transmission
- respecter les dates limites de consommation
par les aliments et la surveillance de la maladie.

Prophylaxie sanitaire de la filière


agroalimentaire • Respect de la chaîne du froid : L. monocytogenes peut se
répliquer à basse température mais le temps de génération à
Elle s’effectue au niveau de toutes les étapes de la filière. moins de 4 °C est beaucoup plus long. Si les industriels ont
• Prévention dans les élevages : ensilages correctement préparés la capacité de respecter cette chaîne du froid, ceci n’est pas
et conservés, détection des animaux malades et excréteurs toujours vrai au niveau des réfrigérateurs des consommateurs.
(contrôle du lait de vache).
• Diminution de la contamination des matières premières :
pour le lait, il est nécessaire d’avoir une parfaite hygiène des Information des consommateurs
locaux et notamment des salles de traite, une sélection et des populations à risque
rigoureuse des laits destinés à l’élaboration d’un produit cru ;
la pasteurisation permet d’éliminer la bactérie mais n’évite Les réfrigérateurs ménagers jouent un rôle important dans la
pas les contaminations post-traitement comme ce fut proba- contamination et la prolifération secondaires des bactéries
blement le cas en Finlande avec un beurre pasteurisé ; pour (nettoyage irrégulier, pas de séparation des aliments et notam-
les produits de boucherie, les carcasses sont essentiellement ment des légumes, température > 8 °C, etc.).
contaminées en surface, la cuisson permet de limiter les Pour les populations à risque, des recommandations ont fait
risques. l’objet de textes officiels dans plusieurs pays (Tableau 3). Il est
• Maîtrise de la transformation : elle passe par le strict respect de la responsabilité des personnels soignants de relayer cette
des mesures d’hygiène et la mise en place d’un système information auprès des patients.
d’assurance qualité de type hazard analysis critical control point
(HACCP). Le conditionnement sous vide, ou sous atmosphère
modifiée, l’utilisation des nitrites, la congélation n’ont aucun Surveillance de la listériose en France
effet protecteur. Certains favorisent même la prolifération de
L. monocytogenes en inhibant le reste de la flore. La surveillance de la listériose est indispensable pour suivre
• Contrôles microbiologiques : ils sont obligatoires. Les seuils l’évolution à long terme de la maladie mais aussi pour détecter
sont variables selon les états. Aux États-Unis, le zero tolerance au plus vite un phénomène épidémique, permettant après
policy est appliqué strictement pour les produits transformés l’enquête alimentaire le retrait rapide du produit contaminant.
dans le pays mais aussi pour les aliments importés. En France, Lors d’épidémies, le taux d’attaque est faible et les aliments
un taux de 100 CFU/g d’aliment est en général admis, incriminés sont souvent d’origine industrielle avec des distribu-
considérant qu’il représente un danger minime. La microbio- tions nationales ou même internationales. Ainsi l’organisation
logie alimentaire se heurte à la difficulté d’isoler L. monocyto- en un réseau fonctionnel est primordiale pour pouvoir détecter
genes parmi l’ensemble des autres bactéries présentes dans les un phénomène rare réparti sur un large territoire. La sur-
aliments. Pour cela, de nombreuses techniques ont été mises veillance en France repose sur deux composantes : le système de
au point : enrichissement préalable dans des bouillons (Food la déclaration obligatoire (effectif pour la listériose depuis 1998)
and Drug Administration [FDA] Bacteriological Analytical avec interrogatoire alimentaire rétrospectif de chaque patient,
Manual [BAM] ou ISO 11290) puis ensemencement sur des organisé par la Direction départementale des actions sanitaires
géloses sélectives (Oxford, PALCAM), utilisation de milieux et sociales (DDASS) ; le CNR de Listeria (Institut Pasteur, Paris)
chromogènes, techniques Enzyme-linked immunosorbent qui reçoit les isolats cliniques mais aussi ceux de l’industrie
assay (Elisa) ou d’immunocapture à l’aide de billes magnéti- agroalimentaire. Les données des deux structures sont confron-
ques, techniques moléculaires avec des méthodes d’hybrida- tées et on estime que 75 % des cas survenant en France sont
tion ou de PCR en temps réel quantitatives [38]. colligés [41].

8 Maladies infectieuses
Listériose ¶ 8-017-R-10

Pour détecter une épidémie et incriminer un aliment, il est [2] Reiss HJ, Potel J, Krebs H. Granulomatis infantiseptica. Eine
nécessaire de pouvoir comparer les isolats entre eux. Le séroty- Allgemeininfektion bei Neugeborenen und Säuglingen mit miliaren
page utilise la spécificité antigénique des antigènes somatiques Granulomen. Z Ges Inn Med 1951;6:451-7.
« O » et des antigènes flagellaires « H » de la bactérie. C’est une [3] Schlech WF, Lavigne PM, Bortolussi RA, Allen AC, Haldane EV,
méthode simple mais peu discriminante puisque la grande Wort AJ, et al. Epidemic listeriosis. Evidence for transmission by food.
majorité des souches sont de sérotypes 1/2a (27 %), b (20 %) ou N Engl J Med 1983;308:203-6.
c (4 %) et 4b (49 %) (données de la surveillance européenne [4] Mead PS, Slutsker L, Dietz V, McCaig LF, Bresee JS, Shapiro C, et al.
2000-2003) [32]. Actuellement, la macrorestriction en champ Food-related illness and death en the United States. Emerg Infect Dis
pulsé est la méthode de référence du fait de son pouvoir 1999;5:607-25.
discriminant, de sa standardisation permettant une comparaison [5] Ghandi M, Chinkindas ML. Listeria: a foodborne pathogen that knows
des isolats au niveau européen, et de sa reproductibilité. Le multi how to survive. Int J Food Microbiol 2007;113:1-5.
[6] Glaser P, Frangeul L, Buchrieser C, Rusniok C, Amend A, Baquero F,
locus sequence typing déjà utilisé pour plusieurs espèces bacté-
et al. Comparative genomics of Listeria species. Science 2001;294:
riennes, plus simple, plus discriminant, semble être une techni-
849-52.
que d’avenir [42].
[7] Buchrieser C, Rusniok C, Kunst F, Cossart P, Glaser P. Listeria Consor-
Ainsi, tous les isolats de L. monocytogenes de sérotypes 1/2 et tium. Comparison of the genome sequences of Listeria monocytogenes
4b reçus au CNR sont typés par macrorestriction. Les profils and Listeria innocua: clues for evolution and pathogenicity. FEMS
sont comparés toutes les semaines à ceux des souches reçues Immunol Med Microbiol 2003;35:207-13.
durant les 14 semaines précédentes. Lorsqu’au moins trois [8] Sergeev N, Distler M, Courtney S, Al Khaldi SF, Volokhov D,
souches de même sérotype et même profil moléculaire sont Chizhikov V, et al. Multipathogen oligonucleotide microarray for
identifiées, un signalement est effectué auprès de la « cellule environmental and biodefense applications. Biosens Bioelectron 2004;
Listeria », impliquant plusieurs ministères (Direction générale de 20:684-98.
la santé, de la consommation, de l’agriculture, Institut de veille [9] Angelidis AS, Smith GM. Role of the glycine betaine and carnitine
sanitaire [InVS], CNR). Des investigations sont entreprises pour transporters in adaptation of Listeria monocytogenes to chill stress in
confirmer l’épidémie et trouver la source : comparaison avec les defined medium. Appl Environ Microbiol 2003;69:7492-8.
isolats d’origine alimentaire, enquêtes alimentaires, contrôle des [10] Phan-Thanh L, Mahouin F, Alige S. Acid responses of Listeria
denrées dans les réfrigérateurs des patients et en amont à tous monocytogenes. Int J Food Microbiol 2000;55:121-6.
les niveaux de la chaîne de distribution. [11] Duche O, Tremoulet F, Glaser P, Labadie J. Salt stress proteins induced
L’implication d’un aliment a toujours de lourdes conséquen- in Listeria monocytogenes. Appl Environ Microbiol 2002;68:1491-8.
ces économiques (arrêt de production, rappel et retrait des lots, [12] Kazmierczak MJ, Mithoe SC, Boor KJ, Wiedmann M. Listeria
enquête dans l’unité de production). Elle nécessite trois critères : monocytogenes sigmaB regulates stress response and virulence
valeur élevée du risque relatif, consommation réelle par la functions. J Bacteriol 2003;185:5722-34.
majorité des patients du produit, isolement de la même souche [13] Hefford MA, D’Aoust S, Cyr TD, Austin JW, Sanders G, Kheradpir E,
chez les patients et dans l’aliment. et al. Proteomic and microscopic analysis of biofilms formed by
Listeria monocytogenes 568. Can J Microbiol 2005;5:1197-208.
La surveillance de la listériose en France est un modèle de la
[14] Beumer RR, Hazeleger WC. Listeria monocytogenes: diagnostic
prophylaxie des maladies infectieuses dont l’efficacité est
problems. FEMS Immunol Med Microbiol 2003;35:191-7.
confirmée par les résultats : la gestion du risque dans la filière
[15] Berche P. Physiopathologie et épidémiologie de la listériose. Bull Acad
agroalimentaire a entraîné une diminution du taux de contami- Natl Med 2005;189:507-21.
nation des aliments (13 % en 1992 versus 5 % en 2000), le taux [16] Jemmi T, Stephan R. Listeria monocytogenes: food-borne pathogen
d’exhaustivité des déclarations est important, les épidémies et and hygiene indicator. Rev Sci Tech 2006;25:571-80.
l’aliment source sont identifiés plus rapidement, permettant de [17] Schuchat A, Lizano C, Broome CV, Swaminathan B, Kim C, Winn K.
prendre des mesures immédiates et de limiter le nombre de cas Outbreak of neonatal listeriosis associated with mineral oil. Pediatr
(deux épidémies dues à de la langue de porc en gelée en 1992 et Infect Dis J 1991;10:183-9.
2000 ont été responsables respectivement de 279 et 32 cas) [41]. [18] Farber JM, Peterkin PI, CarterAO, Varughese PV,Ashton FE, Ewan EP.
Il est important cependant de maintenir cette vigilance et de Neonatal listeriosis due to cross-infection confirmed by isoenzyme-
consolider son existence au niveau européen [43]. typing and DNA fingerprinting. J Infect Dis 1991;163:927-8.
[19] Gouin E, Gantelet C, Egile E, Lasa I, Ohayon H, Villiers V, et al. A
comparative study of the actin-based motilities of the pathogenic
bacteria Listeria monocytogenes, Shigella flexneri and Rickettsia
■ Conclusion connori. J Cell Sci 1999;112:1697-708.
[20] Cossart P, Sansonetti PJ. Bacterial invasion: the paradigms of
La listériose maladie est relativement rare mais suffisamment enteroinvasive pathogens. Science 2004;304:242-8.
grave pour avoir stimulé de nombreuses recherches. Les résultats [21] Pizarro-Cerda J, Cossart P. Subversion of cellular functions by Listeria
de celles-ci ont permis de comprendre comment la bactérie monocytogenes. J Pathol 2006;208:215-23.
responsable, qui infecte l’homme accidentellement, parvient à [22] Hamon M, Bierne H, Cossart P. Listeria monocytogenes: a multifaceted
investir les cellules de son hôte et à s’y multiplier. Les connais- model. Nat Rev Microbiol 2006;4:423-34.
sances ont atteint un tel niveau que la listériose est devenue un [23] Schuerch DW, Wilson-Kubalek EM, Tweten RK. Molecular basis of
modèle pour les infections à bactéries intracellulaires. Il en est listeriolysin O ph dependence. Proc Natl Acad Sci USA 2005;102:
de même pour la réponse immunitaire à l’infection, principale- 12537-42.
ment à médiation cellulaire. La compréhension de son écologie [24] Tilney LG, Connelly PS, Portnoy DA. Actin filament nucleation by the
et de son mode de propagation dans la chaîne alimentaire a bacterial pathogen, Listeria monocytogenes. J Cell Biol 1990;111:
permis la mise en place de contre-mesures. Celles-ci, associées à 2979-88.
une surveillance épidémiologique efficace, ont contribué à [25] Join-Lambert O, Ezine S, Le Monnier A, Jaubert F, Okabe P, Berche P,
réduire le risque pour les consommateurs. et al. Listeria monocytogenes infected bone-marrow myeloid cells
promote bacterial invasion of the central nervous system. Cell
.

Microbiol 2005;7:167-80.
■ Références [26] Lecuit M. Understanding how Listeria monocytogenes targets and
crosses host barriers. Clin Microbiol Infect 2005;11:430-6.
[1] Murray EG, Webb RA, Swann MB. A disease of rabbits characterized [27] Pamer EG. Immune responses to Listeria monocytogenes. Nat Rev
by a large mononuclear leucocytosis, caused by a hitherto undecribed Immunol 2004;4:812-23.
baciilus Bacterium monocytogenes (n sp). J Pathol Bacteriol 1926;29: [28] Lara-Tejero M, Pamer EG. T cell responses to Listeria monocytogenes.
407-39. Curr Opin Microbiol 2004;7:45-50.

Maladies infectieuses 9
8-017-R-10 ¶ Listériose

[29] Crum NF. Update on Listeria monocytogenes infection. Curr [37] Rocourt J, Jacquet C. Listeria et listériose. In: Précis de bactériologie
Gastroenterol Rep 2002;4:287-96. clinique. Paris: ESKA; 2000. p. 943-6.
[30] Aureli P, Fiiorucci GC, Caroli D, Marchiaro G, Novara O, Leone L, [38] Gasanov U, Hughes D, Hansbro PM. Methods for the isolation and
et al. An outbreak of febrile gastroenteritis associated with corn identification of Listeria spp. and Listeria monocytogenes: a review.
contaminated by Listeria monocytogenes. N Engl J Med 2000;342: FEMS Microbiol Rev 2005;29:851-75.
1236-41. [39] Allerberger F. Listeria: growth, phenotypic differentiation and
[31] Posfay-Barbe KM, Wald ER. Listeriosis. Pediatr Rev 2004;5:151-6. molecular microbiology. FEMS Immunol Med Microbiol 2003;35:
[32] Goulet V, Jacquet C, Vaillant V, Laurent E, de Valk H. Surveillance of 183-9.
human listeriosis in France, 2001-2003. Euro Surveill 2006;11:79-81. [40] Jordan JA, Durso MB. Real-time polymerase chain reaction for
[33] De Valk H, Rocourt J, Lequerrec F, Jacquet C, Vaillant V, Portal H, et al.
detecting bacterial DNA directly from blood of neonates being
Bouffée épidémique de listériose liée à la consommation de rillettes.
evaluated for sepsis. J Mol Diagn 2005;7:575-81.
Bull Epidémiol Hebd 2000(n°4):15-7.
[34] Kuntzer T, Radziwill AJ, Maeder PP, Bogousslavsky J, Bille J. [41] Martin P, Jacquet C, Goulet V. La surveillance de la listériose en France.
Listériose et neurolistériose. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Neu- Bull AAEIP 2003;176:131-8.
rologie, 17-051-B-30, 2004. [42] Zhang W, Jayarao BM, Knabel SJ. Multi-virulence-locus sequence
[35] Doganay M. Listeriosis: clinical presentation. FEMS Immunol Med typing of Listeria monocytogenes. Appl Environ Microbiol 2004;70:
Microbiol 2003;35:173-5. 913-20.
[36] Brouwer MC, Van de Beek D, Heckenberg SG, Spanjaard L, de [43] De Valk H, Jacquet C, Goulet V, Vaillant V, Perra A, Simon F, et al.
Gans JC. Community-acquired Listeria monocytogenes meningitis in Surveillance of Listeria infections in Europe. Euro Surveill
adults. Clin Infect Dis 2006;43:1233-8. 2005;10:251-5.

M. Morillon, Professeur agrégé du Val-de-Grâce (cab@imtssa.fr).


E. Garnotel, Professeur agrégé du Val-de-Grâce.
Service de biologie clinique, Hôpital d’instruction des Armées Laveran, 13998 Marseille Armées, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Morillon M., Garnotel E. Listériose. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-017-R-10,
2008.

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

10 Maladies infectieuses
¶ 8-019-A-10

Fièvre typhoïde
S. Ansart, M. Garré

La fièvre typhoïde est une infection systémique potentiellement sévère, causée par Salmonella enterica
sérotype Typhi et Paratyphi A, B, C. Dans de nombreux pays du tiers-monde, il s’agit d’une infection
endémique liée à la précarité des conditions sanitaires ; elle y est traitée par des antibiotiques anciens et
non coûteux malgré l’apparition de bactéries multirésistantes. Dans les pays développés, la typhoïde est
sporadique, principalement observée au retour de zone d’endémie.
© 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Fièvre typhoïde ; Salmonella typhi ; Bactériémie ; Vaccin ; Portage

Plan ■ Taxonomie et nomenclature


¶ Introduction 1 Les salmonelles appartiennent à la famille des entérobactéries.
La nomenclature du genre Salmonella a évolué depuis la classi-
¶ Taxonomie et nomenclature 1
fication initiale de Kauffmann-White [1] fondée sur l’identifica-
¶ Caractéristiques bactériologiques 1 tion sérologique des antigènes somatiques O et flagellaires H.
¶ Physiopathologie 2 C’est le travail de Crosa et al. (hybridation acide désoxyribonu-
cléique (ADN)-ADN) [2] qui a permis de démontrer qu’en fait,
¶ Épidémiologie 2
tous les sérotypes provenaient d’une même espèce Salmonella
¶ Manifestations cliniques 2 enterica, la seule exception étant Salmonella bongori qui est une
Clinique 2 espèce différente.
Complications 2 L’espèce Salmonella enterica comporte six sous-espèces [3] :
Évolution 3 Salmonella enterica subsp. enterica (I), Salmonella enterica
¶ Diagnostic 3 subsp. salamae (II), Salmonella enterica subsp. arizonae (IIIa),
Isolement de la bactérie 3 Salmonella enterica subsp. diarizonae (IIIb), Salmonella enterica
Sérologies 3 subsp. houtenae (IV), Salmonella enterica subsp. indica (VI).
Autres 3 La nomenclature consiste [3], pour la sous-espèce I de Salmo-
¶ Traitement 3 nella enterica qui représente 90 % des souches isolées, à ne plus
Antibiotiques 3 écrire en italiques les noms attribués aux sérovars et à leur
Corticoïdes 4 mettre une majuscule. Salmonella paratyphi B devient Salmonella
Traitement de porteurs chroniques 4 enterica subsp. enterica ser paratyphi B ou simplement Salmo-
nella Paratyphi B.
¶ Mesures réglementaires 4 Les sérovars de la sous-espèce Salmonella enterica subsp.
¶ Prévention 4 enterica sont désignés par leurs noms. Les agents de la fièvre
Prévention collective 4 typhoïde en font partie : Salmonella ser Typhi, Salmonella ser
Prévention individuelle 4 Paratyphi A, Salmonella ser Schottmuelleri (Para B) et Salmo-
¶ Conclusion 5 nella ser Hirschfeldii (Para C) [4].
Les différents sérovars sont caractérisés par leurs antigènes
polysaccharidiques somatiques (O), flagellaires (H), et d’enve-
loppe (Vi).

