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http://www.cairn.info/article.php?ID_REVUE=GMCC&ID_NUMPUBLIE=GMCC_202&ID_ARTICLE=GMCC_202_0167
2001/2-3 - n° 202
ISSN 0984-2292 | ISBN 9782130527213 | pages 167 à 187
4. Les Pays-Bas sont « le pays de mes aïeux de ma famille, et j’ai nourri un sentiment d’affection
et d’intérêt profond à l’égard de votre nation ». Roosevelt Study Center (Middelburg), F. D. Roose-
velt’s Office Files, Diplomatic Correspondence File, reel 24, 465, lettre de F. D. Roosevelt à la Reine
Wilhelmine, 30 janvier 1934.
5. Le 28 mai 1940, Spaak refuse d’envoyer les enfants royaux aux États-Unis. M. Dumoulin,
Spaak, op. cit., p. 178.
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6. Le compte rendu de la discussion entre Roosevelt et Bech a été rédigé par le chargé d’affaires
luxembourgeois à Washington, H. Le Gallais, et a été publié dans G. Heisbourg, Le gouvernement
luxembourgeois en exil, Luxembourg, 1986-1991, t. 3, p. 50-52 ; T. Grosbois, L’idée européenne en temps
de guerre dans le Benelux 1940-1944, Louvain-La-Neuve, 1994, p. 109-111. Texte original dans Archi-
ves de l’État (Luxembourg), AE GT EX 262, p. 97-99 (MF no 29).
7. G. Heisbourg, Le gouvernement luxembourgeois, op. cit., t. 3, p. 114-117.
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8. « Après la guerre, nous devrions constituer deux États, l’un dénommé Walloonia et l’autre
Flamingia, et nous devrions amalgamer le Luxembourg avec la Flamingia. Qu’en dites-vous ? »,
O. Lyttelton, The Memoirs of Lord Chandos, Londres, 1962, p. 309 ; J. Gérard-Libois et R. Lewin, La
Belgique entre dans la guerre froide et l’Europe 1947-1953, Bruxelles, 1992, p. 35.
9. A. Eden, The Eden Memoirs. The Reckoning, Londres, 1965, p. 373 ; F. Vanlangenhove, La sécu-
rité de la Belgique. Contribution à l’histoire de la période 1940-1950, Bruxelles, 1971, p. 45.
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with the Walloons and Flemings traditionally at odds with each other.
The President mentioned, in this connection, a German study made
in 1940 proposing a federal union of Alsace, Lorraine, Luxemburg, and
the two parts of Belgium. »10 Ces projets confus, outre qu’ils témoignent
d’une connaissance très approximative des réalités européennes de la part
des autorités supérieures américaines, expriment une certaine désinvol-
ture. On peut imaginer la position difficile du Luxembourg à l’égard de
ses voisins si ces plans avaient connu le moindre commencement
d’application après la guerre. Hull se montre plus conscient que Roose-
velt de la nécessité de respecter la souveraineté et l’intégrité de tous les
petits États.
Lors de la conférence de Moscou, du 18 au 30 octobre, Hull, Molo-
tov et Eden discutent des problèmes d’après-guerre. Ils se divisent sur
l’avenir de la Pologne et de l’Allemagne. Par contre, ils décident de réta-
blir l’indépendance de l’Autriche et de créer une European Advisory Com-
mission composée uniquement de représentants des trois grandes puissan-
ces (à l’exclusion, au début, de la France), chargée de négocier la question
allemande. La nécessité de fonder l’ONU se voit reconnue au point 4 de la
déclaration finale : les puissances reconnaissent « the necessity of establi-
shing at the earliest practicable date a general international organization,
based on the principle of the sovereign equality of all peace-loving states,
and open to membership by all such states, large and small, for the main-
tenance of international peace and security »11. Ce passage, proposé par
Hull, soulignant l’égalité entre grands et petits États au sein des Nations
Unies, ne passera pas inaperçu auprès des gouvernements en exil à Lon-
dres, qui y trouveront une note d’espoir. Le 5 novembre, le Sénat améri-
cain adopte une résolution comportant un paragraphe dont la formulation
est identique12.
Le gouvernement belge en exil ne semble pas avoir été mis au courant
de la volonté présidentielle de dissoudre la Belgique dans un ensemble
plus vaste. Il est cependant bien conscient de la grave perte de crédit de la
Belgique à Washington. Sans l’avoir jamais rencontré, Paul-Henri Spaak
admirait sincèrement Roosevelt et les réalisations économiques et sociales
10. « Mr Roosevelt a affirmé qu’il n’existerait probablement pas d’obstacle à propos de la restau-
ration de la Hollande ou des pays scandinaves, mais la Belgique présentera probablement des difficul-
tés. À part le fait, comme il dit, de la position équivoque du roi Léopold, prisonnier des Allemands,
qui a le soutien britannique parce que Churchill croit en la restauration des monarchies mais qui
pourrait mettre en difficulté le gouvernement belge en exil, la Belgique était un État bilingue artifi-
ciel, avec des Wallons et des Flamands traditionnellement en désaccord entre eux. Le président a
mentionné, à ce propos, une étude allemande réalisée en 1940, proposant une union fédérale de
l’Alsace, de la Lorraine, du Luxembourg, et des deux parties de la Belgique », C. Hull, The Memoirs,
New York, 1948, vol. 2, p. 1266.
