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Monsieur Emmanuel MACRON

Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du Faubourg-Saint-Honoré
75008 PARIS

N/Réf. : Cab - DM/LF/KM – 2019/

Belfort, le mercredi 3 avril 2019

Monsieur le Président de la République,

Depuis le XIXe siècle, Belfort et ses habitants vivent au rythme de


l’industrie. Ils ont forgé l’une des plus belles aventures industrielles françaises et
leur savoir-faire est mondialement reconnu. Ils ont apporté à la France sa
puissance industrielle, avec ses centrales nucléaires et son TGV.

Aujourd’hui, cette histoire est menacée par la situation du site General


Electric de Belfort, situation que vous connaissez parfaitement.

Lors du rachat de la branche énergie d’Alstom en 2015, le projet de


General Electric, soutenu par le Gouvernement, incluait la création de 1 000
emplois nets en France et assurait une certaine maîtrise des activités stratégiques
pour notre pays. Lors de votre venue à Belfort, en tant que Ministre de
l’Économie et des Finances, vous aviez indiqué que « Belfort a un avenir industriel.
Cet avenir industriel fait partie d'abord des engagements pris de part et d'autres, et ces
engagements sont suivis par le Gouvernement ».

Dans ce contexte, nous avions souligné l’impérieuse nécessité pour l’Etat


français de faire valoir son option d’achat des parts détenues par Bouygues avant
octobre 2017, ce qu’il n’avait pas souhaité faire.

Loin de pouvoir tenir ses engagements, General Electric a annoncé en juin


2018 qu’elle ne créerait pas les 1 000 emplois promis. Surtout, l’entreprise a
lancé fin 2018 un plan de rupture conventionnelle collective de 470 emplois, dont
146 à Belfort. Ce sont finalement 264 postes qui sont supprimés par l’accord
signé le 25 mars 2019.

Aujourd’hui, l’activité gaz du site de Belfort est menacée par un plan


social près de 1 000 emplois. Dans le même temps, GE transfère aux États-Unis,
et notamment sur le site de Greenville, le savoir-faire français.
Si le marché de l’énergie et la conjoncture internationale ont pu évoluer
depuis 2015, il est inacceptable de permettre le démantèlement de l’industrie
française et le pillage du savoir-faire français. Au regard de l’incapacité de la
direction américaine de General Electric de tenir ses engagements, nous en
appelons à vous, pour que vous teniez ceux que vous avez formulés à Belfort.

C’est à vous qu’il revient de prendre toutes les mesures nécessaires à


l’avenir industriel de Belfort.

Parmi les mesures à envisager, nous souhaitons attirer votre attention sur
le plan de grand carénage. Selon EDF, la durée de vie des réacteurs du parc
nucléaire français peut être portée à 60 ans. Augmenter la durée de vie d’une
partie du parc existant serait moins onéreux que la construction de nouvelles
centrales et permettrait donc de contenir le prix de l’électricité. Pour cela, un
vaste programme industriel, intitulé le grand carénage, est à l’étude par EDF. Il
consiste à associer le remplacement et la rénovation de matériels à l’intégration
de nouvelles mesures de sécurité.

Parmi ces composants figurent les turbines à vapeur fabriquées à Belfort.


Le savoir-faire des salariés du site pourrait facilement être mis à profit en
concentrant une partie des ressources sur cette activité.

Le lancement du grand carénage du parc nucléaire français relève de la


décision du Gouvernement et serait générateur de plusieurs milliards d’euros de
commandes, assurant au site de Belfort un haut niveau de charge et ainsi le
maintien de l’emploi.

Une autre opportunité consiste à diversifier l’outil industriel de Belfort


dans le domaine de l’aéronautique. Les sociétés Safran et General Electric
Aviation, via la coentreprise CFM International, dominent le marché des moteurs
équipant les avions à fuselage étroit. Depuis 2014, le volume de commande a
augmenté d’environ 30 %, entraînant un besoin important d’augmentation des
capacités de production. Or, la fabrication de turbines à gaz et de turboréacteurs
comprend de nombreuses similarités.

