Vous êtes sur la page 1sur 226

Les églises de Jérusalem, la

discipline et la liturgie au IVe


siècle : étude sur la
"Peregrinatio Silviae" / par le
R. [...]

Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France


Cabrol, Fernand (1855-1937). Auteur du texte. Les églises de
Jérusalem, la discipline et la liturgie au IVe siècle : étude sur la
"Peregrinatio Silviae" / par le R. P. Fernand Cabrol,.... 1895.

1/ Les contenus accessibles sur le site Gallica sont pour la plupart


des reproductions numériques d'oeuvres tombées dans le
domaine public provenant des collections de la BnF. Leur
réutilisation s'inscrit dans le cadre de la loi n°78-753 du 17 juillet
1978 :
- La réutilisation non commerciale de ces contenus est libre et
gratuite dans le respect de la législation en vigueur et notamment
du maintien de la mention de source.
- La réutilisation commerciale de ces contenus est payante et fait
l'objet d'une licence. Est entendue par réutilisation commerciale la
revente de contenus sous forme de produits élaborés ou de
fourniture de service.

CLIQUER ICI POUR ACCÉDER AUX TARIFS ET À LA LICENCE

2/ Les contenus de Gallica sont la propriété de la BnF au sens de


l'article L.2112-1 du code général de la propriété des personnes
publiques.

3/ Quelques contenus sont soumis à un régime de réutilisation


particulier. Il s'agit :

- des reproductions de documents protégés par un droit d'auteur


appartenant à un tiers. Ces documents ne peuvent être réutilisés,
sauf dans le cadre de la copie privée, sans l'autorisation préalable
du titulaire des droits.
- des reproductions de documents conservés dans les
bibliothèques ou autres institutions partenaires. Ceux-ci sont
signalés par la mention Source gallica.BnF.fr / Bibliothèque
municipale de ... (ou autre partenaire). L'utilisateur est invité à
s'informer auprès de ces bibliothèques de leurs conditions de
réutilisation.

4/ Gallica constitue une base de données, dont la BnF est le


producteur, protégée au sens des articles L341-1 et suivants du
code de la propriété intellectuelle.

5/ Les présentes conditions d'utilisation des contenus de Gallica


sont régies par la loi française. En cas de réutilisation prévue dans
un autre pays, il appartient à chaque utilisateur de vérifier la
conformité de son projet avec le droit de ce pays.

6/ L'utilisateur s'engage à respecter les présentes conditions


d'utilisation ainsi que la législation en vigueur, notamment en
matière de propriété intellectuelle. En cas de non respect de ces
dispositions, il est notamment passible d'une amende prévue par
la loi du 17 juillet 1978.

7/ Pour obtenir un document de Gallica en haute définition,


contacter
utilisation.commerciale@bnf.fr.
ÉTUDE SUR LA PRHRGMNATIO SIUI h:
A -f

LES
ÉGLISES DE JERUSALEM

LA DISCIPLINE

ET LA LITURGIE AU IVe- SIÈCLE

P.VH LE

R. P. DOM FERXAND CAÏÎROL

Prieur de Solesmet
Professeur d'histoire à rUoiTeraité catholique d'Angers

LIBRAIRIE RELIGIEUSE II. OUDIN

10, RIE
PARIS
l»E MEZtERÉS, 10

1895
4,
/
POITIERS
RUK l»E l/CPEROS, 4
A LA MÊME LIBRAIRIE

L'Année Liturgique, par lo H. P. Uoin fii>:nAx«.Kn,


abbé do Solesmes, la volumes in-12, lo volume. 3 75
. .
l,o mémo ouvrage, 13 volumes in-3J, lo volume. . 3 75
Explication des prières et des cérémonies de la
Messe, d'après des notes recueillies aux conférences do Don»
GUÉIHNGKR, 1 volume in-16
Même ouvrage, édition do luxe. ......
Essai sur le Naturalisme contemporain, par
H. IMtom GUFJMNGKR, I voltime in-8f
.
i 50
2 50

6
le
»
Les Exercices de sainte Gertrude, vierge et at>l»cs>«»
de Saint-Benott, par le même 1 50
Essai sur l'origine, la signification et les privi-
lèges de la médaille de saint Benoit, par lo même,
1 volume in-18. 1 20
. .
Les Actes des Martyrs, depuis l'origine de l'église
chrétienne jusqu'à nos temps, traduits et publies par
les IIR. 1T. Bénédictins de la Congrégation de France, 4 beaux
volumes in-8* 24 •
Revelationes Qertrudianee ao Mecthildlan». —
I. Sanct» Gertrudis Magnée virginis Ordinis Sancli
Benedicti. Legatus divin») pietalis, accedunt ejusdem oxercitia
spirituatiaopus ad eodicum finem mine primum intègre edilum
Solcsmiensium 0. S. B. nionacborum cura et opéra. — 11.
Sanctee Mechtildis, virginis Ordinis Sancti Benedicti, liber
specialis gratiae accedit Sororis Mechtildis lux fluens divinl-
papier vergé, caractères elzéviriens. .....
tatis. — 2 forts volumes petit in-4°, édition de luxe sur

Le même ouvrage (traduction française) 4 vol. in-12


40 »
14 »
Saint Martin et son monastère de Ligagé, par lo
M. P. Oom CHAUATID, Bénédictin do la Congrégation de
Fragço.,1 volumo in-12. ;
3 »
Histoire de la congrégation de la Providence de la
Pommeraye, suivie d une notice sur M. Desmarquais, supé-
rieur de la même Congrégation, par le mémo, 1 volume
in-8» 6 »
Le Mois bibliographique, bulletin catholique des livres
et rerues, publié tous la direction des Bénédictins de la Con-
grégation de France, paraissant lel" de cliaque mois.
ABONNEMENT : France, 5 fr. ; Etranger, 6 fr.
LES

ÉGLISES DE JÉRUSALEM

l\ DISCIPLINE

ET LA LITURGIE AU IV SIÈCLE
POITIERS. — TirOCRM'IllK OIÏHX KT C*.
ÉTUDE SUR LA PMEOMNATiO SILVLE

LES
ÉGLISES M JÉRUSALEM
ÎWV DISCIPLINE

/, -
^

\ ET M7LITUUGIE AU IVe SIÈCLE

l'Ait L :

II. I». DOM FERXANP UABIIUL


Prieur de Solesuic*
Professeur d'histoire ù l'I'i.iversitô catholique d'Angers

LIBRAIRIE RELIGIEUSE 11. OUDIN


PARIS POITIERS
10, RIE DE NÉZU.HE4, 10 4, RfE DE L'E>ER*.X, 4

1895
PREFACE

La Peregrinatio Sitvioe, découverte en 1885


dans la bibliothèque d'Arezzo par M. Gamurrini,
a été dès l'origine considérée par les critiques les
plus compétents comme un document de premier
ordre pour l'histoire ecclésiastique. Peut-être,
après avoir applaudi à celte découverte, n'a-t-on
pas suffisamment étudié ces précieuses pages ;
peut-être n'a-t-on pas recherché avec assez de soin
les renseignements historiques nouveaux qu'elles
renferment.
Et tout d'abord pour la topographie ecclésias-
tique de Jérusalem au iv* siècle, la PeregrinatHf0
nous permet d'établir le véritable emplacement
des principaux édifices sacrés à celte époque, et
vi PR£FACK

de rectifier ainsi, sur plusieurs points, l'opinion


des plus savants archéologues.
Mais c'est surtout pour l'histoire de la disci-
pline et de la liturgie que la Peregrinatio est im-
portante ; celle qui a écrit ces pages nous donne
dans les plus minutieux détails la description des
cérémonies liturgiques et des offices de chaque '
jour, elle nous parle des principales fêtes de l'an-
née ecclésiastique à une époque où les autres écri-
vains restent muets sur ce sujet, ou ne nous
fournissent que quelques renseignements vagues
et incomplets. Mais il faut, dans le récit souvent
obscur ou diffus de Silvia, dégager des données
précises, et essayer de fixer, aulanl qu'il est pos-
sible, les indications nouvelles que nous lui de-
vons.
C'est ce que nous nous sommes efforcé de
faire dans les pages suivantes.
.
En dehors des questions de topographie et
de liturgie qui' tdnt l'objet principal de ce ira*
vail, il y à dans la Peregrinatio bien d'autres
points qui méritent de fixer notre attention : la
description du manuscrit d'Arezzoet son histoire;
PRÉFACR VII

la date de lu Peregrinatio et son auteur. Il est


utile aussi de connaître les voyages de Silvia au
mont Sinal, aux saints lieux de Palestine, au mont
Nébo, en Mésopotamie, en Asie Mineure. Tout ce
récil éclaire d'une vive lumière l'histoire reli-
gieuse et monastique de l'Orient au ive siècle.
Nous avons traité ces différentes questions dans
les appendices. De cette sorte notre élude sur la
Peregrinatio Silvioeaura quelque chance d'êlrecom-
plète (I).

I.L09 différents paragraphes de l'appendice sont empruntés


en partie aux articles que nous avions publiés dans la Reçue du
Monde catholique, février et mars 1888. Parmi ceux qui ont étu-
dié la Peregrinatio, nous devons citer les articles de M. Kohlcr
(Bibliothèque de F École des Chartes, t. XLV, p. 141), ceux de
M.l'abbé Dachesne (Bulletin tritique, l«r juillet 1887, cl Us Ori-
gines du culte chrétien, p. 469 seq.); ceux de M. l'abbé Davin
iVnicers, 27, 29 sept. ; 3. tî, 23 et 31 oct. 1887» ; do Cozza-Luzi,
l/x Pellegrina biblicaoccero S. Silcia in Paleslina, Koma, 1889 ;
Bâti (Toi, Histoire du Brieiaire romain, i* éd., p. 21 et suiv.
Le texte de l/a Peregrinatio a été édité pour la première fois
dans le quatrième volume de la tiiblioteca deïï academi*
storieo-giuridica, Rome, 4887, in-4*. M. Gamurrini a publié
une seconde édition, S. Sihioe Aquitana* Peregrinatio ad Iota
tancta, Rome, 1888. Enfin une 3* édition a paru en Russie,
Saint-Pétersbourg, 1889. dans la 20« livraison des travaux de ta
Société pour les études palestiniennes. Cf. aussi les corrections
proposées par l'abbé Dachesne, Origines du culte chrétien, I. c,
VIII PRÈFACR

Puissent les récits de la pieuse voyageuse ser-


vir a l'instruction et à l'édification des lecteurs!

et par Mommsen, Ueber ein neuaufgefundenen ReUebericht


mch d. Gelobten Lande, dans Sitxungsberichte d. Bertiner Aka-
demie d. Wissensch. 1837, XXIII, 357 ss. On trouvera uno bi-
bliographie assez complète de tous les travaux publiés sur la
Peregrinatio dans Roehrichl, Bibliotheca geogr. Palestine, Chro-
nologisches Verieichniss, el< Berlin, 1890, p. 5 et 6.
.
I
TOPOGRAPHIE RELIGIEUSE DE JÉRUSALEM ET DES
ENVIRONS AU IV* SIÈCLE
I

TOPOGRAPHIE RELIGIEUSEDE JÉRUSALEM ET DES ENVIRONS


AU 1V« SIECLE

L'invasion des Perses, qui, sous la conduite de


Cliosroés II, s'emparèrent de Jérusalem en Cl i, vint
détruire en parlic la Ville sainte, cl des magnifiques
édifices élevés au temps de Constantin, ou après lui,
il ne resta bientôt plus que des ruines '. Pour res-
tituer Tétai de Jérusalem avant celle destruction,
nous n'avons qu'un petit nombre de textes, souvent
obscurs ou qui paraissent contradictoires, d'Eusèbc,
de saint Cyrille de Jérusalem, de saint Jérôme, cl
quelques itinéraires ou descriptions de la Terre sainte;
encore la plupart de ces relations sont-elles posté-
rieures à la date de la destruction et nous décrivent

I.Ettlych. Annales 4081-1059; Chronie, Alex., a. C. 644 ;


Anon., De Persiea eaplititale, col. 32-35. Le premier de ces his-
toriens nons apprend que les jaifs s'étaient joints aux Perses el
qu'ils furent les agents les plus actifs de la destruction des monu-
ments sacrés de Jérusalem. Coaret, Li Palestine sout les tmpt'
reurs grées, p. 242.
LES EGLISES DE JKRl'PAÎ.FM

Jérusalem telle que l'ont vue les pèlerins après la


restauration de Modcstus, abbé de Saint-Théodore,
au commencement du vu* siècle '. Quand ils
donnent des détails sur l'état antérieur de la ville,
leur témoignage ne saurait être accepté sans con-
trôle. On comprend dans ces conditions l'importance
qu'il faut attacher au récit d'un témoin oculaire
d'une date 1res probablement antérieure à saint
Jérôme.
En clTct, d'après une hypothèse qui a élu assez
généralement admise, l'auteur de ce voyage ne serait
aulrc que la soeur de Rufin d'Aquitaine, vénérée
dans l'Eglise sous le nom de sainte Silvia '. Venue
à Jérusalem au cours d'un long pèlerinage en Orient,
elle y séjourna plusieurs années, et, de retour à
Constantinoplc vers 380, elle rédigea des souvenirs
de voyage, consacrant une bonne partie de son récit

1. Tous ces récils et descriptions se trouvent réunis dans les


Itiiwa Ilieros'Jynit'jna et deseriptimes Terra santtoe, publics
pour la Société de l'Orient latin par 31 M. Tobler, Molinicr et
Kohler, Genève, 1887-1885, in-8».
2. Cf. nos articles déjà cités dans la Reçue du Monde catho-
lique, où nous faisons pour notre compte des réserves sur cette
hypothèse. Mais ce que nous considérons comme démontré,
c'est que le document appartient bien à la fin du iv* siècle. C'est
l'avis du premier éditeur, qui a été adopté par les plus savants
critiques, de Rossi, Duchesne, etc. M. Rubens Duval, dans son
Histoire'politique, religieuse et littéraire d'Edeue (1892), reporte
LES ÉGLISES DE JÉltUSALKM

à nous décrire la liturgie de Jérusalem. Quoiqu'elle


n'ail pas pour objet, dans son ouvrage, de dresser,
comme certains itinéraires, la topographie des saints
lieux de Palestine, elle est amenée, par la nature
môme de son sujet, à nous parler souvent des églises
de la cité et des environs, où s'accomplissent les
fonctions liturgiques. Sa narration est parfois con-
fuse et d'une rédaction assez embarrassée ; mais on
arrive, par une étude attentive, à en dégager des
notions suffisamment claires sur le sujet qui nous
occupe. D'une façon générale et au point de vue de
l'exactitude des renseignements, la valeur de ce
document est de premier ordre. L'auteur a pris note,

la Peregrinatio Silc le après le siège d'EJcssc en 503, cf. Journal


ylsiafi^»^, juillet-août 1891, p. 95 et 101 (cf. Unictrsitè catho*
tique, t. X, p. 153-153). M. Chabot s'est déclaré partisan du
même système, thèses soutenues à Louvain, juillet 1892, et : De
S. Isaaci Xmicitoe tita, scriplis et doclrina (Paris, 1892). Mais, à
la suite d'un voyage au mont Sinaî, ce dernier nous écrit qu'il
n'est pas loin de revenir à la thèse commune. Les preuves don-
nées par M. Gamurrini pour déterminer l'époque n'ont du reste
pas été détruites. Sans nous proposer d'étudier spécialement ici
celle question, nous pouvons dire que de ce travail, qui a surtout
pour objet la discipline et la liturgie, sortiront des preuves non*
voiles en faveur de la thèse du premier éditeur. Du reste, nous
forons remarquer que l'opinion de SI. Rubens Du val, au moins en
ce qui concerne la topographie, ne modifierait en rien nos con-
cluions. Il faudrait,pour les ébranler, établir que notre document
est postérieur à I invasion des Perses en 614.
G LKS ÉGL1SE8 DE JERUSALEM

au jour le jour et avec une précision minutieuse,


de tout ce qui l'intéresse. On peut s'en rapporter à
son témoignage.
C'est au iv6 siècle, sous Constantin, que la Ville
sainte fut dotée de ses principales églises. Cet empe-
reur fut, on le sait, un grand constructeur. Il ne se
contenta pas de relever les églises détruites durant la
persécution de Dioclétien; il en édifia un grand nom-
bre d'autres dans les principales villes de l'empire 1.
Pour Jérusalem en particulier, il voulut faire
preuve d'une magnificence vraiment impériale. Nous
ne rappellerons pas dans quelles circonstances sa
mère, sainte Hélène, avait fait exécuter des fouilles
sur le Calvaire, et découvert le tombeau du Seigneur
et le lieu où il avait été crucifié. On sait quel en-
thousiasme excita dans tout l'empire devenu chré-
tien, cette découverte si précieuse pour la piété des
fidèles. Les arcbitcctcs se mirent aussitôt à l'oeuvre,
et sur les plans de Constantin et de sainte Hélène, ils
commencèrent à édifier les monuments sacrés qui
devaient conserver le souvenir de la Passion et de la
mort du Sauveur.

I. Un érudit du siècle passé a consacré on grand ouvrage à


nous les décrire. Ciampini, Desaerit adificiisaConstantinoMagno
eonslructis, un roi. in-folio, Rome, 4783. Cf. aussi Duchesne,
Liber Pontif., t. 1,191 seq.
LKS ÉGLISES DE JERUSALEM

C'est ici que la narration de sainte Silvia va nous


rendre les plus signalés services. 11 faut d'abord se
représenter le Calvaire au lemps de la Passion de
Notrc-Scigncur. C'était une petite colline nue,
rocailleuse, coupée de ravins, de carrières, de
citernes, de tombeaux *. Il est assez généralement
admis, parmi les archéologues, que le Calvaire était
à celte époque hors de l'enceinte de Jérusalem ; ce
n'est que plus lard qu'il fut enfermé dans les
murs '. Sur celte colline nous devons distinguer
trois points principaux. C'est, en suivant une ligne
de l'ouest à l'est, le lieu où Notrc-Seigncur fut
enseveli ; au delà cl un peu au sud, à une distance de
quelques mètres, se trouve la place où il fut crucifié,
ouGolgolha. C'était, ditM.de Vogué dans l'ouvrage
déjà cité, « un roc séparé par un petit ravin du lieu
du tombeau, formant une sorte de promontoire dont
la pointe isolée et élevée convenait bien à une exé-
cution. » Cinquante pas plus loin, au pied du Gol-
gotha, se trouvait une citerne, dans laquelle, suivant
la tradition, les soldats jetèrent après le supplice la
croix et les instruments de la Passion, pour que le

1. Cf. Les églises de la Terri sainte, par le comte Mefchior de


YogQé, în-4% Paris, 1860, p. 125.
f. Qu'on se rappelle le texte de S. Paul: Extra porlam passus
est.
LES É0L1SES DE JE*Rt'S\l.tM

jour du sabbat ne fût pas souillé par la présence de


ces instruments de torture '.
Revenons au récit de Silvia. L'église dont la men-
tion se rencontre le plus souvent sous sa plume est
celle de la Résurrection ou, selon le mot grec, Anas-
lasic. Ce magnifique monument, de forme ronde,
d'après plusieurs itinéraires, avait été construit au-
dessus du tombeau où lctorps du Sauveur fut déposé
après sa mort, et d'où il ressuscita. Le tombeau
creusé dans le roc comprenait primitivement deux
chambres sépulcrales dont la première servait de
vestibule à la seconde; c'est dans cette dernière,
sous une sorte de voûte ou arcosolium, que fut en-
seveli le Seigneur. Mais, lors de laconslruclion cons-
lantinicnne, la disposition du saint sépulcre fut
modifiée. « On découpa, dit encore M. de Vogiïé,
le flanc de la colline de manière à séparer complète-
ment le rocher qui renfermait la chambre sépulcrale
et à en faire une masse isolée, au milieu d'une sur-
face aplanie. La paroi extérieure du bloc ainsi obtenu
fut décorée de colonnes et de marbres précieux, ce
qui lui donna l'apparence d'un petit édifice distinct ;

1. Ce n'est pas le lieu d'exposer ici les arguments qui militent


en faveur de l'authenticité des lieux saints. La preuve a été faite
bien des fois. Nous nous contentons de renvoyer à M. de Vogflé,
1. c, et à M. Guérin, Jérusalem, in-8», p. 305etsuiv.
LES ÉGLISES DE JÉlll'SALt 3! 9

on détruisit aussi la première grotte ou vestibule du


saint tombeau '. » Le récit de Silvia confirme, sur
ce point, les données du savant archéologue. Dans
la basilique de l'Anastasic, au temps où Silvia la
visita, s'élevait le rocher du saint Sépulcre ; la
grotte, comme elle nous l'apprend, était séparée de
la nef par une barrière ou canccl, et des lampes
nombreuses brûlaient à l'intérieur '.
Les archéologues, en s'aidant de la description
d'Eusèbe et de quelques autres textes, en étudiant la
configuration actuelle du sol et les parties anciennes
encore subsistantes dans les constructions plus
récentes du saint Sépulcre, ont tenlé plusieurs fois
la restitution de l'Anastasic et des édifices qui en
dépendaient *. Malheureusement, l'obscurité des

1. Les églises de la Terre sainte, p. 122.


2. Peregrinatio, p. 77. C'est au texte de la première édition
de M. Gamurrini que nous renvoyons toujours. Antonin Martyr
nous décrit l'ornementation de la chapelle, De Locis tandis,
Tobler, Itinera, 1,101. Saint Cyrille de Jérusalem nous donne
les mêmes détails, Migne, Patrol. gr t. XXXIII, p. 833.
,
3. Voyez surloutJe bel ouvragede M. de Vogué que nous venons
de citer et le mémoire de Willis, inséré dans la deuxième édition
du livre de William, The holyeity, Lond. I8i9. La description
d'Eusèbe se trouve dans sa Vita Conttintini,\. III, c. 34 et
suiv. Un aulre ouvrage qo'Eusèbe avait consacré au même sujet
ne nous est pas parvenu. Dans Ciampini. De sacris aJifieiis a
Conttantino M. contlructis, la question des églises construites à
10 LES EGLISES DE JB"RV8AIKW

textes a été, comme nous l'avons dit, uno cause do


graves erreurs dans leur interprétation, et a donné
lieu aux systèmes les plus divergents. Les données
nouvelles fournies par Silvia devraient mettro fin à
toutes ces discussions en portant la lumière sur les
points obscurs de la question.
L'opinion dominante depuis lo savant ouvrage
do M. do Vogué, est qu'un seul édifice renfermait
en même temps le rocher du saint Sépulcre, le Gol-
gotha cl la citerne ou crypte de l'Invention do la
Croix '. Le texte de Silvia nous amène à des conclu*

Jérusalem est étudiée trop sommairement ; l'auteur se contente


de renvoyer au célèbre ouvrage de Quaresmius: Elucidatio
Terra sanct*, qui n'a rien perdu de ta valeur. Le môme sujet •
été repris plus tard par Ûnger, die Bauten Conthnlins d. Gr.
am heilige Grab zu Jérusalem. Nous ferons remarquer ici que la
Peregrinatio Sileia, si précieuse sous d'autres rapports, ne donne
presque aucun renseignement sur la décoration des églises ou
leur disposition intérieure. Nous n'avons donc pas à traiter ici
cette question ; nous nous bornerons à renvoyer ceux qui vou-
draient se renseigner sur ce point, aux travaux de Bingham,-de
Pellicia, aux étudos plus récentes de Sarnelli, de HQbsch, de
Mirchi, et à l'important article de Kraus dans la Real-Eneych-
padied Christ. Allertk , Y* Basitika. *
4. llislin, Us Lieux saints, H, 230 ; WilKs, o. c, p. 242; de
Yoguô, o. c, p. 130 ; Guérin, La Terré sainte, son histoire, etc.,
in-fol. Paris, 1882, p. 96,147 et suiv., et aussi son livre ioti-
tulé : Jérusalem, son histoire, sa description, etc., 1889, p. 425.
On s'étonne que, dans ce second ouvrage, M. Guérin paraisse
ignorer encore l'existence delà Peregrinatio. II. Cooret.o. c,
LE8 EGLISES DE JB*RVSALIN U

sions toutes différentes : elle distingue très nette-


ment et à mainte reprise l'Anastasio d'une autre
église, dito église Majeure, ou égliso du Golgotha, et
appeléo encore lo Marlyrion ou témoignage, parce
qu'elle était construite à l'endroit même où eut lieu
le supplice de Notrc-Scigncur '. Les proportions

p. 48, a suivi la même opinion, non tans se rendre compte des


difficultés qu'elle soulevait. DomTouttée, l'éditeur de saint Cy-
rille de Jérusalem, était déjà tombé dans cette erreur ; voyei
ses notes et sa dissertation sur la basilique do l'Anastasie. Nigoe,
P. G., t. XXXIII, p. 832, et 4262. Am. Thierry, Sai»t Jérôme,
la société chrétienne à Rome et l'émigration romaine en Terre
sainte, a mieux vu la distinction de l'Anastasie, du Golgotha et
du lieu de l'Invention de la Croix ; il a néanmoins laissé subsister
dans son récit certaines confusions, p. 241, 216. Ce qui paraît
plus extraordinaire, c'est que les savants russes et allemands
qui s'occupent de ces questions, semblent encoro ignorer les
données nouvelles qu'apporte la Peregrinatio, et suivent l'opi-
nion de M. de YogQé ; voyez par exemple l^éonide, Dos allé
Jérusalem;Msnsurov, Die Kirthedesheiligen Grabessu Jérusalem
in ihrer aUesten Gâtait, Ileidelberg, 1888, in-8«, et les travaux de
Wassiliewski, Sepp, Schick.etc.
1. Gamurrini,/. c. « EccUsia quoe in Golgotha est, sed et saneta
eeelesia quoe est in Ana$lase, » p. 408. « Nam quid dicam de
or natu fabricco ipsius, quam Constanliaus sub pr.vsentia matris
soao, in quantum vires regni sui habuit, honoravit acro, musico
et marmoreo pretioso tara ecclesiam majorent, quam A naslarim,
tel ad crucem, vel cetera loca saneta in Jerusolima ». Ib., p. 83 ;
et 90 : « Propterea autem Marlyrion appellatur quia in Golgotha
est, id est posterueem (c'est ainsi qu'elle désigne le lieu de l'In-
vention de la Croix ou Pédicule dans lequel se conservait la vraie
croix), obi Dominas passas est, et ideo Marlyrion ». A rapprocher
12 LES ÉGLISES DE JERUSALEM

do l'Anastasie étaient donc beaucoup moindres quo


celles qui lui ont été attribuées par MM. Willis, de
Vogué, Léonido, Mausurov dans leurs plans; cllo no
renfermait quo lo saint Sépulcre, qui en était lo
centre et en faisait l'unité. Nous apprenons encore
de Silvia que l'on célébrait de nombreux offices
dans l'Anastasie; on y allait chaque jour, sauf de
rares exceptions, pour tes vigiles ou offices de la
nuit, pour le Sacrifice et les prédications, pour la
célébration de Sexte, de Noue et du Luccrnaire. Et

des p. 80,81, 85, etc. Pour ne pas surchargerl'exposition,nous


donnerons à la On de ce paragraphe l'explication de certains
textes de saint Cyrille ou d'autres auteurs qui, au premier as-
pect, paraissent en contradiction avec celui de Silvia.
Cependant, dès maintenant une observation est à faire sur les
termes de Marturion et de basilica. Le mot Marlurion est un
terme générique qui signifie témoignage et s'applique à toute
église de martyr. C'est ce qui explique que certains auteurs par-
lent du Martyrion du Golgotha ou du Marturion de la Résur-
rection. Cf. S. Cyrille, calée»'^se XIY«, n. 6. « BXiiu«, ÔTI Y.%\
x't'ê \f,r.'ti -îf,; 'X'iiniiitt. rwiiivt i r^r/rr,;, Mxsriatv/
l«:ixXr,0yi»ijnvy* ; TW: •ekp x*i J/typ, pfé xxti ti; Xosni;
'Kxx).r,r'a; h W* \WfAx xxî T?(; ivxniïiw; ofrw; 4 X<5J:O;
H/uù.r,i'% /.rli'.'.t'., àXXà MxirSs'.oy ». Les itinéraires appliquent
également le nom de Marlurion. tantôt à l'une, tantôt à l'autre
église. Cf. aussi Ëusèbe, De Vila Const. I. III, c. 8; de laud-
Conu. c. 9; Hier. ep. 41. Le mot de basilique est aussi un
terme générique. Silvia, qui distinguo fort nettement la basilique
du Golgotha et de l'Anastasie, dit cependant quelquefois réalise
ou la basilique dt VAnotlatie.
LES EGLISES DE JERUSALEM 13

mémo à certains jours de fête, quand l'office s'est


accompli dans d'autres églises, on revient en pro-
cession à l'Anastasio pour dire une dernière prière
et recevoir la bénédiction do l'évoque. C'est aussi
dans cetto église que se rendent les néophytes pen-
dant l'octave do Pâques pour être initiés aux mys-
tères '.
Lo Golgotha comme le saint Sépulcre avait aussi
sa basilique, Yéglise Majeure, qui parait avoir été
l'église la plus remarquable de Jérusalem. Outre les
noms d'égliso du Marlyrion et du Golgotha que lui
donne Silvia, elle est encore appelée, par d'autres
auteurs, le Saint Crdne, xh Sy™ K.snfev, Calvarûv
/ocus, qui est la traduction de l'hébreu Golgotha.
Ce nom de Crâno venait de la tradition d'après la-
quelle la Croix du Sauveur aurait été plantée à l'en-
droit même où fut déposé lo crâne d'Adam. L'église
Majcuro s'élevait à l'orient de l'Anastasie, mais plus
au sud, de manière à ne pas masquer la façade de
cette dernière qui avait ses portes à l'orient : il nous
semble aussi, sans que les termes de Silvia permet-
tent de l'affirmer, que l'église Majeure était orientée
dans le môme sens que l'Anastasie ; elle avait du
moins aussi des portes à l'orient; le fond avait la

1. Peregrinatio, I. c, p. 76, 84, 82, 92,99, otc.


14 LE8 EOLISBS PB JR*ltU8ALBW

forme d'abside '. Bâtie par Constantin ot sainte


Hélène, cette basilique est uno des grandes stations
liturgiques do Jérusalem; on s'y réunit le dimanche
pour l'office du matin et pour les prédications; les
catéchumènes qui sont jugés dignes du baptême,
s'y font inscrire au commencement du carême, et
y assistent aux instructions ou catéchèses qui s'y
donnent durant co temps de l'annéo; à la fête de
Pâques ils y recevront lo baptême *.
C'est dans l'angle formé par la façade orientale de
l'Anastasic et le côté nord, que s'étend uno autre
construction destinée à relier tous les édifices sacrés
du Calvaire ; Silvia lui réserve d'une façon spéciale
le titre de basilique. Ici encore le récit do notre
voyageuse fait la lumière sur un autre point impor-
tant ; ses expressions no laissent plus aucune place
pour les hypothèses qui tendaient à confondre
l'Anastasic et la basilique. Elle nous dit formellc-

4. « .... Apertis balvis majorions quae sunt de quintana


parte.» Peregrinatio, p. 403. Ces portes s'ouvraient devant le
peuple qui venait en procession da mont des Oliviers. Cf.
aussi p. 106,107. Si la loi de l'orientation voulait que la porte
regardât l'occident et que l'abside fût à l'orient (Constit. Apost.,
II, 59), il faut remarquer qu'on dérogeait souvent à celte règle,
surtout quand la disposition des lieux l'exigeait ainsi, ce qui
était précisément le cas pour les églises du Calvaire.
t. Peregrinatio, p. 80,85, 90, etc.
LES EGLISES DE JÉRUSALEM 15
S—**—-W^^ " ' "'" " "" I.IIIMII. HH IIHIIB.IIM ! I.I.— Il 1^1. m

ment que celto dernière est auprès do l'Anastasic,


mais cependant au dehors, locus juxta Anasiasim,
foras tamen *. Ce liou, qu'elle appelle la basiliquo,
formait une sorto do grand atrium ou cour en-
tourée de portiques. Le peuple s'y réunissait lo
dimanche et les jours de fête, vers lo milieu de la
nuit, pour y attendre l'ouverture des portes de
l'Anastasie où l'on célébrait les Vigiles. On allumait
des lampes et on récitait des psaumes et des hymnes
pour occuper pieusement le temps et se préparer à
l'offico divin ; mais ce n'était pas un temple pro-
prement dit; du moins n'cst-il nulle part question,
dans notre texto ni ailleurs, qu'on y célèbre le Sacri-
fice ou les autres offices liturgiques, ou qu'on y
fasse des prédications.
Il est un quatrième édifice que Silvia place encore
sur le Calvaire et qu'elle appelle fa Croix. C'est
un édicule dans lequel on conservait la relique de
la vraie Croix et qui était situé sans doute au-
dessus de la citerne dont nous avons parlé tout à
l'heure '. Ce petit monument faisait sans doute
partie de la basilique, comme le croit M. Gamur-

4. Peregrinatio, p. 79.
2. Ibidem p 78,79, 80, etc. Comparez les passagesde Rufin,
Hitl.ecd., I.X, c8; S.Paulin, ep. 31, n. 6.; Pratum spirit.,
c, 105; et la note de dora Touttée, Migne, /'. G., t. XXXIII,
686.
1«» I.K* KGLIS::S l»K JERUSALEM

rini, et il était situé du Côté de l'orient et à peu près


sur la même ligue que le Golgotha \ Remarquons
en outre que, d'après les indications de Silvia, cet
cdicule se trouve au milieu d'un espace libro et
découvert, où le peuple si? réunissait à certaines
heures ; on nous parle des cérémonies qui s'accom-
plissent tantôt devant la croixt tantôt derrière la
croix. Les fidèles s'y rendaient à la fin de certains
offices pour recevoir la bénédiction de l'évêque.
Le Jeudi Saint on célébrait le Sacrifice, et le lende-
main avait lieu solennellementIndorationdclaCroix -\
Nous pouvons maintenant, grâce à ces renseigne-
ments nouveaux, nous faire une plus juste idée de

4. Nous donnons plus loin d'après l'ouvrage de M. do Vogflé,


pi. VIII, le plan du Calvaire et du Golgotha, avec la place do la
citerne où fut trouvée la sainte Croix.
2. « Anteciucetn ipse lotus sublivanus est id est quasi atrium
talde grande et pulchrum tatis quod est inter cruce et Anastase. »
Peregrinatio, p. 97. Notre interprétation de ce passage est con-
forme aux textes de saint Paulin, de Théodose, d'Anlonin, cités
par Gamurrini,p. 78. Le texte d'Anlonin cadre parfaitement avec
celui de Silvia. « In basilica Constantini, cohérente cireum motiu-
menlum tel Golgotha, in atrio ipsius basilica est cubieulum, ubi
lignum santta erueis positum est. » Anlonin, cap. 20. Il ne parait
pas cependant que ce fût une crypte comme l'ont cru quelques-
uns des interprèles de la Peregrinatio, car Silvia nous parle
de deux portes, l'uno d'entrée, l'autre de sortie ; mais elle ne
laisse pas soupçonner qu'il y eût un escalier conduisant à une
crypte. Cf. Peregrinatio, p 97.
LE8 EGLISES DE JERUSALEM 17

l'ensomble des constructions de Constantin sur le


Calvaire. Trois édifices il formo et do destination
différente étaient réunis par la cour do la basi-
lique qui permettait, d'accéder de plain*pied ou
à l'aide de quelques degrés de l'un dans l'autre ;
en allant de l'ouest à l'est, on les rencontrait dans
l'ordre suivant, l'Anastasie, puis l'atrium do la ba-
silique, accostée au sud par l'église Majeure, et en-
fin Pédicule de la croix.
A la suite de cette élude sur les monuments sacrés
du Calvaire, une autre conclusion parait s'imposer.
D'après le système qui ne voulait voir sur le Calvaire
qu'une seule église réunissant dans son enceinte
tous ces monuments divers, on était amené à croire
que, lors de la restauration qui fut entreprise au
commencement du vu* siècle par l'abbé Modeste,
on n'avait pas tenu compte des anciens plans de
Constantin, et que trois églises différentes avaient
remplacé l'unique basilique de l'empereur. On devra
admettre désormais que cette restauration fut bien
plus conforme qu'on ne l'avait cru jusqu'ici à l'an-
cien état de choses. On se servit probablement des
parties laissées debout par les Perses pour repro-
duire, autant qu'il était possible, l'oeuvre du grand
empereur. Et cette interprétation est d'autant plus
acceptable que les Perses ne durent pas détruire de
ECUSES DE lERCSALBX 2
18 LES Ê*GII8KS DE JB*HU8ALEM

fond en comble les édifices du Calvaire. Commo le


remarquo très justement M. do Vogué, « lorsqu'un
auteur mêmeexact, même contemporain des événe-
ments qu'il raconte, nous dit qu'un monument consi-
dérable a été détruit do fond encomblo, rasé par un
ennemi victorieux, il faut bien se garder do prendre
ses expressions au pied de la lettre. Uno horde d'en-
vahisseurs qui passo comme un flot destructeur sur
une ville conquiso, pille, dévaste, brûle, mais elle
n'apporte pas dans la démolition cette persévérance
intelligente et intéressée qui seule fait disparaître à
jamais les monuments; elle laisse toujours debout,
après son passage, des parties plus ou moins impor- '
tantes des édifices renversés, des pans de murs, des
substructions qui en marquent la place... Pour ce
qui touche la ville de Jérusalem, il est impossible
d'admettre que la grande basilique de Constantin
ait été entièrement démolie par les Perses, malgré
leur acharnement contre les monuments du christia-
nisme. Leur court séjour en Palestine ne leur per-
mit pas de tout renverser; des fragments considé-
rables de l'édifice primitif devaient être debout,quand
Modeste, immédiatement après le départ des vain-
queurs, entrepritde les restaurerai dut les utiliser 1. »

I. Les églises de la Terre sainte, p. 150.


LES K*G LISES
DE j£RU8ALBM 19

Or il est certain, et le fait est reconnu par les ar-


chéologues presque sans exception, qu'après les re-
constructionselles restaurationsentreprisospar l'abbé
Modesto, il y avait sur lo Calvaire (rois églises dis-
tinctes : celle du Golgotha, et la basilique avec Pédi-
cule de l'Invention de la Croix '. C'est donc uno nou-
velle preuve qui confirme lo récit de Silvia.
Au sud du Calvaire, sur la montagne de Sion et
dans l'enceinte de la ville, Silvia mentionne une
égliso au-dessus de l'emplacement qu'avait occupé
la maison de saint Marc. C'était le cénacle, lieu
vénéré par tous les chrétiens, comme témoin du mi-

1. Il y avait même une quatrième église, celle de la Vierge.


Cf. de Vogué, /. c. p. 148 et suiv. Les textes sont très formels
sur ce point, et l'un des voyageurs les plus voisins du temps de
Modeste, Arculphe, donne même un plan des quatre églises.
Malgré tous ces témoignages, M. Mansurov soutenait, récemment
encore, que Modesto n'avait reconstruit qu'une seule église ren-
fermant tous les souvenirs du Calvaire. Mais son système nous
parait manquer de toute base sérieuse. Cf. Dis Kirthe des heil.
Crabes :u Jérusalem, 4888, et Die Basilika Kaiser Consta itin's.
Citons en particulier le texte si formel de la lettre d'un moine de
Saint-Sabas.Antiochus, « 'Atfyv.ii xx( tov»; ijirsY.xOivTx; «Sx»-
|xf<w; vxviç xvt SWT^OO; *,{!&/ 'IijxoO Xpsxrov xixi xyio*
Kpxvfov, xx? xitv ir{\T* xfoo-j 'Avixtxxtv, xx? xvt •sirxvt OTXOV
xv» ?j{i{'/j Z-.Ttpyi ». Apud Migne, Pair, gr., t. LXXXIX, col.
1437, et aussi les annales d'Eutychiusdans lo même sens, Patrot,
gr., t. CXI, col. 1083. On remarquera que ces textes prouvent
même pour l'époque antérieure & l'invasion des Perses.
SO LE8 K*GLISKS PB JERUSALEM

racle de ladesccnto du Saint-Esprit sur les apôtres.


