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J’OUVRE

MA BOÎTE Olivier MAGNAN

POUR
D’OR

L E
G L E S

R
LES RÈ

S S I
RÉU CEMENSTE
N A N
F I OT R E E N T R E P R I
DE V
Comment optimiser
vos chances de convaincre
banquiers, business angels,
capitaux-risqueurs,
et prêteurs en ligne
« J’ouvre ma boîte » est une collection créée en partenariat  
avec le Salon des micro-entreprises et Place des réseaux,  
le web magazine des entrepreneurs en réseau.

Du même auteur

Mon banquier, la crise et moi, toutes les réponses aux questions que vous
n’osez pas poser à votre conseiller, Éditions du Moment, 2009.
Les loges de la République, avec Pierre Lambicchi, Éditions du Moment,
2009.
Mentaliste, avec Pascal de Clermont, Éditions du Moment, 2010.

© Dunod, 2011
ISBN :
À Cathie qui m’a tellement entendu parler de création d’entreprise
tout au long de notre vie commune de salariés,
À mon expert-comptable qui m’a tellement entendu parler
de l’entreprise que j’allais créer tout au long
de nos entretiens préparatoires,
À ma petite-fille Ella qui va tellement entendre parler
de l’entreprise de son grand-père dès qu’elle sera en âge
de créer la sienne, vers 2035…
Sommaire
Préface 6

Avant-propos 8

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 11


Votre dossier est la 1re image de vous-même 12
Le nerf de la guerre : un business plan 18
Quelle forme donner à votre document ? 27

2 Choisir la voie de l’emprunt 31


Un phénomène extraordinaire : les prêts « par la foule » 32
Faut-il ignorer votre banquier ? 37
Oui aux aides publiques et privées, à condition
de les tenir pour accessoires ! 38
Financeurs extrabancaires : des réseaux
d’accompagnement à connaître et à solliciter absolument 40

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 51


Le capital-investissement : du business angel
au capital-risqueur 52
Capital-risque solidaire : l’homme au centre 58
Capital-risque d’entrepreneurs très réactifs 61

4 Vous vendre, chèrement 71


Vous avez un message… 72
Brillez à l’oral 77
Prouvez que vous êtes préparé aux réalités de la vie
de dirigeant 81

4
5 Une banque, pour quoi faire ? 85
La puissance de la banque 86
Les limites des banques 90
Améliorez votre position de négociation face au banquier 93

6 Quelle banque choisir ? 101


Pourquoi vous êtes de peu de poids face à la banque 102
Malgré tout, jouez les « sélectionneurs » 105
Et si vous optiez pour la banque directe en ligne ? 111
Profession intermédiation 113

7 Comment survivre à sa banque ? 117


Avis favorable/Doit faire ses preuves 119
Trouvez le bon interlocuteur et suivez-le partout ! 121
Les détails qui risquent de gripper votre relation
et comment les contourner 124
Il est possible de survivre à sa banque… 126

8 étude de cas : les savons d’Annabelle 131


Qui est-elle ? 132
Début de réalisation 133
14 mois de parcours alchimique 134
Montage financier, les besoins, les réponses
et les non réponses 136
Une banque à qui parler… 139
3 mois avant… 141

Glossaire 145

Bibliographie 157

Sommaire 5
Préface
La création d’une entreprise
est aussi un acte collectif
Au cours des dernières années, l’esprit d’entreprise a gagné
beaucoup de terrain en France et il faut s’en réjouir. La création
ou la reprise d’une entreprise est devenue pour beaucoup d’hom-
mes et de femmes à la fois une ambition et une alternative au
salariat, et souvent au chômage. C’est une extraordinaire façon
de trouver leur place et de développer leurs capacités au sein
de la société. À condition qu’ils disposent des clés pour mener à
bien leur projet d’entreprise dans de bonnes conditions, et qu’ils
puissent mettre toutes les chances de succès de leur côté.
Dans cette réussite, la question du financement est évidemment
cruciale : trop d’entreprises échouent pour n’avoir pas dimen-
sionné correctement leurs besoins au démarrage. C’est tout l’in-
térêt de l’ouvrage d’Olivier Magnan que d’explorer, de manière
concrète, vivante, imagée, journalistique, toutes les pistes, des
plus classiques, comme le prêt bancaire, qui reste la voie nor-
male du financement de l’économie, aux plus récentes comme
l’apport des business angels. En fournissant conseils, astuces et
témoignages, il fait œuvre très utile.
L’expérience de France Initiative, le premier mouvement réseau
associatif d’appui à la création d’entreprises, montre qu’il n’est
jamais simple d’obtenir un prêt bancaire quand on pousse tout
seul la porte d’une agence bancaire. Il existe pourtant des voies
pour y parvenir, que rappelle Olivier Magnan, notamment dans

6
la manière de monter son dossier. Il en est une autre : le prêt
d’honneur – sans intérêts ni garanties exigées – qu’accordent
nos associations, les plateformes France Initiative. Ce prêt sur
l’honneur renforce les fonds propres des créateurs qui en man-
quent souvent, tout en leur facilitant l’accès à ce financement
bancaire si important. L’alchimie qui le rend possible tient à la
relation de confiance que nous nouons avec les entrepreneurs
que nous aidons et celle que nous entretenons de longue date
avec les banques, qui nous connaissent bien et qui ont compris
notre valeur ajoutée.
La solitude est l’autre principal risque que courent les créateurs
d’entreprise. Aussi, nous ne nous arrêtons pas au coup de pouce
financier : l’apport de nos parrains bénévoles, chefs d’entreprise
ou cadres dirigeants, tous expérimentés, est extrêmement pré-
cieux pour aider les nouveaux entrepreneurs à qui nous prêtons
à endosser leur nouveau costume de chef d’entreprise. Les faits
sont là : les entreprises bien financées et bien accompagnées ont
plus de chances que les autres d’être pérennes. Elles se donnent
la possibilité de se développer, d’embaucher, de se projeter dans
l’avenir.
Aux candidats à la création d’entreprises, si j’avais donc un seul
conseil à ajouter à la longue liste, très pertinente, que donne Oli-
vier Magnan, j’ajouterai celui-là : ne restez pas seul. Si la création
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

d’entreprise reste d’abord une histoire individuelle, nous appor-


tons la preuve que c’est aussi une aventure collective.
Bonne lecture et bonne chance !
Louis Schweitzer, président de France Initiative

Préface 7
Avant-propos

I
l vaut mieux, dans un avant-propos, dire le propos. Et tout
comme je vais le conseiller aux créateurs d’entreprise, le dire
en pitch, autrement dit en quelques mots. Il se réduit ici à un
seul : financement. Avec les satellites du financement, investis-
seurs, prêts, banquiers, aides. Comment, pour un jeune créateur
ou un salarié plus âgé porteur d’une idée, trouver les moyens
financiers de créer une entreprise ou de développer l’embryon
déjà existant. On exclut donc tout ce qui relève de la motivation,
de l’environnement juridique, de la recherche d’idée, de la gestion
et… de la retraite du chef d’entreprise. Il ne sera question que du
nerf de la guerre, des moyens pour l’obtenir et de composer avec
le partenaire tout-puissant et trop puissant qu’est le banquier, ce
que personne ne dit crûment dans les guides de création d’entre-
prise. Il existe en ligne un nombre important de sites, blogs, et en
librairie un non moins grand nombre de livres où vous trouverez
le détail le plus absolu des points évoqués ici (dans ce domaine, je
vous recommande le « Papin1 », somme éminente de la création
d’entreprise, gros livre où tout est dit et tout est chiffré sous la
signature d’un grand « pro » : www.robertpapin.com). Mais il était
important que vous ayez en mains une synthèse critique, fruit
d’une enquête journalistique, de l’essentiel. Et comme le temps,
c’est de l’argent, on s’arrête là. Ou presque :
>>Si vous êtes à la tête d’un projet innovant, ou d’une entreprise
déjà créée qui intéresse plutôt le e-commerce en ligne, le virtuel,
le high tech, si vous êtes à la recherche d’associés, de financeurs

1.  Robert Papin, La Création d’entreprise, 14 e édition, Dunod, 2011.

8
de type business angel, les chapitres consacrés aux financeurs et
leurs motivations (chapitre 3) et ceux qui expliquent le fonctionne-
ment de la banque (chapitres 5, 6 et 7) vous seront les plus utiles.
>>Si votre idée ou votre entreprise explore les marchés plus
classiques du service et du commerce traditionnel, si vous êtes
auto-entrepreneur, que vous recherchez un emprunt de proxi-
mité, vos pistes sont plutôt défrichées au chapitre 2 et dans ceux
qui intéressent la banque (chapitres 5, 6 et 7).
>>Les autres chapitres 1, 4 et 8 seront utiles à tous.
>>Les mots ou expressions imprimés en couleur renvoient au
glossaire de fin d’ouvrage.

PS 1 : au fait, le meilleur financement d’une entreprise n’est ni l’emprunt ni l’ac-


tionnaire. C’est le prix consenti par le client pour acquérir le produit ou le service
de ladite entreprise.
PS 2 : je pars du principe que vous avez passé tous les tests psychologiques dis-
ponibles à l’issue desquels vous avez décroché des résultats positifs… ou pas !
(car vous seriez étonné par le nombre d’entrepreneurs qui ont réussi alors que
les tests ont révélé le peu d’aptitude pour eux à se lancer).
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Avant-propos 9
1
Vous avez une idée,
comment la présenter
pour la « vendre » ?
Il ne faut pas penser à l’objectif à atteindre,
il faut seulement penser à avancer.
C’est ainsi, à force d’avancer, qu’on atteint
ou qu’on double ses objectifs sans même sans apercevoir.
Bernard Werber

Objectifs
>>>> Coucher sur le papier le concept
et les objectifs de votre entreprise
virtuelle ou déjà créée.
>>>> Chiffrer vos besoins de
financement.
>>>> Mettre en scène votre affaire et
commencer à parler le « slide » !
V
oilà l’une des plus belles expressions de la langue fran-
çaise : « Couchez votre idée sur le papier » !
Nous sommes d’accord, l’idée prime sur la forme, et bien
des entrepreneurs ont réussi sans passer par la case « rédac-
tion » (en bon français bien orthographié). Mais parlons net : un
projet bien présenté va vous valoir du bonus…

Votre dossier est la 1re image


de vous-même
■ ■ ■ Vous allez « affronter » (version guerrière) ou « séduire »
(façon gauloise) des professionnels qui attendent que vous leur
traduisiez ce que vous avez en tête. À la fois par votre discours,
votre gestuelle, votre conviction et par les documents écrits
que vous leur laisserez pour qu’ils se penchent en temps utile
sur votre « cas ». Même si vous êtes plus à l’aise dans le contact
direct, l’étape « dossier » est incontournable. Mieux : c’est un
outil de conquête. Bien structuré, écrit avec justesse, mis en
page, corrigé et relu avec le souci de la syntaxe et de l’orthogra-
phe, il va peser d’un poids certain
dans la décision, au moins autant
Conseils pratiques que l’exposé de votre idée brillante
Un document succinct, présenté et chiffrée. Les financeurs ont un
dans une typographie passe- nom pour un tel document : ils l’ap-
partout (Times…), ou, au pellent « un bon dossier ».
contraire, à l’aide de caractères
exotiques, que dévaloriseraient Et si vous n’êtes pas si à l’aise à
quelques fautes récurrentes, l’« oral », un document d’affaires
sera interprété comme un bien présenté, complet, soigné,
manque de rigueur ou de parlera à votre place de façon effi-
crédibilité. cace.

12
Tenez, voici un exemple réel de correspondance de la part d’un
respectable artisan en train de se battre pour un recouvrement
de créance. Certes, on n’exige pas de quelqu’un qui possède le
talent de son métier de se montrer, en plus, un as du français.
Malgré tout, une expression juste servie par une orthographe
correcte vaut bien un geste professionnel sûr servi par des outils
de qualité :
« bonjour,
Depuis le mois d’octobre 2010(chantier effectuer de juillet à
octobre2010).Pour le médiateur du crédit ils sont demander a
ma premiére banque qui on refuser quand à la deuxiéme ,ils
n’on pas u de réponse .Ils m’on conseiller de déposer le bilan
tout en continuant mon activité… »
Certains parmi vous vont blêmir : ils/elles savent que l’expres-
sion écrite n’est pas leur point fort. Eh bien comme toute autre
faiblesse dans un projet, voilà un prérequis qu’il va falloir régler
une fois pour toutes. Il en va du succès final de vos efforts (bien
sûr, si vous n’êtes pas concerné, passez vite aux paragraphes
suivants !).

Vous n’êtes pas sûr(e) de votre expression,


de votre orthographe
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Sans atteindre les extrémités de l’exemple ci-dessus, vous savez


que le document écrit que vous avez déjà produit est loin d’être
parfait. Hélas, c’est un peu la plaie : SMS, courriels, courriers,
mémos, manuscrits de livre même, de nos jours, sont constellés
de fautes et de « coquilles », comme l’on dit dans le jargon.
Premier réflexe : trouvez dans votre entourage celui ou celle à 
qui confier une relecture « orthotypographique », c’est-à-dire
capable de corriger l’orthographe, la ponctuation (très impor-
tant) et, au-delà, l’expression.

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 13


>>Savez-vous par exemple, que « deuxième » s’abrège en « 2e »,
par exemple, et non en « 2ème », que le point dans une citation se
place avant les guillemets fermants quand la citation est complète
mais tout de suite après quand il s’agit d’une incise, que les noms
de mois ne prennent pas de majuscules, ou encore que les nom-
bres – important dans le cas qui nous occupe – s’écrivent en lais-
sant une1 espace par tranche des milliers : 1 000, 1 500, 1 000 000… ?
Et des règles typographiques, il en existe des centaines…
Allez sur les forums en ligne de correcteurs ou de créateurs d’en-
treprise : il serait quand même surprenant que vous ne trouviez
pas un collègue fort en thème qui accepte ce coup de main. Au
pire, si vous avez quelques moyens, achetez les services d’une
officine, il s’en trouve à la pelle en ligne, tapez « écrivain public »,
et cherchez le bon pro.
Mais l’orthographe et la ponctuation ne composent pas une mise
en page ; un bon correcteur, rétribué ou bénévole, doit connaître
les règles minimales de présentation, de maquette, de choix des
typographies (les caractères) : un
document professionnel aura un
Conseil pratique tel impact sur vos interlocuteurs
Ne vous fiez pas à un correcteur qu’il mérite un investissement.
d’ordinateur. Il débusquera Cherchez des exemples, inspirez-
quelques grosses fautes à travers vous de modèles. Bref, adoptez une
sa base de données, en oubliera attitude professionnelle.
des tonnes et, pire, vous ajoutera
des fautes d’accord.

1.  En langage de métier, « espace » est de genre féminin, aussi surprenant que
ce soit.

14
tÉmoignages

Jean-Louis Disaro, ex-directeur d’une école de formation


aux métiers de l’électricité
« Nous devions sensibiliser nos élèves : le respect de l’orthographe
et de la syntaxe est le point de départ de l’efficacité profession-
nelle. » Dans cette école, le concours d’entrée après le baccalauréat
comporte d’ailleurs une épreuve d’expression écrite : chaque année,
entre 5 % et 8 % des candidats sont recalés à cause du français.

Martine Zacharian, conseil en recrutement


« Des mémos, des documents émaillés de fautes sont forcément
préjudiciables à l’image d’une l’entreprise. Je ne donne pas suite
aux candidatures porteuses de ce type de lacunes. »

Capital, 12 mai 2011


« Gare aux fautes d’orthographe et autres erreurs de style, rédhi-
bitoires pour 93,5 % des DRH qui envoient alors la candidature à la
poubelle. »

Que doit comporter votre document ?


Le mémo que vous allez rédiger (de 10  à 30  pages, ni trop court
ni indigeste), doit tout dire, ou presque. À commencer par… vous :
qui vous êtes, votre parcours, vos réalisations. Ce que vous remet-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

trez à l’organisme, à la banque, au business angel que vous solli-


citez va circuler sans doute entre plusieurs mains, faire l’objet
de copies, porter des annotations. Ce chapitre n’est pas en soi un
guide d’écriture et de présentation, impossible de rentrer dans le
détail de ce qui existe déjà sous la forme de livres complets. Mais
avant de chercher par des modèles et des manuels, et jusqu’à des
plans modèles (Word propose des maquettes toutes prêtes de 
styles variés) dans lesquels vous n’aurez plus qu’à entrer votre
texte (essayez quand même de personnaliser !), gardez cette check-
list sous la main et adaptez-la.

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 15


1. Les éléments de votre dossier
L’intitulé Ce que vous allez écrire Quelques conseils
La synthèse de votre concept
Le projet/
en détaillant les entrées
L’idée
« indispensables » ci-dessous.
Situez le secteur, le marché. Chiffrez, donnez des statisti-
Dites comment est née l’idée, ques, des repères.
L’historique/
présentez-vous succincte-
Le concept
ment (un CV plus complet en
annexe sera le bienvenu).
Le descriptif de ce que vous Ses points forts, son originalité,
voulez entreprendre. Ne son concept particulier.
De quoi
négligez pas, si le projet s’y Situez le projet dans la concur-
s’agit-il ?/
prête, les marchés euro- rence (par exemple à l’aide d’un
Qu’est-ce ?
péens ou mondiaux. mapping).
Montrez vos atouts.
Sur le territoire, sur la popu- En cas d’implantation déjà
Les
lation, la zone de chalan- connue, pourquoi pas une
retombées/
dise… image vue du ciel, type
L’impact
Sa valeur ajoutée. GoogleEarth ?
Vos buts, vos motivations, Usez de phrases courtes, restez
revenez sur le besoin à concret. Chassez les vocables
satisfaire, les missions, les et les verbes « faibles » : il peut,
Les
services. mettre, faire, avoir, effectuer…,
objectifs/
au profit de verbes d’action
Les
(placer, envisager, parvenir,
perspectives réussir, vouloir, gagner, entre-
prendre, réaliser, posséder,
viser, réunir…).
Le calen- Une présentation graphique Évaluez avec justesse, souli-
drier/ des étapes déjà réalisées et gnez les opportunités (saison,
Le plan de à venir, dans l’ordre chrono- salons…), les obstacles. Restez
marche logique. réaliste.
Si vous n’êtes pas seul(e) Dessinez l’entreprise une fois
à porter le projet, donnez lancée, élaborez un organi-
le détail de vos ressources gramme. Citez les organismes
L’équipe/ humaines stratégiques, déjà impliqués ou suscepti-
Les associés présentez vos (futurs/es) bles de l’être, les démarches
associé(e)s, montrez leurs accomplies.
compétences, citez les exper-
tises extérieures…

16
L’intitulé Ce que vous allez écrire Quelques conseils
Clientèle(s) ciblée(s), terri- Si possible, entrez dans le
Le marché/ toire visé. détail des profils socioprofes-
Les cibles sionnels, âge, catégorie, style
de vie, potentiel, effectif.
Comment faire connaître Pensez à une inauguration, un
l’entreprise, quels moyens événement, aux communiqués
Promotion/
promotionnels, publicité de presse, au concours d’une
Publicité/
envisageable, mailings… agence de RP, de la PLV1.
Plan mar-
Esquissez un budget prévi-
keting sionnel (renvoyez le détail au
business plan).
Business Le cœur du projet. La partie Un business plan ne s’improvise
plan (BP)/ critique. Ce qui va tout pas. Un tableau incomplet,
Plan déclencher ou tout arrêter. incohérent, des entrées, des
d’affaires valeurs qui montrent vos fai-
Plan de fi- blesses dans l’exercice vont
nancement/ tuer l’aventure dans l’œuf. Lire
Chiffres clés plus bas.
C’est la signature finale, le Certains financeurs ne liront
point d’orgue, la dernière dans un 1er temps que la pré-
impression que vous lais- sentation, le BP et cette conclu-
Synthèse/
serez. sion. N’hésitez pas à donner
Résumé/
la « charge », à montrer votre
Coup d’œil
confiance, vos certitudes, votre
engagement. Soyez simplement
direct, précis, positif.
Extraits de documents, dos- Choisissez des documents
siers, analyses de marché, explicites, n’en faites pas une
témoignages, recommanda- partie illisible, elle doit rester
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Annexes tions, courriers, tout ce qui plus mince que le cœur du


est utile au projet… Un projet document.
de site doit exister sous forme
de prémaquette.

1.  RP : relations publiques ; PLV : publicité sur le lieu de vente.

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 17


Le nerf de la guerre : un business plan
■ ■ ■ Une idée d’affaire n’est bonne, par définition, que si elle
génère des… affaires, et des bonnes. Que votre entreprise soit
personnelle, qu’elle se range parmi les très petites entrepri-
ses (TPE) ou que vous soyez à la tête d’une entreprise petite ou
moyenne (PME), il vous faut d’emblée montrer à vos bailleurs de
fonds qu’ils vont participer à une entreprise à potentiel.

Déterminez votre besoin de financement


>>Indépendant, profession libérale, voire petit commerçant
traditionnel offrent leurs compétences en direct à une clientèle
qu’ils ont créée ou achetée : si vous ne visez qu’à vous assurer
un revenu, ce qui est déjà une belle entre-
L’APCE, l’Agence pour la
prise, pas de quoi emballer les financeurs
création d’entreprise, estime
qu’en France existe, en dont le métier est d’amorcer ou de finan-
2011, un vivier de 3 millions cer des sociétés qui leur assureront un
d’entrepreneurs potentiels. retour financier significatif. Votre interlo-
Mais une entreprise sur trois cuteur privilégié sera le banquier qui exi-
disparaît avant son troisième gera un business plan et des garanties (lire
anniversaire (Insee).
chapitre 5).
>>Parmi ces solitaires ou presque de l’activité personnelle, se
recrutent de plus en plus d’auto-entrepreneurs dont le statut
simplifié, intégré dans la loi de modernisation de 2008, s’ob-
tient en ligne, sans capitaux à la clé. Même si bon nombre de
ces TPE génèrent un chiffre d’affaires qui n’est plus si « com-
plémentaire », comme le voulait l’esprit du statut, mais « auto-
suffisant », elles n’intéressent a priori ni les business angels ni
les capitaux-risqueurs. Pourtant, pour eux aussi un business plan
s’impose. Nous verrons aux chapitres 2 et 5 vers qui vous tourner
si, auto-entrepreneur, vous avez besoin de quelques fonds.

18
>>Vous êtes en quête d’un financement plus important – disons
au-delà de 20 000, 30 000 2, jusqu’à quelques millions : le business
plan que vous allez présenter aux bailleurs de fonds devient un
sésame déterminant. C’est à la fois au vu de vos chiffres – espé-
rés, potentiels, certes, mais néanmoins réalistes et cohérents –
et par l’analyse des formules qui, calculées par un tableur sur
un ordinateur, simulent une activité sur le court, moyen et long
terme, que les financiers vont se décider à vous suivre… ou pas.

avis d’expert
Gautier Girard, créateur de forums de création d’entreprises,
www.gautier-girard.com
DD Que doit comporter un business plan ?
« 1. Le contexte : expliquez ce qui a déjà été fait, comment, et ce que vous
envisagez pour exploiter ce potentiel.
2. L’équipe : détaillez les forces, le savoir-faire, l’expérience de votre équipe.
3. Les produits et les services : vous devez présenter les atouts et les
caractéristiques de chaque élément de votre offre.
4. L’environnement concurrentiel de l’entreprise : c’est un volet capital.
Vous y analysez votre marché futur, que vous devez connaître parfaite-
ment pour éviter toute déconvenue.
5. L’aspect marketing et commercial : détaillez votre positionnement, votre
image de marque, les réseaux que vous comptez utiliser, les moyens publi-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

citaires, votre stratégie marketing, votre plan d’actions commerciales…


6. Le dossier financier : explicitez vos apports, mais aussi les moyens qui
vous sont nécessaires et comment vous avez décidé de les répartir. Pré-
sentez aussi des tableaux financiers prévisionnels, en incluant bien les
dépenses à venir. Il faut être très réaliste et cibler des chiffres tangibles.
7. Le tableau de bord de gestion : il va permettre de contrôler l’évolution
du déroulement de votre projet. »

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 19


Votre idée est bonne, mais vous n’aimez pas
les chiffres !
Ô combien de malins, combien de capitaines (d’industrie) qui 
sont partis joyeux pour des PME pas si lointaines, dans le morne
horizon (des chiffres) se sont évanouis ! Pardon à Victor Hugo de
lui détourner son Oceano nox pour évoquer le drame des entrepre-
neurs virtuels qui ne se lancent pas, de peur des tableurs. Pour-
tant, pas un créateur d’entreprise ne saurait y échapper : primo, il
faut bien que vous soyez le premier ou la première convaincu(e).
Si la moindre idée qui passe suffisait à générer un profit, nous
serions des milliards d’entrepreneurs sur terre. Secundo, puisque
vous cherchez des ressources financières, vous devez convaincre
celui qui les possède, ou l’organisme qui les prête, que votre idée
est bankable. Dans son approche la plus simple, un business plan
n’a rien de sorcier : il vous faut mouliner des chiffres connus, cer-
tains, des chiffres estimés, au plus près de la réalité et des chif-
fres de simulation, fruits des calculs imbriqués des deux types de
valeurs précédentes. En gros, vous devez estimer les dépenses :
−− l’investissement nécessaire pour démarrer ;
−− les postes de dépense récurrents et exceptionnels ;
−− les frais générés, sans rien oublier ou pas grand-chose (un
« pas grand-chose » que vous prévoyez en prenant des hypo-
thèses de coûts légèrement plus élevées, par exemple, ce que
les Américains appellent des « coussins »).
En face (ou à côté ou en dessous sur une feuille de tableur), vous
alignez les recettes en fonction de leur périodicité.
Selon votre activité, ces recettes seront :
−− des ventes de produits et services ;
−− des prestations intellectuelles ;
−− de la publicité dans le cas d’une publication ;
−− des abonnements…
Ces recettes sont forcément espérées, potentielles, mais cal-
culées au plus près du probable. Si vous établissez la série de

20
formules dans les bonnes cellules du tableur, vous parvenez à
coups de « + » et de « – » à obtenir un chiffre d’affaires, quotidien
ou hebdomadaire ou mensuel ou annuel, donc une marge, un
profit ou… un déficit. C’est le b-a ba. Un premier dégrossissage.
Mais le business n’est jamais aussi simple.
Il vous faut distinguer :
−− le capital du compte courant ;
−− les besoins en trésorerie, ce que vous allez dépenser au jour
le jour, ce que les comptables nomment le BFR, le « besoin en
fonds de roulement ») ;
−− le CA, le chiffre d’affaire.
Il vous faudra également intégrer les taxes, la récupération de
la TVA – vous l’encaissez de la part de vos fournisseurs, vous la
versez au Trésor public régulièrement.
Vous devez tenir compte des délais de paiement (vous livrez votre
prestation le 1er  avril, mais votre facture ne sera honorée que
30, 60, 90 jours plus tard – voire 360 jours plus tard, ou même
jamais, ça arrive), selon les usages commerciaux et l’honnêteté
de vos clients. Ces décalages (en tout cas ceux qui entrent dans
les usages commerciaux du secteur) seront prévus dans votre
business plan (le glissement).

De l’importance du maniement des outils de gestion


© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Un (futur) chef d’entreprise n’est pas forcément un comptable. Mal-


gré tout, il doit faire l’effort de plonger un tant soit peu dans les
chiffres et leur maniement. C’est aussi l’avis de Jean-François Prat,
business angel et entrepreneur : « Il est […] fondamental que le chef
d’entreprise maîtrise les grands principes de gestion. » Après tout,
les outils de calcul d’aujourd’hui, les tableaux de bord adaptés, avec
la puissance et la souplesse d’un tableur, facilitent quand même dia-
blement la vie du sous-doué en arithmétique.
J’apprécie la richesse du site www.l-expert-comptable.com – site com-
mercial – pour la somme de ses conseils – gratuits – et modèles.

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 21


Votre immersion dans les chiffres clés de votre projet sera de
toute façon inévitable puisqu’au-delà de votre tableau de marche, 
vos interlocuteurs financeurs et financiers vous passeront au gril.
Ils étudieront attentivement vos données, les critiqueront, les
mettront en cause, vous interrogeront sur vos sources, sur vos
critères d’estimation, vérifieront au passage que vous connais-
sez bien le secteur où vous souhaitez prospérer…
Alors, cause perdue si, vraiment, un tableur vous semble une
épreuve insurmontable ?

avis d’expert
Pascale Brelier, conseil en gestion, finances et RH,
pascale.brelier@pbpartners.fr
DD Faut-il absolument s’adresser à un spécialiste du business plan ?
« Si je devais défendre ma fonction, je dirais oui, mais j’ai des arguments :
le créateur d’entreprise saura chiffrer un plan qui correspondra à son rêve,
aux vrais objectifs de son activité. Et ce business plan-là, il faut le garder, et
en faire sa Bible. Mais je recommande d’établir en parallèle un autre plan,
dérivé, que j’appelle la “vraie vie”. Lui, sera présenté à des banquiers, de
futurs associés, qui n’ont qu’un objectif : si l’idée les séduit, ils ne veulent
pas être déçus. C’est là que des praticiens comme moi intervenons pour
injecter dans le plan d’affaires les “coussins” que sont les imprévus, les
événements imprévisibles, le départ d’un associé, etc. »

>>Voici deux approches d’un même business plan pour un maga-


zine. La première (figure 2) a été élaborée par les concepteurs.
Il s’agit d’un tableau de dépenses-recettes simple sur un an (ou
plan de trésorerie).
La seconde (figure 3, une page extraite sur 10) a été établie par un
cabinet spécialisé, moyennant honoraires. L’extrait correspond
à un compte de résultat. Il s’agit d’un document comptable de
synthèse pour une période donnée. En l’occurrence, il dégage la
capacité d’autofinancement sur trois exercices. Un cabinet spé-
cialisé est en mesure de manipuler les chiffres prévisionnels et
d’effectuer différentes simulations.
NB : les chiffres sont plausibles mais imaginaires.

