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LA MODULATION AGOGIQUE :
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval
dans le cadre du programme de maîtrise en musicologie
pour l'obtention du grade de Maître en musique (M. Mus.)
FACULTÉ DE MUSIQUE
UNIVERSITÉ LAVAL
QUÉBEC
2008
Ce mémoire rend compte d'une recherche exhaustive sur les possibilités modulatoires
associées au rythme. 11 réunit les différentes conceptions de modulation relatives à
l'organisation du temps en un seul concept, la modulation agogique. L'auteur propose une
classification détaillée des mécanismes permettant d'effectuer ce type de modulation à
travers des modèles fictifs et réels. Par la suite, le concept est appliqué à l'analyse d'extraits
du répertoire classique et populaire. L'hypothèse qui est au cœur du mémoire s'appuie
principalement sur la vision de François-Joseph Fétis selon laquelle la modulation agogique
aurait des caractéristiques analogues à la modulation tonale. Cette vision pourrait être la clé
permettant au rythme d'accéder à un statut comparable à celui de l'harmonie.
Avant-Propos
J'aimerais remercier tout d'abord M. Paul Cadrin, non seulement pour m'avoir appuyé
pendant les quatre ans et demi de recherche du présent mémoire, mais aussi pour m'avoir
donner la piqûre de l'analyse en 2002 en me permettant de l'assister dans l'enseignement
des cours d'analyse et d'écriture. L'expérience acquise au cours de ces années a alimenté
mon goût pour la musicologie théorique, particulièrement en ce qui a trait à l'enseignement
de l'écriture. Toute ma gratitude à M. Cadrin qui m'a ouvert les yeux à un monde nouveau,
grâce à son bagage incroyable de connaissances et son ouverture d'esprit, me permettant de
développer mon potentiel au maximum.
Puisque le rythme fait partie intégrante de mon mémoire, plusieurs personnes méritent
ma gratitude. Tout d'abord, je remercie M. Serge Laflamme pour son enseignement de la
percussion de 1998 à 2003. Grâce à ses précieux conseils, j'ai acquis les aptitudes
nécessaires pour devenir un musicien compétent, efficace et intelligent. Ensuite, je remercie
M. François Morel pour avoir attisé ma curiosité rythmique. En terminant, je remercie tous
mes collègues percussionnistes de l'Université Laval et d'ailleurs avec qui j'ai pu partager
mes passions et mes réflexions sur le rythme, tout particulièrement Michel Vallières qui
m'inspira mon sujet de recherche.
Résumé ii
Avant-propos iii
Table des matières iv
Liste des tableaux et exemples musicaux vi
Introduction 1
0.1. Le rythme et la modulation 1
0.2. Problématique 2
0.3. Objectifs 3
0.4. Méthodologie 3
0.5. Corpus 5
0.6. Présentation du contenu 6
Chapitre 1 : La modulation agogique 7
1.1. État de la recherche 7
1.1.1. Origine du terme 7
1.1.2. George Peter Tingley 8
1.1.3. Arthur Weisberg 10
1.1.4. Mary Irène Arlin 11
1.2. Définition 13
1.3. Équations 13
Chapitre 2 : Analogies avec la modulation tonale 17
2.1 Importance de tisser des liens 17
2.2 Modulation tonale : définition 18
2.3 Étude comparative 20
Chapitre 3 : Classification : 25
3.1. Modulation de tempo 25
3.2. Modulation métrique 27
3.2.1. Première espèce 28
3.2.2. Deuxième espèce 31
3.2.3. Troisième espèce 33
3.3. Modulation combinée
3.3.1. Première espèce
3.3.2. Deuxième espèce
3.3.3. Troisième espèce
3.4. Permutation unirythmique
3.5. Exemples de modulations agogiques
Chapitre 4 : Analyse de pièces
4.1. Dix-neuvième siècle
4.1.1. Beethoven
4.1.2. Brahms, Symphonie n° 1
4.1.3. Brahms Symphonie n° 3
4.2. Vingtième siècle
4.2.1. Carter
4.2.2. Vivier
4.3. Musique populaire
4.3.1. Dream Theater
4.3.2. Spiral Architect
4.3.3. PlanetX
Conclusion
Annexe 1
Annexe 2
Annexe 3
Annexe 4
Annexe 5
Bibliographie
Exemples musicaux
Tableaux
1. Carter, fluctuation des tempos 9
2. Vitesses dérivées 13
3. Large Way 14
4. SmallWay 15
5. Tableau des tempos 15
6. Schéma comparatif 20
7. Équation modulation de tempo 26
8. Tempo final manquant 26
9. Exemples de modulations agogiques 43
10. Indications de mesure dans Pulau Dewata de Claude Vivier 58
INTRODUCTION
' François-Joseph Fétis, « Comparaison de l'état actuel de la musique avec celui des époques précédentes »,
Revue Musicale, 14(1834), 10.
