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La sociologie fiscale. https://journals.openedition.

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Socio-logos
Revue de l'association française de sociologie

4 | 2009 :
Varia
Articles

La sociologie fiscale.
Enjeux sociopolitiques pour un dialogue avec les
économistes

MARC LEROY
Cet article est une traduction de :
Tax Sociology

Résumé
La sociologie fiscale questionne les relations fondamentales entre l’impôt, l’Etat et la
société. Cet article présente une revue de la littérature et des problématiques envisagées
dans leur aspect sociopolitique. Plusieurs représentations sociales sont considérées   :
l’impôt-contribution, l’impôt-échange,   et l’impôt-obligation/contrainte/tribut, mais
l’élaboration d’une typologie de l’Etat fiscal met l’accent sur l’impôt-contribution payé par
le citoyen qui est capable d’altruisme pour financer les politiques publiques. Dans le cadre
de la démocratie fiscale, l’enjeu est d’établir un contrat social fiscal relatif aux fonctions
sociale, politique et territoriale/environnementale de l’Etat interventionniste à partir d’un
dialogue critique avec l’analyse économique. La typologie de la déviance fiscale, inspirée
librement de la théorie sociologique de l’étiquetage (la labellisation de Becker), montre
que la légitimité politique est essentielle et que l’approche par la rationalité cognitive rend
compte de la décision du contribuable : en effet, le contribuable ne réagit pas (seulement)
en vertu de l’approche par l’intérêt utilitariste. La conclusion suggère un bref débat sur les
effets de la globalisation économique pour l’autonomie sociopolitique de l’Etat.

Notes de la rédaction
Cet article est la version française de l'article paru en version anglaise dans le numéro
précédent de Socio-logos sous le titre Tax Sociology. Sociopolitical Issues for a Dialogue
with Economists, article augmenté d'un avant-propos de l'auteur.
Le comité de rédaction de la revue Socio-Logos informe les lecteurs et lectrices que le
présent article a fait l'objet d'un plagiat. Abdelatif FEKKAK a en effet publié un article

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ayant pour titre « Sociologie financière et fiscale à l’épreuve des évaluations des politiques


publiques au Maroc » dans la Revue Marocaine d’Audit et de Développement (REMA), n°
37, 2014, pages 73-97, reprenant de nombreux passages du présent article sans le citer.

Texte intégral

Avant-propos de l’auteur
1 La sociologie fiscale étudie les relations entre l’impôt, l’Etat (et les autres
collectivités publiques) et la société. Alors que la sociologie financière étudie les
budgets publics dans tous leurs aspects, la sociologie fiscale se focalise sur
l’impôt (les deux matières s’intéressant toutefois au lien entre les recettes et les
dépenses). La sociologie de l’impôt est issue de la sociologie financière apparue
avec la première guerre mondiale comprenant une école autrichienne
(Goldscheid, Schumpeter, Mann) et une école italienne (liée à la science
financière de tradition machiavélienne). Elle tend à se diviser aujourd’hui en une
approche économique et une approche sociopolitique et mobilise surtout des
travaux anglo-saxons. L’approche longitudinale suggère une relation, parfois
décalée dans le temps, avec l’évolution de l’Etat interventionniste. A partir des
années 1990, la sociologie fiscale se renouvelle. Le contexte de la globalisation
économique alimente le débat sur le retrait de l’Etat. La domination de
l’utilitarisme (self-interest) est discutée (à nouveau), notamment sur la base de la
psychologie économique. Il apparaît que le contribuable est (aussi) altruiste
quand l’Etat fiscal est légitime.
2 En s’appuyant sur une approche pluridisciplinaire, la sociologie fiscale a
vocation à traiter les phénomènes fiscaux selon un questionnement sociétal et
politique général. Elle se centre sur le processus d’intervention des institutions
publiques autour de l’impôt. Elle questionne la légitimité de l’Etat fiscal pour le
citoyen et propose une réflexion sur la justice sociale. Elle théorise les données
empiriques dans des modèles de large portée. Par exemple, la réforme fiscale se
rattache au changement social, la mise en œuvre administrative de l’impôt aux
théories de la bureaucratie et de la régulation, l’acceptation sociale de l’impôt à la
légitimité de l’action publique (interventionnisme et Welfare State), le
prélèvement fiscal au contexte vécu de la justice sociale, la fraude à la sociologie
de la déviance, la révolte fiscale à l’action collective, la décision du contribuable à
un modèle large de la rationalité, … L’étude de la fiscalité, qui constitue un fait
social total au sens de Mauss, relève de plusieurs types de sociologie.
3 La science sociale de l’impôt est sociologique au sens étroit lorsque la
perspective sociétale conduit à une théorisation des faits fiscaux comme des
processus de société. Mais dans ses modèles théoriques, elle utilise les données
officielles, ses propres matériaux, et les résultats de la psychologie fiscale, de
l’histoire financière, etc. De conception large en raison des disciplines se
rapportant à son objet, cette science sociale générale et hybride a un rapport
varié à ces disciplines et reste ouverte à d’autres approches. La sociologie fiscale
est une sociologie politique par son attention à l’Etat, au pouvoir, à l’action
publique. Proche de la science politique, elle s’en distingue par sa sensibilité à la
dimension sociétale. La sociologie fiscale est une sociologie juridique quand elle
étudie les rapports entre le droit fiscal et la société. Sa relation au droit fiscal
techniciste est critique. La sociologie fiscale est une sociologie économique qui
dépasse les limites du modèle normatif du choix rationnel étroit (utilitarisme).
Elle s’intéresse notamment à la globalisation économique, au « contrat social »

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pour la taxation du capital et du travail, à la diffusion du (new) management


public. Comme science sociale globale, la sociologie fiscale cherche à articuler les
niveaux du « problème » fiscal en recherchant l’échelle sociétale pertinente et en
croisant les regards disciplinaires. Elle participe enfin à la construction d’une
éthique de la démocratie par sa réflexion sur l’impôt-contribution du citoyen aux
politiques publiques socialement utiles.

Bibliographie restreinte
4 Ardant G., Théorie sociologique de l’impôt, SEVPEN, 1965.
5 Backhaus J., “Fiscal Sociology: What for ?”, The American Journal of
Economics and Sociology, 2002, 61 (1), p. 55-77.
6 Campbell J.L., “The State and Fiscal Sociology”, Annual Review of Sociology,
1993, 19, p. 163-185.
7 Dubergé J., Les Français face à l’impôt, LGDJ, 1990.
8 Kirchler E. The Economic Psychology of Tax Behaviour, New York, Cambridge
University Press, 2007.
9 Leroy M., «   L’organisation du contrôle fiscal   : une forme originale de
bureaucratie », Revue française de science politique, vol. 44, n° 5, octobre 1994,
p. 811-835.
10 - La sociologie de l’impôt, QSJ ?, n° 3642, PUF, 2002.
11 - «   Pourquoi la sociologie de l’impôt ne bénéficie-t-elle pas d’une
reconnaissance institutionnelle en France », L’Année sociologique, vol. 53, n° 1,
2003, p. 247-274.
12 -   «   Sociologie du contribuable et évitement de l’impôt   », Archives
européennes de sociologie, vol. 2, 2003, p. 213-244.
13 - La sociologie des finances publiques, Repères, n° 481, La Découverte, 2007.
14 - L’Etat, l’impôt et la société, à paraître Economica, 2009 (en anglais, Peter
Lang, 2009).
15 - Lewis A., The Psychology of Taxation, Oxford, Martin Robertson, 1982.
16 - O’Connor J., The Fiscal Crisis of the State, New York, St Martin’s Press, 1973.
17 - Schmölders G., Psychologie des finances et de l’impôt, PUF, 1973.
18 - Schumpeter J., « La crise de l’Etat fiscal   », in Impérialisme et classes
sociales, Flammarion, 1984, p. 229-282.
19 - Webley P. et al., Tax Evasion, An Experimental Approach, Cambridge
University Press, 1991.

1 Introduction
20 La sociologie de l’impôt propose un questionnement fondamental de la
relation entre la fiscalité, l’Etat (et les autres institutions) et la société.
Historiquement liée à la construction de l’Etat moderne européen, la dimension
politique de la fiscalité reste essentielle   depuis la «   crise   » de l’Etat
interventionniste. Phénomène politique l’impôt est aussi un domaine d’étude
ancien de l’économie, au moins depuis par exemple La dîme royale de Vauban
(1707) ou les célèbres maximes d’Adam Smith. C’est aussi un processus social
comme le sociologue Tocqueville l’avait pressenti. Dans l’Ancien Régime et la
Révolution, il écrit à propos du sentiment de justice fiscale : « au XVIII siècle,
c’est le pauvre qui jouit, en Angleterre, du privilège d’impôt ; en France, c’est le
riche ». Il suggère que la crise de l’Etat fiscal (une des causes de la Révolution
française) est surtout une crise de légitimation. Utilisant la théorie dite de « la

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frustration relative », il explique que la prospérité économique accélère la haine


contre les institutions anciennes. Quand la situation économique va mieux, les
inégalités fiscales sont moins bien endurées, alors que la loi est appliquée avec
plus de modération à la veille de la Révolution : « C’est principalement dans la
perception de tous les impôts qu’on peut le mieux voir le changement qui s’est
opéré dans ceux qui gouvernent. La législation est toujours aussi inégale, aussi
arbitraire et aussi dure que dans le passé, mais tous ses vices se tempèrent dans
l’exécution  (…) Ce n’est pas toujours en allant de mal en pis que l’on tombe en
révolution (…) Le mal est devenu moindre, il est vrai, mais la sensibilité est plus
vive ». Le poids objectif de l’impôt1 n’est toutefois pas une cause directe   : la
théorie sociopolitique de la frustration relative est plus pertinente que la théorie
déterministe des échanges économiques   ; elle anticipe l’approche par la
rationalité cognitive (Leroy, 2003) appliquée à la relation entre le contexte
concret et le sentiment de justice fiscale.
21 La sociologie fiscale, fondée au XX siècle en relation avec l’impact des guerres
mondiales sur l’Etat et l’économie se partage entre deux tendances   : une
tendance socio-politique et une tendance économique. Le droit, trop souvent
enfermé dans la technique fiscale, est peu présent, malgré son apport important
en matière de droits et obligations du contribuable ou pour le principe
constitutionnel d’égalité2. Ces deux « écoles » où interviennent aussi (au moins)
la psychologie, la psychologie sociale, et l’histoire doivent dialoguer entre elles
pour construire une science sociale unifiée de l’impôt à même de subsumer les
points de vue spécialisés de chaque discipline. Après avoir donné une vue
d’ensemble du domaine (section 2), cet article présente les travaux et les
problématiques majeurs de la sociologie de la taxation au regard de la dimension
sociopolitique en étudiant les représentations de l’impôt selon le type d’Etat
(section 3), l’approche sociologique des fonctions fiscales (section 4), la déviance
fiscale (section 5), et, en conclusion, la globalisation fiscale (section 6).