22
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

2. Approche 1 : extrait d’un business plan simple élaboré par les concepteurs
Dépenses
K4 Sept Oct Nov Déc Janv Fév Mars Avril Mai Juin Juillet Août Total
Rédaction 13 13 13 13 13 13 13 13 104
Maquette 5 5 5 5 5 5 5 5 40
Loyer 7 2 2 2 2 2 2 2 21
Tél./fax/matériels informatiques 9 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 0,4 11,8
Impression 20 000 exemplaires 10 10 10 10 10 10 10 10 80
Réglage de la diffusion 1 1 1 1 1 1 1 1 8
Direction commerciale (estimations fixe
3 5 5,5 5,5 5,5 6 6 5,5 4,5 46,5
+ com)
2 commerciaux (estimations fixe + com) 4,5 4,5 4,5 5 5 4,8 3,8 32,1
1 stagiaire 0,6 0,6 0,6 0,6 0,6 0,7 0,6 4,3
1 assistante 1,6 1,6 1,6 1,6 1,6 1,6 1,6 11,2
Salaires fixes chargés (direction com-
3 5 17,4 17,4 17,4 18,9 18,9 17,85 14,85 130,7
merciale + 2 commerciaux + 1 assistante)
Frais divers 1 1 1 1 1 1 1 7
Total des charges 32 34 11 50,4 50,4 50,4 51,9 51,9 50,95 18,85 401,8

Recettes
K4 Sept Oct Nov Déc Janv Fév Mars Avril Mai Juin Juillet Août Total
Régie interne 10 20 30 35 40 45 40 30 15 265
Régie externe – CA général 15 35 30 30 35 35 35 20 10 245
CA régie (taux 60 %) 9 18 18 18 21 21 21 12 6 147
Ventes 12 12 12 12 12 12 12 12 96
Total 31 50 60 65 73 78 73 54 21 508

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ?


23
3. Approche 2 : extrait du même business plan
élaboré par un cabinet

Exploitation – compte de résultat synthétique (milliers d’euros)


Désignation 2010-2011 2011-2012 2012-2013
Ventes + Production 900 890 1 322 295 1 454 526
Achats consommés
Marge globale 900 890 1 322 295 1 454 526
Consommations intermédiaires 625 452 691 759 749 871
Fournitures consommables 4 320 4 449 4 581
Services extérieurs 621 132 687 310 745 290
Valeur ajoutée 275 438 630 536 704 655
Subventions d’exploitation
Impôts et taxes 3 163 14 132 15 582
Charges de personnel 196 000 291 072 305 628
Excédent brut d’exploitation 76 275 325 332 383 445
Reprises sur provisions + Transferts de charges
Autres produits
Autres charges
Dotations aux amortissements 20 998 27 664 27 664
Dotations aux provisions
Résultat d’exploitation 55 277 297 668 355 781
Produits financiers
Charges financières 3 000 3 120 2 354
Résultat financier –3 000 –3 120 –2 354
Résultat courant 52 277 294 548 353 427
Produits exceptionnels
Charges exceptionnelle
Résultat exceptionnel
Participation des salariés
Impôt société 10 437 91 185 110 810
Résultat de l’exercice 41 840 203 363 242 617
Capacité d’autofinancement 62 838 231 027 270 281

800000 Valeur ajoutée 800000


Subventions d’exploitation
600000 Impôts et taxes 600000
Charges de personnel
E.B.E
400000 400000
Résultat de l’exercice
200000 Résultat de l’exercice 200000
Résultat courant
0 E.B.E 0
2010-2011 2011-2012 2012-2013 Valeur ajoutée 2010-2011 2011-2012 2012-2013

Compte tenu d’un chiffre d’affaires provisionnel de 900 890 euros en 2010-2011 et d’une pro-
gression de 46,78 % en 2011-2012 et d’une progression de 10,00 % en 2012-2013, le résultat
de l’exercice est bénéficiaire de 41 840 euros en 2010-2011, il augmente à 203 363 euros en
2011-2012 et il progresse à 242 617 euros en 2012-2013.
La capacité d’autofinancement ressort à 62 838 euros en 2010-2011, elle passe à 231 027 euros
en 2011-2012 et à  270 281 euros en 2012-2013.

24
Un chef d’entreprise doit s’entourer
Vous connaissez la formule. Un chef d’orchestre, s’il doit connaî-
tre la musique, n’a pas forcément le devoir de savoir jouer de
tous les instruments. Si tous les entrepreneurs étaient des as
du tableur et de la gestion prévisionnelle, ça se saurait, et… il
n’y aurait pas beaucoup d’entrepreneurs. Comme pour le pro-
jet écrit, vous allez rechercher la compétence qui vous manque.
Qu’elle se trouve dans votre entourage familial ou professionnel
ne fait guère de doute. Pensez à vos collègues actuels ou passés
du service financier des entreprises que vous avez connues. Ins-
pectez les forums en ligne, cherchez le coup de pouce via Face-
book – après tout, à quoi sert un réseau social si ce n’est trouver
des contacts ? Et de la même manière que le sous-doué en ortho-
graphe investira modestement auprès d’un « écrivain public »,
allez chercher le savoir-faire après avoir collationné les chiffres
réels de votre activité – ce que personne ne fera à votre place.
Repérez un salon de création d’entreprise (lire chapitre 6). Adres-
sez-vous aux écoles de gestion : leurs étudiants ne demandent
pas mieux que de se colleter à des cas pratiques. Enfin, dénichez
avant tout l’expert-comptable ou le conseil en gestion, indépen-
dant ou en cabinet, auquel vous confierez tôt ou tard la création
de votre entreprise et le cas échéant sa gestion… comptable.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Dans tous les cas, vous devrez fournir les chiffres de base du
business plan :
−− combien coûtent votre matière première, votre appareillage,
vos locaux, votre matériel ?
−− quelle sera la charge salariale de vos éventuels salariés ?
−− à combien estimez-vous vos frais de transport, postaux ?
−− à quel prix de vente allez-vous proposer vos produits, vos ser-
vices, vos prestations ?

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 25


−− dans quel délai vos clients acquitteront-ils normalement vos
factures ?
−− quelles sont les taxes à prévoir, et quand faut-il les payer (la
gestion de l’entreprise) ?…

En vous aidant de modèles de business plans, essayez de ne


rien oublier. Pour obtenir des chiffres réalistes, vous n’avez
pas le choix : beaucoup vous sont familiers par votre activité
même. Mais ceux que vous ignorez ne se calculent pas « au doigt
mouillé ». Allez les chercher. Enquêtez. Sillonnez le Net. Appelez
des fournisseurs. Demandez des devis. Allez relever les prix sur
le terrain. Posez la question au culot à de futurs concurrents,
mais donnez-vous pour règle de « remonter » les chiffres les plus
précis et les plus vrais. Aucune officine ne le fera à votre place
(ou alors à un prix que vous ne pourrez payer !).

avis d’expert
Gilles Mougenot, Xavier Jaspar, Louis de Lestanville,
auteurs de Tout savoir sur le capital-risque, City et York, 2007
DD Quelles sont les erreurs les plus répandues, selon vous, dans les plans
d’affaires ?
« • Le marché est surestimé.
    • La part de marché qui sera prise est surestimée (éviter des raisonne-
ments du type : “je dois pouvoir prendre 5 % de part de marché”).
    • La réaction de la concurrence est sous-estimée.
    • Le temps de mise au point du produit ou du concept est sous-estimé.
    • La profitabilité ne correspond pas aux comparables du secteur.
    • Faire un seul scénario (en général trop optimiste). »

26
Si vous avez succombé
au charme des tablettes
électroniques, pensez à
Quelle forme donner élaborer votre présentation

à votre document ? dans leur environnement


(pourvu que le modèle
choisi offre une surface
■ ■ ■ Aucun investisseur (du moins dans d’affichage suffisante). Avec
votre catégorie de futur entrepreneur) cet outil, vous cumulez
tous les avantages : top
n’exigera de vous une présentation sur de la technique, attrait de
grand écran, avec projecteur relié à votre la « diapo », sans déployer
micro et logiciel de présentation, type les moyens lourds de
PowerPoint, le « standard » de Microsoft. l’ordinateur et du projecteur
et renforcement de votre
Mais… pourquoi ne pas l’envisager ? image personnelle.
Les blasés parlent de présentation « ppt »
(les trois lettres qui signent le logiciel sur les appellations des
fichiers informatiques), mais le maître mot anglais reste slide,
l’antique « diapo » des présentations par rétroprojecteur (il
résiste, le papy !).
Si vous le pouvez, votre projet gagnerait un point de power à se
présenter en PowerPoint ou équivalent. Pourquoi ? Parce que
pour des financeurs dont c’est l’outil logiciel de base, le candidat
entrepreneur qui se présente fort de ces pages colorées, struc-
turées, résumées, « impactantes » est quelqu’un qui manie des
outils de gestion évolués, donc qui doit jongler avec un tableur, qui
est jeune cérébralement, bref qui appartient déjà à leur univers.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Au surplus, comme chaque slide exige un travail de synthèse


poussé vers la sobriété et les mots/chiffres qui comptent, vous
gagnez vous-même, en l’élaborant, en efficacité…
Si votre document adopte cette forme, de deux choses l’une :
ou bien vous vous arrêtez à sa version papier (vous reproduisez
dans le nombre d’exemplaires voulu les pages élaborées sur
ordinateur). L’effet en est déjà appréciable, quitte à compléter ce
« résumé » par un document papier issu d’un traitement de texte
traditionnel complet, avec tableaux et annexes.

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 27


Soit vous poussez la taquinerie jusqu’à exposer votre projet
sous forme de vraie projection, chez l’investisseur. Effet maxi-
mal garanti. Encore faut-il, primo que vous disposiez des appa-
reils voulus (ordi portable, vidéoprojecteur), secundo, que vous
vous soyez assuré que votre interlocuteur est en mesure de vous
recevoir dans la pièce adéquate (minimum de recul et alimenta-
tion électrique !). N’envisagez cet effet tornade, bien sûr, que si
vous êtes sûr de votre matériel et… de vous. Le syndrome de la
présentation ratée (défaillance de la technique ou de l’orateur)
vous guette !

Ça vous tente, mais vous n’y connaissez rien ?


Lancez PowerPoint : si vous avez acquis une suite Office com-
plète, l’application figure dans votre arsenal Microsoft. Tâtonnez,
vous verrez qu’il ne s’agit que d’un traitement de texte spécia-
lisé (fonds, trames, typographie, format…). Rien de bien sorcier.
Sinon, direction case « amis/relations » ou recrutement en ligne
du prestataire ad hoc, ou même lecture d’un bon manuel.
Si c’est le coût du logiciel qui vous freine (150 à 200 2), songez à
la suite OpenOffice, gratuite, qui comporte un logiciel équivalent
(http://fr.openoffice.org).

28
L’essentiel 
Votre dossier est la 1re image de vous-même. Après avoir
rencontré un investisseur potentiel, il faudra lui laisser un
document imprimé. Visez la perfection.

Le nerf de la guerre : un business plan. Réunir les chiffres


les plus fiables qui traduiront votre idée en dépenses et en
recettes. Mais le « langage » d’un tel tableau a ses règles de
présentation et de prudence qu’un conseil en gestion connaît.

Quelle forme donner à votre document ? Plus vous préparerez


votre « plaidoirie » en amont, plus vous aurez de chances de
convaincre.

Vers un plan d’action


ÂÂ
Êtes-vous en mesure de rédiger vous-même votre
document de présentation ?

ÂÂ
Êtes-vous en mesure d’élaborer votre plan d’affaires ?

ÂÂ
Sinon, avez-vous pensé à faire appel aux compétences
d’un expert ?

ÂÂ
Savez-vous s’il existe un bureau de l’association BGE
(Ensemble pour agir et entreprendre) dans votre
département ? Une jeune chambre économique ? La CCI
(Chambre de commerce et d’industrie) ? Vous y trouverez
des adresses, des contacts, des repères, des chiffres, des
partenaires.

1 Vous avez une idée, comment la présenter pour la « vendre » ? 29


2
Choisir la voie
de l’emprunt

J’ai peur que l’État dépense moins bien mon argent


que je ne le ferais.
Philippe Bouvard

Objectifs
>>>> S’initier aux nouveaux réseaux
en ligne de prêteurs multiples, le
crowdfunding.
>>>> Aller décrocher les aides publiques.
>>>> Explorer les moyens déterminants
que vous proposent les réseaux
d’accompagnement extrabancaires.
D
e quelle somme avez-vous besoin ? Pour créer quoi ?
Une très petite entreprise (TPE) pour laquelle il vous
faut 3 000, 5 000, 10 000, 20 000  euros pour démarrer ?
Une petite entreprise (PME) qui exige, en année une, 100, 200,
500  K2, ou plus ? Vos interlocuteurs ne seront pas du tout les
mêmes. Dans le premier cas, qui nous occupe ici, ils seront
« anonymes » ou presque, à travers les nouveaux réseaux en
ligne de prêteurs (le crowdfunding), et ils « miseront » sur vos
idées avec un petit intérêt bancaire à la clé. Vous choisissez la
voie de l’emprunt sans en passer forcément par les fourches
caudines des banquiers. Eux ne « jouent » pas beaucoup. Mais
ils sont quand même indispensables. Avantage de l’emprunt :
vous restez seul maître à bord.

Un phénomène extraordinaire :
les prêts « par la foule »
■ ■ ■ Qu’un proche prête de l’argent, qu’un ami accepte de vous
avancer une certaine somme, le geste a toujours existé, qu’il
s’agisse de donner un coup de main, solder une dette ou offrir
le coup de pouce à une petite entreprise. Ces prêteurs de love
money le font à leurs risques et périls, même si des procédu-
res de sûreté existent (notamment chez FriendsClear, lire plus
bas). Mais que de parfaits inconnus (de vous) qui ne se connais-
sent pas même entre eux « mettent au pot » pour vous donner les
premiers moyens de vos ambitions, ça, c’est relativement nou-
veau. Du moins en France, nation fort circonspecte à l’égard de
l’argent, mais de plus en plus ouverte aux idées libérales anglo-
américaines où le crowdfunding existe depuis plus longtemps.

32
Qu’est-ce que le crowdfunding ?
Littéralement, le terme signifie « financement par la foule, le
groupe », on parle aussi de « financement collectif », mais le plus
clair est de parler de « capital de proximité » (on dit aussi « P2P »,
peer to peer, en français pair à pair, puisque les prêteurs et les
prêtés sont sur un pied d’égalité).
Les réseaux Internet ont donné un coup de jeune à cette approche,
désormais codifiée et accélérée à travers des sites spécialisés aux
nuances diverses mais à l’objectif unique : que des particuliers
décident de miser sur un projet exposé en
Le prêt entre membres
ligne parce qu’il leur paraît porteur, de bon d’une même famille fera
aloi, intéressant, intelligent, généreux et… l’objet d’une déclaration au
relativement lucratif. Du moins comparé à fisc au-delà de 760 €.
un placement prudent sur livret A. Chacun De la part de l’emprunteur
comme du prêteur.
y va d’une petite somme (100, 200, 500 2 ou
plus…), de toute façon plafonnée. L’apprenti-entrepreneur ras-
semble ainsi jusqu’à 25 000 2 ou davantage (selon les sites, mais
la somme finale est de toute façon limitée), qu’il s’engage à rem-
bourser selon des échéances établies.
Le crowdfunding s’applique à tout, il s’adresse volontiers au cari-
tatif et les expressions artistiques (cinéma, musique, spectacles,
le plus connu des sites se nomme My Major Company…). Mais
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

bien sûr, des webentrepreneurs l’appliquent à la création d’ac-


tivités. Vous trouverez leurs sites facilement via un moteur de
recherche. Présentons-en deux, représentatifs du concept, mais
très différents dans leur approche.
>>Ma Sucess Story
Avec ma Success Story, les créateurs d’entreprise, les repre-
neurs de fonds de commerce ou les gérants déjà en activité (à la
recherche de trésorerie) présentent leur projet et leurs attentes
en remplissant un questionnaire, en joignant un mémo « ou un 

2 Choisir la voie de l’emprunt 33


Story, un modèle
Ma Success PowerPoint », précise le créateur. Qui va
économique qui se cherche prendre connaissance de ces projets et de
Si vous cherchez 3 000 € ces recherches ? Un futur partenaire, par-
maximum, tout sera toujours ticulier ou professionnel. Il va s’agir d’un
gratuit pour vous. Au-delà business angel, d’un banquier, d’un fonds
de 3 000 € en jeu, vous
d’investissement, mais comme on le pré-
restez visible jusqu’à la fin
de l’année sans débourser cise sur ma Success Story, pourquoi pas un
un euro. Après ? Soit vous retraité en quête d’activité qui possède un
souscrirez un abonnement savoir-faire à transmettre, ou un deman-
d’un mois, deux, trois ou six deur d’emploi que le projet stimule, peut-
mois, soit c’est l’investisseur
être futur associé ? C’est à mes yeux la
qui rémunérera le site, soit
des annonceurs. ma Success grande qualité de cette plateforme de mise
Story ne prend aucune en relation, une ouverture vers les compé-
commission. tences et les idées.
Il n’est certes pas le plus abouti des sites
de crowdfunding, mais sans doute l’un des plus larges, des plus
souples et des plus accessibles.
>>FriendsClear Pro
Une autre plateforme de mise en relation se nomme FriendsClear
Pro, apparue sous cette forme à la fin de l’année 2010. Elle est
développée par le même créateur de concepts qui avait déjà lancé
avec succès le FriendsClear de prêts entre amis et en famille,
Jean-Christophe Capelli. En élaborant la version « pro », Capelli
transpose son modèle à des prêts consentis par des particuliers
ou par des business angels patentés à des créateurs de TPE/PME.
Comme avec ma Success Story, la rencontre passe par l’exposé
des besoins en ligne de créateurs qui cherchent entre 3 000  et
25 000 2 (plafond sur FriendsClear Pro). FriendsClear est donc
plus circonscrit que ma Success Story : le plafonnement limite
la participation à des particuliers pour la plupart en quête d’un
placement modeste (minimum 100 2) ou plus costaud (25 000 2)
mais qui va leur rapporter des intérêts d’emprunt plutôt attrac-
tifs (taux à 4,5 %, TEG 7,7 %).

34
Tout le montage de FriendsClear passe par une banque.
Le créateur se heurte, momentanément
espérons-le, à la Banque de France. Vous
Ma Success Story
vérifierez sur le site si la barrière est versus FriensClear
levée. La grande différence
Pourquoi, dès lors, ne pas vous adresser d’approche entre ces deux
directement à une banque ? 90 % des pro- types de financement « par
jets drainés par FriendsClear Pro concer- la foule » tient à leur esprit :
très largement ouvert
nent de petites structures de moins de dix
sur tous les besoins, y
salariés (et souvent réduite à leur créa-
compris en termes de
teur), très exactement le genre de TPE qui ressources humaines chez
n’intéresse que médiocrement les ban- ma Success Story. Privilège
quiers ! Au surplus, un TEG à 7,77  % ne quasi exclusif donné aux
serait, dans ce cas de figure, pas simple à entreprises innovantes en
négocier : trouver un taux plus bas pour un quête d’amorçage chez
FriendsClear.
prêt personnel de cet ordre relève du par-
cours du combattant.

Wiseed.fr et MicroVentures, d’autres solutions de crowdfun-


ding
La formule du crowdfunding regorge de nuances et d’approches.
Wiseed.fr va davantage réunir business angels et entrepreneurs inno-
vants déjà en route vers le succès en quête de partenaires pour ouvrir
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

leur capital. Cette fois, ce sont les experts du site qui sélectionnent les
candidats (due diligence). À déconseiller aux TPE dans les limbes, à
indiquer aux start-up déjà actives.
C’est sur ce même modèle que fonctionne MicroVentures (www.micro-
ventures.com, sélection des dossiers, faisabilité, due diligence), mais
pour des projets de toute taille.

2 Choisir la voie de l’emprunt 35


tÉmoignage

Catherine Maugée, fondatrice de Be Bio, livraison de paniers


de fruits et légumes bio aux salariés des entreprises
« C’est une amie qui m’a signalé FriendsClear au moment où je cher-
chais de quoi m’acheter un petit véhicule de livraisons. Le conseiller
de la banque m’avait demandé un prévisionnel… repoussé par le direc-
teur de l’agence. Très vite, des particuliers sur FriendsClear ont réuni
la somme – 3 500 3 – que je rembourse depuis au Crédit Agricole. J’ai
acheté un petit utilitaire d’occasion à un jeune garagiste d’Argenteuil
qui se lançait et qui m’a permis de le payer en trois versements ! Mes
besoins aujourd’hui ? Financer mon site, désormais indispensable. Et
rémunérer un livreur. Mais impossible de repasser par FriendsClear
qui exige six mois entre deux soumissions.
Mes conseils à des entrepreneurs novices : passer par ce type de
financement participatif, c’est fabuleux. Bien prévoir d’emblée quoi
demander plutôt que de devoir patienter six mois entre deux tours.
Avant tout, réunir au moins deux ans de fonds de roulement, ce qui
m’a manqué. Et ne pas compter sur sa banque. Les conseillers de la
mienne n’ont rien compris à mon projet. »

avis d’expert
Jean-Michel Billaut, créateur et ex-animateur de l’Atelier
Paribas, théoricien-militant du très haut débit en France,
animateur du Billaut Show, http://billaut.typepad.com
DD Le crowdfunding est-il efficace ?

« Mieux que ça, il fait partie de ces révolutions 2.0 qui sont en train de chan-
ger le monde. Les Français n’en sont pas encore pleinement conscients.
Mais ce genre d’invention participe à réformer la France par le bas. Nous
croyons le pays dirigé par une élite issue de l’ENA. Ça change. Ce sont les
myriades d’idées que les Gaulois mettent en œuvre et dont je suis l’un des
témoins privilégiés qui me rendent optimiste pour l’avenir de ce pays. Un
jeune sur dix veut monter sa boîte. Et quand on les interroge, on sent bien
que la recherche de financement n’est pas leur préoccupation majeure.
Ils inventent, et pour le reste ils se débrouillent. Évidemment, ça ne plaît
pas forcément aux monopoles 1.0 en place… »

36
Faut-il ignorer votre banquier ?
■ ■ ■ Quitte à emprunter, pourquoi ne pas vous adresser avant
tout à votre banquier ? Parce qu’il est une machine à… ne pas
prêter, ou peu, et dans des conditions
Un prêt bancaire exige
inconfortables pour vous. Nous verrons en
pratiquement toujours un
détail pourquoi aux chapitres 5 et 6. apport personnel. Comme
Pour autant, vous devrez en passer par lui pour acheter un logement,
tôt ou tard, raison pour laquelle la deuxième le banquier vérifiera – du
moins est-il censé le faire –
partie de ce guide se consacre aux rela-
que votre endettement
tions « intelligentes » que vous entretiendrez ne dépasse pas 30 % de
avec lui. Car si vous avez besoin d’un fonds vos revenus. Mais surtout,
d’amorçage de quelques milliers d’euros, le l’apport est directement
corrélé à l’objet du
prêt personnel est encore la voie la plus sûre.
financement. Moins il sera
Pourtant, quitte à en passer par la banque, adossé à du concret, plus il
mieux vaut solliciter le crowdfunding, même sera élevé.
si un banquier se tapit souvent derrière.

avis d’expert
Gautier Girard, créateur de forums de création d’entreprises,
www.gautier-girard.com
DD Vous reprochez parfois aux créateurs sans argent de surdimensionner
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

leur projet…
« Être humble avec son projet ne coûte pas plus cher. Prendre le temps
ne coûte pas plus cher. Lorsqu’on intègre ces deux principes, alors on
peut prendre la liberté de réfléchir et d’ouvrir d’autres portes, dans sa
tête.
 Premier conseil : baissez, rétrécissez, divisez comme une peau de cha-
grin l’envergure de votre projet. L’idée est de diviser sa taille par 2, par
3, par 10, par 100. Jusqu’à ce que les coûts nécessaires pour démarrer
correspondent à l’argent que vous pouvez mettre là, maintenant, tout de
suite. Si vous avez 1 000 2 mais que vous pensez avoir besoin de 10 000,
divisez par 10 la taille de votre projet. C’est simple et ça marche.

2 Choisir la voie de l’emprunt 37


Vous vouliez partir avec un stock de 1 000 pièces de vêtements pour vous
lancer ? Commencez donc avec 10  pièces en S, M, L et XL pour couvrir
80 % des besoins.
 Deuxième conseil : s’éloigner du projet initial pour mieux y retourner…
plus tard. Vous voulez acheter un restaurant : lancez-vous comme chef
à domicile en attendant. Vous voulez vous lancer dans le gardiennage :
démarrez comme sous-traitant. Vous voulez créer une boutique : démar-
rez votre commerce en faisant de la vente en réunion, sans boutique et
donc sans stock, sans loyers, etc. »

Oui aux aides publiques et privées,


à condition de les tenir
pour accessoires !
■ ■ ■ Prêts, banquiers, crowdfunding, ces amorçages ont un coût
certain ! Si vous n’avez besoin que de coups de pouce relativement
limités mais vitaux, faites le tour des aides publiques – qu’elles
émanent de l’État ou des collectivités locales – et des sources pri-
vées. Mais elles ne suffiront jamais à financer tout votre projet et
elles dépendent de sa nature.

>>Ces aides peuvent être directes, financières, prendre la forme


d’allègements fiscaux ou d’exonérations de charges, se traduire
par un conseil ou même l’accès à des bureaux.

>>Certaines ne visent qu’une activité particulière, une zone géo-


graphique, ne s’adressent qu’aux demandeurs d’emploi ou s’as-
sortissent de conditions de recrutements. Elles relèvent alors le
plus souvent des collectivités locales. De la mairie aux chambres
de commerce, existent des guichets qui ne demandent qu’à vous
renseigner.

38
>>Les associations, les clubs, certaines grandes entreprises
multiplient les coups de pouce ou les mises en relation, en fonc-
tion du projet.
>>Si votre profil et votre projet s’y prêtent, le coup de pouce
peut se transformer en coup de main sérieux avec les « couveu-
ses d’entreprises » où vous œuvrerez en moyenne 11 mois. Avec 
soutien et moyens : Union des couveuses d’entreprises (UCE),
www.uniondescouveuses.com.
>>Essayez le « don ». Il existe aussi, dispensé par des fondations,
des associations ou même des ministères. Jamais très élevé
(rarement plus de 15 000 2), le don n’est pas attribué facilement,
on s’en doute. Les grandes entreprises privées ou publiques dis-
posent souvent de fondations dont les « dons » sont parfois de
nature technique ou d’assistance.
>>Variante du don et du crédit, le « prêt d’honneur ». Il concerne
les créateurs qui sont privés des garanties qu’exigent les ban-
ques. Son côté « don » passe par des intérêts à taux zéro ou pres-
que, son côté « crédit » reste un prêt à rembourser. Bon nombre
de réseaux d’accompagnement, dits « financeurs extrabancai-
res », (lire ci-dessous) en attribuent.1

S’y retrouver dans les nombreuses aides publiques


Prime d’aménagement, exonérations, dispositif Nacre pour les béné-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

ficiaires de l’Accre – Aide à la création d’entreprise pour les deman-


deurs d’emploi attribuée par Oséo, cette « banque publique française
des PME innovantes » –, le prêt à la création d’entreprise (lire tableau)…,
autant d’aides publiques qui vous tendent leurs lignes de crédit. Fai-
tes l’effort de les passer en revue (attention, il en existerait plus de
7 0001 !), par exemple via le site très complet, indispensable, de l’APCE,
association créée par les pouvoirs publics en 1996 : www.apce.com.
Trouvez votre chemin entre prêts personnels, avances remboursables
et subventions.

1.  Consultez la banque de données Sémaphore de la CCI nationale.

2 Choisir la voie de l’emprunt 39


tÉmoignage

Sophie Montigiani, cofondatrice d’une revue bimestrielle,


Science & Inexpliqué
« Nous partions de zéro. Première démarche, la Chambre de
commerce où des conseils nous ont été donnés pour établir notre
prévisionnel financier. Puis, nous avons soutenu un argumentaire
serré auprès de Hauts-de-Seine Initiative, puis du Fonds de garan-
tie à l’initiative des femmes [FGIF] pour décrocher un prêt d’hon-
neur de 13 000 3. Même exercice à la Société Générale pour un prêt
de 12 000 3. Chez Oséo, l’obole fut plus modeste – 3 300 3 –, mais
prouve qu’Oséo pousse loin le concept de PME innovante ! Et pour
boucler notre première mise de fonds, importante pour publier un
magazine, la love money de nos parents, qui se sont portés caution
pour nous… »

Financeurs extrabancaires :
des réseaux d’accompagnement
à connaître et à solliciter absolument
■ ■ ■ Subventionner. Prêter sur l’honneur. Parrainer. Conseiller.
Vous n’imaginez peut-être pas le nombre d’organismes, associa-
tions et autres collectivités locales qui n’existent que pour vous
propulser sur l’orbite entrepreneuriale. Nationaux, régionaux,
locaux, ces réseaux d’accompagnement ne seront pas forcément
toujours pour vous des magiciens, mais ne pas les contacter
serait une erreur. Le plus difficile du reste est peut-être de les…
repérer. Un tableau en ligne de l’APCE (www.apce.com, rubrique
« Par qui se faire aider ») constitue une excellente grille de tri
selon la nature du projet : activité commerciale ou industrielle,

40
artisanale, agricole, technologies innovantes, selon que vous
êtes demandeur d’emploi ou salarié, une femme, ou rien de tout
cela, vous voilà aiguillé. Mais attention, si vous tapez « réseaux
d’accompagnement » dans le champ « recherche » du même site,
vous passerez votre soirée à repérer la bonne information telle-
ment les références foisonnent.1

tÉmoignage

R. T., créateur d’entreprise


« Bonjour, J’aimerais ajouter un petit exemple, étant dépanneur
informatique, j’ai trouvé une aide dans les Yvelines qui permet de
financer jusqu’à 50 % d’un projet dit numérique. Cette aide permet
d’acheter presque tout type d’équipement informatique ou même de
payer l’hébergement d’un site web !
Les conditions sont de plus très accessibles, je vous recommande
donc cette aide : Yvelines Entreprises Numériques. »1

France Initiative, incontournable


S’adresser aux réseaux les plus importants, fédérations d’asso-
ciations locales, demeure un réflexe salutaire.
Le premier, le plus grand, le plus réticulaire (fédération d’asso-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

ciations locales indépendantes, 243 plateformes), le plus fécond


des accompagnateurs car ouvert à tout type d’entreprise est
France Initiative. Un ancien grand patron de l’industrie automo-
bile, Louis Schweitzer, en a accepté la présidence en mai 2011.
France Initiative a financé 16 960 entreprises en 2010, créées ou
reprises par un prêt d’honneur, avec effet levier pour obtenir des
prêts bancaires dans un rapport de  1 à 8. Pour 37 134  emplois

1.  Il s’agit d’un dispositif mis en place par le conseil régional d’Île-de-France et
la CCI, www.entreprises-numeriques.fr.

