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Archives de pédiatrie 17 (2010) 195–200

Retard pubertaire
Delayed puberty
T. Edouard *, M. Tauber
Unité d’endocrinologie pédiatrique, maladies osseuses, génétique et gynécologie médicale, hôpital des enfants de Purpan,
CHU de Toulouse, TSA 70034, avenue de Grande-Bretagne, 31059 Toulouse cedex 9, France
Disponible sur Internet le 4 novembre 2009

Résumé
Le retard pubertaire est évoqué, chez la fille, devant l’absence de développement des seins après l’âge de 13 ans et chez le
garçon, devant l’absence de développement des testicules (< 4 ml) après l’âge de 14 ans. Une démarche diagnostique
simple permet de différencier les hypogonadismes centraux ou périphériques et les retards pubertaires simples, qui sont un
diagnostic d’élimination. Chez la fille, le retard pubertaire est relativement rare (une fille pour deux garçons), et doit alors
faire évoquer une cause organique, en particulier le syndrome de Turner. Chez le garçon, il s’agit, le plus souvent, d’un
retard pubertaire simple. Le traitement des hypogonadismes repose sur le traitement étiologique, quand il est possible, le
traitement substitutif par stéroïdes sexuels (œstrogènes chez la fille et testostérone chez le garçon) et la prise en charge
psychologique. Dans tous les cas, la prise en charge précoce et prolongée est essentielle pour assurer une croissance et un
développement pubertaire optimaux, une sexualité normale et une fonction de reproduction satisfaisante.
ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Abstract
Delayed puberty is defined in girls by the absence of breast development beyond 13 years old and in boys by the absence of
testicular enlargement (< 4 ml) beyond 14 years old. Simple investigations lead to the diagnosis of central or peripheral
hypogonadism and constitutional delay of puberty. In girls, delayed puberty is rare and often organic, and then Turner
syndrome should be systematically suspected. In boys, delayed puberty is often constitutional and functional. Treatment is
etiologic when possible, hormonal replacement therapy (oestrogen in girls and testosterone in boys) and psychological
management.
ß 2009 Elsevier Masson SAS. All rights reserved.