2 Vue d’ensemble des travaux


sociopolitiques et économiques
22 Après la première guerre mondiale, Goldscheid (1917) et Schumpeter (1918),
les deux fondateurs autrichiens de la sociologie des finances publiques, c’est-
à-dire l’analyse de la taxation et des finances publiques (aspects budgétaires),
questionnent la crise de l’Etat fiscal. Ils se situent du côté sociopolitique par leur
approche historique et par le rôle attribué aux classes et aux groupes sociaux, et
aussi du côté économique comme analystes du capitalisme. Pour eux, la
formation de l’Etat fiscal en Europe occidentale, l’impôt devenant la principale
ressource, a constitué un changement historique majeur, alors que les classiques
des sciences sociales expliquent l’Etat moderne en Europe en référence à la
bureaucratisation rationnelle-légale (Weber), au capitalisme (Marx), ou à une
réponse fonctionnelle à la complexité liée à la division du travail (Durkheim). A
cette tradition de la sociologie financière se rattache Mann (1943) qui propose
une analyse fonctionnelle de l’impôt : il argue que la taxation sort du domaine
des finances publiques, à partir de la 1ère guerre mondiale pour entrer dans le
domaine de la sociologie de l’Etat interventionniste. “Its fiscal function has been
combined with a function of social control” (Mann, 1943, p. 225). La fiscalité
exerce trois formes de contrôle social (p. 226) : « la correction du comportement
humain non souhaitable socialement, la redistribution du pouvoir économique
entre les groupes sociaux et les classes, et la lutte contre les abus du capitalisme

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et la facilitation de la transition vers un autre ordre économique ». Dans un autre


article, Mann (1949, p. 19) utilise la notion de fonction sociale de la taxation
comme une dimension de la réforme sociale.
23 Les fondateurs italiens de la sociologie financière se situent plutôt sur le
versant économique par leur intérêt pour l’économie pure et le marginalisme,
mais ils accordent aussi une attention particulière à la nature politique du
pouvoir avec l’idée que «   le concept de classe dirigeante ou d’élite est
l’instrument politique approprié » (Boccacio, De Bonis, 2003, p. 76), en accord
avec l’approche classique de Machiavel, Mosca et Pareto. Quand même,
Panteloni (1967, p. 27) estime que l’attitude du parlement est un facteur
sociopolitique pour apprécier la tolérance du pays à l’impôt. Des disciples de
Pareto3 travaillent sur la dimension sociopolitique de l’impôt qui est considéré
comme une action non logique (sociologique) par le maître. Pareto n’a pas
proposé une théorie achevée des finances publiques, mais a encouragé ses élèves
Borgatta, Griziotti, et Sensini à étudier la relation entre la taxation et l’équilibre
économique et social. Cette question est reprise dans la discussion relative à la
décision du contribuable   : la rationalité cognitive apparaît comme une voie
adpatée pour expliquer les actions «   non logiques   » et aussi la logique des
dérivations (cf. section 5). Bien sûr, la théorie de « l’illusion fiscale » de Puviani
(1903) est aussi à citer ici puisque ce phénomène constitue une caractéristique
répandue des finances publiques, qui est considérée (à tort) comme une forme
d’irrationalité. Auteur français peu connu, Laufenburger (1956) relève aussi de
l’approche classique   : il met en avant la comparaison économique de l’Etat
interventionniste, mais développe aussi une psychologie des finances publiques
centrée sur les réactions du contribuable. Toutefois, c’est la classification de
l’économiste Musgrave (1959) en trois fonctions financière, d’intervention et de
redistribution, qui est utilisée aujourd’hui.
24 Les fondateurs insistent sur l’importance d’analyser l’Etat interventionniste
dans ses deux dimensions économique et sociopolitique. Cet équilibre évolue
avec la généralisation des politiques keynésiennes et du Welfare State en
Europe : un consensus sociopolitique légitime l’Etat fiscal par le financement de
ses interventions économiques et sociales. Jusqu’aux années 1970, l’étude de
cette légitimité intéressait peu les chercheurs dans la période de croissance
économique (les trente glorieuses) et on assiste à un déclin de la sociologie fiscale
comme discipline sociopolitique globale. A la place de l’Etat fiscal, et en raison de
la spécialisation croissante des sciences sociales, le comportement du
contribuable est questionné à travers des enquêtes de psychologie (sociale)4. Le
but est d’améliorer le respect de l’obligation fiscale par les citoyens afin de
financer l’Etat interventionniste. Ces études des attitudes sociales appartiennent
au côté sociopolitique, mais elles négligent les politiques fiscales et la mise en
œuvre de la décision par l’administration et elles ne proposent pas une
métathéorie du contribuable. Néanmoins, elles fournissent des données pour
discuter les thèses influentes de l’école utilitariste des choix publics.
25 L’école du choix public développe une critique radicale de l’Etat
interventionniste, en partant des travaux fondateurs de la théorie du choix
rationnel (rational choice theory) sur la démocratie (Buchanan, Tullock, 1962).
Son impact interdisciplinaire ne peut être ignoré par la sociologie financière. La
théorie (simplifiée) du choix public met en avant une conception utilitariste de la
décision publique où politiciens, bureaucrates et électeurs maximisent leur
intérêt sur le marché politique. Les politiciens cherchent à être réélus, ce qui crée
par exemple un cycle électoral des dépenses. Dans un gouvernement
démocratique, les dépenses à financer par l’impôt sont celles voulues par
l’électeur-médian, surtout dans un régime à deux grands partis comme aux

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Etats-Unis (Tullock, 1976). Le bureaucrate tend à maximiser son budget


(Brennan, Buchanan, 1977, p. 273). Le citoyen a une aversion pour l’impôt
(Downs, 1957). Le succès de l’école du choix public est à relier à la crise des
années 1970 : comme discipline de l’intervention de l’Etat fiscal, la sociologie
financière est remise en cause. En réponse, des travaux empiriques montrent que
le contribuable n’est pas toujours motivé par la rationalité de l’intérêt : il est
capable d’altruisme si l’Etat fiscal est légitime (cf. section 5).
26 L’analyse néo-marxiste de O’Connor (1973) de la crise de l’Etat fiscal constitue
une autre réponse sociopolitique à la question de la légitimité de la taxation. Le
rôle des crises issues des deux guerres mondiales fait l’objet aussi de la théorie
économique de Peacock et Wiseman (1967). Mais ces théories négligent les
leçons tirées de la construction historique de l’Etat moderne en Europe autour de
l’impôt conçu comme une dialectique entre l’obligation (le droit régalien fondé
sur le pouvoir de la souveraineté) et la contribution légitime aux politiques
publiques. Le consentement à l’impôt, second élément de la dialectique, est
consacré définitivement dans les finances classiques des pays industriels du XIX
siècle sous la forme de l’autorisation parlementaire de lever l’impôt (et de
dépenser).
27 Initiée par les fondateurs de la discipline, la sociologie financière historique est
continuée, en particulier par Ardant (1971) et par Wildavsky : intéressé par la
comparaison des explications du changement fiscal, Wildavsky se situe du côté
sociopolitique de la discipline par sa théorie culturelle de l’évolution des budgets
(Wildavsky, 1964) et par sa théorie de l’incrémentalisme politique de la décision
budgétaire, tandis qu’Ardant est à classer du côté économique pour sa théorie de
l’impôt défini comme technique libérale de l’économie d’échange5  (Ardant, 1971,
p. 408).
28 A partir des années 1990, la sociologie financière trouve un nouvel élan, tout
en continuant les études historiques (Witt, 1987 ; Daunton, 2001, Piketty, 20016,
2002 ; Peukert, 2006). Du côté de la problématique socio-politique, Campbell
(1993) considère que la politique fiscale est une réponse à des situations de crise,
avec une place centrale des groupes de pression. En France, des travaux
empiriques sur la bureaucratie fiscale et la rationalité du contribuable ont été
suivis par des théorisations plus ambitieuses des données, dans un dialogue avec
l’économie et le droit (Leroy, 1993, 2007). Le champ pour les recherches est
précisé du côté économique (Backhaus, 2002) et du côté sociopolitique
(Campbell, 1993, Leroy, 2002), les classiques sont revisités (Boccacio, De Bonis,
2003   ; Backhaus, 2004   ; McLure, 2006, 2007). En outre, la psychologie
économique expérimentale reprend le débat critique des années 1970 à propos
de la soumission à l’obligation fiscale (tax compliance), en s’intéressant par
exemple aux valeurs individuelles et la relation à la démocratie (cf. section 4 et
5). Des travaux sociopolitiques explorent de nouveaux terrains en relation avec
l’effondrement du bloc soviétique (Hanousek, Palma, 2003   ; Appell, 2006,
Gërxhani, 2007   ; Miller, 2007), le mouvement de décentralisation et du
fédéralisme (Garman et autres, 2001 ; Roden, 2002), les pays en développement
(Moore, 2004   ; Del Percio, 2008) et la «   mondialisation   » (cf. section 6).
Finalement, la sociologie fiscale dans sa dimension sociopolitique vise à étudier
la relation du citoyen contribuable à l’Etat fiscal interventionniste dans le cadre
des problématiques générales des sciences de la société et en utilisant ses propres
données empiriques ou celles des autres sciences sociales.

3 L’impôt-contribution et l’Etat

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interventionniste
29 A l’exception des cas où l’impôt est indolore (invisible), par exemple avec
certains impôts indirects sur la consommation où le contribuable ne se
représente pas la taxation incluse dans les prix, cinq représentations sociales de
l’impôt existent dans nos sociétés modernes   : dans le cadre de l’Etat
interventionniste, l’enjeu est d’instituer un contrat social fiscal.