La tradition la considérait comme la plus ancienno
do toutes lés églises, la mère des églises, selon lo
mot do Virgile, un pèlerin du v* sièclo, qui la place
& deux cents pas du Golgotha et ditqu'ello fut fondée

par Notrc-Seigncur lui-même et par les apôtres*. On


l'appelait encoro Vég/ise des apôtres. Saint Epiphane
nous dit qu'elle était antérieure aux temps d'Hadrien,
c'est-à-dire au commencement du u* sièclo *. C'est
dans cette égliso que fut enseveli lo corps do saint
Etienne, trouvé par Jean, évoque do Jérusalem au
iv* siècle '. On y conservait aussi la colonno de la
flagellation qui, en 333, était encoro dans la maison
de Caïphe ou église de Saintc-Eusébie, et qui au
temps de Silvia avait été transportée dans l'église do
Sion v. Il est probable, comme le pense M. do Vogué,

4. Cardinal Pitra, Anatecla sacra, t. Y, p. 120. Voyez ce que


nous disons plus loin de ce document. Cf. Theodosius, De Terra
saneta, apud Itinera et descriptiones de Tobler, I, 65.
2. De ponder. et mens, c. xiv. S. Cyrille de Jérusalem
nous en parle aussi longuement. Migne, Palroi. gr., t. XXXIII,
924.
3. Lucianus presbyter, De détections reliquiarum sancti
Stephani, c. 8 et 40. Silvia n'en fait aucune mention et parait par
suite antérieure à cette époque. Cf. Une tradition biblique à
Jérusalem, Reçue biblique, 4884, p. 452, seq. Il y est parlé lon-
guement de l'église de Sion et du tombeau de saint Etienne.
4. [ter Burdig. Virgile indique celte translation comme ré-
LES EGLISES DE JERUSALEM 21

qu'à la suite du mouvement architectural qui si-


gnala pour Jérusalem le règno de Constantin, cette
égliso reçut des embellissements et des agrandisse-
ments; mais les auteurs du temps n'en disent rien 1.
Silvia ne nous donne aucun renseignement sur sa
construction ; elle so borne à nous dire que l'office
liturgiquo s'y célébrait les mercredis et vendredis
durant toute l'année, puis lo jour de Pâques el celui
do la Pentecôte: elle l'appelle toujours l'église de
Sion ou en Sion*. Arculf en donne le plan dans sa
description des Lieux saints ; elle a la forme d'un pa-
rallélogramme régulier; la colonne de la flagellation
est au centre ; à l'un des angles est le lieu de la
Cène, à l'autre celui de la descente du Saint-Esprit ;
l'Église de Jérusalem, d'après une tradition qu'elle a
toujours défendue, y vénérait encore la place où
mourut la sainte Vierge, et la pierre sur laquelle fut
lapidé saint Etienne \
Silvia ne mentionne pas
d'autres églises dans Jérusalem parce que, comme
nous l'avons fait remarquer, elle ne s'occupe que de

eente, ce qui, avec une autre indication chronologique contenue


dans son récit, permet d'en fixer la date à une époque très voi-
sine de celte de Silvia. Cardinal Pitra, Analecta, p. 120.
4. Cf. de Vogué, /. c, p. 329, el Guérin, Jérusalem, p. 125.
2. Peregrinatio, p. 95, 100,102.
3. Arculfus, de Loeis tandis, ap. Itinera et descripteurs
Terra saneta, t. I, p. 460.
22 LES ttOUSES DE JERUSALEM

celles où se font les grandes stations liturgiques. C'est


à ce titre qu'elle nous signale en dehors do la ville
plusieurs autres sanctuaires où l'on se rendait pro-
cessionnellemcnt dans certaines circonstances. Ce
sont d'abord les églises du mont des Oliviers, à l'est
de la ville.
La plus imporlanto do ces églises était cello de
Vlmbomon, 'EjiSwjm;, ou de l'Ascension, bâtio par
l'architecte Eustache, sous les ordres do Constantin
et de sainto Hélène, au sommet du mont des Oli-
viers, pour consacrer la mémoiro du mystère. On
y faisait des offices particuliers lo jour des Rameaux
et pendant l'octave de Pâques. Les néophytes qui
venaient de recevoir le baptêmo s'y rendaient fré-
quemment. M. de Vogué, conduit par l'étude des
ruines, a distingué très nettement ici la vérité, au
milieu de l'obscurité et de la contradiction des textes.
Il a prouvé qu'on avait confondu à tort l'église de
Vlmbomon avec uno autre église construite à quelque-
distance. Son hypothèse est pleinement confirmée
par Silvia ; celle-ci nous dit en effet qu'en descen-
dant de l'Imbomon vers Jérusalem, on rencontrait
une autre église qu'on appelait in Eleona ('EXXÎSWX),
c'est-à-dire dans le jardin des Oliviers. On y véné-
rait la grotte dans laquelle Noire-Seigneur, quel-
ques jours avant sa mort, instruisait ses disci-
LES EGLISES DE JERUSALEM 23

pies'; c'est là, croyait-on,qu'il avait prononcéson dis-


courssur la ruinodutcmpleet lesmalheursquiallaient
fondre sur Jérusalem (Matth., cap. xiv). On faisait la
station à YEleona, lo dimanche des Rameaux elle
jour do la Pentecôte ; on y menait aussi les nouveaux
baptisés pendant l'oclavo de Pâques •. Lo marly-
rion de saint Etienne était tout près de là ».
Enfin sur les dernières pentes du mont des Oliviers,
on trouvait un nouveau sanctuaire, « une élégante
église, > dit Silvia, à l'endroit do la grotto de l'Agonie.
Puis, en descendant encore vers la cité, à la distance

1. Cf.lier Burdig. Tobleret Molinier,!, iS.nlbifaela ettjussu


Constantini basilica mira pukhritudinis. Pseudo-Eueher, de
LocissaiulisÇibïd.Si), parle des deux églises célèbres du mont
des Oliviers: l'one où le Christ enseignait ses disciples, l'autre
où il quitta la terre. Cf. aussi Arculf, I. 25.
2. Peregrinatio, p. 83,90, 94, 99. DJ VogQé, p. 315, suppose,
d'après un passage de saint Jérôme, que l'Imbomon était de
forme circulaire. Le milieu du toit était ouvert, parce que, d'après
la tradition que nous rapporte le même saint, tous les efforts des
architectes furent impuissants à couvrir l'endroit par lequel Notre-
S >igneur était monté au ciel. C'est la tradition dont pariétal
siint Paulin, Epist. 31, ». 4; Sulpice Sévère, I. H Sscr. hlslor.
cap. 48, et plusieurs des anciens pèlerins. Saint Cyrille semble y
faire allusion, Migne, P. G., t. XXXIII, 856.
3. Marturium sancti Stephaninon longe. Peregrinatio, p. 124.
Sur le tombeau de saint Etienne, cf. Reçue Biblique, III, 452.
Sur l'emplacement de Gelhsêmani, cf. Keppler, Theologische
Quirtalschrifl, 1893 (III), et Revue biblique, III, p. 155.
24 LES ÉGLISES DE JERUSALEM

d'un jet de pierre, on arrivait au lieu dit Gethsé-


mani, où le Sauveur fut pris par les soldats et dont
le souvenir était sans doute consacré par une chapelle
ou un oratoire '. Virgile mentionne sans aucun dé-
tail vingt-cinq églises sur le mont des Oliviers, ran-
geant sans doute sous ce titre les petits oratoires qui
en effet y étaient fort nombreux*. C'est grâce au
texte de Silvia que nous pouvons désormais nette-
ment établir, dès lé iv* siècle, l'existence et la desti-
nation de ces sanctuaires qui ne nous étaient guère
connus que par la mention d'auteurs très postérieurs.
On allait proccssionnellementvisiter ces saints lieux,
la nuit du jeudi et du vendredi saint.
Il nous faut citer aussi, parmi les sanctuaires où
avaient lieu les stations liturgiques, deux églises à
Réthanic et la fameuse basilique de la Nativité à
Bclhléhem.
La première église de Rélhanic, à deux milles en-
viron au sud-est de Jérusalem, avait été construite
à quelques pas en avant du bourg, à l'endroit même
où Marie soeur de Lazare rencontra le Sauveur. Le

I. Peregrinatio, p. 91. L'éditeur confond ici à tort Gclhsé-


rcani cl la grotte de l'Agonie, et il oublie que l'église de l'agonio
était distincte de celle dite de Sainle-.Marie, sur le sépulcre do
la sainle Vierge. Cf. de Vogué, o. c, p. 305, 313.
t. Cardinal Pilra, Analtcta, p. 119.
LES EGLISES DE JÉRUSALEM 25

témoignage de Silvia est le premier qui nous fait


connaître l'existence de celle église. Le second édi-
fice dont nous parle noire voyageuse est celui du
Lazariou, église de Lazare ; elle s'élevait au milieu
du bourg de Rélhanic, sur le lieu du tombeau du
disciple 1. Les fidèles de Jérusalem allaient quatre ou
cinq fois par an en procession visiter ces églises. On
connaissait déjà par les itinéraires deux autres sanc-
tuaires à Réthanic: celui de la maison de Marthe et
Marie, et celui dclamaisondc Simon le lépreux, dont
Silvia du reste ne parle pas. Quant à la basilique de
la Nativité à Rethlchcm, c'était la plus fameuse de
toutes les églises de Palestine, en dehors des basi-
liques de Jérusalem *. Elle remonte à l'époque cons-
(antinienne. Les anciens itinéraires, Eusèbe et saint

1. Silvia, comme le pèlerin de Bordeaux, place Réthanic a


quinze cents pas de Jérusalem, Peregrinatio, p. 83. Virgile met
ce lieu au cinquième mille de Jérusalem, l. c, p. 119. Plusieurs
autres itinéraires en parlent aussi. Voir S. Jérôme, Onom. ad
TOC. Belhania. L'endroit du Lazarium s'appelle encore Aizirieh.
On y montre le tombeau de Lazare au fond d'une église qui
date des croisades. Cf. aussi saint Jérôme, episl. Paula.
2. Nous renvoyons à la belle restitution de M. de Vogué
(p. 50J, qui nous semble avoir bien prouvé, dans son habile dis-
cussion, que la basilique remonte au iv« siècle. Cf. aussi Guérin,
Description géog., histor. el archcol. de la Palestine, Judée, 1,128.
Origène, dans un texte célèbre, nous montre déjà de son temps
Bethtéhcm vénéré et célébré par la piété chrétienne. Contra Cet'
sum, I.
2«> LES EGLISES DR JERUSALEM

Jérôme, ne manquent pas de la mentionner 1. Silvia


nous apprend qu'elle était le centre des offices litur-
giques de l'Eglise de Jérusalem pour les fêtes de l'Epi-
phanie (Noël), et aussi par une coutume assez singu-
lière, que nous essaierons d'expliquer plus tard, le
quarantième jour après Pâques. C'est de toutes les
églises de la Palestine celle qui a le mieux résisté aux
dévastations et, comme le dit M. de Arogiié, « celle
qui a le mieux conservé, jusqu'à nos jours (après
quinze cents ans d'existence), l'antique physionomie
de son origine. »
Nous devons, en terminant ce chapitre, revenir en
quelques mots sur les difficultés que présentent cer-
tains textes que l'on a proposés comme contraires à
l'interprétation que nous avons donnée ci-dessus de
la description de Silvia. Eusèbc, sur lequel on a
surtout voulu s'appuyer, n'est pas très explicite. Il
parle du saint Sépulcre, puis, à l'orient, de la basi-
lique et de l'hémicycle ou lieu de l'Invention de là
Croix. Mais il n'est pas question du Golgotha ; il se
conlentcdc dire: « Ce temple qui vient d'être dé-
crit fut élevé en témoignage de la résurreelion '. »
Les itinéraires avant le vu' siècle présentent aussi

1. Iter Burdig., Eusèbe, //. E., X, 14; Vit. Contl. Ut, 50;
IV. 45 ; de t/iud. Contt. IX; Micron, ep. CVIIf, 28.
2. Eusèbe, VitaConst.,1 III, ch. xxxiv-xxxix.
LES ÉGLISES DE JÉRUSALEM 27

une certaine confusion ; leur témoignage n'est pas


concordant ; la valeur de ces documents est du reslc
fort inégale, et il scrail utile d'en faire une étude
comparée et critique pour établir le degré d'autorité
qu'ils méritent. Cette oeuvre nous entraînerait trop
loin. Le De Ij)cis sanctis faussement attribué à
saint Euchcr, mais qui est bien du vi* siècle,
dislingue entre la basilique, qu'il appelle Marly-
rion, le Golgotha et l'Anastasic 1. Le Breviarittm
de Hierosolyma, édité pour la première fois dans
les Ilinera hierosolymilana, fait la même distinc-
tion *. Le texte d'Antonin de Plaisance, cilé par
M. de Vogué en faveur île son opinion, est loin d'être
formel ; on sait du reste que son récit renferme de
nombreuses erreurs a. Le témoignage de Théodore
ou plutôt Théodosc, que les partisans de l'opinion
citée plus haut n'ont pas pensé à invoquer, est pour-
\
tant pleinement favorable à celte opinion Mais les
deux rédactions de ce récit sont également pleines
d'erreurs, et on ne connaît de cet auteur que le nom.
Le cardinal Pi Ira avait exhumé et donné comme

4. Tobler et Molinicr, ltinera, I, 52.


2. Itinera, 1,57.
3. Voyez les deux rédactions dans les tlinera'l, 401-10? et
125».
t. Ibidem, p. 63 et 85.
28 LES ÉGLISES DB JÉRUSALEM

inédit un lier hierosohjmitanum que nous avons déjà


cité et qui est attribué à un certain Virgilius. Mais
on peut se convaincre que ce n'est pas un ouvrage
nouveau; c'est, purement et simplement, une troi-
sième recension du récit du même Théodosc '.
M. de Vogué, qui cite aussi le texte du fameux Itiné-
raire de Bordeaux, avoue que ses paroles ne sont pas
très concluantes *. Quant à saint Cyrille de Jéru-
salem, nous discuterons plus loin tous les textes où
il fait allusion à la topographie sacrée du Calvaire,
cl nous montrerons qu'ils sont pleinement d'accord
avec le récit de Silvia. Il y a évidemment pour lui
une église de l'Anastasie, une autre du Golgotha, la
basilique et la croix. De pareils témoignages ne sau-
raient être infirmés par des textes, assez confus du
reste, dont on ne peut établir la valeur. Si le lecteur
veut bien nous suivre dans les chapitres où nous
allons traiter de la liturgie à Jérusalem, il se con-
vaincra de plus en plus que le lexte île Silvia" ne
laisse place à aucune hésitation au sujet de la topo-
graphie que nous avons proposée.

1. Analecta sa>ra et clastica, 1. V. Cf. notre article : Les der-


nières découvertes du ùu dinal P,lra, dans la Science catholique,
15 avril 18S9, p 315.
2. De Vogiié, o. *., p. 181 ; Cf. Itincra, I, 18.
II
.

LITURGIE A JÉRUSALEM. LES OFFICES DE LA


LA
SEMAINE ET DU DIMANCHE.
II

LA LITURGIE A JÉRUSALEM. LES OFFICES DE LA SEMAINE


ET DU DIMANCHE.

Avant de commencer ce chapitre, nous ferons


remarquer l'importance, au point de vue liturgique,
du document que nous allons interpréter. La liturgie
subit au iv* siècle une transformation.Jusqu'alors et
sauf de rares exceptions, les réunions des chrétiens
avaient été secrètes, confinées dans les catacombes ou
dans des lieux écartés. Sous Constantin elles purent
se tenir au grand jour. Dévastes basiliques s'éle-
vèrent comme par enchantement sur les divers
points de l'empire; les réunions furent publiques et
solennelles ; on institua des processions ; les chants
et les autres parties de l'Office se développèrent f.
11 est intéressant d'avoir un document authen-

tique, qui saisit, en quelque sorte, la liturgie dans

1. Eusèbe mentionne comme conséquence de la paix de l'E-


glise ce développementde la liturgie. Itisl. Eccl, c. m {Pair.
Gr., t. XX, c. 848) ; Vita Constant., 1. IV, c. xxu ; {là. xx,
1170).
32 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

cette période de son évolution, alors que, sous le bé-


néfice de cette liberté et sous l'influence d'une force
interne, elle se développe cl progresse rapidement.
De plus, comme nous le verrons bientôt, c'est à
Jérusalem qu'ont pris naissance plusieurs cérémo-
nies qui furent ensuite adoptées dans le reste de
l'Eglise. Quoique cette liturgie hiérosolymitaine se
rattache à ce que l'on a appelé le type syrien, c'est-
à-dire à la liturgie des Eglises de Syrie et spéciale-
ment d'Antioche, elle a pourtant des caractères très
particuliersquilui donnent une physionomie propre '.
La Peregrinatio devient le texte le plus important que
nous ayons pour reconstituer cette liturgie. Jus-
qu'alors nous en étions réduits à quelques passages
de saint Cyrille de Jérusalem et aux témoignages
indirects de saint Jean Chrysostomc, des Constitu-
tions apostoliques, de la liturgie dite de saint
Jacques, qui représentent la liturgie syrienne. Les

1. On sait que toutes les anciennes liturgies peuvent se ra-


mener à quelques types principaux, litu.^es syrienne, alexan-
drine, romaine, gallicane, ambrosienne, etc. Cf. Hammond, Li-
turgies tastern and iceslern, Oxford, 1878, p. xvf, suiv., et Du-
chesne, Les Originesdu culte chrétien, p. 54. Mais ces classifica-
tions laissent toujours une large part à l'arbitraire. Ce qu'on
peut affirmer, c'est que toutes ces différentes familles ont entre
elles des caractères communs et pourraient se réduire en der-
nière analyse à un type unique de liturgie primitive.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 33

Nestoricns, détachés de l'Eglise avant le milieu du


vi*siècle, conservent aussi, dans leurs usages, de pré-
cieux vesliges de celle antique liturgie '. Nous cher-
cherons à éclairer et à compléter ces documents les
uns par les autres '. La description topographique
que nous avons donnée au chapitre précédent, va
servir de cadre à cette liturgie. C'est comme le
fond de la scène sur laquelle nous allons voir se
dérouler les différentes phases des rites sacrés. Cha-

4. A ce point de vue, l'élude de la Bibliolheca orientalis d'As-


semani (notamment la Disserlalio de Syrie Nestorianis) est d'un
réel intérêt et nous nous en servirons dans la suite.
2. Sur les essais de reconstitution de la Liturgie syrienne par
Bingham (Orig. ceci., XIII, 6) et Hammond (The Ancienl Liturgy
ofAnlioch) cf. Bickell, Xeitsch. F. h'ath. Theol, 1879, p. 614 ;
Probst, ibid., 1883, p. 250, et Duchcsnc, /. c, p. 55. C'est a tort
que l'on a fait honneur à Bingham de celte restitution ; il n'a fait
que l'emprunter à Claude de Saintes, De Euchtriilia et Missoe
ritibus ex opp. d. Joannis Chrgsostomi, dans Liturgiasice Missoe
tonctorum Palrum, Anluerpia», 3IDLX, réimprimé dans le t. VI,
de Marguerin de la Bigne. Nous aurons aussi quelques rappro-
chements à faire entre la Liturgie de la Peregrinatio el une Li-
turgie du saint Sépulcre, d'âge évidemment postérieur, mais qui
conserve bien des traits antiques ; elle a été éditée d'après un
manuscrit de Barlella par Giovene, Katendaria vêlera manu-
scripla. Pars prima (seule éditée). Napoli, M DCCC XXVIII. Le doc-
teur Mader, dans un ouvrage récent,derheiligeCyrillusBitehofcon
Jérusalem (Einsiedeln. 1891),consacre un de ses chapitresà la Li-
turgie de Jérusalem II a malheureusement négligé quelques do-
cuments importants, notamment la Peregrinatio qu'il ne parait
pas connaître.
fr,i.i$f.$ r>r. jéntMi.t*. .1
34 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

cunc de ces églises était affectée en effet à quelqu'un


des offices de la journée ou à l'une des fêles du cycle.
Suivant les solennités, on se transportait du Calvaire
au Golgotha, du Golgotha à la Croix, de la Croix à
l'église de Sion ou au Mont des Oliviers.
Nous connaissions celte coutume des stations par
les usages de quelques Eglises, surtout de celle de
Rome, et ces pratiques remontent à la plus haute
antiquité : on voit, par exemple, d'après les plus an-
ciens calendriers et les documents liturgiques, que
la fête de saint Félix et de saint Philippe se célébrait
au cimetière de Priscillc, où ces deux Sainls étaient
ensevelis ; celle des saints Martial, Vital et Alexandre,
au cimetière des Jordani ; pour la fête des sept
frères Martyrs, fils de sainte Félicité, une messe
était dite au cimetière de Priscillc, une seconde à
celui des Jordani, une troisième à celui de Sa in lé-
Félicité «.
Lorsque des basiliques s'élevèrent au-dessus des
tombeaux des martyrs, les mêmes usages persis-
tèrent et furent même observés avec une plus grande
solennité. Prudence nous parle de l'empressement
des fidèles à courir au tombeau de saint Hippolyle

I. Tomasi, opp. éd. Rom. Il, 491 ; Boucher. Calend. de doclr.


temp., 268.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 35

sur la voie de Tibur '. Au 29 juin, pour la fête de


saint Pierre et saint Paul, il y a trois stations : une
aux Catacombes, une seconde au Vatican, la troi-
sième sur la voie d'Oslic. La même cérémonie a lieu
pour la fêle de Noël : la première station est à Saintc-
Maric-Majcurc, la seconde à Saint-Pierre ; plus
tard il y en eut une troisième à Saintc-Anastasic *.
Mais si Rome avait ses cimetières, ses basiliques,
les tombeaux de ses apôtres et de ses martyrs, Jéru-
salem avait les lieux sanctifiés par la Passion et la
mort de l'IIommc-Dicu. C'est autour de ce centre
que rayonne la liturgie hiérosolymitaine ; elle y a
ses attaches topographiques, et c'est ce caractère
local si accentué qui lui donne son originalité. L'his-
toire du Seigneur y est rappelée, vécue à nouveau;
c'est un drame en action, c'est presque, à certains
moments, mais avec un caractère plus grave, le

1. Prudence, Perisleph. XI, 195 ss.


2. Duchesne, Liber pontificalis, p. cv. Une hymne attribuée
à saint Ambroise relate les trois stations pour la fête du 29 juin ;
Daniel, Thésaurus, n» 71. Elles sont aussi indiquées au martyro-
loge hiéronymien. Les stations du Vatican, de la voie d'Oslie
pour le 29 juin, sont indiquées par Prudence, Perisleph.
hymn. XII. Sur l'origine de la Messe à Sainte-Anaslasie ou troi-
sième Messe de Nocl, cf. Duchesne, Mélanges d'archéologie et
dhistoire (Ecole de Rome), 1887, Notes sur la topographie de
Rome, p. 106 el suiv.
36 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

mystère, tel que le moyen âge le mettra en oeuvre


quelques siècles plus tard '.
Le premier office dont Silvia fait mention est celui
des vigiles, qui parait se rapprocher de nos Matines.
On sait que celte pratique de diviser le jour et la
nuit par diverses prières est très ancienne ; les Juifs,
longtemps avant Jésus-Christ, en avaient l'usage ;
elle faisait partie du culte ou rituel des synagogues.
Les chrétiens l'adoptèrent en partie ; on en retrouve
les vestiges dès le premier et le deuxième siècle,
dans les écrits des apôtres et de leurs successeurs '.

1. Il faut remarquer que ta plupart des Liturgies ont à l'origine,


cl dans une certaine mesure, ce caractère local ; elles ont les
fêtes do leurs saints et de leurs martyrs qu'elles célèbrentdans
l'église qui contient leurs reliques. Ainsi, pour ne citer qu'un
exemple, à Tours, le Natale de saint Pierre et de saint Paul se
célèbre dans la basilique de ce nom ; cloi de saint Martin dans
la basilique du saint, etc. Mais ce qui est une exagération mani-
feste, c'est de prétendre, comme on l'a fait, que jusqu'à une
époque très avancée toute fête de saint a toujours quelque
attache topographique. Cf. Baliiïol, Histoire du bréviaire romain,
2* édition, p. 33 et 77. Les exemples contraires abondent dès
le iv« siècle.
2. Sur les analogies entre le culte chrétien et celui des syna-
gogues, cf. Vilringa, De tgnagoga cetere, c. IV el V des prolo*
gomènes, cl I. III, pars II, c. 16, 17, 49, et Chérubin de Saint-
Joseph, Bibliolheca Crilica sacra, t. II; Bingham, V, 302 ; Su-
ringar, De publias lelerum chritlianorum precibus, Lugd. Batav.
1833, in-$«»; Vigouroux, Les synagogues au temps de JésitS'Chritl
(Mélanges bibliques, LSSÎ).
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 37

Les vigiles se célébraient à la seconde veille de la


nuit, qui va de minuit à trois heures du matin.
L'office devait se terminer au lever du soleil, et par
suite sa place variait avec les saisons. Silvia appelle
cette heure le premier chant des coqs \
Ceux qui veulent y assister, nous dit-elle, se réu-
nissent dans la basilique, où ils attendent l'ouver-
ture de l'Anastasic, car c'est dans cette église que
se célèbrent les vigiles presque tous les jours do
l'année. Les moines cl les vierges, monazonles et
parthenas, sonl seuls obligés d'y assister 1. Mais un
certain nombre de laïques de bonne volonté, hommes

1. A pullo primo, on ante pullorum cantum : il y a aussi


ailleurs ad quarlum pulli cantum. Les Constitutions Apostoliques,
VIII, 3, 4, se servent des mêmes expressions. Saint Jean Chry-
soslome appelle aussi le milieu de la nuit le chant du coq (homil.
59 ad pop. Anlioch). Les anciens Ordines romains disent indiffé-
remment média nocte ou galli cantum. Mômes expressions dans
les canons de saint Hippoiyle (édition Achclis, Texte «. Unter-
such.,t. VI. 4, p. 94 et 122); dans Pallade, Vila Chrysost., etc.
2. Aputactitoe omnes codent : de plèbe aulem, qui qnomodo pos-
sunt, xadtnl, p. 104. Dom Toutlée prétend que dans saint Cy-
rille le terme Monazonles désigne les moines vivant dans les
villes, Monachi, ceux qui vivent dans la solitude. Cf. Migne,P. G.,
t. XXXIII, 36, 485, 486. Silvia, pour désigner les moines, se sert
à peu près indifféremment des termes Monachi, Monazonles,
Apudactitoe,p. 69,70, 74,76,81, 99,104,etc.Les Atcitessonl les
moines qui s'exercent à l'ascétisme, p. 71. Cependant, pour les
moines vivant à Jérusalem, elle se sert surtout du terme mona-
zonles.
39 LA LITURGIE DR JÉRUSALEM

et femmes, so joignent à eux. Silvia nous dit ailleurs


que les simples fidèles sont assez instruits par les
catéchèses, pour pouvoir suivre et comprendre ai-
sément les lectures des Livres saints dans la liturgie.
Les offices ne paraissent obligatoires pour tous les
fidèles que le dimanche et les jours de fête*.
On voit, par là, qu'à Jérusalem, comme plus tard
à Rome et dans d'autres provinces, les moines et
les vierges étaient dès le iv* siècle attachés au ser-
vice des grandes basiliques ; c'est sur eux que repo-
sait en partie le soin de l'office liturgique de chaque
jour 5. La liturgie de ces ascètes est la même ici
que celle du peuple fidèle, tandis que dans bien des
pays, dès le iv* siècle, nous voyons les maîtres de
la vie religieuse, comme saint Ambroise et saint
Basile, donner aux moines une liturgie particu-
lière, mieux appropriée aux besoins de la vie mo-

1. On sait qu'à Rome les vigiles solennelles donnèrent quelque-


i
fois lieu des désordres, el ce fut sur ce prétexte que s'appuya
Vigilance pouren demanderla suppression.Sa demande futdu reste
combattue avec virulence par saint Jérôme. Contra Vigilant., et
Ep. CV1I, 9. Par la description de Silvia, on voit que ces offices
de nuit à Jérusalem se célébraient au contraire ai ec beaucoup de
recueillement.
2. Cf. Duchesne, Uber Pontif., 1, 410, pour l'existence de ces
monastères auprès des basiliques au vu« et au viu* siècle, et la
discussion entre M. l'abbé Baliffol el dom Lévéque, La science
catholique, 45 avril 4893.
LA LITURGIE DR JÉRUSALEM 39

naslique. Les fondateurs monastiques du v* et du


vi* siècle donnèrent aussi à leurs disciples uno litur-
gie particulière.
A tous les offices, même sur semaine, sont tou-
jours présents deux ou trois prêtres et autant de
diacres, qui chacun à leur tour viennent présider et
accomplir les fonctions confiées à leur ministère.
Dès que les portes de l'Anastasie sont ouvertes, on
commence l'office, qui se compose de psaumes,
d'hymnes ou do cantiques, d'antiennes et d'oraisons.
On verra plus loin, à propos des vigiles du dimanche,
que Silvia nous donne d'autres détails sur la com-
position interne de cet office. Nous essaierons du
reste de déterminer tout à l'heure le sens qu'elle
attache à ces termes de psaumes, cantiques, an-
tiennes, lectures. La fin des vigiles coïncidait avec
le crépuscule, et oscillait, selon les saisons, entre
trois et six heures du matin.
Dès que le jour commençait à poindre, on chan-
tait ce que Silvia appelle les hymnes matutinales,
c'est-à-dire les Laudes ; lorsqu'elles se terminaient,
il était tout à fait jour. Cet office se composait,
comme les Matines, de psaumes et de cantiques.
Silvia ne nous dil pas quels étaient ces psaumes.
Mais d'après les auteurs contemporains de Silvia et
ceux de l'âge suivant, on sait que l'on choisissait
40 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

de préférence, à cause du symbolisme, les psaumes


dans lesquels il est parlé du soleil ou du lever du
jour : Mane astabo tibi et videbo... Mane exaudies
vocem meam (ps. Y). In lumine tuo videbimus lumen
(ps. xxxv). Emilie lueem tuam (ps. XLII). Exurgam
diluculo (ps. LVI). Mane oratio mea pneveniet te
(ps. LXXXVII). Repleti sumus mane misericordia tua
(ps. LXXXIX). Lueerna pedibus meis verbum tuum.
Proevenerunt oculi met ad te diluculo (ps. cxviu),etc.
On chantait encore volontiers les psaumes qui pro-
phétisent la résurrection du Christ, car c'était au
lever du jour quo le Christ, Soleil de justice,
s'était élancé hors du tombeau ; par exemple :
Terra tremuit cum exurgeret Deus (ps. i.xxv), et
surtout le psaume cxvu : Lapidem quem reprobave-
runt xdifieantes hic factusest in caput anguli... Jloec
dies quam fecit Dominus... Non moriarsed vivam...
Benedicius qui venit in nomine Domini '. Les can-
tiques de Laudes tirés de l'ancien Testament étaient
sans doute aussi ceux dont parlent les mêmes au-
teurs : le cantique des enfants dans la fournaise,
celui d'Isaïe (cap. xu), ceux d'Ezéchias (ib. xxxvm),
de Moïse (Ex. xv), etc. L.s Laudes comprenaient

4. Quelques-uns des psaumes de Laudes en furent plus tard


détachés et passèrent à l'office de Prime.
LA LITURGIE DE JERUSALEM 41

aussi les trois derniers psaumes CXLVIII, CXLIX, CL,


dont lo mot Laudate qui revient si souvent, a fait
donner à cette heure le nom de iMudes \
Durant cet office, la liturgie déployait toutes ses
pompes. L'évèquo arrivait avec tout son clergé ; il
entrait dans la grotte même du Saint-Sépulcre,
disait une prière pour tout lo peuple et prononçait
même le nom de ceux dont il voulait faire spécia-
lement mémoire. A l'office du soir ou Lucernaire,
on répétait la même cérémonie, mais alors c'était
un diacre qui lisait les noms, et à chaque procla-
mation les enfants de choeur ou phinni répon-
daient Kyrie eleison; Seigneur, ayez pitié* !
Cette mention est fort curieuse. On connaissait
bien la commémoraison des vivants et celle des
morts faites durant la messe. Ces noms inscrits sur
des tablettes ou diptyques étaient ceux des fidèles qui

4. Sur la composition de cet office, cf. Cassieo, Instit., III, 6 ;


ps. Athsnase,D« Virginitate, e. 10(Patr. Gr., XXVIII, 275), et
Baumer, Einftuss des kl. Y. Benedict. auf die Enttcicklung des
roemischen Breciers, dtinsStudien und Mittheilungen, 1887, p. 12
etseq.
2. Silvia donne elle-même le sens de ce mot pisinni dans un
autre passage, Peregrinatio, p. 50. Nam a pisinno in monasterio
nutritus est, dit-elle à propos d'un moine élevé depuis son en-
fance dans un monastère. M. de Rossi a trouvé le diminutif Pi-
tzinnina dans une inscription de 392. Cf. Inscriptiones, I, 177,
n. 404.
42 LA LITURGIE DE JERUSALEM

faisaient l'offrande, des magistrats ou des princes,


des clercs, des martyrs, des confesseurs, des fidèles
vivants ou morts.
Mais les auteurs qui se sont occupés de cette ques-
tion croyaient que les diptyques n'étaient lus qu'à
la messe; ils ignorent cet usage à d'autres offices *.
On retrouve jusque dans la plus haute antiquité
chrétienne des vestiges do celle prière pour lous à
la lin des principaux offices. Le livre VIII des
Constitutions Apostoliques contient des formules de
prières qui sont absolument du même genre.
A chaque proclamation du diacre, le peuple et

4. Saint Cyrille, dans sa catéchèseXXIII, 8, 9, parle seule-


ment de lacommémoraison faite a la messe. Sur les diptyques,
leur emploi, les noms qu'ils contenaient, cf. Satig, De diflychis
telerum ; Donati, De dittici degli anlithi; Dodwell, De diplychis
Ecdesia, dans Dissertatknes Cyprianica, dissertalio quinta,
et aussi l'article de Dippel, Real Encyclopédie de Krauf, I, 366.
liais aucun de ces auteurs ne signale l'emploi des diptyques li-
turgiques en dehors de la messe. Oo trouve dans les vieilles Li-
turgies des formules de ces oraisons post nomina ou super no-
mina. Cf. Renaudot, Liturgies Orientales,?. 450; Swainson, The
greek Liturgies, p. 82, 432, 463; Hammond, The ancient Liturgy
o( Antioehand other litut'gical fragments. Oxf. 4879, p. 28 et
seq., et les Liturgies éditées par Mabillon, Tomasi, Mono, etc.
On a même récemment publié des diptyques de Jérusalem, de
date évidemment postérieure, mais qui contiennent des traditions
anciennes, Papadopoulos Kérameus 'AvaXIxta 'lt^vsohj^nxtxftç
Sxxnokvtfai ft vAXvpf, ivîxîvïfcw xat a-xnur/ iXXr4vtxâiy Trt-
•KHouw, etc., 1.1, S.-Pétersb., Société de Palestine, 4892.
LA LITUB0IR DR JERUSALEM 43

surtout tes enfants s'écrient : Seigneur, ayez pitié !


Puis l'évèquo résume les aspirations de l'assemblée;
il prie pour la paix des églises, pour les évoques
et tout le clergé, pour tout le peuple chrétien.
Saint Rcnoit a recueilli cette tradition conservée
jusqu'aujourd'hui dans la liturgio monastique.
Tous les offices se terminent par le Kyrie eleison, le
Pater et l'Oraison. L'Eglise grecque a gardé aussi la
coutume de cette prière aux deux offices qui répon-
dent aux Vigiles et au Luccrnaire, le JIISWMKK&V et
laSwairrf, {is?iXr4 ou grande collecte. L'ino).™* ou finale
commune à toutes les heures, en est peut-être aussi
un souvenir \
Après celte commémoraison,l'évèquc bénissait les
catéchumènes. Il y avait une autre oraison et une
bénédiction pour les fidèles *. L'évèquc sortait en-

4. Cf. BickelL Ueber die Entstehung u. Bnlwiektung der


canon. Tagzeiten, (Katholik, 4883, ll( 291 et s.) ; Probst, Litur-
gie der drei ersten Jahr., p. 44 et ». Le P. Suilbert Baiimer,
dans une curieuse élude sur ce point particulier de la Liturgie
bénédictine, a recherché les traces de cet usage jusque dans la
oàT/ft, dans saint Justin, Athénagore,Terlullien. Mais il n'a pas
songé à la Peregrinatio. Cf. Ein Beitrag z. Erk lârung con Litanioe
«. Missa in capp. 9-17 der heil. Regel, dans : Studien M. Mitlhei-
tungen ans den Benediktiner u. dem Cislercienser Orden, 1886,
p. 285 et s.
2. Celle bénédiction des catéchumènes et des fidèles est rap-
portée dans la même forme par les Constitutions apostoliques,
II, 59.
44 LA LITURGIE DR JÉRUSALEM

suite de la grotto, il se plaçait devant le cancel qui en


fermait l'entrée, et chacun venait devant lui, recevait
une bénédiction particulière, lui baisait les mains, et
c'était la fin do l'office, le renvoi ; Missa fit, dit Sil-
\
via Voilà pour l'office de nuil, ou cursus noc-
turne. Il n'y avait pas d'autre office jusqu'à Scxte, qui
est l'heure de midi.
Il n'est pas question encore de l'office de Prinu qui
se célèbre aujourd'hui le matin. Cet office, dont l'ori-
gine est toute monastique, fut institué d'abord à
Dcthléhcm, au temps de Cassien, c'est-à-dire vers le
commencement du v* siècle. Bientôt il fut adopté
dans tous les monastères et passa enfin dans l'usage
commun1.

1. Ce mot pris dans le sens de Messe qu'il a aujourd'hui, a


fait commettre de singulières méprises au premier éditeur, qui
croit à une messe quotidienne à la fin des Laudes, et admet
quelquefois jusqu'à trois ou quatre messes le même jour (Cf.,
p. 77, note 3 ; 78, note 3, etc.) H a du reste corrigé son erreur
dans la seconde édition (1888, p. 46, noie 2). Missa, missio, di-
missio, est employé avec ce sens de renvoi dans les documents
liturgiques anciens. 11 faut remarquer toutefois que dans deux
passages Silvia prend Missa dans le sens de messe, p. 87 :
« Missa qua fit sabbato ad anastase, anle solem fit, hoc est oblatio
ut ea hora qua ineipit sol proeedere jam missa in anastase facta
sit... » et p. 401 : « eelebralur missa ordine suo ». Cf. Canones
Hippol., éd. Achelis, p. 419.
2. Cassien, Instit., III, 4. Sur l'organisation définitive de cet
office par saint Benoit, cf. Dom Suilbert BaQmer, I. c, et : Ein
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 45

Il n'est pas fait mention non plus, aux jours ordi-


naires, d'un office à Tierco (neuf heures du matin).
L'Oblation elle Sacrifice n'avaient lieu,semblc-t-il,
que le dimanche, pour les fêtes des martyrs, le mer-
credi et le vendredi de chaque semaine ct,en carême,
le samedi '.
A midi c'est encore dans l'Anastasie que l'on se
réunit pour l'heure de Sexte. On récitait des psaumes
et des antiennes, puis l'évèquc arrivait ; il entrait,
comme le matin, dans la grotte du Saint-Sépulcre, et

Bcitrag sur Erklârungv. Litania u. Missa in capp. 9-11, der


heil. RegeL, dans les Studien u. Mittheilungen ous dem Benedic-
tiner u. Cist. Ordcn., 1886, p. 285294.
I. D'après le texte de la page 86 (édition Gamurrini) que nous
citons plus loin. Nous ne savons où M. l'abbé Batiffol a troové
quo Silvia parle de tierce pour l'office de chaque jour (Histoire
du Bt éclaire, 2* éd., p. 34et il,'. N. l'abbé Duchesne, qui d'or-
dinaire loi sert de guide, a pourtant remarqué avec raison que
tierce n'est célébrée publiquement que durant le carême, Origi-
nes du culte chrétien, p. 434. Mgr de Waal, trompé sans doute par
les notes de M. Gamurrini, croit aussi à tort que la messe avait
lieu tous les jours. Die Festé des Kirchenjahres su Jérusalem
gegtn Ehde des IV Jahr., dans Roemische Quartalschrift, 1887,
p. 3! 2. Il est bien vrai que durant ses voyages à travers PE-
gyple, l'Arabie elia Palestine, Silvia assiste à Foblation presque
chaque fois qu'elle se présente dans une église ou un monastère ;
mais il faut bien remarquer qu'il s'agit dans ces cas particuliers
d'une liturgie privée. Cf. Peregrinatio, 41,62, etc. A l'appui de
noire assertion, nous pouvons citer ce texte de Silvia : c in diebus
quadragesima et hoc addilur ut ad Urtiameatur » ; p. 104, elle dit
46 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

bénissait le peuple avec les mêmes cérémonies.


