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HISTOIRE GÉNÉRALE DE L’AFRIQUE VII

l’Afrique sous domination coloniale, 1880-


1935 Directeur du volume A. Adu Boahen
Éditions UNESCO
Transféré par ddufourt le May 31, 2011

Comité scientifique international


pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique (UNESCO)

HISTOIRE
GENERALE
DE
L’AFRIQUE
VII. L’Afrique sous domination coloniale, 1880-1935
DIRECTEUR DE VOLUmE : A. ADU bOAHEN

Éditions UNESCO

HISTOIRE
GÉNÉRALE
DE
L’AFRIQUE

Comité scienti,que international pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique (UNESCO)

HISTOIRE
GÉNÉRALE
DE
L’AFRIQUE
VII
l’Afrique sous
domination coloniale,
1880-1935
Directeur du volume
A. ADU BOAHEN

Éditions UNESCO

Publié en 1987 par l’Organisation


des Nations Unies pour l’éducation,
la science et la culture
7, place de Fontenoy, 75732 Paris 07 SP
Composition : De Schutter (Belgique)
Impression: Darantiere (France)
1re édition, 1987
1re réimpression, 2000
ISBN 92-3-201713-X (UNESCO)
© UNESCO 1987, 2000

T#$%& '&( )#t+,-&(

Préface ................................................................................................................................................. 9
Présentation du projet .............................................................................................................. 17
Chapitre premier
L’Afrique face au dé/ colonial
Albert Adu BOAHEN .................................................................................................... 21
Chapitre 2
Partage européen et conquête de l’Afrique : aperçu général
Godfrey N. UzOIGwE ................................................................................................. 39
Chapitre 3
Initiatives et résistances africaines face au partage et à la conquête
Terence O. RANGER ................................................................................................... 67
Chapitre 4
Initiatives et résistances africaines en Afrique du Nord-Est
Hassan Ahmed IBRAHIm (à partir d’une contribution de feu)
Abbas Ibrahim Ali .......................................................................................................... 87
Chapitre 5
Initiatives et résistances africaines en Afrique du Nord et au Sahara
Abdallah LAROUI ........................................................................................................... 111
Chapitre 6
Initiatives et résistances africaines en Afrique occidentale
de 1880 à 1914
M’Baye GUEyE et Albert Adu BOAHEN ............................................................ 137

l’afrique sous dominaTion coloniale, 1800-1935

Chapitre 7
Initiatives et résistances africaines en Afrique orientale
de 1880 à 1914
Henry A. MwANzI ........................................................................................................ 171
Chapitre 8
Initiatives et résistances africaines en Afrique centrale
de 1880 à 1914
Allen ISAAcmAN et Jan VANSINA ........................................................................... 191
Chapitre 9
Initiatives et résistances africaines en Afrique méridionale
David CHANAIwA ........................................................................................................... 217
Chapitre 10
Madagascar de 1880 à 1939 : initiatives et réactions africaines
à la conquête et à la domination coloniales
Manassé ESOAvELOmANDROSO............................................................................. 245
Chapitre 11
Le Libéria et l’Éthiopie, 1880 -1914 : la survie de deux États
africains
Monday B. AkpAN (à partir des contributions d’Abeodu B. Jones
et Richard Pankhurst) ................................................................................................... 273
Chapitre 12
La première guerre mondiale et ses conséquences
Michael CROwDER ........................................................................................................ 307
Chapitre 13
La domination européenne : méthodes et institutions
Raymond F. BETTS (révisé par A. I. Asiwaju).................................................. 339
Chapitre 14
L’économie coloniale
Walter RODNEy ............................................................................................................... 361
Chapitre 15
L’économie coloniale des anciennes zones françaises, belges
et portugaises (1914-1935)
Catherine COQUERy-VIDROvITcH ....................................................................... 381
Chapitre 16
L’économie coloniale : les anciennes zones britanniques
Martin H. Y. KANIkI...................................................................................................... 413
Chapitre 17
L’économie coloniale : l’Afrique du Nord
Ahmed KASSAB, Ali A. ABDUSSALAm et Fathi S. ABUSEDRA ................. 455

Table des maTières

Chapitre 18
Les répercussions sociales de la domination coloniale :
aspects démographiques
John Charles C ALDwELL ........................................................................................... 495
Chapitre 19
Les répercussions sociales de la domination coloniale :
les nouvelles structures sociales
Adiele Eberechukuwu A FIGBO................................................................................ 527
Chapitre 20
La religion en Afrique pendant l’époque coloniale
Ko/ ASARE OpOkU ........................................................................................................ 549
Chapitre 21
Les arts en Afrique à l’époque de la domination coloniale
Wole SOyINkA .................................................................................................................. 581
Chapitre 22
La politique africaine et le nationalisme africain 1919 -1935
B. Olatunji OLORUNTImEHIN................................................................................. 609
Chapitre 23
La politique et le nationalisme en Afrique du Nord-Est, 1919 -1935
Hassan Ahmed IBRAHIm ............................................................................................. 625
Chapitre 24
La politique et le nationalisme au Maghreb et au Sahara, 1919 -1935
Jacques BERQUE ............................................................................................................. 649
Chapitre 25
La politique et le nationalisme en Afrique occidentale, 1919 -1935
Albert Adu BOAHEN...................................................................................................... 669
Chapitre 26
La politique et le nationalisme en Afrique orientale, 1919 -1935
Elisha Stephen ATIENO-ODHIAmBO ................................................................... 695
Chapitre 27
La politique et le nationalisme en Afrique centrale et méridionale,
1919-1935
A. Basil DAvIDSON, Allen F. ISAAcmAN et René PÉLISSIER.................. 721
Chapitre 28
L’éthiopie et le Libéria, 1914 -1935 :
deux États africains indépendants à l’ère coloniale
Monday B. AkpAN (à partir des contributions d’A. B. Jones
et R. Pankhurst) .............................................................................................................. 761

