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org/socio-logos/2278
Socio-logos
Revue de l'association française de sociologie
4 | 2009 :
Varia
Articles
La sociologie fiscale.
Enjeux sociopolitiques pour un dialogue avec les
économistes
MARC LEROY
Cet article est une traduction de :
Tax Sociology
Résumé
La sociologie fiscale questionne les relations fondamentales entre l’impôt, l’Etat et la
société. Cet article présente une revue de la littérature et des problématiques envisagées
dans leur aspect sociopolitique. Plusieurs représentations sociales sont considérées :
l’impôt-contribution, l’impôt-échange, et l’impôt-obligation/contrainte/tribut, mais
l’élaboration d’une typologie de l’Etat fiscal met l’accent sur l’impôt-contribution payé par
le citoyen qui est capable d’altruisme pour financer les politiques publiques. Dans le cadre
de la démocratie fiscale, l’enjeu est d’établir un contrat social fiscal relatif aux fonctions
sociale, politique et territoriale/environnementale de l’Etat interventionniste à partir d’un
dialogue critique avec l’analyse économique. La typologie de la déviance fiscale, inspirée
librement de la théorie sociologique de l’étiquetage (la labellisation de Becker), montre
que la légitimité politique est essentielle et que l’approche par la rationalité cognitive rend
compte de la décision du contribuable : en effet, le contribuable ne réagit pas (seulement)
en vertu de l’approche par l’intérêt utilitariste. La conclusion suggère un bref débat sur les
effets de la globalisation économique pour l’autonomie sociopolitique de l’Etat.
Notes de la rédaction
Cet article est la version française de l'article paru en version anglaise dans le numéro
précédent de Socio-logos sous le titre Tax Sociology. Sociopolitical Issues for a Dialogue
with Economists, article augmenté d'un avant-propos de l'auteur.
Le comité de rédaction de la revue Socio-Logos informe les lecteurs et lectrices que le
présent article a fait l'objet d'un plagiat. Abdelatif FEKKAK a en effet publié un article
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La sociologie fiscale. https://journals.openedition.org/socio-logos/2278
Texte intégral
Avant-propos de l’auteur
1 La sociologie fiscale étudie les relations entre l’impôt, l’Etat (et les autres
collectivités publiques) et la société. Alors que la sociologie financière étudie les
budgets publics dans tous leurs aspects, la sociologie fiscale se focalise sur
l’impôt (les deux matières s’intéressant toutefois au lien entre les recettes et les
dépenses). La sociologie de l’impôt est issue de la sociologie financière apparue
avec la première guerre mondiale comprenant une école autrichienne
(Goldscheid, Schumpeter, Mann) et une école italienne (liée à la science
financière de tradition machiavélienne). Elle tend à se diviser aujourd’hui en une
approche économique et une approche sociopolitique et mobilise surtout des
travaux anglo-saxons. L’approche longitudinale suggère une relation, parfois
décalée dans le temps, avec l’évolution de l’Etat interventionniste. A partir des
années 1990, la sociologie fiscale se renouvelle. Le contexte de la globalisation
économique alimente le débat sur le retrait de l’Etat. La domination de
l’utilitarisme (self-interest) est discutée (à nouveau), notamment sur la base de la
psychologie économique. Il apparaît que le contribuable est (aussi) altruiste
quand l’Etat fiscal est légitime.
2 En s’appuyant sur une approche pluridisciplinaire, la sociologie fiscale a
vocation à traiter les phénomènes fiscaux selon un questionnement sociétal et
politique général. Elle se centre sur le processus d’intervention des institutions
publiques autour de l’impôt. Elle questionne la légitimité de l’Etat fiscal pour le
citoyen et propose une réflexion sur la justice sociale. Elle théorise les données
empiriques dans des modèles de large portée. Par exemple, la réforme fiscale se
rattache au changement social, la mise en œuvre administrative de l’impôt aux
théories de la bureaucratie et de la régulation, l’acceptation sociale de l’impôt à la
légitimité de l’action publique (interventionnisme et Welfare State), le
prélèvement fiscal au contexte vécu de la justice sociale, la fraude à la sociologie
de la déviance, la révolte fiscale à l’action collective, la décision du contribuable à
un modèle large de la rationalité, … L’étude de la fiscalité, qui constitue un fait
social total au sens de Mauss, relève de plusieurs types de sociologie.