3-1 Les représentations sociales de l’impôt


30 TABLEAU A : Les représentations sociologiques de l’impôt
Ce n’est pas une représentation sociale (exemple, mais pas
IMPÔT INDOLORE
toujours, des impôts indirects : TVA…)

IMPÔT-TRIBUT Fardeau de l’impôt ressenti comme insupportable

IMPÔT-
Charge fiscale ressentie comme trop lourde
CONTRAINTE

IMPÔT- Impôt versé à l’autorité publique (un des deux piliers de la


OBLIGATION formation de l’Etat fiscal en Europe) : conception des juristes

Prix à payer par le contribuable pour le bénéfice (services) qu’il


IMPÔT-ECHANGE
reçoit de la collectivité (conception économique)

IMPÔT- Le contribuable juge légitime de financer les institutions ou les


CONTRIBUTION politiques publiques : forme politique du consentement à l’impôt

31 «   L’impôt-échange   » des économistes domine lorsque le système fiscal ne


justifie pas ses interventions par la contribution à la collectivité, la solidarité avec
les pauvres, mais uniquement, comme le soutient l’école des choix publics,
comme le prix à payer pour les bénéfices que chaque contribuable (ou groupe
social) reçoit de l’Etat. Une forme d’impôt-échange a été consacrée
historiquement par le suffrage électoral censitaire, où le paiement de l’impôt
conditionne l’attribution de la citoyenneté. Aujourd’hui, les redevances payées
pour l’utilisation de certains services illustrent sociologiquement cette
conception utilitariste du consentement à l’impôt. La conception de l’impôt-
échange est congruente avec la théorie des groupes de pression qui revendiquent
des avantages fiscaux. Cependant, les théories fondées sur l’intérêt personnel ne
suffisent pas à expliquer la décision du contribuable (Cf. section 5).
32 « L’impôt-obligation » s’inspire de la définition des juristes de l’impôt : c’est
un acte unilatéral de nature régalienne impliquant un prélèvement financier de
l’autorité publique, sans contrepartie. Il ne suffit pas à légitimer le devoir fiscal.
«   L’impôt-contrainte et l’impôt-tribut   », situations où le fardeau fiscal est
considéré comme insupportable, sont à proscrire bien sûr car ils incitent à la
fraude fiscale ou à la révolte. Si la contrainte perçue est faible, l’impôt constitue
une obligation, si la contrainte est trop forte, l’impôt est ressenti comme un
« tribut » (appelé ainsi en référence à l’histoire romaine) arbitraire. L’impôt-
tribut peut conduire à des réactions anti-fiscales par son poids financier objectif,
mais aussi s’il est vécu comme injuste.
33 «   L’impôt-contribution   » (ou «   impôt-citoyen   ») est à encourager car il
représente la forme politique du consentement à l’impôt, pas seulement le
respect de la soumission (compliance) à ses obligations mais aussi le civisme
fiscal altruiste (cf. après) : le contribuable le juge légitime pour financer les

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politiques publiques, même si elles ne lui profitent pas personnellement7. Dans


les villes françaises bénéficiant d’une charte, la pratique de l’approbation des
comptes par le contribuable local, en fonction de comptes écrits, se répand à
partir du XIII siècle. La réunion des Etats Généraux consacre l’idée d’obtenir le
consentement à l’impôt. Dans sa lutte contre l’Angleterre, la révolution
américaine revendique l’impôt-contribution (No taxation without
representation). Les périodes de crises socio-économiques et les guerres servent
souvent d’argument cognitif pour faire accepter l’augmentation de la pression
fiscale (Leroy, 2002, p. 16 : cf. section suivante). L’histoire du parlementarisme
démocratique, selon le modèle anglais, s’appuie sur le pouvoir de consentir et de
contrôler le financement par l’impôt des dépenses publiques. Les expériences de
démocratie locale directe, avec les budgets participatifs, valorisent cette
conception sociopolitique. Mais la légitimité politique de l’impôt dépend du type
d’Etat.

3-2 La typologie de l’Etat fiscal


34 TABLEAU B : La typologie de l’Etat fiscal
Niveau d'intervention
Niveau de taxation
Faible Elevé

CRISE DE
Faible ETAT LIBERAL
L'ETAT FISCAL ,

Fort ETAT GASPILLEUR ETAT INTERVENTIONNISTE

35 « L’Etat libéral » avec son faible niveau d’impôt et d’interventions publiques


est celui de l’économie européenne du dix-neuvième siècle. Les finances
classiques libérales traduisent la volonté de limiter le rôle de l’Etat pour des
raisons politiques et économiques. C’est l’apologie de l’Etat limité à ses fonctions
régaliennes (diplomatie, défense, justice…)   ; c’est le règne de la concurrence
économique et de la (supposée) main invisible du marché censée assurer la
prospérité. L’Etat fiscal est à la fois limité par l’interdiction des interventions
économiques et sociales, et il se veut aussi neutre par rapport aux décisions des
agents économiques. Dans la veine de la tradition anglaise, suivant Smith et
Ricardo, l’impôt a un rôle strictement financier consistant à couvrir les dépenses
limitées de l’Etat.
36 «   L’Etat gaspilleur   » a un haut niveau d’impôt et un faible niveau
d’intervention qui peut s’expliquer par la corruption, l’inefficacité, l’oppression...
Par exemple, dans la Russie de Boris Eltsine et du contexte de l’enrichissement
des oligarques par les privatisations, le manque de confiance des citoyens dans
l’Etat corrompu  explique la baisse de la moralité fiscale8. Dans tous les pays, les
rapports des juridictions financières ou du Parlement fournissent des exemples
de mauvaise gestion publique et de gaspillages financiers. Même si certaines
démocraties font preuve de niveaux de corruption conséquents, l’organisation
systématique par les classes au pouvoir du détournement de l’argent public est
impossible dans les pays démocratiques dotés d’un contrôle politique élevé. Une
étude, mesurant la légitimité politique de l’Etat dans 72 pays à partir
d’indicateurs portant sur la perception de la légalité9, la perception des
justifications10 et les actes du consentement (dont le paiement de l’impôt),

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montre aussi que certaines démocraties établies de longue date comme la


Nouvelle-Zélande ou la France se classent dans le bas de la liste (Gilley, 2006, p.
517). Mais en général, il n’est pas surprenant de constater que les meilleures
places sont occupées par l’Europe de l’Ouest et par l’Amérique du Nord suivies
par l’Asie. Bien que la relation entre la corruption, la démocratie et l’économie
soit complexe11, il est clair que l’Etat gaspilleur ou corrompu n’a ni les moyens
(ressources) ni la légitimité pour financer les programmes publics.
L’interventionnisme social est difficile aussi en raison du faible niveau de
confiance sociale.
37 La crise de l’Etat correspond à un faible niveau de taxation en regard de son
niveau élevé d’interventions (performance). Selon Goldscheid (1967, p. 202),
l’Etat capitaliste dispose d’un système financier structurellement pauvre et doit
étendre le secteur public pour échapper à la crise fiscale avec une logique de
capitalisme d’Etat. O’Connor (1973)   reprend autrement la question : l’Etat
capitaliste intervenant de plus en plus par les dépenses publiques pour soutenir
l’économie se retrouve en déficit budgétaire car il ne peut légitimer une hausse
des impôts. L’intérêt de cette thèse est d’insister sur la légitimation de l’Etat
fiscal   ; en effet, sa fragilité structurelle apparaît douteuse dans les pays
développés, comme le souligne Schumpeter. Schumpeter (1918) soutient que
l’effondrement de l’Etat moderne en raison d’une crise fiscale n’est pas réaliste
dans les pays développés. Il se réfère au cas de l’Autriche, l’une des situations les
plus mauvaises dans l’Europe de la fin de la première guerre mondiale, et conclut
qu’il «   n’existe pas de crise de l’Etat fiscal   » en raison de la possibilité soit
d’augmenter un impôt sur la consommation, soit de lever un impôt sur le capital
une bonne fois pour toutes afin de réduire la dette publique et l’offre de liquidité
superflue. Il explique que l’on peut trouver deux problèmes différents dans une
crise fiscale : trouver de l’argent pour équilibrer le budget de l’Etat12 et gérer la
réorganisation (le redressement) de l’économie. Seul le premier problème
concerne les finances publiques, alors que le second consiste à échapper à ce qui
menace l’économie de marché car la recapitalisation de l’économie est nécessaire
et non pas, comme le pense Goldscheid, une réappropriation (des secteurs
économiques) par l’Etat. Pour Schumpeter l’Etat fiscal et le marché privé forment
les deux composantes du système social moderne, ce qui implique que la limite
de la capacité (économique) de taxation soit respectée. Musgrave (1992, p. 101)
argue cependant que ce pronostic relatif à la limite économique du prélèvement
fiscal «   sous-estime la flexibilité et l’élasticité de la réponse du système à la
croissance du secteur public   ». Ainsi l’Etat fiscal apparaît compatible avec le
développement économique.
38 La hausse des prélèvements obligatoires, le recours à d’autres moyens
(emprunt, privatisations, baisse des dépenses, innovations financières, demande
de subventions) et l’existence de décisions financières impopulaires (King et
Gurr, 1988 ; Gold, 1995 ; Centeno, 1997) démentent l’inexorabilité de la crise
fiscale   : la relation entre la taxation et les dépenses est un choix politique.
Finalement, la théorie cognitive de l’impôt montre que la crise sert d’argument
pour justifier des changements dans la politique fiscale. L’approche cognitive
(Leroy, 2002, p. 16) est pertinente pour discuter les modèles qui considèrent la
crise comme une cause déterministe du changement de politique fiscale. Par
exemple, Peacock et Wiseman (1967) retiennent les deux guerres mondiales et
expliquent qu’en période calme l’intervention publique est limitée par la
réticence à l’impôt, alors que la guerre augmente la tolérance à la pression fiscale.
Après la période de guerre, les ressources fiscales vont à la satisfaction des
besoins sociaux (irréversibilité des dépenses publiques), conformément à
l’accroissement des dépenses publiques (cf. la loi de Wagner). Cependant, en