■ Introduction ■ Caractéristiques bactériologiques


Les fièvres entériques, terme générique pour désigner les Salmonella enterica sérotype Typhi est un bacille à Gram
fièvres typhoïdes et paratyphoïdes, sont des infections systémi- négatif mobile, asporulé, de petite taille (0,6 à 1 µm), aéro-
ques causées par Salmonella enterica sérotype Typhi (Salmonella anaérobie facultatif, catalase positive, oxydase négative, capable
Typhi) et Paratyphi A, B, C (Salmonella Paratyphi). Ces salmo- de réduire les nitrates en nitrites. Salmonella enterica sérotype
nelloses strictement humaines, dites « majeures », doivent être Typhi est incapable de fermenter le glucose et de produire du
différenciées des salmonelloses dites « mineures » (exemple : gaz ; ceci différencie cette bactérie des autres salmonelles.
Salmonella Typhimurium), ubiquitaires, animales et humaines, Les antigènes portés par Salmonella enterica sérotypes Typhi
responsables de gastroentérites le plus souvent bénignes. et Paratyphi sont les suivants : O9-O12, H : d monophasique, Vi

Maladies infectieuses 1
8-019-A-10 ¶ Fièvre typhoïde

(majoritairement présent) pour Salmonella Typhi, O1-O2-O12, Sud-Est, en Inde, en Afrique du Sud ; de 10 à 100 cas pour
H : a diphasique pour Salmonella Paratyphi A, O1-O4-O5-O12, 100 000 habitants par an en Afrique et en Amérique du Sud.
H : b diphasique pour Salmonella Paratyphi B, O6-O7, H : c Le contrôle et le traitement des eaux ont permis de diminuer
diphasique, Vi (inconstant) pour Salmonella Pratyphi C [5]. de façon drastique l’incidence de la fièvre typhoïde dans les
pays développés [11]. En France, l’incidence annuelle de la fièvre
typhoïde est extrêmement faible (0,15/100 000) [12]. Chaque
■ Physiopathologie année, 80 cas environ y sont notifiés dans le cadre de la
déclaration obligatoire ; 80 % d’entre eux sont observés au
En l’absence de modèle expérimental de cette infection retour d’un séjour en zone d’endémie. Quelques cas sporadiques
strictement humaine, le mécanisme de la fièvre typhoïde reste d’infections autochtones sont rapportés (porteurs sains tra-
mal connu. Des extrapolations à partir du modèle de souris vaillant dans le domaine de la restauration) [13].
infectées par Salmonella Typhimurium ont cependant été Aux États-Unis, le nombre annuel de cas de fièvre typhoïde
proposées. est passé de 35 994 en 1920 à 500 en 1990 [10]. Il s’agit princi-
Le risque de maladie, après ingestion d’un produit conta- palement de cas importés : 81 % entre 1996 et 1997 contre
miné, dépend de la virulence de la souche bactérienne, de 33 % entre 1967 et 1972 [7].
l’importance de l’inoculum bactérien et du statut immunitaire Le risque de contracter une typhoïde pour un voyageur en
de l’hôte. zone d’endémie varie selon la destination (de 0,13/10 000
La dose infectante minimale est estimée chez le volontaire voyageurs américains en Jordanie ou au Mexique, de 7 à
sain à 105 bactéries [6] ; en fait, un inoculum lourd (107) est 9/100 000 au Népal à 27 à 81/100 000 en Inde) et la durée de
nécessaire pour induire régulièrement une infection chez un séjour (supérieure à 6 semaines dans 60 % des cas) [10, 11].
sujet immunocompétent [7]. Cette dose conditionne la durée de
la période d’incubation et la gravité des signes cliniques. Un
inoculum initialement faible (10 3 ) peut devenir infectant
lorsque le pH gastrique est élevé : prise d’anti-H2, âges extrêmes ■ Manifestations cliniques
de la vie, diminution de la mobilité intestinale (médicaments,
diabète), chirurgie gastrique [6].
Après ingestion, Salmonella Typhi gagne l’intestin et colonise Clinique
la muqueuse de l’iléon terminal [7]. Les cellules M des plaques
de Peyer sont probablement le site d’internalisation et de En zone d’endémie, la fièvre typhoïde est principalement
transport aux tissus lymphoïdes sous-jacents (follicules lym- diagnostiquée chez les enfants et adolescents âgés de 5 à 19 ans
phoïdes intestinaux, ganglions de drainage mésentérique). Les et les adultes jeunes [10, 14].
bactéries colonisent ensuite le système réticuloendothélial de la La durée de la période d’incubation varie en fonction de
rate, du foie et de la vésicule biliaire. Le passage systémique des l’inoculum bactérien et du statut immunitaire de l’hôte. Elle est
bactéries à partir des lymphatiques puis du canal thoracique habituellement de 7 à 14 jours (extrêmes : 3-60 jours) [10]. Les
rend compte de la bactériémie, l’hypertrophie des tissus symptômes, d’apparition progressive, n’ont aucune spécificité.
lymphoïdes intestinaux (et notamment des plaques de Peyer) La phase d’invasion est marquée par une fièvre (30 à 100 %
expliquant les douleurs abdominales. Les métastases suppurées des cas), supérieure à 40 °C dans 50 % des cas, un syndrome
septiques sont rares. L’endotoxine libérée par lyse des bactéries pseudogrippal (céphalées [43-90 %], frissons [45 %]).
joue un rôle essentiel dans certaines atteintes viscérales (diges- À la phase d’état, des troubles digestifs sont présents dans 8
tives, cardiaques, cérébrales) [7]. à 79 % des cas : constipation plus fréquente que la diarrhée,
Les mécanismes de virulence du sérotype Typhi (codés par classiquement « jus de melon », douleurs abdominales avec
des gènes situés sur le chromosome, et modifiant la physiologie sensibilité accrue de la fosse iliaque droite [10, 14, 15]. La classique
de l’hôte ou protégeant la bactérie des mécanismes de défense dissociation de la fréquence cardiaque et de la température est
de l’hôte) sont différents de ceux des autres sérovars de aspécifique (17-50 %). Une hépatomégalie est palpée dans 50 %
Salmonella [8]. des cas et une splénomégalie dans 23 à 65 % des cas [10, 15].
Un régulateur transcriptionnel (IgeR) contrôlant l’expression Le tuphos s’exprime par une obnubilation diurne contrastant
intracellulaire de Salmonella Typhi vient d’être identifié [9]. avec une insomnie nocturne.
Les taches rosées lenticulaires (5 à 30 % des cas) sont des
macules de 2 à 4 mm de diamètre, non prurigineuses, fugaces,
■ Épidémiologie siégeant préférentiellement à la base du thorax ou à la partie
supérieure de l’abdomen.
Les malades et les porteurs sains sont les véhicules exclusifs L’angine de Duguet (10 % des cas) correspond à de petites
de Salmonella Typhi. La fièvre typhoïde est habituellement ulcérations, superficielles, indolores, des piliers antérieurs du
contractée par l’ingestion d’eau ou d’aliments souillés par la voile du palais.
flore fécale contaminée.
Les autres modes de transmission sont plus anecdotiques :
contamination professionnelle (personnel de laboratoire ou Complications
égoutiers), transmission sexuelle.
L’association entre syndrome de l’immunodéficience acquise La mortalité atteint 30 % en zone d’endémie, elle est infé-
(sida) et salmonelloses mineures est clairement établie ; en rieure à 1 % dans les pays développés. Selon les estimations des
revanche, le rôle de Salmonella Typhi est moins étudié. Dans Centers for Diseases Control (CDC), 0,4 % des 2 445 malades
une étude sud-américaine, l’incidence de la fièvre typhoïde était recensés aux États-Unis durant le période 1985-1994 sont
18 fois plus élevée dans une population infectée par le virus de décédés.
l’immunodéficience humaine (VIH) que dans la population Les complications sont surtout une insuffisance circulatoire
générale [10]. aiguë précoce et de façon différée (après 3 semaines d’évolu-
Dans les pays en voie de développement, la fièvre typhoïde tion), des complications digestives. Une perforation intestinale
reste un problème majeur de santé publique : en 2000, on en (en général iléale) et des hémorragies digestives (dues à des
recensait 21,6 millions de cas (soit une incidence annuelle de ulcérations des plaques de Peyer) surviennent respectivement
980/100 000 habitants à Delhi et de 198 pour 100 000 dans la dans 1 à 3 % et 10 % des cas. D’autres complications ont été
région du delta du Mékong) avec une létalité de 216 500 [10]. rapportées (Tableau 1) [16-22].
L’incidence des fièvres entériques varie selon les continents : La fièvre typhoïde est abortive. Elle est également responsable
de plus de 100 cas pour 100 000 habitants par an en Asie du d’accouchements prématurés.

2 Maladies infectieuses
Fièvre typhoïde ¶ 8-019-A-10

Tableau 1. D’autres prélèvements peuvent être utiles au diagnostic, en


Complications extradigestives de la fièvre typhoïde (d’après [16]).
particulier les ponctions dirigées centrées sur les localisations
Organe cible Prévalence Complications secondaires septiques. La biliculture, plus anecdotique, est
réalisée par le string test : un fil, dont une extrémité est collée à
Système nerveux 3-35 % Encéphalite, empyème la joue du patient, est enroulé dans une gélule que le patient
central sous-dural, méningite
avale. Le fil se déroule dans le tube digestif et est retiré au bout
(lymphocytaire aseptique),
de 3 heures pour analyse bactériologique [25].
abcès cérébral, ventriculite,
ataxie, syndrome de Guillain-
Barré, syndrome parkinsonien, Sérologies
syndrome cérébelleux (28 cas
rapportés) Le test de Widal et Félix vise à mettre en évidence des
Système 1-5 % Endocardite (1,3-4,8 %), anticorps agglutinants dirigés contre les antigènes somatiques O
cardiovasculaire myocardite, péricardite (< 1 %) et flagellaires H. Les anti-O apparaissent vers le 8e jour et les
anti-H vers le 10e-12e jour. Un titre d’anti-O supérieur ou égal à
Os et articulation <1% Arthrite septique ; ostéite 0,1 %
1/80 est considéré comme positif. Le titre des anti-H est plus
des cas dont 27 % chez l’enfant
< 5 ans
élevé et peut perdurer pendant de nombreuses années après
l’infection. Ce test a d’importantes limites en termes de
Foie et rate 1-26 % Cholécystite (3 %), abcès spécificité (autres salmonelles, autres entérobactéries, syndromes
hépatique et splénique (< 1 %), infectieux autres) et de sensibilité. En pratique, ces médiocres
hépatite, péritonite,
performances ont rendu ce test obsolète en France [26].
perforation intestinale, rupture
spontanée de la rate
Appareil <1% Infection urinaire, abcès rénal, Autres
génito-urinaire abcès ovarien ou testiculaire,
salpingite, prostatite, orchite Des tests sérologiques de nouvelle génération (Tubex™ et
(1 %), épididymite Typhidot®) sont actuellement à l’étude [27, 28].
Depuis l’identification du génome de Salmonella Typhi, des
Peau et tissus mous 17 cas rapportés Abcès du psoas, pyomyosite
polymerase chain reaction (PCR) sont en développement [29, 30].
Moelle osseuse cinq cas décrits Hémophagocytose
Poumons 11-86 % Pneumonie, fistule
bronchopleurale (1-6 %), ■ Traitement
bronchite (24 %)

Antibiotiques
Évolution L’antibiothérapie doit être bactéricide et atteindre des
concentrations tissulaires (ganglions, intestin) et sériques
Les symptômes peuvent disparaître spontanément, même en élevées.
l’absence de traitement, en 4 semaines. Une rechute survient
chez 10 à 15 % des malades. Traitements historiques
Un portage chronique, défini par l’excrétion de salmonelles
au-delà de 1 an surtout dans les selles, exceptionnellement dans Phénicolés, aminopénicillines et cotrimoxazole sont long-
les urines, est rapporté dans 1 à 4 % des cas. Cette proportion temps restés les antibiotiques de référence dans les pays en voie
qui augmente avec l’âge chez la femme est favorisée en cas de développement.
d’anomalies des voies biliaires (en particulier lithiase) et chez les
personnes victimes de schistosomose urinaire. Des interactions Chloramphénicol
salmonelles-schistosomes ont en effet été décrites avec toutes les L’introduction du chloramphénicol en 1948 a révolutionné la
espèces de bilharzies [23, 24] et méritent d’être recherchées en cas prise en charge des fièvres entériques. La mortalité est ainsi
d’échec sous traitement. passée de 20 % à 1 % et la durée de la fièvre de 14-28 jours à
Le portage chronique augmenterait le risque de cancer 3-5 jours. Le chloramphénicol était proposé à la posologie de
hépatobiliaire mais aussi de cancer du côlon et du pancréas [21]. 50 mg/kg/j pour une durée de 12 à 14 jours. La faible efficacité
sur le portage chronique, la fréquence des rechutes (10 à 20 %),
■ Diagnostic la toxicité médullaire et l’émergence en 1950 de variants
résistants ont fait privilégier d’autres antibiotiques [7, 10, 31].

Isolement de la bactérie Aminopénicillines

Le diagnostic de certitude repose sur l’isolement de Salmo- La résistance au chloramphénicol est devenue un problème
nella Typhi dans les hémocultures qui ne sont positives à la lors de l’épidémie de Mexico ; ceci a conduit à proposer
phase initiale que dans 50 à 70 % des cas. La faible densité l’ampicilline à la dose de 4 à 6 g/j. L’amoxicilline a ensuite été
bactérienne (< 15 bactéries/ml) impose de recueillir environ utilisée (2 à 4 g/j) pendant 14 à 21 jours en raison de sa
10 ml de sang. Pour cette raison, l’hémoculture effectuée sur meilleure biodisponibilité orale. Le pourcentage de rechutes
système Isolator® peut être plus sensible et plus rapide que la varie de 8 à 21 selon les études. L’apyrexie est observée en
méthode conventionnelle [25]. 48 heures. L’efficacité des aminopénicillines n’est pas modifiée
La probabilité d’isoler la bactérie diminue avec le temps : par la résistance au chloramphénicol [7, 10].
moins de 50 % des hémocultures sont positives au cours de la
Cotrimoxazole
troisième semaine.
La culture de la moelle osseuse est positive au début de la L’efficacité du cotrimoxazole (30 à 50 mg/kg/j de sulfamé-
maladie chez la majorité des patients, y compris ceux qui ont thoxazole et 6 à 10 mg/kg/j de triméthoprime en deux prises
reçu un traitement antibiotique. Ce n’est pas un examen de orales), introduit au début des années 1970, est comparable à
pratique courante. celle du chloramphénicol et est étendue aux souches
La coproculture est négative pendant la première semaine ; chloramphénicol-résistantes. Le délai de négativation des
elle peut ensuite rester positive chez les porteurs chroniques hémocultures est significativement plus court qu’avec l’amoxi-
pendant plusieurs années. cilline dans une étude randomisée [7, 10].

Maladies infectieuses 3
8-019-A-10 ¶ Fièvre typhoïde

La résistance au chloramphénicol est codée par un plasmide Corticoïdes


qui code simultanément pour une résistance aux cyclines, aux
aminosides et aux sulfamides. Elle peut être associée à une La dexaméthasone à la posologie de 3 mg/kg à j1 puis 1 mg/
résistance à l’ampicilline, de nature plasmidique et enzymati- kg/6 heures pendant 48 heures a démontré son efficacité en
que. Anecdotique jusqu’en 1986, l’incidence des souches termes de réduction de mortalité (10 % versus 56 %) en
multirésistantes (chloramphénicol-résistantes, ampicilline- association au chloramphénicol, en cas d’atteinte neurologique.
résistantes, cotrimoxazole-résistantes) ne cesse de croître Elle n’a pas été évaluée en association à d’autres antibiotiques
depuis [32-34]. plus récents [10].

Traitements actuels Traitement de porteurs chroniques


Quinolones
Un portage prolongé peut faire discuter une antibiothérapie.
Les fluoroquinolones étaient les antibiotiques de choix en Il a été démontré que la ciprofloxacine (750 mg, 2 fois par jour
traitement empirique dans les années 1990, aux posologies pendant 28 j) permet une éradication du portage dans 80 % des
usuelles, pour une durée de 7 jours. Ainsi, l’ofloxacine 200 mg cas.
× 2/j pendant 7 jours s’est-elle révélée plus efficace que la En outre, une cholécystectomie peut être proposée en cas de
ceftriaxone 4 g/j pendant la même durée (pourcentage de lithiase biliaire [43].
guérison : 100 versus 73, p < 0,001). Des études récentes ont
souligné l’émergence de souches Nal-résistantes (ce qui confère
un premier niveau de résistance aux quinolones) par mutation ■ Mesures réglementaires
gyr A, et de souches résistantes à l’ofloxacine assorties d’échecs
cliniques [35-40]. Le diagnostic de fièvre typhoïde relève de la déclaration
obligatoire (n° 1) auprès de la Direction départementale de
Céphalosporines
l’action sanitaire et sociale (DDASS). La déclaration en maladie
Les céphalosporines injectables de 3 e génération ont été professionnelle est réalisée chez les personnels de laboratoires et
proposées en alternative. Les céphalosporines à élimination les égoutiers.
digestive semblent plus efficaces que les autres. Ainsi, les
pourcentages de succès pour le céfotaxime, la céfopérazone, la
ceftriaxone sont respectivement de 85, 93 et 97. La ceftriaxone ■ Prévention
est le produit de référence, proposé à la posologie de 75 mg/
kg/j ou 4 g au maximum chez l’adulte pendant 3 à 7 jours.
C’est le seul produit recommandé chez l’enfant. L’aztréonam Prévention collective
s’est révélé efficace et peut être proposé en alternative thérapeu-
tique en cas d’allergie vraie aux bêtalactamines. Une céphalos- Dans les pays développés
porine orale, le céfixime, a une activité identique à celle de la
céfopérazone. • À l’hôpital, elle repose sur des mesures d’isolement entérique
(chambre seule, hygiène des mains, désinfection des selles et
Azithromycine du linge).
• À l’école, elle repose sur l’éviction jusqu’à guérison clinique
L’azithromycine, bien que peu efficace in vitro, est assortie de et microbiologique.
concentrations intracellulaires élevées, ce qui explique proba- • À domicile, les mesures d’hygiène doivent être renforcées
blement son activité in vivo. Dans un travail randomisé réalisé (lavage des mains, lavage du linge).
en zone d’endémie, l’azithromycine à la posologie de 1 g à j1 et Une enquête épidémiologique est nécessaire pour identifier la
500 mg les 6 jours suivants était aussi efficace que la ciprofloxa- source de la contamination et dépister les porteurs asymptoma-
cine 500 mg × 2/j pendant 7 jours. Un travail récent confirme tiques [44, 45].
ces données en montrant que l’azithromycine 1 g/j en dose
unique journalière pendant 5 jours consécutifs a une efficacité Dans les pays en voie de développement
comparable à la ciprofloxacine 1 000 mg/j en deux prises
pendant la même durée. Ce traitement permettait une stérilisa- Les mesures préconisées par l’Organisation mondiale de la
tion des selles dans 100 % des cas versus 59 % dans l’autre santé (OMS) sont une éducation sanitaire, une dispensation plus
bras [41]. aisée de l’eau et l’assainissement des eaux usées [44].
Un essai randomisé a récemment comparé trois régimes
thérapeutiques, chez 187 malades diagnostiqués avec une fièvre
typhoïde multirésistante et résistante à l’acide nalidixique : Prévention individuelle
ofloxacine (20 mg/kg/j, 7 j), azithromycine (10 mg/kg/j, 7 j) et
ofloxacine (15 mg/kg/j, 7 j) associée à l’azithromycine les Vaccins
3 premiers jours (10 mg/kg/j). Les taux de guérison clinique
Deux vaccins sont actuellement disponibles dont un seul en
étaient respectivement de 64, 82 et 76 % (p = 0,053). La durée
France. Les caractéristiques de ces vaccins figurent dans le
moyenne de la fièvre était significativement plus faible dans le
Tableau 2 [46] . Le vaccin polysaccharidique ne confère de
groupe traité par azithromycine (5,8 j [5,1-6,5]) que dans le
protection que pour Salmonella typhi. Il est indiqué en cas de
groupe ofloxacine + azithromycine (7,1 j [6,2-8,1]) et ofloxacine
séjour prolongé ou dans de mauvaises conditions dans les pays
(8,2 j [7,2-9,2]) (p < 0,001). Un portage digestif était positif à la
où l’hygiène est précaire. Il est également indiqué en France
fin du traitement chez 19,4 % des malades traités par ofloxa-
pour les personnels de laboratoires. L’immunité conférée
cine, 6,5 % de ceux traités par bithérapie et 1,6 % de ceux
apparaît 10 jours après l’injection. La limite inférieure d’âge est
traités par azithromycine (p = 0,006) [42].
2 ans [47-49].
En pratique
Mesures préventives avant un voyage hors
Le traitement empirique d’une fièvre typhoïde repose sur les vaccination
céphalosporines de troisième génération injectables. L’alterna-
tive qu’est l’azithromycine demande à être validée sur des essais En pays d’endémie, il convient de s’abstenir de boire de l’eau
à plus large échelle. Les fluoroquinolones systémiques ne non contrôlée et de ne manger que des aliments cuits ou
peuvent être utilisées qu’après documentation microbiologique. bouillis et de peler les fruits et légumes [44, 45].