3 La science sociale de l’impôt est sociologique au sens étroit lorsque la
perspective sociétale conduit à une théorisation des faits fiscaux comme des
processus de société. Mais dans ses modèles théoriques, elle utilise les données
officielles, ses propres matériaux, et les résultats de la psychologie fiscale, de
l’histoire financière, etc. De conception large en raison des disciplines se
rapportant à son objet, cette science sociale générale et hybride a un rapport
varié à ces disciplines et reste ouverte à d’autres approches. La sociologie fiscale
est une sociologie politique par son attention à l’Etat, au pouvoir, à l’action
publique. Proche de la science politique, elle s’en distingue par sa sensibilité à la
dimension sociétale. La sociologie fiscale est une sociologie juridique quand elle
étudie les rapports entre le droit fiscal et la société. Sa relation au droit fiscal
techniciste est critique. La sociologie fiscale est une sociologie économique qui
dépasse les limites du modèle normatif du choix rationnel étroit (utilitarisme).
Elle s’intéresse notamment à la globalisation économique, au « contrat social »
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Bibliographie restreinte
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16 - O’Connor J., The Fiscal Crisis of the State, New York, St Martin’s Press, 1973.
17 - Schmölders G., Psychologie des finances et de l’impôt, PUF, 1973.
18 - Schumpeter J., « La crise de l’Etat fiscal », in Impérialisme et classes
sociales, Flammarion, 1984, p. 229-282.
19 - Webley P. et al., Tax Evasion, An Experimental Approach, Cambridge
University Press, 1991.
1 Introduction
20 La sociologie de l’impôt propose un questionnement fondamental de la
relation entre la fiscalité, l’Etat (et les autres institutions) et la société.
Historiquement liée à la construction de l’Etat moderne européen, la dimension
politique de la fiscalité reste essentielle depuis la « crise » de l’Etat
interventionniste. Phénomène politique l’impôt est aussi un domaine d’étude
ancien de l’économie, au moins depuis par exemple La dîme royale de Vauban
(1707) ou les célèbres maximes d’Adam Smith. C’est aussi un processus social
comme le sociologue Tocqueville l’avait pressenti. Dans l’Ancien Régime et la
Révolution, il écrit à propos du sentiment de justice fiscale : « au XVIII siècle,
c’est le pauvre qui jouit, en Angleterre, du privilège d’impôt ; en France, c’est le
riche ». Il suggère que la crise de l’Etat fiscal (une des causes de la Révolution
française) est surtout une crise de légitimation. Utilisant la théorie dite de « la
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3 L’impôt-contribution et l’Etat
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interventionniste
29 A l’exception des cas où l’impôt est indolore (invisible), par exemple avec
certains impôts indirects sur la consommation où le contribuable ne se
représente pas la taxation incluse dans les prix, cinq représentations sociales de
l’impôt existent dans nos sociétés modernes : dans le cadre de l’Etat
interventionniste, l’enjeu est d’instituer un contrat social fiscal.
IMPÔT-
Charge fiscale ressentie comme trop lourde
CONTRAINTE
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CRISE DE
Faible ETAT LIBERAL
L'ETAT FISCAL ,
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référence à l’idée néolibérale du retrait de l’Etat (cf. section 6), la baisse des
dépenses publiques dans certains pays contredit la théorie de l’Irréversibilité.
Campbell (1993), dans un article important sur la sociologie financière, considère
la réforme fiscale comme une réponse à une crise économique, géopolitique ou
fiscale. Ces théories sont éclairantes, mais sont trop déterministes et postulent à
tort une aversion générale des citoyens à l’impôt (cf. après). De plus, la relation
positive entre la guerre et la hausse des impôts (développement de l’Etat fiscal
pour financer la guerre) n’est pas universelle : « les guerres n’ont pas fait les
Etats en Amérique latine » du XIX siècle (Centeno, 1997, p.1598).