Cet office devait être fort court. D'après les règles
anciennes, ilso compose de trois ou de six psaumes '.
A None (trois heures de l'après-midi), nouvelle
réunion dans l'Anastasie, comme à Sexte, et l'office
était de même nature 3. Ces offices de la journée com-
posaient ce que l'on appelait le cursus diurne.
A la dixième heure (quatre heures du soir) a lieu
le Lucernairc, qu'on appelle à Jérusalem JJcinicon,

qu'après la Pentecôte on reprend l'office ordinaire; elle parle des


autres heures, mais elle omet Tierce. Cf. aussi llieron.ep. ad Lai.
c. IX. Celte coutume de l'Eglise de Jérusalem de ne sacrifier
que le mercredi et le vendredi durant la semaine, est encore
confirmée par on texte important de Sôvérien de Gabala, dans un
sermon prononcé à Jérusalem même, au iv* siècle : « Nom nova
quaxiam hostia in festo illo offertur?N*um illa alia est maclalioet
illa alia f N'uni aliud decus rnysleriorum in paschate est cl aliud
in dominiea, atque feria quarto et die cemris ? Quoliescumque
agas memoriam passionis Christi, pascham peragis. a Seceriani
homilia (éd. Aucher), Venetiis, 1827, p. 487. S. Epiphane, in
Expos, fidei, n. 22, indique commejours de synaxe eucharistique
lo mercredi et le vendredi. Cf. aussi Tertullien, De oratione,
cap. ult. Quoique Silvia ne parle pas de Tierce pour les jours de
la semaine, l'habitude de faire à cette heure une prière officielle
ou privée est d'origine apostolique : elle est rappelée dans les
Actes des apôtres, la owr/f„ les auteurs du n* siècle, etc.
4. Six psaumes, selon les règles de Cassien tlnstit., III, 2j, de
saint Césaire, de saint Aurélien ; trois, selon la règle de saint
B»nolt. Selon Cassien, les moines de Palestine et de Mésopotamie
disent 3 paumes à ces heures (t. c, II, 5, 6 ; III, 3}.
2. Peregrinatio, p. 77.
LA LITURGIE DE JERUSALEM 47

du mol grec ta/vtxAv qui a le même sens, c*esl-à-


dire l'office des lumières 1. On l'appelai! ainsi parce
qu'on allumait toutes les lampes ou les (lambeaux de
l'église, cequi fait, dit Silvia. « une lumière infinie ».
Cette lumière se prenait au feu qui nuit et jour brû-
lait devant lo Saint Sépulcre.
C'était le plus solennel, des offices de la journée;
il présente quelque analogie avec nos vêpres et se
composait d'antiennes et des psaumes appelés lucer-
nales *.
1. Silvia, comme on le voit ici et dans plusieurs autres passa-
ges, avait dans sa prononciation l'usage de l'iotacisme.
2. Socrate emploie le même terme que Silvia, >v/vtxôv, II. E.,
Y, 21. Le mot Lucernarium ou hora lucernaria, est usité en
Occident (Hieron., Comm. in ps. 418 ; Cassien, Iuslit., III, 3).
Les Constitutions Apostoliques mentionnent aussi cet office, XIII,
31, et VIII, 34. On cite quelquefois comme ayant été composée
pour celle heure l'hymne de Prudence Ad incensum lucerna, et
on nie que le poète y ait eu en vue la cérémonie dn cierge pascal
au samedi saint. C'est une erreur dans laquelle sont tombés trop
de critiques modernes. 11 suffit de lire celte hymne pour voir
qu'elle a été composée non pour le lucernaire, mais pour le
cierge pascal. Arevalo, qui loi-même avait commis celle méprise,
la reconnut plus tard loyalement ; Prudenti carmina, t. I, 424
(éd. 4788). Voyez aussi ce que nous disons plus loin à propos des
cérémonies du samedi saint. Sur la profusion des lumières dans
l'église à l'office du Lucernaire, cf. S. Paulin, Pair. Lat., t. LXI,
585 ; NabiUoo, De Lit. Gallic., éd. 1729, p. 141-142 ; les Consti-
tutions Aposl. (Y M, 35; 11,59) appellent psalmum lueemalem,
le ps. 440,lî«A-5y#v!o* ^iXuo;. Saint Basile parie d'un cantique ou
d'une hymne, chanté au moment où l'on allume les flambeaux (Ile
48 LA LITURGIE DE JERUSALEM

L'évèquc arrivait au milieu de l'office, prenait place


sur son siège, entouré de ses prêtres qui, eux aussi,
étaient assis, et on continuait à dire des hymnes et des
antiennes. A la fin de l'office avait lieu la proclama-
tion des noms ou litanie dont nous avons parlé ci-des-
sus. Tout se passait ensuite comme le matin à l'heure
des Laudes : bénédiction par l'évéque des catéchu-
mènes et des fidèles, baisemenl des mains de l'évéque
et renvoi du peuple. Seulement il y avait ceci de par-
ticulier, le soir : c'est qu'avant de se séparer, évèque,
clergé et peuple, allaient proccssionncllement, au
chant des hymnes, à la chapelle de la Croix. Devant
la relique, l'évéque faisait encore oraison pour les ca-
téchumènes et pour les fidèles; il bénissait les uns et
les autres et on lui baisait les mains. On passait en-
suite derrière la croix où s'étendait, comme par de-
vant, un espace libre pour le peuple, et l'on recom-
mençait la même cérémonie. Quand on se séparait,
la nuit était déjà venue '.
Spir. sancto, n. 17, Pair. Gr., t. XXXII, c. 209) ; c'est sans
doute l'-j;»o; lini.otvo;, Lumen hilare, conservé dans lesCaufif.
.4po*f. Cf. U. Chevalier, Bibliothèque Liturgique, I, La Poésie
Liturgique du moyen âge, p. 47. Sur le nombre des psaumes
chantés, il y eut aussi diversité dans les églises. Cf. Martène, De
ont. ecel. ritibus, IV, 8, n. 7 ; De anl. Monach. rit., 1. I, c. 10.
4. Peregrinatio. p. 79. Les Constitutions Apostoliques
mentionnent aussi celte bénédiction el donnent quelques autres
détails sur cet office, VU, 48 ; VIII, 36, 37.
LA LITURGIE DR JERUSALEM 19

Tels étaient les offices, les jours de la semaine en


temps ordinaire. Le mercredi et le vendredi étaient
des jours de synaxe eucharistique et do station ou de
jeûne, même pour les-catéchumenes ; on no prenait
le repas, d'après les anciennes coutumes, qu'après
trois heures de l'après-midi. On allait célébrer l'of-
fice de Noue à l'église de Sion, à moins que ce jour-
là ne tombât une fête de martyr, qui dispensait du
jeûne 1.
Silvia ne fait aucune mention de Complies. Cet of-
fice n'est pas encoro détaché du Lucernaire. Sonexis-

4 « Ad nonam autem, quia consuetudo est semper. id est toto


anno, quarta feria et sexta feria ad nona in Syon procedi, quo-
niam in istis locis, excepto si martyriorum dies evenerit, semper
quarla et sexta feria etiam et a catechuminisjejunatur, et ideo
ad nonam in Syon proceditur. Nam si fortoito in quadragesimis
marlyrorum dies evenerit quarta feria aut sexta feria, neque ad
nona in Syon proceditur. Diebus vero quadragesimarum, ut su-
perius dixi, quarla feria ad nona in Syon proceditur juxla con-
suetudinem totius anni, et omnia agunlur, quao consueludo est
ad nonam agi pneter oblatio. » Peregrinatio, 1. c, p. 86, 87.
Comme il s'agit da carême dans ce passage, le sens, qui est
assez confus, me parait être pour la dernière phrase, qu'en
dehors du carême il y avait l'oblation le mercredi et le ven-
dredi. Le jeûne do vendredi et du samedi est aussi observé
dans la Liturgie des Nesloriens. Assemani (Ul, 2* pars,
p. CCCLXXXVI), et pour les temps les plus reculés, voir Tert.,
De Jtjunio, 44 ; Cleni. Alex., Strom. ; Origène, S. Epiphane, etc.
Cf. Daguet, Conférences etclisiast., 7* diss erlaiion, sur l'ancienne
pratique du jeûno, 1,118 et seq.
tOUSSA DS JÉaUSALUL i
50 LA LITURGIE DE JERUSALEM

tence comme office spécial, ainsi que celle do Prime,


est monastique. Les moines, avant de se livrer au
repos, faisaient une prière. La règle de saint Renoit,
qui parait le plus ancien témoignage historique que
l'on puisse invoquer, donne à cette prière le nom do
Complies, Comptetorium, complément de la journée ;
par la règle bénédictine, elle pénétra en Occident,
et, comme Prime, fit bientôt partie de l'office des
clercs 1.
Le dimanche, il y a plusieurs modifications dans
l'office. Le concours du peuple est beaucoup plus
grand. Ce n'est plus seulement l'office des moines
et des vierges, c'est l'office de tout le peuple chrétien,
le vieil office du dimanche dont l'institution remonte
à la plus haute antiquité chrétienne 2. Dès le milieu

4. Saint Basile parie aussi d'une prière du soir, De Spiritu


sanclo, p. 73, et Reg. fus. interp., 37 [Pair. Gr. XXXI, 10-15).
On a cru à tort qu'il s'agissait ici de Compiles. Chez S. Basile,
il ne semble pas que les Complies soient encore séparées de
l'office du Lucernaire. Pour les textes de S. Jean Chrysostomêel
de Cassien interprétés aussi à tort danslo même sens, cf. Baûmer,
l. c. p. 47; Régula sancti Benedicti, cap. XVI.
2. S. Paul, I. Cor. xvi, 2* ; Actes, xx, 7; Apocal., i, 10, etc.
Cf. Kraos, Real Eneyclopaedie, I, 466 ; Arnold!, De an/17. diei
dominici, Progr. paschale univ. Région., 1754, dans Volbeding,
Thésaurus eommentalionum, Lips., 4816. Le même ouvrage con-
tient aussi la dissertation de Franck, De Die dominici, el celle
d'Albert, De célébrations sabbali et diei dominici inter ceteres et
reeentiores.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 51

de la nuit le peuple accourt pour l'office îles Vigiles;


il se réunit sous les portiques de la l>asilique ; les
lampes sont allumées, on s'assied, et on récite des
hymnes et des antiennes, après lesquelles les prêtres
et les diacres disent les oraisons. Cet office ne parait
correspondre à aucune des parties liturgiques au-
jourd'hui en usage. M. l'abbé Duchesne y voit un
vestige de l'antique réunion qui, durant les premiers
siècles du christianisme, avait lieu dans la nuit du di-
manche et des jours de stations (vigiles stationales),
et qui se composait de lectures el d'homélies, entre-
mêlées du chant des psaumes et de prières; cet office,
coordonné à une messe à laquelle le peuple et les
clercs assistaient, se serait ensuite combiné avec celui
des Matines qui l'élimina '. Mais il n'y a pas trace de
lectures et d'homélies dans le texte de Silvia ; d'a-
près les termes qu'elle emploie, ces prières ne pa-
raissent avoir d'autre but que d'occuper les fidèles en
attendant le commencement de l'office*.

4. Cf. Duchesne, Les origines du culte chrétien, p. 219 et 435.


11 resterait un souvenir de cette ancienne synaxe nocturne à
l'office du samedi saint et de la veille de la Pentecôte, dans la
série des leçons, répons et oraisons qui précèdent la messe.
2. Peregrinatio, p. 79. « Dum enim cerentur, ne ad
pullorum cantum non occurranl, antecessu* reniunt, et ibi sedent
(se. in basilica). Et dicuntur ymni, ueenon el anliphonoe ; el
fiunt oraliones cala singulos ymnos cet antiphonas. »
52 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

C'est au premier chant du coq, au milieu de la


nuit, qiic s'ouvrent les portes de l'Anastasic; la basi-
lique est brillamment illuminée. L'évèquc entre
tout dcsuitc danslagroltcdu Saint-Sépulcre. Le do-
cument que nous étudions nous donne ici des rensei-
gnements plus précis sur la composition interne de
cet office. Un prêtre dit un psaume auquel tous répon-
dent, et on fait une prière ; puis un diacre récite un
autre psaumcsuivi,commcle précédcnt,d'une oraison;
enfin un troisième psaume est dit par un clerc, et on
fait ensuite la mémoire de diverses personnes comme
les jours de semaine. Silvia nous dit ailleurs que ces
oraisons ne peuvent être récitées que par tes prêtres
ou les clercs.
Après ces prières, on brûle des parfums dans la
grotte, et l'ode ir se répand dans toute la basilique.
L'évéque, qui est jusqu'alors resté dans l'intérieur du
saint tombeau, s'avance vers le seuil et lit dans l'évan-
gile le passage de la résurrection de iNotrc-Scigncur.
« Or, dit Silvia, à la lecture de loul ce que le Sei-
gneur a soutTcrt pour nous, la foute des fidèles esl
pénétrée d'une si grande douleur, que même les plus
insensés ne peuvent s'empêcher de pousser des.
gémissements et de verser d'abondantes larmes'. »

1. Peregrinatio, ib. Silvia parie même de rugissements et de


mugissements : « Quod cum ceperit tegi, tantus rugitns et mugitus
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 53

C'est tous les dimanches que se lit aux vigiles l'é-


vangile de la résurrection. Les autres jours, il n'en
est pas fait mention '. On remarquera que la lec-
ture de l'évangile à Matines a subsisté avec un céré-
monial à peu près semblable dans le rite monastique,
notamment aux Matines pontificales; seulement
cette lecture varie selon les fêtes, tandis qu'à Jéru-
salem c'était toujours l'évangile de la résurrection,
à cause des souvenirs locaux. La lecture de l'homé-
lie sur l'Kvangile, dans la liturgie romaine, n'est-clle
pas un autre vestige de cet usage, et n'est-ce pas de
Jérusalem que cette pratique a passé dans les autres
Églises?
Après cette lecture de l'évangile, l'évèquc sort de
la groltc, et, accompagné du peuple, il va vers la
chapelle de la Croix au chant des hymnes. On dit un
psaume, une oraison, puis il bénit les fidèles avec
.les mêmes cérémonies que les jours ordinaires. Le
renvoi a lieu ensuite.
L'évèquc se retire alors, et va prendre quelque
repo.*, ainsi que les simples fidèles, tandis que les
moines et quelques personnes pieuses reviennent à

fit omniumhominumettanta lacrim i utquamcis durissimuspossii


moctri in lacrimis dpminnm pro nobis lanta suslinuitse. »
4. Voyez, par exempte, Peregrinatio, p. 403
54 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

l'Anastasie et continuent la veillée sainte en disant


des psaumes et des antiennes jusqu'au jour; il reste
aussi parmi eux quelques prêtres et quelques dia-
cres, désignés chaque dimanche à tour de rôle pour
dire les oraisons après chaque antienne, car nous
avons déjà vu que ce privilège leur esl réservé. Celle
partie de l'office ne semble répondre, non plus que
celle qui a précédé les vigiles, à aucune partie de
l'office liturgique aujourd'hui reçu. 11 ne parait pas
en effet, d'après les termes de Silvia, que ce soient
les Laudes; c'étaient plutôt des prières facultatives
comme celles qui précédaient les vigiles.
Vers huit ou neuf heures, a lieu une autre réunion,
non pas dans l'Anastasie, mais dans l'église majeure
du Golgotha : c'est la synaxe liturgique. Tout s'y fait,
dit Silvia, selon la coutume qui existe partout le
dimanche1. Aussi ne prend-elle pas la peine de dé-
crire celte cérémonie ; elle remarque seulement,
comme une particularité digne d'attention, que parmi
les prêtres qui assistent à la réunion, ceux qui veulent
prennent la parole, et c'est après eux tous que parle
l'évèquc*. Ces prédications roulent sur les Ecritures

1. Peregrinatio, p. 81.
2. Cette particularité se retrouve encore dans la Liturgie des
Conttitulhns Apostoliques (lïvro II, 31), qui a tant de points de
contact, nous l'avons déjà vu, avec la Liturgie de Jérusalem. Ksi
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 55

et sur tamour de Dieu, et se prolongent jusqu'à la


quatrième heure ou même la cinquième (10 heures
ou 11 heures).
Nous pouvons suppléer facilement ici au silence
de notre voyageuse. L'office qu'elle nous décrit, c'est
ce que l'antiquité appelle la Messe fies catéchumènes,
c'esl-à-dirc la messe à laquelle les catéchumènes
peuvent assister; elle répond à la première partie
de notre messe actuelle, depuis l'introït jusqu'à l'of-
ferloire. Nous la trouvons décrite tout au long dans
des documents à peu près contemporains du récit
de Silvia. Il y avait une leclure de l'ancien Testa-
ment (livres de Moïse), le chant des psaumes, la
lecture des Actes des apôtres ou de leurs épîlres,
celle de l'Evangile, et ensuite l'homélie 1. C'est on le
voit, lemèmedessin liturgique que notre graiid'messc
jusqu'à l'offertoire, lecture de l'épitrc, el, à certains
jours de quatre-temps ou de vigile, leclure de pas-
sages de l'ancien Testament, psalmodie, chant des

£«f,SttipaxaXsi-cwjav ol r^y.io'txi^v. -.v> Xaôv, ô XIOÎT; aîiwv,


àX).à prt artvtï; • xa: -reXrjiaTo; ïravtor* Ô intr/.oro;, ô; sv.y.»
Y:&i?rftxr,.
1. Conslit. Apost.,\. II. Cf. Liturgie de saint Jacques, Lilurgie
gallicane, et autres Liturgies. On peut voir la description de la
messe des catéchumènes d'après ces documents dans Lebrun,
Erplication de ta mes*e (éd. de 1777, t. III et IV), et dans Da
c h. sne, Origines du cu'te chrétien, p. 36 el
suîv.
56 LA LITUROIK DE JÉRUSALEM

antiennes ou des répons de l'introït et de l'offertoire,


lecture de l'évangile, instruction du prêtre sur ce
texte.
Après la messe des catéchumènes, les moines sor-
tent les premiers de l'église du Golgotha et condui-
sent proccssionnellemcnt, et au chant des hymnes,
l'évéque jusqu'à l'église de l'Anastasic ; on ouvre
toutes les portes, mais les fidèles sont seuls admis ;
les catéchumènes n'ont pas le droit d'assister à cette
seconde partie de la messe, appelée pour cette raison
Messe des fidèles. Silvia ne nous la décrit pas,
soit parce qu'elle a retrouvé à Jérusalem la même
forme du sacrifice que partout ailleurs, soit parce
qu'une loi encore en vigueur défendait de livrer le
secret des mystères. Mlle se contente de dire : Quand
tout le peuple est réuni, on rend grâces à Dieu :
aguntur gratioe Deo; c'csl proprement la traduction
du mot grec Eucharistie. Ailleurs, quand il s'agit
de parler de la messe, clic se sert toujours de termes
équivalents : « on accomplit les mystères ou les
sacrements, on fait,l'offrande, l'oblation 1 ». Celte
messe des fidèles est conservée, quant aux lignes
principales, dans la seconde partie de notre messe.

l.O/fertur, aguntursa^ramentafiblatio,agunturomniclégitima,
il est offertur juttta consuetudinem (Gamurrini, I. c, 81, 84, 87,
101, etc.).
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 57

Nous pouvons ici encore suppléer au silence de Silvia


par des documents liturgiques contemporains, qui
témoignent en faveur des pratiques orientales de
l'Eglise de Jérusalem, ou des Eglisesd'Antiochc et de
Syrie, dont la liturgie aie plus d'analogie avec celle
de Jérusalem. Saint Cyrille, évèquc de celle Eglise
au milieu du iv6 siècle, expose en effet en détail toute
cette partie des mystères. La loi de l'arcanc, qui
l'avait jusqu'alors retenu dans l'exposition du sacre-
ment, n'existe plus pour lui, car ceux qui l'écoulcnt
sont les nouveaux baptisés, qui ont droit par consé-
quent d'être initiés à tous les mystères '.
Il décrit donc les diverses cérémonies de la messe
depuis l'offertoire, le lavement des mains, le baiser
de paix, la préface, le Sanctus, l'épiclèsc ou invoca-
tion du Saint-Esprit et la consécration, les supplica-
tions et prières du Mémento, le Pater, la communion

1. \e catéchèse myslagogiqùe. Rapprocher cette Liturgie de


celle des Constitutions Apost., sauf quelques légères différences,
et de la Liturgie de saint Jacques, qui est la vraie Liturgie de
Jérusalem et dont la rédaction définitive, d'après certains criti-
ques, est du ve siècle ; mais elle a certainement des éléments
d'origine très antique. Probst, dans le Kathotik, 1884,1,4 42,253, a
établi contre Lebrun el quetques autres lilurgistes, l'analogie
entre les catéchèses de saint Cyrille et les Constitutions Aposto.
tiques. Cf. aussi Real-Ency. de Kraus, au mot Liturgie, I, 310, et
Mader, Der heilige Cyrillus ron Jérusalem, p. 148 seq.
58 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

et l'action de grâces 1. A la fin de la messe, reprend


Silvia, le diacre élève la voix; les fidèles qui sont
debout inclinent la tète, et l'évèquc les bénit. Il sort
ensuite du Saint-Sépulcre où il a célébré les mystères,
et on vient lui baiser les mains. La messe dure en-
viron jusqu'à la cinquième ou la sixième heure
(onze heures ou midi) 1. On voit que cette bénédiction
de l'évéque, avec un cérémonial uniforme, était la
finale de tous les otfices un peu solennels. Dans
notre liturgie, il en reste des traces à la fin de la
messe et des vêpres pontificales.
Les offices de Sexte et de Nonc disparaissent
le dimanche, comme celui des Laudes. Pour le Lu-
cernaire, il s'accomplit comme les autres jours de la
semaine.
Il y a, pour les dimanches de carême cl de la Pen-
tecôte, d'autres modifications que nous exposerons
plus loin 3.
Il ne sera pas inutile, avant d'aborder la description
des fêtes principales, d'expliquer, autant que le per-
met l'obscurité des textes, le sens de quelques-uns

1. Lebrun, I. c, p. 55 etsuiv. ; Duchesne, p. 58. Pour les


textes liturgiques de saint Cyrille, cf. l'édition de Swainson,
Thegreek Liturgies chiefly from original authorities, in-4-% Lond.,
1834, p. 209.
2. Peregrinatio, 81.
3. Peregrinatio, 81, 82, 106.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 59

des termes dont se sert Silvia pour désigner les


différentes parties de l'office.
Elle nous parle des psaumes, des cantiques, des
antiennes, des hymnes, des leçons, des oraisons qui
se récitent ou se chantent ; mais l'interprétation de
ces mots est loin d'être aisée dans les documents
anciens. Les écrivains de cette époque, parlant d'une
chose que tous connaissaient et pratiquaient, ne pre-
naient pas la peine de s'expliquer en détail.
Pour les psaumes, il n'y a pas de difficulté. L'office
liturgique se composait, dans la plus hauteantiquité,
et déjà chez les Juifs,d'un certain nombre de psaumes
récités ou chantés. Mais quelle était la méthode de
récitation employée à Jérusalem?
Silvia se scrl souvent de cette expression respon-
duntur psalmi, on répond aux psaumes, ou de termes
analogues. Il s'agit sans doute ici du psalmus res-
ponsorius ou du répons. Les Constitutions Aposto-
liques, Cassien et saint Cyrille de Jérusalem com-
plètent sur ce point la description de Silvia. Un lec-
teur ou un chantre dit ou chante le psaume en solo,
et à certains moments tous les fidèles reprennent un
desverscls ou une partie d'un verset. Saint Cyrille
parle, dans une de ses catéchèses, de la voix de celui
qui psalmodie, comme une musique céleste, et qui
nous invite à la communion des saints mystères en
60 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

chantant ces paroles : Gustate et videle. quod bonus


est Dominas '. Il s'agit évidemment ici du psaume
chanté à la communion.
On croit généralement que celte manière de chan-
ter le psaume en répons fut la seule connue jusqu'au
milieu du rv'siècle *.
Un autre mode d'exécution s'introduisit vers le
milieu de ce siècle, Yantiphona ou antienne, qui
consistait à chanter alternativement à deux choeurs
les versets du psaume. Cet usage prit naissance à
Anliochc de 31 i à 357 et se répandit bientôt dans les
autres Eglises. Quand Silvia nous parle des antiennes,
il est probable qu'elle fait allusion à ce chant alterné.
Saint Basile constate, en 375, que cette pratique des
deux choeurs pour le chant des psaumes est en usage
en Mésopotamie, en Palestine, en Syrie, etc. Elle
était connue aussi à Milan et sans doute en Gaule,
car Silvia, qui vient de ce pays, n'aurait pas manqué
de signalerle fait comme une nouveauté \
1. S. Cyrille, Calécîi., XXIII, n. 21 ; cf. aussi, même caté-
chèse, n. 26, avec la note de Dom Toultée ; Constit. Apost., II,
59 ; Cassien, Institut., II,' 4-12 ; certaines pièces de chant usi-
tées de nos jours encore, le graduel par exemple, sans parler des
répons proprement dits, ne sont aulre chose que le psalmus res-
ponsorialii chanté sous une forme un peu différente.
2. Cardinal Bona, De dicina psalmodia, cap. xvi, § 10, et 16,
etc. ; Duchesne, Origines du culte chrétien, 107-108.
3. On peut se demander toutefois M le chant alternatif ou la
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 61

Ce qu'elle remarque à plusieurs reprises, c'est


qu'à Jérusalem les psaumes aussi bien que les autres
parties de l'office sont désignés d'après un choix très
judicieux, propres à celte Eglise, et répondent tou-
jours aux circonstances des temps et des lieux, c'est-
à-dire que, d'après les fêtes de l'année, ils rappellent
le souvenir des différents mystères de la vie, de la
passion, de la résurrection et de l'ascension du Christ.
Celle remarque paraît l'avoir beaucoup frappée; elle
confirme ce que nous avons déjà dit sur le caractère
local et propre de celte liturgie hiérosolymitainc *.
Les cantiquesdontnous parle Silvia sont sans aucun
doute les portions de l'ancien ou du nouveau Testa-
ment, désignés encore aujourd'hui sous ce titre,
comme, par exemple, le cantique de Moïse, celui
d'Isaïe, ceux du Deuléronome, d'Anne, etc.
Pour les hymnes, la question est plus difficile.
Qu'enlend-clle par ce lermc?Lcs hymnes, dans le
sens que nous attachons au mot, c'est-à-dire de
petits poèmes composés pour la liturgie, n'avaient

psalmodie alternative ne sont pas plus anciens dans l'Eglise et si


des recherches plus approfondies n'amèneront pas les liturgistes
à entendre dans un autre sens le terme A'antiphona.
4. Aptiloeoet tempori... apti semper et ita ralionales ut ad
ipsa pertineant qua agitur... Peregrinatio,^. 31, et alibi passim.
Voyez aussi le texte que nous citons plus loin à propos des
hymnes, des leçons et des oraisons.
62 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

pas encore conquis droit de cité dans les Eglises.


L'Eglise romaine, qui fut, il est vrai, une des dernières
à les admettre, ne leur avait pas encore donné une
place officielle dans sa liturgie au vm* siècle 1. Dans
l'antiquité, le mot d'hymne a une acception beaucoup
plus large: "i>yo;.Sjxv£w signifie, selon le langage du
nouveau Testament, chanter, rendre grâces à Dieu.
Dans saint Augustin et saint Isidore de Séville, les
psaumes de David et les cantiques de l'ancien et du
nouveau Testament sont appelés hymnes 1. Pour

4. Ce dernier point est toutefois contesté par M. U. Chevalier,


qui n'admet pas une date aussi tardive. Etudes liturgiques sur
Ihymnologie, Paris, 1894, p. 49.
2. Cf. Arevalo, Hymnodia hispanica, dissert, pracia (Rome,
4786) ; Thierfelder, De Christianorum psalmis, et hymnis usque
ad Ambrosii tempera, Lipsia>, 1868 ; Kayser, Beilrage sur Gesch.
u. Erkl. der altesten Kirchenhymnen, et l'abbé Chevalier, Biblio-
thèque liturgique, I, Poésie liturgique, p. 23. Dans le Liber
Ponti^ealis, ce dernier auteur a relevé seize fois l'expression
cum hymnis et canticis spiritualibus dans le sens de psaumes
(ibid., p. 23). Saint Jérôme nous explique aussi dans le même
sens le mol hymne : « quid intersit inter psalmum et hymnum et
canticum, in psallerio plenissime diximos. Nunc autem breviter
hymnos esse dicendom, qui forliludinem et majestalem praedi-
cant Dei, et ejusdem semper vcl bénéficia vel facta miranlur,
quod omnes psalmi continent, quibus alléluia vel pra*positum, vel
subjectum est. Psalmi aulem proprie ad ethicum Iocum perti-
nent, ut perorganum corporis, quid faciendum et vitandnm sit
noverimus. Qui vero de superioribus disputai et concenlum
mnndi omniumque creaturarum ordinem atq/ue concordiam snbti-
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 63

Silvia, le terme a encore ce sens très général ; les


hymnes, ce sont pour elle les psaumes et les cantiques,
et, sans doute aussi, certains chants d'une origine
très ancienne,commeIcGloriain excetsh,lelAtudamus
te, et quelques autres prières de même nature dont
on retrouve des vestiges dans les plus anciens docu-
ments 1. Nous croirions aussi que chez Silvia le
terme d'hymnes s'emploie quelquefois par opposition
à antiennes, psaumes chantés à deux choeurs, et
signifie des psaumes chantés à l'unisson. Ainsi on
trouve souvent chez elle des phrases comme celle-ci :
dicuntur hymni el psalmi respondentur similiter et
anliphomv et cala singulos hymnos fil oralio / les
laudes qui se composent de psaumes sont appelées
par elle hymnes nialutinales; pour désigner les vi-
giles qui se composent aussi en grande partie de
psaumes, elle dil plusieurs fois : dicuntur hymni seu
ou vel anliphonx. Elle désigne aussi par ce terme les

lis dispulator edisserit, istespiritualecanticum canit (inEph., v,


49). Sur le sens de ce mot dans le nouveau Testament et chez
les Juifs, cf. Walch, De hymnis Ecclesioe apott., Icna, 1737, et
Hilligerus, Diss.de psalmorum, hymnorum el odarum discrimine
(Viteb. 1720).
I. Pitra, Hymnographie de f Eglise grecque, p. 35-36 ; Bouvy,
le Rythme tonique dans fhymnographie de F Eglise grecque, et
t
les Cantiques de Eglise primitice (Lettres chrétiennes, IV, 189) ;
Christel Paranikas, Anlhologia grata, 39-40.
64 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

chants de la messe des catéchumènes'. Dans ces


différents cas, le mot hymne est évidemment syno-
nyme de psaume ou de cantique.
.Quant à l'acception particulière que Silvia donne
à ce terme de psaumes ou de cantiques chantés par
tout le peuple, elle nous parait résulter de ce fait
qu'elle l'emploie souvent par opposition au psaume
chanté en répons ou au psaume antiphoné; elle s'en
sert encore toutes les fois qu'il s'agit d'un chant pu-
blic auquel tout le peuple prend part : ainsi quand
on vient en procession d'une église à l'autre, quand
on accompagne l'évoque à travers la ville, clc.
Les leçons, Lecliones, sont encore une des parties
les plus importantes de l'office ; c'étaient des lectures
tirées de l'ancien ou du nouveau Testament. De bonne
heure et dès le quatrième et le cinquième siècle on
prit l'habitude d'emprunter ces lectures, non plus
seulement à la sainte Ecriture, mais encore aux Actes
des martyrs, aux écrits, sermons, homélies, commen-
taires des Pères de l'Eglise. Silvia l'emploie exclusi-
vement dans le premier sens. Il y aurait grand inté-
rêt à savoir dans quel ordre ces lectures étaient faites;
mais elle ne nous donne aucun renseignement sur
ce point, si ce n'est pour certaines lectures tirées de

4. Peregrinath, 76, 77,83, 403, etc.


LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 65

l'Evangile. Les plus anciens lectionnaires que nous


possédons sont loin de remonter à une époque aussi
reculée.
Dans ses catéchèses, saint Cyrille fait allusion
souvent à des leçons lues avant le sermon; on indique
même le passage d'où la leçon est tirée; mais il faut
se garder de voir là des lectures liturgiques. Elles
sont tout à fait en dehors de l'office ; c'est le caté-
chiste qui, avant de prendre la parole, fait lire un
passage des Livres saints de l'Ancien ou du Nouveau
Testament, en harmonie avec le sujcl qu'il va déve-
lopper '.
U y avait partout des lectures à la Messe des caté-
chumènes. Selon l'usage antique, au moins pour
l'Eglise romaine, les lectures n'étaient pas admises
dans les autres parties de l'office, sauf pour te ser-
vice de la vigile. L'Eglise de Jérusalem les admettait
dans certaines circonstances à l'office des vigiles des
vendredis cl des samedisde carême : Iota nocle vicibus
dicunturpsalmi responsorU, vicibus anliphonx, vicibus
lecliones divers/e, qux omnia usque ad mane protra-
hentes; il en est encore question à l'office du ven-

1. Saint Cyrille, catéchèses xi«, xn«, xix*, xx«,etc. Cf.Schniid,


de primitita eedesia lectionibus et pracipuis circa easdem riti-
bus, apud Votbeding, Thésaurus commentalionum, t. Il, p. 62 et
seq., et Tenzetius, de ritu lectionum saerarum, Viteb. 4685.
LITIROIK DE JUCSALM. 5
ÛS LA LITUR0IE DE JÉRUSALEM

drcdi saint et dans plusieurs autres fêtes, comme on


le verra par la suite '. Mais on ne saurait affirmer
que ces leçons étaient admises tous les jours aux vi-
giles ; elle dit souvent de cet office qu'il se compose
d'antiennes, de psaumes responsoriaux, d'hymnes et
d'oraisons, mais sans parler de leçons 1.
Les oraisons sont dites plusieurs fois pendant
l'office, souvent après chaque psaume, après ou avant
la lecture de l'évangile, elles sont entremêlées aux
lectures ; on les retrouve à tous les offices du jour el
de la nuit ; les prêtres seuls, les diacres et quelque-
fois les simples clercs, ont le privilège de faire cette
oraison publique; il est probable qu'elle était, dans
une certaine mesure, livrée à l'improvisation, comme
les préfaces; l'improvisateur était tenu seulement de
ne pas sortir d'un thème général qui variait suivant
les offices du jour ou de la nuita. Ici encore nous
pouvons recourir à des auteurs peu postérieurs à
làgc de Silvia, pour expliquer sa pensée, et pour
retrouver cette oraison aux allures plus libres, sans

4. Peregrinatio, 95, 403. L'assertion de M. l'abbé Duchesne


à que l'usage romain primitif concorde sur ce point exacte"
ment avec celui de Jérusalem au temps de Silvia » (Ori'
gines du culte chrétien, p. 437), ne me parait donc pas complète-
ment exacte.
2. Ibidem, p. 76, 77,79, 101.
3. Peregrinatio, p 76 et alibi patsim
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 67

formules précises, où l'Ame parlait à Dieu, et dans la-


quelle Dieu se révélait parfois à l';\mc parl'inspiration.
Cassien nous dit que quand les solitaires se réu-
nissent pour réciter l'office, tout le monde garde le
plusprofond silence, et, dans cette multitude de frères,
on n'entend que celui qui se lève pour réciter les
psaumes; il semble que l'église est déserte. A la fin
de la prière surtout, aucun gémissement, aucun
bruit, aucune parole ne (rouble les assistants et ne
couvre la voix du prêtre qui récite l'oraison. Saint
Ilcnoit parle aussi de cette oralio comme d'une prière
libre ; il demande qu'on ne la prolonge pas outre
mesure, et qu'on l'abrège surtout dans la réunion
des frères 1.
Au sujet de ces hymnes, des leçons, des oraisons,
Silvia fait la même réflexion que lui avaient inspirée
les psaumes antiphonés ou répondus; toutes ces
prières étaient parfaitement appropriées à l'objet
de la fêle : lllud autem hic ante omnia valde grai uni
fil, el valde memorabile ut semper iam hymni quam

1. Cassien, tnstii., Il, c. vu etc. x. Saint Benoit, Regula,ap.x\:


« Et ideo brecis débet esse et pura oralio; nisi forte exaffectu
inspirationis dicina gratia prolendalur. In concentu tamen
omnino brecielur oralio, el facto signa a Priore omnes pariter
snrganl. » Onpeutciler encore saint Augustin, ep. CXXX. On voit
par saint Paul, I Cor. xiv, qu'il éfak interdit aux femmes de
prendre la parole dans cette circonstance.
68 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

antiphonoe el lecliones, necnon eliam orationes laies


pronunciationes habenî ut et diei qui celebralur et
loco in quo agitur aptxel convenientes sunt semper.

1. Peregrinatio, 81.
III

LES GRANDES FÊTES LITURGIQUES.


EPIPHANIE; PURIFICATION; LE CARÊME;
LE SAMEDI DE LAZARE.
III

LES GRANDES FÊTES LITURGIQUES. EPIPHANIE ; PURIFICA-


TION ; LE CARÊME ; LE SAMEDI DE LAZARE.

Malgré quelques lacunes, le manuscrit d'Arczzo


contient encore la description des principales fêtes
de l'année à Jérusalem.
L'Epiphanie, au 6 janvier, est pour Silvia la fêle de
la Nativité, comme pour plusieurs auteurs anciens ;
d'après le témoignage d'un voyageur du vi* siècle,
Cosmas Indicoplcuslcs, l'Eglise de Jérusalem ratta-
chait aussi à cette fête le souvenir du baptême du
Christ ».