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référence à l’idée néolibérale du retrait de l’Etat (cf. section 6), la baisse des
dépenses publiques dans certains pays contredit la théorie de l’Irréversibilité.
Campbell (1993), dans un article important sur la sociologie financière, considère
la réforme fiscale comme une réponse à une crise économique, géopolitique ou
fiscale. Ces théories sont éclairantes, mais sont trop déterministes et postulent à
tort une aversion générale des citoyens à l’impôt (cf. après). De plus, la relation
positive entre la guerre et la hausse des impôts (développement de l’Etat fiscal
pour financer la guerre) n’est pas universelle : « les guerres n’ont pas fait les
Etats en Amérique latine » du XIX siècle (Centeno, 1997, p.1598).
39 La crise est plus un processus qu’une donnée causale. Dans la logique de la
rationalité cognitive, la crise sert d’argument cognitif pour justifier une hausse
des impôts. En s’appuyant sur un ensemble d’enquêtes et d’analyses de contenu
relatives à la qualité de l’information sur la sécurité sociale aux Etats-Unis au
cours du débat de 1988-1999 (Jerit, Barabas, 2006), un étude empirique indique,
après contrôle par une série de variables, qu’une information incorrecte (de la
part des médias) est associée à des perceptions inexactes   : les personnes
exposées à une information entièrement composée d’un argumentaire incorrect,
avec des mots comme « banqueroute », « bientôt à court d’argent »…, ont 47 %
de chances d’indiquer incorrectement que la sécurité sociale sera en déficit
complet (banqueroute). La probabilité de fournir la réponse correcte est
seulement de 10 %. Cet effet est renforcé si les personnes suivent le débat. Quand
l’environnement (l’information) est composé d’une rhétorique « bénigne » avec
des mots comme «   réforme   », «   préserver   », «   protéger   », la probabilité de
donner une réponse en termes de banqueroute tombe à 32 %. Ces résultats
montrent l’importance du débat sur la crise référé à un cadre de choix politiques
et non au cadre des contraintes comme (le mythe de) la banqueroute. En effet
l’individu est rationnel (rationalité cognitive) de se fier à la manière dont les
médias rendent compte des débats sur la politique publique et le citoyen est
rationnel de se prononcer de ce point de vue13.
40 Les deux figures de l’Etat libéral et de l’Etat gaspilleur ne correspondent pas à
la situation actuelle des pays développés démocratiques qui affichent pour la
plupart des niveaux élevés de taxation (prélèvements obligatoires) et
d’interventions publiques, ce qui définit l’Etat interventionniste qui typiquement
échappe à la crise fiscale. L’analyse typologique conduit aussi à mettre en valeur
les caractéristiques des pays en développement, qui souvent utilisent peu l’impôt
pour alimenter leur budget14. Au contraire, les pays développés de l’OCDE
peuvent maintenir un Etat fiscal important, mais à une condition   : celle de
légitimer politiquement les interventions financées par l’impôt.
41 L’Etat interventionniste reste présent malgré les politiques de baisse des
impôts dans les pays développés   : les revenus fiscaux sont encore élevés,
spécialement en Europe avec 38,3 % du PIB (OCDE, 2006). A l’origine, l’Etat
providence représente une forme d’interventionnisme public comme une
conception de la justice sociale née au XIX siècle pour corriger les effets de la
société industrielle. L’âge d’or du Welfare State est corrélé à la période de
croissance d’après-guerre caractérisée par la généralisation des politiques
keynésiennes. Certes, comme on l’a vu avec la crise fiscale, plusieurs solutions
existent pour financer l’Etat providence politiquement souhaité. La question est
ainsi d’instituer un contrat social fiscal relatif à l’Etat interventionniste accepté
par les citoyens dans une logique de démocratie fiscale.

3-3 Le contrat social fiscal

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42 Comme avec la théorie économique du Léviathan fiscal (Brennan et Buchanan


1977, 1980) le consentement des individus est recherché. Mais l’approche socio-
politique considère le contribuable comme un décideur réel en situation sociale,
et non pas (seulement) placé dans le cadre d’un voile d’ignorance. La première
condition est de réaliser la transparence des finances publiques, dans le cadre
d’un choix politique concernant la niveau, la structure et les fonctions de la
fiscalité (cf. section 4), en tenant compte des données comparatives15. Le contrat
sociopolitique a pour objet l’impôt-contribution payé par le citoyen, capable
d’altruisme, qui accepte la légitimité des fonctions de l’Etat fiscal
interventionniste16.
43 Il y a plusieurs formes d’accords (compromis) au regard du système de
relations entre l’Etat, les impôts et les services publics. Le contrat social fiscal est
mesuré d’abord par la répartition de la charge fiscale entre les groupes sociaux et
par le niveau des transferts sociaux, avec un compromis entre les classes
disposant de faibles revenus et les classes riches, mais il doit aussi concerner les
fonctions générales de l’impôt (cf. section 4). Empiriquement, on constate une
relation forte entre la source des revenus et la nature des « actions » (sorties) de
l’Etat : selon Timmons (2005), dans son étude portant sur les pays de l’OCDE de
1975 à 1995, les impôts régressifs (frappant moins les riches que les autres) sont
associés à des dépenses sociales et des indicateurs de développement social
élevés, mais pas à la protection des droits de propriété. Cusack et Beramendi
(2006) montrent que les gouvernements des « économies à marché coordonné »
taxent plus le travail que le capital en échange d’un Etat providence généreux.
Les pays nordiques taxent fortement les contribuables à l’impôt sur le revenu, y
compris pour les revenus du travail, et négocient avec les entreprises les revenus
du capital en échange du financement (élevé) de la protection sociale. Mais dans
le modèle socio-démocrate nordique, alors que les « capitalistes » acceptent une
assurance sociale (publique) étendue et les syndicats une modération des
revendications salariales, les gouvernements de gauche doivent (Beramendi,
Rueda, 2007, p. 627) non seulement taxer le travail mais aussi utiliser une
fiscalité indirecte de nature régressive en vue de financer l’Etat-providence
(universaliste). En effet, il apparaît que dans les pays nordiques (et en France) la
fiscalité indirecte, mesurée en pourcentage du PIB, est au-dessus de la moyenne,
sachant que dans de nombreux pays les baisses des impôts sont financées par des
hausses des impôts sur la consommation (ou des cotisations sociales : Steinmo,
2003, p. 225). L’approche par ce qu’on appelle la « flexi-sécurité », adoptée en
Autriche et au Danemark, est aussi une sorte de contrat financier (pour la
création de l’Etat providence : cf. note 14).
44 Ainsi le niveau de protection sociale voulu par chaque pays détermine la forme
du Welfare State17, mais l’enjeu est de choisir explicitement la nature du contrat
social fiscal (démocratie fiscale). Les enquêtes sur les valeurs des Européens
indiquent que,  malgré des différences entre pays, les Européens restent attachés
à l’Etat providence. Dans tous les pays de l’OCDE, les institutions traditionnelles
de l’Etat-providence demeurent populaires, en dépit des taux élevés d’imposition
(Bay, Pedersen, 2006, p. 421). L’opinion publique américaine elle-même est
favorable à des programmes sociaux spécifiques en liaison avec leur éthique
sociopolitique humanitaire (Feldman, Steenbergen, 2001). Une étude de 14
démocraties de l’OCDE portant sur les années 1980 à 2000 (Brooks, Manza,
2006) montre que les préférences des masses en matière de politique publique
sont importantes pour le maintien de L’Etat-providence parce que les dirigeants
politiques doivent tenir compte de l’opinion publique, spécialement dans le cadre
de l’Etat-providence libéral. Mais les grandes fonctions de l’impôt sont minées
par la complexité du système fiscal en raison de l’utilisation de l’outil fiscal

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(comme instrument d’intervention : cf. plus loin). En tout cas, contrairement à


l’argument néo-libéral, il faut souligner qu’un bon niveau de protection sociale
n’est pas contradictoire avec l’efficacité économique (Headey and al., 2000,
Steinmo, 2002). D’ailleurs, le modèle nordique de l’Etat-providence résiste à la
globalisation économique, malgré des taux d’impôts élevés. De même, les
services sociaux au sens large participent au bien-être sociétal et à la croissance
économique (Sen, 1999). Le modèle français de redistribution est plutôt basé sur
les transferts sociaux en raison de la faiblesse de l’impôt progressif sur le revenu
(en comparaison au poids de la TVA). Plus généralement, selon une étude de 59
enquêtes réalisées de 1980 à 2000 dans 13 pays développés (Malher, Jesuit,
2007, p. 493), un compromis est établi entre l’importance des transferts et le
ciblage des programmes sociaux pour les pauvres, autrement dit   : plus la
politique sociale est ciblée, moins l’étendue des transferts est importante et donc
moins la pauvreté et l’inégalité sont réduites.
45 Le contrat sur l’impôt-contribution que je défends consiste en un compromis
social général accepté dans l’intérêt public. A défaut d’un contrat sur l’impôt-
contribution, l’impôt est une obligation de la loi, ou un contrat particulier en
échange des services reçus par l’individu (au sens des économistes utilitaristes),
ou un contrat d’assurance pour garantir la sécurité (ou la propriété   : cf.
Montesquieu). A partir de 1914, les finances modernes interviennent de plus en
plus dans l’économie et la société, ce qui reste vrai malgré l’idéologie néolibérale
faisant suite à la crise des années 1970 en faveur du marché (Robinson, 2007 ;
Leroy, 2008). A l’époque de la globalisation économique, le contrat social relatif
aux fonctions interventionnistes doit être reconsidéré.