4 Maladies infectieuses
Fièvre typhoïde ¶ 8-019-A-10

Tableau 2. [17] Karim M, Islam N. Salmonella meningitis: report of three cases in


Caractéristiques des vaccins antityphoïdiques actuels (adapté de [46]).
adults and literature review. Infection 2002;30:104-8.
Vaccin Vaccin Ty21a [18] Nguyen QC, Everest P, Tran TK. A clinical, microbiological, and
polysaccharidique a pathological study of intestinal perforation associated with typhoid
fever. Clin Infect Dis 2004;39:61-7.
Composition Sous-unités antigène Vi Vaccin vivant
[19] Hsu CC, Chen WJ, Chen SY, Chiang WC, Hsueh PR. Fatal septicaemia
Salmonella typhi bactérien
and pyomyositis caused by Salmonella typhi. Clin Infect Dis 2004;39:
Voie d’administration Parentérale Orale 1547-9.
% effets adverses locaux 10-40 - [20] Julià J, Canet JJ, Lacasa XM, González G, Garau J. Spontaneous spleen
Protection % 64-72 % 60-80 % rupture during typhoid fever. Int J Infect Dis 2000;4:108-9.
Durée 17-21 mois 7 ans [21] Khan GQ, Kadri SM, Hassan G, Shahid IT, Gazanfar A, Kak M, et al.
Date rappel 3 ans ? Salmonella typhi endocarditis: a case report. J Clin Pathol 2003;56:
Âge limite inférieur 2 ans 3 ans 801-2.
[22] Laloum E, Zeller V, Graff W, Aerts J, Chazerain P, Mamoudy P, et al.
a
Typhim Vi® ; Typherix® ; Tyavax® combiné avec le vaccin antivirus de
l’hépatite A. Salmonella typhi osteitis can mimic tuberculosis. A report of three
cases. Joint Bone Spine 2005;72:171-4.
[23] Tuazon CU, Nash T, Cheever A, Neva F. Interaction of Schistosoma
japonicum with Salmonellae and other Gram-negative bacteria. J Infect
■ Conclusion Dis 1985;152:722-6.
[24] Gendrel D. Salmonella-Schistosoma interactions. Rev Prat 1993;43:
450-2.
La fièvre typhoïde est endémique dans les pays en voie de [25] Stephen JM, Toleman MA, Walsh TR, Jones RN. Salmonella
développement. En France métropolitaine, c’est une infection bloodstream infections: report from the SENTRY antimicrobial sur-
du voyageur. Son diagnostic doit être évoqué devant une fièvre veillance program (1997-2001). Int J Antimicrob Agents 2003;22:
persistante sans cause évidente. 395-405.
Le traitement repose sur une fluoroquinolone ou une cépha- [26] Olsen SJ, Pruckler J, Bibb W, Nguyen TM, Tran MT, Nguyen TM, et al.
losporine de troisième génération. L’hygiène et la vaccination Evaluation of rapid diagnostic tests for typhoid fever. J Clin Microbiol
sont essentielles pour la prévention de la maladie. 2004;42:1885-9.
. [27] Kawano RL, Leano SA, Agdamag DM. Comparison of serological test
kits for diagnosis of typhoid fever in the Philippines. J Clin Microbiol
■ Références 2007;45:246-7.
[28] Dutta S, Sur D, Manna B, Sen B, Deb AK, Deen JL, et al. Evaluation of
[1] WHO. Collaborating center for reference and research on Salmonella. new-generation serologic tests for the diagnosis of typhoid fever: data
Antigenic formulae of the Salmonella serovars. Paris: Pasteur Institute; from a community-based surveillance in Calcutta, India. Diagn
2001. Microbiol Infect Dis 2006;56:359-65.
[2] Crosa JH, Brenner DJ, Ewing WH, Falkow S. Molecular relationships [29] Farrell JJ, Doyle LJ, Addison RM, Reller LB, Hall GS, Procop GW.
among the salmonellae. J Bacteriol 1973;115:307-15. Broad-range (pan) Salmonella serotype typhi-specific time PCR assays
[3] Brenner FW, Villar RG, Angulo FJ, Tauxe R, Swaminathan B. potential tools for the clinical microbiologist. Am J Clin Pathol 2005;
Salmonella nomenclature. J Clin Microbiol 2000;38:2465-7.
123:339-45.
[4] Skerman VB, Mcgowan V, Sneath PH. Approved lists of bacterial
[30] Massi MN, Shirakawa T, Gotoh A, Bishnu A, Hatta M, Kawabata M.
names. Int J Syst Bacteriol 1980;41:185-7.
Quantitative detection of Salmonella enterica serovar typhi from blood
[5] Farmer JJ, Kelly MT. Enterobacteriaceae. In: Manual of clinical
of suspected typhoid fever patients by real-time PCR. Int J Med
microbiology. Washington DC: American Society for Microbiology;
Microbiol 2005;295:117-20.
1991. p. 371-3.
[31] Phongmany S, Phetsouvanh R, Sisouphone S, Darasavath C,
[6] Ornick RB, Greisman SE, Woodward TE, Dupont HL, Dawkins AT,
Vongphachane P, Rattanavong O, et al. A randomized comparison of
Snyder MJ. Typhoid fever: pathogenesis and immunologic control. N
oral chloramphenicol versus ofloxacin in the treatment of
Engl J Med 1970;283:686-91.
[7] Parry CM, Hien TT, Gougan G, White NJ, Farrar JJ. Typhoid fever. N uncomplicated typhoid fever in Laos. Trans R Soc Trop Med Hyg 2005;
Engl J Med 2002;347:1770-82. 99:451-8.
[8] Santander J, Wanda SY, Nickerson CA, Curtiss 3rd R. Role of RpoS in [32] Threlfall EJ, Fisher IS, Berghold C, Gerner-Smidt P, Tschäpe H,
fine-tuning the synthesis of Vi capsular polysaccharide in Salmonella Cormican M, et al. Trends in antimicrobial drug resistance in
enterica serotype typhi. Infect Immun 2007;75:1382-92. Salmonella enterica serotypes typhi and paratyphiAisolated in Europe,
[9] Haghjoo E, Galan JE. Identification of a transcriptional regulator that 1999-2001. Int J Antimicrob Agents 2003;22:487-91.
controls intracellular gene expression in Salmonella typhi. Mol [33] Wain J, Kidgell C. The emergence of multidrug resistance to
Microbiol 2007;64:1549-61. antimicrobial agents for the treatment of typhoid fever. Trans R Socf
[10] Bahn MK, Bahl R, Bhatnagar S. Typhoid and paratyphoid fever. Lancet Trop Med Hyg 2004;98:423-30.
2005;366:749-62. [34] Cooke FJ, Wain J. The emergence of antibiotic resistance in typhoid
[11] Vollaard AM, Ali S, Van Asten HA, Widjaja S, Visser LG, Surjadi C, fever. Travel Med Infect Dis 2004;2:67-74.
et al. Risk factors for typhoid and paratyphoid fever in Jakarta, [35] Parry CM. The treatment of multidrug-resistant and nalidixic acid-
Indonesia. JAMA 2004;291:2607-15. resistant typhoid fever in Vietnam. Trans R Soc Trop Med Hyg 2004;
[12] Tran HH, Bjune G, Nguyen BM, Rottingen JA, Grais RF, Guerin PJ. 98:413-22.
Risk factors associated with typhoid fever in Son La province, northern [36] Kadhiravan T, Wig N, Kapil A, Kabra SK, Renuka K, Misra A. Clinical
Vietnam. Trans R Soc Trop Med Hyg 2005;99:819-26. outcomes in typhoid fever: adverse impact of infection with nalidixic
[13] Vaillant V, Weill FX, Thiolet JM. Cas groupés de fièvre typhoïde liés à acid-resistant Salmonella typhi. BMC Infect Dis 2005;5:37.
un établissement de restauration à Paris, 2003. Bull Epidémiol Hebd [37] Thaver D, Zaidi AK, Critchley J, Madni SA, Bhutta ZA.
2004;21:85-6. Fluoroquinolones for treating typhoid and paratyphoid fever (enteric
[14] Connor BA, Schwartz E. Typhoid and paratyphoid fever in travellers. fever). Cochrane Database Syst Rev 2005(2) (CD004530).
Lancet Infect Dis 2005;5:623-8. [38] Rupali P, Abraham OC, Jesudason MV, John TJ, Zachariah A,
[15] Caumes E, Ehya N, Nguyen J, Bricaire F. Typhoid and paratyphoid Sivaram S, et al. Treatment failure in typhoid fever with ciprofloxacin
fever: a 10-year retrospective study of 41 cases in a Parisian hospital. susceptible Salmonella enterica serotype typhi. Diagn Microbiol Infect
J Travel Med 2001;8:293-7. Dis 2004;49:1-3.
[16] Huang DB, Dupont HL. Problem pathogens: extra-intestinal compli- [39] Denes E, Gondran G, Bezanahary H, Genet C, Rogez JP, Weinbreck P,
cations of Salmonella enterica serotype typhi infection. Lancet Infect et al. Salmonelle d’origine indienne : attention à la fausse sensibilité
Dis 2005;5:341-8. aux fluoroquinolones. Med Mal Infect 2005;35:223-4.

Maladies infectieuses 5
8-019-A-10 ¶ Fièvre typhoïde

[40] Slinger R, Desjardins M, McCarthy AE, Ramotar K, Jessamine P, [44] Steinberg EB, Bishop R, Haber P, Dempsey AF, Hoekstra RM,
Guibord C, et al. Suboptimal clinical response to ciprofloxacin in patients Nelson JM, et al. Typhoid fever in travelers: who should be targeted for
with enteric fever due to Salmonella spp. with reduced fluoroquinolone prevention? Clin Infect Dis 2004;39:186-91.
susceptibility: a case series. BMC Infect Dis 2004;4:36. [45] Caumes E. Conseils médicaux aux voyageurs. EMC (Elsevier Masson
[41] Frenck Jr. RW, Mansour A, Nakhla I, Sultan Y, Putnam S, Wierzba T, SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-006-P-10, 2004.
et al. Short-course azithromycin for the treatment of uncomplicated [46] Guzman CA, Borsutzky S, Griot-Wenk M, Metcalfe IC, Pearman J,
typhoid fever in children and adolescents. Clin Infect Dis 2004;38: Collioud A, et al. Vaccines against typhoid fever. Vaccine 2006;24:
951-7. 3804-11.
[42] Parry CM, Ho VA, Phuong le T, Bay PV, Lanh MN, Tung le T, et al. [47] Beeching NJ, Clarke PD, Kitchin NR, Pirmohamed J, Veitch K,
Randomized controlled comparison of ofloxacin, azithromycin, and an Weber F. Comparison of two combined vaccines against typhoid fever
ofloxacin-azithromycin combination for treatment of multidrug- and hepatitis A in healthy adults. Vaccine 2004;23:29-35.
resistant and nalidixic acid-resistant typhoid fever. Antimicrob Agents [48] Engels EA, Lau J. Vaccines for preventing typhoid fever. Cochrane
Chemother 2007;51:819-25. Database Syst Rev 2000(2) (CD001261).
[43] Saxe JM, Cropsey R. Is operative management effective in treatment of [49] Svennerholm AM. Progress in enteric vaccine development. Best Pract
perforated typhoid? Am J Surg 2005;189:342-4. Res Clin Gastroenterol 2004;18:421-45.

S. Ansart, Chef de clinique universitaire, assistant hospitalier (severine.ansart@chu-brest.fr).


M. Garré, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de maladies infectieuses, Hôpital de la Cavale Blanche, Centre hospitalier de Brest, 29 609 Brest cedex, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Ansart S., Garré M. Fièvre typhoïde. EMC (Elsevier Masson SAS, Paris), Maladies infectieuses, 8-019-A-10,
2008.

Disponibles sur www.emc-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos / Documents Information Informations Auto-
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations

6 Maladies infectieuses
 8-021-A-10

Légionelloses
N. Bornstein

En 1976, une épidémie de pneumopathies sévères survint parmi des vétérans de l’American Legion.
La très longue et spectaculaire enquête menée par le Center for Diseases Control (CDC) conduisit à
la description, en 1977, d’une nouvelle bactérie appelée, du fait des circonstances épidémiologiques,
Legionella pneumophila. Les très nombreux travaux menés depuis lors ont montré qu’il existait d’autres
bactéries semblables dont la niche écologique était spécifiquement l’environnement aquatique naturel
et artificiel. Ces bactéries, les Legionella, responsables d’affections respiratoires plus ou moins sévères,
les « légionelloses », sont toujours, après plus de 30 ans, rassemblées dans la famille des Legionella-
ceae. Les progrès accomplis, tant dans les méthodes diagnostiques que dans la compréhension de leur
épidémiologie, font apparaître les Legionella comme des bactéries de l’environnement dont le pouvoir
pathogène s’est accru au fil des détériorations engendrées par l’Homme sur cet environnement. Elles sont
aujourd’hui considérées comme une cause classique de pneumopathies acquises dans la communauté
ou nosocomiales.
© 2012 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Pneumopathie ; Légionelle ; Écologie ; Surveillance épidémiologique ; Prévention

Plan
 Écologie
■ Écologie 1 Les Legionella sont des bactéries qui font partie de la flore aqua-
Principaux réservoirs de Legionella 1 tique et sont trouvées dans de nombreux réservoirs et sources
Survie et développement des Legionella dans l’eau 2 d’eaux douces, naturels ou artificiels [1, 2] . Elles ont été isolées occa-
■ Épidémiologie 2 sionnellement dans l’eau de mer quand, mélangées à de l’eau
Circonstances épidémiologiques 2 douce au niveau d’estuaire [3] et dans certaines conditions de tem-
Taux d’attaque 3 pérature (comprises entre 4 ◦ C et 20 ◦ C), elles peuvent survivre
Influence climatique et saisonnière 3 avec une concentration de NaCl de plus de 3 % [4] .
Facteurs de risque 3 Les mécanismes de leur survie et de leur développement dans
Voies de transmission 3 ces écosystèmes sont mieux connus. Elles se multiplient dans un
Incidence des légionelloses 3 environnement intracellulaire comme les protozoaires ou puisent
Prévalence des anticorps dans la population 4 leurs nutriments au sein de niches écologiques comme les bio-
■ Clinique 4 films [5] .
Forme classique (maladie des légionnaires) où la scène clinique
est prédominée par la pneumonie 4
Formes inapparentes 4 Principaux réservoirs de Legionella
Formes bénignes 4
Formes extrapulmonaires 5 Les lacs et les rivières contiennent des espèces variées de Legio-
■ Anatomopathologie et physiopathologie 5 nella et notamment L. pneumophila sérogroupe 1. Les eaux dans
lesquelles sont isolées en quantité les Legionella sont des eaux
■ Diagnostic 6
tièdes ou chaudes (40 ◦ C-60 ◦ C). Les Legionella ont été rencon-
Diagnostic clinique 6
trées dans des eaux thermales sulfatées calciques à 35 ◦ C-40 ◦ C.
Diagnostic bactériologique et sérologique 6
Elles sont présentes dans les boues. Elles ont également été isolées
Diagnostic sérologique 7
de compost dont la manipulation par les jardiniers peut consti-
■ Traitement 8 tuer un facteur de risque [6, 7] . Ainsi L. Longbeachae est la cause
■ Prévention 8 majeure des cas de légionelloses observés en Australie et Nouvelle-
Mesures générales de prévention 8 Zélande [8] .
Stratégie d’action devant la survenue de cas de légionelloses 9 Les Legionella ne peuvent survivre dans un environnement sec ;

cependant, par des méthodes de détection en biologie moléculaire
Surveillance épidémiologique 9
leur présence a pu être décelée.
■ Conclusion 10 Elles n’ont jamais été isolées de vers de terre, d’insectes, de
poissons. Des études sérologiques avaient déjà permis de discuter

