Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
chercheur débutnnt, Guide d'ittitintion au traaqil intellectuel, Toronto, Oxford University Press, 1989,
p.2-15.
1.
L'un des premiers exercices demandés à I'étudiant lorsqu'il s'inscrit à un cours universitaire est
de se livrer à l'étude d'un ouvrage scientifique. Les avantages de cet exercice sont nombreux:
découvrir les travaux d'un chercheur, apprécier les subtilités de sa réflexion; se mettre au
diapason de la science ; assimiler de nouvelles connaissances ; se familiariser avec des façons de
faire, des méthodes de travail, des procédés d'analyse.
Dans la majorité des cas, c'est à travers la rédaction d'un compte rendu de lecture que le jeune
chercheur procède à l'étude de I'ouvrage qui lui est suggéré. De toute évidence, il s'agit là,
probablement, du meilleur exercice permettant à l'étudiant d'acquérir un savoir, de s'initier aux
contraintes de la démarche méthodique et rigoureuse, d'aiguiser son esprit critique et de
développer son autonomie intellectuelle.
C'est précisément I'objet de ce chapitre que d'introduire aux problèmes posés par la rédaction
d'un compte rendu de lecture. Après avoir précisé en quoi consiste cet exercice intellectuel ($1),
nous formulerons quelques conseils permettant de le réaliser convenablement ($2). Ces conseils
prendront deux formes: I'explicitation d'une démarche méthodique et systématique de travail;
I'indication de quelques trucs sans prétention mais efficaces. Le chapitre sera complété par des
exemples de comptes rendus rédigés conformément aux recommandations prescrites ($3). Enfin,
un tableau schématique permettra de récapituler les principaux acquis du chapitre.
Le compte rendu de lecture constitue un support efficace de diffusion du savoir dans les milieux
de la recherche parce qu'il informe le lecteur du contenu et de I'intérêt d'un ouvrage sans que
celui-ci ait nécessairement à en prendre connaissance complètement. À une époque où, par sa
quantité, la production scientifique dépasse de loin les capacités de lecture du spécialiste le plus
zélê, le compte rendu permet au lecteur de se tenir à jour, d'inventorier un maximum d'ouvrages
(ou de publications) en un minimum de temps. Il s'agit donc d'un des meilleurs moyens
d'augmenter la productivité intellectuelle du chercheur.
Le compte rendu de lecture est un exercice qui exige énormément d'attention, beaucoup de rigueur,
un grand effort de synthèse et un esprit critique développé. Il nécessite aussi, de la part du
recenseur, une bonne connaissance du contexte de production de I'ouvrage évalué, une
connaissance minimale du profil intellectuel de son (ou de ses) auteur(s) et une connaissance
approfondie du débat large (théorique, méthodologique, historiographique ou politique) au sein
duquel s'inscrit cet ouvrage.
Le compte rendu se distingue du simple résumé de lecture par la distance relative que doit prendre
le recenseur par rapport à I'ouvrage évalué. En effet, le compte rendu ne consiste pas exclusivement
en la répétition condensée du contenu d'un volume. Il s'agit plutôt d'accéder à la structure
fondamentale de ce volume, à ses propriétés distinctives, à certaines de ses caractéristiques non
immédiatement visibles la thèse avancée, I'intention de I'auteur, la progression du raisonnement/
etc. Cette distance relative exige du recenseur plusieurs niveaux de lecture. On en compte trois
34
un bon compte rendu est ordinairement composé de trois parties' une première
qui situe
troisième qui I'apprécie'
l,ouvrage ; unå deuxième qui le dissèque et en révèle le contenu; et une
par
Soyons honnête: il n,y a pas une méthode universelle, déclassant toutes les autres et acceptée
l,ensemble des chercheurs, permettant de réaliser un comPte rendu de lecture' L'expérience
démontre cepen e caractéristiques récurrentes se retrouvent dans la très
grande majorité proposée ici repose sur la prise en compte de ces
caractéristiques ois suivant un patron logique allant du général
au particulier.
