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Considérations sur l'objet

Jomard, E.−F.
Considérations sur l'objet

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En écrivant les réflexions qu'on va lire, nous n'avons pas


eu pour but de répondre aux objections élevées contre la
formation d'une collection géographique spéciale , mais
bien plutôt de saisir une occasion de développer des vues
qui nous paraissent utiles : puissent−elles contribuer à
propager des idées trop peu répandues, et à étendre le cercle
des connaissances qui sont d' une utilité sociale et pratique !
Il n'est que trop vrai que quelques personnes ont eu le
courage de nier l'utilité du dépôt scientifique, spécialement
consacré aux productions de la géographie , et placé à la
grande bibliothèque royale, sous les ordres du ministère de
l'intérieur. Il est possible que les personnes qui ont affecté
de mettre en avant un tel paradoxe soient animées de vues
de bien public ; mais comme elles paraissent croire que cette
science consiste uniquement dans les livres qui en traitent, et
qu'une erreur si forte ne doit pas s' enraciner, il est
indispensable d'examiner attentivement cette question.
Admettre leur opinion, c'est supposer apparemment que
cette science est encore, après cinquante ans d'immenses
progrès , au point où l'ont laissée les Crozat et les Expilly.
Nier aujourd'hui l'importance des productions
géographiques proprement dites, sous le rapport des besoins
du commerce, et des arts utiles à la société, c'est, selon nous,
ignorer complètement et l'état de la science, et sa fin et ses
moyens . Nous osons avancer qu'une pareille thèse ne peut
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Considérations sur l'objet

être soutenue que par des personnes, ou étrangères aux


sciences exactes, ou dont le jugement est obscurci par des
vues étroites et par des motifs intéressés, ou bien enfin dont
le but est de se jouer des lecteurs trop crédules. En premier
lieu, nous demanderons si les connaissances géographiques
sont aussi répandues en France qu'elles devraient l'être, et
qu'elles le sont en effet chez nos voisins. L'Angleterre, la
Prusse, l' Autriche, la Russie même, et presque toute
l'Allemagne, font rougir la France de son incurie à cet
égard. Qui peut voir, sans la déplorer, l'ignorance de la
plus grande partie de la population française en matière de
géographie ? Nous voyons dans ces contrées le commerce
intérieur et extérieur profiter chaque jour de l'extension des
notions élémentaires, et particulièrement des connaissances
géographiques, et l'on négligerait de les répandre chez
nous ! Et l'on entretiendrait ce dédain qu'elles excitent
encore trop souvent, au lieu de travailler à détruire un
préjugé honteux et invétéré ! Et cela, dans un temps où la
géographie s' enseigne partout dans certains pays, jusques
sous les chaumières ! Qu'a−t−on fait depuis deux siècles en
France pour l' encouragement des sciences géographiques
et surtout pour l' enseignement de la science ? Rien, ou à
peu près. Et de nos jours , même incurie ! Comment a−t−on
perdu sitôt de vue les hautes pensées et même les actes du
guerrier illustre qui, placé par son génie sur le premier
trône de l'Europe, appelait la géographie à prendre rang
entre les sciences les plus importantes pour la société ? On
a déjà oublié qu'il lui avait consacré plusieurs chaires
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Considérations sur l'objet

spéciales dans le plus savant et le plus ancien de nos


colléges. Tout ce que la géographie a fait de progrès, tout
ce qu'elle a obtenu de succès, elle le doit à des hommes de
génie ou d'un rare mérite, mais hommes isolés et sans
secours, qui ont devancé l'époque actuelle, époque où elle
commence enfin à acquérir une juste considération et à
gagner la place qui lui appartient.

Chez nous, ni l'autorité, ni l'opinion n'ont été favorables,


soit à la science, soit aux hommes recommandables qui l'on
fait avancer, et qui ont même contribué à la gloire de la
patrie, comme à son insu et sans sa participation. Et qu'on ne
dise pas que les N Sanson, les De Lisle, les D'Anville, les
Cassini et d'autres encore, ou bien quelques illustres
voyageurs et navigateurs français, les Fleurieu, les
Bougainville, les Lapérouse, et un grand nombre d'hommes
habiles qui leur ont succédé, et qui honorent le temps
présent, que ces hommes ont obtenu, dans un peu de
renommée, le prix de leurs travaux. Leur dévoûment à la
cause des sciences et des découvertes devait avoir pour
véritable fruit l'avancement de la géographie en France, les
progrès de l'enseignement géographique, et l'extension des
connaissances, et c'est ce qui n'est pas arrivé : leur mérite
n'en est que plus grand ; mais il n'appartient qu'à eux, et il
n'a pas eu sa digne récompense . La révolution de I 789 a
trouvé la jeunesse et les hommes faits aussi peu avancés
dans cette étude, et même dans les notions les plus
élémentaires, qu'au milieu du dix−huitième siècle. On
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Considérations sur l'objet

connaît les saillies de Voltaire sur l'ignorance des français


en géographie, passée presque en proverbe, et sur les
plaisans quiproquos de nos diplomates. Rien n'est plus
simple : on n'avait pas songé aux moyens d'instruction, et il
n'y avait point de bonnes méthodes. On ignorait ou l'on
négligeait l' usage de l'analyse dans l'enseignement de cette
branche scientifique, qui est si compliquée. Enfin l'on
n'avait à l' usage de la jeunesse que des cartes médiocres ou
mauvaises, sans attrait comme sans fidélité ; les belles
productions de nos savans étaient au−dessus des ressources
des quatre−vingt−dix−neuf centièmes des étudians. Enfin il
n'y avait pas non plus la centième partie de ceux−ci qui
entrât dans le monde avec des connaissances positives en ce
genre. Nous défions les sophistes les plus déterminés de nier
cette vérité, quelque triste qu'il soit de l'avouer pour
l'honneur de la France ; cela serait d' autant plus difficile
qu'il suffit à chacun de consulter ses souvenirs, ou de voir ce
qui est encore . Est−ce là un état de choses tolérable, et que
l'honneur ou l'intérêt du pays doivent maintenir ? Non, sans
doute. Voudrait−on persévérer dans une routine aussi
funeste ? Trouve−t−on bien que les anglais, les russes, les
américains, les allemands, et presque toutes les nations du
nord de l'Europe soient mieux partagés que nous en
institutions et en connaissances géographiques ? Dans ce
cas, il n'y a rien de mieux à faire que de laisser les
productions de la géographie au degré d'estime dont elles
ont joui ici pendant plusieurs siècles, de continuer à les
rendre inaccessibles au public studieux, et à faire en sorte
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Considérations sur l'objet

qu'elles ne puissent entrer que dans les mains des amateurs


fortunés qui ne s'en servent pas toujours utilement ; qu'en un
mot, les cartes soient l'objet d'un monopole scientifique, et
seulement affectées à l' usage d'un très petit nombre
d'individus. Alors, pour être conséquent, qu'on enfouisse ou
qu'on relègue dans quelques coins des bibliothèques les
cartes géographiques utiles aux affaires, au commerce, aux
sciences ; qu'on n'en ait nulle part en France une suite
régulière et complète, même un catalogue faisant connaître
le nombre, l'espèce, la valeur et le degré de mérite de ces
travaux utiles ; enfin, qu'elles soient traitées comme les vers
de Pompignan ; alors le but qu'on semble se proposer sera
atteint complètement. Mais plus nous développons ces
évidences, et plus il semble que c'est faire injure à la raison
publique. Ce qui importerait plus ici serait de montrer quelle
est la nature, le véritable objet d'une collection de
géographie, et à quelle place appartiennent les cartes
géographiques parmi les productions des sciences ; on en
conclura mieux la nécessité d'en former une réunion, un
ensemble, une suite aussi méthodique, aussi complète que
possible. Qu'est−ce qu'une bonne carte géographique ou
topographique, sinon la représentation complète d'un certain
ordre, et souvent d'une multitude considérable de faits
scientifiques, rassemblés dans un seul cadre ; de résultats,
d'observations positives, rapprochés sous la forme la plus
commode et la plus claire ? D'un seul coup d'oeil en effet,
vous y embrassez plusieurs systèmes entiers ; l'aspect
physique, les distances des lieux, les rapports d'état à état, de
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Considérations sur l'objet

province à province, les divisions politiques ; la forme,


l'origine et l' issue des bassins, soit de premier, de second ou
troisième ordre, les moyens ouverts ou les obstacles opposés
aux communications intérieures et extérieures, circonstances
qui règlent tous les rapports du commerce et de l'industrie,
qui président aux questions de paix ou de guerre, en un mot,
presque tous les élémens des rapports sociaux. Si une carte
est exacte, elle apprend toutes ces choses et bien d'autres
encore qu'un oeil clairvoyant y trouve, et y lit, à l'instant
même où la carte lui est soumise. Bien plus, la destination
vraie et finale des cartes géographiques commence à se
révéler, depuis une vingtaine d' années, par l'apparition des
cartes historiques, et la faveur dont elles jouissent dans
l'opinion, à juste titre, quoique encore imparfaites. L'on a
senti que, puisqu'une carte fait connaître le théâtre des faits
et le nom des peuples, il est naturel et nécessaire aussi d'y
rattacher la date des événemens et les noms des personnages
qui en ont été les héros. De là, les cartes physiques,
politiques et historiques, aujourd'hui recherchées même par
l'homme d'état, le guerrier et l'administrateur. Cependant des
personnes peu réfléchies, ou qui ne s'élèvent pas jusqu'aux
idées générales, et aussi des critiques d'un jugement
tranchant plutôt que d'une autorité imposante, parlent de
l'inutilité d'une collection spéciale de cartes géographiques !
Ils n'ont pas aperçu ce mouvement dans la science, ce
changement considérable et décisif dont je viens de parler,
changement plus heureux que tant d' autres qui menacent ou
qui ont déjà frappé la littérature. C'est ainsi que nous voyons
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Considérations sur l'objet