Mots clés : Retard pubertaire ; Hypogonadisme ; Syndrome de Turner

1. DÉFINITION ET GÉNÉRALITÉS Chez le garçon, il est souvent d’origine fonctionnelle (retard


pubertaire simple).
Le retard pubertaire est évoqué, chez la fille, devant Le dosage des gonadotrophines (LH et FSH) permet de
l’absence de développement des seins après l’âge de 13 ans, et préciser l’origine centrale (taux bas) ou périphérique (taux
chez le garçon, devant l’absence de développement des élevés) d’un hypogonadisme.
testicules (< 4 ml) après l’âge de 14 ans.
Chez la fille, le retard pubertaire est relativement rare (1 fille
pour 2 garçons) et doit alors faire évoquer une cause 2. CONDUITE À TENIR
organique.
L’interrogatoire recherche des antécédents familiaux de
puberté retardée, de stérilité, d’anosmie. Dans les antécédents
* Auteur correspondant. personnels, sont notés les pathologies chroniques, la pratique
Adresse e-mail : edouard.t@chu-toulouse.fr (T. Edouard). intensive de sport, etc. Une suspicion d’anosmie (qui doit être
0929-693X/$ see front matter ß 2009 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.arcped.2009.09.017
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recherchée systématiquement), évocatrice de syndrome de l’examen biologique essentiel qui va permettre de distinguer les
Kallman, doit faire réaliser une olfactométrie. causes centrales ou hypogonadisme hypogonadotrope (taux
Les courbes de croissance staturopondérale sont réalisées : bas), et des causes périphériques ou hypogonadisme hyper-
une croissance insuffisante et loin de la taille cible depuis gonadotrope (taux élevés).
plusieurs années doit faire évoquer en premier lieu un Chez le garçon, les dosages de l’inhibine B et de l’hormone
syndrome de Turner ou, plus rarement, un déficit hypo- antimüllérienne (AMH), marqueurs de la fonction sertolienne
physaire. peuvent être également utiles.
L’examen clinique évalue le stade pubertaire selon le score Si une pathologie centrale est évoquée, une IRM hypo-
de Tanner ; il est important de noter s’il existe ou non le thalamo-hypophysaire avec mesure de la hauteur hypophysaire,
développement d’une glande mammaire, que l’on peut de la tige pituitaire et des clichés centrés sur les bulbes olfactifs
mesurer, et/ou d’une pilosité pubienne et son ancienneté est réalisée à la recherche d’une malformation congénitale de
d’apparition. Cet examen clinique recherche des petits signes l’axe hypothalamo-hypophysaire, d’une agénésie des bulbes
pour orienter vers un syndrome de Turner, chez la fille ou vers olfactifs (en faveur d’un syndrome de Kallmann) ou d’une cause
un syndrome de Klinefelter, chez le garçon. tumorale ou infiltrative.
L’échographie pelvienne est indispensable chez la fille et Si on évoque une cause périphérique, un caryotype sanguin
complète l’examen clinique. Elle permet de vérifier la présence est réalisé pour rechercher, en particulier, un syndrome de
d’un utérus, de rechercher des signes d’imprégnation utérine et Turner, chez la fille (formule chromosomique : 45 X0), ou un
de visualiser la présence des ovaires, leur aspect, l’existence syndrome de Klinefelter, chez le garçon (formule
d’une activité folliculaire. chromosomique : 47 XXY).
La réalisation d’autres examens complémentaires est fonction En fonction du tableau clinique, des analyses génétiques plus
de l’âge osseux (AO) évalué selon l’atlas de Greulich et Pyle précises sont réalisées.
(Fig. 1) [1]. Ainsi, une croissance régulière avec ralentissement Enfin, la densitométrie osseuse est utile pour apprécier le
récent associé à un âge osseux de moins de 11 ans, chez la fille, et niveau de la minéralisation osseuse et pour décider du moment
de moins de 13 ans, chez le garçon, est en faveur d’un retard de la mise en route du traitement dans le cadre d’un retard
pubertaire simple et justifie une surveillance de six mois sans pubertaire simple.
autre examen complémentaire, surtout si l’interrogatoire a noté
un retard pubertaire familial. En revanche, un âge osseux 3. ÉTIOLOGIES
supérieur à 11 ans, chez la fille, et 13 ans, chez le garçon, doit faire
compléter le bilan pour rechercher un hypogonadisme. Les étiologies des retards pubertaires sont résumées dans le
Le diagnostic de retard pubertaire est clinique ; il peut être Tableau 1. Les retards pubertaires peuvent être congénitaux ou
confirmé sur le plan hormonal par un dosage bas d’œstradiol acquis, isolés ou associés à d’autres déficits hormonaux.
(< 10 pg/ml), chez la fille, et de testostérone (< 0,5 ng/ml), En pratique, la majorité des retards pubertaires sont
chez le garçon. Le dosage des gonadotrophines (LH et FSH) est secondaires à une pathologie chronique ; un diagnostic précis

Fig. 1. Démarche diagnostique devant un retard pubertaire.