2 Choisir la voie de l’emprunt 41


générés en première année, 14 500 bénévoles ont été mobilisés.
Point fort, son réseau de plateformes privilégie le contexte local :
vous ne vous adressez pas à une instance parisienne mais à une
association de proximité. Ses prêts d’honneur s’inscrivent dans
une fourchette de 1 500 à 38 000 2 (www.france-initiative.fr).

tÉmoignage

Jean-Michel Mestres, responsable de la communication


de France Initiative, rédacteur en chef de la Lettre
que publie la fondation
« Quand nous prêtons plus de 166  millions d’euros de prêts à taux
zéro à des créateurs d’entreprises, les banques ont prêté en complé-
ment près de 970 millions d’euros ! »

France Active, solidaire


Tout autre est l’approche d’un autre grand réseau, France Active,
que préside depuis 2000 Christian Sautter, ancien ministre de
l’Économie. Le mot « solidaire » en est la devise puisque ce finan-
ceur qui maille le pays par 40 « fonds territoriaux » se tourne vers
les personnes en difficulté pour les aider à financer leur entre-
prise individuelle (femmes, demandeurs d’emploi, bénéficiaires
de minima sociaux, handicapés, jeunes, seniors…).
Pas de moyens = pas de crédit bancaire : France Active s’emploie
à briser le cercle vicieux. Le réseau finance logiquement aussi
les entreprises solidaires, celles qui assurent l’insertion par
l’activité économique, les associations d’utilité sociale.
À la tête de quelque 20  millions d’euros, France Active finance
les investissements ou le besoin en fonds de roulement d’entre-
prises solidaires par l’apport de fonds propres ou quasi fonds
propres.

42
Repérez-vous, si vous êtes concerné, dans ses filiales :
>>La FAG (France Active garantie), société financière, propose
des garanties d’emprunts bancaires.
>>La Sifa (Société d’investissement France Active) intervient
pour renforcer les fonds propres des entreprises solidaires 
et des associations d’utilité sociale, pour créer des emplois. 
Elle s’appuie, avec le concours de la Caisse des dépôts et des
consignations, sur une centaine d’actionnaires – personnes
morales – comme banques, institutions de retraite et pré-
voyance, grandes mutuelles et entreprises, syndicats, têtes de
réseau associatif, fonds salariaux solidaires et la Fondation de
France.
>>Enfin la Fafi (France Active financement) gère les prêts
Nacre.

Réseau Entreprendre, pour futures PME


Un autre « grand » parmi les réseaux d’accompagnement se
nomme tout simplement Entreprendre. Il a été tissé par un grand
entrepreneur, André Mulliez, alors à la tête de Phildar, célè-
bre pour ses pelotes de laine. Acculé au dépôt de bilan faute de
tricoteuses, le patron se dit que pour créer des emplois il faut
créer des employeurs. Il crée en 1986 Nord Entreprendre qui
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

va se transformer en réseau sous l’action de chefs d’entreprise


locaux. Cette association de 40  « assos » filles a été reconnue
d’utilité publique.
Le Réseau Entreprendre s’intéresse à des projets de créations
(ou reprises) qui dessinent de futures PME (forts de 3  person-
nes au démarrage et d’au moins 14 cinq ans plus tard). Il faut,
pour bénéficier d’un prêt d’honneur remboursable sur 5 ans (de
15 000 à 50 000 2 sans intérêt ni garantie), des critères d’éligibi-
lité : www.reseau-entreprendre.org.

2 Choisir la voie de l’emprunt 43


Les reconversions des grands groupes,
des opportunités à saisir
Les grands groupes évoluent, ils appellent ça reconversion indus-
trielle. Sur les sites libérés, nombreux sont ceux qui incitent leurs
salariés eux-mêmes « libérés » à créer leurs structures. De l’aide
logistique à l’apport financier – jusqu’aux primes pour la reprise
de personnel –, leurs efforts pour laisser place nette ne sont pas à
négliger pour les créateurs concernés. L’APCE a publié un tableau
précis des aides classées par groupes industriels (Financer votre
création d’entreprise, Eyrolles, 2010).
Les réseaux d’accompagnement existent aussi dans toutes les
collectivités locales.

Quelques autres pistes à fréquenter

Microcrédit : en France aussi


Qui dit micro-entreprise dit « microcrédit » ? Pas forcément. Mais ces
prêts de petits montants (au maximum de 20 000 à 45 000 2, mais en
règle générale de quelques milliers d’euros seulement) suffisent par-
fois à lancer une affaire ou franchir un cap. En France, 48 000 micro-
entreprises auraient ainsi été créées en 2008 via le microcrédit.
Les microcrédits ne sont pas réservés aux pays émergents où
Muhammad Yunus, prix Nobel 2006, les a érigés en symboles. Avec
l’Adie, créée en 1989 par l’économiste Maria Nowak, le microcrédit
a trouvé ses premières instances en France. Il concerne les créa-
teurs de TPE : des personnes qui vont créer leur propre emploi, aux
chômeurs, ou aux exclus du système bancaire. L’encours ne portera
jamais sur des projets qui dépasseraient 75 000 2 de financement.
Attention, le microcrédit professionnel ne se confond pas avec le
microcrédit personnel ou social réservé à des personnes en grande
précarité.

44
France Initiative, France Active, l’Adie sont quelques-unes des
associations qui vont analyser les projets selon leurs critères pro-
pres. Si l’Adie se fixe un plafond de 20 000 2, France Initiative, par
exemple, monte jusqu’à 30 500 à 45 000 2. Mais en règle générale, le
« micro » crédit porte bien son nom : il s’agira de montants de 3 500 à
5 000 2. Le prêt obtenu, le créateur de TPE trouvera dans le réseau
des « microcréditeurs » la banque qui, garantie, prendra le relais au
besoin (effet de levier).
À l’issue d’un premier entretien, le candidat au microcrédit (un sur
deux sera accepté, selon les statistiques de l’Adie, deux sur trois
chez France Initiative) verra son dossier « audité » par un comité en
quelques jours.

1. Associations, clubs, concepts à explorer


pour trouver un financement

Association pour le droit à www.adieconnect.fr


l’initiative économique : micro-
Adie crédits jusqu’à 6 000 2 pour
créateurs sans emploi ou béné-
ficiaires de minimums sociaux.
Association pour favoriser la www.aface.fr
création d’entreprise. Elle inter-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

vient dans deux départements,


Aface les Yvelines et le Val d’Oise,
sous forme de prêts d’honneur
– 60 000 2 au maximum rem-
boursables en 5 ans.
Association pour la gestion www.agefiph.asso.fr
du fonds pour l’insertion
des personnes handicapées.
Agefiph Subvention à la création
jusqu’à 12 000 2, aménage-
ment du poste de travail, suivi
de l’entreprise.

2 Choisir la voie de l’emprunt 45


Association interdépartemen- www.airdie.org
tale et régionale pour  
Airdie le développement de  
l’insertion par l’économique.
Région Languedoc-Roussillon
L’entrepreneuriat en coopé- www.coopaname.coop
rative !
Coopaname
Une autre approche innovante,
l’entrepreneur salarié.
Fondation Dons. www.deuxiemechance.org
de la
deuxième
chance
KKBB : une plateforme de www.kisskissbankbank.com
Kiss Kiss
crowdfunding pour les projets
Bank Bank
artistiques.
Nouvelle économie frater- www.lanef.com
nelle. Pour les créateurs
d’activités sociales dans l’édu-
cation, l’art, la culture, la réin-
La Nef sertion, contre l’exclusion, la
santé, l’aide aux handicapés,
les coopératives, l’agricul-
ture bio… Crédits de 10 000 à
120 000 2 jusqu’à 15 ans.
Prêt à la création d’entreprise. www.pce.oseo.fr
Présenté à la banque par des
organismes agréés Oséo ou
PCE demandé directement à Oséo
par la banque.
2 000 à 7 000 2 en plus d’un
crédit bancaire du double.
Création de Scop uniquement. www.scop.coop
Socoden Intervient en fonds propres et
en prêts (jusqu’à 155 000 2).
Entrepreneuriat social,   www.groupe-sos.org
200 établissements partout  
Sos (groupe) en France. Son volet Insertion
et alternatives assure des prêts
d’honneur jusqu’à 7 600 2.

46
Clubs Il en existe des centaines. Trouvez leur liste dans
d’entre­ www.placedesreseaux.com
preneurs
250 à 300 en France, régio- Cherchez celle de votre
Pépinières nales. région et prenez contact
d’entreprises pour comprendre leur
positionnement.
En pleine expansion.   www.franchise-fff.com
Vous achetez une enseigne
et une notoriété. Il existe des
La franchise
associations et des organismes
qui apportent garanties et
crédits.
Ne pas l’oublier !   Parmi les plus connus,
Le crédit-bailleur achète celui de LCL, Société
l’équipement – machines, Générale, BNP Paris Lease
matériel… – et le loue à l’en- Group, Cicobail (Caisse
Le crédit- treprise. Beaucoup d’avan- d’épargne), Oséo Batiroc,
bail tages contre un inconvénient, il CMCIC Lease, etc.
est plus cher qu’un crédit clas-
sique. Parmi les avantages :
rapide à obtenir, n’entre pas
dans le ratio d’endettement.
Outre le prix, pas toujours très  Réseau des Boutiques
élevé, ils sont de puissants de Gestion, www.concours-
moteurs pour s’entraîner, talents.com
rencontrer des partenaires, se  APCE et ordre des
faire connaître. experts comptables,  
www.creacc.com
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

 Ministère Recherche,
www.recherche.gouv.fr
 Entreprises agro-alimen-
taires, www.agropole.com
Les concours  Envie d’agir,  
www.enviedagir.fr
 Tremplins entreprises
(Sénat), www.tremplinsen-
treprise.com
 Grand Prix Médicis des
micro-entreprises : http://
www.salonmicroentreprises.
com/espace-visiteurs/
grand-prix-micro-entre-
prise/inscription.php

2 Choisir la voie de l’emprunt 47


D’autres adresses
>>Conseils et expertises
−− CER France (www.conseil-auto-entrepreneur.fr)
−− Les experts-comptables (www.experts-comptables.fr)
−− Chambres de commerce et d’industrie (www.creation.cci.fr)
−− Chambres de métiers et de l’artisanat (www.artisanat.fr)
−− Fédération des Centres de gestion agréés  
(http://anprecega.com)
−− Association Egee (www.egee.asso.fr)
−− Union des couveuses d’entreprises (www.uniondescouveuses.eu)
>>Conseils pour les auto-entrepreneurs
−− La Fédération des auto-entrepreneurs  
(www.federation-auto-entrepreneur.fr)
−− L’Union des auto-entrepreneurs  
(www.union-auto-entrepreneurs.com)
>>Conseil pour tester votre projet
−− Planète auto-entrepreneurs  
(http://www.planete-auto-entrepreneur.com)

48
L’essentiel 
Un phénomène extraordinaire : les prêts « par la foule ». La
France est entrée dans l’ère du web 2.0. Emprunter pour
entreprendre ne passe plus forcément par une banque.

Faut-il ignorer votre banquier ? Dans un premier temps, essayez


de vous en passer. Ce prêteur ne veut pas prendre de risques.
Prenez-le au mot et n’allez le voir qu’en position de force.

Oui aux aides publiques et privées, à condition de les tenir


pour accessoires ! Elles sont des compléments, des coups de
pouce, mais leur addition peut devenir significative.

Financeurs extrabancaires : des réseaux d’accompagnement


à connaître et à solliciter absolument. Les prêts qu’ils
accordent seront abondés par les banques, rassurées par une
telle garantie.

Vers un plan d’action


ÂÂ
Vous avez chiffré vos besoins, avez-vous déjà listé les
organismes/associations/personnes/sites à contacter ?

ÂÂ
Avez-vous pensé à placer votre dossier sur un site de
crowdfunding ? Attention ! Vous optez alors pour un prêt
personnel qu’il faudra rembourser.

ÂÂ
Avez-vous repéré le cabinet d’avocats, l’expert-
comptable ou le conseil en gestion qui pourrait devenir
votre ambassadeur auprès des financeurs ?

2 Choisir la voie de l’emprunt 49


3
Les financeurs
en capital,
leurs motivations
Je ne veux pas uniquement quelque chose où investir.
Je veux quelque chose à laquelle je puisse croire.
Anita Roddick, fondatrice de Body Shop

Objectifs
>>>> Comprendre les motivations, les
ressemblances et les différences entre
business angels et capitaux-risqueurs.
>>>> Découvrir les possibilités du capital-
risque solidaire.
>>>> Savoir recourir au nouveau
capital-risque à la française, les fonds
d’entrepreneurs tournés vers le high-
tech et les concepts innovants.
I
ls entrent au capital dont ils apportent tout ou partie, mais ils
veulent en sortir quelques années plus tard après avoir réussi
une belle plus-value1. Des « anges » du business ? Si l’on veut,
mais des anges qui ont les pieds sur terre. Outre leur objectif de
tirer un profit de leur mise initiale, les business angels visent à
vous apporter leur savoir-faire. Si vos besoins en capital repré-
sentent des sommes importantes, peut-être aurez-vous plutôt
affaire à de gros investisseurs qui cherchent le risque (calculé)
pour placer des capitaux.
Longtemps, ces partenaires sont apparus – à juste titre – comme
des bailleurs de fonds inaccessibles pour qui ne faisait pas partie
du sérail ou si le projet d’entreprise n’était pas celui d’un ingé-
nieur spécialiste de nanophysique ou du titulaire d’un brevet
high-tech révolutionnaire. Ce n’est plus vrai. On s’aperçoit que
ce type de financement s’est démocratisé, y compris parmi les
entrepreneurs jeunes.
Toujours est-il qu’en France les fonds d’amorçage manquent
cruellement : souffririons-nous de « capital non risque » ?

Le capital-investissement :
du business angel au capital-risqueur
■ ■ ■ Nous quittons le monde du « crédit à rembourser » pour
celui du « capital ». Les sommes en jeu dans le capital-risque
dépassent les besoins de la plupart des TPE et concernent donc
en priorité les PME.

1.  Il vaut mieux en connaître l’ordre de grandeur. Ils tablent sur 100, 200, 300 %
ou plus. Soit des rentabilités annuelles de 20 ou 30 %. Voilà qui vous donne d’em-
blée un critère d’éligibilité : le capital-risque concerne-t-il votre projet ?

52
Le capital-investissement implique des particuliers et des socié-
tés qui vont investir dans une idée, la vôtre, en vous apportant le
nerf de la guerre.

La société qui va naître de cette mise de fonds vous appartiendra


un peu, beaucoup, passionnément sans doute, ou pas du tout :
une entreprise appartient, au sens financier, à ceux qui ont investi
à leurs risques dans sa réussite ou son échec. Dans le capital-
risque, vous n’avez plus affaire à un banquier prêteur mais au
mieux à des associés, au pire à des « propriétaires ». Patrons ou
pas, ils vous laisseront aux commandes de l’affaire… sous haute
surveillance.

Si vous visez des financeurs de ce type, c’est que votre projet exige
des investissements au-delà de 25 000 2, 100 000 2, voire quelques
millions pour démarrer. Son potentiel sur plusieurs années est
donc supérieur à ces montants. Attention, même si vous figurez
dans le capital – et à moins de vous en assurer la majorité – votre
compétence et votre savoir-faire unique vous désignent pour res-
ter le patron opérationnel et diriger les opérations courantes.

Le capital-investissement est l’apport de fonds propres (private


equity) à des sociétés non cotées mais à fort potentiel, quel que
soit leur degré d’avancement. Par des actionnaires privés (sou-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

vent des business angels) ou institutionnels (des organismes, des


banques, des fonds). Le capital-risque en fait partie, il se nomme
capital-amorçage et capital-création au tout début de la vie d’une
entreprise.

>>Si votre besoin oscille entre 20 000 et 500 000 2, vous intéres-


sez une première famille de business angels.

>>À une autre échelle, une seconde famille de business angels


est susceptible d’examiner des projets dans lesquels investir
jusqu’à 5 millions d’euros.

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 53


Il faut bien comprendre qu’ils n’ont pas vocation à rester ad vitam
à vos côtés. Ils n’ont même pas celle de figurer longtemps dans
votre capital. Ils sont des investisseurs d’amorçage, le temps de
lancer l’affaire et de retrouver leur mise de fonds avec une plus-
value significative. Cette deuxième catégorie est la plus « rare ».
S’ils entrent dans une centaine de projets par an en France, c’est
le bout du monde. Or, sans amorçage, pas d’entreprise.
>>Au-delà des 5 millions d’euros, vous devez viser des capitaux-
risqueurs qui ne sont plus des individus mais des fonds (souvent
des banques d’affaires ou des clubs de gros investisseurs).

Prêtez, ou je fais un malheur !


Face à la frilosité des fonds ou des banques du capital-risque en
général et à l’occasion de la crise commencée en 2008 en particulier,
l’État a fait donner la charge par la CDC – Caisse des dépôts et consi-
gnations. Relativement discrète via les fonds, la CDC a financé plus
de 30 % des fonds propres en amorçage à des PME françaises depuis
2008, et elle voudrait bien qu’on le sache un peu plus…

Business angels : les amorceurs affaires


On a du mal à trouver la traduction de cette belle expression oxy-
more qui rapproche la sainteté de l’ange de la dure réalité du
business. La tentative de parler d’« investisseurs providentiels »
n’a pas pris en France, sans doute parce que la providence n’a
que peu à voir avec leur démarche. Ces investisseurs particu-
liers qui risquent une partie de leur patrimoine dans une entre-
prise – innovante au sens large – vont plus loin que miser leur
argent sur vous : la plupart du temps, ils vous accompagnent,
vous conseillent, usent de leurs relations : c’est leur part « angé-
lique ». Elle est précieuse. Bien sûr, ils recherchent le secteur
d’activité qu’ils connaissent, de préférence.

54
>>Les motivations des business angels
Qu’est-ce qui motive ces investisseurs ? Selon une étude :
−− 35  % recherchent une plus-value importante en capital : ils
« amorcent » puis se retirent ;
−− 27  % recherchent l’aventure d’une entreprise où s’exprime
leur rôle de conseils, leur souci de promouvoir des entreprises
nouvelles ;
−− d’autres enfin visent surtout une défiscalisation (loi Tepa).
Mais la majorité d’entre eux auront généralement à cœur de
« compter » dans l’aventure, et pas seulement au sens comptable.
Vous aurez des chances de les voir investir à la création même
de l’entreprise puisque leurs 20 000, 40 000 2 ont des chances de
peser 20 ou 30 % de la « boîte ». S’ils intervenaient plus tard, ils
« pèseraient » moins.

La loi Tepa
La loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir
d’achat (Tepa), vise à « accroître l’activité économique et l’emploi »,
entre autres par l’incitation à l’investissement dans les PME. Les
redevables de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) qui souscri-
vent au capital des petites et moyennes entreprises (PME) bénéfi-
cient d’un allégement fiscal. Ce dispositif alimente les TPE d’un
milliard d’euros par an.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

D’autres dispositifs existent : la loi Madelin, le livret d’épargne en


actions…

>>Les business angels en France


On cite le plus souvent le chiffre de 4 000 business angels regrou-
pés en quelque 84 réseaux dont la fédération est France Angels,
depuis 2001 (www.franceangels.com), en oubliant souvent les
« hors réseaux » qui portent le nombre total à 8 000  business
angels. Ils sont quelque 30 000 en Grande-Bretagne…

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 55


On estime à un peu plus de 300 les entreprises ainsi capitalisées
par les 4 000 en réseaux, soit un minuscule cheptel. Les investis-
seurs se sont regroupés en réseaux géographiques (trouvez ceux
de votre région, c’est facile), en anciens de grandes écoles (tel
Arts et Métiers Business Angels…) ou selon des secteurs qu’ils
privilégient (femmes, développement durable, informatique –
comme IT Angels –, etc.).
Recensez autour de vous les sessions de « dating » pendant 
lesquelles des porteurs de projets rencontrent en temps limité
ces anges zélés. Dans le domaine des cleantechs et du green­
business, l’association en pointe se nomme CleanTuesdays 
(http://cleantuesdayparis.fr).

tÉmoignage

Jean-Philippe Martinez, entrepreneur, directeur


de deux pépinières à Narbonne, éole et Innoveum
« L’Afic a publié le bilan accablant, hélas, des contre-performances
des capitaux d’amorçage en général en France. Ils sont négatifs de
2 ou 3 %. Quand les capitaux-risqueurs sur ce créneau espèrent au
moins 20 % de rentabilité ! Pourquoi ? Estimer un projet innovant est
difficile. Financer une entreprise traditionnelle, beaucoup plus sûr.
Une jeune fondée de pouvoir au sein de la branche capital-risque
d’une banque française m’a dit : “Je ne finance pas la création… Une
boulangerie, c’est plus sûr”. »

Avant toute démarche auprès de business angels, préparez-vous


selon les étapes du chapitre 1. La participation d’un conseil à vos
côtés n’est cette fois-ci pas du luxe, c’est pratiquement un pré-
requis.
Songez entre autres aux pépinières d’entreprises locales.

56
Un LBO (leveraged buy-out),
rachat de l’entreprise par
ses dirigeants avec effet de
Capitaux-risqueurs : levier et fort endettement
les durs en affaires n’est pas à proprement
parler du capital-risque. De
Fondamentalement, ils agissent comme même, certains excluent du
les anges, qui sont eux-mêmes des capi- champ du capital-risque le
« capital-développement »,
taux-risqueurs, mais à une autre échelle. prise de parts minoritaires
La traduction de l’anglais « venture capi- dans le capital de PME déjà
tal » en capital-risque s’est imposée devant solidement établies.
les autres tentatives, « capital aventure »,
« capital croissance ». Et pour cause. Le « risque » est grand car la
mise de fonds est élevée, elle se chiffre en centaines de milliers,
en millions et en dizaines de millions d’euros. Le capital-risqueur
– qui n’est plus un particulier mais un fonds ou une banque – tente
de ne pas se tromper de cheval. La réussite de son risque se tra-
duira toujours par la vente de la société financée (dite « affiliée »)
ou son entrée en Bourse. Il intervient en amont ou dès la création
(capital-amorçage, souvent lié à la mise au point de prototypes,
par exemple), ou lorsque la start-up recherche son second souffle
(capital-création).
Par ses cibles très innovantes et très pointues (d’abord les tech-
nologies de l’information, les biotechnologies, puis plus récem-
ment les technologies de développement durable), par ses enjeux
financiers, le capital-risqueur s’intéresse à des start-up dont les
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

créateurs n’ignorent déjà plus grand-chose des leviers qui s’of-


frent à eux.
Comme un business angel, un capital-risqueur va rester entre
4 et 7 ans au capital de sociétés non cotées.
Parmi les capitaux-risqueurs existent des nuances :
−− les sociétés de capital-risque (SCR) en général ;
−− les fonds de capital-risque (qui ne visent que le capital-créa-
tion) ;

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 57


Pour visualiser cet univers
du capital-investissement
au sens large, et y puiser −− les Fonds communs de placements à ris-
des informations et des idées,
ques (FCR ou FCPR, investis pour au moins
visitez CFOnews
(www.cfo-news.com), 50 % en titres de sociétés non cotées, avec
un modèle du genre. l’avantage de l’exonération de taxes) ;
−− les Fonds communs de placement dans
l’innovation (FCPI, investis pour au moins 60 % dans des actions
de sociétés cotées ou non, innovantes dans des secteurs de
pointe) ;
−− les Fonds d’investissement de proximité (FIP, « véhicules finan-
ciers » que gère une société).

Ces sociétés de capital-risque, par les sommes qu’elles mobilisent,


visent toujours, à terme, une plus-value. Mais dans certains cas, il
ne s’agit pas de leur unique motivation. Ceux que l’on nomme les
corporate venture, notamment, ont pour berceaux de grandes socié-
tés industrielles qui y puisent le moyen de rester en pointe de l’in-
novation. Les sociétés innovantes qu’elles capitalisent constituent
en quelque sorte un observatoire. L’avantage pour l’entrepreneur
est que le retour d’ascenseur est assuré : le poids de la firme et son
savoir-faire vont aussi l’aider à développer son affaire.
Citons Innovacom, filiale de France Télécom, Siemens Venture
Capital, Aventis Venture Capital Fund, et bien d’autres, qui évo-
luent dans une sphère plutôt réservée aux entrepreneurs déjà
rompus à ce monde financier.

Capital-risque solidaire : l’homme


au centre
■ ■ ■ Dans le principe, ces fonds de capital-risque visent le même
effet : apport de fonds propres ou de quasi fonds propres à des créa-
teurs d’entreprise, avec espoir (et même nécessité dans la majorité

58
des cas) d’en dégager une plus-value significative au moment de la
cession. La différence abyssale, c’est que sont éligibles à ces fonds
des projets ou des sociétés déjà en route, originaux et innovants,
certes, mais pas forcément high-tech ni dévoreurs de fortunes en
amorçage. Ce qui compte pour les capitaux-risqueurs concernés
tient davantage à la personnalité même du ou des créateurs.

Qu’est-ce que le capital-risque solidaire ?


Le capital-risque solidaire atténue le côté « finances » par sa pré-
occupation de l’humain. C’est bien du capital-risque (dizaines, cen-
taines de milliers d’euros dans des petites sociétés), mais il s’agit
davantage de business angels, souvent mâtinés de galères passées,
qui privilégieront le tempérament, la force du créateur même
démuni :
−− Cigales (Clubs d’investisseurs pour la gestion alternative et
locale de l’épargne solidaire, www.cigales.asso.fr) ;
−− FinanCités (PlaNet Finances, www.financites.fr) ;
−− Love money pour l’emploi (www.love-money.org) ;
−− ou BAC, le fonds d’Aziz Senni, capital-risqueur des banlieues,
à hauteur de 50 000 à 100 000 2 et plus (www.bac-partenaires.fr,
voir plus bas).

Ces fonds sont nouveaux et humainement passionnants, mais


© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

ne nous y trompons pas : rien à voir avec de l’humanitaire à la


Bill Gates. Pour perdurer, ils doivent agir, penser et sélection-
ner comme d’authentiques capitaux-risqueurs, autrement dit se
montrer impitoyables avec les dilettantes, fussent-ils issus de
milieux difficiles.

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 59


Passe ton BAC d’abord :
un exemple de capital-risque solidaire
Aziz Senni est l’un des meilleurs représentants de ce type de
capital-risqueur solidaire. Son livre – L’ascenseur social est en
panne… j’ai pris l’escalier1 – est une mine d’idées.
L’idée d’Aziz Senni de créer une entreprise de taxis collectifs,
ATA – Alliance transport et accompagnement, « plus rapide que
le bus, moins cher que le taxi », jusqu’à 70-80 % – naît de l’abîme
qu’il constate entre les deux parties de sa
Aziz Senni a d’abord poussé
la porte de la mairie. Puis
ville dans les Yvelines, le centre-ville et le
celle de la Boutique de Val Fourré.
gestion de Mantes (réseau À la tête d’une société de transports qui
désormais rebaptisé BGE
réalise 3 millions d’euros de chiffre d’affai-
pour EnsemBle pour aGir
et Entreprendre). De là,res et emploie plus de 70 personnes, Aziz
il obtient un micro-crédit Senni n’a rien oublié. Il lui semble que ses
auprès de l’Adie, décroche « galères » de créateur enragé, aussi fruc-
des bourses et remporte tueuses qu’elles aient été, ne sont pas une
le concours qui va lui
fatalité. Le capital-risque n’est pas réservé
donner une vraie notoriété
médiatique, Défi Jeunes. aux entrepreneurs, pense-t-il : il crée un
fonds, BAC, Business angels des cités.
Senni convainc Claude Bébéar, Éric de Rothschild, la Barclays
Equity et Martin Bouygues de créer BAC en puisant pour l’essen-
tiel dans leurs fonds personnels. BAC réunit d’abord 5 millions
d’euros sur le nom de Senni, et ne s’intéresse qu’à des projets
de créateurs issus de la banlieue ou, intelligemment, qui veulent
installer leur entreprise en banlieue.
Depuis, Aziz Senni et ses partenaires ont créé deux fonds com-
muns de placement à risque (FCPR) de 15  millions d’euros. Ils
fonctionnent dans l’esprit du business angel, en intervenant en
capital et en dotant l’entreprise « affiliée » d’un parrain.

1.  L’Archipel, 2006.

60
« Demain, il sera porté à 50 millions », m’a dit Aziz qui conserve
la présidence du conseil de surveillance et confie la direction à
Matthieu Cornetti, « jeune et brillant analyste, il connaît bien la
banlieue ».
C’est un comité d’investissement qui sélectionne les dossiers.

avis d’expert
Aziz Senni, chef d’entreprise, président du conseil de surveillance
du FCPR BAC
DD A-t-on plus de chance en se présentant chez BAC comme victime de
sa condition ?
« Pas du tout. Pas de posture victimaire, surtout. On fait du business,
on parle de business, le reste ne m’intéresse pas. Les questions sont
“Combien et pour quoi faire ?” Nous fonctionnons comme tout autre
fonds. À l’origine, nous visions davantage l’amorçage, le FCPR privilégie
aujourd’hui le développement, par souci de rééquilibrage. »
DD Un type d’entreprise a-t-il votre préférence ?

« Non. Je vais vous donner une image : non à l’ouverture d’une restaura-
tion kebab, oui à l’ouverture de dix kebabs… »
DD Un exemple de dossier mené à bien…

« Ruedesconsuls.com : des produits de décoration marocaine en ligne, un


site qui a levé 150 000 2. »
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Capital-risque d’entrepreneurs
très réactifs
■ ■ ■ Hors la dimension solidaire, émergent en France depuis
deux ans des capitaux-risqueurs du troisième type. Ces extra­
terrestres du financement sont jeunes, ils ont réussi à mettre
sur orbite des marques à succès – PriceMinister, PhoneHouse, 

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 61


Meetic, Free… –, souvent ils ont revendu leur « boîte », dispo-
sent donc de capitaux énormes. La plupart du temps, ils ont
déjà investi quelques millions d’euros dans des start-up à titre
personnel, par coup de foudre ou affinité, mais ils se structu-
rent désormais et se positionnent entre le business angel pro-
che des créateurs mais à moyens limités et la « bancassurance »
qui n’ouvre que des dossiers à potentiel avéré présentés par des
patrons du sérail.

Qui sont les nouveaux capitaux-risqueurs français ?


>>Soit ils sont des patrons de renom qui misent une partie limi-
tée de leur patrimoine, mais surtout « lèvent » des fonds impor-
tants autour d’eux en utilisant leur notoriété comme levier.
E xemple : ISAI Développement.
>>Soit ils risquent directement une partie de leur fortune per-
sonnelle sans faire appel au « marché ».
E xemple : Kima Ventures, Jaïna Capital.
Une forte estime réciproque abolit les murs et la concurrence
entre ces fonds  qui se concertent souvent sur les mêmes dos-
siers. Ce qui ne les empêche pas de s’émuler par la course à la
bonne idée.
Tous font preuve de réactivité. Là où des institutionnels « réflé-
chissent » plusieurs mois ou davantage, ce capital-risque nou-
velle génération est pressé : le temps, c’est de l’argent. Ils
sélectionnent les bons dossiers en quelques heures ou quelques
jours, guère plus.