1. 0\ Si 'IÎJWJX'JJAÎWI, &; Ix toî {ixxxpfo'j Aooxî Xsy£vto«


T.I$\ xvt $%T.xiib7ftx: xh-i \pvtxvt àpy6p&*w Ixûv X' xoïç lm-
<prikii r.v.vtv. -f,/ yr/yzy, etc. Cosmas, I. V, ap. Montfaucon,
CotteeHoNora, II, 191. Cosmas rejette du restecette chronologie et
ajoute que les Hiérosolymitains sont les seuls à compter ainsi.
Au témoignagne de Cosmas, il faut ajouter un curieux texte que
le cardinal Pilra dans ses Analecta sacra, IV, 12, 292, donne
comme étant de saint Méliton, au n« siècle, mais qui doit être
postérieur: * JuxtaAngeliannuntiaiionemcelebramusnativitatem
(Christi) posl novem menses, ejusque post octo dies circumei-
sionem et post triginta annos baptifmum, inde una el eadem die
72 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

On croyait dans cette Eglise que le Christ avait


été baptisé au jour anniversaire de sa naissance. C'est
donc à tort que quelques auteurs, trompés parce
passage de Silvia, ont prétendu que la fête de Noël
élait à cette époque inconnue à Jérusalem. Du reste.

celebramus festum naticilatis et baptismi. » Quoi qu'il en soit


de l'authenticité de ce texte rejeté avec raison, nous semble-l-il.
par Cari Thomas (Melito ton Sardes, Osnabruek, 1893, p. 50),
la coïncidence avec celui de Cosmas et celui de Silvia n'en est
pas moins curieuse. A la p. 49, Silvia parle encore de celte fête
qu'elle a célébrée à Arabia en Egypte. Elle ne donne pas de date,
mais Cassien nous dit que les Egyptiens célèbrent le même
jour la nativité, l'épiphanie, et le baptême du Christ (Proxm.
ad Theoph.). Saint Jean Chrysostome et saint Epiphane
regardent aussi PÉpiphanie comme fête de la Nativité (Chrysost.
homel. 36, t. V, 517 ; S. Epiph., hares. III : « l* xr, \\nz-t
xSri ïnvzTivSri, vit iy*v/i{07j i-t oxyti o x-i^io;. » D'autres
la regardent aussi comme la fête do baptême du Christ (Creg.
Hat., I. III, ep. 110; saint Paulin, Carmen 9). Les Consti-
tutions Apostoliques distinguent les deux fêles de Noël et de
l'Epiphanie, ainsi que saint Jérôme (in Es., I. VIII, 30) ; saint
Augustin constate ces divergences en disant que ce jour-là les
uns célèbrent l'adoration des mages, d'aulres le baptême do
Christ, d'autres son premier miracle (sermo 24 de tempore). Cf.
aussi sur ce point : Wernsdorf, de originibus soUemnium natatis
Chrisli, Viteb., 1757, in-4% et Schullze, de fetto sanclotum lumi-
num, Hâte, 1778. Une lacune à cet endroit du manuscrit de la
Peregrinatio ne permet pas de constater si l'Eglise de Jérusalem
célébrait un Avent. D'après Hildebnnd (de diebus feslis LibeU
lut), le premier témoignage serait celui de Maxime de Turin
en 450. Voyez cependant plus loin, p 79, note 1.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 73

il suffit de lire attentivement le texte pour voir qu'il


est question ici de celte fêle, car l'évéque, le clergé
cl le peuple de Jérusalem vonl la célébrer à Ilelh-
léhcni, dans la fameuse églisede la Nativité; ce qui ne
s'expliquerait pas si ce jour-là l'Eglise de Jérusalem
avait célébré seulement le souvenir du baptême du
Seigneur *.
La distance de Hclhléhem à Jérusalem est de six
milles. On revenait après l'office des vigiles, en chan-
tant le Itenediefus qui venif in nomine Domini*. Les

4. Quant à celte date du 6 janvier, on sait aussi qu'il y a eu


les plus grandes divergences dans l'antiquité au sujet de la nais»
sance de Noire-Seigneur. Clément d'Alexandriedonne lesdates du
18 ou 19 avril et du 19 mai; d'autres du 23 ma.s au 20 avril.
Saint Epiphane indique comme Silvia le 6 janvier. D'après
Thomassin (Traité des feites detEglite, p. 230), Anlioche aurait
élé la première Eglise d'Orient à célébrer la nativité au 25 dé-
cembre. Le calendrier philocatien do 336 donne une attestation
plus ancienne pour l'Occident (Duchesne, Origines du culte
chrétien, p. 248). Le Martyrologe de Wright donne l'Epiphanie
au 6 janvier. Cf. CancHlicri, Xotizie intorno alla nocena rigi-
lia notle e festa di natale, Roma, MDCCLXXXVIII ; l'scner.
Religionsgesehichtl. Vnlersuch., I, Dis Weihnachltfett, 1889, el
aussi Lejay dans la Reçue critique, 1893, II, 51-51. La décou-
verte récente du commentaire de saint Hippolyte sur Daniel
apporte un important élément dans la question. Cf. Lagarde,
Ailes M. Neues ûber dos Weihnathsfesl, 1891 ; Chiappelli, S'uora
Anlologiit, janvier 1893, p. 204 ; Bratke, Die Ubenzeit Jesu bei
Hippofytus, Zeitsch. f. Wiss. Theol., 1*92, II, 128-176.
i
2. Ce sont les paroles avec lesquelles Notre Seigneur fut reçu
74 LA LITURGIE DE JKKU8ALBM

moines faisaient la route à pied ; les fidèles, hommes


et femmes, étaient sur leurs montures dont ils ralen-
tissaient l'allure pour que les piétons pussent suivre.
On arrivait à Jérusalem avec l'aube. « à l'heure, dit
Silvia, où un homme commence à distinguer un
autre homme», et l'on entrait, l'évéque en tète, dans
l'église de la Résurrection resplendissante de lu-
mières. On n'y récitait qu'un psaume et une oraison,
cl l'évéque bénissait les catéchumènes et les fidèles,
comme c'était la coutume après les grands offices.
Puis l'évéque el les fidèles se retiraient et allaient
prendre quelques heures de repos. Mais les moines
restaient dans l'église, et conlinuaient à dire des
hymnes jusqu'à la deuxième heure (8 heures du
matin), comme les dimanches ordinaires 1.
C'est à ce moment que le peuple accourait à l'é-
glise du Golgotha et l'office, c'csl-à-dirc la Messe des
catéchumènes, s'y célébrait comme les autres di-
manches, mais avec des leçons etdeshymnesproprcs,
et des prédications adaptées à l'objet de la fête. On
se rend ensuite, comme de coutume et avec les

Jérusalem au jour des Rameaux. Elles ont trouvé place dans une
des antiennes de celte fête Pueri ITebraorum,et àaos TEpinieion
ou Sanctus qui suit la préface.
1. Gamurrini, I. c, p. 8t. Nous savons qu'ici le terme
d'hymnes est synonyme de psaumes.
LA LITURGIE DR JÉRUSALEM 75

cérémonies ordinaires, à l'église de la Résurrection


pour la synaxe eucharistique '.
Silvia remarque que pour ces grandes fêtes de
l'Epiphanie, de Pâques et de la Dédicace, les églises
du Calvaire sont magnifiquement ornées. « On n'y
voit, dit-elle, que de l'or, des pierreries, de la soie.
Les courtines et les tentures sont de soie brodée d'or.
Les vases et tout ce qui sert au culte est d'or, enrichi
de pierres ; le nombre et le poids des lustres et des
autres ornements ne se peut décrire. Quant à la déco-
ration architecturale, Constantin, sous les yeux de
sa mère, semble y avoir consacré les ressources de
son empire, et il a répandu à profusion For, les
mosaïques, les marbres précieux pour enrichir l'église
du Golgotha, celles de l'Anastasic et de la Croix et
des autres saints lieux *. »
Elle nous dit aussi que de grandes foules de
moines, des laïques, hommes et femmes, accourent
des pays voisins à Jérusalem pour cette octave 3.

4. Il est curieux de rapprocher ces cérémonies de celles qui


s'observaient encore a Jérusalem au xu* siècle pour la fêle de
Noël. La coutume de se transporter à Belhléhem persistait
\
encore. Mêmes rapprochements faire pour la fête des Rameaux,
l'Adoration de la croix, etc. Cf. la Liturgie de Jérusalem éditée
par Giovene, Kalendaria cetera, pars I*.
2. Peregrinatio. p. 83, 108, 109.
3. Ibidem, p. 84.
76 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

La vieille liturgie romaine avait deux messes ce


jour-là ; plus lard, au temps de saint Grégoire, elle
en eut trois '. Dans les anciens sacramcntaires de
rEglisegallicauc, on n'en trouve qu'une *. Silvia nous
aurait sûrement signalé les différences, si elle eneill
trouvé, entre les deux rites. Elle n'en dit rien. L'of-
fice se terminait vers midi ; pour le reste de la jour-
née, on suivait la liturgie ordinaire.
Il y a une octave à celle fêle 3. L'office, e'csl-à-
dirc sans doute la messe, se célèbre le second cl le
troisième jour au Golgotha; le quatrième jour, à
l'église du mont des Oliviers, in Etcona; le cin-
quième au iMzariou ou église de Saint-Lazare, à
Iléthanie; le sixième dans l'église du Mont-Sien;
le septième à l'Anastasie ; le huitième à la Croix v.

4. Cf. plus haut, p. 35, note 2.


2. Toutefois saint Grégoire de Tours marque deux messes a
Noël, de Gtor. Mart., ch. 52.
3. L'institution des octaves, qui remonte au peuple juif
(Ucit. xxm), fut adoptée par l'Eglise. Terlullien dit déjà :
ethnicis semel annuus dies quisque festus est; tibi octavus
quisque dies (de fdotol xiv).
.
4. Voici le passage qui présente une assez grande difficulté
d'interprétation: * Alia denuo die (scil. seconda) similiter in îpsa
ccclesia proceditur in Golgotha Hoc idem et terlia die : per
triduo ergo per hommes hetilia in ccclesia, quam fecit Consfan-
linus, celebralur usque ad scxlam. Quarta die in Eleona, id est
in Ecclesia, qu.T est in monte Olivcli, pulchra salis, similiter
omnia ita omanlor, et ila cclebnlur ibi. Quinla die in Lazariu,
LA LITURGIE DK JÉRUSALEM 77

Elle ne donne du reste aucun détail sur ces offi-


ces, sinon qu'ils étaient « adaptés au jour el au
lieu ' ». Mais elle nous fait remarquer que cette
octave est aussi célébrée avec solennité à Rcth-
léhem.
Le quarantième jour après l'Epiphanie, qui répond
à noire fête de la Purification, mais qui, d'après la

quod est ab Jerusolima forsitan ad mille quingentos pas<us.


Sexta die in Syon. Scptima die in Anastase. Oetaca die ad Cru-
cem. » [Peregrinatio. p. 84.) La difficulté vient de ce quedans ce
passage il parait bien que c'est de \\ messe qu'il s'agit: Ixtilia
eelebratur usque ad sexlam, el qu'elle se célébrait dans ces
différents sanctuaires ; mais alors il faut admettre que Silvia fait
erreur quand elle dit plus loin que le seul jour de l'année où la
messe se célèbre à la chapelle de la Croix, c'est le Jeudi-Saint,
excepta enim ipsa die una per tolum annum numquam offeritur
post crucem nisi ipsa die tantum (scil. feria quinta anle Pas-
cham); à moins qu'on ne distingue ad crucem cl post crucem,
qui désigneraient deux endroits différents. (Peregrinatio, p. 93.;
A la p. 99. Silvia dit encore que le samedi de l'octave de Pâques
l'office se célèbre anle eruee.
1. Pour les fêtes de saint Etienne, saint Jean, etc., qui se ren-
contrent aujourd'hui dans l'octave de Noël, voir ce que nous
disons plus loin au sujet des fêtes des martyrs et des saints à
Jérusalem. La fête de la Circoncision est attestée au ive siècle
en Occident par un discours de saint Zenon de Vérone. En
Orient, on la croit postérieure à cette époque ; pourtant elle
n'est pas formellement exclue par le récit de Silvia. Le texte
attribué à saint Méliton que nous citons plus haut et qui parait
viser la liturgie de Jérusalem, mentionne une fêle de la Circonci-
sion huil jour* après la Noël; cf. p. 71, note 1.
78 LA LITURGIE DR JÉRUSALEM

chronologie de Silvia, tombe au 14 février, est aussi


une grande fête à Jérusalem ; clic se célèbre dans
l'Anaslasie.cl avec la même solennité que la Pàque.
Les prêtres cl l'évéque pour la prédication commen-
tent le texte de l'évangile que nous lisons encore
aujourd'hui : Tulerunt Dominum in templo Joseph
et Maria. (Luc, n, 22.)
Le témoignage de Silvia est encore important ici.
On avait contesté l'antiquité de cette fête. IJaronius
et Thomassin croient qu'elle ne remonte qu'à Jus-
linien, c'est-à-dire au viesiècle*. Ce qui parait pro-
bable, c'est qu'elle était particulière à Jérusalem,
car le calendrier de Wright, saint Jean Chrysostome
el saint Ephrem n'en parlent pas. Elle a du reste
par son objet un caractère très local ; c'est de Jéru-
salem qu'elle aura passé dans les autres Eglises.
Quant à la procession el à la litanie dont nous avons
conservé l'usage, il n'en est pas fait mention dans
Silvia. Il faut donc rejeter l'opinion de quelques his-
toriens qui en faisaient remonter l'origine à une

I. Thomassin, Traité des fesles, 291. Il rejette les textes des


Pères que les Bollandistes avaient fournis pour établir l'anti-
quité de cette fête (Bollandistes, au 2 février, § l). Cf. Lehner,
Marienwerehung, p. 204. Pour la date du 14 février, cf. Kraus,
Real. Encycl. I, 496 ; Ilildebrand, de diebus fesiis, est du même
avis que Thomassin.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 79

époque antérieure à saint Cyrille dans l'Eglise de


Jérusalem .
En revanche, Silvia ne nous parle pas delà fêle de
l'Annonciation au 25 mars, à moins qu'il ne faille
voir un souvenir de cette fête dans une cérémonie
d'un genre très particulier qui se célèbre quarante
jours après Pâques dans la grotle de la Nativité, à
llethléhcm. Il n'est pas facile jusqu'ici de fixer I ori-
gine de l'Annonciation, qui, en somme, n'est qu'un
dédoublement de la fête de Noël 2.

1. L'homélie de saint Cyrille que l'on citait à l'appui a été


reconnue apocryphe. Les termes de procettio in Anastase et
omîtes procédant, dont se sert ici Silvia, n'ont pa<* chez elle le
sens liturgique du mot procession. C'est le terme qu'elle emploie
toujours pour ' indiquer que les fidèles se portent en foule à
telle ou telle église. D'après un Ordo romanus,c'est Sergius qui en
690 ajouta à la fêle les litanies ei la bénédiction des cierges :
^ergius
papa festo hypantes titanias atdidit et cereos benedictos.
2. Cf. plus loin p. 122. Les Bollandistes ont essayé delà vieillir,
mais les textes qu'ils apportent sont tirés de documents apocry-
phes ou ne s'appliquent pas. Thomassin, I. c, p. 298, remarque
justement que, par exemple, un sermonde saint Léon pour Noël se
rapporte autant au m} stère de l'Incarnation ("Annonciation) qu'à la
Nativité. Comme plus ancien témoignage de cette fête, Thomas-
sin cite le Concile in Trollo, en 691. Duchesne (Origines du
culte chrétien, 261) cite un sermon de saint Sophrone qui don-
nerait un témoignage plus ancien. Remarquons cependant que
dans la très ancienne liturgie des Nestoriens l'Annonciation se
confond avecl'Avent; il y a quatre dimanches de FAnnonciation
qui répondent à ceux de l'Avent. Cf. Assemani, Bibtiotheca
Orient. III, pars 2*, p. CCCLXXX. Voir aussi le texte de Mélilon
80 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

La fête do Pâques est précédée d'un carême,


« comme chez nous », ajoute Silvia. Ses renseigne-
ments sont ici du plus haut prix, car on en était
réduit aux conjectures sur la façon dont le carèmo
s'accomplissait à cette époquo en Orient. Il se com-
poso de huit semaines. On voulait observer quarante
jours do jeûne. Or, comme on no jeûnait en Orient
ni les samedis ni les dimanches, en retranchant ces
deux jours, on arrivait au chifiro do quarantejours *.
Saint Cyrille nous donne aussi co chiffre de quarante
jours do jeune, mais sans nous dire qu'il est pris
dans l'espace de huit semaines, ce qui a induit en
erreur ses interprètes '.

quo nous citons p. 71 et qui fait mention de l'Annonciation neuf


mois avant la Nativité.
1. Kxaetementquarantoolunjours,caronjci)naitleSamedi-Saint.
Peregrinatio, p. 85. Cette distribution du carême en huit semaines
est aussi celle dos Nestoricns ; seulement ils jeûnent les samedis
et les dimanches. Asscmani, I. c, p. CCCLXXXII et CCCLXXXVII.
S. Athanase, Lettres pascales, rappcllo qu'on no jeûne pas"le*
samedi! el les dimanches do carême. Mignc, P. gr. XXVI, 1389.
2. Saint Cyrille, Procat., n. 4 ; Catéchèse i, 5. On pourra se
rendre compte des obscurités qui régnaient en lisant sur ce point
les plus savants auteurs des siècles derniers. Toutléo croit quo
ce jeimo se composait de quarsnto jours, mais que ces quarante
JOUM étaient compris en six semaines (Migne, Pair. gr. XXXIII,
155 el 447). Thomassin a aussi bien des confusions (Thomassin,
Jeûnes, p. 31, 35, 235-236). Le chiffre de 40 jours déjeune nous
est également indiqué par Eusèbe, de Patcha (Mal, ttota PP.
LA LITUR0IR DE JÉRUSALEM 81

Nous verrons, plus, tard, en quoi consistait co


jeûne, car nous aurons à reparler do cette pratique
dans l'Eglise do Jérusalem. Pour lo moment, nous
no l'étudiorons qu'au point do vuo liturgiquo.
Les dimanches et jours do semaine, l'offico est
lo mémo qu'en temps ordinaire. Lo renvoi après
l'offico du Lucernaire a lieu plus tard. Do plus,
chaque jour do !a semaine en carême, il y a un office
à Tierce, qui est lo mémo quo celui do Sexto*. Lo

Biblioth., IV, 212) et par saint Athanase dans plusieurs de ses


cttres pascales, par saint Augustin, Sermo CXXV et CCV, etc.
Cf. aussi Sozomène, //. E. I. VU, 19, et Hittori* lautiaca,
c. 104, 106. On sait que les divergences entre les deux Eglises
au sujet du jeûne de carême furent uno dos causes des plus
vives disputes dans la question du schisme grec. Le jeûne pré-
cédant la Pàque remonte à la ptus hauto antiquité ; il en est déjà
question dans la querelle do la Pâque au u* siècle, mais la pra-
tique était soumise aux plus grandes variations ; on a jeûné un
jour, deux jours, et d'une somaine à sept et huit semaines. Cf.
Thomassin, I. c. ; Dom. J. do l'Isle, Histoire dogmatique et mO'
raie du jeâne, 4741, I. U; Linsemayr, Kirchl. Fasten Diteiplin,
4878. Priscillien, dans le texte nouvellement découvert de ses
oeuvres, nous parle de 40 jours de jeûne, en souvenirdu jeûne du
Christ au désert. Schepss, Priteilliani opéra, p. 60.
4. Voici ce texte quo l'on a généralement mal compris:
« Ad tortia itur ad Anastase et aguntur qua) loto anno ad
sexiam soient agi: quoniam in diebus quadragesimarum et hoc
additur ut ad tortia m eatur. Itom ad soxtam et nonam et Iucer-
nare ita aguntur aient consueludo est per totum annum agi
semper in ipsis locis sanclis; similiter et tertia feria similiter
omnia aguntur sicut et secunda feria. • Peregrinatio, p. 86.
LITURGIE DB JÉRISALM. 6
$2 LA LITURGIE DE JÉRU8ALEM

mercredi et lo vendredi à None, on va, suivant l'ha-


bitude do touto Tannée, à l'église do Sion, et l'on
reconduit l'évèquo à l'égliso do la Résurrection, au
chant des hymnes, pour célébrer lo Luccrnairo. En-
fin lo vendredi après cet office, on commenco aussitôt
les vigiles, quo l'on fait suivre sans interruption do
la messe des catéchumènes dans l'égliso du Golgotha
et do celle des fidèles dans l'Anastasie, do telle sorte
que toute la sério des offices soit terminée avant lo
lever du soleil. La raison do cette modification est
dans une pratique singulière dont nous reparlerons
plus en détail, celle des hebdomadiers, qui s'enga-
geaient à faire une semaino do jeûne. Le samedi, par
commisération pour la fatigue des hebdomadiers, la
messo se trouvait donc avancée, et ils pouvaient
prendre quelque nourriture de bonne heure '. Celle
remarque de Silvia nous permet aussi do conclure
que les samedis do carémo il y avait la messo comme
les dimanches, et quo c'étaient les seuls jours do la
semaine où l'on offrit le Sacrifice.Thomassin, malgré
plusieurs textes assez formels pourtant, hésitait à
admettre l'existence de cette pratique. Mais, après le
témoignage si précis de Silvia, on ne peut plus con-
server le moindre doute. Il y avait donc dès ce mo-

1. Peregrinatio, 86-88.
LA LITURGIE l»K JÉRUSALEM 83

ment une dilTérenco profondo dans la discipline des


deux Eglises, car en Occident on offrait le sacrifice
tous les jours de jeun », sauf les deux derniers jours
de la semaino sainto \
Le samedi do la septième semaine qui correspond
à celle quo nous appelons semaine de la Passion, esl
consacré à une cérémonie importante dans les litur-
gies antiques : c'est le samedi de Lazare, l'anniver-
saire dosa résurrection, fêle qui a ici \u\ caractère
bien local, mais que nous retrouvons dans la plupart
des liturgies. Ce jour porte encore dans l'Eglise
grecque lo nom de samedi de Lazare. Dans l'Eglise
latine, c'est lo vendredi do la qualrièmo semaine de
carêmo quo se lit l'évangilo do la résurrection de
Lazare; quelques antiennes de carême paraissent
aussi so. rapporter à cet anniversaire. La liturgie
mozarabe, la gallicane ont aussi leur dimanche de
Lazare*. Ce rite antique so rattache souvent à la
liturgie des pénitents.

1. Thomassin, 1. c, p. 115. Rapprocher lo texto de Silvia


d'un passage do la Vita S. Saboe, n. 25. En carême lo saint
moino communiait le samedi et le dimanche. Eusèbe cependant
(in Ps. xxi, 31, et Cote», in Luc. cap. xxu, 7) no parle que du
dimancho pour la communion. Lo Concile de Laodicéo défend do
diro la messe en carême à d'autres jours que les samedis et les
dimanches, canon 49.
2. Cf. Huratori, Missel gothique, p. 575; Galticanum relus, ib.,
84 LA LITURGIE PS JÉRUSALEM

Voici comment il s'accomplit à Jérusalem. Les


vigiles do la nuit du vendredi au samedi se disent
en l'éidiso do Sion, au lieu do so célébrer, comme à
l'ordinaire, dans l'église do la Résurrection ; les
psaumes et les antiennes étaient propres. Lo matin,
la messo se disait plus tôt, comme tous les samedis
do carèmo, dans l'égliso do l'Anastasie.
Vers la fin, l'archidiacre, archidiaconus, s'adressait
aux fidèles en leur disant : « Que tous aujourd'hui
soient prêts à so rendre au Lazariou, à la septième •
heure (uno heure après midi) » .
718; Lectionnaire de Luxeuit,?. 126, Lo Liber Comieus (Antcdota
Maredsotana, I), publié par dom G. Morin, donne pour lodimancho
de Lazare tes lectures dos vigiles et do la messo. p. 117. Lo sa-
vant éditeur, qui rappelle dans sa note la Peregrinatio Silcix, a
oublié do mentionner le Liberorationum mozarabepublié par Bian-
chini, p. 90. L'Kgliso copte pour lo samedi de Lazare (7* somaine
do carême) donne commo lectures, Luc xvui, 31-43, ou Marc x,
ou Jean xi, 1-45. Cf. Original documents ofthe coplic chur-h, iv.
Theholy Gospel and versicles... in the copti*. Chureh, by Malan.
Lond., 1674, p. 52. Un Codexeoangeliorum syriaque du %i*" siècle
mentionne lo samedi avant les Rameaux, sabbato ressuscitationis
Ltzari (Bibliothecw Mediceo-lAurenliana catalogue ab Ant.
Biseionio, t. I, Cod. orient., p. 47). L'évangéliairo syriaque de
Rabulas de 586 donno au mémo samedi, in matulinis septimanoe
suscilationis Lazari, la lecture : Jean, xi, v. 55-57, et xu, 1-4.
Bibliorum sacrorum (Wallon), t. V, p. 466-468.
I. Il est plusieurs fois fait montion do l'archidiacro dans la
Peregrinatio. L'origine de la fonction est bien autérieuro ; mais
le titre d'archiliaconus est encore assez rare dans l'Ë-
LA LITURGIE DR JÉRUSALEM 85

A l'heure dite, on partait do Jérusalom dans la di-


rection do Réthanic. Sur la routo on rencontrait d'a-
bord uno égliso, construite àl'endroit où Mario, soeur
do Lazaro, parla au Seigneur *. Dès quo l'évéque, qui
faisait partio do la procession, arrivait, les moines
accouraient et lo peuple pénétrait avec eux dans
l'église. On lisait une hymne, uno antienne, et le
passage de l'évangilo où est racontéo la rencontre do
Jésus et do la soeur do Lazaro (Johann, xi). Il y
avait ensuite l'oraison; l'évèquo donnait sa bénédic-
tion, et la procession continuait au chant des hymnes
jusqu'au Lazariou.
La foule est telle, quand on arrive au Lazariou,
qu'elle débordait en dehors do l'enceinlo de l'édi-

glise latino à cette époq 10. La Peregrinatio est un des plus an-
ciens documents qui lo monlionnent. Cf. A. Gréa, Essai histo-
rique sur les archidiacres, Bibliolh. de l'Ecole des Chartes, 1851,
p. 38 suiv. Dans PEgliso de Jérusalem à cette époquo, ces avis de
l'archidiacre étaiont encoro la seule manière do convoquer les
fidèles à l'offico, si l'on s'en tient au texte de Sitvia.
1. Sur cette église, voyez plus haut, p. 24. Théodose, de
Terra Saneta. Itin. lai., p. 67, nous parlo en ces termes de l'é-
glise, et do la cérémonie de Lazare : • do Hierusalem ad Betha-
niam sont millia duo ubi ressuscitavit Dominus noster
,
J. C. Lazarum, et in ressuscitationo sancti Lazari in ipso loco
ante pascham, dio dominico, omnispopulus congregatur et misse
celebrantur. Lazarum esse quem Dominus resuscitavit scilur,
quia ressuscitatus ost : sed secundam mortem ejus nemo cogno*
vit. »
86 LA LITURGIE PR JERUSALEM

fico; les champs qui l'entourent sont envahis. On


disait les hymnes et les antiennes propres au jour
et au Hou, et des leçons. Vers la fin de l'office, un
prêtre montait sur un lieu élovô et lisait co passago
de l'Evangile : Cum venisset Jésus in liethania anle
\
sex dies Paschx Ensuite il annonçait la Pàquo.
Ces deux offices, on lo voit, no répondent à aucune
des Heures connues ; co sont des cérémonies parti-
culières au pays et en dehors du cours ordinaire.
Tout l'offico liturgique y gravite autour do la
leclure do l'Evangile. A ce point do vuo, il so rap-
procherait plutôt do certaines cérémonies, par
exemple lo lavement des pieds du Jeudi-Saint. Dans
tous les cas, il n'y faut pas voir l'offico du soir,
car il avait lieu à l'Anastasie, quand le peuple était
de retour à Jérusalem.
Dans plusieurs autres liturgies, il est fait, co
jour-là, de nombreuses allusions aux pénitents,

4. Peregrinatio, p. 90. In Iazario aulem cum ventum fuorit,


ila se omnis moltiludo colligit, ut non solum ipse locus, sod et
campi omnes in giro ploni sint hominibus. Dicuntur ymni etiam
et antiphon», apti diei et loco : similiter et lecliones aplao diei
quwcumque legunlur. Jam autem ut fiai missa, denunliatur pas-
cha : id est subit presbiter in ahiori loco, et loget illum locum,
qui scriplus eslin evangelio : Cum venisset Jésus in liethania ante
sex dies pascha. Lo passago est tiré do saint Jean, xu. Il so lit
chez nous le lundi de la semaine sainte.
LA LITURGIE PE JERUSALEM 87

représentés par Lazare au tombeau. Mais nous


avons déjà dit qu'il n'est pas question do ces péni-
tents dans Silvia.
C'est ainsi quo l'on entrait dans la semainepascale
ou grande semaine, commo on l'appelle à Jérusa-
lem 1,

4. Saint Jean Chrysostome se sert aussi de cette expression,


Homil. 30 in Gènes, c. i ; in psalm. CXLV; cf. Conslit. Apost,
vin, 33, et saint Cyrille do Jér., Catèch. xvm.
IV

LE DIMANCHE DES RAMEAUX


ET LA SEMAINE SAINTE
IV

LE DIMANCHE DES RAMEAUX ET LA SEMAINE SAINTE.

C'était uno fête solennello pour l'Église de Jéru-


salem quo celle du dimancho qui précédait la Pâque.
Nous savons par un autre document que les moines
do la Laure de Pharan, à deux lieues do Jérusalem,
qui, au lendemain de la fèto des Lumières, partaient
pour lo désert, s'en revenaient à leur monastère
pour lo dimanche des Rameaux \
Les offices du
jour et de la nuit se font comme les dimanches
ordinaires, à l'Anastasie, à la Croix et au Golgotha.
Le matin à la fin de l'office, avant de renvoyer la
foulo, l'archidiacre dit: « Demain à None, réunissons-
nous dans l'église du Marlyrion (Golgotha) ; mais

4. Cyrille, in VitaS. Euthymii. Acla SS. 20 janvier,1,668.Cette


félo des Lumières est 1 Epiphanie, et non, comme l'a cru Grelser
et quelques autres avec lui, la Purification. S. Grégoire de
Nazianze appelle l'Epiphanie xk Syt* ?««rc*. Cf. aussi le mémoire
de SchQllze, de festo sanetorum luminum. Haie, 1778, et plus
haut, p. 72. Sévérien de Gabala, dans un sermon prononcé à
Jérusalem pour la fête des lumières, parle aux fidèles de la géné-
ration temporelle de Notre-Seigneur. Sermones, éd. Aucber,
homilia 1*.
92 LA LITIR01P DR JB*RU8ALEM

dès aujourd'hui à la septième heuro (uno heure


après midi) tenons-nous prêts ', »
La messe des fidèles a lieu dans l'Anastasio commo
d'ordinaire. A l'heure indiquée par l'archidiacro,
tout le peuple se réunit à l'égliso du mont des Oli-
viers, in Eleona. On chante des hymnes, des an-
tiennes, des leçons appropriées au lieu et au temps.
Cet offico, qui parait se composer des mêmes élé-
ments quo celui des vigiles, no répond à aucun de
nos offices liturgiques actuels. Il était sans douto
particulier à Jérusalem, c'était une préparation à
la cérémonie des Rameaux. Il était suivi près-
qu'immédiatement d'un autro offico que l'on célé-
brait à l'égliso do Vlmbomon, et qui so composait,
comme lo précédent, d'hymnes, d'antiennes, do le-
çons et d'oraisons appropriées aux circonstances. A
la onzièmo heure (cinq heures du soir) on lisait
dans l'Evangilo le récit do l'en liée du Christ à Jé-
rusalem *. L'évéque sort alors do l'église, suivi du
peuplo, qui chante des hymnes et des antiennes ac-

1. Peregrinatio, p. 91.
2. Mallh. xxi. La même leclure est indiquée dans les plus
anciens documents, entre autres dans PÊvangéliaire syriaque de
Rabulas de 586 (Bible de Wallon, t. Y), ad vesperam dominiea
Palmarum, et aussi dans les lectures de l'Eglise copte. Malan,
Originale documents ofthe coptie Church, IV, au 7* dimancho de
carême, appelé le dimancho Hosanna.
LA LITURGIE 1>K JERUSALEM 93

compagnées toujours comme d'un refrain do ces


mots : Déni soit celui qui vient au nom du Seigneur !
Or, si l'on comparo à cet offico celui quo nous
célébrons aujourd'hui dans l'Eglise romaine pour la
bénédiction des Rameaux, on trouvera entro les
deux les plus frappantes analogies : lecturo du
livre do l'Exodo, oraisons, lecturo du même passago
do saint Matthieu, chant do psaumes et d'antiennes,
procession avec le chaut du Pueri Hebrxorum,bene-
dictus qui venit in nomine Domini ; tout cela cons-
titue un ensemble do facture très antiquo, très par-
ticulière; cl si l'on veut se rappeler d'autre part que
cetlo cérémonie a son origine dans l'Egliso do Jéru-
salem, il n'est pas téméraire do conclure quo dans
la liturgio de co jour aussi bien quo dans lo chant
qui accompagne les paroles, nous avons un écho
fidèle des antiennes et des répons qu'entendit Silvia
au iv« sièclo, sur le mont des Oliviers.
Elle no nous dit rien do la bénédiction des Ri-
meaux qui parait d'époque postérieure, mais elle
nous décrit la procession. Tous les enfants, même
ceux qui,ne pouvant encoro marcher à cause do leur
jeune Age, sont portés au cou de leurs mères, ont
dans les mains des rameaux de palmier et d'olivier;
et l'évèquc, qui représente lo Seigneur, est conduit,
comme lui, sur un Ane, du sommet do la monta-
94 LA LITURGIE DE JERUSALEM

gnc à l'église da la Résurrection ; les personnes de


qualité, hommes et femmes, ont aussi des montures ' ;
on va très lentement pour ne pas fatiguer le peuple.
A l'égljsc de la Résurrection, on célèbre l'office du
Lucernaire, la nuit étant déjà venue.
Ce passage est assurément l'un des plus intéres-
sants du récit de Silvia. Les liturgistes et les cri-
tiques étaient encore divisés au sujet de l'origine de
cette cérémonie. Les sermons de saint Epiphane et
de saint Jean Chrysostomc qui en font mention,
sont rejetés avec raison comme apocryphes et pos-
térieurs à celte époque. Une oraison du sacramen-
taire grégorien qui parait s'y rapporter, était aussi
considérée comme ajoutée postérieurement. Dom
Martènc, Grancolas, Catalani, Raillct et d'autres
après eux, prétendent que l'on ne trouve pas de
trace de cette procession avant le vin« ou le ixf siècle.
Le passage de la Peregrinatio que nous citons,
dirime le débat. Du reste, même avant cette décou-
verte, on aurait pu conclure à l'existence de ce rit,

4. C'est du moins ainsi que je crois devoir interpréter co


passage : • et sic deducitur episcopus in eo typo, quo tune Domi-
nus deduclus esL Et de summo monte usque ad civitatem, et
inde ad Anastase per totam civitatem, totum pedibus : omnis
sedet,tiqua malrona sunt,aut si qui domini: sic deducunt
episcopum respondeutes, et sic lente et lente, ne lassetor popu-
lus... » Peregrinatio, p. 91.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 95

d'un texte de saint Cyrille de Jérusalem qui parle,


dans une de ses catéchèses, « du palmier dans ta
vallée, dont les branches servent aux enfants qui
acclament joyeusement le Christ *. »
Ce qui est certain, c'est que ce rit, d'abord par-
ticulier à Jérusalem, ne se répandit que peu à peu
dans les autres Eglises; en Occident il ne fut intro-
duit que vers le vu* ou le vin* siècle s.

1. Catéchise x, 19. Co texte a été déjà signalé par dom


Hugues Ménard, in S. Greg. libr. Saeram., note 231 (Migne,
P. bal., Opéra S. Gregorii Ma^ni, IV, 310). Seulement Ménard
lisait *ï« au lieu de r.xln; celle dernière leçon est évidemment
la bonne, car elle cadre avec la récit de Silvia. L'opinion de
Ménard, qui voyait dans c* texte la preuve du rit de la proces-
sion des Rameaux, était discutée. L'abbé Houssaye, dans un
intéressant article sur les Cérémonies de ta semaine sainte,
leur antiquité, leur hitloire (Reçue des questions histo-
riques, t. XXIII, p. 446), so demande avec étonnement
comment dom Marlène, dans son de Anliquis Ecctesioe ritibus,
I. IV, c. xx, t. III, p. 195, peut contester la theso de Hugues
Ménard, alors que lui-même, dans son Thésaurus Anecdotorum,
t. IV, publie un calendrier fort ancien où ce dimanche est appelé
déjà in Palmas. La raison est que dom Martène eut été assez
empêché de se rappeler, dans le premier de ces ouvragesf
son Thésaurus, qui ne fol publié que très postérieurement. Il est
encore question de la cérémonie des Rameaux dans YHittoria
Lausiaea, ch. xxxix, dans les Lettres feslales de saint Athanase,
eldans plusieurs homélies du iv« siècle: lt; xk 8a(». Cf. Mont-
faucon, Collectio Nota Patrum, t. Il, p. xvii, xviu.
2. Real-Encyclopâdie, II, 580; Duchesne, Origines du aile
chrétien, p. 237.
ill't LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

Les trois premiers jours de la semaine sainte,


quelques modifications sont introduites dans la
liturgie. Les hymnes, antiennes et oraisons sont
propres; pour l'heure de Nonc, la synaxe a lieu
dans l'église du Golgotha, et non, comme à l'ordi-
naire, dans celle de la Résurrection. Ce n'est pas l'of-
fice de None ordinaire; il est plus long et admet des
leçons. Le Lucernaire se fait aussi au Golgotha,
contrairement à l'usage des autres temps. Le renvoi
a lieu plus tard dans la nuit ; on conduit l'évéque
dans l'Anasiasicau chant des hymnes, et il y bénit les
catéchumènes et les fidèles selon le rit ordinaire '.
Désormais la liturgie va serrer de plus près le
texte évangélique ; elle nous fera suivre pas à pas
le Seigneur dans sa Passion cl sa mort. Ainsi le
mardi soir, après le Lucernaire, on va au mont des
Oliviers; l'évèquc entre dans la grotte où le Sei-
gneur enseigna ses disciples; il prend le livre des
Evangiles et lit le passage de saint Matthieu (xxv,
3, 4) : « Prenez garde afin que personne ne vous
séduise. » Il y a une oraison, et l'évoque bénit caté-
chumènes et fidèles.

4. Peregrinatio, p. 92. P. 92, ligne 9, il faut évidemment lire "•


semper orationes; lucernarium eliam agitur ibi. M. l'abbé Du-
chesne, dans son édition do ce passage, avait déjà proposé celte
lecture, qui est incontestable. Origines du culte, p. 485.
LA L1IURG1K DE JÉRUSALEM 97

Le mercredi saint, après le Lucernaire, on va


dans l'Anastasic; l'évèquc pénètre dans la Grotte
de la Résurrection : un prêtre vient devant le
canccl cl lit dans l'Evangile le passage de la trahi-
son de Judas. Cette lecture faite en un tel lieu cl
dans un tel moment excite les gémissements et les
sanglots de la foule. La lecture est suivie, comme
le soir précédent, de l'oraison et de la bénédiction
dans la forme accoutumée.
Le jeudi saint, Vigiles, Tierce et Scxtc sont célé-
brées comme les jours précédents. Il n'est pas fait
mention de la cérémonie du lavement des pieds,
ni de la bénédiction des saintes huiles '.
A deux heures de l'après-midi, réunion à l'église
du Golgotha; Silvia ne dit pas quel est cet office,
elle se sert du terme/?/ oblalio. S'il faut entendre ici
ces mots dans le sens du sacrifice complet, comme
cela nous parait très probable, il y aurait ce jour-là
deux messes». Lorsque l'office au Golgotha est sur
le point de se terminer, l'archidiacre s'adresse à la

4. Des critiques modernes donnent ces rites comme de date


plus récente. Cf. Kraus, Real-Encyclopâdie t, 547. Pourtant saint
Cyprien en parle déjà, ep. 70, ainsi que saint Cyrille, 2* catéchèse
mystagogique, et saint Basile, de Spiritu sancto, 27. S. Aug.,
tp. 418. Ad Januar. Cf. Hildebrand apud Volbeding, Le, 1, 33.
2. Peregrinatio, p. 93 ; à rapprocher du passage p. 143. Saint
Augustin dit que le jeudi saint on offrait je sacrifice le matin et le
LltCKOIB DB JtRCSALBM.
' \ 1
98 LA LITURGIE DE JÉRUSALI3I

foule en ces termes : « A la première heure de nuit


(sept heures du soir) réunissons-nous à l'église
du mont des Oliviers in Eleona, car nous aurons
cette nuit un grand labeur. »
Il est quatre beurcs ; on se rend à la chapelle de
la Croix : on dit une hymne seulement, une oraison,
et l'évèquc offre de nouveau le Sacrifice, et tous
communient. C'est le seul jour de l'année, selon la
remarque de Silvia, où l'on offre la Sacrifice à la
Croix 1. Le choix de ce moment pour la messe s'ex-
plique fort bien ; car c'est à celle heure de ta
journée qu'eut lieu la cène et l'institution de l'Eu-
charistie. Cette messe a été conservée dans notre
liturgie; mais clic a été reportée au matin.
Après le Sacrifice célébré à la Croix, on va
de nouveau dans l'église de la Résurrection pour
recevoir la bénédiction ordinaire de l'évéque. On
n'a que le temps do revenir ensuite quelques mo-
ments chez soi pour y prendre un léger repas, car
l'heure fixée par l'archidiacre pour la réunion du
soir approche; il faut partir pour VEleona. L'office
se prolongera de sept heures à onze heures du soir.
On continue à suivre les scènes de la Passion. Après

foir dans certaines églises, en d'autres, le soir seulement.