4 Les fonctions sociopolitiques


46 La nature originale de la fiscalité à la fois comme objet de politique publique
(les politiques fiscales) et comme instrument des autres politiques publiques
justifie le recours à une approche fonctionnelle (comme Mann l’avait pressenti).
Dans un dialogue avec les économistes, l’analyse économique classique de
Musgrave (1959), centrée sur les fonctions financières, de régulation économique
et de redistribution de l’impôt, est à compléter par le côte socio-politique en
incluant les fonctions sociale, politique et territoriale. En sociologie, l’approche
fonctionnelle est classique depuis Emile Durkheim. Durkheim insiste sur
l’importance de l’explication fonctionnelle dans Les règles de la méthode
sociologique (1895, ch. 5), mais invite à distinguer entre la cause et la fonction
dans l’explication d’un phénomène social : «   quand donc on entreprend
d’expliquer un phénomène social, il faut rechercher séparément la cause
efficiente qui le produit et la fonction qu’il remplit   (…) Mais si l’on ne doit
procéder qu’en second lieu à la détermination de la fonction, elle ne laisse pas
d’être nécessaire pour que l’explication du phénomène soit complète ». Ces
observations du grand sociologue invitent à éviter l’hyper fonctionnalisme de
l’école anthropologique (Malinowski) car toute institution n’a pas une fonction
par rapport à la société dans son ensemble. Cependant, comme Merton l’explique
dans Social Theory and Social Structure, l’analyse fonctionnelle est justifiée à
condition de préciser les unités sociales à laquelle elle s’applique. Cela conduit à
étudier, en suivant Durkheim, les « types sociaux » et, dans notre cas, à proposer
une typologie fonctionnelle de l’Etat fiscal.
47 TABLEAU C : L’approche par les fonctions sociopolitiques de l’impôt
Fonction - Recettes fiscales pour financer les dépenses

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financière de
l’impôt

Fonction de
régulation - Action économique par l’impôt : secteurs prioritaires, exportations,
économique de recherche…
l’impôt

- Redistribution par l’impôt progressif vers les plus pauvres


Fonction sociale
de l’impôt - Catégorisation fiscale de la société : fiscalité de la famille, de
certains groupes sociaux, de certains produits, de certains secteurs

- Territoire de compétence juridique en droit fiscal


- Inégalités fiscales sur le territoire national
Fonction
territoriale de - Développement du territoire : exonérations fiscales de certaines
l’impôt zones rurales « fragiles », de quartiers urbains, incitations fiscales
en faveur des zones de « compétitivité »
- Préservation de l’environnement : Eco-taxes, dépenses fiscales

- Impôt-contribution du citoyen au financement des politiques


publiques d’intérêt général
Fonction politique - Légitimité politique
- Civisme fiscal
- Démocratie fiscale par le consentement direct à l’impôt

4-1 La fonction sociale de l’impôt


48 Historiquement, l’Etat fiscal est apparu en Europe autour de la fonction
financière, mais il est devenu et est resté interventionniste (cf. avant). La
fonction sociale intègre la redistribution des revenus par l’impôt car elle modifie
la stratification sociale, mais s’étend aux interventions en faveur ou à l’encontre
des groupes sociaux, des comportements et des valeurs sociaux. Malgré les
politiques néolibérales de limitation des impôts, la fonction sociale de l’impôt
reste importante.
49 En général, la redistribution fiscale est assurée (effectuée) par l’impôt sur le
revenu progressif des personnes physiques ou par la taxation de la fortune des
plus riches. Elle dépend aussi des exonérations fiscales prévues par la loi.
Beaucoup de pays ont mis en oeuvre des baisses du taux marginal de l’impôt sur
le revenu, ce qui mine la redistribution. Historiquement la création de l’impôt
sur le revenu dans les pays européens a eu une fonction de redistribution sociale
forte en relation avec la création du Welfare State comme une réponse
complémentaire à la question sociale du capitalisme industriel. L’impôt a alors
pour but de réduire les inégalités, de financer les interventions de l’Etat et de
protéger les membres les plus démunis de la société18.
50 Outre la redistribution, la fonction sociale concerne les enjeux de société. En
effet, de nombreux secteurs de la société font l’objet d’un traitement spécifique
par l’utilisation de la dépense fiscale. Malgré les difficultés méthodologiques de
mesure (Burnam, 2003), on sait que la dépense fiscale est utilisée à des fins
sociales dans de nombreux pays de l’OCDE. Par exemple, en 2003, la fonction
sociale des dépenses fiscales (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés et TVA)
du Canada, de la France, et des Etats-Unis représente environ 35 % et les
objectifs économiques environ 65 % (Godbout, 2006, p. 252). Dans ces trois pays
l’impôt sur les sociétés est peu utilisé à des fins sociales (plus de 93 % à des buts

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économiques), mais l’impôt sur le revenu est utilisé de manière variée comme
une fonction sociale (Canada : 34,6 %, Etats-Unis : 38,5 %, France : 44,3 %).
Selon l’Office américain de la gestion et du budget, les dépenses fiscales visent
une trentaine des cas. Une taxe incitative pour la création d’emplois est aussi un
outil social répandu de la lutte contre le chômage (Faulk, 2002).
51 Ainsi, l’impôt sur le revenu n’a plus seulement un objectif de redistribution et
évolue vers des particularismes sociaux pour traiter des enjeux spécifiques de
société. Traditionnellement la famille est encouragée par l’impôt sous la forme de
réduction d’impôt ou l’application de taux moins élevés, ou encore d’un avantage
général pour les couples mariés comme en France. Mann (1943, p. 226) notait
que l’Allemagne nazie ou l’Italie fasciste surtaxaient les célibataires. Récemment,
la discrimination fiscale au mariage aux Etats-Unis est vue comme un problème
si le dispositif fiscal n’atteint pas l’objectif de neutralité du mariage, à savoir les
principes du traitement égal des couples mariés dans chaque Etat et l’égalité des
couples mariés et des couples non mariés (Berliant, Rothstein, 2003).
52 Une politique d’impôt sur le revenu négatif (garantie de revenu), basée sur un
crédit fiscal en faveur des personnes au chômage qui trouvent un emploi mais
perdent le bénéfice des indemnités sociales, est socialement intéressante car elle
concrétise un compromis entre l’idée néo-libérale de la lutte contre la trappe à
l’emploi, pour remédier à la désincitation économique à travailler pour les
bénéficiaires de transferts sociaux, et l’idée social-démocrate de la redistribution
vers les plus pauvres. Dans ce cas, l’évolution de la rationalité cognitive des
dirigeants politiques et des citoyens change, à l’instar de la tentative américaine
de créer un impôt négatif dans les années 1960-70 (Steensland, 2006). Ici la
fonction sociale distingue les « bons pauvres »  méritant l’aide publique et les
autres qu’il faut inciter à travailler.
53 Beaucoup de pays encouragent fiscalement la philanthropie, même si certains
ne disposent pas de réductions d’impôts ou bien limitent la déduction. La
fonction sociale a aussi parfois un but de dissuasion morale comme avec la
taxation du tabac, de l’alcool qui remplit aussi une fonction financière en
générant des recettes complémentaires (Johnson, Meier, 1990   ; Paton et al.,
2004). Aux Etats-Unis, la taxation des jeux a un but moral, alors que les jeux
d’argent sont socialement acceptés au Royaume-Uni. Un autre exemple est
donné avec les avantages fiscaux accordés aux associations pour soutenir la
société civile. Citons aussi la politique fiscale culturelle   en France   : des
incitations fiscales visent à protéger le patrimoine culturel, en particulier par
l’exonération des œuvres d’art de l’impôt sur la fortune, mais la culture est taxée
quand elle devient une activité lucrative (Leroy, 1997). La fonction sociale
comprend donc une partie redistributive générale qui est un enjeu de débat
politique, et des mesures particulières de corporatisme fiscal qui nuisent à la
transparence du système fiscal.

4-2 La fonction politique de l’impôt


54 La fonction politique de l’impôt est au cœur de la légitimité de l’Etat fiscal.
L’impôt est constitutif de la naissance de l’Etat européen occidental. Les révoltes
fiscales traduisent une opposition à la légitimité de la taxation, ressentie comme
arbitraire. La fiscalité est un indicateur essentiel de la légitimité de l’Etat
(Cheibub, 1998   ; Lieberman 2002, Leroy, 2003   ; Gilley 2006). Pour prendre
encore un exemple tiré de Schumpeter (1918), la crise de la société féodale était
due à un processus qu’il appelle «   la patrimonialisation de la personnalité
(hérédité des fiefs, opposition entre la sphère publique et la sphère privée,

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indépendance de la noblesse…) ; l’ordre ancien et son fondement financier ont


changé et l’institutionnalisation de l’Etat moderne se met en place. La réticence
face à la taxation exigée pour les besoins de la guerre, ou en d’autres termes, le
manque de légitimité des nouveaux impôts royaux explique ce changement
irrévocable. La monarchie avait ainsi dû recourir à des armées de mercenaires,
une dépense trop lourde pour assurer l’équilibre du budget dans le cadre du
système féodal.
55 Le problème est donc de favoriser l’émergence de l’impôt-contribution pour
financer légitimement les politiques publiques. La solution non démocratique du
régime censitaire qui réservait le droit de vote aux riches contribuables n’est pas
acceptable. La solution de la démocratie parlementaire (impôt voté par le
parlement) ne suffit plus dans de nombreux pays à remplir la fonction politique.
En effet, la complexité de la fiscalité, le renforcement du pouvoir exécutif au
détriment du législatif et l’influence de l’expertise font obstacle au débat de
l’impôt par les assemblées élues. Une nouvelle démocratie fiscale est à imaginer
dans le cadre du contrat social fiscal (cf. avant), par exemple par le référendum
local ou les débats citoyens. Cette voie suppose d’accepter la responsabilité
électorale19.
56 Un « impôt-contribution citoyen » est possible parce que l’intérêt personnel
(utilitarisme) ne rend pas compte de l’ensemble du comportement du
contribuable (cf. après). Ainsi l’impôt constitue parfois un soutien à l’équipe au
pouvoir. Par exemple, l’écrivain français George Sand invite ses concitoyens à
soutenir le nouveau régime républicain de 1848 par le paiement de l’impôt. Une
enquête menée en Israël dans les années 70 (Dornstein, 1976) montre que le
civisme fiscal des immigrants récents était plus faible que celui des anciens
habitants convaincus de la légitimité de financer un Etat juif moderne.
L’utilisation de l’argent public, la confiance dans le gouvernement (Bergman,
2003 ; Torgler, 2003), l’équité du système fiscal (Taylor, 205, p. 84) constituent
pour le citoyen des critères de la légitimité politique de l’impôt, alors que la
désillusion politique par rapport aux autorités fait baisser le civisme fiscal.
57 Il apparaît aussi que le citoyen est capable d’agir avec altruisme20.
Contrairement à la conception utilitariste des valeurs, les données montrent que
beaucoup de personnes sont prêtes à payer des impôts supplémentaires pour des
programmes qui leur paraissent importants, et non pas égoïstement
utiles (Mueller, 1963, p.224 ; Beedle, Taylor-Gooby, 1983, p.29 ; Welch, 1985,
p.316 ; Brodsky, Thompson, 1993 ; Taylor-Gooby et al., 1999, p. 192). Certains
citoyens sont favorables à une taxe sur l’essence pour des raisons éthiques, alors
qu’ils utilisent souvent leur véhicule (Brodsky, Thompson, 1993). Les usagers des
services publics, tout en étant plus opposés que les contribuables à la taxation
des services, sont néanmoins prêts à une tarification de certains services qu’ils
utilisent. Bien que les usagers soient généralement plus favorables aux dépenses
publiques que les autres (qui n’utilisent pas ces services publics), ils sont prêts à
payer pour certains services publics (sous la forme de redevances), tandis que
ceux qui n’utilisent pas les services publics sont d’accord pour financer des
services sociaux nécessaires à leurs bénéficiaires (Winter, Mouritzen, 2001, p.
127). Un consensus existe pour admettre la nécessité d’un financement par
l’impôt des services de base pour les plus défavorisés. Comme on l’a vu (cf.
section 3-2), l’Etat en crise financière ne parvient pas à légitimer de nouveaux
prélèvements pour financer les dépenses publiques. L’Etat libéral, au sens de la
limitation des recettes et des interventions, est une configuration dépassée
historiquement, même si l’idéologie néo-libérale critique les interventions de
l’Etat et le poids des impôts. L’Etat légitime est donc résolument
interventionniste car les citoyens sont en général demandeurs de services

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publics, notamment dans le domaine de la santé et de l’éducation (Kemp, 2002).