l’afrique sous dominaTion coloniale, 1800-1935

Chapitre 29
L’Afrique et le nouveau monde
Richard David RALSTON (avec la contribution du professeur
Fernando Augusto Alburquerque Mourão pour les sections
consacrées à l’Amérique latine et aux Caraïbes) .............................................. 797
Chapitre 30
Le colonialisme en Afrique : impact et signi/cation
Albert Adu BOAHEN .................................................................................................... 837
Notice biographique des auteurs du volume VII ............................................................... 865
Membres du Comité scientifque international pour la rédaction d’une
Histoire générale de l’Afrique ............................................................................................ 871
Abréviations et liste des périodiques ......................................................................................... 873
Bibliographie....................................................................................................................................... 877
Index........................................................................................................................................................ 917

P-HI#J&
par
M. Amadou Mahtar M’Bow
Directeur général
de l’UNESCO (1974 -1987)

Longtemps, mythes et préjugés de toutes sortes ont caché au monde l’his-


toire réelle de l’Afrique. Les sociétés africaines passaient pour des sociétés
qui ne pouvaient avoir d’histoire. Malgré d’importants travaux effectués,
dès les premières décennies de ce siècle, par des pionniers comme Leo
Frobenius, Maurice Delafosse, Arturo Labriola, bon nombre de spécialistes
non africains, attachés à certains postulats soutenaient que ces sociétés ne
pouvaient faire l’objet d’une étude scienti/que, faute notamment de sources
et de documents écrits.
Si L’Iliade et L’Odyssée pouvaient être considérées à juste titre comme
des sources essentielles de l’histoire de la Grèce ancienne, on déniait, en
revanche, toute valeur à la tradition orale africaine, cette mémoire des peu-
ples qui fournit la trame de tant d’événements qui ont marqué leur vie. On
se limitait en écrivant l’histoire d’une grande partie de l’Afrique à des sources
extérieures à l’Afrique, pour donner une vision non de ce que pouvait être le
cheminement des peuples africains, mais de ce que l’on pensait qu’il devait
être. Le « Moyen Âge » européen étant souvent pris comme point de réfé-
rence, les modes de production, les rapports sociaux comme les institutions
politiques n’étaient perçus que par référence au passé de l’Europe.
En fait, on refusait de voir en l’Africain le créateur de cultures origina-
les qui se sont épanouies et perpétuées, à travers les siècles, dans des voies
qui leur sont propres et que l’historien ne peut donc saisir sans renoncer à
certains préjugés et sans renouveler sa méthode.
De même, le continent africain n’était presque jamais considéré comme
une entité historique. L’accent était, au contraire, mis sur tout ce qui pouvait

l’afrique sous dominaTion coloniale, 1800-1935

accréditer l’idée qu’une scission aurait existé, de toute éternité, entre une
« Afrique blanche » et une « Afrique noire » ignorantes l’une de l’autre. On
présentait souvent le Sahara comme un espace impénétrable qui rendait
impossible des brassages d’ethnies et de peuples, des échanges de biens,
de croyances, de mœurs et d’idées, entre les sociétés constituées de part et
d’autre du désert. On traçait des frontières étanches entre les civilisations de
l’Égypte ancienne et de la Nubie, et celles des peuples subsahariens.
Certes, l’histoire de l’Afrique nord-saharienne a été davantage liée à
celle du bassin méditerranéen que ne l’a été l’histoire de l’Afrique subsa-
harienne, mais il est largement reconnu aujourd’hui que les civilisations du
continent africain, à travers la variété des langues et des cultures, forment, à
des degrés divers, les versants historiques d’un ensemble de peuples et de
sociétés qu’unissent des liens séculaires.
Un autre phénomène a beaucoup nui à l’étude objective du passé afri-
cain : je veux parler de l’apparition, avec la traite négrière et la colonisation,
de stéréotypes raciaux générateurs de mépris et d’incompréhension et si pro-
fondément ancrés qu’ils faussèrent jusqu’aux concepts mêmes de l’historio-
graphie. À partir du moment où on eut recours aux notions de « Blancs » et de
« Noirs » pour nommer génériquement les colonisateurs, considérés comme
supérieurs, et les colonisés, les Africains eurent à lutter contre un double
asservissement économique et psychologique. Repérable à la pigmentation
de sa peau, devenu une marchandise parmi d’autres, voué au travail de force,
l’Africain vint à symboliser, dans la conscience de ses dominateurs, une
essence raciale imaginaire et illusoirement inférieure de nègre. Ce processus
de fausse identi/cation ravala l’histoire des peuples africains dans l’esprit de
beaucoup au rang d’une ethno-histoire où l’appréciation des réalités histori-
ques et culturelles ne pouvait qu’être faussée.
La situation a beaucoup évolué depuis la /n de la seconde guerre
mondiale, en particulier depuis que les pays d’Afrique, ayant accédé à
l’indépendance, participent activement à la vie de la communauté interna-
tionale et aux échanges mutuels qui sont sa raison d’être. De plus en plus
d’historiens se sont efforcés d’aborder l’étude de l’Afrique avec plus de
rigueur, d’objectivité et d’ouverture d’esprit, en utilisant — certes avec les
précautions d’usage — les sources africaines elles-mêmes. Dans l’exercice
de leur droit à l’initiative historique, les, Africains eux-mêmes ont ressenti
profondément le besoin de rétablir sur des bases solides l’historicité de
leurs sociétés.
C’est dire l’importance de l’Histoire générale de l’Afrique, en huit volumes,
dont l’UNESCO commence la publication.
Les spécialistes de nombreux pays qui ont travaillé à cette œuvre se sont
d’abord attachés à en jeter les fondements théoriques et méthodologiques.
Ils ont eu le souci de remettre en question les simpli/cations abusives aux -
quelles avait donné lieu une conception linéaire et limitative de l’histoire
universelle, et de rétablir la vérité des faits chaque fois que cela était néces-
saire et possible. Ils se sont efforcés de dégager les données historiques qui
permettent de mieux suivre l’évolution des différents peuples africains dans
leur spéci/cité socioculturelle.