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 9 > n◦ 3 > août 2012
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)50185-7
8-021-A-10  Légionelloses

l’existence possible de légionelloses chez l’animal ; un cas de pneu- alors que les tuyaux en cuivre sont défavorables aux Legionella.
mopathie chez un bovin a été décrit, avec isolement de la souche Celles-ci ont été vues sous forme de microcolonies au sein des
responsable [9] . biofilms où elles sont protégées des désinfectants [18] .
Les Legionella sont rarement présentes dans les canalisations Enfin, les relations des Legionella avec les autres micro-
d’eau froide (température inférieure à 20 ◦ C) et si c’est le cas, elles organismes des milieux aquatiques constituent un élément
sont en très faible quantité. essentiel de leur survie et éclairent d’un jour particulier
Elles sont au contraire rencontrées fréquemment et en abon- l’épidémiologie des légionelloses [19, 20] .
dance dans l’eau chaude. Les chauffe-eau, surtout électriques, les Certains organismes photosynthétiques (cyanobactéries ou
réservoirs de grande capacité contiennent des Legionella, ainsi que algues vertes) sont capables de favoriser la croissance des Legionella
les tuyauteries, les boucles et espaces morts de distribution. Elles sous illumination et jouent donc un rôle dans leur survie dans les
sont particulièrement abondantes au niveau des interfaces air-eau, milieux ensoleillés. Mais ce sont les relations « hôte-parasite » avec
tels que siphons, aérateurs, briseurs de vide, et surtout robi- les protozoaires observées dès 1980 par Rowbotham [21] qui appa-
nets, mélangeurs et pommeaux de douche ; elles se développent raissent aujourd’hui comme fondamentales dans la pathogenèse
et adhèrent aux parois et aux joints et font partie de la flore et l’écologie des L. pneumophila [19, 22, 23] .
microbienne colonisant les dépôts organiques [10] . À l’intérieur Les Legionella sont capables de pénétrer et de se multiplier
des immeubles d’habitation, des hôtels, des bâtiments adminis- dans plus de 13 espèces différentes d’amibes ainsi que dans deux
tratifs, des hôpitaux, 60 % à 70 % des prélèvements effectués au espèces de protozoaires ciliés.
niveau des robinets sont positifs [11] . Bien que l’on trouve souvent Ce sont les seules bactéries qui parviennent ainsi à proliférer
de nombreux sérogroupes et espèces, L. pneumophila sérogroupe 1 dans les amibes ; elles sont trouvées dans des vacuoles de type
prédomine. Une étude en Allemagne a montré la présence de phagolysosomial entourées de granules ribosomiaux, selon un
Legionella dans les eaux chaudes de 68 % des hôpitaux, 58 % processus en tout point comparable à ce qui est observé dans les
des services de consultations privés, de 58 % des cabinets den- macrophages humains infectés [24] .
taires, 85 % des immeubles publics et 65 % d’appartements privés Ces cocultures in vitro amibes-Legionella sont obtenues à 25 et
à des concentrations de 10 à 102 unités formant colonies par litre 40 ◦ C. Les Legionella peuvent survivre dans les amibes in vitro à
(UFC/l) [12] . 0, 25 et 40 ◦ C, mais non à 60 ◦ C. À 25 ◦ C, les amibes phagocytent
Les Legionella peuvent aussi être à l’état « dormant » dans l’eau et digèrent les Legionella, alors qu’à 35 ◦ C celles-ci se développent
et les canalisations. Ce sont alors des bactéries viables non activement dans les vacuoles et entraînent la lyse de la cellule
cultivables (VCN), parfois décelées uniquement en immunofluo- amibienne. Il en résulte un ensemencement bactérien du milieu
rescence. Après cocultures en présence d’amibes, elles peuvent se environnant. Les Legionella pourraient survivre dans les kystes
réactiver en recouvrant ou non leur virulence [13, 14] . amibiens peu sensibles au chlore.
Les Legionella ont été rarement rencontrées dans l’eau des pis- Lors d’expériences de cocultures, Kuchta a montré que les
cines de natation dont la température est inférieure à 30 ◦ C et kystes amibiens étaient plus facilement détruits par l’association
qui est généralement chlorée. En revanche, elles sont abondantes d’un traitement thermique à 60 ◦ C et de chlore (chlore résiduel
dans celle des bains bouillonnants (jacuzzi) dont la température > 2 ppm). Le meilleur contrôle de la population amibienne par ce
est de 35 ◦ C. Elles sont aussi très nombreuses sur les parois et dans type de traitement permettrait alors d’éliminer plus significative-
l’eau de certaines piscines thermales [15–17] . ment les Legionella [25] .
Depuis les observations initiales de Pontiac et de Philadelphie, Les Legionella obtenues en coculture conservent leur virulence
de nombreuses épidémies de légionelloses ont pu être rapportées à pour le cobaye [26] .
un système de climatisation défectueux. Les Legionella se trouvent La difficulté d’éradication des Legionella dans les installations de
généralement dans la boue et dans le dépôt métallo-organique des distribution d’eau sanitaire et thermale résulte en fait de plusieurs
bacs de recueil des eaux froides des tours de refroidissement. facteurs :
Au cours d’épidémies, des Legionella peuvent être trouvées • leur relative résistance au chlore leur confère un avantage sélec-
à la fois dans le système de climatisation et dans le circuit tif par rapport aux autres bactéries lorsque les concentrations
d’eau chaude ; l’enquête doit déterminer la source véritable de sont faibles, et en particulier à l’intérieur des biofilms ;
l’épidémie. • les amibes, et surtout leurs kystes, sont peu sensibles au chlore
À l’occasion de cas de légionelloses contractées à l’hôpital, et autres désinfectants chimiques, ce qui est un facteur sup-
l’enquête épidémiologique et microbiologique a mis en évidence plémentaire de survie des Legionella intra-amibiennes, et les
des Legionella dans des humidificateurs d’air, ainsi que dans des Legionella issues des amibes ont une résistance accrue aux dés-
appareils producteurs d’aérosols par ultrasons. Dans tous ces cas, infectants divers ainsi qu’aux fluctuations de température, pH,
de l’eau du robinet avait été utilisée pour le fonctionnement de osmolalité de l’environnement ou aux agents oxydants ;
l’appareil. Des Legionella ont été trouvées dans des machines pro- • enfin, le troisième avantage sélectif apparaît lorsque la tem-
duisant des glaçons. Certains équipements de dentisterie peuvent pérature de l’eau est de 35 à 45 ◦ C, température fréquemment
aussi disperser des aérosols infectieux. observée dans les circuits d’eau chaude.
L. pneumophila survit 2 heures dans un aérosol à condition que
l’humidité soit égale à 65 %. Cette aptitude à survivre serait le fait
des souches virulentes.
Il est possible de reproduire assez facilement une légionellose  Épidémiologie
expérimentale chez le cobaye par inhalation d’aérosols infectieux ;
la pneumonie obtenue est en tout point comparable à la pneumo- Les légionelloses sont observées dans tous les pays où elles sont
nie naturelle observée chez l’homme. Cependant, les aérosols ne recherchées avec les moyens appropriés, mais elles restent encore
sont infectieux que si le diamètre des gouttelettes est inférieur à sous-diagnostiquées et sous-notifiées.
5 ␮m. L’air sec ne semble pas pouvoir être un vecteur de Legionella. Aux États-Unis, les études estiment par an entre 8 000 et 18 000
le nombre de cas de légionelloses hospitalisés. En Europe 5 960 cas
ont été notifiés en 2008 par 34 pays [27, 28] .
Survie et développement des Legionella Le bilan 2009 de l’Institut de veille sanitaire (InVs) montre une
dans l’eau légère diminution du nombre de cas de légionelloses en France
comparativement aux années précédentes, avec 1 206 cas déclarés
Les nutriments qui sont nécessaires aux Legionella sont pré- et une incidence de 1,9/100 000 habitants [29] .
sents dans l’environnement, ainsi que les oligoéléments minéraux
(zinc, fer, etc.) provenant de la corrosion des tuyaux et réservoirs.
Un autre élément essentiel de développement des Legionella est Circonstances épidémiologiques
leur présence dans des biofilms qui sont favorisés par certains
constituants des systèmes de distribution d’eau tels que le caout- Les légionelloses sont observées sous trois formes épidémiolo-
chouc, le chlorure de polyvinyle, le polyéthylène et le silicone, giques :

2 EMC - Maladies infectieuses


Légionelloses  8-021-A-10

• il existe des épidémies d’extension plus ou moins grande dans La dose infectante nécessaire n’est pas clairement définie, mais
des hôtels, dans de grands immeubles ou dans des hôpitaux ; il peut y avoir une certaine corrélation entre la durée d’exposition
• des états endémiques peuvent être observés, notamment dans aux zones à risques et la survenue de la maladie.
des hôtels ou des hôpitaux. Ils résultent généralement, soit de Différents types d’installations favorisent la production
retard au diagnostic clinique, microbiologique ou épidémiolo- d’aérosols :
gique, soit de difficultés d’éradication de la source infectieuse, • les tours de refroidissement utilisées pour réfrigérer l’eau des
soit de la multiplicité des réservoirs de micro-organismes ; systèmes de climatisation produisent des brouillards chargés de
• la majorité des cas de légionelloses se présentent sous forme Legionella, ainsi que les centrales d’humidification des systèmes
sporadique, du moins en apparence. En effet, les liens épidé- de traitement d’air, les humidificateurs d’atmosphère domes-
miologiques ne sont pas toujours aisés à mettre en évidence tiques [42] et les eaux de refroidissement industrielles, voire des
(cas observés chez des voyageurs) et la recherche de la source systèmes de refroidissement utilisés dans l’industrie du bâti-
de contamination n’est pas systématiquement effectuée. Néan- ment [43] ;
moins, les légionelloses apparaissent particulièrement comme • les aérosols chargés de Legionella peuvent être produits à partir
une maladie liée au type de civilisation urbaine actuelle [27] . de pommeaux de douches contaminés ;
• enfin, les nébuliseurs et humidificateurs d’appareils respira-
toires peuvent être aussi riches en Legionella. Des appareils de
Taux d’attaque dentisterie produisent des aérosols, ainsi que les nébuliseurs des
étalages de magasins de légumes [42] , les fontaines décoratives,
Au cours de la fièvre de Pontiac, ce taux est très élevé, de l’ordre
les systèmes d’arrosage, les bains bouillonnants, les piscines
de 95 à 100 %. Au cours des épidémies de maladie des légionnaires,
thermales sulfatées calciques ;
il est de 1,5 % à 7 %.
• l’aspiration directe avait été suspectée lors d’interventions chi-
rurgicales portant sur la région du larynx et du pharynx
Influence climatique et saisonnière ou simplement lors des intubations. L’origine pharyngée de
cette contamination est peu vraisemblable en raison de la
Les légionelloses sont observées tout au long de l’année, mais rareté de l’isolement de Legionella dans la bouche. Cepen-
il existe un pic saisonnier en été et à l’automne, correspondant, dant, l’aspiration d’eau souillée (eau du robinet) a été décrite
notamment aux États-Unis, à l’utilisation des climatiseurs ou aux comme mode possible de contamination [44] . Ce mécanisme
voyages touristiques. a été invoqué par Blatt et al. [45] , chez des patients por-
teurs d’un tube nasogastrique rincé à l’eau du robinet, ou
lors de l’utilisation de bronchoscopes rincés avec de l’eau du
Facteurs de risque robinet [46] ;
• l’observation de cas de légionellose après noyade doit être rap-
Ils sont bien identifiés, et en particulier l’âge (> 50 ans),
pelée ;
le sexe masculin, le tabagisme, l’alcoolisme, le diabète [30] .
• la possibilité de contamination par voie digestive ne peut être
Tous les états d’immunodépression constituent des facteurs
écartée sur la base de rares observations cliniques et expérimen-
favorisants : maladies immunosuppressives dont le syndrome
tales, mais la preuve ne peut pas actuellement être apportée [47] ;
d’immunodéficience acquise (sida), chimiothérapie anticancé-
• la porte d’entrée de légionelloses à localisation extrapulmonaire
reuse, corticothérapie, transplantations d’organes (rein, cœur),
peut aussi résulter de contamination de plaies opératoires par
greffe de moelle osseuse [31–36] . Des facteurs génétiques liés à l’hôte
de l’eau souillée [33, 47] ;
susceptibles de moduler la réponse immunitaire ont été documen-
• enfin, il faut souligner que la possibilité de contagion interhu-
tés [37] . Des études expérimentales chez la souris ont ainsi identifié
maine n’a jamais encore été documentée et que l’on n’a pas
sur le chromosome 13 un locus codant une protéine (neuronal
observé de cas secondaires.
apoptosis inhibitory protein 5 Naip5) dont l’expression est associée
à une résistance aux Legionella.
Le bilan des bilans épidémiologiques hebdomadaires (BEH)
2009 montre que 72 % des cas de légionelloses présentaient au Incidence des légionelloses
moins un facteur de risque et que dans 43 % des cas le tabagisme La prévalence et l’incidence des légionelloses restent difficiles à
était associé [29] . évaluer avec exactitude [39, 48, 49] , y compris celles des légionelloses
L’exposition plus ou moins prolongée ou fréquente à des sources nosocomiales [50–53] .
de contamination constitue un risque non négligeable : voyages Deux études rétrospectives, citées dans un mémorandum [39] ,
et hébergements dans des hôtels climatisés [38] , fréquentation de basées sur des techniques d’investigation incomplètes, donnent
centres de loisirs (centres de remise en forme, bains bouillonnants) des résultats divergents : respectivement 2 et 12 cas de légionel-
ou de soins (établissements thermaux) [15] , risques professionnels loses pour 100 000 habitants selon qu’il s’agit d’une surveillance
(entretien des systèmes de climatisation, travail dans les mines passive ou active. Le groupe de travail européen sur les infections
et dans l’industrie textile) [39] , exposition aux brouillards émis par à Legionella (European Working Group for Legionella Infections
les tours de refroidissement. Dans les hôpitaux, il n’y a pas de [EWGLI]) a recueilli au cours de 16 années de suivi 53 494 cas noti-
risque de contagion au contact des malades, mais le personnel est fiés. L’incidence calculée est respectivement en 2007 et 2008 de
exposé au même risque via les systèmes de climatisation et/ou de 11,3 pour 523,3 millions d’habitants et 11,8 pour 506,2 millions
distribution d’eau potable. Le risque existe aussi dans les maisons d’habitants [28] .
et appartements individuels [40] . De 1990 à 2005 l’incidence des légionnelloses rapportées aux
États-Unis a significativement augmenté [54] . Il est difficile de
Voies de transmission faire la part entre de réels changements épidémiologiques et une
amélioration du diagnostic accompagné d’une plus grande sensi-
Plusieurs possibilités de transmission des Legionella à partir de bilisation des cliniciens [55] .
leurs réservoirs existent, mais la preuve directe de leur rôle n’a La plupart des recherches ont tenté d’évaluer la propor-
pas été apportée chez l’homme. De même, si le rôle de l’amibe tion des pneumopathies causées par les Legionella. Les résultats
comme particule infectieuse porteuse de Legionella est fortement sont très divergents et les causes de ces disparités tiennent à
suspecté [23, 41] , il n’a pas été prouvé. de nombreux facteurs [56] . Une revue, publiée en 2002, por-
La voie la plus communément admise est l’inhalation d’aérosols tant sur les pneumonies communautaires identifie comme agent
infectieux. Ces aérosols atteignent les alvéoles pulmonaires, et les étiologique les Legionella sp. chez 1,9 % de malades ambula-
Legionella dont ils sont porteurs pénètrent dans les macrophages toires, 4,9 % de malades hospitalisés et 7,9 % de malades en
alvéolaires et se multiplient dans les phagosomes. L’inhibition de réanimation [57] .
la fusion phagolysosomiale permet la survie intracellulaire des Il peut aussi exister des variations géographiques, mais les diver-
Legionella et la destruction des macrophages. gences résultent plutôt de différences dans les méthodes d’étude

EMC - Maladies infectieuses 3


8-021-A-10  Légionelloses

clinique, épidémiologique et bactériologique. Il est donc néces- des malades atteints du sida, L. longbeachae après une transplanta-
saire de retenir avec prudence les proportions indiquées dans la tion cardiaque. Une vingtaine d’espèces différentes de Legionella
littérature [54, 58] . ont été identifiées comme à l’origine de cas de légionelloses après
Globalement les Legionella causeraient moins de 1 % des pneu- diagnostic par culture [38] .
mopathies soignées à domicile et de 1 % à 37 % de celles qui, en
raison de leur gravité, sont hospitalisées. Le pourcentage le plus
élevé concerne des malades admis dans un service de réanimation Forme classique (maladie des légionnaires)
respiratoire. où la scène clinique est prédominée
Les Legionella acquises à l’hôpital restent encore sous-
diagnostiquées et seraient la cause de 0 à 47 % [50] des pneumo- par la pneumonie
pathies nosocomiales. Les chiffres les plus élevés sont obser- Après une incubation le plus souvent de 2 à 10 jours, les malades
vés dans les services cliniques où sont soignés certains types de présentent de la fièvre, un malaise général, des myalgies, des
patients (immunodéprimés, transplantés, etc.). céphalées parfois sévères, de l’anorexie et une toux sèche sans
Tous ces chiffres indiqués doivent être interprétés en sachant signes rhinopharyngés. En quelques jours, la toux devient plus
que, dans la plupart des séries, de 30 % à 50 % des pneumopathies importante, avec douleurs thoraciques, dyspnée fréquente et par-
restent sans étiologie connue. fois expectoration purulente ou sanglante. La fièvre persiste, peut
Les formes pédiatriques des légionelloses acquises dans la devenir élevée (> 39 ◦ C) et s’accompagner de bradycardie, en par-
communauté ou nosocomiales ont été peu fréquemment décrites ticulier chez les personnes âgées.
mais selon une étude de 2006 [59] devraient être plus souvent Aux signes respiratoires s’ajoutent des symptômes qui
recherchées [54, 60] . témoignent de l’atteinte générale de l’organisme : troubles gastro-
Plusieurs cas de légionelloses ont été aussi décrits chez la femme intestinaux avec diarrhée aqueuse dans 20 à 40 % des cas, troubles
enceinte, avec risque de prématurité [61] . neurologiques, confusion mentale, mais pas de signes méningés.
Il est très difficile d’indiquer avec précision la proportion L’examen physique montre l’existence de râles pulmonaires et
d’infections causées par les différentes espèces ou sérogroupes de signes de condensation avec matité, uni- ou bilatéraux, et par-
de Legionella. Cependant L. pneumophila, et notamment le séro- fois d’un épanchement pleural.
groupe 1, reste le plus souvent impliquée (84 % des cas dans Ces signes cliniques, bien qu’évocateurs de la maladie des
le monde et 95 % des cas en Europe) [19, 54, 62] . Une plus grande légionnaires, ne sont pas spécifiques. De même, les signes radio-
virulence de L. pneumophila ser 1 pourrait en partie expli- graphiques, présents dans 90 % des cas, ne permettent pas
quer cette répartition, mais d’autres facteurs sont sans doute de distinguer une pneumonie à Legionella d’une pneumonie à
à envisager, notamment les difficultés diagnostiques pour les pneumocoques, si ce n’est leur aggravation rapide, en particu-
autres espèces [58] . À l’inverse, en Australie et Nouvelle-Zélande lier sous traitement antibiotique inadapté, type bêtalactamines.
L. longbeachae est responsable de 30 %, voire 50 % des cas de légio- L’infiltration initiale est suivie rapidement d’une zone de conden-
nelloses [38] . sation, unique ou multiple, siégeant surtout dans les lobes
L’intervention des autres espèces ne peut être valablement inférieurs ; abcès et cavernes surviennent rarement.
évaluée que par la généralisation des prélèvements et cultures Par ailleurs, des anomalies biologiques sont également obser-
bactériologiques et par l’emploi de méthodes de diagnostic plus vées [66] . Certaines peu spécifiques témoignent du caractère
appropriées impliquant des réactifs spécifiques. Leur prévalence systémique de la maladie : atteintes rénale et hépatique, polynu-
serait plus grande chez les sujets immunodéprimés [63] . cléose sanguine, signes d’insuffisance respiratoire. D’autres, telles
qu’hyponatrémie, augmentation des transaminases et surtout
hypophosphatémie seraient plus caractéristiques des légionel-
Prévalence des anticorps dans la population loses.
Des études permettent d’évaluer la fréquence du contact avec Deux complications sont fréquentes et associées à un diagnostic
les Legionella, la persistance des anticorps sériques et d’établir les défavorable :
règles d’interprétation du sérodiagnostic. • une insuffisance respiratoire grave observée lorsque les lésions
En l’absence d’épidémie ou d’endémie, les titres d’anticorps à pulmonaires se sont étendues avec atteinte bilatérale ;
32 ne dépassent pas 2,5 % pour L. pneumophila sérogroupe 1, et • une insuffisance rénale aiguë avec anurie, justifiant une épura-
1,5 % pour les autres sérogroupes. Pour les autres espèces, ces tion extrarénale.
valeurs peuvent être plus élevées, et pour L. micdadei, L. bozemanii À côté de cette forme clinique habituelle, d’autres formes cli-
atteindre 11 % à 14 %. En revanche, les titres à 128 ou 256 sont niques de légionelloses, de présentation et de gravité différentes,
exceptionnels [39, 64]. ont été décrites, dont certaines pour lesquelles les signes extra-
Dans les zones où ont été observés des cas de légionelloses épi- pulmonaires dominent, voire constituent à eux seuls la scène
démiques ou endémiques, la prévalence des anticorps peut être clinique.
plus élevée (10 % à 15 % pour L. pneumophila sérogroupe 1). C’est
le cas par exemple des personnels des hôtels ou des hôpitaux [27] . Mortalité-morbidité
Le taux de mortalité est généralement compris entre 10 et
20 %. Mais il dépend aussi de la sévérité des signes cliniques, du
 Clinique statut immunitaire du patient, de l’origine de l’infection (commu-
nautaire ou nosocomiale) et du choix initial de l’antibiotique.
Les légionelloses se présentent cliniquement sous des formes et Tout retard à la mise en place d’un traitement adapté est source
une gravité très variées, avec des manifestations pulmonaires et d’aggravation [38] .
extrapulmonaires [51, 53, 65] .
Le tableau clinique de légionellose n’est pas spécifique, ce qui
rend souvent très difficile le diagnostic différentiel avec les autres Formes inapparentes
pneumonies bactériennes ou avec les pneumonies atypiques. Il
Elles ont été mises en évidence lors d’épidémies par diagnostic
peut aller de la pneumonie aiguë, forme la plus fréquente, décrite
sérologique. Leur incidence n’est pas connue [38] .
pour la première fois à Philadelphie en 1976, et appelée mala-
die des légionnaires, à la forme fébrile d’évolution bénigne dite
fièvre de Pontiac, en passant par des formes extrarespiratoires. Si Formes bénignes
L. pneumophila sérogroupe 1 est le plus souvent responsable de la
maladie des légionnaires, d’autres espèces de Legionella peuvent Observées pour la première fois lors d’une épidémie d’affections
être à l’origine de légionelloses, en particulier chez les malades en pseudogrippales à Pontiac en 1968 et diagnostiquées rétros-
immunosuppression : L. anisa chez des patients atteints de leucé- pectivement par sérodiagnostic comme légionellose due à
mie, L. micdadei dans un lupus érythémateux, L. bozemanii chez L. pneumophila sérogroupe 1, elles se présentent comme une