Ep. LIV, 5,6.
4. Peregrinatio, p. 93 ; avec la remarque ci dessus, p. 76.
I.A IIIUKJIK 1)K JKItlSALKM î*0

le repas du jeudi on l'Eucharistie fut instituée,


Noire-Seigneur alla avec ses disciples au mont des
Oliviers ; l'office avait donc lieu dans l'église même
où était la grotte dans laquelle le Seigneur s'eut re-
tint cette nuit-là avec ses disciples. On disait des
hymnes, des antiennes, des leçons cl des oraisons,
et on lisait le passage correspondant de l'Evangile
dans lequel le Seigneur, au même jour, parla à ses
disciples dans la même grotte *,
L'office ne se terminait à VEleona que pour re-
commencer presque sans intervalle dans une autre
église du mont des Oliviers. Vlmbomon. On s'y
rendait de YEleona vers minuit au chant des hym-
nes, et on célébrait un nouvel office de même nature
que le précédent, et dans lequel leçons, hymnes, an-
tiennes étaient également propres.
Ce dernier office se termine au chant du coq. Mais
te peuple fidèle,qui parait infatigable celte nuit-là, se
dirige ensuite vers une autre église voisine, que
Silvia désigne comme celle où le Christ pria, s*avan-
çant à la dislance d'un jet de pierre *.
Ce qui soutenait les fidèles au milieu de ces prières

1. On ne voit pas trop à quel passage il est fait ici allusion.


Matin, xxvi, 38; Marc, xiv, 36?
2. Peregrinatio, p. 94. Luc sxiit, 41. Pour l'emplacement de
ces différentes églises, Cf. ci-dessus, p. îi ot suiv.
100 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

si prolongées, c'était évidemment la pensée qu'ils


suivaient toutes les étapes de la Passion du Sauveur,
dans le lieu même où l'Hommc-Dicu avait souffert,
et qu'ils revivaient en quelque sorte ces heures
d'agonie. On se contente, dans celte église, de dire
une hymne, une oraison, et on lit le passage de
l'Evangile : « Veillez de peur d'entrer en tenta-
tion '. »
Après une nouvelle oraison, on s'en revient, au
chant des hymnes, jusqu'au jardin de Gcthsémani,
où Notrc-Scigneur fut pris par les soldais. Tout le
monde est à pied, même les enfants ; on s'éclaire
avec des flambeaux nu milieu de la nuit ; mais la
procession avance lentement, car la fatigue est
extrême chez tous, par suite des jeûnes, des longues
stations et des veilles prolongées '. Or, cette nuit-là,
selon la remarque de Silvia, riches et pauvres,
grands et petits, nul ne manque aux vigiles.
A Gcthsémani, hymnes et oraisons recommencent,
suivies de la récitation de l'Evangile où est racontée

4. Mallh. xxvr, 40. Sur ces lectures de la Passion, voir la note


à l'appendice.
2. L'éditenr croit à tort qu'il est question ici non de flambeaux
Portés à la main, mais de fanaux posés le long de la route,
p. 91.
LA LITURGIE DR JÉRUSALEM 101

la capture de Notrc-Scigneur par tes soldats '. De


ces prières, de ces lectures, do ces souvenirs avivés
parla vue des lieux, se dégage une émotion intense
qui gagne tous les assistants. Ils éclatent en san-
glots, et les gémissements, dit Silvia, s'entendent de
Jérusalem *. La plupart de ces rites si exclusivement
locaux ne pouvaient se transporter hors de Jéru-
salem : aussi n'en retrouve-t-on que les lignes géné-
rales dans nos offices des Ténèbres du jeudi et du
vendredi.
Les diverses cérémonies que nous avons décrites
durent jusqu'au matin. Et quand on rentre dans la
ville, le crépuscule permet de a distinguer un homme
d'un homme ».
Nous sommes au vendredi saint, le jour par excel-
lence de € la Passion du Sauveur * t. La procession
pénètre dans la ville et se dirige vers les édifices
sacrés construits sur le Calvaire. Le jour s'est levé
tout à fait; on s'arrête devant la Croix, et on lit

4. Luc, XXII, 43. Cette même lecture et l'une des précédentes


(Matin, xxvi) est indiquée pour l'Eglise syriaque dans l'évangé-
liiire de Rabulas (Walton, I. e.) ad noclem parateeces crucifixio-
nis.
2. Qui lotus ad quod tectus fuerit, tanlus rugitus et mugitus to-
tins popuh est cum fletu, ut forsaa porro ad civitatem gemilus
populi omnisauditus sit. (Petegrinatio, p. 94.)
3. Cf. S. Aug. sermo 2!l ; S. J. Chrysost., opp. u, 411.
102 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

le passage de l'Evangile qui raconte les événe-


ments du matin du grand vendredi, la compa-
rution do Jésus devant Pilate. L'évéque fait sur
ce texte une allocution au peuple pour le fortifier
et l'encourager, car il ne faut pas oublier qu'il a
travaillé toute la nuit et qu'il n'est pas au bout de
ses fatigues. « Le Seigneur, dit-il, nous récompen-
sera de ce grand travail. » Il termine en les invitant
à s'aller reposer quelque temps chez eux. « Seule-
ment, ajoutc-t-il, soyez prêts à revenir à la deuxième
heure (huit heures du matin) pour vénérer le bois
sacré de la Croix et y puiser des grâces de salut.
Puis, après midi nous nous réunirons de nouveau
ici même, pour y lire des leçons et des oraisons
jusqu'à la nuit '. » Mais quelques-uns, avant d'aller
prendre un repos si bien gagné, poussent la dévo-
tion jusqu'à revenir dans l'église de Sion, afin de
prier et de méditer encore devant la colonne à la-
quelle le Christ fut attaché durant la flagellation *.
A huit heures, selon les prescriptions de l'évoque,
on s'assemble à Pédicule de la Croix, et c'est là qu'a
1. Peregrinatio, 95.
2. Celle colonne fut d'abord dans la maison de Caïphe (lier
Burdigat.), puis on la transporta dans le portique de l'égliso de
Sion (S. Jérôme, Peregr. Paula) ; enfin dans celte mémo église
(Theod.,cfe Terra S. § 6, et Arculfe, 1.1, 19). C'est là que Silvia
la vénéra.
LA LITURGIE DR JÉRUSALEM 103

lieu la cérémonie de l'Adoration. Le texte de Silvia


est trop important pour que nous ne le suivions pas
littéralement. Nous retrouvons du reste ici un de
ces rites qui de Jérusalem ont passé dans touto
l'Église.
L'évéque s'assied sur sa chaire : devant lui est
placée une table couverte d'une nappe ; les diacres
sont debout à l'en tour. On apporte le reliquaire
d'argent doré, on l'ouvre, et l'on dépose sur la table
le bois sacré de la Croix cl le titre. L'évèquc étend
la main sur la sainte relique et les diacres veillent
avec lui pendant que fidèles et catéchumènes défilent
un par un devant la table, s'inclinent et baisent la
croix ; ils touchent la croix et le litre, du front et
des yeux, mais il y a défense d'y porter les mains.
Celte surveillance minutieuse n'était pas inutile ; on
racontait à Silvia qu'un jour un fidèle trop peu scru-
puleux, faisant mine de baiser la croix, y appliqua
les dents el parvint à en détacher un morceau pour
s'en faire une relique. Les diacres sont là pour em-
pêcher le fait de se reproduire '.

4. Peregrinatio, p. 96. Peu d'années après Silvia, en 398,


Mélanie faisait le récit de l'Adoration de la Croix à saint Paulin de
Noie qui en parle dans une lettre (Ad Seter., ep. xi). Cf. aussi
ep. xxxï, n. 6. (Pair, lat., t. Ll, 329). Saint Paulin dit que cette
cérémonie ne se fait qu'une fois par an, cum pasca agitur.
L'abbé Houssaye s'étonne à tort de celte expression; il ne n'agit
104 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

Saint Cyrille, qui nous parle, lui aussi, de celte cé-


rémonie, le fait beaucoup plus brièvement, mais il
ajoute cependant quelques précieux détails, c Des
reliques de ce bois sacré, nous dit-il, ont été répan-
dues sur toute la terre. » Il nous donne aussi des

pat du jour de Pâques, comme il le croit, mais bien du vendredi


saint qui s'appelait r.ir/x nvMv.ys» (Revue des questions Au-
toriques, t. XIII, p. 477). Dom Toutlée a cru également à tort
que celte adoration avait lieu le lundi de Pâques (Migne, Pair, gr.,
XXXIII, p. 696). Amalaire constate déjà que de Jérusalem celte
pratique a passé dans toute l'Eglise (lib. I, ch. xiv). Voyez la
même cérémonie décrite quelques sièctes plus tard dans un Ordo
romain, le premier donné par Mabillon (Musei italici, II, 22) et
dans celui que publie M. de Rossi, Inscr. t. II, p. 34 et seq.
Gretser, Opéra, t. H, de saneta Crues, donne divers textes sur
l'exaltation ou l'adoration de la Croix, d'après les écrivains grecs
et les livres liturgiques.Quoique d'époque postérieure, ces textes
sont intéressants, notamment celui de saint Sophrone. Gretser
n'a pas compris ce que pouvait bien être le jeûne de cinq jours
dont parle l'auteur du fragment donné à la page 220; il s'agit
simplement d'une des semaines de jeûne du carême, dite se-
maine de l'hebdomadier, dont Silvia nous parlera plus tard;, en
retranchant le samedi et le dimanche qui ne sont pas jours de
jeûne, restent les cinq jours dont parle l'auleur. A ajouter aux
textes donnés par Grelzer une homélie de Sévérien de Gabala
sur l'adoration de la Croix, Seceriani Gabibrum epiteopi homiliàJ
(éd. Aucher), p 443. L'abbé Duchesne constate pour l'Occident
l'existence de l'adoration de la Croix au vn« et au vin* siècle,
Origines du culte chrétien, p. 233. L'église syrienne d'Antioche
avait aussi pour l'adoration de la Croix une belle cérémonie et
des chants mignifiques. Borgia, dans son de Cruce taticana, nous
en donne le texte.
LA LITURGIE DE JÉRl'SALKM 105

renseignements sur le rcliqua'rc d'argent qui conte-


nait la vraie croix '.
Silvia ne dit pas qu'on chantât le trisagion pen-
dant la cérémonie : ce chant est d'une époque un peu
postérieure ; mais la coutume dut s'en établir de
bonne heure, car un très ancien Ordo romain dit
qu'on le chanteJ.
Après l'adoration de la Croix, chacun va vers l'un
des diacres qui tient deux autres reliques, d'une au-
thenticité moins solidement établie : l'anneau du roi

4. Catéchèse x*, n. 19; Catéch. iv, n. 10; MM, 4. Rivet, un


protestant rationaliste, gêné par ces textes, les prétendait inter-
polés ! D'autres, comme Hildebrand, voulaient qu'on les entendit
non de la relique de la Croix, mais seulement de la Passion. De
diebus festis Libellus. Cf. aussiRufin, Hist. eccl.,\, c. 8,et Pralum
spirit.,cap. 105. Peu après l'époque de saint Cyrille, le reliquaire
fut changé ; on mit un reliquaire d'or. Celui qu'a vu Silvia est le
même dont parle saint Cyrille, nouvelle preuve en faveur de
la date de la Peregrinatio. Sur les reliques de la vraie Croix,
cf. une très curieuse inscription deSétif de l'an 359, Rossi, Bulletin
d'Archéologie chrétienne, 1890, p. 26-28. Sur le titre do la Croix,
cf. de Jesu Christs reliquiis dissertatio hittorieo-crilica (auctore
V. Carmassi), Faenza, 1791. On croyait à tort qu'il avait été
apporté à Rome par sainlo Hélène el s'y était conservé ; le pas-
sage de Silvia prouve le contraire. Le texte nouvellement découvert
do Priscillien s'accorde avec Sozomènepour dire qu'il était rédigé
en trois langues. Schepss , p. 26.
2. Le trisagion dans sa forme "Ay»; 4 eio; est de l'an 443.
L'Ordodont nous parlons, est édité par Rossi, tnscriptiones chris-
fi<in<e,l(,p.34,35.
106 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

Salomon, et la fiole qui servit à l'onction des rois


d'Israël. On les baisait aussi '.
La cérémonie durait de huit heures à midi, tout le
peuple entrant par une porte et sortant par l'autre.
Après que tout le monde a ainsi défilé devant la
Croix, vers midi, on se réunit dans la partie de l'a-
trium à ciel ouvert en Ire la Croix et l'Anastasic. Le
siège de l'évoque est placé devant la croix, et de
midi à trois heures, on lit des leçons avec des hymnes
et des oraisons. Silvia nous donne ici l'ordre de ces
lectures: d'abord une leçon tirée des psaumes, dans
tout ce qui a trait à la Passion du Seigneur; puis
une autre des apôtres, leurs actes ou leurs épi très,
dans, les passages qui se rapportent aussi à la Pas-
sion; puis Iclextcdc la Passion d'après les évangiles,
et enfin les passages des prophètes qui annoncent la
Passion. Le but que l'on se propose, nous fait re-
marquer Silvia, en entremêlant ainsi les lectures de
l'Ancien et du Nouveau Testament, avec des hym-
nes et des oraisons, est de bien montrer l'étroite rela-
tion entre les prophéties et leur accomplissement ;

4. Peregrinatio, p. 97. M Gamurrini pense que Yespasien ou


Titus emporta ces objets à Rome, et qu'ils furent restitués par
Constantin à Jérusalem. Les anciens pèlerins font mention de ces
reliques, par exemple Théodose, Breciarium de Hierotol., % 3.
« Ubi (scilicet in cubiculo crucis) est illud cornu quo Dacid unelus
est et Salomon, et ille annutus ibidem. »
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 107

tout ce que les prophètes ont annoncé de la Passion


du Christ, les écrits des apôtres et les évangiles
prouvent que cela s'est réalisé 1. Elle observe en-
core, comme elle l'avait fait pour l'office du matin,
qu'il n'est personne qui ne pleure au récit de tout ce
que le Christ a souffert .A trois heures on lit l'évan-
gile de la Passion selon saint Jean, suivi de l'oraison.
De l'atrium on se rend dans l'église du Golgotha
et l'on y célèbre Nonc comme les jours précédents.
La liturgie suivant toujours pas à pas le récit évan-
gélique, on vient après Noue au sépulcre où fut en-
seveli le Christ, et on y lit le passage de l'Évangile
dans lequel il est raconté que Joseph d'Arimathic
demanda àPilatclc corps du Seigneur (Matlh. xxvu,
57, ou Jean, xix). L'évangile est suivi, comme à l'or-
dinaire, de la bénédiction de l'évéque. Puis on ren-
voie le peuple, mais ou n'annonce pas, comme les
autres jours, les vigiles, car on sent que les fidèles
à bout de forces ont besoin de repos. Toutefois un
grand nombre d'entre eux et des clercs viennent
faire la veillée sainte auprès de la grotte du saint
Sépulcre, chantant des hymnes et des antiennes
jusqu'au milieu de la nuit ou jusqu'au matin*.

4. Peregrinatio, p. 97.
2. L'Adoration de la Croix, les lectures tirées de l'Ancien et
du Nouveau Testament, entremêlées du chant des psaumes, les
109 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

Ainsi so passe la journéo du Vendredi saint. On


remarquera qu'au milieu de tous ces oxercices litur-
giques, il n'y a pas eu de synaxe eucharistique. La
messo des présanctifiés est d'une date postérieure ;
on la trouve signaléo formellement au Concile in
Trullo et, en Occident, dans l'Ordo d'Einsiedeln
du ixf sièclo et dans les autres Ordines1.

oraisons, la leclure de l'évangile de la Passion, sont décrits d'une


façon à peu près analogue dans les anciens Ordines romani. Ces
divers éléments liturgiques se retrouvent du reste combinés
d'une façon à peine différente dans la partie de l'office do ven-
dredi saint qui, chez nous, précède aujourd'hui encore la messe
des présanctitiés.
4. Cf. Allatius, de Missa prasanetificatorum apud Gracos,
dans son de Bctletix occidentalis atque orientons perpétua consen*
sione (1648). Rossi, Intcripliones, II, p. 34 ; Mabilloo, Mus. ital.,
p. 30 et suiv.
V

LE SAMEDI SAINT, LES VIGILES PASCALES

ET L'OCTAVE
V

LE SAMEDI SAINT, LES VIUILES PASCALES ET LX)CTAVB.

Le samedi saint est appelé dans les constitutions


apostoliques ^ty» «i65«ov, grand samedi (V, 19). A
Tierce et à Sexto, l'office est le mémo quo les autres
jours de carêmo. Mais celui do Nono à trois heures
est supprimé ; on commonce dès cette heure même
les vigiles pascales dans l'église du Golgotha. Silvia
ne s'arrête pas à nous les décrire. « Ces vigiles, dit-
elle, sont comme chez nous », sauf uno particularité
quo nous mentionnerons tout à l'heure. Ces expres-
sions qui se représentent souvent dans Silvia, sont à
noter, car si, comme il est très vraisemblable, elle
vient des Gaules, ces analogies nous aident à nous
rendro un peu mieux compte de co qu'était la litur-
gie gallicane aune époque qui n'en a conservé aucun
monument écrit. Les constitutions apostoliques, qui
ne gardent pas le même silence que Silvia sur la com-
position do l'office de ces vigiles, nous disent qu'on
y lisait la loi (c'est-à-dire les livres de Moïse), les
112 LA LITURGIE DR JÉRUSALEM

prophètes et les psaumes, puis on baptisait les caté-


chumènes selon lo rit reçu, et on faisait une homélio
au peuple '.
C'est en effet lo jour do Pâques qui est par excel-
lence le jour du baptême dans l'Egliso ; la vie nou-
velle donnée à l'âme par lo baptême est comparéo à
la résurrection du Christ. « C'est le jour, dit saint
Ambroise, où le baptême est répandu sur toute la
terre*. »
Quant aux cérémonies du baptême, quo Silvia no
décrit pas davantage, elles avaient lieu dans la nuit
du samedi au dimanche do Pâques. 11 nous serait
facile de compléter son récit par saint Cyrille de
Jérusalem, qui nous les raconte tout au long et ex-
plique aux nouveaux baptisés la signification des
bénédictions, des onctions, des exorcismes qui com-
posent ce rit imposant*. Il nous parle aussi du bap-

4. Conslit. Aposl., I, c. 48.


2. Bxhort. ad eirg., c. vu, 42. Cf. Constit. Aposl., Y, 49 ;
Tertullien, de Baptismo, 49 ; Origène, Sel. in ps. cxvm (II, 796).
3. Catéchise m et Catéchise mystagogique, i, % Cf. aussi dans
l'abbé Duchesne, Origines du culte chrétien, le récit de l'initiation
chrétienne, notamment p. 317, et Plilt, de Cyrilli hieros. oralio-
nibus qua exstanl catecheticis, p. 439. Il n'est pas question de la
bénédiction du cierge pascal que l'on croit à tort postérieure à
cette époque. Nous avons cité le texte de Prudence qui y fait une
évidente allusion. Cf. une discussion de co texte de Prudence
hh LITURGIE DE J^BUSALKM 113

tistere, tvdes bajtthieriï, et do lu bénédiction des


fonls•. Sans nous diro d'une façon bien précise où le
baptistère était situé, Silvia nous indique qu'il était
dans l'église du Uolgothu, ou du moins contigu à cette
égliso*.
La seule particularité que signale Silvia, c'est que
los nouveaux baptisés, infantes, en sortant des fonts,
vont ù l'Anastasio. L'évéquo entre dans la grotte du
saint Sépulcre afin de prier pour ces nouveaux chré-
tiens ; on dit une hymne, et le pontife revient avec eux
dans l'égliso du Golgotha, où lo peuple est toujours
réuni. L'office des vigiles et l'oblation ont lieu dans
cette église; on revient a l'Anastasic au chant des
hymnes pour lire l'évangile de la Résurrection,
comme les autres dimanches, mais avec une plus
dans A. Schvûdl, d* C<reo pateali ; (Uelmst. 1691) contre Gretser,
ds fetlit, I, 25, et Papebrock, Propf. ad Act. SS. Maii, p. 9. Il
est à peino besoin de faire remarquer que Silvia ne dit pas root
do prétendu feu sacré qui, d'après les Grecs, se trouverait mira-
culeusement allumé le samedi saint dans la grotte, depuis la
mort de N.-S. Cf. Assemani, Bibt. or., III, dé lumineS. Stpukkri.
Le chant de YBxulM est attribué tantôt à saint Ambroise, tantôt
à saint Augustin, tantôt à saint Léon, etc.
1. Calètklte myttagogvjui, i, 2, et Calkh. m. Cf. saint Cy-
prieo, ep. LXX ; saint Basile, <f« Spirit* sanelo, 27. Le pèlerin de
Bordeaux nous dit du baptistère : Basitica... kabens ad lalus exttp-
toria unde aqua UtaUr, et baltuum a ttrgo ubi infantes lawxn-
tur.
J. Peregrinatio, p. 80, 35,90, etc.
LIU'ROIS DE JCRCSAUX. 8
111 I.A MTUKGtK I>K jrfhUSALKftl

grande solennité, puisquo c'est ranniversaîre mémo


du jour où est ressuscité le Christ. J/évéquo offre
le Sacrifice, mais tout cela se fait rapidement, pour
no pas prolonger la veille et ne pas fatiguer le
peuple *.
La plupart de ces rites, commo ceux des jours
précédents, nous ont été conservés par la liturgie;
mais ils ont été groupés différemment ot divisés
entre l'office des ténèbres du vendredi saint, l'office
du samedi saint qui n'est autre que celui de la nuit
du samedi au dimanche, et enfin l'office du jour
de Pâques. Tout y rappelle les cérémonies du baptémo
des catéchumènes *.
Il est assez singulier quo Silvia, curieuse, comme

t. Peregrinalio, p. 99.
S. On peut rapprocher de ce passage celui où Silvia parlo du
baptême qui se donnait à Enon sur les bords du Jourdain : < ïllud
etiam presbiter sanctus dixit nobis: eo quod nsque in hodierna
die sempor cala pasca quicumque essent baptizandi in ipso vico,
est in ecclesia qu» appellalur opu Melchiscdech (#fc), omnes in
ipso fonte baptizarentur: sic redirent mature ad candelas cum
dericis et monachis dieendo psalmos vel antiphbnas, et sic a
fonte usque in ecclesiam sancti Melchiscdech, deducerenlur ma-
lure omnes qui fuissent baptizati. » Gamurrini, p. 60. Un pèlerin
du XIII* siècle, fra Ricoldo de Monte Croce, trouva au mémo en-
droit an concours de dix mille personnes de toulo nation qui
viennent recevoir le baptême au Jourdain. Relation de fra Ricoldo.
Cf. Reçue bibl^ue, 11, 56.
LA MTURQIB PB JB*RU8AI«KM 115

nous la connaissons, de tout ce qui touche a la dis-


ciplino ou à la liturgie, no nous parle pas de la récon-
ciliation des pénitents qui so faisait les derniers jours
delà scmaino sainto ; du reste, il est à remarquer que
l'on ne trouve pas la moindre allusion aux pénitents
dans tout le cours de son récit ; coïncidence assez
curieuse, il n'en est pas non plus question dans saint
Cyrille.
Silvia no remarque rien de particulier pour les
autres offices do ce grand jour ; ils sont les mêmes,
dit-elle,quo chez nous, c'est-a-dirc qu'il y avait pro-
bablement la procession aux fonts avec les néo-
phytes.
Après le lucernaire qui se célébrait dans l'Anasta-
sie, la liturgie recommençait à suivre la vie du Sei-
gneur ressuscité. On se dirigeait vers l'église de Sion
au chant des hymnes. La prière liturgique conti-
nuait dans ce lieu sacré du Cénacle, où Jésus, le soir
de la Pdquo, apparut pour la première fois à ses
disciples réunis. On lisait le passage de l'Evangile
dans lequel saint Luc raconte cette apparition 1. On
disait une oraison, l'évéque bénissait les catéchu-

1. Lue. eh. xxiv. Cet évangile est la dans l'Eglise latine, le


mardi de IMques à la messe ; c'est le seul souvenir qui nous soil
resté do celle cérémonie.
mènes et les fidèles, et tout était terminé vers huit
heures du soir*.
Pendant l'octave de Pâques, les céréinoniessont les
mêmes que pendant celle do l'Kpiphanie, et les églises
sont ornées avec la mémo splendeur. Le lundi et le
mardi, l'office (sans doute la messe îles catéchumènes
et la messe des fidèles) se célèbre comme le jour de
Pâques dans l'église du Golgolha et so termine à l'A-
nastasio, le mercredi à l'église de YEleona, le jeudi
àl'Anastasic, le vendredi à l'église de Sion, le samedi
à la Croix, le dimanche suivant au Golgotha*.
De plus, chaque jour de celle oclave, après le re-
pas de midi, Févêquc et le clergé, avec les néophytes
et les moines et quelques pieux fidèles, vont sur le
mont des Oliviers, aux deux églises, celle do la grotte
où Noire-Seigneur instruisit ses apôtres et celle de
flmbomon. On y disait des psaumes et des orai-
sons jusqu'à l'heure du lucernaire, et l'on revient
célébrer cet office à l'AnasIasie.
11 y a aussi chaque jour, durant ectto oclave, des

4. Les détails de ce rit, pir une de ces interversions assez


réqaentes chez Silvia, nous sont donnés p. 100.
t. Nous sjvions déjà par d'autres témoignages que l'Octave de
Pâques étaitcélébrée solennellement Le vendredi de Pâques dans
lo calendrier syriaque de Wright porto la mémoire des confes-
seurs. Surl'ofOco célébré le samedi ante cruce, cf. plus haut nos
remarques, p. 76, note 4, et p. 98.
LA LITl'RGIR DR j£RU8AlKM 117

catéchèses pour les néophytes; mais nous revien-


drons sur ce sujet dans un chapitre spécial, afin de
mon lier ce que Silvia ajoute sur ce point à nos con-
naissances antérieures.
Le dimanche de Quasimodo, rien à remarquer, si ce
n'est une station à l'Kleona dans l'après-midi, avec
des hymnes, des antiennes, des oraisons propres, une
auli'o a rimbomon avec le mémo service liturgique,
uno dernière a l'église de l'Anastasie où so célèbre
le lucernairc. Mais un nouveau souvenir évangé-
liquc rappelle a celle hcuro tardive les fidèles dans
l'église de Sion : c'est l'apparition du Sauveur a saint
Thomas. Après le chant tic quelques hymnes, on lit
ce passage des saints Livres que nous récitons en-
core aujourd'hui a la messe du dimanche de Quasi-
modo (Jean, xx). Après celleleclure,on bénit les caté-
chumènes et les fidèles ; tout est terminé a la deuxième
heure de la nuit (8 heures du soir) 1.

4. Peregrin-itio, p. 100. Mémo lecture indiquée pour l'Église


syriaque (Wallon, I. c.) Lectio cespertita dominiez nowe.
VI

L.\ PENTECOTE. LES ENCÊNIES


L'ASCENSION. — —
OU FÊTE DE LA DÉDICACE
VI

L'ASCENSION. — LA PENTECOTE. — LES EN'CEXIES


OU FETE DE LA DEDICACE. /
Le temps qui sépare Pâques de l'Ascension n'est
marqué par aucuno cérémonio particulière. Chaque
semaine, le mercredi et le vendredi l'office est &
l'église de Sion, les autres jours à l'Anastasio, le
dimanche au Golgotha pour la messe des catéchu-
mènes, a l'Anastasie pour celle des fidèles. La
période des cinquante jours, de Pâques à la Pente-
côte, était considérée h cette époque comme un
temps privilégié ; il était défendu de jeûner et de
fléchir les genoux pour prier \
On ne trouvo pas trace de l'Ascension avant le iv*
siècle. Mais, a partir de ce moment, les témoignages
se multiplient en Orient et en Occident. Les Consul-
tions Apostoliques, saint Augustin, saint Maximo de
Turin, nous en parlent; saint Jean Chrysostome

L Cf. Concile do Nicée, e. 20; Aug., «p. 55. n. 31. Cf. Werns-
dorf, de Qainquagetima pascali, Viteb. 475t, in-4«.
122 LA L1TUR0IK DK JKHUSALEM,

nous dit qu'elle se célèbre à Jérusalem avec une


solennité particulière '.
Mais le récit de Silvia donne lieu ici a une singu-
lière remarque. Elle nous parle bien des offices qui
se célèbrent, quarante jours après Pâques, le jeudi
qui correspond comme époque à notre fôlede l'Ascen-
sion. Mais d'abord elle n'appelle pas celte fétc l'As-
cension ; puis elle nous dit que, dès la veille, le
mercredi après Scxlc, on va àllethlélcm; c'est là
que Ton chantera les Vigiles, dans hgrollcdcla
Nativité. Le lendemain, jour de la fête, la messe se
célèbre à l'ordinaire; les prélrcs et l'évéquc dans
leurs prédications disent des choses convenables au
jour et au lieu où Ton se trouve, c'est-à-dire à la
Nativité du Seigneur *.
Il .y a là,au point devue liturgique, une anomalie
assez étrange qui n'a pas encore élé relevée Aucune \
allusion n'est faite au mystère de l'Ascension. Puis,
n'cut-il pas été tout naturel que la fôte de l'Ascension

4. Ifomil. XIX ad jwpu/, Antioeh. ; Constit. A pot t. Y, 49, et


VIII. 33; Aug. ttrmo 261 ; Max. de Tarin, ttrmoiO, 4?.Socrate,
Mu. Eccl., VII, 26. Elle est donnée dans tous ces documents
comme distincte de la Pentecôte.
2. Patgrinatio, 101.
3. Los interprètes de Silvia n'ont pas remarqué ce point. Gamor-
rini en particulier et l'abbé Duchesno croient qu'il s'agit dans ce
passage de l'Ascension.
I.A LITURGIE DK JKItlSAUM 123

se célébrât dans l'église de l'inibomon, qui était le


lieu môme où le Christ s'était élevé au ciel? On ne
voit pas davantage le motif pour lequel on se rendait
ce jour-là à lJctlilélem *.
-
En réalité, au moment où Silvia nous parle, la fétc
de l'Ascension est encore combinée avec celle de la
Pentecôte. Le récit qu'elle va nous faire de la Pen-
tecôte ne laisse aucun doute sur ce point.
LaPcnlecôtccstlccinquantièmcjouraprès Pâques,
a Encore un jour de gros travail pour le peuple », dit
Silvia. Les Vigiles se célèbrent en Anastasie, lecture
comme tous les dimanches, au saint Sépulcre, de
l'évangile de la résurrection. Le matin on se rend au
Golgotha ; l'office s'y célèbre comme les dimanches
ordinaires, si ce n'est que les prêtres et l'évéquc
abrègent les prédications de façon que la messe puisse'
se terminer avant neuf heures. Car il faut qu'à neuf
heures, ou heure de Tierce, on arrive à l'église de
Sion ; c'est à l'heure de Tierce, on le sait, et à ce
même endroit que le Saint-Esprit descendit sur les
apôtres. On lit le passage des actes qui se rapporte
à ce mystère, et on fait l'oblalion *.
1. A moins que l'on n'admette notre hypothèse (cf. p. 79), et
que l'on ne voie dans cette cérémonie uncallusion à l'Annonciation.
2. Ptrtgrinnlfo, p. 101 ; il semble bien que ce soit une seconde
messe ; car pour la réunion à l'église du Golgotha, elle a déjà dit
offtrlur juxla eontuetudintm.
124 LA LITURGIE DE JB*Rl'SALBM

En renvoyant le peuple, l'archidiacre dit: « Aujour-


d'hui, aussitôt après Scxtc, rendons-nous au mont
des Oliviers afin de nous réunir dans l'église de l'Im-
bomon. »
Chacun se relire pour prendre son repas, et, aussi-
tôt après dîner, on fait l'ascension du mont des
Oliviers ; il ne reste pas un chrétien dans la cité.
On entre dans l'Imbomon, on lit les leçons, les
hymnes, les antiennes propres, et les oraisons, puis
le lexte de l'évangile sur FAscension du Sauveur
au cielt après la résurrection ; on bénit ensuite les
catéchumènes et les fidèles.
Ce passage, je le répète, prouve sans réplique
l'union des deux fêles au même jour, chacune avec
son objet spécial. Le fait de la combinaison en un
même jour de deux solennités qui ensuite se dédou-
blent, n'est pas inouï dans l'histoire de la liturgie. H
faut se souvenir aussi que pour les anciens, jusqu'au
iv* siècle, la Pentecôte, c'est moins la fèle du cin-
quantième jour que l'ensemble des cinquante jours
qui forment une époque liturgique privilégiée, un
temps de joie, et comme une seule fèle. L'Ascen-
sion n'est pas indiquée comme une fèle à part ; elle
est confondue dans la fête générale des cinquante
jours de la Pentecôte. La fèle spéciale de la Pentecôte
n'auraitélé établie, d'après certains archéologues.
LA LITURGIE DE JKHUSALKM 125

que lorsque le peuple chrétien eut cessé de fêter


solennellement les cinquante jours '.
11 élail bon de signaler dans le récit de Silvia celle

particularité, au moins comme une preuve de haute


antiquité pour notre document, car de bonne heure
l'Ascension fui transportée à son véritable jour, le
quarantième après Pâques *.
Saint Cyrille nous parle, lui aussi, de la Pentecôte,
et, comme toujours, son témoignage concorde avec
celui de Silvia ;' il parle de celte église des apôtres
qui conserve les souvenirs du Cénacle et de la des-
cente du Saint-Esprit sur les disciples *.
La cérémonie du jour de la Pentecôte dont nous
avonsparlé,sc termine à trois heures de l'après-midi;
mais les offices vont se succéder jusqu'à la nuit sans
interruption. En sortant de lTmbomon, on va dans
celte autre église du mont des Oliviers qui enfermait
la grotte dans laquelle le Christ enseigna ses apôtres.

4. Tert., de Idot. xiv; de Bupt., c. 19; Origine, Conta Ctlsum,


lib.VIII, H;hênèc,,leP>uchalf,M\gnc,P.O., F//, 1131; Hifarius,
super ptalm. prolog.Aucun des textes cités n'indique que l'Ascen-
sion frit célébrée à un autre jour que la Pentecôte.
2. Dans certaines figlises, la célébration des deux fêtes à deux
jours différents se retrouve dis lo iv« siècle ou le commencement
du ve, notamment dans saint Augustin, sermo CCLXII, CCLW,
ixfAvm. Dans son épilrecxviu ad Januarium, saint Augustin cite
l'Ascension comme une des quatre fêtes d'institution apostolique.
3. Calithiii xvi, n. 4 (Mignc, XXXIII. 923).
12(5 LA LITURGIE DE JERUSALEM

On y célèbre à quatre heures l'office du Luccrnairc,


qui se termine par la bénédiction ordinaire des caté-
chumènes et des fidèles. On descend ensuite en pro-
cession, et Ton conduit ainsi l'Evéque au chant des
hymnes et des antiennes à la basilique du Golgotha.
Lorsqu'on arrive aux portes de Jérusalem, la nuit
est venue et « on allume prèsde deux cents flambeaux,
canclelseccclesiasticx1. » Des portes de la ville au Gol-
gotha la route est encore longue, et l'on n'arrive
dans celte église qu'à la deuxième heure de la nuit,
huit heures du soir. Les portes sont ouvertes à deux
battants et l'on entre au chant des hymnes. La sta-
tion à l'église Majeure est courte ; quelques hymnes,
l'oraison, la bénédiction des catéchumènes et des
fidèles, puis on va, toujours au chant des hymnes,
dans l'AnasIasie, et ensuite à la Croix, et dans Tune
cl l'autre station on dit les mêmes prières et l'on suit
le même rit qu'à l'église de Golgotha. Puis tous les
fidèles sans exception conduisent l'évèquc à l'église
de Sion où se lisent les leçons, les psaumes cl les
antiennes avec l'oraison. C'est l'office ordinaire des
Vigiles; après la bénédiction des catéchumènes et
des fidèles, on baise les mains de l'évèquc, cl l'office
est terminé vers le milieu de la nuit. Silvia fait

I. Pertgrinalio. p 103.
LA LITUKOIK DE JÉRUSALEM 127

remarquer que c'est le jour de l'année où l'on se


fatigue le plus, parce qu'on est sur pied depuis le
premier chant du coq et qu'on n'a pas eu un moment
de trêve. Aussi chacun est-il heureuxd'aller se repo-
ser dans sa maison '.
Silvia ne nous dit pas que le baptême se donnât au
jour de la Pentecôte. Pourtant c'était la coutume
dans plusieurs églises ; Tcrlullicn en parle déjà.
Certains auteurs pensent même que le temps du
baptême s'étendait dans toute la période de Pâques à
la Pentecôte *.
Silvia ne parle pas non plus de plusieurs autres
cérémonies en usage dans les églises d'Occident et
dont l'origine est probablement postérieure; on aura
pu remarquer du reste que pour Jérusalem cette fête
de l'Ascension et de la Pentecôte avait un caractère
très particulier, et que ces diverses cérémonies ne
se sont pas transmises dans les autres églises, comme
celles de la semaine sainte.
La dernière fêle dont nous parle Silvia est celle de
la dédicace, ou des encénies. Ce nom désignait la
fête que les Juifs célébraient comme souvenir de la

4. Pertgrinalio, p. 103.
i. Par exemple Bingham, Maran, Ceillier. La coutume do
baptême à la Pentecôte est attestée pour la Palestine par saint
Jérôme, Inttrh., 14, 18.
123 LA LITURGIE DK je RUS A LE M

dédicace du temple par Salomon. La fête de la dédi-


cace était l'anniversaire de la consécration de l'église
du Golgotha et de celle de la Résurrection, et de
l'invention de la Croix. Silvia ne nous donne pas la
date. Mais nous savons que la fête tombait le 13
septembre 1. Constantin, après avoir bâti les édifices
du calvaire, voulut célébrer magnifiquement leur
dédicace en l'année 335. Les évéques réunis au con-
cile de Tyr se rendirent à son appel ; Eusèbe de
Césaréc pononça un discours, et c'est à lui que nous
devons le récit de cette fête *.
Cette solennité de la dédicace attire à Jérusalem
un grand nombre de moines et A'apotactites, venus
de Mésopotamie, de Syrie, d'Egypte, de ThébnTde et
des autres provinces, et aussi des laïques, hommes
et femmes. Les évoques eux-mêmes se rendent à
Jérusalem pour la circonstance ; le moins qu'il y
en ait, c'est de quarante à cinquante ; Silvia ne
compte pas les clercs. Personne ne se dispense
de ce voyage, dit-elle, sans une grande nécessité; et

1. Pertgrinalio, p. 40$; note 2, qui renvoie a Valois in Eutcb.


de tita Constant, iv, 46. Le calendrier syriaque de Wnght porte
au 13 septembre les Eoeénics du temple de Jérusalem, au 14
l'Exaltation de la Crois. En Occident, la fêle était d'abord au
3 mai ; on prit ensuite le 14 septembre, sans abandonner la fête
du 3 mai. Cf. Gretser, de Cruci, I, c. 62.
2. Eusèbe, de tita Contlantini, I. 111, cb. 33 et s.
LA LITURGIE DE JERUSALEM 129

celui-là pense avoir commis un très grave péché qui


en ces jours n'assiste pas à cette grande solennité. La
fête est célébrée avec autant d'éclat que celle de
Pâques et celle de l'Epiphanie et avec une octave.
Le récit de Silvia s'interrompt brusquement ici,
par suite d'une lacune qui nous prive des dernières
pages du manuscrit '.
Cette perte est d'autant plus regrettable que nous
aurions trouvé dans cette partie du récit, des ren-
seignements sur les fêtes des martyrs. C'eût été le
témoignagele plus ancien pour l'hagiographie mar-
tyrologique de l'Eglise de Jérusalem; il aurait com-
plété ce que nous pouvons recueillir dans quelques
documents anciens sur ce sujet, notamment dans le
martyrologesyriaque, dont nous avons plusieurs fois
parlé. Celui-ci nous signale pour Jérusalem au 13
septembre, la fête de la Dédicace, au 11 février la
fête des sept confesseurs, au 27 janvier celle de saint
Jean 1. Elle nous aurait parlé sans doute aussi de la

1. On peut lire la description de cette fête dans Sozomène.


Itist. Eccl., II, c. 26. Cf. aussi Nicéphore, VIII, 50. Le magnifique
rituel de la Dédicace des églises semble postérieur à cette époque.
Ainsi Eusèbe pour l'église de Tyr, comme on l'a justement re-
marqué, nous décrit la fête, et nous donne le discours qu'il pro-
nonça, mais rien qui rappelle le rit imposant employé aujour-
d'hui pour la consécration.
2. Ce calendrier a été édité par Wright, Journal of sacred
LA LIICAGIE DE JÉHISILEM. 9
130 LA LITURGIE DE jéltUSALEJI

fête de saint Etienne, que l'Eglise de Jérusalem pla-


çait avec orgueil en tête de ses martyrs, de celle de
saint Pierre et de saint Paul 1, de la fête générale
des apôtres ', de celle de saint André, très répandue
en Orient, comme nous le voyons par les homélies,
les poésies, les biographies écrites en son honneur
dès le iv« siècle, et aussi par les monuments que
l'art chrétien lui a consacrés 3.
lileralure, t. VIII, Londres, 4865-1866, p. 45, 423 ; cf. Duchesne,
les Sources du martyrologe hièrowjmien (Mélanges de l'école de
Rome, 1885). M. Duchesne a réédité ce texte avec une traduc-
tion grecque dans le dernier volume des bollandistes, novembre
II, pars prior. Mgr de Waal s'étonne à tort que Silvia ne parle
pas de ces fêtes (Rômishe Quartalschrift, 1887, p. 311). Elle en
parlait probablement dans la partie de son manuscrit que nous
n'a von i plus.
1. Les constitutions apostoliques mentionnent ces fêles
(VIII, 33) ; saint Grégoire do Nysse, de Sanclo Stephano, parle de
celte fête comme sr célébrant au lendemain de Noël ; il indique
aussi la fête de saLl l'ierre et saint Paul dans l'oraison funèbre
de saint Basile. Cf. aussi le martyrologe syriaque de Wright.
Saint Sophrone, qui est un témoin de grande autorité pour l'Eglise
de Jérusalem, assigne à la fête de saint Pierre et saint Paul fâ
date du ÎS décembre, comme le calendrier syriaque. Saint Astôre
d'Amasée nous parle do la fête de saint Etienne. La fête des
saints Innocents, qui est postérieure, se retrouve pourtant déjà
su ve siècle.
2. Constitutions Apostoliques, V, c. 20. Sévérien deGabala, dans
un sermon prononcé à Jérusalem vers la fin du iv« siècle sur
les Apôtres, a un texte éloquent en faveur de la primauté de
saint Pierre. Severiani sermones, cd. Aucher, p. 137.
3. La fête se célébrait soit au 30 novembre, soit au 9 mai.
LA LITURGIE DE JERUSALEM 131

11 y avait encore la fête des Machabées, qui avaient


à Antioche une église dans laquelle saint Grégoire
de Nazianzc a prêché son fameux sermon, et dont le
culte était très populaire en Occident et en Orient au
iv« et au ve siècle. Un voyageur du vie siècle, qui
nous a donné déjà une indication importante au sujet
de la fête de Noël à Jérusalem, Cosmas Indico-
pleustcs, nous dit que le jour où l'on célèbre en gé-
néral la Noël, c'est-à-dire sans doute le 25 décembre,
l'Église de Jérusalem célèbre la fête de David et celle
de l'apôtre Jacques*.
Ce sont là à peu près tous les saints qui avaient au
ive siècle un culte public dans les églises orientales.
Mais qui nous dit que Silvia ne faisait pas mention
de quelque autre nom? Dans un passage de son récit
et comme par hasard, elle nous parle d'un martyr
jusqu'ici inconnu de la ville de Garrhcs en Mésopo-
tamie, Hclpidius, dont la fête se célébrait avec une

Cf. les actes de son martyre dans Woog, Pretbyterorum et dia*


conorum Aehiioe de martyrio S. Andréa, Lipskc, 1749, ou Gai*
landi, I. Li translation de son corps à Constanlinople en 359 avait
donné un nouvel essor à son culte.
4. Lo calendrier syriaque fait mention de saint Jacques au
27 décembre en même temps que de saint Jean. Cosmas Indico*
pleustes(ap. Monlfaucon, Colleetio Nota, II, 193): « hoo*oAv;i:-
ta......-.f, vivvx {ivïjfir, ir.iïù.foii tvj A*vt$ v.tl lawôSov to>
>

'Aït'/^Xw oi îiivtw; xxî tf, sb-rf, *,(*£?? "(7>v ?'y' "**'>'J"V


182 LA LITURGIE DE JERUSALEM

grande solennité*. Nous savons aussi par elle que


lorsque ces fêtes des martyrs tombaient un mercredi
ou un vendredi, ou ne jeûnait pas ; il y avait sans
doute aussi oblation, comme le voulait la coutume
générale.