10

Préface

Dans cette tâche immense, complexe et ardue, vu la diversité des


sources et l’éparpillement des documents, l’UNESCO a procédé par éta-
pes. La première phase (1965 -1969) a été celle des travaux de documen-
tation et de plani/cation de l’ouvrage. Des activités opérationnelles ont
été conduites sur le terrain : campagnes de collecte de la tradition orale,
création de centres régionaux de documentation pour la tradition orale,
collecte de manuscrits inédits en arabe et en « ajami » (langues africaines
écrites en caractère arabes), inventaire des archives et préparation d’un
Guide des sources de l’histoire de l’Afrique, à partir des archives et bibliothè-
ques des pays d’Europe, publié depuis en neuf volumes. D’autre part, des
rencontres entre les spécialistes ont été organisées où les Africains et des
personnes d’autres continents ont discuté des questions de méthodologie,
et ont tracé les grandes lignes du projet, après un examen attentif des
sources disponibles.
Une deuxième étape, consacrée à la mise au point et à l’articulation de
l’ensemble de l’ouvrage, a duré de 1969 à 1971. Au cours de cette période,
des réunions internationales d’experts tenues à Paris (1969) et à Addis Abeba
(1970) eurent à examiner et à préciser les problèmes touchant la rédaction
et la publication de l’ouvrage : présentation en huit volumes, édition princi-
pale en anglais, en français et en arabe, ainsi que des traductions en langues
africaines, telles que le kiswahili, le hawsa, le fulfulde (peul), le yoruba ou le
lingala. Sont prévues également des traductions en allemand, russe, portu-
gais, espagnol, chinois1, de même que des éditions abrégées accessibles à un
plus vaste public africain et international.
La troisième phase a été celle de la rédaction et de la publication. Elle
a commencé par la nomination d’un Comité scienti/que international de
trente-neuf membres, comprenant deux tiers d’Africains et un tiers de non-
Africains, à qui incombe la responsabilité intellectuelle de l’ouvrage.
Interdisciplinaire, la méthode suivie s’est caractérisée par la pluralité
des approches théoriques, comme des sources. Parmi celles-ci, il faut citer
d’abord l’archéologie, qui détient une grande part des clefs de l’histoire des
cultures et des civilisations africaines. Grâce à elle, on s’accorde aujourd’hui
à reconnaître que l’Afrique fut selon toute probabilité le berceau de l’hu-
manité, qu’on y assista à l’une des premières révolutions technologiques de
l’histoire — celle du néolithique — et qu’avec l’Égypte s’y épanouit l’une
des civilisations anciennes les plus brillantes du monde. Il faut ensuite
citer la tradition orale, qui, naguère méconnue, apparaît aujourd’hui comme
une source précieuse de l’histoire de l’Afrique, permettant de suivre le
cheminement de ses différents peuples dans l’espace et dans le temps, de
comprendre de l’intérieur la vision africaine du monde, de saisir les carac-
tères originaux des valeurs qui fondent les cultures et les institutions du
continent.

1. Le volume I est paru en arabe, espagnol, portugais, chinois, italien ; le volume II en arabe,
espagnol, portugais, chinois, coréen ; le volume IV en espagnol et le volume VII en espagnol et
en portugais.