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Tableau 1 3.1.2. Acquis


Étiologies des hypogonadismes.
3.1.2.1. Retards pubertaires fonctionnels secondaires à une
Hypogonadisme hypogonadotrope ou d’origine hypothalamo-hypophysaire pathologie chronique avec malnutrition. Dans ce cadre, la
Congénital
pathologie peut être évidente, connue et prise en charge
Syndrome de Kallman De Morsier (dysplasie olfactogénitale) depuis longtemps : le retard pubertaire est alors le témoin de la
Déficit gonadotrope isolé ou le plus souvent associé à d’autres déficits sévérité de la maladie causale du fait d’un déficit nutritionnel ou
hypophysaires et/ou des malformations par hypercatabolisme, comme dans les mucoviscidoses, les
Syndrome polymalformatif (Prader-Willi, Bardet-Biedl, CHARGE) insuffisances cardiaques, hépatiques ou rénales. Parfois, le
Anomalies génétiques rares : récepteur à la GnRH, gonadotrophines
LH et FSH, leptine ou son récepteur, GPR54 (récepteur
retard pubertaire permet de faire le diagnostic de formes
protéine Kiss), DAX-1 (association à une insuffisance surrénale)... paucisymptomatiques de maladies digestives (maladie cœliaque,
Acquis maladie de Crohn) [2], respiratoires (mucoviscidose) [3] ou
Tumeur (craniopharyngiome, adénome à prolactine...) rénales. Le problème est de discuter avec les médecins
Infiltration (sarcoïdose, histiocytose...) spécialistes de l’opportunité du moment d’induction puber-
Irradiation crânienne (> 30 grays)
Déficits fonctionnels (maladie chronique, hypothyroïdie, anorexie
taire, dans le but d’éviter une déminéralisation osseuse qui
mentale, activité sportive intensive) risque d’aggraver la qualité de vie. On peut mettre dans ce
Hypogonadisme hypergonadotrope ou d’origine gonadique
cadre étiologique, les retards pubertaires associés à l’anorexie
ou à l’entraînement sportif intensif, en particulier des danseuses
Congénital et des gymnastes, dont la physiopathologie est multiple (stress,
Dysgénésie gonadique familiale ou sporadique
Syndrome de Turner (fille) et de Klinefelter (garçon)
contrôle nutritionnel).
Autres syndromes : blépharophimosis-ptosis-epicanthus inversus
syndrome (BPES), ataxie télangiectasie, X fragile 3.1.2.2. Tumeur de la région hypothalamo-hypophysaire. Le
Anomalies génétiques rares : mutation du gène du récepteur de la premier signe est avant tout une cassure de la vitesse de
LH, de la FSH, résistance complète aux androgènes, déficit ou croissance par déficit en hormones de croissance plus ou moins
résistance aux estrogènes, déficit en aromatase
Acquis
associé au déficit d’autres lignées (thyréotrope, corticotrope).
Post-thérapeutique (chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie) Généralement, la tumeur a un développement suprasellaire et
Traumatique (torsion) un retentissement sur les voies optiques (hémianopsie
Infectieux bitemporale notée au champ visuel) et des signes d’hyperten-
Auto-immun (anticorps anti-ovaires) sion intracrânienne (céphalées nocturnes ou matinales,
Galactosémie congénitale et syndrome APECED (AutoImmune
Polyendocrinopathy-Candidiasis-Ectodermal-Dystrophy).
vomissements), qui doivent être recherchés. L’IRM hypotha-
lamo-hypophysaire permet de faire le diagnostic.
La tumeur la plus fréquente est le craniopharyngiome, qui
permet alors la prise en charge de la pathologie causale. Plus concerne 10 % des tumeurs cérébrales de l’enfant et 50 % des
rarement, le retard pubertaire est primitif : la cause la plus tumeurs sellaires. Cette tumeur embryonnaire, de composante
fréquente est alors le syndrome de Turner, chez la fille, et le tissulaire et/ou kystique, développée au niveau de la poche de
syndrome de Klinefelter, chez le garçon, pour les hypogona- Rathke, est bénigne par son histologie, mais très invalidante par
dismes périphériques et les causes tumorales et, plus rarement, sa localisation et son fort potentiel de récidive.
le syndrome de Kallman, pour les hypogonadismes centraux. L’hyperprolactinémie due à un adénome à prolactine et
Ensuite peuvent être diagnostiquées des pathologies l’histiocytose sont des causes plus rares de retard pubertaire
génétiques beaucoup plus rares. chez l’enfant.
Le retard pubertaire simple est un diagnostic d’élimination.
3.1.2.3. Irradiation de la région hypothalamo-hypophysaire. Le
3.1. Hypogonadismes centraux risque pour la fonction gonadotrope apparaît pour des doses
(hypogonadotropes) d’irradiation de 30 grays ; il est constant pour des doses
supérieures à 45 grays. Les faibles doses d’irradiation sont
3.1.1. Congénitaux plutôt responsables de puberté précoce.
Le syndrome de Kallman-de Morsier ou dysplasie olfacto-
génitale est un syndrome rare (fréquence estimée à 1/10 000 3.2. Hypogonadismes périphériques
chez le garçon et 1/50 000 chez la fille) qui associe un (hypergonadotropes)
hypogonadisme hypogonadotrope, une anosmie/hyposmie et
une agénésie des bulbes olfactifs. 3.2.1. Congénitaux
La plupart des formes sont sporadiques ; elles sont parfois 3.2.1.1. Syndrome de Turner. Ce syndrome est une des causes
familiales, avec des transmissions autosomiques récessives, les plus fréquentes de retard pubertaire chez la jeune fille et
dominantes ou liées à l’X. L’expressivité du phénotype est amène dans 60 % des cas au diagnostic, lorsqu’il n’est pas fait
variable dans une même famille. Les gènes impliqués dans ce dans l’enfance, devant un retard statural [4,5]. Un protocole
syndrome sont précisés dans le Tableau 2 ainsi que ceux national de diagnostic et de soins (PNDS), réalisé dans le cadre
impliqués dans d’autres hypogonadismes hypogonadotropes du plan Maladies rares, est disponible sur le site de la Haute
plus rares d’origine génétique. Autorité de santé (HAS) (www.has-sante.fr). Pratiquement
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Tableau 2
Étiologies des hypogonadismes hypogonadotropes d’origine génétique.

