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Abstract
Dans notre mémoire, nous avons essayé de voir dans quelle mesure l'analyse de pratiques
pouvait être convoquée dans un établissement de manière à favoriser la cohésion et la
collaboration au sein d'une équipe. Nous avons interrogé quinze enseignants et cinq
directeurs appartenant à cinq établissements différents afin de récolter leurs représentations
en ce qui concerne le travail en équipe, l'analyse de pratiques et la réflexivité. Nous avons
tenté de comprendre les effets possibles de l'analyse de pratiques sur la cohésion d'équipe
ainsi que ses modalités de mise en place dans les écoles genevoises. Cette recherche se
situe dans une perspective qualitative (entretiens semidirectifs) et en partie quantitative
(questionnaires pré-entretiens). Cette méthode de recherche nous a permis de mettre en
lumière les représentations des enseignants et directeurs, de saisir les effets que pouvait
apporter l'analyse de pratiques sur le travail en équipe et de mieux comprendre l'alternance
au sein de la formation initiale d'enseignant.
Reference
LAMBRIGGER, Corinne, AEBERSOLD AGUZZI, Denise. Analyse de la pratiques et travail
en équipe: un mariage heureux ?. Maîtrise : Univ. Genève, 2010
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12513
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TITRE/SOUS-TITRE
Veuillez vous référer à la dénomination officielle des titres figurant dans le guide des étudiants
PAR
Corinne Lambrigger
DIRECTEUR DU MEMOIRE
Anne Perréard-Vité
JURY
(Prénom - Nom)
Sabine Vanhulle
Sylvie Cèbe
Laurent Vité
Paolo Cattani
UNIVERSITE DE GENEVE
RESUME
Dans notre mémoire, nous avons essayé de voir dans quelle mesure l'analyse de
pratiques pouvait être convoquée dans un établissement de manière à favoriser la cohésion et
la collaboration au sein d'une équipe. Nous avons interrogé quinze enseignants et cinq
directeurs appartenant à cinq établissements différents afin de récolter leurs représentations
en ce qui concerne le travail en équipe, l'analyse de pratiques et la réflexivité. Nous avons
tenté de comprendre les effets possibles de l'analyse de pratiques sur la cohésion d'équipe
ainsi que ses modalités de mise en place dans les écoles genevoises.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
MEMOIRE DE LICENCE
UN MARIAGE HEUREUX?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Raconte-moi, et j'oublierai,
Montre-moi et je me souviendrai,
Implique-moi et je comprendrai.
Ce travail, nous l’avons conjointement imaginé, organisé, mené, rédigé mais il est
évident que sans l’aide de nombreuses personnes, nous n’aurions pu le faire dans de si bonnes
conditions. Le soutien et la confiance que ces personnes nous ont apportés nous ont permis de
parvenir au bout de ce projet. Nous aimerions ici témoigner de notre profonde reconnaissance
aux enseignants et directeurs qui nous ont généreusement apporté leurs témoignages, aux
professeurs de la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation de l’Université de
Genève, en particulier Mme Perréard Vité qui nous a soutenues avec intelligence et
bienveillance, à notre jury de soutenance, Mme Vanhulle, MM. Cattani et Vité qui nous ont
motivées à être intéressantes dans la formulation et l'explication de nos idées et aux
formateurs de l’OSTEPE qui ont partagés avec nous leurs questionnements et leurs
connaissances du milieu scolaire genevois. Pour terminer, nous aimerions remercier aussi
chaleureusement nos compagnons sans qui de nombreuses choses n'auraient tout simplement
pas été possibles, nos familles et nos amis qui ont du nous partager pendant plus d’un an avec
un projet passionnant et omniprésent, à Mme Paola Grisoni qui nous a ouvert de nombreuses
portes, et à toutes les personnes qui ont, de près ou de loin, suscité nos questions, provoqué
notre réflexion et soutenu notre démarche.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
I) Introduction p.5
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
I) INTRODUCTION
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survivre dans un climat que nous considérions comme invivable, étouffant de non-dits ou de
malentendus anciens et installés. Sans aucun doute, cette perception nous a menées au
questionnement qui sous-tend aujourd’hui ce mémoire : comment allons-nous faire si nous
sommes amenées à travailler dans un établissement qui a de telles difficultés ? Quelles
ressources pourrons-nous mobiliser si l’équipe dans laquelle nous allons nous inscrire ne peut
travailler ensemble tant les dissensions sont fortes, durables, omniprésentes ?
Dans notre cheminement d’étudiantes, nous avons tenté de trouver des réponses. En
recueillant bout à bout des parcelles de savoir à l’Université, lors des cours que nous avons
suivis, lors des séminaires où nous avons agi, lors des analyses de situations que nous avons
vécues sur le terrain, lors des recherches documentaires que nous avons faites pour les divers
travaux, lors des conversations formelles ou informelles que nous avons pu échanger avec nos
professeurs, nous avons continuellement tenté de mettre en lien ce questionnement avec le
fruit de notre travail. Parfois, le hasard nous a aidées, notamment en mettant entre nos mains
un article qui a provoqué un rebondissement dans nos représentations. Ce fut le cas de celui
de Charrat (2006) « L’analyse de pratiques au service d’une formation entre pairs» qui
entrouvrit notre esprit à une réflexion singulière. En effet, cet article décrit un dispositif
d'apprentissage, l'analyse de pratiques, que l'auteur décrit comme capable de fédérer
positivement des personnes d’horizons divers et produisant des résultats qui nous ont surpris:
solidarité, estime de soi, sentiment de compétence, relations de groupe confiantes ou
reconnaissance des compétences et des forces de chacun par exemple. La lecture de cet article
nous a interpellées: serait-il possible que d'autres équipes qui ont de la difficulté à collaborer
puissent bénéficier des effets positifs produits par ce dispositif d'apprentissage, l'analyse de
pratiques? C'est ainsi que nous nous sommes posées la première question qui nous mène à ce
travail.
A d’autres occasions, nous avons fait des expériences surprenantes. Ainsi, nous avons
toutes deux suivi un séminaire clinique d’accompagnement1 intitulé : Analyse de la pratique
et de l’expérience. En effet, notre parcours de formation propose aux étudiants ces séminaires
dans une perspective d'approfondissement et sont menés par différents professeurs. Prévus
pour permettre une recherche de prise de distance vis-à-vis du terrain par « la suspension de
1
7426AA, CA, DA, EA: Séminaires cliniques d'accompagnement: Analyse de la pratique et de l'expérience.
Domaine: Intégration des savoirs, savoir-faire et développement de la personne. Faculté de psychologie et des
sciences de l'éducation: Formation LME. Université de Genève.
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l’action au profit d’une analyse outillée et référencée » (Perréard Vité & Leutenegger, 2007,
p.126), ces séminaires proposent d’analyser la pratique d’enseignants expérimentés selon
différentes approches. Nous avons été intégrées chacune dans un séminaire différent. L’une
de nous a suivi un des séminaires qui propose un travail par une entrée didactique alors que
l’autre s’est jointe à celui qui travaille avec une entrée par la pratique réflexive :
Sur la question de l’alternance, on peut penser que les séminaires (avec d’autres UF)
ouvrent sur les pratiques professionnelles en mettant les étudiants en situation
d’anticiper leurs propres gestes d’enseignement. Dans le cas du dispositif didactique, ils
sont confrontés à l’élaboration d’une fiction didactique (canevas de leçon(s)), prémisse
à une future pratique de projet d’enseignement. Dans le dispositif de pratique réflexive,
on constate qu’il est possible de travailler parallèlement deux niveaux de formations :
un objet de développement professionnel (autorité et gestion de classe/école) et une
démarche d’analyse, la pratique réflexive. Dans ce sens, les deux séminaires sont à la
charnière entre les dispositifs de formation universitaire et la pratique de terrain.
Leutenegger & Perréard Vité, 2007, p.137-138
C’est suite à ce séminaire dont le dispositif est basé sur une entrée par la pratique
réflexive que s’est construit le projet de ce mémoire. Ainsi, l’une d’entre nous a pu découvrir,
au travers de deux études de cas, des moyens pour observer, explorer, analyser, réfléchir ou
synthétiser une situation complexe. D’autre part, les étudiants sont invités à lister au fil des
séances les moyens cognitifs qu’ils ont mis en œuvre pour ce travail ce qui leur permet
d’identifier les composantes d’une pratique réflexive. Cette démarche spécifique d’analyse de
la pratique en groupe, soutenue par des apports théoriques, est arrivée au moment où nous
étions en quête d’un sujet pour notre mémoire de licence. Elle a tout naturellement produit des
discussions intéressantes du fait même que nous n’avions pas vécu la même expérience. En
effet, ces deux approches différentes ont suscité des débats intéressants entre nous.
Clairement, nous avons alors ressenti que la différence de perception que nous avions des
apprentissages réalisés lors de ce séminaire résidait totalement dans cette entrée par la
pratique réflexive et dans la démarche spécifique prévue par ce dispositif permettant
d'acquérir des moyens pour analyser sa pratique.
De plus, celle qui a suivi le séminaire qui propose un dispositif par l’entrée réflexive a
été frappée de constater les effets que ce type de travail peut avoir sur les participants :
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
participation active, échanges nombreux et intenses ou débats animés. Elle explique avoir
rarement eu l’occasion de vivre ce type d’expériences au sein de son parcours universitaire.
Un groupe d’étudiants qui se connaissent très peu et à qui on demande de partager ses
conceptions sur l’enseignement peut certainement produire des résultats explosifs sur le plan
relationnel tant la fougue de la passion des débuts peut laisser la place à des attitudes
défensives ou combatives. Ce n’est pas ce qu’elle a observé. Bien sûr, les discussions ont été
animées, vives et passionnées mais les étudiants sont arrivés à des résultats qui ont été
profitables à chacun. Les avis ont été divergents, les positions parfois irréconciliables mais il
semble aussi que chacun a beaucoup appris sur soi, sur ce qui était négociable ou pas pour
chacun. Le sentiment de groupe s’est renforcé, le respect s’est installé et l’écoute a pu petit à
petit s’installer. Celle d’entre nous qui a vécu cette expérience a eu envie de la partager tant
elle lui a paru constitutive de changements dans sa perception du travail de groupe.
Sans naïveté de notre part, nous imaginons bien que toute expérience humaine n’est pas
entièrement reproductible mais cela nous a amenées à nous intéresser à ce qui a permis de
rendre cette expérience si passionnante pour l’une de nous. Dès lors, nous nous sommes plus
longuement attardées sur l’analyse de pratiques et ce qu’elle propose. Ce que nous avons
découvert, associé à la lecture de l’article dont nous avons parlé plus haut, nous a plongées
dans un intense questionnement. En effet, comme nous l’avons décrit au début de ce chapitre,
nous sommes désireuses de trouver des ressources à mobiliser dans le cas où nous nous
trouvions au sein d’une équipe qui a de la difficulté à collaborer. Au vu de l’expérience vécue
par l’un de nous dans le séminaire clinique d’accompagnement : Analyse de la pratique et de
l’expérience et des effets que nous avons décrits plus haut, nous nous sommes alors demandé
s’il était possible que la pratique réflexive soit en mesure d’apporter des bénéfices au travail
en équipe. Est-il possible que les apports de cette pratique réflexive servent à améliorer la
collaboration entre acteurs d’un même établissement ? C’est donc suite à ce questionnement
que nous avons été amenées à nous engager dans ce travail de recherche.
Pour découvrir le cheminement de cette recherche, il vous faudra vous plonger dans la
lecture de ce texte. Ainsi, nous présenterons tout d'abord le contexte dans lequel nous avons
inscrit cette enquête et les principales notions théoriques qui nous ont permis de la cadrer.
Puis, nous dévoilerons sa problématisation qui nous a permis d'aboutir à une question
générale de recherche ainsi qu'à quelques questions spécifiques. Ensuite, nous expliciterons la
méthodologie de recherche que nous avons décidée d’utiliser et les critères d’analyse que
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
nous avons considérés comme pertinents. Enfin, nous soumettrons nos analyses des données
recueillies que nous ferons discuter dans un deuxième temps. Pour clore cet ouvrage, nous
proposerons une conclusion qui comprendra d’une part, les réponses à nos questions de
recherche et, d’autre part, quelques pistes de recherches complémentaires ainsi que les
constats que nous pouvons faire suite à ce travail sur le plan personnel.
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La mise en place du contexte de notre mémoire a été réalisée sur la base d’entretiens
exploratoires auprès de deux formateurs de l’OSTEPE (Organisation Scolaire, Travail en
Equipe et Projet d’Ecole) et à propos des changements survenus dans les écoles. Ces
formateurs travaillent dans le cadre du Centre de Formation de l’Enseignement Primaire
(CEFEP), dont l’OSTEPE2 est une section. Le CEFEP propose diverses formations et
accompagnements aux équipes et enseignants engagés par le Département de l’Instruction
Publique (DIP). Ce soutien englobe des domaines variés, comme les différentes didactiques
des disciplines enseignées à l’école genevoise par exemple, mais aussi un soutien aux
enseignants en période probatoire (entrée dans la profession) ou dans les domaines de la
différenciation, de l’évaluation ou de l’enseignement spécialisé. Nous avons estimé que les
informations de ces formateurs pourraient nous être précieuses dans la définition du contexte
de notre recherche, car leur travail peut leur offrir une vision plus globale de la situation
actuelle de l’enseignement genevois. Par ailleurs, nous nous sommes inspirées de l’ouvrage
de France Merhan, Christophe Ronveaux et Sabine Vanhulle, Alternances en formation
(2007), ainsi que de l’article paru dans l’éducateur n°13 sur l’alternance en formation (2007),
en ce qui concerne la formation initiale des enseignants. Le chapitre se découpe donc en deux
parties ; l’une sur la situation actuelle des établissements scolaires genevois et l’autre sur la
formation initiale des enseignants de ce même canton.
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Précisons que le CEFEP, et par conséquent l’OSTEPE, est dissous et cesse ses activités en juin 2010.
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Avant de commencer notre recherche, nous avons donc mené des entretiens
exploratoires auprès de deux formateurs de l’OSTEPE. Ces entretiens ne font pas partie
directement de notre recherche, mais nous permettent de répondre à des questions pour
lesquelles nous n’avons trouvé de réponses ni dans les ouvrages, ni dans les recherches. Ces
deux rencontres nous ont permis de nous éloigner de nos représentations préconçues et de
construire une vision qui se rapproche mieux de la réalité du terrain.
Les deux formateurs que nous avons interviewés s’occupent principalement d’encadrer
et d’accompagner les équipes d'enseignants dans leurs projets d’établissement, et chacun
intervient dans plusieurs établissements. Il nous a semblé judicieux de faire appel à eux pour
mettre en place notre contexte, car ils ont, à notre avis, un regard à la fois distancé et multiple
en ce qui concerne les changements survenus ces deux dernières années. En effet, ils ont été
impliqués dans des projets d’établissement, car certaines écoles ont fait appel à eux pour
gérer et coordonner leur projet tout en gardant de la distance, car ils ne font pas directement
partie de l’établissement en question. Le but de ces deux entretiens a été de connaître les
demandes qui existent au sujet de l’analyse de pratiques au sein des établissements, de nous
rendre compte du type d’interventions attendues dans les écoles et d’essayer de définir avec
leur aide dans quel contexte notre recherche est menée. Ne sachant pas quelle était la place
de l'analyse de pratiques dans les écoles genevoises, nous désirions être mieux informées sur
ce plan avant de nous lancer dans des entretiens qui auraient ainsi pris le risque d'être
inappropriés. Nous les avons donc questionnés sur la présence de l'analyse de pratiques dans
les écoles, s’il y avait des demandes en la matière, de quels types et de quelles natures étaient
ces demandes, et comment y répondaient les formateurs du CEFEP (Centre de Formation de
l'Enseignement Primaire).
Ces entretiens nous ont donc permis de mieux comprendre le contexte, le climat dans
lequel s’insère notre mémoire et de nous rendre compte de la manière dont les formateurs
soutiennent et accompagnent les équipes. Afin d’être le plus clair possible, nous avons
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
découpé ce sous-chapitre en trois moments : les établissements et leur projet, la mise en place
des directeurs3 et l’analyse de pratiques dans les écoles.
Nous allons expliquer ici les changements instaurés par le Département de l’Instruction
Publique (DIP) quant aux regroupements des écoles primaires du canton de Genève, ainsi
que le projet d’établissement que les enseignants ont dû mettre en place.
Depuis deux ans, les 164 écoles du canton sont regroupées en 91 établissements. Les
grandes écoles, celles accueillant plus de dix-huit classes, ont été constituées en
établissement à elles seules. Les écoles géographiquement rapprochées ou trop petites pour
constituer un établissement unique ont fusionné en un établissement. Les établissements
peuvent donc regrouper entre une et quatre écoles, selon le nombre de classes. Un directeur a
été nommé à la tête de chaque établissement et a reçu comme mission de monter un projet
commun, le cas échéant, à toutes les écoles de l’établissement. Ce projet doit faciliter la mise
en œuvre des objectifs généraux de l’instruction publique sur le plan local. Les enseignants et
le directeur de l’établissement réfléchissent donc ensemble sur un projet à instaurer dans leur
établissement. Celui-ci prend en compte les particularités du contexte socio-économique de
l’établissement, ainsi que toutes les spécificités de celui-ci, afin d’améliorer par des mesures
appropriées l’enseignement et les apprentissages des élèves. Les projets sont différents d’un
établissement à l’autre, puisque définis par les équipes elles-mêmes selon l'analyse qu'elles
ont faite de leur situation et de leurs besoins propres.
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Pour faciliter la lecture du mémoire, le masculin est utilisé dans un sens générique. Il renvoie sans distinction
aux deux sexes.
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travail de présentation de celui-ci comme un outil de travail et pas simplement comme une
contrainte supplémentaire de l’institution a été nécessaire. En effet, dans un premier temps, il
permet de faire une auto-évaluation de la situation et de poser un diagnostic sur les pratiques
de l’établissement.
Pour ce faire, les formateurs interviewés réalisent donc des analyses de pratiques avec
les enseignants. Puis, à partir de ces observations, l’équipe est amenée à faire le constat de ce
qui pourrait être amélioré ou renforcé dans une optique de soutien aux élèves en matière
d’apprentissage. Le projet d’établissement est donc le fruit de cette remise en question
générale et des choix opérés par toute une équipe dans une perspective d’amélioration du
fonctionnement de l’établissement dans sa globalité. Une fois validé par la direction et mis en
action, il sera poursuivi sur plusieurs années.
Contrairement aux inspecteurs qui avaient auparavant le même type de mission mais
auprès de plusieurs écoles réunies en circonscription, les directeurs accomplissent leur travail
au sein de l’établissement. Ils sont donc plus proches de leurs partenaires et peuvent agir
directement au sein de leur établissement. Il semble pourtant que l’accueil fait à ces nouveaux
arrivants peut varier suivant les équipes. Si, dans certaines écoles, il s’avère qu’ils sont bien
accueillis et reconnus comme une ressource supplémentaire pour faire face à la complexité
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
des situations de l’enseignement actuel, il en est autrement dans les établissements où ils se
heurtent aux équipes qui rencontrent des difficultés à s’adapter à ces nouvelles conditions de
travail.
Les directeurs sont de réels partenaires pour les enseignants dans la perspective d’une
amélioration de la qualité de l’enseignement et de la vie au sein de l’établissement :
Les formateurs que nous avons interviewés utilisent assez régulièrement l’analyse de
pratiques comme outil de travail dans les écoles où ils interviennent. Que ce soit dans les
formations à caractère didactique ou transversal, elle permet en particulier de soutenir les
apprenants dans leurs réflexions et de les aider à transformer leurs pratiques. Il semble que
l’analyse de pratiques n’est que rarement travaillée pour elle-même. L’étude de cas est le
plus souvent proposée par ces formateurs comme support d’analyse. La mise en place d’un
cadre, d’un code de conduite afin d’instaurer le respect, la confiance et la réflexion chez les
participants est décrite comme faisant partie des conditions optimales pour mener une
analyse de pratiques. D’autre part, un espace de paroles sécurisant afin de pouvoir s’exprimer
sans crainte de jugement, ainsi que la présence d’une personne extérieure à l’établissement
pour mener ces séances semblent être des modalités relativement importantes.
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enseignants, tout en sachant que ce sont les étudiants qui doivent effectuer les liens entre la
pratique et la théorie : « en dépit de ce type de partenariat qui peut exister entre le terrain et
l’Université pour articuler la formation académique et professionnalisante, c’est avant tout
aux étudiants qu’il incombe d’effectuer ce travail d’intégration entre les différents savoirs »
(Deum, Mottier Lopez & Vanhulle, 2007, p.243).
Les étudiants sont donc amenés à créer des liens entre les connaissances construites sur
le terrain et celles apprises à l’Université. Par ailleurs, parmi les cours proposés par cette
formation, les étudiants ont la possibilité de suivre un séminaire clinique d’accompagnement
intitulé : Analyse de la pratique et de l’expérience. Ce séminaire est mené par différents
professeurs qui ont recours à des types d’analyse de pratiques différents.
Cependant, Perrenoud (2001) observe que ce n’est pas parce que l’analyse réflexive est
proposée à l’Université que les étudiants vont forcément devenir des praticiens réflexifs un
jour dans leur classe. En effet, il nous rend attentif au fait que tout apprentissage n’implique
pas nécessairement la capacité de transfert de ces nouveaux savoirs. C’est pour cette raison
que Cattani et Perréard Vité (2007) soulèvent l’importance de mener cette réflexion tout au
long de la formation et de manière répétitive :
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En formation, […] l’étudiant est invité à expliciter ses démarches et à faire preuve
d’analyses pertinentes qui rendent visible sa pratique réflexive. Ainsi, par une répétition
d’analyses, progressives et ciblées sur des objets multiples, le futur enseignant se munit
d’une compétence nouvelle qu’il doit pouvoir transférer dans sa propre classe (p.39).
Nous pouvons constater ici le défi qui est lancé aux enseignants de l’Université : former
des étudiants capables de réfléchir sur leurs actions, même une fois sortis de
l’Université, afin de les munir d’un outil leur permettant de résoudre les problématiques du
terrain : « la formation académique propose des démarches de pensée critique avant de viser
des compétences techniques et instrumentales adaptatives » (Deum, Mottier Lopez &
Vanhulle, 2007, p.244).
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Dans ce chapitre, nous allons présenter la plupart des concepts qui nous ont
accompagnés dans notre recherche exploratoire et dont nous avons eu besoin pour analyser
les données que nous avons recueillies. Bien que tout au long de notre travail ils ne soient pas
apparus dans un ordre logique, pour le confort de la lecture nous allons les présenter selon la
logique de notre grille d’interview. En effet, nous présenterons d’abord les concepts de travail
en équipe, de collaboration, de coopération et de culture d’établissement. Dans un deuxième
temps, nous aborderons les auteurs qui nous ont permis de travailler sur l’analyse de pratiques
et qui nous ont aidés à cadrer notre recherche mais aussi à approfondir notre questionnement.
Pour terminer, nous aborderons la notion de réflexivité.
Qui n’a pas eu l’occasion une fois dans sa vie de se retrouver au sein d’une équipe et de
vivre cette houle qui décuple les forces de chacun, de ressentir ces émotions ambivalentes,
multiples, intenses parfois, qui agitent chacun de ses membres, de se laisser porter par les
compétences des autres, de se frotter au leadership et d’être déçu d’un échec retentissant ou
tellement fier d’un but atteint ? La vie nous offre de multiples occasions de vivre cette
expérience. Que ce soit au sein d’une équipe sportive, d’un peloton de scouts ou de
louveteaux, d’un comité associatif ou d’une association d’étudiants, les opportunités sont
fréquentes et les configurations variées. Mais nous interrogeons-nous souvent sur ce qu’est
réellement une équipe ? Tout au long de notre formation, nous avons rencontré de très
nombreuses situations de collaboration et nous avons pu construire quelques compétences sur
le plan relationnel ou organisationnel. Très rarement avons-nous eu cependant l’occasion de
nous pencher réellement sur les tenants et les aboutissants de cet aspect de notre travail.
Pourtant, et nous allons le détailler sous le chapitre IV, « Problématisation et questions de
recherche », la collaboration est une donnée essentielle du travail enseignant d’aujourd’hui et
probablement plus encore de demain. Alors,
Qu’est-ce qu’une équipe pédagogique ? Peut-on parler d’équipe dès que quelques
enseignants s’associent pour partager des tâches ou des ressources ? Ou faut-il réserver
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Cette première partie de notre cadrage théorique reprend ces questions et tente de les
approfondir en quatre temps. Premièrement, nous allons apporter une définition de ce qu'est le
travail en équipe. Pour cela, nous avons choisi de nous appuyer sur les travaux de Mucchielli
(2002). Dans un deuxième temps, Perrenoud (1996, 1999) nous aidera à définir le travail en
équipe dans l'enseignement plus particulièrement. Collaborer, coordonner, coopérer, sont
quelques termes que nous trouvons dans le vocabulaire courant du travail en équipe. Bien que
parfois utilisés comme synonymes, ils dissimulent des petits détails qui leur sont propres à
chacun. Nous allons ainsi clarifier la définition de ces notions que nous allons utiliser tout au
long de notre travail dans une troisième partie. Pour cela, nous convoquerons les auteurs
Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud (2007b).
Enfin, Gather Thurler (2000) a démontré par ses travaux l'importance de la culture
d'établissement. En effet, elle démontre que les effets de cette culture sur les acteurs d'un
établissement sont non seulement inconscients mais aussi importants sur le plan de
l'implantation d'innovations. Selon nous, l'analyse de pratiques est une innovation. Comme
nous l'avons compris lors de nos entretiens exploratoires avec des membres de l'OSTEPE (cf.
cadre contextuel), l'analyse de pratiques semble être en général utilisé comme outil pour la
formation des enseignants mais rarement, voire jamais, en tant qu'objet formalisé. Selon les
informations que nous avons recueillies auprès des membres de l'OSTEPE, il n'y a d'ailleurs
pas d'offre de formation continue axée uniquement sur l'analyse de pratiques comme il existe
à l'Université les séminaires cliniques d'accompagnement sur l'analyse de la pratique et de
l'expérience. Ainsi, en nous aidant des travaux de Gather Thurler sur la culture
d'établissement, nous pourrons observer ses effets et les conditions qu'elle impose aux acteurs
des établissements dans leurs représentations sur le travail en équipe et sur l'analyse de
pratiques. Nous proposerons donc, dans la dernière partie de ce chapitre de définir la notion
de culture d'établissement.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Lorsque Mucchielli (2002) nous guide dans notre définition du travail en équipe
Selon Mucchielli (2002) il est possible de définir sept conditions du travail en équipe
(p.13, 14):
Le petit nombre
La qualité du lien interpersonnel
L’engagement personnel
Une unité particulière qui en découle
Une intentionnalité commune vers un but collectif accepté et voulu
Des contraintes en découlent pour les membres
Une organisation existe donc
On voit apparaître ici les grandes lignes d'un portrait que l'on peut faire du travail en
équipe. Ainsi, il s'agit d'une équipe restreinte dont les échanges sont agréables, la
communication est régulée par chacun afin d'être en mesure de s'entendre. Cette équipe
travaille à un but commun, choisi et défini ensemble, qui les contraint à accepter certaines
tâches, à endosser certains rôles dans lesquels ils investissent leurs efforts au bénéfice de tous.
Ce partage et ce cheminement commun dans un climat positif crée une unité d'équipe, source
de force et de motivation. Voici le portrait sommaire. Nous allons maintenant approcher plus
en profondeur chacune de ces conditions.
Mucchielli (2002) différencie le groupe primaire, qui est principalement défini par la
qualité des relations et la communauté de but, du groupe secondaire, vaste et dont les
membres n’ont pas de contacts suivis. Ainsi, il définit l’équipe comme « un groupe primaire
typique, où dominent l’unité d’esprit, la cohésion, les liens interhumains, l’engagement
personnel et l’adhésion totale des membres au groupe restreint, avec lequel ils s’identifient »
(p.15). Par ailleurs, pour qu’il y ait action d’équipe il faut qu’il y ait « convergence des efforts
et travaux personnels pour la réalisation d’une tâche commune unique » (p.16), différenciant
ainsi une équipe d’un groupe d’amis ou d’une famille par l’ « œuvre à réaliser ensemble »,
« un travail à faire » qui « impose sa loi, ses exigences, son programme, ses moyens » (p.15).
Ainsi, Mucchielli (2002) spécifie qu’un groupe est une équipe de travail lorsqu’il se centre sur
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
le groupe autant que sur la tâche, ceci conjointement. Cependant, selon son perfectionnement,
le groupe peut être temporairement plus concentré sur l’un ou l’autre de ces axes.
Les relations interpersonnelles prennent donc une réelle importance lorsqu’une équipe
doit se centrer sur le groupe pour avancer dans sa tâche. « Une équipe n’existe et ne se donne
à son travail que dans la mesure où elle présente une certaine cohésion » (Mucchielli (2002)
p.39). Cette cohésion se cimente par des relations de confiance entre les partenaires. Celle-ci
se bâtit sur la connaissance et les rencontres entre les membres d’une équipe, les expériences
de coopération réussies et l’image que chacun se fait de la loyauté et de l’engagement des
autres participants. Les succès communs sont un facteur de ralliement général et produisent
des satisfactions qui stimulent le groupe. Cependant, dans une situation de groupe en rivalité
interpersonnelle, ces succès peuvent aussi provoquer un effet de compétition lorsque la mise
en valeur de l’un ou l’autre des membres est la conséquence de la réussite. Ainsi, une certaine
compétition peut s’insinuer dans un groupe. Pourtant, celle-ci peut avoir des effets positifs,
devenir stimulante, si « chaque coéquipier cherche le coup personnel prestigieux qui assure à
la fois son succès et celui de l’équipe » (p. 43).
Pour que l’unité de l’équipe soit possible, Mucchielli (2002) précise qu’une équipe ne
doit pas comporter trop de membres, entre trois et douze, afin « de maintenir une liberté des
communications et des initiatives individuelles » (p.43), que sa composition ne doit pas être
trop hétérogène sur le plan de leur capacité de coopération et que la cooptation puisse
s’installer après un temps de rodage. Par ailleurs, le sentiment d’appartenance au groupe est
vécu comme valorisant et l’ajustement des comportements au fil des expériences acquises
sont des facteurs de satisfaction des participants et donc de motivation. Selon cet auteur,
l’indispensable liberté des communications dans une équipe ne doit pas verser dans un
extrême incontrôlable, le respect de chacun doit primer face à la liberté de parole. En effet, la
place de la parole est une donnée complexe qui demande un équilibre constant entre la
franchise et l'estime de soi des participants, entre la liberté d'expression et l'éthique. Comme
Mucchielli (2002) le précise « il s’agit seulement de signifier que toute barrière à la
communication, intra personnelle par inhibition ou interpersonnelle par valorisation de la
structure et des statuts, affecte l’appartenance, et à travers elle, l’unité d’esprit et d’action
d’équipe » (p. 50). En effet, il nous montre que deux positions extrêmes dans les attitudes,
comme la timidité ou l'imposition d'un point de vue sous couvert de droits par exemple,
peuvent affecter l'unité d'équipe. En rappelant que « sans travail il n’y a pas d’équipe » (p.55),
il précise toutefois que « les relations interpersonnelles sont bien souvent engendrées par le
23
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
travail et les buts » (p. 55). Ainsi, il met en exergue l’importance de la motivation pour la
tâche, bien qu’elle puisse être de nature et de qualité différentes pour chacun: « plus les
coéquipiers sont motivés pour le travail, plus l’équipe est cohésive et plus le désir de réussite
collective est grand » (p.60). La tâche et la composition du groupe ont des effets sur
l’organisation interne de l’équipe. En effet, « la nature de la tâche induit un type
d’organisation de l’équipe » (p.72) et les processus d’influence qui se déploient dans les
groupes peuvent avoir des effets sur l'organisation et la prise de responsabilité de chacun.
Selon les exigences de sa nature, une structure centralisée ou non (avec ou sans leader)
apparaîtra. « Ainsi toutes les fois qu’il y a nécessité de coordonner et de réguler des efforts
simultanés convergents, selon une méthode et un plan, un centralisateur-coordinateur-
régulateur est nécessaire » (p.73). L’efficacité d’une équipe dépend aussi de la stabilité de ses
membres, de la cooptation du leader ou du chef et du consensus sur les rôles de chacun
(climat de groupe). Par ailleurs, la forme de leadership adoptée par l’autorité influence les
modes de participation-coopération. En effet, le leader symbolise le groupe et « la relation
normale au chef signifie et résume les liens de l’individu avec son groupe » (p.77). Enfin,
pour terminer ce portrait, retenons encore que selon, Mucchielli (2002), trois ensembles de
conditions sont nécessaires dans la mise sur pied d’équipes autonomes de travail : la
restructuration et la décentralisation par la dévolution d’une marge de décision et d’initiative
concernant l’organisation du travail, la définition des tâches et la composition des équipes et
enfin, la formation personnelle et groupale des futurs membres du travail en équipe.
Nous appuyant sur la description que fait Mucchielli (2002) du travail en équipe, il est
possible néanmoins de définir divers types de travail en équipe. En effet, dans l'enseignement
en particulier, toutes les équipes ne remplissent pas nécessairement les conditions du travail
en équipe de Micchielli. Quelles sont donc les diverses formes de travail en équipe dans
l'enseignement? Les travaux de Perrenoud (1999) peuvent nous offrir quelques repères.
Ainsi, il définit trois types d’équipes dans une perspective additionnelle et selon les niveaux
d’interdépendance. Cette perspective nous paraît intéressante en ce qu'elle propose une
progression dans la notion de travail en équipe selon les conditions remplies par les équipes.
En effet, passant d'une équipe qui collabore selon le strict minimum Perrenoud propose un
24
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
ensemble de conditions qui s'ajoutent les unes aux autres pour parvenir à une équipe qui
fonctionne avec une cohésion maximale.
Ainsi que nous pouvons le constater dans ce tableau, Perrenoud (1999) définit tout
d’abord une pseudo-équipe par un arrangement purement matériel des ressources bien que
nécessitant un certain type de négociations afin de les répartir équitablement. Dans un
deuxième palier, son équipe lato sensu doit manifester de fortes compétences de
communication pour durer. En effet, elle est une équipe qui « discute de ses idées et de ses
pratiques respectives » (p.79) puisqu'elle va au-delà du partage équitable et approprié de
matériel et des ressources. La situation est plus complexe et plus risquée pour l'équipe car elle
demande de trouver des formes de consensus. Ainsi, il est nécessaire de s'entendre et donc
d'être en mesure d'utiliser la communication comme moyen d'ouverture et de partage
(Mucchielli 2002).
25
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
coordination des pratiques uniquement ou s’ils s’engagent dans une coordination des
pratiques couplées à une coresponsabilité d’élèves. Selon Perrenoud (1996), en partageant la
responsabilité d’élèves, on devient alors face à eux, leurs parents ou n’importe quel public,
un « acteur collectif » (p.113). En suivant le découpage de cet auteur, on comprend bien que
ces quatre niveaux de travail en équipe n’interpellent pas les acteurs de la même manière.
L’implication de chacun n’est pas égale suivant les modes de collaboration et les effets
attendus n’auront pas les mêmes impacts. Bien que dans la réalité, les frontières entre les
différents types de collaboration soient sûrement moins aisées à identifier, nous pensons que
cette perspective peut soutenir l'analyse des données suite aux entretiens menés sur le terrain.
En effet, ce cadre nous permettra de définir avec le plus d'éléments de précision possible de
quel type et de quel niveau de collaboration nos interlocuteurs vont nous parler.
Maintenant que nous avons un cadre théorique pour définir le travail en équipe et les
divers degrés de celui-ci, nous avons besoin de définir un vocabulaire qui soit approprié pour
notre travail. En effet, le champ sémantique est abondant lorsqu’on tente de déterminer les
actions concertées d’un groupe de travail : associer, organiser, concerter, participer,
contribuer,…. la liste que le vocabulaire de la langue française peut nous proposer est
étendue. Pourtant, en chacun de ces termes existe une petite subtilité qui le distingue des
autres et qui lui donne une valeur bien spécifique. A la recherche d’un langage approprié, il
nous a paru intéressant de se focaliser sur celui que nous proposent Marcel, Dupriez et
Périsset Bagnoud (2007b) : coordonner, collaborer et coopérer. Dans le langage courant, si le
premier a bien une valeur de rangement, d’agencement, les deux derniers sont souvent utilisés
en synonymie en tant que travail conjoint ou commun. Attardons-nous pourtant sur les
subtilités que nous proposent ces auteurs. En effet, ils distinguent « trois modalités de travail
partagé selon le degré d’intensité de ce partage, allant croissant à partir des pratiques de
coordination, en passant par celles de collaboration pour aller jusqu’à celles de coopération »
(ibid., p.9).
26
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
conception et la construction de projets communs ». Nous voyons ici que nous pouvons
retrouver en partie ce que nomme Perrenoud (1999) une pseudo équipe.
Enfin, maintenant que nous avons construit des définitions du travail en équipe, de ses
degrés et de son vocabulaire, il nous faut encore définir dans quel environnement il peut se
situer. Dans un système éducatif genevois où la tendance vise « à la fois à donner aux
établissements davantage d’autonomie [instauration des directions et des écoles en
établissements] et à leur demander, en contrepartie, de résoudre localement [au travers d’un
projet d’établissement] des problèmes trop spécifiques ou complexes, pour être justiciables
d’une solution générale » (Perrenoud, 1996, p.118), le travail en équipe pédagogique devient
une nécessité et s’intègre à « une notion plus large, celle de culture de coopération ». Selon
27
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Gather Thurler (2000), « utilisées avec une certaine prudence, certaines typologies élaborées
sur la base de recherches qualitatives sérieuses peuvent représenter des outils intéressants
pour identifier le fonctionnement des établissements qui s’engagent dans un processus de
changement et pour déterminer les modalités d’intervention les plus adéquates » (pp. 108,
109). Bien que notre recherche exploratoire ne soit pas l’objet de ce type d’identification en
particulier, Gather Thurler (2000) affirme que, néanmoins, « la culture d’un établissement est
activement construite par les acteurs » (p.99) et, qu’à ce titre, elle est un facteur à prendre en
considération dans toute tentative de définition du travail d'une équipe. En effet, dans notre
tentative de comprendre si l’analyse de pratiques peut avoir des effets sur le travail en équipe
et de quels natures ils peuvent être, la culture des établissements dans lesquels travaillent les
enseignants et les directeurs que nous allons interviewer peut nous amener à mieux cerner les
différents systèmes de collaboration. Selon Gather Thurler (2000),
Nous comprenons ainsi que chaque acteur d’un établissement s’inscrit donc dans un
système dont il n’est pas forcément conscient. Cependant, il subit inévitablement une certaine
influence de cette culture et celle-ci exerce un certain ascendant sur « la façon dont le
changement est reçu ou voulu, favorisé ou empêché par l’établissement scolaire lui-même ou
par ses subdivisions et ses membres » (Gather Thurler, 2000, p.100). Pour comprendre le
poids de cette culture d'établissement sur les acteurs, citons encore Gather Thurler, 2000: « En
fin de compte, la culture locale déterminera les besoins ressentis, la manière dont les
enseignants jugeront de la valeur du changement, interagiront, tâtonneront, confronteront
leurs expériences » (p.103). Nous voyons ici que la nécessité ressentie par les acteurs des
équipes de travailler ou non avec l'analyse de pratiques dépendra fortement de la culture
locale.
28
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Malgré une diversité des points de vue, nous allons tenter de définir ici l’analyse de
pratiques à travers nos différentes lectures et nos expériences. Ce sous-chapitre est découpé
de telle façon à tenir compte des différentes caractéristiques de l’analyse de pratiques.
Autrement dit, nous allons définir l’analyse de pratiques à travers les différentes
particularités qui la composent. La première partie (un dispositif professionnalisant) va
définir l’analyse de pratiques en se focalisant sur le développement professionnel et
personnel des praticiens. La deuxième partie (un dispositif instrumenté) décrit les différentes
formes et natures que peut prendre l’analyse de pratiques ainsi que l’importance de la mise
en place d’un cadre de référence. La troisième partie (un dispositif de groupe) met en avant
les avantages d’une collaboration de la part des praticiens. La partie suivante (un dispositif
accompagné) se penche sur la question d’un intervenant lors des séances d’analyse de
pratiques. La cinquième partie (un dispositif articulé entre la pratique et la théorie) aborde la
place que prend la théorie au sein de l’analyse de pratiques et l’articulation qui est faite entre
la pratique et la théorie. Finalement, la dernière partie (un dispositif en harmonie avec son
contexte), explique en quoi l’analyse de pratiques permet de faire face aux changements qui
surviennent dans l’enseignement.
29
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Un dispositif professionnalisant
Démarche de formation qui ne cherche pas à donner des recettes, à faire acquérir des
routines d’exécution, des tours de main, des savoir-faire pratiques mais qui analyse les
actes, les activités de l’enseignant et des élèves, le processus enseigner – apprendre et
son mode de fonctionnement dans une situation donnée. (Altet, 2000a, p.22)
Autrement dit, l’analyse de pratiques est un outil de travail, un dispositif qui permet aux
praticiens de réfléchir sur leurs actions afin de les comprendre et d’agir en conséquence. D’un
côté, elle permet aux enseignants débutants de mettre en place des savoirs pratiques efficaces
et, d’un autre côté, elle permet aux enseignants plus expérimentés, de « résoudre les
problèmes que leur posent leurs pratiques, à sortir de certaines visions stéréotypées des
situations et à dépasser les routines et les réponses rigides à des situations inédites »
(Mosconi, 2001, p.31). En ce sens, elle vise le développement de l’identité professionnelle du
praticien. En effet, l’analyse de pratiques permet de « renforcer les compétences requises dans
les activités professionnelles exercées, accroître le degré d’expertise, faciliter l’élucidation des
contraintes et enjeux spécifiques de leurs univers socioprofessionnels, développer des
capacités de compréhension et d’ajustement d’autrui… » (Fablet, 2001, p.151). Mosconi
(2001) constate qu’en plus de réguler l’enseignement des praticiens, elle augmente également
la créativité de ceux qui écoutent les récits de leurs collègues. Cette « comparaison des
pratiques permet d’accroître la diversité des stratégies pédagogiques et le lot de
routines » (Charrat, 2006, p.87), ainsi que de prendre de la distance par rapport à son
enseignement. Donnay et Charlier (2008), l’ont également constaté : « se confronter à
l’altérité, c’est apprendre sur soi de l’Autre » (p.16).
30
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Cependant, l’analyse de pratiques peut aussi avoir des conséquences négatives. D’abord,
« réfléchir sur ses pratiques en présence de l’Autre, c’est se fragiliser en se montrant à lui »
(Donnay & Charlier, 2008, p. 124). En effet, en se dévoilant, les praticiens se mettent à nu,
exposent leurs défauts et leurs difficultés aux autres. Nous constatons qu’il n’est pas du tout
évident de se dévoiler devant les collègues de travail et encore moins lorsqu’il s’agit
d’analyser des situations qui posent problème.
Une autre conséquence négative qui est à soulever est celle du malentendu que les
praticiens pourraient avoir en ce qui concerne le but de l’analyse de pratiques. En effet, cette
analyse ne propose pas des solutions toutes faites et directement applicables sur le terrain,
mais amène à réfléchir sur des pistes, sur des éléments de réponse en dévoilant sa pratique.
Perrenoud (2001) fait également ce constat et complète en disant que cet égarement pourrait
provoquer des retraits de la part des praticiens des séances d’analyse de pratiques dus à une
exposition trop personnelle de leur pratique :
31
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Pour finir, un dernier élément négatif est à relever, celui de la participation volontaire ou
non des participants aux séances d’analyse de pratiques. Perrenoud (2001), insiste sur le fait
que, « l’analyse de pratique ne peut fonctionner que sur la base d’un certain volontariat »
(p.114). En effet, si les enseignants ne sont pas partants pour analyser leurs pratiques, il y aura
alors un manque d’implication et de motivation de leur part qui n’engendrera pas de résultats
positifs quant à la réflexion sur l’action. L’échange entre les praticiens aura alors perdu tout
son intérêt.
Un dispositif instrumenté
Pour leur part, Donnay et Charlier (2008) classent les matériaux de l’analyse de
pratiques en tenant compte de leur nature :
32
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Tableau 2 : Nature des matériaux d’analyse de pratiques (d’après Donnay & Charlier,
2008, p.91)
Situation Acteur
en direct
Authentique Rapporté soi l’Autre
e
en direct
Construite Rapporté soi l’Autre
e
Nous constatons que la nature des matériaux utilisés est très diverse et qu’elle se fait en
fonction des objectifs de formation des praticiens et de leurs besoins. En formation initiale des
enseignants à l’Université de Genève par exemple, deux types d’analyse de pratiques sont
proposés en séminaire clinique d’accompagnement4 notamment. L’une d’elle se base sur des
situations construites (directes ou rapportées) et les étudiants, sous la forme de jeux de rôles,
doivent interagir le plus fidèlement possible à la situation proposée : « à la place
d’enseignants découverts au travers d’une narration fictive, les étudiants abordent la
complexité du métier sans y être impliqués (Leutenegger & Perréard Vité, 2007, p.129-130).
Une discussion est ensuite menée autour de la situation avec l’ensemble du groupe. Il s’agit
donc d’une étude de cas fictif conduite avec les étudiants afin de les amener à réfléchir sur
certaines pratiques mais également pour anticiper leur pratique future. Les objectifs se placent
donc à deux niveaux : « d’un côté, les cas proposés abordent des problématiques de gestion de
classe rencontrées pas des enseignants novices (autorité, devoirs à domicile) ; d’un autre côté,
4
Séminaire clinique d’accompagnement : Analyse de la pratique et de l’expérience 7426AA – 7426EA (3 crédits
en 1ère ou en 2ème année LME). Université de Genève, FPSE, Sciences de l’éducation.
33
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
les étudiants intègrent les composantes d’une pratique réflexive, transférable à des situations
professionnelles ultérieures (p.130).
L’autre séminaire utilise des situations authentiques rapportées et vécues pour un Autre.
A travers des vidéos ou des protocoles par exemple, les étudiants analysent des situations
vécues par des enseignants. Ce séminaire porte un regard plutôt didactique sur la situation et
les étudiants sont amenés à l’analyser sous cet angle de vue : « la formatrice vise
l’appropriation, par les étudiants, de savoirs issus de recherches en didactique leur procurant
certaines clés de lecture des événements analysés (Leutenegger & Perréard Vité, 2007, p.128).
En effet, il est demandé aux étudiants d’analyser a priori les tâches, les conduites possibles,
les difficultés, etc. d’un contenu d’enseignement. Nous remarquons que le premier séminaire
travaille sur une entrée par la pratique réflexive alors que le deuxième vise plutôt une entrée
didactique. Il est important de relever cependant que, dans les deux séminaires, « l’action est
provisoirement suspendue au profit d’un travail d’observation et d’analyse » (p.127).
En séminaire d’intégration de fin d’études5, nous avons également rencontré des formes
différentes d’analyse de pratiques. Nous avons analysé nos expériences de stagiaire en
utilisant par exemple, un portfolio, un journal de bord ou bien encore par le jeu rôle et la
réalisation de sketchs. Nous constatons donc qu’il existe une multitude de manières pour faire
réfléchir les enseignants ou les étudiants sur leurs pratiques.