Identifier les buts visés et les limites fixées par un auteur à son proiet et à sa démarche' cela
préciser les traits distinctifs d'un ouvrage, cela veut dire mettre en relief les particularités qui
une pertinence et un
caractérisent et différencient cet ouvra8e, qui lui donnent une originalité,
intérêt spécifiques.
précisons qu,il est également possible d'exposer certains jugements critiques de façon ponctuelle'
une lacune' une
ailleurs q,, a tu torjte fin du compte rendu, Par exemple pour identifier
ou typographique'
contradiction, une incohérence, une erreur, une faute grammaticale
Auant Ia lecture
et attentive de I'ouvrage
Contrairement à ce que l,on pense, le travail précédant la lecture intégrale
recensé est très important, dans certains cas, déterminant'
Il apparaît ainsi essentiel de connaître un tant soit peu I'auteur de l'ouvrage évalué: connaître
ses
les réseaux professionnels
travaux, les sujets sur lesquels il a écrit, son cheminement intellectuel,
sur plusieurs
dont il fait partie, etc. Il s'agit en effet d'indices susceptibles de nous renseigner
u texie et le style de l'écriture, I'approche
reuve utilisée, etc. Un ouvrage rêdigé
m ne Peut être aPPrécié de la même
a politique extérieure des Etats-Unis,
ît.
Mais
Certes,il n'est pas toujours facile de trouvel des renseignements sur I'auteur d'un ouvrage'
on peut s'en tirer en exploitant diverses sources d
biographique apparaissant souvent sur la jaquett
Penions également au catalogue auteur des gra
donner la liste des autres publications d'un auteur
(publiés ou inédits) de
l,ouvrage recensé qui, souvent, laisse apparaître une liste des travaux
par exemplele Dictionnøire pratique
I'auteur. Enfin, certains répertoires et dicti,onnaires spécialisés,
des notices biographiques pour une foule
des auteurs québécois ltVtontreal, Fides, 1976), présentent
efficace aura toujours sous la main
d'auteurs plus ou moins connus. Évidemmént, un chercheur
le Petit 2. Précisons enfin que certaines
un dictionnaire des noms propfes, paf exemple Robert
porr"d*t dei fichiers centralisés de notices biographiques qui peuvent
grandes bibliothèque,
être d'un grand secours pour Ie recenseur'
précisément les
une façon d'identifier rapidement le thème abordé par un ouvfaSe, de connaître
à quel public il s'adresse
intentions de l,auteur, d" ."r.r", la méthodologie dont il se sert, de savoir
à lire attentivement
et d,avoir une idée du plan suivi et de I'ariiculation des parties, consiste
Un" bonrr" introduction donne habituellement toutes ces informations en
l,introduction du volume.
non d'une lecture
les justifiant. Cette lecture attentive de I'introduction est la condition
sine qua
peut être complétée par
compréhensive du volume. Dans certains cas, la lecture de I'introduction
I étuàe minutieuse de la table des matières lorsqu'elle est détaillée.
Pendant la lecture
de lecture pour bien se
Le recenseur chargé d,évaluer un ouvraSe doit s'astreindre à trois niveaux
à s'effectuer d'un
pénétrer du contenu du volume. Avec lbxpérience, ce travail en vient toutefois
seul coup.
sous-partie par une phtase ou un mot clé. Ce travail est fondamental: il permet de ne rien oublier et
rend possible la diitinction immédiate entre l'essentiel et l'accessoire. Un exemple de lecture
d'assimilation incorporant un travail de défrichage est donné à la page suivante.
Le deuxième niveau de lecture consiste en une compréhension de la démarche suivie par l'auteur,
en une acceptation de ses choix et de ses intentions, et en une compréhension du raisonnement et
de la démonstration qu'il effectue. Au terme de cette lecture, le recenseur peut répondre aux
questions suivantes : comment I'auteur s'y prend-il pour dire les choses dans son ouvrage ? Quel
cheminement suit-il pour les dire ? Quels sont les limites qu'il assigne à son propos ? Quels étaient
ses postulats de départ ? Par cette lecture compréhensive, le recenseur accède à la structure de
I'ouvrage, atteint le coeur de la pensée de l'auteur, C'est la condition nécessaire pour prendre cette
fameusã distance par rapport à I'ouvrage dont nous parlions plus tôt. Distance qui permet de
',décoller" du texte (et donc éviter de sombrer dans le résumé), sans Par ailleurs trahir le projet
de
I'auteur, son raisonnement et sa démonstration.
Le troisième niveau de lecture consiste en une appréciation critique de I'ouvrage. Cette lecture
permet au recenseur de répondre aux questions suivantes : quelle est la portée, la valeur, I'intérêt et
ia faiblesse de ce que dit l'auteur ? Son propos est-il original, nouveau, stimulant ? En mettant à
profit les acquis de ses deux précédentes lectures, le recenseur aboutit nécessairement à une
évaluation pertinente, nuancée et fondée de I'ouvrage.