11. Les puissances reconnaissent « la nécessité de l’établissement à une date rapprochée d’une
organisation internationale générale basée sur le principe de la souveraineté égale de tous les États
épris de paix, et ouverte à l’adhésion de tous ces États, grands et petits, en vue du maintien de la paix
internationale et de la sécurité », Texte publié dans L. Woodward, British Foreign Policy in the Second
World War, Londres, 1976, vol. 5, p. 71.
12. L. Woodward, British Foreign Policy, vol. 5, op. cit., p. 80.
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qu’il avait introduites dans son pays dans le cadre du New Deal. Le
15 octobre 1941, Spaak, accompagné du comte Van der Straeten-
Ponthoz (ambassadeur de Belgique à Washington) et de Georges Theunis
(ministre d’État et ambassadeur extraordinaire), est reçu par Roosevelt. Il
pense pouvoir le convaincre d’appuyer l’initiative du gouvernement belge
en exil de fournir, par l’intermédiaire de pays neutres tels que le Portugal,
du ravitaillement à la Belgique occupée. Il s’agit de rééditer l’initiative
américaine (Commission for Relief in Belgium, CRB, coordonnée par
H. Hoover), de ravitaillement de la Belgique, réalisée au cours de la
guerre 1914-1918. Malgré les arguments humanitaires présentés par
Spaak, Roosevelt oppose une fin de non-recevoir particulièrement sèche.
Roosevelt n’a aucune intention de contrecarrer le blocus décrété par les
Britanniques à l’égard de l’Europe continentale, mais, au contraire, de le
renforcer13. Spaak, très décontenancé, n’oubliera pas cette « impression
fâcheuse », et ne sollicitera plus aucune audience auprès de Roosevelt au
cours de la guerre. Spaak attendra la mort de Roosevelt et l’arrivée au
pouvoir du président Truman, en avril 1945, pour renouer les contacts
officiels rompus. Or, Spaak est immédiatement conquis par la personnalité
de Truman. Il faut dès lors attendre le milieu de l’année 1945 pour cons-
tater une amélioration des relations belgo-américaines14.
Par contre, des discussions publiques, en particulier dans les milieux
intellectuels et dans la presse anglo-saxonne, prévoyant la disparition
éventuelle des petits pays au profit de groupes plus vastes, provoquent des
réactions passionnées à Londres au sein des milieux exilés. Le gouverne-
ment belge se lance dans la polémique, en multipliant les articles dans la
presse et les discours, prononcés notamment par Spaak, afin de démontrer
que les petits États méritent d’être entendus et écoutés par les grands15. Les
Néerlandais, qui considèrent que les Pays-Bas ne forment pas une petite
nation, en appellent au respect de la démocratie. Suite à la publication
d’un nouvel éditorial de E. H. Carr dans le Times, proposant que les
États-Unis, la Grande-Bretagne et l’URSS soient les gardiens de l’Europe
d’après-guerre, sans faire référence aux autres pays, le ministre néerlandais
des Affaires étrangères, Van Kleffens, écrit en ce sens une lettre retentis-
sante au Times, publiée le 25 mars 1943. Cette lettre, largement com-
mentée, aura un impact important dans la presse et les milieux diploma-
13. Le refus américain est connu en Belgique occupée : « Le gouvernement des États-Unis n’a
pu consentir à la levée du blocus, levée que l’Angleterre n’eût, d’ailleurs, pas permise. Les hommes
d’État américains et anglais n’ont aucune confiance dans une Allemagne qui n’hésiterait pas, ainsi que
nous le prouve l’expérience de tous les jours, à nous dépouiller à son profit de toute l’alimentation qui
arriverait à notre destination exclusive », P. Delandsheere et A. Ooms, La Belgique sous les nazis,
Bruxelles, s.d., p. 414-415 (7 août 1941).
14. P. H. Spaak, Combats inachevés, t. 1, Paris, 1969, p. 188-191 ; A. Colignon, Secours d’hiver,
Secours d’Hitler, Jours de guerre, t. 6, Bruxelles, 1992, p. 86-87. Archives du ministère belge des Affai-
res étrangères (Bruxelles), dossier no 11601, 1940-1943, télégramme chiffré no 121 de Spaak à Pierlot,
télégramme en clair no 123 de Van der Straeten, 15 octobre 1941.
15. Sur le point de vue belge, cf. les textes publiés dans T. Grosbois, L’idée européenne, op. cit. ;
F. Vanlangenhove, La Sécurité, op. cit., p. 45-58.
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tiques alliés et neutres, au point que C. Hull devra réagir lors d’une
conférence de presse pour calmer les appréhensions des petits alliés16. Le
combat pour les droits des petites nations devient l’un des objectifs de la
politique étrangère néerlandaise entre 1943 et 194517.