Afin de permettre au plus tôt la diversification du site industriel de Belfort


dans ce domaine, il est nécessaire de lancer dès à présent les démarches
nécessaires à sa qualification aéronautique. Safran est prêt à s’engager dans cette
voie, sous réserve d’une action similaire par General Electric Aviation.

Votre intervention auprès de ces sociétés est indispensable pour que


perdurent 140 années d’histoire industrielle à Belfort.

Le développement du digital constitue également un axe à étudier avec la


possibilité de faire de Belfort un centre mondial de développement des jumeaux
numériques de centrales, dont l’objectif est de simuler le comportement
théorique d’une centrale électrique. General Electric réalise déjà ces outils pour
les turbines à gaz aux États-Unis. L’activité Power Digital permettrait en
complément de créer toute une gamme de logiciels destinés à la gestion des
centrales. Dans cet objectif, le savoir-faire du site devra être renforcé dans les
domaines du codage et de l’intelligence artificielle.
Enfin, Belfort prépare l’avenir en développant une filière industrielle de
l’hydrogène. En effet, les propriétés physico-chimiques de l’hydrogène pourraient
lui permettre de se substituer aux hydrocarbures et de faciliter l’intégration des
énergies renouvelables. La technologie hydrogène est connue depuis plusieurs
décennies, mais a fortement évolué ces dernières années au point de susciter un
regain d’intérêt pour la filière. Celle-ci représente une alternative de choix pour
répondre aux défis de la mobilité durable : équipés d’une pile à combustible, les
véhicules à hydrogène rejettent uniquement de l’eau, disposent d’une autonomie
2 à 3 fois supérieure à celle des véhicules électriques classiques et se rechargent
en 5 minutes dans des stations adaptées.

Dans le cadre de l’appel à projet Territoire d’innovation, le Grand Belfort


et Pays de Montbéliard Agglomération ont conjointement présenté le projet
« Transformation d’un territoire industriel ». Il prévoit la création à Belfort de
l’Institut national de stockage d’hydrogène (ISTHY), centre de test d’envergure
nationale et européenne pour réaliser des tests sous gaz sur les réservoirs
d’hydrogène et leurs composants. Les cinq centres existant dans le monde sont
saturés et la France n’en compte aucun.

Le Territoire de Belfort est reconnu internationalement pour être


impliqué depuis plus de 20 ans dans la recherche sur l’hydrogène, notamment
avec le laboratoire FC Lab. De nombreux industriels implantés localement sont
intéressés par le projet et contribuent au développement de la filière,
notamment Alstom, Faurecia et Delfingen. L’implantation de l’ISTHY à Belfort
s’inscrit dans une stratégie globale incluant le déploiement de bus H2, la
construction d’une station H2 pour la mobilité et l’optimisation énergétique de
bâtiments via l’hydrogène. Elle sécuriserait et accélérerait grandement le
développement de cette filière à Belfort et serait génératrice de centaines
d’emplois à terme.

Le Gouvernement est décideur pour retenir Belfort tant au titre de


Territoire d’innovation, à travers le Secrétariat général pour l’investissement,
qu’au titre de lieu d’implantation de l’ISTHY, à travers le ministère de la
Transition écologique et solidaire.

Nous vous serions extrêmement reconnaissants de bien vouloir nous


recevoir afin que nous puissions étudier ensemble toutes les opportunités
permettant de maintenir l’industrie et l’emploi à Belfort.

Nous vous remercions et nous vous prions d’agréer, Monsieur le


Président de la République, l’expression de nos très hautes considérations.

Damien MESLOT Florian BOUQUET


Maire de Belfort Président du Département
Président du Grand Belfort

Ian BOUCARD Michel ZUMKELLER


Député du Territoire de Belfort Député du Territoire de Belfort

Cédric PERRIN
Sénateur du Territoire de Belfort

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