le discours se mêler aux productions de la géographie, pour


compléter, dans une seule page, dans un tableau unique,
l'ensemble des notions qui doivent, toutes à la fois, être
présentes à l'esprit. Cette réponse suffirait pour prouver que
les cartes géographiques ont des avantages qui leur sont
propre, et qu'elles ne sont pas inséparables des livres .
Est−ce parce que certains livres sont accompagnés de cartes,
qu'une idée si fausse pourrait prévaloir ? Mais ce serait
sacrifier le principal à l'accessoire. On ne pourrait voir là au
contraire qu'un motif de former une collection particulière
des cartes qui sont attachées à ces mêmes livres, cartes qu'on
a malheureusement beaucoup de peine à se procurer
séparément, quelque besoin qu'on en ait. Ce n'est pas ainsi
qu' ont pensé les savans étrangers, les directeurs des musées
de l' Europe,

qui ont fait des collections spéciales pour les cartes


géographiques et pour tout ce qui se rapporte à la science.
Déjà en France, la force des choses et l'utilité directe ont fait
distinguer les cartes dans les bons catalogues scientifiques et
les ont fait mettre à part. Comme projection géométrique du
sol, de ses accidens et de ses divisions, une carte est déjà un
ouvrage scientifique entièrement distinct d'un livre. On peut
ajouter même qu'il n'y a presque rien de commun entre l'un
et l'autre. Ces deux ouvrages de l'esprit et de la main
instruisent par des moyens qui diffèrent autant que leur
nature propre et intime diffère. Si l'on a souvent ajouté des
cartes à des livres, c'est que les lecteurs de ceux−ci ne
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Considérations sur l'objet

pouvaient se passer de ce secours ; tandis que dans un très


grand nombre de cas, et même dans presque tous les cas,
une carte peut se passer du secours d'un livre quelconque.
On lit un livre, on perçoit pour ainsi dire une carte. Un livre
se lit mot par mot, et page à page ; une carte permet
d'embrasser tout un sujet à la fois. Une carte est aussi une
description comme un livre de géographie, mais une
description graphique. Chacune de ces productions s'adresse
à une faculté différente de l' intelligence. Les figures
géométriques / et la partie graphique des cartes n'est pas
autre chose que de la géométrie / ont pour caractère de
mettre sous les yeux, simultanément, la totalité des élémens
du sujet qui est soumis à l'étude, et la perception de
l'ensemble est à l'instant complète. Ici, l'espace est figuré par
des lignes assujéties à de certaines lois, et dont l' expression
est déterminée / invariable ou conventionnelle /. Mais un
discours est une suite de propositions qui s'enchaînent, et par
lesquelles il faut, de toute nécessité, passer successivement
pour former un jugement complet. Ainsi, je le répète, une
carte est la description graphique d'une contrée, ou d'une
portion plus ou moins grande du globe. C'est un tableau qui
diffère essentiellement, par sa fin comme par sa forme,
d'une description écrite et du discours ordinaire. Ce sont là
des choses dont sembleraient ne pas se douter les personnes
qui, étant étrangères aux mathématiques, ne peuvent saisir
les considérations de la géométrie, et lisent machinalement
sur une carte des noms propres, sans y voir guères autre
chose. Il y a loin, sans doute, d'un livre sur les forces, les
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Considérations sur l'objet

revenus et le comme ce d'une contrée à un tableau


statistique , présentant d'un coup d'oeil et sur une seule page
tous ces résultats réduits à des chiffres. Une carte est
quelque chose de semblable par rapport à une description
écrite ; mais elle en diffère encore davantage que le tableau
synoptique ne diffère d'un livre. Position respective des
lieux, distances qui les séparent, relief et formes du sol,
situation par rapport aux obstacles naturels, emplacement
des cours d'eaux, des montagnes et des vallées, nature du
terrain et des couches dont il se compose, nomenclature des
lieux, circonscriptions politiques ou administratives, etc. ;
ce n'est là qu'une très petite partie des documens et des faits
que rassemble une bonne carte. Et que sera−ce quand
chaque point sera marqué d'un nombre exprimant sa
hauteur absolue au−dessus du niveau de la mer ? Or cette
troisième coordonnée deviendra indispensable, comme les
deux autres auxquelles on se borne actuellement / la
longitude et la latitude / ; addition qui ne peut manquer un
jour, bientôt peut−être, d'être faite aux bonnes cartes
géographiques, et qui leur donnera une bien plus grande
utilité que n'en ont les cartes actuelles les meilleures, une
importance nouvelle sous tous les rapports sociaux. Il n'est
pas difficile de prévoir que , par un procédé tout aussi
simple, on apprendra à connaître par les seules cartes la
population, et d'autres données susceptibles d'être
exprimées par des chiffres. C'est ainsi que par le concours
des sciences mathématiques, la géométrie, l'astronomie,
etc., les productions géographiques parviendront à leur
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Considérations sur l'objet

destination, et au summum de leur utilité sociale et


pratique. Le nom d'imprimés , sous lequel est désigné le
département des livres, à la bibliothèque royale, a donné
lieu à une fâcheuse équivoque. Ce mot serait−il un motif
suffisant pour laisser confondues à tout jamais au milieu des
livres, les cartes et les productions géographiques, de
quelque importance et en quelque nombre qu'elles fussent,
et cela, parce que ces pièces sont, comme les livres, un
produit de l'impression ? Il faut convenir qu'aujourd'hui et
dans l' état actuel des sciences, un tel motif serait bien puéril
ou bien peu philosophique, un simple jeu d'esprit sans
aucune vue sérieuse ; ou plutôt ce serait là une vue fausse et
insoutenable.

Si les grands dépôts littéraires, accrus, depuis un


demi−siècle, dans une immense proportion, pêchent par
quelque côté, c'est peut−être par le manque de divisions et
de sections spéciales , commodes pour l'étude : mais c'est
surtout par le manque d' une branche telle que la géographie
, que cet inconvénient se fait sentir. Personne ne pourrait
nier qu'il vaut mieux trouver toutes les cartes géographiques
réunies sur un même point que d'avoir à les chercher au
milieu de centaines de milliers de livres ou d' estampes,
nombre qui s'accroît tous les jours avec celui des lecteurs,
avec les progrès de la civilisation et de l' instruction sur tous
les points de l'Europe, surtout quand on songe à l'étendue de
l'espace que ces livres exigent, au temps qu'il faut pour
parvenir aux points extrêmes des galeries de nos grands
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Considérations sur l'objet

musées littéraires. Dira−t−on que les cartes doivent être


considérées comme des livres, parce qu'elles peuvent être
reliées comme eux, et réunies en volumes ? Mais cette
objection serait plus faible encore, ou même sans
fondement ; car ce n'est pas / il s'en faut / sous la forme
d'atlas que les cartes sont de l'usage le plus commode. Il faut
tout au contraire qu'elles soient isolées, placées sur des
tablettes, ou bien roulées et suspendues à la manière
anglaise. Tirera−t−on une autre objection de ce que des
cartes sont indispensables à une collection de livres ; certes,
on ne conçoit pas qu'une bibliothèque puisse se passer de
cartes géographiques : est−ce à dire pour cela que les livres
et les cartes ne sont qu'une seule et même chose ? C'est
comme si l'on confondait deux fonctions de la vie aussi
distinctes que la nourriture et la respiration, parce qu'il faut
également, pour vivre, et de l'air et des alimens. On pourra
objecter aussi que ceux qui demandent des livres dans les
bibliothèques et qui veulent lire avec des cartes sous les
yeux, ne pourraient avoir cette faculté avec une section
séparée pour la géographie. Le fait est qu'il n'y a ici aucune
difficulté réelle. Les cartes géographiques veulent être
ménagées et demandent de l'espace ; il faut donc que des
tables particulières leur soient consacrées ; c'est là que
doivent travailler les lecteurs qui ont à étudier des cartes, en
même temps qu'ils lisent des livres. La communication une
fois établie ici entre les départemens des livres et des cartes,
ce qui ne peut être très éloigné, il sera très facile de pourvoir
à cette condition. Rien n'aura changé alors, si ce n'est qu'il y
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Considérations sur l'objet

aura plus d'espace, et que le public fera commodément ce


qu' il pourrait à peine essayer, ou bien faire sans
inconvénient dans l'état actuel des choses. Supposera−t−on
enfin qu'un simple employé suffirait pour le service d'une
section de géographie.

Tout ce qui précède, et ce qui suit sur le nombre et la


diversité des branches de la science montre l'étendue du
travail imposé au chef d'un pareil service et répond à cette
supposition : il faut qu'il réunisse autorité, responsabilité,
spécialité .

Comment un subordonné pourrait−il remplir cette tâche


difficile, surtout quand les réglemens veulent que les
employés soient disponibles à tous momens pour les besoins
imprévus ? Une remarque spécieuse pourrait être faite à
l'égard des estampes. « ce sont là aussi des imprimés , ainsi
que les livres et les cartes géographiques. » mais il faut bien
s' entendre sur la destination des estampes proprement
dites. Or cette destination n'est pas moins distincte de celle
des cartes géographiques que l'objet des ouvrages−livres.
Quel est leur but spécial ? C'est de représenter et de
conserver les ouvrages des beaux−arts, des arts d'imitation,
la peinture, la sculpture, etc . ; c'est d'en multiplier et d'en
répandre des copies fidèles.

Les productions de la géographie dépendent uniquement


des sciences exactes : les cartes sont avant toute autre
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Considérations sur l'objet

chose une projection mathématique du globe ou de ses


parties, une application de la géométrie descriptive. Les
unes s'adressent au goût et à l'imagination ; les autres
s'adressent, à la raison et à l'utilité positive, et leur objet est
plus austère et plus sérieux. Il semble donc, quoique les
unes et les autres soient utiles à la société, mais
diversement, qu'il n'existe entre elles aucune communauté
d'origine ou d'objet, et qu'au contraire, elles se distinguent
par une différence fondamentale.