Type d’anomalie Tableau clinique Gènes

Migration des neurones à GnRH Syndrome de Kallmann KAL1 (anosmin), KAL2 (FGFR1), KAL3 (PROKR2), KAL4 (PROK2)
Régulation de la sécrétion de la GnRH Obésité et hypogonadisme Leptine et son récepteur, POMC
Hypogonadisme isolé GPR54 et KISS1
Hypoplasie congénitale des surrénales DAX1
et hypogonadisme
Récepteur de la GnRH Hypogonadisme isolé Récepteur de la GnRH
Facteur de transcription hypophysaire Insuffisance antéhypophysaire Prop1, LHX3, HESX1
Synthèse LH Déficit isolé en LH LH (sous-unité b)
Synthèse FSH Déficit isolé en FSH FSH (sous-unité b)
Syndromes Prader-Willi Région 15q11-q13
Bardet-Biedl Polygénisme
Charge CHD7 et SEMA3E

90 % des adolescentes développent une insuffisance ovarienne mise au repos ovarienne par les analogues du LHRH ou par
précoce (IOP). La fréquence des pubertés spontanées est plus pilule œstroprogestative. Il n’y a, actuellement, aucun
élevée dans le cas de mosaïques que dans les monosomies (40 % consensus établi. L’orientation actuelle va vers le développe-
vs 9 %), mais seulement 2 à 5 % des filles auront des ment d’une conservation de cortex ovarien par cryoconserva-
menstruations et garderont une fertilité spontanée ; 10 % tion dans l’optique d’une maturation folliculaire in vitro.
d’entre elles présentent des règles spontanées, mais seulement Dans tous les cas, un suivi de l’évolution de la fonction
5 % ont des cycles réguliers neuf ans après la ménarche. Des ovarienne doit être proposé à ces filles. Actuellement, la
grossesses spontanées sont aussi décrites [6]. réserve folliculaire ovarienne peut être appréciée par le dosage
de l’inhibine et de l’AMH.
3.2.1.2. Syndrome de Klinefelter. La prévalence du syndrome
de Klinefelter est de 1/500 à 1/1000 dans la population générale, 3.3. Retard pubertaire simple
ce syndrome étant responsable de 3,1 % des infertilités chez
l’homme. Le diagnostic est rarement évoqué dans l’enfance Le retard pubertaire simple est peu fréquent chez la fille
devant des anomalies génitales (petits testicules : 98 %, (une fille pour neuf garçons) et est un diagnostic « a
micropénis : 22 %) ou une gynécomastie prépubère (50 %). posteriori ». Le caractère familial, l’absence de cause organique
À l’adolescence, il existe un hypogonadisme avec retard identifiable ou de pathologie associée, le retard de maturation
pubertaire qui justifie un traitement par testostérone. Le osseuse sont en faveur de ce diagnostic. L’absence de
caryotype retrouve une formule chromosomique XXY ou des démarrage pubertaire avec un âge osseux inférieur à 11 ans
formes en mosaïques. Le plus souvent, il n’existe aucun signe chez la fille et 13 ans chez le garçon est en faveur d’un retard
clinique, et le diagnostic est fait à l’âge adulte devant une pubertaire simple. Néanmoins, seule la négativité des explo-
infertilité (spermatogenèse anormale dans 99 % des cas). rations permet de porter le diagnostic [8]. La limite entre
Les cas diagnostiqués en anténatal par un caryotype sur certains hypogonadismes partiels d’origine génétique reste
amniocentèse sont de plus en plus fréquents. Chez ces patients, parfois incertaine avec description de pubertés différées et
il n’existe pas de retard mental historiquement décrit mais des hypogonadismes certains dans une même famille [9].
troubles d’apprentissage améliorés par une prise en charge
précoce [7]. 4. TRAITEMENT