5
Séminaire d’intégration de fin d’études : 722F0– 722F5 (3 crédits en 3ème année LME). Université de Genève,
FPSE, Sciences de l’éducation, annuel.
34
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Un dispositif de groupe
Un dispositif accompagné
Lors d’une séance d’analyse de pratiques, il est possible de nommer une personne
responsable de la gestion du groupe ou bien alors de faire appel à une personne externe.
Demander de l’aide à un animateur ou compagnon réflexif (Donnay & Charlier, 2008) apporte
de nombreux avantages. Tout d’abord, pour Perrenoud (2001), l’animateur du groupe
d’analyse de pratiques doit être extérieur afin qu’il n’ait pas d’attachement ni de comparaison
à faire avec sa propre expérience. Donnay et Charlier (2008) soulève l’avantage suivant : « en
principe, le compagnon maîtrise mieux la démarche réflexive, un langage plus standardisé et
des théories de référence pour cadrer l’analyse, et peut adopter des postures favorables à
l’induction d’autres lectures ou façons de faire » (p.122). Autrement dit, le compagnon est un
professionnel dans le domaine et possède les compétences nécessaires pour encadrer et
accompagner un groupe dans des séances d’analyse de pratiques. Finalement, Donnay et
Charlier (2008) trouvent avantageux de faire appel à un compagnon car il peut amener aux
praticiens des théories et des recherches auxquels ils n’auraient peut-être pensé par eux-
mêmes :
35
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
logiques d’action et les savoirs issus des pratiques. La posture tierce du compagnon
offre, au praticien, la possibilité de distanciation et par là, d’avoir une meilleure maîtrise
de ses pratiques. (p.120)
Schön (1994) définit la pratique comme étant une activité professionnelle. Mosconi
(2001) est plus précise dans sa définition car elle la définit comme une pratique finalisée,
c’est-à-dire qu’elle se fait dans un certain but et qu’elle est contextualisée. Selon Altet,
(2000), la pratique est un « processus de transformation d’une réalité à une autre réalité,
requérant l’intervention d’un opérateur humain » (p.40). Le dictionnaire de l’éducation
(Longhi, 2009, pp.470-471) quant à lui, définit la pratique comme une manière d’agir, une
conduite et plus spécifiquement pour les enseignants, une activité, un enseignement, une
leçon. La pratique est donc un ensemble de savoir-faire que les enseignants maîtrisent et
mettent en œuvre dans leur classe.
L’analyse de pratiques est un dispositif qui permet d’étudier la pratique des enseignants
en se référant à des contenus théoriques. Autrement dit, afin d’analyser les actions des
praticiens, cet outil de travail puise des ressources dans les éléments théoriques mis en œuvre
par les chercheurs afin d’enrichir les réflexions. Les savoirs théoriques permettent d’offrir aux
36
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nous pouvons relever ici un va-et-vient entre la théorie et la pratique, mais également
un échange entre les praticiens et les théoriciens ; chacun peut apprendre de l’autre. « Le
chercheur en science sociale et humaine ne peut pas faire le rapport entre ses recherches et la
pratique – ce que supposerait la notion d’"application", que c’est le praticien qui peut faire ce
rapport » (Mosconi, 2001, p.19). C’est donc ces savoirs pratiques théorisés qui peuvent
donner des pistes de réponses aux chercheurs et faire avancer leurs recherches. Même si
Mosconi (2001) insiste sur le fait que « la finalité de l’analyse, ce sont les savoirs pratiques et
non les savoirs théoriques » (p.33) et que le but des enseignants n’est pas de produire de la
théorie mais d’agir sur le terrain, ils participent tout de même à l’avancée de la recherche et à
la construction de contenus théoriques car c’est à partir du terrain que les chercheurs se posent
des questions et viennent récolter leurs données. La pratique et la théorie sont donc à
considérer comme un complément l’une de l’autre et non pas comme une relation du type
dichotomique. Donnay et Charlier (2008) illustrent également cette complémentarité de la
pratique et de la théorie :
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Comme vu dans le cadrage contextuel et énoncé ici par Donnay et Charlier (2008), il est
important de prendre en compte le contexte dans lequel s’insère l’école. « L’essence même de
notre travail consiste à réinterroger constamment nos pratiques pour les adapter à une réalité
changeante » (p.169). En effet, « les pratiques évoluent dans le temps, subissant les
transformations de la société qui développe ses institutions éducatives » (p.68-69). L’analyse
de pratiques est un outil qui peut permettre aux praticiens de se familiariser avec ses
changements et d’ajuster leurs actions. Plusieurs recherches dont celle de Charrat (2006) ont
démontré qu’elle permet aux enseignants de s’approprier un nouveau matériel pédagogique et
par conséquent de s’adapter au changement. En effet, « les informations apportées à propos de
la démarche novatrice conduisent les enseignants à mieux prendre conscience de leur pratique
» (Charrat, 2006, p.79). Cette recherche nous montre à quel point l’analyse de pratiques est un
outil précieux pour s’adapter au changement permanent de l’institution. Ainsi, elle pourrait
être une solution efficace pour une appropriation du nouveau plan d’études qui sera mis en
activité prochainement dans les écoles genevoises (Plan d’Etudes Romand, rentrée scolaire
2011-2012).
III) c. La réflexivité
Sous la douche, sur son vélo, au supermarché ou pendant un cours d’aquagym, il nous
arrive de réfléchir sur notre pratique. Cependant, ce n’est pas parce qu’on réfléchit, qu’il
s’agit d’analyse réflexive ou de réflexivité. En effet, pour qu’elle soit effective, il faut que
cette réflexion soit guidée, cadrée et méthodique. Selon Perrenoud (2001), la réflexivité
s’entraîne de façon intensive et délibérée, comme un athlète s’entraînerait pour une course.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Schön favorise la posture réflexive, plutôt que l’application de savoir-faire appris. La partie
suivante est consacrée au lien qui existe entre la réflexivité et l’analyse de pratiques. Pour
terminer, nous portons notre attention sur la pratique réflexive au sein de la formation initiale
des enseignants.
Présentation générale
Pour Perrenoud (2001), la réflexivité est une posture, une identité professionnelle et
non pas un outil méthodique. Réfléchir n’est pas un réflexe que l’on retrouve chez tout le
monde. En effet, il faut un minimum de curiosité, une certaine envie de comprendre et
surtout, cela demande un effort intellectuel important. Il ne suffit pas de réfléchir
précipitamment à la situation, mais de prendre du temps pour le faire, de s’investir. De plus,
l’enseignant doit être dans une attitude d’ouverture à la réflexion sur sa pratique, sinon il
s’arrêtera de réfléchir. Selon Perrenoud (2001), les enseignants qui ont été formés à la
pratique réflexive l’abandonnent. On peut se demander alors ce qui pourrait être mis en place
afin que cette réflexion ne cesse pas une fois sorti de l’Université ?
La réflexivité peut avoir plusieurs fonctions (Donnay & Charlier, 2008, p.82) :
comprendre les pratiques, changer les pratiques ou accroître la professionnalité. On retrouve
ces mêmes fonctions chez Legault (2004) : « la pratique réflexive se réfère à deux
composantes : la résolution de problème et l’apprentissage. Elle engage le praticien dans une
démarche qui peut l’amener, d’une part, à résoudre des situations problématiques et, d’autre
part, à se perfectionner » (p.48). Ceci implique que,
Même si le praticien conçoit qu’il peut changer les choses, il faut rester lucide sur le fait
que « la pratique réflexive ne suffit pas, mais c’est une condition nécessaire pour faire face à
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Moments de réflexivité
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Pour terminer, nous relevons le point de vue de Schön en ce qui concerne l’implication des
élèves dans la réflexivité des enseignants.
Selon Schön, les enseignants ne réfléchissent pas seulement avant ou après l’action,
mais leur capacité à réfléchir, à remettre les choses en question fonctionne également en cours
d’action. Il nous arrive donc de réfléchir « en cours d’action sur l’action » (Schön, 1994,
p.82). Schön, ne dissocie pas l’action et la pensée, mais il les considère comme
complémentaires (p.333). Schön définit cette action sur une durée indéterminée, dans le sens
où l’action peut durer une période, toute une séquence didactique, une année, etc. :
Sur la ligne de feu, en plein trafic ou même sur un terrain de jeu, mieux vaut réagir du
tac au tac si l’on veut éviter les conséquences fâcheuses. Mais ce n’est pas le cas de
toutes les situations pratiques. L’action présente, c’est-à-dire la période de temps
pendant laquelle nous demeurons dans la "même situation", varie considérablement d’un
cas à l’autre. (Schön, 1994, p.331)
Par exemple, un enseignant qui s’occupe d’un élève en difficulté est une démarche qui
peut s’étendre sur des semaines voir plusieurs mois. L’enseignant a donc suffisamment de
temps pour réfléchir en cours d’action sur son action.
Ce qu’il est important de retenir de la pensée de Schön (1994), c’est qu’on réfléchit en
cours d’action uniquement si les pratiques qui marchaient habituellement ne le sont plus ou si
elles créent un résultat inattendu : « il est vraisemblable qu’on provoquera soi-même la
réflexion en cours d’action si on est coincé ou sérieusement insatisfait de son rendement
(p.333). En effet, les enseignants ne vont pas remettre en cause une séquence didactique qui
fonctionne. Cependant, ils vont se mettre à réfléchir si soudainement, durant l’action, les
élèves se mettent tous à parler par exemple ou s’il y a une incompréhension de leur part.
Autrement dit, les enseignants se mettent à réfléchir en cours d’action s’il y a quelque chose à
réguler. Néanmoins, « quel que soit le facteur déclenchant, la réflexion en cours d’action […]
consiste à critiquer dans l’immédiat, à restructurer et à vérifier les compréhensions intuitives
des événements observés ; elle prend souvent la forme d’une conversation réflexive avec la
situation » (Schön, 1994, p.290). Lorsque le praticien réfléchit en cours d’action, il puise dans
sa réserve de connaissances pour résoudre la situation présente. Cette réflexion apportera alors
du nouveau au répertoire des connaissances déjà emmagasinées. Selon cet auteur, réfléchir en
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
cours d’action, c’est expérimenter des gestes qui permettent de répondre à une hypothèse. En
d’autres termes, le praticien pense qu’en agissant de telle façon, une telle réaction sera
obtenue et c’est en faisant ce geste précis, qu’il va alors vérifier son hypothèse de départ. Le
praticien doit être à la fois observateur de ce qu’il est en train de faire, mais également
manipulateur.
Schön (1994) soulève le fait que les enseignants sont souvent incapables d’expliquer les
raisons de leurs actions et qu’ils deviennent très maladroits lorsqu’ils doivent décrire ce
qu’ils connaissent. « Il semble raisonnable de dire ici que notre savoir est dans nos actes »
(p.769). Ce que l’auteur veut dire par là, c’est que la théorie que les enseignants ont apprise
se retrouve dans leurs pratiques, mais qu’il est difficile pour eux de l’expliquer, de la décrire
avec leurs propres mots. En effet, nous faisons tous les jours des gestes spontanément sans
avoir besoin d’y réfléchir, mais sans savoir non plus les expliquer. Ces savoir-faire tacites
sont appelés chez Schön des savoirs cachés dans l’agir professionnel. En effet, les
enseignants font tous les jours des gestes automatisés, auxquels ils ne réfléchissent plus en
les faisant et par conséquent, ils leur est difficile de les décrire ou de les expliquer à
quelqu'un. Néanmoins, en partageant « ses points de vue avec eux, de parler de ce qui
l’intrigue, de confronter ses opinions à celles de ses collègues » (p.391), le praticien
parviendra à expliciter ces savoirs cachés. Ce que Schön explique ici c’est que la réflexivité
permet de mettre en mots la pratique des enseignants et de la partager avec les collègues.
Schön (1994), nous dit que cette réflexivité peut également être partagée avec l’élève
en mettant en place avec lui un contrat réflexif où le praticien accepte « d’être remis en
question » (p.353) par les élèves. L’élève « tentera de comprendre ce qu’il ressent et en fera
part au praticien. Il s’opposera à lui quand il ne comprendra pas ou qu’il ne sera pas
d’accord. Il vérifiera sa compétence professionnelle en étant attentif à l’efficacité dont le
praticien fait preuve » (p.352). Cette pratique reflète l’image d’un enseignant qui n’est pas
expert de la situation, mais capable de se remettre en question et d’apprécier et de profiter
des conseils des autres. « Quand un praticien devient un chercheur dans sa propre pratique, il
s’engage dans un processus continu d’autoévaluation (Schön, 1994, p.353). Autrement dit, la
réflexion permet à l’enseignant de réguler sa pratique. Dans un contrat réflexif, il y a une
implication forte de la part du client, dans notre cas, de l’élève. On lui demandera à lui aussi
d’être réflexif et d’être capable d’analyser la situation et d’y réfléchir.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
L’analyse de pratiques et la réflexivité sont très liées. Cependant, le premier est un outil
qui permet aux praticiens de réfléchir alors que le deuxième est une posture (Perrenoud,
2001). Lorsque les praticiens font de l’analyse de pratiques, il y a forcément de la réflexivité.
En effet, il n’est pas possible d’analyser une pratique sans y réfléchir. Or, l’inverse n’est pas
vrai. Il n’y a pas forcément de l’analyse de pratiques lorsqu’on réfléchit. En effet, une
pratique réflexive ne suppose pas l’appartenance durable à un groupe d’analyse de pratiques.
On peut réfléchir seul, en équipe ou avec des collègues, voir en dialoguant avec ses proches.
Comme l’analyse de pratiques, « la réflexion est en général plus féconde si elle se nourrit
aussi de lectures, de formations, de savoirs savants ou de savoirs professionnels construits par
d’autres, chercheurs ou praticien » (Perrenoud, 2001, p.50). En effet, les lectures peuvent
montrer aux praticiens de nouvelles pistes de réflexions et des solutions auxquelles ils
n’auraient peut-être pas pensé par eux-mêmes.
La réflexivité est donc une posture de la part de l’enseignant et peut s’inclure dans la
dernière compétence de Perrenoud (1999) : gérer sa propre formation continue, dans le sens
où il s’agit pour le praticien d’être capable d’expliciter sa pratique et de connaître ses
manques et ses faiblesses afin de choisir la formation continue dont il a besoin. L’analyse de
pratiques est quant à elle, un dispositif qui permet à l’enseignant d’analyser sa pratique au
travers d’une posture réflexive. Contrairement à la réflexivité, elle est régit par un cadre et des
règles bien précis qui permettent à tous les participants de profiter d’un climat de confiance et
de travailler dans les meilleures conditions possibles.
Perrenoud (2001) signale le fait qu’en tant que futur enseignant on est condamné à
apprendre notre métier sur le tas. Or, c’est justement là qu’intervient la posture réflexive qui
va permettre de vivre cet apprentissage de façon plus positive. Donnay et Charlier (2008) le
relèvent aussi, une démarche réflexive c’est « aller au-delà d’un apprentissage sur le tas »
(p.89). La pratique réflexive doit par conséquent faire partie intégrante de la formation initiale
des enseignants. Il ne s’agit pas de rajouter simplement un module réflexif pour former des
étudiants à cette posture. « La formation n’est plus transmission de contenus, mais
construction d’expériences formatrices » (Perrenoud, 2001, p.73). De cette manière, la
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
formation rend les étudiants responsables de leur développement professionnel et elle leur
permet de (Perrenoud, 2001, p.46) :
- compenser la légèreté de la formation professionnelle
- favoriser l’accumulation des savoirs d’expérience
- accréditer une évolution vers la professionnalisation
- préparer à assumer une responsabilité politique et éthique
- permettre de faire face à la complexité croissante des tâches
- aider à vivre un métier impossible
- donner les moyens pour travailler sur soi
- encourager à affronter l’irréductible altérité chez l’apprenant
- ouvrir à la coopération avec des collègues
- accroître les capacités d’innovation
Moyne (1998) rejoint Perrenoud sur cet aspect de la réflexivité : « ce qui est formateur
dans une classe comme en formation, ce n’est pas de posséder des outils tout faits, mais
d’être capable de construire ses outils » (p.150). C’est en effet ce vers quoi tend notre
formation initiale à l’Université de Genève ; être capable de créer ses propres dispositifs de
travail. Cette posture réflexive aide à entrer dans la profession, mais elle nous sert également
tout au long d’une carrière :
Cependant, Perrenoud (2001) soulève le fait que « former des étudiants à une pratique
réflexive alors qu’ils attendent des réponses catégoriques, des recettes et des routines, est une
entreprise sans espoir » (p.60). En effet, si les enjeux et les objectifs de cette formation ne
sont pas compris, les étudiants peuvent alors en ressortir frustrés en ayant le sentiment de ne
pas posséder les outils nécessaires pour enseigner. Par conséquent, il nous semble primordial
de soulever le fait que « c’est en fonctionnant dans une posture réflexive et une implication
critique que les étudiants tireront le meilleur parti d’une formation en alternance » (Perrenoud,
2001, p.18).
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
IV) a. Problématisation
Dans ce chapitre, nous allons expliciter l’approche et la perspective théorique que nous
avons décidé d’adopter pour traiter notre question de départ, ainsi que les objectifs de cette
recherche. Les différentes notions que nous allons présenter vont nous permettre de modifier
notre questionnement initial par des liens ou des oppositions, afin de le reformuler en une
question de recherche. Nous allons donc tenter de délimiter des éléments de réponse
pertinents qui nous permettront de parvenir à celle-ci. Enfin, nous présenterons notre question
générale et les questions spécifiques qui nous serviront de point d’ancrage pour le
déroulement de notre recherche et l’analyse des données.
Collaborer : pourquoi ?
Sur un plan personnel, la collaboration nous semble essentielle. Elle nous apparaît à
toutes deux comme une chance de pouvoir échanger nos visions de l’enseignement pour les
faire évoluer, partager la responsabilité du parcours des élèves et les difficultés ou les belles
découvertes avec des collègues de divers horizons, trouver des ressources originales, des
nouvelles pistes de réflexion, développer le sens de la solidarité et des projets communs pour
aider les élèves dans leur apprentissage. Par ailleurs, de nombreux auteurs ont démontré
l’importance, dans un métier devenant de plus en plus « impossible » (Cifali, 1986), de
partager non seulement les tâches mais aussi les responsabilités. Certains soulignent la
permanence de l’échec scolaire et la nécessité de réunir toutes les forces pour lutter contre
celui-ci. Gather Thurler (2007) l’écrit ainsi :
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
compétences, une interruption dans les routines d’action, la disponibilité et capacité des
professionnels à quitter le terrain des pratiques sécurisées, leur capacité à développer
des solutions qui, forcément, dépasseront le cadre du travail prescrit (p.27).
En accord avec ce que développe cette auteure, nous sommes conscientes que la
collaboration au sein d’une équipe ne devrait pas être seulement un objectif personnel et qu’il
devient bien essentiel de bâtir une réflexion commune face à la complexité des situations
éducatives. Nous pensons que, pour assumer un véritable pari éducatif dans le contexte actuel
de l’enseignement, il n’est plus pertinent de se réfugier dans des pratiques individuelles ou
individualistes, mais qu’il est nécessaire d’admettre que c’est dans la conjugaison des efforts
partagés que les obstacles pourront être affrontés.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Ce constat déploie ses effets, puisque, depuis la rentrée scolaire 2008, le nouveau
fonctionnement de l’enseignement primaire a instauré, dans l’optique d’une décentralisation
et d’une autonomie des écoles, des directrices et des directeurs. Le cahier des charges de
ceux-ci (Cahier des charges du directeur ou de la directrice d’établissement primaire, 2007)
leur enjoint ainsi à mettre en œuvre les conditions d'une formation des élèves efficace et
équitable en les désignant responsables du bon fonctionnement et de l'évolution de leur
établissement dans le domaine de l’enseignement, du suivi collégial des élèves, de la gestion
des ressources humaines, de la gestion administrative, des relations, collaborations et
communication, en fonction des objectifs pédagogiques du projet d'établissement. Les écoles
genevoises ont, d’autre part, été organisées en établissements scolaires avec pour mission de
se fédérer autour d’un projet d’établissement et d’un conseil d’établissement. Nous constatons
ainsi que la collaboration et le travail en équipe sont devenus des attentes fortes de
l’institution afin de lutter contre les inégalités des chances et l’échec scolaire.
Implication personnelle
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dans son ouvrage qui définit les « dix nouvelles compétences pour enseigner »,
Perrenoud (1999) note que « travailler ensemble devient une nécessité liée à l’évolution du
métier plus qu’à un choix personnel » (p.78) et il énumère ainsi les cinq compétences à
développer pour être en mesure d’assumer la profession enseignante : « élaborer un projet
d’équipe, des représentations communes », « animer un groupe de travail, conduire des
réunions », « former et renouveler une équipe pédagogique », « confronter et analyser
ensemble des situations complexes, des pratiques et des problèmes professionnels » et, pour
terminer, « gérer des crises ou des conflits entre personnes » (p.80). Perrenoud n’est pas le
seul dans la littérature spécialisée à engager les enseignants dans des formes de collaboration
plus ou moins poussées. De nombreux auteurs (Paquay, Charlier, Lessard, Tardif, Gather
Thurler, par exemple) nous démontrent ainsi que ce qui est attendu par le Département de
l’Instruction Publique est largement soutenu par les chercheurs en éducation et les milieux
professionnels de l’enseignement. D’ailleurs, nous l’avons nous-mêmes perçu lors de notre
formation, puisque nous avons été amenées à collaborer à de nombreuses reprises pour divers
projets et sous différentes configurations. Nous avons ainsi pu développer des compétences
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Pourtant, s’il est clairement établi que l’enseignant a pour mission de pratiquer la
collaboration, les modalités de celle-ci restent largement de l’appréciation de chacun. En effet,
comme le constate Gather Thurler (1994), chaque établissement construit sa propre culture et
les acteurs y pratiquent de manières diverses et variées le travail en équipe. Elle observe ainsi
que « de nombreuses analyses récentes des pratiques collaboratives dans les établissements
scolaires ont clairement démontré que la coopération « professionnelle » (dont on suppose
qu’elle parvient réellement à améliorer les niveaux de performance des élèves) n’y représente
qu’une partie infime des pratiques existantes » (Gather Thurler, 2009), et ceci pour de
multiples raisons, telles qu’une formation initiale insuffisante, une « structure de gestion des
systèmes scolaires qui ne valorise pas les performances collectives » (p.35), des horaires de
travail inadéquats, des leaderships inefficaces, des horaires partiels qui rendent la
disponibilité problématique (Gather Thurler, 1994) et des pratiques individuelles sédimentées
et encouragées par l’organisation scolaire (une classe, un certain nombre d’élèves sous la
responsabilité d’un enseignant, etc.). Si Perrenoud (1999) peut faire le même constat lorsqu’il
développe les concepts de « pseudo équipe », d’équipe « lato sensu » ou « stricto sensu »
(p.78) détaillant ainsi les différents types de collaboration, allant de la plus pragmatique à la
plus évoluée, c’est bien qu'il a pu conclure de ses observations de terrain que le travail en
équipe n’avait pas la même valeur pour tous. Ces deux auteurs démontrent par ailleurs ce que
nous avons pu nous-mêmes observer lors de nos stages : « s’ils [les étudiants] font de
nombreux stages dans des établissements différents, ils comprendront qu’entre le discours qui
présente la coopération comme allant de soi et les pratiques, il y a parfois un fossé » (Gather
Thurler & Perrenoud, 2005, p.99). Bien que ces deux auteurs nous enjoignent à « ne pas
confondre coopération et affinités électives » (p.100), nous ne pouvons imaginer que les
conflits et les mauvaises relations entre les acteurs d’un établissement puissent ne pas
restreindre, voire enfreindre, la collaboration. En effet, nous l’avons nous-mêmes observé :
des enseignants, qui arrivent à des niveaux insurmontables de rancœurs accumulées, de
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
réflexion, puisqu’elle y souligne des apports en terme de solidarité, estime de soi, sentiment
de compétence, relations de groupe confiantes et reconnaissance des collègues. « L’analyse de
pratiques est une démarche groupale et accompagnée » (Altet, 2000, p.28) et il nous semble
qu’à ce titre elle développe des compétences spécifiques en matière de gestion de groupe et de
communication chez les participants dans des bonnes conditions de sécurité. D’autre part,
pratiquer ce type de démarche permet la construction d’un savoir-analyser (Perrenoud, 2001).
Ce savoir nous semble être d’une grande utilité dans les pratiques collaboratives, car il permet
de prendre du recul dans des situations qui pourraient être conflictuelles sur le plan des
relations interpersonnelles. Dans une optique d’engagement et de soutien aux pratiques de
collaboration, nous nous sommes donc posé la question de savoir si la réflexivité de chacun,
travaillée en équipe comme dans l’analyse de pratiques, pouvait avoir des effets. Et, si effets il
y a, nous nous demandons de quelles natures ils sont. Ainsi, nous aimerions connaître les
représentations des enseignants et des directeurs au sujet de l’analyse de pratiques dans leurs
établissements et leur demander d’en apprécier les éventuels effets.
Nous nous demandons donc comment les enseignants et les directeurs d’école
perçoivent la place de l’analyse de pratiques au sein de leur vie professionnelle ? Est-ce que
l’analyse de pratiques peut ou doit avoir une place au sein des établissements scolaires
genevois ? Dans quelle mesure ? Pour quels bénéfices ? Et, de quelle manière et dans quelles
conditions ce travail réflexif peut ou devrait être amené auprès des enseignants, afin qu’ils
soient en mesure de se l’approprier et que les apports soient bénéfiques pour la cohésion et le
projet d’une équipe ?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
D’autre part, nous pouvons énoncer les questions spécifiques qui découlent de cette
question générale de la manière suivante :
Comment faudrait-il mettre en place une analyse des pratiques ? Quelles sont les
représentations personnelles des enseignants et des directeurs ?
Il nous semble important de comprendre quelles sont les représentations des enseignants
et des directeurs au sujet du travail en équipe pour être en mesure d’observer ou non des
corrélations entre le travail en équipe et l’analyse de pratiques. Par ailleurs, nous pensons que,
dans le cas où nous observerions des corrélations, ce sont les enseignants et les directeurs qui
seront les plus à même de nous expliquer comment pourrait se profiler l’analyse de pratiques
dans leurs établissements, ce qui motive notre troisième question spécifique. D’autre part,
nous voulons observer la provenance de ces représentations pour mieux comprendre la
manière dont elles se créent. Enfin, nous nous demandons quels sont les leviers qui ont été en
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
action dans l’apparition des notions de réflexivité et de collaboration dans la perception des
enseignants et des directeurs.
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Ce chapitre va nous permettre d’expliquer la façon dont nous avons mis en place notre
recherche, les moments-clé et les différentes étapes. De plus, nous expliciterons les choix que
nous avons effectués ainsi que les différentes décisions que nous avons prises. Autrement dit,
nous allons retracer la construction et la réflexion que nous avons eues tout au long de notre
recherche.
V) a. La recherche compréhensive
Les sciences sociales regroupent un ensemble de disciplines qui ont pour objet
l’homme vivant en société, ainsi que la société comme production des rapports entre
humains. Ces différentes disciplines sont par exemple : la sociologie, l’ethnologie,
l’anthropologie, la psychologie, la philosophie, etc. Les phénomènes ou événements de ces
disciplines peuvent être vus sous deux angles ou plutôt deux postures scientifiques
différentes : la démarche explicative et la démarche compréhensive. Ces deux postures sont
considérées comme scientifiques par la présence d’un cadre théorique et d’hypothèses dans
leur démarche. Cependant, elles se distinguent par leur but (expliquer ou comprendre), leur
investigation, leurs outils, etc. (Schurmans, 2006).
Selon Schurmans (2006), la démarche explicative s’est inspirée des sciences de la nature
afin d’expliquer le fonctionnement humain. Pour les sciences de la nature, il existe un lien de
causalité entre les différents événements. Par exemple, si on chauffe de l’eau, cette dernière
va bouillir. La chaleur est donc la cause de l’ébullition de l’eau. La démarche explicative
transpose ce lien de causalité aux sciences sociales et proclame qu’un changement d’état
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
n’advient pas par hasard et qu’il existe une cause antécédente et externe à ce changement. Le
chercheur va, grâce à la recherche explicative, mettre en lumière une loi correspondante à ce
changement. Cette loi va alors permettre de prévoir l’action et donc d’anticiper ce qui va se
passer. La démarche explicative admet que les événements sociaux n’adviennent pas de façon
aléatoire et qu’on peut établir des lois de fonctionnement du social. La finalité de cette
recherche est cependant de connaître la loi, la causalité d’un certain phénomène social, mais
non d’agir.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dans notre mémoire, nous avons opté pour une recherche compréhensive, car nous
voulons comprendre les représentations des enseignants et des directeurs, et non les expliquer.
« Il est important de saisir que les méthodes qualitatives [en opposition aux méthodes
explicatives] ont davantage de vocation à comprendre, à détecter des comportements, des
processus ou des modèles théoriques, qu’à décrire systématiquement, à mesurer ou à
comparer » (Kaufmann, 2008, p.28). Nous n’avons pas prédéfini des hypothèses de départ,
mais nous les avons construites progressivement tout au long de notre recherche. Notre objet
s’est donc bâti à travers une évolution permanente.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
L’idée qu’un individu se fait d’une réalité complexe, à partir d’éléments relevant de son
expérience, de la transaction sociale, de ses propres souvenirs ou fantasmes.
Individuelle comme contenu de pensée, lorsqu’elle émerge à la claire conscience, une
même représentation est la plupart du temps partagée par un grand nombre d’individus,
appartenant aux mêmes époques, aux mêmes catégories sociales, aux mêmes classes
d’âge. On peut alors parler de représentations collectives » (p.289).
La représentation mentale est donc foncièrement subjective. Même si elle possède une
dimension culturelle, elle est « une construction intellectuelle momentanée qui permet de
donner du sens à une situation, en utilisant les connaissances stockées en mémoire et/ou les
données issues de l’environnement » (Raynal & Rieunier, 2009, p.321). Bien que les
représentations puissent être très résistantes aux changements, elles sont soumises à de
constantes évolutions au gré des expériences que vit le sujet, de l'éducation qu'il reçoit et du
contexte culturel et historique dans lequel il vit (Arenilla, Rolland, Roussel & Gossot, 2007).
Les représentations ont pour fonction la conservation des caractéristiques des objets et la
formulation de leurs caractéristiques spécifiques. Elles permettent le guidage, l’orientation et
la régulation des conduites des individus, la systématisation des informations et le partage
d’informations porteuses de sens au travers de la symbolisation (Gallina, 2006). Bien que la
construction de ces représentations soit personnelle puisque chacun élabore des
représentations des objets qui lui sont utiles ou importants et sélectionne ceux-ci en fonction
de ses besoins ou de ses envies, elle se fait aussi au sein d’une collectivité, d’une société
puisque les objets que sélectionne l’individu circulent à l’intérieur de cette société. Le rapport
que l’individu entretient avec les autres membres de cette collectivité l’incite à ajuster et
réajuster cette construction et ce processus débouche alors sur des représentations sociales et
non plus individuelles en ce sens qu’elles sont partagées par une certaine communauté
(Bonardi & Rousseau, 1999). « En tant que produit collectif, les représentations [sociales]
permettent de définir et de distinguer le groupe qui les produit d’un autre groupe. Elles lui
donnent une identité, donc lui permettent (ainsi qu’aux individus qui en sont membres) de
justifier après coup leurs comportements » (p.25).
Comme nous pouvons le constater, les représentations sont des images de la réalité
complètement personnelles, souples et évolutives. Elles sont, d'autre part, fortement
dépendantes du contexte dans lequel elles se construisent, puisque chaque sujet vit au sein
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
d'une communauté avec laquelle il est en interaction. Cette architecture complexe de la pensée
peut nous être accessible par le langage. C'est la raison pour laquelle nous avons opté pour des
entretiens de recherche. Ces entretiens nous paraissent donc être la méthode la plus adéquate
pour avoir accès aux représentations de nos interlocuteurs, puisque celles-ci servent à la
conservation et à la formulation des caractéristiques spécifiques des objets que les sujets
rencontrent et vivent.
Avant les entretiens, nous avons décidé d’envoyer à chaque personne un questionnaire
"pré – entretien" (cf. annexes, p.208). Ce questionnaire a permis aux enseignants et directeurs
de se préparer à l’entretien et de savoir sur quoi nous allions les interroger ultérieurement. Le
choix d'insérer un questionnaire à caractère quantitatif ne repose pas ici sur une démarche
explicative, mais reste complètement inscrit dans notre démarche compréhensive. En effet,
comme l’écrit Crahay (2006), nous pensons que « si l’on considère que la réalité humaine est
polymorphe, les méthodes d’analyses de cette réalité doivent nécessairement -pensons-nous-
être plurielles » (p.52). Nous ne désirons pas opposer deux méthodes de recherche,
quantitative et qualitative, mais nous inscrire dans un continuum méthodologique (Crahay,
2006). Bien que nous pensions que « la quantification du réel psychologique et éducationnel
doit être un aboutissement autant qu’un point de départ de la réflexion » (Crahay, 2006,
p.48), nous pensons utiliser cette méthode quantitative dans notre enquête comme un moyen
de faire appel aux représentations de nos participants dans un cadre autre que celui de
l’interview et de son face-à-face particulier. En effet, il ne s'agissait pas de dévoiler notre
questionnaire d'entretien avant la rencontre, mais d'inciter nos interlocuteurs à faire appel à
leurs représentations sur les notions qui nous intéressent en amont de l'entretien afin de les
mobiliser plus rapidement lors de celui-ci. Par ailleurs, ces questionnaires ont l'avantage de
pouvoir être remplis en notre absence. Le rapport entre le chercheur et la personne
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
interviewée peut avoir des effets sur les réponses de cette dernière ainsi que sur les relances
de l'intervieweur. Nous voulions ainsi avoir des réponses à nos questions hors de ces
phénomènes humains d'influences réciproques. Enfin, ces questionnaires "pré-entretien"
permettent de discerner ce que ces personnes pensent du sujet au niveau des notions
théoriques. En effet, nous avons choisi des propositions courtes, en lien direct avec notre
cadre théorique (cf. annexes, p.216). Ces propositions sont soit des citations des auteurs qui
nous ont permis de construire notre cadre théorique, soit issues directement des notions que
nous avons développées dans celui-ci. Elles sont réparties en quantité égale en fonction des
notions qui nous semblaient importantes d'investiguer, soit:
Nous avons opté pour des questionnaires d’administration directe (Javeau, 1978), car
nous pensons que les participants ont ainsi l’occasion de réfléchir à leurs réponses sans
sollicitation de notre part (cf. annexes, p.208). En effet, nous les avons envoyés par courrier
électronique au minimum deux semaines avant les entretiens et les avons recueillis au début
de nos entrevues. Si les participants nous ont bien fait des commentaires sur ces
questionnaires, nous ne sommes pas entrées en matière afin de garder leurs observations pour
l’interview. Nous pouvons cependant relever que de nombreuses personnes nous ont fait part
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
de leurs difficultés à répondre à certains items qui étaient, selon eux, trop théoriques ou trop
abstraits.
En ce qui concerne la forme des interrogations, nous avons opté pour des questions
fermées (Javeau, 1978). Afin de permettre aux participants de nuancer leur position
personnelle, nous avons décidé de mettre à leur disposition une échelle graduée (Javeau,
1978) de 0 à 12 pour répondre aux items. Ils ont pu choisir de mettre une croix entre 0 et 12
(sur les lignes), le 0 étant « pas du tout d’accord » et le 12 « tout à fait d’accord ». A chaque
item correspond une possibilité de ne pas répondre en inscrivant son choix dans une case « ne
sais pas ». Nous avons posé des questions sur la réflexivité, sur l’analyse des pratiques et sur
le travail en équipe (cf. annexes, p.208). Les questions étaient posées de manière à ce que
chaque question soit en accord avec notre cadre théorique. De plus, nous avons posé
plusieurs questions sur un même concept. Par exemple, pour le travail en équipe, nous avons
utilisé les « niveaux d’interdépendance » de Perrenoud (1999, p.78) et repris sa
classification : le partage des élèves, le partage des ressources, le partage des pratiques et le
partage des idées. Pour chacun de ces concepts, nous avons posé deux questions. Cela nous a
permis, en analysant les questionnaires, de procéder à des correspondances dans les
représentations des participants. Ainsi, nous avons tenté de cerner au mieux dans quel type de
coopération ils se situent. Nous avons ainsi défini préalablement des catégories au sein de
chaque concept que nous voulions explorer (cf. annexes, p.216), ceci afin de préciser dans
quelles perspectives nous considérons les réponses des personnes questionnées.
Concernant le codage, nous avons retenu le chiffrement (Javeau, 1978). Ainsi, nous
avons opté pour un nombre de points allant de 1 à 4 (cf. annexes, p.214). Nous avons
considéré que les réponses dans l’échelle graduée entre 0 et 6 étaient en désaccord avec la
proposition et celles entre 7 et 12 en accord. Pour affiner le codage, nous avons découpé en
quatre tranches les opinions et fait correspondre le nombre de points à ces tranches.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
V) d. Les entretiens
Ce sous-chapitre va expliquer, dans un premier temps, la façon dont nous avons mis en
place les questions pour nos entretiens et, dans un deuxième temps, les dispositions
employées et les difficultés rencontrées lors de la passation des entretiens.
L’entretien dans les sciences humaines et sociales a déjà une longue histoire. Son
origine est multiple : enquêtes sociales du XIXe siècle, travail de terrain des
ethnologues, entretiens cliniques de la psychologie. Et il s’inscrit aujourd’hui dans une
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
vaste nébuleuse de pratiques plus ou moins proches des critères scientifiques : études de
motivation, interviews journalistiques, etc. Dans cette histoire très riche deux éléments
peuvent être soulignés. Premièrement, une tendance à accorder davantage d’importance
à l’informateur. A l’entretien administré comme un questionnaire s’est progressivement
substituée une écoute de plus en plus attentive de la personne qui parle. […]
Deuxièmement, […] la variété des méthodes est très grande. Chaque enquête produit
une construction particulière de l’objet scientifique et une utilisation adaptée des
instruments. (p.17)
Sur ce plan, nous constatons que, si l’entretien compréhensif est une méthode basée sur
des instruments souples, il demande tout autant de rigueur et de travail qu’un entretien
explicatif. En effet, si les manières de mener les entretiens peuvent être très diverses, les
exigences quant à la recherche restent les mêmes. Il s’agit de travailler sur la cohérence et sur
l’enchaînement des différentes questions, afin que l’entretien soit le plus fluide possible : « La
suite des questions doit être logique (il est utile de les ranger par thèmes) et l’ensemble
cohérent » (Kaufmann, 2008, p.45). Notre recherche se base donc sur des entretiens semi-
directifs. Ce type d’entretien implique que « le chercheur guide le sujet de façon subtile en
demandant des clarifications » (Boutin, 1997, p.32) et que les questions posées ne soient pas
des questions très précises mais plutôt des questions ouvertes qui permettent à la personne
interviewée d’y répondre librement. Nous avons choisi cette démarche d’entretien, car,
contrairement à un entretien non-directif, elle permet d’intervenir dans la conversation, de
faire des relances et de faire réfléchir l’interlocuteur, avec nos citations par exemple (cf.
annexes, p.134), afin d’éviter les dérives de l’entretien non-directif, l’éloignement du sujet de
recherche. Les questions que nous avons mises en place sont une sorte d’aide-mémoire et
elles ont pu être posées de façon différente selon la personne interviewée. Boutin (1997)
donne les caractéristiques suivantes à un tel type d’entretien :
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nos questions pour les entretiens ont donc été réfléchies et construites minutieusement.
Elles ont été préparées grâce à une table de spécifications (cf. annexes, p.168). Nous sommes
parties de notre question de recherche générale et nous l’avons décomposée en questions
spécifiques que nous avons alors également décomposées en questions d’entretien. Cet outil
de travail nous a permis de toujours rester focalisées sur notre question de recherche
principale et de ne pas nous en éloigner. Notre entretien se déroule en six étapes. Tout
d’abord, la personne interviewée se présente ainsi que son parcours professionnel. Ces
informations serviront plus tard, lors de l’analyse des données, et sont répertoriées dans le
tableau de la page 170 des annexes. Puis, il y a une partie sur les représentations du travail en
équipe, sur les représentations de l’analyse des pratiques de manière générale et personnelle,
sur les effets de l’analyse des pratiques sur le travail en équipe et, pour finir, une partie sur la
provenance de ces représentations.
63
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Tableau 5 : Table de spécification
Question Questions
Questions pour l’entretien
générale spécifiques
1. Présentation personnelle
2. Représentations du travail en équipe
établissement de manière à favoriser la cohésion et la collaboration au sein d’une
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
A la fin de notre trame d’entretien, nous avons proposé trois citations nous semblant
pouvoir provoquer de nouveaux commentaires. Ce choix nous a paru opportun pour amener
les participants à nous dévoiler leurs représentations de manière plus ciblée, un guidage en
quelque sorte. Nous sommes conscientes d’avoir peut-être pris le risque - mesuré puisqu’en
toute fin d’interview - de bloquer les participants sur des aspects théoriques. En effet, il est
toujours possible qu’ils se sentent en décalage avec les citations proposées et qu’alors ils se
referment, ne se sentant plus en confiance. Par ailleurs, la lecture d’un texte, même court,
exige en peu de temps une concentration qui risque de déstabiliser la personne interviewée.
Nous n’avons que peu observé ces phénomènes, mais nous y avons assisté parfois. Dans ces
moments, il nous a fallu être très attentives à remettre notre interlocuteur en confiance, ce
que nous avons fait. Les trois citations que nous leur avons proposées sont :
Une fois les questions prêtes, nous sommes allées sur le terrain. La grille des questions
que nous avons mise en place n’a pas été lue telle quelle lors des entretiens, mais nous a servi
de guide pour ne pas oublier de traiter de certains aspects :
La grille des questions est un guide très souple dans le cadre de l’entretien
compréhensif. Une fois rédigées, il est rare que l’enquêteur ait à les lire et à les poser
les unes après les autres. C’est un simple guide, pour faire parler l’informateur autour
du sujet, l’idéal étant de déclencher une dynamique de conversation plus riche que la
simple réponse aux questions, tout en restant dans le thème. (Kaufmann, 2008, p.45)
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nous avons, par ailleurs, été attentives à la façon dont les questions étaient posées, le
ton et la formulation ayant un effet direct sur les réponses données. Par exemple, si nous
avions lu nos questions telles quelles, nous aurions alors eu des réponses très brèves. Nous
avons donc essayé d’effectuer les entretiens sous forme de discussion, en insérant les
questions dans la discussion. « Pour atteindre les informations essentielles, l’enquêteur doit en
effet s’approcher du style de la conversation sans se laisser aller à une vraie conversation »
(Kaufmann, 2008, p.48). Au fur et à mesure de l’entretien, il nous fallait donc retirer de la
liste les questions auxquelles les interviewés avaient déjà répondues et être attentives aux
questions qui manquaient encore. Cet exercice était plutôt difficile pour des chercheuses
débutantes. De plus, il nous fallait relancer l’interviewé, afin qu’il nous donne des exemples
ou qu’il explicite sa pensée. De cette manière, nous avons voulu lui permettre d’être « surpris,
de se sentir écouté en profondeur » et de « se sentir glisser, non sans plaisir, vers un rôle
central » (Kaufmann, 2008, p.48). Ce rôle central fait partie du modèle d’entretien semi-
directif que nous avons choisi pour recueillir les informations. En effet, la personne
interviewée est active dans la discussion plutôt que réactive (modèle d’entretien traditionnel).
Pour nos entretiens, nous avons décidé de faire appel à cinq établissements en
interrogeant chaque fois son directeur et trois enseignants. Nous avons choisi des
établissements différents afin de rendre notre échantillon le plus varié possible. Cependant,
nous sommes bien conscientes « qu’en aucun cas un échantillon ne peut être considéré
comme représentatif dans une démarche qualitative » (Kaufmann, 2008, p.42). En effet,
chaque discours est différent et les représentations de chacun sont singulières et propres à la
personne interrogée.
En ce qui concerne nos interlocuteurs, nous avons décidé de prendre quatre personnes
d’un même établissement afin d’observer ce que Gather Thurler (1994) désigne comme une
« culture d’établissement ». En effet, nous avons voulu savoir si on retrouve les mêmes
représentations de l’analyse des pratiques ou du travail en équipe au sein d’un même
établissement et, si ces représentations ont des points communs, de quelles natures peuvent-
elles être et quels effets peuvent-elles produire sur les acteurs. La proportion choisie (un
quart de directeurs et trois quarts d’enseignants) permet de rendre notre échantillon assez
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Une fois l’accord reçu du directeur d’un établissement, nous avons pris contact avec
trois enseignants volontaires. Nous n’avons pas pu choisir les enseignants, mais nous
constatons cependant que l’échantillon est suffisamment varié car les âges, les nombres
d’années d’enseignement, les divisions, les cycles et les genres sont multiples et diversifiés.
Nous pouvons constater que les enseignants ont choisi par eux-mêmes de répondre à nos
questions. En effet, les enseignants qui ont accepté de prendre du temps pour un entretien
étaient a priori des enseignants intéressés par le sujet et d’accord d’en parler avec nous. Nous
nous posons alors la question suivante : les résultats de notre recherche auraient-ils été
différents si nous avions eu un échantillon d’enseignants non volontaires ? Nous intéressant à
un concept tel que la réflexivité, il nous paraît essentiel de nous poser cette question. En
effet, nous ne pouvons pas complètement écarter le fait que les participants volontaires
intéressés par notre sujet pourraient être des personnes plus réflexives que d’autres. Comme
nous ne pouvons pas définir le poids de ce paramètre dans cette seule enquête, il nous paraît
important de considérer nos résultats à cette restriction lors de l'analyse des nos entretiens.
Nous avons procédé aux entretiens dans les salles de classe des enseignants et dans les
bureaux des directeurs, en tête-à-tête avec chacun d’entre eux. Lors de ces interviews, nous
avons décidé de ne pas être présentes toutes les deux afin de créer une certaine intimité et un
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
équilibre entre l’interviewé et l’intervieweur. Les entretiens ont duré entre 35 minutes et 1
heure environ. Tous les participants se sont montrés ouverts et n’ont pas démontré de
résistance face à nos questions et relances, confirmant leur intérêt pour notre sujet.
Nous avons mis en place un tableau permettant de présenter les établissements que nous
avons visités et de montrer en quoi notre échantillon est varié. En effet, il y a des
établissements en REP et d’autres pas. La situation géographique, le nombre de classes, le
nombre d’école par établissement et les divisions présentes sont différents d’un établissement
à un autre. Pour terminer, nous présentons les personnes que nous avons interviewées dans
chaque établissement ainsi que la division dans laquelle elles travaillent.