11

l’afrique sous dominaTion coloniale, 1800-1935

On saura gré au Comité scienti/que international chargé de cette His-


toire générale de l’Afrique , à son rapporteur ainsi qu’aux directeurs et auteurs
des différents volumes et chapitres, d’avoir jeté une lumière originale sur le
passé de l’Afrique, embrassée dans sa totalité, en évitant tout dogmatisme
dans l’étude de questions essentielles, comme la traite négrière, cette « sai-
gnée sans /n » responsable de l’une des déportations les plus cruelles de
l’histoire des peuples et qui a vidé le continent d’une partie de ses forces
vives, alors qu’il jouait un rôle déterminant dans l’essor économique et com-
mercial de l’Europe ; de la colonisation avec toutes ses conséquences sur les
plans de la démographie, de l’économie, de la psychologie, de la culture ; des
relations entre l’Afrique au sud du Sahara et le monde arabe ; du processus
de décolonisation et de construction nationale qui mobilise la raison et la
passion de personnes encore en vie et parfois en pleine activité. Toutes ces
questions ont été abordées avec un souci d’honnêteté et de rigueur qui n’est
pas le moindre mérite du présent ouvrage. Celui-ci offre aussi — en faisant
le point de nos connaissances sur l’Afrique et en proposant divers regards sur
les cultures africaines, ainsi qu’une nouvelle vision de l’histoire — le grand
avantage de souligner les ombres et les lumières, sans dissimuler les diver-
gences d’opinions entre savants.
En montrant l’insuf/sance des approches méthodologiques longtemps
utilisées dans la recherche sur l’Afrique, cette nouvelle publication invite
au renouvellement et à l’approfondissement de la double problématique de
l’historiographie et de l’identité culturelle qu’unissent des liens de récipro-
cité. Elle ouvre la voie, comme tout travail historique de valeur, à de multi-
ples recherches nouvelles.
C’est ainsi d’ailleurs que, en étroite collaboration avec l’UNESCO, le
Comité scienti/que international a tenu à entreprendre des études complé -
mentaires a/n d’approfondir quelques questions qui permettront d’avoir une
vue plus claire de certains aspects du passé de l’Afrique. Ces travaux publiés
dans la collection « Histoire générale de l’Afrique : études et documents »,
viendront utilement compléter le présent ouvrage2. Cet effort sera également
poursuivi par l’élaboration d’ouvrages portant sur l’histoire nationale ou sous-
régionale.
Cette Histoire générale de l’Afrique met à la fois en lumière l’unité histori-
que de l’Afrique et les relations de celle-ci avec les autres continents, notam-
ment avec les Amériques et les Caraïbes. Pendant longtemps, les expressions
de la créativité des descendants d’Africains aux Amériques avaient été
isolées par certains historiens en un agrégat hétéroclite d’africanismes ; cette

2. Dix numéros de cette série sont parus ; ils portent respectivement sur : nº 1 — Le peuplement
de l’Égypte ancienne et le déchiffrement de l’écriture méroïtique ; nº 2 — La traite négrière du XVe
au XIXe siècle ; nº 3 — Relations historiques à travers l’océan Indien ; nº 4 — L’historiographie de
l’Afrique australe ; nº 5 — La décolonisation de l’Afrique : Afrique australe et Corne de l’Afrique ;
nº 6 — Ethnonymes et toponymes ; nº 7 — Les relations historiques et socioculturelles entre
l’Afrique et le monde arabe ; nº 8 — La méthodologie de l’histoire de l’Afrique contemporaine ;
nº 9 — Le processus d’éducation et l’historiographie en Afrique ; nº 10 — L’Afrique et la seconde
guerre mondiale.

12

Préface

vision, il va sans dire, n’est pas celle des auteurs du présent ouvrage. Ici,
la résistance des esclaves déportés en Amérique, le fait du « marronnage »
politique et culturel, la participation constante et massive des descendants
d’Africains aux luttes de la première indépendance américaine, de même
qu’aux mouvements nationaux de libération, sont justement perçus pour ce
qu’ils furent : de vigoureuses af/rmations d’identité qui ont contribué à for-
ger le concept universel d’humanité. Il est évident aujourd’hui que l’héritage
africain a marqué, plus ou moins selon les lieux, les manières de sentir, de
penser, de rêver et d’agir de certaines nations de l’hémisphère occidental.
Du sud des États-Unis jusqu’au nord du Brésil, en passant par la Caraïbe
ainsi que sur la côte du Paci/que, les apports culturels hérités de l’Afrique
sont partout visibles ; dans certains cas même, ils constituent les fondements
essentiels de l’identité culturelle de quelques éléments les plus importants
de la population.
De même, cet ouvrage fait clairement apparaître les relations de l’Afri-
que avec l’Asie du Sud à travers l’océan Indien, ainsi que les apports africains
aux autres civilisations, dans le jeu des échanges mutuels.
Je suis convaincu que les efforts des peuples d’Afrique pour conquérir
ou renforcer leur indépendance, assurer leur développement et affermir leurs
spéci/cités culturelles doivent s’enraciner dans une conscience historique
rénovée, intensément vécue et assumée de génération en génération.
Et ma formation personnelle, l’expérience que j’ai acquise comme ensei-
gnant et comme président, dès les débuts de l’indépendance, de la première
commission créée en vue de la réforme des programmes d’enseignement de
l’histoire et de la géographie dans certains pays d’Afrique de l’Ouest et du
Centre, m’ont appris combien était nécessaire, pour l’éducation de la jeu-
nesse et pour l’information du public, un ouvrage d’histoire élaboré par des
savants connaissant du dedans les problèmes et les espoirs de l’Afrique et
capables de considérer le continent dans son ensemble.
Pour toutes ces raisons, l’UNESCO veillera à ce que cette Histoire
générale de l’Afrique soit largement diffusée, dans de nombreuses langues, et
qu’elle serve de base à l’élaboration de livres d’enfants, de manuels scolaires,
et d’émissions télévisées ou radiodiffusées. Ainsi, jeunes, écoliers, étudiants
et adultes, d’Afrique et d’ailleurs, pourront avoir une meilleure vision du
passé du continent africain, des facteurs qui l’expliquent et une plus juste
compréhension de son patrimoine culturel et de sa contribution au progrès
général de l’humanité. Cet ouvrage devrait donc contribuer à favoriser la
coopération internationale et à renforcer la solidarité des peuples dans leurs
aspirations à la justice, au progrès et à la paix. Du moins est-ce le vœu que je
forme très sincèrement.
Il me reste à exprimer ma profonde gratitude aux membres du Comité
scienti/que international, au rapporteur, aux directeurs des différents volu-
mes, aux auteurs et à tous ceux qui ont collaboré à la réalisation de cette pro-
digieuse entreprise. Le travail qu’ils ont effectué, la contribution qu’ils ont
apportée montrent bien ce que des hommes, venus d’horizons divers mais
animés d’une même bonne volonté, d’un même enthousiasme au service