16. La lettre a été éditée dans T. Grosbois, L’idée européenne, op. cit., p. 183-185, et dans les
mémoires de Van Kleffens : E. N. Van Kleffens, Belevenissen, t. 2, Alphen a/d Rijn, t. 2, 1983, p. 30-
31.
17. Sur le point de vue néerlandais dans le débat concernant le rôle des petites nations dans le
monde de l’après-guerre, cf. H. Daalder, Nederland en de wereld 1940-1945, Tijdschrift voor Geschiede-
nis, t. 66, 1953, p. 189-193. Cet article a été traduit en anglais dans H. Daalder, The Netherlands and
the World 1940-1945, The Foreign Policy of the Netherlands, Alphen a/d Rijn, Éd. J. H. Leurdijk, 1978,
p. 49-87. Voir aussi L. De Jong, Het Koninkrijk der Nederlanden in de tweede wereldoorlog, t. 9/1, Londen,
La Haye, 1979, p. 623-632. C. Wiebes et B. Zeeman, Belgium, op. cit., p. 71-72.
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19. Archives générales du royaume (Bruxelles) (désormais : AGR), MF no 2081/2, Conseil des
ministres du 28 décembre 1942, p. 1-2.
20. AGR, MF no 2081/2, Conseil des ministres du 9 mars 1943, p. 1-2.
21. Ibid., Conseil des ministres du 17 décembre 1943, p. 3.
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22. Lettre de P.-H. Spaak à van der Straeten, 29 mars 1941, citée dans M. Dumoulin, Spaak, op.
cit., p. 273.
23. AGR, MF no 2081/3A, Conseil des ministres du 8 juin 1944, p. 1.
24. DDB, t. 1, no 3, p. 69.
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25. Ibid., no 60, 61, lettre du comte R. van der Straeten-Ponthoz à P.-H. Spaak, 9 janvier 1942,
Note de G. Kaeckenbeek à Ch. de Romrée, 16 mars 1942.
26. Ibid., no 62, lettre du comte R. van der Straeten-Ponthoz à P.-H. Spaak, 26 juin 1942.
27. Discours publié dans P.-F. Smets, La pensée européenne et atlantique de Paul-Henri Spaak,
Bruxelles, 1980, vol. 1, p. 19.
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39. Discours édité dans P.-F. Smets, Pensée, op. cit., p. 52.
40. DDB, t. 1, no 14, circulaire d’information no 8 du ministère des Affaires étrangères, 14 juil-
let 1942 ; F. Vanlangenhove, La Sécurité, op. cit., p. 116.
41. T. Grosbois, Les négociations de Londres pour une union douanière Benelux (1941-1944),
Regards sur le Benelux. 50 ans de coopération, Tielt, 1994, p. 68, n. 124.
42. AGR, MF no 2081/2, Conseil des ministres du 23 avril 1942, p. 1.
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49. DDB, t. 1, no 154, 155, Lettre du comte Van der Straeten à C. Hull, 30 janvier 1943, circu-
laire d’information no 11 de P.-H. Spaak, 23 février 1943.
50. AGR, MF no 2081/2, Conseil des ministres du 30 mars 1943, p. 3-4.
51. DDB, t. 1, no 203, Note de H. Ansiaux, relatant une conversation avec H. White,
30 décembre 1943.
52. Note publiée dans F. Vanlangenhove, La Sécurité, op. cit., p. 14-15.
53. Ibid., p. 15.
54. DDB, t. 1, no 91, p. 281, Rapport de G. Theunis à H. Pierlot, 24 mars 1942.
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6. Conclusion
Les circonstances particulières de la Seconde Guerre mondiale ont
accentué le caractère asymétrique des relations bilatérales entre la Bel-
gique et les grandes puissances. Dans ce contexte peu favorable, les objec-
tifs primordiaux de la politique étrangère de la Belgique au cours de la
guerre consistent à redresser l’image du pays principalement dans les pays
anglo-saxons, à affirmer la souveraineté de la Belgique face aux Grands, et
à contribuer à assurer sa sécurité dans le cadre d’un système d’alliance per-
60. Ibid., no 55, p. 196, Note de F. Vanlangenhove, 16 octobre 1942, et dans F. Vanlangen-
hove, La Sécurité, op. cit., p. 84.
61. Ibid., no 17, p. 93, Lettre circulaire de P.-H. Spaak aux postes diplomatiques,
1er février 1943.
62. Ibid., no 19, p. 102, Circulaire de P.-H. Spaak, 23 février 1943.
63. Ibid., no 19, p. 105-107, Circulaire de P.-H. Spaak, 23 février 1943.
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Thierry GROSBOIS,
chercheur associé,
Université d’Artois (Arras).
64. T. Grosbois, Les relations diplomatiques du gouvernement belge de Londres avec la France Libre et
l’Union soviétique 1940-1944, dans Annales de l’Institut d’études européennes de l’UCL, Bruxelles, 2001,
p. 143-199.
65. T. Grosbois, Les négociations de Londres pour une union douanière Benelux (1941-1944),
loc. cit.