Situation Rive droite – Rive gauche – Rive droite – Rive droite - Rive droite -
géographique centre-ville grande banlieue grande banlieue campagne campagne
Nombre de
13 18 29 17 20
classes
Nombre
1 2 2 1 3
d’écoles
CE7 CE CE
CE CE
Divisions CM8 CM CM
CM CM
DS9 DS DS
1 directeur 1 directeur
1 directeur 1 directeur
1 enseignant DS 1 enseignant CE 1 directeur
Interlocuteurs 1 enseignant CM 2 enseignants DS
1 enseignant CE 2 enseignants 3 enseignants CM
2 enseignants CE 1 enseignant CE
1 enseignant CM CM
Dans ce chapitre, nous allons présenter le profil général des personnes qui ont accepté
de partager leurs représentations avec nous. Il ne s'agit pas d'obtenir un échantillon
représentatif dans une recherche en compréhension. Cependant, connaître mieux les
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Réseau d’enseignement prioritaire
7
CE : cycle élémentaire
8
CM : cycle moyen
9
DS : division spécialisée
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
personnes dont nous allons analyser les représentations nous permet d'expliciter d'où se
situent les personnes qui s'expriment et les origines de leurs représentations.
Nous allons présenter ici de quelles manières ont été formées professionnellement les
personnes interviewées.
Si la majorité des personnes (8) que nous avons rencontrées sont issues de la formation
de l’Université de Genève de la faculté des sciences de l’éducation et de psychologie, section
licence mention enseignement, sept ont obtenu un diplôme au sein du précédent système de
formation appelé alors Etudes pédagogiques et une au sein de la formation équivalente
vaudoise (Etudes pédagogiques vaudoises). Par ailleurs, un enseignant provient de la Haute
école pédagogique BEJUNE (Berne-Jura-Neuchâtel). Cela démontre que la majorité de notre
échantillon (16) a suivi une formation initiale prévue pour former des enseignants. Bien que
trois autres personnes n'aient pas suivi ce même parcours, elles n'en ont pas moins des
formations assez approchantes: deux ont réalisé des études en sciences de l'éducation à
l'Université de Genève en licence mention recherche et intervention et la troisième a obtenu
une licence en psychologie. Enfin, une seule personne présente la particularité de la
suppléance. Celle-ci a tout d'abord obtenu une licence dans un autre domaine puis a été
formée au sein même du Département de l'instruction publique, en cours d'emploi et ceci
pendant deux ans.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dans un deuxième temps, il nous a paru intéressant de prendre en compte dans notre
recherche les années d'expérience des personnes interviewées. En effet, il est indubitable
qu'elles ont une influence sur le regard que peut porter l'acteur d'une profession sur ses
pratiques et celles de ses collègues. L'expérience s'enrichit au cours de la vie professionnelle
par la diversité des situations et des personnes rencontrées, par les évènements divers que le
monde scolaire a traversés au travers des changements politiques ou des changements dans la
sociologie des acteurs par exemple. Elle provoque un changement d'orientation du regard dû à
l'expertise qui s'installe. A contrario, un enseignant en début de carrière arrive dans la
profession avec des éléments théoriques fraîchement acquis et issus des dernières recherches.
Nous pensons que ce niveau d'expérience de nos interlocuteurs a donc une influence sur leurs
représentations et donc peut apparaître dans leurs discours. Ainsi, nous avons départagé nos
interlocuteurs en trois groupes: entrée dans la profession, expérience moyenne et expérience
avancée.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nous pouvons constater que notre échantillonnage comporte une plus grande partie de
personnes se situant aux deux extrêmes. En effet, 17 personnes ont soit moins de 4 ans
d'expérience soit plus de 11 ans. Nous ne pouvons pas expliquer si cette disproportion est due
au hasard ou si elle est représentante en proportion d'une certaine configuration du personnel
de l'enseignement genevois. Cependant, nous rappelons que cette description de nos
interlocuteurs n'a pas pour objectif de dénombrer mais de présenter le niveau de variété et de
richesse de notre échantillon.
Postes occupés
Afin de mieux préciser l'origine de nos données, il nous faut encore tenir compte des
divers postes occupés par les enseignants consultés. En effet, non seulement chacun des
postes qu'occupe un enseignant produit de nouvelles connaissances, mais il a aussi ses
exigences particulières. Un enseignant travaillant en division moyenne n'a pas le même type
d'élèves qu'un enseignant de division spécialisée et rencontre donc d'autres difficultés. Les
solutions à ces difficultés sont donc choisies et adaptées selon le poste occupé. Par ailleurs, un
enseignant qui a occupé un poste de cadre (direction ou inspectorat, par exemple) aura acquis
une vision plus globale de la profession et de ses caractéristiques par la prise de recul
qu'impose ce genre de poste. Enfin, une personne qui a travaillé à la formation des
enseignants ou des étudiants, aura acquis des connaissances particulières à ce genre de travail
qui comporte des compétences en formation des adultes et exige ainsi des réflexions d'une
autre nature, possiblement axées sur l'analyse des pratiques en particulier. Enfin, la capacité
de trouver des solutions rapidement face à toute la diversité des situations et des élèves
caractérise le travail d'un enseignant qui occupe un poste de soutien pédagogique (autrefois
nommée GNT, aujourd'hui ECSP). Nous pouvons donc le constater, chaque poste que nous
allons détailler ci-dessous offre l'opportunité d'un autre regard, d'une approche différente de la
profession et ainsi donc, d'apprentissages et de questionnements différents.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nous avons donc analysé notre échantillonnage en rapport avec les types de poste que
nos interlocuteurs nous ont décrit comme ayant jalonné leur carrière. Ainsi, nous avons pris
en compte les postes suivants:
Enseignant en division ordinaire (division élémentaire ou moyenne)
Enseignant en division spécialisée
Enseignant chargé de soutien pédagogique (anciennement GNT)
Fonction cadre dans l'enseignement (directeurs, inspecteurs, postes dans
l'administration de l'enseignement primaire genevois)
Formateur
Maître principal (MP) ou responsable d'école (RE)
Postes divers dans le travail social
Pour préciser, nous avons dénommé ainsi ce dernier groupe dans un but de
simplification mais il est évident que chaque poste occupé dans le travail social comporte
aussi des caractéristiques propres. Nous avons opté pour cette généralisation car nous ne
pensons pas avoir besoin d'en connaître plus pour parvenir à analyser, par exemple, l'origine
des représentations de notre interlocuteur.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nous pouvons constater que tous les postes sont représentés dans notre échantillon.
Nous prenons cela comme une diversification bienvenue dans l'apport des données. En effet,
cette richesse des expériences nous permet de dire que l'ensemble de nos interlocuteurs
contient suffisamment d'expériences sur le plan de la diversité pour que les points de vue
soient nombreux et variés. Dans une recherche qualitative comme celle-ci, nous pensons qu'il
s'agit d'un apport positif. Nous constatons par ailleurs, que la grande majorité (16) des
interlocuteurs a exercé des fonctions d'enseignement dans la division ordinaire. Seulement
trois personnes enseignent en division spécialisée et deux directeurs ont assumé des fonctions
de formateur.
Tous les entretiens ont été enregistrés sur un magnétophone, ce qui nous a permis de les
réécouter et des les organiser dans un premier tableau (cf. annexes, p.170). Ce tableau
comporte des citations des personnes interviewées ainsi que les réponses qu’elles ont
apportées à chacune des questions. Nous avons essayé de trouver un maximum
d’informations, tout en tenant compte du fait que :
Tout entretien est d’une richesse sans fond et d’une complexité infinie, dont il est
strictement impensable de pouvoir rendre compte totalement. Quelle que soit la
technique, l’analyse du contenu est une réduction et interprétation du contenu et non une
restitution de son intégralité ou de sa vérité cachée (Kaufmann, 2008, p.20).
Il nous a fallu chercher et fouiner dans tout l’entretien afin de trouver les réponses car
celles-ci se cachaient dans la conversation que nous avons eue avec l’interviewé : « Une
bonne image est celle de l’enquête policière : il doit de la même manière trouver des indices,
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
confronter des témoignages, imaginer des mobiles, recueillir des preuves » (Kaufmann, 2008,
p.74).
Ensuite, nous avons classé les informations recueillies de manière plus précise dans un
nouveau tableau (cf. annexes, p.196). Ce deuxième tableau nous a obligées à prendre des
décisions quant au choix du classement. Nous avons donc dû faire un choix, trancher :
Certaines de ces décisions sont organisationnelles, d’autres prennent une forme d’un
choix d’interprétation. […] Si le chercheur se limite à la raison donnée par
l’informateur, il s’interdit de pouvoir mener un travail théorique. Il lui faut au contraire
prendre le risque de l’interprétation (Kaufmann, 2008, p.92).
L’interprétation est fondée sur la subjectivité du chercheur, alors que notre recherche
vise justement l’objectivation d’un objet, la rupture avec le sens commun. Cependant, comme
le souligne Kaufmann (2008), nous n’avons pas inventé des interprétations, mais nous les
avons construites en nous basant sur une grille d’analyse. De ce fait, notre recherche ne perd
pas de crédibilité ni même son caractère scientifique.
Une fois les informations triées dans ce tableau (cf. annexes, p.196), nous avons pu
commencer à faire parler nos données. Autrement dit, nous avons comparé les réponses de
nos interlocuteurs et nous avons tenté de faire ressortir des similitudes et des différences en
tenant compte des particularités et du parcours professionnel de chacun. En ce qui concerne
les questionnaires "pré-entretien", nous nous sommes basées sur le tableau D (cf. annexes
p.218), c’est-à-dire sur nos notions théoriques, afin de faire ressortir les représentations des
personnes interrogées au niveau de l’analyse de pratiques, de la réflexivité et du travail en
équipe.
Finalement, nous avons passé à la phase d’écriture. Dans cette phase, nous avons fait
ressortir par écrit les résultats de nos analyses des données (entretiens individuels et
questionnaires "pré-entretien") en les illustrant par des citations de nos interlocuteurs.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nous allons, dans ce chapitre, présenter l'analyse des données que nous avons
recueillies. Cette analyse se fera en quatre temps. Tout d'abord, nous présenterons l'analyse de
l'origine des représentations de nos interlocuteurs. Puis, nous exposerons nos résultats
concernant le travail en équipe, l’analyse de pratiques et, enfin, les effets de l’analyse de
pratiques sur le travail en équipe. Chacun de ces sous-chapitres se structure de la même
manière. Il y a une partie consacrée aux entretiens que nous avons eus avec les enseignants et
directeurs (résultats suite à l’analyse des entretiens individuels). Puis, une analyse des
questionnaires auxquels ils ont dû répondre avant les entretiens (résultats suite à l’analyse des
questionnaires individuels). Nous développerons ensuite l'analyse des similitudes et des
différences qu’il pourrait y avoir au sein d’un même établissement (résultats selon les
établissements) et nous terminerons par une conclusion du sous-chapitre (éléments
conclusifs).
Afin d’affiner notre analyse, nous nous sommes basées sur un tableau (cf. annexes
p.170) permettant de faire ressortir de chaque entretien les principales notions du travail en
équipe et de l’analyse de pratiques. Cet outil de travail nous a permis de comparer les
différentes interviews et d’en faire ressortir les tendances et penchants.
Afin d'avoir une vue plus élargie des représentations des personnes interviewées, nous
avons désiré connaître l'origine de celles-ci. Nous pensons ainsi ouvrir notre analyse à plus de
profondeur et de richesse. Enfin, connaître l'origine des représentations peut ouvrir à une
réflexion sur ce qui pourrait être proposé comme changements dans une perspective d'action.
Lors de l’analyse des entretiens individuels, nous avons retrouvé quatre domaines cités
par tous nos interlocuteurs comme étant à l'origine de leurs représentations :
Formation initiale
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Formation continue
Expériences personnelles
Expériences professionnelles
Nous pouvons constater qu'il y a deux types d'origines des représentations bien distincts.
En effet, elles proviennent soit de la formation, qu'elle soit initiale ou continue, soit de
l'expérience. Selon ce constat, nous pouvons dire que nos interlocuteurs ont nourri leurs
représentations de deux manières. Tout d'abord, en se formant auprès de professionnels lors
des formations initiales ou continues. Cela nous paraît rassurant dans le sens où des notions
comme le travail en équipe et l'analyse de pratiques sont non seulement enseignées, mais
aussi que nos interlocuteurs en ont gardé mémoire. Ensuite, nous observons que les personnes
interviewées citent les expériences qu'elles ont vécues sur le plan personnel ou professionnel ;
c'est-à-dire qu'en expérimentant diverses situations de la vie, en rencontrant différentes
conditions ou obstacles d'enseignement ou au travers des rencontres variées avec des
collègues ou des amis par exemple, nos interlocuteurs ont enrichi leurs représentations de
l'analyse de pratiques et du travail en équipe. Ce deuxième aspect nous paraît assez
intéressant. En effet, sur le plan de l'expérience professionnelle, nous pouvons faire le même
constat que pour la formation. Les enseignants et les directeurs font des expériences
professionnelles en lien avec le travail en équipe et avec l'analyse de pratiques, et dont ils
peuvent dire qu'elles les ont suffisamment marqués pour enrichir leurs représentations. Cela
nous montre que la présence de ces notions sur le terrain scolaire genevois est effective,
comme dans la formation. Nous sommes étonnées, par contre, que nos interlocuteurs nous
proposent comme origine de leurs représentations des expériences personnelles. En effet, ils
nous démontrent ainsi que la frontière entre leurs deux espaces de vie, privée et
professionnelle, n’est pas étanche. Les expériences de l'un enrichissent les connaissances de
l'autre par un jeu d'interrogation-réflexion qui nous paraît intéressant.
Il s'agit maintenant d'approfondir et de détailler avec plus de finesse ces quatre espaces
d'enrichissement de représentations.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Formation Expérience
Formation initiale Expérience privée
continue professionnelle
Enseignants 11 8 6 7
Directeurs 1 2 4 3
On constate que tous les enseignants ayant été formés à l'Université de Genève en
LME ainsi que l'enseignant issu de la HEP BEJUNE désignent leur formation initiale
comme à l'origine de leurs représentations sur l'analyse de pratiques ou le travail en équipe
(cf. annexes p.170). Comme ils déclarent exercer leur profession depuis au maximum sept
ans, il est possible de mettre cela en rapport avec le fait que ce sont des notions plutôt
nouvelles qui sont développées dans leur formation initiale. Ainsi, nous pouvons penser que
les connaissances qu'ont nos interlocuteurs à propos du travail en équipe ou de l'analyse de
pratiques sont suffisamment disponibles pour qu'ils puissent y faire appel en contexte, dans
une situation de transfert ou, plusieurs années plus tard, lors d'un entretien par exemple.
D'autre part, la majorité des enseignants et directeurs issus d'autres formations initiales (hors
contexte universitaire) déclarent ne pas avoir eu de contact avec ces notions lors de leur
formation : « C'est très lié à l'Université », nous dit D5.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
même démarche que si on décide de faire une thérapie », nous indique E14. Il peut aussi s'agir
d'un partage avec des personnes hors milieu professionnel, comme des parents travaillant dans
le milieu social ou des expériences de scoutisme par exemple (E11). Ils nous disent que les
compétences développées à l’extérieur de leur sphère professionnelle leur servent dans les
domaines de la collaboration professionnelle ou de l’analyse de pratiques. Selon eux, leurs
représentations peuvent être en partie issues de l'identité personnelle.
Enfin, la moitié des enseignants et des directeurs disent avoir rencontré ces concepts
dans leurs expériences professionnelles : « On apprend beaucoup sur le terrain », nous dit
D1. « Ca dépend beaucoup des établissements. Quand on arrive dans un établissement, il faut
suivre le mouvement », précise E3. « Des expériences tellement fortes, ça s'imprime », dit
enfin E8. Par ailleurs, un directeur mentionne le besoin de trouver de nouvelles solutions pour
faire face aux difficultés : « C'est la nécessité qui fait changer », avoue D1. En fait, la quasi-
totalité des enseignants et directeurs signalant les expériences professionnelles comme étant à
l’origine de leurs représentations sont issus de formations non-universitaires. Le fait que ces
personnes soient depuis de nombreuses années en fonction nous permet de comprendre
qu'elles ont développé des moyens de perfectionnement au fil de leurs expériences, puisque
ces concepts n'ont pas été introduits dans leurs formations initiales. Enfin, un enseignant
mentionne son statut de formateur de terrain et les échanges avec ses stagiaires comme source
de ses représentations.
Comme nous pouvons le constater, les provenances et les expériences des personnes
rencontrées pour ce travail sont nombreuses et variées. Nous ne pouvons, bien entendu, pas
tenir ces données comme étant représentatives de l'ensemble du personnel enseignant ou de
direction des établissements scolaires genevois. Cependant, cette situation très diversifiée
nous fait augurer une plus grande multiplicité des points de vue, une grande richesse dans les
représentations que nous allons analyser. Par ailleurs, nous pouvons observer l'importance du
nombre d'occurrences concernant la formation initiale. Nous remarquons que toutes les
personnes qui ont mis en évidence ce facteur sont issus de la formation LME ou HEP Béjune.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dans ce chapitre, nous allons nous intéresser tout particulièrement aux représentations
du travail en équipe qu'ont les enseignants et les directeurs que nous avons rencontrés. Ainsi,
nous allons découvrir la définition qu'ils ont du travail collaboratif par le biais des entretiens
que nous avons menés avec eux. Dans un deuxième temps, nous analyserons les réponses
recueillies dans les questionnaires "pré-entretien". Puis, nous observerons ces résultats du
point de vue des établissements. Enfin, nous proposerons quelques éléments de discussion
conclusive.
Comme nous l'avons mentionné plus haut, nous allons analyser les résultats des
entretiens individuels. Par volonté de clarté, nous avons prévu d'aborder tout d'abord la
définition que nous font nos interlocuteurs du travail en équipe. Puis, nous observerons les
points positifs et négatifs qu'ils désignent comme caractérisant leur travail en équipe. Enfin,
nous décrirons les attentes de nos interlocuteurs en matière de collaboration.
La collaboration est évoquée dans toutes les définitions des interviewés, bien que ce
soit à des niveaux divers. Si elle n’est pas large et partagée avec des acteurs divers (11/20),
comme le mentionnent ces deux personnes [« une volonté de tout créer ensemble » (D5), « on
va tous dans le même sens, on regarde tous dans la même direction » (E15)], elle est au moins
tenue (9/20) pour être un travail entre personnes ayant la responsabilité d’élèves de même
degré. Il apparaît donc que la collaboration est la plus souvent citée et que, dans les cas où elle
n’a pas lieu, les enseignants disent la souhaiter. Par exemple, « un degré par classe, donc pas
d’échanges comme dans les grandes écoles », nous dit D17 ; « ce serait changer notre façon
de faire, ça serait créer des documents ensemble et pratiquer ce qu’on a créé avec un retour
79
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
ensemble », exprime E20. Même si E19, qui est dans sa première année d’enseignement, nous
dit : « moi, ça ne me dérange pas personnellement, car j’aime bien travailler tout seul », nous
comprenons cela comme un besoin dans le fonctionnement des enseignants de notre
échantillon. En effet, comme le souligne E3, « c’est un avantage considérable de se répartir
les tâches ».
Enfin, nous pouvons analyser les propos sur le travail en équipe d'un certain nombre de
directeurs et d’enseignants sur le mode de la coordination (9/20). Nous observons que les
raisons évoquées pour ne pas travailler plus intensément ensemble sont de diverses natures.
Tout d'abord, nous pouvons mentionner les mauvaises compréhensions entre divisions (E14).
Ensuite, nous trouvons des obstacles dus à des problèmes de rapports personnels, comme le
« manque de liberté de parole par rapport à certains caractères », nous dit E15, ou les
mésententes personnelles : « on marche un peu sur des œufs », continue E15. Il y a aussi les
différences de personnalité, précise E16 : « les fortes personnalités qui dominent, qui
s’imposent, qui mènent un peu les discussions ». E18 se plaint du manque de confiance et de
respect. E19 exprime le « sentiment de petites tensions qui datent, car l’équipe est assez
ancienne ». E20 dénonce le manque de temps.
Points positifs
Lorsque nous avons demandé aux personnes interviewées de citer les points positifs
qu’elles accordaient au travail qu’elles partagent avec leur équipe, nous relevons que les bons
niveaux d’échanges sont les plus souvent cités : « On ose se dire des choses. Il y a de la
confiance », nous dit E6. « Au niveau humain, on s’entend tous bien », précise E14. D'autre
80
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
part, la collaboration entre enseignants de même degré, les investissements dans le projet
d’établissement ou dans d’autres domaines [« Ca marche bien. Il y a toujours des volontaires
pour des commissions ou des sous-commissions, toujours des idées pour les élèves » (D5)] et
le partage des ressources ou du matériel sont assez régulièrement relevés. Un enseignant et un
directeur notent la cohérence de l’équipe : « On a des idées qui se regroupent pas mal sur la
manière de voir l’enseignement, de voir notre profession », dit E2, et, grâce aux objectifs
communs, « les enfants sont fiers d’appartenir à cette école », énonce D5. Deux enseignants
parlent de la cohérence comme une recherche sur le plan éducatif (E13 et E8). Par ailleurs,
E3 relève la « grande liberté » et « l’indépendance dans la collaboration ». Un autre, E7,
évoque « la bonne écoute de la direction », la « possibilité de contacter le service médico-
pédagogique en cas de besoin » et, E8, une souplesse au niveau du choix des classes. E15
souligne encore l’arrivée de la direction comme incitatif au travail en équipe avec les deux
divisions.
Il est possible de tirer de ce panorama des points positifs quelques grandes lignes
directrices. Si nous voulions décrire un établissement dans lequel le travail en équipe serait
entièrement satisfaisant selon nos interlocuteurs, nous proposerions un établissement dans
lequel règne un climat serein et dont les acteurs partagent de bonnes relations
interpersonnelles. Par ailleurs, cet établissement disposerait de ressources venant d'une
direction à l'écoute et d'intervenants extérieurs accessibles facilement. Enfin, l'investissement
de chacun serait important sur le plan du partage des ressources, des idées et de la cohérence
éducative.
Points négatifs
Dans ce domaine, les avis sont très partagés. Ce qui semble dominer, en particulier
dans les équipes qui définissent leur travail en équipe sur le type « coordination », est le
manque d’échanges, tout particulièrement sur le plan pédagogique. Les interviewés nous
disent : « Les idées ne sont pas mises en commun » (D9), « Pas le temps pour faire des
séances pédagogiques » (E20) ; et le niveau des échanges : « C’est difficile de se mettre à nu
pour parler en équipe » (E8), « Il y a des critiques. Tu les ressens parfois » (E7), « On ne peut
pas confier ses soucis à tout le monde » (E16), « Par peur de la critique, certaines personnes
ne s’exposent jamais, ne s’ouvrent pas au groupe » (E9). Ainsi, les scissions entre divisions,
les types de personnalité à « fort caractère, forte personnalité », comme le précise E18, le
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Attentes personnelles
D’une manière générale, à part quelques personnes qui se disent satisfaites de leur
niveau de collaboration, toutes les personnes questionnées attendent plus du travail en équipe
(cf. annexes p.173). Et ce sont tout particulièrement les échanges de réflexions, sur le plan
pédagogique en particulier, de points de vue, d’idées ou de ressources qui sont le plus souvent
convoqués, lorsque nous leur avons demandé ce qu’ils attendaient du travail en équipe. Voici
ce qu'ils disent : il faudrait « qu’il y ait vraiment un échange verbal, pas seulement un échange
de matériel » (E20), « par rapport à ce qu’on fait dans la classe, les échanges de pratiques, les
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
échanges d’expériences aussi, sur le plan didactique et administratif mais aussi pédagogique »
(E15), « C’est pas forcément faire des décloisonnements tout le temps. C’est juste qu’on
puisse se retrouver sur certaines bases élémentaires », « tirer à la même corde en sachant où
on va et ce qu’on veut atteindre comme objectifs » (E10), « pour plus d’ouverture, de
nouveauté » (E7), « C’est un partage, c’est pour évoluer, pour avancer, pour réfléchir sur sa
pratique » (E2), « créer un sentiment d’appartenance dans une communauté » (D5).
A de nombreuses reprises, certains font le constat que le travail enseignant passe par le
travail en équipe : « Moi, je pense qu’on peut plus maintenant travailler autrement qu’en
équipe » (E12), « C’est pas un métier où tu es seul ; ça devrait pas être un métier où tu es
seul » (E10), « Le travail en équipe est indispensable pour aider les élèves en difficulté »
(D9). Très lucidement, comme l'exprime D13 : « On va de toute façon devoir travailler en
équipe avec les projets d’établissement, plus que ça ne s’est jamais pratiqué dans ce type
d’établissement ».
Nous pouvons constater que les directeurs et les enseignants que nous avons rencontrés
sont donc conscients pour la plupart que la collaboration est devenue une nécessité. La quasi-
totalité d'entre eux attendent de pouvoir collaborer plus et mieux. Il semble donc qu'ils en
soient empêchés par certains éléments, comme ceux que nous avons relevés dans le
paragraphe précédent. Il serait donc intéressant de trouver des solutions pour soutenir et
renforcer les éléments que nous avons mis en évidence dans l'analyse des points positifs.
Dans ce paragraphe, nous allons présenter les résultats que nous avons obtenus suite à
l'analyse des questionnaires "pré-entretien".
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Oui: 75%
Concevoir et organiser entre collègues en majorité les fêtes et autres événements
Non: 25%
Partage ponctuant la vie de l'établissement
Nsp: 0
des
Oui: 45%
ressources
Décider collectivement de qui bénéficie des ressources allouées à l'établissement Non: 55%
Nsp: 0
Oui: 90%
Mettre en commun ses ressources et compétences et planifier des séquences
Non: 10%
d'enseignement avec des collègues titulaires du même degré
Partage Nsp: 0
des idées Oui: 5%
Discuter des sujets qui ne suscitent pas de désaccord sur le plan professionnel, afin
Non: 95%
de garder le consensus nécessaire au bien-être des acteurs de l'établissement
Nsp: 0
Oui: 100%
Apprendre et évoluer à partir des contacts avec ses collègues Non: 0
Partage
Nsp: 0
des
Oui: 95%
pratiques Construire une solide base de connaissances collectives et de confiance réciproque
Non: 5%
et partager les mêmes objectifs
Nsp: 0
Oui: 85%
Impliquer l'équipe enseignante non seulement dans une planification collective de
Non: 15%
son enseignement mais dans une analyse systématique de ses effets et lacunes
Partage Nsp: 0
des élèves Oui: 35%
Enseigner en équipe avec les accords en amont, durant et après les moments de
Non: 5%
co-présence
Nsp: 60%
Clairement, nous pouvons affirmer que, pour quasiment tous les participants à cette
enquête, le travail en équipe se définit comme un partage des idées et des pratiques (équipe
« stricto sensu » selon Perrenoud, 1999). En effet, si nous mettons en comparaison les
réponses obtenues aux items concernant ces deux rubriques, nous pouvons constater que les
représentations des personnes interrogées sur ce qu’est le travail en équipe vont nettement au-
delà de ce que Perrenoud (1999) nomme une « pseudo-équipe » (cf. tableau 1, p.23 : Niveaux
d’interdépendance selon Perrenoud, 1999).
Le partage des ressources peut être important, mais, selon Perrenoud (1999), il ne
suffit pas pour être considéré à lui seul comme du travail en équipe. En effet, selon cet auteur,
le partage des ressources représente une nécessité minimale pour faire fonctionner un
établissement et ne peut suffire à définir un travail en équipe. Ainsi, nous nous interrogeons
sur le refus à 55 % que donne notre analyse de l'item : « Décider collectivement de qui
bénéficie des ressources allouées à l'établissement ». Il se peut que la présence des directeurs
d’établissement ait changé la perception des enseignants quant à la responsabilité du partage
du matériel. Nous pourrions faire l’hypothèse que les enseignants ont délégué cette
responsabilité délicate aux directeurs, car ils considèrent ce travail comme une source de
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
litiges inutiles entre collègues. Par ailleurs, nous pouvons aussi penser qu’ils prennent cet
item dans le sens littéral du terme, à savoir que travailler en équipe revient essentiellement à
se partager du matériel.
Concernant le partage des élèves qui, selon Perrenoud (1999), permet de définir le
niveau de coopération, nous constatons que les personnes interrogées ne savent pas vraiment
répondre à la proposition « enseigner en équipe avec les accords en amont, durant et après les
moments de co-présence ». Nous considérons ce résultat comme une méconnaissance de cet
aspect de la coopération ou comme une mauvaise formulation de la proposition. En effet, lors
de la remise des questionnaires, tous nous ont dit ne pas avoir compris le sens de la question.
Nous en déduisons qu’ils ne connaissent peut-être pas le sens du concept de co-présence,
celle-ci étant assez peu pratiquée et plutôt novatrice. Cependant, « impliquer l'équipe
enseignante non seulement dans une planification collective de son enseignement mais dans
une analyse systématique de ses effets et lacunes » est important pour 85 % des personnes
interrogées, ce qui démontre que le partage des élèves peut aussi être envisagé comme faisant
partie du travail en équipe. Par ailleurs, le refus massif (95 %) de la proposition « discuter des
sujets qui ne suscitent pas de désaccord sur le plan professionnel, afin de garder le consensus
nécessaire au bien-être des acteurs de l'établissement » nous montre que les personnes
interviewées disent ne pas craindre les désaccords et qu’elles semblent même prêtes à y faire
face.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
En focalisant maintenant notre analyse sur les établissements, nous pouvons observer
que deux d’entre eux (D et E) semblent fonctionner plus sur un modèle de coordination (selon
les raisons évoquées plus haut) avec un mode semi-collaboratif, lorsqu’il s’agit de participer
au fonctionnement d’école ou au projet d’établissement, voire aux échanges inter-degrés. Il
est intéressant de noter que le directeur de l'établissement D évoque le grand nombre
d’enseignants comme un des facteurs de résistance à une collaboration plus approfondie, alors
que, dans l’établissement E, c’est la petite taille de l’équipe qui en est la cause, selon son
directeur.
Le dernier établissement (C) est composé de deux écoles qui travaillent chacune en
équipe de manière très différente. En effet, l’enseignant de division spécialisée, interviewé
dans l’une des écoles de cet établissement, nous dit ne collaborer activement qu’avec son
collègue de la même division. Bien qu’il se sente obligé de maintenir des échanges
rapprochés avec certains de ses collègues qui accueillent ses élèves en intégration, il évoque
leurs conceptions de l’enseignement et leurs manières de travailler comme trop « différentes »
(E10) pour parvenir à une meilleure coopération. De son côté, le directeur parle d’absence de
dynamique de partage et de travail d’équipe entre les collaborateurs de cette école (D9). Les
pratiques y sont décrites comme individuelles (D9) et la scission géographique entre divisions
élémentaire et moyenne comme facteur aggravant (E10). Au sein de l’autre école, les
enseignants et le directeur nous parlent de la « grande habitude de travailler dans une
équipe » (D9) « soudée et dynamique ». Ils décrivent les « qualités d’écoute et de partage »
(E11) et les « bons échanges informels pour aider à surmonter le quotidien » (E12).
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Il semble que les nombreux espoirs des personnes interrogées quant à une
collaboration plus riche reposent sur la mise en place des projets d’établissement. Ceux-ci
semblent d’ailleurs mieux admis que l’instauration de certaines directions d’établissement. Ce
résultat nous surprend, car, dans la plupart des établissements visités pour cette recherche,
c’est le directeur qui a été le moteur du projet d’établissement. Certains enseignants interrogés
semblent nous dire pourtant qu’ils séparent, d’une certaine manière, la direction et le projet
d’établissement. Cet élément nous permet d’envisager que la difficulté rencontrée par ces
enseignants à accepter les directeurs réside peut-être plus dans une mésentente personnelle ou
dans des attentes déçues. En effet, si nous avons très souvent entendu les enseignants faire
reposer leurs espoirs d’un travail en équipe plus intense sur le projet d’établissement, très peu
désignent la direction comme pouvant être utile à cela. Cependant, ce que nous avons
remarqué lors de ces entretiens tend à nuancer les espoirs reposant sur le projet
d’établissement. En effet, nous avons constaté que collaborer sur des projets ne veut pas
toujours dire se mettre d’accord sur les conceptions diverses de l’enseignement que peuvent
avoir les enseignants ou les directeurs. En fait, l’attente des enseignants et des directeurs se
87
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
fixe en grande partie sur de plus nombreux et plus riches échanges sur le plan pédagogique.
Nous ne voyons pas comment pratiquer ces échanges sans dévoiler et partager ses
conceptions de l’enseignement. Par ailleurs, il nous apparaît que, dans la grande majorité des
cas, les personnes qui déclarent avoir de bonnes relations interpersonnelles avec leurs
collègues attestent par ailleurs d’un bon niveau de collaboration avec ceux-ci. Il nous semble
donc pouvoir affirmer que ces deux aspects, les relations et la collaboration, interagissent
positivement ou négativement.
Dans cette partie, nous allons analyser de plus près les représentations des enseignants et
directeurs au sujet de l’analyse de pratiques. Nous allons observer la définition qu’ils ont de
l’analyse de pratiques, quelles sont les expériences vécues et quelle est sa place au sein d’un
établissement. Puis, nous essayerons de faire ressortir leurs attentes face à l’analyse de
pratiques et ses modalités d’application, si elle venait à se mettre en place dans leur école.
Toutes ces analyses se font sur la base des entretiens individuels des enseignants et
directeurs, qui ont été rapportés dans les « Tableaux analyse des données I et II » (cf. annexes,
pp.170 et 196), et sur les questionnaires individuels auxquels ils ont répondus avant d’être
interviewés.
Dans cette partie, nous analysons les représentations des enseignants et directeurs au
sujet de l’analyse de pratiques à partir des entretiens individuels que nous avons menés.
Les enseignants et directeurs nous ont donné des définitions très diverses de l’analyse de
pratiques. Nous pouvons classer ces différentes définitions dans trois catégories (définies dans
le chapitre II : Cadrage théorique) : l’analyse réflexive, l’échange de pratiques et l’analyse de
pratiques.
88
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Une partie des personnes interrogées (8/20) définissent l’analyse de pratiques comme de
l’analyse réflexive, c’est-à-dire comme un retour sur soi, un retour sur ce qui a été fait. En
effet, l’enseignant 16 illustre ce constat en disant que l’analyse de pratiques est « une remise
en question et un travail sur soi et sur ce qu’on propose ». Nous retrouvons souvent dans les
discours que l’analyse de pratiques permet de voir « ce qui a marché et ce qui n’a pas
marché » (E2). L’analyse de pratiques est donc comprise comme une analyse réflexive de son
activité, de sa séquence didactique, afin de voir comment l’améliorer et comment s’améliorer
soi-même. Nous constatons que les enseignants considérant l’analyse de pratiques comme une
analyse réflexive ont suivi, pour la plupart, une formation initiale à l’Université. On retrouve
donc la démarche qui est proposée à l’universitaire concernant les didactiques, c’est-à-dire
une analyse a priori et a posteriori des séquences d’enseignement. Nous pouvons en déduire
que la formation initiale de ces personnes a joué un grand rôle en ce qui concerne leurs
représentations de l’analyse de pratiques. Les enseignants remettent en question ce qu’ils ont
fait et réfléchissent de façon personnelle à leurs actions. Nous remarquons, par ailleurs, que
cette réflexion sur soi est très ancrée dans les démarches des enseignants, à tel point que
parfois cette réflexion se fait de façon implicite, comme nous le dit E7 : « Quelque chose
qu’on ne se rend pas vraiment compte qu’on fait ; on le fait assez naturellement ». Donnay et
Charlier (2008) l’ont également relevé lors de leurs recherches : « Nombre de savoirs sont
acquis au quotidien, en dehors des circuits formels voir même, à l’insu de leur propriétaire »
(p.51). On constate donc deux choses : premièrement, les enseignants réfléchissent sur des
situations sans forcément se rendre compte qu’ils le font et, deuxièmement, les praticiens
apprennent et développent leurs pratiques quasiment à leur insu, sans qu’ils le remarquent.
L’analyse réflexive est donc pour ces personnes-là une démarche de travail qui est entrée dans
leur quotidien, dans leur routine professionnelle.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
années d’expérience et qui viennent de débuter dans le métier. Ces jeunes enseignants
ressentent peut-être le besoin de prendre les enseignants plus expérimentés comme ressources.
C’est ainsi que l’exprime E19 : « Chacun apporte ce qu’on fait en classe. On analyse. Chacun
dit ce qu’il en pense, et puis on apporte et on prend des choses qu’apportent les autres ». Nous
retrouvons également ce besoin de ressources parmi les directeurs qui sont entrés en fonction
récemment dans les établissements : « La palette des difficultés qu’on peut rencontrer est
tellement large que le bon sens et la formation ne suffiront peut-être pas toujours à faire les
bons choix », précise D13. L’analyse de pratiques est donc considérée comme un lieu
d’échange des pratiques, où on partage les solutions et les réussites, car cela « donne des
pistes », nous dit E18, pour améliorer son enseignement ou son métier de directeur. Les
questions que nous nous posons sont de savoir si ces enseignants-là n’ont pas besoin
d’analyse de pratiques, en ont peur ou bien si tout simplement il existe une méconnaissance à
son sujet ?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
problèmes et de leurs pratiques. L’étude de cas est donc pratiquée de façon régulière lors de
cette formation, et les enseignants pensent qu’il est « indispensable de réfléchir sur sa pratique
», comme le précise E6. En effet, lorsqu’on interroge ces enseignants, on se rend bien vite
compte qu’ils ne pourraient pas exercer leur métier sans cette méthode de travail et qu’il s’agit
d’un outil nécessaire pour eux. Par exemple, E10 mentionne que : « Nous, en tout cas en
spécialisé, franchement, on est obligé d’avoir cette ouverture d’esprit et de parler de nos
pratiques ». E12 est également du même avis : « C’est impossible de rester seul dans son
coin ». L’analyse de pratiques est donc une réelle ressource et un besoin dans le quotidien de
ces enseignants-là. C’est avec l’aide du cadre mis en place et des autres enseignants que des
solutions peuvent être trouvées, car, comme nous le dit E10 : « Seul, tu ne trouves pas la
solution ».
91
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Sur un autre plan, nous avons rencontré un enseignant qui nous a confié que la
Rénovation10 lui a permis de remettre en question de nombreuses choses et donc de réfléchir
sur sa pratique. Nous pouvons aussi relever l’aspect personnel de l’analyse de pratiques. En
effet, plusieurs enseignants nous ont révélé que, dans leur vie privée, ils réfléchissaient
beaucoup et que leurs expériences personnelles les ont poussés à réfléchir et à s’analyser.
Cette analyse personnelle a, par la suite, eu une influence importante sur leur vie
professionnelle.
Le deuxième constat concerne la formation initiale des enseignants. Celle-ci porte une
importance particulière à l’analyse réflexive. En effet, parmi les personnes qui disent avoir
fait de l’analyse réflexive lors de leur formation initiale, nous retrouvons en majorité des
enseignants ayant suivi la formation LME. La formation initiale proposée de nos jours à
Genève est, en effet, une formation qui pousse les étudiants à réfléchir sur leurs pratiques et à
analyser leurs actions :
La formation visera à former des praticiens capables d’analyser leur action et de l’infléchir
au gré de l’expérience. Cette compétence s’acquiert par un certain rapport théorique au
travail observé et vécu dès le début de la formation initiale. Cette dernière tendra à leur
donner les moyens d’analyser chaque situation, d’identifier les obstacles et les problèmes,
de construire et d’adapter les solutions. Cette orientation suppose non seulement une
capacité d’analyse et de décision, mais également des attitudes : prise de risques, capacité
de reconnaître ses erreurs, de demander de l’aide, d’identifier ses besoins de formation.
(Brochure LME, p.7)
10
La rénovation de l’enseignement primaire genevois a eu lieu dans les années nonante pour lutter contre l’échec
scolaire et le nombre trop élevé d’élèves sortant de l’école sans avoir acquis les compétences nécessaires. Des
projets, comme la suppression des notes, le travail par cycle d’apprentissage, etc., ont vu le jour à cette période.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
A ce sujet, une majorité très nette des personnes interrogées (16/20) affirme que
l’analyse de pratiques doit avoir sa place dans un établissement scolaire. D1 affirme qu’elle y
a « une place évidente » et E15 rajoute à cela que « ça devrait aller de soi dans
l’enseignement ». E2 précise en disant que « si on ne revient pas sur sa pratique, c’est qu’on
est sûr de soi, de ce qu’on fait et qu’on n’a pas besoin d’évoluer. Ca fait un peu prétentieux ».
Nous verrons plus loin, dans le chapitre Modalités de mise en place de l’analyse de pratiques,
que ni les directeurs ni les enseignants ne savent exactement comment mettre en place
l’analyse de pratiques dans un établissement, mais nous pouvons ressentir un réel engagement
et besoin à l’égard de cet outil.
Une minorité d’enseignants uniquement pense que l’analyse de pratiques peut avoir sa
place dans un établissement. Autrement dit, sa présence est tolérée, mais elle n’est pas
indispensable. En effet, E7 pense qu’il est tout à fait envisageable de travailler sans : « Besoin
de se poser deux minutes. Ca dépend des personnes. Pas tout le monde a besoin ». E14 rejoint
cet enseignant en disant que « ça dépend de la personnalité de chacun » et E16 précise qu’« il
y a des collègues qui sont plus dans cette démarche-là » que d’autres. Par ailleurs, un des
enseignants (E19) pense que l’analyse de pratiques n’est pas indispensable dans une école, car
c’est quelque chose qui se fait intuitivement et de façon informelle, pendant la récréation par
exemple. Il met l’accent cependant sur la formation initiale et considère que c’est là que
l’analyse de pratiques doit prendre sa place.
Pour terminer, nous n’avons rencontré aucun enseignant ou directeur qui ait évoqué un
refus catégorique du dispositif d’analyse de pratiques. Nous avons rencontré des intérêts plus
ou moins importants suivant les personnes interrogées, mais aucune d’entre elles ne s’est
opposée à l’instauration de cet outil dans leur établissement.
Moins de la moitié des enseignants et directeurs (8/20) sont satisfaits par l’analyse de
pratiques telle qu’elle est présente dans leur établissement, alors que plus de la moitié (12/20)
ne sont pas satisfaits. On constate ici à nouveau que les enseignants de division spécialisée ne
sont pas du tout satisfaits de la façon dont l’analyse de pratiques est mise en place dans leur
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
école. En effet, pour eux, cet outil devrait être utilisé beaucoup plus souvent et de façon plus
formelle et plus cadrée. Nous pouvons constater que les enseignants de la division spécialisée
collaborent énormément entre eux et qu’ils sont très satisfaits des échanges et des analyses
intra-division. Cependant, ils estiment que les analyses de pratiques avec et entre collègues
des divisions moyenne et élémentaire sont bien souvent inexistantes. Nous pouvons
également constater que la majorité des directeurs ne sont pas satisfaits et qu’ils pensent que
l’analyse de pratiques devrait avoir une plus grande place au sein de leur équipe. Néanmoins,
deux directeurs affirment qu’ils sont satisfaits de l’outil en ce qui concerne l’analyse et la
réflexion dans les collèges de directeurs.
Une majorité des enseignants (10/15) considère que l’analyse de pratiques devrait être
imposée hiérarchiquement, soit par l’institution, soit par le directeur de l’établissement.
94
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
L’autre partie des enseignants pense que la mise en place de l’analyse de pratiques dans un
établissement devrait provenir d’une demande des enseignants. Ce serait à eux de réclamer la
présence de cet outil dans leur école. En effet, si l’analyse de pratiques leur est imposée, ils ne
voudront pas y participer, et c’est exactement ce constat que fait D13 : « Le problème, c’est
que soit on choisit de faire de l’analyse de pratiques avec des gens qu’on a choisis, soit on
l’impose au groupe ; et quand on l’impose à des gens qui n’ont pas envie de ça, je pense que
ça peut juste tourner à la catastrophe ». Il faut donc, semble-t-il, que ce choix vienne des
enseignants, qu’ils aient un réel intérêt et désir de travailler avec cet outil. Les directeurs,
quant à eux, pensent majoritairement que c’est leur rôle d’amener l’analyse de pratiques dans
les établissements. Cependant, comme nous le mentionne D1, « il faut y aller sur des œufs »
ou bien, comme le précise D5 : « J’y vais avec des pincettes ». En effet, les directeurs pensent
qu’ils ont un rôle à jouer dans la mise en place de l’analyse de pratiques, mais ils savent
également que, s’ils imposent cette pratique aux enseignants, ces derniers risquent de se
braquer. D13 évoque notamment le fait qu’« on a déjà tellement déstabilisé les équipes en
arrivant comme directeur que ce n’est pas le moment d’aller trop vite là-dedans ». En réalité,
en effectuant ces interviews, nous avons vite compris que les directeurs semblent "assis entre
deux chaises". D’un côté, ils pensent, à l’image de D5, que « par rapport aux enseignants,
c’est à moi de l’amener [l’analyse de pratiques]. J’ai plus de recul qu’eux, un certain regard »,
mais, d’un autre côté, leur statut hiérarchique les met dans une situation délicate ; ils ne
veulent pas braquer les enseignants contre eux.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
D’autres modalités sont également ressorties très fortement de l’analyse des entretiens.
Par exemple, la notion du temps. En effet, cinq enseignants ont mentionné qu’ils ont déjà
beaucoup de travail et, par conséquent, ont peur que les séances d’analyse de pratiques ne les
surchargent trop. E7 dit notamment qu’il n’aimerait pas « avoir des grilles à remplir », car
« on en a déjà beaucoup ». Nous pouvons constater qu’il s’agit d’enseignants qui ne voient
peut-être pas l’effet direct de l’analyse de pratiques dans leur classe et perdent donc de
l’intérêt pour l’outil, car ils ont l’impression qu’il leur fait perdre leur temps. D’un autre côté,
nous pouvons voir que certains enseignants (5/15) évoquent le fait qu’ils aimeraient trouver
du temps pour faire de l’analyse de pratiques et souhaiteraient « que les journées soient plus
longues pour qu’on puisse le faire » (E2). Une nouvelle problématique apparaît donc : que
mettre en place dans un établissement pour permettre aux enseignants d’avoir du temps pour
faire de l’analyse de pratiques ?
Un certain nombre des personnes interrogées (9/20) aimerait enfin que les séances
soient plus cadrées : « Ce serait bien de s’organiser des réunions plus formelles pour travailler
plus en profondeur » (E3). Il s’agirait donc de mettre en place un cadre formel pour plusieurs
raisons. D’abord, cela permet de savoir où on va et de travailler suivant une méthode précise,
comme l’étude de cas par exemple. Par ailleurs, cela permet de fixer les règles de la séance et,
comme l’énonce D9 : « C’est de définir bien le cadre et le contexte de confidentialité, le
respect entre les personnes et puis l’écoute mutuelle sans jugement ». En effet, la mise en
place d’un cadre permet aux acteurs de savoir comment se comporter et communiquer dans
l’équipe. Il est important de définir ce type de règles avant de commencer l’analyse de
pratiques, afin que les enseignants se sentent en sécurité par rapport à ce qui va être dit. Nous
constatons que la confiance est le postulat de départ énoncé par beaucoup d’enseignants
(6/15) pour faire de l’analyse de pratiques.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Comme expliqué dans la méthodologie, nous avons donné à toutes les personnes
interviewées un questionnaire à remplir avant l’entretien (cf. annexes p.208). En ce qui
concerne l’analyse de pratiques, deux aspects ont été interrogés : la réflexion sur sa pratique et
l’analyse de sa pratique. Le questionnaire a été conçu de façon à faire ressortir les concepts
théoriques suivants (Perrenoud 1999, 2001 ; Gather Thurler 1994, 1996) :
Sur la base du tableau d’analyse des réponses aux questionnaires et du tableau d’analyse
des concepts ressortis dans les questionnaires (cf. annexes pp.216 et 218), nous analyserons,
dans un premier temps, les résultats concernant la réflexion sur la pratique, puis, dans un
deuxième temps, ceux concernant l’analyse de la pratique.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
enseignants et directeurs pensent pour la plupart (85%) que réfléchir sur sa pratique favorise
les savoirs provenant de l’expérience et accroît la créativité de l’enseignement. Cependant,
contrairement à Perrenoud (2001), ils ne trouvent pas que cette réflexion permet de combler
les lacunes de la formation des enseignants.