13

l’afrique sous dominaTion coloniale, 1800-1935

de la vérité de tous les hommes, peuvent faire, dans le cadre international


qu’offre l’ UNESCO, pour mener à bien un projet d’une grande valeur scien-
ti/que et culturelle. Ma reconnaissance va également aux organisations et
gouvernements qui, par leurs dons généreux, ont permis à l’UNESCO de
publier cette œuvre dans différentes langues et de lui assurer le rayonne-
ment universel qu’elle mérite, au service de la communauté internationale
tout entière.

14

Chronologie

L’an 1 de l’hégire (date de l’émigration de Muḥammad et de ses partisans


de La Mecque à Médine) correspond à l’an 622 de l’ère chrétienne. Il n’y a
pas coïncidence en nombre de jours entre les durées des années musulmane et
chrétienne, l’année musulmane étant plus courte que l’année chrétienne. Une
année en calendrier hégire est souvent à cheval sur deux années chrétiennes .
Il existe, du reste, pour faciliter le travail des historiens, des tables de
concordance : F. Wiilstenfeld, Wergleichungftabelle der Muhammede-
danischen und Christlischen Zeitrechnungen, 1854, revue par Mahler,
1926 et Spuler, 1961. Voir aussi Cattenoz, Table de concordance des
ères chrétienne et hégirienne, 1954 et W. Haig, Comparative tables of
Muhammedan and Christian dates, 1912.
Les deux dates (hégire et ère chrétienne) sont toujours séparées par un
tiret. Les dates d’une même ère sont séparées par un tiret. Dans le cas d’une
date de l’hégire utilisée seule, il est en général précisé « de l’hégire » .

P-H(&Lt#t+ML 'N p-MP&t


par
le professeur Bethwell Allan Ogot*
président du Comité scientifque international
pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique

La Conférence générale de l’UNESCO, à sa seizième session, a demandé


au Directeur général d’entreprendre la rédaction d’une Histoire générale de
l’Afrique. Ce travail considérable a été con/é à un Comité scienti/que inter-
national créé par le Conseil exécutif en 1970.
Aux termes des statuts adoptés par le Conseil exécutif de l’UNESCO
en 1971, ce Comité se compose de trente-neuf membres (dont deux tiers
d’Africains et un tiers de non-Africains) siégeant à titre personnel et nommés
par le Directeur général de l’UNESCO pour la durée du mandat du Comité.
La première tâche du Comité était de dé/nir les principales caractéristi-
ques de l’ouvrage. Il les a dé/nies comme suit à sa deuxième session :
• Tout en visant à la plus haute qualité scienti/que possible, l’Histoire géné-
rale de l’Afrique ne cherche pas à être exhaustive et est un ouvrage de synthèse
qui évitera le dogmatisme. À maints égards, elle constitue un exposé des
problèmes indiquant l’état actuel des connaissances et les grands courants
de la recherche, et n’hésite pas à signaler, le cas échéant, les divergences
d’opinion. Elle préparera en cela la voie à des ouvrages ultérieurs.
• L’Afrique est considérée comme un tout. Le but est de montrer les relations
historiques entre les différentes parties du continent trop souvent subdivisé dans
les ouvrages publiés jusqu’ici. Les liens historiques de l’Afrique avec les autres
continents reçoivent l’attention qu’ils méritent, et sont analysés sous l’angle des
* Au cours de la sixième session plénière du Comité scientifque international pour la rédaction
d’une Histoire générale de l’Afrique (Brazzaville, août 1983), il a été procédé à l’élection d’un
nouveau bureau, et le professeur Ogot a été remplacé par le professeur Albert Adu Boahen.