Il n'y a en effet presque rien de commun, ni dans les


hommes qui s'en occupent, ni dans les connaissances
qu'elles supposent, ni dans les études qu'elles exigent, ni
dans les moyens qu'elles emploient. Il paraît donc
convenable que des hommes spéciaux aient sous leur
surveillance et leur administration des collections qui sont
distinctes par leur nature : sans quoi elles ne pourraient être
continuées et complétées de la manière la plus utile au
public. S'il n'en a pas été ainsi dans l'origine, il y a de fortes
raisons pour entrer dans une meilleure voie : car les choses
ont grandement changé, et les scieces géographiques ont fait
bien des pas, depuis que la bibliothèque royale a été fondée ;
mais quelque accroissement qu'elles aient reçu, la
bibliothèque n'a pas pu en profiter, faute d'une amélioration
que réclamait l'intérêt de ces sciences ; amélioration qui
aurait bien prévenu des regrets, si on l'eût introduite plus tôt
. La distinction entre la science et l'artistique / j' entends la
grande branche des beaux−arts / est une règle simple et
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Considérations sur l'objet

sûre, qui permettra toujours de classer les gravures et


dessins à leur vraie place, dès leur entrée dans les
bibliothèques, et par conséquent de les retrouver sans
aucune peine, quels qu'en soient le nombre et l'espèce ; par
exemple, qu'il soit question de gravures représentant des
nivellemens, des profils de canaux, des coupes géologiques,
etc., et tout ce qui se rapporte en ce genre aux sciences
exactes, on les classera avec la géographie, rien de tout cela
n'ayant de rapports avec la peinture, la sculpture ou la
musique, et n'entrant dans le domaine du goût et de
l'imagination. Combien il me serait facile de développer ces
considérations. Peut−être ont−elles échappé à beaucoup de
monde ; mais sans doute elles étaient présentes à l' esprit de
la haute administration, quand elle a voulu fonder, il y a
deux ans, d'une manière durable, un grand établissement
géographique, tout en le subordonnant, dans l'intérêt de l'
ordre et de l'économie, au plan général de notre vaste dépôt
littéraire et scientifique ; véritable musée, mal désigné sous
le nom de bibliothèque, mais composé en réalité de cinq
établissemens différens.

Le caractère distinctif de cette collection étant bien établi,


il faut chercher à montrer comment elle peut atteindre son
plus haut degré d'intérêt et d'utilité scientifique.
L'ordonnance qui l' a fondée veut qu'on y réunisse les divers
objets qui proviennent des voyages scientifiques ordonnés
par le ministère de l' intérieur : disposition d'autant plus
sage que ces objets sont dispersés et quelquefois perdus au
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Considérations sur l'objet

retour des voyageurs ; je pourrais apporter en preuve les


voyages de feu Baudin, de Leschenaut De La Tour, et
beaucoup d'autres. Déjà l'on y a rassemblé ceux qui
provenaient de l'expédiion française en égypte ; des
fragmens et objets modernes recueillis par la commission
qui a publié une description de cette contrée par ordre du
gouvernement ; les archives de cette commission
scientifique ; enfin les dessins originaux de l'expédition. On
doit y placer dans la suite des produits de l'industrie des
peuplades lointaines, visitées par les voyageurs français.
C'est principalement sous le rapport ethnographique que
cette disposition acquerra de l'importance, aussitôt qu'elle
pourra être réalisée dans le local convenable que l'on
prépare en ce moment. En peu d'années, la civilisation, chez
certaines peuplades a fait des progrès tels qu'il faudra, si
l'on veut connaître et conserver l'histoire des races
humaines, se hâter de rassembler les élémens de leur état
natif, non−seulement leur langage, leur écriture, leur
physionomie propre, mais les produits mêmes de leur
industrie, ouvrages d'un art encore dans l'enfance, mais
qu'il est intéressant d'observer dans ses développemens. Ce
qui se passe dans l'Amérique Du Nord, chez les chérokées ;
dans l' Océanie, aux îles Sandwich ; l'imprimerie établie à
Eyméo / où l'on a vu le roi se faire imprimeur lui−même /, et
tant d' autres exemples qu'il serait long de citer, montrent
avec quelle rapidité des barbares peuvent adopter
l'industrie, les moeurs et même les langues européennes, et
abandonner leurs idées ou leurs habitudes. Une collection
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Considérations sur l'objet

ethnographique formée sur un plan bien conçu ferait voir le


point de départ de la civilisation chez les peuples sauvages
et ses progrès successifs. Les objets curieux qui se perdent
ordinairement, ou qui sont exportés à l'étranger, seraient
ainsi conservés à la France ; enfin ils serviraient de
supplément, de commentaire ou d'éclaircissement à la
description géographique des peuples mal connus ; ils
exciteraient le zèle des voyageurs et stimuleraient le goût
des voyages : enfin ils formeraient une série de matériaux
propres à donner une juste idée des différentes races
humaines, classées d'après leurs caractères physiques, en
même temps que selon leurs notions morales et
intellectuelles et les fruits de leur industrie. Outre la belle
collection de Goettingue, l'on peut citer une collection
semblable formée dans une contrée reculée de l'Europe. La
France a à envier à la Russie le musée ethnographique ,
collection précieuse, dont M Mertens a fait don à l'académie
des sciences de SaintPétersbourg. Les objets ont été
recueillis principalement dans les îles du grand océan. Le
motif qui a fait créer ce musée est précisément le même que
celui que j'ai mis en avant plusieurs fois ; c'est que ces
objets curieux, ces ustensiles, ces ornemens, ces vases et ces
instrumens divers, sont de vrais monumens de l'industrie des
peuplades, et qu'ils deviendront de plus en plus rares et
précieux, puisque même, dans certaines localités, telles que
Sandwich, il est devenu très difficile et presque impossible
de s'en procurer. Parmi les ouvrages de l' industrie
extra−européenne, il semble qu'on devrait choisir surtout
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Considérations sur l'objet

une certaine classe d'objets, comme très propres à


caractériser le degré ou le genre de la civilisation. Je veux
parler des instrumens qui servent à exprimer et à
transmettre le sentiment musical, mode d' expression inné
chez tous les hommes ; il faudrait s'attacher à réunir le plus
complètement possible tous les instrumens à vent, à corde et
de percussion appartenant aux peuplades. S'ils sont
semblables ou analogues à ceux dont l'ancien monde civilisé
a fait usage, on en pourra tirer des inductions sur l'origine
de ces peuplades ; s'ils en diffèrent absolument, ils
donneront lieu à d'utiles remarques sur le génie inventif des
différentes tribus, et sur le goût particulier aux hommes des
diverses races.

On peut en dire autant des différens jeux, et des objets


servant aux exercices gymnastiques. Tous ces objets
dessinés par les voyageurs sans vérité, ou d'une manière
fugitive / quand encore ils ont le temps de les copier /,
perdent encore à la gravure, et aucune description ne peut
les suppléer. Outre les armes et les armures de toute espèce,
il faudra rechercher les outils employés dans les arts et dans
le travail des métaux, les ustensiles variés de l'économie
domestique et de l'agriculture, les monnaies, poids et
mesures, les tissus de tout genre, les ornemens de parure,
souvent très riches par la matière, par la forme et par le
dessin ; puis les ornemens et les symboles du culte et des
superstitions, tels que les talismans, les trépieds et les autels
portatifs, les divers signes extérieurs des cérémonies de la
17
Considérations sur l'objet

religion ; enfin tout ce qui constate l'état des moeurs, des


préjugés et des idées sociales et religieuses. Joignons encore
à cette énumération les peintures et les reliefs qui expriment
le caractère de la physionomie, quand ils sont l'ouvrage des
indigènes mêmes. Je n'en excepterais pas certains costumes,
comme on en voit dans l'Afrique centrale et occidentale,
dont les voyageurs ne remarquent souvent que la bizarrerie,
mais qui éclaircissent des usages civils ou religieux, ou des
superstitions d'un genre particulier. La collection de tous les
instrumens matériels qui servent à compter, peser et
mesurer, serait, à elle seule, d'un haut intérêt : que de
matières précieuses et d'objets des trois règnes, mis en
oeuvre par les indigènes, et qu'il serait avantageux de
réunir ! Si les espagnols, au lieu de détruire ou de laisser
disperser les ouvrages de l'industrie américaine, les
produits des arts des mexicains, des péruviens et surtout de
l'Amérique centrale, les avaient, au contraire, conservés
avec soin et rassemblés dans une grande collection ; si l'on
avait ainsi constaté la situation sociale des américains au
jour de la conquête, certes on aurait aujourd'hui des
lumières sur leur origine ; on n'en serait pas réduit à des
conjectures sur ce qu'il faut penser de l'état primitif des
aborigènes ; on saurait enfin plus positivement, si leur
civilisation a eu plusieurs sources, plusieurs degrés,
plusieurs périodes. J'ai fait déjà pressentir l'importance que
présentent, autant pour l'utilité de chaque pays que pour la
connaissance complète du globe en général, la
détermination exacte du relief du sol et l'inscription, sur les
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Considérations sur l'objet

cartes, des mesures de hauteurs : c'est là proprement l'


hypsologie , que je considère comme une nouvelle branche
de la science, ou même pour ainsi dire comme constituant
une science à elle seule. C'est par elle que l'on possède une
foule de données d'économie publique, agricole,
industrielle. C'est par elle en effet qu'on déterminera les
bassins, leurs pentes générales et celles de leurs affluens,
les points arrosés, ou ceux qui peuvent l'être en mettant
plusieurs bassins en communication. Quelle source de
résultats utiles pour le commerce, pour le tracé des routes et
des canaux ! Quel moyen d'étude pour l'administration ,
l'ingénieur et le législateur lui−même ! N'est−il pas évident
que cette connaissance des hauteurs absolues et relatives est
plus importante que celle de la distance à l'équateur ou au
premier méridien : ce à quoi cependant se réduisent presque
les cartes actuelles, puisque les moyens usités pour
l'expression du sol sont de leur nature si bornés et si
imparfaits. L'art d' exprimer ce même relief sur les cartes
par des procédés plus ou moins rigoureux, plus ou moins
fidèles, c'est ce qui constitue l'hypsographie . Plusieurs
systèmes divisent à cet égard les géographes et les
géomètres, celui des tranches horizontales, celui des lignes
graduées pour la force et la distance, celui des lignes de
plus grande pente, etc. ; mais il est très difficile, sinon
impossible de fixer un diapason commun, et surtout
applicable à des échelles différentes. Dans cette divergence
qui est un effet naturel des limites imposées à la nature des
représentations graphiques, on sent l'avantage, ou plutôt la
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Considérations sur l'objet

nécessité d'avoir un certain nombre de cartes en relief qui


offrent à l'oeil des résultats rigoureusement exacts, et à
l'esprit des idées parfaitement nettes. Personne n' a mieux
réussi en ce genre qu'un géographe prussien, qui récemment,
et en s'aidant de la magie de la couleur, a exécuté de cette
manière les cartes de l'Europe et des autres parties du
monde, les cartes générales de l'Allemagne et de la France,
les cartes particulières du Harz et du Mont−Blanc, etc., etc.