Nous nous sommes également penchées sur la question de l’institution : est-ce que
l’institution a un rôle à jouer dans la réflexion de ses employés ? Nous constatons que, si cette
réflexion fait partie du cahier des charges, plus de la moitié des enseignants et des directeurs
interrogés (60%) ne le ressentent pas ainsi. En effet, pour eux, il n’y a pas de pression de la
part de l’institution, qui les obligerait à revenir sur leurs pratiques.
Sur un autre plan encore, les personnes interrogées sont une grande majorité (95%) à
trouver que réfléchir sur sa pratique n’est pas suivre une mode. Nous ressentons ici une
certaine liberté quant au choix ou non de réfléchir sur sa pratique. Cependant, il faut tout de
même relever qu’une petite moitié des enseignants et directeurs interviewés (30%) pensent
que la réflexion fait partie du cahier des charges et qu’elle répond à une demande de
l’institution.
Pour terminer, si nous examinons le concept des valeurs, nous nous rendons compte que
les personnes interviewées ont eu du mal à répondre aux deux items suivants : "réfléchir sur
sa pratique, c’est accréditer une évolution vers la professionnalisation" et "réfléchir sur sa
pratique, c’est préparer une responsabilité politique et éthique". Nous nous sommes
demandées si ces personnes n’avaient pas compris l’énoncé ou si elles ne se sentaient pas
concernées par ce rôle-là de la réflexion en tant qu’enseignant ou directeur ? Les personnes
ayant répondu sont plutôt d’accord avec le fait que la réflexion a une visée de
professionnalisation et la majorité des enseignants et directeurs (90%) soulèvent l’importance
de la réflexion pour faire face à la complexité des tâches du métier. Ce constat est quelque peu
98
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
perturbateur et contradictoire avec les résultats ci-dessus. En effet, nous pouvons voir dans la
partie sur l’identité professionnelle que 65% des enseignants et directeurs ne considèrent pas
la réflexion comme une aide pour mieux vivre ce métier "impossible", alors qu’ici, 90% de
ces mêmes personnes disent être d’accord avec le fait que réfléchir sur sa pratique permet de
faire face à la complexité croissante des tâches du métier. Les enseignants et directeurs
considèrent peut-être que la complexité au niveau des tâches du métier ne concerne que
l’aspect didactique alors que le métier "impossible" regroupe le métier d’enseignant dans son
ensemble. Les données que nous avons récoltées ne nous permettent pas de donner une
réponse concrète et probable à cette contradiction.
Analyser sa pratique
Le premier constat que nous pouvons tirer du questionnaire en ce qui concerne l’analyse
de sa pratique, c’est que les enseignants et directeurs semblent d’accord sur le fait que cette
analyse fait partie de l’identité professionnelle de l’enseignant. Nous remarquons que la
totalité des répondants considèrent l’analyse de pratiques comme un outil favorisant le
développement professionnel et que 60% des personnes interviewées pensent qu’elle fait
partie de la vie quotidienne du praticien. De plus, une grande majorité des personnes
interrogées (80%) pensent que l’analyse de pratiques facilite le lien entre les éléments
théoriques et les pratiques. Lors des entretiens, très peu d’enseignants et directeurs ont
mentionné l’importance d’un apport théorique dans l’analyse de pratiques, alors que dans le
questionnaire cela ressort très fortement.
Sur un autre plan, une grande partie des enseignants et directeurs interrogés (85%)
pensent que l’analyse de pratiques est une compétence professionnelle. Elle développe
différentes compétences comme la capacité d’observer, analyser, formaliser, écouter,… et
demande à chacun d’être capable de parler de soi et de ses pratiques. Néanmoins, 75% des
personnes interrogées ne sont pas du tout d’accord avec le fait que l’analyse de pratiques
permet d’évaluer les compétences de chacun. Selon ces personnes, l’analyse de pratiques fait
donc partie des compétences qu’un enseignant ou directeur peut avoir et développer, mais qui
ne permet pas de les évaluer.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Pour terminer, les enseignants et directeurs interrogés sont tous d’accord avec le fait que
faire de l’analyse de pratiques, c’est coopérer. Ils pensent que c’est un moment de partage où
chacun peut exposer ses difficultés et que ce n’est pas du temps perdu.
A propos des résultats relevés selon les établissements, nous constatons que les
représentations des enseignants et des directeurs sont très diverses et personnelles. Il est
difficile, par exemple, de faire ressortir une tendance spécifique à chaque établissement en ce
qui concerne la place de l’analyse de pratiques. En effet, les représentations personnelles
semblent varier beaucoup d’une personne à l’autre et ne reflètent pas toujours ce qui se passe
au sein des établissements. Il nous est donc impossible de faire ici des constats intra-
établissement. Ce que nous pouvons relever cependant, c’est que les représentations du
directeur et des enseignants d’un même établissement ne concordent pas toujours et que les
attentes peuvent être différentes. Dans l’établissement E par exemple, le directeur et les
enseignants aimeraient instaurer des séances plus formelles et plus fréquentes, mais leurs
représentations ne sont pas les mêmes. Le directeur semble vouloir initier les enseignants à
l’analyse de pratiques, alors que ceux-ci semblent rechercher plutôt de l’échange de pratiques.
Un autre exemple, celui de l’établissement D, illustre ces différences de représentations entre
enseignants et directeur. Le directeur n’est pas satisfait de la place que prend l’analyse de
pratiques dans son établissement, alors que les trois enseignants interrogés s’en montrent
satisfaits.
Nous constatons par l’analyse de ces entretiens que les représentations de l’analyse de
pratiques sont très diverses et que leur définition n’est pas toujours celle donnée par les
théoriciens. En effet, l’analyse de pratiques est comprise par certaines personnes interrogées
comme un échange de pratiques ou comme une analyse réflexive. Si une grande majorité de
ces personnes considèrent que l’analyse de pratiques a sa place au sein d’un établissement
scolaire, elles ne sont pas toutes satisfaites de sa mise en place dans leur école. D'autre part,
s'il fallait implanter l'analyse de pratiques dans certains établissements, il semble que cela
nécessiterait un échange important des représentations au sein de celui-ci. En effet, on peut
constater que les représentations sur l'analyse de pratiques peuvent être assez variées au sein
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Sur un autre plan, en ce qui concerne les directeurs, nous constatons qu’ils ont tous eu
un premier contact avec ce dispositif d’analyse au travers de leur formation de directeur.
Cependant, ce qu’il faut retenir des entretiens, c’est qu’ils semblent ne pas se sentir assez
formés pour se considérer comme des personnes ressources à ce sujet. En effet, D13 précise
que « la formation n’est pas assez poussée pour réutiliser les outils dans une équipe ».
Pour terminer, nous pouvons également constater que les enseignants de la division
spécialisée ont suivi une réelle formation au niveau de l’analyse de pratiques et que c’est un
outil indispensable à leur quotidien. Ces enseignants semblent ne pas pouvoir exercer leur
métier sans l’analyse de pratiques, car ils l’utilisent quotidiennement avec les autres
enseignants de cette division. En effet, les situations sont si différentes et les difficultés si
grandes que, seuls, ils disent ne pas toujours arriver à trouver une solution. Nous pouvons
alors nous demander ce qu’il en est des enseignants de la division ordinaire : n’ont-ils pas eu
assez de formation pour utiliser l’analyse de pratiques ? ou n’ont-ils simplement pas besoin de
cet outil ? Quelle différence y a-t-il entre un enseignant de la division ordinaire et un
enseignant de la division spécialisée concernant cette démarche d’analyse ? Pourquoi les
enseignants de la division ordinaire ne ressentent-ils pas le besoin d’avoir un outil qui puisse
les aider dans leurs soucis quotidiens ?
Cette partie de l’analyse des données est consacrée aux effets de l’analyse de pratiques
sur le travail en équipe. Nous regarderons d’abord la place de l’analyse de pratiques dans le
travail en équipe ainsi que ses conséquences sur ce dernier. Puis, nous analyserons les avis
des enseignants et directeurs sur trois citations de Perrenoud (2001).
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dans cette partie, nous analysons les représentations des enseignants et directeurs au
sujet des effets de l’analyse de pratiques sur le travail en équipe à partir des entretiens
individuels que nous avons menés.
Le premier constat que nous pouvons établir est que les enseignants et directeurs sont
d’accord sur le fait que l’analyse de pratiques mériterait bel et bien une place au sein d’un
établissement scolaire, alors que ce n’est pas toujours le cas dans les faits.
Une grande majorité des personnes interrogées (14/20) pensent même que l’analyse de
pratiques devrait être imposée lors du travail en équipe. En effet, c’est ainsi que E2 mentionne
ses attentes face à la place de l’analyse de pratiques dans le travail en équipe : « Mes attentes
seraient que cela soit obligatoire. Je trouve ça un peu dur, mais, en même temps, si c’est pas
fait, je pense que c’est un manque de travail parce que ça fait partie de notre travail ». E8
rajoute qu’« elle doit, sinon on fonctionne avec des œillères ». E19 est également de cet avis :
« C’est obligé, je pense, pour que ça marche », et E20 précise qu’« il y a que des avantages là-
dedans ». Nous constatons que les enseignants de la division spécialisée interrogés pensent
également que l’analyse de pratiques devrait être imposée à l’équipe. Ces enseignants disent
utiliser tous les jours cet outil pédagogique et en connaître bien les avantages. De ce fait, ils
disent souhaiter élargir et partager cet outil, afin que tous les enseignants en bénéficient et que
cela ne reste pas un travail entre les enseignants de la division spécialisée. Dans la même
logique, D5 pense qu’un vrai travail en équipe ne peut pas se faire sans analyse de pratiques
et, par conséquent, elle doit être imposée à l’équipe. Cependant, aucun directeur n’a encore
osé franchir le pas et l’imposer à son équipe. En effet, comme vu auparavant, il s’agit d’un
sujet délicat qui semble devoir se négocier avec les équipes.
L’autre partie des enseignants et directeurs (6/20) pensent que l’analyse de pratiques
peut avoir une place dans une équipe, mais qu’elle ne peut pas être imposée et que cela
dépend des équipes. En effet, comme nous l’indique D1, il faut veiller à la surcharge de
travail pour les enseignants et à la pression que cela peut engendrer ; « Faut voir comment on
aménage ça, peut-être pas tout le temps », précise E16. De plus, ces enseignants et directeurs
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
considèrent que « si une équipe ne fait pas de l’analyse de pratiques, ce ne sera pas forcément
une mauvaise équipe » (E6) et qu’il est possible de travailler en équipe sans faire de l’analyse
de pratiques.
Les effets positifs ressortis sont nombreux. Donnay et Charlier (2008) confirment en
disant que l’analyse de pratiques est un outil dans le travail en équipe, qui permet un
« renforcement de la cohésion de l’équipe : les explicitations mutuelles, les échanges de
pratiques, les prises de consciences collectives peuvent engendrer des sentiments
d’appartenance à un groupe, une culture commune et un langage partagé par une
communauté » (p.59). Ce sont exactement ces effets-là que les personnes interrogées ont
ressortis lors de nos entretiens.
Cependant, les effets de l’analyse de pratiques sur le travail en équipe ne sont pas
toujours positifs. En effet, un enseignant provenant de la division spécialisée soulève tout de
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
même le fait qu’il faut faire attention, car l’analyse de pratiques n’est pas une recette miracle à
appliquer directement dans une équipe afin d’y voir apparaître des effets positifs. Il nous dit
qu’il est important qu’un cadre précis et formel soit mis en place avant l’analyse de pratiques,
afin que les acteurs connaissent les règles de fonctionnement d’une telle séance. En effet, si
cela n’est pas le cas, il pourrait y avoir, selon lui, des jugements et, par conséquent, des effets
négatifs sur le groupe et surtout sur la personne. Les enseignants pourraient se sentir jugés et
critiqués par leurs collègues et ne seraient donc pas du tout à l’aise dans ce genre de pratiques.
Il semble donc primordial de mettre en place un climat de confiance et une façon de
s’exprimer afin de ne pas blesser les collègues.
Citations
Rappelons qu’en fin d’entretien, nous avons fait lire aux personnes interviewées trois
citations de Perrenoud (2001) ou inspirées de celui-ci. Ces citations invitent les enseignants et
directeurs à s’exprimer sur l’aspect coopératif de l’analyse de pratiques. En effet, il s’agit de
citations qui mettent en avant le fait que la réflexivité de chacun permet à tout le groupe de
travailler et de réfléchir ensemble dans le but d’aider les élèves dans leurs apprentissages.
Voici donc ces citations :
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Cependant, « maintenant, ce qu’on constate, c’est que ça ne marche pas toujours » (E11). En
effet, si cette recherche de cohérence est désirée par les enseignants, elle n’est pas toujours
appliquée dans les écoles. Il y a des établissements où les enseignants travaillent encore
chacun dans leur classe et n’arrivent pas à trouver un moyen de fonctionner ensemble. Par
exemple, un enseignant avoue que, dans son école, les enseignants n’arrivent pas à se mettre
d’accord sur un règlement d’école commun et que, par conséquent, chaque enseignant
possède son propre règlement. Nous pouvons observer ici un réel frein pour les élèves et leurs
apprentissages.
Sur cette même citation, un des enseignants nous signale qu’il est important de travailler
en équipe, mais : « Je ne veux pas dire que, si on prépare des choses seul et qu’il n’y a pas
d’organisation collective, les élèves sont défavorisés » (E2). La citation n’est donc pas
réversible ; selon lui, les apprentissages des élèves ne sont pas favorisés parce qu’il y a eu un
travail en équipe. Les élèves peuvent aussi apprendre sans action collective, mais « c’est un
plus » (E2). Nous observons que les élèves peuvent apprendre sans le travail en équipe des
enseignants, mais que les effets positifs de ce dernier, comme la cohérence, semblent
améliorer leurs apprentissages de façon considérable. Les enseignants y voient également un
apport au niveau des suivis collégiaux, par exemple, car les enseignants connaissent ainsi les
élèves de l’école et pas seulement ceux de leur propre classe. De son côté, D13 relève le fait
qu’il « ne suffit pas seulement d’une action collective pour favoriser les apprentissages des
élèves », mais que d’autres paramètres entrent également en ligne de compte.
Les enseignants et directeurs sont également d’accord (19/20) avec la deuxième citation.
En effet, comme le dit E4 : « Si on ne réfléchit pas sur soi, on n’avance pas », et E19 précise
en disant : « Si on fait de l’analyse de pratiques, je pense que c’est important que chacun ait
déjà réfléchi sur soi-même ». Il est donc important de réfléchir dans un premier temps seul
pour ensuite partager ses réflexions : « C’est un pré-requis de d’abord savoir réfléchir sur sa
pratique et d’essayer de trouver soi-même des pistes pour ensuite les proposer aux autres »,
nous mentionne E16. La réflexivité de chacun est « essentielle, mais ce n’est pas facile à
obtenir et c’est ce qui peut provoquer des résistances dans une équipe », nous signale D1. En
effet, cette manière de voir les choses implique la participation de tous les membres de
l’équipe. E5 pense qu’« il faut que chacun soit partie prenante, chacun doit se positionner par
rapport à ce qu’il fait, sinon ça n’a pas de sens ». De plus, il faut être attentif au fait « qu’un
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
être trop réflexif dans une équipe peut gêner » (E8) et que, si un enseignant ou un directeur
impose cette réflexivité, il peut y avoir des risques de rejet.
Ce que nous pouvons retenir de ce chapitre sur les effets de l’analyse de pratiques sur le
travail en équipe, c’est que les enseignants et directeurs sont conscients de la richesse de cet
outil de travail. L’analyse de pratiques apporte de réels effets positifs sur l’action collective et
permet d’apporter de la cohérence au sein d’un même établissement, selon nos interlocuteurs.
Cependant, il semble que sa mise en place est très complexe et demande un investissement
considérable de la part des membres de l’équipe. Les personnes interrogées nous disent que le
contrat doit être défini de manière explicite et formelle, afin que tout le monde soit capable de
suivre et respecter le code de conduite retenu. Or, très souvent, dans les écoles, l’analyse de
pratiques semble se faire de manière implicite et peut donc provoquer des incompréhensions.
Que faudrait-il mettre en place pour que les enseignants ou directeurs puissent utiliser de
106
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
façon adéquate cet outil ? Faut-il agir au niveau de la formation initiale des enseignants ? et
quelles formations continues proposer aux enseignants déjà en place ?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
VII) CONCLUSION
Au terme de ce travail, nous allons présenter une synthèse de l'analyse des données que
nous avons recueillies auprès des enseignants et des directeurs et les mettre en discussion.
Pour cela, nous avons divisé ce chapitre en deux parties. La première sera consacrée à définir
les résultats de notre recherche et, tout particulièrement, à répondre à nos questions de
recherche spécifiques et générale. Afin de répondre à notre question générale, nous allons
dans un premier temps nous pencher sur nos questions spécifiques. Ainsi, nous allons
commencer par définir les représentations des enseignants et des directeurs que nous avons
rencontrés à propos du travail en équipe et de l'analyse de pratiques et quelles sont les
origines de ces représentations. Dans un deuxième temps, nous allons nous rapprocher de
notre question générale en nous intéressant aux effets de l'analyse de pratiques sur la
collaboration et dans quelle mesure elle peut la favoriser. Enfin, nous observerons nos
résultats afin de savoir dans quelle mesure l'analyse de pratiques peut être convoquée dans un
établissement.
Afin de respecter le plus scrupuleusement possible les échanges que nous avons eus
avec nos interlocuteurs, nous voulons maintenant tenter de dessiner avec le plus de précision
possible le portrait de l’analyse de pratiques et du travail en équipe qu’ils nous ont fait. En
effet, nous l’avons constaté, entre une définition provenant des sciences de l’éducation et le
terrain et l’expérience pratique, le discours varie inévitablement. Bien que nous ayons été
surprises de la présence effective dans les représentations de nos interlocuteurs de notions
théoriques provenant des sciences de l’éducation ou de la psychologie, la manière dont ils
s’en sont imprégnés et en font usage, nous indique que face à la réalité quelques
aménagements se sont imposés.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Le travail en équipe
Selon la typologie que nous avons décrite dans notre cadre théorique, le mode de travail
en équipe de type coordination (Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud, 2007b) ou pseudo-
équipe (Perrenoud, 1999) est assez largement représenté comme nous l'avons démontré dans
le chapitre précédent. Deux éléments sont à préciser cependant. La plupart des enseignants
ou directeurs qui nous présentent ce modèle de leur travail en équipe sont ceux qui évoquent
aussi les difficultés relationnelles avec leurs collègues d'établissement. Nous comprenons
cela comme la mise en place d'une forme de retenue dans le travail collaboratif en particulier
lorsqu'en plus des difficultés de communication s'ajoutent des visions opposées de
l'enseignement comme certains de nos interlocuteurs nous l'ont fait remarquer. Le deuxième
élément que nous désirons souligner pour expliquer ce résultat est la difficile question des
positions hiérarchiques, qu’elles soient de fait ou symboliques. En effet, nous avons constaté
que les personnes qui nous disent ne collaborer qu'avec un seul collègue voire pas du tout,
expriment aussi leurs difficultés à être à l'aise avec le directeur ou avec des enseignants en
poste depuis longtemps dans leur établissement et qui semblent imposer leurs pratiques.
Nous observons donc que certaines personnes que nous avons rencontrées ne sont pas
satisfaites de leur mode de travail en équipe, aimeraient collaborer plus mais ne savent pas
comment y parvenir se sentant coincées, selon elles, dans un statut d'enseignant pas assez
expérimenté pour imposer leurs idées.
D’autre part, nous pouvons conclure de l’analyse de nos données que toutes les
personnes interrogées collaborent (Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud, 2007b) d’une
manière plus ou moins prononcée. En effet, la moitié au moins des personnes rencontrées
disent collaborer de manière approfondie (équipe stricto sensu selon Perrenoud, 1991).
L’autre moitié collabore mais de manière plus ponctuelle, selon les exigences ou lorsque la
nécessité l’impose, en fonction de projets particuliers et ponctuels (équipe lato sensu selon
Perrenoud, 1991). Nous avons été frappées de constater que le mode le plus représenté est la
collaboration entre enseignants ayant la charge de mêmes degrés. En effet, tous recherchent à
partager leurs planifications, ressources, évaluations ou difficultés avec un enseignant qui
rencontre les mêmes situations. Les modes de collaboration inter-degrés sur le même modèle
que la collaboration intra-degrés sont nettement plus rares. Nos interlocuteurs le déplorent le
plus généralement. Les raisons évoquées sont principalement de l’ordre des relations
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
La coopération en tant que « situations professionnelles pour lesquelles les acteurs sont
mutuellement dépendants dans leur travail et pour qui il est nécessaire d’agir ensemble »
(Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud, 2007b, p. 11), est très peu représentée au niveau de
notre échantillon. Si elle l’est, c’est généralement en fonction de situations ponctuelles, de
projets spécifiques ou pour prendre en charge des élèves qui nécessitent un soutien
particulier. Ce mode de travail en équipe est surtout représenté par les enseignants de la
division spécialisée que nous avons rencontrés. Les personnes que nous avons interviewées
savent pourtant ce qu’est la coopération. Nous avons pu l’observer dans les entretiens et dans
le questionnaire "pré-entretien" (cf. annexes, pp.173 et 218). Il nous semble cependant que ce
mode de travail en équipe ne fait pas partie des attentes des personnes que nous avons
rencontrées. Peut-être par manque d’exemple ou par manque de nécessité ? A ce stade de
notre recherche, nous ne pouvons pas le dire mais nous avons ressenti une assez forte
résistance parmi la majorité des personnes que nous avons rencontrées.
Afin de compléter cette vue d’ensemble, nous pouvons encore proposer une
schématisation des représentations du travail en équipe de nos interlocuteurs. En généralisant
plus, nous observons que nos interlocuteurs perçoivent le travail en équipe comme une forme
de coordination améliorée. En effet, ils optent dans la grande majorité des cas pour un travail
en collaboration avec des collègues du même degré, créant ainsi des sortes de tandems (ou
des trios selon les effectifs de l'école) pédagogiques. Dans le cas où l'établissement ne
compte pas de collègues avec qui entretenir ce type de collaboration ou s'ils ne parviennent
pas à nouer des relations de travail qui leur conviennent, ils semblent que nos interlocuteurs
préfèrent s'abstenir de collaborer. Dans ce genre de situations, nous observons alors qu'ils
nous disent pouvoir se contenter d'un travail en équipe de type coordination. Sur le versant de
la collaboration, les personnes que nous avons rencontrées conçoivent le fait de travailler en
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
équipe élargie pour autant que les relations interpersonnelles soient positives, qu'ils sentent
avoir un espace de parole et d'initiative ou que les projets les interpellent suffisamment pour
engager un investissement personnel. Ce constat est d'autant plus vrai lorsque nous les
écoutons parler de la coopération. En effet, comme nous l'avons noté, la coopération est le
niveau de travail en équipe le moins représenté. Nos interlocuteurs sont conscients des efforts
qu'elle exige et semblent prêts à les engager lorsque la situation l'exige ou lorsque certains
élèves sont en difficulté. Nous pouvons constater que même si les relations interpersonnelles
sont importantes et souvent mises en avant par les personnes interrogées, elles ne sont pas
toujours le facteur déterminant à la coopération. En effet, pour que nos interlocuteurs
semblent s'engager dans un niveau très exigeant de travail en équipe, il nous semble que les
projets motivants pour les acteurs ou les obstacles rencontrés sont les principales raisons
d'engagement comme nous pouvons le constater à la suite de nos analyses par établissements.
Précisons toutefois, comme nous l'avons déjà fait à plusieurs reprises, que toutes les
personnes rencontrées, à l'exception d'une, nous ont affirmé ne pas être satisfaits de leur
niveau de travail en équipe. Nous pouvons constater ainsi, que ce portrait que nous venons de
présenter semble permettre aux personnes que nous avons interrogées de fonctionner sans
trop d'efforts dans une sorte de consensus minimum, confortable, dirons-nous.
Pour conclure ce portrait du travail en équipe que nous ont présenté nos interlocuteurs,
il nous faut ajouter un élément intéressant qui provient de notre observation de la culture
d'établissement (Gather Thurler, 1994). Nous comprenons mieux la mise en garde de
Perrenoud et Gather Thurler (2005) qui nous incitent à ne pas confondre coopération et
affinités électives. En effet, les enseignants et le directeur de l'établissement A nous
démontrent que les bonnes relations entre les acteurs peuvent ne pas suffire pour développer
la collaboration jusqu'au stade de la coopération. Tous nous ont affirmé leur plaisir de
travailler dans une équipe ou les relations sont sereines et amicales. Ils décrivent un
partenariat prononcé inter-degrés ou des actions ponctuelles de type coopératif comme des
décloisonnements par exemple, nous démontrant ainsi un bon niveau de communication et
des efforts de coopération. Cependant, ils admettent ne pas être entièrement satisfaits. Ils
évoquent des projets de type coopératif qui leur tiendraient à cœur (décloisonnements plus
nombreux, suivis collégiaux plus fréquents, partage des élèves en difficultés) mais qu'ils ne
parviennent pas à mettre en place. Au stade de cette enquête, nous ne sommes pas en mesure
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
d'expliquer ce qui les en empêche, mais nous pouvons constater, qu'effectivement, les bonnes
relations interpersonnelles peuvent ne pas suffire à entraîner un travail en équipe stricto
sensu (Perrenoud, 1991) de type coopératif (Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud, 2007b).
Pour compléter ce constat, rajoutons que les acteurs de l'établissement B que nous
avons interrogés, et dont le mode de travail en équipe est de même nature que l'établissement
A, expliquent leur bon niveau de collaboration par « l'effet projet du REP » comme nous le
dit E6. En effet, l'investissement nécessaire de tous à la construction du projet pour faire
partie du REP, la dynamique que cela a entraîné est mis en avant par ces personnes comme
ayant eu un très fort impact sur leur travail en équipe. Nous observons donc que pour cet
établissement, il semble que ce soit l’effet du projet qui les porte vers un travail en équipe
stricto sensu (Perrenoud, 1991) de type coopératif (Marcel, Dupriez et Périsset Bagnoud,
2007b). Afin de modérer ce propos, rappelons tout de même que les personnes que nous
avons rencontrées sont toutes impliquées dans un projet d’établissement et que nous n’avons
pas observé les mêmes effets que dans l’établissement B. Pour être entièrement précises,
notons toutefois que l’instauration des projets d’établissement est récente et qu’ils n’ont
certainement pas encore déployés tous leurs effets. Se pourrait-il qu’en retournant dans
quelques années dans les établissements que nous avons visités et que nous posions les
mêmes questions, nous soyons surprises de découvrir des effets notables en matière de travail
en équipe ?
L'analyse de pratiques
Nous observons que la formation en alternance (Merhan, Ronveaux & Vanhulle, 2007)
semble produire des effets sur le plan de la réflexivité des enseignants. En effet, un grand
nombre de personnes de notre échantillon nous ont affirmé que leur posture réflexive
provenait de la formation LME qui, comme nous l’avons développé dans notre cadre
contextuel, est construite sur ce modèle d’apprentissage. Toutefois, cette posture réflexive ne
semble pas toujours nécessiter la présence d’une autre personne. Selon nos interlocuteurs elle
se définit comme une réflexion personnelle sur soi et sur son action. Elle se fait au quotidien,
qu’on la partage avec un ou plusieurs collègues ou non, elle apparaît plus comme une routine
de développement personnel que comme un travail de mise en commun de ses difficultés.
112
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
L’analyse de pratiques en tant que telle est surtout présente dans les représentations des
personnes qui ont pu l’exercer au sein de la formation continue. Certains nous parlent
d’échanges de pratiques mais nous avons pu observer qu’il s’agit la plupart du temps d’un
terme équivalent et utilisé par des personnes qui ont aussi suivi des formations continues. Il
semble que ce que nous ont dit les formateurs de l’OSTEPE que nous avons rencontrés à
propos du fait que le terme d’analyse fasse peur ait provoqué ce changement de vocabulaire.
Nous constatons donc que l’analyse de pratiques est une notion que la majorité de nos
interlocuteurs perçoivent telle que nous l’avons décrite dans notre cadre théorique. Il s’agit
pour eux d’un espace d’échange de pratiques en groupe, un lieu de concertation, de réflexion,
avec un apport d’éléments théoriques et un retour sur l’action permettant de trouver des
solutions à ses difficultés, d’accroître sa créativité et d’améliorer son travail. Rejoignant
Perrenoud (1991) ou Paquay & Wagner (2001), ils considèrent que l’analyse de pratiques est
une compétence professionnelle. Nous observons aussi que ce sont les directeurs et les
enseignants de la division spécialisée qui nous donnent une définition de l’analyse de
pratiques la plus proche de notre cadre théorique. Ils nous démontrent ainsi qu’ils en ont
probablement reçu des apports importants.
Nous sommes frappées tout de même par le nombre important de personnes qui nous
disent ne pas être satisfaites de la place qu’a l’analyse de pratiques dans leur établissement.
En effet, il s’agit de plus de la moitié des personnes que nous avons rencontrées. Ils nous
disent qu’ils aimeraient avoir plus de temps pour pouvoir échanger sur de nombreux sujets,
didactiques ou pédagogiques, dans un cadre formel avec des règles de communication
sécurisantes pour tous, guidés par une personne ressource venant de l’extérieur de
l’établissement (Donnay & Charlier, 2008) capable d’instaurer un climat de confiance.
A la suite de l'analyse des données que nous avons présentée dans le chapitre précédent,
nous pouvons observer que les enseignants et directeurs qui ont été formés à l'Université de
Genève au sein de la Faculté de psychologie et des sciences de l'éducation en LME citent tous
leur formation comme étant à l'origine de leurs représentations. D'un autre côté, tous les
enseignants et directeurs faisant partie de notre échantillon expérience avancée, c'est-à-dire
qui ont plus de 11 ans de carrière, citent à quasi-égalité la formation continue et l'expérience
professionnelle et juste ensuite les expériences privées comme étant à l'origine de leurs
113
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Enfin, nous pouvons observer que s'il fallait faire une proposition d'action pour faire
évoluer les représentations des personnes que nous avons interrogées, s'il y avait lieu, il est
possible de travailler sur les trois premiers espaces d'apprentissage que nous avons définis
suite à l'analyse de nos données: la formation, initiale ou continue, et les expériences
professionnelles. Nous retrouvons ici une observation qui convient parfaitement aux
conditions de l'apprentissage par l'alternance (Merhan, Ronveaux et Vanhulle, 2007) à savoir
la formation par l'articulation théorie/pratique. En effet, nous avons observé que les personnes
interrogées ne désignent que rarement un seul facteur à l'origine de leurs représentations.
Ainsi, dans de nombreux cas, nous avons pu observer qu'ils citent un facteur de formation
(initiale ou continue) en commun avec les expériences professionnelles. Nous constatons ainsi
que leurs représentations se complètent et s'enrichissent mutuellement en alternance, en
formation et sur le terrain.
Voici un résultat qui nous semble frappant : sur les 20 personnes que nous avons
rencontrées, 18 attribuent un effet positif à l’analyse de pratiques sur le travail en équipe. Ils
lui attribuent de nombreux effets positifs sur la personne, sur l’enseignement et sur le groupe
(cf. chapitre analyse des données). Nous observons que ce résultat répond en partie à notre
question générale et nous le développerons dans le paragraphe suivant. Mais avant cela,
relevons tout de même que si quasiment toutes les personnes de notre échantillon attribuent
des effets positifs à l’analyse de pratiques, ils modèrent leurs propos avec ce qu’il nous
semble important de prendre pour des mises en garde. En effet, il nous semble que ce
résultat, si intéressant soit-il, ne doit pas inciter à implanter l’analyse de pratiques purement
114
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
et simplement dans un établissement en espérant voir des effets positifs immédiats sur le
travail en équipe. En détaillant les propos de nos interlocuteurs, nous comprenons que
l’analyse de pratiques peut aussi avoir des effets négatifs sur le travail en équipe si un cadre
précis et formel n’est pas mis en place et respecté. Ce sont en particulier les enseignants de la
division spécialisée qui nous font remarquer que les jugements négatifs et les critiques non
constructives peuvent être néfastes non seulement pour une personne mais aussi pour un
groupe. D’autre part, certaines personnes nous font remarquer que l’analyse de pratiques
n’est pas toujours la solution unique (miracle, disent-ils) pour améliorer le travail en équipe
et qu’il ne faudrait pas se focaliser sur cette seule solution.
VII) c. Dans quelle mesure l'analyse de pratiques peut-elle être convoquée dans un
établissement scolaire de manière à favoriser la cohésion et la collaboration au
sein d’une équipe?
Au vu des constats réalisés en analysant les données que nous avons recueillies et que
nous avons présentées dans le chapitre précédent, nous pouvons clairement établir que, selon
les personnes interrogées, l’analyse de pratiques a une place dans les établissements scolaires
genevois. Les nombreuses attentes en matière d’échanges interpersonnels de bonne qualité et
sur des sujets non plus uniquement tournés vers des domaines didactiques ou éducatifs mais
incluant le domaine pédagogique nous laissent penser que, non seulement la posture réflexive
est en train de s’installer dans les représentations des enseignants et des directeurs, mais qu’il
est peut-être temps de la formaliser dans un cadre adéquat par de l’analyse de pratiques. En
effet, l'analyse de pratiques est, selon Altet (2000), une démarche groupale qui n'est « ni une
conversation, ni un simple échange autour de pratiques, ni une simple confrontation des
points de vue ; c’est un véritable questionnement sur le sens de l’action, mené
collectivement » (p.28). Tous les enseignants et les directeurs interrogés nous ont confié que
pour eux, elle pouvait avoir sa place et même pour un grand nombre d’entre eux, qu’elle
devait avoir sa place dans leur établissement. Les effets de l’analyse de pratiques qu’ils nous
ont décrits comme le climat de confiance, la cohésion d’équipe, la création de liens
interpersonnels, la construction d’une vision commune sur l’enseignement, le sentiment
d’appartenance à un groupe ou le développement du respect de la diversité des points de vue,
nous semblent être de nature à pouvoir apporter des apports bénéfiques au travail en équipe.
Nous pouvons ainsi trouver dans leurs descriptions des effets positifs de l'analyse de
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
pratiques de nombreux éléments du travail en équipe que nous avons développé dans notre
cadre théorique (Mucchielli, 2002). Nous considérons cela comme une perspective
relativement importante et totalement en rapport avec leurs attentes en matière de travail en
équipe et de coopération. Ainsi, les personnes interrogées nous semblent devenir conscientes
que l’analyse de pratiques « permet l’émergence de compétences collectives » et « contribue
à créer une nouvelle identité collective d’enseignant qui ne soit pas seulement disciplinaire
(l’enseignant membre de sa discipline/ mais aussi membre de la communauté éducative) »
(Altet, 2000, p.37). Quelques personnes seulement nous ont clairement affirmé que l’analyse
de pratiques peut être d’une grande aide dans l’optique d’une collaboration améliorée et
efficiente, tournée vers une véritable coopération professionnelle et un plus grand partage des
responsabilités. Cependant, nous pouvons constater qu'un enrichissement mutuel entre ces
deux aspects du travail enseignant, le travail en équipe et l'analyse de pratiques, sont
observables dans les analyses des représentations de toutes les personnes que nous avons
rencontrées.
116
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Comme nous l’avons révélé plus haut, l’analyse de pratiques peut avoir sa place pour
un grand nombre des personnes rencontrées, elle devrait même avoir sa place dans les
établissements scolaires genevois selon eux. Cependant, et afin de répondre à notre question
générale, il nous faut examiner plus précisément dans quelle mesure cette analyse de
pratiques peut être convoquée dans la coopération et le travail en équipe, sous quelles
conditions et dans quelles configurations. Nous allons donc tenter de présenter un portait le
plus fidèle qu’il soit de ce que semblent attendre les enseignants et les directeurs que nous
avons rencontrés.
117
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
ses griefs. Ainsi, la formule de cet enseignant « on ne parle pas de tout avec tout le monde »
semble représenter au mieux la situation de flottement dans laquelle vivent une partie des
établissements que nous avons visités. Nous avons ressenti très fortement que les personnes
que nous avons rencontrées observent l'évolution et les effets que produiront cette nouvelle
organisation. Cela semble provoquer chez certains d’entre eux une retenue quant à leurs
actions ou leurs prises de décision. Nous constatons que les effets de ce changement de
contexte pourraient empêcher dans une certaine mesure les acteurs que nous avons rencontrés
de s’aventurer dans des projets innovants si la confiance ne s’établit pas rapidement. Dans
d’autres configurations de leadership, il suffirait d’une étincelle pour que de nouveaux
projets démarrent car les enseignants estiment être soulagés de certaines responsabilités
qu’ils peuvent confier à leur directeur. Cet apport bénéfique nous laisse penser qu’il laisse de
l’espace pour que les enseignants se sentent en mesure de réfléchir à leurs manières de
résoudre les difficultés qu’ils rencontrent sur le terrain. D’ailleurs, cet effet de direction est
attendu lorsqu’on examine le cahier des charges des directeurs. Concernant notre
problématique, nous estimons que l’implantation de l’analyse de pratiques va donc
inévitablement être dépendante de ces ajustements dans les rôles de chacun.
Nous avons été surprises de constater que les deux tiers des personnes que nous avons
interrogées considèrent que l’analyse de pratiques peut être instaurée dans un établissement à
la demande d’un directeur ou imposée par l’institution. Il nous faut préciser que trois
directeurs nous ont confié qu’ils pensent que, dans une certaine mesure, ils peuvent en faire
la demande à leur équipe. Certains enseignants évoquent les situations problématiques
comme sources de la demande d’analyse de pratiques et justifient alors qu’ils attendent du
directeur qu’il l’impose. Bien que certains enseignants soient ainsi prêts à confier la mise en
place de l’analyse de pratiques à leur directeur et qu’ils accepteraient même qu’elle leur soit
imposée, nous pensons qu’il faut y apporter certaines limites. Quelques-uns de nos
interlocuteurs nous ont tout de même clairement affirmé qu’il était hors de question que cette
innovation leur soit imposée hiérarchiquement et nous pouvons le comprendre. En effet, les
directeurs ont une fonction de contrainte aussi, ils ont le droit d’en exercer un certain nombre
et les enseignants que nous avons rencontrés semblent l’admettre en général. On peut
cependant se poser la question de savoir quelle serait la véritable implication des acteurs qui
seraient ainsi contraints de participer à un processus qui exige d’eux une grande disponibilité
118
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
d’esprit et une attitude d’ouverture aux autres. Perrenoud (2001) remarque d'ailleurs que
« l’insistance du chef d’établissement peut amener les enseignants à s’inscrire, mais alors ils
se sentent souvent obligés, et viennent sans désir de se former » (p.170). En outre, il faut
reconnaître que les personnes qui nous ont déclarés être les plus en attente de ce type de style
directionnel semblent être les plus en "souffrance" dans leurs besoins de coopération. Dans
trois des établissements que nous avons fréquentés, nous avons rencontré ces enseignants
dont nous pouvons dire qu’ils se sentent frustrés du niveau de collaboration pratiqué dans
leurs équipes. Chez certains d’entre eux, nous avons ressenti une importante déception en la
matière et peut-être seraient-ils soulagés que quelqu’un de mieux positionné
hiérarchiquement qu’eux prennent la responsabilité de faire changer cet état de fait. En outre,
si certaines des personnes que nous avons interrogées semblent admettre la présence de leur
directeur dans un groupe d’analyse de pratiques, il sera dès lors nécessaire que celui-ci
prenne conscience qu’il pourrait se retrouver dans une situation délicate. En effet, un
directeur a aussi pour mission d’évaluer les enseignants de son établissement. On peut
imaginer les dérives possibles d’un directeur qui ne respecterait pas cette position à
dimension éthique exigée dans un processus d’analyse de pratiques. Il serait alors utile de
rappeler que, comme le souligne Altet (2000), l’analyse de pratiques « n’est pas une
démarche d’évaluation ; si elle dégage et met en relation les facteurs intervenants, elle ne
mesure pas les écarts des actions produites à une norme » (p.32).
Mais alors, si ce ne sont pas les directeurs qui imposent l’analyse de pratiques, de
quelle manière peut-elle être introduite dans un établissement ? Comme nous l’ont signalé
certains enseignants, il nous semble que l’analyse de pratiques devrait être engagée suite à
une demande venant de l’établissement. Si Perrenoud est acquis à l’idée que « l’analyse de
pratiques ne peut fonctionner que sur la base d’un certain volontariat » (2001, p.114) ; on
peut se demander alors quelles mesures pourraient inciter les enseignants à s’engager dans ce
volontariat. Enfin, à l’instar de Perrenoud (2001), nous nous demandons :
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
cause, la raison la plus défendable reste la volonté d’affronter une forme de doute, de
malaise ou de quête poussant à s’interroger sur sa pratique et ce qui la sous-tend
(p.118)
Il semble donc que mettre en évidence les doutes et les malaises pourraient être un bon
levier pour entrer dans une démarche d’analyse de pratiques selon cet auteur. Dans cette
optique et d’après les données que nous avons recueillies, il nous paraît que les informations
que détiennent les directeurs pourraient avoir, dans une certaine mesure, un effet incitatif. En
effet, certains d’entre eux nous ont confié que l’analyse de pratiques vécue au sein de la
FORDIF leur a servi à faire face à la complexité de leurs nouvelles tâches par le partage des
expériences que chacun d’entre eux vivent dans leur établissement. Puisqu’ils nous ont
confié connaître eux-mêmes les bénéfices de l’analyse de pratiques pour les avoir vécus, il
serait intéressant qu’ils trouvent un moyen de partager cette expérience avec leurs
collaborateurs. En effet, ils ont été en mesure de trouver « la volonté d’affronter une forme de
doute » (Perrenoud, 2001, p.118) pour faire face aux exigences de leurs nouvelles
responsabilités avec le soutien de l’analyse de pratiques. Ainsi, il nous semble qu’en mettant
en perspective les ressources que pourraient puiser les enseignants eux-mêmes dans l’analyse
de pratiques pour affronter leurs propres doutes, leurs propres malaises, les directeurs
pourraient produire un certain encouragement à s’engager dans une démarche d’analyse de
pratiques. Comme le souligne Perrenoud (2001), « nul ne s’engage donc dans une telle
démarche s’il n’en attend quelque bénéfice, s’il n’espère qu’elle l’aidera à devenir plus
perspicace, efficace, cohérent ou en paix avec soi-même, qu’elle lui permettra de mieux
« trouver ses marques » » (p.113)
Un dispositif sécurisant
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Un espace temporel
Un des participants à notre enquête a relevé avec justesse que le temps de travail d’un
enseignant est fixé dans son cahier des charges. Il nous a d’ailleurs admirablement bien
définis les cinq temps distincts constitutifs de l’horaire hebdomadaire: un temps
d’enseignement en présence des élèves, un temps de gestion et de planification du travail, un
temps d’entretien avec les parents, un temps de concertation avec les enseignants et les autres
partenaires de l’école et un temps de réflexion et de discussion. Il est aisé de comprendre la
difficulté, lorsqu’on effectue une simple soustraction entre le temps de travail d’un
enseignant et le nombre d’heures hebdomadaires en présence des élèves. Si l’on y soustrait
encore le temps de gestion et de planification et celui d’entretien avec les parents, on peut
facilement imaginer l’importance accordée à ces deux derniers temps de travail qui font
121
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
l’objet de notre enquête et qui sont encore à effectuer dans une semaine d’enseignant.
Quelques heures par semaine ? Par ailleurs, si un enseignant n’est pas un génie de
l’organisation ou désire approfondir un domaine didactique pour le rendre plus accessible à
ses élèves n’est-ce pas généralement ces deux derniers temps du travail hebdomadaire
prescrit qu’il va léser ? Comme nous l’a rappelé un de nos interlocuteurs, le « temps n’est pas
à rallonge » ou un autre « on ne peut pas tout faire ». Des choix semblent donc s’imposer à
eux. Pour autant que la communication ne soit pas parfaite ou même valorisante au sein
d’une équipe, pour autant qu’il soit possible de fonctionner dans ses pratiques avec un
minimum d’efficience, quels arguments pourrait-on objecter à une optique minimaliste en
matière de concertation, de réflexion et de discussion ? Il nous semble que si « la question du
développement des pratiques enseignantes innovantes, collectives, collaboratives, s’inscrit au
cœur des problématiques pédagogiques actuelles » (Périsset Bagnoud, 2007b, p.88), alors il
devient nécessaire de se poser la question des moyens alloués par l’institution à son
personnel ainsi que le soutien actif qui est nécessaire à toute démarche engageant fortement
les acteurs dans des transformations importantes.
Culture et innovations
C’est avec prudence mais intérêt que nous avons désiré prendre en compte la notion de
culture d’établissement que Gather Thurler (1994) a développée. En effet, nous avions nous-
mêmes constaté lors de stages ou de remplacements dans différents établissements scolaires
genevois qu’un certain style, une ambiance particulière se dégageait de chacun d’entre eux.
Afin de s’éloigner du sens commun qui aurait pu nous amener à produire des étiquettes
réductrices à ces établissements et leurs équipes, il nous fallait nous intéresser plus
particulièrement à chaque acteur d’un établissement dans un premier temps. En rassemblant
et en comparant nos données dans un deuxième temps, nous avons alors constaté,
qu’effectivement, une culture d’établissement pouvait en être dégagée. Bien sûr, nous avons
reconnu la grande famille, la balkanisation ou la collégialité contrainte (Gather Thurler,
1994) et nous aurions pu même donner des surnoms évocateurs de type village gaulois ou
famille bastion aux établissements que nous avons visité comme l’ont fait Progin et de Rham
(2009). Nous avons largement rencontré les conclusions que ces auteurs (et d’autres) ont pu
produire suite à leurs recherches. En effet, lors de l’analyse de nos données, nous avons
vraiment compris la réalité que peut avoir cette force de la culture de l’établissement. Par
exemple, tous les enseignants et le directeur d’un des établissements que nous avons visités
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
nous ont parlé de leurs difficultés de collaborer en raison des pratiques imposées par certains
de leurs collègues en place depuis de nombreuses années. Se pose alors la question des choix
que peuvent avoir les nouveaux arrivants ou ceux qui désirent provoquer des changements.