17

l’afrique sous dominaTion coloniale, 1800-1935

échanges mutuels et des inNuences multilatérales, de manière à faire apparaî-


tre sous un jour approprié la contribution de l’Afrique au développement de
l’humanité.
• L’Histoire générale de l’Afrique est, avant tout, une histoire des idées et des
civilisations, des sociétés et des institutions. Elle se fonde sur une grande
diversité de sources, y compris la tradition orale et l’expression artistique.
• L’Histoire générale de l’Afrique est envisagée essentiellement de l’intérieur.
Ouvrage savant, elle est aussi, dans une large mesure, le reNet /dèle de la
façon dont les auteurs africains voient leur propre civilisation. Bien qu’élabo-
rée dans un cadre international et faisant appel à toutes les données actuelles
de la science, l’Histoire sera aussi un élément capital pour la reconnaissance
du patrimoine culturel africain et mettra en évidence les facteurs qui contri-
buent à l’unité du continent. Cette volonté de voir les choses de l’intérieur
constitue la nouveauté de l’ouvrage et pourra, en plus de ses qualités
scienti/ques, lui conférer une grande valeur d’actualité. En montrant le vrai
visage de l’Afrique, l’Histoire pourrait, à une époque dominée par les rivalités
économiques et techniques, proposer une conception particulière des valeurs
humaines.
Le Comité a décidé de présenter l’ouvrage, portant sur plus de trois mil-
lions d’années d’histoire de l’Afrique, en huit volumes comprenant chacun
environ 800 pages de textes avec des illustrations, des photographies, des
cartes et des dessins au trait.
Pour chaque volume, il est désigné un directeur principal qui est assisté,
le cas échéant, par un ou deux codirecteurs.
Les directeurs de volume sont choisis à l’intérieur comme à l’extérieur
du Comité par ce dernier qui les élit à la majorité des deux tiers. Ils sont char-
gés de l’élaboration des volumes, conformément aux décisions et aux plans
arrêtés par le Comité. Ils sont responsables sur le plan scienti/que devant le
Comité ou, entre deux sessions du Comité, devant le Bureau, du contenu
des volumes, de la mise au point dé/nitive des textes, des illustrations et,
d’une manière générale, de tous les aspects scienti/ques et techniques de
l’Histoire. C’est le Bureau qui, en dernier ressort, approuve le manuscrit /nal.
Lorsqu’il l’estime prêt pour l’édition, il le transmet au Directeur général de
l’UNESCO. Le Comité, ou le Bureau entre deux sessions du Comité, reste
donc le maître de l’œuvre.
Chaque volume comprend une trentaine de chapitres. Chaque chapitre
est rédigé par un auteur principal assisté, le cas échéant, d’un ou de deux
collaborateurs.
Les auteurs sont choisis par le Comité au vu de leur curriculum vitæ. La
préférence est donnée aux auteurs africains, sous réserve qu’ils possèdent les
titres voulus. Le Comité veille particulièrement à ce que toutes les régions
du continent ainsi que d’autres régions ayant eu des relations historiques ou
culturelles avec l’Afrique soient, dans la mesure du possible, équitablement
représentées parmi les auteurs.
Après leur approbation par le directeur de volume, les textes des diffé-
rents chapitres sont envoyés à tous les membres du Comité pour qu’ils en
fassent la critique.

18

PrésenTaTion du ProjeT

Au surplus, le texte du directeur de volume est soumis à l’examen d’un


comité de lecture, désigné au sein du Comité scienti/que international, en
fonction des compétences des membres ; ce comité est chargé d’une analyse
approfondie du fond et de la forme des chapitres.
Le Bureau approuve en dernier ressort les manuscrits.
Cette procédure qui peut paraître longue et complexe s’est révélée
nécessaire car elle permet d’apporter le maximum de garantie scienti/que à
l’Histoire générale de l’Afrique . En effet, il est arrivé que le Bureau rejette des
manuscrits ou demande des réaménagements importants ou même con/e la
rédaction d’un chapitre à un nouvel auteur. Parfois, des spécialistes d’une
période donnée de l’histoire ou d’une question donnée sont consultés pour la
mise au point dé/nitive d’un volume.
L’ouvrage sera publié, en premier lieu, en une édition principale, en
anglais, en français et en arabe, et en une édition brochée dans les mêmes
langues.
Une version abrégée en anglais et en français servira de base pour la tra-
duction en langues africaines. Le Comité scienti/que international a retenu
comme premières langues africaines dans lesquelles l’ouvrage sera traduit : le
kiswahili et le hawsa.
Il est aussi envisagé d’assurer, dans la mesure du possible, la publication
de l’ Histoire générale de l’Afrique en plusieurs langues de grande diffusion
internationale (entre autres, allemand, chinois, espagnol, italien, japonais,
portugais, russe, etc.).
Il s’agit donc, comme on peut le voir, d’une entreprise gigantesque qui
constitue une immense gageure pour les historiens de l’Afrique et la commu-
nauté scienti/que en général, ainsi que pour l’UNESCO qui lui accorde son
patronage. On peut en effet imaginer sans peine la complexité d’une tâche
comme la rédaction d’une histoire de l’Afrique, qui couvre, dans l’espace,
tout un continent et, dans le temps, les quatre derniers millions d’années,
respecte les normes scienti/ques les plus élevées et fait appel, comme il se
doit, à des spécialistes appartenant à tout un éventail de pays, de cultures,
d’idéologies et de traditions historiques. C’est une entreprise continentale,
internationale et interdisciplinaire de grande envergure.
En conclusion, je tiens à souligner l’importance de cet ouvrage pour
l’Afrique et pour le monde entier. À l’heure où les peuples d’Afrique luttent
pour s’unir et mieux forger ensemble leurs destins respectifs, une bonne
connaissance du passé de l’Afrique, une prise de conscience des liens qui
unissent les Africains entre eux et l’Afrique aux autres continents devraient
faciliter, dans une grande mesure, la compréhension mutuelle entre les peu-
ples de la terre, mais surtout faire connaître un patrimoine culturel qui est le
bien de l’humanité tout entière.
Bethwell Allan OGOT
8 août 1979
Président du Comité scienti/que international
pour la rédaction d’une Histoire générale de l’Afrique