4 EMC - Maladies infectieuses


Légionelloses  8-021-A-10

infection aiguë des voies respiratoires supérieures avec signes neu- Tableau 1.
rologiques (céphalées, vertiges, troubles de conscience) [67, 68] , mais Fréquence (en pourcentage) des signes cliniques et biologiques au cours
sans pneumonie. Elles se caractérisent par une incubation courte de la maladie des légionnaires [69] .
d’environ 48 heures et une évolution spontanément favorable, Signes cliniques et physiques Signes biologiques
sans traitement, en 2 à 5 jours [38, 69] .
Depuis cette épidémie, d’autres épidémies de fièvre de Pontiac Fièvre
ont été décrites, dont certaines causées par d’autres espèces de ≥ 39 ◦ C 90 Leucocytes 45
Legionella [65] . Lors d’une épidémie apparue chez des adultes et ≥ 40 ◦ C 50 (> 10 000 mm3 )
des enfants, la souche probablement responsable (L. pneumophila Toux 80-100 Hyponatrémie 68
sérogroupe 1) a pu être isolée chez l’un des enfants [67] . Frissons 75
Expectoration 50 Hypophosphatémie 51

Formes extrapulmonaires Dyspnée 54-94 Augmentation des enzymes


Elles se présentent soit comme des pneumonies au cours des- Douleur thoracique 25-33 LDH 45
quelles les manifestations extrarespiratoires sont prédominantes, Diarrhée 50 SGOT 65
soit comme des syndromes atteignant divers organes à l’exclusion Nausées, vomissements 25 Phosphatases alcalines 62
du poumon et pour lesquels le diagnostic s’est fait par l’isolement
Douleurs abdominales 15-23 Hyperbilirubinémie 15
de la bactérie et/ou par antigénurie et/ou par une sérologie posi-
tive [47, 69] . Céphalées 41-71 Protéinurie 50
Ces légionelloses sont rares. Elles surviennent surtout chez les Confusion 30-40 Hématurie 50
malades immunodéprimés. Elles peuvent résulter de diagnostic Myalgies, arthralgies 14-83
tardif lors de légionellose peu typique, avec alors une dissémina- Bradycardie 60
tion bactérienne par bactériémie. Si la diffusion septicémique de
Râles 80
la bactérie est probable dans 20 % des formes sévères de légionel-
lose [33] , sa présence dans les organes est rarement retrouvée dans Matité 80-100
ces formes extrapulmonaires et le rôle possible des exotoxines LDH : lacticodéshydrogénase ; SGOT : transaminase glutamo-oxaloacétique.
peut être envisagé.
Il peut s’agir aussi de formes nosocomiales avec porte d’entrée
d’origine chirurgicale souillée par de l’eau contenant des Legionella Rénales
(plaie sternale post-chirurgicale, insertion de tube médiastinal,
L’atteinte rénale, constatée dans 50 % des cas de légionelloses
tube de drainage, plaie de suture, etc.) ou suite à l’ingestion d’eau
et traduite par une protéinurie et une hématurie microscopiques,
(péritonite, colite) [69] .
est en général transitoire ; mais chez 13 % des malades, une insuf-
fisance rénale aiguë peut survenir, secondaire généralement à une
Neurologiques rhabdomyolyse. Au cours de ces atteintes rénales, la bactérie a rare-
ment été isolée dans le rein alors que l’antigénurie est fréquente
Les formes neurologiques peuvent prendre différents dans les légionelloses. Un cas de pyélonéphrite interstitielle avec
aspects [47, 68] . Obnubilation et confusion, voire délire et coma abcès rénal à L. pneumophila sérogroupe 4 est décrit [47] .
profond sont le témoin d’une atteinte encéphalique peut-être
de nature toxinique ; le liquide cérébrospinal est normal ou Musculaires
présente une pléiocytose et une hyperprotéinorachie modérées ;
l’électroencéphalogramme peut montrer des signes d’irritation En dehors des myalgies banales, des myosites ont été signalées
cérébrale et l’imagerie par résonance magnétique (IRM) révéler avec élévation de la créatine phosphokinase, myosites pouvant
des signes d’atteinte encéphalitique ; la tomodensitométrie conduire à une rhabdomyolyse, parfois associée à une myocardite
est exceptionnellement anormale. Ces signes encéphaliques asymptomatique. Dans un seul cas, des Legionella ont été mises en
ne laissent généralement aucune séquelle, sauf l’amnésie de évidence dans le muscle [70] .
l’épisode aigu.
Des signes neurologiques en foyer ont été rapportés. Si les Cutanées
atteintes cérébelleuses sont les plus fréquentes, des paralysies des Mis à part l’existence de rash cutané peu spécifique, des cas
nerfs crâniens ont été décrites, ainsi que des hémiplégies et mono- d’abcès avec isolement de Legionella ont été rapportés au cours
plégies, des troubles sensoriels, des convulsions généralisées. De d’une infection périrectale à L. pneumophila succédant à une dif-
même, des atteintes médullaires ont été signalées avec myélite fusion hématogène ou au cours d’une légionellose à L. micdadei
aiguë, polyradiculonévrite, syndrome de la queue de cheval, neu- chez un malade atteint de sida. Des surinfections nosocomiales
ropathie périphérique et un cas d’abcès cérébral au cours d’un de fistules d’hémodialyse ont été observées [47] .
processus hématogène.
Diverses
Cardiaques Des localisations variées ont été aussi signalées de manière
anecdotique. C’est le cas des atteintes rétiniennes, d’un cas de
Les atteintes cardiaques sont localisées le plus souvent sur le
sinusite maxillaire à L. pneumophila sérogroupe 1, de septicémies
péricarde, en association ou non avec une pneumonie, avec isole-
chez des malades immunodéprimés et d’atteintes hématologiques
ment de Legionella dans le liquide de ponction. Des myocardites
(thrombopénie isolée, coagulopathie de consommation, purpura,
avec bradycardie et troubles du rythme ont été observées chez
anémie hémolytique) (Tableau 1).
l’enfant, d’origine probablement toxinique. Des cas d’endocardite
sur prothèse valvulaire ont été confirmés par la culture [69] .
 Anatomopathologie
Digestives et physiopathologie
Il s’agit d’atteintes directes du tube digestif par les Legionella
avec péritonite, colite nécrosante et perforation, faisant figure de Les lésions anatomiques causées par les Legionella sont caracté-
complications graves. Si l’atteinte hépatique est classique au cours ristiques au niveau des poumons :
des légionelloses (Tableau 1), elle est probablement de nature toxi- • il existe des zones de condensation lobaires ou segmentaires ;
nique et non due à un développement in situ des Legionella. En • les alvéoles sont le siège d’une infiltration par des polynu-
effet, un seul cas d’abcès hépatique a été rapporté [47] . cléaires et des macrophages ;

EMC - Maladies infectieuses 5


8-021-A-10  Légionelloses

• seules les bronchioles terminales sont atteintes, alors que les Diagnostic bactériologique et sérologique
bronchioles et bronches sont intactes ;
• l’alvéole est emplie d’un exsudat fibrineux pouvant contenir Le diagnostic biologique des légionelloses reste difficile et
des Legionella extracellulaires. repose sur l’obtention de prélèvements de qualité, tant pour effec-
En fait, celles-ci résultent de la lyse des polynucléaires et des tuer un diagnostic direct par culture qu’un sérodiagnostic.
macrophages dans lesquels se sont multipliées activement les bac-
téries. Diagnostic direct
Une atteinte pleurale peut être observée. Les Legionella sont Le diagnostic direct, avec mise en évidence de l’agent étiolo-
colorables par la méthode de Gimenez ou par immunofluores- gique dans les produits pathologiques, fait appel à différents types
cence directe (IFD). de méthodes.
Les Legionella pénètrent dans les voies respiratoires, soit par
inhalation d’aérosols, soit par aspiration, soit, dans d’autres Mise en culture du prélèvement
organes, plus rarement, par inoculation directe. C’est la méthode de choix car la culture de l’agent pathogène
Les bactéries sont transportées dans l’alvéole où elles sont pha- reste le diagnostic de certitude. Son succès dépend de la nature
gocytées par les macrophages et les polynucléaires alvéolaires. Les des prélèvements (aspirations endobronchiques, lavages bron-
bactéries restent localisées et sont rarement retrouvées en quantité choalvéolaires, liquides pleuraux, biopsies pulmonaires, etc.) et du
abondante dans les crachats, constatation qui explique la faible moment où ils sont pratiqués, c’est-à-dire dès l’apparition des pre-
contagiosité interhumaine de la maladie et qui impose la néces- miers symptômes et avant toute antibiothérapie spécifique. Dans
sité d’un prélèvement profond (lavage bronchoalvéolaire) pour certains cas, les Legionella peuvent être également isolées à partir
réaliser le diagnostic bactériologique. du sang et notamment des leucocytes séparés par centrifugation
La pathogénie de la fièvre de Pontiac reste toujours une énigme. et lysés avant d’être mis en culture. L’isolement de l’agent respon-
Il pourrait s’agir [38, 69] de l’inhalation de Legionella pouvant infec- sable requiert, en raison des exigences culturales des Legionella,
ter les macrophages sans s’y multiplier ou de l’inhalation de l’emploi de milieux gélosés spécifiques CYE ou BCYE, parfois ren-
Legionella peu virulentes avec d’autres micro-organismes ou des dus sélectifs par adjonction d’antibiotiques ou d’antifongiques.
substances toxiques présentes dans des eaux contaminées. Si ces antibiotiques restent inefficaces sur les bactéries de la flore
banale, les échantillons sont traités par acidification (pH 2) avant
leur mise en culture. La spécificité de la culture est de 100 %, sa
sensibilité de 25 % à 75 % [27, 65] . Le délai de réponse est de plusieurs
 Diagnostic jours (2 à 3 jours au minimum).
Les techniques de cocultures Legionella-amibes peuvent être uti-
Diagnostic clinique lisées lorsque la culture d’un prélèvement de malade suspecté de
légionellose est restée négative [20] . Des formes viables non culti-
Les légionelloses sont des pneumopathies soit acquises dans vables de Legionella peuvent être ainsi isolées. Les amibes utilisées
la communauté (les plus fréquentes), soit nosocomiales, et dans appartiennent aux genres Acanthamoeba, Naegleria, Hartmanella et
les deux cas elles peuvent être sporadiques, endémiques ou Tetrahymena.
épidémiques. Lorsqu’elles sont communautaires et qu’elles sur- L’identification et la différenciation des colonies de Legionella
viennent en l’absence de tout contexte épidémique, il faut reposent sur l’étude de leurs caractères culturaux (exigence en
pouvoir les différencier des pneumonies causées par d’autres L-cystéine), biochimiques et enzymatiques, de leurs caractères
micro-organismes. antigéniques en IFD ou par agglutination à l’aide d’immunsérums
Si le tableau clinique de légionellose n’est pas typique, spécifiques, de la composition en acides gras ramifiés structuraux
l’association de certains éléments symptomatiques peut orienter de la paroi en GLC et de la composition en ubiquinones en chro-
le clinicien. Ainsi, dans sa forme classique, la légionellose se carac- matographie liquide haute performance (CLPH) [64] . L’analyse des
térise par une pneumonie fébrile, associée à une diarrhée aqueuse protéines de paroi en électrophorèse (SDS-PAGE) peut être un
non sanguinolente et un état confusionnel, ce qui ne s’observe complément d’identification non négligeable [71] .
ni dans les pneumopathies atypiques, ni dans la pneumonie à L’association de ces différentes méthodes n’est parfois pas assez
pneumocoque. discriminante pour permettre une identification précise au niveau
La résistance au traitement par les bêtalactamines est un bon de l’espèce. Parmi les nombreuses méthodes de biologie molé-
élément d’orientation. Certains indiquent que les signes de bra- culaire récemment développées, celles basées sur l’analyse des
dycardie peuvent aussi être un élément différentiel des autres gènes codant pour l’ARN 16S et 23S, ou pour l’espace intergé-
pneumonies bactériennes [53] . nique 16S-23S, sont un outil performant pour l’identification des
Parmi les anomalies biologiques décrites, l’hypophosphatémie Legionella [38, 71] .
serait la plus caractéristique des légionelloses, et si ni La dernière étape déterminante est alors l’identification par
l’hyponatrémie, ni parfois l’augmentation des transaminases hybridation de l’acide désoxyribonucléique (ADN), technique
ne constituent par elles-mêmes des critères diagnostiques spéci- réservée à de rares laboratoires spécialisés, et qui pour le Center
fiques, leur association aux autres perturbations pourrait renforcer for disease control (CDC) reste la méthode de référence.
la suspicion de légionellose. L’isolement de l’agent étiologique et son identification sont
D’une manière générale, le diagnostic de légionellose doit plus particulièrement importants dans la perspective d’une enquête
particulièrement être suspecté chez les patients immunodéprimés épidémiologique :
ne réagissant pas aux bêtalactamines, provenant d’une région où • comparaison des souches isolées chez différents malades hos-
des légionelloses épidémiques sont signalées, ou chez des per- pitalisés (épidémie, endémie, etc.) ;
sonnes exposées à un risque professionnel. • comparaison des souches cliniques aux souches isolées du
Au cours des pneumopathies nosocomiales, le diagnostic de proche environnement des malades.
légionellose doit être évoqué en fonction des circonstances épi- L’ubiquité des Legionella dans l’environnement, en particulier
démiologiques et chez des sujets présentant un risque particulier de L. pneumophila sérogroupe 1, rend nécessaire l’emploi de mar-
(réanimation, chimiothérapie, corticothérapie, etc.). queurs épidémiologiques.
Il existe des infections mixtes dont la fréquence n’est pas négli- Différents types de techniques de typage sont appliquées aux
geable (5 % à 10 % selon Edelstein) qui rendent le diagnostic Legionella parmi lesquels le sérotypage par anticorps monoclo-
clinique encore plus difficile et nécessitent un diagnostic bac- naux, les typages moléculaires comme l’amplified fragment length
tériologique [33] . C’est ainsi que les Legionella ont été trouvées à polymorphism (AFLP), le pulsed field gel electrophoresis (PFGE) et
l’origine de pneumonie, en association avec Streptococcus pneu- le multilocus sequence typing (MLST). Si ces techniques sont suf-
moniae, Chlamydia pneumoniae, Moraxella catarrhalis, Haemophilus fisamment performantes pour affirmer l’origine d’une épidémie,
sp., Cryptococcus neoformans, Mycobacterium tuberculosis, Aspergil- leur pouvoir discriminant n’est pas similaire. Dans le cadre
lus sp., Pneumocystis carinii, Klebsiella sp., Mycoplasma pneumoniae, d’investigations de légionelloses liées au tourisme, le groupe
Staphylococcus aureus, etc. EWGLI a tenté d’identifier les méthodes les plus appropriées [72, 73] .