Il y a longtemps qu'on représente en relief des plans de


villes, de fortifications et de ports de mer ; mais on n'avait
pas fait encore en relief de la géographie proprement dite, si
ce n'est peut−être les cartes marines en relief de M Lartigue,
qui sont antérieures. L'exécution des cartes de Berlin ne
laisse rien à désirer pour la beauté et la précision. Celle de l'
Allemagne, surtout, est remarquable par la manière dont l'
artiste a rendu les mouvemens les plus légers des terrains,
comme le relief des Alpes et des autres chaînes de
montagnes. Ces sortes de cartes sont précieuses pour
l'enseignement : mais elles présentent encore beaucoup
d'autres applications non moins utiles. Il suffirait d'un
certain nombre de ces pièces bien choisies pour apprendre la
configuration physique des divers systèmes de montagnes.
Telle contrée insulaire, et même telle île peu étendue peut
donner une idée juste d'un continent tout entier. Il serait
inutile et d' ailleurs impraticable d'avoir de semblables
cartes−relief pour toutes les parties du globe ; mais ce mode
de représentation, combiné avec le procédé ordinaire,
20
Considérations sur l'objet

donnerait des notions parfaitement justes. Quelques


exemples bien choisis serviraient de specimen pour juger de
la forme précise du sol sur les cartes ordinaires, d'après la
seule indication des chiffres hypsométriques. Il suffit d'avoir
vu quelque ouvrage parfait en ce genre pour en reconnaître
l'utilité, pour être frappé des avantages que réunit ce mode
de représentation, et désirer qu'il se propage partout. Je puis
citer, entre les reliefs que l' administration du comté de
Mayo, en Irlande, a fait exécuter à l'occasion de la belle
carte de ce comté, celui de l'île Clare à l'échelle de (..).

Tout est déterminé rigoureusement, la hauteur de chaque


point important ayant été mesurée. Comme aucun détail
quelconque, étranger à la forme du sol, ne distrait l'attention
de l' observateur, il y suit de l'oeil avec une facilité extrême
les mouvemens variés et infinis du terrain et presque tous les
accidens du sol. Les lignes de partage y sont figurées de la
manière la plus claire. Parmi les personnes versées dans la
géographie scientifique, et qui ont vu dans le département de
géographie, à la bibliothèque royale, le relief de l'île Clare, il
n'en est aucune qui ne soit frappée de son utilité et de la
beauté d'exécution. Les juges compétens, c'est−à−dire, ceux
qui y joignent la connaissance des sciences mathématiques
et naturelles aux notions communes de la géographie en ont
jugé de même. C'est surtout aux ingénieurs et aux artistes
chargés de dessiner et de graver les cartes, que ces sortes
d'ouvrages apporteront le plus d'avantages. Sur des cartes de
cette espèce, le géologue, l'ingénieur, le militaire,
21
Considérations sur l'objet

l'administrateur pourraient lire des résultats importans. Il


n'est pas jusqu'au naturaliste et à l'homme qui s'occupe de
l'agriculture en grand, qui ne pussent y trouver des
renseignemens utiles. Enfin l'homme politique qui veut se
former une idée parfaitement sûre de ce qu'on appelle
limites naturelles, doit consulter des cartes en relief de cette
espèce, et il évitera les graves erreurs, ou de singuliers
quiproquos auxquels il est exposé, en fixant ces limites sur
les cartes gravées ordinaires. Dans ces cartes, trop souvent
les bassins sont confondus, le cours des rivières interverti,
et les obstacles naturels déplacés ; presque toujours les
hauteurs y sont exagérées dans la seule vue d'offrir à l' oeil
des contrastes agréables, de ménager des oppositions, de
symétriser les effets, ou de balancer les teintes locales dans
les diverses parties d'une carte / comme ferait le peintre
dans une composition pittoresque /, et sans égard pour la
réalité : oubliant ainsi la vraie destination des cartes ,
c'est−à−dire de servir à l'utilité pratique, et d'être une
collection de faits et d'observations positives, soumis au
nombre et à la mesure, assujétis aux lois de la science plutôt
qu'aux règles du goût, où rien enfin ne doit, ne devrait du
moins être arbitraire . On se demande toujours comment,
tant de bons esprits, parmi les géomètres, s'étant occupés de
géographie et de cartes, ces principes ne sont pas fixés
depuis long−temps, et comment il se fait, encore
aujourd'hui, que certains fabricateurs de cartes ont encore
pour ainsi dire, carte blanche , pour distribuer
capricieusement sur le papier, les élévations et même les
22
Considérations sur l'objet

chaînes de montagnes, sans sollicitude aucune pour ce qui


pourra en advenir. Cependant les conséquences de cet abus
sont−elles d'une si médiocre importance qu'on puisse les
négliger ? Par exemple, si le chef d'une expédition, avec de
telles cartes à la main, vient à rencontrer des obstacles
naturels, un jour ou deux plus tôt qu'il ne devait s'y
attendre ; et s'il découvre des montagnes autrement
dirigées, d'une élévation et d'une forme toutes différentes,
des défilés là où il cherchait des contreforts accessibles, une
cime escarpée là où il s'attendait à trouver des plateaux
unis ; et si l'ennemi occupe en force ces montagnes, cette
cime, ces défilés ! Qu'arrivera−t−il du corps
expéditionnaire ? Par suite du système arbitraire que
suivent librement un grand nombre de dessinateurs et
graveurs de cartes, il arrive aussi que les pentes générales
des grands bassins et les pentes particulières des bassins de
second et de troisième ordre, sont souvent inverses de la
réalité. Alors, que deviennent les troupes ou les voyageurs,
qui, sur la foi de ces pentes, cherchent les cours d'eau
résultant de leur direction ?

Ces idées sont si simples et frappantes qu'il suffit de les


énoncer, et qu'elles ne mériteraient pas d'être développées,
sans les conséquences qui découlent de si vicieuses
méthodes, et si les hommes qui s'y livrent n'avaient pas libre
carrière, par le bénéfice de la routine et par l'incurie des
maîtres de la science. En signalant ces abus, je remplis un
devoir qui n'est pas sans quelques inconvéniens personnels
23
Considérations sur l'objet

qu'il faut avoir le courage de braver ; mais je sais aussi que


nombre de personnes instruites, ou de géographes de
profession, partagent mon sentiment, et se préparent à élever
leur voix contre le scandale dont on se plaint depuis si
long−temps. L'instruction géographique peut seule y
remédier ; il faut encourager tous les bons moyens de la
propager. Quand elle sera plus répandue, il y aura plus de
juges compétens : alors le tact nécessaire pour apprécier les
productions géographiques, devenant plus commun, les
auteurs changeront de marche et réformeront leurs
méthodes.

C'est ainsi, pour me faire mieux comprendre, que la


musique acquérant plus de connaisseurs, les compositeurs
ont été contraints de donner au public des ouvrages plus
forts, plus savans et d'une imitation plus fidèle :
commençons, s'il est permis d'user d'une expression
vulgaire, commençons par faire le parterre, et nous aurons
de meilleures pièces.

Or, qu'est−ce qui peut plus et mieux contribuer à propager


les bonnes études géographiques qu'un établissement gratuit
, où les meilleurs ouvrages élémentaires, les productions les
plus savantes, les bons travaux les plus récens, seront
réunis, et tous les jours exposés au public ? Comme je le
conçois, le dépôt général géographique de France pourrait
être un jour un des dépôts littéraires et scientifiques les plus
utiles et les plus instructifs de l'Europe, et un rendez−vous
24
Considérations sur l'objet

pour les hommes de toutes les nations, qui connaissent


l'importance et les applications de la science, et qui savent à
combien de branches de l'organisation sociale se rattache la
géographie. Contester chez nous une vérité de cette
évidence, c'est abandonner l' héritage des Sanson, des De
Lisle, des D'Anville, des Gosselin et aussi de ce Malte−Brun
que la France avait adopté et qui avait compris la portée de
la science. Après les explorations savantes et les
découvertes géographiques d'un Humboldt / qu'on peut citer
quoique vivant sans faire injure à ses contemporains /,
après les sacrifices des anglais, des américains, des russes
et les nôtres mêmes, pour les progrès des découvertes sur
tous les points du globe, arrêter les développemens d'une
institution où les résultats de ces tentatives admirables, et si
honorables pour l'esprit humain, doivent être rassemblés
pour former le plus utile des enseignemens, ne serait−ce
pas, en quelque sorte, reculer à la barbarie ? Depuis vingt
ans, des cartes d'une nouvelle espèce ont été imaginées pour
l'instruction. Il fau que ces moyens nouveaux soient
communiqués au public avec libéralité, que les maîtres et
les disciples puissent les étudier librement, et tous les jours,
dans une institution gratuite, ouverte à tout le monde . Je ne
citerai qu'un seul de ces moyens ; je l'ai vu, il y a seize ans,
employé en Angleterre avec succès. De grandes toiles noires
sont couvertes de lignes blanches indélébiles, qui ne
représentent que les lignes de projection, que les linéamens
des cours de rivières, des frontières et des côtes et les
principales positions géographiques, etc., ou seulement une
25
Considérations sur l'objet