En effet, ils peuvent tenter de fournir de gros efforts pour inciter leurs collègues à modifier
leurs pratiques. Mais s’ils n’y parviennent pas, quelles solutions leur restent-ils ? S’adapter
ou demander un changement d’affectation ? Ainsi, dans une perspective de soutien à
l’implantation de l’analyse de pratiques, nous retirons des informations que nous avons
recueillies qu’il est nécessaire de prendre en compte cette importance de la culture
d’établissement dans la réalité des établissements actuels. En effet,
Les problèmes toujours plus complexes auxquels se trouvent aujourd’hui confrontés les
acteurs scolaires, ne peuvent plus être résolus individuellement. Ils exigent, hormis la
mise en réseau de multiples compétences, une interruption dans les routines d’action, la
disponibilité et capacité des professionnels à quitter le terrain des pratiques sécurisées,
leur capacité à développer des solutions qui, forcément, dépasseront le cadre du travail
prescrit. (Gather Thurler, 2007, p.27)
Ainsi, en adéquation avec ce constat et selon les résultats obtenus suite aux entretiens
que nous avons menés et qui montrent qu’effectivement nos interlocuteurs impriment une
culture à leur établissement et/ou en subissent les effets, il nous semble que la culture
d’établissement est un des facteurs à prendre en compte dans une logique d’évolution des
pratiques. En effet, s’il fallait implanter l’analyse de pratiques dans un établissement comme
semblent le souhaiter une grande partie de nos interlocuteurs, ne pas prendre en compte la
culture de l’établissement dans lequel proposer cette implantation pourrait provoquer des
échecs. Au vu des résultats que nous avons obtenus concernant la présence d’une culture
d’établissement et ses effets, nous pensons cependant qu’il serait nécessaire de poursuivre
cette recherche en se focalisant sur cette problématique pour définir dans quelles mesures elle
pourrait être utilisée comme levier dans l’implantation de l’analyse de pratiques.
Cependant, nous aimerions tout de même mettre en évidence un constat que nous avons
pu faire lors de cette enquête. En effet, en focalisant notre regard sur l’établissement et sa
culture comme nous l’avons fait dans une partie de notre analyse, on prend le risque de
parfois oublier qu’il est composé d’individus singuliers. Nous avons été frappées de la
déception et de la frustration qu’expriment certains de nos interlocuteurs lorsque nous les
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dans la deuxième partie de ce chapitre, nous allons proposer quelques pistes pour des
recherches complémentaires. En effet, nous n’avons pas terminé notre réflexion et nous nous
124
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
sommes rendu compte tout au long de notre cheminement qu’au fur et à mesure que nous
trouvions un semblant de réponse à une de nos questions qu’il s’en présentait une nouvelle.
Telle une balle rebondissant entre quatre murs, notre sujet de mémoire n’a cessé de sauter
d’une question à une autre, encore et encore. Pourtant, il nous faut mettre certaines de ces
questions en attente car nous ne pouvons pas les aborder dans cette enquête dont l’objectif est
différent. Cependant, certaines d’entre elles nous paraissent pouvoir opportunément clore ce
travail. Nous en laissons donc une trace dans ce chapitre.
Dans la troisième partie, nous allons revenir sur notre méthode de recherche. En effet,
nous avons choisi une méthode d’enquête un peu particulière et nous pensons qu’elle a
produit des effets intéressants. Nous allons donc discuter dans cette partie de ces éléments
d’apprentissage que nous avons faits en tant qu’"apprentie-chercheuse".
Enfin, travailler sur de tels sujets ne laisse pas indifférent. Nous avons construit des
compétences, des savoirs de toutes natures : nous sommes entrées dans la construction de ce
que nomme Paquay et Wagner (2001) le paradigme du praticien réflexif « qui s’est construit
un « savoir d’expérience » systématique et communicable plus ou moins théorisé » (p.155).
Pour conclure, nous allons donc expliciter dans la toute dernière partie de ce chapitre
quelques éléments qui ont permis cette construction.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
vraiment réalisé à quel point nous avons été formées à cette réflexivité, que ce soit au travers
des dossiers d’analyse de nos pratiques en stage, de portfolios réunissant des traces de nos
activités ou de diverses présentations orales par exemple. Tout ce travail d’analyse que nous
avons effectué pendant ces quatre dernières années, lourd parfois, exigeant sûrement, nous a
constamment permis de faire des liens entre ce que nous avions construit lors de nos stages et
les apprentissages théoriques que nous avons pu faire en cours ou en séminaire à
l’Université. Le sens même de cette articulation théorie-pratique incluse dans le modèle
d’apprentissage par l’alternance (Merhan, Ronveaux & Vanhulle, 2007) nous a semblé
devenir évident. Jusqu’alors, l’importance de cette analyse réflexive dans notre formation ne
nous avait pas paru aussi explicite. En débutant cette formation, nous imaginions nous former
à des savoirs plus pratiques que théoriques. Un certain nombre d’entre nous sont ressortis
déçus d’un cours ou d’un module d’enseignement en n’ayant pas eu le sentiment d’avoir
acquis les compétences visibles d’un enseignant : écrire au tableau noir, savoir réguler les
comportements des élèves, rédiger les commentaires d’un livret scolaire, utiliser les moyens
officiels d’enseignement,…, une certaine incompréhension s’est parfois installée. Nous
n’avions pas réellement saisi à quel point notre formation nous engageait à devenir ce
praticien réflexif que Schön (1994) décrit. En effet, « former des débutants, c’est justement
former d’emblée des gens capables d’évoluer, d’apprendre au gré de l’expérience, en
réfléchissant sur ce qu’ils voulaient faire, sur ce qu’ils ont réellement fait, sur ce que cela a
donné » (Perrenoud, 2001, p.18). C’est bien au travers de cette expérience de recherche que
nous l’avons compris. Mais il existe bien le risque que « certains étudiants recherchent dans
la formation à l’enseignement ce qu’elle n’offre plus- une orthodoxie, des savoirs pratiques-
et du coup passent à côté de ce qu’elle propose, notamment une formation réflexive »
(Perrenoud, 2001, p.19). Serait-il possible que « le contrat et les objectifs d’une formation se
rattachant au paradigme réflexif n’aient pas été suffisamment explicites » (Perrenoud, 2001,
p.19) ? Peut-être n’étions nous pas encore assez disponibles, en quête d’explications ou dans
une ouverture à la réflexion ? Au terme de ce travail, nous sommes en mesure de donner un
nouveau sens à notre formation et de parfaitement intégrer la démarche réflexive nécessaire à
notre engagement dans la profession enseignante. Par ailleurs, nous sommes devenues
conscientes que « dans n’importe quelle équipe pédagogique, dans n’importe quel groupe
d’enseignants, quiconque a une expérience de l’analyse des pratiques est une ressource
précieuse pour développer la coopération professionnelle et les démarches de projets »
(Perrenoud, 2001, p.130). Ainsi, en continuant à nous former, il nous semble que nous serons
aussi mieux à même de soutenir la coopération au sein des équipes que nous intégrerons.
126
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Sur les vingt personnes rencontrées lors de cette enquête, trois d’entre elles travaillent
dans la division spécialisée et un directeur a longtemps œuvré au sein de cette même
division. Comme nous l’avons déjà révélé dans le chapitre précédent, nous avons été
frappées par l’importante place que prend l’analyse de pratiques dans leurs représentations.
Tous ont admis ne pas pouvoir travailler sans cet outil qui leur permet de partager, analyser,
trouver des ressources nouvelles ou simplement se retourner régulièrement sur son action et
progresser dans sa profession. La formation spécifique qu’ils ont reçue lors de leur entrée
dans cette division a sûrement eu une influence considérable sur cette prise de conscience
que la réflexivité pouvait être un outil précieux dans leur profession. Mais cela a-t-il suffi ?
Ces enseignants avaient-ils déjà construit des compétences avant d’entrer dans cette
formation ? Et si oui, de quelles natures étaient-elles ? Personnelles ou professionnelles ? Y
a-t-il des conditions qui seraient spécifiques à la division spécialisée et qui entraîneraient ces
enseignants et ce directeur à rechercher ce type de démarche ? Nous avons par ailleurs
constaté que leurs pratiques en matière de collaboration sont d’une autre nature que celles des
enseignants en division ordinaire. En effet, ils nous ont tous parlé de l’importance qu’il y
avait pour eux de coopérer dans les meilleures conditions possibles avec leurs collègues, ne
serait-ce que parce qu’un certain nombre de leurs élèves sont intégrés dans des classes de la
division ordinaire. La nécessité de coopérer avec un plus grand nombre d’intervenants
externes (psychologues, logopédistes, psychomotriciens, éducateurs) et le besoin de créer des
rapports étroits avec les parents de leurs élèves pour un meilleur suivi éducatif seraient-ils un
des moteurs de cet engagement en matière de coopération et d’analyse de pratiques ? Est-ce
le fait qu’ils ont la charge d’une population d’élèves plus exigeante qui les engagent à opter
pour un plus grand partage des responsabilités ? Il nous semble que ces constats et
questionnements pourraient être à la base d’une nouvelle recherche. En effet, il pourrait être
intéressant de se pencher avec plus de précision sur les différences entre les formations des
enseignants de la division ordinaire et celles des enseignants de la division spécialisée, sur
les compétences particulières que chacun d’eux construisent pour faire face aux difficultés
réelles spécifiques qu’ils rencontrent. En observant leurs différences peut-être serait-il
possible de découvrir des angles de vue inédits en matière de collaboration et d’analyse de
pratiques. Quels sont les leviers qui poussent les enseignants de la division spécialisée à
pratiquer des formes de coopération plus poussées et d’entrer dans des démarches d’analyse
127
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
de pratiques avec autant d’évidence ? Quels sont les bénéfices qu’ils retirent de leurs
analyses de pratiques ? En tentant de trouver des réponses à ce genre de questions il serait
peut-être possible de comprendre les types de facilités qui ont engagé les enseignants de la
division spécialisée à se lancer dans ce genre de processus.
Enfin, le dernier point que nous aimerions soulever se trouve dans notre étonnement
face aux écarts entre les représentations du travail en équipe qu’ont les enseignants et les
directeurs que nous avons rencontrés et ce qu’ils vivent réellement sur le terrain. En effet,
lorsqu’ils nous parlent de leurs attentes en matière de collaboration, il est évident que
nombreux sont ceux qui ressentent une certaine déconvenue face aux pratiques collaboratives
exercées dans leur établissement. Il en est de même d’ailleurs concernant l’analyse de
pratiques et la réflexivité. Tellement nombreux sont ceux qui nous ont dit être conscients des
effets positifs de l’analyse de pratiques et de la réflexivité que nous avons de la difficulté à
comprendre ce qui les empêche de s’y engager. Nous pouvons faire la supposition qu’étant
face à des étudiantes lors des entretiens ils ont peut-être fait appel à des notions théoriques
entendues à l’occasion d’une formation, d’une lecture ou d’une discussion. Peut-être ont-ils
pensé que nous aimerions entendre ce type de discours. Nous ne pouvons pas complètement
l’écarter. Pourtant, il nous paraît improbable que tous aient ainsi amplifié leurs attentes juste
pour nous accommoder. Ces écarts entre leurs représentations de ce que devrait être le
travail en équipe et la réalité des faits sont quasi constants dans nos interviews. Seules
quelques personnes nous ont affirmé être totalement épanouies dans leurs pratiques
collaboratives et dans leurs pratiques réflexives et trouver de la cohérence entre leurs
représentations du travail en équipe et de l’analyse de pratiques et leur activité
professionnelle. Il se peut aussi qu’ils soient satisfaits de ce qu’ils mettent eux en place et que
ce soit les pratiques de leurs collègues qu’ils trouvent insuffisantes. Il est évident que d’après
nos résultats, nous ne pouvons pas confirmer l’une ou l’autre de ces hypothèses. Cependant,
nous pensons qu’il pourrait être utile d’approfondir cette question. En effet, si nous prenons
les écarts que nous avons constatés sans plus de recul, nous pouvons réellement nous
demander pourquoi les personnes que nous avons rencontrées ne s’engagent pas plus,
pourquoi elles ne tentent pas de se mettre en accord avec leurs représentations du travail en
équipe et de l’analyse de pratiques et quels sont les obstacles qui les freinent encore ? Ces
questions nous semblent encore plus frappantes lorsque nous observons nos résultats par
128
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
établissement. D’où provient donc cet apparent blocage ? S’agit-il d’un manque de prise de
conscience, d’un besoin de « travail sur soi » ou d’une sédentarisation de ses schèmes
d’action et de la non prise en compte de l’orchestration des habitus (Perrenoud, 2001)? En
effet, au cours d’une carrière d’enseignant des habitudes se prennent, s’installent et finissent
par ne plus se remarquer. Pour continuer à fonctionner de façon confortable sans se remettre
en question, il est possible de s’entourer de collègues qui fonctionnent sur le même mode et
de choisir un contexte (une école ou un type de groupe-classe par exemple) qui permet de
poursuivre ce fonctionnement. Ainsi, la construction d’une sorte de niche de protection se
fait et permet d’éviter de pendre conscience des manques, failles ou obstacles qui peuvent
apparaître dans le fonctionnement d’un professionnel. Est-ce un facteur de blocage dans
l’action des enseignants et des directeurs que nous avons rencontrés ? Nous ne pouvons pas y
répondre. Ainsi, nous ne savons pas expliquer les blocages dont font preuve nos
interlocuteurs face à leurs attentes dans cette enquête. Si nous devions poursuivre cette
recherche exploratoire, il nous paraîtrait intéressant de tenter de répondre à cette question.
Lorsque nous avons commencé ce travail, nous avons beaucoup travaillé avec notre
instinct. En effet, il y avait un grand nombre de compétences ou de savoirs que nous n’avions
pas encore construits au cours de notre parcours universitaire. En particulier dans le domaine
de la recherche, nous n’avions que quelques connaissances superficielles, jamais mises en
pratique en outre. Lorsqu’il nous a fallu construire une méthodologie de recherche, nous
avons assez rapidement compris que, s’intéressant aux représentations des enseignants et des
directeurs, nous allions vers une recherche qualitative. Nous avons donc construit notre
méthodologie de recherche en fonction du cadre théorique de la recherche qualitative.
Cependant, notre instinct nous a dicté de produire un questionnaire. Ce n'est pas clairement
explicable d'autant que nous connaissions le débat contradictoire qui existe entre recherches
qualitatives et recherches quantitatives. Nous ne sommes pas du tout en mesure de trancher
entre ces postures au vu de la petite expérience que nous avons de ce travail de recherche.
Cependant, nous pensons avoir bien fait de suivre notre instinct et de tenter d'utiliser ces
deux perspectives en complémentarité. En effet, nous avons découvert que les deux ne
produisent pas les mêmes résultats, c'est entendu. Mais nous avons surtout compris que
chacune de ces méthodes de recherche peut apporter un éclairage différent sur un même sujet
(Crahay, 2006). En effet, il nous semble, qu'utilisées avec le recul nécessaire face aux défauts
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
et aux qualités spécifiques de chacune d'entre elles, ces deux approches scientifiques
provoquent dans leur complémentarité un va-et-vient réflexif très enrichissant entre deux
visions de la réalité qu'elles proposent. Par exemple, certaines réponses aux questionnaires
"pré-entretien" nous ont interpellées et nous ont incitées à réinterroger les données que nous
avions obtenues lors des entretiens. A d'autre moment de cette enquête, nous avons eu besoin
de redécouvrir les données recueillies au moyen des questionnaires "pré-entretien" pour
approfondir certains propos recueillis lors des entretiens. Ainsi, nous avons constaté que ces
deux méthodes de recherche s'enrichissaient mutuellement au bénéfice d'une analyse plus
fine de notre sujet.
Evoluer au sein de cette recherche nous a permis de nous construire nous aussi en tant
que praticiennes réflexives. En effet, la construction des grilles d’entretien ou de
questionnaires et la mise en pratique, in vivo, de ces outils nous a constamment obligées à
réfléchir dans l’action et à faire un retour sur notre action. La recherche qualitative a cela de
passionnant qu’elle nous a offert un retour permanent sur nos questionnements, un aller-
retour constant entre notre problématique, le cadre théorique et les données recueillies. À de
nombreuses reprises un commentaire d’un de nos interlocuteurs a pu nous renvoyer à nos
auteurs ou à des notions théoriques que nous n’avions pas envisagées, dans un premier
temps, d’aborder lors de ce travail. Nous pouvons clairement affirmer que la construction de
cette conclusion s’est faite de manière spiralaire avec, toujours, un centre important à ne pas
perdre de vue. Cela n’a pas été toujours facile tant les risques de s’éloigner de notre objet de
recherche ont été nombreux. Si nous avons compris que chaque étape de cette recherche est
essentielle pour sa réussite, nous avons appris aussi que rien ne devrait être complètement
figé. Retourner régulièrement sur des chapitres que nous pensions terminés, retourner les
questions dans nos têtes afin de les formuler le plus naturellement possible lors des
interviews, remettre en question le travail de l’une ou l’autre, réfléchir à l’opportunité d’un
avis extérieur, ces actions, que nous avons trouvées parfois épuisantes, nous ont rendues
certainement plus réflexives que nous l’étions au moment de nous lancer dans ce projet de
mémoire.
130
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
VIII) BIBLIOGRAPHIE
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
IX) ANNEXES
1. Présentation personnelle
En quelques mots, quel a été votre parcours professionnel (type d’études, nombre d’années,
division…) ?
Depuis quand exercez-vous votre métier d’enseignant/directeur ? dans quel type d’école ?
Dans l’absolu, selon vous, que devrait être le travail en équipe? Qu’en attendez-vous ?
Pourquoi, comment ?
Si vous deviez espérer des changements, quels seraient-ils ? Pourquoi ?
Selon vous, de manière générale, qu'est-ce que l’analyse de pratiques? Comment comprenez-
vous cette expression ?
Pensez-vous que l’analyse de pratiques doit avoir une place dans votre établissement ?
Institution ? Formation ? Pourquoi ? Comment ?
A titre personnel, quelle est la place de l’analyse de pratiques dans votre quotidien ? dans votre
vie professionnelle ?
Quelles sont vos attentes en matière d'analyse de pratique?
En avez-vous été satisfait(e) ?
Selon vous, dans quel contexte et selon quelles modalités, l’analyse de pratiques peut-elle /doit-
elle prendre place ?
Quand, pourquoi, sur demande de qui, où, avec qui ?
A votre avis, quels sont les sujets qui peuvent /doivent être traités en analyse de
pratique (didactiques, transversaux, développement personnel, autres) ?
Selon vous, quels sont les rôles et les fonctions des divers acteurs de l’analyse de
pratiques (qui fait quoi, pourquoi, comment, quelle place chacun peut /doit
occuper) ?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Selon vous, l’analyse de pratiques peut-elle /doit-elle avoir une place dans le travail en équipe ?
De quelle nature, dans quelle mesure, pourquoi ?
Quelles sont vos attentes ?
Exemples ?
Selon vous, l’analyse de pratiques a-t-elle des effets (conséquences) sur le travail d'équipe?
De quelle nature, dans quelle mesure, pourquoi ?
Exemples ?
Voici trois citations. Pourriez-vous les lire et nous dire ce que vous en pensez ?
L'organisation collective de l'action pédagogique et éducative favorise les élèves et les apprentissages.
(Perrenoud, 2001)
"La réflexivité de chacun est un ingrédient de l'analyse collective du fonctionnement et un atout majeur dans la
régulation des rapports professionnels et du travail en équipe" (Perrenoud, 2001, p.58)
"L'expérience de l’analyse de pratiques est une ressource précieuse pour développer la coopération
professionnelle et les démarches de projet" (Perrenoud, 2001, p.130)
Vous m’avez parlé de votre perception du travail en équipe et de l’analyse de pratiques. D’où
proviennent, selon vous, les représentations que vous vous en faites ? de l’analyse de pratiques ?
du travail en équipe ?
Votre formation a-t-elle joué un rôle ?
Votre expérience ?
Avez-vous toujours pensé de la même manière ?
Etes-vous satisfait(e) ?
7. Conclusion
Aimeriez-vous rajouter quelque chose à ce que vous nous avez dit ? Avez-vous des remarques,
des observations à formuler ?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Ens. : Alors, c’est ma 7ème année d’enseignement à l’école de S., suite à la LME à l’Université de Genève. Je suis en division
moyenne depuis le début et je n’ai quasiment eu que des 5P-6P, sauf une année où j’ai eu une 3P-4P.
Etu. : Donc, ça fait 7 ans que vous travaillez dans cette école. Pouvez-vous nous dire quelles sont vos conditions de travail ?
De quel type d’établissement s’agit-il ?
Ens. : Alors, on a un milieu socio-économique moyen, avec de grandes disparités entre des familles à faible revenu et des
familles à revenus assez élevés. Donc, c’est vrai qu’on a pas mal de différences à ce niveau-là. On a des cultures très
différentes aussi. On a quand même beaucoup d’allophones dans l’école. On a une structure d’accueil. On est au centre ville.
On a une intégration des enfants de Montbrillant, des enfants malentendants. Et… voilà.
Ens. : Génial ! On est une équipe qui collabore, qui travaille ensemble. On a des idées qui se regroupent pas mal sur la
manière de voir l’enseignement, de voir notre profession. On a quand même des fortes têtes. On dit ce qu’on pense, mais on
s’écoute. Il y a du respect au sein de l’équipe.
Ens. : Alors, comme dans toute grande équipe, parce qu'on est quand même seize classes, plus Montbrillant, plus la structure
d’accueil, il y a quand même certaines personnes qui sont peut-être moins intégrées au niveau de l’équipe, qui aident moins à
la collaboration que d’autres. On collabore quand même énormément par degré ou par double degré. Quand il s’agit des
apprentissages, des fois, on peut se retrouver avec quelqu'un de moins ouvert que nous. Donc, ça c’est peut-être une des
limites. C’est rare, parce qu’il y a quand même peu de personnes, mais des fois on se retrouve à devoir travailler seul pour
notre classe. Après, quand c’est plutôt des questions d’ordre général, d’école, d’enseignement au sein de l’école, là, tout le
monde est assez ouvert.
Etu. : Selon vous, dans l’absolu, que devrait être le travail en équipe ? Qu’en attendez-vous ?
Ens. : C’est un partage. C’est pour évoluer, pour avancer, pour réfléchir sur sa pratique. Le jour où j’ai eu mon entretien
d’embauche pour rentrer dans l’enseignement, j’avais mis dans ma lettre de motivation que le métier d’enseignant étant en
perpétuelle évolution et que l’on était en formation constante. On évolue tout le temps. On n’est pas enseignant : « ça y est,
c’est fait ! ». On est un tel enseignant une année, puis, suite à nos expériences, à nos enrichissements, grâce aux enfants,
grâce aux collègues, aux formations et autres, on évolue dans notre métier.
Etu. : Dans l'absolu, une équipe fonctionnerait-elle mieux encore que ce que vous vivez actuellement ? Dans l'idéal, quelle
forme prendrait-elle ?
Ens. : Je pense que nous sommes une équipe qui travaille déjà très bien. Trouver mieux ? je ne sais pas si c’est possible.
Etu. : D’accord. Et puis, selon vous, comment comprenez-vous l’expression "analyse de pratiques" ?
Ens. : Moi, je le perçois comme revenir sur sa pratique. Donc, quelque chose qu’on a prévu, qu’on a fait en classe, puis on
réfléchit sur ce qu’il s’est passé, sur ce qu’on a fait, sur le retour qu’on a de la part des enfants. On peut le faire directement,
sur le moment, en essayant de modifier la préparation, ou bien après coup. Qu’est-ce qui a marché, qu’est-ce qui n’a pas
marché ? qu’est-ce que je peux faire la prochaine fois pour que ça fonctionne ? De quoi les élèves ont-ils besoin ? de quoi
moi, enseignant, j’ai besoin ?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Etu. : Vous avez donc déjà été sensibilisé à l’analyse de pratiques dans votre parcours professionnel ?
Ens. : Oui, beaucoup quand même à l’Université. On nous demande beaucoup de faire des analyses a priori, a posteriori. Je
pense que cette formation m’a servi à ça, à avoir vraiment un regard de réflexion sur sa pratique.
Ens. : En formation continue, non. Je n’ai pas pris des formations continues de ce type-là. Après, en classe, oui. A l’école, on
a des réunions pédagogiques, où on discute de certains thèmes comme les devoirs, les études surveillées, le français, la
lecture… peu importe ! A ce moment-là, chacun amène un peu de son bagage. On en discute. On essaie de chercher des
choses communes, puis d’améliorer un peu, voir ce qu’on peut prendre chez l’un et chez l’autre, et essayer de trouver
quelque chose de cohérent au sein de l’école. Alors là, oui, on a tous ensemble une analyse de pratiques.
Ens. : Oui.
Etu. : Et comment se passent ces réunions ? Avez-vous un intervenant extérieur ? Ou cela se passe-t-il qu’entre vous ?
Ens. : Alors, ça dépend des fois. C’est soit des réunions pédagogiques, donc des TTC qui durent une heure et demie, ou alors
ça peut être des fois dans des formations d’école, donc sur une demi-journée ou une journée, avec ou sans intervenants
extérieurs. On a tout eu.
Etu. : Pensez-vous que l’analyse de pratiques doit avoir sa place dans un établissement ?
Ens. : Oui.
Etu. : Doit ?
Ens. : Oui. Après, c’est pour moi. C’est personnel. Si on ne revient pas sur sa pratique, c’est qu’on est sûr de soi, de ce qu’on
fait et qu’on n’a pas besoin d’évoluer. Ca fait un peu prétentieux.
Etu. : Mais, ça devrait venir des enseignants, de l’institution ? Ca devrait être une attente personnelle ?
Ens. : A la base, ça doit venir de l’enseignant. Pour moi, c’est une des composantes de l’enseignant. Ca fait partie de son
métier.
Etu. : Vous voulez dire par là que c’est une compétence du métier d’enseignant ?
Etu. : A titre personnel, vous parlez de l’analyse de pratiques comme quelque chose d’important pour vous, mais, dans
l’idéal, quelles sont vos attentes par rapport à ça ?
Ens. : Que les journées soient plus longues pour qu’on puisse le faire. Non, c’est vrai. Ca prend quand même du temps. Avec
l’expérience, au fur et à mesure, on le fait beaucoup plus vite. Je pense qu’on réalise plus vite ce qu’on a fait, ce qui a
marché, ce qui n’a pas marché. Après, ce qu’on peut faire pour améliorer, je ne vois pas trop.
Etu. : Donc, jusqu’ici, vos expériences d’analyse de pratiques ont été plutôt satisfaisantes ?
Ens. : Oui. Et puis après, d’années en années, on évolue et on s’améliore quand même. On ne teste plus que des nouvelles
choses. Mais, c’est vrai que ça peut être très différent suivant la classe qu’on a. Mais, il y a quand même des choses qui
marchent, et donc on va faire attention à d’autres choses.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Ens. : Alors là, par exemple, avec ma stagiaire, on reprend quelque chose que j’avais préparé sur la vie d’Anne Frank. J’ai
préparé cette séquence il y a peut-être deux ou trois ans et ça m’a demandé énormément de temps. Ca veut dire que j’ai eu un
public un peu test. Ils ont testé les trucs. Ca a plus ou moins bien marché. On a eu beaucoup de discussions. On regarde un
film. J’interromps le film à plusieurs moments et on discute. C’est tout en lien avec la vie d’Anne Frank, la deuxième guerre
mondiale, mais actuellement il y a aussi un lien avec les gangs aux Etats-Unis et autres. Et puis, suite à ça, j’ai vu les
discussions qui avaient marché, les thèmes qui les intéressent. Et ensuite, je voulais m’arrêter là, mais, en voyant leur intérêt,
je me suis dit que je ne pouvais pas m’arrêter là. Alors, il faut que je continue. Ils me posent des questions. Moi, il faut que je
puisse répondre à leurs questions. Alors, il a fallu faire des recherches. Ne serait-ce que de culture générale, pour pouvoir
répondre à leurs questions. Et puis réfléchir comment j’allais pouvoir utiliser tout ça. C’est quand même des enfants. C’est
un sujet délicat : on parle de Juifs, de Blacks, des Asiatiques… donc il faut pouvoir assumer de parler de ça en classe. Donc,
je l’ai fait une première fois. Ensuite, j’ai vraiment pu poser sur papier les séquences. Ca dure 6-7 séquences de deux
périodes. Et là, par exemple, je l’ai proposé à ma stagiaire, et ça fonctionne tout de suite.
Etu. : Et auriez-vous un exemple au niveau de l’équipe ? Quelque chose qui a marché ? Quelque chose qui vous a vraiment
aidé par la suite ?
Ens. : Alors, au niveau de l’équipe… les devoirs, les études surveillées, on en a beaucoup parlé ces derniers temps. Rien que
dans la structure des devoirs. Exposer ce que chacun faisait, sous quelle forme, etc. Et ensuite trouver quelque chose de
cohérent dans l’équipe. Du coup, on se retrouve avec quelque chose de plus homogène au sein de l’école et je pense que,
pour l’enfant et pour ses parents, c’est quand même sympa de suivre une certaine progression dans l’école.
Ens. : Oui.
Etu. : D’accord. Et pour vous, dans quel contexte l’analyse de pratiques doit-elle ou peut-elle prendre place ?
Ens. : Comment ça ?
Etu. : Est-ce que l’analyse de pratiques doit forcément être un travail d’équipe ? Doit-elle être amenée par l’extérieur ? Cela
doit-il forcément être fait ensemble ?
Ens. : Moi, je pense que ça se fait tout le temps et sur tout. Pas seulement sur le métier d’enseignant, mais aussi
personnellement. Peut-être que je réfléchis trop, mais je suis tout le temps en train de réfléchir si ce que je suis en train de
faire, si ce que je dis, c’est bien ou si j’aurais pu le faire autrement. Dans notre métier, on réfléchit tout le temps : seul,
pendant, après, avant. En équipe, tout seul. Faut pas que ce soit une obsession, mais on a quand même souvent des échanges
entre collègues. Ca peut être informel, entre deux portes : « Il s’est passé ça dans ma classe. J’ai l’impression que je n’aurais
pas dû dire ça. Qu’est-ce que tu en penses ? ». Ce n’est peut-être que 5 minutes d’échange, mais c’est important.
Etu. : Et quel est le rôle de la directrice, par exemple, dans cette analyse de pratiques ?
Ens. : Alors, moi, je vais souvent lui poser des questions. Souvent, je fais appel à elle, surtout qu’elle a une grande
expérience du métier d’enseignant, ce que je trouve génial. Elle a été à notre place. Et elle connaît l’établissement. Elle
connaît tout d’ici. Donc, c’est vrai que c’est un appui important. C’est vraiment une personne de référence. Mais, c’est vrai
aussi qu’on ne va pas toujours aller spontanément vers elle. Il y aussi les collègues ou autre. Mais, c’est vrai qu’elle est là et
qu’elle aide énormément.
Ens. : Oui.
Etu. : D’accord. Et vous voyez cela comme ça. Ca ne devrait pas être différent ?
Ens. : Oui.
Etu. : Selon vous, l’analyse de pratiques doit-elle ou peut-elle avoir sa place dans le travail en équipe ? De quelle manière ?
Dans quelle mesure ?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Ens. : Oui, elle doit avoir sa place. Un peu comme on le fait. Il n’y pas besoin de faire plus. Comme on collabore entre
degrés, on se voit chaque semaine et on dit déjà ce qui a fonctionné, ce qui n’a pas fonctionné. En équipe, par rapport à ces
TTC pédagogiques, c’est très intéressant et c’est important au sein de sa pratique. Mais on en a, donc je pense que c’est bien.
Etu. : Mais dans une autre école, par exemple ? Dans votre école, cela fonctionne bien, mais ce serait envisageable
d’imposer cette analyse de pratiques à une équipe qui ne fonctionnerait pas aussi bien que la vôtre ?
Ens. : Mes attentes seraient que cela se fasse, que ce soit obligatoire. Je trouve ça un peu dur, mais en même temps, si ce
n’est pas fait, je pense que c’est un manque de travail, parce que ça fait partie de notre travail.
Etu. : Selon vous, l’analyse de pratiques a des conséquences sur le travail en équipe ?
Etu. : D’accord, mais votre sentiment est que l’analyse de pratiques vous a amené à de meilleurs échanges ?
Ens. : Alors, on avait déjà des échanges. On échange tout le temps, et c’est en échangeant qu’on s’améliore dans sa pratique.
Donc, l’analyse de pratiques, elle découle de l’échange quand on est en équipe.
Etu. : Est-ce que cela a un effet sur tout le monde ? Sur le climat général ? Sur la manière de travailler ensemble ?
Ens. : Oui, moi je pense que oui. On est toujours en train de se remercier, donc je pense que c’est bien.
Etu. : Alors, voici trois citations que nous avons choisies dans la théorie. Pourriez-vous les lire et nous dire un peu ce que
vous en pensez ?
Ens. : [Lecture de la première citation] Alors, la première… pour moi oui. Car tout est bon à prendre des autres. On apprend
des autres, etc., donc oui. Maintenant, je ne veux pas dire que, si on prépare des choses seul et qu’il n’y pas d’organisation
collective, les élèves sont défavorisés. Mais c’est un plus. Donc, je suis d’accord avec cette phrase.
[Lecture de la deuxième citation] Bon, ben elle dit un peu la même chose…
Etu. : Ce qu’elle veut dire ici c’est que si chacun a une réflexivité propre, ça aide à une réflexivité collective.
Ens. : Ben oui, bien sûr. Pour moi, c’est évident. En même temps, si on arrive à une réflexivité collective, c’est qu’on en a
une personnelle.
Ens. : Ben oui, c’est positif, ça aide. En même temps, sans analyse collective ou autre, il n’y a pas tellement de travail en
équipe. Je ne vois pas trop comment sans ça on peut bien travailler en équipe.
Ens. : Non, si on travaille en équipe, on réfléchit ensemble, sinon ce n’est pas du travail en équipe. [Lecture de la troisième
citation] Ben oui.
Etu. : Et l’inverse ?
Ens. : Alors, l’inverse, si t’as pas d’analyse de pratiques, tu ne peux pas développer le travail coopératif… Alors je pense
que ça s’apprend. On apprend à analyser sa pratique. On a fait ça à l’Université. Mais pour moi, oui, c’est une ressource
précieuse pour développer la coopération professionnelle. Mais on peut, je pense, quand même collaborer sans une grande
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
expérience de l’analyse de pratiques, mais, au bout d’un moment, l’un va avec l’autre.
Ens. : Oui. Parce que je ne vois pas comment on peut faire des démarches de projet sans avoir analysé sa pratique. On part
de rien sinon.
Etu. : Vous nous avez parlé de votre perception de l’analyse de pratiques et du travail en équipe. D’où viennent ces
représentations ?
Ens. : Ca vient de l’Université, ça vient de ma personnalité. Au départ, on est quand même une personne et je réfléchis
beaucoup sur ma pratique. Avant l’Uni, j’étais monitrice de danse. Je le suis toujours. Je fais partie d’une association et on
fait tout un travail en équipe ensemble. C’était déjà avant, c’est encore maintenant. Donc, on apprend de sa vie privée aussi,
hors enseignant, hors universitaire.
Ens. : Ben, en fait, peut-être qu’au début on ne se rend pas forcément compte qu’on le fait, et après c’est vrai, peut-être à
l’Université, on se dit : « Mais, pourquoi ils nous font écrire tous ces dossiers ? ». On réfléchit, on réfléchit, et finalement on
le fait, on le met sur papier. Mais, c’est quelque chose que j’avais déjà naturellement et qui s’est développé durant cette
formation universitaire.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Etu. : Pour commencer, pourriez-vous nous faire une petite présentation personnelle. En quelques mots, quel a été votre
parcours professionnel ?
Dir. : Alors, j’ai une formation première de psychologue avec une licence en psychologie expérimentale et un diplôme en
psychologie clinique. Après, j’ai travaillé comme animatrice socio-culturelle pendant huit ans dans un centre de quartier,
plus particulièrement avec des enfants migrants et des enfants handicapés intégrés dans les activités de ce centre de quartier.
Après, j’ai fait les études pédagogiques en enseignement spécialisé. J’ai enseigné cinq ans dans un centre de jour pour des
enfants ayant des troubles envahissants du développement. J’ai été dix ans responsable pédagogique du centre pour les
enfants sourds de M. Deux ans formatrice pour l’enseignement spécialisé et, depuis une année, directrice d’école.
Etu. : Ah ben, quel parcours ! Donc, vous n’avez jamais travaillé dans l’ordinaire. Avez-vous toujours été dans le
spécialisé ?
Etu. : Oui, bien sûr. Est-ce que vous pourriez nous décrire en quelques mots votre établissement ?
Dir. : Donc, c’est un établissement réseau d’enseignement prioritaire, ce qui veut dire qu’on bénéficie d’un taux
d’encadrement des élèves plus favorable et puis d’un temps d’éducateur social pour la prise en charge des problèmes liés
plutôt aux comportements, à l’attitude et au suivi des familles dans certain cas. Mon établissement, ce sont deux écoles, ce
qui représente environ cinq cent vingt élèves dans un quartier multiculturel et avec une population plutôt défavorisée sur le
plan socio-économique, puisque ça ce sont les conditions pour rentrer en réseau d’enseignement prioritaire. C’est qu’il y a un
taux de catégorie socio-professionnelle bas, plus élevé que cinquante-cinq pour-cent, si je ne me trompe pas. Donc voilà, on
remplit ces conditions entre les deux écoles. L’une des deux écoles à un taux plus défavorisé que l’autre, qui a une
population plus mixte. Voilà.
Etu. : Mmh.
Dir. : Ca représente une trentaine d’enseignants. Trente-cinq, toutes catégories confondues. Et puis deux éducateurs, ce qui
représente un temps et demi de travail.
Dir. : Euh … je dirais qu’il y a trois équipes d’enseignants parce que, dans l’école la plus grande, il y a une division
moyenne et une division élémentaire assez bien identifiées et séparées. Je dirais qu’en division élémentaire c’est une équipe
assez soudée. En tout cas en apparence, mais quand même avec des pratiques de travail encore assez individuelles et des
collaborations plutôt par degrés que par école, à part peut-être sur certains projets, notamment autour de la musique. L’année
passée, elles ont fait un concert de fin d’année, où elles ont travaillé ensemble. Et puis une division moyenne, où, quand je
suis arrivée, il y avait des pratiques très diverses, très individualistes, ou bien par paires d’affinité ou trios d’affinité, mais
disons pas une dynamique de partage et de travail en équipe, vraiment. Actuellement, en division moyenne, c’est un petit peu
en train de changer avec la stimulation que j’essaie d’y mettre. Et puis l’autre équipe de la petit école, parce qu’il y a une
petite et une grande école, c’est une équipe qui était en projet depuis très longtemps, en rénovation, donc avec une grande
pratique du travail en équipe, qui a l’habitude de fonctionner en projet ensemble, de tout discuter ensemble, euh, voilà un peu
les caractéristiques.
Etu. : Mmh. Et pour vous, y a-t-il des limites dans les équipes avec lesquelles vous travaillez ? J'ai l'impression que ce que
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
vous me dites c'est que vous cherchez à faire travailler en équipe ceux qui ne le font pas. Est-ce cela?
Dir. : Oui, alors on y est amené puisque, vous savez, on a dû faire un projet d’établissement. Donc, c’était peut-être la
première démarche en équipe pour certains. C’était de trouver des objectifs communs sur lesquels travailler. Là, on va faire
une formation commune sur la compréhension en lecture. Il y a un peu plus de décloisonnements qui s’organisent et puis il y
a encore tout un travail à faire, je pense, au niveau de l’appui, de la prise en charge des élèves en difficulté, d’une façon plus
homogène que ce qui c’est fait jusqu’à maintenant.
Etu. : Mmh…
Etu. : Quelles sont les limites un petit peu que vous ressentez au travail en équipe…
Dir. : Ce dont j’ai l’impression, c’est qu’il faut y aller un peu sur la pointe des pieds. J’avais l’impression que si j’avais
imposé trop de choses dès le début, j’aurais eu des pieds au mur tout le temps.
Etu. : D’accord. C’est plus une question de philosophie que vous ressentez ou plus une question de moyens ou de désirs
ou…
Etu. : D’accord.
Dir. : Disons qu’il y a… la grande école, elle est entrée en REP un peu… pour garder un certain … c’est un peu dur ce que
je dis, mais… pour garder des avantages qu’elle avait plutôt que par conviction quant à un engagement par rapport à des
élèves en difficulté. Mais, de nouveau, c’est le sentiment au niveau de l’équipe, et je ne définirais pas tous les individus de
cette façon. Il y a des gens qui sont très engagés. A part ça, je pense que c’est… euh…. ici des individus qui sont tous
engagés dans le travail qu’ils font, mais avec chacun des idées qui ne sont pas mises en commun. Il y a peu de
confrontations.
Etu. : D’accord. Et puis pour vous, dans l’absolu, c’est quoi le travail en équipe ? Vous en attendriez quoi ?
Dir. : … Bon, ben, moi, je viens de l’enseignement spécialisé [rires], où disons que le travail en équipe est indispensable ! Je
pense d’une part à la mise en œuvre d’un certain nombre de pratiques enseignantes qui soient performantes et qui soient
performantes pour des élèves qui sont plus en difficulté. Je pense qu’il y a des réflexions communes à mener, hein. Je lisais
encore dernièrement un article qui disait que l’école quelque part gommait les inégalités et pouvait avoir des pratiques
enseignantes qui les renforçaient au cours du parcours scolaire. Moi, ce sont des choses qui me tiennent à cœur, mais, pour
ça, ça veut dire qu’il faut avoir une équipe prête à partager là-dessus et à s’engager par rapport à ça. Euh…. travailler en
équipe, pour moi, ça veut pas dire tout faire ensemble ni faire forcément trente-six mille décloisonnements dans l’année. Ca
voudrait dire plutôt partager des réflexions en commun et puis, pour utiliser une expression un peu banale, c’est « tirer à la
même corde » en sachant où on va et ce qu’on veut atteindre comme objectifs. Je n’ai pas l’impression qu’on a encore
compris comme ça cette culture commune.
Dir. : Oui.
Etu. : Alors, on va parler un peu de l’analyse de pratiques quand même… De manière générale, qu’est-ce que l’analyse de
pratiques ? Comment comprenez-vous cette expression ?
Dir. : Bon, ben, moi j’ai fait, j’ai utilisé l’analyse de pratiques quand j’ai travaillé dans la formation des enseignants
spécialisés, selon un canevas qui était existant, c’est-à-dire : exposition d’une situation particulière, questions
d’approfondissement, reformulation de la question de départ et puis discussion et pistes de recherche. Voilà ce que je
mettrais derrière le mot « analyse de pratiques ». Maintenant, quand on parle ici d’analyse de pratiques ou d’échange de
pratiques, si on en parle avec les enseignants, ça me frappe toujours comment ils ont le sentiment que ce sont eux qui doivent
tout amener, et puis qu’ils ne reçoivent pas grand-chose en retour. Alors, en formation pour l’enseignement spécialisé, je n’ai
jamais entendu ça. Les gens étaient plutôt satisfaits, quand on en a fait en formation d’enseignants spécialisés, mais peut-être
aussi parce que les gens se retrouvent confrontés à des difficultés et que c’est important qu’ils puissent les partager. Il y a
peut-être une plus grande culture du partage. Euh … maintenant, c’est vrai que les limites elles peuvent être dans … euh… je
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
vois assez bien ce qu’ils veulent dire quand ils ont l’impression, quand ils vont dans des formations, et puis qu’on leur dit : «
C’est quoi les problèmes que vous rencontrez ? », puis on analyse ces problèmes, mais finalement ça peut aussi se mettre à
tourner en rond. Il faudrait presque des apports de la personne qui mène l’analyse de pratiques. En tout cas moi, c’est ce que
j’essayais de faire, des apports théorie – pratique, de telle façon à ce que les gens repartent aussi avec des outils
supplémentaires pour ensuite agir dans leur propre pratique. Mais, ça, c’est un peu théorique. C’est quelque chose que je n’ai
pas encore utilisé ici par exemple.
Dir. : Oui.
Dir. : Alors, nous, on l’utilise au niveau des directeurs. Alors, on fait des réseaux d’échanges de pratiques. Euh… autour de
questionnements qu’on a défini à l’avance.
Etu. : D’accord. Donc, pensez-vous que l’analyse de pratiques à une place dans votre établissement ?
Dir. : Euh, oui ! La question que je me suis posée, c’est : est-ce que c’est moi qui dois l’amener ? Parce que, moi, j’ai quand
même une fonction hiérarchique dans l’équipe ; donc, ce n’est pas évident pour les gens peut-être d’amener toujours leurs
problématiques, s’ils savent qu’ils pourraient être jugés par rapport à leur travail. Alors, bon, je pense avoir une position qui
n’est pas très jugeante, en tout cas pas en termes d’utiliser ce que j’ai pu entendre comme difficultés pour…
Etu. : Donc, dans votre établissement, si vous imaginez de l’analyse de pratiques, ça devrait venir d’une demande des
enseignants ?
Dir. : Oui, ce serait bien que ce soit un peu les enseignants. Mais bon, en même temps, peut-être qu’on pourrait le faire, je
pourrais le faire. Ca se mettra peut-être en place. On a fait un début, lors de notre dernier TTC, d’échanger autour des
activités qu’ils avaient amenées dans un décloisonnement : pourquoi et comment et qu’est-ce qu’ils en attendaient. Donc là,
il y aussi une espèce de ressources qui… un peu un fond de ressources d’activités qui s’est…
Etu. : D’accord. Mais vous pensez que ce serait profitable à votre établissement, enfin aux deux écoles de votre
établissement, qu’ils fassent de l’analyse de pratiques ? Ils n’en font pas forcément, non ?
Dir. : Euh… qu’est-ce que je vais répondre … [soupir] … non, mais je pense que ça peut être utile. Ca n'est peut pas être le
seul moyen, parce que je… euh… non, mais ça pourrait tout à fait être utile. Je vous le dis, le questionnement, c’est
vraiment : est-ce que c’est à un directeur d’animer un réseau d’analyse de pratiques ? Avec ses subordonnés… quelque part
quand même, je ne suis pas très sûre.
Etu. : D’accord.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dir. : Au fait, ça pourrait venir avec le temps. Je pense que ça dépend aussi un peu du positionnement qu’on a dans l’équipe.
Si on est plus comme ça sur le versant pédagogique ou sur le versant ressources humaines. Mais ça, ça ne dépendra pas
uniquement de moi. Ca dépendra un peu de comment se définira la fonction à long terme.
Dir. : Mmh.
Etu. : D’accord. Et si vous deviez imaginer que l’analyse de pratiques devrait rentrer dans cette école, vous l’imagineriez
comment ? Si demain il y a une demande de vos enseignants, ça prendrait place comment ?
Dir. : On a des formateurs ressources qui pourraient tout à fait animer une analyse de pratiques sur un thème particulier. Si
ça émanait de l’équipe… moi, je pense que mon rôle c’est de favoriser que ça puisse se réaliser. C’est ce que je ferais… voir
même de le susciter sur certains sujets. Bon, l’année passée, c’était beaucoup une année d’organisation, mais cette année
j’avais envie d’aborder un ou deux thèmes. Ca pourrait tout à fait se faire avec l’aide d’un formateur, qui lui animerait
l’analyse de pratiques. Je le verrais peut-être plutôt comme ça, au fait que moi. J’ai l’impression que ça fait beaucoup de
casquettes à la fois, quoi. Ou bien alors, il faudrait alors le définir clairement avec l’équipe : est-ce que le directeur adopte ce
rôle d’animateur d’échanges ou bien c’est une personne extérieure ?
Etu. : Et à ce moment-là, toutes les personnes ou certains enseignants, les volontaires, tous ?
Dir. : Alors, ça dépend les cas ! Ca dépend les thèmes. Moi, je prévois les deux, qu’il y ait des thèmes obligatoires et des
thèmes choisis par exemple. Ca serait tout à fait possible.