Au moment de la rédaction
Trois choses ici :
D,abord, I'absolue nécessité d'utiliser un dictionnaire analogique pour trouver le mot juste et la
nuance appropriée, et pour améliorer la beauté de I'expression écrite.
D'autre part, réfléchir. Le mauvais compte rendu est presque toujours le produit d'un tecenseur
automatè qui lit sans assimiler ni comprendre les pages qu'il dévore, qui ne laisse pas "décanter" sa
lecture avant d'écrire son texte et qui rédige machinalement en croyant que le respect scrupuleux
d'une méthode de travail peut lui faire réaliser l'économie d'un effort d'intelligence.
Enfin, soigner son style, rechercher la synthèse et toujours s'efforcer de bien situer le lecteur par
rapport à la progression de son propre texte. Cette mise en situation peut être réalisée en tecoutant
a.".t"in"r ptltur"r de cadrage. Par exemple : "La question traitée dans cet ouvrage est..."; "L'objectif
de I'auteur est..."; "La thèse développée par I'auteur peut être énoncée comme suit:"; "Cette thèse se
décompose en ... parties"; "Du texte de... ressortent les enseignements suivants : "; etc.
Il est vrai qu'au cours des années 1940 et 1950 la population québécoise peut bénéficier des grands
prog."^-ãr d'assurance et d'assistance sociale mis sur pied par le gouvernement fédéral et
ãr*qn"lr contribuent financièrement les provinces. Ainsi, dès L940, certaines catégories de
travailleurs se retrouvant en dehors de la production économique peuvent toucher des prestations
d,assurance-chômage. À partir de 1944, les familles avec enfants à charge peuvent de leur côté
bénéficier de prestations d'allocations familiales. À partir de1951.,les personnes âgées de plus de 70
ans peuvent compter sur les prestations de sécurité de la vieillesse, et les Personnes âgées de 65 à70
ans, sur les prestations d'assistance-vieillesse. Quant aux aveugles et aux invalides, ils peuvent
bénéficier, à þartir de 1951 et 1954 respectivement, d'un élargissement des critères d'admissibilité
aux prografirrnes d'assistance financière qui leur sont spécifiquement réservés. Enfin, à partir de
1959 au Québec, les personnes nécessiteuses ne travaillant pas peuvent compter sur les prestations
d'assistänce-chômage. Historiquement, tous ces programmes ont eu pour effet de diminuer la part
de risques inhérents à la vie courante et de favoriser la consommation marchande pour des
catégories sociales ayant ordinairement beaucoup de difficultés à acheter les conditions de leur
reproduction dans la circulation générale des marchandises capitalistes.
38
pourtant, au début des années L960, les données fondamentales relatives au problème de la
dépendance économique ne sont pas vraiment changées dans la province' Plus de 30% de la
population continue en effet de souffrir d'insuffisance de revenu et par conséquent de vivre sous le
r"rit ¿" la pauvreté. En utilisant d'autres critères de mesure du niveau de vie, la proportion des
individus der ménages vivant ponctuellement ou régulièrement une situation de pauvreté
"t
s,élève considérablement pour dépasser, chez certaines catégories d'âges, les 50%.
Les raisons à cette situation sont nombreuses. Nous nous en tiendrons ici à l'énumération de celles
qui sont liées à I'administration des programmes de sécurité du revenu. Ainsi, à cette époque, les
montants versés au titre des programmes existant de sécurité du revenu sont très bas et, surtout, ne
sont pas indexés au coût, de la vie. Les critères d'admissibilité aux prestations sont dans certains cas
particulièrement restrictifs, si bien qu'un grand nombre d'individus et de ménages restent exclus
àes bénéfices des programmes. Enfin, pour toutes sortes de raisons dont I'une tient à la
qualification douteuie des fonctionnaires chargés d'administrer et de coordonner les programmes
d,assistance sociale, I'accessibilité des individus et des ménages aux prestations reste très inégale
entre les régions, les villes et les villages. Dans l'ensemble, la sécurité du revenu telle qu'elle est
organisée uit Qrreb". au début des années L960 reste inadéquate à solutionner le problème très
important cl'insuffisance de revenu sévissant dans la province'
3. EXEMPLES DE RECENSIONS
pour rendre plus évidentes les recommandations formulées précédemment, nous proPosons
dans les pages qui suivent deux exemples de comptes rendus. Le premier porte sur un texte
court, l,autre sur un ouvrage au complet. Dans le but de maximiser I'effet didactique, nous
avons nommément identifió, en maïge des deux tecensions, les éléments d'information qui
apparaissent habituellement dans un compte rendu. Précisons que ces exemples ne sont pas
des modèles indépassables mais, tout simplement, des façons convenables de réaliser I'exercice.