6 EMC - Maladies infectieuses


Légionelloses  8-021-A-10

Il en ressort que le typage par anticorps monoclonaux est une tous les sérogroupes de L. pneumophila et d’autres espèces de Legio-
bonne méthode de « screening » et que le PFGE est plus discrimi- nella [89] . La performance des réactifs utilisés est améliorée lorsque
nant [74] . les urines sont chauffées et préalablement concentrées par ultra-
Cependant, le simple stade de l’identification complète filtration.
peut parfois servir de marqueur épidémiologique car chez des Les antigènes qui sont éliminés dans les urines sont probable-
malades hospitalisés et fragilisés, des sérogroupes ou des espèces ment de nature lipopolysaccharidique. Ils peuvent être décelés
plus rarement isolées peuvent être impliquées : L. pneumophila dès les premiers jours de l’infection et jusqu’à plus de 60 jours
sérogroupe 3, sérogroupe 8, L. anisa, L. parisiensis, L. longbeachae, plus tard, même après une antibiothérapie adaptée, ce qui per-
L. micdadei, L. feeleii, L. jordanis [51, 75, 76] . met un diagnostic précoce dès le début des signes ou au contraire
Parmi les très nombreuses souches de L. pneumophila isolées, tardif [85] .
celles du groupe « Pontiac » sont à l’origine de 70 % à 95 % L’intérêt pour cette méthode, rapide, peu coûteuse et spécifique,
des cas de légionelloses acquises dans la communauté [62] . En n’a cessé de croître ces dernières années. Un bilan effectué au
France, à l’intérieur de ce groupe monoclonal Pontiac, les souches Royaume-Uni avait montré que le test d’antigénurie prenait part
« Lorraine » et « Paris » sont les plus fréquemment impliquées dans au diagnostic de 60 % des cas confirmés de légionellose et de 46 %
les cas de légionelloses confirmées par cultures [72, 77] . de tous les cas [11] .
En France, moins de 20 % des diagnostics sont faits par culture, Selon qu’il s’agit de légionellose nosocomiale, communautaire
ce qui limite l’identification des cas de légionelloses autres que ou liée au voyage, des différences de sensibilité du test de 46 %
dues à L. pneumophila sérogroupe 1 essentiellement diagnostiqués à 97 % ont été observées [90] . Ces différences s’expliquent par les
par détection d’antigène urinaire. anticorps monoclonaux utilisés dans les tests qui reconnaissent
principalement les souches Mab-3/1 et Mab-2, souches respon-
Examen des prélèvements en immunofluorescence directe
sables de la majorité des légionelloses communautaires et surtout
L’observation en IFD, à l’aide d’anticorps monoclonaux liées aux voyages.
commercialisés spécifiques de L. pneumophila, permet un diagnos- La spécificité des tests de détection est supérieure à 99 % [38] .
tic rapide. Les Legionella apparaissent comme des petits bacilles Au vu de ces résultats, le groupe EWGLI a convenu de modifier
polymorphes. La sensibilité de cette méthode est faible : 25 % à la définition en vigueur du « cas de légionellose » [39] , en considé-
40 %, avec un seuil de détection de 104 UFC/ml [33] . rant la détection antigénique dans les urines comme un diagnostic
La spécificité de cette méthode est de l’ordre de 60 % à 70 %. confirmé au lieu d’un diagnostic présomptif.
Des réactions croisées, notamment avec Pseudomonas fluorescens,
Bacteroides fragilis, Bordetella pertussis ou Bordetella bronchiseptica,
ont été décrites [27] .
Diagnostic sérologique
Détection par sondes nucléiques et amplification génique
Plusieurs auteurs ont proposé des sondes d’amplification Il reste un mode fréquent de diagnostic des légionelloses, bien
génique destinées à l’identification de Legionella en culture ou qu’il soit souvent tardif, voire rétrospectif. Une séquence de
dans les prélèvements [38] . sérums est indispensable pour saisir la montée d’anticorps par-
Ainsi des sondes génomiques ou clonées ont été proposées, telle fois très tardive (de 1 à 9 semaines après le début de l’affection,
qu’une sonde reconnaissant l’ARNr 5S des Legionella, ou encore mais en moyenne de 2 semaines) [38] .
une sonde décrite, spécifique de l’ARN 16S du genre Legionella et Si l’immunofluorescence indirecte (IFI) reste la méthode de réfé-
utilisée pour mettre en évidence les Legionella directement dans rence, d’autres méthodes ont été développées comme l’Elisa ou la
l’environnement [71, 78] . microagglutination. L’intérêt de l’Elisa est la possibilité d’utiliser
Les gènes cibles le plus souvent utilisés sont les gènes des ARN des automates performants [30] . La sensibilité du diagnostic séro-
ribosomaux 5S et 16S, l’espace intergénique 23S-5S pour la détec- logique selon les méthodes varie de 41 % à 94 % [30] . Selon les
tion du genre Legionella et le gène mip (macrophage infectivity auteurs, la sensibilité de l’IFI varie de 67 % à 90 %. Bien que des
potentiator) pour la détection de L. pneumophila. réactions croisées aient été décrites avec différentes espèces (Cam-
L’amplification génique (PCR) peut s’appliquer à différents pylobacter, leptospires, rickettsies, mycoplasmes, Chlamydiae), sa
types de prélèvements (lavage bronchioalvéolaire [LBA], expec- spécificité reste bonne puisqu’elle varie selon les équipes et le type
torations, sang total ou cellules, sérum, urine, etc.) [38] . d’antigène de 75 % à 99 % [64] .
La spécificité et la sensibilité de ce test sont liées à la nature du Dans tous les cas, il est important que la méthode choisie
prélèvement [79–82] . détecte toutes les classes d’immunoglobulines (IgG, IgM, IgA) [91] .
Bien qu’il existe des kits commerciaux, la PCR s’emploie surtout Les critères d’interprétation généralement adoptés résultent
dans les laboratoires spécialisés [80, 83] . En France, ce test ne figure des recommandations de l’Organisation mondiale de la santé
pas dans les critères de définition du cas de légionellose. (OMS) [39] et d’études de séroprévalences effectuées dans différents
Si la PCR est une méthode de diagnostic rapide, elle est parti- types de populations et chez des donneurs de sang d’origines
culièrement intéressante pour les cas de légionelloses dus à des géographiques variées [69] . Une variation de deux dilutions entre
espèces de L. pneumophila autres que le sérogroupe 1 ou à d’autres sérum précoce et sérum tardif, avec un taux minimal de 128 pour
espèces de Legionella [83] . le sérum tardif dans le cas des antigènes de L. pneumophila séro-
groupe 1, traduit une infection récente. Lorsque l’on ne dispose
Recherche d’antigènes solubles que d’un seul sérum, un titre égal ou supérieur à 256 permet
Une autre méthode de diagnostic rapide est la recherche d’établir un diagnostic présomptif. Des études conduites chez des
d’antigènes solubles dans les urines. Leur détection se fait patients hospitalisés ont montré qu’un seul titre supérieur ou
par méthode immunoenzymatique (enzyme-linked immunosorbent égal à 256 ne permet pas toujours de distinguer légionellose ou
assay [Elisa]) ou radio-immunologique (RIA) utilisant le plus sou- pneumopathie d’une autre origine [86, 91] .
vent des anticorps polyclonaux produits à partir de souches de Concernant les autres sérogroupes de L. pneumophila et les
L. pneumophila sérogroupe 1 [84–86] . autres espèces de Legionella, il n’existe pas d’évaluation interna-
La sensibilité du test, appliqué à la recherche de L. pneumophila tionale des antigènes, ni de standardisation de l’interprétation
sérogroupe 1, varie de 60 % à 80 %. Elle dépend aussi de la sévérité des résultats. La cause en est notamment la difficulté de disposer
de la légionellose [87] . d’un grand nombre d’observations de légionelloses dues à d’autres
La spécificité est de plus de 99 % avec une valeur prédictive espèces que L. pneumophila sérogroupe 1, et pour lesquelles le diag-
positive de 86 % et négative de 95 %. nostic a été effectué à la fois par la culture et la sérologie.
Cependant, des réactions antigéniques croisées ont permis La controverse a été soulevée entre les différentes équipes
aussi de diagnostiquer d’autres sérogroupes de L. pneumophila ou quant à l’utilisation systématique ou non d’antigènes autres que
d’autres espèces de Legionella. Dans ce cas, la sensibilité du test est L. pneumophila sérogroupe 1. Pour certains, leur emploi doit être
beaucoup plus faible, jusqu’à seulement 5 % [88] . réservé aux enquêtes épidémiologiques [48, 65] .
Il existe des réactifs commercialisés permettant d’effectuer ce L’utilisation d’antigènes polyvalents représentatifs d’antigènes
test. Parmi eux, Biotest EIA présenterait l’avantage de détecter variés de L. pneumophila et de Legionella nous avait permis de

EMC - Maladies infectieuses 7


8-021-A-10  Légionelloses

déceler rapidement plusieurs cas de légionelloses, épidémiques aérosols contaminés. Ainsi, pour les eaux thermales, la circu-
ou endémiques, qui autrement auraient échappé au diagnos- laire DGS/SDID/92 n◦ 513 du 20 juillet 1992, relative à la qualité
tic [15, 75, 76] . des eaux minérales dans les établissements thermaux, place à
102 UFC/l la valeur à partir de laquelle un suivi attentif doit être
réalisé [95, 96] .
 Traitement En pratique, il faut distinguer les méthodes générales de pré-
vention et la stratégie d’action devant la survenue de cas de
légionelloses.
Depuis l’épidémie de Philadelphie où sa supériorité théra-
peutique était nettement apparue, l’érythromycine est restée le
traitement antibiotique le plus classique. Mesures générales de prévention
Le traitement est prescrit par voie intraveineuse en début
Ces mesures sont de différentes natures [10, 27, 97–99] . Elles doivent
d’affection et à une posologie de 2 à 4 g/j selon la gravité.
tenir compte des caractéristiques écologiques des Legionella et cer-
Cependant, les résultats de laboratoire in vitro comme in vivo
taines de ces mesures, pour être efficaces, doivent être prises dès
démontrent la très bonne activité d’autres antibiotiques parmi
la conception et la construction de nouveaux bâtiments (hôtels,
les macrolides, azithromycine, clarithromycine, ou parmi les qui-
hôpitaux, etc.) [100] .
nolones, lévofloxacine, sparfloxacine, péfloxacine, etc. Bien qu’il
Les tours de refroidissement doivent être conçues en diminuant
n’y ait pas d’études cliniques comparatives statistiquement satis-
au maximum les risques d’aérosols infectieux (diminution des
faisantes, de nombreuses observations confirment leur efficacité
brouillards, accès facile pour l’entretien et le nettoyage, prises d’air
thérapeutique [51, 53, 92] .
à distance suffisante de l’aérorefroidisseur).
Ils présentent l’avantage d’être mieux tolérés que
Les circuits de distribution doivent être aussi courts que pos-
l’érythromycine qui s’accompagne de nombreux effets secon-
sible. Il faut éviter les bras morts, réduire la capacité des réservoirs
daires (risques de phlébite, ototoxicité, troubles hépatiques et
et faciliter leur nettoyage. Les circuits doivent être constitués de
gastro-intestinaux, etc.), souvent responsables d’interruption
matériaux ne favorisant pas la croissance des Legionella.
prématurée du traitement et donc de risques de rechutes.
Le principe d’une surveillance microbiologique systématique
Edelstein [92] , sur la base de toutes ces constatations, sug-
est controversé et certains la jugent coûteuse et peu utile. Ainsi,
gère de choisir en première intention préférentiellement à
aux États-Unis, il existe deux types d’approche pour la prévention
l’érythromycine, l’azithromycine ou une quinolone, en particu-
des légionelloses en milieu hospitalier [51, 101] .
lier chez les patients hospitalisés ou immunodéprimés.
La première approche est fondée sur des contrôles périodiques
L’addition de rifampicine (10 à 15 mg/kg deux fois par jour
du réseau de l’hôpital. Si plus de 30 % des contrôles s’avèrent
en perfusion) est généralement préconisée dans les formes
positifs, la décontamination est entreprise et s’accompagne d’une
sévères malgré des débats contradictoires aux États-Unis [27, 38] , elle
surveillance active des patients, avec mise en place de toutes
est alors toujours associée soit à un macrolide, soit à une quino-
les méthodes biologiques permettant d’effectuer le diagnostic de
lone.
légionellose, en particulier chez les malades à risque.
Dans le cas particulier de grossesse, l’érythromycine est recom-
La deuxième approche est celle définie par le CDC dans
mandée pour les formes modérées, associée à l’azithromycine
son guide pour la prévention des infections nosocomiales [89] . Il
dans les cas sévères.
recommande aux hôpitaux de disposer des méthodes de labora-
L’amélioration clinique sous traitement adapté est rapide, en
toire les plus performantes permettant d’effectuer un diagnostic
1 à 2 jours. En revanche, les signes radiologiques ne disparaissent
de légionellose lors de toute suspicion clinique, en particulier
que très lentement, ce qui nécessite la prolongation du traitement
chez les patients à risque (immunodéprimés, transplantés, sida,
pendant 2 à 3 semaines, et parfois plus longtemps dans les formes
etc.) et de ne pratiquer de recherches environnementales que lors
sévères [93] .
de l’apparition d’un cas confirmé de légionellose nosocomiale
Des échecs thérapeutiques ont été observés avec l’éryth-
(séjour à l’hôpital dans les 2 à 10 jours d’incubation précédant le
romycine et les fluoroquinolones, mais ils n’étaient pas liés à
début des signes cliniques) ou de deux cas possibles en moins de
l’émergence de mutants résistants [94] .
6 mois.
Cependant, compte tenu de l’émergence d’antibiorésistance,
Parallèlement, une maintenance régulière des systèmes de cli-
l’Afssaps, en 2011, recommande de veiller à la bonne stratégie
matisation doit être assurée et tous les équipements médicaux
d’emploi des quinolones dans les légionelloses (ansm.sante.fr).
(nébuliseurs, etc.) doivent être alimentés en eau stérile [100] .
En France, pour tous les établissements recevant du public (éta-
blissements de santé, hôtels, installations sportives, campings,
 Prévention installations à risque, etc.), un ensemble de recommandations
visant à gérer le risque de prolifération des Legionella dans les
Si la prévention des légionelloses est théoriquement possible, réseaux et systèmes de traitement d’eau est listé dans la circulaire
sa réalisation pratique est encore très difficile. DGS/VS4/98/771 du 31/12/98 [102] . Elles renvoient notamment
Aucune antibioprophylaxie n’est à ce jour recommandée en à une circulaire antérieure (DGS n◦ 97/311) [103] où des mesures
milieu communautaire. En cas d’épidémie en milieu hospitalier simples de bonnes pratiques d’entretien d’un réseau d’eau chaude
et uniquement pour les patients à haut risque, un traitement pro- sanitaire et des mesures de prévention pour les systèmes de clima-
phylactique pourrait être envisagé après avis préalable du comité tisation et les tours de refroidissement sont décrites. L’arrêté du
de lutte contre les infections. 1er février 2010 liste les mesures relatives à la surveillance de la
La suppression des niches écologiques des Legionella est un but présence des Legionella dans les installations de production, de
à atteindre, du moins celles qui ont été créées par la civilisation stockage et de distribution d’eau chaude sanitaire (JORF n◦ 0033,
urbaine. La suppression des voies de transmission des Legionella 9 février 2010, p2276, texte n◦ 17). La circulaire DGS 2002/243
de ces niches vers les sujets réceptifs est le deuxième objectif prio- concerne la mise en place de carnets sanitaires pour l’entretien
ritaire. des réseaux dans les hôpitaux. Les directions départementales
Devant l’ampleur de la tâche à accomplir, une approche prag- des affaires sanitaires et sociales (DDASS) peuvent inspecter les
matique s’impose. mesures prises dans les hôpitaux pour la prévention des légio-
L’une des données essentielles n’est malheureusement pas nelles conformément à la circulaire DGS 2005/286.
connue avec précision : la virulence des Legionella dans les éco- Un arrêté ministériel du 30/11/2005 s’applique à la prévention
systèmes et le seuil de contamination dangereux. La présence de des légionelles dans les réseaux de distribution d’eau chaude
102 à 103 UFC/l d’eau constituerait un signal d’alarme. Il est de tous les établissements recevant du public et établissements
en effet généralement reconnu qu’en dessous de 103 bactéries/l, collectifs.
le risque d’apparition de légionellose est très faible, mais ce Il est préférable que les analyses microbiologiques soient effec-
risque est à moduler en fonction de l’état immunitaire des tuées par des laboratoires expérimentés dans la recherche des
populations exposées et de la densité et durée d’exposition aux Legionella. En France, elles se font selon une procédure normalisée

8 EMC - Maladies infectieuses


Légionelloses  8-021-A-10

(AFNOR NT90-431, novembre 1993) qui permet l’obtention de ◦ augmentation entre deux prélèvements de sérum des titres
résultats homogènes avec une sensibilité de 50 UFC/l suffisante d’anticorps de quatre fois, avec un taux minimal de 128,
au regard du risque sanitaire. ◦ cas présomptif : titre unique élevé en anticorps supérieur ou
Si la mise en culture reste incontournable pour la détec- égal à 256, quelle que soit l’espèce.
tion et l’identification des Legionella présentes dans l’eau, elle a
l’inconvénient du délai de réponse (≥ 10 jours), de sa faible sensi- Cas isolé
bilité (10 % à 30 %) selon la nature des échantillons et de l’absence
Après avoir confirmé le diagnostic et s’être assuré de l’absence
de détection des Legionella VCN.
d’autres cas dans le proche entourage, il faut déterminer si la
De nombreuses méthodes alternatives comme la PCR quantita-
légionellose est nosocomiale ou communautaire.
tive ou la cytométrie en phase solide se sont développées et restent
Un cas de légionellose est considéré comme nosocomial certain
encore en phase d’évaluation.
lorsque le patient a été hospitalisé de façon continue pendant sa
Lorsque des mesures de désinfection sont entreprises, elles sont
période d’incubation, soit 10 jours avant le début des symptômes.
appliquées régulièrement et leur efficacité bactériologique est véri-
Si l’hospitalisation n’a pas été continue, il est considéré comme
fiée (circulaire DGS n◦ 2002/243).
nosocomial probable.
Toute opération de désinfection doit être précédée d’un net-
Une légionellose nosocomiale déclenche toujours une enquête
toyage visant à éliminer dépôts et matières organiques. Ce temps
plus approfondie.
préliminaire est essentiel pour les tours de refroidissement qui
Dans le cas d’une légionellose communautaire, le recensement
doivent être entretenues une ou deux fois par an et systémati-
des sources potentielles est très complexe (domicile, lieu de tra-
quement avant toute reprise de fonctionnement après un arrêt
vail, lieux publics fréquentés, établissements de soins, centre de
prolongé. Le nettoyage est suivi d’une désinfection.
loisirs, voyage récent, etc.), mais il est nécessaire car il permet de
Pour la désinfection des systèmes de distribution d’eau, l’une
déboucher sur des mesures adaptées de prévention.
des méthodes les plus efficaces est l’échauffement de l’eau à
De plus en plus de guides proposent des recommandations pour
70 ◦ C. Cette température doit être obtenue jusqu’aux points termi-
tenter de prévenir l’apparition de cas de légionelloses (pour les
naux du circuit, où l’écoulement de l’eau est maintenu pendant
tours opérateurs, dans le cadre des voyages touristiques, pour les
30 minutes au moins. Puis la température est stabilisée à 50 ◦ C.
bateaux de croisières, pour les établissements de soins) [100, 107] .
Si les Legionella persistent, la procédure est renouvelée. Lors de
ce type de procédé, il est nécessaire d’informer au préalable les
Cas groupés
usagers et/ou patients pour éviter tout risque de brûlure.
La chloration est aussi couramment utilisée, bien que les Legio- Sont définis comme cas groupés, au moins deux cas (dont l’un
nella soient moins sensibles au chlore libre que Escherichia coli. des deux confirmé) survenus dans un intervalle de temps de moins
En pratique, une désinfection préalable (précédée d’un nettoyage) de 6 mois, chez des personnes ayant fréquenté un même lieu.
avec une solution contenant 50 mg/l de chlore libre, est suivie Cependant les notions de temps et d’espace sont à discuter en
d’une injection continue de chlore à la concentration de 2 à fonction de chaque situation (www.sante.gouv.fr).
5 mg/l. Il est possible d’alterner chloration et élévation de tempé- Après s’être assuré de la validité du diagnostic, tous les cas sont
rature. Dans les bains bouillonnants, une concentration minimale recensés : recherche active d’autres cas dans l’entourage (domicile,
de 0,3 à 0,6 mg/l est recommandée. travail, hôtel, hôpital, etc.) et dans les lieux fréquentés par les
Les résultats épidémiologiques obtenus avec l’utilisation du patients dans les 10 à 12 jours précédant l’apparition des signes
chlore sont satisfaisants mais non absolus. Par ailleurs, plusieurs cliniques. Dans certaines circonstances, une étude de type cas-
inconvénients ont été signalés, tels que dénaturation du goût et témoins ou sujets exposés-sujets non exposés permet de préciser
de l’odeur de l’eau, corrosion des circuits métalliques et présence les lieux d’exposition et d’orienter les recherches environnemen-
de taux élevés de trihalométhanes lors du maintien en continu de tales.
3 à 5 mg/l de chlore libre [104, 105] . La recherche bactériologique est effectuée au niveau des
D’autres agents oxydants peuvent être employés comme le réservoirs présumés des Legionella. Elle est complétée par la
dioxyde de chlore ou le chloramine. Ce dernier est très efficace- démonstration de l’identité entre souches environnementales et
ment utilisé aux États-Unis malgré une moins bonne activité sur souches cliniques à l’aide de marqueurs épidémiologiques appro-
les biofilms [27] . priés. Les mesures de contrôle et de prévention sont alors mises
Bien que les rayons ultraviolets soient très actifs in vitro sur en œuvre, selon les modalités précédemment décrites.
les Legionella, leur utilisation n’a pas encore fait véritablement ses
preuves in situ. Des réserves identiques concernant son activité
sur le terrain sont à formuler pour l’ozone qui est très bactéricide  Surveillance épidémiologique
à la concentration de 0,3-0,8 mg/l.
L’installation sur le circuit d’eau chaude de systèmes générateurs En France, elle repose sur plusieurs systèmes complémentaires :
d’ions cuivre et argent semble apporter des résultats très encou- la déclaration obligatoire instaurée dès 1987 [98] et dont l’objectif
rageants. Avec une bonne maintenance, leur efficacité paraît majeur est la détection des cas groupés afin d’orienter les mesures
supérieure à celle des traitements par la chaleur, et le coût est de prévention [49, 107] . Tous les cas de légionelloses doivent être
comparable à celui du chlore, sans les risques de corrosion. Plus déclarés aux autorités locales et aux DDASS qui les transmettent
de 75 hôpitaux américains disposent actuellement de ce type à l’InVS. Le centre national de référence notifie également les cas
d’équipement [51, 53, 101] . de légionelloses à l’InVS.
Pour la désinfection des tours de refroidissement, d’autres dés- Le renforcement au fil des années du dispositif de déclaration
infectants, seuls ou en mélange, ont été préconisés avec succès : de la maladie a permis une nette augmentation du nombre des cas
ammonium quaternaire associé à de l’isopropanol, aldéhydes, notifiés. L’édition de textes réglementaires et de guides pratiques
étain, bromo-dichloro-diméthyl-hydantoïne [106] . sur la surveillance, la prévention et le contrôle environnemental
à destination des cliniciens, des laboratoires publics et privés et
des offices sanitaires publics contribue à ce renforcement de suivi
Stratégie d’action devant la survenue de cas (www.sante.gouv.fr ; www.inv.sante.fr).
de légionelloses Au dispositif national, s’ajoute un réseau européen de sur-
veillance des légionelloses (EWGLI) créé en 1986 et plus
Le cas de légionellose se définit par des signes cliniques et/ou particulièrement de légionelloses acquises lors des voyages (euro-
radiologiques de pneumopathie accompagnés de l’un des signes pean legionnaire’s disease surveillance network [ELDSNet]) créé en
biologiques suivants : 2002 [108] . Ce réseau qui regroupe 36 pays partenaires est actuelle-
• cas confirmé : ment coordonné par le Centre européen de lutte contre la maladie
◦ identification de Legionella par culture ou IFD dans un prélè- (ECDC) [28] .
vement clinique, Ce réseau collaboratif des pays européens permet des compa-
◦ présence d’antigènes solubles de Legionella dans les urines, raisons de la maladie d’un pays à l’autre, des suivis de tendance