39 La crise est plus un processus qu’une donnée causale. Dans la logique de la
rationalité cognitive, la crise sert d’argument cognitif pour justifier une hausse
des impôts. En s’appuyant sur un ensemble d’enquêtes et d’analyses de contenu
relatives à la qualité de l’information sur la sécurité sociale aux Etats-Unis au
cours du débat de 1988-1999 (Jerit, Barabas, 2006), un étude empirique indique,
après contrôle par une série de variables, qu’une information incorrecte (de la
part des médias) est associée à des perceptions inexactes : les personnes
exposées à une information entièrement composée d’un argumentaire incorrect,
avec des mots comme « banqueroute », « bientôt à court d’argent »…, ont 47 %
de chances d’indiquer incorrectement que la sécurité sociale sera en déficit
complet (banqueroute). La probabilité de fournir la réponse correcte est
seulement de 10 %. Cet effet est renforcé si les personnes suivent le débat. Quand
l’environnement (l’information) est composé d’une rhétorique « bénigne » avec
des mots comme « réforme », « préserver », « protéger », la probabilité de
donner une réponse en termes de banqueroute tombe à 32 %. Ces résultats
montrent l’importance du débat sur la crise référé à un cadre de choix politiques
et non au cadre des contraintes comme (le mythe de) la banqueroute. En effet
l’individu est rationnel (rationalité cognitive) de se fier à la manière dont les
médias rendent compte des débats sur la politique publique et le citoyen est
rationnel de se prononcer de ce point de vue13.
40 Les deux figures de l’Etat libéral et de l’Etat gaspilleur ne correspondent pas à
la situation actuelle des pays développés démocratiques qui affichent pour la
plupart des niveaux élevés de taxation (prélèvements obligatoires) et
d’interventions publiques, ce qui définit l’Etat interventionniste qui typiquement
échappe à la crise fiscale. L’analyse typologique conduit aussi à mettre en valeur
les caractéristiques des pays en développement, qui souvent utilisent peu l’impôt
pour alimenter leur budget14. Au contraire, les pays développés de l’OCDE
peuvent maintenir un Etat fiscal important, mais à une condition : celle de
légitimer politiquement les interventions financées par l’impôt.
41 L’Etat interventionniste reste présent malgré les politiques de baisse des
impôts dans les pays développés : les revenus fiscaux sont encore élevés,
spécialement en Europe avec 38,3 % du PIB (OCDE, 2006). A l’origine, l’Etat
providence représente une forme d’interventionnisme public comme une
conception de la justice sociale née au XIX siècle pour corriger les effets de la
société industrielle. L’âge d’or du Welfare State est corrélé à la période de
croissance d’après-guerre caractérisée par la généralisation des politiques
keynésiennes. Certes, comme on l’a vu avec la crise fiscale, plusieurs solutions
existent pour financer l’Etat providence politiquement souhaité. La question est
ainsi d’instituer un contrat social fiscal relatif à l’Etat interventionniste accepté
par les citoyens dans une logique de démocratie fiscale.
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financière de
l’impôt
Fonction de
régulation - Action économique par l’impôt : secteurs prioritaires, exportations,
économique de recherche…
l’impôt
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économiques), mais l’impôt sur le revenu est utilisé de manière variée comme
une fonction sociale (Canada : 34,6 %, Etats-Unis : 38,5 %, France : 44,3 %).
Selon l’Office américain de la gestion et du budget, les dépenses fiscales visent
une trentaine des cas. Une taxe incitative pour la création d’emplois est aussi un
outil social répandu de la lutte contre le chômage (Faulk, 2002).
51 Ainsi, l’impôt sur le revenu n’a plus seulement un objectif de redistribution et
évolue vers des particularismes sociaux pour traiter des enjeux spécifiques de
société. Traditionnellement la famille est encouragée par l’impôt sous la forme de
réduction d’impôt ou l’application de taux moins élevés, ou encore d’un avantage
général pour les couples mariés comme en France. Mann (1943, p. 226) notait
que l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste surtaxaient les célibataires. Récemment,
la discrimination fiscale au mariage aux Etats-Unis est vue comme un problème
si le dispositif fiscal n’atteint pas l’objectif de neutralité du mariage, à savoir les
principes du traitement égal des couples mariés dans chaque Etat et l’égalité des
couples mariés et des couples non mariés (Berliant, Rothstein, 2003).