Avant de terminer, une brève Íemarque s'impose. Les quinze dernières années ont été
marquées par un accroissement du nombre d'ouvrages collectifs. Or un ouvrage collectif n'est
;ama^is simple à recenser étant donné
I'hétérogénéité fréquente des textes qui le composent.
b"rr* porribilités s'offrent néanmoins pour le chercheur: procéder de façon conventionnelle en
mettant en relief la contribution de chacun des auteurs par rapport au thème central de
l,ouvrage; identifier un certain nombre de lieux communs et faire ressortir I'apport de l'un ou
I'autre des textes en regard de ces lieux communs.
Cadre et origine
Genre de texte (indicatif des limites Dans ce texte de synthèse rédigé pour un public
du texte) étranger,
Objectifs spécifiques du texte Son objectif est triple: repérer les principaux
changements survenus au sein de la société québécoise
23 Le texte recensé est un extrait de l'ouvrage cle Jean-Claude Robert, D¡¿ Cnnnda frmtçaís ntL Québec librc: Histoire d'utt
ttrot1;)e,neflt itrlépendnntiste , Paris, Flammar ion, 1975, p. 199-206; republié dans Le Québec üt tcxtes, éd. Par Gérard Boismenu,
LaurentMailhotetJacques Rouillard, Monfréal, Boréal Express,1980,p'207-213'
39
Schéma et analyse
Bilan
ååï:'"ä1;'"'""å.:'il'iiåï"iä1'#f åfiiï,t:
objectif poursuivi par'auteur i;il:;:'i"111.,åäJ:ïi:fiff*':lîtrïïä:J::*iÏ:
:ä".îäiiäliåî.J'ïxï':i:i,i:'Íî.iåxi"ää:
joué
75 en insistant particulièrement sur le rôle par
['État dans I'organisation et la régulation de la vie
économique. La contribution du secteur privé à ce
développement est laissée de côté. L'objectif de
l'auteur détermine I'organisation générale du livre. Sur
organisation générale de l'ouvrage onze chapitres (en incluant la conclusion), trois
traitent de la contribution des divers facteurs à la
croissance économique ontarienne (Population and
Labour Force; Land and Capital Resources;
Transportation and Communications); quatre
retracent l'évolution des principaux secteurs d'activité
économique de la province (The Services Sector,
Trade, and Finance; Agriculture, Fishing, Fur
Production, and Tourism; Mines and Forests;
Manufacturing) ; enfin, deux autres mettent en relief le
rôle croissant assumé par l'État en matière de gestion
de Ia force de travail sociale, d'allocation des
ressourceset de régulation économique (Education,
Health and Welfare; The Economic Role of the
Provincial Government)' Le chapitre d'ouverture
(War, Recovery, and Management of the Provincial
Economy) brosse un tableau des conditions
économiques concrètes prédominant dans I'Ontario
d'après-glerre, établit certains des principaux défis
qu'ãvaient à relever les élus de l'époque et rend
compte de certains enjeux importants soulevés au sein
des débats publics.
4l
Caractéristiques distinctives de l'ouvrage Écrit dans un style sobre, s'appuyant sur une
documentation principalement composée d'archives
ministérielles, de rapports de commissions d'enquête,
de recueils statistiques et d'études spécialisées,
l'ouvrage est agrémenté d'un index utile. Cinquante-
et-un tableaux accompagnent le texte. L'absence d'une
bibliographie et de quelques cartes permettant au
lecteur de "mémoriser" la configuration changeante de
I'espace économique ontarien est à noter. II est vrai
que I'ouvrage appartient à une série qui comprend
aussi un guide bibliographique (Olga B. Bishop et al.,
Bibliogrøphy of Ontørio History, L867-1976: Cultural,
Economic, Politicø\, Social, 1980, 2 vol.), et un atlas
historique (R. Louis Gentilcore and C. Grant Head,
Ontørio's History in Maps,1984).
Mérite princiPal