62
Le capital-risque traditionnel en France
Le capital-risque traditionnel français redoute trois péchés… capi-
taux : la jeunesse et le manque d’expérience du créateur, l’absence
totale de chiffre d’affaires au départ, le caractère archinovateur
du projet sans modèle de réussite prouvé. Pour le capital-risque
traditionnel français, un seul de ces critères suffit à condamner
la meilleure idée. Aux États-Unis, ils peuvent les cumuler tous les
trois. En France, vente-privée.com, PriceMinister ou Meetic auraient
été condamnés sans l’acharnement de leurs créateurs. Ce sont eux,
aujourd’hui, qui revivifient le capital-risque.

tÉmoignage

Pascal-Emmanuel Gobry, entrepreneur, collaborateur du site


américain Business Insider dans lequel il donne une image
plutôt inhabituelle du VC (Venture Capital) français
« Jimmy Fairly, une start-up française bâtie sur le modèle “Ache-
tez une paire de lunettes et donnez-en une à des gens qui en ont
besoin” a levé 200 000 2 de la part de business angels en tout juste
trois semaines. De nouveaux fonds hyperactifs de superanges sont
en train de se créer un peu partout, des start-up naissent au sein de
mastodontes du marché mondial de la technologie, à coups d’entre-
prises copies conformes jappant sur leurs talons. »1
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

ISAI, Kima, Jaïna et les autres, relais entre le petit


business angel et les gros capitaux-risqueurs
Ce qui s’éveille en France dans le domaine du capital-­risque,
est passionnant. Des entrepreneurs qui ont largement réussi se
prennent de passion pour la transmission du flambeau à d’autres.

1.  Extrait d’un article du 3 mai 2011. Avec l’aimable autorisation de l’auteur.

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 63


C’est le cas de Marc Simoncini, créateur du mythique Meetic (ren-
contres en ligne), à l’origine du fonds Jaïna, de Xavier Niel, patron
de l’opérateur Free, à la tête du capital-risqueur Kima Ventures,
créé en 2010, associé à un enfant terrible de la bulle Internet des
années 2000, Jérémie Berrebi.
2010, c’est aussi l’année de constitution d’un troisième fonds de
la même veine, ISAI Développement, qu’animent trois figures de
la nouvelle entreprise en France, Pierre Kosciusko-Morizet, qui
a déjà eu le temps de revendre PriceMinister à la tête duquel il
demeure, Geoffroy Roux de Bézieux, patron de Virgin France et
d’Oméa Télécom après avoir lancé PhoneHouse, et impliqué dans
les instances du Medef, Stéphane Treppoz, passé d’AOL à Sarenza
(vendeur de chaussures en ligne). Sans oublier Ouriel Ohayon
(TechCrunch.fr) et Jean-David Chamboredon, à la tête du fonds. En
tout, les associés d’ISAI Dévelopement ont « levé » quelque 35 mil-
lions d’euros auprès d’une soixantaine d’entreprises de l’Internet
français. D’autres fonds, bien sûr, tels Seventure, Serena Capital,
Newfund et d’autres, adoptent les mêmes silhouettes.

1. Des fonds d’entrepreneurs high-tech qui font parler d’eux

Têtes de Rythme/
Qui Fourchette Domaine
proue Réactivité
Niel/ 5 000 à 150 000 2 High- 1 investis-
Kima Ventures Berrebi et plus. tech, sement par
www.kimaven- monde. semaine !
tures.com / Décision
record : 3 jours.
PKM/ 500 000 à 1,5 mil- Concepts 4 ou 5 inves-
Treppoz/ lion d’2. en ligne. tissements par
ISAI Développe-
Roux de an/Décision
ment
Bézieux rapide mais
www.isai.fr
réfléchie entre
associés.

64
Têtes de Rythme/
Qui Fourchette Domaine
proue Réactivité
Simoncini 1 à 10 millions d’2 Tout Quelques
sur 2 ou 3 ans, concept. dizaines par
Jaïna Capital investissement an/Décision
www.jaina.fr moyen 100 000 2, record :
mais a déjà craqué 8 heures.
pour 3 750 2.

L’originalité d’ISAI, de Kima, de Jaïna et de quelques autres est d’as-


surer la transition entre les business angels particuliers qui dépas-
sent rarement 100 000 à 500 000 2, et les gros capitaux-risqueurs
que les opportunités à moins d’un million d’euros attirent peu. Mais
c’est justement dans cet « equity gap », comme
Sans des capitaux-risqueurs
dit Pierre Kosciusko-Morizet, ce manque de
que le risque réel n’effraie
fonds propres, que se noient des start-up qui pas, Facebook n’aurait
auraient pourtant tout pour réussir. jamais décollé si vite,
Groupon, jamais existé : à sa
Les besoins sont énormes. L’État, qui a bien
tête, Andrew Mason, 29 ans,
compris à quel point ce « trou d’air » handi- qui vient de refuser le rachat
cape la création d’entreprises en France, de son site pour 5 milliards
alimente en seed money (littéralement « l’ar- de dollars ! Accel Partners,
gent qui ensemence ») des laboratoires de l’un des capitaux-risqueurs
de Facebook, a récemment
recherche et des établissements d’enseigne-
cédé une partie de sa mise
ment par des prêts remboursables en 12 ans en la multipliant par… 200.
à bas taux. La Caisse des dépôts et consigna-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

tions réalise le même effort… qui reste marginal face aux besoins.
Creusez la question, explorez vos chances d’obtenir une telle aide si
votre entreprise s’inscrit dans l’innovation et le high-tech.
ISAI, par exemple, va ainsi s’interesser à des entreprises innovan-
tes dans la fourchette de capital de 500 000 à 1,5 million d’euros.
Seriez-vous éligible ? Pas si simple. Il vous faut :
−− déjà exister ;
−− évoluer dans le « en ligne ».

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 65


Pierre Kosciusko-Morizet et ses associés visent un investisse-
ment par trimestre, et espèrent ainsi « booster » 4 ou 5 start-up
par an.

2. Des exemples de sites capitalisés par ISAI

Le voyage sur mesure A levé 715 000 2


qui manquait entre « vols www.evaneos.com
Evaneos
secs » et voyages (trop)
organisés.
Trouver une voiture ou A levé 1,25 million
Covoiturage.fr des passagers avec effi- www.covoiturage.fr
cacité.
Vente/achat de produits A levé 650 000 2
Instant Luxe
de luxe identifiés. www.instantluxe.com
Éditeur de sites mar- Levée de fonds non com-
Commerce
chands. muniquée
Guys
www.commerceguys.com

3. Des exemples de sites capitalisés par Kima Ventures


Des ebooks en 24 pages Start-up américaine
24Pagebooks pour la génération des www.24pagebooks.com
lecteurs du « court ».
Transpondeurs nouvelle Start-up israélienne
Effdon
génération. www.effdon.com
Add-on pour transformer www.getsurc.com
Mashed Pixel son iPhone en télécom-
mande universelle.
Prise de commande anti- www.storific.com
Storific cipée des menus au res-
taurant via son mobile.

66
tÉmoignage

Jérémie Berrebi, cofondateur de Kima Ventures


« Nous réfléchissons sans cesse aux “besoins” qui ne sont pas satis-
faits. Nous avions prévu l’amorçage de 100 investissements en deux
ans, nous y sommes presque en quinze mois, ce qui nous place loin
devant les autres fonds qui n’ont pas ce rythme. Dans quatorze pays,
et dans des domaines variés. Mais très peu d’entrepreneurs fran-
çais ont l’ambition de monter une gigantesque entreprise à la Goo-
gle, Facebook, en l’internationalisant. En Israël, où je vis, tous les
entrepreneurs ont cette culture car le marché local est minuscule.
Du coup, Israël est le deuxième pays après les États-Unis, à avoir le
plus grand nombre d’entreprises cotées au Nasdaq. »

4. Les contacts recommandés par l’APCE

Union nationale des inves- www.unicer.asso.fr


Unicer tisseurs en capital pour les
entreprises régionales.
Association française des www.afic.asso.fr
Afic
investisseurs en capital.
France La fédération des groupe- www.franceangels.org
Angels ments de business angels.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Proxicap www.proxicap.com
Leonardo ventures www.leonardoventures.
Opérateurs com
privés
Chausson Finance www.chaussonfinance.
spécialisés
com
en
recherche MGT www.mgt.fr
de fonds Cofire – MBA Capital www.mbacapital.com
(sélection)
Multeam conseil www.multeam.com
Aelios Finance www.aeliosfinance.com

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 67


avis d’expert
Christophe Chausson, capital-risqueur à la tête de Chausson
Finance depuis 15 ans
DD L’amorçage a marqué le pas en France. Les nouveaux capitaux-ris-
queurs type ISAI, Jaïna, Serena, Newfund ou Kima vont-ils relever le
défi ?
« Ils s’inscrivent dans une troisième vague du capital-risque après l’ar-
rivée, dans les années 1990, des Fonds communs de placements à ris-
que comme Sofinnova et Partech, puis au début de la décennie 2000
des Fonds communs de placements dans l’innovation et des FIP, dits de
proximité, par lesquels des particuliers fortunés cherchent des avanta-
ges fiscaux. »
DD Les directives européennes sur l’augmentation des fonds propres des
banques vont-elles freiner le capital-risque ?
« Sans doute, en amoindrissant la capacité de lever des fonds de la part
des FCPR qui se tournent vers les banques, les assureurs, les fonds de
placement retraite. Quant aux avantages fiscaux, rien ne garantit leur
pérennité. Enfin les fonds d’entrepreneurs investisseurs comme ceux que
vous citez sont encore trop récents pour prendre toute la relève… »

Vous répondez aux critères d’un capital-risque « engagé » au pro-


fit de concepts innovants ? Explorez les autres fonds d’entrepre-
neurs, au-delà d’ISAI, Jaïna et Kima Venture, que lentreprise.com,
qualifie de « très actifs ».

68
5. D’autres exemples de fonds de capital-risque

Ace Management www.acemanagement.fr


Alven Capital www.alvencapital.com
Auriga Partners www.aurigapartners.com
CDC Innovation www.cdcinnovation.com
Elaia Partners www.elaia.com
Emertec Gestion www.emertec.fr
Generis Capital www.genriscapital.com
Gimv www.gimv.com
Idinvest Partners www.idinvest-partners.com
Partech International www.partechvc.com
Serena Capital www.serenacapital.com
Seventure www.seventure.com
Sofinnova www.sofinnova.fr
Ventech www.ventech.fr
Viveris Management www.viverismanagement.com
X Ange Private Equity www.xange.fr

Source : L’entreprise, avril 2011.


© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

3 Les financeurs en capital, leurs motivations 69


L’essentiel 
Le capital-investissement : du business angel au capital-
risqueur. Une piste à découvrir pour qui veut se financer
sans emprunter, pour trouver des fonds pour le capital de
son entreprise. Vous leur laissez supporter les risques et
vous n’avez rien à rembourser, mais vous avez des comptes
à rendre et des décisions à soumettre. Les grands fonds de
capital-risque sont adaptés à des start-up très innovantes ou
à des sociétés en quête de développement.

Le capital-risque solidaire : l’homme au centre. Tournez-vous


vers les fonds solidaires si vous-même êtes issu d’un milieu a
priori difficile, ou travaillez pour enrichir les milieux difficiles.

Le capital-risque d’entrepreneurs très réactifs. Il s’agit


d’entrepreneurs mettant à disposition des fonds pour des
entrepreneurs enthousiastes aux projets audacieux.

Vers un plan d’action


ÂÂ
De quel montant avez-vous besoin ?

ÂÂ
Quel est le profil de capital-risqueur susceptible d’être
intéressé par votre projet ?

ÂÂ
Vous êtes-vous renseigné sur les spécialisations des fonds
que vous sollicitez ?

70
4
Vous vendre,
chèrement

Parmi les entreprises dans lesquelles j’ai investi, l’une a déposé le bilan
l’année dernière. J’ai perdu 23 000 euros […] Mais ce que je regrette
le plus, […] c’est surtout d’avoir perdu le contact avec l’entrepreneur.
Un business angel, cité par Jean-François Prat

Objectifs
>>>> Vous préparer à vendre votre idée
d’entreprise, ou à présenter les projets
de développement de l’activité que vous
avez déjà créée.
>>>> Savoir vous « situer » face à vos
interlocuteurs.
>>>> Entrevoir les réalités du « pouvoir » :
serez-vous le patron ou pas ?
V
ous avez écrit/décrit/couché sur le papier votre projet,
vous avez compris vers qui vous tourner, vous avez décro-
ché vos premiers rendez-vous : les affaires sérieuses
commencent. Vos bailleurs de fonds (chapitres 2 et 3) vont dans
un premier temps flasher sur l’idée et sa présentation (chapi-
tre 1). Mais de la qualité de votre premier entretien dépend pra-
tiquement la décision qui sera prise : si vous montrez au « jury »
que vous ne serez sans doute pas le metteur en scène du projet,
adieu veaux, vaches, cochons, couvée… Perette au pot au lait
est la fable du créateur d’entreprise façon La Fontaine : quand
le lait se répand, c’est un peu si vous vous montrez incapable
de dire à qui vous comptez vendre : on vous conseille de revoir
votre copie…

Vous avez un message…


■ ■ ■ Qu’il s’agisse de la fixation d’un premier rendez-vous ou
du refus poli de votre projet, tout commence par un courriel ou
un appel téléphonique. Au xxie siècle, il est fort probable que vous
aurez été auparavant « audité » en ligne. On aura cherché votre
nom sur les réseaux sociaux, histoire de voir un peu à qui l’on
a affaire (lire Comment développer votre activité grâce aux médias
sociaux, par Valérie March). Autant vous dire qu’il vaut mieux
pour vous avoir créé votre compte sur Facebook, Viadeo, Twitter, 
LinkedIn. Bonne photo, sérieuse, parcours identique et à jour
d’un réseau à l’autre, si possible recommandations : autant de
« détails » qu’il vaut mieux avoir réglés. Vérifiez vous-même, en
tapant votre nom, si aucune « casserole » ne s’y attache : photo
compromettante, avis négatif, riment très mal avec entrepreneur
de confiance.

72
Le premier contact est décisif
>>Vous aurez répondu à ce mail ou à cet appel téléphonique
avec toute l’attention voulue. Au risque de paraître obsession-
nelle, l’exigence d’une expression correcte, aisée et, dans le cas
de l’écrit, sans faute d’orthographe, compte au moins autant que
votre projet (chapitre  1). Considérez-vous comme en phase de
recrutement.
>>Votre personnalité va se lire. Dans les quelques mots qui vont
aboutir à la prise de rendez-vous, montrez énergie et enthou-
siasme. Préférez : « Cher/Chère Monsieur/Madame, merci pour
votre accueil. Je suis heureux (se) de vous rencontrer le tant à
telle heure pour soutenir le projet que vous avez estimé de qua-
lité. J’entends bien vous montrer à quel point je suis persuadé(e)
que nous pourrons le bâtir avec efficacité… » à : « Madame/Mon-
sieur, j’ai bien noté notre rendez-vous du tant à telle heure, j’es-
père que l’entretien ne durera pas plus d’une heure car j’ai mon
train pour le week-end à la gare de L… » Vous souriez, vous pen-
sez que c’est caricatural ? Si vous saviez…
>>Autre détail : quel que soit votre interlocuteur – banquier, capi-
tal-risqueur (business angel ou fonds de private equity) – soignez
votre tenue. Surtout pour un homme. Un costume-cravate de bon
aloi, le tout sans faute de goût, ni cravate orange imprimée de
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

petits dollars ni piercing sont recommandés a priori pour un pre-


mier entretien.
>>Quoiqu’il arrive, même si vous avez affaire à un investisseur
qui détient véritablement le moyen de s’associer à vous, même
si vous êtes pressé(e) de « conclure », assurez-vous que celui qui
est en face de vous est fiable et digne de confiance. Comment ?
Prenez la précaution d’explorer les moteurs de recherche pour
« situer » le personnage, retracer son parcours, prendre des avis.
Ne vous en laissez pas imposer par un peu de suffisance.

4 Vous vendre, chèrement 73


avis d’expert
Jean-François Prat, entrepreneur, business angel, auteur
DD Comment convaincre un business angel ?

« La première caractéristique du lecteur “business angel” est qu’il n’est


pas payé pour lire votre dossier. Cette constatation banale est lourde de
conséquences : le “business angel” ne lira le dossier que s’il y prend du
plaisir, contrairement à l’investisseur institutionnel qui se forcera à lire
le dossier, fût-il un pensum. Le dossier doit donc être agréable à lire et
facile à comprendre. »
Extrait de Création d’entreprise, les clés de la réussite, Alban éditions, 2008.

Face au capitaux-risqueurs, l’âge est-il un obstacle ?


Trop jeune, trop vieux ? Contrairement au parcours du combat-
tant du salarié, l’âge du porteur de projet n’est pratiquement
jamais éliminatoire. C’est encore plus vrai depuis l’avènement
des fonds d’entrepreneurs (chapitre 3), le jeune âge serait même
plutôt un atout. Il a fallu que des gamins américains, des Zuc-
kerberg (Facebook), plus tard des Mason (Groupon) s’émanci-
pent et réussissent pour qu’en France on commence à prendre
au sérieux des jeunes de 20 ans et guère
Sur les 4,3 millions de davantage qui entrent dans l’arène le sou-
dirigeants français listés rire aux lèvres.
sur societe.com, 2 % ont
entre 25 et 30 ans. Mais ils Que risquent-ils ? Sans charges, sans
sont en train de bousculer enfants, l’échec (instructif) n’est pas un
les proportions depuis une obstacle pour de nombreux jeunes créa-
dizaine d’années. Le sondage
teurs d’entreprise. Ils seront d’autant plus
réalisé au dernier Salon des
Entrepreneurs (février 2011)
détendus qu’ils ne visent pas la fortune en
semble montrer que la moitié quelques années. Sauf exceptions rarissi-
des moins de 30 ans songent mes, de bonnes perspectives de rachat de
à créer une entreprise dont leur activité n’interviendront pas avant 5, 10,
13 % dans les deux ans.
15 ans. Des offres mirifiques circulent sur le

74
Net : un jeune « mentor » explique en vidéo à des gogos que sa
méthode les rendra riches en un an, qu’ils pourront travailler
depuis la piscine de leur « villa spacieuse » (sic). Même en appli-
quant les conseils de ce « faiseur », vous allez bosser, vous faire
peur, connaître du découragement, mettre du temps avant de vous
salarier et peut-être, au bout du processus, vivre confortablement.
Les créateurs avisés ne tomberont pas dans ce piège. Tout se
passe comme si cette génération de jeunes patrons considérait
leur « première liquidation » comme presque normale… En tout
cas, ils rebondissent.
Bien sûr, un cadre de quarante ans, qui a
L’APCE tire d’un sondage
baigné dans l’entreprise, qui arrive fort de qu’elle a fait mener par le
son expérience et de son réseau, semble le CSA, en 2010, que parmi les
candidat idéal. Les courbes sont révélatri- seniors actifs, 17 % sont prêts
à créer leur entreprise.
ces : le créneau d’âge culminant des viviers
d’entrepreneurs est imperturbablement
celui des 30-40 ans (enquêtes Sine de l’Insee, 2009). Mais quid du
quinquagénaire ou du sexagénaire dont le projet tient la route ?
Il a toutes ses chances, et peut-être même davantage devant les
« nouveaux » capitaux-risqueurs. Seul obstacle : la banque, qui
établit des critères d’âge aux emprunteurs.

Commencez par vous, mais sachez écouter


© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Après les salutations d’usage, les poignées de main (franche, la


vôtre, raisonnablement appuyée), les « oui, volontiers, un café,
merci », vos interlocuteurs vont vous inviter à vous présenter. Ne
commencez pas sur le mode « Oh, moi, c’est sans importance,
c’est mon projet qui l’est… » Non. Face à vous, « on » veut savoir
qui vous êtes. Alors parlez de vous. Bien sûr, les financeurs ont
leur lot de poseurs. Immédiatement repérables à la satisfaction
manifeste qu’ils ont de parler d’eux. Vous n’êtes pas comme ça.
Vous, vous allez parler de vous en précisant votre formation, sans

4 Vous vendre, chèrement 75


remonter à la maternelle. Puis « présentez votre itinéraire pro-
fessionnel qui va aboutir au projet », suggère Jean-Christophe
Capelli dans les ateliers conseils qu’il propose à ses demandeurs
de prêts sur FriendsClear. Avant d’aborder vos prévisions finan-
cières, les financeurs potentiels ont réellement besoin de savoir
qui vous êtes. Pour autant, ne négligez pas d’écouter. Sentez le
moment où votre ou vos interlocuteurs ont envie de s’exprimer.
J’ai assisté un jour à un entretien au
cours duquel le jeune créateur avait
Conseils pratiques
obtenu que le patron d’une maison
Oubliez la vieille morale
d’édition, prestigieuse, vînt à son
« qui vous pousse
naturellement à ne pas bureau pour évoquer un projet de
vous mettre en avant », livre brillant qu’il avait élaboré, et
conseille-t-on sur l’un des qui exigeait l’autorisation et la par-
nombreux sites qui se ticipation de son éminent visiteur.
consacrent à la création Pendant une heure, l’invité de mar-
d’entreprise, tel que subit le flot de paroles de son
www.enviedentreprendre.com,
jeune interlocuteur. Que croyez-
très riche en récits de créations.
vous qu’il arriva ? L’idée (excellente)
Visionnez l’interview de Béatrice
Cuvelier et de Nathalie Renard ne vit jamais le jour, et l’éditeur
sur le Salon de la micro- mondialement connu m’avertit qu’il
entreprise, www.viddler.com/ ne souhaitait plus avoir affaire à
explore/xtof/videos/10/. mon ami (lire infra le témoignage).

avis d’expert
Pierre Kosciusko-Morizet, patron de PriceMinister
et co-créateur du fonds ISAI Développement
DD Comment sélectionnez-vous les dossiers que vous choisissez de financer ?

« Bien sûr, tout se joue sur la cohérence du projet, mais la personne que j’ai
en face de moi doit montrer qu’elle a envie de créer de la rareté, que son
projet est utile, qu’il offre un impact positif pour la société…

76
Je ne regarde pas l’âge. Je constate simplement que les porteurs de pro-
jets que nous avons retenus tournent autour de la trentaine. Pour des per-
sonnes plus âgées, ce sera plus compliqué en termes de train de vie, alors
qu’à 25 ans, on y va, on n’a strictement rien à perdre.
Je guette l’enthousiasme. Monter une boîte, c’est fatiguant.
L’attitude éliminatoire ? Celle de quelqu’un qui n’écoute pas. Je com-
prends alors que je ne peux l’aider, qu’il n’a pas besoin de moi… »

Brillez à l’oral Parmi les conseils simples


figure la gestuelle : 80 % de
■ ■ ■ Frédéric Canevet, chef de produits, la communication sont non
verbaux. « L’enthousiasme »
a créé un blog vivant où l’on trouve quantité que cite PKM appartient à
de bons repères (www.conseilsmarketing.fr).  ce registre : soyez ouvert,
« PowerPoint, le vidéoprojecteur et votre souriant, ne tournez pas le
PC deviennent alors vos meilleurs amis », dos au public, ne croisez pas
les bras. « […] un petit sourire
écrit-il. Parmi les 17 points qu’il énumère :
à l’attention de la salle et
>>Rappelez l’agenda de la présentation, le en les remerciant d’être là »,
contenu (histoire de bien vérifier que l’audi- ajoute Canevet.
toire est d’accord avec ce menu).
>>Faites passer les 2 ou 3 messages
clés que la conclusion reprendra.
Conseils pratiques
>>Vous aurez répété (si possible
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

> Entraînez-vous, sans attendre


devant un ou une néophyte).
des réponses positives et des
>>Ne lisez pas votre « PowerPoint » ! offres de rendez-vous.
L’image ne sert qu’à appuyer l’at-
> Répétez grandeur nature, en
tention sur l’exposé oral. costume au besoin, face à des
>>Les repères écrits de l’image amis (ou pas) avec le matériel
doivent être succincts : de simples voulu si vous vous lancez dans
mots clés, des balises. (Et pour la vidéoprojection.
vous, le fil conducteur). > Vérifiez
que votre présentation
soit complète.

4 Vous vendre, chèrement 77


>>Un peu de personnalisation ne nuira pas. (Imaginez que vous
ayez le logo du fonds qui vous accueille et le vôtre, vos couleurs.)
>>Prenez le temps de respirer. Stress et timidité sont pardon-
nables (vous êtes humain !). Mais
une mauvaise élocution, une parole
Conseil pratique inaudible sont rédhibitoires. C’est
En quête de capital- la raison pour laquelle vous devez
développement pour une mo-du-ler. « Une voix monotone
société déjà créée, vous devrez et monocorde endort. Il faut donc
présenter des bilans d’exercice. varier les intonations […] mettre
Mieux vaut exposer la vérité
de l’enthousiasme, prendre le ton
d’un déficit et pourquoi vous
de l’explication, [susciter] du ques-
êtes sûr que l’injection de capital
tionnement… », dixit le chef de pro-
aboutira à une amélioration
durable plutôt que de présenter duits, rompu à l’exercice.
des bilans comptables >>Distribuez à votre auditoire les
« arrangés ». principales slides de votre projet.

Imprégnez-vous de votre pitch


Le pitch est ce résumé de votre projet que vous devez pouvoir
exprimer en 45, 60, 65 secondes, selon les circonstances et l’in-
terlocuteur. Le même exercice s’applique à votre CV. Pour le gou-
rou indien Rajesh (mais nous avons nos gourous nationaux qui
disent la même chose !), les trois points d’un pitch perso doivent
compter :
>>L’expérience, non pas le poste occupé mais l’expertise que
vous en avez tirée.
>>Vos savoir-faire et ce que vous avez mis en place dans une
entreprise (si tel est le cas).
>>Vos centres d’intérêt et vos passions. Imaginez qu’en face l’on
partage l’un d’eux ou l’une d’elles…

78
avis d’expert
Robert Papin, professeur à HEC, entrepreneur
DD Pourquoi est-il important de présenter son projet en 5 minutes ?
« C’est dans les 60 premières secondes que le banquier, le client ou le four-
nisseur se fera une première impression de vous et de votre projet. […]
Cinq minutes, c’est un délai dans lequel il est matériellement possible de
résumer n’importe quel projet. »
Extrait de La création d’entreprise, Dunod, 14e édition, 2011.

Les questions dont vous devez connaître


les réponses sans hésiter
1. Quelques questions types

On vous
demandera … et pour cause !
forcément…
Quels sont les L’investisseur recherche des dossiers innovants, des idées qui
atouts spécifiques semblent en rupture avec la concurrence. Ne dites pas, Untel a
de votre projet ? réussi, je vais faire pareil…
Faites-moi un Un pitch, c’est le mot à la mode qui veut dire résumé en quel-
« pitch d’ascen- ques mots de votre projet. Et le coup de l’ascenseur, c’est une
seur » idée du consultant et auteur à succès Jeffrey Fox (Les 75 lois de
Fox, L’Archipel, 2004), qui vous demande d’être prêt à répondre
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

à un investisseur rencontré dans un ascenseur, lequel vous


demande de lui vendre votre idée le temps de montée de l’as-
censeur à son bureau…
Votre business Un journaliste présente un projet de magazine. « Qui sera le
plan est pro- directeur général des opérations ? »
metteur, le – Euh, moi.
management – Non, vous, vous êtes le patron de la rédaction. Mais qui va gérer
saura-t-il le les fournisseurs, négocier avec le banquier, gérer au quotidien,
mettre en œuvre ? placer la trésorerie ? »
Un investisseur sait très bien que vous ne pourrez tout faire bien.
Prouvez-lui que vous avez en interne les compétences pour que le
plan d’affaires soit suivi et enrichi.

4 Vous vendre, chèrement 79


On vous
demandera … et pour cause !
forcément…
Justifiez votre Autrement dit, analysez votre profit : il vous faut connaître le
chiffre d’affaires marché, la concurrence, pour fixer vos prix, donc vos marges.
Votre projection Sachez très précisément si vos chiffres reflètent le marché ou si
financière, vous vous avez sciemment placé la barre haut. Ce que traduit le quali-
la qualifieriez ficatif « agressif ». Pourquoi pas ? À condition que votre optimisme
comment ? soit justifiable. Si vous tablez sur 15 % de croissance dans un
Prudente, réa- marché plutôt à 5, c’est que vous avez une excellente raison de le
liste, agressive ? penser, par exemple votre offre carrément novatrice.
Comment allez- Traduisez : comment allez-vous faire fructifier mon argent ? Le
vous optimiser genre de question qu’un investisseur important se pose et à
mon apport ? laquelle il vaut mieux savoir répondre (je vais investir dans…,
créer ce qui manque pour…, etc.).
Comment je Ne dites pas « Au fond du couloir, l’ascenseur ». Celui qui vous
sors ? pose la question et dont vous attendez 200 000, 500 000 ou 1 mil-
lion d’euros se projette dans les 4 « sorties » possibles : dans
1, 5 ou 10 ans, envisagez-vous de vendre, être coté en Bourse,
racheter ma participation ou la faire racheter ?
Un chef d’entreprise doit anticiper, se projeter.

Si jamais l’on vous prenait au dépourvu en vous parlant soudain de


« haut de bilan », ne cherchez pas dans les lignes supérieures de votre
plan d’affaires. L’expression désigne l’ensemble des postes comp-
tables qui correspondent au financement à long terme des sociétés
(capital social, dettes financières à long terme, immobilisations,
etc.). Le « bas de bilan », c’est en gros la comptabilité d’une entre-
prise, le bilan comptable. Il intéresse… le banquier de votre agence !