Le montant du revenu de la personne semble ne produire qu’un effet limité sur la
demande de dépenses (Schokkaert, 1987, p.179), et ne joue pas du tout dans le
cas de dépenses spécifiques ciblant bien les bénéficiaires (Schokkaert, 1987, p.
179 ; Jacoby, 2000, p.761).
58 La fonction politique de l’impôt-contribution contredit la théorie économique
de l’illusion fiscale (de Puviani, 1903 à Buchanan, Tullock, 1962) – selon laquelle
l’individu irrationnel revendique plus de dépenses et moins d’impôt -, et refuse la
théorie de l’aversion – qui veut que l’impôt est toujours abhorré car l’individu
voit l’argent qu’il donne à l’Etat mais il voit plus difficilement les services publics
(Downs, 1957). Certaines données vont partiellement dans le sens de la théorie
de l’aversion (Lewis, 1982, p.49 ; Winter), mais d’autres tests la réfutent (Welch,
1985, p. 314   ; Kemp, 2002, p. 146). Pour rendre compte des résultats
apparemment contradictoires, la solution consiste à reconstituer le raisonnement
du contribuable par une approche de rationalité cognitive (Leroy, 2007). Le
citoyen considère que sa demande de services publics peut se financer par divers
moyens : l’impôt certes, mais aussi l’emprunt, la réduction des gaspillages, la
réaffectation des crédits et subventions, les subventions d’autres collectivités, la
tarification des services… Demander «   plus de services publics et moins
d’impôts   » n’est donc pas irrationnel quand le citoyen propose d’autres
ressources. L’aversion à l’impôt n’est pas générale (Blount, 2000) et exprime la
conviction que l’Etat peut et doit financer autrement les dépenses désirées. Elle
dépend de la justification politique de la fonction de l’impôt en relation avec les
dépenses. Cette solution par la rationalité cognitive est confirmée empiriquement
par Hadenius (1985) qui montre que l’aversion à l’impôt diminue quand le lien
entre l’impôt et la dépense est indiqué.
59 Bien plus, la démocratie financière, définie comme la participation des gens
aux choix de finances publiques, a des effets positifs sur le civisme fiscal. Torgler
(2004, p.34) montre expérimentalement que le fait de pouvoir choisir le niveau
de dissuasion (nombre de contrôles et niveau de pénalités) améliore la
compliance. Son étude est confirmée par d’autres expériences (Alm, McClelland,
Schulze, 1999 ; Feld, Tyran, 2002)  sur la relation entre le pouvoir de décider
démocratiquement et le civisme fiscal. Les différences nationales de civisme
fiscal dans le monde dépendent de la légitimité des institutions publiques pour le
citoyen, et donc de la fonction politique. De ce point de vue, la démocratie directe
(réelle) est plus positive pour le civisme fiscal (Pommerehne, Weck-Hannemann,
1996). La transparence financière est aussi corrélée avec la diminution de
l’impact des cycles électoraux sur l’équilibre des budgets publics (Alt, Dreher
Lassen, 2006).

4-3 La fonction territoriale et environnementale


60 Le premier usage juridique de la fonction territoriale consiste à définir la
souveraineté géographique de l’Etat fiscal. Le deuxième usage vise à établir le
bilan des inégalités territoriales qui résultent de la taxation, comme une forme de
fonction sociale territoriale. Par exemple, pour le fédéralisme fiscal belge
(Cantillo et al., 2006, p. 1051), le système de sécurité sociale et de la fiscalité sur
le revenu des personnes physiques diminue l’inégalité de revenus d’environ 75 %
entre la Flandre et la Wallonie. En France, la taxe professionnelle versée par les
entreprises est la première cause des inégalités entre collectivités locales.   Le
troisième usage est de déterminer les différences d’attractivité des territoires, en
relation avec le problème de la concurrence fiscale (OCDE, 1998) des Etats et des

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régions (et autres autorités sub-étatiques). Par exemple, la mondialisation


conduit à l’évasion fiscale par la délocalisation des entreprises et des riches par
l’intermédiaire des paradis fiscaux. Un autre exemple est donné avec le cas de la
politique française d’aménagement du territoire qui, pour des raisons d’équité
territoriale, accorde des avantages fiscaux en faveur des zones rurales en perte
d’activité et des quartiers urbains déshérités. L’attractivité fiscale du territoire
participe à l’éclatement des objectifs de la fiscalité.
61 La fiscalité environnementale constitue le quatrième enjeu relatif à la fonction
territoriale de l’impôt. Elle vise à préserver les ressources naturelles des
territoires dans le cadre du développement durable. Inspiré des revendications
écologiques et reconnues par plusieurs accords internationaux, cet enjeu conduit
à utiliser l’impôt soit pour pénaliser les activités qui détruisent l’environnement
(pollution), soit pour encourager des actions favorables à l’environnement. Pour
la pénalisation fiscale, Stiglitz (2006) considère que les entreprises américaines
doivent faire l’objet d’une taxation spécifique par les autres pays car les Etats-
Unis refusent toujours le protocole de Kyoto, ce qui les favorise comme une
subvention contraire à la concurrence économique mondiale. Le principe du
pollueur-payeur est reconnu par l’OCDE et par le Traité de l’Union européenne
(art. 174 du Traité). Pour les dépenses fiscales écologiques, il conviendrait de
faire le bilan dans chaque pays des mesures fiscales et d’éviter les contradictions
entre les incitations fiscales à des activités économiques polluantes et celles en
faveur de l’environnement.
62 Les grandes fonctions de l’impôt ont été minées par deux facteurs de
fragmentation des politiques fiscales. Premièrement, l’utilisation de l’outil fiscal
est devenue trop ciblée au détriment de la logique des grandes fonctions de l’Etat
interventionniste. Deuxièmement, en relation avec le premier facteur, la
complexité du système fiscal accentue la dilution et le brouillage des fonctions de
l’impôt en occultant la logique d’ensemble du système fiscal. La fonction
financière est concurrencée par le recours à d’autres ressources budgétaires
comme l’emprunt et les privatisations. La sectorialisation économique des
politiques fiscales s’effectue au détriment de la fonction de macro-régulation. La
fonction de redistribution peine à s’inscrire sur les agendas des autorités
publiques. Trop de particularismes et de compromis politiques pour satisfaire
des groupes d’électeurs favorisent les montages de détaxation et même la fraude
fiscale.

5 La déviance fiscale

5-1 L’étiquetage sociologique de l’évitement de


l’impôt
63 L’élaboration d’une typologie générale de la déviance fiscale (cf. tableau D),
inspirée librement de la théorie sociologique de l’étiquetage de Becker (1963),
permet d’établir un dialogue avec l’approche juridique et économique. Plus le
droit est complexe, plus il laisse de possibilités au jeu interactif des acteurs de la
déviance fiscale   : les contribuables favorisés construisent des montages qu’ils
défendent comme catégorie d’évasion légale et l’administration tend à vouloir
étiqueter les décisions fiscales dans la catégorie de fraude. Le jeu sociopolitique
consiste à faire bouger les frontières entre le légal et l’illégal à la fois au stade de
l’élaboration de la loi fiscale et à au stade des vérifications fiscales. Les décisions

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légales et illégales – l’évasion (évitement légal de l’impôt), la fraude (violation de


la loi), la délocalisation -, ont des effet similaires, mais des effets sociologiques
différents : la fraude fiscale est considérée de manière plutôt négative, la
délocalisation pour des raisons fiscales de manière neutre et l’évasion fiscale de
manière positive (Kirchler et al., 2003).
64 S’agissant de la décision fiscale basée sur un montage, le contribuables reste
parfois passif face à l’impôt (Caroll, 1987 ; Webley et al., 1991, p. 80), tant que le
problème fiscal n’est pas rendu visible par des événements particuliers, comme la
période de déclaration de l’impôt sur le revenu, la médiatisation d’une réforme
ou d’une contestation sociale. L’opportunité d’éviter l’impôt est un facteur
significatif (Vogel, 1974, p.507 ; Lewis, 1982, p.158 ; Wärneryd, Walerud, 1982,
p.205 ; Webley et al., 1991, p.102), ce qui dépend des modalités juridiques de
taxation et concerne surtout les professions indépendantes. La manière de
présenter le montage (et le vocabulaire : McBarnet, 1991, p. 341) est choisie par
le contribuable, ou son conseil, pour entrer dans la catégorie légale de l’évasion.
65 TABLEAU D : Typologie de l’évitement de l’impôt
Décision Autorités
Décision contribuable
Légal Illégal

Montage pour éviter l'impôt EVASION FRAUDE

Pas de montage CONFORMISME ERREUR

66 La théorie classique de l’étiquetage est utilisée ici comme un modèle


dynamique : les contribuables, en particulier les entreprises ou les personnes qui
peuvent se payer un conseil fiscal, s’emploient activement à modifier les
frontières floues entre la fraude et l’évasion. Un conseil fiscal a intérêt à
conserver le secret sur le montage fiscal pour éviter la concurrence avec d’autres
conseils, ou parce que l’avantage fiscal peut être invalidé par la loi. La preuve de
la fraude fiscale est difficile à établir. Un conseil ne demande pas toutes les
informations détaillées à son client. La réponse aux demandes d’information de
l’administration fiscale ne comprend que des données sélectionnées   : parfois
cette tendance pose problème (cf. le scandale d’Enron). Quand il n’existe pas de
montage fiscal et qu’une opération est étiquetée comme fraude, l’erreur est
désastreuse pour la légitimité de l’impôt, car elle accrédite l’idée d’un arbitraire
de l’administration. L’interventionnisme fiscal encourage le jeu entre
l’administration et les groupes sociaux concernés par le processus d’étiquetage de
la déviance fiscale, surtout lorsque l’Etat ne respecte pas les fonctions
importantes de l’impôt pour satisfaire chaque demande particulière   :
l’optimisation fiscale (la gestion des choix fiscaux en vue de payer le moins
possible) s’oppose à l’interprétation bureaucratique du droit.
67 La détection de la fraude fiscale dépend des moyens humains et financiers et
de la coopération internationale des administrations (assistance administrative)
pour faire face à la fraude internationale. Le point essentiel pour l’approche
sociopolitique est de connaître le fonctionnement de la bureaucratie fiscale.
Ainsi, une recherche sociologique montre que la décision administrative
fonctionne selon un modèle original de bureaucratie (Leroy, 1993) qui diffère de
la conception des économistes ou des juristes : pour le contrôle fiscal la décision
dépend plus de la négociation entre le vérificateur et le contribuable   que du
management hiérarchique. La règle de droit est adaptée au cas rencontré ; le
système de statistique ne distingue pas entre les erreurs, la petite fraude, les
fraudes graves…   ; le vérificateur opère seul dans l’entreprise   et est considéré
comme un expert. Une importante recherche comparative est donc à

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entreprendre pour connaître les stratégies de régulation des autorités fiscales.


