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LE PERE GUILLAUME-JOSEPH CHAMINADE

ET LE DIOCESE DE BAZAS

PREMIERES ANNEES PERIGOURDINES


Guillaume-Joseph Chaminade naît en 1761, le 8 avril, à Périgueux d'une famille nombreuse et très
chrétienne. Son père est drapier et vitrier. Trois de ses frères seront prêtres.
De 1771 à 1791, il est à Mussidan, élève puis économe et professeur au Collège-séminaire Saint
Charles. Il entre dans la communauté qui l'anime, les prêtres de Saint-Charles, en prononçant des
vœux privés. En 1785, il est ordonné prêtre et devient alors aumônier. En 1791, prêter serment à la
Constitution est rendu obligatoire pour les prêtres en charge de paroisse puis pour les enseignants.
Guillaume-Joseph et les autres membres de la communauté ayant refusé ce serment, le collège
ferme et la communauté se disperse. Il part alors s'installer à Bordeaux où son ministère devient
progressivement de plus en plus périlleux.

Réconciliateur des prêtres jureurs de Bordeaux et Bazas


Le 15 janvier 17921 meurt Mgr Jean Baptiste Amédée de Grégoire de Saint-Sauveur, 67° et
dernier évêque de Bazas. Le vicaire général, Joseph de Culture se charge de l'administration
du diocèse, mais est presque aussitôt arrêté2.
En 1793, les archives du diocèse sont brûlées en totalité par le Conseil de la commune de
Bazas.
En 1795, durant quelques mois d'accalmie, G.-J. Chaminade a été chargé par le vicaire général de
Bordeaux, le P. Boyer, de travailler à la réconciliation des prêtres assermentés en recevant leur
rétractation. C'est un fait remarquable puisqu'il n'a alors que 34 ans et dix ans d'ordination. Plusieurs
prêtres de Bazas ont aussi recours à lui. Le Vicaire général de Bazas, Joseph de Culture lui exprime
toute son estime :
"J'ai la confiance la plus grande dans la conduite que vous tenez à l'égard des prêtres de ce
diocèse qui ont eu le malheur de sortir du sein de l'Église et qui veulent y rentrer ; et s'ils
étaient tous en état d'aller dans votre ville et d'y faire le séjour nécessaire pour pouvoir
profiter des lumières et des avis salutaires qu'ils trouveraient auprès de vous, je ne
manquerais pas de vous les envoyer…"3

Nouveaux troubles et exil


En 1797, le P. Joseph de Culture meurt, et il ne semble pas que quelqu'un l'ait substitué au service du
diocèse de Bazas. La même année, à la suite d'une erreur administrative, le P. Chaminade est
considéré comme un ancien exilé rentré illégalement en France ; il doit quitter le pays et partir à
Saragosse où il restera trois ans auprès du grand pèlerinage marial de Notre-Dame du Pilier.
L'inspiration des fondations y parvient sans doute à son achèvement.
Rentré en France en novembre 1800, il fonde le 8 décembre la Congrégation de l'Immaculée, groupe
de laïcs (jeunes puis adultes) se consacrant à Marie et se mettant à son service pour la
rechristianisation de la société.

1
Cf. BERTRAND L., pss, Histoire des séminaires de Bordeaux et Bazas, 1894, T. III, p. 60 ; il mentionne aussi
l'acte de sépulture. D'autres sources indiquent son décès le 16 juin 1792 ; voir, par exemple :
http://www.assemblee-nationale.fr/histoire/doyens.pdf.
2
LEBON Henri, "Sur les traces du B. P. Chaminade (16). L'Administration du diocèse de Bazas (1800-1802)", in :
Apôtre de Marie, Nivelles, Havaux-Houdart, 1927, XVIII° année, n° 192.
3
LEBON H. "Sur les traces …, op.cit., p. 412. La lettre continue en demandant des conseils sur la conduite à tenir
vis-à-vis des prêtres ordonnés par Mgr Pacareau durant son ministère comme évêque constitutionnel de
Bordeaux.
Administrateur du diocèse de Bazas
C'est dans la même période qu'il accepte la charge d'administrateur du diocèse de Bazas, à la
demande de Mgr de la Tour du Pin, archevêque d'Auch dont dépend alors ce territoire4. Mgr de la
Tour du Pin connaît de longue date le P. Chaminade ; il l'a orienté vers Saragosse alors qu'il était lui-
même en exil.
Il n’y a que dix-huit mois environ que le saint Archevêque d’Auch me força en quelque
manière d’accepter l’administration de ce diocèse. Par le tendre et respectueux dévouement
que j’ai pour lui, et plus encore, par l’amour que Dieu m’a inspiré pour son Eglise, je cédai à
ses pressantes invitations, et je réunis cette pénible charge aux nombreuses occupations que
m’offrait l’état de la ville de Bordeaux et le délaissement surtout de la jeunesse.5