N’attendez pas trop longtemps…


Fut un temps – et ça arrive encore – où le comité de décision d’un
capital-risqueur ergotait entre quatre, six mois et plus avant de don-
ner réponse. Parfois positive ! Comment l’entreprise, entre-temps,
avait vécu (parce que rares alors étaient les créateurs qui partaient
de rien), peu importait. On a vu (chapitre  3) que la tendance est
désormais à la réponse rapide, et pour cause : un business angel

80
efficace a besoin d’investir son argent vite pour sortir vite. Ne vous
contentez donc pas d’un seul interlocuteur, sollicitez plusieurs fonds
(tout en ne perdant pas de vue qu’eux-mêmes se communiquent
souvent des dossiers). Placez-les en concurrence. Certains profes-
sionnels ne s’en cachent pas : ils avouent faire traîner volontaire-
ment les choses pour que le porteur de projet soit prêt à signer…
des conditions à leur avantage. Sachez-le, et, idéalement, mainte-
nez-vous si possible dans une position de force : une bonne idée, un
bon concept, une entreprise promet-
teuse déjà en activité devraient pla- Conseil pratique
cer les investisseurs en « demande »,
Si aucun de vos tours de table
et non pas l’inverse. ne se décide, sans pour autant
Moralité, ne vous laissez pas piéger. vous dire non, interrogez-vous et
N’attendez rien, n’exigez rien, mais interrogez-les : que manque-t-il à
fixez-vous des délais d’attente rai- votre projet, à votre activité, pour
sonnables, de quelques heures à un que le financeur vous donne une
mois avant un engagement concret. réponse ?

Prouvez que vous êtes préparé


aux réalités de la vie de dirigeant
Qui est le boss, ici ?
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Vous avez lu plus haut que quoi qu’il arrive, le financier – majo-
ritaire – est le patron. Et vous, alors ? Des nuances s’imposent,
mais bien analyser votre position fait partie de votre démarche de
recherche de financement.
Par nature, le capital-risqueur n’a pas vocation à diriger la boîte
dans laquelle il a investi. S’il fait bien son boulot, c’est sur vous et
votre équipe qu’il mise. Même si un « petit » business angel actif
sera logiquement bien présent à vos côtés, veillez à ce qu’il ne
joue que son rôle de conseil.

4 Vous vendre, chèrement 81


Il arrive que certains capitaux-risqueurs préfèrent copiloter car-
rément, quitte à piloter définitivement. Si vous vous revendiquez
un patron dans l’âme, ça ne fonctionnera pas longtemps. Si vous
êtes un Tryphon Tournesol, inventeur d’un procédé et que la
recherche vous passionne, vous avez peut-être intérêt à vous
reposer sur un tel type d’associé. Assurez-vous quand même de
rester indispensable, un fonds ou un business angel clairvoyant
aura tout à gagner à vous conserver PDG : en vous laissant majo-
ritaire, il vous motive.
Rappelez-vous que tout est affaire de parts. Patron détenteur
d’une majorité relative, vous ne ferez jamais que peser sur les
décisions importantes. Majoritaire absolu, vous n’aurez de
comptes à rendre qu’à l’assemblée générale. Et si vous détenez
les deux tiers des actions de l’entreprise, vous resterez le maître
des décisions majeures. Mais comme il y a fort à parier que vous
cherchez un financement massif, sachez à qui vous aurez affaire.
Un financeur, en théorie, mise sur « les hommes ». Si tel est le
cas, et si vos qualités de manager s’imposent, vous devriez vivre
en bonne intelligence avec le financeur. Mais dites-vous bien que
pour certains investisseurs, ce sont leurs « hommes » à eux qui
comptent. Soyez assez vigilant pour
ne pas vous faire « sortir ».
Conseils pratiques
Dans votre réflexion, sachez donc
> Projetez-vous dans votre bien où vous situer. Potassez, 
position de futur dirigeant : consultez, faites-vous coacher. 
serez-vous plutôt un technicien, Comprenez bien par exemple en quoi
un inventeur, un spécialiste,
consistent des actions avec prime
un expert de l’activité, ou au
d’émission, des bons de souscription 
contraire un commercial, un
(BSA) ou un pacte d’actionnaires.
manager, un gestionnaire ?
L’important ici est de comprendre
> Vous saurez ainsi quels
qu’il existe des solutions pour que
associés rechercher, et quel rôle
vous restiez le boss…
vous donnerez à votre financeur.

82
avis d’expert
Jean-François Prat, entrepreneur, business angel, auteur
DD En quoi les critères de sélection des investisseurs institutionnels dif-
fèrent-ils de ceux des investisseurs particuliers ?
« Contrairement à l’investisseur institutionnel, l’investisseur particulier
est animé de motivations irrationnelles. Il se décide en fonction de ses
coups de cœur. Même s’il attend que le projet soit rentable, il y recherche
davantage de passion que de rentabilité. »
Extrait de Création d’entreprise, Alban éditions, 2008.

La question de la forme juridique


Quelle forme juridique adopter ? Auto-entrepreneur, SARL, SA,
SAS, SASU, EIRL et autres coopératives ? S’il est important de
choisir, dites-vous bien que ce fameux statut naîtra « naturelle-
ment » de votre activité. Ce n’est pas parce que l’on peut, désor-
mais, créer une SAS avec 1 2 qu’il faut se précipiter. La SA sera
plus indiquée dans le cas d’une répartition d’actions destinées 
à la cession (dans le cas d’une SARL vous aurez affaire à des
« porteurs de parts »). Un fait : quelque 80  % des entreprises
françaises sont des sociétés… individuelles.

avis d’expert
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Timo Rainio, avocat à Lyon, www.doyoubuzz.com/timo-rainio


DD Pourquoi, dans le cas d’une activité limitée au savoir-faire d’une seule
personne, envisager de créer une société à statuts ?
« Lorsque vous envisagez de vous développer, un tant soit peu, comment
attirer des investisseurs, business angels ou banquiers, si ce n’est par la
création d’une société ? Comment améliorer la confiance des créanciers
en l’entreprise – les fournisseurs, la banque… – si ce n’est par la création
d’une société ? Comment transmettre efficacement son entreprise à ses
enfants si ce n’est par le mécanisme du droit des sociétés ? »

4 Vous vendre, chèrement 83


L’essentiel 
Vous avez un message… Afin de le transmettre aux financeurs
susceptibles d’être intéressés par votre dossier, projetez-vous
dans l’entretien.

Brillez à l’oral. Apprenez votre pitch, anticipez les questions qui


vous seront posées, répétez.

Prouvez que vous êtes préparé aux réalités de la vie de


dirigeant. Ce n’est pas parce que vous êtes le porteur de
l’idée que vous serez forcément celui qui prendra toutes les
décisions. Sachez anticiper d’éventuelles manœuvres autour
du contrôle réel de l’entreprise à naître ou déjà constituée
et confiez le choix du statut juridique à un conseil ou à un
expert-comptable.

Vers un plan d’action


ÂÂ
Avant de les contacter, avez-vous « profilé » les fonds, les
business angels ou les banques pour savoir s’ils peuvent
vous apporter le financement recherché et s’ils sont
concernés par le secteur de votre projet/entreprise ?

ÂÂ
Quelle sera votre position de dirigeant ? Serez-vous plutôt
un technicien, un inventeur, un spécialiste, un expert de
l’activité ou au contraire, un commercial, un manager,
un gestionnaire ?

84
5
Une banque,
pour quoi faire ?

Le crédit est devenu un jeu d’écriture qui ne suppose plus


d’avoir la contre-valeur en stock. Ainsi, quand une banque génère
un prêt, elle génère sa propre matière première.
Ce sont aujourd’hui les crédits qui créent les dépôts.
Valérie Ohanessian, directrice générale adjointe
de la Fédération bancaire française

Objectifs
>>>> Comprendre la position du
banquier : un prêteur dont les revenus
ne dépendent pas des prêts distribués
et qui est l’antithèse d’un entrepreneur.
>>>> Prendre conscience de la mécanique
de création de monnaie, des limites
que le banquier oppose aux petites
et moyennes entreprises. Se préparer
à tirer le maximum du gestionnaire
d’un compte professionnel.
>>>> Savoir négocier ce qui est négociable.
C
‘est encore le premier réflexe des porteurs de projets en
quête d’un financement, et encore davantage celui du chef
d’entreprise à la recherche des moyens de se développer…
ou d’échapper à la liquidation : la banque. Il est vrai que ces ensei-
gnes toutes-puissantes, omniprésentes dans nos rues, dans les
médias, passage incontournable de l’argent du quotidien et du rêve
ont, au fil des siècles, assuré leur mainmise sur ce fameux nerf de
la guerre. Comment en serait-il autrement ? Il faut bien que les
richesses circulent, se stockent, s’échangent et se comptabilisent
quelque part. Que votre entreprise puisse payer ses fournisseurs
et encaisser ses créances.
Pourtant, les banques qui gèrent les petites entreprises et négo-
cient avec les nouveaux entrepreneurs ne sont certainement pas
a priori les meilleurs interlocuteurs du small business : proches de
la banque de détail qui a tôt fait de culpabiliser les clients à décou-
vert, les agences commerciales du coin de la rue et le conseiller
chargé des comptes professionnels des TPE et PME risquent de
devenir les pires boulets de ceux qui entreprennent (rassurez-
vous, il existe toujours des exceptions et des patrons soutenus par
leur banquier). Il faut pourtant en passer par elles. Mais pour quoi
faire ? Et comment ?

La puissance de la banque
■ ■ ■ Tout est bien balisé. Sur le site de l’APCE, vous parvien-
drez même à un formulaire directement parrainé par trois ban-
ques susceptibles de devenir votre financeur. Hélas, voici l’un des
messages que l’on trouve sur les sites spécialisés. Il émane d’un
énième porteur de projet déçu :

86
« Après 12 banques rencontrées, 3 croient
au projet et le proposent au comité d’en- La banque qui va examiner
gagement, je viens d’avoir un retour d’une votre dossier ressemble
commission : avis défavorable, la banque comme une sœur à la
banque dite de détail qui
souhaitait plus d’apport, plus de 40  % 
tient votre compte courant.
du montant emprunté alors que nous  Simplement, elle se nomme
en apportons 30 %. Certes, il s’agit d’un banque commerciale
gros projet, mais si j’avais su au préala- et les conseillers qui
ble qu’avec 30 % nous n’aurions aucune vous reçoivent sont les
copie conforme de vos
chance, je n’aurais pas travaillé un an sur
interlocuteurs habituels
ce projet (ce fut constructif tout de  (ce sont même parfois les
même). J’attends deux retours des autres mêmes).
banques, alors restons optimistes. »

À moins de vouloir à tout prix ne compter aucun porteur de part


ou actionnaire dans son capital (ce qui se conçoit), ce créateur,
apparemment en quête d’une somme importante, aurait gagné du
temps en sollicitant des capitaux-risqueurs, plus réactifs, moins
obsédés par les garanties et… sans emprunt à rembourser à la
clé. Mais encore faut-il que son projet soit éligible par ce type de
financeur. Or, le capital-risque au sens large privilégie les entre-
prises qui ont déjà « évangélisé leur marché » (autrement dit qui
existent et réalisent un chiffre d’affaires), les concepts en ligne,
innovants et plus généralement les projets à potentiel de plus-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

value élevée.
La banque reste donc souvent incontournable car 75 % des créa-
tions d’entreprises sont des TPE individuelles, à l’activité tradi-
tionnelle. Si vous ne « faites » pas dans l’innovation, vous finirez
tôt ou tard par chercher vos crédits à la banque. Dans le meilleur
des cas, l’agence qui abrite votre compte professionnel, si elle
vous accorde un prêt, va en surveiller la tenue avec toute l’atten-
tion dont ce prêteur-fourmi est capable.

5 Une banque, pour quoi faire ? 87


Pourquoi le banquier reste-t-il si puissant malgré
la « fable » du crédit ?
Le premier réflexe d’un candidat entrepreneur reste donc bien sou-
vent la banque. On le comprend. C’est inscrit dans nos gènes hérités
des… Génois, ces précurseurs de la banque qui se sont mis à prêter,
au début sur la place publique, installés à leurs « bancas » de mar-
chands. Avant de garder en lieu sûr, à la demande de leurs fortunés
clients souvent détroussés par des bandits, les pièces d’or et d’argent
des riches commerçants et des fils de bonne famille. Que croyez-
vous qu’il advînt ? Au début, les banquiers prêtaient leurs capitaux
propres, solides (de solidus, la pièce de monnaie qui a donné le « sol »
puis le « sou »). Peu à peu, ils se sont aperçus qu’ils pouvaient prêter
au-delà de leur capital car les clients ne venaient pas tous en même
temps récupérer leur avoir… Vous avez compris, l’étape suivante fut
le prêt sur… du virtuel. Ils avaient inventé la création d’argent.
Et désormais, les banquiers du monde entier créent l’argent des
emprunts ex nihilo. Il leur suffit d’une écriture (électronique) pour
vous prêter 8 ou 9 euros, facilement 10 ou 11 (parfois bien davantage,
les textes autorisent dans certains cas un ratio de 25 à 1 !) quand
ils n’en détiennent qu’1 (ratio prudentiel dit de Bâle II que n’ont pas
remis en cause dans le principe les accords Bâle III). Autrement dit,
les dépôts ne couvrent pas les emprunts, vous créez l’argent que vous
empruntez par votre signature, et vous détruisez cet argent fictif par
vos remboursements… pas virtuels du tout. Comment pensez-vous,
sinon, que la bulle des crédits dits subprimes, dans le monde entier,
aurait pu épargner autant de banques dans le monde s’il avait fallu
que les prêteurs assument le volume considérable de milliards que
les emprunteurs n’ont pu rembourser et que les banques se sont
revendus entre elles1 ?

1.  On a vu à quelle vitesse les banques françaises ont remboursé des « prêts »
d’État dont elles n’avaient, pour la plupart, guère besoin. J’ai exposé en détail cette
réalité méconnue dans Mon banquier, la crise et moi, éditions du Moment, 2009.

88
Autre fausse vérité : si vous
remboursez le banquier, il
Votre banquier ne vous tiendra jamais ce gagne 1 ou 2 % sur le prêt,
si vous le « plantez », il perd
langage. S’il vous dit « Je prête l’argent des
100 %. D’une part, le capital
autres, je ne dois pas prendre de risque », prêté a été artificiellement
laissez-le dire et approuvez avec enthou- créé par le banquier (même
siasme tout en vous rappelant, que, primo, si cette monnaie virtuelle a
non, il prête un argent qu’il a lui-même créé, acquis statut de monnaie
réelle dans ses livres
secundo, qu’il prend ailleurs des risques
comptables), d’autre part, il
bien plus importants que celui que vous est assuré, garanti, sécurisé !
représentez ! Malheureusement, même les
guides et les livres les plus sérieux valident
la « fable » des scrupules moraux des prê-
teurs, respectueux du « pot commun ».
En réalité, si un banquier, ou un organisme prêteur en général,
se montre féroce sur l’exigence du remboursement, ce n’est pas
tant par crainte de la perte du capital emprunté. C’est que ce que
vous remboursez n’est pas virtuel : c’est de la création de richesse
tirée de votre activité. Dit autrement, le banquier fait marcher la
planche à billets… électroniques, et vous, vous créez de la mon-
naie réelle. Consolons-nous : sans cette création de monnaie
par l’emprunt, l’humanité n’en serait pas à envisager d’aller sur
Mars créer de nouvelles richesses ! De là, la férocité des créan-
ciers pour lutter contre la contagion des crédits non assumés. En
soi, c’est une bonne chose : sans cette vigilance, les abus se mul-
tiplieraient (et un entrepreneur se doit de respecter ses engage-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

ments). D’où l’obsession de la garantie pour les banques.

Ce qui intéresse votre banquier, avant tout, en vous, ce sont les


frais (les « commissions ») et les produits d’épargne bancaire
plus rentables, souscrits à titre personnel que vous représentez.
À l’occasion de la crise bancaire apparue en 2008, cette réalité
des « frais bancaires » abusifs s’est fait jour. Les frais n’ont pas
diminué, ils doivent simplement désormais apparaître en clair
sur vos relevés. Ils représentent 15 milliards d’euros par an. Soit
40 % du « produit net bancaire » (le revenu des banques).

5 Une banque, pour quoi faire ? 89


Effet pervers : officiellement, pour un banquier, le découvert est
haïssable. Oui mais… Cumulés, ces découverts rapportent plu-
sieurs milliards d’euros par an aux banques françaises ! Sorte
de client idéal, le particulier légèrement impécunieux en fin de
mois mais dont le salaire remet le compte en positif. Il en est de
même pour les comptes professionnels. Mais officiellement, le
banquier ne tolère pas le moindre découvert.

Les limites des banques


■ ■ ■ Soyez conscient de ces mécanismes bancaires qui vous
aideront à comprendre la psychologie du banquier face à votre
demande.
>> Votre banquier (hors capital-risque) ne
Ne pas confondre banques
sera jamais un associé car il ne débloquera
de détail (proches des
banques commerciales), jamais une participation à votre capital (ce
et banques d’affaires. qui a des avantages pour votre liberté).
Lesquelles, au contraire,
>> Vous ne trouverez jamais auprès de
agissent en capitaux-
investisseurs, jonglent avec votre agence de quoi financer par l’emprunt
le private equity (fonds le cycle de trésorerie, le « besoin en fonds
propres privés), les rachats de roulement » (BFR), nom technique de la
d’entreprises par leurs trésorerie, volatile par excellence mais qui
cadres (LBO) et le capital-
vous est nécessaire en attendant le paie-
risque. En jeu, des centaines
de milliers, des millions, ment de vos clients. Tournez-vous d’abord
parfois des milliards d’euros. vers le crowdfunding (chapitre 2) ou consti-
tuez-vous un ou deux ans de « matelas ».
Mieux vaut pour les banques vous « prêter » par des autorisations
ponctuelles de découvert, très rentables pour elles si les agios
sont payés, et révocables à tout moment ! (lire infra le fonctionne-
ment de ces formes de crédit commercial).

90
Alors qu’un crédit bancaire pour acheter un bien immobilier
privé, bien plus lourd qu’un crédit d’entreprise, s’obtient souvent
en quelques minutes (hypothèque sur le bien oblige), un crédit
professionnel est éprouvant à décrocher. Nous allons compren-
dre pourquoi.

Les banques commerciales se méfient


des entrepreneurs « conceptuels »
Un banquier n’a rien d’un entrepreneur. Il Un sondage de 20111 pose
cette question : « Comment
s’agit d’un salarié, qu’il soit conseiller ou
la France peut-elle valoriser
directeur d’agence, sur lequel pèsent des la culture du risque et de
exigences de rentabilité et de prudence qui l’échec à l’instar des pays
le placent au bas de l’échelle du risque.1 anglo-américains ? » 59 %
des dirigeants interrogés
Il sera donc bien plus à l’aise face à un com-
voudraient davantage
merçant, à un artisan, à un entrepreneur d’audace de la part des
de BTP que face à un entrepreneur qui joue établissements prêteurs et de
sur son idée, son concept novateur. capital-risque et 49 % que
soit enseignée la « culture de
Mais pusillanime, le banquier sera sans l’échec » aux jeunes, mais
doute votre premier prêteur si vous lui offrez aussi aux fonctionnaires et
suffisamment de garanties d’une part, et si aux banquiers.
vous avez su le mettre en confiance. Il inter-
viendra généralement dans la fourchette de quelques milliers à
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

une centaine de milliers d’euros. Votre enjeu : faire en sorte que le


gestionnaire de votre compte professionnel soit, au fil du temps,
le moins nocif possible (hélas il faut bien, sauf exceptions, présen-
ter ainsi la réalité)… Même s’il exerce sur votre jeune entreprise
pratiquement un pouvoir de vie et de mort, vous allez entrer dans
son jeu pour mieux vous préserver. En vous souvenant toujours

1.  Sondage mené par la communauté Oséo Excellence auprès d’entrepreneurs :


www.excellence.oseo.fr (mars 2011).

5 Une banque, pour quoi faire ? 91


qu’il vous appartient, en tant que chef d’entreprise, d’honorer vos
crédits (synonymes de confiance) et d’anticiper vos aléas.

avis d’expert
Henry Pironin, Paul Armand, entrepreneurs et enseignants
DD Pourquoi la relation de l’entreprise à la banque est-elle ressentie
comme très difficile par les patrons ?
« La faute est partagée : les banques ont tort de se dire prêtes à aider
les entreprises ; les patrons, qui ne croient pas que la lessive Z lave plus
blanc, ont tort de les croire. [La banque] demande des garanties, puis
des sécurités sur ces garanties, et parfois des assurances sur ces sécu-
rités. »
Extrait du Guide pratique et complet du créateur d’entreprise, Top éditions,
2001.

Le capital-risqueur analyse le risque pour s’en enrichir,


le banquier analyse le risque pour s’en prémunir
Les questions que se pose sur vous le banquier que vous solli-
citez ne sont pas vraiment comparables à celles que formulera
le capital-risqueur. Le capital-risqueur cherchera à définir votre
potentiel, votre enthousiasme, la qualité de votre projet, donc
tout ce qui rendra son risque attractif, quand le banquier vous
analysera sous l’angle du risque qu’il court à vous prêter de l’ar-
gent, que compense le potentiel de frais et de produits bancaires
prélevés que vous pesez.
Si on veut aller jusqu’au bout de la logique, ce risque lui est
davantage personnel, carriériste, que celui qu’il fait courir à son
enseigne (largement assurée). En d’autres termes, vous n’êtes
pas, a priori, une opportunité, mais un danger.
>>Combien ? Le business angel voudra bien sûr connaître votre
besoin de financement, et espérer même qu’il sera élevé s’il juge 

92
votre projet porteur. Le banquier le voudra le plus bas possible
pour limiter son risque et multiplier le nombre d’emprunteurs,
générateurs de chiffre.
>>Quand et comment ? Le business angel
Il est arrivé de voir
prévoiera combien d’années il restera à vos condamner des
côtés et s’il peut espérer compter sur 20 gestionnaires de comptes un
ou 30 % de rentabilité, après avoir « vibré » peu trop prompts à « couper
avec vous dans l’aventure. Le banquier les vivres » du crédit à une
entreprise, au risque de la
estimera votre capacité à rembourser sur
déstabiliser. L’inverse est
5, 10 ou 15 ans, et son intérêt à vous gar- aussi vrai : en cas de faillite,
der comme client pour vous facturer frais, on examinera jusqu’à quel
découverts et escomptes. Il souhaitera point la banque n’a pas
soutenu par le crédit une
bien sûr la réussite de votre entreprise
« cause perdue ».
sans s’investir dans l’aventure.

Banques « bas de bilan » vs « haut de bilan »


Ne confondez pas banques de « bas de bilan » et de « haut de bilan ».
Quand Crédit Agricole Private Equity injecte 1,8 million d’euros sur
les 2,4 millions levés par le vendeur de joyaux en diamant en ligne
Adamence.com, il incarne la banque d’affaires qui s’engage, très
différente de l’agence du Crédit Agricole qui va vous prêter. C’est
toute la différence entre la banque de private equity qui mise sur
l’e-commerce, et l’agence du coin de la rue qui privilégie le fonds de
commerce traditionnel.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Améliorez votre position


de négociation face au banquier
■ ■ ■ Le banquier que vous sollicitez va, tout comme des fonds
d’investisseurs, analyser votre business plan. Mais selon des cri-
tères de protection… de lui-même dont vous devez tenir compte
pour maximiser vos chances.

5 Une banque, pour quoi faire ? 93


>>D’une part, vous aurez besoin de fonds propres à l’appui de
votre emprunt (ou de bilans si votre activité existe déjà). À la
manière d’un crédit immobilier, il s’agit de votre « apport » per-
sonnel. Calculez que le crédit accordé sera généralement égal à
cet apport. Si le dossier est très solide, il sera peut-être du dou-
ble. Rarement plus. Aides, subventions, love money sont autant
de moyens de vous constituer des fonds propres. Plus vous vou-
drez emprunter, plus votre apport devra suivre.

>>D’autre part, votre projet doit entrer dans l’ADN du banquier. Si


vous êtes commerçant, si vous rachetez un fonds de commerce,
si vous vous lancez dans la vente de produits « concrets », avec un
stock valorisable, là vous avez l’oreille du conseiller du guichet
« pro ». Mais si votre concept relève du service ou de la prestation
intellectuelle pure, préparez-vous à une longue tribulation ou, si
c’est possible, essayez de vous en passer. Il faut encore une fois à
votre banquier du « solide » pour se garantir. Il n’est pas risqueur,
c’est là son moindre défaut. Il ne l’est qu’en Bourse. Avec ses
traders. On connaît la suite.

Ce que vous allez obtenir d’emblée…


Le conseiller professionnel que vous avez face à vous connaît
certes son métier, mais il n’est pas un investisseur.

>>Il va vous ouvrir un compte courant, surtout si votre compte


privé est domicilié dans la même agence, si vous êtes un client
connu. Et vous fournir ce qui « va avec » : un chéquier au nom de
votre boîte, les relevés de compte, les encaissements d’effets
(lire infra).

>>Pour payer des fournisseurs et des services à l’étranger, vous


userez des processus de transferts et de crédits documentaires
(l’engagement de la banque à payer un fournisseur en échange

94
de documents d’expédition des marchandises ou de la preuve de
l’exécution des obligations de l’exportateur).
>>Des conseils financiers, sans doute – généralement sous la
forme de produits d’épargne « maison ».
>>Faute de devenir votre associé, le conseiller pourrait aussi,
selon sa place dans la hiérarchie de son établissement, vous
aider dans la recherche de partenaires.
Tactiquement, il serait alors payant de faire intervenir à vos côtés
un chevalier blanc : un avocat d’affaires, un conseil en gestion,
un expert-comptable, voire un notaire. Ce chevalier blanc sait où
se rendre, sera parfaitement bien reçu, et sa mission qui n’a rien
d’impossible vise souvent à atteindre des capitaux-investisseurs
via son interlocuteur banquier. Il/elle sait parler le langage du
banquier, le fera d’une façon dépassionnée, sans stress, et saura
même traduire et expliquer les points faibles de votre business
plan s’il en demeure. Il/elle s’abstiendra d’aller au-delà du rôle
de simple caution morale. Ne lui demandez pas – ce qu’il/elle
refuserait – de faire pression sur le banquier si tant est que votre
caution en aurait le moyen.

… et négocier plus ou moins vite


Tout se négocie avec un banquier. Ce qui ne veut pas dire que l’on
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

obtient tout, bien sûr, ni tout de suite. Tout est affaire de rapports
de force.
>>Négocier les conditions des effets de commerce, le b-a, ba des
services bancaires professionnels.

5 Une banque, pour quoi faire ? 95


Petites négos, gros effets… de commerce
Le premier des effets de commerce est l’escompte. Une technique
aussi vieille que la banque. Le principe : vous cédez au banquier la
créance d’un client (ce qu’il vous doit et qu’il paiera dans 30, 60 ou
90  jours). Moyennant commission, la banque vous crédite de la
créance. Par défaut, votre compte pro ne vous donnera la possibilité
d’escompter que 50 % ou 60 % de vos créances… ou moins. Si vous
n’avez pas de chiffre d’affaires, mieux vaut ne rien négocier d’em-
blée. Si, en revanche, votre petite entreprise ne connaît pas la crise,
visez du 80 ou du 100 %. C’est une manière de consolider ce fameux
BFR dont le banquier ne vous fera pas crédit.
Sachez différencier la traite (émise par l’entreprise en même temps
que sa facture) du billet à ordre (en provenance du client de l’entre-
prise). La première est « acceptée » par la banque en huit jours… théo-
riquement. Le second n’est escompté que huit jours avant le terme
(par exemple de 90  jours). Négociez un escompte très en amont.
Négociez un volume d’escompte maximal. Arguments : la multiplicité
de vos créances et de vos clients : le conseiller pro aime la plura-
lité. Négociez la commission. Souvenez-vous de la fragilité de vos
accords, le banquier peut les révoquer par courrier à tout moment !

>>Autre forme de crédit instantané, le découvert. Dans le jar-


gon bancaire, on parlera de « facilités de caisse » tellement le
mot « découvert » donne des sueurs froides au conseiller de votre
compte. Par défaut, il est minimal. Si vous avez de quoi rassurer
celui ou celle qui, face à vous, abhorre le risque, négociez un décou-
vert plus important si possible à l’année. Et faites en sorte qu’il vous
soit renouvelé en n’y recourant qu’à titre exceptionnel. Négociez
les agios, très élevés. Cette « facilité » est révocable ad nutum par
le conseiller, par courrier (souvent, un changement de conseiller
remet les pendules à l’heure et vous oblige à renégocier).
>>Comme pour un compte privé personnel, épluchez le coût des
« services » (frais, commissions) et négociez-les à la baisse après

96
avoir mis votre chargé d’affaires en concurrence. Il est clair qu’un
créateur d’entreprise sans passé glorieux dans l’agence n’ob-
tiendra pas grand-chose. D’où l’intérêt de bien réfléchir à votre
stratégie de domiciliation.
>>Surveillez, négociez les fameuses « dates de valeur » (le ban-
quier rétroactive un retrait et crédite un encaissement en déca-
lage) qui n’existent en théorie plus, mais…
>>Obtenez de commencer le remboursement 3 ou 6 mois après
son obtention.
>>Enfin, sachez que dans les « frais » (commissions) d’un compte
professionnel, entre un pourcentage (jusqu’à 3 %) qui tient compte
des fraudes à la carte bancaire. Demandez de ne pas payer cette
précaution anticipée si votre activité ne suppose pas des paie-
ments par carte (comme pour des achats sur site). Vous ferez
votre affaire des fraudes éventuelles.

tÉmoignage

Lionel P., chef d’entreprise, commercialise des logiciels


de surveillance du marché publicitaire des magazines
« J’ai vite compris qu’il me fallait “apprivoiser” le conseiller – et
d’autant plus qu’il changeait souvent – et le rassurer pour négocier
graduellement à peu près tout ce que j’ai pu. J’ai alors pris l’habi-
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

tude de l’appeler pour créer le lien et le tenir au courant des progrès


ou des accrocs de ma boîte. Je me suis arrangé pour rencontrer le
directeur de l’agence au moins deux fois par an, et au final il est
devenu mon unique interlocuteur.
Autre levier très efficace : anticiper des passages en trésorerie
tendus en prévenant mon conseiller le plus tôt possible, jamais
la veille… et en respectant mes prévisions de retour au positif. Au
début, j’ai à peu près accepté les conditions qui m’étaient imposées.
Après deux ans d’exercices en progression, j’ai obtenu des condi-
tions sans cesse meilleures, point après point. »

5 Une banque, pour quoi faire ? 97


1. Les TPE/PME éprouvent des difficultés d’accès au crédit

Évolution
TPE PME GE
septembre 2009/septembre 2010
Demande de crédit d’équipement   
Part des entreprises ayant obtenu leur crédit
  
d’équipement
Demande de crédit de trésorerie   
Part des entreprises ayant obtenu leur crédit
  
de trésorerie

Source : baromètre 2010 de la CCIP sur les relations banques-entreprises.

98
L’essentiel 
La puissance de la banque. S’il est utile d’être conscient que le
banquier tire du néant le montant de crédits qu’il accorde,
votre position n’en est pas renforcée pour autant…

Les limites des banques. Un banquier n’est pas un entrepreneur


et, pour l’agence de l’enseigne, le gain est limité pour
des risques importants. Le montant de l’emprunt est
proportionnel à l’apport personnel du demandeur.