Par exemple, les vérificateurs fiscaux américains sont évalués par
l’administration en fonction des redressements effectués (Sakurai, 2002, p. 183).
Mais malheureusement il existe peu d’études comparatives sur les styles de
régulation administrative dans le contexte fiscal. Certains chercheurs critiquent
la stratégie de régulation basée sur la menace et la coercition juridique, quelles
que soient les circonstances (dont on ne tient pas compte), et sont favorables (au
lieu du « bâton ») à une régulation fondée sur la confiance (Murphy, 2004) ou
sur la régulation réactive (responsive regulation : Braithwaite, 2007). La
régulation réactive, mise en œuvre par l’administration fiscale australienne, est
mise en jeu à deux niveaux   : d’abord, une approche coopérative encourage
l’autonomie de décision, et en cas d’erreurs, invite le contribuable à convaincre le
service des impôts   ; ensuite, en cas de non respect des obligations et de
comportement non coopératif, une approche basée sur l’injonction et le contrôle
gère le conflit avec des sanctions appropriées. Un autre champ de recherche
socio-politique consiste à questionner les logiques de « performance » par les
budgets de résultats dans le cadre du new management et d’en déterminer
l’impact sur la bureaucratie fiscale (Leroy, 2007).

5-2 La décision du contribuable


68 L’intérêt utilitariste d’éviter l’impôt ne joue pas uniquement. Ce point est
important car le système fiscal interventionniste ne peut survivre si l’incivisme
fiscal est le seul comportement. Les principaux modèles économiques de la
fraude utilisent la théorie de l’utilité attendue (Expected Utility Theory   :
Allingham, Sandmo, 1972 ; Cowell, 1985 ; Yitzhki, 1974), un cadre de recherche
basé sur la rationalité utilitariste dans le sens de la théorie du choix rationnel21  :
l’évitement de l’impôt est vu comme une prise de risque liée aux modalités
d’imposition et de contrôle, comme une catégorie criminelle, et comme un refus
de financer les biens publics. Pour la théorie du risque, l’évitement de l’impôt est
une fonction du gain objectif espéré, qui se calcule par rapport au taux
d’imposition, à la probabilité d’être contrôlé et celle d’être pris, et au montant des
pénalités applicables légalement. Il est souvent soutenu que des taux élevés de
prélèvements obligatoires encouragent la fraude, et donc que la croissance
officielle est minorée. Cette approche conduit à la théorie économique de la
dissuasion (detterence) en recommandant une répression forte avec des
contrôles fréquents et des sanctions élevées, ce qui apparaît difficile à réaliser
dans les Etats démocratiques développés où la condamnation morale de la fraude
est faible. La deuxième approche utilise l’économie du crime (Becker, 1968) qui
mesure l’utilité attendue de la fraude par rapport à celle des autres activités et
recommande la dissuasion. La troisième approche est fondée sur le paradoxe
d’Olson (1966) selon lequel des passagers clandestins, membres du groupe latent
des contribuables, n’ont pas intérêt à financer les biens collectifs dont ils
profiteront quand même.
69 Ces approches se heurtent à plusieurs objections. Concernant les effets du
niveau des prélèvements, et contrairement à l’idée de Schumpeter d’une limite de
la capacité fiscale (cf. section 2), les résultats restent incertains. Au niveau
macro-économique, il n’existe pas de relation empiriquement vérifiée entre un
niveau global élevé de prélèvements obligatoires et un taux de croissance
économique faible (lié à la fraude). Par exemple, malgré des taux marginaux
d’impôt très élevés les Etats-Unis ont connu après-guerre une forte croissance.
Au niveau micro-social, il n’est pas démontré empiriquement que le civisme

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fiscal des plus riches est plus faible. Certains trouvent une corrélation entre le
revenu et la fraude, d’autres contestent ce résultat22. Sur le plan sociopolitique, il
convient donc de prendre en compte le taux de prélèvements socialement
supportables. Dans son étude de la social-démocratie suédoise des années 1970,
Vogel (1974, p. 501) montre que 53,5 % des personnes jugent raisonnable   le
montant des impôts qu’elles paient, malgré un taux d’imposition
particulièrement élevé. En l’Allemagne, Schmölders (1970) conclut que
l’opposition à l’impôt n’est pas une fonction directe de l’importance des charges
objectives. En Angleterre, Lewis (1979, p. 255) confirme cette thèse. Pour les
Etats-Unis, Etzioni (1986, p. 183) conclut que la fraude fiscale est reliée au
sentiment d’injustice du système fiscal dans l’opinion publique (pour les années
1960-1980) alors que le taux de taxation est resté stable. Une enquête en France
(Dubergé, 1990) souligne que 60 % des personnes considèrent les «   coûts
psychologiques » (par exemple, la complexité de la fiscalité) de la déclaration
fiscale, et non pas le montant qu’elles doivent payer.
70 Concernant le risque de contrôle fiscal, un fait important est que la fréquence
moyenne de contrôles fiscaux est en général faible, et donc que le respect des
obligations fiscales devrait être plus faible qu’il n’est : cette observation contredit
l’approche par la maximisation de l’utilité. Des expériences et des enquêtes23
montrent que le pourcentage de fraude n’est pas lié à la probabilité objective de
contrôle fiscal, sauf lorsque l’information donnée à la personne sur le contrôle
fiscal est précise. La logique heuristique du devoir fiscal fausse la représentation
de son intérêt personnel par le contribuable, y compris pour celui qui est bien
informé. Mais la probabilité d’un contrôle fiscal est surestimée par les
contribuables ayant déjà subi une vérification de leurs déclarations (Spicer,
Hero, 1985 ; Maciejvosky et al., 2006 ; Mittone, 2006, p. 823). La tendance à
frauder dépend du nombre de fraudeurs connus personnellement (Vogel, 1974,
p.505 ; Spicer et Lundstedt, 1976, p.300 ; Dubergé, 1990, p.230). Dans le cadre
de son groupe de référence, l’estimation du nombre de personnes engagées dans
un processus de fraude est liée à l’évaluation du risque de sanction (Welch et al.,
2005, p. 24). Selon la théorie de la perspective Prospect Theory (Kahneman,
Tversky, 1979), les facteurs objectifs d’être pris en cas de fraude ont une faible
influence sur “   la probabilité subjective   ” calculée par le contribuable pour
décider de frauder : la supériorité de la théorie de la perspective sur la théorie de
l’utilité attendue est démontrée notamment par Dhalmi et Al-Nowaihi (2007).
Par exemple, de nombreuses personnes estiment que la probabilité d’être pris
par les services fiscaux est plus forte quand le coût de la fraude est élevé. Les
individus sont plus tentés par la fraude dans une situation d’impôt à payer (perçu
comme une perte), que dans une situation de remboursement d’impôt ressenti
comme un gain (sur ce « biais » : Kirchler, 2007, p. 133-142). Il n’existe donc pas
de relation directe entre le calcul objectif du risque lié à la fraude et le
comportement effectif de la personne.
71 Le contribuable ne réagit pas uniquement de façon utilitariste (intérêt), mais
apprécie aussi l’impôt par rapport à des attitudes morales (rationalité
axiologique : Weber) et ses représentations (rationalité cognitive24). Les normes
sociales jouent (Keenan, Dean, 1980   ; Reckers et al.,1994   ; Torgler, 2004   ;
Wenzel, 1004 ; Alm, Torgler, 2006), surtout quand le contribuable s’identifie au
groupe qui porte ses normes. Les données des enquêtes mondiales sur les valeurs
comme les expérience en laboratoire des sciences sociales montrent que même si
la moralité fiscale varie d’un pays à l’autre, les attitudes morales influencent le
civisme du contribuable. Par exemple, l’impact des convictions religieuses
constitue une question empirique complexe à résoudre25. Alors que Furnham
(1983) montre dans une enquête britannique que les personnes qui adoptent

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l’éthique de travail protestante sont plutôt opposées à la taxation, Grasmick et al.