"«...mais qu'on trouve la nécessité transitoire du rythme comme on a trouvé celle de la tonalité par l'accord
de septième de dominante ». F.-J. Fétis, « Cours de philosophie musicale et d'histoire de la musique », Revue
musicale, 12(1832), 198.
2
0.2. Problématique
Pourquoi s'intéresser à la modulation agogique? Elle est sans aucun doute un des sujets les
plus méconnus et incompris du milieu musical. Peu d'auteurs s'y attardent, soit par
ignorance, soit par manque d'intérêt, de sorte que le sujet évolue à une vitesse frôlant la
stagnation. Après avoir épluché la documentation sur le sujet, on constate assez rapidement
que le nombre d'ouvrages couvrant spécifiquement la modulation agogique est réduit. De
plus, les auteurs se consacrent généralement à l'analyse d'une pièce donnée et délaissent
l'analyse du processus lui-même, c'est-à-dire les mécanismes de production. La plupart
prennent la peine de donner une définition sommaire au début de leur analyse, mais aucun
ne semble s'y pencher plus sérieusement. On ne peut se limiter à une simple définition du
sujet sans se poser certaines questions sur son fonctionnement. Comme nous allons le voir
dans la première partie du travail, seuls trois auteurs ont retenu mon attention grâce à leur
vision originale de la modulation agogique.
De plus, il existe une autre difficulté qui touche, cette fois-ci, aux frontières du
procédé. À partir de quel niveau de complexité peut-on considérer qu'il y a modulation
agogique? En d'autres mots, la modulation agogique peut apparaître à divers niveaux du
plus simple au plus complexe, mais à partir de quel moment cela devient-il significatif?
Est-il nécessaire de considérer systématiquement chaque changement de métrique ou de
vitesse comme une modulation agogique? L'analyse d'un tel procédé nécessite
l'établissement de barèmes précis qui répondent à ces questions, et pour cette raison, il est
primordial d'avoir une définition claire du concept.
Force nous est de constater que le présent sujet démontre certaines déficiences
relatives à son fonctionnement. À cet effet, une question fondamentale émerge. Existe-t-il
une théorie dont les caractéristiques seraient analogues à la modulation agogique? En effet,
le principe de modulation agogique n'étant pas encore totalement fixé, il est essentiel de
disposer d'un modèle fiable comme élément de comparaison. L'hypothèse qui est au cœur
du mémoire s'appuie principalement sur la vision de François-Joseph Fétis selon laquelle la
3
0.3. Objectifs
0.4. Méthodologie
Les textes de Mary Irène Arlin, Arthur Weisberg et George Peter Tingley sur la
modulation agogique sont parmi les plus représentatifs dans le domaine. Ces auteurs nous
ont fourni des outils d'analyse additionnels qui ouvrent des perspectives nouvelles sur le
rythme. Ma recherche s'inspire en grande partie de ces textes.
Tout d'abord, afin d'établir une nouvelle classification des modulations agogiques,
je m'inspirerai des catégories proposées par Fétis dans l'article d'Arlin (ordre
unirythmique, ordre transirythmique, ordre plurirythmique et ordre omnirythmique). Celle-
ci regroupera les modulations par pulsation et valeur pivot (valeur de note équivalente). Par
la suite, j'utiliserai une technique inspirée de la méthode de Weisberg. Celle-ci, grâce à un
outil appelé Small Way et Large Way, permet de trouver, à l'aide de simples équations, la
"' Mary Irène Arlin, « Metric Mutation and Modulation : TheNineteenth-Century Spéculations of F.-J. Fétis ».
Journal ofMusic Theory 44, n° 2 (automne 2000) ; Arthur Weisberg, Performing Twentieth-Century Music :
A Handbookfor Conductors and Instrumenlalists (New Haven : Yale University Press, 1993) ; George Peter
Tingley, « Metric Modulation and Elliott Carter's First String Quartet », lndiana Theory Review 4, h° 3
(printemps 1981).