Améliorez votre position de négociation face au banquier.


Connaissez ses critères de sélection qui avantagent des
profils d’entreprises très traditionnelles capables d’offrir des
garanties « concrètes » : bâtiments, stock de marchandises…
Sachez à quels produits bancaires et à quelles facilités donne
accès l’ouverture d’un compte d’entreprise.

Vers un plan d’action


ÂÂ
Quel est votre « crédit » personnel dans l’agence qui tient
votre compte personnel ? Quelle est votre image auprès
du conseiller de votre compte privé ? L’estimez-vous
professionnellement ?

ÂÂ
Avez-vous pensé à vous orienter vers une banque
adaptée à votre activité ?

ÂÂ
Avez-vous comparé les principaux tarifs des banques (ils
sont disponibles sur les sites des banques), les conditions
appliquées aux effets de commerce ?

5 Une banque, pour quoi faire ? 99


6
Quelle banque
choisir ?

Apprendre, c’est déposer de l’or dans la banque de son esprit.


Shad Helmsletter

Objectifs
>>>> Comprendre pourquoi la banque
vous choisit plus que vous ne la
choisissez.
>>>> Devenir un sélectionneur actif
et rationnel de l’agence la plus
familiarisée avec votre secteur.
>>>> Comparer les tarifs, jouer
l’intermédiation, analyser l’offre à bas
coût des banques en ligne.
V
ous êtes content de votre banque ? Gardez-la. À l’aise avec
le conseiller qui gère votre compte personnel ? Ne chan-
gez pas, ou demandez-lui de vous présenter son collègue
côté banque commerciale. L’agence qui vous connaît depuis dix
ans est spécialisée dans le secteur où vous vous lancez ? Restez.
Les frais qui vous sont prélevés sont raisonnables et il vous est
arrivé de négocier à votre profit ? Conservez-la. Le directeur vous
appelle et vous apprend qu’il vient d’augmenter votre autorisation
de découvert pour vous éviter de payer des agios élevés (taux sur
découvert autorisé, plus de 11 % en moyenne, taux sur découvert
non autorisé, jusqu’à 20 %) ? Réveillez-vous, vous rêviez…

Pourquoi vous êtes de peu de poids


face à la banque
■ ■ ■ Une banque vous choisit davantage que vous ne la choisis-
sez. Il vous faut montrer patte blanche pour avoir le droit d’y
déposer vos revenus et votre épargne1. Cette « loi » qui veut que
« le client particulier n’a pas souvent raison » se tend face à l’ac-
cueil d’une entreprise. Une banque est une affaire commerciale
et ses conseillers sont pour la plupart commissionnés sur les
produits qu’ils réussissent à vous vendre. Les Français, particu-
liers comme entrepreneurs, commencent graduellement à en
prendre conscience et essaient, très prudemment, de rééquili-
brer le rapport de force toujours et pour longtemps encore 

1.  Il arrive même régulièrement qu’un heureux créateur financé par un business
angel ou un capital-risqueur à hauteur de 100 000 2 et plus ait du mal à trouver
une agence, même importante, qui accepte d’emblée d’ouvrir un tel compte à
une entreprise sans bilan ! Mal à l’aise avec les « gros comptes », une banque
commerciale de bas de bilan montre d’emblée ses limites.

102
Au plein cœur de la
crise qui a commencé
en faveur de la banque. Dont les pouvoirs en  2008, entre août et
septembre 2009, les encours
restent exorbitants : le directeur d’une
de crédits aux particuliers
agence a non seulement le droit de ne pas et aux entreprises non
vous vouloir pour client, il détient aussi le financières avaient fondu
pouvoir de vous chasser de sa clientèle, de 114,3 milliards d’euros.
En 2009, 78 % des dirigeants
sans avoir à justifier sa décision ni auprès
de TPE/PME ont dit avoir
de vous ni auprès de sa hiérarchie (même été confrontés à un
coté « A » – excellent client « à développer »). durcissement des conditions
Bien sûr, il s’en abstient la plupart du temps d’accès au crédit1.
et, en règle générale, ne recourt à cette
extrémité que pour des raisons objectives : vous êtes impécunieux
sans espoir de retour à meilleure fortune, votre entreprise est
durablement dans le rouge (sans que la banque ait fait grand-
chose pour vous en sortir) ou bien vous vous êtes livré à des gestes
ou à des propos inconvenants dans l’enceinte de son établisse-
ment. Mais pas toujours : le serial entrepreneur Jérémie Berrebi
(voir chapitre 3) révèle qu’il a été « viré » de sa banque, sans qu’on
lui en donne la raison (il est vraisemblable qu’il ait montré à l’égard
de sa banque un peu trop de liberté d’esprit). Le déséquilibre entre
banquier et client demeure inscrit dans les faits : il ne vous suffit
pas, pour équilibrer la relation, de ne pas rester dans le rouge. Il
vous faut, à moins de peser d’un poids économique certain dans sa
clientèle (et encore, imaginez l’encours que « pesait » un client
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

comme Jérémie Berrebi !), ne pas manquer aux lois non écrites de


la banque : le banquier a toujours le dernier mot.
Cette analyse, vous la lirez rarement dans des guides convention-
nels. Il est de bon ton de ne pas écrire les choses telles que les
candidats entrepreneurs les affronteront. La raison en est simple,
la plupart de ces livres, excellents sur le fond, sont signés par des
partenaires des banquiers, à un degré ou à un autre : ils ne peuvent
donc se montrer trop critiques. Il n’empêche que ce portrait abrupt

1.  Selon la CGPME (Confédération générale des PME).

6 Quelle banque choisir ? 103


du banquier ne vous surprendra que peu : en tant que client privé
d’une agence, vous avez, comme tout un chacun, déjà vécu ce désé-
quilibre de la relation, à un moment ou à un autre. En votre qualité
actuelle ou future de chef d’entreprise, vous subirez d’autant plus
ce pouvoir de fait du banquier, puisqu’il détient la capacité à ne pas
vous accorder le prêt nécessaire.
Les clients des banques
françaises jugent l’accès
Souvenez-vous que si vous caressez le
aux informations et le rêve de devenir un chef d’entreprise aisé à
professionnalisme de leur terme, votre interlocuteur à la banque ne
conseiller satisfaisants, avec le partage pas. Votre réussite ne changera
un taux de confiance de
pas grand-chose à son devenir à lui. Quant
56 %. Mais la même étude
montre que 44 % des Français à l’enseigne, elle peut espérer un rende-
ne recommanderaient ment de l’ordre de 6 %, plus votre potentiel
pas leur banque à leurs de produit net à coups de facturations d’es-
proches, et 15 % seulement comptes et de commissions. Pas de quoi
présenteraient leur conseiller1.
s’exciter sur votre projet…

tÉmoignage

Marc Billand, conseiller formateur du réseau BGE,


bureau de Chatou
« Sur le plan local, nous n’avons pas ressenti de fléchissement de
l’octroi de prêts. Les dossiers cohérents ont tous été financés. »
En contradiction apparente, avec les statistiques citées p. 98, ce
témoignage montre deux vérités : primo, se faire accompagner par
un expert (de la BGE, par exemple) est toujours salutaire. Secundo,
un dossier aux risques limités trouvera un financement.

>>Si la banque que vous connaissez bien ne répond pas à votre sol-
licitation, il est temps d’en changer. Depuis peu, les transferts d’une

1.  Étude Deloitte-Harris de mai 2011.

104
enseigne à l’autre sont facilités. Dans les faits, apportez toute votre
vigilance à l’affaire, en vous souvenant que tout doit être gratuit.
>>Restez « zen » devant les opérations de séduction orchestrées
par la publicité : ses vedettes dans le rôle du client lambda les « vrais
clients et vrais conseillers », les slogans : « 50 000 projets de PME,
entrepreneurs et professionnels financés en France au cours des
15 derniers mois »… Si vous contactez les enseignes pour en savoir
plus, on vous laisse entendre qu’il s’agit avant tout de « com »…

Malgré tout, jouez les « sélectionneurs »


■ ■ ■ Compte tenu de votre poids
relatif, mettez-vous en position de Conseils pratiques
sélectionneur de l’enseigne dans > Une banque n’est pas une
laquelle ouvrir un compte courant fatalité : vous n’êtes nullement
d’entreprise, facturé chaque mois, tenu de rester fidèle à l’enseigne
contrairement à un compte privé. de vos parents.
Le premier des critères est la domi- > Fréquentez les salons
nante des comptes professionnels professionnels où rencontrer en
de l’agence : certaines enseignes quelques heures les principaux
interlocuteurs banquiers, tous
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

sont plus spécialisées dans tel type


spécialisés dans l’accueil des
d’activité. La banque du village où
créateurs d’entreprise.
vous résidez alors que votre acti-
> Une « bonne » mise en
vité est de nature industrielle sera
concurrence exclut un appel
moins indiquée qu’une agence en
d’offres écrit : le banquier
ville : ne choisissez pas la première
n’aime pas ça. Vous pouvez et
agence venue sous prétexte qu’elle devez mentionner vos contacts,
est à deux pas de chez vous : si tout mais ne bluffez jamais : même
va bien, vous ne devriez pas vous y concurrents, les banquiers se
rendre que quelquefois par an. parlent entre eux.

6 Quelle banque choisir ? 105


Les profils des principales enseignes
Toutes sont généralistes et a priori aptes à accueillir n’importe
quel type d’activité. Mais leur histoire les incline parfois vers des
entrepreneurs dont elles connaissent mieux le métier. Vous aurez
toujours intérêt à choisir une banque dont le chargé de clientèle
parle votre langage. Ne vous attendez pas à trouver l’enseigne
exclusive de votre domaine : toutes cherchent désormais à réé-
quilibrer leurs risques en accueillant une palette de secteurs.

1. Les caractéristiques des pricipales enseignes


Nom Caractéristiques Clients
Récente dans le paysage bancaire Le réseau bancaire de la
(4 ans), elle n’octroie jusqu’à main- Banque Postale va néces-
tenant que des crédits personnels sairement s’ouvrir aux
de consommation. entreprises et consentir
Banque Postale
des conditions favorables
pour gagner rapidement
des parts de marché.  
À surveiller.
Est restée longtemps la « pre- • Particuliers : 6,5 millions
mière banque de la création • Professionnels : 950 000
d’entreprise », ses agences pro- • Entreprises : 75 000
fessionnelles sont parmi les plus
Banque « multicartes ». Première banque
Populaire des marins pêcheurs, banque
(groupe BPCE) d’un enseignant sur deux, d’un
artisan sur trois, et de plus de
150 000 associations en France.
Offre Fréquence Pro de 11,78 à plus
de 47 2/mois.
Société Générale Réputée pour ses excellentes rela- • Particuliers : 8,4 millions
(Boursorama, tions avec les professions libérales. • Professionnels et entre-
Crédit du Nord Package Jazz Pro à partir d’une prises : 950 000
et d’autres trentaine d’euros/mois.
banques privées)

106
Longtemps cantonnée, comme son • Particuliers : 5 millions
nom l’indique, au livret qui fit son • Professionnels : 220 000
Caisse nom, son renom et son chiffre. Peu • Entreprises : 26 000
d’épargne familière des entreprises, mais son
(groupe BPCE) entrée dans le groupe Banques
Populaires et la nécessité la pous-
sent à s’y intéresser.

Historiquement très marqué par • Particuliers : 19,2 mil-


l’exploitation agricole. Désormais lions
Crédit Agricole
multicarte. Le Compte Services • Professionnels : 750 000
(LCL, BforBank)
professionnels va de quelque 13 2 • Entreprises : 65 000
à 62 2.

« Fruit » d’une OPE de BNP sur • Particuliers : 6,5 millions


BNP Paribas Paribas, en 1999, cette enseigne a • Professionnels : 7,6 %
(Banque de hérité de l’ADN très industriel des • Entreprises : 0,4 %
Bretagne, Cortal établissements qu’elle a absorbés.
Consors, Fortis) Package Esprit Libre à partir de
38 2/mois.

Sa campagne de promotion insiste • Particuliers : 13,9 mil-


sur son caractère de banque sans lions
actionnaires mais de sociétaires. • Professionnels : 600 000
Crédit Mu- Très implantée dans les petites • Associations : 400 000
tuel (Fortuneo, villes et le milieu rural. Le Crédit • Agriculteurs : 115 000
Monabanq, CIC) Mutuel Agricole et Rural (CMAR)
se voue à l’agricole. L’offre Contrat
professionnel global du CIC se
caractérise par son opacité.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Héritière en France des établis- • Particuliers : 280 000


sements CCF. S’adresse plutôt à • Professionnels : 95 000
une clientèle aisée et aux grandes
entreprises, mais comme toutes
HSBC les enseignes attirées par le
« gâteau » des PME, elle se montre
attractive avec une offre à moins de
20 2 par mois tout compris réputée
assez transparente.

Sources chiffrées : www.comparatif-banque.info. Chiffres indicatifs


donnés par les établissements.

6 Quelle banque choisir ? 107


>>Prenez rendez-vous après ce premier tri, fût-ce pour un
contact exploratoire. Il vous faut rencontrer le/la conseiller/ère 
– devenu(e) chargé(e) de clientèle dans la branche « pro » – pour
estimer vos chances d’établir des relations « confortables »,
compatibles avec votre caractère. En cas de premier contact
rugueux, ou simplement impersonnel, n’insistez pas, continuez
la « tournée exploratoire ». Mieux vaut un conseiller avec lequel
l’on se sente « bien », quitte à ce que les tarifs divers et variés ne
soient pas les moins chers de votre comparatif : les différences
ne seront de toute façon pas si élevées, et tout se négocie mieux
avec quelqu’un d’ouvert.

>>Marc Billand, conseiller-formateur d’un bureau du réseau de


l’association BGE, recommande de ne pas « enquêter » par télé-
phone auprès des enseignes sélectionnées sous prétexte de vous
épargner des déplacements : « Un banquier ne vous dira jamais
non au téléphone », rappelle-t-il. Son conseil : repérer le premier
salon de créateurs où les enseignes bancaires installent toujours
leurs stands. Non seulement vous optimisez votre déplacement
en les trouvant toutes réunies, mais au surplus vous serez reçu
(e) comme un prospect, c’est-à-dire les bras ouverts !

>>Ces quelques rendez-vous revêtent un autre intérêt psycho-


logique. Votre interlocuteur ne manquera pas de vous demander
si vous avez vu d’autres banques. Affirmatif, même pour le pre-
mier rendez-vous de la série (si ce mensonge véniel vous déplaît,
annoncez que vous avez pris rendez-vous avec plusieurs ensei-
gnes et tenez parole). Se sentir mis en concurrence suscite deux
réactions, « en face » : si vous l’intéressez, le conseiller se mon-
trera « vendeur ». In petto, s’il est un bon pro, il se dira que vous
êtes un manager ou futur patron sérieux et rationnel…

108
avis d’expert
Richard Longtin, coach de PME
DD Quels sont les avantages à traiter avec plusieurs banques à la fois ?

« Ce n’est pas vrai qu’on économise en ne faisant affaire qu’avec la même
banque. On diminue ainsi notre dépendance face à un seul prêteur. Être à
différents endroits, ça peut fâcher son banquier principal, mais ça l’incite
bien souvent à vous donner de meilleures conditions quand il sait que
vous faites affaire avec d’autres prêteurs. Et puis, si votre entreprise va
moins bien, chaque prêteur sera rassuré, car il sait qu’il partage les ris-
ques. C’est un excellent truc de négociation. »

Les pièces dont vous aurez besoin


Peu importe que ce tour d’horizon intervienne avant ou après la créa-
tion formelle de votre entité juridique. Mais pour ouvrir un compte
professionnel, le banquier vous demandera les pièces qui attestent
de la création effective de votre « boîte »…
– Une immatriculation au répertoire des métiers, au registre du
commerce et des sociétés (extrait Kbis délivré par la chambre de
commerce), pour les artisans, les commerçants.
– Les statuts de la société – qui mentionnent celle ou celui qui sera
titulaire des instruments de paiement, l’annonce dans un journal
d’annonces légales, l’immatriculation au registre du commerce et
des sociétés (extrait Kbis).
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

– Un numéro Siren et un code APE pour une activité libérale (après
immatriculation auprès de l’Urssaf1).
– Éventuellement le bail de vos locaux.

1.  Siren : Système d’identification du répertoire des Entreprises, du répertoire


Sirene (Insee). APE : code Activité principale exercée attribué par l’Insee à cha-
que entreprise et à chaque établissement inscrit au répertoire statistique natio-
nal des entreprises. Urssaf : Union de recouvrement des cotisations de Sécurité
sociale et d’allocations familiales.

6 Quelle banque choisir ? 109


Pour autant, ne partagez pas vos revenus entre les deux ban-
ques : misez tout sur un seul compte, quitte à tenir le second ban-
quier au courant de l’évolution de vos affaires. L’important est de
disposer d’un repli immédiat en cas de pépin. C’est aussi l’avis
de Jean-Philippe Martinez, patron de pépinières d’entreprises :
« Exister dans deux banques, c’est une obligation. Or l’entrepre-
neur français n’en a pas le réflexe. Bien sûr, la répartition des
avoirs de l’entreprise entre deux comptes n’est vraiment possible
qu’à partir de 300 000 à 400 000 2 de chiffre… »

Compte courant professionnel, comparez les tarifs


Au regard de la nature de votre entreprise ou future activité,
pourrez-vous vous passer, après tout, de l’ouverture d’un compte
courant professionnel, toujours onéreux ? Non bien sûr si vous
êtes dûment « immatriculé ». Peut-être, si vous êtes un auto-en-
trepreneur car, pour vous, alors chaque euro compte.
Un auto-entrepreneur, une entreprise individuelle en général, a
parfaitement le droit de « fonctionner » à partir d’un compte cou-
rant de particulier, le cas échéant le sien. Il va de soi que l’éco-
nomie qu’il réalise (6 à 20 2 par mois selon les banques) se paie
en « visibilité » comptable : il est quand même plus simple et plus
prudent de séparer ses activités de ses dépenses personnelles.
Un premier levier de négociation, facile à obtenir, consistera à
demander à l’agence l’ajout à votre nom, sur les chèques, de la
dénomination de l’entreprise. Beaucoup plus confortable que de
s’ingénier à se faire ouvrir un second compte gratuit, dans la
même agence ou une autre banque.
Le tableau p. 106-107 donne quelques fourchettes très, trop indi-
catives. Constante 1 : ces « packages » brillent par leur opacité
née des dénominations des services rendus. Il est dès lors déli-
cat de les comparer. Constante 2 : bien des services inclus vous

110
seront parfaitement inutiles. Détectez-les, et négociez leur sup-
pression, package ou pas. Constante 3 : d’autres « commissions »
surgissent, imprévues, tels des « frais trimestriels » ou des fac-
turations pour des opérations non incluses dans le package. Il
est en outre courant que l’on vous décompte
des 0,05 % de frais sur les débits, etc. Vous Bonus au nouveau client ? Il
comprenez pourquoi certaines enseignes existe. Les banquiers savent
que les nouveaux clients,
sont réputées réaliser 80  % de leur PNB statistiquement, demandent
(produit net bancaire) via ces frais : les cré- plus de gestes commerciaux
dits octroyés ne sont souvent que des que la clientèle de
appâts pour commencer la pression à langue date… et qu’ils les
obtiennent.
froid…

Et si vous optiez pour la banque


directe en ligne ?
■ ■ ■ Le phénomène est apparu à l’orée
En 2011, on chiffre à quelque
des années 2000, mais c’est à partir de 2 millions les comptes
2009 que les banques en ligne ont com- en ligne ouverts via lesquels
mencé à drainer une part significative de toutes les opérations –
ou presque – se pilotent
connectés. Comment les nommer ? Agen-
à la souris.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

ces virtuelles ? En tout cas, elles ne sont


pas le simple site de votre enseigne traditionnelle (laquelle,
parfois, a créé une vraie banque virtuelle, indépendante de son
enseigne « en dur »). Elle « dématérialise » la relation client-ban-
que. Jusqu’au conseiller. Vous avez l’occasion, en cas de besoin,
de parler à une « voix » appartenant à un être de chair et de sang
(et souvent, heureusement, il s’agira d’un conseiller attribué, que
vous retrouverez à chaque appel), mais il/elle est quelque part
sur une plateforme que vous ne verrez jamais.

6 Quelle banque choisir ? 111


>>Le grand intérêt pour le petit (ou même plus gros) entrepre-
neur : des frais réduits au minimum. Des chéquiers et des cartes
bancaires gratuites.
>> La grande limite du phénomène : les mécanismes bancaires
commerciaux comme l’escompte, les « facilités de caisse » et bien
sûr le prêt ne sont pas encore partout dématérialisés. Si votre acti-
vité s’en passe – ce qui est le cas de bon nombre d’entreprises – et
si vous ne risquez guère le découvert – rédhibitoire et malaisé à
négocier avec un compte exclusivement en ligne –, le choix se jus-
tifie. En toute logique, à l’image du prêt immobilier à souscrire en
ligne qui vient d’arriver chez Boursorama, tous les services seront
un jour prochain à la portée d’un gestionnaire d’entreprise. Est-ce à
dire que les 30 000 agences bancaires de France sont condamnées ?
Non, et pour une raison que les banquiers n’avouent pas volontiers :
ils ont multiplié les agences un peu partout et conservé l’argent
numéraire billets-pièces (que l’électronique moderne pourrait
amplement remplacer et remplacera un jour) pour nous obliger à
fréquenter les agences et y rencontrer les conseillers-vendeurs :
c’est l’occasion pour eux/elles de nous vendre des produits bancai-
res rentables.

La dématérialisation de la monnaie
Préparez-vous ! L’avenir, malgré tout, passe par la dématérialisa-
tion de la monnaie. Vos clients, un jour prochain, vous paieront en
monnaie électronique. Même pour acheter une baguette de pain.
Bienvenue dans le Sepa World de la dématérialisation (Single Euro
Payments Area – Espace unique de paiements en euros, harmonisa-
tion des moyens de paiement en euros au sein d’un espace européen
élargi – 32 pays d’Europe).

112
2. Les 5 principales vraies banques « directes »
Boursorama Appartient à Société • 325 000 clients
Banque Générale et Caixa • Agences : oui
www.boursorama.com Banque. 20 % du
marché.
Fortuneo Appartient au Groupe Créé en 2009.
www.fortuneo.fr Crédit Mutuel. • Agences : non
Monabanq Appartient à Cofidis/  • 250 000 clients
www.monabanq.com 3 Suisses/Crédit • Agences : non
Mutuel.
ING Direct Appartient au groupe • 750 000 clients + livrets
www.ingdirect.fr ING. • Agences : non
Axa Banque Appartient au groupe • 700 000 clients au total
www.axabanque.fr Axa, assurances et • Agences : 350
banque.

Sources chiffrées : www.comparatif-banque.info. Chiffres indicatifs don-


nés par les établissements.

Profession intermédiation
■ ■ ■ Autre façon de choisir sa banque : laissez ce soin à des
spécialistes du terrain. L’on a évoqué (chapitre 1) le rôle essentiel
que sont susceptibles de jouer ces « chevaliers blancs » que sont
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

les conseils, experts, avocats d’affaires. Certes, vous les rému-


nérerez. Ou pas. À la manière des courtiers en prêts immobi-
liers qui se commissionnent auprès des banques auxquelles ils
présentent des emprunteurs fiables, certains ne vous coûteront
rien, ou peu, pour une efficacité redoutable. À condition qu’ils
soient bien introduits dans le circuit des agences commerciales.
>>La plupart des courtiers en prêts savent regrouper les crédits.
Si votre entreprise déjà lancée se saigne aux quatre bilans pour
faire face à ses emprunts, pensez à leur rendre visite. Ils vous

6 Quelle banque choisir ? 113


dirigeront vers la banque qui rachètera ces prêts à meilleur taux.
Privilégiez les spécialistes de la recherche du meilleur taux aux
officines plus ou moins connues qui vous promettent des rachats
de prêts miraculeux…
>>Autre type d’intermédiaire, les conseils opérationnels en réduc-
tion des coûts (frais bancaires et affacturage1). Ils savent pour la
plupart négocier les commissions des banques ou les mettre en
concurrence. À la clé, des économies sur lesquelles ces intermé-
diaires se rétribuent. Mais l’effet de levier de leurs interventions
est surtout sensible au sein d’entreprises déjà charpentées.
>>À l’image du créateur d’entreprise Aziz Senni (chapitre 3) parti
rencontrer les conseillers formateurs du réseau BGE que je
n’hésite pas à citer régulièrement pour son efficacité, repérez
l’une de ses implantations et laissez-vous guider. Le Pôle Emploi
dirige également vers ces conseillers des chômeurs en quelque
sorte contraints d’envisager une activité indépendante. Mais ils
accueillent tout autant des porteurs de projets, entre autres en
quête de financements. À moins que vous n’en veniez à eux sur
l’invitation de la banque elle-même ! Il arrive souvent que face à
un projet qu’elle estime mal « ficelé », l’agence vous conseille un
détour par un BGE. Le conseiller va alors « auditer » votre dossier
et vous laisser revoir le chargé de compte : l’accueil a toutes les
chances de déboucher sur un accord.
>>Pas vraiment des intermédiaires au sens ponctuel du terme,
les pépinières d’entreprises françaises à visée régionale (aider à
la création d’emplois sur place) tiennent malgré tout aussi ce rôle 
d’intermédiation : les consultants de la pépinière connaissent le
réseau bancaire et accompagnent le créateur. Certaines banques
lient leur décision à un hébergement du bébé entreprise dans une
pépinière !

1.  Tout comme la banque « escompte » vos créances, mais au prix d’un délai
certain, l’affactureur (le factor) se préoccupe de recouvrer vos factures tout en
vous avançant leur montant, moyennant commission.

114
avis d’expert
Marc Billand, conseiller formateur du réseau BGE, bureau de Chatou
DD Faut-il privilégier sa banque parce que l’on y est connu ?
« Pas forcément, pas systématiquement. Au contraire, il n’est pas inutile de
séparer les genres. Bien sûr, le banquier chez lequel vous souhaitez ouvrir
un compte professionnel va tout faire pour obtenir aussi votre compte per-
sonnel. Mais rien ne vous empêche de résister à cette aimable pression. »
DD Un postulant entrepreneur dont vous avez « validé » le projet a-t-il de
meilleures chances d’obtenir le prêt ?
« Pratiquement toujours, oui. Nous connaissons, sur le terrain, non seu-
lement l’enseigne, mais le conseiller même qui va recevoir le porteur de
projet que nous avons suivi. Ce qui me donne par exemple la capacité
de le diriger vers l’homme ou la femme qui correspondra au mieux à sa
personnalité, à son idée. »
DD Quel est, invariablement, le point faible majeur des personnes que
vous auditez ?
« La gestion. Entre la comptabilité, vision passée de l’entreprise, et la
gestion, sa vision dynamique, la plupart des porteurs de projets trébu-
chent. L’expert-comptable va mouliner les chiffres que lui transmet son
client entrepreneur, mais c’est à lui, décideur, de maîtriser ses prix de
revient, de calculer son BFR, d’établir son prévisionnel, etc. Le meilleur
investissement préalable que devrait consentir un candidat à l’entrepre-
neuriat est une formation en gestion de dix jours, par exemple dans le
cadre de son droit individuel à la formation. »
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Le monde des banques chamboulé


Longtemps, les Français sont restés fidèles à leur banque comme ils le
sont à leur médecin ou à leur notaire. Mais depuis dix ans, et notamment
depuis la crise financière amorcée en 2007, le « taux d’attrition » (tradui-
sez : « perte de clients ») a grimpé de 4 à 7 %. Pas énorme ? Exact. Sauf
que la « multibancarisation », elle, s’est envolée (étude Compass Mana-
gement Consulting). Un chiffre le montre : les six principales enseignes
revendiquent 100 millions de clients pour 98 % de Français titulaires d’un
compte bancaire ! Conséquence : la rentabilité par client chute. L’étude
citée estime que les particuliers rentables pour une banque oscillent
entre 20 et 40 %. Raison de plus pour pressurer tout le monde !

6 Quelle banque choisir ? 115


L’essentiel 
Pourquoi vous êtes de peu de poids face à la banque. Elle reste
en position de force, mais le créateur peut se donner les
moyens de choisir.
Malgré tout, jouez les « sélectionneurs ». Ciblez – et visitez –
des agences et des conseillers qui connaissent le secteur de
votre activité, comparez les tarifs.
Et vous optiez pour la banque directe en ligne ? Dans ce cas, les
principaux flux d’encaissement et de paiement seront traités
vite et à très bas coût. Pour certaines activités de service ou
des prestations intellectuelles, elle est suffisante.
Profession intermédiation. Faites optimiser, par des courtiers
réputés, des crédits déjà souscrits, réduire les frais,
affacturer... Faites-vous recommander des enseignes et des
agences par des organismes d’accompagnement du créateur,
des conseils experts, des avocats d’affaires.

Vers un plan d’action


ÂÂ
Avez-vous interrogé les 5 principales banques en
ligne ? www.icibanques.com vous donne le moyen de
contacter un interlocuteur par téléphone.
ÂÂ
Avez-vous repéré les salons où vous pourrez rencontrer
des banques, mais aussi des partenaires et des
financeurs ?
ÂÂ
Connaissez-vous les deux salons majeurs ? Le mieux
adapté est sans conteste le Salon des micro-entreprises.
L’autre est le Salon des Entrepreneurs, moins ciblé, plus
large.

116
7
Comment survivre
à sa banque ?

Le vrai pouvoir, celui […] d’avoir le droit de vie et de mort,


n’est plus dans les palais présidentiels : il est dans les banques.
Roland Lecarpentier, Thomas d’Almogne

Objectifs
>>>> Comprendre comment la Banque
de France note les entreprises et
pourquoi.
>>>> Prendre conscience de l’importance
de la relation à établir avec la banque
pour ne pas la subir.
>>>> Penser à ne pas affronter le
banquier seul en cas de tension :
deux exemples d’interventions de
consultants imaginatifs.
C
réer sa « boîte », c’est affronter un taux de mortalité en bas
âge redoutable.
Après une année 2009 exceptionnelle, un cru 2010 en
petite progression, le nombre des créations d’entreprises était
toujours en baisse au premier trimestre 2011, auto-entrepre-
neurs compris : - 22,8 % hors entreprises personnelles, - 18,3 %
avec (Insee). Sur douze mois, en 2010, le fléchissement des créa-
tions n’est pourtant que de 7,7  %. Les chiffres jouent au yoyo
entre conjecture économique favorable (plus d’emplois, moins
de créations) et tendue (phénomène inverse).
Il semblerait que l’entrepreunariat soit une des alternatives à un
marché de l’emploi saturé.