EMC - Maladies infectieuses 9


8-021-A-10  Légionelloses

dans chaque pays et une analyse des données au plan européen. [13] Nystrom T. Not quite dead enough: on bacterial life, culturability,
Il est ainsi possible d’observer que l’incidence générale par mil- senescence and death. Arch Microbiol 2001;176:159–64.
lion d’habitants autour de 11 avec un taux de létalité de 6,5 % est [14] Steiner M, Hentschel U, Hacker J. L pneumophila: an aquatic microbe
restée stable entre 2007 et 2008. goes astray. FEMS Microbiol Rev 2002;26:149–62.
À partir des cas rapportés, les cas groupés sont plus facilement [15] Bornstein N, Marmet D, Surgot M, Nowicki M, Arslan A, Esteve J,
détectés (respectivement 8,4 % et 6,6 % des cas en 2007 et 2008). et al. Exposure to Legionellaceae at a hot spring spa: a prospective
Par ailleurs, tout cas de légionellose observé chez une personne clinical and serological study. Epidemiol Infect 1989;102:31–6.
ayant effectué un voyage dans les 10 jours précédant le début de [16] Marrao G, Verissimo A, Bowker RG, Costa MS. Biofilms as a major
sa maladie doit être déclaré, en précisant les lieux fréquentés par source of Legionella spp. in hydrothermal areas and their dispersion
le malade. Il est alors possible de repérer les cas liés par une source into stream water. FEMS Microbiol 1993;12:25–33.
commune d’infection, avec à terme l’instauration de mesures de [17] Martinelli F, Carasi S, Scarcella C, Speziani F. Detection of L. pneu-
mophila at thermal spas. New Microbiol 2001;24:259–64.
prévention appropriées.
[18] Rogers J, Dowsett AB, Dennis PJ, Lee JV, Keevil CW. Influence of
temperature and plumbing material selection on biofilm formation and
growth of L. pneumophila in a model potable water system containing
 Conclusion complex microbial flore. Appl Environ Microbiol 1994;60:1585–92.
[19] Gomez-Valero L, Rusniok C, Buchrieser C. Legionella pneumophila:
Depuis la description de l’épidémie de Philadelphie, plus de population genetics, phylogeny and genomics. Infect Genet Evol
30 ans de recherche se sont écoulés et ont profondément modifié 2009;9:727–39.
la compréhension de l’épidémiologie et de la physiopathologie [20] La Scola B, Mezi L, Weiller PJ, Raoult D. Isolation of Legio-
des infections dues aux Legionella. nella anisa using an amoebic coculture procedure. J Clin Microbiol
Bien que la place des Legionella dans l’étiologie des pneumonies 2001;39:365–6.
aiguës infectieuses soit maintenant une réalité incontournable, [21] Rowbotham TJ. Preliminary report of the pathogenicity of Legio-
l’incidence et la prévalence des légionelloses restent encore sous- nella pneumophila for freshwater and soil amoebae. J Clin Pathol
estimées. 1980;33:1179–83.
L’introduction de méthodes de diagnostic plus performantes, [22] Adelecke AA, Fields BS, Benson RF, Daneshvar MI, Pruckler JM,
comme l’antigénurie ou les méthodes de biologie moléculaire, Ratcliff RM, et al. Legionella drozanskii spnov. Legionella rowbotlamii
permet aujourd’hui d’inverser la tendance, mais les cas de légio- sp nov and Legionella fallonii spnov: three unusual new Legionella
nelloses dus à d’autres espèces que L. pneumophila continuent species. Int J Syst Evol Microbiol 2001;51:1151–60.
[23] Kwait YA, Gao LY, Stone BJ, Venkataraman CH, Harb OS. Invasion of
d’être sous-évalués.
Protozoa by Legionella pneumophila and its role in bacterial ecology
La prise de conscience de la gravité potentielle des légionelloses
and pathogenesis. Appl Environ Microbiol 1998;64:3127–33.
a conduit ces dernières années à l’instauration de systèmes ren-
[24] Joshi AD, Swanson MS. Comparative analysis of Legionella pneu-
forcés de surveillance épidémiologique et à la mise en place de mophila and Legionella micdadei virulence traits. Infect Immun
très nombreuses recommandations pour l’application de mesures 1999;67:4134–42.
préventives. [25] Kuchta JM, Navratil JS, Shepherd ME, Wadowsky RM, Dowling JN,
States SJ, et al. Impact of chlorine and heat on the survival of Hart-
manella vermiformis and subsequent growth of L. pneumophila. Appl
 Références Environ Microbiol 1993;59:4096–100.
[26] Vandenesch F, Surgot M, Bornstein N, Paucod JC, Marmet D, Isoard
[1] Brenner DJ, Steigerwalt AG, Mc Dade JE. Classification of the legion- P, et al. Relationship between free Amoeba and Legionella: studies
naires’ disease bacterium: Legionella pneumophila, genus novum, in vitro and in vivo. Zentralbl Bakteriol 1990;272:265–75.
species nova of the family Legionellaceae, famillia nova. Ann lntern [27] Fields BS, Benson RF, Besser RE. Legionella and Legionnaires’
Med 1979;90:656–8. disease: 25 years of investigation. Clin Microbiol Rev 2002;15:506–26.
[2] Mc Dade JE, Shephard CC, Fraser DW, Tsai TR, Redus MA, Dowdle [28] WHO. Legionnaires’ disease in Europe 2007-2008. Wkly Epidemiol
WR. Laboratory investigation team Legionnaires’ disease: isolation of Rec 2010;85:373–84.
a bacterium and demonstration of its role in other respiratory disease. [29] Campese CH. Les Légionelloses survenues en France en 2008. Bull
N Engl J Med 1977;297:1197–203. Epidemiol Hebd 2009;(n◦ 25):31–2.
[3] Kramer MH, Ford TE. Legionellosis: ecological factors of an environ- [30] Den Boer JW, Nijhof J, Friesema I. Risk factors for sporadic
mentally “new” disease. Zlbl Hyg 1994;195:470–82. community–acquired Legionnaires’disease. A 3 year national case
[4] Heller R, Holler C, Submuth R, Gundermann KO. Effect of salt concen- control study. Public Health 2006;120:566–71.
tration and temperature on survival of L. pneumophila. Lett Appl [31] Blatt SP, Dolan MJ, Hendrix CW, Melcher GP. Legionnaires’ disease
Microbiol 1998;26:64–8. in human immunodeficiency virus-infected patients: eight cases and
[5] Borrela P, Guerrieri E, Marchesi I, Bondi M, Messi P. Water eco- review. Clin Infect Dis 1994;18:227–32.
logy of Legionella and protozoan: environmental and public Health [32] Carratala J, Gudiol F, Pallares R, Dorca J, Verdaguer R, Ariza J, et al.
perspectives. Biotechnol Annu Rev 2005;11:355–80. Risk factors for nosocomial Legionella pneumophila pneumonia. Am
[6] Hughes MS, Steele TW. Occurrence and distribution of Legio- J Respir Crit Care Med 1994;149:625–9.
nella species in composted plant material. Appl Environ Microbiol [33] Edelstein PH. Legionnaires’ disease. Clin Infect Dis 1993;16:741–9.
1994;60:2003–5. [34] Harris A, Lally M, Albrecht M. Legionella bozemanii pneumonia in
[7] Speers DJ, Tribe AE. Legionella longbeachae pneumonia associated three patients with AIDS. Clin Infect Dis 1998;27:97–9.
with potting mix. Med J Aust 1994;161:509. [35] Nauciel C, Guilhin P, Matsiota-Bernard P, Ronco E. Legionnaires’
[8] Ruehlemann SA, Crawford GR. Panic in the potting shed. The asso- disease in the Paris area: epidemiology and mortality. Presse Med
ciation between L. longbeachae ser 1 and potting soils in Australia. 1996;25:1786–8.
Med J Aust 1996;164:36–8. [36] Tarp B, Jensen JS, Ostergaard L, Andersen PL. Search for
[9] Fabbi M, Castellani Pastoris M, Scanziani E, Magnino S, Di Matteao L. agents causing atypical pneumonia in HIV positive patients by
Epidemiological and environmental investigations of Legionella pneu- inhibitor-controlled PCR assays. Eur Respir J 1999;13:175–9.
mophila infections in cattle and case report of fatal pneumonia in a calf. [37] Hawn TR, Smith KD, Aderem A, Skerrett SJ. Myeloid differentiation
J Clin Microbiol 1998;36:1942–7. primary response gene (88) and toll-like receptor 2–deficient mice are
[10] Brundrett GW. Legionella and building services. Oxford: Butterworth susceptible to infection with aerosolized L. pneumophila. J Infect Dis
Heinemann; 1992. 2006;193:1693–702.
[11] Joseph CA, Harrison TG, Llijic-Car D, Bartlett CL. Legionnaires’ [38] Diederen BM. Legionella spp and Legionnaires’ disease. Journal of
disease in residents of England and Wales: 1997. Commun Dis Public Infection 2008;56:1–12.
Health Lab 1998;1:252–7. [39] Memorandum. Epidemiology, prevention and control of legionellosis:
[12] Luck CP, Leupold I, Hlawitschka M, Helbig JH, Carmienke I, Jatz- memorandum from a WHO meeting. Bull WHO 1990;68:155–64.
wank L. Prevalence of Legionella species, serogroups and monoclonal [40] Straus WL, Plouffe JF, File Jr TM, Lipman HB, Hackman BH, Salstrom
subgroups in hot water systems in south eastern Germany. Zlbl Hyg SJ, et al. Risk factors for domestic acquisition of Legionnaires’ disease.
Umweltmed 1999;193:450–60. Arch Intern Med 1996;156:1685–92.

10 EMC - Maladies infectieuses


Légionelloses  8-021-A-10

[41] Philippe C, Blech MF, Hartemann P. Multiplication intra-amibienne [71] Benson RF, Fields BS. Classification of the Genus Legionella. Semin
de L. pneumophila et rôle potentiel des amibes dans la transmission de Respir Infect 2003;9:915–21.
la Légionellose. Med Mal Infect 2006;36:196–200. [72] Edelstein PH, Metlay JP. Legionella pneumophila goes clonal- Paris
[42] Woo AH, Goetz A, Yu VL. Transmission of Legionella by respiratory and Lorraine strain specific risk factors. Clin Infect Dis 2009;49:192–4.
equipment and aerosol generating devices. Chest 1992;102:1586–90. [73] EWGLI sequence-based typing (SBT) database for Legionella
[43] Coscolla M, Fenellar J, Escribano I, Gonzalez-Candelas F. Legionel- pneumophila. Available at: http//www.hpa bio informa-
losis outbreak associated with asphalt paving machine. Emerg Infect tion.org.uk/Legionella/Legionella sbt/php/sbt homepage.php.
Dis 2010;16:1381–7. [74] Kool JL, Buchholz U, Peterson C, Brown EW, Benson RF, Pruck-
[44] Yu VL. Could aspiration be the major mode of transmission for Legio- ler JM, et al. Strengths and limitations of molecular subtyping in
nella. Am J Med 1993;95:13–5. a community outbreak of Legionnaires’ disease. Epidemiol Infect
[45] Blatt SP, Parkinson MD, Pace E, Hoffman P, Dolan D, Lauderdale P, 2000;125:599–608.
et al. Nosocomial legionnaires’ disease: aspiration as a primary mode [75] Aubert G, Bornstein N, Rayet I, Pozetto B, Lenormand PH. Nosoco-
of disease acquisition. Am J Med 1993;95:16–22. mial infection with L. pneumophila serogroup 1 and 8 in a neonate.
[46] Mitchell DH, Hicks LJ, Chiew R, Montanaro JC, Chen SC. Pseu- Scand J Infect Dis 1990;22:367–70.
doepidemic of Legionella pneumophila serogroup 6 associated with [76] Bornstein N, Mercatello A, Marmet D, Surgot M, Deveaux Y, Fleu-
contaminated bronchoscopes. J Hosp Infect 1997;37:19–23. rette J. Pleural infection caused by L. anisa. J Clin Microbiol
[47] Sire S, Staub T, Christmann D. Manifestations extrapulmonaires des 1989;27:2100–1.
légionelloses. Med Mal Infect 1994;24:874–80. [77] Helbig JH, Bernander S, Castellani Pastoris M, Etienne J, Gaia V,
[48] Breiman RF, Butler JC. Legionnaires’disease: clinical, epidemiological Lauwers S, et al. Pan European study on culture proven Legionnaires’
and public health perspectives. Semin Respir Infect 1998;13:84–9. disease: distribution of L. pneumophila serogroups and monoclonal
[49] Decludt B, Perrocheau A, Cerase-Feurra V. Les légionelloses déclarées subgroups. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2002;21:710–6.
en France en 1997. Bull Epidemiol Hebd 1999;(n◦ 6):21–2. [78] Manz W, Amann R, Szewzyk R, Szewzyk U, Stenstorm TA, Hutzler
[50] Hutchinson ON. Nosocomial legionellosis. Rev Med Microbiol P, et al. In situ identification of Legionellaceae using 16S rRNA tar-
1990;1:108–15. geted oligonucleotide probes and confocal laser scanning microscopy.
[51] Plouffe JF, File TH. Update of Legionella infections. Curr Opin Infect Microbiology 1995;141:29–39.
Dis 1999;12:127–32. [79] Jaulhac B, Nowicki M, Bornstein N, Meunier O, Prevost G, Piemont
[52] Seltzer JM. Building-related illness. J Allergy Clin Immunol Y, et al. Detection of Legionella spp. in bronchoalveolar lavage fluids
1994;94:351–62. by DNA amplification. J Clin Microbiol 1992;30:920–4.
[53] Stout JE, Yu VL. Legionellosis. N Engl J Med 1997;337:682–7. [80] Matsiota-Bernard P, Pitsouni E, Legakis N, Nauciel C. Evaluation of
[54] Neil K, Berkelman R. Increasing incidence of Legionellosis in the commercial amplification kit for detection of Legionella pneumophila
United States 1990-2005: changing epidemiologic trends. Clin Infect in clinical specimens. J Clin Microbiol 1994;32:1503–5.
Dis 2008;47:591–9. [81] Matsiota-Bernard P, Vrioni G, Nauciel CH. Use of the polymerase
[55] Sabria M, Yu V. Hospital acquired Legionellosis: solutions for a pre- chain reaction for the detection of Legionella pneumophila DNA in
ventable infection. Lancet Infect Dis 2002;2:368–73. serum samples. Clin Infect Dis 1997;25:939.
[56] WHO. Legionnaires’ disease in Europe 1997. Weekly Epidemiol Rec
[82] Weir SC, Fisher SH, Stock F, Gill VJ. Detection of Legionella by PCR
1998;73:257–64.
in respiratory specimens using a commercially available kit. Am J Clin
[57] Woodhead M. Community acquired pneumonia in Europe: cau-
Pathol 1998;110:295–300.
sative pathogens and resistance patterns. Eur Respir J [suppl]
[83] Murdoch DR, Chambers ST. Detection of Legionella DNA in periphe-
2002;36:205–75.
ral leucocytes, serum and urine from a patient with pneumonia caused
[58] Yu VL, Stout JE. Community-acquired Legionnaires Disease: impli-
by L. dumoffii. Clin Infect Dis 2000;30:382–3.
cations for underdiagnosis and laboratory testing. Clin Infect Dis
[84] Dominguez JA, Gali N, Pedroso P, Fargas A, Padilla E, Manterola
2008;46:1365–7.
[59] Greenberg D, Chiou CC, Famigilleti R, Lee TC, Yu VL. Problem patho- JM, et al. Comparison of the binax Legionella urinary antigen enzyme
gens: paediatric Legionellosis-implications for improved diagnosis. immunoassay (EIA) with the Biotest Legionella urin antigen EIA for
Lancet Infect Dis 2006;6:529–35. detection of Legionella antigen in both concentrated and non concen-
[60] Levy I, Rubin LG. Legionella pneumonia in neonates: a literature trated urine samples. J Clin Microbiol 1998;36:2718–22.
review. J Perinatol 1998;18:287–90. [85] Kholer RB, Winn WC, Wheat LJ. Outset and duration of uri-
[61] Gaillac N, Floccard B, Ould T, Benator F, Levrat A, Meunier P, et al. nary antigen excretion in Legionnaires disease. J Clin Microbiol
Legionella pneumophila pneumonia during pregnancy: a case report. 1984;20:605–7.
Journ of infect 2006;52:e163–4. [86] Plouffe JF, File TH, Breiman RF, Hackman BA, Salstrom SJ, Marston
[62] Harrison TG, Afshar B, Doshi N, Fry NK, Lee JV. Distribution of BJ, et al. Reevaluation of the definition of Legionnaires’ disease: use
L. pneumophila, monoclonal antibody subgroups and DNA sequence of the urinary antigen assay. Clin Infect Dis 1995;20:1286–91.
types in recent clinical and environmental isolates from England and [87] Yzerman EP, Den Boer JW, Lettinga KD, Schellekens J, Daukert J,
Wales (2000-2008). Eur J Clin Microbiol Infect Dis 2009;7:781–91. Peeters M. Sensitivity of three urinary antigen tests associated with
[63] Skogberg K, Ruutu P, Koivula I, Jousimies-Somer H, Valtonen V. clinical severity in a large outbreak of Legionnaires’ disease in the
Effect of immunosuppressive therapy on the clinical presentation of Netherlands. J Clin Microbiol 2002;40:3232–6.
Legionellosis. Eur J Clin Microbiol Infect Dis 1994;13:535–41. [88] Dominguez JA, Gali N, Blanco S, Pedroso P, Prat C, Matas L, et al.
[64] Bornstein N, Fleurette J. Legionella. In: Freney J, Renaud F, Hansen Assessement of a new test to detect Legionella urinary antigen for
D, Bollet C, editors. Manuel de bactériologie clinique. Amsterdam: the diagnosis of Legionnaires’ disease. Diagn Microbiol Infect Dis
Elsevier; 1994. p. 1327–54. 2001;41:199–203.
[65] Edelstein PH, Meyer RD. Legionella pneumonias. In: Pennington JE, [89] Centers for disease control and prevention. Guideline for prevention
editor. Respiratory infection: diagnosis and management. New York: of nosocomial pneumonia. Respir Care 1994;39:1191–236.
Raven Press; 1994. p. 455–84. [90] Helbig JH, Uldum SA, Bernander S, Luck PC, Wewalka G, Abraham
[66] Cunha BA. Clinical features of Legionnaires’ disease. Semin Respir B, et al. Clinical utility of urinary antigen detection for diagnosis of
Infect 1998;13:116–27. community -acquired, travel-associated and noscomial Legionnaires’
[67] Luttichau HR, Vinther C, Uldum SA, Moller J, Faber M, Jensen JS. An disease. J Clin Microbiol 2003;41:838–40.
outbreak of Pontiac fever among children following use of a whirlpool. [91] Friedman H, Yamamoto Y, Newton C, Klein TH. Immunologic res-
Clin Infect Dis 1998;26:1374–8. ponse and pathophysiology of Legionella infection. Semin Respir Infect
[68] Spieker S, Petersen D, Rolfs A, Fehrenbach F, Kuntz R, Seuffer RH, 1998;13:100–8.
et al. Acute disseminated encephalomyelitis following Pontiac fever. [92] Edelstein PH. Antimicrobial chemotherapy for Legionnaire’s disease:
Eur Neurol 1998;40:169–72. time for a change. Ann Intern Med 1998;129:328–30.
[69] Edelstein PH. Clinical features of Legionnaires’ disease: a selected [93] Roig J, Rello J. Legionnaires’ disease: a rational approach to therapy.
review. In: Cianciotto NP, Kevaik Y, Edelstein PS, Fields BS, Geary J Antimicrobiol Chemother 2003;51:1119–29.
DF, Harrison TG, et al, editors. Legionella: state of the art 30 years after [94] Onody C, Matsiota-Bernard P, Nauciel C. Lack of resistance to erythro-
its recognition. Washington DC: American Society for Microbiology; mycin, rifampicin and ciprofloxacin in 98 clinical isolates of Legionella
2006. p. 3–7. pneumophila. J Antimicrob Chemother 1997;39:815–6.
[70] Warner CL, Fayard PB, Heffner RR. Legionella myositis. Neurology [95] Ministère de la Santé. Arrêté du 20 juillet 1992 modifiant l’arrêté du 14
1991;41:750–2. octobre 1937 modifié relatif au contrôle des sources d’eau minérale.