partie de ces divers tracés. Sur ce simple canevas, sans


aucuns chiffres ou noms quelconques, l'élève doit, avec le
crayon blanc, ajouter tout le reste. Ce seul énoncé fait voir
qu'on peut placer douze ou quinze enfans en cercle en face
de cette toile, et que par l' ingénieux procédé de
l'enseignement mutuel, les élèves doivent y acquérir
promptement des connaissances positives, qui ne s'
effaceront pas plus de leur mémoire, que les lignes capitales
du tableau lorsqu'on efface avec l'éponge les traits ajoutés.
Ce n'est pas le lieu d'entrer dans plus de détails sur cette
méthode féconde à laquelle on peut ajouter plus d'une idée
utile. Un autre point de vue que je ne dois pas omettre est la
nécessité de mettre les bonnes cartes, les cartes exactes, à la
portée du public. On se récrie avec raison sur leur trop
grande cherté ; on devrait en effet pouvoir acheter les cartes
à très bas prix, parce qu'elles se détruisent promptement ; et
au contraire elles sont infiniment trop chères.

Ainsi il faut répandre beaucoup de bonnes cartes, et il faut


qu' on puisse en avoir huit ou dix pour le prix qu'on met
aujourd' hui à une seule. La lithographie doit résoudre un
jour ce problème, comme je l'ai montré dans un travail
spécial sur ce sujet ; question qui a attiré, d'un côté, le
concours des amis des sciences ; de l'autre, la vive
opposition de personnes intéressées. Cette application de la
lithographie est en effet une des plus utiles possibles, et j'ai
dû engager une illustre association de bien public / la société
d'encouragement pour l'industrie nationale / à offrir des prix
26
Considérations sur l'objet

pour cette amélioration urgente. On doit donc I encourager


les productions géo−lithographiques ; 2 réunir dans un lieu
public celles qui sont les plus parfaites et les moins
dispendieuses à la fois, afin de montrer comment on peut
faciliter l'étude, et de fournir aux familles et aux maîtres une
multitude de bons modèles, accessibles à toutes les fortunes.
Les cartes exécutées au moyen de la typographie méritent
aussi d'être encouragées. Enfin, toutes les cartes et les
modèles destinés à répandre une bonne et solide instruction
géographique, il faudra les rassembler dans le nouvel
établissement : c'est ainsi qu'on échappera au double
monopole dont les productions géographiques sont l'objet
depuis trop long−temps. Ce ne serait pas assez de tous ces
services que peut rendre le dépôt spécial de géographie ; son
existence seule doit encore provoquer plus d'une
amélioration.

On commence à apercevoir le berceau et même les progrès


d'une branche importante de la géographie, divisée
elle−même en autant de parties qu'il y a de règnes naturels.
Ces trois branches succèdent à la géographie pure , celle des
formes du sol, telles que les représentent, par exemple, les
reliefs du comté de Mayo cités plus haut : c'est−à −dire
proprement l'hypsographie , ou l'état des continens sortis du
sein des eaux, sans aucune trace de végétation ou de vie
animale, encore moins de lieux d'habitation humaine. I le sol
observé à la surface ou dans ses profondeurs, présentant les
diverses roches dont il est composé, et les espèces minérales
27
Considérations sur l'objet

qu' il renferme : différentes, analogues ou pareilles sur les


divers points du globe, dans de certains rapports avec la
configuration du sol et son élévation : de là la géographie
minéralogique et une espèce particulière de cartes, les cartes
minéralogiques . 2 le sol se couvrant de végétaux ; alors que
les montagnes et les vallées présentent à l'observateur les
plantes, les productions végétales de toute espèce, variant,
selon les localités, avec la position du lieu, son exposition,
sa hauteur absolue : de là, la géographie botanique et les
cartes phytologiques . 3 le sol avec les animaux de tout
genre, vivant sur le sol, ou dans les airs, ou dans la
profondeur es mers, appartenant aux différentes régions du
globe, et aux différentes élévations des lieux : de là, la
géographie zoologique . Or, il n'est aucune de ces trois
branches qui ne fournisse déjà des cartes générales ou
spéciales.

Il est du devoir du géographe instruit de les rechercher, de


les rassembler, de les comparer, de provoquer enfin la
composition de cartes semblables ; on fournira ainsi une
source abondante de lumières à l'étude et aux recherches des
hommes spéciaux. Ces cartes, on le voit, n'ont rien de
commun avec les cartes ordinaires ; elles ne supposent pas
l'existence de l'homme et des sociétés civiles, ni les
divisions politiques. C'est une partie entièrement distincte de
la science, car elle diffère même de la géographie physique
proprement dite, qui ne subordonne pas aux localités la
description des phénomènes généraux. Elle a pour objet tout
28
Considérations sur l'objet

particulier de montrer les rapports des êtres et des


productions, avec la position absolue du lieu, rapporté aux
trois coordonnées. Le savant établit ces rapports par une
étude approfondie, il en dévoile et en expose les lois, il
montre que les espèces sont, pour ainsi dire, fonction de
cette position absolue combinée avec l'exposition. Un jour
les cartes où tous ces résultats seront réunis, et classées
selon une méthode savante, formeront l'ensemble du tableau
de la science dont je parle, et à laquelle M De Humboldt, à
la tête de savans illustres, a fait faire les plus grands pas. On
aperçoit maintenant la différence entre cette branche et la
géographie physique. Celle−ci fait connaître les climats, les
courans, les marées, les phénomènes volcaniques, les
variations magnétiques, la direction des vents régnans,
l'hydrographie maritime et continentale, les parallèles entre
les fleuves et entre les montagnes, tant hypothalassiennes
que continentales, les différences des observations du
pendule, les anomalies, les observations isothermiques,
magnétiques, etc. Ces phénomènes ne sont pas enchaînés à
des lois générales, tandis que l'habitation des êtres est
soumise à de certaines conditions locales, qui ont été
définies plus haut. Ils sont toutefois chacun le sujet d'une
espèce particulière de cartes, ou ils le seront par la suite.

Ajoutons encore une autre espèce de cartes utiles, les


cartes industrielles . Je n'entends pas par−là des cartes où
l'on noterait les divers objets manufacturés dans un pays ou
dans une province, mais celles qui sont consacrées à une
29
Considérations sur l'objet

seule espèce d' industrie ; ainsi, par exemple, une carte de


France où l'on marque tous les lieux consacrés au travail du
fer ; d'autres où sont notés uniquement les points où se
trouvent les fabriques d' étoffes, ou les filatures, ou les
divers produits chimiques, ou les exploitations des mines et
des houillières, les cartes de la navigation intérieure, etc.,
etc. C'est ainsi qu'à mesure qu' une science s'étend et que ses
productions se multiplient, le secours de l'analyse devient
nécessaire pour reconnaître l'objet propre de chacune d'elles
et le bien déterminer. Aidée du secours de cet instrument, la
science, à son tour, en profite et s'en agrandit encore. Voilà
comment la réunion de toutes les cartes dont je viens de
parler doit tendre à en augmenter le nombre, et par
conséquent à reculer les limites de cette partie importante de
la science. Telles sont les branches qui composeront un jour,
et quand il aura tous les encouragemens et les ressources
nécessaires, le département de géographie de notre grande
bibliothèque. Elles se rattachent à trois principales : cartes
proprement dites, cartes hypsographiques, ethnographie /
sans parler des globes et des planisphères /. L'ensemble
peut former un jour une sorte de musée de la géographie et
des voyages, où d' immenses sources d'instruction seraient
prodiguées libéralement.

Bientôt, je l'espère, il n'y aura pas un ami des sciences, un


savant impartial, un français jaloux de l'honneur ou de l'
intérêt national, un sincère partisan de la civilisation et de l'
instruction, qui n'applaudisse franchement à l'institution, ou
30
Considérations sur l'objet

ne coopère à son succès. Mais il faut d'abord se dégager de


vues étroites et routinières, qui malheureusement existent
encore à l' égard de la géographie, et aussi des vues
individuelles et des idées mesquines de personnalité. Il faut
encore oublier un moment le dommage que des individus
peuvent craindre de l' institution du musée géographique.
Peut−être quelques intérets en seront froissés
momentanément : mais qu'ils se rassurent ; le goût de la
géographie plus répandu en fera rechercher davantage les
productions, et donnera de la vie au commerce des cartes.

