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L'ABBAYE DE VAULUISAN^

EN CHAMPAGNE Y

où naquit JACQUES DE NEMOURS :

L'abbaye de Vauluisant, en Senonois, à mi-chemin de


là boule qui,conduit de Sens à Troyes, était Située dans..
un vallon solitaire arrosé par un ruisseau appelé. Là^
laiiï. "

Y Elle fht fondée par St-Bernard a,Uv :XIP "siècle,; à


l'époque, où, emportée par une foi ardente et un grand
enthousiasme religieux, toute la. Chevalerie française
prenait la croix, contre les infidèles. "' r>.
.Y Les seigneurs, avant de partir, faisaient d'importan-
tes donations aux églises et- aux couvent, pour mettre
leur expédition sous la protection divine-. Aussi Vàulùi'
sant ne tarda pas à posséder des terres considéra.bles,. et
lorsque, en 1140, l'abbé de Clâirvaux, se'rendant-au
concile de Sens, séjourna à rabbaye,. il la vit avéG
allégresse grandir sous les plus heureux auspices."
Les terres, jusque là sauvages et marécageuse, furent
.

assainies et mises en culture ; les bâtiments du monas-


tère furent construits rapidement, et une belle; église
;
é'éleva, avec une nef de 70 mètres, de longueur,/ avec
transept et bas-côtes, et une hauteur bien DroportiOii-
née.« Ce.sa.nctuaire,dit Tâ.rbié,dans YAlmanàch de 41$i:i
était majestueux et avait quelque chose d'auguste et.
d'imposant- : les .piliers n'avaient pas; deux: pieds
d'épaisseur et: étaient travaillés,avec beaucoup dé; déli-
catesse. »
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Bientôt les abbés de Vauluisant devenaient- Seigneurs


de Courgenay, le bourg le plus voisin ; ils avaient à
Troyes une maison de refuge avec droit de franchise ;
et possédaient à Dijon, dans l'hôtel de Citeaux, un ap-
partement pour y loger au temps des Chapitres géné-
raux.
Mais à ces jours de prospérité allaient bientôt suc-
céder de cruelles épreuves pendant la guerre de Cent
Ans. A maintes reprises l'abbaye fut envahie, pillée et
saccagée, un silence de mort plane sur lés événements
de ce siècle tragique ; on croit même que le couvent dut
être abandonné.
Grâce à là glorieuse mission de Jeanne d'Arc, l'ordre
fut enfin rétabli en France. Peu à peu l'abbaye put- se
relever et réparer ses ruines, et lorsque, en 1444, le roi
Charles VII visita les principales villes de son royaume,
et se rendit de Sens à Troyes, il s'arrêta à Vauluisant..
« Il prit l'abbaye sous sa sauvegarde, reconnut et con-
firma tous ses droits, et permit aux moines de faire ap-
poser les bâtons royaux aux principales portes et ave-
nues des maisons, terres et autres lieux leur apparte-
nant. »
Au milieu de XVIe siècle, Vauluisant atteignit sa
plus grande splendeur, grâce à. l'activité et l'habileté
de don Aiithoihe Pierre. Cet abbé avait su attirer sur
son monastère l'attention et les faveurs du roi Fran-
çois Ier, qui s'y rendait souvent avec toute sa cour. Le
roi logeait à l'abbatiale, et sa suite dans de grands
bâtiments que/,1'abbé.: avait fait construire à cette
intention.
C'est pendant l'un de. ces séjours, que naquit à l'ab-
baye, le 12 octobre 1531, Jacques de. Savoie, fils de
Philippe de Savoie, duc de Genevois et de Nemours, et
de Charlotte d'Grléans-Longueville, cousine du roi de
France. Comme telle, elle faisait partie de la Cour, où
elle avait su attirer et retenir son époux.
Il est à présumer que cet événement surprit, et de-
vança quelque peu les prévisions, si l'on en juge-par la
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précipitation avec iaquelie le noùveaùrné fut baptisé,


contrairement aux usages du temps.
Frère Thonnelier,'dans-sa chronique, raconté ainsi le
fait, qu'il dit avoir trouvé dans un manuscrit de la bi-
bliothèque du couvent : « Du temps que le.rOy François
Ier- tenait sa cour en Geste ihaison de Vauluysant, la
duchesse deNemoùrs, y estant avec plusieurs autres
princesses, accoucha d'un:enfant iriaslè, qui fut aussi-
tôt baptisé en l'église de «éans pouf; éviter le danger
qu'if ne fut àtteint:,de: mort, Les parrains lurent le duc
-
;

de Nevers et ce bon; àbbé, et la mafrainé là comtesse de


Ponthieu. Ce qui me fait croire que ce dit .abbé estait
grandement respecté; et honoré des princes et des prin-
cesses. « -
'
-
;. •'.
Mais survint alors le concordat de 1517, qui dépossé-
.

dait les abbayes du droit d'élection, et donnait au roi


le pouvoir de nommer lés titulaires, et au pape celui
de les confirmer. Ce fut le régime de la commende et le
:

commencement de la décadence.
Les abbés commendataiïe.s ne résidaient pas : absor-
bés par toutes autres préoccupations,- et.souvent très in-
différents, quand ils n'étaient pas.même hostiles a leurs
moines, ils ne voyaientdans leurs abbayes quelesreve-
nùs qu'ils eh pouvaient tirer. Pendant ce; temps lés; mo-
nastères eurent à subir tous les pillages et les destruc-
tions des guerres..de religion, particulièrement violen-
tes dans les Senonois. Les religieux, laissés sans soutien
et privés de ressources, eurent bien de là peine à défen-
dre leurs demeures, à les relever de leurs ruines, et mê-
me à assurer leur propre 'existence. Tout cela, peut ex-
pliquer, s'il ne justifie pas, le relâchement qui peu à
peu s'introduisit dans les ordres religieux.
Néanmoins, lorsqu'au XVIIIe siècle dom Edmond
Martene et Ursin Durand/visitèrent l'abbaye de Vaului-
sant, ils rapportent dans leur Voyage littéraire qu'« elle
était alors une des plus considérables de l'étroite obser-
vance de Citeaux, que l'Eglise était vaste et délicate, les
lieux réguliers magnifiques et bien entretenus, et les
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jardins les. plus beaux qu'ils.: eussent vus dans tout


l'Ordre. Enfin, dans la bibliothèque, ils remarquèrent
de nombreux livres parfaitement choisis et des manus-
crits bien conservés. » ':.
Mais peu dé temps après, ilYcie;devait.rien;rester de
"tout cela : rhenre.de la Réyolution avait sonne.YLe:20
janvier 11791 la bibliothèque etYfes .archivés-soht-empor-
tés, les religieux doivent quitter leur couvent, lèl, peu
après, le monastère-est venduavec tous les biens qui
en dépendent,, les vastes bâtiments sont abattus, et
l'église elle-même, devient la. proie des démolisseurs.
Là où s'élevait une nef somptueuse et des iDâtiments
illustrés, par tant de pieux souyenirs, on ne ;yoii plus
maintenant qu'une pelouse et une résidence bourgeoise.
Vte GREYFIÉ ns BELLECOMBE.

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