Dans un diocèse, un administrateur est nommé par le Saint-Siège, en l'absence d'un évêque, pour
assurer la juridiction ordinaire du diocèse ; l'étendue de son autorité et ses limites sont fixées par le
droit de l'Église. Sous l'ancien droit, l'Administrateur était parfois nommé par le Métropolitain, ce qui
fut le cas du P. Chaminade, sans doute en raison des circonstances particulièrement difficiles de
l'époque.

La tâche à mener
Elle consiste essentiellement à
 faciliter la remise en route du diocèse, resté huit ans sans évêque
 remettre en place l'administration, tout document écrit de l'évêché antérieur à 1793 ayant
disparu. Dans l'attente de la nomination d'un évêque, ce travail permettait de déjà préparer
une base et de lui faciliter la pleine prise de possession du diocèse.
Je n’entrerai dans ce moment dans aucun détail sur l’état où se trouve ce diocèse.
J’aurai l’honneur de vous présenter, à votre arrivée, les tableaux des divers
arrondissements, avec tous les renseignements que j’ai pu, jusqu’à ce moment, me
procurer, tant sur les qualités des prêtres que sur les localités des paroisses et l’état
des églises. Quoique j’y travaille, Monseigneur, avec assez d’intérêt, il y aura
beaucoup d’imperfections. Toutes espèces de papiers, jusqu’au pouillé du diocèse,
tout avait été brûlé.6
Le P. Chaminade se rendit certainement souvent sur place, mais l'animation de la Congrégation de
l'Immaculée le retenant à Bordeaux, il nomma trois sous-administrateurs pour assurer le travail
habituel et pour le représenter dans le diocèse durant ses absences. Il s'agissait de M. Fabas,
archiprêtre de Bazas, de M. Pouget, archiprêtre de Saint-Raphaël et de M. Lugat, archiprêtre de
Bazeille.7
Le diocèse de Bazas comptait alors environ 100.000 habitants et 200 communes8. On peut imaginer
l'importance du travail à réaliser et combien grandes ont pu être les difficultés.

Un des aspects de cette tâche consiste à rendre de nouveau utilisables les édifices du culte
malmenés par les troubles du temps de la Terreur et leur désaffection ou la réaffectation à d'autres
fins que la liturgie qui en ont suivi. Un bref courrier du P. Chaminade du 3 février 18029 nous apprend
que la cathédrale saint Jean-Baptiste a pu être remise en état sous la direction des archiprêtres et
sous-administrateurs du diocèse, Fabas et Pouget, qu'il avait chargé de suivre cette question. Il est à

4
La date exacte ne nous est pas connue. Le P. Simler pense que cette nomination s'est faite avant son retour
en France, il ne semble pas que ce soit le cas. Cf. SIMLER Joseph, Guillaume-Joseph Chaminade, fondateur de la
Société de Marie et de l'Institut des Filles de Marie, Paris, Librairie Victor Lecoffre, 1901, p. 126.
5
CHAMINADE G.-J., Lettres, Lettre n. 25 du 19 juin 1802, à Mgr d'Aviau, T. I, p. 35.
6
Idem, p. 35.
7
LEBON H., op. cit., p. 414.
8
LEBON H., op. cit., p. 415.
9
Lettres, T. VIII, n. 24bis.
cette occasion chargé par eux de régler un litige concernant l'indemnité à verser aux prêtres ayant
servi à la cathédrale.