3.2.2. Acquis 4.1. Indications et objectifs du traitement


Les retards pubertaires peuvent être secondaires au
traitement d’une pathologie tumorale (chimiothérapie, radio- Les hypogonadismes sont traités, le plus souvent, sans avoir
thérapie, chirurgie), à une infection, à une pathologie auto- le diagnostic étiologique précis (pour ne pas perdre de temps)
immune ou à un traumatisme. par un traitement substitutif (œstrogènes chez la fille,
Une irradiation de 4 grays sur les ovaires conduit à une testostérone chez le garçon) permettant le développement
stérilité chez 30 % des femmes jeunes et 100 % des femmes plus des caractères sexuels secondaires, l’accélération de la vitesse
âgées. La chimiothérapie par des agents alkylants (cyclophos- de croissance et la constitution d’une masse osseuse optimale
phamide, chlorambucol, melphalan), des antimétabolites (cyta- [10]. Dans les hypogonadismes hypogonadotropes, l’adminis-
rabine), des alcaloïdes (vinblastine) comporte un risque pour la tration de gonadotrophines, LH et FSH n’est pas consensuelle
fonction ovarienne, qui s’accroît avec l’âge et la dose utilisée. La pour le déclenchement pubertaire, mais utilisée à l’âge adulte
sensibilité ovarienne à la radiothérapie ou à la chimiothérapie pour le traitement de la fertilité.
est maximale au moment de la puberté du fait de l’augmentation La question qui se pose est le moment de la mise en route du
du flux vasculaire ovarien péripubertaire. Certaines équipes ont traitement, en particulier lorsque le pronostic de taille adulte
proposé la transposition des ovaires avant irradiation ou une peut être compromis. Ainsi, chez les jeunes filles Turner, un
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diagnostic précoce permet de débuter rapidement un reflétant la croissance résiduelle, et une échographie pelvienne,
traitement par hormones de croissance (growth hormone, pour apprécier le développement des organes génitaux
GH) pour permettre un rattrapage statural, et le traitement internes, sont également réalisés dans le cadre de la surveillance
œstrogénique substitutif peut alors être débuté à un âge et pour adapter le traitement. Un bilan biologique, comprenant
physiologique, c’est-à-dire vers 11 à 12 ans. En revanche, si le profil lipidique, glycémie à jeun et bilan hépatique, est réalisé
diagnostic est fait tardivement, le traitement inducteur de la avant la mise en route du traitement. Le dosage d’œstradiol est
puberté est souvent différé pour permettre un traitement par parfois réalisé, mais n’a pas un grand intérêt pratique.
GH pendant au moins un an.
En cas de retard pubertaire simple, les patients vont avoir un 4.2.2. Chez le garçon
démarrage pubertaire spontané qui peut, dans certains cas, être Le traitement du retard simple de puberté est réalisé par
très différé. Le traitement d’induction est proposé, le plus une injection intramusculaire de 50 mg d’énanthate de
souvent, du fait du retentissement psychologique de l’absence testostérone (Androtardyl1) toutes les trois ou quatre
de développement des caractères sexuels secondaires et semaines pendant trois à six mois. Si la puberté ne se produit
surtout du ralentissement de la vitesse de croissance [11]. Ce pas dans les six mois, une seconde cure peut être proposée.
traitement est également justifié pour permettre l’acquisition L’absence de puberté spontanée après une seconde cure est en
d’un capital osseux satisfaisant car il semble exister une fenêtre faveur d’un déficit gonadotrope [14,15].
assez courte pour obtenir ce capital [12]. Le traitement du déficit gonadotrope se fait par injection