52 Une politique d’impôt sur le revenu négatif (garantie de revenu), basée sur un
crédit fiscal en faveur des personnes au chômage qui trouvent un emploi mais
perdent le bénéfice des indemnités sociales, est socialement intéressante car elle
concrétise un compromis entre l’idée néo-libérale de la lutte contre la trappe à
l’emploi, pour remédier à la désincitation économique à travailler pour les
bénéficiaires de transferts sociaux, et l’idée social-démocrate de la redistribution
vers les plus pauvres. Dans ce cas, l’évolution de la rationalité cognitive des
dirigeants politiques et des citoyens change, à l’instar de la tentative américaine
de créer un impôt négatif dans les années 1960-70 (Steensland, 2006). Ici la
fonction sociale distingue les « bons pauvres » méritant l’aide publique et les
autres qu’il faut inciter à travailler.
53 Beaucoup de pays encouragent fiscalement la philanthropie, même si certains
ne disposent pas de réductions d’impôts ou bien limitent la déduction. La
fonction sociale a aussi parfois un but de dissuasion morale comme avec la
taxation du tabac, de l’alcool qui remplit aussi une fonction financière en
générant des recettes complémentaires (Johnson, Meier, 1990 ; Paton et al.,
2004). Aux Etats-Unis, la taxation des jeux a un but moral, alors que les jeux
d’argent sont socialement acceptés au Royaume-Uni. Un autre exemple est
donné avec les avantages fiscaux accordés aux associations pour soutenir la
société civile. Citons aussi la politique fiscale culturelle en France : des
incitations fiscales visent à protéger le patrimoine culturel, en particulier par
l’exonération des œuvres d’art de l’impôt sur la fortune, mais la culture est taxée
quand elle devient une activité lucrative (Leroy, 1997). La fonction sociale
comprend donc une partie redistributive générale qui est un enjeu de débat
politique, et des mesures particulières de corporatisme fiscal qui nuisent à la
transparence du système fiscal.
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5 La déviance fiscale
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fiscal des plus riches est plus faible. Certains trouvent une corrélation entre le
revenu et la fraude, d’autres contestent ce résultat22. Sur le plan sociopolitique, il
convient donc de prendre en compte le taux de prélèvements socialement
supportables. Dans son étude de la social-démocratie suédoise des années 1970,
Vogel (1974, p. 501) montre que 53,5 % des personnes jugent raisonnable le
montant des impôts qu’elles paient, malgré un taux d’imposition
particulièrement élevé. En l’Allemagne, Schmölders (1970) conclut que
l’opposition à l’impôt n’est pas une fonction directe de l’importance des charges
objectives. En Angleterre, Lewis (1979, p. 255) confirme cette thèse. Pour les
Etats-Unis, Etzioni (1986, p. 183) conclut que la fraude fiscale est reliée au
sentiment d’injustice du système fiscal dans l’opinion publique (pour les années
1960-1980) alors que le taux de taxation est resté stable. Une enquête en France
(Dubergé, 1990) souligne que 60 % des personnes considèrent les « coûts
psychologiques » (par exemple, la complexité de la fiscalité) de la déclaration
fiscale, et non pas le montant qu’elles doivent payer.
70 Concernant le risque de contrôle fiscal, un fait important est que la fréquence
moyenne de contrôles fiscaux est en général faible, et donc que le respect des
obligations fiscales devrait être plus faible qu’il n’est : cette observation contredit
l’approche par la maximisation de l’utilité. Des expériences et des enquêtes23
montrent que le pourcentage de fraude n’est pas lié à la probabilité objective de
contrôle fiscal, sauf lorsque l’information donnée à la personne sur le contrôle
fiscal est précise. La logique heuristique du devoir fiscal fausse la représentation
de son intérêt personnel par le contribuable, y compris pour celui qui est bien
informé. Mais la probabilité d’un contrôle fiscal est surestimée par les
contribuables ayant déjà subi une vérification de leurs déclarations (Spicer,
Hero, 1985 ; Maciejvosky et al., 2006 ; Mittone, 2006, p. 823). La tendance à
frauder dépend du nombre de fraudeurs connus personnellement (Vogel, 1974,
p.505 ; Spicer et Lundstedt, 1976, p.300 ; Dubergé, 1990, p.230). Dans le cadre
de son groupe de référence, l’estimation du nombre de personnes engagées dans
un processus de fraude est liée à l’évaluation du risque de sanction (Welch et al.,
2005, p. 24). Selon la théorie de la perspective Prospect Theory (Kahneman,
Tversky, 1979), les facteurs objectifs d’être pris en cas de fraude ont une faible
influence sur “ la probabilité subjective ” calculée par le contribuable pour
décider de frauder : la supériorité de la théorie de la perspective sur la théorie de
l’utilité attendue est démontrée notamment par Dhalmi et Al-Nowaihi (2007).