1. La corrélation entre chômage et désir d’entreprendre :


plus d’emplois, moins de créations.
Total envie de créer Certainement

31 % 31 %
29 % 29 %
27 % 25 % 25 %
23 % 21 %
20 %

15 % 16 % 16 %
14 % 14 %
11 %
9% 9% 8% 8%
Décembre Décembre Décembre Décembre Décembre Décembre Décembre Janvier Décembre Janvier
1999 2001 2002 2003 2004 2005 2006 2008 2008 2010

Source : baromètre Ifop, Les Français et la création d’entreprise, vague


10, janvier 2010.

Pourtant, tôt ou tard, le temps se couvrira peut-être pour vos


affaires. À ce moment-là, mieux vaut savoir parler le langage du
banquier pour vous faire comprendre.

118
Avis favorable/Doit faire ses preuves
■ ■ ■ Naguère, quand on passait le bac, le bulletin présenté
aux jurys portait ces deux avis : favorable ou doit faire ses preu-
ves. Le chef d’entreprise repasse son bac dès qu’il sollicite sa
banque. Le particulier aussi, du reste. Nous sommes notés par
notre banque (généralement de A à D ou E, d’« excellent client
à développer » à « interdit bancaire »). Chef d’entreprise, vous
l’êtes encore davantage, et depuis longtemps, par la Banque de
France. On l’a longtemps ignoré jusqu’au moment où les médias
ont expliqué que les établissements étaient tenus d’annoncer
sa « cote » au client qui lui en faisait la demande officielle (le
chef d’entreprise exclusivement). De votre note « Banque de
France » fondée sur des documents comptables, dépend lar-
gement l’attitude du conseiller qui y a bien sûr accès, via son
terminal. Au surplus, le « ratio McDonought » (ex-Cook), du
nom du président du Comité de Bâle (réunion des gouverneurs
des banques centrales), oblige les banques à surveiller votre
« ratio de solvabilité ». Les trois indicateurs à partir desquels
vous vous voyez attribuer une « note » jusqu’à 9 (la plus mau-
vaise) sont :
−− une cote d’activité (la taille de l’entreprise) ;
−− une cote de crédit (l’appréciation de sa solidité) ;
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

−− une cote de paiement (réguliers ou erratiques…).


Un créateur d’entreprise commence, logiquement, à… zéro
(aucune information) ! Puis l’échelle n’a plus rien de logique. Au-
delà de 3 (l’idéal), plus le chiffre grimpe, jusqu’à 6, plus vous fri-
sez l’enfer. À partir de 7, vous entrevoyez le purgatoire. Mais à 9,
les « dieux » vous abandonnent : game over.

7 Comment survivre à sa banque ? 119


1. Comment la banque vous évalue-t-elle ?
Notation Fondée sur Signification (ou/et)
Cote d’activité
AàM Volume de chiffre d’affaires A = 750 millions d’euros de CA et +.
M = jusqu’à 0,1 millions d’euros de CA.
X CA inconnu
N Non significatif Inférieur à 0,10 millions d’euros.
Cote de crédit
0 Information insuffisante
3 Meilleure appréciation de Crédit assuré. 3++ = excellent, 3+ = cote très
la Banque de France forte, 3 = cote forte.
4 Acceptable, malgré élé- Nuance entre 4 et 4+.
ments de fragilité ou d’in-
certitude
5 Sous réserve Cote assez faible à faible. Déséquilibre de
la structure financière, résultats limites
ou défavorables, multiples incidents de
paiement, représentants légaux douteux ou
entreprise en lien avec d’autres de note 5.
6 Réserves graves Cote très faible. Structure financière très
déséquilibrée, résultats défavorables sur
3 exercices, perte de la moitié du capital social,
procédure judiciaire, représentants légaux très
douteux, ne fait pas face à ses échéances.
7 Au moins un incident au Retour à meilleure fortune après un inci-
cours des six derniers mois dent. Attention spécifique à lui porter.
8 Crédit restauré Après des incidents de trésorerie déclarés
à la Banque de France, mais entreprise
menacée.
9 Solvabilité gravement Après des incidents de trésorerie déclarés à
menacée la Banque de France, entreprise compromise.
P Procédure Redressement ou liquidation.

Source : Bulletin de la Banque de France – n° 112 – avril 2003.


Toujours en vigueur à ce jour.

120
Trouvez le bon interlocuteur
et suivez-le partout !
■ ■ ■ La relation qui va s’instaurer entre votre chargé d’affaires
et vous dépend largement des personnalités en présence. Avec
ce constat en tête : la majorité des responsables qui vont décider
des moyens à vous octroyer n’ont, pour la plupart, pas la formation
suffisante pour jauger véritablement le potentiel de votre « boîte ».
Ils ne sont ni les médecins de votre affaire ni des conseillers
en patrimoine. Le savoir, c’est aussi se préparer à rassurer et
à expliquer… Au risque de nous répéter, anticipez des passages
de trésorerie difficiles, et si tel est le cas, prenez le temps d’ap-
porter les éléments qui montrent quand le retour en positif est
assuré. Face à vous, votre interlocuteur ne distingue que deux
« couleurs » : vous êtes dans le rouge ou dans le vert.

Vous comprenez dès lors pourquoi l’enseigne est indifférente.


Après vous être assuré que l’agence se compose de conseillers
qui connaissent un peu votre secteur, vous devez trouver l’inter-
locuteur/trice à votre mesure. Affaire d’atomes crochus.

J’ai recommandé aux particuliers dans mon précédent livre de


© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

s’efforcer de viser le décideur le plus proche de Dieu le père, ou


Dieu le père lui-même, autrement dit un directeur adjoint ou le
directeur de l’agence1. C’est d’autant plus vital pour un client pro-
fessionnel. Autant vous dire que rien n’est gagné : ces responsa-
bles réservent leurs portefeuilles en direct aux entrepreneurs
dont les chiffres sont de quelque importance dans le produit net
bancaire de l’agence. Que faire, sinon essayer de cibler une agence
de plus petite taille pour ne pas vous diluer dans l’océan. Avec la

1.  Mon banquier, la crise et moi, op. cit.

7 Comment survivre à sa banque ? 121


contrepartie : le directeur verra son plafond de décision d’octroi
de prêt plus bas que son homologue d’une grosse agence…

La banque recrute énormément, mais le turn over y règne en maî-


tre. Avec 70 % de jeunes gens de moins de trente ans parmi les
effectifs des nouveaux engagés, une grande partie bac +  2, les
politiques de formation se montrent des plus inégales selon les
banques. Intensive et diversifiée dans l’une, symbolique dans
l’autre, pour les trois segments de la banque de détail que sont
les conseillers des particuliers, les chargés de clientèle face aux
artisans/TPE et les responsables de la clientèle PME. Ils sont
davantage des vendeurs que des gestionnaires, sont affectés cha-
cun à quelque 200 clients pour une petite agence quand une unité
de ville va couramment en compter 1 000 par conseiller (en tout
cas pour le volet grand public). Votre interlocuteur pro, même s’il
gère sans doute un portefeuille moins copieux, se voit attribuer de
toute façon plus d’entreprises qu’il ne peut en gérer de façon
confortable. Un ancien chargé de clientèle me donnait ce chiffre
tiré de sa pratique : il avait sept minutes en moyenne pour statuer
sur un dossier ! Vous n’êtes pas au centre de leur préoccupation !
Le chargé de clientèle est le plus souvent intéressé au chiffre
d’affaires (produit net) qu’il réalise
avec son portefeuille. Si bien qu’un
Conseils pratiques chef d’entreprise noté 0, 5  ou 6  ne
> Faites tout pour trouver le peut espérer grand-chose.
« bon » conseiller, celui ou
Heureusement, vous rencontrerez
celle qui, par mauvais temps,
n’ouvrira pas immédiatement le des professionnels qui compren-
parapluie à son profit. dront votre jeune entreprise et
l’accompagneront, surtout lorsque
> La confiance se bâtit. Inscrivez
en rouge dans votre agenda un vous aurez bouclé vos premiers
rendez-vous bimestriel avec elle exercices. Faites en sorte de les
ou lui, voire mensuel en cas conserver pour interlocuteurs le
d’orage. plus longtemps possible, ce qui

122
n’est pas assuré compte tenu du turn over évoqué. S’ils bou-
gent, tâchez de les « suivre », soit dans l’agence où ils ont pris
du galon, soit dans l’enseigne qui les a débauchés. D’où l’inté-
rêt d’un contact régulier : le départ d’un conseiller est tellement
rapide que vous risquez de vous en apercevoir quelques mois trop
tard. Mais il peut tout aussi bien quitter le secteur bancaire ou
migrer vers des postes sans rapport avec votre petite entreprise.
Il vous faut alors prendre le temps et la peine de vous remettre
en chasse d’un même calibre. Car vous êtes en danger : le suc-
cesseur va normalement s’empresser de vous retirer les facilités
et autres avantages négociés avec son prédécesseur : pourquoi
hériterait-il de manque à gagner ?
Enfin, souvenez-vous qu’il vaut mieux vous engager sur un crédit
de création, peut-être anticipé, plutôt que lorsque vous en avez
vraiment besoin, le couteau sur la gorge.

Le 7  décembre 2010, les banquiers n’ont pas spécialement craint


que l’appel du footballeur Cantona – que chacun retire ses avoirs de
ses comptes – ne soit suivi d’effet. Et de fait, alors que 27 000 clients
en avaient affiché l’intention, la journée du 7 s’écoula sans incident
majeur. L’intéressé lui-même s’est contenté de déplacer quelques
avoirs d’un compte à l’autre ! Mais l’affaire révèle néanmoins deux
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

phénomènes : primo, il est manifestement impossible de retirer faci-


lement un argent très dématérialisé du circuit bancaire. Secundo,
l’opinion publique manifeste bel et bien une hostilité de principe à
l’encontre d’enseignes toutes-puissantes qui n’ont apparemment
pas tiré la leçon de ces signes de mauvaise humeur.

7 Comment survivre à sa banque ? 123


Les détails qui risquent de gripper
votre relation et comment
les contourner
■ ■ ■ Une anecdote vécue a de quoi démontrer l’arbitraire de
votre sort face au conseiller. Elle est contée par Richard Zwierski 
(www.creations-reprises-entreprises.fr), conseiller d’entrepreneurs. 
Un ancien décathlonien, champion de France, avait ouvert une
salle de sport dans une ville moyenne, un peu avant l’an 2000.
Le crédit qu’il sollicite pour assurer son développement lui est
refusé par les banques locales alors que son affaire est saine. La
raison, inavouée au demandeur, est surréaliste : statistiquement,
les assureurs constatent des sinistres plus élevés par l’incendie
pour les… salles de sport et les pizzerias. France 2, qui réalise un
reportage sur les aléas de la création d’entreprise, le prend pour
exemple. Dans la foulée de l’émission, le sportif entrepreneur
reçoit des offres de lignes de crédit de la part des banques qui
les lui avaient refusées, et d’autres… Encore mieux : la clientèle
afflue. Moralité : du côté de la banque, votre survie tient parfois à
une statistique… et au hasard d’une image médiatisée.
De même, il est important de décrypter les messages subli-
minaux. La plupart du temps, les
Conseils pratiques directeurs d’agence sont décision-
naires jusqu’à un certain plafond. Si
Après un refus de votre banque,
ledit décisionnaire vous reçoit une
ayez le réflexe de poser la
question : pourquoi ? Connaître ou deux heures, que tout se passe
les causes du refus est pourtant bien, et que l’intéressé conclue par
vital : il suffit parfois d’une la formule « Il faut que le dossier
correction de tir ou d’un plan de passe au comité », traduisez : « Je
restructuration pour représenter n’ai pas le droit, le pouvoir, de pren-
votre dossier. dre la décision ».

124
Un phénomène qui va prendre de l’ampleur : les demandeurs de
crédit qui n’engagent pas plusieurs millions comme pour une
PME lancée verront de plus en plus leur dossier traité sans entre-
tien : la décision tombera selon des
critères de chiffres déshumanisés.
Conseils pratiques
Il existe des mots ou des attitudes
> En pleine activité, anticipez
éliminatoires. Cet autre client de
toujours les périodes de creux.
Richard Zwierski, dépanneur en
> Prévoyer les charges des
électroménager, est entendu par un
quatre premières années. Le
comité où siègent entrepreneurs et
système fiscal français est à
banquiers (à ce stade, sachez que
cet égard atypique, avec ses
bien souvent il ne s’agit que d’une appels décalés et les charges qui
formalité pour une décision déjà n’interviennent qu’en année 2.
prise). Une question tombe : « Que > Ne laissez jamais une situation
demandez-vous ? » Le malheureux se dégrader, le banquier ne
est franc : « Je cherche un prêt à rattrapera jamais un déficit
taux zéro ». dont vous n’auriez pas géré les
Quel banquier va lâcher un « PTZ » tenants et aboutissants.
hors les dispositions réglementai-
res qui le prévoient ? Devant un comité de ce type, ne restez pas
passif. Parlez. Le nombre des porteurs de projet ou les chefs
d’entreprise qui répondent par « oui, « non » ou un hochement de
tête est désarmant.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

tÉmoignage

Richard Zwierski, consultant, ancien banquier


dans des agences du Crédit Agricole
« Un nombre très élevé de créateurs ou de gérants ne savent pas
parler de leur dossier. Le consultant semble plaider pro domo, il
n’empêche qu’un tel constat doit faire réfléchir. »

7 Comment survivre à sa banque ? 125


Il est possible de survivre
à sa banque…
■ ■ ■ En fonction des causes connues qui risquent de vous placer
en difficulté (lire conseil pratique p. 122), travaillez immédiatement à
un plan de restructuration. Avec cette variable d’ajustement, hélas,
la plus lourde humainement mais produc-
En cas de risque de trice d’effets immédiats, le plan social. Une
déconfiture, ne lâchez banque qui sonne l’alarme ne demande pas
rien : c’est le moment de mieux que de suivre son client. Un conseil
chercher les conseils de
en or : revenez voir le chargé d’affaires tous
consultants spécialisés dans
le redressement.
les mois pour le tenir au courant des évolu-
tions et des effets du plan.

Capital-Initiative : un sauveteur, un modèle


et une critique constructive des banques
« Je cherche 10 000  2 », c’est le montant du besoin de finance-
ment moyen des TPE françaises en création. Réponse moyenne
de la banque : non, merci.
Ce constat met un homme en colère. Le porteur de projet ? Peut-
être. Mais également un Alsacien, à la tête d’un gros cabinet
d’expertise comptable, René Hans.
Conseil pratique Un livre consacré au financement
Placez l’information du des entreprises qui ne citerait pas
banquier au cœur de l’effort de le « coup de gueule » de ce dénon-
redressement. ciateur des tares entrepreneuria-
les manquerait à sa mission.
Dans son dernier ouvrage, L’entreprise malade des fonctionnai-
res1, Hans se montre le plus critique des hommes de terrain

1.  L’harmattan, 2005. Les deux autres livres, l’un sur les banques réfractaires
au financement des petites entreprises et Pourquoi la France manque d’entrepre-
neurs, ne sont plus disponibles.

126
contre les trois composantes du financement : les porteurs de
projet et les petits patrons dont il déplore le manque de vision
entrepreneuriale (« marqués par la culture salariale, complexés
par les grandes entreprises, gênés par l’administration, ils se
contentent le plus souvent de créer leur emploi »), les banquiers
(« bien plus intéressés par la Bourse que par l’entreprise »), les
hauts fonctionnaires.
Si l’on « écrête » le ton passionné de ce
L’emprunt bancaire couvre
ténor du sauvetage des TPE, force est de
un quart du financement
reconnaître que ses constats sont fondés : des nouvelles entreprises,
le capital-risque français au sens large ne lesquelles se lancent avec
finance que 1 % des dossiers, et la banque des moyens très « courts » :
36 % des créateurs ont
du prêt du bas de bilan, on le redit, n’octroie
utilisé moins de 4 000 € pour
des crédits qu’en l’absence quasi totale de leur installation, l’achat de
risque. Hans relève du reste au passage matériel, la constitution des
une aberration : Oséo, le fonds de garantie stocks…
d’état, ne sélectionne que des dossiers pré-
sentés par la banque et non par le porteur du projet. En laissant
le prêteur maître du jeu, l’autorité financière inverse le bon sens.
L’entrepreneuriat français est à 93  % composé de TPE/petites
PME de… six salariés en moyenne ! Une grande fragilité financière
« contagieuse », constate René Hans, puisque les petites entrepri-
ses françaises sous-capitalisées (donc, dit-il, vouées à l’échec dès
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

le départ) mettent à leur tour en péril leurs fournisseurs en un


effet domino redoutable.

L’action de Capital-Initiative
Ce qui importe ici, c’est la réponse bénévole, pour ce qui le
concerne, de l’expert-comptable entrepreneur à travers le
modèle de Capital-Initiative. Il en a eu l’idée brillante après avoir
renoncé, en 2007, au premier modèle de Capital-Initiative, alors

7 Comment survivre à sa banque ? 127


société de prise de participation, pour la transformer en fonds
d’investissement d’aide aux PME.

Une PME en impasse financière est auditée par l’expert qui fait
office d’intermédiaire avec la banque : si les solutions de Capi-
tal-Initiative sont validées – et elles le sont en règle générale
puisque l’expert-comptable répond justement aux exigences de
la banque, l’entreprise passe le cap. Au besoin, René Hans et
ses experts font appel au médiateur du crédit. « Nous laissons la
banque faire son métier, dit Hans, nous ne sommes pas concur-
rents mais complémentaires. »

>>Mais c’est lorsque tout est bloqué avec la banque que Capi-
tal-Initiative intervient parfois en fonds. Le sauveteur d’entre-
prise rachète actifs immobiliers et mobiliers de l’entreprise par
un emprunt bancaire (que la banque accepte au vu de la solidité
de Capital-Initiative) et les loue à l’entreprise en difficulté ! Les
loyers couvrent la mensualité quand Capital-Initiative ne rem-
bourse que les intérêts du prêt. Si celui-ci est remboursé avant
trois ans, le sauveteur dégage une marge sans laquelle il ne
pourrait poursuivre son activité. Un montage de génie…

>>Reste à Capital-Initiative à essaimer, car les 25 dossiers pen-


dants dépassent d’ores et déjà la capacité d’emprunt du Robin
des bois des entrepreneurs. Avec 20 implantations sur le terri-
toire français, ce Samu des PME lâchées par leurs banques rêve
d’un monde où les autorités financières protégeraient davantage
les entrepreneurs que les banquiers.

128
tÉmoignage

René Hans, chef d’entreprise, expert-comptable


« Novembre  2010. Une chef d’entreprise, 63  ans, est aux abois. Un
client lui doit 50 000 3, ceux que son banquier lui réclame et dont le
tribunal de commerce ne lui fera pas grâce de les étaler car elle doit
10 000 3 à l’Urssaf. Ce sera la liquidation immédiate. Ma cliente a déjà
perdu sa maison. Je ne vois aucune solution. Mais je remarque sa voi-
ture, sur le parking. Lui demande sa cote : “15 000 3”. Capital-Initiative
la lui rachète alors, elle solde l’Urssaf, sauve son entreprise… et son
honneur. Fidèle à son modèle, Capital-Initiative lui loue alors sa pro-
pre voiture. Malheureusement, on ne peut sauver tout le monde ! »

2. 5 exemples d’intervention de Capital-Initiative


par le rachat d’actifs d’entreprises
Effectifs Intervention
Activités Financement
salariés Capital-Initiative
Société de construction 30 Rachat de véhicule 120 000 2
de chantier
Service administratif 5 Rachat d’un véhi- 10 000 2
cule de société
Restaurant 6 Rachats des murs 280 000 2
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

et travaux
Maintenance gros véhi- 10 Rachat des murs 360 000 2
cules
Commerce photovol- 5 Caution pour 150 000 2
taïque et tout type de emprunt et rachat
chauffage de murs
Total 920 000 4
Source : Capital-Initiative.

7 Comment survivre à sa banque ? 129


L’essentiel 
Avis favorable/Doit faire ses preuves. Votre banque vous note à
titre particulier, la Banque de France cote votre entreprise :
dans les deux cas, il vous faut connaître cette note et en savoir
la raison.
Trouvez le bon interlocuteur et suivez-le partout ! De la
personnalité du chargé d’affaire et de la qualité de votre
relation avec lui dépendent beaucoup de choses :
Les détails qui risquent de gripper votre relation et comment
les contourner. Le refus d’une banque se fonde parfois sur
des causes qu’il est facile de corriger.
Il est possible de survivre à sa banque… Des consultants
existent qui vous aideront à trouver les solutions pour
redresser la barre. Leurs interventions auprès de votre
banquier peuvent être déterminantes pour rétablir l’équilibre
tel le rachat d’actif.

Vers un plan d’action


ÂÂ
En phase de création, avez-vous demandé par écrit
au directeur de votre agence la « note » que la banque
vous a attribuée en tant que particulier ? Si vous restez
dans la même agence, une bonne « lettre » plaidera en
votre faveur. Mais elle ne vous oblige pas à rester : si
elle est bonne, vous la glisserez dans le dossier que vous
adresserez à une autre enseigne.
ÂÂ
Si vous êtes déjà entrepreneur, avez-vous demandé la
cotation Banque de France ? Vous saurez ce que vos
futurs conseillers auront sous les yeux sur leur terminal.

130
8
Étude de cas :
les savons
d’Annabelle
La créativité doit être guidée, gérée et encadrée. Sinon, une
entreprise […] pourrait devenir bordélique.
Jean-François Bouchard, créateur canadien de Sid Lee

Objectif
>>>> Suivre pas à pas l’aventure de la
création d’une authentique entreprise,
La Savonnerie minervoise, portée par
Annabelle Mathon, 31 ans, financée
par ses économies, un business angel et
des prêts bancaires, mais qui, surtout,
a pris le temps d’établir son affaire sur
des assises solides en s’appuyant sur des
accompagnements locaux de qualité…
C
hangement d’ambiance. Pour clore ce voyage dans les
coulisses du financement d’une entreprise, nous allons
conter pas à pas le parcours réel d’une jeune créatrice,
Annabelle Mathon, 31 ans, mariée et maman d’une petite fille,
installée dans l’Aude. Même si chaque aventure reste intime-
ment liée au porteur de projet, à son histoire, à son tempéra-
ment, elle révèle des constantes qui se nomment entre autres
opiniâtreté, solidarité, préparation, vision. En outre, à l’image
d’Annabelle, un créateur fait souvent preuve de générosité dans
son désir de donner à son tour. Les savons à froid de la Miner-
voise, une expérience à chaud sous le soleil de l’Aude.

Qui est-elle ?
■ ■ ■ À l’âge du bac, la littéraire Annabelle rêve de devenir créa-
trice de bijoux. Son entourage l’en dissuade au profit d’un Deug de
lettres modernes qui l’ouvre aux métiers du livre. Mais cette touche-
à-tout qui cherche toujours sa vocation à l’orée des années 2000 se
laisse convaincre, au travers d’entretiens professionnels, d’ajouter
une expérience commerciale à ses jobs dans le culturel. Pendant
un an et demi, elle l’acquerra au sein du service export d’une PME
familiale spécialisée dans la vente de livres. Quand son mari, ingé-
nieur dans le secteur automobile, décidera de se lancer dans son
entreprise d’équipements photovoltaïques, et que tous deux décide-
ront de s’installer dans le sud de la France, Annabelle va rencontrer
celle qu’elle nomme une « bonne fée ». La magie opère quand cette
figure de contes pour enfants lui montre comment créer des savons
à partir de lessive de soude et d’huiles. « Ce fut pour moi comme
si j’ouvrais une boîte d’où jaillissait un faisceau de lumière porteur
d’infinies possibilités. » Nous sommes en 2009. Mme  Mathon se
lance sur la pente savonneuse de la création d’entreprise.

132
Début de réalisation
■ ■ ■ Sera-t-elle auto-entrepreneuse ? À Narbonne, une visite
à un forum d’entrepreneurs en herbe la met en présence d’un
directeur de pépinière d’entreprises, Jean-Philippe Martinez
(déjà cité, cf. chapitres  3, 4 et 6). A priori, cet « accompagnateur
d’entrepreneurs » est séduit par ce concept de la production de
savons fabriqués à froid. Il s’agit d’un procédé de saponification
ancestral que les industries chimiques modernes ont depuis
belle lurette remplacé par une chaîne à chaud beaucoup plus
rentable au détriment des procédés écologiques.
Au sein de la pépinière, Annabelle va recalibrer son projet. Lui
donner une perspective d’entreprise. Sous sa houlette, la litté-
raire refait trois fois le business plan, mais en oubliant les modè-
les standard. « Ils m’effrayaient. J’ai ouvert une feuille Excel,
simplifié les données à l’extrême, avec le chiffrage à la louche de
la production et la simulation de quelques prix en face. »
Avec l’aide de Jean-Philippe Martinez, la Savonnerie minervoise
encore dans sa bulle affine son plan d’action commerciale, struc-
ture sur le fond le plan d’affaires pour le rendre plus lisible par
des financeurs.

Les leçons à tirer


© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

• Présenter son idée à des professionnels rencontrés au cours de


salons ou sollicités au sein d’entités d’accompagnement va immé-
diatement lui donner un cadre, un début de réalisation.
• Mieux vaut aligner les premiers chiffres en sa possession sans
chercher à affiner d’emblée un plan d’affaires standard : des profes-
sionnels existent qui aideront à dépasser le premier brouillon.
• À condition que ces professionnels sentent, quel que soit le projet,
que son porteur y croit, qu’il ou elle exprime une envie. L’image de
la boîte « lumineuse » d’Annabelle Mathon en est une visualisation
intime qui ne fera sourire aucun véritable entrepreneur.

8 Étude de cas : les savons d’Annabelle 133


14 mois de parcours alchimique
■ ■ ■ Les techniques de saponification à froid n’ont plus de
secrets pour celle qui va désormais ancrer son projet dans la
réalité. Annabelle Mathon a déposé à l’Institut national de la pro-
priété industrielle (Inpi) l’appellation de l’entreprise non encore
créée, La Savonnerie minervoise.
Une grande part de la valeur ajoutée du produit repose sur sa fabri-
cation : la savonnière apprend tout, se documente à fond comme
la journaliste rentrée qu’elle aurait pu devenir. Elle acquiert un
savoir approfondi qu’elle nommera « vernis de culture », mais
qui est essentiel pour la définition même du « produit » futur : en
comprenant que les procédés hérités des xviie et xviiie siècles ont
été dévoyés par la grande industrie pour raisons de rentabilité
– un savon à froid s’affine quand une pâte à chaud est utilisable
sitôt refroidie –, Annabelle forge ses arguments de différencia-
tion à venir. Elle se plonge dans les techniques de fabrication du
siècle des Lumières, améliorées aux xixe et xxe siècles.
Au cours des 14 mois qui vont défiler, la créatrice va mettre en
place sans précipitation un véritable réseau professionnel à
valeur ajoutée : elle participe en ligne à la création d’un forum
de professionnels, futur noyau d’une fédération de la saponifica-
tion à froid qui n’existe pas (http://fede-saf.forumactif.net), projet
emmené par un expert que La Savonnerie minervoise s’adjoint
comme consultant chimiste. Désormais, les échanges d’An-
nabelle Mathon sont très fructueux. Dans le monde du savon à
froid, les savonniers sont encore des confrères/sœurs plus que
des concurrents. « La demande est suffisante pour que nous
ne pratiquions pas encore entre nous la réserve qui s’impose à
des entreprises qui se partagent un marché très concurrentiel.
Quand je contacte des personnes qui pratiquent déjà ce métier
artisanal, elles sont sensibles à l’intérêt que je leur porte. »

134
Au cours de ces 14 mois de préparation, Annabelle Mathon a :
−− approfondi son auto-formation ;
−− défini ses gammes de produits ;
−− bâti un réseau puissant ;
−− produit des documents et des « visuels » pour sa gamme
« luxe » (www.m-comme-anabelle.com) ;
−− testé des recettes (avec un panel bénévole).
Au sein du BGE narbonnais1, le responsable est désormais
convaincu par le projet. Annabelle Mathon a conscience de la
valeur de ces « appréciations très positives ».

Les leçons à tirer


• Il est significatif que cette créatrice méthodique ait passé 14 mois
sans précipiter la mise en œuvre d’un concept qu’elle a pris le temps
de maîtriser. Trop d’échecs naissent de la volonté de passer à la
commercialisation de produits que l’on crée soi-même en oubliant
que, dans le domaine de l’artisanat, ces matières, ces procédés,
sont le fruit de siècles de savoir-faire !
• La maturation d’une petite entreprise dans laquelle le geste du
« patron », de la « patronne », va constituer la seule création de
richesse fait partie intégrante de la réussite. Si le futur chef d’entre-
prise doit lancer sans délai, pour des raisons pécuniaires, un pro-
jet qui n’a pas assis ses fondements, il risque de compromettre son
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

avenir même.
• Cette préparation décuple la crédibilité du porteur auprès de ses
interlocuteurs.

1.  Il a beaucoup été question de l’association BGE tout au long du processus de


création et de financement. Les anciennes « Boutiques de Gestion » sont deve-
nues EnsemBle pour agir et Entreprendre.

8 Étude de cas : les savons d’Annabelle 135


Montage financier, les besoins,
les réponses et les non réponses
■ ■ ■ En janvier  2011, le montage financier de la savonnerie
entre dans sa phase concrète.

Le chiffrage des besoins


Le projet demande 71 000 2 pour exister. Comment les réunir ?
La palette de financements d’Annabelle s’articule en trois points,
des apports personnels dont on va découvrir le détail, un prêt
à taux zéro dont l’obtention est très enca-
Qui dit délai entre production drée et dont dépend un prêt bancaire.
et mise en vente dit besoins
en fonds de roulement Pourquoi 71 000  2 ? Parce que la fabrica-
(BFR) importants. Le futur tion artisanale de savons parfumés à froid,
entrepreneur doit pouvoir à cette échelle, ne passe pas par quelques
lire ce besoin structurel dans cuves et quelques moules installés dans
son processus industriel et une arrière-cuisine. La fabricante doit
prendre ses dispositions pour
faire installer un laboratoire, tout inox, sur
le financer.
mesure, analogue à une cuisine de chef
dans un grand restaurant. Les contraintes
de manipulation de la soude, notamment, imposent une hotte qui
ne coûte pas moins de 3 000 2. Et tout à l’encan. La matière pre-
mière – dont des huiles essentielles et végétales (aucune graisse
animale) – doit constituer un stock important. Les savons seront
séchés un mois durant (le « temps de cure »), afin que le pH des-
cende sous la valeur voulue (le procédé à chaud, lui, ne demande
que trois jours de séchage avant commercialisation !).