Dir. : Non. Si c’est dans un TTC par exemple, non. Bon, ici, c’est assez difficile de créer des temps obligatoires en dehors
des temps de TTC. J’ai déjà dû. Il n’y avait quasi pas de TTC, quand je suis arrivée. Alors, j’en ai imposé deux par mois. Je
ne me verrais pas imposer un troisième pour l’instant.
Dir. : Alors, le suivi collégial, il y en avait plus ou moins un, mais ça, c’est un autre sujet qui me pose aussi beaucoup de
questions, hein, parce que, au fait, euh…. je l’ai beaucoup différencié. En division moyenne, on fait un conseil des maîtres
où les personnes apportent des situations problématiques d’élèves et puis on en discute. En division élémentaire, je fais une
permanence où ils viennent parler des élèves, et puis à C. [nom de l’école] je fais aussi une permanence … [Interruption de
quelqu'un qui frappe à la porte].
Etu. : Donc, vous m’avez dit que vous avez fait, vous, de l’analyse de pratiques dans votre formation et puis que vous en
faites aussi maintenant dans le collège des directeurs. Vous, vos attentes personnelles par rapport à vous-même, c’est
quoi par rapport à l’analyse de pratiques ? Vous en attendez quoi ?
Dir. : Ben moi, par exemple, ça m’a été assez utile. Comme je ne viens pas de l’enseignement ordinaire, l’année passée, il y
des choses qui me paraissaient assez nouvelles. Puisqu’on parlait du suivi collégial… ça ne me paraissait pas très clair de ce
que c’était. Je crois que ça m’a permis de voir que même chez des gens qui étaient inspecteurs depuis longtemps, voir qu’il y
avait des enseignants de longues années, voir que c’était pas aussi évident que ça. Euh… est-ce qu’on est vraiment dans un
suivi collégial ou dans un suivi de l’élève ? C’est difficile à dire. Donc, euh… voilà, moi, c’est… ça m’a apporté ça, de
pouvoir amener un certain nombre de mes interrogations et par ailleurs de savoir aussi un peu ce que mes collègues avaient
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dir. : Ben, ça, ce sont des thèmes qu’on a décidé d’aborder ensemble entre directeurs, parce qu’ils nous semblaient
problématiques.
Etu. : Et le groupe qui s’est mis en place, c’était une démarche volontaire ou bien quelque chose qu’on vous a demandé ?
Etu. : Donc, vous en avez été satisfaite ? Ca vous a plutôt apporté quelque chose ?
Dir. : Oui.
Etu. : D’accord. Et puis, pour vous, l’analyse de pratiques, ça doit aborder quels thèmes ? Est-ce qu’il y a des thèmes
spéciaux ? Des thèmes spécifiques ? On peut tout aborder ?
Dir. : Ben, je pense que, si ça se fait dans un lieu de confiance et de confidentialité… enfin, c’est ce qu’on mettait en avant
quand j’étais formatrice… c’est de définir bien le cadre et le contexte de confidentialité, le respect entre les personnes et puis
l’écoute mutuelle sans jugement. Je pense qu’on… ça devrait permettre d’aborder même plutôt des situations qui sont
pesantes et problématiques, des situations tout venant. Je le verrais comme ça.
Etu. : Mais plutôt par des entrées didactiques ou plutôt par des entrées de cas ?
Dir. : Les deux. L’entrée didactique ? pourquoi pas. C’est une autre dimension que si on entre par des problèmes de relation
avec les parents ou un élève.
Etu. : D’après vous, est-ce que ça peut avoir une influence sur le travail en équipe, l’analyse de pratiques ?
Dir. : Ben, c’est un peu… comment dire… un équilibre à trouver. On peut faire de l’analyse de pratiques, si l’équipe se fait
confiance. Et puis, en même temps, j’ai l’impression que, si on en fait, l’équipe peut mieux se faire confiance. Donc voilà !
Dilemme ! C’est pour ça que c’est un peu difficile ici. L’équipe ne se fait pas tellement confiance. Ici, il y a un gros souci
autour de ça. Donc, il y a une partie des gens qui ne s’exprime jamais pour ne pas s’exposer à la critique. Donc, il faudrait
définir vraiment le contexte et le cadre.
Dir. : Oui.
Etu. : Et vous pensez que ça aurait forcément un effet sur leur travail en équipe ?
Dir. : Ouais, à long terme. De toute façon, je pense que, même si on est entré en fonction très vite et qu’il a fallu très vite
mettre en place le projet d’établissement et le conseil d’établissement, etc.… moi, je pense que le travail se construit sur le
long terme. Ca va mettre dix ans jusqu’à ce que les directions d’école soient en fonction, qu’ils ne posent pas de problèmes,
enfin…. Qu’ils ne posent pas de problèmes, où il n’y en a pas toujours, comme on voit maintenant… peut-être à part dans
des équipes où les gens sont très jeunes, qui viennent de la LME, donc qui ont peu connu autre chose avant, ce qui n’est pas
le cas ici, parce qu’il y a des gens qui sont là depuis trente ans, vingt-cinq ans et qui ont des habitudes de fonctionnement et
qui ont vraiment mis les pieds au mur… [le téléphone sonne: interruption de quelques minutes]
Etu. : Alors, vous disiez : « les diverses provenances, qui ont mis les pieds au mur … ».
Dir. : ... Alors, oui, chaque chose qui est nouvelle ici fait un petit tôlé avant d’être acceptée finalement. Alors, disons que,
moi, ce que j’ai, où je n’ai pas eu de problèmes, c’est de me faire accepter en tant que personne et puis en tant que fonction.
Il suffit que je demande quelque chose pour que ça reparte. Avant, c’était mieux ; avant, on avait moins de travail ; avant,
voilà… donc, c’est fragile. Mais, là aussi, je pense que ça se construit petit à petit, en montrant qu’on est là. Ben voilà,
prendre une surveillance de récréation, ce n’est pas dans mes attributions normalement, mais, en même temps, je sais bien
qu’en le faisant, d’une part, je montre que je ne me mets pas au-dessus de la mêlée et pis, elle, ça lui rend service. Elle ne
doit pas faire tout le bâtiment pour trouver quelqu'un. Et puis, moi, ça me permet de surveiller un peu et de voir comment ça
se passe.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Etu. : Vous avez fait de l’analyse de pratiques avec les directeurs. Est-ce que ces moments entre directeurs vous ont apporté
quelque chose au niveau des relations personnelles, en dehors de ce moment d’analyse de pratiques ? Ca vous a permis de
travailler d’une autre manière ? D’avoir quelque chose dans un travail d’équipe, peut-être ?
Dir. : Oui. De toute façon, il y a des affinités et des gens qui travaillent plus ou moins ensemble.
Etu. : Je vais vous montrer trois petites citations. Est-ce que vous pouvez les lire et me dire ce que vous en pensez ?
Etu. : Mmh.
Dir. : Mouais, elles sont très larges, hein ? Sur la première, je pense qu’effectivement, si on a… c’est ce que je disais au
début… si on a des objectifs communs et qu’on tire à la même corde, c’est certainement plus favorable pour les élèves et
leurs apprentissages que si chacun fait ce qu’il veut dans son coin.
Etu. : C’est plus favorable, mais est-ce que c’est pour vous un objectif ?
Dir. : De ?
Dir. : Pas à C. [nom de l’école]. A C. [nom de l’école], on voit bien l’effet positif que ça donne.
Dir. : Oui, bien sûr ! [Lecture de la deuxième citation] Oh, mais je pense qu’il a raison, c’est tout. Il donne son avis. Je
partage son avis parce que, les phrases, elles sont générales. Après… sans entrer dans les détails, j’ai eu des critiques par
rapport à certaines choses, sur ce que c’est que la démarche de projet, etc. Je pense de nouveau, ce n’est pas seulement des
aspects formels. Il faut s’intéresser au contenu de ce qu’on met dans les analyses de pratiques, parce qu’on peut vite,
puisqu’on a abordé tout à l’heure les aspects didactiques, on peut vite être sur la forme seulement, c’est-à-dire on fait une
analyse de pratiques, on brasse des idées collectives, mais après est-ce qu’on aborde vraiment les contenus pointus et puis ce
que c’est que les démarches d’apprentissage des élèves, etc. Je ne suis pas toujours sûre.
Etu. : Donc là, pour vous, il y a une différence entre l’échange de pratiques et l’analyse de pratiques ? Vous feriez une
distinction ?
Dir. : Oui, je pense qu’il y en a une. Parce que la réflexivité par exemple, parce que c’est un terme à la mode, on réfléchit sur
quoi ? Sur sa propre pratique ? Mais de nouveau, cette pratique, elle doit avoir un contenu. Et pis c’est ce contenu qui est à
analyser. C’est la même chose pour l’enseignement. C’est intéressant de voir ce qu’on enseigne, comment on l’enseigne. Je
pense que c’est ça, et parfois l’analyse de pratiques elle est plus sur des termes en somme relationnels. Ca peut vite circuler
en rond. Alors, c’est peut-être ça les critiques que j’aurais. Mais pour avoir vu d’autres choses…
Etu. : Moins dans l’analyse et plus dans la pratique, c’est ça que vous dites un peu ?
Dir. : Non, c’est scolaire. Quand on dit « analyse de pratiques », il y a bien l’idée de prendre du recul par rapport à sa
pratique. Moi, ce que je dis c’est : il faut définir cette pratique en termes de contenu.
Etu. : Donc, vous m’avez dit vos perceptions par rapport au travail en équipe, à l’analyse de pratiques. Ca vient d’où selon
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dir. : Ben, j’ai quand même lu pas mal de choses là-dessus. Je me suis formée un peu sur le tas parce que voilà. Mais avec
une collègue qui était formatrice en enseignement spécialisé, qui avait une formation qu’elle avait faite avec…eh… je ne me
rappelle plus son nom… eh… donc voilà, je me suis formée avec elle, et ce qu’il faut dire c’est que moi j’avais quand même
des outils de psychologue à disposition, donc autant de réflexions sur soi que de réflexions sur ses actions, de supervisions
qui sont aussi des outils utiles pour mener des analyses de pratique.
Etu. : Mmh, donc chez vous c’était déjà enclenché avant que vous ne rentriez dans l’enseignement ?
Dir. : Oui.
Dir. : Ben, les deux. J’ai une formation de psychologue. Donc voilà ! Et j’ai quand même fait pas mal de choses autour, en
termes d’analyse personnelle. Donc, je pense que la réflexivité, c’est quelque chose que je connais bien.
Etu. : Mais vous avez toujours pensé de la même manière ou bien est-ce que ça a évolué avec le temps ?
Dir. : Oui…
Dir. : Ben, disons que de la psychologie à l’enseignement ça a évolué sur l’aspect « objet d’enseignement ». Je veux dire
que, dans la relation entre un psychologue et un patient, il n’y a pas d’objet si ce n’est les représentations et les pensées du
patient. Et pis c’est ce qui m’intéressait dans l’enseignement. Donc, ça a évolué dans ce sens-là.
Dir. : Ben… euh… comme j’ai travaillé pendant plusieurs années dans l’animation socio-culturelle, c’était très évident de
travailler en équipe. Quand j’ai travaillé en centre de jour aussi, à M. aussi. Ca l’est beaucoup moins à mon avis dans… ben,
quand je suis arrivée ici. Franchement, ici, ce n’est pas encore très développé.
Dir. : Non, avec les sourds à R., on était déjà. Et pis, dans d’autres écoles, j’avais déjà bien vu que c’était très différent la
culture des enseignants ordinaires et des enseignants spécialisés. Alors, ça c’est peut-être ce qui m’a le plus frappé. A part
dans les équipes comme à C. [nom de l’école], où les équipes ont beaucoup réfléchi ensemble.
Etu. : Mais, est-ce que ça a forgé en vous ce constat, des convictions ? Est-ce que ça a changé quelque chose en vous, ça ?
Dir. : Oh, ça m’a fait hésiter un certain moment si je voulais continuer, parce que je me suis dit que comme ça ce n’est pas
vraiment comme ça que j’avais envie de travailler. Et puis, maintenant, je me dis qu’il y peut-être quelque chose à faire.
Mais, de nouveau, je pense que ça prend du temps. Donc, peut-être que d’autres gens diraient : « mais il faut foncer, faut y
aller, et les gens qui sont pas d’accord partent ». Moi, je ne suis pas quelqu'un qui cultive le conflit comme ça. Alors, j’ai
l’impression, et aussi parce que c’est l’expérience que j’ai eu à M., que c’est en travaillant sur le fond qu’on arrive à
travailler aussi avec les gens qui sont là finalement. Je ne tiens pas forcément à faire une équipe à ma mesure. Je les avais
tous vus l’année passée, en début d’année, en entretien personnel, plutôt prise de contact. Ce que je leur avais dit c’est, d’une
part, que chacun était à un niveau personnel engagé dans son travail ça, j’en avais aucun doute , qu’il manquait une
dynamique d’équipe ça, je pense que chacun le constatait et puis… euh… que chacun avait une place, donc voilà. Mais,
j’ai fait la même chose à M. L’équipe, elle a changé évidement mais, voilà, je ne mettrais pas des gens à la porte forcément.
Etu. : Et ce que je voulais demander aussi, c’est par rapport à vos représentations de l’équipe. Le fait de voir qu’il puisse y
avoir autant de différences dans votre représentation de l’équipe idéale, est-ce que ça a changé quelque chose ?
Etu. : Donc, c’est plutôt dans les limites que vous vous êtes fixées qu’il peut y avoir un changement ?
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dir. : Mm.
Etu. : Donc, on est un peu au bout. Vous aimeriez peut-être rajouter quelque chose ? Vous pensez qu’il y a une réflexion que
vous voudriez partager avec nous ?
Dir. : Alors, j’avais une question. Le questionnaire, je n’ai pas trouvé ça très évident.
Dir. : Ben, j’ai trouvé que c’était des questions assez hétéroclites. Euh, un peu comme ça… donc, j’ai répondu… pas au petit
bonheur…
Dir. : Voilà, tout à fait. Je n’ai pas passé trois heures sur chaque question. Donc, c’est à prendre à la mesure de comment j’ai
répondu.
Etu. : Tout à fait, mais c’est tout à fait comme ça qu’on le prend. C’est vraiment une première prise de contact pour vous
mettre dans le bain.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Etu. : Ca y est, c’est parti. Alors, est-ce que vous pouvez vous présenter, dire quelques mots sur votre parcours
professionnel, vos études, vos divisions, etc.
Ens. : Oui, alors j’ai fait la LME, j’ai eu ma licence en 2006, en juin 2006. J’étais partie pour une année sabbatique au
Canada et du coup pour mon dernier stage à L., j’étais en spécialisé et ça m’a vraiment décider à rester, du coup à ne pas
partir au Canada. L’enseignante chez qui j’étais m’a proposé son congé maternité d’une année et on a terminé à cinquante
pour-cent les deux ensembles. Donc j’ai fini en duo, à L. en division spécialisée. Et ensuite vu qu’il y avait pas de place,
parce qu’idéalement j’aurais voulu rester, vu que c’est une chouette équipe en tout cas spécialisé, euh, j’étais engagé à B.
Donc c’est ma troisième année à B., en spécialisé et c’est un choix !
Ens. : C’est une école en REP donc réseau enseignement prioritaire, on va dire ça équivaut au ZEP en France où on a deux
éducateurs à cent pour-cent, mais deux cinquante pour les éducateurs, une directrice d’établissement, mais bon ça c’est
propre à toutes les écoles, une maîtresse adjointe, trois classes spécialisées et puis une division élémentaire et la division
moyenne.
Ens. : Mon équipe, c’est-à-dire ? Les gens avec qui je travaille ? Ceux avec qui je collabore ?
Ens. : … alors déjà je trouve qu’on est une école séparée vu qu’il y a la division moyenne ici et la division élémentaire elle
est séparée de nous donc je trouve que ça fait déjà une scission. Et en division moyenne, il y a déjà de toute façon certaines,
je parlerais pas animosités, mais on a tous des manières différentes de travailler. Donc ce qui crée peut-être parfois des
tensions, on est pas tous sur la même longueur tout le temps donc ça crée un peu des tensions au sein de l’école. Et je trouve
que nous on est obligé de collaborer. Pour moi, ce que je disais hier à B. on est obligé de collaborer avec le division ordinaire
quoi. Rien que le fait d’intégrer nos élèves, on peut pas non j’ai pas envie, donc pour moi ça s’impose, c’est même pas un
choix, ça s’impose. Après avec qui le faire et avec qui ne pas le faire, après c’est une question d’effectif aussi. Souvent on est
bloqué pour ça. L’année passée j’ai du réintégrer un élève dans une autre école. Donc ça m’a un peu embêtée. Et puis voilà.
Alors moi en règle général je m’entends bien avec tout le monde, mais je collabore beaucoup avec ma collègue du spécialisé.
Ens. : Exactement.
Ens. : Oui, exactement. Et puis les autres je les vois à la salle des maîtres. Donc c’est plutôt des discussions informelles. Ou
lors des TTC où on doit prendre des décisions.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Ens. : Ben c’est des décisions organisationnelles, voilà, par rapport au règlement , par rapport aux fêtes d’école, par rapport à
ce qu’on organise ensemble, si on veut faire des décloisonnements d’école. C’est tout des choses un peu ou qui concernent
toute l’école entière.
Etu. : D’accord. Donc s’il y a décloisonnement, c’est qu’il y a quand même déjà une dynamique, qu’il y a possibilité
d’instaurer quelque chose ?
Ens. : Ouais, mais alors souvent ça fait flop. Hier justement, y a une collègue qui a dit j’en ai un peu marre, on fait jamais
rien ensemble. Ma foi il faut aussi voir pourquoi on fait pas les choses ensemble.
Ens. : Parce qu’on a pas les mêmes manières de travailler. C’est même pas une manière de travailler pardon, c’est une
question de vision ; la conception de l’enseignement et des règles.
Ens. : Oui, il y a en une qui punirait, l’autre pas, donc finalement les enfants se retrouvent pas là-dedans.
Ens. : On a fait des formations, et pourtant on est neuf LME dans l’école, c’est énorme. Et peut-être qu’en effet c’est trop, je
sais pas. Moi j’aurais bien vu une école où y a vraiment un petit peu de tout, c’est-à-dire déjà pas mal d’hommes, parfois ça
tempère par rapport à certains élèves, là on a que deux hommes je crois, en tout cas enseignants. Et c’est vrai souvent il me
semble en TTC en tout cas on perd beaucoup du temps pour des détails, genre voilà, je veux m’abonner à un journal c’est
pas le lieu pour parler en TTC.
Ens. : Non. Exactement. Mais je pense que c’est difficile de travailler ensemble parce qu’on n’a pas la même vision. Donc
moi je peux lancer quelque chose, quelqu'un d’autre lance quelque chose d’autre et finalement on se retrouve pas. Donc
comment trouver un terrain d’entente ? Je pense qu’il faut faire des concessions, ma foi les gens sont apparemment pas prêts
à en faire.
Etu. : Et pour vous, dans l’absolu, qu’est-ce que serait le travail en équipe ? Qu’est-ce que vous en attendez ?
Ens. : Alors pour moi, du fait que je suis en division spécialisée, le travail d’équipe, ça s’impose, c’est pas un choix. Même
pour parler des élèves, pour avoir une vision. Moi je peux avoir la vision de G. [collègue de division spécialisée] sur mes
élèves je trouve hyper important et essentiel, on peut pas travailler seul dans sa classe. C’est pas un métier où t’es seul. Ca
devrait pas être un métier où t’es seul.
Etu. : Mais d’une manière plus étendue si c’était par rapport à toute l’équipe avec laquelle vous travaillez, l’école, qu’en
attendriez-vous, quelle serait votre vision idéale ?
Ens. : Pour moi c’est pas forcément faire des décloisonnements tout le temps, c’est juste qu’on puisse se retrouver sur
certaines bases, élémentaires.
Ens. : Ouais, même de règles, déjà qu’on aille les mêmes règles, qu’on applique les mêmes choses. Je sais qu’en division
élémentaire elles le font. Elles ont aucuns soucis par rapport à ça. Elles punissent un élève, il se ramasse encore plus en
classe. Ici on doit aller demander : c’est pas trop, ça va ?, moi ça joue pas. Il y a un moment où ça bloque finalement. Et pis
du coup on laisse traîner on se dit bon ben de toute façon y a pas de suivi.
Etu. : D’accord, donc ça c’est ce que vous attendriez d’une équipe, c’est qu’il y a un suivi, qu’il y a un travail général…
Ens. : Oui, exactement. Tout à fait. [entrée dans la classe d’un collègue…]
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Etu. : Donc vous vouliez encore dire quelque chose à propos du travail en équipe ?
Ens. : Oui, juste qu’on avance ensemble dans la même direction, vraiment. Après pour moi qu’on aille des manières
différentes de travailler, c’est pas le souci. Justement, c’est complémentaire.
Etu. : Donc c’est sur des grandes choses, du style les sanctions, peut-être les devoirs,…
Ens. : Oui, sur les règles de base qu’on devrait avoir, qu’un élève doit adopter à l’école. Si là déjà on n’est pas d’accord c’est
difficile quoi.
Etu. : D’accord. Et puis pour vous l’analyse de pratiques de manière générale, vous comprenez comment cette expression ?
Etu. : Oui.
Ens. : Alors pour moi c’est la base. Alors moi je te dis j’ai fait LME donc quatre ans à l’Uni plus deux ans de formation de
spécialisé et on est en analyse de pratiques. D’ailleurs, là on a demandé un supplément de formation pendant une année donc
on nous a octroyé une demi-journée supplémentaire pour l’analyse de pratiques.
Etu. : Demi-journée ?
Ens. : Une fois par mois. Donc on a exigé. C’est mon groupe de formation de l’année passée.
Etu. : D’accord.
Ens. : Et on trouve hyper important d’avoir des gens de diverses, euhm, on est tous dans le spécialisé, mais on fonctionne
comme ça
Ens. : Oui, alors il y des centres de jour, y a les EFP et moi je trouve vraiment que c’est la base. Maintenant ce que je disais
hier à B. aussi en entretien, faut avoir confiance pour pouvoir parler de sa pratique. Mais je trouve que tu avances nettement
mieux si tu peux, ouais même par rapport à un élève, t’es bloqué par rapport à un élève, qu’est-ce que tu fait ? Seul tu trouves
pas la solution.
Etu. : Tout à fait. D’accord, et vous m’avez dit que vous avez été sensibilisé en LME plus particulièrement à l’analyse de
pratiques ?
Ens. : Ouais.
Etu. : Et pis donc la formation initiale, et la continue, vous avez fait d’autres choses là-dessus ?
Ens. : Sur l’analyse de pratiques non, mais en tout cas, le fait que ce soit régulier dans ma formation spécialisée pendant les
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deux ans, c’est un rituel qu’on a. Nous de toute façon en spécialisé, on a encore un moment de supervision et de synthèse, où
il y a un médecin psychiatre qui vient, donc on a vraiment l’habitude de fonctionner comme ça. C’est un fonctionnement qui
doit être habituel je pense.
Etu. : Et puis l’analyse de pratiques que vous pratiquez avec vos collègues en ce moment, c’est quel type d’analyse de
pratiques ?
Ens. : Alors on a pas encore commencé, mais c’est souvent par rapport à des situations, d’élèves, d’adultes. Ca peut être
voilà genre je m’entends pas avec mon collègue ou ma collègue, qu’est-ce que je fais dans ce cas-là.
Ens. : Oui, une situation problème et on fait un tournus. Et puis ensuite on a une démarche bien claire. Analyse de pratiques,
donc on pose une question, ensuite c’est à nous de trouver des pistes, après elle choisit une piste, elle la pratique, ça a
marché, ça a pas marché et puis on a un retour.
Ens. : Exactement. Donc on fonctionne comme ça. Et on fonctionne aussi par urgence.
Ens. : Ouais, c’est-à-dire que si hen ça va pas du tout et que c’était prévu, genre Pauline, je dis n’importe quoi et pis que moi
j’ai une super urgence ben c’est moi qui passe avant.
Ens. : Ouais.
Etu. : Mais pouvoir y compris faire des cas particuliers express comme ça ?
Etu. : Donc je peux imaginer que vous pensez que l’analyse de pratiques doit avoir une place dans votre établissement ?
Ens. : Ah oui ! Je l’ai souvent dit en TTC quoi. J’ai souvent dit à mes collègues, mais venez dans nos classe, venez voir
comme ça se passe on peut échanger, mais c’est pas une manière de faire. Je sais pas si c’est l’ordinaire en général ou je sais
pas si c’est parce qu’on a pas été sensibilisé. Mais moi je trouve hyper important. Je pense que les gens ont peur d’un
jugement qu’on a avec l’analyse de pratiques.
Etu. : Bien sûr, et vous me dites que la plupart de vos collègues sont aussi en LME, donc ils ont suivi la même formation que
vous, donc qu’est-ce que vous pensez qui bloque ?
Ens. : C’est une bonne question Je pense aussi qu’il y a la peur par rapport à … [quelqu'un frappe à la porte…] Je pense que
c’est pas qu’une question de formation. Après c’est une question de, j’ai toujours cette image un peu de, pas divisée, mais
voilà pour moi les gens qui travaillent en ordinaire ils ont leur programme à suivre, mon Dieu, il faut pas que, surtout quand
on est en début de carrière. Et puis nous en tout cas en classe spécialisée, franchement on est obligé d’avoir cette ouverture
d’esprit et de parler de nos pratiques quoi. De pouvoir dire voilà, j’ai testé cette méthode de lecture, ça marche pas, qu’est-ce
que tu me conseilles vraiment, vraiment collaboration pour moi c’est le mot collaboration. Et je pense que mes collègues, vu
que c’est des jeunes collègues, elles ont un peu peur, j’ai pas trop le temps, je vois pas l’intérêt, je me pose la question. Après
c’est peut-être aussi une question d’affinités. Et puis finalement, est-ce qu’elles en ressentent le besoin ? Moi j’en ressens le
besoin.
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Ens. : … voilà. Je le fais pas comme elle, donc ça va pas ou elle va me juger. C’est l’impression que j’ai. Maintenant, j’en ai
jamais parlé avec elles, on a souvent parlé en TTC, mais ça a abouti à rien. Donc je trouve dommage.
Etu. : Mais quand vous en parler il y a une envie et pis après il se passe rien ou c’est carrément non ?
Ens. : Non, c’est pas un non, mais c’est que voilà on en a parlé une fois ou deux pourquoi pas et ça s’arrête là.
Etu. : D’accord.
Ens. : Pourtant notre directrice elle a été responsable de centre de jour, donc elle vient du spécialisé et puis elle, elle est pas
mal là dedans je trouve aussi. C’est hyper important. Et puis on a encore notre inspectrice, mais c’est vrai qu’après faut avoir
le temps, faut que les gens aient envie. Tu leur donnes des réunions en plus, rho merde, va-y dix-huit heures, aller, moi je
m’en fous !
Ens. : Oui. Les gens souvent c’est oh mince, une réunion de plus quoi !
Etu. : Ok.
Ens. : Je sais pas comment on peut avancer comme ça. Faut que ce soit une envie d’équipe, clairement. C’est pas à défaut
d’avoir montré les mérites, vraiment.
Ens. : Je veux dire j’en ai souvent parlé. L’analyse de pratiques vraiment, vraiment. Donc voilà, les gens prennent ce qu’ils
ont envie de prendre.
Etu. : Ouais, c’est clair. Donc vous dans votre quotidien c’est tout le temps, vous le faites même seul maintenant ?
Ens. : Euh, seul pas forcément, mais j’ai pas besoin d’avoir un grand groupe. Style avec G., à deux.
Ens. : Oui, vraiment. Et puis pour plein de choses, pas seulement pour ce qui est professionnel, je veux dire oui,
professionnel, mais ça peut être un problème avec un élève ou un adulte, voilà.
Etu. : Oui, je comprends. Donc vous, vos attentes sont surtout basées sur la collaboration ?
Ens. : Oui, vraiment. Et puis ça apporte un autre regard sur un même événement.
Ens. : Oui, exactement. Ou alors comment faire autrement, d’autres pistes, d’autres manières de faire, moi je suis tout à fait
ouverte.
Ens. : Exactement.
Etu. : Que vous appliqueriez ? Si c’est une solution qui vous convient ?
Ens. : Alors oui. L’année passée j’ai même testé une solution qui m’a été proposée.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Etu. : Alors racontez-moi votre exemple, c’est intéressant ! Ca s’est bien passé ? Vous avez été contente ?
Ens. : Euh, ça a pas, moi j’ai, euh, il y avait un souci, ben vous étiez là en stage l’année passée, avec des élèves hyper
difficiles en classe ordinaire. Donc franchement c’était limite si un élève m’avait frappé. Donc il était vraiment à la limite
quoi. Et puis moi du coup ben j’en ai discuté en formation, on m’avait proposé des pistes en me disant ben voilà, tu peux
essayer ça, essayer déjà d’en parler en TTC, nen nen nen. Après moi je voulais pas être la personne qui mette le doigt là où
ça faisait mal quoi. Pour moi c’était juste un élève, fallait qu’on traite cette situation, ça allait de pire en pire de toute façon
dans l’année, donc qu’est-ce qu’en tant qu’équipe on met en place ? En entendant une enseignante qui, moi j’étais pas en
souffrance, mais moi c’était un gamin qui me faisait peur, clairement. Il pouvait venir me casser la voiture, il y avait pas de
problème, je pense, tu vois. Donc qu’est-ce que tu fais en tant qu’équipe là devant, pff, j’ai été dégoûtée parce que la fois où
je devais en parler, on m’a stoppé en TTC parce qu’on avait plus le temps. Je me suis levée, je suis partie. J’avais
l’impression de pas être entendue. Et puis que finalement il s’est passé quoi, pff, mais rien il a pas frappé. C’est ce qu’on m’a
dit, il t’as pas cogné de toute façon.
Ens. : Oui. J’en ai reparlé et j’ai pu clairement dire à la maîtresse adjointe et la directrice que j’étais hyper fâchée de pas
avoir pu exposer ces faits. Que finalement on n’a pas pu m’aider, alors que j’avais besoin d’aide à cette période-là. Et voilà.
Donc je l’ai dit et on a pu reprendre ensemble en TTC, mais c’est toujours des choses, allons-y molo quoi, tu sais, c’est style
faut pas trop ébruiter. Souvent je crois que les gens ont un peu peur de l’ampleur que ça peut prendre. Ben finalement si on
est une équipe, faut discuter de ce qui ne va pas. Moi je pars du principe que dans une école tu dois connaître tous les élèves.
La moitié je les connais même pas.
Etu. : Donc vous dans cette situation vous avez pris sur vous en quelque sorte ?
Ens. : Ah oui, j’ai été obligé. Et quand j’en parlais, j’avais vraiment pas l’impression d’être entendu. Donc finalement tu fais
quoi ? Alors t’apprends à te débrouiller par toi-même. Ou avec tes collègues qui finalement t’ont filé un petit coup de pouce.
C’est pour moi que c’est salvateur la formation. Pour plein d’autres choses, ça c’est un exemple type parce qu’il m’avait
frappé l’année passé.
Etu. : Ah c’est vrai que c’est un exemple qui illustre bien. Et tout de suite ça prend du relief ce que vous dites.
Ens. : Ah oui !
Ens. : Exact. Moi je suis vraiment prête à aider, il y a pas de soucis. Maintenant faut juste venir demander de l’aide. Et je
pense que les gens, je sais pas s’ils ont peur, j’arrive pas à… peur du jugement, mince elle est incompétente, elle arrive pas à
gérer. Alors que moi j’ai pas eu de problème.
Etu. : Donc pour vous, quand on voit tout ça, si ça devait prendre place dans cette école, ça devrait arriver comment ?
Ens. : Bon déjà, ce qui est déjà beaucoup mieux cette année c’est que j’ai ma collègue G., donc qui a fait la formation avec
moi, elle est au courant de toute l’histoire qui s’est passée à B., et elle voit la même chose que moi. Donc c’est aussi ça qui
est hyper rassurant. L’année passée, j’étais seule face à ça, maintenant on est deux. Donc je pense que si ça doit prendre
place, c’est au fur et à mesure. Je pense qu’il faut se faire entendre par les gens mais petit à petit. Tu peux pas changer du
tout au tout, je pense pas. Il y a des gens qui sont là depuis des années, ils sont un peu conservateurs, ils veulent pas changer,
ouais mais on fait ça depuis vingt ans, donc finalement tu peux pas tout changer dans une école comme ça.
Etu. : Mais vous avez quand même cette vision de pouvoir faire changer les choses ?
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Ens. : Oui. Alors là parce qu’on est deux, mais je pense pas que je vais faire ma carrière ici. Clairement pas. Je pense que
c’est bien en début de carrière de changer tous les cinq- six ans.
Etu. : Et puis si vous vous imaginiez une analyse de pratiques dans l’école, ici, une fois par mois, n’importe, vous verriez ça
comment ? Il y aurait le directeur, pas le directeur ? Ce serait quelqu'un d’extérieur ? Quel type ? Ca se passerait comment
pour vous ?
Ens. : Alors déjà pas l’école ensemble, mais je séparerais la division moyenne et division élémentaire, ça ferait énormément
de monde sinon. Et peut-être dans un premier temps je prendrais les gens qui sont intéressés, je crois. L’année passée j’avais,
ou il y a deux ans, j’avais fait tout un power point sur la division spécialisée. J’avais dit aux gens qui étaient intéressés de
venir parce qu’ils ne savent pas ce qu’il se passe dans nos classes finalement, donc vous jouez, non, on joue pas, pas du tout.
Mais bon, c’est pas grave, c’est intéressant de voir ça. Donc je prendrais vraiment les gens intéressés et puis qui veulent y
mettre du leur finalement. Parce que si tu dois forcer les gens je pense que là de nouveau ouais mais bon là tu me dis que je
fais pas bien mes devoirs, je pense que ça partirait assez vite, euh… et puis peut-être pas forcément le directeur qui est trop
impliqué dans l’école, moi je prendrais un médiateur externe. Style notre formateur,…
Ens. : … ouais. Notre formatrice du spécialisé. Je pense que je prendrais vraiment quelqu'un du spécialisé. Ouais vraiment,
moi je suis vraiment pro spécialisé. Mais ouais, je pense qu’on peut apporter plein de chose. Pas nous en tant qu’enseignants,
mais tout ce regroupement.
Ens. : Ben par rapport à l’analyse de pratiques quoi ! Tu demandes à ma collègue G, elle dira bien sûr quoi !
Etu. : Parce que votre sentiment c’est qu’en spécialisé l’analyse de pratiques c’est …
Ens. : … moi je trouve que tu es obligé, t’es obligé de collaborer, t’es obligé quand t’as un gamin qui dysfonctionne, soit de
l’envoyer, soit de traiter à deux, là on a renvoyé un élève en camp, j’ai du renvoyer un élève de camp euh, c’était ma décision
mais mon équipe m’a soutenue. Je veux dire.
Etu. : Il n’y a pas moyen de la faire avec les autres collègues ? C’est quelque chose de courant ?
Ens. : Oui, pour moi c’était une décision d’équipe. Oui c’était mon élève, mais j’ai quand même demandé à mes collègues
est-ce que vous me soutenez là-dedans, parce que moi je peux pas faire ça toute seule. Je me suis ramassée le père à dos,
limite il m’a insulté, donc moi j’ai besoin qu’on soit soudé.
Etu. : Collégial ?
Ens. : Oui. Après je dis pas qu’en ordinaire ça n’existe pas, je dis pas que tout le monde est nul en ordinaire, c’est de loin pas
ce que je dis. Juste que peut-être, il y a moins cette ouverture d’esprit par rapport au programme qu’on doit voilà on a les
carnets, machin et machin. Nous on a aussi des carnets, on a aussi des documents à remplir. Franchement on est pas de
glandus. Mais peut-être qu’on le fait de manière différente. Je pense que c’est aussi une question de personnalité, de vécu,
clairement.
Etu. : Expliquez !
Ens. : Moi je parle par rapport à mon vécu. J’ai eu plusieurs décès autour de moi, des gens hyper proches, ben la première
année j’ai eu le décès d’un élève, je veux dire euh, ouais, après tu peux, j’ai eu aussi une rupture sentimentale ce qui fait que
j’ai souffert énormément. Et du coup je trouve que tu dois apprendre à t’ouvrir énormément aux autres et à pouvoir discuter,
pas à n’importe qui, hein ! Mais pouvoir juste exposer pour que la pression retombe. Par rapport à la première année où
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j’enseignais, j’avais deux élèves qui ont faillit me péter la vitre en bas quoi et quand j’ai demandé de l’aide ben on m’a dit tu
gères ! J’ai dit pardon ? Limite je pleurais, je te jure. De déception. J’ai dit pardon ? Mais on en est où là ? Tu gères ! Je gère
quoi ? J’arrive pas à gérer si je demande de l’aide ! Donc pour moi ça joue pas quoi ! Ok je suis sensée gérer, mais enfin si je
te dis que j’arrive pas à gérer, je fais quoi ? Non non, pour moi c’est, en tout cas en classe spécialisée t’es obligé de
collaborer quoi. T’as pas le choix.
Etu. : Mais vous pensez que c’est plutôt une qualité personnelle alors ?
Ens. : Moi je pense que… mais après tu peux le faire parce c’est une obligation de l’institution, ça je sais pas si c’est une
obligation de l’institution, ça je pense pas, j’en sais rien franchement. Mais euh, je pense aussi, mais,… si je prends
quelqu'un qui n’a pas qui n’a rien vécu dans sa vie, mais qui a vécu des choses on va dire toujours positives, t’sais, il a fait sa
scolarité, s’est toujours bien allé, ses parents étaient toujours là, je me demande finalement, c’est une question que je me
pose, je dis pas si j’ai raison, pas quel est l’intérêt de pouvoir exposer, vu que tout va toujours bien, t’arrives toujours tout à
régler tout seul, tu vois pas l’intérêt des autres finalement. Alors que quand t’as justement subit de coups durs, dans plusieurs
domaines, ce qui forge aussi ta personnalité et ton identité professionnelle, ben je pense que tu vois les choses différemment.
Moi j’ai adopté une autre philosophie au fil des années, au début de ma première année d’enseignement, j’étais pas du tout
comme ça ! Je veux dire, heureusement qu’on a une évolution. Donc ouais, moi je remercie vraiment tous les gens que j’ai
pu côtoyer, qui m’ont permis d’avancer jusque-là.
Ens. : Ouais. Vraiment. J’ai pas fait ça toute seule. De loin pas.
Ens. : Oui.
Ens. : Ouais. Et puis quand on en peut plus d’un élève, pour ne pas péter les plombs envers lui aussi, que tu puisses
l’envoyer ailleurs. Tu sais que tu as une collègue sur qui tu peux compter, qui va te le prendre, qui sait comment il
fonctionne, qui va pas lui hurler dessus parce qu’il est en décompensation ou je ne sais quoi.
Etu. : Donc là vous passez carrément à l’étape supérieure, c’est plus simplement l’analyse de pratiques, c’est aussi la
collégialité, on travaille en réseau ?
Etu. : D’accord.
Ens. : Vraiment. Et ça marche super bien cette année. C’est pas que l’année passée ça marchait pas, c’est que moi j’étais la
seule jeune du regroupement, I., je l’adorais, je l’adore toujours, hein, mais voilà, après ils ont aussi fait les études
pédagogiques, mais c’est pas du tout quelqu'un pour moi où on voyait la différence LME, moi je rentre pas du tout là-dedans.
Après c’est vrai que c’est aussi une question de personnalité, clairement. Je pense que ça rentre vraiment en compte.
Ens. : Exactement. Il y a des collègues, tu leur parles, ah non non, c’est bon.
Etu. : Et ils font comment quand ils ont un souci à votre avis ?
Ens. : Je me pose la question, clairement. Je ne sais pas. J’espère qu’ils ont quelqu'un. Mais je me souviens l’année passée,
quand j’ai du intégrer un élève, on m’a dit oh mais ça demande pas trop de boulot à l’extérieur ? J’étais là, bon ben laisse
tomber dans ce cas là. Je veux, dire, moi je bosse pas pour les adultes, je bosse pour les gamins. Moi une réponse comme ça
je tombe par terre. On me l’a même pas pris en camp. Il est même pas parti en camp avec sa classe d’intégration. T’as justifié
auprès de l’élève ? Comment finalement on peut travailler ensemble ? Je veux dire, il y a un moment soit on est prêt à faire
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des concessions, soit on se dit qu’on bosse pour la même chose et que c’est pas un élève de plus. C’est pour ça que je te dit
qu’on a pas les mêmes visions.
Ens. : Vraiment ! Et il y a des gens qui je pense, devraient vraiment passer par la division spécialisée.
Etu. : Ah oui ! Donc pour eux c’est une manière d’évacuer le problème. On les met en spécialisé et comme ça de toute façon
le problème ils l’ont plus dans leur classe et ils ont pas besoin d’aller en analyse de pratiques ? C’est ce que vous me dites ?
Ens. : Ouais. J’entends jamais, alors c’est vrai, je suis rarement là à midi, mais j’entends rarement parler ah mince cet élève
je sais vraiment pas quoi faire avec, pourtant j’ai dit franchement on a des ressources. On travaille avec des logopédistes,
l’unité d’urgence des adolescents, on a plein de ressources, jamais personnes n’est venu. Ma foi, je vais pas chercher les gens
par la main. Après on s’étonne qu’il y a certains enseignants qui partent en burn- out. Faut pas s’étonner quoi !
Ens. : Ah oui, moi je suis persuadée. Il y a une statistique qui avait été faite, les enseignants c’est le corps de métier qui est le
plus en dépression, faut pas chercher loin.
Etu. : Ce que j’ai trouvé intéressant c’est le lien que vous faites, comme si l’analyse de pratiques est une sorte de
prévention…
Ens. : … ah oui ! Tout à fait. Et puis après avec les élèves ça va nickel. Tu peux discuter. On a repris avec ma collègue pour
l’élève que j’ai renvoyé de camp, elle m’a soutenue, j’ai trouvé hyper appréciable. Et puis elle m’a dit c’est normal. Ok c’est
normal, mais je remercie quand même. Ca m’a vraiment, pas sauvé, mais ok, je suis pas toute seule à porter le problème, pas
le problème, mais dans le sens, si au cas où j’ai un problème, on est deux quoi. Je suis pas toute seule face à un parent ou …
Ens. : Oui.
Etu. : Donc vous me dites que ça a forcément des conséquences sur le travail d’équipe l’analyse de pratiques ? En voyant
déjà le travail avec votre collègue ?
Ens. : Oui. Et ça fait deux ans, donc déjà au bout de deux ans il y a déjà des effets. Et on a demandé une troisième année.
C’est une demande de notre part.
Etu. : Est-ce que vous arrivez à décrire de quel nature il s’agit ? Vous êtes d’accord sur les choses ? Vous avez une vision
commune ?
Ens. : Oui alors déjà on a une vision commune par rapport aux règles et au fonctionnement. Ouais, par rapport aux règles
qu’on impose aux élèves. Déjà on fonctionne de la même manière. Je pense que ça aide beaucoup. Et puis je pense que voilà
c’est ce qui fait que tu peux bosser avec quelqu'un ou pas.
Etu. : Mais ça c’était déjà avant ou tu penses que c’est l’analyse de pratiques que vous faites ensemble qui vous a en plus
donné d’autres moyens ?
Ens. : Non, je pense que ça donne aussi d’autres moyens parce que quand j’étais à L., je devais bosser en décloisonnement
avec plein de classes, mais on avait pas forcément les mêmes visions. Donc maintenant je le sens beaucoup plus fortement
ancré si tu veux. Après je dis pas que c’est une part comme ça, mais je pense que si déjà on a la même vision et qu’on
fonctionne de la même manière, je peux prendre sa classe, elle peut prendre la mienne, on est comme des poissons dans l’eau
quoi.
Etu. : Je comprends.
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Ens. : Vraiment, le fait de parler, de dire voilà, tel élève ou telle situation m’a mis dans ce cas-là, comment tu vois l’élève ?
D’ailleurs quand elle a eu nouvel élève qui est arrivé de centre de jour, elle m’a demandé si je pouvais venir l’observer. Le
premier jour.
Ens. : Oui. Et puis ça a appris aussi à connaître les adultes, parce que finalement on se connaît pas.
Ens. : Nous même, mais aussi entre nous car finalement t’as des préjugés, tu sais, ah ouais l’autre elle travaille comme ça. Et
là il y a plein de gens que je vois à l’extérieur, que je pensais pas du tout côtoyer.
Ens. : Ah oui, vraiment. Pas une passion commune, mais tu vois on a le même métier et puis après on sait comment on
fonctionne quoi. T’apprends à découvrir l’autre, des traits de certaines personnes peuvent t’apaiser, il y en a d’autres qui
peuvent te repousser un peu, c’est vraiment très complémentaire et très unitaire.
Etu. : Vous pouvez dire que ça vous amène une certaine tolérance ?
Ens. : Oui, je pourrais collaborer. Pour le bien des enfants, oui. Après je pense qu’il faut aussi pouvoir mettre ça de côté
quoi. Et je pense que l’analyse de pratiques ça aussi été utile pour ça. Parce que voilà, quelqu'un que t’aime pas forcément
qui présente son problème, qui es vraiment en détresse, tu vas pas dire ah ben je l’aime pas, je l’aide pas. C’est bon, on est
pas gamin quoi. Donc t’es obligé de trouver des pistes pour lui.
Etu. : Moi ce que j’essayais un peu de savoir c’est l’effet de l’analyse de pratiques sur la collégialité. Imagine que là il y a
pas de collégialité, dans cette école il y a pas de travail commun…
Ens. : Non. On fait du travail commun parce qu’on est un REP. Pas parce que c’est une envie d’équipe.
Ens. : Oui. Exactement. On fait des décloisonnements, moi franchement, j’ai pas envie d’y participer. Je connais pas les
élèves.
Ens. : Ouais. Moi c’est ce que je vois, mais ça n’engage que moi.
Etu. : Mais est-ce que vous pensez que s’il y avait une analyse de pratiques dans l’école ça pourrait amener une meilleure
collégialité ?
Ens. : Oui, je pense clairement. Parce que là on se force à travailler ensemble alors qu’on a pas la même vision déjà, donc,
faut quelque chose d’autre qui nous rassemble avant de pouvoir… tu vois ce que je veux dire ?
Etu. : Oui. Et vous pensez que dans l’analyse de pratiques vous pourriez trouver ça, pour lesquels vous avez l’impression de
pas avoir de vision ?
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Ens. : Oui, clairement. Parce que parfois je me dis mince, c’est un problème pour moi, mais est-ce que ça l’est pour l’autre ?
T’es là euh pff ça a pas l’air de lui poser problème quoi. Un manque de respect à un adulte pour moi ça passe pas, pis t’as ma
collègue ah ouais, je verrai. Moi je me dis, mais on a été formé ensemble, après tu vois c’est une question de tolérance.
Etu. : Donc dans la situation dont vous me parlez, si vous l’aviez traité en analyse de pratiques du coup vous en auriez parlé,
vous auriez été plus loin dans la discussion et vous auriez pu mieux comprendre son point de vue et elle le vôtre et c’est ça
qui donnerait une meilleure…
Ens. : J’ai pu en parler, mais c’était bien géré, hein, j’avais pas le droit de dire ce que je voulais, pas qu’on émette de
jugement sur l’enseignante, ça je voulais pas y émettre de jugement, d’ailleurs je l’ai précisé en lançant le sujet, j’ai dit c’est
pas un jugement. Mais tu vois les gens sont pas habitués alors tu dois vraiment arriver avec tes petites chaussures comme ça ;
ce n’est pas un jugement. Alors qu’en analyse de pratiques c’est bon, bam, tu balances ton idée.