Alors cesseront des attaques intéressées, qui ne peuvent


prévaloir contre l'intérêt général, contre le bon sens du
public . Ce public s'étonne de ce que la formation d'un dépôt
également utile aux sciences et aux affaires, puisse être l'
objet d'une plainte : mais sans doute le jour approche où
personne ne s'opposera à ce que la France possède une
collection géographique complète, et au niveau des
découvertes, des travaux les plus récens de l'Europe
savante ; à ce que Paris ne reste pas au−dessous de Londres,
Goettingue, Berlin, Vienne, Pétersbourg ou Weimar ; le
commerce, la politique et la science réclament également un
établissement spécial, digne de l'époque présente et des
progrès immenses de la civilisation. On ne prétextera plus
enfin le peu d'empressement du public d' autrefois à
consulter les cartes de nos bibliothèques, pour refuser
d'enrichir en ce genre les collections nationales ; et en même
temps le peu de richesses de ces collections, pour empêcher
31
Considérations sur l'objet

qu'on vienne y puiser des notions utiles : cercle vicieux qui


aboutirait à empêcher l' accroissement de la science, et
même de toute science, et le développement d'une institution
devenue, plus que jamais, indispensable à l'extension des
relations scientifiques et commerciales de toute espèce,
entre la France et les nations étrangères. D'un autre côté,
dans l'état actuel des communications de peuple à peuple, il
est temps que la France prenne le rang qui lui appartient,
qu'elle fournisse à la carrière des découvertes un plus grand
nombre d'explorateurs, et surtout de voyageurs habiles et
instruits, en état de rivaliser, de lutter avantageusement avec
les missionnaires de la science et de la civilisation,
qu'envoient partout les anglais et les états−Unis d'Amérique.
Ce qu'il faut surtout, c'est qu'on prépare les voies sans retard
pour que la France profite à son tour de l'extension toujours
croissante des nouveaux rapports entre les peuples. Naguère
on a vu un voyageur anglais faire hommage à la France de
ses projets d'expéditions dans les mers de l'Inde et de la
Chine, et dans le grand océan. Cet homme distingué,
entièrement étranger aux vues étroites de nationalité, a
manifesté une haute satisfaction en voyant se former dans la
capitale une grande collection géographique, et comme
foyer d' instruction, et comme centre de correspondance.
Que d'étrangers on pourrait citer à cette occasion, espagnols,
allemands, italiens, etc., qui sont venus visiter le nouvel
établissement depuis quinze mois qu'il est ouvert, et, tous,
ont rendu hommage à son utilité. Au reste, les riches présens
de cartes géographiques que la bibliothèque royale a reçus
32
Considérations sur l'objet

de la Grande−Bretagne, depuis un an et demi, prouvent


mieux que tout ce qu'on pourrait dire l'opinion que se
forment les étrangers de cette institution naissante. Il est
honorable à la France d'avoir excité cet intérêt sympathique
chez une nation telle que l'Angleterre. L'établissement
nouveau n'est pas proprement une création : c'est la
réalisation d'une ancienne pensée dont les troubles publics
avaient suspendu l'essor. Au temps de la révolution, le
ministère de l'intérieur ordonna la formation d'une grande
collection géographique ; Mm Desmarest, Gossellin et
BarbiéDu−Bocage furent placés à la tête. Cette collection
était déjà riche quand les événemens ont amené sa
dispersion. Voilà comme le défaut de suite et de
persévérance anéantit, dans le germe, de bonnes
institutions ; qu'un jeune plant soit abandonné à luimême,
les vents l'agiteront, et ses racines, toujours ébranlées, ne
pourront tirer de la terre un suc nourricier ; mais soutenez−le
par un tuteur, et il croîtra promptement, et il rapportera des
fruits prochains. Pour des établissemens d'utilité générale, c'
est le gouvernement qui doit être ce tuteur toujours résistant
et persévérant. La collection de Desmarest aurait dû, dans le
temps , être recueillie avec soin et déposée à la grande
bibliothèque, confiée enfin à la garde d'un administrateur
responsable ; mais il n'en a rien été, parce qu'une personne
spéciale y manquait.

Plus tard, M Barbié−Du−Bocage fut placé à cette même


bibliothèque, pour mettre en ordre les cartes géographiques
33
Considérations sur l'objet

existantes. Différentes circonstances l'ont fait renoncer à


cette occupation, plus utile que brillante, et qui exige plus de
dévouement qu'elle ne peut offrir d'avantages. Aujourd'hui
que tant de découvertes et de travaux géographiques faits
par les anglais et d'autres nations ont malheureusement
éclipsé, ou fait un peu pâlir la gloire de nos voyageurs et de
nos géographes, l' opinion secondera sans doute une
institution qui peut concourir à nous replacer au premier
rang ; ou je me trompe, ou c'est là une entreprise patriotique
et nationale, par ses rapports avec la prospérité du
commerce français, par son influence future sur nos
relations avec toutes les parties du globe. Mais cette
entreprise ne peut avoir ses fruits qu'en recevant l'extension
dont elle est susceptible, et qui entre dans le plan que je
viens d'exposer. Si les dépôts de la guerre et celui de la
marine rendent des services journaliers aux officiers des
armées de terre et de mer, ne doit−on pas désirer que les
intérêts du commerce et les besoins de la science et de la
civilisation soient aussi, sous ce rapport, l'objet de l'
attention de l'autorité ? D'ailleurs les dépôts dont je viens de
parler ne sont point ouverts au public ; il en est de même de
celui des affaires étrangères, formé pour le besoin de la
diplomatie. Il manquait donc essentiellement une institution
libérale et gratuite, à l'usage de tout le monde, et non
spécialisée à tel genre de productions géographiques, ou
bien affectée uniquement à telle espèce de service et
d'individus.

34
Considérations sur l'objet

Enfin, puisque les ministères de la marine et de la guerre,


et même celui des finances, ont chacun une collection
géographique, ne serait−il pas bien extraordinaire que le
département de l' intérieur en fût le seul privé, et qu'on n'en
trouvât pas une, aussi riche que possible, à la bibliothèque
royale, dans le plus grand dépôt littéraire et scientifique de
la France, naguère le premier de l'Europe entière ? C'était là
sans doute une lacune grave, et qu'il eût fallu remplir depuis
long−temps. Si elle n' eût pas existé, on n'eût pas perdu, au
temps de la révolution, la grande collection géographique de
Louis Xvi, et celles de la reine et de madame élisabeth, et
celle de M De Châtellux, etc ., dont il ne reste aujourd'hui
que le souvenir, avec quelques étiquettes ou bulletins de la
main de feu Barbié−Du−Bocage : notes que le conservateur
actuel a trouvées seules, en place des cartes géographiques.
On eût recueilli les débris de la riche collection de
Saint−Germain−Des−Prés, que l'incendie n'a pas dévorée
entièrement ; on eût conservé la collection de Desmarest,
dont j'ai parlé ; et enfin, de nos jours, les collections de M
De Mortemart, de M De Lauriston, et d' autres, n'auraient
pas été emportées en Russie, ou vendues à vil prix et
dispersées. Il suffisait pour cela qu'un homme spécial et
responsable, un administrateur vigilant, fortement intéressé
à conserver, à maintenir complète, et à enrichir de plus en
plus une grande collection nationale, eût eu la charge de
veiller sur les mutations, et sur les conséquences des
événemens de ce genre ; circonstances qui sans doute ne se
renouvelleront plus, à moins que l'administration ne laisse le
35
Considérations sur l'objet

nouvel établissement sans moyens et sans force. Cette


nécessité de former une telle collection était dans la pensée
constante du chef du gouvernement impérial.

Il appréciait parfaitement tous les rapports des sciences


géographiques avec les besoins et la force des états ; il
voulait donner à ces sciences de l'encouragement, et surtout
répandre l' instruction ; I 5 oooo francs devaient être
consacrés aux acquisitions de la bibliothèque impériale en
ce genre, I 2 ooofr ensuite pour chaque année ; enfin
plusieurs chaires de géographie étaient fondées par lui au
collége de France. Quelque incomplète que fût la collection,
encore limitée en I 829 à quarante−cinq mille pièces
environ, sans parler de la topographie, elle réclamait déjà de
l'attention et un travail tout spécial.

Personne n'ignore qu'il manque des employés dans


plusieurs départemens de la bibliothèque royale pour le
service urgent de tous les jours, et en outre, pour
l'inscription des articles et la rédaction des catalogues. D'un
autre côté, il n'est personne qui ne sente aisément la
difficulté matérielle que présente cette même opération, bien
plus longue, plus ingrate et plus minutieuse pour le
dépouillement des cartes géographiques : tellement qu'il
serait superflu d'entrer, à cet égard, dans aucun détail. Il était
donc physiquement impossible que les chefs ou les autres
employés des départemens, chargés tous les jours de
répondre et de satisfaire aux demandes de plus de cent à
36
Considérations sur l'objet

cent cinquante personnes, s'occupassent du classement et du


catalogue de toutes les pièces de géographie, et les missent
par−là en état de servir aux besoins du public. C' est
pourquoi ces pièces n'avaient pu être, jusqu'à présent, ni
classées, ni cataloguées, ni estampillées, ni même comptées
et inscrites sur des listes ou des bulletins : partant, pas de
moyen de contrôle. Comment eût−on pu découvrir et fournir
aux travailleurs, à moins de recherches d'une longueur
extrême, telle carte donnée, sans négliger le service plus
impérieux des livres imprimés ? Comment s'assurer aussi de
l'existence de telle pièce rare et précieuse dans les
portefeuilles ? Le public laborieux ne pouvait donc être
satisfait pour les demandes de cartes géographiques :
comment aurait−il afflué à la bibliothèque pour les
consulter ? Ainsi, sous les trois points de vue qui intéressent
le plus directement un dépôt littéraire ouvert à tout le
monde, la conservation, l'amélioration et le service public ,
presque tout restait à faire. Dira−t−on qu'il n'y avait pas de
remède à apporter à cet état de choses ? Et parce qu'un siècle
s'était écoulé ainsi, fallait−il continuer encore pendant un
autre siècle ? Et cela, pendant que les sciences
géographiques marchent, et prennent un si grand
accroissement ! Pendant que leurs productions se multiplient
d' une manière presque prodigieuse, que les découvertes
annuelles en augmentent journellement la masse, et profitent
de plus en plus aux relations commerciales ; enfin, quand on
voit avec douleur le sceptre de la science passé de la France
à l'étranger ! Ce malheur tire sa source première du défaut
37
Considérations sur l'objet