4. Peregrinatio, p. 69. Cette fêté se célébrait le 9 des calendes


de mai.
VI

LA DISCIPLINE DU JEUNE. LES HBBD0MAD1ERS

ET LES APOTACTITES
VI

LA DISCIPLINE DU JEUNE. LES IIEDD0MAD1ERS

ET LES APOTACTITES

Silvia ne mentionne que le jeûne du carême cl


celui du mercredi et du vendredi de chaque semaine.
Ce dernier remonte à la plus haute antiquité ; il est
attesté dès les temps apostoliques; on appelait ces
jours-là stations, le jeûne se prolongeait jusqu'à
None, et il y avait généralement réunion liturgique '.
Nous avons dit déjà en quoi consistait à Jérusalem
d'après Silvia le jeûne du carême. Mais il nous reste
à parler de ces intrépides jeûneurs, les hebdomadiers,
qui, en carême, s'abstiennent de toute nourriture
durant la semaine entière. Ils prennent le dimanche
leur unique repas après la communion vers onze
heures, et ils jeûneront avec la plus inflexible rigueur

4. La&fe//, TG»V *AÏ»T»AW# (VIII, 4); le pasteur d'IIermas


[Simil., V, 4) ; Tertullien, de jejun. 11, etc. Cf. Thomassin,
Jeûnes, p. 145, 44S ; Duguel, Conférences ecclésiastiques, I, 411
suiv. ; Dochesne, Origines d* culte, p. 219.
136 LA LITUBOIB DR JERUSALEM

jusqu'au samedi suivant ; encore ce jour-là ne rom-


pront-ils le jeûne que pour un unique repas après
la communion, comme le dimanche \
Silvia parle aussi des apotaetites, hommes ou
femmes; c'étaient des moines connus pour leurs
principes d'extrême sévérité *. Non seulement en ca-
rême, mais durant toute l'année, ils ne mangent
qu'une fois par jour, quand ils mangent. Ceux de
ces apoctatites qui ne peuvent faire une semaine
complète de jeûne comme les hebdomadiers, ont la
consolation défaire une demi-semaine; ils mangent
le jeudi ; ceux qui ne peuvent faire la demi-semaine
font deux jours. Il en est qui vont jusqu'à manger
une fois parjour, le soir. Chacun du reste, dit Silvia,
fait comme il peut, unusquisque ut potest facit. Cette
réflexion est dictée par la plus sage discrétion;
comme chacun agit dans la mesure de ses forces, la
bonne volonté est égale chez tous ; on ne loue pas
celui qui fait davantage, on ne blâme pas celui qui

4. Peregrinalio, p. 87, 88.


2. Cf. plus haut, p. 37, où nous avons vu que Silvia employait
souvent ce mot comme synonyme de monachi ou monazonta.
Rien n'indique qu'elle les considérât comme hérétiques. Il est
certain pourtant que plusieurs professaient les erreurs mani-
chéennes et furent condamnés comme tels par Théodose en 381
et 383 (Cod. Theod., I. XVI, lit. V, de heerelicis, 1. VII et I. 41).
Cf. Peregrinatio, p. 74-75.
LA LITURGIE DR JERUSALEM 137

fait moins. Chez les anciens maîtres de la vie spiri-


tuelle, nous trouvons de très sages conseils dans le
même sens. Ces jeûnes prolongés qui exténuaient le
corps, n'étaient paysans danger pour l'âme; une sorte
d'émulation s'établissait parfois parmi les jeûneurs;
la vanité y trouvait son compte, et celui qui jeûnait le
plus était quelquefoiscelui qui se sanctifiait le moins.
De là les plaintes ou les conseils que nous lisons
dans saint Jérôme ou dans Cassien.
Silvia n'est pas lo première à nous parler de celte
coutume. Saint Dcnys d'Alexandrie, au m* siècle,
saint Epiphaneau rv*ct d'autres encore, mentionnent
aussi les jeûneurs d'une semaine, ceux d'une demi-
semaine ou de deux jours. On appelait ces jeûnes
accumulés,superpositions '.
En dehors de ces jeûnes consistant dans l'absence
complète de nourriture, il y avait encore la xéro-
phagie, qui revient à peu près à ce que nous appe-
lons abstinence; elle était plus ou moins complète.
Celle dont nous parle Silvia était fort rigoureuse, car

1. S. Denys, Ep.canon. ch. i. Cf. aussi Migne, XXXIII, 4037,


note de Touttée. S. Epiph. Erposilio fidei, n. îi; S. Augustin,
de J/or. Ecetesioe, XXXIII ; et surtout le passage de saint Jérôme,
à propos d'Asella : « Quat quum per omnem annum jugi jejunio
paseerelur, biduo, tridnoque sic permanens (absque ulto cibo), tum
rero inquadragesima natigii telapandebat, omnes penehebJomadas
vultu loelante conjungens. » (Ep. xxiv, n. 4.)
138 LA LITURGIE PB JERUSALEM

elle excluait toute espèce do mets, en dehors d'un peu


de farine et d'eau*. Mais il y avait une abstinence
beaucoup moins sévère qui consistait à ne s'ab-
stenir que de vin et de chair. C'est celle dont parlo
saint Cyrille ; saint Jérôme, que l'on n'accusera pas
de mollesse, permet le pain, les légumes, les fruits,
les poissons*.
Do PAques à la Pentecôtc,comme nous l'avons dit,
personne ne jeûne: c'est ce que Silvia nous affirme,
d'accord avec saint Epiphanc et plusieurs autres
Pères. Ce temps était considéré comme un temps do
fête et de joie*.
Pour la Pentecôte, on a cru à tort que Silvia par-
lait d'un jeûne spécial. Il nous semble qu'elle ne
parle que de la coutume générale de toute l'année
pour le jeûne, qui reprend ses droits après la Penlc-

4. Cf. Thomassin, Traité des jeûnes de FEglise, 1" partie, ch.


xx.
2. S. Jér. ad Leelam ; de instit. filioe; ad Demetr., de tirg. ser-
tanda; Constit. apost. I. Y, c. xvm ; S. Cyrille, catéchèse iv, 27.
Cf. sur ces différents points : Launoy, de Cibis jejun., Opéra 11,
pars II, 666 ; Berlhelet, TràUè historique de fabstinence de la
viande (Rouen, MDCCXXXI), p. 41 et suiv., et Thomassin, Jeûnes,
p. 63-73.
3. Peregrinalio, 88. Quelques-unes de ces abstinences, restes
du manichéisme et d'une fausse conception du monde et de la
matière, étaient condamnés par l'Eglise. Cf. concile d'Ancyre,
canons apost. 45, et la note de Gamurrini, Peregrinatia,p. 88.
LA LITUROIB DB JÉRUSALEM 139

côte*. On jeûnait le mercredi et le vendredi et à cer-


tains autresjours, mais jamais le samedi ni le diman-
che ; le samedi pour honorer le repos de Dieu au jour
du sabbat, et le dimanche, jour de la résurrection du
Christ. C'est la vieille coutume, sanctionnée parles
constitutions et canons apostoliques; l'Kglisc occiden-
tale fit au contraire, do bonne heure, du samedi un
jour de jeûno, et ce fut entre les deux Kglises une
des causes de discussion.

4.Jam autem de aliadie quinquagesimarum omnes jejonant


juxta consueludinem sicut toto anno, quisque proul potesl, ex-
cepta die sabbati et dominica, qua nunquam jejunalur in iisdem
locis. Nous traduisons : A partir du lendemain de la Pentecôte, on
jeûne selon la coutume du reste de l'année, c'est-à-dire on reprend
la coutume dujeûne suspendue durant le temps de Pâques, etc. Un
jour de jeûne le lundi de la Pentecôte est en effet inconnu à
l'antiquité.Cf.Thomassin, Traité des Jeûnes. Cependant saint Léon
parle (Ton jeûne au temps de la Pentecôte : c Jejunium vernnm
in Quadragesima, «{trust in Penlecoste, sotumnale in mense
septembri, brumale mense decembri celebramus. » Cf. sermo 7 et
aussi S. Aug.,«<rmo 358, 5.
VII

LES CATÉCHUMÈNES. SILVIA ET LES CATÉCHÈSES


DE S. CYRILLE DE JÉRUSALEM
VII

LES CATÉCHUMÈNES. SILVIA ET LES CATÉCHÈSES


DE S. CYRILLE DE JÉRUSALEM

Une autre question sur laquelle Silvia répand une


vive lumière, c'est celle des catéchumènes. Quoique
la discipline fût la même partout dans ses grandes
lignes,elle comportait bien des variétés dans les points
de détail. Le temps ducatéchuménat, le nombre des
catéchèses, leur objet, les conditions d'admission,
n'étaient pas les mêmes dans toutes les Eglises *. Celle

4. Pour ne citer que quelques exemples, en Occident, l'objet


des catéchèses était l'oraison dominicale et le Credo; à Jérusalem
et dans certaines églises elles roulaient sur le Credo; dans d'autres
seulement sur le Pater ; quelquefois le Credo était commenté en
deux ou trois conférences; ea d'autres églises le nombre des con-
férences était plus grand, etc. Cf. Probst, Lekre und Gebet in de»
drei ersten ehristl. Janrhund. (Tublogue, 4871) et dom Touttée
dans Migne, P. gr., t. XXXIII, p. 145 suiv. Les catéchèses de
saint Cyrille que nous avons, sont très probablement de l'année
3IS. Voyez la démonstration de dom Touttée qui écarte les dates
postérieures ou antérieuresque l'on avait proposées (Migne, /. c,
p. 454). Dans tous les cas, il n'y a que peu d'années de différence
entre saint Cyrille et Silvia, et les usages n'avaient pas eu le
temps de se modifier sensiblement.
144 LA LITUBOIK DB JERUSALEM

do Jérusalem avait pour ses catéchumènes une vigi-


lance toute spéciale. Ce qui donne plus d'intérêt aux
détails que nous pouvons recueillir dans la Peregri-
natio sur co sujet, c'est qu'ils nous permettent d'é-
clairer le texte de saint Cyrille et de fournir sur ses
catéchèses des notions que ses anciens interprètes,
malgré leur érudition, ne pouvaient soupçonner.
Quant aux auteurs plus modernes, ils n'ont pas en-
core songé à étudier la Peregrinatio à ce point de
vue ».
Silvia comme saint Cyrille ne connaît que deux
catégories dans les catéchumènes : les audientes ou
écoulants, qui composent la première classe, et les
élection compétents, qui sont arrivés au second degré
do l'initiation chrétienne. Du reste, il est prouvé
aujourd'hui qu'il n'a jamais existé parmi les catéchu-
mènes que ces deux catégories; les autres classes,
fientes,proslrati ou orantes, que l'on a imaginées, ne
reposent que sur des textes mal interprétés *.

4. Th. Plitt,d« Cyrilli kieros. orationibusquoe exslant cateekelieis


(Heidelberg, 4855) et Kluck, der Kateckumenatnacb dent heilige
Cyrillton Jérusalem (Kotnolik, 4878, II, 132-149), sont anté-
rieurs ; mais le docteur Nader, qui a publié en 4894 son ouvrage
que nous avons déjà cité, ne fait même pas allusion à la Peregri'
natio : Der heil. Cyrillus, Bisckof ron Jérusalem in seinem Leben
«. seinem Sckriften.
5. C'est la thèse établie par Mayer, Gesck. des Kateckumenats
LA LITURGIE DR JERUSALEM 145

Silvia ne s'occupe pas de la catégorio des audtentes.


Ces catéchumènes n'étaient pas soumis à toutes les
sévérités delà loi chrétienne; néanmoins ils vivaient
de la vie des fidèles, et dans leur compagnie, assis-
taient à presque tous les offices, sauf la synaxe
eucharistique, et jouissaient des privilèges de la fra-
ternité chrétienne. Plusieurs s'accommodaientsi bien
de ectto vie qu'ils attendaient la vieillesse ou la me-
nace d'une mort prochaine pour se faire initier et
baptiser. Il n'est pas rare de rencontrer, dans les
conciles et les Pères de l'Eglise de cette époque, des
plaintes assez vives contre cet abus.
Pour entrer dans la catégorie des compétents qui
se préparaient directement au baptême, il fallait avoir
passé un certain temps parmi les audientes. Le con-
cile d'Elvirc, qui contient toute une législation au
sujet des catéchumènes, exige deux ans de stage dans
les cas ordinaires, trois ans pour ceux qui ont été
llamines ou prêtres des dieux. Les constitutions apos-
toliques exigent trois ans dans tous les cas *.

M. der Katecheu,cl par Fonk(Tk>of. Quartalsckrift, 4883, p. 44),


thèse moins nouvelle du reste qu'on ne l'a cm. Dom Touttée l'en-
seigne déjà : Deeateckesibus Cyrilli, apud Migne, P. gr., t. XXXIII,
443soiv. Cf. cependant les observations de Probst sur celte
thèse: Gesckiekle der katkolisHun Kalerkese, Breslau,4886,p. 6,
et Kaleckesê «. Predigl, 4884, p. 99, et Mader, I. e. p. 440, 444.
4. Concil. IUib., c. 4, 9, J9, 41, 45,68, etc. Cf. Duguet, COU-
LA trrrnciE I»E JERCSALEM. 10
146 LA LITURQIK DK JERUSALEM

Celui qui a rempli cette condition préalablo .et


qui veut passer dans la classe des compétents, donne
son nom au commencement du carême. Un prêtre
inscrit ce nom sur un registre; celte inscription qui
était faite solennellementconstituait un engagement
sérieux; en temps de persécution elle pouvait deve-
nir pour le catéchumène la cause de graves dangers.
Sous Dioctétien les persécuteurs, pour atteindre sûre-
ment les chrétiens, se procurèrent quelquefois a prix
d'argent ces matricules. Ceux des chrétiens qui,
trahissant leurs frères, livrèrent ainsi ces cahiers aux
bourreaux, furent appelés tradileurs, et l'Eglise les
frappa des mêmes peines quo les autres tradileurs
qui avaient livré les saintes Ecritures ou les vases
sacrés ».
Saint Cyrille dans sa procatéchèse nous parle aussi
de celte cérémonie de l'inscription *. H nous dit

férenees ecclésiastiques, t. 1,48* dissertation. Ce concile, d'après


l'opinion la plus commune, se tint au commencement du iv* siècle
ou a la fin du m*. Coustii. apost., vin, 31. Sur ces (lamines cf.
Duchesne: Le Concile iTElcireet les famines chrétiens (Mélanges
Rénier). '
4. Concil. Arel. c. xm. « De his qui Scripturas sacras tradi-
disse dicuntur, velvasa Domini, relnominafratrum suorum, pla-
cuit nobis... ut ab ordine cteri amoveaotur... »
î. 'KITÎJXOS^ • XXÏT4Ç«OOT,Î • Miïi jiT,tpô;
5voji»sor.»ÊvSY?*?Tt—
fiyr/xti Swï x%\ foyxïipiz, oT ir.vtfio'srztt. Migoe, t. XXXIII»
340. et 353..
.
LA L1TUR0IB DK JERUSALEM 147

formellement, d'accord avec Silvia, qu'elle avait lieu


le premier dimanche de carême, et non le second,
comme quelques auteurs l'ont pensé, ni lo troi-
sième et le quatrième, comme c'était la coutume,
chez les Latins*.
Le lendemain les catéchèses commencent. On pose
la chaire de l'évèquc au milieu de l'église du Gol-
gotha *. Les prêtres s'asseyentde chaque côté sur des

4. Peregrinatio, p. 404 ;S. Cyrille, procat. (Migne, P.gr.,


t. XXXIII, p. 333, note 3). Marligny, Diel. des antiquités ckrét.,
2* éd. v* catéckuménat, indique à tort le *• dimanche. Ce
qui a été une cause d'erreur pour lui, pour Touttée et pour quel-
ques autres, c'est, comme nous l'avons déjà dit, que dans le
compte des quarante jours de Carême, ils ont oublié de défalquer
les samedis.
5. Gamurrini (Peregrinatio,p. 95, note S) pense que cettechaire
n'était autre que celle de saint Jacques, premier évéque de Jéru-
salem, conservée dans l'église de Sion. L'hypothèse n'est pas in-
vraisemblable. Pierre Diacre, qui l'emprunte sans doute à Silvia,
comme il lui a emprunté taol de traits, dit à ce propos: « In
eedesiatero quoe dkitur sancta Sion esttkrouus Jacobi fratris Donti-
ni. » De lotis sanctis, apud Gamurrini,p. 418. Sulpice Sévère ditla
mêmechose dans la vie de saint Martin (éd. de Prato, 1,389). On
sait aujourd'hui avec quel soin on conserva dans certaines églises
les chaires des premiers fondateurs. Sur la chaire de saint Marc,
cf. Secchi, IAS catledra alexandrina di san Marco etangelittae
martyre in Venezia. Venise, 4853, in-4°. Sur celle de saint
Pierre à Rome, de saint Ambroise à Milan, de saint Maximien à
Ravenne, cf. Real Encyclopédie deKraus au mot Rathedra. Celle
do saint Jacques à Jérusalem a été certainement conservée
longtemps. Euscbe, //. E. VII, I.
148 LA LITl ROIK DK jéRU8ALEU

sièges, et les clercs restent debout. On amèno un à


un les compétents, les hommes avec leurs pères ou
parrains, et les femmes avec leurs mères ou mar-
raines
.
L'évèquo procède alors à un examen de la vie et
delà conduite de celui qui se présente. 11 interroge
ses voisins : « Est-il de bonne vie? Obéit-il à ses pa-
rents ? n'a-t-il pas quelque autre vice ? » S'il est
prouvé, par devant témoins, qu'il est honnête, l'é-
vèquc prend son nom; sinon on l'invite à se retirer et
à ne se présenter que lorsqu'il sera corrigé. Touto
la procatéchèse de saint Cyrille n'est guère qu'un
commentaire de ces paroles de l'évéque; ilénumère
tous les motifs humains qui pouvaient pousser un
catéchumène à se faire affilier à l'Eglise, et il
exhorte ses auditeurs a n'apporter à cette initiation
que de saintes dispositions et de salutaires pensées *.

I. Il est déjà question des parrains et des marraines dans


saint Justin, de ortk. qwanl. 456, dans Tertollien, de bapt., 48,'
dans saint Augustin, serm. 116, 163, 219, etc. lis sont appelés
ogerentes, sponsores, compatres. fideijussores, susceptores, patres
et maires. C'est de ces derniers termes que se sert Silvia. Cf.
aussi sur ce point la dissertation de Schuler, de susceptoribus,
in-4*, 4688.
S. On peut voir aussi dans les canons de saint Hippolyte ré-
cemment commentés par Achelis, que des coutumes analogues
régnaient à Rome pour la réception des catéchumènes. Texte und
Unlers.,\lÂ.p. 76seq.
LA Liri'ROlK PB J^RUSALBU 149

Pendant les quarante jours de jeûne qui les sé-


parent encore do l'Aqucs, c'est-à-dire tous les jours
sauf les samedis et les dimanches, le matin ùl'Anas-
lasie, après l'office des Matines (Laudes), ilssout exor-
cisés par les clercs avant la catéchèse '. Saint Cy-
rille nous dit en quoi consistait cet exorcisme;
l'exorciste soufllait trois fois à la face du catéchu-
mène, et le prêtre touchait ses oreilles et ses narines
en récitant des prières. Les hommes étaient séparés
des femmes. A Antioche la catéchèse précédait l'exor-
cisme; mais à Jérusalem, Silvia et saint Cyrille sont
d'accord pour nous dire que la catéchèse ne venait
qu'après l'exorcisme *.
La chaire de l'évèquc est alors placée dans l'é-
glise du G olgol ha. Les catéchumènes se rangent tout
autour, les femmes d'un côté, les hommes de l'autre,
ayant auprès d'eux leurs parrains et leurs marraines
et ceux du peuple qui veulent y assister, mais les
fidèles seulement ; les catéchumènes de la première

1. On a nié quelquefois, mais sans motif suffisant, que cet exor-


cisme eût lieu chaque jour. Cf. Pliltrfs Cyrilli kieros. orationibus.
Heidelb., 4855, p. 438. Le texte de Silvia est formel.
t. Peregrinatio, 405; Cyrille, Catétk. i, 9 et procat. n. 9 et
n. 4 4 (Migne, l.c. p. 160) ; S. Jean Chrysostome pour l'usage d'An-
tioche, 1* ad illmmin. Il est certain d'après ie passage de Silvia et
quoi qu'en aient pensé dom Touttée et d'autres auteurs, que la
catéchèse avait lieu chaque jour comme l'exorcisme.
150 LA LITDRGIK VK jéRUSALKM

classe ne sont pas admis,?parce que les mystères ne


doivent pas leur être révélés. Saint Cyrille dans sa
procatéchèse recommande à ses auditeurs de ne pas
livrer à ces catéchumènes le secret des instructions'.
En quel lieu se donnaient les catéchèses? La ques-
tion restait obscure malgré toutes les recherches
auxquelles on s'était livré; il était réservé à notre
document de faire aussi la lumière sur ce point.
Dom Touttée combat par d'excellentes raisons ceux
qui croyaient que ces fameuses catéchèses avaient
été préchecs soit dans le vestibule du baptistère, soit
sous les portiques de la basilique; mais son système
topographique étant erroné, il pense que c'est dans
l'église de la Résurrection que saint Cyrille a pro-
noncé tous ses discours durant le carême, et que les
catéchèses myslagogiques ont été donnée» clans l'in-
térieur même de la grotte du Saint-Sépulcre '. Mais
l'évèquc seul pouvait pénétrer dans la grotte du
Saint-Sépulcre ; il eût été du reste matériellement
impossible d'y inlroduirc tous les catéchumènes.
Le texte de Silvia, qui d'ailleurs cadre avec lesallu-
sions topographiques de saint Cyrille, nous amène a

4. Cf. sur ces différents points dom Touttée, qui donne exaetc-
tement les mêmes détails que Silvia d'après les catéchèses de
saint Cyrille (Migne, l. e., p. 459 et 895 note 4.)
t. Migne, I. c, p. 129, 130, 157, 459 et855.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 151

une autre conclusion.Les catéchèses avant Pâques ont


été précitées dans l'église du Golgotha, selon Sil-
via. Dans les catéchèses qui précèdent Pâques,
saint Cyrille fait sans cesse allusion « à ce lieu
sacré et bienheureux du Golgotha dans lequel nous
sommes maintenant rassemblés... à ce rocher du
Golgotha sur.lcquel nous sommes... à ce Golgotha
trois fois saint dans lequel on ne doit jamais se ras-
sasier d'entendre parler des trophées du Seigneur »,
ctc.'.Cc n'estqu'après IWques,toujours d'après Silvia,

I.Migoe, /. e, pp.468, 471, 517,685,776,800,820,914.Cepen-


dant il faut avouer qu'il y a sur ce point dans sainlCyriile un pas-
sage qui, au premier abord, fait difficulté. Dans la xiv« catéchèse
n» 14, il dit : « celte sainte église de la Résurrection dans laquelle
nous sommes maintenant réunis... » Or cette catéchèse apparte-
nant à la série de celles qui ont été prononcées avant Pâques,
aurait dé être donnée, d'après notre système, non pas dans
l'église de la Résurrection, mais dans celle du Golgotha. Dans
nn autre passage de la même conférence, il a l'air de décrire la
grotte de la Résurrection comme l'ayant sous les yeux (n. 9). Il
y a là une réelle difficulté qui disparaîtra si l'on veut admettre
que ce jour-là saint Cyrille donna, contrairement à l'usage, sa
catéchèsedans l'Anastasie ; et comme précisément cette caté-
chèse roule tout entière sur le sujet de la résurrection, l'excep-
tion s'expliquerait saos peine. Ce qui justifie celte hypothèse
c'est que dans l'explication du symbole, quand il arrive à l'article
sur le Saint-Esprit, il avoue que puisqu'il a parlé du Christ
sur le Golgotha, il aurait dé parler do Saint-Esprit dans l'église
de Sion, où il est descendu. Biais il n'a pas voulu séparer le Fils
du Saint-Esprit, etc. (xvi« catéchèse, n. 4). Il faut remarquer
encore que la catéchèse xiv« dont nous avons parlé ci-dessosest
152 LA LITURGIE DR JÉRUSALEM

que les catéchèses auront lieu dans l'église de l'Anas-


tasie ou de la résurrection. Saint Cyrille, dans sa
xvin* catéchèse, la dernière prononcée avant PAques,
dit formellement à ses auditeurs : « Après la synaxe,
(il s'agit de la synaxe eucharistique), entrant dans
le saint lieu de la Résurrection, vous entendrez
d'autres catéchèses, si Dieu le veut '. »

précisément celle qu'ont tant invoquée les partisans d'une seule


église. « Ce lieu de la résurrection et du Golgotha n'est pas
appelé église, comme les autres églises, mais Marlyrium, témoi-
gnage » (xiv«, n. 6). Hais ce passage ne saurait contredire les
textes si précis et si formels que nous avons cités en faveur de
la distinction des deux églises. Nous ferons observer d'abord
que ces paroles sont une interprétation forcée d'un texte
d'Ecriture sainte. Le saint docteur vent prouver que le prophète
dans ces mots : In dieux resurreelionie in Marlyrium (m lesti*
monium), a prévu le lieu même de la résurrection qui devait
s'appeler Marlyrium. L'application est au moins contestable. De
plus le titre de Marlyrium appliqué à une église n'est pas, quoi
qu'en dise saint Cyrille, un fait unique. Le mot de Marlyrium est
couramment employé au ive siècle pour désigner des églises
construites sur la tombe d'un martyr. Silvia l'emploie quelquefois,
dans ce sens. Quant aux deux églises de l'Anastasie et du Gol-
gotha, on disait aussi le Marlyrium de la résurrection et le
Marlyrium du Golgotha, quoique le terme de Marlyrium fût
employé de préférence pour le Golgotha. Silvia nous fournit
elle-même des exemples à l'appui [Peregrinalio, p. 61, 69, 75).
Le fameux texte de saint Cyrille peut donc s'interpréter dans ce
sens : ce lieu de la résurrection et du Golgotha n'est pas appelé
égtise, comme les autres églises, mais Marlyrium, Marlyrium
du Golgotha et Marlyrium de la Résurrection.
l.Migne,/. c, p. 1036.
LA LITURGIE DK JÉRUSALEM 153

C'est à l'évoque que revenait de droit la charge de


faire les catéchèses aux compétents, tandis que les
écoutants pouvaient être insh ùts indifféremment par
des prêtres, par des clercs ou même par de simples
laïques. Il y avait cependant dans bien des églises un
doctor ecclesioe, dont les fonctions ne sont pas encore
très bien connues, mais qui avait, entre autres
charges, celle de catéchiser les catéchumènes du pre-
mier degré '. On peut remarquer que, parmi les
oeuvres des anciens écrivains ecclésiastiques, la plu-
part des catéchèses aux compétents ont pour au-
teurs des évoques. Il y avait cependant quelques ex-
ceptions; il y en eut une en particulier à Jérusalem
pour saint Cyrille, qui n'était pas encore évoque au
moment où il donna les siennes2. Mais il le devint
peu de temps après, et il est possible que l'évèquc de
Jérusalem dont nous parle Silvia fût saint Cyrille,
qui n'est mort qu'en 380. L'objet de ces conférences
était, nous dit-elle encore, l'explication de la sainte
Écriture, depuis la Genèse, d'abord charnellement,
c'est-à-dire au sens littéral, puis spirituellement;
l'évèquc traitait ensuite de la Résurrection et des

4 Sur le doctor ecclesioe ou doctor aulientium, cf. les canons


de saint Hippolyle; Cypriani episl. xxiv; DoJwell, Ditsertationes
Cyprianica*, dissert. vr,p. 107, et Wigne,Palrol.gr.,XXXII, 444.
1. Voyez les motifs de cette dérogation, Migne, P. gr.,
t. XXXIII, 38, 431,433 et 154-155.
151 LA LITURGIE DR JERUSALEM

choses de la foi. 11 est évident que. pendant un si


court espace de temps, il ne pouvait donner qu'un
résumé très élémentaire de la doctrine.
La catéchèse durait de Prime à Tierce, trois
heures environ. C'est bien, en effet, à peu près l'es-
pace de temps que représentent les catéchèses de
saint Cyrille. Lui-même s'adresse souvent à son audi-
toire pour l'encourager, l'exhorter h la patience :
« Je crains de vous fatiguer: Que nul ne se lasse...
Mon discours se prolonge f... »
Après avoir suivi ces catéchèses chaque jour pen-
dant les cinq premières semaines de carême, les com-
pétents reçoivent le Symbole des apôtres. On croit
assez généralement que le Symbole n'élait pas écrit,
mais qu'on l'apprenait par coeur. Pendant la sixième
et la septièmesemainc, l'évèquc prenaitchaqucarticlc
du Symbole comme texte et le développait.
Tous les détails que Silvia nous donne ici sont bien
conformes aux renseignements que l'histoire nous a
conservés sur les catéchèses de saint Cyrille, à la con-
dition d'apporter à leur distribution telle qu'elle a
été faite par ses précédents éditeurs certaines modi-
fications qui paraissent s'imposer depuis la décou-
verte du manuscrit d'Arezzo'.
4. Cyrille, Migne, XXXIII, p. 799. Cf. aussi p. 160.
2. C'est l'édition de dom Touttée qui a été reproduite dans le
L\ L1TUR0IR HE JERUSALEM 155

Dans l'oeuvre de saint Cyrille que nous possédons


aujourd'hui, il y a une procatéchèse, dix-huit caté-
chèses de carême et cinq autres appelées mystago-
giques. Dom Touttée part de ce principe que la pro-
catéchèse fut prononcée le premier dimanche de
carême et les dix-huit autres s'échelonnent dans le
cours du carême, qui selon lui, nous l'avons dit, n'est
que de six semaines. Son système de classement est
du reste ingénieux et bien étudié; plusieurs points
restent acquis ; mais il semble que sur d'autres il
doive èlre réformé radicalement d'après Silvia 1.

tome XXXIII de la Patrologiegrecque. Il faut rendre hommage


à la science et au labeur si méritoire du savant bénédictin ; son
édition est une des meilleures oeuvres de l'illustre congrégation
à laquelle il appartenait. Aussi la plupart des critiques que nous
avons faites ou celles que nous devons faire, ne portent que sur
des questions encore insuffisamment connues à celte époque.
4. Yoici en résumé ce système : la procaléchèse est au pre-
mier dimanche de carême par celle raison que l'affluence et le
caractère de l'assembléeindiquent une synaxe dominicale. Les
i", ne, m«, iv«, v« catéchises appartiennent à la première se-
maine de carême ; les vie, vue, viue à la deuxième ou à la
troisième semaine ; la ixe à la troisième semaine ; les xe, xie,
XII*, trois jours consécutifs de la troisième ou de la quatrième
semaine ; entre la xm« et la xiv« il y eut quelques jours d'in-
tervalle (à cause de xtv, 4, diebus anleactis) ; la xme appartient à
la cinquième semaine ; la xive, au lundi de la semaine sainte ; les
xve, xvie, xvn*, XVIII*, aux mardi, mercredi, jeudi, samedi de
la même semaine (Migne, /. c, p. 456) ; les cinq catéchèses
mystsgogiqoes sont do lundi au vendredi de la semaine pascale.
156 LA LITUR0IE DE JKROSAI.KM

Pendant les cinq premières semaines de carême, on


se le rappelle, les catéchèses roulent sur l'Ecriture
sainte, sur la Résurrection et sur la foi ; il y a des
catéchèses tous les jours de six à neuf heures du
matin, sauf le samedi et le dimanche. Nous croyons
qu'une partie de ces catéchèses de saint Cyrille ont
péri; les quatre premières seules et la procatéchèse
pcuvcntapparlcnir à cette catégorie '.
La sixième et la septième semaine, d'après Silvia,
sont consacrées à l'exposition du Credo, article par

Quant aux heures des catéchèses, Touttéepense qu'elles variaient,


les unes étaient prononcées dorant la synaxe eucharistique, les
autres à la fin des vigiles, d'autres de None a Vêpres, les caté-
chèses mystagogiques vers midi. Il serait facile de faire par le
détail la critique de ce système ; plusieurs de ces preuves sont
fondées sur des rapprochements assez spécieux, mais ne résistent
pas aux objections; quelques -unes de ces remarques sont pourtant
justes et doivent être prises en considération. Il y a aussi des
réserves à faire, nous le montrerons bientôt, sur le lieu dans
lequel Touttée croit que se tinrent les conférences. Les autres
auteurs que nous avons cités sur les catéchèsesde saint Cyrille,
Plilt, Mader, etc., n'ont pas revisé sérieusement le système de
Dom Touttée sur ces différents points.

4. La tradition du Symbole avait lieu, d'après Silvia, avant de
commencer l'explication déco document article par article, c'est-
à-dire à la Gndela cinquième semaine ou au commencement delà
sixième.C'est a la cinquièmeconférence de saint Cyrille qu'a lieu
' cette tradition, précisément avant la série des catéchèses sur le
symbole. D'après plusieurs allusions de saint Cyrille, on peut
prouverque les catéchèses avaient lieu chaque jour ; do moins il
est fait allusion à h catt'chèsc de la vtillc (Mtgte, I. c, p. 606,
LA LITURGIE DK JÉRUSALEM 157
«

article. Or, à partir de la sixième catéchèse jusqu'à


la dix-huitième, saint Cyrille commente ce symbole
article par article. Il y a correspondance parfaite
comme on peut le voir par le tableau suivant :
lie caléchèsc, lundi \
7« —
mardi I

8« mercredi (
— > li» semaine
9*
— jeudi t
10* vendredi ]

il* — samedi '
12* catéchèse, lundi \
13*
— mardi I
14*
— mercredi f
> "î" semaine
...
l;te — jeudi.. (
16e — vendredi \
lie — samedi /
18e caléchèsc, dimanche des Hameaux.