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c h a p i t r e p r e m i e r

L’Af%&'() Fac) a( D/0 C2l24&al


Albert Adu Boahen

Jamais, dans l’histoire de l’Afrique, des changements ne se sont succédé avec


une aussi grande rapidité que pendant la période qui va de 1880 à 1935.
À vrai dire, les changements les plus importants, les plus spectaculaires,
les plus tragiques aussi, ont eu lieu dans un laps de temps beaucoup plus
court qui va de 1890 à 1910, période marquée par la conquête et l’occupation
de la quasi-totalité du continent africain par les puissances impérialistes, puis
par l’instauration du système colonial. La période qui suivit 1910 fut caracté-
risée essentiellement par la consolidation et l’exploitation du système.
Le développement rapide de ce drame a de quoi surprendre, car, en
1880 encore, seules quelques régions nettement circonscrites de l’Afrique
étaient sous la domination directe des Européens. Pour l’Afrique occidentale,
l’ensemble se limitait aux zones côtières et insulaires du Sénégal, à la ville de
Freetown et à ses environs (qui font aujourd’hui partie de la Sierra Leone),
aux régions méridionales de la Gold Coast (actuel Ghana), au littoral d’Abi-
djan en Côte-d’Ivoire et de Porto Novo au Dahomey (actuel Bénin), à l’île
de Lagos (dans ce qui forme aujourd’hui le Nigéria). En Afrique du Nord,
les Français n’avaient colonisé, en 1880, que l’Algérie. Dans toute l’Afrique
orientale, pas un seul pouce de terrain n’était tombé aux mains d’une puis-
sance européenne, tandis que dans toute l’Afrique centrale les Portugais
n’exerçaient leur pouvoir que sur quelques bandes côtières du Mozambique
et de l’Angola. Ce n’est qu’en Afrique méridionale que la domination étran-
gère était, non seulement fermement implantée, mais s’était même considé-
rablement étendue à l’intérieur des terres (voir 4g. 1.1).
En 1880, sur une super4cie atteignant environ 80 % de son territoire,
l’Afrique est gouvernée par ses propres rois, reines, chefs de clan et de lignage,

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l’ AFrique sous DominAtion CoLoniALe, 1800-1935

1.1. L’Afrique en 1880, à la veille du partage et de la conquête.

22

L’AFrique FACe Au DéFi CoLoniAL

dans des empires, des royaumes, des communautés et des unités d’importance
et de nature variées.
Or, dans les trente années qui suivent, on assiste à un bouleversement
extraordinaire, pour ne pas dire radical, de cette situation. En 1914, à la seule
exception de l’Éthiopie et du Libéria, l’Afrique tout entière est soumise à la
domination des puissances européennes et divisée en colonies de dimensions
variables, mais généralement beaucoup plus étendues que les entités préexis-
tantes et ayant souvent peu ou aucun rapport avec elles. Par ailleurs, à cette
époque, l’Afrique n’est pas seulement assaillie dans sa souveraineté et son
indépendance, mais également dans ses valeurs culturelles. Comme Ferhāt
˓Abbās le fait remarquer en 1930, à propos de la colonisation en Algérie, pour
les Français, « la colonisation ne constitue qu’une entreprise militaire et
économique défendue ensuite par un régime administratif approprié ; pour
les Algériens, au contraire, c’est une véritable révolution venant bouleverser
tout un vieux monde d’idées et de croyances, un mode d’existence séculaire.
Elle place un peuple devant un changement soudain. Et voilà toute une
population, sans préparation aucune, obligée de s’adapter ou de périr. Cette
situation conduit nécessairement à un déséquilibre moral et matériel dont la
stérilité n’est pas loin de la déchéance totale »1.
Ces observations sur la nature du colonialisme valent non seulement pour
la colonisation française en Algérie, mais pour toute colonisation européenne
en Afrique, les différences étant dans le degré, non dans la nature, dans la
forme, non dans le fond. Autrement dit, au cours de la période 1880-1935,
l’Afrique doit faire face à un dé4 particulièrement menaçant : celui que lui
lance le colonialisme.
L’é$a$ d( Prépara$,-n d(/ Afr,ca,n/
Quelle est l’attitude des Africains devant l’irruption du colonialisme, qui
entraîne une mutation aussi fondamentale dans la nature des relations qui
n’avaient cessé d’exister entre eux et les Européens depuis trois siècles ?
C’est là une question que les historiens, tant africains qu’européens, n’ont
pas encore étudiée en profondeur, mais qui exige pourtant une réponse.
Celle-ci est sans équivoque : à une majorité écrasante, les autorités et les res-
ponsables africains sont violemment hostiles à ce changement, se déclarent
résolus à maintenir le statu quo et, surtout, à conserver leur souveraineté et
leur indépendance — pour lesquelles, pratiquement, aucun n’était disposé
à transiger si peu que ce soit. La réponse attendue peut être trouvée dans
les déclarations des dirigeants africains de l’époque.
En 1891, lorsque les Britanniques offrirent leur protection à Prem-
peh Ier roi des Ashanti, en Gold Coast (dans l’actuel Ghana), celui-ci leur
répond : « La proposition selon laquelle le pays ashanti, en l’état actuel
des choses, devrait se placer sous la protection de Sa Majesté la reine,
impératrice des Indes, a fait l’objet d’un examen approfondi, mais qu’il me
soit permis de dire que nous sommes parvenus à la conclusion suivante :