Etu. : Ah, c’est à cause du cadre ? Le cadre est fixé, pour tout le monde le même et on sait qu’on est là pour le respecter.
Ens. : Exact. Et on voit ici que c’est pas du tout une habitude. Alors qu’est-ce que vous allez dire, on était venu m’interroger
avant ! Mais qu’est ce que tu veux dire au TTC, mais non c’est bon je veux dire, hallo la terre, je vais pas juger une
enseignante et lui dire t’es nulle, tu sais rien faire. Non.
Ens. : Vraiment. Et ça je trouve vraiment dommage et c’est ce qui bloque l’équipe quoi.
Etu. : Est-ce que vous pouvez juste me lire ces trois citations et me dire un peu ce que vous en pensez ?
Ens. : [lecture de la première citation] Ah oui, bien sûr, l’organisation collective et l’action pédagogique, ouais ouais
favorisent les élèves et les apprentissages, bien sûr. Même par rapport aux élèves, s’ils sentent qu’il y a une cohésion dans
l’équipe, ils pourront pas aller trifouiller chez l’autre ah mais elle elle me donne pas de punition, tu vois ce que je veux dire ?
[lecture de la deuxième citation] Oui, bien sûr. La réflexivité de chacun : je pense qu’il faut pouvoir s’analyser et réfléchir
sur sa propre pratique, pour moi c’est en stage, c’est ce que je disais à B., c’est une des qualités demandées pour moi.
Pouvoir analyser ta pratique, ok, pourquoi ça a fonctionné, pourquoi ça a pas fonctionné ? Qu’est-ce que t’en penses ? Et
discuter avec le formateur de terrain, voilà, qu’est-ce qu’on met en place pour que ça fonctionne la prochaine fois. C’est la
même chose là je veux dire, ouais, pour réguler les rapports professionnels et le travail en équipe. Je veux dire, on travaille
quand même dans un métier de l’humain. Ok, des fois on se pose la question…. [rires]. [lecture de la troisième citation] Ah
mais Perrenoud bravo ! Euh, oui bien sûr. Moi franchement, si je devais plus faire d’analyse de pratiques là en plus, on a une
demi-journée par mois, c’est déjà peu je trouve, mais bon, amen, après c’est une démarche, c’est un automatisme. Tu le fais
automatiquement, vraiment. Donc, euh, ouais, quoi dire de plus que ouais ? Je suis pro analyse de pratiques !
Etu. : Vous pensez que du coup vous pourriez être une personne ressource dans la coopération professionnelle des autres
collègues ?
Ens. : Oui.
Etu. : Vous pensez que du fait de cette expérience-là, ça peut vous amener à être une ressource ?
Ens. : Oui. Il faut juste que les gens soient prêts à écouter. Moi je veux bien proposer dans l’école. J’ai dit, j’ai déjà fait une
fois. Mais si c’est pour oh non encore une réunion, mince, ben ok quoi. On part déjà pas dans le même sens. Bon ben tant pis
quoi. Alors je le fais ouais, pour moi et à un plus petit niveau, ma foi. Tu veux faire quoi ? Peut-être que dans quelques
années ça changera.
Etu. : D’après vous, toutes ces idées que vous avez sur le travail en équipe et l’analyse de pratiques ça vient d’où ? Ca vient
de votre personne ? Ca vient d’autre chose ? Ca vient d’éléments extérieurs ? Je sais que vous m’avez dit que vous avez vécu
des choses plutôt difficiles dans votre vie…
Etu. : Ca vous donne l’impression d’être quelqu'un qui cherche de la ressource quand vous êtes en difficulté ?
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Ens. : Euh, c’est une bonne qu… je pense qu’il y a quand même une bonne part de personnalité là-dedans. Moi je parle à
tout la monde bla bla bla, salut,…
Ens. : Oui. Alors je veux pas me lancer des fleurs, c’est pas du tout ce que je fais, juste, moi je vais boire un verre euh, je
donne un exemple, dans un bar où il y a qu’une personne que je connais, il y a pas de soucis, moi j’y vais toute seule quoi, tu
vois ce que je veux dire, moi ça me fait pas peur. Donc je pense que parfois il faut aussi oser. Alors qui fait le premier pas,
qui ne le fait pas, je pense qu’à un moment il faut y aller, quoi. Mais c’est aussi le fait d’avoir été en stage, d’avoir vu
différentes choses, des choses qui me plaisaient, des choses qui me plaisaient moins. Et puis par rapport à ma famille aussi je
pense. Je pense que tout ce qu’il y a à l’extérieur, ça influe ton identité professionnelle, ça j’en reste persuadée. Même si t’as
une identité, pas privée, mais… t’as identité professionnelle et identité personnelle, voilà on sépare ni de l’autre mais c’est un
peu complémentaire quoi. Donc je pense, oui oui, par rapport à la famille, à la manière de fonctionner dans ma famille,
ouais, ça m’a beaucoup aidé.
Etu. : Justement, cette manière de voire les choses par rapport au travail d’équipe, à l’analyse de pratiques ?
Ens. : Alors moi je pense que c’est une habitude, pas une habitude à prendre, oui finalement c’est une habitude à prendre. Au
début t’es un peu là sur tes pattes arrières, je connais pas trop les gens, je vais critiquer quelqu'un, pas critiquer quelqu'un, je
vais dire j’ai un problème avec un adulte dans l’école, que vont-ils en penser ? Pis voilà, après tu y vas, une fois, deux fois,
trois fois, du moment que le climat il est là et que la confiance elle règne aussi, je pense que tu peux avancer comme ça.
Ens. : … alors oui, progression nette. Vraiment. Là j’irai pas voir tous mes collègues pour en parler donc, mais je sais que la
directrice était ma formatrice. Donc elle sait comment ça fonctionne.
Ens. : Oui, mais c’est vrai qu’il y a quand même une progression. Avant j’étais peut-être moins en confiance. Maintenant je
sais très bien à qui je peux faire confiance je veux dire. Quelles sont les personnes ressource qui peuvent réellement m’aider
et pas celles qui blablatent pour blablater quoi.
Etu. : Mais par exemple dans votre vision du travail en équipe, de l’analyse de pratiques, pour vous ça a évolué ? Peut-être
qu’au début vous saviez pas trop ce que c’était ?
Ens. : Alors pour moi tu me parlais d’analyse de pratiques je te disais c’est quoi ?
Ens. : Alors je savais pas du tout, alors elle a du nous expliquer notre formatrice, comment ça fonctionnait, voilà, il fallait
une situation. Elle a bien déterminé le truc et puis après tac tac tac !
Ens. : Oui. Assez rapidement, oui. Parce que je crois que j’avais vraiment ce besoin de pouvoir parler de ce qui me posait
problème en classe ou à l’école. De trouver un lieu pour ça. Et l’analyse de pratiques s’y est vraiment bien prêtée.
Etu. : D’accord. Vous aimeriez rajouter quelque chose ? Des remarques, des observations ?
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Ens. : Non, ouais non je crois que j’ai donné un bon exemple de l’année passée en tout cas. Il y en aurait eu d’autres, mais je
vais pas tous te les donner non plus. Mais non, franchement, l’analyse de pratiques vraiment c’est nécessaire. Ca devrait
même être une obligation je pense.
Etu. : Vous avez surtout parler du bien des enseignants mais c’est aussi pour le bien des élèves quelque part ?
Ens. : Oui, bien sûr. Finalement t’es bien dans ta classe, mais avec les collègues, ils le sentent tout de suite. Ah oui oui, ils
voient qu’on collabore, qu’on est sur la même longueur d’ondes, ils se défilent pas les élèves quoi.
Etu. : Ce qu’il y a de particulier chez vous c’est que vous avez une vision très transversale de l’école, c’est pas des blocs
comme ça.
Ens. : Non, tout à fait. Moi ce serait mon idéal d’école. Je veux dire si je quitte une fois B., je vais pas forcément retrouver
l’école idéale ailleurs, je sais très bien. Ma foi je pense que si tu retrouve une ou deux personnes avec qui tu peux faire
bouger les choses c’est déjà pas mal. Faut juste trouver ces deux trois personnes.
Etu. : Donc vous des élèves qui peuvent aller un moment là, un moment là, tout le monde travaille en commun, c’est un peu
ça votre vision de l’école.
Ens. : Oui. Bon après c’est aussi important de garder son groupe-classe un moment je veux dire. Moi mes élèves je les adore
dans le sens où voilà, il y a quand même des choses que je veux leur faire…
Etu. : … tout à fait, mais admettons qu’un jour vous ne soyez pas là, que quelqu'un soit même, soit capable de prendre vos
élèves, ou s’il y a un souci ou n’importe, c’est un peu ça.
Ens. : Non
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Etu: En quelques mots, quel a été votre parcours professionnel, type d’étude, nombre d’années, division… ?
Ens: Alors, j'ai fait la LME en quatre années, je suis sortie il y a deux ans et j'ai eu une 2ème primaire à l'école de V. avant.
Là, c'est ma première année ici et j'ai une 1ère enfantine. Je suis toujours restée dans la division élémentaire.
Ens: Alors, c'est une équipe très dynamique, je dirais ….là je parle surtout de la division élémentaire avec laquelle je
travaille beaucoup. C'est une équipe très jeune parce qu'on est des nouvelles enseignantes, récemment nommées ou par
encore nommées, et on est une équipe qui collabore…je dirais beaucoup, mais surtout entre degrés. C'est-à-dire que tous les
1E vont collaborer, on est trois classes de 1E, on collabore énormément, on fait presque notre programme en parallèle…heu,
les 2P collaborent entre elles….heu, voilà, il y a beaucoup de collaboration mais surtout entre degrés. Mais c'est une équipe
très dynamique où il y a beaucoup de propositions, aussi au niveau de l'école bien sûr, pour essayer d'intégrer tous les enfants
de l'école
Etu: Est-ce qu'il y a des points forts, des limites ou des contraintes ?
Ens: Ben, c'est un peu toujours la même chose, parce que tu te sens aussi réduit dans ta marge de manœuvre parce que si toi
tu te lances toute seule dans ton programme et que tu veux faire tout toute seule, tu es tête brûlée, mais le problème c'est que
tu te mets une surcharge de travail qui est énorme. Ce qu'il faut savoir aussi c'est que pour les 1E il n'y a pas beaucoup de
matériel, donc tu crées tout toi-même donc c'est un avantage considérable d'être trois à travailler ensemble parce qu'on se
répartit vraiment les tâches. Par exemple pour les évaluations, on voulait faire les évaluations, on s'est répartis, toi tu fais par
exemple l'évaluation sur le prénom, moi je fais par exemple l'évaluation sur la comptine numérique, donc, c'est vrai que c'est
un vrai travail d'équipe dans ce sens que c'est un vrai partage du travail. C'est pas chacune fait de son côté et puis après on se
passe et on se met dans le casier, non, non, c'est vraiment, on essaie, on a essayé de planifier les mêmes choses au même
moment pour que la charge de travail soit moins grande pour chacune…..parce que sinon en 1E, y a pas beaucoup de
matériel, faut tout construire tout soi même, ça prend trop de temps, on n'y arrive pas. Si on veut vraiment faire quelque
chose de bien, de constructif, c'est pas possible, surtout…
Etu: Surtout si vous êtes trois enseignantes, jeunes, qui débutent, vous n'avez pas forcément le matériel…
Ens: Tout à fait, c'est exactement comme ça. Et on se passe aussi les jeux qu'on achète parce que c'est cher, il faut acheter les
jeux, donc on se passe tout ce qui est jeu, matériel éducatif, tout ce qui est abaques, boites à compter aussi, voilà…
Etu: Et si on remonte un peu dans l'absolu, dans ton idéal, qu'est ce que serait un travail en équipe?
Ens: Alors moi, par rapport au travail en équipe…je dirais,…….par rapport à moi ce que je vis actuellement, je dirais peut-
être plus de discussions au niveau de nos élèves, c'est-à-dire se voir peut-être plus fréquemment que….enfin, il y a le suivi
collégial, c'est tout les trimestres, mais je trouve que c'est pas suffisant…parce que parfois on est un peu coincé par rapport à
nos élèves et on ne sait pas comment s'y prendre, alors, forcément on en discute sur le seuil de la porte, mais c'est pas comme
si c'était une vraie discussion, une vraie réunion. Moi, ce que j'attendrai plus ce serait encore, vraiment, heu…, une
discussion sur les élèves qui nous posent problème...
Ens: Exactement.
Etu: Et de discuter…
Ens: Et pourquoi pas de décloisonner la dessus et de se dire et bien, il y a une enseignante qui prend, quoi, cinq élèves, mais
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ceux qui ont le plus de difficultés et puis les autres on répartit les enfants, donc des choses comme ça….donc, se
poser…enfin, institutionnaliser plus de moments comme ça où on parle des élèves, et pas seulement les suivis collégiaux.
Heu…..après…..dans l'idéal…bon, moi, honnêtement, je suis très contente de ce qu'on…de la collaboration que j'ai
maintenant parce que chacune fait quand même un petit peu ce qu'elle a envie….alors la marge de manœuvre, elle est
forcément réduite parce qu'on a le même programme, mais chacune trie les activités qu'elle a envie de faire ou pas, celles
qu'elle sent ou pas….donc, heu, …c'est vrai que pour moi, ça me correspond bien. J'ai l'impression d'être guidée parce qu'on
va toutes sur le même chemin mais en même temps, je me sens libre parce que je peux choisir les activités que je veux, il n'y
a personne qui va me surveiller, t'as pas faite celle-ci, ça va pas, voilà, c'est ça qui est agréable, dans cette équipe là. Alors
que ce n'était pas le cas dans mon ancienne école où vraiment c'était trop cloisonné, trop…heu…t'étais trop obligé de faire la
même chose que les autres sinon t'étais mal vue, en fait, c'était un petit peu ça, des fois, le problème…
Ens: Oui, voilà, exactement, excessif, c'est-à dire que il y avait certaine choses qui avaient été décidées au sein de l'école il y
avait peut-être 20 ans en arrière et bien, il fallait les suivre, sinon tu étais mal vue. Et des choses toute bêtes, par exemple,
elles faisaient rien pour les promotions, les enseignantes, alors du coup nous on était obligés de rien faire, et nous on a fait
donc on a été mal vu, on a été critiqué parce qu'on faisait quelque chose. Et c'est la coutume, on ne fait pas parce que c'était
une fête ridicule et que c'était que pour l'Etat de Genève et que nous on trouvait que c'était dommage pour les enfants, et
donc, on a voulu casser la routine, on a été mal vu parce qu'on avait fait ça.
Etu: Et il n'y avait pas de nouvelles discussions par rapport à ça, par exemple à chaque fois qu'il y a de nouvelles
enseignantes, et bien on se voit…
Ens: Exactement, tout à fait. Après ce qu'il y avait c'est qu'on était trois nouvelles
enseignantes par rapport à…sept anciennes, et que des forts caractères et nous on arrive et c'est notre première année on sait
pas trop, c'est aussi ça le problème. Alors peut-être que maintenant, je me laisserais moins faire et…voilà….mais en même
temps, on s'est pas laissées faire, on a fait ce qu'on voulait mais…voilà, après tu es mal vu…ici, c'est vraiment pas le cas, ici,
c'est….chacune fait ce qu'il lui…mais c'est aussi parce qu'on est une plus grande école donc on a plus de liberté. Avant,
j'étais dans une petite école donc, voilà, …on était dix enseignantes au complet, il y avait la GNT et les duettistes…c'est vrai
que c'est le problème des petites écoles, c'est que ben…..tout se sait très vite…..et tu te sens un petit peu obligé de suivre le
rythme, de suivre les autres parce que sinon, tu te sens vite mis à l'écart. Alors, voilà, mais je dirai que là, vraiment, pour
moi, c'est pas l'idéal parce qu'on pourrait toujours faire mieux, comme je t'ai dis au niveau du suivi des élèves, donc ça je
pense que ça manque un peu, mais, à ce niveau là, du…du partage des…des… savoirs, du partage des expériences, du
partage du matériel, ça…c'est l'idéal.
Ens: Oui.
Ens: Qu'est-ce que j'entends par là. Alors, analyse de pratiques, moi je le vois autant, ben, de moi à moi, c'est-à-dire que je le
sens très bien quand j'ai fait quelque chose que…une activité qui marche pas, et ben je le sens tout de suite!, et là je me dis,
ben non, comment j'aurais du la faire, heu…pour moi, c'est vraiment réfléchir sur ce que j'ai fait, de moi à moi.
Ens: Alors, toujours! Alors, si je le fais pas consciemment, alors, voilà…..attention, je fais de l'analyse de pratiques! Mais
forcément, tu sens quand l'activité elle a pas marché et puis tu te dis, oui, forcément, j'aurai du faire comme ça, voilà. Et c'est
des choses, enfin, toutes bêtes, au niveau même organisationnel…..j'aurais pas du mettre celui-ci avec celui-ci ou….tout
bête, j'avais donné un exercice tout bête où il fallait découper…donc il fallait remettre les images dans l'ordre…donc là il y
avait le coin où il fallait recoller les images…je leur ai laissé la feuille comme ça où il y avait les images à coller/découper et
où il y avait les images à coller d'un côté, et ben, forcément, c'était le binz parce que forcément ils te découpent toute la
feuille….et donc, je me suis dit, la prochaine fois, je couperai moi-même pour séparer….et, j'ai laissé, ben, les premiers faire
comme ça et puis les autres, ben, j'ai découpé moi-même et ça allait beaucoup mieux…..donc c'est ça aussi…donc, c'est
alors, il y a aussi plusieurs analyses de pratiques, il y aussi celle qu'on fait sur le moment, quand tu te rends compte tout de
suite qu'il y a un problème, et tu régules… immédiatement, voilà, c'est vraiment dans l'urgence et puis il y a la régulation,
ben, oui, qui se fait après où tu te dis, ben ouais, l'année prochaine, quand j'aurai de nouveau des 1E je ferai pas ça.
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Ens: Voilà. Exactement. Et puis après, il y a l'analyse de pratiques avec mes collègues, ou ben des fois on réfléchit et on dit
ha, j'ai fait ça comme ça, ha, bien tiens, ça c'est intéressant ce qu'elle a fait, moi j'y suis pas encore…comment je pourrais
insérer ça dans mon programme…ou...ha, tiens, tu as dit ça, c'est bizarre tu as parlé de ça avec les parents, bon, comment tu
lui as dit….donc, voilà, moi je le vois comme avec moi-même mais aussi avec les collègues.
Etu: Par exemple, tu dis que vous préparez tout ensemble, si par exemple aujourd'hui vous avez fait telle ou telle fiche, est-
ce que, du coup, vous prenez un petit moment pour revenir dessus et dire est-ce que ça a été, est-ce que ça pas été…?
Ens: Alors, le problème, c'est qu'on fait pas exactement en même temps, puisque chacune, ben, gère son programme mais
disons, qu'on se dit, fais attention, celle-là, cette activité, elle est très difficile, elle marche pas ou la met pas en atelier parce
qu'ils ne sauront pas faire, ou, heu….celle-ci fais la en collectif, parce que ils y arrivent pas ou alors, celle-là, elle a très bien
marché…
Ens: Oui, exactement, on se passe comme ça, c'est au niveau de l'expérience. Après. Il faut toujours se méfier parce qu'alors
on a des groupes-classe différents. Ma collègue elle en a par exemple que 16 quand ils sont au complet et ils sont souvent
que 12, moi j'en ai 20 donc voilà! Donc, c'est des groupes différents, moi des choses peuvent ne pas marcher chez moi et
marcher chez elle et inversement donc, voilà…. il faut aussi se méfier….je pense que…voilà, de tout…de toi, de tes
collègues, quand même, ça vaut la peine d'essayer des fois des choses.
Etu: Donc, analyse de pratiques, tu as dit avec toi, avec tes collègues et puis tes collègues, c'est que les collègues…
Etu: Du même degré. Ca arrive qu'il y ait des analyses de pratiques école ou…moins souvent?
Ens: Pas tellement. Honnêtement, j'ai jamais fait l'expérience ici. Donc…je réfléchis, mais… d'analyse de
pratiques….hormis peut-être lors des suivis collégiaux qu'on va faire ensemble…
Ens: Alors toute l'école, mais pas le premier. Le premier c'est la directrice et toi…et l'enseignant. Du coup….alors, moi
j'attends de voir le deuxième trimestre quand…là, on va discuter tous ensemble des solutions qu'on peut envisager.
Etu: Et puis, c'est vrai, c'est le début de l'année, c'est ta première année, donc, heu…peut-être que tu sais pas…tu vois, il y a
peut-être des choses qui se font ou qui vont se faire…
Ens: Alors, exactement. C'est vrai que c'est ma première année ici, mais c'est vrai que….honnêtement, ben…avec les 2P
ou…..Alors, après, c'est vrai que j'ai beaucoup pris du matériel chez mes collègues qui avaient des 1E depuis 4 ans, donc qui
ont beaucoup de…et puis, on a discuté, ce qui était sympa de faire maintenant…des choses comme ça…de se donner des
conseils…mais c'est plus sous forme de conseils que vraiment de la réflexion sur sa pratique…je sais que c'est plus sous
forme de conseil, c'est pas vraiment….heu, pas encore…je trouve pas qu'il y en ait vraiment.
Etu: Et où as-tu été sensibilisée à cette analyse de pratiques? Dans ton parcours professionnel, privé…
Ens: A l'Université…parce que c'est ce qu'ils nous disent et nous rabâchent, mais c'est utile parce qu'après ça devient intuitif.
En même temps, je pense que si tu n'as pas ce regard qui est aiguisé, et…on nous force à le faire à l'Université, toujours…il
faut, ben…il faut sans cesse se critiquer à l'Université, on est d'accord?
Etu: Mmmh
Ens: Hein, l'essentiel des travaux, il faut beaucoup se critiquer…bon, heu, il faut aussi souligner les choses positives, mais,
heu…généralement, voilà, il y a beaucoup de choses qui n'ont pas été et c'est plus facile de les souligner, ce qui n'a pas
été…et bien, c'est vrai que après, et bien tu as un regard qui est aiguisé à ça et…puis…tu le fais intuitivement, t'as pas
besoin….tu te forces pas à le faire. Tu le fais….
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Ens: Voilà. Exactement. Et puis, au fur et à mesure, tu vois bien que…heu….tu vois bien que…ça se fait automatiquement,
c'est un automatisme de réfléchir sur ce tu viens de faire.
Etu: Donc, tu as déjà fait de l'analyse de pratiques, donc, comme tu as dit….un peu à l'Uni…un peu à l'école?
Ens: Donc, beaucoup à l'Uni….beaucoup à l'école, alors pas du tout sous la même forme, c'est vrai qu'à l'Uni…c'est très
formel, on remplit des tableaux, on fait des textes,…là, je le fais, ben…ben, sur le moment, après…mais c'est très intérieur,
on va dire. J'écris rien, je note rien, j'ai pas de cahier où j'écris, heu…
Etu: Et tu recherches des fois dans ta théorie ou du coup c'est beaucoup plus pratique?
Ens: C'est beaucoup plus pratique…… (rire)…j'ai honte! Non, jamais je vais
rechercher…heu…honnêtement, alors ce que j'ai juste récupéré de l'Université, que je dois rechercher, c'est…heu…des
séquences….que j'ai faites pendant mes stages….surtout pendant mes stages en responsabilité où tu en as beaucoup…alors,
garde les bien, c'est très utile parce que tu vas souvent repiocher pour des collègues…ah oui, tiens tu avais fait ça là-
dessus…un stage là-dessus, donc tu as les feuilles, donc oui, mais honnêtement, je vais pas….je pense que c'est ça aussi le
but, c'est que petit à petit, on intériorise tout ça et que après tu ais plus besoin de forcément aller regarder, …voilà.
Etu: Est-ce que tu penses que l'analyse de pratiques doit avoir une place dans un établissement?
Ens: C'est sûr! Je pense que oui, maintenant, c'est pas toujours facile de faire avec tous les enseignants de tout l'établissement
parce que plus on est nombreux, ben, moins t'arrives peut-être à exprimer tes expériences, plus tu as de peine, je pense
à…à…..comme avouer qu'il y a des choses qui se passent pas bien…c'est pas évident…donc, nous on est quoi, donc,
heu…17…c'est pas évident. Alors, oui, je pense qu'il faut faire de l'analyse de la pratique dans, au sein de l'établissement,
mais ça reste délicat…..parce que….c'est pas….voilà.
Etu: Et quelles sont un peu les modalités pour mettre en place l'analyse de pratiques dans le sens, quels sont les thèmes qu'on
traite, quelles sont les fonctions un peu de tout le monde, donc, vraiment les modalités pour…pour avoir de l'analyse de
pratiques dans un établissement?
Ens: Ben, les modalités, moi, je pense que j'ai un petit peu répondu en disant que, bah, je pense que tout l'établissement
ensemble, c'est pas une très bonne idée, je verrais plus une modalité sous forme de…avec les divisions…oui, pour séparer un
petit peu, parce que aussi c'est pas les mêmes problématiques en 5P qu'en 1E , donc, heu…moi, je verrais plus, heu, voilà,
séparer les deux divisions…..,même si je veux pas faire de cloi…heu…de cloisonnage, parce que….hmmm….ça sert à rien,
heu..les 2P et les 3P ont quand même besoin de se voir aussi pour faire le passage qui est difficile…ben c'est un des points de
notre projet d'établissement, mais….je pense que c'est quand même assez intéressant de…faire ça. Et puis, heu…..ce
que….les modalités, voilà, après le rôle de chacun, ben, moi, ce que je vois plutôt comme rôle, ben, on est tous les
enseignants et forcément il y aura la directrice.
Etu: Voilà, toi, est-ce que la directrice tu lui attribues un rôle plus particulier, est-ce que par exemple ce serait à elle, sans
regarder ta directrice maintenant à toi, en remontant un petit peu, est-ce que ce serait quelque chose que ce serait à elle
d'amener, par exemple l'analyse de pratiques dans une école, parce qu'il y a plein d'établissement où ça se pratique plus ou
moins, donc, est-ce que c'est quelque chose qui doit venir d'elle, des enseignants, enfin….d'où devrait venir un peu cette
demande?
Ens: Je pense que l'initiative quand on est aussi nombreux, je pense qu'elle doit venir d'elle. Après c'est pas pour lui
donner…..quoique ce soit…..mais je pense que heu…..c'est fédérateur, en fait que ça vienne d'une directrice, parce que c'est
elle qui rassemble tout l'établissement, c'est autour d'elle finalement qu'on se rassemble….oui, parce que moi, je vois pas
pourquoi j'irai travailler avec des 6P…enfin….on est d'accord. Donc, heu…..je pense qu'elle a un rôle à ce niveau là,
fédérateur, elle doit nous réunir tous, et à ce moment là, on pose les problèmes, on discute et etc...Sans elle, c'est un petit peu
difficile…je trouve, de s'organiser.
Etu: Donc, c'est quelque chose pour toi, qu'elle pourrait imposer à l'équipe? Par exemple, si on prend une école qui ne
collabore pas, enfin, qui ne fait pas du tout d'analyse de pratiques, est-ce que elle, elle pourrait arriver et puis venir imposer
ça à l'équipe?
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Ens: Ben, moi, comme je vois la collaboration, c'est si profitable, oui. Et puis, il y a des écoles où…enfin, il y a des
collègues qui ont vraiment souffert d'être dans des écoles où ça collabore pas mais pas du tout, pas du tout. Et c'est vrai que
c'est difficile….surtout, ben, quand on est jeune et qu'on débute. Je pense qu'après quand on a de l'expérience, on a
suffisamment de bagage et puis on a….mais je pense que c'est pas bon non plus de rester enfermé dans sa pratique, on est
d'accord. Mais je pense qu'effectivement, c'est difficile de la part des enseignants d'avoir cette initiative là parce que,
ben…le directeur ou la directrice a toujours plus de….c'est comme, heu…hiérarchiquement il est plus élevé donc, forcément,
il a le pouvoir de fédérer tout ça et d'imposer des choses mais là, ce serait même pas de l'imposer ce serait comme juste de
dire, ben voilà, on…je pense que dans notre cas, dans notre école à nous ça se passe plutôt sous forme de négociations. Si on
trouve l'idée intéressante, ben on la met en place, si il y en a qui trouve des réserves ben on…pourquoi pas, on changerait,
même les modalités.
Etu: Et puis selon toi, l'analyse de pratiques est-ce qu'elle doit, est-ce qu'elle peut avoir sa place dans un travail en équipe?
Ens: Elle doit pour moi. C'est sûr. De toute façon…le travail en équipe…ça dépend avec qui mais moi, je prends le cas où je
travaille avec mes collègues de 1E, heu…on fait sans cesse de l'analyse de pratiques, c'est-à-dire, on pourrait prendre nos
discussions, ce n'est que de l'analyse de pratiques. Pratiquement. A part quand on décompresse et qu'on rigole des choses qui
se sont passées dans la journée mais sinon, on parle que de ce qu'on a fait en classe, ce qui a marché, de ce qui a pas marché,
de tel élève de comment le gérer, de gérer les situations difficiles, heu…j'ai fait ça, qu'est-ce que t'en penses, j'ai fait ça, je
trouve que c'est pas très pertinent, qu'est-ce que t'en penses, heu… ha, je peux venir voir ce que tu as fait, ha d'accord, tu en
es là en mathématiques, heu…d'accord, tu utilises quel support, ben moi, j'utilise pas ça donc, voilà….c'est vraiment à ce
niveau là, je veux dire, ça doit…enfin, toutes nos conversations tournent autour de ça….c'est pas…on va pas gratter,
pourquoi ça n'a pas marché, on fait pas d'analyse de la situation, on est d'accord, mais on en parle, on l'évoque.
Etu: D'accord. Donc l'analyse de pratiques a des effets positifs sur le travail en équipe?
Ens: C'est sûr que l'organisation collective, elle favorise les élèves et les apprentissages parce que, heu…quand on fait des
ponts entre chaque degrés, entre chaque enseignants, forcément, ça favorise parce qu'on sait ce qu'ils ont fait avant, on sait ce
qu'ils vont faire après. Pour moi, ça me semble correct, en tout cas comme affirmation, nous c'est ce qu'on essaie de faire,
surtout avec les 2P/3P, là où le saut est important.
Ens: Tout à fait. Donc, c'est vrai que c'est là-dessus qu'on va mettre l'accent parce que….on voit qu'il y a beaucoup d'élèves
qui à la 3P…ben, heu… au début pataugent, parce que il y a un trop gros saut, parce que les manuels sont pas les mêmes,
heu…les exercices sont pas du tout libellés de la même manière, les mathématiques ça n'a rien à voir…il y a tout qui change,
c'est un très gros saut. Et du coup, ben…en favorisant ce passage là, je pense que ça favorise de toute façon les élèves et les
apprentissages. Mais ça, c'est valable, je pense dans tous les degrés…quand on passe de la 2E à la 1P, je pense que c'est
important de savoir ce qu'ils ont travaillé avant, c'est clair, pour moi ça me semble logique…après, la deuxième….
Ens: Dans le sens que là, ce qu'elle veut dire si j'ai bien compris, c'est-à-dire que là…on part de l'individu qui va aller…ça va
avoir un impact sur l'équipe, c'est ça?
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Etu: Voilà.
Ens: C'est sûr. C'est vrai. Moi, je pense que maintenant, il y a des individus qui se posent peut-être moins de questions, qui
se remettent moins en question aussi, alors ça je pense, c'est….alors, je sais pas…je parle un petit peu sans savoir
mais…mon avis à moi, je pense que plus on a d'expérience, moins on se remet en question. Parce que moins on a de doutes.
Oui, je pense. Après, je sais pas, heu….moi…je suis tout le temps en train de douter, est-ce que je fais juste, est-ce que je
suis dans le programme, est-ce que ce que je leur apprends c'est suffisant, est-ce qu'ils vont…enfin, quand je vais les passer,
quand ce sera la 2ème enfantine, ce que je n'espère pas, parce que j'espère les garder, mais en 1ère primaire est-ce qu'ils auront
le bagage nécessaire, est-ce que tous auront le bagage suffisant…après… je pense que avec l'expérience, ayant eu tous les
degrés, je pense qu'on se fait moins de soucis.
Ens: Peut-être pas m…mais différemment je pense. Mais, c'est pas plus mal. Parce qu'aussi c'est difficile, tout le temps le
doute, tout le temps se poser la question est-ce que c'est juste ce que je fais….enfin, voilà, c'est difficile aussi parce que c'est
une grosse perte de temps…enfin, une grosse perte de temps, non, mais…parce que réfléchir c'est jamais perdu mais…je
pense qu'avec l'âge et l'expérience peut-être qu'on a tendance à….se reposer un peu sur ses lauriers, finalement…mais aussi
parce que l'expérience elle est là et on sait ce qui marche et ce qui marche pas…il y a moins tout ce cheminement à
faire…moi, je vois ça comme un cheminement, la réflexivité, c'est-à-dire que je pense qu'en début de carrière on en a
beaucoup besoin. C'est nécessaire. Parce que sinon, on fait pas du bon travail, je pense que c'est ça. Et puis, petit à petit, avec
l'expérience, ben, on en a moins besoin, mais c'est pas pour ça qu'on en fait moins, mais je pense qu'on en a moins besoin.
Mais effectivement, la réflexivité de chacun, c'est sûr que c'est important au niveau de l'équipe, ça c'est clair. Et puis après…
Ens: Alors, ça aussi, parce que moi, je pense qu'il n'y a pas de projet…un projet, forcément, ça soulève des problématiques,
puisque c'est en fonction des questions, des problématiques qu'on a. Donc, forcément, si chacun a réfléchi, si on a réfléchi en
groupe, on va arriver à …on va faire émerger certaines problématiques, certaines questions, et du coup, ben, on va pouvoir
mener des projets, coopérer, ben… autour de thèmes, et de…de choses en commun. Donc, voilà. Je sais pas si j'ai bien…
Etu: Oui, oui, c'est très bien. Donc, je vais revenir dessus mais je pense que tu as déjà répondu, c'est de savoir un petit peu
d'où te viennent toutes tes représentations sur…par rapport à l'analyse de pratiques, travail en collaboration, etc.…enfin, c'est
des choses qui viennent de l'Uni surtout?
Ens: Mmh, de l'Uni surtout, heu…..fff….c'est-à-dire l'Uni aussi mais il faut aussi être conscient que ça dépend beaucoup de
l'établissement où on est, parce que….heu….quand on….quand on arrive dans un établissement, ben, il faut suivre le
mouvement….et…ça dépend beaucoup des établissements. Donc, c'est vrai que toi, t'as beau, heu….alors, après, je parle
pour l'analyse…quand tu veux faire avec tes collègues, au niveau de la coopération, au niveau de la collaboration que tu peux
avoir avec tes collègues, ça dépend des établissements. Maintenant, moi, mes représentations viennent beaucoup de
l'Université et puis j'ai la chance d'être dans des établissements où on collaborait, où on collabore beaucoup, donc, c'est vrai
que j'ai une grande expérience de la collaboration et moi, je l'apprécie particulièrement….alors, moi je ne conçois pas mon
métier sans la collaboration, ça de toute façon, moi je serais pas…ça me paniquerait, heu….d'être toute seule, chose qui
m'arrivera peut-être moins quand j'aurai fait tous les degrés, je saurai par…où passer.
Etu: Bon, ben moi je suis au bout. Je ne sais pas si tu as envie de rajouter quelque chose.
Ens: Heu…il y a peut-être une question où j'avais pas répondu, c'était par rapport aux sujets qu'on pourrait traiter lors de
l'analyse de pratique, c'est ça, hein?
Etu: Oui.
Ens: Donc, si on fait en équipe moi, je pense que les sujets qu'on peut aborder, c'est ceux déjà au niveau de l'école, des
problématiques…nous on a une grosse problématique, c'est au niveau de la charte de l'école, on a des enfants, ben…on
trouve qu'ils ne respectent aucune règles, et puis ce qu'on a mis en place, c'est une charte avec des sanctions qui sont valables
pour toute l'école, donc…et puis il y a un peu de la délation, donc, nous, si on voit un élève qui fait quelque chose qui n'est
pas correct par rapport à la charte, ben, on doit le dénoncer à son enseignante qui lui fera une punition…donc qui sont
surveillés…
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Ens: Exactement, c'est vraiment au sein de l'équipe, c'est pas c'est tes élèves donc tu te débrouilles, on essaie vraiment que ce
soit, oui, la responsabilité de chacun. Donc, il y a ça, donc, je pense que les problèmes liés à tout ce qui est civilité, savoir
être, savoir-vivre, ça, ce sont des questions qu'on peut travailler ça de manière à réfléchir sur nos pratiques aussi, comment
on peut amener nos élèves à devenir des citoyens, ben, corrects. Et on a aussi…on est en train de réfléchir à des ateliers de
civilité, je ne sais pas si Mme E. vous en a parlé, mais c'est des enseignants qui se réunissent pour réfléchir, qu'est-ce qu'on
pourrait mettre en place pour créer des ateliers de civilité où certains enfants participeraient, donc, voilà, toujours dans le
même objectif.
Etu: Donc, vous vous voyez quand même toute l'école? Tu m'as dit tout à l'heure que tu ne trouvais pas d'exemple…il y a
quand même des moments où vous…
Ens: Oui, mais, non, c'est seulement quelques enseignants…..deux enseignants en division élémentaire et deux enseignants
en division moyenne, voilà, par exemple, c'est des choses comme ça. Après les moments où on se voit tous, c'est les TTC.
C'est tout. Où on ne fait pas de la réflexivité…..donc, et puis d'autres sujets, je pense que ce serait, heu….vraiment, ben,
après, il y a au niveau didactique, ça c'est clair que c'est LE gros sujet, comment on pourrait aborder certaines notions, mais
c'est toujours délicat en équipe, c'est-à-dire qu'on est 17, et…de la 1E à la 6P, comment on fait, au niveau didactique? Et puis,
aussi au niveau de la problématique des élèves, ce qui est fait aussi au niveau, ben c'est le suivi collégial, on est d'accord.
Mais, je trouve qu'on n’intervient pas assez souvent, mais c'est vrai aussi qu'après c'est pénible d'avoir tout le temps des
réunions, tout le monde, on peut pas…Donc, c'est vrai qu'au niveau de l'établissement, je vois pas quelle réunion on a en
dehors de TTC, et là, c'est vrai qu'on réfléchit aussi….les TTC, le problème, il faut le faire mais c'est de l'organisationnel,
c'est très administratif….à mon niveau, quand je rentre dans ma classe après un TTC, je me dis pas je vais changer ça, faut
que je fasse comme ça, voilà….ça, je pense, en fait que, on l'a très bien dit, on a moins de TTC dans l'année parce que on est
sensés se voir en équipe pédagogique pour discuter de ces problèmes là, après, on le fait, on le fait pas, nous on le fait
souvent parce qu'on est tout le temps en train de parler de ce qu'on a fait ou de ce qu'on va faire….
Ens: C'est pas des moments fixés et ça, peut-être qu'on devrait le faire, pour se dire, voilà, chacune, heu…..c'est vrai que ça
pourrait être sympa….mais ça fait beaucoup de choses imposées et c'est vrai que les gens, ils ont un peu de peine des fois
avec ça, moi, ça me pose pas de soucis mais c'est vrai que…ça peut poser problème.
169
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Ces tableaux ont été un outil de travail qui nous a permis de remplir le Tableau
d’analyse des données II. En effet, il s’agissait de rechercher et de classer les réponses des
personnes interviewées afin de pouvoir, par la suite, les analyser dans le chapitre VI de ce
mémoire : Analyse des données recueillies.
Il est important de lire ces tableaux avant le Tableau d’analyse des données II, car ils
permettent de comprendre les abréviations de ce dernier.
Biotypologie
Parcours professionnel
Origine des
Etudes Années d'enseignement Postes occupés représentations
- LME : Licence - EP : entrée dans la profession - EP : enseignement primaire (DM, DE) - FI : formation
mention enseignement (1-4 ans) - EPS : enseignement primaire, division initiale
- Epéd : études - EM : expérience moyenne (5- spécialisée - EP : expériences
pédagogiques (GE, 10 ans) - APP : postes d'appui (GNT…) personnelles
VD) - EA : expérience avancée (dès - MP ou RE : maître principal ou - FC : formation
- LIC : Licence 11 ans) responsable d'école continue
Sciences de l'éducation - FC : fonction cadre dans l'enseignement - EPF : expériences
ou Psychologie (direction, inspectorat, ressources professionnelles
- SUP : suppléance humaines…)
- HEP : Haute Ecole - FO : formateur
Pédagogique - TS : postes divers dans le travail social
Travail en équipe
Description de l'équipe
Apports positifs ou Attentes personnelles
Définition Particularités
négatifs
- Coordination (administratif) - EP : échanges - Coordination (administratif)
- Collaboration (partage des personnels - Collaboration (partage des
ressources, entre-aide) - EPF : échanges ressources, entre-aide)
- Collaboration partielle (partage sur professionnels - Collaboration partielle (partage
un domaine seulement) - NC : niveau de sur un domaine seulement)
- Coopération (partage des élèves, collaboration (non = -, - Coopération (partage des élèves,
projet commun) interdegré = +, projet commun)
- Coopération partielle (partage des multidegré = ++) - Coopération partielle (partage des
élèves ou projet commun) - CO : cohésion élèves ou projet commun)
d'équipe
170
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Analyse de pratiques
171
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Biotypologies
Parcours professionnel
Etablissement
Interview n°
Fonction
Etudes pédagogiques 30 ans Enseignement dans quartier difficile Pas dans la formation initiale
genevoises Maîtresse d'appui Evolution au long de son expérience. On apprend beaucoup de
Maîtresse principale choses sur le terrain.
1 A Dir. Directrice depuis 18 mois Formations continues, nombreuses lectures, intéressée à la
rénovation
C'est la nécessité qui fait changer
Intérêts personnels
LME 7ème année Enseignante en division moyenne Université
2 A Ens.
Personnalité
LME 2 ans 2P (50%) + 1E (50%) Formation initiale
Equipe de collaboration. Ca dépend beaucoup des
3 A Ens.
établissements. Quand on arrive dans un établissement, il faut
suivre le mouvement.
LME 5 ans Division élémentaire Personnel : camps vacances
4 A Ens.
Caractère
Etudes pédagogiques GE 19 ans : enseignante DE FAPSE
Licence universitaire : 4 ans : directrice GNT tous degrés FORDIF
5 B Dir.
FAPSE MP+RE C'est très lié à l'Université
Formatrice de terrain Beaucoup moins en formation du CEFEP
LME 3 ans Remplacements en spécialisé (7 ans) Formation initiale
6 B Ens. DS Formation du spécialisé
Observations en stage (ex. suivi collégial)
LMRI 2 ans 2E (50%) + 3P (50%) Formation initiale
7 B Ens.
LME 1E Milieu privé : beaucoup d'enseignants donc beaucoup
172
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
2P d'échanges.
Etudes pédagogiques GE + de 30 ans DS : (institutions, appuis, "petits",
Formations continues
"grands")
Expérience professionnelle
8 B Ens.
Lectures (revues)
En institution : expériences tellement fortes, ça s'imprime.
Licence en psychologie 5 ans : centre de jour 8 ans : animatrice socio-culturelle Formation sur le tas
expérimentale 10 ans : responsable pédagogique d’un Lectures
Diplôme en psychologie centre de jour Outils de psychologue utiles pour l’analyse de pratiques
9 C Dir.
clinique 2 ans : formatrice de l’enseignement
Etudes pédagogiques en spécialisé
enseignement spécialisé 1 ans : directrice d’école
LME 1 année de Enseignante spécialisée Expériences personnelles qui l’ont poussée à réfléchir, à
remplacement chercher des ressources pour s’en sortir
10 C Ens.
3ème année Personnalité, personne sociale
d’enseignement Formation pour les enseignants de division spécialisée
LME 4ème année Division élémentaire Scout équipe qui fonctionne, préparation de projet
11 C Ens. Parents dans le social, qui fonctionnent avec la réflexivité
Université
Etudes pédagogiques 4 ans d’enseignement Division moyenne Parcours scolaire, en tant qu’élève
10 ans de congé GNT Parcours professionnel
4 ans de Responsable d’école Etre formatrice de terrain, échanges avec les stagiaires
12 C Ens.
remplacement
15ème année
d’enseignement
Brevet d’instituteur Enseignement dans des classes niveau Echanges avec des praticiens d’horizon très divers (école
vaudois cycle pendant dix ans privée)
Enseignant dans une école privée, Concept récent, pas présent dans sa formation initiale
13 D Dir. niveau cycle Pas d’expérience formelle de l’analyse de pratiques, des
Doyen de cette école pendant huit ans démarches plutôt intuitives
Directeur d’école depuis une année et
demie
Licence en Sciences de 14 ans 1 an de remplacement longue durée C'est très personnel. Je fonctionne comme ça.
l'éducation (FAPSE) DE Il y a toujours au fond de soi quelque chose qui fait qu'on se
Formations en cours DM demande si c'est bien, si on est dans un équilibre….c'est la
14 D Ens.
d'emploi pour DE même démarche que si on décide de faire une thérapie.
enseignement et MP pendant 2 ans Manque dans sa formation initiale d'une articulation théorie-
changement de division pratique et analytique, mais c'est dans ma personnalité.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Travail en équipe
Description de l'équipe
Etablissement
Interview n°
Fonction
Attentes personnelles
Définition Points positifs Points négatifs
Equipe particulière car Bon partage, habitude de prendre ses Nouveaux enseignants chaque Equipe qui se pose les bonnes questions,
extrêmement jeune dans responsabilités année : temps d'adaptation prête à collaborer, prête à prendre des
l'ensemble Fonctionnent tout seul, mais responsabilités et qui les reconnaît (Dans
Bien soudée, tourne bien, apprécient d'avoir une direction de certaines équipes, il y a un directeur ;
1 A Dir. sans moi d'ailleurs proximité et viennent beaucoup vers alors, il fait tout. Ca s'entend régulièrement
Chacun doit créer sa place moi. Je suis un support de plus. dans les équipes.)
dans l'équipe et ce n'est pas Direction comme ressource,
évident accompagnement.
Grande équipe : 16 classes Collaboration Collaboration inter-degré au niveau C’est un partage ; c’est pour évoluer, pour
Structure d’accueil pour les Cohérence dans l’équipe des apprentissages, tous les avancer, pour réfléchir sur sa pratique.
enfants malentendants Respect des uns et des autres : on est enseignants ne collaborent pas Satisfaite de son équipe, difficile d’imaginer
une équipe qui collabore, qui travaille forcément mieux !
ensemble. On a des idées qui se
2 A Ens. regroupent pas mal sur la manière de
voir l’enseignement, de voir notre
profession. On a quand même des
fortes têtes. On dit ce qu’on pense,
mais on s’écoute. Il y a un respect au
sein de l’équipe.