Cette dix-huitième catéchèse qui reste hors de la»


série, est celle de la reddition ou récitation du
Symbole; il y est fait allusion dans le corps

691, 730). Pourtant, p. 825, il est parlé de la conférence


précédente comme ayant en lieu diebus anteactis. Mais comme
cette catéchèse eut lieu un lundi (d'après le n. 24) et qu'il n'y
avait pas de catéchèse le dimanche ni le samedi, les termes
diebus anfeiclh peuvent s'entendre de la conférence do vendredi.
158 LA LITURGIE DE JB*HUSALBM

de la conférencef. Or Silvia nous dit précisément


que cette cérémonie s'accomplissait le dimanche
des Rameaux. Nous avons omis le dimanche pré-
cédent, car d'après son témoignage, d'accord avec
celui de saint Cyrille, il n'y avait pas catéchèse le
dimanche *. On a vu que dans notre système les
catéchèses se terminent le dimanche des Rameaux.
Silvia nous dit en cfTet qu'il n'y en avait plus durant
la semaine sainte à cause de la longueur des offices.
Ce système a donc l'avantage d'établir une con-
cordance exacte entre Silvia et saint Cyrille.
Il y a cependantdeux difficultés que nous ne dissi-
mulerons pas. D'après Silvia, il n'y aurait pas eu de
catéchèses le samedi ; nous avons pourtant été obligé

4. Nigne, L c.,4043. Touttée met celte catéchèse au samedi


saint, mais sans autre preuve que des analogies trompeuses.
St. C'est ce que dom Touttée avait déjà reconnu ; mais il n'estpas
toujours resté fidèle à son système. Saint Cyrille dans ses caté-
chèses fait allusion à des discours prononcés le dimanche, mais
c'étaient des sermons qui s'adressaient à tout le peuple et non
pas des catéchèses : « Vous m'avez entendu parler dimanche à
la synaxe sur le sacerdoce do Christ à propos do texte Saeerdos
seeundum ordinem Melchiscdech. » Cf. Migne, 679, AD. Ce ser-
mon ne so retrouve pas dans les oeuvres de saint Cyrille. Ailleurs
il dit : a Je devrais vous parler de l'Ascension à propos de l'ar-
ticle Ascendit in ccelum; mais hier dimanehe j'en ai parlé dans
l'assemblée en expliquant l'évangile du jour sur l'Ascension. »
(Migne, 855-853.) Touttée se demande quel est ce dimanche ;
d'après notre hypothèse, c'est celui de la Passion:
LA LITURGIE DB JÉRUSALEM 159

de compter une catéchèse le samedi de la 6* et de la


7* semaine. On peut expliquer cette divergence en
disant ou bien qu'il y aurait eu, de l'année 318,
date des catéchèses de saint Cyrille, à l'année
386 ou 388, époque à laquelle écrivait Silvia, des
changements de détail ; ou bien que Silvia, quand
elle nous dit au commencement du carême qu'il n'y
a pas de catéchèse le samedi, ne nous parle que des
cinq premières semaines.
Une difficulté plus sérieuse est que la xiv» calé-
chèse de saint Cyrille a dû être prononcée un lundi,
tandis que dans notre supputation elle tombe un
mercredi '.Sur ce point encore, un changement
a pu se produire. Nous n'avons pas prétendu,
au reste, établir un calcul d'une absolue rigueur.
Mais il nous semble que dans son ensemble le sys-
tème que nous venons d'exposer est celui qui se
rapproche le plus de la vérité, et qu'il éclaire d'un
jour nouveau l'oeuvre de saint Cyrille *.

I. Migne, /. c, p. 856: « 'AXV i, toî eso-» yiatc $xov4pi;?s


îtXT.oimti « £x»'ï?z!, xatà ?i,v f,«xitbiv «OÉVλ.»/, cf, yOU
*,JJU3Ï XXT! TT,V lô;îtïxv/ v.x-C O!XOVO{JU*V tf,< (teCa; '/ipiv*t, tv
zrt Tj'ik\tt, etc. »
i. Il y a parmi les oeuvres des Pères un certain nombre de
catéchèses sur le Symbole que l'on peut comparer à l'oeuvre de
'évéque de Jérusalem ; par exemple celles de Rufi«i, de saint
Augustin, de saint Pierre Chrysologue, de Maxime de Turin, de
160 LA LITUR01B DE JÉRUSALEM

Revenons au récit de Silvia. Pour la reddition du


Symbole au dimanche des Rameaux, l'évèquc vient à
l'église du Golgotha '. On place sa chaire dans l'abside
derrière l'autel. Alors un à un les hommes avec leurs
parrains, les femmes avec leurs marraines, viennent
lui réciter le Symbole. L'évèquc leur dit: « Pendant
Ces sept semaines vous ave/ élé instruits de toute la
loi des Ecritures, et aussi de la foi, de la résurrection
delà chair et de quelques autres points. Mais, étant
encore catéchumènes, vous ne pouvez entendre les
mystères plus profonds, à savoir le baptême. Après
le baptême, pendant les huit jours qui suivent
P.iqucs, vous serez initiés après la messe, clans l'église
de la Résurrection, aux mystères les plus sccrels *. »
C'est à peu près dans les mêmes termes que saint
Cyrille annonce aux catéchumènes les catéchèses
qu'il leur fera entendre durant la semaine pascale,

Fauste de Riez, de Césaire d'Arles, de Fulgcnce de Ruspe, de


Nicélas d'AquUée (Mal, Coll. Nova, III, 332). de saint Ambroise
(Explanalio symboli ad initiandos) dans Mal, Scriptor. tel.,
Roma?, 1833, que l'on croyait de Maxime de Turin, restituée à
saint Ambroise par Caspari, Quellen s. Getch. der Taufiymbol. Il,
50-58 et 64-65. Au sujet de la formule du Symbole employée
par saint Cyrille dans ses catéchèses, cl. dom Suitbert BaOmer
Dos aposlotiscke Glaubensbekenntnis, p. 93.
4. Dans certaines églises la reddition du Symbole a lieu un
autre jour, assez souvent le jeudi saint.
î. Peregrinalio, p. 107.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 161

« Dans les catéchèses de ces jours de carême nous ne


vous avons pas tout dit, nous avons laissé de côté
certaines choses. Mais voici qu'approche le jour de
Pâques où vous serez illuminés dans le Christ par le
baptême de la régénération ; nous vous enseignerons
alors ce qui convient à ce nouvel état... Nous entre-
rons dans le saint des saints, nous aborderons dans
ces catéchèses mystagogiques l'explication des mys-
tères qui s'y accomplissent... Puis nous vous expli-
querons les mystères des cérémonies du baptême et
de la réception du Saint-Esprit, les mystères de l'au-
tel du Nouveau Testament, nous vous dirons comment
il faut vous conduire afin de jouir de la vie éter-
nelle '. »

1. XVIII*catéchèse, n. 32, 33; xix* (1» mystagogique), n. 41.


Les deux premières catéchèses mystagogiques ont pour objet le
baptême ; la troisième, la confirmation ; la quatrième et la cin-
quième, l'Eucharistie. Quelques auteurs supposent qu'il y avait
une sixième mystagogique pour le samedi in albis, catéchèse que
saint Cyrille semble annoncer dans la dernière de celles qui ont
précédé le baptême (XVIII*, 33). Nais par ailleurs il dit dans la
cinquième catéchèse mystagogique qu'il a couronné l'édifice,
que l'oeuvre est achevée ; de plus, d'après Silvia, il n'y a pas
de catéchèse le samedi. On peut comparer celte partie de
l'oeuvre de saint Cyrille aux catéchèses adressées aux néophytes
par saint Gaudence de Breseia, saint Augustin ad infantes, saint
Ambroise de mytteriis, et de saeramentis, etc. Parmi les oeuvres
des anciens Pères grecs. nom n'en possédons aucune sur ce
sujet, en dehors de celle de saint Cyrille.
LA LIIIBOIE DE JÉhlMLfc*. Il
162 LA LITURGIE DE JÏBUSALKM

Silvia continue en nous disant que pendant la


semaine pascale, chaque jour après que l'office est
terminé dans l'église ditGolgolha, vers midi, on va
dans l'églisede la Résurrection au chant des hymnes.
On dit une oraison, l'évèquc bénit les fidèles, il se
place dans la grotte et expose les mystères du bap-
tême. Les fidèles et les néophytes sont seuls admis à
ces conférences ; on ferme les portes de l'église afin
que nul n'y pénètre durant ce temps. L'exposition
des mystèresde la foi(baptème, confirmation, Eucha-
ristie) est accueillie par les néophytes avec de telles
acclamations que leurs voix sont entendues au
dehors *. Saint Cyrille, saint Jean Chrysostome,
saint Augustin font foi aussi, dans leurs catéchèses
aux néophytes, de ces cris, de ces trépignements, de
ces acclamations joyeuses 2.
La seule langue que l'on parlât officiellement dans
ces discours et dans les offices liturgiques, était le
grec, nous dit encore Silvia. Mais elle ajoute qu'il.)*
avait des gens parlant le syrien (syro-chaldécn); les
catéchèses de l'évèquc et les lectures de l'office étaient
interprétées eu syriaque. Il y avait aussi des Lntins
ne comprenant aucune de ces deux langues; mais les

1. Peregrinalio. p. 106-107.
2. Saint Cyrille, xtit* catéchèse, n. ti.
LA LITURGIE DE JÉRUSALEM 163

frères et les soeurs leur traduisaient dans leur langue


les discours des prêtres ou les textes liturgiques '.

Après cette longue étude sur la liturgie de Jéru-


salem au iv* siècle, on nous permettra d'indiquer
quelques conclusions générales. Nous retrouvons
dans celte Église un fonds commun à toutes les litur-
gies antiques, des éléments identiques qui appar-
tiennent manifestement à une liturgie primitive, et
dont les vestiges subsistent à travers les âges. C'est
par ces analogies nombreuses que les liturgies di-
verses trahissent leur unité d'origine. Ce fonds
commun est composé en partie de certaines pratiques
empruntées au culte mosaïque ou au rituel des syna-
gogues, récitation et chant des psaumes, lectures de
la Bible, prières du jour et de la nuit, en partie d'élé-
ments d'origine purement chrétienne, la cène ou
synaxe eucharistique, les souvenirs de la vie, de la
passion, de la mort et de la résurrection du Sauveur.
Kn dehors de ces traits communs à toutes les litur-
gies, celle de Jérusalem possède un caractère très
spécial: c'est l'importance qu'y prend l'élément
I. Pour l'église de Belliléhem, saint Jérôme nous dit que les
louanges du Christ étaient chantées en diverses langues. Le
témoignage de Silvia prouve qu'à Jérusalem le grec était em-
ployé à l'exclusion de toute autre.
164 LA LITURGIE DE JÉRUSALEM

topographique. Kllcest une liturgie locale et, si l'on


peut dire, autochtone. Il semble qu'elle se soit déve-
loppée en grande partie sous l'influence des souve-
nirs attachés à la crèche de Bcthléhcm, au mont des
Oliviers, nu Golgotha, à la grotte du saint Sépulcre,
à la chapelle de la Yraic Croix, au Cénacle ; c'est le
pèlerinage quotidien, la liturgie des Lieux saints.
Or on sait que depuis Hadrien, c'est-à-dire depuis le
commencementdu second siècle, jusqu'à Constantin,
les souvenirs chrétiens étaient enfouis sous la terre,
et la trace même en paraissait perdue. A moins donc
de prétendre que la liturgie de Jérusalem avec ses
attaches topographiques .monte au commencement
.
du second siècle, assertion qu'il serait difficile, nous
semblc-t-il, d'appuyersur des preuves positives dans
l'état actuel de nos connaissances, ce serait au
ivt siècle que cette liturgie, au moins pour toute
la partie locale de ses rites, aurait sa date d'ori-
gine. C'est là un fait d'une grande importance pour
l'histoire de la Liturgie ; c'est une donnée chronolo-
gique sérieuse dans une histoire où, comme le
savent les archéologues et les liturgistes, les données
chronologiques sont si rares.
De Jérusalem cette liturgie s'est répandue peu
à peu dans les autres provinces chrétiennes qui
ont adopté une partie de ses usages.
LA LITURGIE DE JE*RU9ALfcM 165

Ce qui a dû encore frapper le lecteur dans la nar-


ration de Silria, c'est l'influence singulière exercée
par la liturgie sur les fidèles de Jérusalem. Il semble
que l'on assiste à un drame vivant dont les specta-
teurs suivent toutes les phases avec un intérêt sou-
tenu et toujours grandissant, qui va parfois jusqu'à
l'angoisse. Les fidèles prennent part aux cérémonies
qui retracent la vie et la mort du Sauveur sur les
lieux mêmes qui en ont été les témoins ; ils en sai-
sissent facilement le sens ;ces rites parlent en même
temps à leurs yeux et à leurs coeurs. Aujourd'hui
que les événements dont les Lieux saints furent le
théâtre ont reculé dans le lointain des Ages, que
plusieurs de ces rites ont disparu, que d'autres sont
venus s'y ajouter, que quelques-uns peuvent sembler
faussés par une série de transformations incons-
cientes, le sens liturgique s'est émoussé. Pour tous
ceux qui ne savent pas, au moyen de l'histoire et
de l'archéologie, reconstituer cette liturgie antique,
les cérémonies n'ont plus un sens bien précis ; ce
sont des symboles dont ils ont perdu la clef.
Ce qui donne une valeur singulière, au point de
vue liturgique, au récit de Silvia, c'est qu'elle nous
fait revivre pour un moment dans ce milieu, elle
nous rend toute vive l'impression de ces grandes
scènes liturgiques. Quand elle prit la plume à Cons-
166 LA LITURGIE DR JÉRUSALEM

tantinople pour fixer sur le papier ses souvenirs, elle


ne pensait qu'à édifier ses soeurs bien-aimées, « lu-
mière de son âme », comme elle les appelle, à les
consoler dans leur monastère des bords du Rhône.
Et c'est jusqu'à nous, hommes du xix* siècle, que
son manuscrit, conservé par une copie de la biblio-
thèque du Mont-Cassin, est parvenu comme un écho
à peine affaibli de la vie religieuse et liturgique de
Jérusalem au îv* siècle.
APPENDICES

TABLEAU DES LECTURES DE L'ÉCRITURE SAINTE


D'APRÈS LA PEREGRtSXItO

Dans notre travail sur la Peregrinalio,nous avons noté


certains rapprochements entre les lectures faites à Jéru-
salem au cours de l'oflîce, et celles que Ton récitait à la
même époque dans d'autres églises. Mais nous n'avons
pas eu la prétentiond'épuiser le sujet. Nous donnons ici
le tableau de toutes les lectures indiquées par Silvia,
afin de rendre plus facile l'étude de cette question.

Les dimanches ordinaires.far/wi de TÊtangxle de la Résurrection,


à l'office des vigiles.
Pour la fétc «le la Purification. Luc il, 22.
Le samedi de L-tzare (.«aniedi avant les Rameaux), Jean xi. et
Jean XII, 1-12.
Dimanche des Rameaux, Matth. xxi.
Mardi Saint, office du soir, Matth. xxr, 3, I.
Mercredi Saint, office du soir, Trah'ton dt Judas.
Jeudi Saint, office du soir, Matth. xxvi, 33, ou Marc xiv, 36.
Jeudi Saint, la nuit, Luc xxm, 41.
Vendredi Saint, la nuit, Matth. xxvi, 40.
Vendredi Saint, la nuit, Luc xxu, 4$.
Samedi Saint, an matin, comparution du Christ devant PUate
168 APPESWCES

Samedi Saint, après-midi, Matth. xxvu, 57. ou Jran xix, appari-


tcn aux d:scrpUs.
Pâques, après-midi. Luc xxiv, apparition aux disciples.
Dimanche de Quasimodo, Jean xx, apparVon à saint Thomas.
Pentecôte, Actes des apôtres i. 1-12, el écangile de VAscension.

Il

LA LECTURE DE LA PASSION
D'APRÈS SILVIA ET LE DIA1ESSARON

Il nous semble résulter des termes qu'emploie Silvia


au sujet de la lecture de la Passion, que celle lecture se
tirait tantét de l'un, tantôt de l'autre évangile, mais
qu'on n'avait pas à Jérusalem, comme en cerlaineséglises,
un récit unique, dans lequel étaient fondus et accordés
les quatre évangélisles, scion la forme de diatessaron,
employée depuis Tatien et même avant lui. Si l'on en
croit l'abbé Martin, la forme de leclionnairc non harmo-
nisé, et c'est le cas de la liturgie de Jérusalem d'après
Silvia, cette forme remonterait à l'époque antérieure à
Tatien ( Revue des questions historiques, XLIV, p. 31). Car
depuis Tatien, les liturgistes auraient eu l'habitude de
combiner les textes évangéliques. Mais celte thèse est
loin d'être prouvée. H semble, d'après un passage de
saint Augustin, que le saint docteur fila llipponeun essai
de diatessaron pour la Passion (Sermon 232, Pair. lai.
t. XXXVIII, col. 1108).
La remarque que nous avons faite au sujet du leclion-
nairc de Silvia ruine aussi par certains celés l'hypothèse
APPENDICES 161»

de Savi (Revue biblique, u, 326 seq.). Selon lui, dans


l'Eglise syrienne, jusqu'au commencement du v« siècle,
on lisait dans la liturgie les évangiles harmonisés selon
le diatessaron de Talien. Au v« siècle, on aurait substitué
dans les deux fractions de l'Eglise syrienne occidentale
cl orientale, les évangiles séparés, à l'ouvrage de Tatien ;
saufpeut-être pour le récit de la Passion où l'on garda
le diatessaron.

III

LE MANUSCRIT DE LA PEIOEGMXATIO

Le manuscrit contient en même temps que la Pereqri-


nalio de Silvia,deux ouvrages inédits de saint llilaire,
son traité de Mtjsleriis et trois hymnes *. Il est écrit sur
parchemin et se compose de trente-sept feuillets. Les ca-
ractères appartiennent à l'écrilure connue en paléogra-
phie sous le nom de bénévenline ou longobardo-cassi-
nienne, qui fui en usage en Italie et en particulier au
Monl-Cassin,du neuvième au douzième siècle *. Après
un examen attentif du manuscrit, le savant bibliothé-
caire a reconnu qu'il n'est pas tout entier de la même
main. Les quinze premiers feuillets qui comprennent les
ouvrages de saint llilaire diffèrent par l'orthographe,
l'écriture et la disposition des lignes, des vingt-deux der-
I Nous nous permettrons de renvoyer sur ce point à notre
cathol.,f
article sur tes écrits de mint llilaire de Poitiers, Rttue du Monde
février 18SS.
2. On trouvera un spécimen de celle ccrilure dans la I'* édi-
tion de M. Gamurrini.
170 APPENDICES

niers feuillets renfermant le voyage aux Lieux saints.


Néanmoins les deux rédactions paraissent dater à peu
près de la même époque, le milieu du onzième siècle.
Aux caractères du manuscrit d'Arezzo, M. Gamurrini
pressentit qu'il pouvait avoir une origine étrangère, et il
n'a rien négligé pour arriver à établir sa provenance.Ses
recherches palienles, servies par une habile érudition,
l'ont amené à des résultais intéressants qu'il expose dans
son introduction. Aucun catalogue connu de manuscrits
ne mentionne le traité de saint llilaire cl ses hymnes, ni
la Pertgrinalio ad loca sancla, sauf un catalogue de la
bibliothèque du Mont-Cassin, composé vers 1532. En
remontant dans l'histoire de la célèbre abbaye, M. Ga-
murrini découvre que, en 1070, un de ses bibliothécaires,
Léon d'Oslic, a cité dans sa Chronique les deux écrits de
saint llilaire; et son successeur Pierre Diacre, dans son
livre des Lieux saints, a fait de larges emprunts à la
Pertgrinalio. Il demeure donc à peu près certain que le
manuscrit a été composé dans ce monastère. Après la
mention au catalogue de 1532, on en perd la trace. Vers
1650, un abbé du Mont-Cassin, le savant Angelo de Nuce,
qui fouilla tous les manuscrits de la bibliothèque cl en
dressal'inventairc, ne parle pas de celui qui nous occupe*
Mais pendant qu'il disparait au Mont-Cassin, on le voit
npparaitresur un autre point. Angelo de Conslantia,voya-
ge urérudi t qui visita un grand nombre de bibliothèques
d'Ilalie,s'arréta à Arezzo vers 1788,cl dans la bibliothèque
d'un monastère de celte ville, l'abbaye des Sainles-Flore-
et-Lucille,il trouva notre manuscriteten fit mention dans
son voyage scientifique f. Du reste, il n'eut pas le temps

1. Vodtporlco nelP archtv'o stor. per le Marche eVUmbrta, vol. II,


p. 537.
APPENDICES 171

de l'étudier et il ne semble pas se douter du trésor qu'il


laissait à exploiter à des chercheurs plus habiles.
Reste à expliquer maintenant comment du Mont-
Cassin ce volume est venu a Arczzo. Il faut remarquer
que l'abbaye de Sainte-Flore d'Arezzo entretenait d'in-
times relations avec celle du Monl-Cassin, si bien que des
abbés du Mont-Cassin purent devenir abbés de Sainte-
Flore. Ce fut le cas d'Ambroise Rostrellini, qui,de 1599 a
1602, fut abbé du Mont-Cassin et se retira ensuite dans
l'abbaye ombrienne où il exerça la même charge en 1610.
M. Gamurrini conjecture avec beaucoup de vraisem-
blance que ce fut le savant abbé qui transporta le ma-
nuscrit dans sa nouvelle abbaye, sans doute en vue d'une
édition ; mais il fut prévenu par la mort, qui arriva en
1611. Notre intéressant codex n'était pas au bout de ses
pérégrinations. En 1810, Napoléon chassa les religieux
de Sainte-Flore : une partie de leurs manuscrits et de
leurs livres fut dispersée, l'autre fut recueillie dans la
bibliothèque de la confrérie de Sainte-Marie. De ce
nombre était le document en question, qui malheureu-
sement a perdu quelques-uns de ses feuillets à travers
les péripéties de son voyage. C'est là que le bibliothé-
caire actuel a eu la bonne fortune de le découvrir 1. Il en
a fait une élude approfondie, dont il a consigné les con-
clusions dans divers articles et dans une communication
à la conférence d'archéologie chrétienne dirigée par
M. de Rossi, séance du lOmai 1885*.

1. Ce manuscrit est inscrit dans le catalogue sous le n* vi, 3.


/
2. Le premier article est inliinlé : Mwéri egl ''nui d; S. Ma-
rio rescoto dl Poitiers ed u»a peregfinoz'nne a! luogh 1 santi dtl
quarto seeoto. Le second : iMlla ined'ta peregrtnailone ai tuogh*
tant'. Ils ont paru tous les deux dans les Studtt e dommetiti di
lit,
storla e d'ritto, annoII, 1831, et anno IM3.
172 APPENDICES

IV

LA DATE DU VOYAGE ET SON AUTEUR

Le slyle, la latinité, la description du pays et des


moeurs, à défaut d'aulres renseignements, nous trans-
porteraient au quatrième ou au cinquième siècle. Mais
on peut préciser la date à l'aide de certains indices qui se
trouvent dans le texte même de la relation.
L'auteur a vu Edcsse ; d'après sa narration, nous cons-
tatons quel'églisede Saint-Thomas qu'il y a visitée, était
encore séparée du tombeau de cet apétre '. Or, en 394,
le tombeau fut transporté dans l'église par un évêque du
nom de Cyr,etil y est demeuré depuis ce temps 9. D'autre
part, l'évéque de Carrhes * dit à notre voyageur que la
ville voisine de Nisibe et le pays de Hur sont maintenant
au pouvoir des Perses *. Mais nous savons que la domi-
nation des Perses ne s'étendit sur ces contrées qu'après
la malheureusecampagne de Julien l'Apostat et la paix
désastreuse de Jovicn, en 363. C'est donc après 363 et
avant 394 qu'a eu lieu ce voyage.
Il est facile de resserrer encore ces limites extrémes.-
On voit, d'après maints passages du récit, que l'Orient,
au moment où notre voyageur le parcourt, jouit d'une
paix profonde après une persécution. Il parle des églises
rétablies, des monastères partout florissants, des con-

1. Gamurrini, Sanclt Ilttarii Tractatus... et sanete Silviat Père-


grinatio, p. 64.
2. Assemani, Sibt. Orient., t, 39!».
3. Ville de Mésopotamie au sud d'Edcsse.
4. Gamurrini, J. c, p. xxvn et II.
APPENDI0E8 173

fesseurs qui ont autrefois soufierl pour le Christ, et qu'il


a le bonheur de visiter. Evidemment, cette persécution
nepeutélre que la persécution arienne de Valens, qui
dura de 361 à 378.
Enfin, l'évèquc d'Edcsse dont nous parle l'auteur, est
précisément un de ces confesseurs de la persécution pré-
cédente. Dans la série desévéques de celte église, on nu
trouve que saint Euloge à qui s'appliquent les rensei-
gnements qui nous sont donnés ici, cl cet évéque est
mort en 387 ou 388. C'est donc définitivement dans cet
espace de dix années (378-388) qu'il faut placer le pèle-
rinage en Orient 1. M. Gamurrini, d'après une identifi-
cation dont nous parleronsbientôt, fixe plus positivement
la date de 385 h 388, car le voyage a duré trois ans. De
retour àConstantinople cl avant de renlrerdans sa pairie,
notre pèlerin a écrit ses impressions de voyage, et il est
facile de voir, à la précision du détail et à un certain
décousu dans le récit, qu'il n'a guère fait, dans sa
rédaction, que recopier les notes prises au jour le jour
durant ses pèlerinages '.
La date fixée, est-il possible de savoir à qui nous
devons ces pages intéressantes ? Les premiers feuillets
du manuscrit, qui, sans doute, nous eussent renseignés
sur ce point, ont péri. Par ailleurs il n'existe, que nous
sachions,aucune allusion à cet ouvrage dans les écrivains
anciens. Au onzième siècle, Pierre diacre, le premier
1. On a vu qu'au cours de notre étude sur ta liturgie de Jéru-
salem, nous donnions plusieurs autres preuves en faveur de celle
date. Cf. aus.«i plus haut, page 5.
2. lbid, p. xxxr. — Nous laisserons de coté, comme moins con-
cluantes, quelques autres preuves que l'éditeur apporte pour fixer
la date de la Peregrinalio, par exemple la loi du secret que l'écri-
vain observe rigoureusement, ce qu'il dit des moines apotacliles,
l'usage qu'il fait de ta version italique, etc.
174 APPENDICES

qui en ait fait usage, scconlenle d'encopier des passages


dans son livre De locis tandis, sans rien nous apprendre
sur l'auteur. Nous pouvons cependant suppléer en partie
à ce silence par les renseignements que nous puiserons
dans l'ouvrage lui-même.
Nous apprenons, d'abord, que l'auteur est une femme
qui écrit pour ses compagnes formant une communauté
de vierges ou de saintes femmes. Elle les appelle mes
soeurs vénérables, ma lumière, lumière et maîtresses de
mon âme. Même dans cet accent de tendresse fraternelle
qui règne d'un boula l'autre du récit, on sent le ton
d'une douce autorité ; il est bien Vraisemblable que celle
qui parle est a la léte du monastère. Cette hypothèse
acquiert une nouvelle apparence de véritépar ce fait que,
dans le catalogue de la bibliothèque du Mont-Cassin,
rédigé en 1532, un des manuscrits, qui parait être le
nôtre, commençait par ce mol Abbotissa, abbetsc, terme
qui désignait sans doute l'auteur du voyage.
Ce point une fois admis, on s'explique plus facilement
le nombreux cortège de moines, de clercs et d'autres
compagnons de route qu'emmène avec elle la voyageuse,
et les honneurs extraordinaires qu'elle reçoit partout.
Les moines, les prêtres, les évêques, avec leur clergé,
vont à sa rencontre, l'entourent avec un empresse-
ment mêlé de respect, ta reçoivent avec honneur dans les
églises et les sanctuaires, la comblent de présents et lui
fournissent tous les renseignements dont elle a besoin.
Enfin, on met à sa disposition une escorte de soldats
pour les passages dangereux du désert. Si donc clic ne
jouit pas de ce titre d'abbesse, il faut du moins accorder
que son mérite personnel, ses vertus ou son rang lui
donnent droit à une considération exceptionnelle.
APPEND1CR8 175

L'nc autre particularité que nous pcrmellent d'établir


divers passages de ce récit, c'esl que la noble dame
habile les Gaules. Son langage trahit une origine pro-
vinciale ; dans son livre, écrit du reste sans prétention
littéraire, mais non sans agrément, les termes d'une
latinité étrangère ou populaireabondent '.Ce n'est pas
ainsi que parlent et qu'écrivent les dames delà haute
société romaine correspondantes de saint Jérôme. 11 lui
arrive aussi plusieurs fois de comparer ce qu'elle voit
dans les contrées qu'elle traverse, aux pays et aux choses
de la Gaule, comme pour se faire mieux comprendre de
ses soeurs. En face de la mer Rouge, elle dit que, malgré
son nom, ses eaux sont aussi transparentes cl aussi
froides que celles de l'Océan, cl que les poissons qu'on
y trouve sont de même espèce et de même goâlqueceux
de lamcrd llalie(la Méditerranée}1. En arrivant en Méso-
potamie, h la vue de l'Euphratc, elle écrit à ses soeurs :
«Qu'il me suffise de vousdirequecelKuphraleest ungrand
fleuve, large, et je dirais presque tcrrilianl, car il court
avec impétuosité comme le Ilhônc, et pcul-êlre encore
l'Euphrale est-il plus grand *. » L'évèquc d'Edcsse en la

1. Au point de vue philologique, la découverte de M. Gamur-


rini fournit une importante contribution pour le* éludes sur le
lalin populaire. Contenions-nous do relever en payant Ie3 expres-
sions suivantes : De v'acamp&ire (p. 53). pVcarihiHS ms ad mire
(p. 45), un Iractrsare habebamus (p. 38), perexîre (p. 41, 53). itfM
pour fens (p. 00) ; hTspatium pour $[*it;H>,t (p. 53). emo ou têtu
pour turjtum (p. 5S, 100), a p's'un^ «lins le sens île a putro fp. 50?,
prode illis est (p. 49). ficlur (p. 93), etc : les ternies grecs cala
hians'o/tes, apttâacWx (iwMxti*:*!)* w°fo> a*eU!». etc La syn-
taxe de l'auleur n'est pis moins particulière et tout aussi éloignée
lu lalin classique.
2. Ce passage est rapporté par Pierre diacre (Vertgrinatio,
p. 139).
3. Vti'fgr'natio. p. 63.
176 APPENDICES

recevant s'étonne de son long vojage et lui dit : « Je vois,


ma fille,que votre piélé vous a fait entreprendre ce projet
difficile de venir des extrémités de la terre jusqu'ici '. »
Ces termes désignent bien une des contrées les plus
éloignées d'Occident : la Gaule, l'Espagne ou la Bre-
tagne.
D'après ces données et quelques autres de moindre
importance, M. Gamurrini n'a pas hésité à conclure que
notre voyageuse ne serait autre que la soeur de Ru (in
d'Aquitaine, vénérée dans l'Eglise sous te nom de sainte
Silvia ou Silvania. Rufin est ce minisire qui, sous Théo-
dose et Arcadius, joua en Orient un rôle considérable ;
tour à tour préfet du prétoire, maître desolliccset consul,
il aspira à l'empire et fut renversé par une émeute.
L'histoire nous apprend de sa soeur, qu'elle était,comme
lui, originaire d'Aquitaine ' ; elle consacra à Dieu sa
virginité etmena une sainte vie. Pal lad i us nods en parle,
dans son histoire lausiaque,comme d'une femme respec-
table, très avancée dans la connaissance des saintes
Ecritures, et qui passait les jours et les nuits à étudier
les commentaires d'Origène, de Piérius, de Grégoire et
autres saints docteurs ; elle fit le voyage de Jérusalem
et d'Egypte par Conslanlinople et fui en relation avec
Rufin d'Aquilée, Palladius, saint Gaudence, évéque de
Brescia, saint Paulin de Noie, et probablement avec saint
Cyrille de Jérusalem, saint Jérôme elles saintes Paule,
Mélaniccl Olympias, ladiaconessc si célèbre dans l'his-

I. Ib'd., p. 66, et Studii e documenti di storia e d'rilto. Anno VI,


p. 159.
3. Rufin, né a Elusa (Eause, dép. du Gers), élail de basse ex-
traction et ne dut son élévation qu'à son habileté. Ses ennemis
prétendaient même qu'il avait pour père un misérable cordon-
nier. (Tillcmont, Jiisto're des empereurs, I. V, p. 111.)
APPENDICES 177

loire de saint Jean Chrysoslome '. Les analogies entre


sainte Silvia et l'auteur de la Pertgrinalio ont paru suffi-
santes à M. Gamurrini pour établir qu'il ne fallait voir en
elles qu'une seule et même personnes.
On pourra objecter sans doute que ces traits de res-
semblance entre les deux personnages sont assez peu ca-
ractéristiques. La profession de la vie parfaite, la dévo-
tion, le zèle pour l'élude de la sainte Ecriture, n'étaient
pas choses rares à celte époque, et dans la seule corres-
pondance de saint Jérôme, on peut citer plusieurs saintes
femmes des Gaules et même d'Aquitaine, à qui convien-
draient tous ces traits 3. Les pèlerinages aux Lieux
saints d'Egypte et de Palestine étaient fréquents alors
dans les Gaules, particulièrement chez les personnes de
qualité, et l'itinéraire était à peu près le même pour tous
les pèlerins *. Il est assez étonnant aussi que dans ce
long récit on ne rencontre pas la moindre allusion & Ru-
fin, son frère, ou a d'autres personnages que sainte
Silvia a connus, et qu'à son retour elle s'arrête en Italie,

1. Iltslor. Laus'aca, c. 143, 144. — M. l'abbé Léonce Coulure,


dans la Reçue d'Aquitaine, t. I, avait déjà, en 1856, consacré à
sainte Silvia une intéressante étude dans laquelle il a réuni les
rares détails que l'histoire nous fournit sur cette sainte femme.
2. M. C. Kohter, dans la BMiothcgue de FEcole des chartes,
1. XLV,p. 150, a proposé Galja PIacidia,fille de l'empereur Théodose
le Grand. Mais l'identification de M. Gamurrini a été plus généra-
lement acceptée. Ajoutons que M. Léonce Coulure, dans un
autre article de la Reçue de (iascogne, I. XXVIII, p 431 (1861),
promet de donner bientôt de nouvelles preuves A l'appui de l'hy-
pothèse de M. Gamurrini. Nous ne croyons pas que cette pro-
messe ait encore été tenue.
3. S. Ilieron. ep. i.xxv, ctx, cxxi. — Migne. Palroi. lot., t. XXII.
4. En l'an 333 avait été composé, à l'usage des pèlerins des
Gaules, l'Itinéraire connu sous le nom A'It n/ralre de Bordeaux à
Jérusalem, qui allait de Bordeaux à Conslanlinopfe par voie de
terre, et traversait l'Asie Mineure. Silvia a suivi celle route dans
son voyage.
LIURCIE l»E JÉRC8UEW. 12
173 APPENDICES

au lieu d'aller rejoindre ses soeurs dans son monastère


des Gaules, comme elle l'avait promis. Néanmoins, en
l'absenco d'indications plus précises, il faut bien nous
contenter pour lo moment de cetto hypothèso, qui a pour
elle quelque vraisemblance et qui, dans tous les cas, est
des plus séduisantes.

LES VOYAGES DE SILVIA 1

4° Voyage au Mont Sinai et dans fa terre de Gessen.


Unelacuno de quelques pages nous prive du récit d'un
premier voyago que Silvia avait fait en Egypte et dans
la Thébaïde, après avoir vu déjà Jérusalem, Uolhléhem,
Hébron et la Galilée Dans tous ces pays, elle s'arrêto do
préférence aux endroits consacrés par quclquo souvenir
biblique ou parla présencodea apétres et des saints, et
visite les solitaires '. Au moment 0(1 son récit commence,
elle est parvenue dans la presqu'île siuaïtique et se dis-
pose a fairel'ascjcsiondo la* saintomontagne do Dieu».
Ses pieux guides l'avertissent quo la coutume des pèle*
rins est de réciter uno prière dès qu'ils aperçoivent le
Sinaï. Elle n'a garde d'y, manquer.