Un rapport sur le diocèse


Lors de sa résignation de sa charge, le 19 juin 180210, le P. Chaminade remet à l'archevêque de
Bordeaux un rapport sur l'état du diocèse. Il s'agit d'un "cahier in-folio de 45 pages, partagées en
colonnes sous les titres suivants : Nom des communes, Population, Etat des églises, Leur contenance,
Nom des communes réunies ou à réunir (pour le ministère paroissial), Etendue et (facilité ou difficulté
du) service, Nom, âge et qualités des prêtres.
Le tableau en question a été établi d'après les données fournies par les Sous-administrateurs, et revu
et annoté par l'Administrateur lui-même"11.
Reprenons les termes dans lesquels le P. Lebon décrit ce qu'il tire de ce rapport.
L'impression qui nous en est restée est double : sentiment d'effroi, à la vue des ruines
matérielles et morales accumulées en dix ans par la Révolution, sentiment d'admiration, à la
vue du courage avec lequel les apôtres de cette époque entreprirent et poursuivirent l'œuvre
de la restauration chrétienne. (…)
Voici donc ce que constatait M. Chaminade.
Le diocèse de Bazas comprenait environ 200 communes, avec une population de plus de
100.000 habitants.
Les églises ont été désaffectées ; 5 ont été détruites, 15 vendues ; un grand nombre de celles
qui restent sont en mauvais état ; 3 seulement sont signalées comme ayant conservé leurs
vases sacrés et leurs ornements. …
Pour desservir 200 communes, il reste une bonne centaine de prêtres seulement, parmi
lesquels à peine quelques prêtres jeunes, et un très grand nombre de prêtres vieux, infirmes,
impotents. Et à chaque page, revient la triste mention : Titulaire mort.12
Pourtant on constate le dévouement admirable de prêtres âgés ou malades. Puis la description
continue :
Dans cette bonne centaine d'ouvriers apostoliques … on compte une vingtaine de religieux. …
Parmi ces prêtres, … un bon nombre … ont prêté serment à la Constitution civile du clergé …
et se sont ensuite rétractés : plus de 40. D'autres sont signalés comme revenant d'exil, surtout
d'Espagne : près de 30. Peu nombreux sont ceux qui, au péril de leur vie, ont pu rester sur
place et exercer leur ministère aux mauvais jours de la Terreur.
Enfin, … il y a, hélas ! les infidèles : assermentés, intrus, apostats, mariés : on en signale plus
de 60. Les uns ont jeté la soutane … d'autres continuent à exercer le ministère… Beaucoup
donnent le scandale par leur conduite immorale.
Les religieuses ont disparu également [à quelques exceptions près]
Pour faire face, le P. Chaminade va regrouper les paroisses sur deux, trois, jusqu'à 16 communes. Il
s'informe de la situation dans le détail et ses collaborateurs le consultent souvent. C'est ce travail
d'équipe qui lui permet de s'acquitter de cette tâche au moment même où la fondation des
congrégations de jeunes requiert une grande présence et beaucoup d'énergie.

Disparition du diocèse de Bazas


En 1801, à l'occasion du Concordat, les diocèses de France sont réorganisés13. Celui de Bazas (286
paroisses) est réparti entre ceux de Bordeaux (223 paroisses), Agen (54 paroisses) et Aire (9

10
Cf. LEBON H.
11
LEBON H., op. cit., p. 415.
12
LEBON H., op. cit., p. 415.
13
Bulle du Pape Pie VII du 3 décembre 1801. Le diocèse s'identifie maintenant avec le département de la
Gironde. Cf. LOIRETTE G., "Bordeaux (Diocèse)", in : BAUDRILLART, Alfred (card.) MEYER A. de, CAUWENBERGH
Et. van, Dictionnaire d'histoire et de géographie ecclésiastiques, Paris, Letouzey & Ané, 1937, T. IX, col. 1189.
(ou bulle du 21 octobre 1801, Ibid., col. 1186).
paroisses)14. Néanmoins, le nouvel archevêque de Bordeaux n'étant pas nommé, le P. Chaminade
continue sa tâche.
Lorsque Mgr d'Aviau prend possession du diocèse, le 25 juillet 180215, le P. Chaminade résigne ses
fonctions qui cessent dès lors, le nouvel archevêque prenant soin désormais de tout le territoire
récupéré sur l'ancien évêché de Bazas.

A. Fétis

14
Cf. BIRON J.-R., "Bazas (Diocèse)", in : BAUDRILLART, Alfred (card.), op. cit., T. VII, col. 65-66.
15
LEBON H., Id., p. 417 ; en contradiction avec la date indiquée par LOIRETTE G., "Bordeaux (Diocèse)", op. cit.,
col. 1186, qui mentionne lui, la date du 9 août.

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