Par exemple, de nombreuses personnes estiment que la probabilité d’être pris
par les services fiscaux est plus forte quand le coût de la fraude est élevé. Les
individus sont plus tentés par la fraude dans une situation d’impôt à payer (perçu
comme une perte), que dans une situation de remboursement d’impôt ressenti
comme un gain (sur ce « biais » : Kirchler, 2007, p. 133-142). Il n’existe donc pas
de relation directe entre le calcul objectif du risque lié à la fraude et le
comportement effectif de la personne.
71 Le contribuable ne réagit pas uniquement de façon utilitariste (intérêt), mais
apprécie aussi l’impôt par rapport à des attitudes morales (rationalité
axiologique : Weber) et ses représentations (rationalité cognitive24). Les normes
sociales jouent (Keenan, Dean, 1980 ; Reckers et al.,1994 ; Torgler, 2004 ;
Wenzel, 1004 ; Alm, Torgler, 2006), surtout quand le contribuable s’identifie au
groupe qui porte ses normes. Les données des enquêtes mondiales sur les valeurs
comme les expérience en laboratoire des sciences sociales montrent que même si
la moralité fiscale varie d’un pays à l’autre, les attitudes morales influencent le
civisme du contribuable. Par exemple, l’impact des convictions religieuses
constitue une question empirique complexe à résoudre25. Alors que Furnham
(1983) montre dans une enquête britannique que les personnes qui adoptent
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6 Conclusion : l’impact de la
mondialisation
73 Le dialogue entre les versants économique et socio-politique de la sociologie
fiscale est essentiel pour élaborer la science sociale de la fiscalité (et des budgets
publics). En effet, malgré les contributions des autres spécialistes, seules ces
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approches sont assez avancées pour théoriser le système fiscal dans sa globalité
en relation avec les politiques de dépenses publiques et pour investir l’ensemble
des aspects sociopolitiques et économiques de l’Etat fiscal. Parce que c’est une
sorte de crise, la mondialisation ouvre un vaste programme de recherche.
L’impact de la mondialisation sur la fiscalité et les politiques sociales fait l’objet
d’un débat théorique et méthodologique (cf. tableau E). Selon la théorie de
« l’efficience du marché », la globalisation économique oblige les décideurs
politiques à rester compétitifs pour les investissements en diminuant les impôts.
De son côté, la « théorie de la compensation » insiste sur la résistance de l’Etat
providence : son autonomie institutionnelle limite les effets négatifs de la
globalisation. Bien que les données empiriques relatives à cette question donnent
des résultats contrastés, la théorie de l’efficience du marché n’est pas confirmée.
74 Dans ce débat, la science sociale fiscale a vocation à penser les formes du
contrat socio-politique propre à chaque type d’Etat fiscal. Pour les pays en
développement, l’enjeu est d’élaborer un véritable Etat fiscal (avec des recettes
provenant essentiellement des impôts), un Etat politiquement légitime et
économiquement viable. Pour les pays développés, le nouveau contrat fiscal
démocratique est à fonder sur l’impôt-contribution du citoyen pour financer les
grandes fonctions économiques et socio-politiques de l’Etat et pour décider du
mode de régulation financière. La priorité générale est de lutter contre les
inégalités qui ont augmenté avec la globalisation26. Le cœur du contrat fiscal
concerne la fonction de redistribution souhaitée par le citoyen ainsi que
l’efficience économique en vue de créer des emplois. L’enjeu stratégique est de
trouver un compromis entre les acteurs de la décision globalisée : l’Etat, le
citoyen, l’entreprise. La tâche est difficile, mais suppose déjà de poser le
problème épistémologique du système fiscal comme un ensemble sociopolitique
et économique fonctionnel.
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Auteur
Marc Leroy
Professeur de sociologie à l'université de Reims (Faculté de droit et de science politique,
CRDT, 57 bis, rue Pierre Taittinger 51096 REIMS - FRANCE), marc.leroy@univ-reims.fr
Droits d’auteur
Socio-logos est mis à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons
Attribution - Pas d'Utilisation Commerciale - Pas de Modification 4.0 International.
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