1. F. ˓Abbās, 1931, p. 9 ; cité par J. Berque au chapitre 24 de ce volume.

23

l’ AFrique sous DominAtion CoLoniALe, 1800-1935

mon royaume, l’Ashanti, n’adhérera jamais à une telle politique. Le pays


ashanti doit cependant continuer à maintenir comme auparavant des liens
d’amitié avec tous les Blancs. Ce n’est pas par esprit de vantardise, mais
en percevant clairement le sens des mots que j’écris cela […] La cause des
Ashanti progresse et aucun Ashanti n’a la moindre raison de s’inquiéter de
l’avenir ni de croire un seul instant que les hostilités passées ont nui à notre
cause2. »
En 1895, Wobogo, le moro naba ou roi des Mosi (dans l’actuel Burkina
Faso), déclare à l’of4cier français, le capitaine Destenave : «Je sais que les
Blancs veulent me tuer a4n de prendre mon pays et, cependant, tu prétends
qu’ils m’aideront à l’organiser. Moi je trouve que mon pays est très bien
comme il est. Je n’ai pas besoin d’eux. Je sais ce qu’il me faut, ce que je
veux : j’ai mes propres marchands ; estime-toi heureux que je ne te fasse pas
trancher la tête. Pars immédiatement et surtout ne reviens jamais plus ici 3. »
En 1883, Latjor, le damel du Kajoor (dans le Sénégal actuel) (que nous
retrouverons dans le chapitre 6 ci-après) ; en 1890, Machemba, roi yao du
Tanganyika (actuelle Tanzanie) (cité dans le chapitre 3 ci-dessous) et Hen-
drik Wittboi, l’un des souverains de ce qui constitue l’actuelle Namibie (cité
dans le chapitre 3 ci-dessous) eurent la même attitude face au colonisateur.
Mais l’un des derniers et des plus fascinants de tous les témoignages que
nous aimerions citer ici est l’appel émouvant lancé en avril 1891 par Menelik,
empereur d’Éthiopie, à Victoria, de Grande-Bretagne. Il adressa le même
message aux dirigeants de la France, de l’Allemagne, de l’Italie et de la Rus-
sie, dans lequel il dé4nissait tout d’abord les frontières qui étaient alors celles
de l’Éthiopie et — exprimant des ambitions expansionnistes personnelles
— déclarait son intention de « rétablir les anciennes frontières de l’Éthiopie
jusqu’à Khartoum et au lac Niza, y compris tous les territoires de Galla », et
ajoutait : « Je n’ai pas la moindre intention de rester un spectateur indifférent,
au cas où il viendrait à l’idée des puissances lointaines de diviser l’Afrique,
car l’Éthiopie est depuis quatorze siècles un îlot chrétien dans une mer
païenne.
« Le Tout-Puissant ayant protégé l’Éthiopie jusqu’à présent, j’ai le ferme
espoir qu’il continuera à la soutenir et à l’agrandir ; aussi je ne pense pas un
seul instant qu’il permettra que l’Éthiopie soit divisée entre les autres États.
Autrefois, les frontières de l’Éthiopie s’étendaient jusqu’à la mer. N’ayant
pas recouru à la force, ni béné4cié de l’aide des chrétiens, nos frontières mari-
times sont tombées aux mains des musulmans. Nous n’avons pas aujourd’hui
la prétention de pouvoir recouvrer nos frontières maritimes par la force, mais
nous espérons que les puissances chrétiennes, inspirées par notre Sauveur
Jésus-Christ, nous les rendront ou nous accorderont tout au moins quelques
points d’accès à la mer4. »

2. Cité par J. Fynn dans : M. Crowder (dir. publ.), 1971, p. 43 -44.


3. Cité par M. Crowder, 1968, p. 97.
4. « ASMAI (Archives del Ministero degli Affari Esteri, Rome), Ethiopia Pos. 36/13 -109 Menelik
to Queen Victoria, Addis Abeba, 14 Miazia, 1883 », pièce ajoutée à Tarnielli to MAE, Londres,
6 août 1891.

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