1. Dans cet appendice nous ne nous arrêterons pas h discuter


les difficultés que pourrait soulever tel ou tel passage du texte.
Nous no donnons que les notes strictement nécessaires pour
suivre cette partie du récit de la Peregrinatio.
2. On peut suppléer à cette lacune par lo récit do Pierre diacre,
qui a fait des emprunts continuels 4 la PeregrinUio, et par des
allusions de celle-ci à un voyage antérieur.
APPENDICES 170

Avant d'arriverauSinaï, ontraverso une grande vallée,


probablement celle d'cMiahah. CVst la quo Moïso, gar-
dant les troupeaux do son père, eut la vision du buisson
ardent. Mais !a caravane continue sa marche, pour no
s'arrêter qu'au retour dans ces lioux sanctifiés.
Silvia décrit 1res minutieusement l'aspect du pays. La
« montagne de Pieu * comprend ungroupo de collines
très élevées, plus hautes, dit-elle, qu'aucune do celles
quo j'ai vues jusqu'ici. Au milieu se dresso le sommet sur
lequel Dieu s'est révélé à son serviteur Moïse, et qui do-
mino de beaucoup touto la chaîne de montagnes. C'est ce
point qui est appelé proprement lo Sinaï, encore quo ce
nom soit donné par extension a tout lo groupo *.
Lo samedi soir, on arriva au pied do lamontngno. Il
y avait la un monastère et uno église desservie par un
prêtre ; nos voyageurs y furent reçus avec beaucoup
d'empressement et y passèrent la nuit'.
Lo lendemain, dimanche, au petit jour, on so mit en
marche avec le prêtre et les moines qui s'étaient joints
au cortège. L'ascension ne fut rien moins quo facile. Il
1. Les géographes modernes hésitent, on le sait, sur l'emplace-
ment de la montagne où fut promulguée la loi. M. Gamurrini
ne trancho pas la question. La description de Silvia semble con-
venir bien plu lût au Djebel Kathcrin et au Djebel Mousa qu'au
Serbal. Le Djebel Kalherin ou montagne de Sainte-Catherine, le
plus haut sommet du groupe sinûtique, s'élève a 2,590 mètres.
Non loin de 14 so dressent les constructions du fameux monastère
do Sainte Catherine. Le témoignage do sainte Silvia prouverait
que la tradition, qui place sur ce sommet la promulgation de la
loi mosaïque, ne date pas île Justinien, comme on l'a répété trop
souvent. Pour les autres détails, la description de notre sainte
cadre bien avec les observations des explorateurs modernes. (Cf.
Elisée Heclut, XoHpellegfrgraphic universelle, t. IX ; l'As'e anté-
rieure, p. 114 et 718 ; Yigouroux, la Bible et lu Déconcertes MO-
démet. II, 468, 3* édit.)
2. Il résulte d'une indication donnée plus loin dans la Percer'-
natio qu'on (tait dans les premiers jours de janvier.
180 APTJtNDlOF.S

fallut escalader toutes les collines l'uno après l'autre. Or,


remarque la voyageuse, on no les monto pas en suivant
des courbes, ou, t comme nous disons,en colimaçon,»
mais on ligne droite, par des chemins escarpés, et on les
descend do mémo, jusqu'à co qu'on arrive au Sinat, qui
occupe lo centro (. Notez qu'il a fallu laisser les montu-
res dans la plaino. Enfin, « avec lo secours du Christ
notro Dieu, » elaidéo par les prièrcsdes saints qui rac-
compagnaient, elle arriva, le désir qu'elle avait do voir
la montagno où était descenduo la majesté do Dieu lui
faisant oublier la fatiguo. 11 était 11 heures du matin.
Nos pèlerins trouvèrent une église assez petite, car lo
sommet do la montagno était lut-mémo trop étroit pour
permettre une grande construction. Lo prêtre qui la des-
servait accourut aussitôt au-devant d'eux. C'était un
vieillard vénérable qui avait d'abord mené la vie de moino
ou, commo on disait dans le pays, d'ascète '. D'autres
prêtres et des moines qui habitaient sur les flancs de la
montagno, vinrent se joindre a eux. On ouvrit le l'on-
tateuque et on lut tout co qui a trait a Moïse, dans lo lieu
mémo où ces événements merveilleux s'élaient accom-
plis. On fil ensuite la prièro et il y cul lo sacrifice et la
communion '. Avant de sortir de l'église, les prêtres lui
donnèrent des eulogies ou présents, qui consistaient en
fruits recueillis par eux-mêmes. Le Sinaï présentait par-
tout un sol rocailleux sur lequel aucun arbro no pous-
i
1. A peu près vers la mémo époque, un moine gaulois, Postu-
mien, dont le voyage, décrit par saint Sulpice Sévère (l)ialog.,
|. I, c. m, xvu, etc.), offre plusieurs points de comparaison avec
celui de Silvia, avait reculé devant l'ascension du Sinal comme
impossible.
2. Silvia écrit toujours ascitts comme elle entendait prononcer.
3. L'auteur, qui observe rigoureusement h loi du secret, ne
ie sert que des mots obtationem facerc, communteare.
APPRSDICM |81

sait; mais au pied de la montagne et dans les environs


coulait un petit ruisseau, qui arrosait les jardins formés
auprès du monastère, et cultivés avec beaucoup de soin
par les moines.
On sortit alors do l'égliso et on fit le tour des murs pour
contempler topaysago sous tous ses aspects. L'air était
d'une transparence* parfailo ; un immense panorama so
déroulait sous les yeux des pèlerins ravis. Les collines
que l'on avait gravies le matin avec tant do peino n'ap-
paraissaient plus maintenant quo comme de petits mon-
ticules. Au loin l'Egypte, la Palestine, la mer Rouge, lo
pays des Sarrasins et mémo Alexandrio et la Méditer*
ranéo. C'est du moins ce qu'affirmaieut ceux qui entou-
raient noire voyageuse, mais ello semble avoir quelque
peino à lo croire, quoique venant d'un pays où l'hy-
perbole est permise.
Les pèlerins, qu'aucune fatiguo no rebutait, redescen»
dirent lo Sinat pour gravir VHoreb. La s'était retiré le
prophète llélio lorsqu'il fuyait la présonco du roi Achab.
Il y avait uno égliso près do la caverno où avait vécu
l'homme do Dieu et do l'autel do pierro sur lequel il
avait oflert un sacrifice. On fit l'oblation, et après uno
looguo prière on lut les chapitres du livre des Hois qui
se rapportaient a ces événements. Car les pèlerins no
manquèrent jamais dans tous lec lieux qu'ils visitèrent
do lire les passages de l'Ecriture correspondants. Ainsi
faisait sainte Paulo dans son pèlerinage aux Lieux saints,
comme nous l'apprend saint Jérôme '.
L'heure avançait ; il fallait songer au retour, d'autant

I. Xpttaph. Paula>.— \\ y a bien d'autres traits de ressemblance


entre les deux voyageuses, la réception qui leur est faite, leur
manière de voyager, les pays qu'elles visitent, etc.
18 i APP8XIUCBS

plus que l'on devait visiter, en descendant, d'autres


lieux sa ne li fiés auprès desquels on avait passé le malin.
Après avoir prié a l'endroit où Aaron so tenait avec les
soixante-dix vieillards lorsque Moïse reçut la loi de Dieu,
nos voyageurs descendirent l'Iloreb,
Lo buisson où Dieu parla à Moïso était situé au mi-
liou d'un jardin devant uno église. Quand tes pèlerins y
arrivèrent, il était trop tard pour faire l'oblation. Aussi,
après les prières et lectures d*'»sage, moines et pèle-
rins s'établirent dans lo jardin et y passèrent la nuit. Lo
lendemain de grand matin, on pria les prêtres do faire
l'oblation, et Ton repartit, toujours escorté par les
moines qui montrèrent à la pieuso femmo et a ses compa-
gnons l'endroit où les Hébreux campèrent pendant quo
Moïso était sur la montagno ; celui où fut élevé lo veau
d'or, encoro marqué par une grande pierro ; sur un ro-
cher non loin de là, Moïso avait brisé les tables de la Loi ;
ici le veau d'or fut brûlé ; co torrent est celui quo Moïse
fit couler miraculeusement pour abreuver lo peuple ;
voici la place où la mannoet les cailles tomberont pour
la première fois, et celle où fut célébrée la Pàque. Par-
tout s'élevaient des monastères construits pour conser-
ver et vénérer ces précieux souvenirs : Silvia y fut tou-
jours reçuo avec honneur par les moines qui s*empres-_
saient do satisfaire à sa pieuse curiosité. Plusieurs
d'entro eux quo leur Age ou leurs infirmités avaient
retonus la veille s'excusèçont do ne l'avoir pas acconv
pagnéo jusqu'au Sinaî.
Il fallut enfin quitter cetto vallée toute plcino do
souvenirs bibliques. On se reposa deux jours a Pharan,
puis on prit la route qui traverse le désert en côtoyant
la mer Rouge jusqu'à Clysma (Suez). Celte route
ArTBND10K8 183

s'écartait quelquefois dans l'intérieur des terres, <Tau-


Irefois elle passait si près du rivage que les flots de la
mer venaient mouiller les pieds des montures 1.
Do Sue/, Silvia se dirigea sur Pélusa pour prendre la
routo do Jérusalem; elle traversait ainsi l'antique lerre
de Gessen (aujourd'hui Ouàdi Toumilàt), prenant « re-
bours lo chemin que les Israélites avaient suivi dans leur
fuite. La contrée, absolument déserto, était infestèopar
les Arabes qui pillaient et massacraient sans pitié le^
voyageurs. Hulinet Mélanie, daus un voyage qui précéda
do peu celui do Silvia, avaient clé attaqués par eux et
n'avaient échappé qu'à graud'pcino. On no rencontrait
plus do monastères qu'auprès des étapes romaines, mon-
siones, où les moines étaient sous la protection des sol-
dats et do leurs officiers. Auàsi, à partir do Clysina
jusqu'à Arabia ', sainte Silvia dut se faire accompagner
d'étapo en étape par un détachement de soldats romains :
des clercs et des moines quiétaient avec ello lui indi-
quaient la route suivie par les Israélites. Quoiqu'elle eût
déjà parcouru ces lieux une fois, ello no pouvait so lasser
do les étudier encore, s'enquérant des moindres détails,
comparant les renseignements qu'on lui donnait avec le
toxto sacré do l'Exode et notant soigneusement ses pro-
pres observations. Ainsi elle nous fait remarquer que la
marche des Hébreux no fut pas en ligne droite, mai»
qu'ils obliquèrent tantél à droite, tantôt à gauclie,
jusqu'à la mer Rougo.
Arabia, où les pèlerins arrivèrent la veille de l'Kpi-

1. Peregrtnatio, p. 35-16.
2. C'est pour la première fois qu'apparaît la mention do celle
localité qui devait être dans les environs de Sawalab, de Tell-il-
Kebir ou de Zagazig.
\H Arnspice*

phanie, avait pour évoque un vieillard vénérable, très


versé dans les Ecritures, et que Silvia avait rencontré
en Thébaïde dans son précédent voyage, car il avait été
élevé dans un monastère dès l'âge le plus tendre. Il fit
conduite aux voyageurs jusqu'à la plaine où était
autrefois Ramessè et qui n'était plus maintenantqu'un
désert couvert de ruines. H leur montra un rocher dans
lequel étaient sculptées deux grandes statues qu'il leur
dit être celles de Moïse et d'Aaron, faites par les Israé-
lites eux-mêmes ; il y avait aussi un sycomore quo l'on
croyait planté par les patriarches. On l'appelait, nous dit
Silvia, dtndros aitthue, c*està<diro l'arbro do vérité, Lo
bon vieillard lui donna quelques autres détails qu'elle
consigne dans son journal.
On resta deux jours à Arabia pour célébrer avec l'évé-
quo la fête de l'Epiphanie. Avant de partir, Silvia con-
gédia l'escorte de soldats, car d'Arabia à Péluse passait
la grande route publique do l'Egypte, très fréquentée
par les voyageurs et les négociants, et où l'on n'avait
plus rion à craindre. L'ancien pays do Gessen qu'elle
traversait lui parut plus beau qu'aucun de ceux qu'elle
eût encore vus. La route court sur les bords du Nil (pro-
bablement la branche Dahr-san-cl-Hagar) entre des vi*
gnobles et des jardins d'une riche culture, pleins de
verdure et de fraîcheur *. En deux jours on fut à Pélusô
et là on continua d'étape en étape jusqu'à Jérusalem par
la roule qui réunissait la Palestine à l'Egypte. Ainsi so
termina « au nom du Christ, notre Dieu », le pèlerinage
de sainte Silvia au Si ri aï »,
1. Ce pays encore très fertile est couvert aujourd'hui par des
champs de cotonniers et ses palmiers passent pour donner les meil-
leure* dattes de I Egypte. (Elisée Reclus, le Bassin du NU, p. 583.)
2. Peregrtnalio, p. 51.
Àrtiypici» 185

2* Pèlerinage au mont IVébo tl dantïldumée.

Après s'être arrêtée quelquo temps à Jérusalem, SU»


via conçut le dessein d'un pèlerinage à l'est de la mer
Morte, afin do visiter le mont Nôbo ou Nabau, comme
elle l'appelle, du sommet duquel Dieu lit contempler à
Moïse la terre promise où il no devait pas entrer. « Xolre
Dieu Jésus, dit-elle, qui n'ahandonno pas ceux qui
espèrent en lui, a daigné mo permettro d'accomplir
ce dessein *. »
Elle prit, cello fois, pour l'accompagner un prêtre, des
diacres et quelques frère3 moines*. Ello traversa lo
Jourdain à l'endroit où s'était accompli lo prodige qui
permit aux Israélites de lo passer à pied sec. On lut
montra tes vestigos de tours campomonts, la place où
Moïse écrivit le Deutéronome et celle où lo saint patriar-
che, avant de mourir, bénit une dernière fois son peuple.
De mémo que pour le pèlerinage du Sinaï, après les
prières d'usage on lisait les passages correspondants du
Deutéronomo, on récitait les psaumes so rapportant à la
circonstanco et on faisait ensuito une dernière prière.
Avec la pormission do Dieu, ditlasainto femme, on no
s'est jamais départi do cette coutume. » Du reste, lo ré-
cit déco pèlerinage est moins circonstancié quo lo pré-
cédent. A Libiado, petite villo que les voyageurs rencon-
trèrent au delà du Jourdain, lo prêtre de co Hou, très
instruit de toutes les traditions bibliques, so décida à les
accompagner, sur la prière de Silvia.

1. Peregrlnatlo, p. 51.
2. Il faut lira sans doute et diacon'.bus au lieu de de dtaconibus.
186 APPKN'OICKS

Avant d'arriver auXébo, on trouva un monastère où tes


ascètes, très nombreux, menaient uno vio sainto et mor-
tifiée. Ils offrirent uno largo hospitalité aux pèlerins, leur
accordèrent l'entrée du monastèro et leur donnèrent des
eulogies, « commo c'est l'usage pour c«~ux quo l'on veut
recevoir honorablement ». L'église était séparéo du mo-
nastère par un ruisseau assez large, d'uno eau limpido
et fraicho. Celto eau sortait d'un rocher voisin; d'après
la tradition des moines, c'était uno des sources miracu-
leusement créées par Moïso.
Plusieurs do ces moines firent, avec les pèlerins, l'as-
cension du Nôbo '. L'évèquo de Segor, villo au sud do
cette montagne, s'était aussi joint à eux. Quoique la
hauteur du Nébo soit bien inférieure à celle duSinaï, les
rochers en sont très escarpés et nos voyageurs no les
gravirent pas sans peino. On dut laisser les Anes dans
la plaine et s'aider des pieds et des mains pour atteindro
lo sommet. Là, so dressait encore uno pelilo égliso. A
l'endroit do l'umbon, on remarquait uno élévation do
terre do la hauteur d'un tombeau ordinaire (memoria). Les
moinesdirent à Silvia quo co n'était pas la sépulture do
Moïse, car co lieu est ignoré par tous les hommes, mais
les anges y avaient reposé un moment lo corps du servi-
teur de Dieu. Ils affirmaient savoir cola do leurs anciens,
qui le tenaient à leur tour déplus anciens qu'eux.
Après avoir fait dans l'église les prières cl les lectures
accoutumées, on sortit pour contempler la contrée par-
couruo par les Israélites avant leur entrêo dans la terre
do Chanaan. Les prêtres et les moines, qui vivaient de ces

t.Lo Nébo, identifié par M. de Saulcy avec le Djebel-Xlba,


compte 71 i mètres au-dessus du niveau do la mer. .MUlin, les
Saints lieux, 1.111, p. 282.
APPKXPICKS 18"

souvenirs sacrés, so faisaient un plaisir de mellro leurs


connaissances au service do leurs holes. Ici on voyait lo
Jourdain se jeter dans la mer Morte; plus au nord, l.i-
biado quo l'on avait quitté le malin ; sur l'autre rivo du
Jourdain, la ville do Jéricho et, plus loin, la terre pro»
miso quo Moïso avait contemplée do cet endroit mémo,
quelque deux mille ans auparavant! A gauche, sur les
rives do la mer Morte, s'étendait lo pays des Sodomitcs
et Segor, la seule dos cinq villes qui n'eul pas été englou-
lio ; quant aux autres, c'est à peino si l'on apercevait
quelques ruines '. On fit voir aussi à Silvia l'endroit où
la femme do I.oth fut changée en slatuo do sel, • mais,
dit* ello dans son récit, croyez-moi, mes vénérables soeurs,
jo no veux pas vous tromper ; nous avons bien vu l'endroit
où lo miraclo a eu lieu ; mais pas la moindre trace do
statue, ni de colonne ; jo no veux pas vous en fairo ac-
croire à co sujet. Mais l'évèquo do Segor nous a dit quo
depuis plusieurs années la cotonno avait été couverte par
les eaux *. »
En passant à droite do l'égliso », les pèlerins avaient
dovant eux la contrée des Amorréens et Escbon, capitale
doSéon, leur roi ; Fogor, capitalo des Edomiles, ctSas-
dra, capitale de Og, roi de Basan, quo les Israélites eu-
rent à combattre. Entre loNébo et la mer Morto s'élevait,

1. Sur ce point Silvia partageait uno erreur commune de son


temps. (Cf. Vigoureux, les l'tres sti(nts et la critique rationalité •>

t. 111,53t.)
2. Peregrinat'O, p. 55. — Saint Irenéo et Terlullien disent, après
Josi'plie et d'autres auteurs, qu'on voyait eneorc de leur temps
celle statue. (Ir. Adc. Hat. iv, 51 ; Tert. de Pallio, u; Jos. Antlq.
Jttd., I, XI.)
3. On peut conjecturer, d'après les termes employés ici, que la
façade de l'église regardait l'Occident ; le sanctuaireétait & l'Orient.
1^8 API'KNMCKS

dans la contrée autrefois occupée par les Moabites, un


sommet appelé agrl spécula, d'où le « devin Balaara •
bénit les campements d'Israël ». Après avoir longuement
contemplé tous te pays, les pèlerins descendirent lo Nébo
et reprirent la routo do Jérusalem par Jéricho.
A l'est encore du Jourdain, mais plus vers lonord, s'é-
tend l'Iduméoello pays de Kus, célèbres dans l'histoire
bibliquepar le souvenir du bienheureuxpatriarche Job*.
H y avait là des monastères nombreux dont les habitants
venaient fréquemment & Jérusalem. Toujours empressée
à recueillir les renseignements géographiques et topo-
graphiques qui pouvaient l'éclairer dans l'intelligence
des saintes lettres, Silvia se mit en rapport avec eux et
ello no tarda pas, dans ces conversations, à concevoir le
désir d'aller, ello aussi, visiter le tombeau dusaint homme.
Elle eut bientôt réuni autour d'elle une nouvelle troupe
de moines, heureux do s'unir à son pieux projet. Nous
savons peu de chose do ce pèlerinago, à ^auso d'une
lacuno'dedèux pages qui so rencontre à w. „ndroit du
manuscrit.
Do Jérusalem, on s'achemina vers le nord, du côté do
laSamario. Salem ou Sedima so rencontra sur la routo'.
Nos voyageurs no manquèrent pas d'y vénérer l'endroit
où Mclchisédech offrit à Dieu son sacrifice symbolique.
Le prétro du lieu accourut au-devant d'eux avec ses

1. Ce lieu n'avait pu encote être identifié. La description si pré-


cise de Silvia fournit sur ce point, comme sur bien d'autres de
la topographie biblique, des données nouvelles aux explorateurs
modernes.
2. Des auteurs modernes placent le pays do dus dans le llauran,
où l'on trouve aujourd'hui encore un monastère portant le nom
de Job, Déîr Rljoûb. D'autres le reculent plus vers l'est dans le
Bt Telloul.
3. Cf. Victor Guérin, la Samarie, t. I, 456.
APPENDICES 1^0

clercs et les fit entrer dans l'église. C'était un ancien


moine, savant dans les Ecritures et dont les évéques voi-
sins rcndaiont le meilleur témoignago.
Il fit visitera Silvia les ruines du palais do Molchisé-
dech : au milieu des décombres, on venait encoro cher-
cher des matériaux pour les constructions, des pierres,
des vieux fers, et on trouvait même quelquefois quel-
ques parcelles d'argent '. Quand on eut admiré ces
restes vénérables, la pieuse dame cita au prêtre un pas-
sage de l'Evangile (Johann, m. 23), dans lequel il est dit
do saint Jean-ltaptiste, qu'il baptisait à Aennon, près de
Satim. Connaissait-on encore cet endroit? Le prélro
conduisit alors les pèlerins le long d'un petit ruisseau à
travers une vallée très fertile jusqu'à un verger, au
milieu duquel so trouvait uno source d'eau douce 1. Elle
se déversait dans un lac où l'on disait que saint Jean
baptisait. Cet endroit s'appelait, nous dit Silvia, copos
lu agiu Johanni, d'un mot grec qui signifio jardin de saint
Jean '. Le prêtre leur apprit quo c'était un lieu do pèle-
rinage très fréqueulô, quo les moines venaient de tous
les pays pour se laver dans les eaux du lac. Il ajouta
que vers la fête do Pâques, tous ceux qui, dans lo
bourg do Salem, sont admis au baptême, viennent à cette
fontaine pour le recevoir; losoir, après la cérémonie, on
les reconduit à la lumièro des flambeaux, avec les
moines et les clercs qui disent des psaumes et des
antiennes, jusqu'à l'église de Saint-Melchisédcc. Le
prêtre et les moines qui avaient leurs cellules dans le

I. Lire feramento pour heramento, p. 59.


1 D'après M. Gamurrini, ce serait Aia Keroun, ou Ain Kaun,
p. 5».
3. Kf,t!o; W* iyivj 'loawov.
190 APPENDICES

jardin do Saint-Jean, no voulurent pas laisser partir


les pèlerins sans leur offrir en eidogie des fruits cueillis
dans le jardin do Saint-Jean.
Au delà du Jourdain, que durent encore traverser nos
voyageurs, ils vénérèrent les lieux sanctifiés par la pré-
sence du saint hommo Elie de Thesbé et la caverne où
il habita. Il y avait, non loin do là, un monastère qu'un
moi no s'était construit et dont il semblait étro lo seul ha-
bitant. Silvia pensa quo co n'était pas sans raison qu'il
avait choisi ce lieu : car, d'après co que nous avons vu
jusqu'ici, il parait bien certain que, du moins dans ces
pays, l'emplacement d'un monastèro devait toujours
élro consacré par un souvenir biblique. Ello demanda
donc à ceux qui l'accompagnaient quelle causo avait
porté co moino à so retirer en co lieu. On lui répondit
quo c'était là l'endroit où Elio, au temps do la famine,
était nourri par les corbeaux et buvait l'eau du Chorra.
La sainto en rendit grâces à Dieu, ainsi quo do toutes les
merveilles qu'il daignait montrer aux yeux avides do son
indigne servante.
C'est à Carnéas, but do son pèlerinage, quo Silvia
trouva lo tombeau du saint hommo Job '. On lui raconta
qu'un solitaire avait un jour quitté son désert et qu'il
était venu trouver l'évèquo et les clercs, leur enjoignant,
d après uno vision céleste, do creuser la terre à un cer-
tain endroit. On y trouva, en effet, une pierre sur laquelle
était gravé lo mol Job. Uno église fut conslruito aux
frais d'un tribun à cette place, do façon que l'autel repo-
sât sur les restes du bienheureux. Le lendemain matin,

1. Carnéas ou Aslarolh-Carnaîm doit élro cherché, d'après lo


sentiment le plus commun des géographes, û l'endroit appela Tel
Astereh (et non a Dos Ira).
APPBN'WCKS 101

à la prière do la sainto femme, l'évèquo fit l'oblation, tous


les pèlerins s'uniss.tnl au sacrifiée. Ils partirent ensuite,
munis do la bénéJiction do l'évèquo, et rentrèrent à
Jérusalem par la mémo voio, rendant grftees à Dieu.

3f Voyage tn Mésopotamie et en Asie Mineure; retour à


Constnntinople; dernières années de Silvia.
Trois ans s'étaient écoulés depuis lo jour où la noble
damo avait quitté sa patrio pour venir à Jérusalem,
trois ans pendant lesquels ello avait visité tous les
saints lieux do l'Orient, surmontant toutes les fatigues,
cl guidéo par sa foi et son amour du Christ et do ses
saints ; et maintenant, ello avait l'intention de retourner
dans son pays, auprès de ses soeurs bien-aimées. Suivant
l'itf'nérairo des pèlerins des Gaules, elle devait prendro sa
routo vers lo nord-ouest en longeant les cotes do la Mé-
diterranée juqu'à Tarse cl en traversant l'Asio Mineure
pour arriver àConslantinople, et do là revenir en Gaules
parla Thraco, la Dacie, la Mysio, la Pannonie et les Alpes.
Mais, parvenue à Antioche,Silvia voulut voirEdcsso, qui
n'est séparéo do cette ville quo par sept étapes. La pen-
sée de visiter les saints moines do Syrie et do Mésopola-
mio doul on lui avait raconté la vie admirable, de prier
sur la tombo do l'apôtre Thomas, enfin, do voir la lettre
quo l'on disait écrite à Abgaro, roi d'Edcsse, par Jésus•
Christ, exerçait sur elle un puissant attrait auquel ello
no voulut pas résister : « Du reste, dit-elle à ses soeurs,
je vous prie de m'en croire, aucun des chrétiens qui vien-
nent aux saints lieux de Jérusalem ne manque de faire
co pèlerinage '. »

t. Peregrinatio, p. 62.
192 APPENDICES

Elle partit donc d'Antioche, au nom du Christ, notre


Dieu,pour Edesse. Sur sa route,ellerencontra Iliérapolis,
grande et riche cité sur les bords de l'Euphrate, où elle
s'arrêta pour prendre ses dernières dispositions. Les
gros bateaux pouvaient seuls tenter la traversée du
fleuve, à cause de la rapidité du courant: aussi, malgré
sa hâte d'arriver, elle perdit une journée presque entière
sur la rive à attendre qu'un de ces bateaux appareillât
pour l'autre bord. Enfin elle met le pied sur celte terre
de la Mésopotamie après laquelle elle avait tant soupiré.
A mi-route d'Edcsse se trouve Datants, ville trè3 peuplée
et qui, pour cette raison, possède un soldai romain et un
tribun. Il y avait aussi une église dont l'évèquo menait
la vie monastique et avait confessé la foi, et dans son
église, plusieurs tombeaux de martyrs.
Notre voyageuse resta trois jours entiers à Edesse, el
son temps ne fui pas perdu, comme on va le voir par la
description détaillée qu'elle nous en fait. La ville d'Edcsse
lui parait magnifique et vraiment digne d'être la maison
de Dieu.Le tombeau de l'apétre saint Thomas n'était pas
encore, comme nous l'avons dit précédemment, réuni à
l'église : la sai:i alla dès son arrivée y faire les prières
qu'elle avait coutume de faire dans tous les saints lieux,
et y lut les Actes du martyre de saint Thomas. La ville
possédait plusieurs autres tombeaux de martyrs qu'elle
visita tour à tour : la plupart de ces marlyria étaient
gardés par des moines; d'autres solitaires avaient leurs
habitations loin de la ville, dans des lieux retirés. L'é-
vêque, moine aussi el confesseur, est probablement le
même que saint Euloge '. Il aborda très gracieusement

I. Peregrinelio, pp. xxxv cl 61. — Hcmarquez cependant que


APPENDICES 193

la pieuse voyageuse, et, la félicitant d'avoir entrepris c


long pèlerinage, il ajouta ces mots : « S'il peut vous être
agréable, ma fille, de voir les lieux chers à la piété des
chrétiens, nous vous les montrerons nous-roôme. • Elle
répondit en remerciant Dieu de cette faveur, el en priant
très humblement l'évéque de vouloir bien faire comme
il l'avait dit.
Ce fut donc son hôte illustre qui l"i servit de
cicérone dans la ville. Il la conduisit d'abord au palais
d'Ahgare, ancien roi d'Edesse, contemporain de Jésus-
Christ, et la fit s'arrêter devant deux portraits, stalues
ou bas-reliefs en marbre d'une éclatante blancheur, dont
l'une représentait Abgare, el l'autre son fils Manni ou
Magnus '. Elle admira sur les traits du père un grand
air de dignité et de sagesse. « C'est là, lui dit l'évéque,
ce roi Abgare, riui, avant d'avoir vu le Seigneur, a cru en
lui comme au Fils de Dieu. » Dans l'intérieur du palais
étaient de grands réservoirs d'eau au milieu desquels
nageaient des poissons : ces eaux alimentaient toute la
ville, car il n'y avait pas d'autre source à Edesse. Mais
celles-ci étaient si abondantes,si claires et d'une si douce
saveur, que Silvia avoue n'en avoir jamais vu ni goûté
de semblables : du palais, elles so précipitaient vers la
ville, a comme un fleuve d'argent. >
L'évéque l'ayant conduite auprès de ces bassins, lui

dans la Vie que nous possédons de sfint Euloge, il n'est pas fait
mention de sa profession monastique.
I. Il s'agit ici d'Abgarc 111 Oukama, roi d'Osroène. Les travaux
auxquels ont donné lieu les faits racontés par la Peregr natio sont
indiqués dans Chevalier, Réperh're des sources historiques du
mogen âge, au mot Abgare. et dans Bonet-Maury, la légende £Ab-
gare et de Thaddée el les missions ckrétdouta a Edesse. « Revue de
l'histoire des religions. » nor.-d***. I88ï. Cf. aussi Ti seront. U* Or-
g nés de l'égise d'Rente ci ta f/genle d'Abjuré, Maison neuve. IS8S.
Lircuoit DE liftrSALS*. 13
194 APPKNU1CKS

en raconta l'origino: «Quelque temps aprèsqu'Abgare


eut écril au Seigneur et que le Seigneur lui eut envoyé
une réponse par le courrier Ananias,les Perses vinrent
assiéger la cité.Abgare se dirigea vers la porte de la ville
avec la lettre divine et se mil en prière ainsi que toute
son armée, en disant : « Seigneur Jésus, vousnous aviez
« promis qu'aucun ennemi n'entrerait dans la ville, el
« voici que les Perses nous assiègent ! • El ce disant, il
levait les mains vers le ciel en présentant la lettre divine
toute ouverte... Aussitel, autour de la ville se répandirent
des ténèbres si profondes, que les Perses ne purent jamais
trouver d'endroit pour pénétrer dans la cité. Ils n'en res-
tèrent pas moins autour des murs durant des mois.
Voyant qr.e par aucun moyen ils ne pouvaient venir à
bout de la résistance, ils résolurent do prendre les
habitants par la soif et détournèrent les cours d'eau qui
traversaient la ville. C'est alors que les sources que vous
voyez ici, ma fille, jaillirent sur l'ordre de Dieu. Quant
aux ruisseaux détournés par les Perses, ils tarirent à ce
moment même, si bien que leur armée, privée d'eau, dut
se retirer. Et depuis ce temps, reprit l'évéque, toutes
les foisque la cité fut assiégée, la lettre divine fut expo-
sée et lue levant les portes, et les ennemis furent re-
poussés. »
L'évéque lui raconta encore comme quoi le palais
d'Âbgare était construit, selon la coutume, sur un
lieu élevé. A celé, se déployait le camp des soldats, el
c'est au milieu mémo du camp que les sources avaient
jailli.Mais le fils d'Abgare,Magnus, construisit un second
palais auprès de celui de son père, el les fontaines y
furent enclavées. Les deux constructions étaient encore
conservées.
APPENDICES 195

Puis l'évéque conduisit Silvia vers la porte par laquelle


entra Ananias, le courrier qui rapporta la lettre du Sei-
gneur. L'évéque y fit debout une prière, lut la lettre
d'Abgare et la réponse de Noire-Seigneur, puis se remit
en prières. Il lui fit encore observer que depuis le jour
où Ananias était entré par cette porte avec le divin mes-
sage, on n'y faisait passer aucun cadavre ni rien d'im-
pur. Le haut palais d'Abgarc, le tombeau de sa famille
el les autres curiosités de la ville lui furent aussi mon-
trés.
L'évéque d'Edcsse lui fit avant son départ un présent
auquel elle attacha le plus grand prix. C'était un exem-
plaire des lettres d'Abgare et delà réponse du Sauveur.
«Sans doute, dit Silvia, j'avais bien un exemplaire de
ces lettres dans ma pairie, mais celles-ci m'ont paru
plus complètes •. Et si Jésus notre Dieu me permet de
retourner dans ma pairie, je vous les lirai. »
D'Edesse, notre infatigable pèlerine poussa jusqu'à la
cilé do Carrhcs, au sud d'Edesse, habitée jadis par
Abraham. Elle y trouva, comme à Edesse, un évêque
menant la vie monastique el confesseur de la foi, véri-
tablement saint el homme de Dieu. L'église était hors de
la ville,dans lelieuoù fut la maison de« saint Abraham n,
si bien, assura l'évéque, quo les fondements de la maison
avaient servi de fondements à l'église. Le puits où
Rébecca puisait de l'eau quand elle fut rencontrée par

t. Ainsi que le remarque fort justement M. Gamurrini, il courait


de ce document des copies qui, comme celle qu'Eiisèbe eut sou*
les yeux, ne contenaient pas les promesses de Noire-Seigneur
louchant Edesse. Mais saint Kphrem fait déjà mention de ce pas-
sage. {Pcrcgrinat'o. p. fit. 6S.)On doit observer en oulre qu'il n'es!
fait dans le récit de Silvia aucune allusion a la fameuse image
d'Edesse, représentant la face de Xotre-Seignetir. (Sur ce point,
cf. (Jarnicei. Storia delta artecrisliana *>:• prlml othsecoU. t. *W.)
APPENDICES 197

Genèse nous raconte l'histoire, Silvia revint à Antioche,


où elle resta une semaine avant do reprendre son voyage.
A Tarse, elle fil un nouveau crochet pour visiter le
Marlyrium de sainle Thècle, à trois élapes de Tarse, çn
pleine Isaurie. L'évéque de Séleucic d'Isaurie était un
moine, probablement Maximus, disciple et ami de saint
Jean Chrysostomc. L'église construite à quelque distance
de la cité cl le tombeau de sainte Thùclc frappèrent
Silvia par leur belle architecture; ils étaient entoures
d'un mur pour les défendre contre les incursions des
Isaures, population sauvage et pillarde, qui ne fut jamais
enivrement soumise. Il y avait néanmoins dans le pays
un grand nomhrcde monastères d'hommes et de femmes'.
Silvia eut le bonheur de retrouver à la tùle d'un de ces
monastères de vierges ou d'apotaetilcs, comme on les
nommait dans le pays, nnc diaconesse du nom de Mar-
(hana, d'une grande réputation de sainteté, qu'elle
avait intimement connue à Jérusalem 2. Silvia ne manqua
pas, à l'occasion de son pèlerinage, de relire les Actes de
sainle Thècle. Puis, après deux jours passés dans la
compagnie des solilaires et des vierges, elle repartit pour
Tarse. De là à Conslantinople, le voyage ne présente
aucun incident remarquable, el l'auteur ne s'arrête pa* a
nous le décrire. Elle traversa la chaîne du Taurus. la
Cappadoee, la Galalie, la Hilhynie, s'arrêla à Chalcé-
doine, pour visiter le lombeau de tainle Euphémie, et
passa le détroit qui la séparait de Conslantinople.
« Quand j'y fus parvenue, dit-elle, je parcourus les

I. Ces! 1a premi.'-re fois que la Peregr'natio mentionne des mo-


nastères de femmes.
•2. On ne connaissait jusqu'ici qu'une mention de la diacone««e
Marthana. faile par Basile de Stleucie.
198 APPENDICES

églises, les tombeaux des apélres et des martyrs, si


nombreux dans celle ville, ne cessant de rendre grâces
à Jésus Noire-Seigneur, qui a daigné étendre sur moi sa
miséricorde. De là, mes chères amies, lumière de mon
âme, j'ai voulu vous donner ce gage de mon affection
(en vous écrivant). Je voudrais encore, au nom de Jésus-
Christ Noire-Seigneur, aller en Asie, el visiter Ëphèsc
pour y prier sur la tombe du saint et bienheureux apôtre
Jean. Si la vie m'csl conservée, je vous raconterai moi-
même de vive voix, avec la permission de Dieu, tout ce
que j'aurai vu ; ou du moins je vous le manderai par
écrit. Pour vous, amies et lumière de mon Ame, daignez
vous souvenir de moi pendant ma vie et après ma morl *.><
Après avoir terminé par ces mots le récit de son
voyage, Silvia reprend la plume pour décrire en détail
à ses soeurs ta liturgie de Jérusalem. Celte intéressante
narration comprend à elle seule h peu près la même
étendue que le récil qui a précédé. C est elle qui a fait
l'objet de noire élude sur la Liturgie de Jérusalem.
S'il faut réellement voir Silvia dans l'auteur de la
Peregrinatio, nous pouvons compléter par les écrivains
du temps l'histoire de ses dernières années. Ilufin, alors
à l'apogée de sa gloire, retint sa soeur à Constanlinople
pour lui confier l'éducation de la petite-fille d'Ablaviûs,
préfet du prétoire, Olympias, qui deviendra diaconesse
dans celte église de Constanlinople, sous l'épiscopat de
saint Jean Chrysoslome.Quelques années après,le 21 no-
vembre 395, la vie de Itufin se terminait par une de
ces tragédies sanglantes, si fréquentes à la cour de
Conslantinople. Une intrigue de palais, habilement

1. Peregrinatio, p. 15-76.
APPRSOICBS 11)0

ourdie par le chef des eunuques, Eutrope, renversa le


tout-puissant ministre d'Arcadius. Entouré par les sol-
dats de Slilicon, au milieu d'unecérémonie publique, il
tomba percé de coups. Sa tête, détachée du tronc, fut
promenée au bout d'une pique, tandis que son corps,
déchiré eu lambeaux, était foulé aux pieds parune popu-
lace ivre de colère, qui voulait faire payera son cadavre
les exactions et la tyrannie de l'indigne frèro de Silvia.
On raconte qu'un soldat coupa cette main qui avait tenu
les destinées de l'empire, el alla, parla ville, quêter de
porte en porte, avec ce hideux trophée en guise de
sébile.
L'épouse et la fille de Rufin se réfugièrent dans une
église, asile sacré que devait respecter la haine brutale
delà foule. De là, elles purent se retirera Jérusalem el y
terminèrent leur vie ; Silvia les y accompagna sans
doute. Nous la retrouvons plus tard en Italie, auprès de
saint Gaudence, évéque de Brescia ; ello y mourut quel-
ques années après, et, comme le dit Palladius, de qui
nous tenons la plupart des détails que nom avons donnés
sur son histoire, «telle qu un oiseau spirituel, elle tra-
versais, nuit de celte vie et s'envola vers le Christ pour
recevoir les récompenses éternelles. » Gaudence plaça
son corps dans le tombeau qu'il s'était préparé pour lui-
même dans l'église appelée 1' « Assemblée des saints », à
cause du grand nombre de ses reliques, cl c'est là que sa
précieuse dépouille attend, avec celles des bienheureux
qu'elle honora d'un culte si fervent la glorieuse ré-
surrection.

FIN.
O

B
o
m
n
•9

O
EXPLICATION DES PLANCHES

I. Le Calvaire au temps de la Passion de Notre-Seigneur, d'après


M. de YogDé : Les églises de la Terre Sainle, p. 4 26.
A. Tombeau de Joseph d'Arimathie ou lieu du Saint-Sépulcre.
B. Golgotha, ou lieu de la crucifixion.
C. Citerne de l'invention de la croix.
II. Le Calvaire au temps de Silvia et d'après ses descriptions. Il
est à peine besoin de faire remarquer que nous ne prétendons
pas ici donner les dimensions ni même la figure absolument
exactes de ces monuments. Les descriptions de Silvia el des
autre* auteurs sont trop incomplètes pour nous renseigner avec
toute la précision désirable. Ce que nous nous contentons
d'affirmer, c'est que la position et les lignes générales des
figures que nous avons retracées, sont conformes au texte de
Silvia et à ceux des auteurs quo nous citons dans noire tra-
vail. Nous avons voulu surtout fournir le moyen de suivre
plus facilement l'exposé des cérémonies liturgiques do Cal-
vaire.
A. Eglise de la Résurrection, Anastasie ou Saint-Sépulcre.
B. Eglise du Golgotha, église majeure ou Marlurion.
C. Edicale de la croix. •>'' ' //\
D E P G. La Basilique. /
/ J
v
TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE v
CHAPITRE l". — TOPOGRAPHIE RELIGIEUSE DE JÉRUSALEM
ET DBS ENVIRONS AU IV* SIÈCLE 3
Le témoignage de Silvia. Le Calvaire sons Constantin.
L'églfce de VAnastasie. L'église majeure ou Golgo-
tha. La basilhue. La Croix. L'église du Mont-Sioo
ou Cénacle. L église de l'Ascension et l'église in
EteoKJ. Le» églises de Béthanie. La basilique de la
Nativité à Betldébem.
CHAPITRE 11. — LA LITURGIE A JÉRUSALEM. LES OFFICES
DE LA SEMAINE ET DU DIMANCHE 31
La liturgie de Jérusalem et les églises du Calvaire.
Les offices de la semaine. L'office des vigiles. Les
Laudes. Sexte. Noue. Le Lucernaire. L'office do di*
manche. Les vigiles. ta messe des catéchumènes et
la messe des fidèle». Sens des termes ripone, an-
tiennes, cantiques, hymnes, leçons, oraison*.
CHAPITRE III. — LES GRANDES FÊTES LITURGIQUBS. EPIPHA-
NIE ; PURIFICATION ; LE CARÊME ; LE SAMEDI DE LA-
ZARE 71
La Noël ou Epiphanie à Bethléhem ; ta Purification ;
l'Annonciation ; les offices pendant le car!me; le sa-
' raedi de la septième semaine on le samedi de Lazare
et la fête à Béthanie.
CHAPITRE IV.— LE DIMANCHE DES RAMEAUX ET LA SEMAINE
SAINTE • 91
I* procession des rameaux. Les premiers jours de la
semaine sainte. I* mercredi saint et le jeudi saint,
l'office de nuit. Le vendredi saint, procession et
adoration de la croix. L'office des ténèbres.
CHAPITRE V. — LE SAMEDI SAINT, LES VIGILES PASCALES ET
L'OCTAVE tll
L'office du samedi saint. ta baptême des catéchu-
mènes. La fête de Pâques. L'octave de Pâques et les
néophytes.
20$ TABLE DES MATIBBE8

P<**-
CIIAPITRB VI. — L'ASCENSION; LA PBNTECÔTB ; LES BKCÉ-
NIB8 OU FÊTB DE LA DÉDICACE 1?|
L'Ascension et la Pentecôte réunies. Les offices du
matin, de l'après-midi et d« la nuit ; les processions.
ta fête de la dédicace, tas fêtes des martyrs et des
confesseurs à Jérusalem.
CHAPITRE VIL — LA DISCIPLINE DU JEUNE. LES HBBDOMA-
DIBRS ET LES APOTACTITES 135
Jeûnes et jeûneurs extraordinaires durant le carême.
Jeûnes des antres temps.
CHAPITRE VIII. — LES CATÉCHUMÈNES. SILVIA ET LES
CATÉCHÈSES DE SAINT CYRILLE DE JÉRUSALEM. 143
tas audientes et les compétentes à Jérusalem. L'ins-
cription, tas catéchèses dz carême. Catéchèses & l'é-
glise majeure et catéchèses & l'Anastasie. Dans
quelle églbe saint Cyrille a prononcé ses catéchèses ;
système de dora Touttée ; ordre nouveau à établir
dans la série des catéchèses de saint Cyrille, d'après
la Peregrinatio. Conclusion : caractère de la liturgie
de Jérusalem.

AI'l'KiNDICES
I" APPENDICE. — Tableau des lectures de l'Ecriture
sainto d'après la Peregrinatio IG7
II* APPENDICE. — La lecture de la Passion d'après
Silvia et le Diatessaron 163
lit* APPENDICE. — Le manuscrit de la Peregrinatio. 160
IV* APPENDICE. —. La date du voyage et son auteur. 472
V* APPENDICE. — Les voyages de Silvia 178

Explication des planches 201


Planohe I. — ta Calvaire au temps de la Passion. . 202
Planche II. — ta Calvaire au temps de 8ilvla. . . Î03

POITIERS. -- TTPOflRAMHB OCDIN ET'Ci'.y

Vous aimerez peut-être aussi