Dynamique, jeune, beaucoup Partage du matériel et des ressources : Réduction de sa marge de Plus de discussions par rapport à nos élèves
de propositions de toute En 1E, c'est un avantage considérable manœuvre : si tu veux travailler Décloisonnements, groupes de besoin,
l'école de se répartir les tâches. tout seul, tu es tête brulée. discussions collectives
Collabore par degrés, Planification commune
3 A Ens.
planification commune Grande liberté, indépendance dans la
Partage du savoir, partage collaboration
des expériences, partage du
matériel
175
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Pas mal de changements au Bonne dynamique Manque d’implication de certaines Plus de décloisonnements groupes de
niveau des enseignants Bonne cohésion personnes dans des projets moins niveau / groupes de besoin, projet construit
4 A Ens. Equipe jeune Motivés pour le travail en équipe scolaires mettre en place des et préparé et de façon continue, habituelle
Enseignants mangent souvent priorités, prendre du temps pour les
ensemble à midi projets autres que math et français
Demande de REP et de Les enfants sont fiers d'appartenir à Difficulté de concilier les Gagner en cohérence d'un degré à l'autre
direction venant des cette école représentations de tous Créer un sentiment d'appartenance dans
enseignants (équipe de Ca marche bien. Il y a toujours des Pression de l'institution ressentie une communauté. Au sens large, comprend
volontaires) volontaires pour des commissions ou comme lourde par l'équipe les parents et les élèves
10 EPP, nouvel éducateur, des sous-commissions, toujours des Difficulté de concilier autonomie de Si les enfants sentent cette cohésion, il n'y a
nouveau groupement idées pour les élèves. chacun (ex: Les études surveillées, pas d'espaces où ils peuvent se faufiler et
spécialisé : volonté de tout tout le monde les veut, mais provoquer des tensions.
créer ensemble, projet personne ne veut s'en occuper. Ca
5 B Dir. fondateur pose aussi la question des devoirs.
Objectifs communs, grand Il faut être cohérent.)
respect, échanges nombreux Négociation permanente : Jusqu'à
Négociation permanente : quel point c'est l'équipe qui passe
rien n'est jamais acquis, se en premier, jusqu'à quel point c'est
reposer régulièrement des soi-même qui passe en premier ?
questions, attention à la Arrangements : travail permanent
surcharge des enseignants C'est toujours les mêmes. Certains
ont beaucoup donné.
Bonne collaboration avec Effet très fort du projet REP sur Séparation DM/DE pour les TTC : Satisfaite de ce type de travail en équipe.
collègue de DS, double l'équipe On n'est pas toujours au courant Oui, je me sens bien comme ça.
regard Culture d'école très forte de ce qu'il se passe; les bonnes
Bonne collaboration avec Intégration des élèves en division idées
DM pour intégration des ordinaire facilitée. Les enseignants
6 B Ens. élèves en DS sont pour.
Peu de collaboration avec Forte intégration des nouveaux
DE: pas d'élèves de cet âge- collaborateurs
là Confiance, parole aisée. On ose se
TTC DM autour des dire des choses. Il y a de la
échanges de pratiques confiance.
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Collabore surtout avec DE, Bon niveau d'échanges entre tous les Commentaires non adressés à la Besoin de suivi collégial ; moments plus
mais se sent aussi à l'aise enseignants personne concernée : Il y a des officiels pour discuter des cas d'élèves
avec DM Bonne écoute de la directrice critiques. Tu les ressens parfois. Avoir des moments d'échange de pratiques
Bon niveau de collaboration Possibilité de contacter le SMP en cas Quelles sont les limites de ce qu'on pour plus d'ouverture, de nouveauté
surtout au niveau de besoin peut dire sans dévoiler le secret
7 B Ens. professionnel. On se sent professionnel ?
écouté ; pas de peur du Ce sont des exemples pour donner
jugement des exemples, sinon….
Il y a l'éducateur, ce qui est
très riche
Bonne équipe, sincère, droite Recherche de cohérence du point de Manque d'échanges au niveau On pourrait améliorer dans les moyens,
Sur le plan pédagogique: vue éducatif avec les enfants pédagogique: c'est difficile de se moins d'élèves dans les classes
étroite collaboration avec Tentatives pour échanger au niveau mettre à nu pour parler en équipe Ne pas avoir peur du jugement des autres
8 B Ens.
collègue de DS, échanges pédagogique Considère le niveau de collaboration comme
plus formels avec autres excellent
enseignants
REP Projet d’école pour rassembler les Les idées ne sont pas mises en Le travail en équipe est indispensable pour
Deux écoles enseignants communes aider les élèves en difficulté
35 enseignants Collaboration par degrés Pas d’implication au niveau de Mener des réflexions communes
Première école : l’équipe Moi c’est des choses qui me tiennent à cœur,
Divisions bien séparées Pratiques individuelles mais pour ça, ça veut dire qu’il faut avoir
Pas de collaboration Pas de dynamique de partage, ni de une équipe prête à partager là-dessus et à
Difficulté d’accepter l’arrivée travail d’équipe s’engager par rapport à ça. Euh….
9 C Dir. du directeur Par peur de la critique, certaines travailler en équipe pour moi ça veut pas
Deuxième école : personnes ne s’exposent jamais, ne dire tout faire ensemble ni faire forcément
Habitude de travailler en s’ouvrent pas au groupe trente-six milles décloisonnements dans
équipe l’année. Ca voudrait dire plutôt partager des
réflexions en commun et puis pour utiliser
une expression un peu banale, c’est tirer à la
même corde en sachant où on va et ce que
veut atteindre comme objectifs.
Avoir un but commun
REP Grande collaboration avec sa collègue Scission géographique entre C’est pas un métier où t’es seul. Ca devrait
3 divisions présentes de la division spécialisée division moyenne et élémentaire pas être un métier où t’es seul.
10 C Ens. Obligation de collaborer car Manières différentes de travailler, Alors pour moi, du fait que je suis en
certains élèves de division conceptions de l’enseignement division spécialisée, le travail d’équipe, ça
spécialisée sont en intégration différentes tensions s’impose, c’est pas un choix.
177
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
dans les classes ordinaires Pas de règlement commun Pour moi c’est pas forcément faire des
Rien que le fait d’intégrer nos pourtant on est neuf LME dans décloisonnements tout le temps, c’est juste
élèves, on peut pas non j’ai l’école, c’est énorme. Et peut-être qu’on puisse se retrouver sur certaines
pas envie, donc pour moi ça qu’en effet c’est trop, je sais pas. bases, élémentaires. règlement d’école
s’impose, c’est même pas un Moi j’aurais bien vu une école où y commun
choix a vraiment un petit peu de tout Oui, juste qu’on avance ensemble dans la
TTC administratif, pas pédagogique même direction, vraiment. Après pour moi
On fait du travail commun parce qu’on ait des manières différentes de
qu’on est en REP. Pas parce que travailler, c’est pas le souci. Justement, c’est
c’est une envie d’équipe. complémentaire.
REP Soudée Petite équipe au bout d’un Les attentes sont remplies par l’équipe dans
9 classes Dynamique moment on a fait le tour laquelle il travaille
Equipe jeune Qualité d’écoute et de partage Réfléchir ensemble soit à des problèmes
Relations amicales Investissement dans des projets individuels, soit à des problèmes d’école
11 C Ens. Projet d’établissement entre Pouvoir s’exprimer librement
deux écoles : même projet,
mais pas mêmes actions, pas
de collaboration entre les
deux écoles
Equipe mobilisée pour la Bons rapports Lassitude causée par un manque de Ne pas tout faire ensemble pas
rénovation et le REP Projets en commun ou par division mouvement décloisonner par exemple
Petite équipe Travail entre degrés proches Tendance à s’enfermer dans sa Plus de travail de fond
Bons échanges informels pour aider à classe à cause des difficultés Moi je pense qu’on peut plus maintenant
surmonter le quotidien rencontrées travailler autrement qu’en équipe
12 C Ens.
Pas tous les enseignants ont la Le travail en équipe doit être un travail
même vision de l’enseignement pédagogique
En ce qui concerne l’analyse de
pratiques, on n’est pas au top
niveau
Beaucoup d’enseignants Unité forte dans la conduite des élèves Equipe ancienne, mêmes schémas toutes les difficultés et toutes les tensions
Deux divisions, une classe (règlement, conflit, coup de main, …) depuis longtemps difficulté qu’il y a autour de l’instauration des
d’accueil Travail par deux, par groupes de d’introduire de nouvelles idées directeurs et directrices d’établissement
Beaucoup de femmes mêmes degrés Travail en équipe moins présente au On va de toute façon devoir travailler en
13 D Dir. Moyenne d’âge élevée Travail en groupe plutôt dans la niveau des pratiques équipe avec les projets d’établissement, plus
Beaucoup d’enseignants de division élémentaire professionnelles que ça ne s’est jamais pratiqué dans ce type
la commune Projet d’établissement pousse à la d’établissement.
Ecole qui n’a pas été en collaboration Favoriser le TE par le projet d'établissement
rénovation Changements progressifs vers plus de
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Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
collaboration
Faire attention aux susceptibilités
2 équipes distinctes DE/DM Au niveau humain, on s'entend tous Scission de vision DM/DE au Partage, échanges, se sentir rassurés, moins
Plus à l'aise en DE, bon bien, bon soutien, même sur le plan niveau pédagogique seuls
soutien, entente, privé Regard difficile de la DM sur la DE Emulation, richesse des parcours, de
collaboration, écoute Ca change un peu, il y a des départs l'expérience des autres et de l'échange
Travail toujours pas paires, et des nouvelles arrivées, attend du Amélioration de cette scission entre DE/DM
14 D Ens. même en DM mais moins de changement par ce biais et par des (ex. stages des 3P en 2P mais n'a pas suffit,
compétition enseignants qui ont eu des volées projet avec dir., sur volontariat, de faire des
Mauvaise compréhension des d'élèves en DE -> bons effets stages plus approfondis des DM en DE et
DM de la DE (ex. tensions inversement voir comment les autres
au moment du passage fonctionnent
2P/3P
Fonctionnement très différent Arrivée de la direction: plus de travail Manque de liberté de parole par Plus d'échanges entre même degrés, avec
entre DM et DE sur le plan en équipe avec les deux divisions rapport à certains caractères, chaque degré représenté par rapport à ce
cohésion, entente et Rapprochement entre les deux d'autres personnes se sentiront qu'on fait dans la classe, les échanges de
harmonie divisions moins à l'aise de le faire pratiques, les échanges d'expériences
Sur le plan école on va tous Mésententes personnelles on aussi; sur le plan didactique et
dans le même sens, on marche un peu sur des œufs administratif mais aussi pédagogique
regarde tous dans la même Bruits de couloirs Tours de parole plus de place pour chacun;
15 D Ens. direction Enseignants en place depuis temps de parole si les séances sont trop
Priorité donnée aux élèves, longtemps considérés comme ayant courtes
pas forcément à notre plus de pouvoir
confort personnel On tire plus sur le côté didactique
Attention particulière au que pédagogique
relationnel, entente générale
quant aux comportements
attendus
Il y a pire, il y a mieux! En évolution grâce au PE Fortes personnalités qui dominent Travail en sous-groupes
Il faut travailler un petit peu Très bonne collaboration entre mêmes qui s'imposent, qui mènent un petit Apports d'idées
des fois quand on amène des degrés peu les discussions Echanges de points de vue au-delà d'un
idées nouvelles mais Ne peut pas confier ses soucis à échange de pratiques
16 D Ens.
finalement ça prend quand tous le monde il y a certaines Chacun a son mot à dire
même personnes avec qui je peux
Collaboration entre mêmes librement parler et puis d'autres…
degrés Fortes différences entre divisions
Plus de projets en DM (explique cela à cause des objectifs
Partage des ressources (ex. plus importants en DM)
179
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Petite équipe, 1 degré par Entre- aide Pas beaucoup de collaboration Travail en équipe efficace, pas perdre de
classe Pouvoir poser des questions librement mais : moi ça me dérange pas temps
Equipe sympa, j’ai bien été Echanges de matériel personnellement car j’aime bien Apport de points de vue différents, d’idées
19 E Ens. accueillie Collaboration avec la duettiste au travailler toute seule Echanges de matériel
Sentiment de petites tensions niveau des planifications, des
qui datent car équipe assez évaluations, le quotidien
ancienne
Petite équipe Bonne entente Pas de temps pour le travail en Ca serait changer sur notre façon de faire,
1 degré par classe Echange de matériel équipe ça serait créer des documents ensemble et
Travail en équipe : inexistant TTC administratif et non pratiquer ce qu’on a créé avec un retour
depuis 2ans, depuis la mise en pédagogique ensemble
place des directeurs Pas le temps pour faire des séances Qu’il y ait vraiment un échange verbal, pas
20 E Ens.
Les rapports entre enseignants pédagogiques seulement un échange de matériel
ont changé dus aux enjeux Pas de degré identique pas Avoir plusieurs regards sur un même enfant
nouveaux de la mise en place d’intérêt de travailler ensemble pour Eviter les jugements sur une façon de faire,
de directeur: méfiance préparer les leçons par exemple sur le programme mis en place par ses
collègues
180
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Analyse de pratiques
Fonction
Définition Formation et expérience Place de l'AP Face à l'AP Modalités de mise en place
Collaboration Formations continues dans Place évidente dans un Inévitable dans notre Avec quelqu'un de l'extérieur,
Se mettre ensemble et son ancienne équipe établissement. projet d'établissement participation de la direction possible.
discuter sur un sujet Besoin de changement A prévoir dans le projet pour discuter de ses Encouragements et relances de la
quelconque ou une Rénovation mouvement, d'établissement représentations et direction: .c'est les directeurs qui
problématique. qui s'est étendu Pratique l'AP avec un pratiques, se mettre doivent gentiment amener cette
L’analyse de pratiques, collège de directeurs d'accord démarche, il faut y aller sur des
c'est un plus, ça ne veut Ne pas réinventer la œufs.
pas dire qu'une équipe roue! Essayer Tous les sujets, mais entrées simples
qui n'a pas fonctionné d'approfondir la pour débuter, biais sympa, concret,
1 A Dir.
de cette manière-là n'est réflexion. intéressant, attractif pour les
pas une équipe de bons A envie de suivre des appâter
enseignants formations pour Direction comme ressource, mise en
La réflexivité n'est pas augmenter ses valeur des compétences des
une compétence compétences en AP: enseignants, guidage et désatayage
Une façon de booster la pas encore assez une Formation des directeurs et des
réflexion autour du personne ressource enseignants dans l'AP
métier, de la façon de le pour mon équipe
pratiquer.
Retour sur sa pratique, ce Université : analyse à L’analyse de pratiques a sa Que les journées soient Seul ou en équipe
qui a marché, ce qui n’a priori, à posteriori, regard place dans un établissement plus longues pour Avant, après et pendant la leçon
pas marché réflexif sur sa pratique scolaire qu’on puisse le faire. Formel / informel
But : progression Réunion pédagogique à Si on ne revient pas sur sa Rôle du directeur : personne
L’analyse de pratiques l’école : où on discute de pratique c’est qu’on est sûr ressource
2 A Ens. devrait être une certains thèmes, les devoirs, de soi, de ce qu’on fait et
compétence du métier les études surveillées, le qu’on n’a pas besoin
d’enseignant français, la lecture, peu d’évoluer, ça fait un peu
importe, à ce moment-là, prétentieux.
chacun amène un peu de
son bagage, on en discute,
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Démarche réflexive de Formation initiale c'était Indispensable c'est sûr! Intimité pour s'exposer Séparer les divisions pas les mêmes
moi à moi plus formalisé Pas facile avec tous les plus on est nombreux, problématiques
Souvent implicite, travail enseignants de moins tu arrives peut- Enseignants et directeur
inconscient l'établissement, trop être à exprimer tes Initiative de la direction parce que
Réflexion dans l'action nombreux expériences, plus tu as c'est fédérateur, pouvoir
et sur l'action Délicat de la peine à…comme hiérarchique, peut imposer la
avouer qu'il y a des négociation
3 A Ens. choses qui ne se Sujets: incivilités, charte commune,
passent pas bien didactiques en petits groupes
Equipes pédagogiques: ce serait bien
de s'organiser des réunions plus
formelles pour travailler plus en
profondeur
Attention à la surcharge si trop de
réunions ou trop de choses imposées
Réfléchir sur sa pratique Formation continue avec L’analyse de pratiques a sa Plus formel Sujets : didactiques, transversaux
Se poser des questions l’analyse de pratiques place dans l’établissement Evaluation de l’équipe Peut être menée pas des enseignants
sur sa séquence comme support Pour une trame de suivi / du décloisonnement Avec la directrice
Plutôt didactique Suivis collégiaux collégial par exemple après coup
représentation il y a une
année
4 A Ens.
Etude de cas
représentation actuelle
après une formation sur
l’analyse de pratiques
Importance du cadre
Se fait tout le temps de
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Quelque chose qu'on ne Pas d'expérience formalisée mes nouvelles activités retour, c'est assez Modalités personnelles, selon les
se rend pas vraiment Discussions informelles Discussions informelles important individus, sauf s'il y a
compte qu'on fait, on le entre collègues et amis entre collègues Dans le cahier des disfonctionnement
fait assez naturellement professionnels Avec direction 2x par an, charges, officiel, ça Je n'aimerai pas avoir de grilles à
Besoin de se poser deux présence en classe et me paraît trop mais le remplir
minutes. Ca dépend des analyse, discussion solliciter grandement Niveau relationnel, scolaire, avec le
personnes, pas tout le quand un enseignant reste des professionnels
monde a besoin, ça ne va pas
dépend des valeurs Pour pouvoir
s'enrichir, s'améliorer
et varier
On a déjà beaucoup:
surcharge
Pas toujours facile il faut Formation continue On le fait tout le temps, N'arrive pas à Confiance = postulat de départ
se mettre à nu Se construit tout au long de sans le savoir toujours concevoir qu'on puisse Coordination de la direction, permet
Fonctionner à la la carrière, sur le terrain. Synthèses en équipe DS, travailler sans faire de d'élargir à tous les enseignants de
Winnicott, en spirale, Se fait partout, cet ex: analyse de situations l'AP l'établissement
8 B Ens.
pouvoir revenir sur les échange => AP A encourager, obliger non
choses qu'on a Place essentielle dans un On devrait pouvoir tout aborder, en
travaillées, pour affiner établissement, outil qui général on rentre par l'éducatif puis
les approches permet d'avancer il y a un glissement vers le
Lien entre théorie et pédagogique
pratique
Définition de l’analyse de Formatrice pour les L’analyse de pratiques a sa Rechercher de l’aide Un meneur externe à l’équipe
pratiques type étude de enseignants spécialisés place au sein de auprès des autres Rôle du directeur : favoriser l’analyse
cas Réseaux d’échanges de l’établissement : La directeurs au sujet de de pratiques
Apports théorie - pratique pratiques au niveau des question que je me suis certaines choses pour Amener des thèmes, des
directeurs posée c’est : est-ce que lesquelles il n’est pas problématiques plutôt que de dire aux
c’est moi qui doit au clair. Par exemple, enseignants qu’on va faire de
l’amener ? Parce que moi comment se passe un l’analyse de pratiques
9 C Dir. j’ai quand même une suivi collégial ? Certain thème d’analyse de pratiques
fonction hiérarchique dans ressource pourraient être obligatoires pour tous
l’équipe donc c’est pas Faire attention pour ne les enseignants sur le temps d’un
évident pour les gens peut pas tourner en rond TTC
être d’amener toujours C’est ce qu’on mettait en avant
leurs problématiques s’ils quand j’étais formatrice, c’est de
savent qu’ils pourraient définir bien le cadre et le contexte de
être jugés par rapport à confidentialité, le respect entre les
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on peut l'échanger formations diverses qui aller de soi dans collègues Tous les sujets, toutes les personnes
permettent un retour sur l'enseignement (y compris hors établissement)
sa pratique C'est toujours un plus
Discussion avec directeur, Richesse des échanges
retour réflexif sur sa divers avec personnes
pratique toutes provenances
Une remise en question Formation initiale c'est Ca touche les gens Ne se sent pas Direction comme guide, garant,
et un travail sur soi et quand même une différemment, c'est plutôt incompétent en pilote des discussions, apport de
sur ce qu'on propose compétence qui me un travail cherchant des avis références
C'est plutôt un travail semblait plus ou moins Indissociable du métier on extérieurs Démarche couteuse en temps
individuel, avec quand acquise parce que c'était est constamment obligé de Trouver des outils qui Nécessité de légitimer ce qu'on fait
même quelques apports quelque chose que je se remettre en question permettent d'avancer
mais peut-être pas pour faisais au préalable (type Tout dépend de ce qu'on par rapport à des
tout l'établissement de personnalité) met dans la "pratique" situations, trouver des
16 D Ens.
Formation continue on a Il y a des collègues qui sont réponses pour adapter
travaillé sur des cas fictifs plus dans cette démarche son enseignement
Formation spécifique sur la là, ils le prennent comme Travail personnel je ne
dyslexie à cause d’un de une atteinte personnelle vois pas la pertinence
ses élèves il y a tout un s'ils n'arrivent pas à de travailler ça en
aménagement à faire et ça résoudre publi…en équipe
amène à réfléchir sur sa
pratique
Echanger sur ses Inspecteur : échanges entre L’analyse de pratiques Ca doit venir des gens, Entrée par le projet d’établissement
pratiques : pas seulement inspecteurs au moment devrait avoir une place dans on ne peut pas imposer ou les formations continues
dire ce qu’on fait, mais ce d’une arrivée massive de l’établissement, mais ça ça aux enseignants Meneur de l’analyse de pratiques
qu’on aimerait, voir ce nouveaux inspecteurs j’arrive pas encore à voir Les enseignants ne extérieur
qui est réalisable besoin, nécessité comment voient pas un effet Place délicate du directeur à cause du
Aller observer un Expériences privées direct de l’analyse de statut hiérarchique
collègue dans sa classe sportives pratiques dans leur Dans l’idéal, travail par équipe
difficile à mettre en place, classe peu d’intérêts d’établissement et non par équipe
17 E Dir.
enseignants pas encore Ca viendra petit à petit d’école
prêts Initiation en formations Ne pas avoir des groupes de travail
Pas seulement exposer ce continues trop grand, une dizaine d’enseignants,
qu’on fait, mais chercher pas plus
pourquoi on le fait
L’analyse de pratiques
aboutissement de
l’échange de pratiques
188
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Echange de pratiques : Echange de pratiques lors Oui. Moi j’aimerais bien un L’analyse de pratiques Le directeur ne peut pas imposer
chacun à des choses des deux ans de formation à superviseur, ça me manque devrait être une culture l’analyse de pratiques, ça doit venir
intéressantes à apporter, l’enseignement primaire : du social. Il faut l’initier, mais de l’extérieur, pas de la hiérarchie !
ça donne des pistes échanges en confiance, pas l’imposer Echanges de pratiques plus formel,
apports didactiques et Pas obliger les plus réguliers
transversaux enseignants, ça sert à Consacrer une TTC tous les
Beaucoup d’échanges au rien ! trimestres par exemple et choisir un
social, sous forme de Etre moins seule dans sujet
supervision : obligatoire ! son travail quotidien Sujets : plutôt transversaux, pas
18 E Ens. Supervision : un spécialiste didactiques (didactique plutôt en
de la question vient et mène formation continue)
cet échange de pratiques Mettre un cadre, une ambiance
dans un climat de confiance Apprendre aux gens à communiquer
et sans jugements et donne d’une certaine façon
des pistes habitude du
métier
Formation continue sur la
violence
Projet d’établissement
Je sais pas si on peut Echange de pratiques au C’est pas indispensable Etre une petite équipe Lors de TTC
s’analyser soi-même, séminaire d’intégration, dans une école car c’est Pas trop souvent : je Avec toute l’équipe pour avoir une
pour moi ce serait mais très peu quelque chose qui se fait pense que ça vision de toute les divisions
quelque chose à faire en 3 matinées dans l’année en intuitivement et de façon m’ennuierait assez vite Sans le directeur, avoir un meneur
groupe tant qu’EPP de première informelle pendant la d’en faire tout le temps extérieur à l’école
Chacun apporte ce qu’on année (Nouveau!) récréation par exemple quand même
fait en classe, on analyse, échange sur les pratiques L’analyse de pratiques a Besoin d’échange de
chacun dit ce qu’il en avec apports de théorie une place importante durant pratiques, mais pas
19 E Ens. pense et puis on apporte première vraie la formation d’analyse de pratiques !
et on prend des choses sensibilisation !
qu’apportent les autres Lors du projet
On fait un retour sur une d’établissement, présence
pratique, on analyse d’un formateur de
vraiment l’OSTEPE
Le directeur qui vient dans la
classe
Suivis collégiaux
De se voir soi-même Retour et analyse de son Oui. Si on collaborait, ça Personnes volontaires Entre personnes de l'établissement,
20 E Ens.
fonctionner en classe enseignement lors du congé serait bien d’en parler. Deux fois par année pas entre personnes de l'école
189
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Qu’est-ce qui a maternité pour laisser les choses Rôle du directeur : dépend du type de
fonctionné / pas Formation personnelle mûrir directeur pédagogique ou
fonctionné Réflexion sur sa place hiérarchique. Elle ne pensait pas que
Se surveiller face à sa dans l’équipe, comment le directeur avait un rôle aussi
charge de travail (vécu un on se sent dans l’équipe évaluateur ! Effet pervers de la
burn-out), savoir dire hiérarchie.
stop, s’arrêter Définir clairement les rôles de chacun
Ne pas vouloir tout Avoir un médiateur au sein de
réussir parfaitement, aussi l’équipe
être satisfait de ce qu’on a Préparer quelque chose ensemble,
fait c’est un métier où puis revenir dessus
on a quand même C’est valorisant de présenter quelque
beaucoup de branches chose de nouveau
différentes et c’est
difficile d’être au point
partout
190
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Fonction
Elle peut, elle doit ça dépend des J'y crois! Ca me parait évident Il faut encore l'obtenir C'est tout à fait exact,
équipes. cette réflexivité. c'est une ressource, ça
Doit se négocier dans les équipes C'est essentiel mais ce c'est clair.
Etre attentif à la surcharge de n'est pas facile à obtenir
travail et à la pression sur les et c'est ce qui peut
enseignants provoquer des
1 A Dir.
résistances dans une
équipe.
Les jeunes générations
sont plus ouvertes à ces
démarches que les
anciennes générations.
Oui, sous la forme qu’est-ce qui a Cela amène des bons échanges D’accord avec la D’accord avec la D’accord avec la
marché / pas marché Bénéfique sur le climat général citation : Car tout est bon citation : En même citation : Oui. Par ce que
Mes attentes seraient que cela se de l’équipe à prendre des autres, on temps, sans analyse je ne vois pas comment
fasse, que ce soit obligatoire, je apprend des autres, etc., collective ou autre, il n’y on peut faire des
trouve ça un peu dur, mais en donc oui. Maintenant je a pas tellement de travail démarches de projets
même temps, si c’est pas fait, je veux pas dire que si on en équipe. Je vois pas sans avoir analysé sa
pense que c’est un manque de prépare des choses seul, trop comment sans ça on pratique. On part de rien
2 A Ens.
travail parce que ça fait partie de et qu’il n’y pas peut bien travailler en sinon.
notre travail. d’organisation collective, équipe. Non, si on travail
que les élèves sont en équipe, on réfléchit
défavorisés. Mais c’est ensemble, sinon c’est pas
un plus, donc je suis du travail en équipe.
d’accord avec cette
phrase.
3 A Ens. Elle doit. On fait sans cesse de Effets positifs Tout à fait! C'est sûr, c'est vrai. Un projet, forcément, ça
191
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
l'AP, on pourrait prendre nos Ex: changement de Il y a des individus qui soulève des
discussion, ce n'est que de l'AP degré des élèves et la se posent peut-être problématiques
concertation nécessaire moins de questions, plus Réfléchir en groupe ->
des enseignants à ce on a d'expérience moins amener, soulever des
moment on se pose de questions problématiques ->
Ressent le doute comme coopérer, mener des
difficile, si permanent projets
c'est une grosse perte de
temps
Besoin de réflexivité en
début de carrière puis
besoin de moins en
moins mais c'est pas
pour ça qu'on en fait
moins
Oui. Peut avoir un effet positif si c’est Oui ! Les actions Oui. Oui.
continu / un rituel pédagogiques favorisent Si on réfléchit pas sur
Bons échanges, donc bonne les apprentissages soi, on avance pas
entente, bonne entente, donc Si on regroupe certains
bons échanges ! degrés par exemple, ben
les plus jeunes en
apprennent et les plus
âgés apprennent aussi
mais peut-être plus dans
4 A Ens.
le transversal, et se
sentent valorisés, mine
de rien. Et puis pour les
plus jeunes d’avoir
envie de faire comme.
Décloisonnement : les
élèves aussi voient ce
que les autres font dans
leur classe
Importante mais ne pas tout Cohérence d'équipe Ca c'est sûr, il faut un Oui, il faut que chacun Ma question c'est, est-ce
miser là-dessus. Savoir la doser minimum de cohérence, soit partie prenante! qu'on peut vraiment
5 B Dir. et la rendre utile nous on réfléchit Chacun doit se faire cette AP seul?
Vrai travail en équipe: inévitable beaucoup à ça. Ex. plan positionner par rapport Ne se sent pas assez
de faire de l'AP de travail, conseils à ce qu'il fait sinon ça formée pour servir de
192
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Dès qu'on s'ouvre aux autres d'école, présentations de n'a pas de sens ressource
dans une équipe…. l'évaluation,
vouvoiement depuis la
3P: si c'est sur plusieurs
années, c'est plus
simple, pas besoin de
recommencer chaque
année, habitude pour
les élèves et pour les
parents
Oui, il me semble, je ne vois pas Si elle se passe dans le respect On le fait au quotidien, Oui, d'accord Oui, d'accord avec les
comment on peut collaborer des autres, oui, ça peut c'est très important. trois
sans s'arrêter sur ce qu'on fait. contribuer à l'esprit d'équipe, si Tout en gardant sa Ex. décloisonnement de
C'est essentiel pour enrichir ses ça tourne à "tu as eu tort", liberté jeu => après on a fait
savoirs d'expérience. On peut "t'aurais pu", ça pourrait être un bilan de ce que les
6 B Ens.
pas avoir une créativité destructeur élèves ont appris, il
extraordinaire tout le temps Sentiment d'être sous contrôle faudrait après chaque
Lien avec la théorie devrait être par ses collègues => dévastateur travail comme ça qu'on
toujours fait par les enseignants Cadre serein analyse ce qu'il s'est
passé
Si une équipe ne fait pas d'AP, ce Permet de donner un D'accord Demande une réflexion Oui
ne sera pas forcément une enseignement plus varié, plus personnelle de chaque
mauvaise équipe complet enseignant, donc, oui,
mais pas toujours
7 B Ens.
Je peux réfléchir pour
moi et pas forcément
après aller en parler
aux autres
Elle doit sinon on fonctionne Personnes qui réfléchissent, c'est Postulats de base sur Oui, c'est normal mais C'est une évidence
avec des œillères ou en toute riche dans un groupe lesquelles une équipe un être trop réflexif quand on parle de
puissance doit absolument se dans une équipe peut projet.
Quelque chose qui se fait dans mettre d'accord: gêner, selon des
des réunions, plus difficile de se cohérence vis-à-vis des études…
8 B Ens.
mettre à nu enfants au niveau Comment on propose sa
éducatif réflexion, ça peut être
Au plan pédagogique, il mal reçu, la manière
faut arriver à la d'imposer cette
différenciation, chose réflexion.
193
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
194
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
que si l’équipe est soudée c’est Maintenant ce qu’on de projet à la fin de permet de lancer des
aussi parce qu’on arrive à parler constate, c’est que ça ne chaque année, en gros projets. En réfléchissant
de nos problèmes et à essayer de marche pas toujours, chacune réfléchit sur son sur ces projets on
les résoudre ensemble mais qu’en quand même. bilan avant qu’on mette continue de souder
fait c’est aussi parce que l’équipe nos réflexions en l’équipe et on continue.
est soudée qu’on y arrive et elle commun.
se soude parce qu’on en parle
L’analyse de pratiques a une Sur certain projet, l’équipe peut Elle me correspond Oui, ça c’est sûr. Oui !
place importante dans une équipe se dessouder bien !
L’analyse de pratiques peut
apporter une implication des
12 C Ens.
enseignants au niveau de tous les
élèves
Situations plus faciles à vivre
Cohérence de l’école
Pas besoin de l’analyse de Ouvrir les enseignants à d’autres D’accord, mais il ne D’accord Pas assez d’expérience
pratiques pour travailler en pratiques, les pousser à réfléchir, suffit pas seulement pour y répondre, mais
groupe, ou alors je me trompe et enrichir leurs expériences, même d’une action collective pour lui, c’est
13 D Dir.
on en fait systématiquement sans si tout va bien dans leur classe pour favoriser les souhaitable
s’en rendre compte, mais non par confort, ils n’explorent plus apprentissages des élèves
formalisé
Devrait être présente Je pense que ça pourrait mais je Oui, tout à fait d'accord Oui, chacun doit Oui, plus on réfléchit,
Je pense qu'on le fait un peu, ne sais pas comment l'amener ex. décloisonnements, s'investir, c'est l'apport plus c'est précieux
dans le suivi des maîtres par C'est imposable mais comment groupes de niveaux de chacun Ne sait pas si c'est des
14 D Ens.
exemple. C'est le début d'un ce sera perçu? cours, de la formation,
échange pour trouver des Plus grandes idées de la notion …à propos de
solutions. d'équipe, effet du non-jugement l'expérience de l'AP
C'est un plus pour avancer, non Peut-être aussi négatif, mais le C'est clair, on est au Oui, très important, Aussi, mais même si on
seulement bien mais aussi peut- plus souvent positif service des élèves surtout quand on est ne pratique pas l'AP, on
être plus vite Quand on a analysé le pour et le une grande équipe peut quand
Cohérence face aux parents et à contre d'une situation, c'est C'est comme la cuisine, même....mais je reste
l'Institution si discuté ensemble qu'on en a retiré le meilleur. Ca avec plus d'ingrédients, d'accord parce qu'il y a
15 D Ens. des problématiques, ex: a aura fait avancer le c'est meilleur! le mot développer
comportements généraux des "schmilblick", provoquer les
élèves choses
L'AP ça ouvre aussi sur d'autres
choses que la vie
professionnelle, on découvre
195
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
196
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
197
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Biotypologies
Parcours professionnel
Etablissement
Interview n°
Fonction
EP EPF
Epéd.
1 A Dir. BM APP EP
MP FC
LME FI
2 A Ens. MM EP
EP
LME FI
3 A Ens. EP EP
EPF
LME
4 A Ens. MM EP EP (personnalité)
EP
Epéd APP
FI
5 B Dir. LIC BM MP/RE
FC (direction)
FO
LME FI
6 B Ens. EP EPS
FC (spécialisé)
LIC
FI
7 B Ens. LME EP EP
EP
Epéd EPS FC
8 B Ens. BM
APP EPF (spécialisé)
LIC FI
TS
9 C Dir. + ens. Spécialisé MM EPF (psychologie, spécialisé)
FC
EP
10 C Ens. LME EP EPS EP
198
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
FC (spécialisé)
EP
11 C Ens. EP EPS
LME FI (spécialisé)
EP
BM EP
12 C Ens. Epéd. APP
EPF (être formateur de terrain)
RE
EP (privé, secondaire)
Epéd.
13 D Dir. BM FC EPF (échanges)
LIC EP EP (personnalité)
14 D Ens. BM
MP EPF
FI
15 D Ens. EP EP
HEP EP
LME EP
16 D Ens. EP FI
APP
Epéd. EP EPF
17 E Dir. BM
FC EP
TS
SUPP EPF
18 E Ens. MM EP
FI (supp.)
APP
LME FI
19 E Ens. EP EP
FC
Epéd.
20 E Ens. BM EP EP (personnalité)
199
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Travail en équipe
Description de l'équipe
Etablissement
Interview n°
Fonction
Attentes personnelles
Définition Positif/négatif Particularités
200
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
201
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
202
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Analyse de pratiques
Fonction
Définition Formation et expérience Place de l'AP Face à l'AP Modalités de mise en place
Autre : temps
Sujets traités : didactiques, transversaux
Formation continue : Pas satisfait
4 A Ens. Analyse de pratiques Elle doit avoir sa place. Rôle du directeur : présent
analyse de pratiques plus formel
Meneur de la séance : interne à l’école
203
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Autre : temps
Sujets traités : didactiques, transversaux
204
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
analyse de pratiques autres enseignants Autre : confiance, temps, faire des concessions,
plus souvent cadre, petits groupes, pas imposable
plus formel
Formation initiale : Rôle du directeur : personne ressource
Analyse réflexive analyse réflexive
11 C Ens. Elle doit avoir sa place. Satisfait Sur la demande : enseignants
Echange de pratiques Formation continue
échange de pratiques Autre : informel, confiance
Rôle du directeur : présent
Formation continue :
12 C Ens. Analyse de pratiques rénovation Elle doit avoir sa place. Satisfait Sur la demande : du directeur
analyse de pratiques
Meneur de la séance : obligatoire, temps
Rôle du directeur : ?
205
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
206
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Fonction
D’accord
Elle peut avoir une place / doit avoir
1 A Dir. Effet positif D’accord peut provoquer des D’accord
une place dépend des équipes
résistances dans une équipe
D’accord D’accord
Effet positif D’accord
Elle doit avoir sa place à imposer si travail en équipe, obligé d’analyser sa
2 Ens. bons échanges tout est bon à prendre des
aux équipes forcément présence de pratique pour faire des
climat de l’équipe autres
réflexion démarches de projet
D’accord D’accord
3 A Ens. Elle doit avoir sa place Effet positif échanges au moment du le besoin en réflexivité D’accord
changement des degrés baisse avec l’expérience
Effet positif si c’est un rituel
bonne entente, donc bons D’accord
4 A Ens. Elle doit avoir sa place échanges D’accord si pas de réflexion sur D’accord
bons échanges, donc bonne soi, on n’avance pas
entente
D’accord, mais peut-on faire
Effet positif
5 B Dire. Elle doit avoir sa place D’accord D’accord de l’analyse de pratiques
cohérence d’équipe
seul ?
Effet positif si pas de jugement
D’accord
6 B Ens. Elle doit avoir sa place D’accord D’accord
on le fait au quotidien
Effet négatif si jugement
Effet positif
D’accord, mais pas toujours,
7 B Ens. Elle peut avoir sa place enseignement plus varié D’accord D’accord
je peux aussi réfléchir seul
enseignement plus complet
D’accord
Effet positif D’accord D’accord, c’est une
8 B Ens. Elle doit avoir sa place attention de ne pas
réflexivité cohérence de l’équipe évidence pour les projets
imposer sa réflexion aux
207
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
208
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
pour le métier
Effet positif
développe le respect
Elle doit / peut avoir sa place,
18 E Ens. cohésion D’accord D’accord D’accord
dépend de l’équipe
solidarité
soutien
Ne pense pas que l’analyse
de pratiques est
indispensable à la
D’accord
coopération.
19 E Ens. Elle doit avoir sa place Ne sait pas suivis collégiaux D’accord
recherche de cohérence
L’analyse de pratiques
certains en ont besoin,
d’autres pas.
Effet positif
rapprochement entre les
Elle doit avoir sa place, s’il y a de la personnes de l’équipe
20 E Ens. D’accord D’accord D’accord
confiance valorisation de la fonction
sentiment de soutien
ne pas se sentir seul
209
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
IX) i. Questionnaire
Voici le questionnaire qui a été donné aux enseignants et directeurs avant les entretiens.
Mettre une croix entre 0 et 12 (sur les lignes), le 0 étant pas du tout d’accord et le 12 tout à fait d’accord
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Un travail qui se fait de façon individuelle.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Compenser la légèreté de la formation
professionnelle.
0 12 Ne sais pas
Favoriser l'accumulation de savoirs 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
d'expériences.
0 12 Ne sais pas
Accréditer une évolution vers la 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
professionnalisation.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Trouver des justifications théoriques à son
action.
0 12 Ne sais pas
Préparer à assumer une responsabilité 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
politique et éthique.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Répondre à la demande de nos supérieurs
hiérarchiques.
0 12 Ne sais pas
Permettre de faire face à la complexité 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
croissante des tâches.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Aider à vivre un métier impossible.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Une clause du cahier des charges de
l’enseignant / directeur.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Partager des idées.
210
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Ouvrir à la coopération avec des collègues.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Répondre à une demande de l'institution.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Accroître les capacités d'innovation.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Suivre une mode.
Mettre une croix entre 0 et 12 (sur les lignes), le 0 étant pas du tout d’accord et le 12 tout à fait d’accord
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Une dimension de la vie quotidienne et de la
conversation.
0 12 Ne sais pas
Une réunion obligatoire avec tous les 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
enseignants de l’école afin de discuter de
différents sujets.
0 12 Ne sais pas
Un mode sophistiqué d’évaluation des 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
compétences.
0 12 Ne sais pas
Un moment de partage entre des enseignants 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
de différents degrés.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
L’apprentissage et/ou la mobilisation de
compétences telles que : observer, analyser,
formaliser, écouter, évoluer,…
0 12 Ne sais pas
Un outil favorisant le développement 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
professionnel.
211
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Un moyen de partager ses pratiques.
0 12 Ne sais pas
Un changement identitaire et une remise en 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
question.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Du temps perdu : les problèmes des autres ne
m’intéressent pas.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Un point de départ d’une réflexion sur les
valeurs et l’éthique de l’action.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Une utopie : ça fonctionne dans les livres,
mais pas sur le terrain.
0 12 Ne sais pas
Etre capable de parler de soi et de ses 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
pratiques.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Un lien entre connaissances théoriques et
pratiques.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Une attente de l'institution.
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Une thérapie individuelle ou collective
déguisée en formation continue.
212
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Mettre une croix entre 0 et 12 (sur les lignes), le 0 étant pas du tout d’accord et le 12 tout à fait d’accord
0 12 Ne sais pas
Concevoir et organiser entre collègues en 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
majorité les fêtes et autres événements
ponctuant la vie de l'établissement
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Décider collectivement de qui bénéficie des
ressources allouées à l'établissement
0 12 Ne sais pas
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
Apprendre et évoluer à partir de ses
contacts avec ses collègues
0 12 Ne sais pas
Enseigner en équipe avec les accords en 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
amont, durant et après les moments de co-
présence
0 12 Ne sais pas
Construire une solide base de 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11
connaissances collectives et de confiance
réciproque et partager les mêmes objectifs
213
IX) j. Tableau récapitulatif des réponses au questionnaire - A
Interviews n°
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
215
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
De 0-3 pas du tout d’accord : 1 De 4-6 plutôt pas d’accord : 2 De 7-9 plutôt d’accord : 3 De 10-12 tout à fait d’accord : 4
Interviews n°
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
216
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
217
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
De 0-3 pas du tout d’accord : 1 De 4-6 plutôt pas d’accord : 2 De 7-9 plutôt d’accord : 3 De 10-12 tout à fait d’accord : 4
? ne sait pas
Interviews n°
1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20
Identité
? 1 2 2 4 4 2 3 1 2 1 1 1 3 1 2 1 1 2 1
afin de discuter de différents sujets
218
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
1 4 4 4 3 3 4 4 1 3 4 2 4 4 1 2 3 3 3 4
et autres événements ponctuant la vie de l'établissement
Décider collectivement de qui bénéficie des ressources
1 3 4 3 2 3 2 4 2 2 4 1 1 3 1 1 3 2 1 4
allouées à l'établissement
Mettre en commun ses ressources et compétences et
idées
Partage des
3 4 4 4 4 4 3 4 4 3 4 3 3 4 3 4 4 4 4 3
collègues
Construire une solide base de connaissances collectives et de
4 4 4 4 4 4 4 4 4 3 4 4 2 4 3 4 4 4 4 4
confiance réciproque et partager les mêmes objectifs
Impliquer l'équipe enseignante non seulement dans une
ides élèves
Partage
219
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Oui: 95%
Ouvrir à la coopération avec des collègues 0 0 1 6 13 Non: 5%
Nsp: 0
Oui: 15%
Un travail qui se fait de façon individuelle 0 6 11 3 0 Non: 85%
Nsp:0
Oui: 10%
Identité personnelle
Oui: 20%
Préparer à assumer une responsabilité politique et éthique 9 3 4 2 2 Non: 35%
Nsp: 45%
Oui: 90%
Permettre de faire face à la complexité croissante des tâches 0 0 2 7 11 Non: 10%
Nsp: 0
Oui: 35%
profe
ssion
Ident
nelle
ité
220
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Oui: 25%
Aider à vivre un métier impossible 2 12 1 2 3 Non: 65%
Nsp: 10%
Oui: 20%
Encourager à affronter l'irréductible altérité de l'apprenant 10 1 5 2 2 Non: 30%
Nsp: 50%
Oui: 30%
Répondre à la demande de nos supérieurs hiérarchiques 1 8 5 4 2 Non: 65%
Nsp: 5%
Institution
Oui: 35%
Une clause du cahier des charges de l’enseignant / directeur 2 9 2 4 3 Non: 55%
Nsp: 10%
Oui: 30%
Répondre à une demande de l'institution 1 8 5 4 2 Non: 65%
Nsp: 5%
Oui: 5%
Suivre une mode 0 18 1 1 0 Non: 95%
Nsp:0
A votre avis, l’analyse de pratiques c’est:
Oui: 60%
Une dimension de la vie quotidienne et de la conversation 1 5 2 5 7 Non: 35%
Nsp: 5%
Oui: 100%
professionnelle
Nsp: 0
Oui: 70%
Un point de départ d’une réflexion sur les valeurs et l’éthique de
0 2 4 8 6 Non: 30%
l’action
Nsp: 0
Oui: 80%
Un lien entre connaissances théoriques et pratiques 2 0 2 10 6 Non: 10%
Nsp: 10%
Oui: 20%
Une réunion obligatoire avec tous les enseignants de l’école afin
Institution
1 9 6 2 2 Non: 75%
de discuter de différents sujets
Nsp: 5%
Un devoir dans le cahier des charges des enseignants : je le fais Oui: 5%
2 16 1 0 1
parce que je suis obligé Non: 85%
221
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nsp: 10%
Oui: 5%
Une utopie : ça fonctionne dans les livres, mais pas sur le terrain 2 15 2 1 0 Non: 85%
Nsp: 10%
Oui: 35%
Une attente de l'institution 1 9 3 5 2 Non: 60%
Nsp: 5%
Oui: 15%
Compétences professionnelles
Oui: 75%
Partage des
0 3 2 6 9 Non: 25%
autres événements ponctuant la vie de l'établissement
Nsp: 0
Décider collectivement de qui bénéficie des ressources allouées à Oui: 45%
0 6 5 5 4
l'établissement Non: 55%
222
Denise Aebersold Aguzzi et Corinne Lambrigger Mémoire de licence - juin 2010
Nsp: 0
Partage des Mettre en commun ses ressources et compétences et planifier des Oui: 90%
séquences d'enseignement avec des collègues titulaires du même 0 0 2 4 14 Non: 10%
idées
degré Nsp: 0
Discuter des sujets qui ne suscitent pas de désaccord sur le plan Oui: 5%
professionnel afin de garder un consensus nécessaire au bien-être 0 16 3 0 1 Non: 95%
des acteurs l'établissement Nsp: 0
Oui: 100%
Partage des
Nsp: 0
Oui: 95%
Construire une solide base de connaissances collectives et de
0 0 1 2 17 Non: 5%
confiance réciproque et partager les mêmes objectifs
Nsp: 0
Impliquer l'équipe enseignante non seulement dans une Oui: 85%
Partage des
223