4
4
Louis Andriessen, Metric Modulation [en ligne]. www.londonsinfonietta.orR.uk/andriessen-
online/glossarv.htinl (consulté le 22 janvier 2007) ; Richard DeLone, Metric Modulation [en ligne].
http://en.wikipedia.org/wiki/Metric modulation (consulté le 30 novembre 2006) ; David Schiff, The Music of
Elliott Carter, 2e éd. (lthaca : Cornell University Press, 1998) ; Ronald Caltabiano, Simple Metric Modulation
[en ligne], www.caltabiano.net/shareware/composition tools.html (consulté le 22 janvier 2007).
5
Fernando Benadon, « Towards a Theory of Tempo Modulation ». International Conférence on Music
Perception and Cognition, 8 (août 2004) 563-566.
6
Paul Cadrin, Analyse et écriture I, Analyse : notes de cours (Québec : Université Laval), 2005 ; Paul Cadrin,
Analyse et écriture 111, Écriture : notes de cours (Québec : Université Laval), 2006 ; Paul Cadrin, Analyse et
écriture IV : Analyse notes de cours (Québec : Université Laval), 2007 ; Miguel A Roig-Francoli, Harmony in
Context (Boston : McGraw-Hill, 2003) : chapitre 16 à 19, 24 et 25.
7
Tingley, « Metric Modulation » ; Robert M McCormick, « Eight Pièces for Four Timpani by Elliott Carter »,
Percussionist \1, n° I (automne J974) : 7-11 ; Geary H Larrick, « Eight Pièces for Four Timpani by Elliott
Carter », Percussionist 12, n° 1 (automne 1974) : 12-15.
5
0.5. Corpus
Dans le quatrième chapitre, j'analyserai des oeuvres du répertoire savant du dix-neuvième et
du vingtième siècle. De plus, j'étendrai ma recherche au répertoire populaire qui recèle de
véritables trésors de modulation agogique. Étant donné la nature novatrice et originale de ce
mémoire, il est probable que je passe sous silence certaines œuvres marquantes faisant
usage de modulation agogique. Toutefois, je n'ai pas l'intention de faire une étude
exhaustive de toutes les œuvres de chaque répertoire. J'ai plutôt sélectionné les plus
pertinentes que j'ai pu trouver durant mes recherches. Seront parmi les compositeurs et les
œuvres à l'étude : le quatrième mouvement de la Symphonie n° 1 de Brahms ainsi que le
premier mouvement de sa Symphonie n° 3, le premier mouvement de la Symphonie n° 3 de
Beethoven, les Huit Pièces pour quatre timbales d'Elliott Carter et Pulau Dewata de
Claude Vivier1 . Dans le domaine de la musique populaire, plus particulièrement dans la
musique progressive, plusieurs groupes ont fait leur marque grâce à l'architecture évoluée
de leurs compositions. Parmi les plus représentatifs, je retiendrai les groupes Dream
Theater, Spiral Architect et PlanetX11 dont les compositions offrent plusieurs situations
intéressantes de modulation agogique.
8
Chris De Chiara, « Dream Theater's Mike Portnoy Style and Analysis », Modem Drummer, (juillet 2005) :
96-100.
9
Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani (New York : Associated Music Publishers, 1968).
10
Claude Vivier. Pulau Dewata (Montréal : Centre de musique canadienne, 1977).
" Dream Theater, « The Mirror», extrait àeAwake, disque compact (Eastwest Records America CD 90126,
1994) ; Spiral Architect, « Conjuring Collapse », extrait de A Sceptic's Universe, disque compact (Sensory
Records B00004RDG5, 2000) ; Planet X, « The Noble Savage », extrait de Moon Babies, disque compact
(Inside Out 6 93723 65072 2,2002).
6
Dans la première partie de mon travail, j'exposerai les résultats de recherche de Tingley,
Weisberg et Arlin ainsi que leur point de vue sur la modulation agogique. De plus, je
réunirai les différentes conceptions de ces auteurs, ainsi que celles d'autres auteurs ayant
abordé le sujet, afin de préciser la définition de la modulation agogique. Par la suite, je
présenterai la modulation tonale en comparant ses caractéristiques à la modulation
agogique. Dans le chapitre trois, je tenterai de délimiter les frontières d'application du
concept en établissant une nouvelle classification des modulations agogiques qui les
distingueraient par types de pulsation et de pivot. Cette systématisation facilitera l'analyse
et permettra d'expliquer des exemples de modulations qui étaient, jusqu'à ce jour, restés
obscurs. Enfin, j'appliquerai la démarche tant sur des extraits théoriques qu'à des œuvres
du répertoire classique et populaire.