d'un grand centre d' instruction, de l'imperfection des


méthodes et du manque des moyens pratiques pour l'étude,
lesquels sont principalement les bonnes cartes
géographiques, assujéties à une bonne classification
méthodique. Ne serait−ce pas avoir peu de souci de
l'honneur national, que de ne pas seconder l'institution qui
doit y remédier, et dont l'objet est de servir sous plusieurs
rapports les intérêts français ? C'est aussi ce qui me l'a fait
considérer comme éminemment patriotique par son but et sa
fin : un tel motif pouvait engager un ami de son pays à en
accepter la direction, quelque ingrate et difficile qu'elle pût
être. Dans sa situation actuelle, cet établissement naissant
présente déjà des résultats qui ne sont pas indignes de
l'attention publique, ce que confirme l'assiduité des
travailleurs et des étrangers qui viennent chaque jour le
consulter ; et cependant le local provisoire qu'on lui a
consacré est peu commode, et son entrée trop éloignée de
l'entrée principale ; disposition vicieuse, mais qu'il est facile
de corriger. L' établissement doit se composer, d'après
l'ordonnance de création en date du 3 omarsi 828, de deux
parties principales : I les cartes géographiques et plans,
déposés à la bibliothèque depuis l'origine ; 2 le dépôt des
voyages scientifiques ordonnés par le ministère de
l'intérieur, notamment celui des français en égypte en I 798 /
c'est−à−dire le grand ouvrage publié par ordre du
gouvernement : planches, imprimés, manuscrits et dessins
originaux du voyage, et les objets qui se rapportent à
l'ethnographie /. Le local qui est maintenant en construction
38
Considérations sur l'objet

permettra à l'administration de placer convenablement ces


divers objets, et au public, d'en faire un usage commode.
Les portefeuilles de cartes géographiques provenant des
collections de Saint−Victor, de Saint−Germain et d'autres
sources anciennes, renferment environ vingt−cinq mille
pièces, à quoi il faut joindre deux cents atlas ou volumes de
cartes, à peu près quinze mille pièces ou feuilles ; plus,
environ trois mille cartes détachées provenant, entre autres,
du dépôt légal ; collection malheureusement très incomplète,
si l'on remonte à l' année I 8 ii, époque où le dépôt légal est
devenu obligatoire. Voilà ce qui compose l'ancien fond ,
déposé jusqu'à ce jour au département de géographie. Ce
rangement par porte−feuille est vicieux. L'expérience
journalière a fait voir les inconvéniens graves attachés à
cette disposition, savoir, de détruire les cartes, et d'en rendre
la recherche difficile. En cartes anciennes ou rares, la
collection de la bibliothèque royale est assez riche : c'est ce
dont m'a convaincu la lecture de plusieurs catalogues
géographiques, et notamment du catalogue des cartes
léguées au British Museum par le feu roi d'Angleterre, et qui
avaient appartenu à son père Georges Iii ; cette dernière
suite est fort belle, mais il y manque beaucoup de cartes
curieuses que nous possédons ici. Je n'en citerai qu'un très
petit nombre entre les cartes vénitiennes et romaines du
seizième siècle : ... etc. Il en existe beaucoup d'autres plus
rares, pour l'Espagne et d' autres contrées. Je citerai aussi
une carte de Transylvanie, Hongrie, Moldavie, etc., faite
d'après un dessin trouvé au palais de Gabor Bethlem, roi de
39
Considérations sur l'objet

Transylvanie, montrant la marche de Soliman en I 52 o,


celle des tartares en I 595, la défaite de Ladislas Iv, en I 444,
etc. La suite des anciennes cartes sur la France est très
étendue dans la collection royale, et digne d'attention. En
voici plusieurs, parmi les plus anciennes cartes, gravées sur
bois, ou sur étain, ou sur cuivre : une carte de Hamon
Blaesien , peinte pour Charles Ix, et de l'année I 568,
véritable miniature et chef−d'oeuvre de travail et de finesse ;
la France , carte allemande, par Stumpf , sur bois, I 548,
ayant le sud en haut ; la Franza , I 553, Venise ; le
boulonnais , etc., grande carte française, très curieuse, par
A Nicolaï du Dauphiné, en six feuilles, I 558 / avec le
privilége de I 555 /, et montrant la tour d'ordre , avec
beaucoup de détails ; la haute et basse Picardie / sur bois /,
d'Olivier Teuchet, peut être de I 5 6 o, allant jusqu'à Nancy
et Sens, d'un très beau travail / ces deux pièces, le
Boulonnais et la Picardie, sont extrêmement rares / ; la carte
de la France, par F La Guillotière, en neuf feuilles, sur bois,
I 632, ouvrage très rare ; les deux cartes de France, de J
Jolivet, l'une sur bois, faite par commandement de Charles
Ix, de I 57 o ; l'autre sur métal, de I 589 ; la France, en neuf
feuilles, de Cornelius De Judoeis , I 592 ; la carte générale
de N Berey, d'après La Guillotière, neuf feuilles, I 645, etc.,
etc. Une des pièces les plus remarquables, malheureusement
un peu gâtée par la poussière et le frottement, est une grande
carte d'Amérique, manuscrite, de l'an I 6 o 4. La dimension
est de neuf pieds (..) sur huit pieds ; elle porte le titre
suivant : ... etc. ; elle s'étend du cinquante−eptième degré
40
Considérations sur l'objet

sud au soixantième degré nord ; ses détails sont curieux à


étudier pour l'histoire de la science. Le nom de l'auteur est
écrit en or dans un cartouche, comme il suit / au−dessous
des échelles / : ... etc. Toutes les montagnes sont peintes en
or ; l'écriture est fort belle et paraît espagnole. Les climats
sont marqués sur les côtés auprès des latitudes. Cet ouvrage
est exécuté avec un très grand soin ; on ignore comme il a
été apporté à la bibliothèque, s'il a été envoyé en présent, ou
s'il provient d' une prise, comme la magnifique carte
manuscrite d'Irlande, par Petty, en deux grands volumes
atlantiques, déposée en ce moment au département des
manuscrits. Depuis quinze à seize mois que la collection est
ouverte au public, trois sources sont venues l' enrichir : le
dépôt légal, les acquisitions, les dons gratuits , c'est ce qui
compose le fond nouveau. Le dépôt, ordonné par la loi, des
deux exemplaires à fournir à la bibliothèque royale, s'étend
aux départemens ; mais l'envoi ou le dépôt des pièces n'est
pas fait avec exactitude ; et, à Paris même, plusieurs éditeurs
savent se soustraire à cette obligation. Les acquisitions se
sont bornées à une faible somme, attendu l'exiguité des
fonds dont on peut disposer : cependant elles comptent deux
mille six cents pièces, parmi lesquelles on citera seulement :
I une carte manuscrite, en seize grandes feuilles, de tout le
pays compris entre Samarcand et Pékin, d'après les auteurs
chinois ; 2 plusieurs cartes chinoises dont les légendes
paraissent être de la main du père de Mailla ; 3 l'original de
la grande carte de Coromandel, par d'Anville ; 4 les grandes
cartes originales manuscrites du voyage du général Collot
41
Considérations sur l'objet

aux états−Unis en I 796 ; 5 les grandes cartes récentes


anglaises de l'Asie et de l'Inde ; 6 un exemplaire des cartes
de Ptolémée, sur vélin, de I 49 o ; 7 le grand atlas de
l'Europe, de Vandermaelen, qui doit avoir cent soixante−six
feuilles environ ; 8 la collection de l' Espagne de Lopez, et
le grand atlas maritime, par Tofino ; 9 un d'Anville, presque
complet, plus son atlas de la Chine et de la Tartarie, Io le
grand plan de Paris en cent soixante feuilles ; les cartes
récentes de la Prusse, etc., etc. Citons aussi plusieurs
nouveaux produits d'une industrie étrangère, remarquables
pour le mérite de l'exécution ; je veux parler des
cartes−relief de Berlin, par M Kummer , dont nous avons
parlé précédemment, et qui offrent tant d' intérêt sous le
rapport de la géographie physique. Quant aux dons offerts à
la bibliothèque royale, et que nous nous félicitons d' avoir
provoqués par une correspondance active et par quelques
soins / en y contribuant nous−mêmes pour une partie /, le
nombre des pièces est plus considérable que celui des
acquisitions ; ce nombre s'élève à environ 37 oo : au premier
rang l'on doit placer la collection des cartes marines
anglaises en sept à huit grands volumes atlantiques et
d'autres formats, offertes en présent à la bibliothèque royale,
par l'amirauté de Londres , et la grande carte d'Angleterre,
dite de l'artillerie ou d'ordonnance , en quatre−vingt−six
feuilles du plus grand format, chef−d'oeuvre d'exécution,
offerte par le maréchal Beresford, grand−maître de
l'artillerie / on attend la carte des comtés / ; la carte du comté
de Mayo , en Irlande, en vingt−cinq feuilles, donnée par
42
Considérations sur l'objet

l'ingénieur, M William Bald, auteur de ce beau travail ; la


collection complète du dépôt de la marine de France, depuis
l'origine, donnée par le ministre de la marine ; celle du dépôt
de la guerre , en six cent quarante−une feuilles, don du
ministre de la guerre ; les beaux plans lithographiés de
Louvain, Liége, Maëstricht , donnés par M Jobard de
Bruxelles, et qui excellent par leur perfection : produits d'un
art nouveau, mais déjà digne de rivaliser avec la
calcographie ; les grandes cartes récentes de cinq des états
de l'Amérique septentrionale , publiées par ordre de ces
états, offertes par M Roux−DeRochelle, ministre
plénipotentiaire ; le portulan mexicain pour les côtes de
l'Amérique septentrionale, par le contreamiral Cortès , don
de M Cochelet, consul−général ; les fac−simile de plusieurs
cartes supposées du neuvième et du dixième siècles,
également curieuses pour l'histoire de la géographie et pour
celle des cartes géographiques, telles que la Tabula
Geographica , etc., tirée d'un manuscrit de la bibliothèque
de Turin de l'an 784, et don de M le chevalier de
Saint−Quintino, etc. Aucun de ces objets intéressans, qui
sont venus enrichir la bibliothèque à titre gratuit , ou par
voie d'acquisition, n'y serait maintenant, s'il n'y avait pas eu
un centre, un dépôt spécial pour les recevoir. Ainsi, la
collection s'est accrue d'un sixième en un ou deux ans : il est
aisé de prévoir ce qu'elle peut devenir en dix années, si le
public et l'autorité secondent sous ce rapport le zèle de l'
administration. La valeur des objets ainsi offerts en dons
gratuits représente déjà une somme assez considérable. Je
43
Considérations sur l'objet

produirai ailleurs la liste des donateurs. Il sera nécessaire


aussi de publier un jour, à l'instar du musée britannique et
sur un plan meilleur, une liste méthodique de toutes les
cartes actuellement réunies dans la collection. Ces cartes et
beaucoup d'autres sont journellement consultées par les
travailleurs ; trop souvent aussi ils demandent des pièces qui
manquent à la collection, et de fâcheuses lacunes se
découvrent tous les jours... la liste de ces desiderata serait
malheureusement un peu longue, surtout en cartes
étrangères modernes , précisément ce qui est le plus
demandé par le public. Croirait−on, par exemple, que la
bibliothèque ne possède pas les nouvelles cartes de Souabe
et d' Italie, publiées à Stuttgard et à Milan ? On n'a pas
même la grande carte de Bavière , faite il y a vingt−huit ans
sous les auspices de la France, et en partie par des
ingénieurs français, au nombre desquels je m'honore d'avoir
été ! Et pourtant cette belle carte est publiée depuis longues
années !