En l’absence de déficit en GH (growth hormone deficiency, intramusculaire d’énanthate de testostérone (Androtardyl1)
GHD), le traitement par GH recombinante n’est pas indiqué débuté à 50 mg, puis augmenté de 50 mg tous les trois mois
chez les enfants présentant un retard statural secondaire à un jusqu’à la dose substitutive de 250 mg toutes les trois ou quatre
retard pubertaire. À l’inverse, les retards pubertaires associés à semaines. Il existe également des patchs transcutanés de
un GHD dans le cadre d’une atteinte hypophysaire peuvent testostérone, non remboursés à l’heure actuelle mais utiles
bénéficier d’un traitement par GH. dans certains cas, permettant d’éviter les pics trop importants
de testostérone en début de traitement.
4.2. Conduite du traitement
5. CONCLUSION
Le traitement substitutif est débuté en général lorsque l’âge
osseux est de 11 à 12 ans, chez la fille, et 13 à 14 ans, chez le La surveillance régulière de la croissance et de la puberté
garçon ; il est parfois retardé, notamment si un traitement par chez l’enfant permet à un praticien de déceler sans retard les
hormones de croissance est en cours pour améliorer le anomalies de la puberté et de dépister précocement certaines
pronostic de taille finale. maladies graves. Une démarche diagnostique simple permet de
Le traitement des hypogonadismes hypogonadotropes par différencier les hypogonadismes centraux, les hypogonadismes
l’administration de gonadotrophines, LH et FSH n’a d’indication périphériques et les retards pubertaires simples, qui sont un
qu’à l’âge adulte pour obtenir une fertilité. diagnostic d’élimination. La connaissance des gènes impliqués
dans certains hypogonadismes centraux devrait permettre de
4.2.1. Chez la fille mieux appréhender la physiologie du déclenchement puber-
Le 17b-estradiol (E2) est l’œstrogène le plus utilisé taire. Le traitement des hypogonadismes repose sur le
actuellement. L’administration est orale ou percutanée, ce traitement étiologique, quand il est possible, le traitement
qui permet une bonne imprégnation œstrogénique ; la voie substitutif par stéroïdes sexuels (œstrogènes chez la fille et
percutanée évite le passage hépatique et donc certains effets testostérone chez le garçon) et la prise en charge psycholo-
secondaires. gique. Dans tous les cas, la prise en charge précoce et
Le traitement substitutif est débuté par de faibles doses prolongée est essentielle pour assurer une croissance et un
d’œstrogènes (1/8e de la dose adulte, soit 0,2 mg/j d’E2), développement pubertaire optimaux, une sexualité normale et
augmentées progressivement (en deux à trois ans) pour se une fonction de reproduction satisfaisante.
rapprocher le plus possible de la physiologie et éviter une
maturation osseuse trop rapide [13]. Après le pic de croissance 6. CONFLIT D’INTÉRÊT
pubertaire, lorsque l’âge osseux est de 13–13,5 ans, des doses
substitutives plus importantes (2 mg/j d’E2) peuvent être utilisées. Aucun.
Après deux ans, les progestatifs sont introduits et un
traitement cyclique est débuté : 2 mg/j d’E2 du premier au RÉFÉRENCES
21e jour du mois et progestatifs du dixième au 21e jour. Des
pilules œstroprogestatives peuvent également être utilisées. [1] Anderson M. Use of the Greulich-Pyle ‘‘Atlas of skeletal development of
Pendant ce traitement, l’adolescente est suivie tous les six the hand and wrist’’ in a clinical context. Am J Phys Anthropol
mois en consultation. L’examen clinique apprécie le stade de 1971;35:347–52.
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