Un premier appel aux aides publiques


La future chef d’entreprise est demandeuse d’emploi. À ce titre,
plusieurs composantes de soutien vont jouer, à commencer par

136
le Nacre, qui a succédé à partir de janvier  2009 aux dispositifs
Éden et aux chèques conseils. Signification de l’acronyme Nacre :
Nouvel accompagnement pour la création et la reprise d’entre-
prise.
Parmi les avantages octroyés par le dispositif figure un prêt à
taux zéro, quand « l’opérateur Nacre », un organisme conven-
tionné choisi par le postulant – en l’occurrence, pour Annabelle,
l’Airdie (lire encadré) –, donne son feu vert. En jeu : 7 000 2, si un
cofinancement bancaire répond à l’appel1. Avec une certaine naï-
veté, avoue Annabelle, celle-ci l’a demandé alors même que sa
situation familiale élimine pratiquement toute chance d’attribu-
tion : son mari et elle sont tous deux créateurs d’entreprise, avec
un enfant à charge.

L’Airdie du Languedoc-Roussillon
L’Association interdépartementale et régionale pour le développe-
ment de l’insertion par l’économique (Airdie) a été créée en 1994,
entre autres par le président du Comité des banques Languedoc-
Roussillon. Elle fait intervenir localement la préfecture de région,
les conseils généraux, la Caisse des dépôts et consignations, des
comités de développement économique, le Fonds d’action sociale,
France Active, l’Association pour le droit à l’initiative économique,
l’Union régionale des entreprises d’insertion, etc.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

L’intervention d’un business angel


Intervient alors peut-être la « carte chance » du Monopoly de
l’Audoise, comme chaque créateur en tire souvent une au long
de son parcours. Son père lui conseille de penser à son oncle,
chef d’entreprise, que les circonstances de vie lui ont fait perdre

1.  Le dispositif Nacre prévoit en outre un accompagnement à la préparation du


projet, à l’élaboration de la demande du prêt et un suivi au cours des trois pre-
mières années de la vie de l’entreprise.

8 Étude de cas : les savons d’Annabelle 137


de vue. Annabelle Mathon découvre alors que ce proche a mis en
place une activité de… business angel ! Sans se laisser influencer
par son lien de parenté, l’homme est conquis par le projet sur le
papier. Son avis favorable va faire pencher la balance du comité
d’attribution du Nacre vers l’acceptation du prêt. Le business
angel entre au surplus dans le capital de la future entité à hau-
teur de 10 000 2. Annabelle Mathon va pouvoir chercher la banque
qui doit nécessairement relayer le Nacre.

Anabelle fait face au refus des banques


traditionnelles
Toujours aussi méthodique, la savonnière a déjà plaidé son dos-
sier devant cinq ou six banques. Elle a appliqué l’un des conseils
déjà soulignés plus haut en glanant des cartes de visite lors de
visites de salons, et surtout au cours des réunions d’information
régulières qu’un porteur de projet a intérêt à suivre lorsque la
chambre de commerce et d’industrie locale en organise. Y assis-
tent forcément des directeurs régionaux d’enseignes bancaires
locales. La prise de rendez-vous dans les agences de Narbonne
a été systématique. Et pratiquement systématique la réponse
négative des conseillers qu’elle rencontre dans la foulée. Parmi
les raisons de ces refus, rien que de très attendu : l’apport de
la demandeuse (12 500 2) est insuffisant, ses cautions pas assez
nombreuses, le secteur commercial n’entre pas dans les champs
explorés par la banque, le montant sollicité est excessif ou…
insuffisant ! Le crédit demandé se monte à 38 000 2.

138
Les leçons à tirer
• Annabelle Mathon ne renonce jamais au contact de plus, celui
qui peut tout faire basculer, y compris dans son entourage. Elle
« réseaute » à la fois en ligne, où elle a bâti de solides relations, et
sur le terrain en ne négligeant aucune des occasions de rencontres.
• Parmi les contacts décisifs qu’elle recommande :
– Le Fonds de garantie à l’initiative des femmes (FGIF). L’APCE
déplore du reste qu’il soit assez mal connu et peu utilisé par les
intéressées. Sa vocation est de garantir à hauteur de 70  % des
prêts à moyen terme, à la manière d’Oséo, y compris pour financer
un fonds de roulement. Une banque doit s’abstenir, forte de cette
caution, de demander à sa cliente des garanties personnelles. Les
organismes « subdélégataires » sont France Initiative (www.france-
initiative.fr) et France Active (www.franceactive.org). Commentaire
d’Annabelle Mathon : « Ces béquilles sont très importantes ».
– ODalacom. Les initiales cachent le patronyme Olivier Deschamps,
jeune entrepreneur dont l’idée fut d’offrir à des TPE/PME générale-
ment blackboulées, pour raisons budgétaires, de la communication
pourtant vitale, un véritable accompagnement accessible. Annabelle
Mathon a été très aidée par ce professionnel dont les « questions
pertinentes » lui ont fait « prendre conscience de l’importance de la
communication que l’on néglige ». www.odalacom.com
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Une banque à qui parler…


■ ■ ■ Auprès de son oncle business angel, Annabelle a trouvé ce
qui fait la raison d’être d’un entrepreneur investisseur : le retour
bienveillant d’expérience et des recommandations adressées à
ses contacts. Pour la porteuse d’idée, l’humilité passe aussi par

8 Étude de cas : les savons d’Annabelle 139


l’acceptation de la mise en exergue, de la part de ses interlocu-
teurs, des faiblesses de son dossier.
Premier retour à digérer : chacun des intervenants – la pépinière
éole, le responsable de l’Airdie locale, Loïc Boutard de BGE –
« a ajouté sa dose de pessimisme » sur le volume des ventes en
année 1, notamment en France. Ce passage par le rouleau com-
presseur des minorations est vital pour l’avenir du projet. Même
si, comme l’exprime la consultante Pascale Brelier (chapitre 1), il
faut conserver sous la main la « vision » initiale de l’entrepreneur
qui, selon elle, « reste le vrai objectif ».
Face aux refus des banques, l’Airdie se tourne vers la Nef. À la
grande joie de la candidate au prêt qui avait toujours exprimé sa
préférence pour cette structure atypique de financement, une
société coopérative de finances solidaires, créée en 1988 (lire
l’encadré).

La Nef
C’est un « organisme alternatif » de collecte d’épargne d’un côté et
d’octroi de crédits de l’autre, agréé Banque de France. Voilà une
« banque » bien réelle qui s’abstient de créer de la monnaie pour prê-
ter. Elle ne prête que l’argent des dépôts de ses clients particuliers
ou personnes morales (200 nouveaux chaque mois). Logiquement,
ce sont des projets innovants sur les plans social et environnemen-
tal qui auront plutôt son agrément. La Nef est en train de se donner
une échelle mondiale en s’associant à des organismes similaires en
Europe soucieux de créer une « banque éthique » : www.lanef.com.

Annabelle Mathon va néanmoins devoir à nouveau passer au


laminoir de la conseillère Nef qui ne lui épargne rien. Toutes les
faiblesses de son plan sont à nouveau traquées. « C’est émo-
tionnellement éprouvant », concède-t-elle, puisque cette fois la
« prêteuse » exige un « niveau de détail considérable » : on attend

140
de la créatrice qu’elle aille jusqu’à simuler un CA mensuel, voire
hebdomadaire, justifié. « Il faut résister à l’impression de se voir
mise en défaut, conseille la solliciteuse de prêt, car la démarche
est bienveillante. C’est de la “densité” ajoutée au dossier. »
Du reste, cette remise en cause de ses chiffres lui a fait prendre
conscience de l’importance des réseaux commerciaux qu’elle
devait créer. On passe brutalement d’une évaluation (« deux
marchés par mois ») aux actes : combien de boutiques sollici-
tées, tant de volumes placés… Annabelle Mathon avoue un « coup
de pompe » qui aura duré deux jours. Le troisième, elle tape du
poing sur la table et y retourne, après un an et demi de travail et
quatre ans sans vacances.
C’est l’autre grande leçon de ce guide : si vous vous lancez vrai-
ment, le financement n’est qu’un aspect de votre engagement.
Des journées de quatorze ou quinze heures sont le prix à payer
pour tout entrepreneur. Son attitude est convaincante : la Nef
agrée le dossier pour le prêt de 38 000 2. La Savonnerie miner-
voise va exister.

3 mois avant…
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

■ ■ ■ Une pépinière d’entreprises offre un environnement pro-


fessionnel qui ne se limite pas à des conseils de gestion : c’est
avant tout un bâtiment avec des bureaux, des ateliers… et des
espaces aménageables, par exemple en laboratoire de produc-
tion. L’attribution des mètres carrés suffisants pour l’installa-
tion des cuves et du matériel inox ad hoc (forcément plus cher
car facilement démontable pour minorer l’impact du passage de
l’entreprise dans les locaux) dépend de la décision d’un comité.
Or, tout se tient : la Nef attend le feu vert de la pépinière. Deux

8 Étude de cas : les savons d’Annabelle 141


projets visent l’attribution des mètres carrés que le directeur de
la pépinière présente ensemble au comité (histoire, peut-être,
de montrer aux candidats « couvés » qu’ils ne sont pas seuls au
monde à prétendre à ce bail). Annabelle Mathon est laissée sur le
gril trois semaines avant de recevoir la promesse des clés. Nous
sommes début mai 2011. Au moment où paraît ce livre, La Savon-
nerie minervoise va produire son premier savon qui sera vendu à
l’issue de son « temps de cure », le 1er octobre 2011.

La chef d’entreprise dispose donc de trois mois à peine, au cœur


de l’été, pour :

−− finaliser la SAS, au capital de 22 500  2 (un capital de 1 2, pos-


sible selon les dernières dispositions destinées à faciliter les
créations, n’est pas crédible en l’occurrence). Le statut est
induit par la présence de l’associé business angel qui prévoit
ainsi facilement, par pacte d’associés, la sortie future du capi-
tal. Son immatriculation aura lieu 1er juillet ;
−− ouvrir un compte courant professionnel dans une banque, et
si possible y décrocher un prêt de 5 000  2 pour acquérir un
véhicule de livraison (ce sera le Crédit Agricole, la banque de
l’entreprise de son mari ;
−− acquérir, faire installer l’équipement.

La patronne-seule-ouvrière-gestionnaire-commerciale au
démarrage a déjà établi son emploi du temps hebdomadaire :
du mardi au vendredi, de 7  heures à 13  heures, production. De
14 heures à 17 heures, autres tâches (administratives, commer-
ciales, gestion). Deux jours pleins par semaine : démarchage
commercial (jusqu’à la mise en place effective des circuits de
distribution). Un ou deux week-ends par mois : foire, marché ou
salon. Les lundis matins suivant les salons, repos, sinon produc-
tion ou démarchage (les jours sont flottants pour plus de sou-
plesse).

142
Annabelle Mathon a « programmé » deux années à ce rythme
avant de recruter des assistants. Elle a pour tableau de bord un
plan d’affaires sur trois ans, avec des scénarios de glissement sur
six mois. Son CA en année 1 est d’une précision totale : 91 000 2,
en incluant sa rémunération qui sera sa variable d’ajustement.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

8 Étude de cas : les savons d’Annabelle 143


L’essentiel 
Enseignement n° 1. Une organisation, en famille, pour se donner
le temps, au prix de sacrifices, de bâtir son projet.

Enseignement n° 2. Réseautage Internet permanent pour


disposer de contacts nationaux.

Enseignement n° 3. Oser frapper à toutes les portes, y compris


celles de son entourage.

Enseignement n° 4. Affiner sans cesse ses chiffres, à la


demande des organismes d’accompagnement, est une clé de
réussite.

Vers un plan d’action


ÂÂ
Construisez votre projet de création d’entreprise en
le présentant autour de vous, à vos proches, à des
professionnels. Apportez des réponses précises aux
questions qui vous sont posées, et recueillez les conseils.

ÂÂ
Entrez rapidement dans le concret : chiffrez les besoins,
renseignez-vous sur le matériel nécessaire, vos futurs
fournisseurs, les techniques à mettre en œuvre.

ÂÂ
Mais prenez le temps de mûrir votre projet, vous serez
d’autant mieux préparé à le présenter aux financeurs.

144
Glossaire

I
l arrive souvent que l’on croie connaître certaines notions,
savoir ce que signifient certains mots, et les spécialistes
ont la fâcheuse tendance de parler jargon comme si tout le
monde partageait leur vocabulaire. Que la plupart de ces mots
un peu techniques soient déjà définis au fil de la lecture de ce
livre ou pas, leurs définitions ne sont jamais accessoires, et les
connaître fait toujours (bonne) impression face à un conseiller
bancaire ou un financeur.

Actif
Vous vous devez de l’être, mais surtout le banquier s’inté-
ressera au vôtre, d’actif : votre patrimoine (l’ensemble de
vos biens et de vos droits) ou celui de votre entreprise (per-
sonne morale). L’actif est « immobilisé » lorsqu’il s’agit des
bâtiments, des machines, du matériel qui figurent au bilan.
Il est « circulant » quand il désigne les biens et créances qui
« passent » le long d’un cycle, de type clientèle, disponibilités,
encaisse positive, stocks… (voir Bilan, Passif).
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Action
Le titre détenu par les actionnaires, c’est-à-dire les business
angels, les associés, les financeurs en contrepartie de leur
apport. Bien sûr, en théorie, qui apporte la moitié du capital
d’une entreprise aura 50 % des actions mais c’est négociable.
Le mot s’applique à une société anonyme (SA) ou de type sim-
plifié (SAS) (voir Parts sociales, Capital social).

Glossaire 145
Apport
Il en existe de trois types : en numéraires, en nature (apport
de biens), en industrie (le travail, le savoir-faire, l’idée, etc.).
Amortissements
C’est un peu le casse-tête quand on les appréhende par leurs
formules mathématiques et quand le banquier vous en parle.
Remplacez « amortissement » par « remboursement d’em-
prunt » et ça va mieux. Il est « constant » quand les rembour-
sements du capital sont constants sur chaque période. Sinon,
il sera « in fine » (remboursement du capital à l’échéance).
L’amortissement comptable d’un investissement d’entreprise
est l’étalement de son coût sur sa durée d’utilisation. Atten-
tion, votre comptabilité doit faire apparaître une dotation à
l’amortissement. Un expert-comptable vous expliquera la
chose.
Afic
Association française des investisseurs en capital. Fédération
professionnelle où se côtoient les sociétés de capital-risque
(SCR), les fonds communs de placement à risque (FCPR), les
fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI), les
fonds d’investissements de proximité (FIP), mais aussi des
sociétés de gestion, de conseil, d’investissement, des fonds
de fonds. Explorer son site est une façon de se familiariser
avec cet univers. www.afic.asso.fr.
Autofinancement
Ce que l’entreprise dégage pour se financer par son activité.
La formule : bénéfices avant impôts + dotation aux amortis-
sements (voir Amortissements) et provisions, total dont on
déduit l’impôt sur les sociétés et les éventuels dividendes.

146
Banque de France
Banque centrale française créée il y a quelque 200  ans. 
Son capital appartient à l’État. C’est elle qui « cote » les entre-
prises (chapitre 7).
Bénéfice
Résultat positif de la soustraction des recettes réelles (pro-
duits – voir Recettes – comptabilisés) et produits calculés
(factures à émettre, charges comptabilisées d’avance) des
dépenses réelles (charges comptabilisées) et des coûts cal-
culés (amortissements – voir ce mot –, provisions, factures à
recevoir, etc.).
Si le résultat est négatif, on parlera de déficit, solde négatif,
résultat négatif, perte. Voir Profit.
Besoin en fonds de roulement (BFR)
Il s’agit des disponibilités financières qui vous sont nécessai-
res pour payer au quotidien ce que « consomme » l’entreprise,
que vos clients vous paient ou pas. Les BFR sont calculés en
rapprochant le stock moyen (ou « prestations en cours » pour
les services), ce que doivent les clients, ce que l’entreprise
doit aux fournisseurs. Le calcul est complexe, mais vital. Les
banques ne prêtent pas pour les financer, mais d’autres orga-
nismes extrabancaires le font.
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Bilan
À droite, les ressources financières, à gauche à quoi on les
emploie. Les ressources seront les capitaux propres, les
emprunts, autrement dit, en comptabilité, le « passif ». Ce à
quoi on les emploie est l’« actif » (voir Actif). Le créateur devra
présenter un bilan de départ, les ressources dont il dispose,
le passif, et ce qu’il va dépenser, l’actif (voir Passif).

Glossaire 147
Bons de souscription (BSA) (warrants)
Ces outils financiers majorent les hausses ou les baisses des
actions. Un bon de souscription équivaut au droit de sous-
crire à une autre valeur mobilière à un prix et dans un délai
fixés lors de l’émission.
Capital (ou fonds) d’amorçage
Avant d’exploiter, vous allez dépenser : études de marché,
honoraires, recherche et dépôts de brevets pour les inven-
teurs, prototypes, et bien d’autres dépenses préalables. Des
business angels s’intéressent à ces premiers besoins, des
réseaux d’accompagnement également.
Capital-investissement
Entrée au capital d’une société non cotée en Bourse en quête
de capitaux propres (voir ce mot). C’est l’équivalent du private
equity. Le capital-risque est une forme seulement du capital-
investissement.
Capital social
Valeur nominale des actions (voir ce mot) ou des parts socia-
les (voir ce mot) qui sont les apports des actionnaires ou des
associés.
Capitaux (ou Fonds) propres
Les apports des actionnaires ou associés (y compris en
compte courant d’associé, voir ce mot) +  subventions d’in-
vestissement +  réserves +  provisions (réintégrées dans les
bénéfices si non utilisées). À ne pas confondre avec les capi-
taux permanents : capitaux propres + dette à moyen terme.
Chiffre d’affaires
À ne pas confondre avec leur revenu. C’est l’ensemble de la
facturation des ventes d’une période. Le compte de résultat
qui en ressort montrera un bénéfice ou une perte.

148
Compte courant d’associé
Le compte courant, on sait qu’il s’agit du compte bancaire,
avec ses entrées-sorties. Le CCA n’a rien à voir : c’est une
créance détenue par un actionnaire ou un associé sur l’entre-
prise. Une façon d’apporter des ressources à l’entreprise qui
a l’avantage de compter comme fonds propres (voir ce mot)
s’ils sont bloqués pour une durée relativement longue, avec
tout l’impact voulu sur le plan de financement ou l’emprunt.

Crédit-bail
Ils sont familiers car passés dans l’achat de voitures aux
particuliers, par exemple, style location avec option d’achat
(LOA). Pour une entreprise, c’est une façon de financer son
équipement (le crédit-bailleur achète l’équipement puis le
loue à l’entreprise qui le rachète à terme). Bien sûr, il faut
payer plus cher l’équipement, comme avec un crédit clas-
sique, mais c’est moins lourd qu’un emprunt et sans TVA à
payer. Pour autant, le crédit-bailleur vérifiera que l’entreprise
sera en mesure de payer les loyers. Une variante créative a
été imaginée par Crédit-Initiative, une société de l’expert-
comptable René Hans (lire chapitre 7).

Crédit de trésorerie
Dit « facilités de caisse » par les banquiers, ou « découvert ».
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

L’entreprise paie des agios comme pour un crédit, car c’en est
un. Le « découvert » (toléré quelques jours à quelques semai-
nes) devient « crédit de campagne » quand il sert à financer
par exemple des productions liées à une saisonnalité mar-
quée.

Crowdfunding
Littéralement, « prêt par la foule ». Transposition en ligne
d’une recherche de financement par la présentation de 
sa demande à une « foule » d’inconnus qui vont prêter des

Glossaire 149
sommes relativement petites, avec un plafond global. Les
modèles en France tâtonnent (chapitre 2).
Dates de valeur
En théorie, les banques y ont renoncé. Dans la pratique, c’est
une autre affaire. Si vous avez mis en place un prélèvement,
il vous est décompté en général la veille de la date. Si vous
déposez des espèces, la banque en inscrira la valeur le len-
demain. Un chèque le surlendemain ou dans les cinq jours
ouvrables selon la relation agence-Banque de France.
Due diligence
Cette expression anglaise citée au chapitre 2 rend compte des
vérifications menées par l’investisseur (ou son émissaire) sur
les données présentées par une entreprise en quête d’inves-
tisseurs ou de prêts. Les entités chargées de sélectionner les
dossiers se chargent de cette validation.
Entreprise solidaire
L’entreprise sera dite « solidaire » si :
— elle compte un tiers de salariés en contrat d’insertion par
l’activité économique, en contrat de travail aidé, en contrat de
professionnalisation dans le cadre de convention de groupe-
ments d’employeurs, si elle bénéficie de l’accompagnement
personnalisé pour l’accès à l’emploi ou si les salariés sont
reconnus travailleurs handicapés ;
— si elle est une association, une coopérative, une mutuelle,
une institution de prévoyance, ou s’il s’agit ou d’une société
dont les dirigeants sont élus par les salariés, les adhérents
ou les sociétaires, et dont la moyenne des rémunérations
des cinq salariés ou dirigeants les mieux payés n’excède pas
cinq fois le Smic. Il en est question notamment aux chapitres 2
et 3.

150
Fonds de garantie
Créés pour amadouer les banquiers obsédés par les garan-
ties de garanties de garanties. En se portant caution, le fonds
rassure le prêteur, mais il faut avoir démontré au fonds de
garantie, par la satisfaction d’un certain nombre de critè-
res, que l’on est fiable autrement que par son apport ou son
patrimoine. Certains fonds sont eux-mêmes émetteurs de
prêts d’honneur qui seront doublés ou davantage encore par
une banque. Le fonds de garantie par excellence est Oséo,
l’entreprise des entrepreneurs, elle-même cautionnée par
l’état. Le Fonds de garantie à l’initiative des femmes est un
autre exemple efficace.
Fonds propres
Voir Capitaux propres.
Immobilisations
Il s’agit des valeurs et des biens que l’entreprise va utiliser
sur le long terme. Le fonds de commerce en est un exemple,
un brevet est une immobilisation, une chaise aussi ! Quoique
parfaitement « mobile », elle peut entrer dans des capitaux
utilisés pour l’acquérir, donc « immobilisés ».
Love money
Littéralement, « argent obtenu par amitié ». Les quelques
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

milliers d’euros du démarrage prêtés ou donnés par les pro-


ches du créateurs, parents, amis, amis d’amis (chapitre 2).
Marge
Désigne la simple différence entre prix de vente et prix
d’achat (PV – PA), dite alors marge sur coût d’achat, alors que
la marge sur coût de production est bien sûr PV – CP, et sur
coût variable, PV – CP – CC (coût de commercialisation).

Glossaire 151
Microcrédit professionnel
Prêt de quelques milliers d’euros à 30 000, 40 000  euros au
maximum réservé à des chômeurs ou des exclus bancaires
en mesure de créer une TPE, autrement dit se donner les
moyens de créer leur propre emploi. Il faut, pour y prétendre,
obtenir l’aval d’un réseau d’accompagnement de type Adie,
France Initiative, France Active, le réseau BGE, la Fondation
de la 2e chance, etc. Comme tout prêt ainsi garanti, au même
titre que les prêts d’honneur, il offre un effet de levier pour
décrocher des prêts bancaires plus importants.

Nantissement
Le « nanti » reçoit par contrat, virtuellement ou effective-
ment, un bien gage de son prêt.

Pacte d’actionnaires
Il se signe, sous seing privé, en dehors des statuts consti-
tutifs classiques d’une société. C’est souvent le cas avec un
capital-risqueur (comme un business angel) pour régler les
questions de droits de préemption en cas de ventes d’actions,
droit de sortie, droit à l’information ou tout autre disposition
particulière.

Parts sociales
L’équivalent des « actions » d’une SA dans une SARL ou SNC
(Société en nom collectif) à la hauteur des apports de chaque
associé ou investisseur (voir Actions, Capital social).

Passif
Voir Actif. Le « passif exigible » sont les dettes dont les déten-
teurs sont en mesure de demander le remboursement.

Plan de trésorerie
Le baromètre mensuel des entrées-sorties prévisibles. On
aboutit aux soldes mensuels et cumulés. Comme ce plan

152
de trésorerie fait partie de tout bon plan d’affaires (business
plan), sa mise au point réaliste n’est pas une mince affaire. Il
se doit de se rapprocher au mieux du réel, et le chef d’entre-
prise, avec l’aide d’un spécialiste le cas échéant, doit l’ériger
en plan de marche. Attention, ce n’est pas le « job » de l’ex-
pert-comptable.
Point mort (break even, seuil de rentabilité)
Le chiffre d’affaires (voir ce mot) au-delà duquel l’entreprise
réalise un bénéfice.
Prêt d’honneur
Il s’agit de crédit à moyen terme (c’est-à-dire entre 2  et
7  ans) attribués par des financeurs extraban­caires (chapi-
tre 2) qui ne demandent pas de garantie au créateur (lequel
montrera patte blanche néanmoins, selon des critères 
à remplir). Débloqués parfois sans intérêts, ils sont réputés
entrer dans les fonds propres et favorisent donc un effet de
levier du côté des prêts bancaires.
Prêt participatif
Lui non plus sans garantie, il est rémunéré à terme par les
résultats de l’entreprise. Techniquement, il entre dans les
quasi fonds propres (voir ce mot).
Private equity
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

Voir Capital-investissement.
Produits
Voir Recettes.
Profit
Voir Bénéfice.
Quasi fonds propres
Ils entrent techniquement dans les fonds propres (sur les-
quels vont s’établir les emprunts bancaires), même si ce sont

Glossaire 153
des dettes. Par exemple, sont des quasi fonds propres les
obligations convertibles (souvent déterminées dans un pacte
d’actionnaires – voir ce mot –, elles sont échangeables par le
propriétaire contre des actions, un moyen d’éviter, pour un
capital-risqueur, de se faire « diluer », ce qu’il redoute par
desssus tout), les obligations remboursées en actions, obli-
gations à bons de souscription.

Recettes
Ce que gagne l’entreprise. Dans le milieu financier, on par-
lera de « produits ». On fera la nuance entre les produits d’ex-
ploitation (ce que vend l’entreprise), les produits financiers
(les placements) et les produits exceptionnels (revente d’une
« immobilisation », par exemple, voir ce mot).

Scop
Société coopérative et participative (ex-société coopérative
ouvrière de production), société commerciale, SA ou SARL.
Elle se distingue d’une entreprise classique par sa gouver-
nance démocratique (répartition des résultats tournée vers
la pérennité des emplois et du projet d’entreprise). Les sala-
riés sont des associés, « co-entrepreneurs » qui détiennent
au moins 51 % du capital et 65 % des droits de vote.

Start-up
Littéralement, l’« entame », le « commencement », donc
une entreprise toute neuve. Mais pas n’importe laquelle. La
start-up sous-entend entreprise innovante par son objet (sou-
vent activité en ligne), par son mode de commercialisation,
par son modèle économique. Enfants chéries des capitaux-
risqueurs, elles sont censées grossir vite et si possible bien.

TPE/PME/ETI/Grande entreprise
Pour les deux premières, les sigles sont bien connus : Très
petite entreprise et Petite et moyenne entreprise (et PMI,

154
petite et moyenne industrie). La micro-entreprise réa-
lise moins de 2  millions d’euros de CA et compte moins de
10 salariés (les auto-entrepreneurs en font partie). Une PME
grimpe jusqu’à 250 salariés et réalise moins de 50 millions de
CA. Une ETI est une Entreprise de taille intermédiaire (moins
d’1,5 milliard de CA et moins de 5 000 salariés). Au-delà, on
parle de grande entreprise, de transnationale…
L’équivalent en anglais, Small business, est trompeur. Il ne
dépasse pas 15 salariés en Australie, 50 en Europe, mais le
Small Business Program américain englobe une partie de
nos ETI ! Small est relatif…

Les créations mensuelles d’entreprises jusqu’à avril 2011 :


le phénomène de l’auto-entrepreneuriat
y révèle tout son impact.

70 000
65 000 Hors auto-entrepreneurs (CVS-CJO*)

60 000
Y compris auto-entrepreneurs
55 000 (en données brutes) depuis 2009
50 000
45 000
40 000
35 000
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

30 000
25 000
20 000
15 000
janv. 04 janv. 05 janv. 06 janv. 07 janv. 08 janv. 09 janv. 10 janv. 11

Source : Insee.

Glossaire 155
Bibliographie
Ouvrages généraux
DD Créer une entreprise, Guides Le Particulier, 2009
DD APCE, Financer votre création d’entreprise, Eyrolles, 2010
DD Robert Papin, La création d’entreprise, 14e édition, Dunod, 2011
DD Jean-François Prat, Création d’entreprise, les clés de la réussite,
Alban éditions, 2008

DD Valérie Froger, La création d’entreprise de A à Z, 100 mots et sigles


indispensables, 2e édition, Dunod, 2011

DD Xavier Greffe, Se mettre à son compte, 7e édition, Dunod, 2009

Ouvrages techniques
DD Amélie Charles, Le financement des entreprises, économica, 2009
© Dunod. La photocopie non autorisée est un délit

DD Georges Legros, Mini manuel de finance d’entreprise, exercices


et corrigés, Dunod, 2010

DD Catherine Léger-Jarniou, Georges K alousis, Construire son business


plan, Dunod, 2010

DD Michel Sion, Réussir son business plan, Dunod, 2e édition, 2010

Bibliographie 157
Sur les auto-entrepreneurs
DD Gilles Daïd et Pascal N’guyen, Le guide pratique de l’auto-entrepreneur,
2e édition, éditions d’organisation, 2010

DD Valérie Froger, Auto-entrepreneurs, toutes les réponses à vos


questions, 2e édition, Dunod, 2011

Sur le capital-investissement
DD Pierre Battini, Financer son entreprise de la création à la transmission
par le capital-investissement, Maxima, 2005

DD Raphaël Boukris, Nicolas Fritz, Les Business Angels, guide des bonnes
pratiques à l’usage des investisseurs et des entrepreneurs, Pearson, 2011

Sur les relations avec le banquier


DD Olivier Magnan, Mon banquier, la crise et moi, Éditions du Moment,
2009

DD Jean-Marc Tariant, Emmanuel Thaunier, Guide pratique des relations


banques-entreprises, Eyrolles, 2011

158
Dans la même collection

Valérie MARCH LLE


J’OUVRE J’OUVRE Arnaud CIE
MA BOÎTE MA BOÎTE

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VELO ÂCE AUX
T DÉ ER

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