(1991), dans une enquête américaine incluant les Protestants, trouvent que la
conviction religieuse, mesurée par la fréquence de la pratique religieuse et par
l’identité, diminue la tendance à tricher avec l’impôt. Verboon et Van Dijke
(2007), dans une enquête néerlandaise, trouvent que les protestants ont plus de
civisme fiscal que les catholiques et que les personnes sans religion (qui
respectent le moins les obligatiosn fiscales). Torgler (2003, p. 297), avec des
données de l’enquête mondiale sur les valeurs centrées sur le Canada, conclut
que la pratique religieuse est corrélée avec la morale fiscale, mais d’une manière
variable selon la religion (catholique, protestante, autres). Finalement, Welch et
al. (2005), dans une étude des paroisses catholiques américaines, montrent que
la conviction religieuse personnelle a peu d’impact sur la fraude fiscale quand la
plupart des personnes pensent qu’il y a un faible niveau de civisme fiscal dans
leur communauté religieuse. La fierté par rapport à son pays (Torgler, 2003, p.
295) et (cf. avant) la confiance dans le gouvernement ont aussi un effet sur le
civisme fiscal.
72 Néanmoins, si les valeurs morales interviennent parfois, la condamnation
morale de la fraude est plutôt faible (Leroy, 2003, p. 232). Conformément aux
enquêtes mondiales et européennes sur les valeurs de 1981 à 2004, tricher avec
l’impôt est vu comme « jamais justifiable » par seulement 53 % des personnes
interrogées (taux moyen pour l’ensemble des pays). Plus que les valeurs morales,
la légitimité politique de l’impôt est essentielle. Le sentiment que le système
fiscal est injuste favorise la fraude fiscale (cf. avant). La rationalité cognitive du
contribuable est à considérer pour expliquer l’appréciation subjective du risque.
D’autres cas illustrent aussi la théorie de la rationalité cognitive (Leroy, 2003).
Souvent, les contribuables ne voient pas les impôts indirects (la TVA en
particulier) comme une charge fiscale car ils regardent logiquement l’impôt
comme un coût de consommation compris dans le prix   ; la théorie de la
«   frustration relative   » de Tocqueville explique les révoltes fiscales et la
révolution française (cf. section 2). L’histoire de l’impôt montre que, sous
l’Ancien régime, le mythe de la fin de l’impôt était récurrent, en particulier en cas
de victoire militaire   : comme les impôts permanents étaient récents, il est
«   logique   » de penser que la fiscalité avait un caractère exceptionnel (c’était
d’ailleurs le cas pour l’impôt royal dans le système féodal). Les contribuables
considèrent l’impôt comme une cause de la détérioration de leur situation
économique alors qu’objectivement ce n’est pas le cas   : par exemple, le
mouvement antifiscal de Poujade en France (dans les années 1950) s’explique
par l’inadaptation économique des petits commerçants, et non par l’impôt. Mais
ceux-ci estiment que l’Etat est responsable de leur situation car il a un rôle
économique : or comme l’impôt sert à financer l’Etat, il est « rationnel » de ne
pas payer… Ainsi, la relation « vécue » de l’individu aux autorités fiscales (Leroy,
2002 ; Kirchler et al., 2006) influence le civisme fiscal. Dans la relation entre
l’impôt et la dépense, le citoyen considère que sa demande de services publics
peut se financer par divers moyens autres que l’impôt.

6 Conclusion : l’impact de la
mondialisation
73 Le dialogue entre les versants économique et socio-politique de la sociologie
fiscale est essentiel pour élaborer la science sociale de la fiscalité (et des budgets
publics). En effet, malgré les contributions des autres spécialistes, seules ces

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approches sont assez avancées pour théoriser le système fiscal dans sa globalité
en relation avec les politiques de dépenses publiques et pour investir l’ensemble
des aspects sociopolitiques et économiques de l’Etat fiscal. Parce que c’est une
sorte de crise, la mondialisation ouvre un vaste programme de recherche.
L’impact de la mondialisation sur la fiscalité et les politiques sociales fait l’objet
d’un débat théorique et méthodologique (cf. tableau E). Selon la théorie de
«   l’efficience du marché   », la globalisation économique oblige les décideurs
politiques à rester compétitifs pour les investissements en diminuant les impôts.
De son côté, la « théorie de la compensation » insiste sur la résistance de l’Etat
providence   : son autonomie institutionnelle limite les effets négatifs de la
globalisation. Bien que les données empiriques relatives à cette question donnent
des résultats contrastés, la théorie de l’efficience du marché n’est pas confirmée.
74 Dans ce débat, la science sociale fiscale a vocation à penser les formes du
contrat socio-politique propre à chaque type d’Etat fiscal. Pour les pays en
développement, l’enjeu est d’élaborer un véritable Etat fiscal (avec des recettes
provenant essentiellement des impôts), un Etat politiquement légitime et
économiquement viable. Pour les pays développés, le nouveau contrat fiscal
démocratique est à fonder sur l’impôt-contribution du citoyen pour financer les
grandes fonctions économiques et socio-politiques de l’Etat et pour décider du
mode de régulation financière. La priorité générale est de lutter contre les
inégalités qui ont augmenté avec la globalisation26. Le cœur du contrat fiscal
concerne la fonction de redistribution souhaitée par le citoyen ainsi que
l’efficience économique en vue de créer des emplois. L’enjeu stratégique est de
trouver un compromis entre les acteurs de la décision globalisée   : l’Etat, le
citoyen, l’entreprise. La tâche est difficile, mais suppose déjà de poser le
problème épistémologique du système fiscal comme un ensemble sociopolitique
et économique fonctionnel.

TABLEAU E : Les effets de la mondialisation

Selon la théorie conventionnelle du marché (Tanzi, 1995), la


« mondialisation » (la globalisation économique) oblige les décideurs
politiques à rester compétitifs pour l’investissement en diminuant les
impôts : l’Etat-providence est miné par la mondialisation en raison de la
fuite des capitaux, du dumping fiscal, de la concurrence fiscale
(délocalisation des entreprises) et de la diminution du pouvoir des partis et
des syndicats. Selon la théorie critique de la compensation (Pierson, 1994 ;
Garret, 1998 ; Scharpf, 2000) l’Etat fiscal lutte contre les effets négatifs de
la mondialisation (insécurités, inégalités) pour satisfaire les forces du
travail, les intérêts acquis, le veto des pouvoirs constitués, ou la
dépendance aux réglementations et accords institutionnels passés.

Empiriquement, les effets de la mondialisation dépendent des


« indicateurs de référence » utilisés (OCDE, 2005). L’étude de Garret et
Mitchell (2001) de 18 pays de l’OCDE (1961-1993) indique : mesurée par
rapport au volume des échanges ou à l’ouverture du marché financier, la
mondialisation ne diminue pas la taxation du capital, mais elle réduit le
total des dépenses publiques, mais seulement à un rythme faible, ce qui va
(un peu) dans le sens de la thèse du retrait de l’Etat (efficience du marché).
Par rapport à l’indicateur de dépendance envers des pays à bas salaires,
l’effet est inverse, à savoir les dépenses publiques augmentent, dans le sens
de la théorie de la compensation par la résistance de l’Etat.

Mesurée par l’indicateur de l’investissement étranger, la mondialisation


n’a pas d’effet sur les dépenses sociales qui progressent en proportion du
chômage, ce qui va aussi dans le sens de la théorie de la résistance de
l’Etat-providence. Une autre étude sur 15 pays de 1960 à 1996 (Crepaz,
Moser, 2004) montre que la mondialisation, mesurée par les échanges et la

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dérégulation du capital, est corrélée positivement avec le montant des


dépenses de transferts sociaux, ce qui va dans le sens de la théorie de la
compensation, mais que cet effet dépend de l’arrangement institutionnel
en vigueur (la compétition des différents pouvoirs établis entraînant une
tendance au blocage et au statu quo).

Korpi et Palme (2003) discutent l’utilisation du poids des dépenses


sociales dans le PIB comme indicateur du Welfare State. Ils défendent
l’approche par « les ressources du pouvoir » pour expliquer le retrait de
l’Etat-providence dans 18 pays pour la période de 1975 à 1995. La logique
économique joue moins que les facteurs politiques liés au pouvoir issu des
conflits de classes sur le marché du travail. L’ampleur du retrait du Welfare
State dépend peu de la mondialisation, mais beaucoup plus de la variable
partisane qui freine plus ou moins les coupes sociales (selon le contexte) :
la gauche tend à diminuer les dépenses sociales quand la situation des
finances publiques est dégradée, mais les augmente significativement en
cas de dégradation du chômage (théorie de la compensation). Dreher
(2006) confirme l’importance à la fois de la mondialisation et de
l’intégration sociale et politique. Rudra (2002) montre qu’il existe un fort
déclin de l’Etat-providence dans les pays les moins développés, d’autant
plus important que l’Etat manque de « ressources du pouvoir », mais, dans
une autre étude (Rudra, 2007, p. 32) il trouve que les pays les moins
développés ont encore des régime de protection sociale différents, ce qui
démontre une capacité à formuler des politiques sociales diversifiées.

Par rapport à l’indicateur d’ouverture économique internationale, une


étude de 14 pays de 1973 à 1999 (Kite, 2002) indique qu’il n’y a pas de
relation claire entre l’ouverture économique et le niveau de Welfare State
(mesuré par les dépenses de transferts sociaux et de services publics
sociaux). Il existe des pays riches fortement ouverts avec un Etat
providence généreux. L’idée qu’un Etat-providence minimal associé à un
faible pouvoir du monde du travail (inorganisé) soit un avantage dans une
économie globale n’est pas vérifiée, sauf pour les Etats-Unis, et encore
seulement dans les années 1990. Pour les démocraties capitalistes
avancées, en utilisant l’indicateur de la taxation du capital, Swank, Steinmo
(2002, p. 643) montrent que, entre 1981 et 1995, le taux officiel
d’imposition des sociétés commerciales (à savoir le taux d’imposition prévu
par la législation fiscale) a diminué en moyenne de 45 à 35 %, mais que le
taux effectif d’imposition du capital est passé de 38 à 36 % (et que le taux
effectif relatif à l’impôt sur les sociétés et sur les activités financières est
passé de 26 à 24 %). La répartition de la charge fiscale entre le capital, le
travail et la consommation (structure des prélèvements obligatoires en
pourcentage du PIB) est restée stable. De nombreux pays ont compensé les
baisses des taux d’imposition par un élargissement de la base taxable
(assiette de l’impôt) : par exemple, le crédit d’impôt accordé pour
l’investissement a été éliminé dans tous les pays en 1992 (Swank, 2006, p.
848).

Confirmant la résistance du Welfare State, l’étude de Mahler et Jesuit


(2006, p. 500) indique que, pendant que l’inégalité des revenus dans le
secteur privé avant impôt et transferts sociaux (l’index moyen de Gini
augmentant de 0,404 en 1980 à 0,441 en 2000), la redistribution fiscale
(par l’impôt) et sociale (par les transferts) a aussi augmenté le revenu
disponible pendant cette période.

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Pour citer cet article


Référence électronique
Marc Leroy, « La sociologie fiscale. », Socio-logos [En ligne], 4 | 2009, mis en ligne le 21
février 2016, consulté le 11 février 2019. URL : http://journals.openedition.org/socio-
logos/2278

Auteur
Marc Leroy
Professeur de sociologie à l'université de Reims (Faculté de droit et de science politique,
CRDT, 57 bis, rue Pierre Taittinger 51096 REIMS - FRANCE), marc.leroy@univ-reims.fr

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Déviance fiscale, anomie et régulation biaisée de la globalisation économique
[Texte intégral]
Paru dans Socio-logos , 6 | 2011

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