EMC - Maladies infectieuses 11


8-021-A-10  Légionelloses

[96] Ministère de la Santé. Circulaire du 20 juillet 1992 relative à la qualité [103] Ministère de la Santé. Circulaire DGS n◦ 97/311 du 24 avril
microbiologique des eaux minérales naturelles dans les établissements 1997 relative à la surveillance et à la prévention de la légione-
thermaux. llose.
[97] Fallon RJ. How to prevent an outbreak of legionnaires’ disease. J Hosp [104] Morris RD, Audet AM, Angelillo IF. Chlorination, by pro-
Infect 1994;27:247–56. ducts and cancer: a meta-analysis. Am J Public Health 1993;82:
[98] Ministère de la Santé. Circulaire DGS/PGE/IC n◦ 68 du 18 janvier 1988 955–63.
relative à la déclaration obligatoire des maladies transmissibles. Bull [105] Stout JE, Yu VL. Experiences of the first 16 hospitals using
Epidemiol Hebd 1988;(n◦ 5):17-8. copper-silver ionization for Legionella control: implications for the
[99] UNICLIMA. Guide climatisation et santé. Paris, 1991. evaluation of other disinfection modalities. Infect Control Hosp Epi-
[100] WHO. Legionella and the prevention of Legionellosis, 2007. demiol 2003;24:563–8.
[101] Yu VL. Resolving the controversy on environmental cultures for [106] Wery N, Bru Adan V, Minervini C, Delgènes JP, Gorrely L, Godon
Legionella: a modest proposal. Infect Control Hosp Epidemiol JJ. Dynamic of Legionella spp and bacterial populations during the
1998;19:893–7. proliferation of L. pneumophila in a cooling tower facility. Appl Environ
[102] Ministère de la Santé. Circulaire DGS/VS4/98/771 du 31 décembre Microbiol 2008;74:3030–7.
1998 relative à la mise en œuvre de bonnes pratiques d’entretien des [107] Guide d’investigation d’un ou plusieurs cas de légionelloses. Bull Epi-
réseaux d’eau dans les établissements de santé et aux moyens de pré- démiol Hebd 1997;(n◦ 20-22):83–104.
vention du risque lié aux Legionella dans les installations à risque et [108] Ricketts KD, Joseph CA. Legionnaires’ disease in Europe 2003-2004.
dans celles des bâtiments recevant du public. EWGLI 2005. Eurosurveillance 2005;110:256–9.

N. Bornstein, Chef de laboratoire (nicole.bornstein@ansm.sante.fr).


Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, 321, avenue Jean-Jaurès, 69007 Lyon, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Bornstein N. Légionelloses. EMC - Maladies infectieuses 2012;9(3):1-12 [Article 8-021-A-10].

Disponibles sur www.em-consulte.com


Arbres Iconographies Vidéos/ Documents Information Informations Auto- Cas
décisionnels supplémentaires Animations légaux au patient supplémentaires évaluations clinique

12 EMC - Maladies infectieuses


 8-025-B-50

Infections à Pseudomonas aeruginosa


A. Mérens, P. Jault, L. Bargues, J.-D. Cavallo

Pseudomonas aeruginosa est une bactérie à Gram négatif aérobie stricte, ubiquitaire, saprophyte et
naturellement résistante aux antibiotiques, qui peut devenir un pathogène opportuniste, responsable
dans des conditions favorables, d’infections graves communautaires et surtout nosocomiales. Cette espèce
se distingue par sa grande adaptabilité aux différentes contraintes environnementales, par sa capacité
à acquérir des résistances aux antibiotiques et par la multiplicité de ses facteurs de virulence. Ceux-ci
expliquent sa pathogénicité et permettent le développement d’infections sur des terrains prédisposés,
comme les malades dénutris, atteints de cancers ou d’hémopathies, qui suivent une corticothérapie au
long cours, ainsi que les patients polytraumatisés, brûlés, polyopérés, polytransfusés, poly-infectés, tous
patients soumis à de multiples manœuvres invasives qui sont autant de portes d’entrée. Il existe de nom-
breux types d’infections communautaires à P. aeruginosa, qui peuvent concerner aussi bien des patients
immunocompétents que des patients immunodéprimés, insuffisants respiratoires chroniques ou atteints
de mucoviscidose. Cependant P. aeruginosa reste l’archétype des espèces acquises à l’hôpital et est impli-
qué dans environ 10 % des infections nosocomiales. Ces infections nosocomiales peuvent prendre un
aspect endémique ou être responsables de petites épidémies. Les patients hospitalisés dans les services de
soins intensifs et les centres de brûlés cumulent les facteurs de risque. Ils sont souvent immunodéprimés,
intubés, ventilés, sondés et porteurs de cathéters périphériques et centraux. Ces facteurs de risque associés
à la forte pression antibiotique expliquent l’émergence importante de souches de P. aeruginosa dans ces
services et la fréquence élevée des résistantes acquises aux antibiotiques anti-Pseudomonas. Les infec-
tions sévères à P. aeruginosa nécessitent le recours à une antibiothérapie précoce et adaptée associant
deux antibiotiques synergiques et bactéricides, à des doses élevées pour atteindre des concentrations suf-
fisantes au site de l’infection et pour obtenir une activité clinique et microbiologique rapide qui diminue
le risque de mortalité. Le choix des antibiotiques lors d’un traitement probabiliste adapté à P. aerugi-
nosa doit tenir compte de la localisation de l’infection, des atteintes rénales et hépatiques associées, de
l’écologie bactérienne du service, de l’antibiothérapie antérieure. Cette antibiothérapie doit être adaptée
si nécessaire dès l’obtention de l’antibiogramme de la souche responsable de l’infection. La limitation de
l’émergence et de la diffusion des souches résistantes de P. aeruginosa, repose sur l’application efficace
des mesures d’hygiène et le respect du bon usage des antibiotiques.
© 2013 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : Pseudomonas aeruginosa ; Facteurs de virulence ; Infections nosocomiales ;


Infections communautaires résistance aux antibiotiques ; Thérapeutique

Plan ■ Diagnostic 8
Orientation clinique et épidémiologique 8
■ Introduction 2 Confirmation microbiologique 8
Antibiogramme 9
■ Bactérie et physiopathologie des infections 2
■ Traitement 9
Taxonomie 2
Écologie 2 Traitement de la porte d’entrée 9
Facteurs de virulence 2 Principes généraux de l’antibiothérapie 9
Physiopathologie et facteurs d’émergence 2 Traitements en fonction du type d’infection 11
■ Prophylaxie et prévention 14
■ Résistance aux antibactériens 4
Antibiotiques habituellement actifs et résistance naturelle 4 Hygiène et bon usage des antibiotiques 14
Épidémiologie des résistances acquises aux antibiotiques 4 Place de la vaccination et de l’immunothérapie 15
Activité des antiseptiques et désinfectants 4 ■ Conclusion 15
■ Clinique 4
Infections communautaires 5
Infections nosocomiales 6

EMC - Maladies infectieuses 1


Volume 10 > n◦ 1 > février 2013
http://dx.doi.org/10.1016/S1166-8598(12)56974-7
8-025-B-50  Infections à Pseudomonas aeruginosa

 Introduction à l’état saprophyte. Tous les réservoirs d’eau en milieu commu-


nautaire comme en milieu hospitalier peuvent être une source de
L’espèce bactérienne Pseudomonas aeruginosa du grec pseudo contamination : on retrouve ainsi comme source potentielle les
(« imitation ») et du latin aeruginosus (« couvert de rouille ») autre- siphons d’éviers, les chasses d’eau, les piscines et bains bouillon-
fois appelée « bacille pyocyanique », du grec puon (« pus ») et nants, les humidificateurs, les nébulisateurs et les respirateurs
kuanos (« bleu foncé »), a été décrite en 1872 par Schroeter, artificiels. En milieu hospitalier, dans les services de soins intensifs
puis en 1882 par un pharmacien militaire français, A. Gessard. et centres des brûlés, P. aeruginosa va persister dans les équipe-
La création du genre Pseudomonas remonte à Migula (1900). ments, les circuits d’eau, les dispositifs de balnéation des patients
P. aeruginosa, espèce pigmentée, est de loin l’espèce la plus connue ou les solutions d’antiseptiques des pansements [2] . Sensible à la
et la plus pathogène du genre Pseudomonas. Les développements dessiccation, P. aeruginosa est capable d’une très grande adaptabi-
de la médecine moderne ont permis à cette espèce d’émerger lité nutritionnelle et métabolique, qui lui permet de survivre dans
comme un modèle de pathogène opportuniste. P. aeruginosa était un environnement hostile en utilisant une grande variété de sub-
ainsi responsable d’environ 10 % des infections nosocomiales en strats comme source de carbone. Il élabore de nombreux produits
France en 2006, au troisième rang des bactéries nosocomiales der- métaboliques grâce auxquels il peut assurer des fonctions utiles
rière Escherichia coli et Staphylococcus aureus, avec une fréquence comme la décontamination des sols, la protection des plantes, la
particulièrement élevée, de l’ordre de 20 %, dans les broncho- sécrétion d’antibiotiques (mupirocine) ou, au contraire, jouer un
pneumopathies acquises sous ventilation mécanique (http : rôle néfaste comme agent pathogène opportuniste. P. aeruginosa
//www.invs.sante.fr/publications/2009/enquete prevalence peut être transitoirement présent chez l’homme et les animaux,
infections nosocomiales/). au niveau du tractus digestif (selles), de la peau (plis cutanés
humides), du conduit auditif externe ou du nasopharynx. Chez
les sujets sains non hospitalisés, il représente habituellement une
faible part de la flore de colonisation et est retrouvé dans 4 à
 Bactérie et physiopathologie 12 % des prélèvements de selles, dans 3 à 6 % des prélèvements
nasopharyngés et dans 2 % des prélèvements cutanés. Ce portage
des infections augmente significativement en milieu hospitalier avec la durée
d’hospitalisation et la pression antibiotique et peut atteindre plus
Taxonomie de 40 % des patients hospitalisés dans certains services de soins
P. aeruginosa est un fin bacille à Gram négatif aérobie strict qui intensifs et parfois plus dans des services de brûlés ou de derma-
appartient au domaine des eubactéries, à la classe des protéobac- tologie avec des patients atteints d’escarres [3] .
téries qui regroupe un très grand nombre de bactéries à Gram
négatif aérobies ou anaérobies facultatives. L’ordre des Pseudo-
monadales est constitué de la famille des Pseudomonadaceae et de
Facteurs de virulence
la famille des Moraxellaceae. Il appartient à la branche gamma P. aeruginosa possède un grand nombre de facteurs de virulence
de cette classe qui est définie sur la base des séquences des qui lui permettent de contourner les défenses de l’hôte, de favo-
acides désoxyribonucléiques ribosomiques (ADNr) 16S. La famille riser la colonisation puis le développement de l’infection [4, 5] . Ces
des Pseudomonadaceae regroupe des procaryotes aérobies, chimio- facteurs permettent l’adhérence de la bactérie, sa multiplication,
organotrophes, à métabolisme respiratoire et souvent mobiles sa persistance dans un environnement hostile, la formation de
grâce à la présence de flagelles. biofilms, ainsi que la sécrétion d’enzymes et de toxines respon-
Le genre Pseudomonas, inclus dans cette famille des Pseudomo- sables des lésions tissulaires. Ils sont impliqués dans deux grands
nadaceae, est régulièrement révisé sur le plan taxonomique. Les cadres :
analyses phylogénétiques, basées sur le séquençage des ARNr 16S • les infections aiguës, au cours desquelles la bactérie exprime
permettent de répartir les Pseudomonas sensu stricto en deux l’ensemble de ses facteurs de virulence, particulièrement ceux
grands groupes : le groupe de Pseudomonas aeruginosa et le groupe favorisant l’invasion tissulaire et la cytotoxicité ;
de Pseudomonas pertucinogena. Le groupe de Pseudomonas aerugi- • les colonisations ou infections chroniques, au cours desquelles
nosa qui comprend près de 100 espèces est lui-même subdivisé en l’objectif de P. aeruginosa n’est plus d’agir vite, mais au contraire
six sous-groupes dont les espèces types sont Pseudomonas syringae, de s’installer durablement et d’échapper au système immuni-
Pseudomonas chlororaphis, Pseudomonas fluorescens, Pseudomonas taire de l’hôte.
putida, Pseudomonas stutzeri et Pseudomonas aeruginosa. L’espèce Ces mécanismes sont harmonisés et modulés par l’expression
P. aeruginosa représente quantitativement environ 90 % des bacté- des gènes bactériens en adaptation aux conditions environne-
ries de ce groupe isolées en clinique humaine et est l’espèce type la mentales. Cette expression est contrôlée par plusieurs cascades
plus importante du genre Pseudomonas. P. aeruginosa, espèce pig- complexes dont le système du quorum sensing et un réseau de
mentée, est de loin l’espèce la plus connue et la plus pathogène systèmes membranaires à deux composantes [6–8] .
du genre Pseudomonas. Tous ces éléments concourent à la pathogénicité, sans qu’aucun
C’est une espèce bien caractérisée avec la publication dès 2000 d’entre eux ne soit décisif dans le processus pathogène [9] . Ainsi,
du génome complet de la souche type PAO1 [1] . Avec 6,3 millions malgré des décennies d’études, il reste difficile de comprendre
de paires de bases, P. aeruginosa possède un des plus grands pourquoi P. aeruginosa, malgré son arsenal de facteurs de patho-
génomes bactériens connus et est celui qui contient la plus grande génicité, demeure un pathogène opportuniste et non un « vrai
proportion de gènes de régulation et de gènes impliqués dans pathogène ».
le catabolisme, le transport ou les systèmes d’efflux des sub-
stances organiques. La taille et la complexité de ce génome,
la fréquence des mutations, la capacité d’accepter les transferts Physiopathologie et facteurs d’émergence
horizontaux de matériel génétique via des éléments génétiques
mobiles (plasmides, transposons) expliquent le caractère évolu- Chez l’homme, la colonisation précède l’infection. L’origine de
tif de cette espèce bactérienne et ses capacités d’adaptation à cette colonisation en milieu hospitalier a donné lieu à de nom-
divers types d’environnements ou d’acquisition de résistance à breux débats [10–12] . La colonisation endogène à partir de la flore
une grande variété d’antibiotiques. digestive du patient est liée à la durée de l’hospitalisation, la
pression antibiotique, la diminution des défenses, la rupture des
barrières mécaniques cutanéomuqueuses, les manœuvres instru-
Écologie mentales invasives. La colonisation peut également être d’origine
exogène, notamment en milieu de soins. L’humidité des surfaces
P. aeruginosa est un germe hydrotellurique, présent essentiel- et la présence de matières organiques vont permettre la multipli-
lement dans les environnements humides. C’est une bactérie cation de P. aeruginosa, qui dans des conditions favorables, peut
ubiquitaire et résistante dans l’environnement, répandue dans les persister et se multiplier sur tous les éléments de l’équipement
eaux polluées ou non, les sols humides et les végétaux où elle vit hospitalier : surfaces inertes comme les lavabos, siphons, robinets

2 EMC - Maladies infectieuses


Infections à Pseudomonas aeruginosa  8-025-B-50

ou humidificateurs, mais aussi antiseptiques (ammoniums qua- actifs sur P. aeruginosa. Lorsque l’infection devient chronique,
ternaires, chlorexidine), collyres, pommades, savons. Enfin, la les souches colonisatrices de P. aeruginosa deviennent mucoïdes
contamination croisée entre patients par manuportage ou par (jusqu’à 80 % de la population bactérienne). La population
transmission indirecte via du matériel est un élément majeur de P. aeruginosa est alors constituée de microcolonies entourées
dans l’épidémiologie des infections liées aux soins à Pseudomonas d’une masse importante d’alginate, le slime qui augmente encore
aeruginosa. La colonisation peut conduire à l’infection lorsqu’il la viscosité des sécrétions bronchiques. Les variations antigé-
existe une forte charge bactérienne ou une forte expression des niques de P. aeruginosa par modification du lipopolysaccharide
facteurs de virulence ou lors d’une diminution des défenses immu- (LPS) ne pe

Vous aimerez peut-être aussi