CHAPITRE 1 : LA MODULATION AGOGIQUE
Dans la première partie de mon travail, j'exposerai les résultats de recherche de quelques
auteurs, en particulier George Peter Tingley, Arthur Weisberg et Mary Irène Arlin qui ont
touché au sujet. De plus, je réunirai les différentes conceptions de ces auteurs, ainsi que
celles d'autres auteurs ayant abordé le sujet, afin de préciser la définition de la modulation
agogique. Enfin, une série d'équations sera présentée à la fin du chapitre pour permettre de
manipuler avec facilité les différentes modulations agogiques.
12
Richard F. Goldman, « Current Chronicle », The Musical Quarterly 37, n" ! (janvier 1951) : 87.
13
Elliott Carter, Sonate pour violoncelle et piano (New York : Associated Music Publishers, 1948).
14
Bien que le procédé se retrouve dans la pièce pour violoncelle et piano, des relations métriques similaires
sont observables dans sa Symphonie n° 1, écrite en 1942.
8
1.1.2. Tingley
Dans la documentation plus récente, on retrouve quelques auteurs qui témoignent d'un vif
intérêt pour le sujet. Parmi eux, on retrouve l'Américain George Peter Tingley qui publia,
en 1981, un article sur le Premier Quatuor à cordes de Carter. Tingley propose une analyse
détaillée des procédés de modulation agogique comme technique d'écriture présente dans le
quatuor. Il se démarque par sa vision particulière du concept. Il présente tout d'abord une
courte description de la modulation métrique: «La modulation métrique (...) est une
méthode précise et contrôlée permettant de passer d'une vitesse métronomique à une
autre »17. Cette définition se limite au tempo uniquement, il ne fait ici aucune référence au
rôle joué par le changement de métrique dans une modulation.
majeure à la théorie de la musique du vingtième siècle . Carter a déjà dit : « Disons qu'une
voix en triolets entre contre une autre en quintolets, que les quintolets se retirent et les
triolets établissent le nouveau tempo... » l9. Autrement dit, si une figure rythmique
prédomine dans un passage donné, celle-ci pourrait cacher une figure sous-jacente qui
rejaillirait plus tard pour devenir à son tour la figure prédominante. Sans changer de façon
15
« Carter has corne to prefer the term tempo modulation since it is the tempo that changes, not the meter. »,
David Schiff, The Music ofEUiott Carter : 23.
16
Carter, Eight Pièces for Four Timpani.
17
« Metric modulation (...) is a précise and controled method of proceeding from one metronomic speed to
another », Tingley, « Metric Modulation » : 3.
18
« The élévation of rhythm from a position of secondary to primary structural importance is a major
contribution of much twentieth-century music », Tingley. « Metric Modulation » : 3.
19
« Say, one part in triplets will enter against another part in quintuplets and quintuplets fade into the
background and the triplets establish a new speed », Elliott Carter, « Shoptalk by an American Composer »,
Musical Quarterly, 46 (1960) : 266-67.
9
abrupte la valeur métronomique, il est possible de créer un conflit entre deux ou plusieurs
voix qui nécessitera une résolution vers un rythme commun.
Selon Tingley, l'usage des techniques de modulation agogique vise plusieurs buts
précis dans le Premier Quatuor à cordes. D'abord, la modulation agogique permet
l'accélération et la décélération contrôlées. Elle facilite, entre autres, la diversification des
valeurs métronomiques à exploiter, ouvrant la porte à un univers « chromatique » des
10
tempos. La modulation agogique, utilisée à plusieurs voix, fournit une base au contrepoint
dans un sens plus large, permettant un contraste et une indépendance accrue des parties.
L'utilisation de cette technique contribue également de façon importante au découpage
formel de l'ensemble de l'œuvre. En terminant, la modulation agogique rend possible le
retour exact à des tempos métronomiques déjà exposés (au même titre qu'une modulation
tonale), ce qui constitue un élément essentiel à la cohérence d'une œuvre .