Les cartes étrangères sont en général d'un prix élevé. Les


ressources de l'administration, malgré l'importance qu'elle
met à la collection géographique, lui permettent rarement de
les acquérir. On pourrait du moins les obtenir par échange ;
mais le temps s'écoule, on ne prend aucune mesure, et les
lacunes s'augmentent... combien peu de personnes font venir
ces cartes étrangères, non−seulement à cause de leur prix
élevé, mais encore parce que les cartes sont l'objet d'une
sorte de fraude, au dehors comme chez nous. On doit se
44
Considérations sur l'objet

défier de leur date surtout, et il faut absolument les voir, les


comparer et les juger, pour se décider à les faire venir avec
sûreté. Or, c'est en partie pour faire cesser, s'il est possible,
ce déplorable état des choses que le dépôt de géographie a
été institué. Le classement que nous avons adopté embrasse
toutes les parties de la science géographique : il repose sur
trois divisions principales ; les cartes faisant collection les
cartes consacrées à l'une des parties du monde , et les cartes
des contrées . I la première comprend les sousdivisions qui
suivent : atlas généraux du globe, atlas statistiques et
historiques, cartes des voyages et cartes itinéraires,
catalogues et dictionnaires géographiques, géodésie et
triangulation, géographie comparée, géographie physique,
géographie sacrée, hydrographie maritime, hydrographie
continentale / ou rivières, canaux, lacs, etc. /, hypsométrie et
hypsographie, mappemondes, tableaux géographiques et
tableaux des distances itinéraires, tableaux statistiques,
théâtres des guerres et expéditions militaires, uranographie
et cosmographie.

/ l'ordre de ces articles n'est qu'un classement alphabétique


pour la facilité des recherches. / outre ces seize branches, on
se propose d'établir, par la suite, des sections pour les
suivantes : la géographie des productions du globe, les
cartes d' économie politique, les cartes frontières, les cartes
des chaînes de montagnes ou orographiques, enfin les
anciens monumens de la géographie , ce qui comprend les
cartes faites chez les anciens peuples de l'Occident et de
45
Considérations sur l'objet

l'Orient, et les cartes du moyen−âge, ou cartes européennes,


jusques vers I 6 oo. Ii la seconde division, n'a que six
branches principales. Iii la troisième se partagera en
chorographie, topographie et plans de villes. Il y a en outre,
pour les articles du fond nouveau , le classement par ordre
d'entrée, subordonné, dans le catalogue par bulletins , au
double ordre alphabétique par noms d' auteurs et par noms
de contrées. En général, chaque bulletin ou étiquette doit
être double, l'un par nom d'auteur , l'autre par nom de pays .
Chacun contient les indications suivantes : en tête, le nom
du lieu ou de l'auteur, le premier toujours écrit en rouge ;
aux quatre angles le numéro d'ordre, le format, le nombre
des feuilles et l'année. Après le nom de l'auteur et celui du
pays / ou de la collection , ou bien de la partie du monde /,
vient le titre exact de la pièce, puis le lieu et l'année de la
publication, le genre d'exécution de la carte / c'est−à−dire,
manuscrite, ou gravée, ou lithographiée , coloriée,
typographiée, etc. /, enfin le nombre d'exemplaires.

L'ordre alphabétique des auteurs et celui des lieux servent


de base constante pour l'arrangement. Dans le classement
par nom d'auteur, l'ordre alphabétique des noms de lieu est
en second, et celui des dates en troisième. Dans le
classement par collections, parties du monde ou contrées,
l'ordre du nom d' auteur vient en second, et ensuite celui des
dates. De cette manière, et lorsque le classement sera
terminé, il sera presque impossible qu'une carte
géographique quelconque échappe aux recherches, même
46
Considérations sur l'objet

pour celles dont les auteurs sont ignorés.

Aujourd'hui, le classement est achevé pour tout ce qui


appartient au fond nouveau . Les listes et bulletins sont à
jour . L'estampille est apposée sur la totalité des cartes et
atlas des deux fonds déposés jusqu'à présent. Le classement
et l'inscription des pièces composant l'ancien fond
continuent ; ils s'appliquent à une multitude de pièces
isolées, de formats différens, mélangés ou confondus depuis
longues années. Toute personne au fait de l'histoire des
cartes géographiques sait, ainsi qu'on l'a déjà observé, que
les noms, titres, dates et autres indications sont plus longs à
découvrir sur les cartes anciennes, et même sur les cartes de
toute espèce, que sur un livre, sans parler du maniement qui
est plus long et plus pénible ; cependant ce travail d'un
inventaire exact et complet est indispensable et même
urgent. Parmi les moyens qui se présentent pour faire
prospérer l'institution et la porter au degré d'utilité dont elle
est susceptible, c'est un devoir de choisir les voies les plus
économiques ; or, avant tout, il en est deux qui remplissent
cette condition, et que l'expérience a consacrées ; provoquer
des donations, et faire des échanges. I la publication des
noms des donateurs , l'honneur d'avoir concouru au succès
d'un établissement national, détermineront probablement
plus d'une personne à déposer à la grande bibliothèque des
collections ou des pièces rares qui perdent une grande
partie de leur prix pour être isolées, qui se dispersent ou
périssent lors des mutations, lorsqu'elles ne vont pas
47
Considérations sur l'objet

s'enfouir à l'étranger. 2 les échanges peuvent avoir lieu avec


les bibliothèques étrangères au moyen I des doubles de la
bibliothèque en cartes géographiques, et des exemplaires de
la description de l' égypte et du grand atlas topographique
de cette contrée, ouvrages dont le fond est déposé au
département de géographie ; 2 du produit de la vente de ces
mêmes exemplaires.

3 on peut encore solliciter par l'intermédiaire des ministres


de France à l'étranger la communication des meilleures
cartes récentes, et celle des anciennes cartes, précieuses pour
l' histoire de la science ; dans plusieurs mémoires produits
devant l'administration, nous avons donné les indications de
cette espèce... 4 plusieurs dépôts de différentes espèces, et
appartenant au gouvernement, à Paris et ailleurs, renferment
des cartes géographiques inutiles à ces dépôts, et qui ne
servent point non plus au public. Une mesure générale prise
dans un intérêt bien entendu peut réunir ces cartes à la
collection générale, ainsi que les plans−reliefs, les globes et
planisphères , j'entends ceux qui seraient inutiles aux
collections de la guerre et de la marine, etc. 5 exiger
rigoureusement le dépôt légal à Paris et dans les
départemens ; 6 faire faire la recherche des documens
géographiques et statistiques, anciennement déposés au
ministère de l'intérieur et dispersés depuis. Il en est de même
des papiers de l'institut du Caire, déposés au retour de
l'expédition d'égypte ; 7 faire profiter le nouvel
établissement des fonds qui deviendraient disponibles.
48
Considérations sur l'objet

Quant à la partie ethnographique, il existe déjà un noyau à la


bibliothèque dans le local actuel du dépôt de géographie et
dans celui du département des médailles : il ne sera pas
difficile de l'enrichir, sans frais, avec les objets épars dans la
capitale. Au reste, cette question intéressante est l'objet d'un
article séparé. / voyez l' appendice. / 8 il est à désirer qu'un
fond annuel et suffisant soit consacré à l'accroissement de la
collection, soit pour la tenir au courant des nouvelles
productions étrangères qu'on n' aurait pu obtenir par don ou
échange, soit pour remplir d' anciennes lacunes importantes.
Je ne puis, en finissant, qu' inviter les savans français,
également amis de leur pays et des sciences, à joindre leurs
voeux et leurs efforts pour la prospérité d'un établissement
vraiment national. Il sera soutenu surtout par la société de
géographie dont les généreux sacrifices ont déjà tant
contribué à mettre la science en honneur , et qui a eu la
gloire de servir de modèle aux nouvelles sociétés de Berlin
et de Londres. Quoique son objet diffère de celui du dépôt
de géographie, la fin doit être la même : c'est le progrès de la
science. Ce dépôt a pour objet principal de répandre
l'instruction géographique en recueillant avec ordre toutes
les productions de cette espèce, tandis que la société a pour
but de faire avancer les connaissances, en provoquant les
découvertes, en favorisant et encourageant les voyageurs ;
c'est pour cet objet important qu'elle a réservé ses
ressources, non pour s'occuper des moyens de
l'enseignement. Un foyer d'instruction, comme le dépôt
général de géographie, secondera donc merveilleusement l'
49
Considérations sur l'objet

institution de la société française. Jomard.

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Considérations sur l'objet

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