1.1.3. Weisberg
Dans sa monographie intitulée Performing Twentieth-Century Music : A Handbook for
Conductors and Instrumentants21, Arthur Weisberg veut guider les chefs et les
instrumentistes qui doivent affronter les difficultés et les subtilités rythmiques de la
musique du vingtième siècle. L'auteur consacre un chapitre entier à la modulation
agogique : « The Métronome and Metric Modulation ». Le chapitre est lui-même divisé en
plusieurs sections qui mettent en valeur divers aspects du rythme, de la métrique et du
tempo qui sont nécessaires à la compréhension de la modulation agogique. Par son
approche didactique, ce volume s'adresse non seulement à des interprètes et à des chefs,
mais aussi à une clientèle étudiante qui peut utiliser le document à des fins pédagogiques,
comme dans un cours de théorie ou d'analyse. Des exercices préparatoires permettent à des
étudiants de s'exercer aux différentes situations qui mèneront éventuellement à la
modulation agogique proprement dite. La plupart des exercices sont composés de toutes
pièces, mais l'auteur se sert également d'exemples provenant de compositeurs
représentatifs tels qu'Elliott Carter.
20
Tingley. « Metric Modulation » : 9.
21
Weisberg, Performing Twentieth-Century Music.
22
« As it is was first developed, it was similar to harmonie modulation in that something had to be common to
both tempos-a metric unit that proceeded at the same speed in both tempos ». Weisberg, Performing
Twentieth-Century Music : 51.
11
1.1.4. Arlin
Mary Irène Arlin, pour sa part, traite de la modulation métrique en se basant sur les
spéculations de Fétis. Ce dernier suggère des hypothèses ou simplement des pistes qui
seront, dans le futur, des sujets de recherche important. Arlin a donc saisi l'occasion de
traiter du rythme selon la vision de Fétis dans son article « Metric Mutation and
Modulation : The Nineteenth-Century Spéculations of F.-J. Fétis »2 . Dans son article,
Arlin regroupe les sources les plus pertinentes où Fétis fait mention du rythme : « Du
développement futur de la musique », « Du temps et de sa mesure en musique », « Cours de
philosophie musicale et de l'histoire de la musique » et « De la mesure en musique »24. On
y retrouve des prévisions de Fétis sur l'avenir du rythme et son utilisation future dans
divers contextes de compositions.
façons : premièrement, elle peut se retrouver parmi les éléments agogiques situés à
l'intérieur ou entre les mesures; deuxièmement, elle peut être perçue dans le nombre de
pulsations par mesure; et finalement, elle peut se retrouver dans le nombre de mesures
composant une phrase ou période.
1.2. Définition
Après avoir examiné les différentes conceptions des auteurs sur le sujet, nous sommes en
mesure d'étoffer notre définition de la modulation agogique. Le terme agogique désigne
l'organisation des sons dans le temps, incluant entre autres les durées et la métrique26.
L'expression modulation agogique désigne tout passage d'un mode d'organisation des sons
dans le temps à un mode différent. Notamment, la modulation unit de façon rationnelle un
tempo métronomique à un autre (par exemple J = 60 modulant pour aller à J = 100), une
métrique à une autre (par exemple une mesure à 2/4 qui module en 6/8 ) ou deux mesures
contenant une organisation rythmique différente (par exemple une mesure subdivisée 3 + 3
+ 2 réorganisée en 2 + 3 + 3). Il existe quatre types de modulations possibles qui respectent
ces critères : la modulation de tempo, la modulation métrique, la modulation combinée et la
permutation unirythmique.
Avant de passer au chapitre suivant, une série d'équations est présentée afin de
facilité la manipulation de ces différents types de modulations agogiques. Par la suite, nous
allons étudier les procédés et éléments constitutifs de chacun d'eux, en les classant selon les
quatre catégories afin de cerner toutes les situations possibles de modulations.
1.3. Equations
Afin d'analyser les modulations agogiques, il est essentiel de connaître quelques opérations
mathématiques. Prenons d'abord le tableau des vitesses dérivées qui représente le rapport
de base unissant chaque valeur (tableau 2).
Toutefois, les valeurs ne sont pas toujours aussi symétriques que dans l'exemple précédent.
Dans sa monographie, Arthur Weisberg suggère deux méthodes permettant d'effectuer avec
précision des opérations mathématiques plus élaborées qu'il appelle :
1. The Large Way
2. TheSmallWay
Prenons un exemple plus complexe : quelle est la valeur métronomique d'une noire
d'un triolet de noire (3"J = ?) si J = 100? Avec la méthode The Large Way, il faut trouver
une valeur plus élevée en posant la question suivante : quelle est la valeur normale d'un
triolet de noire? Réponse = une blanche. Si la blanche a une valeur métronomique deux fois
plus lente que la noire, alors J = 50. S'il y a trois noires de triolet, dans cette blanche, alors
il ne reste qu'à multiplier par trois la valeur métronomique de la blanche (tableau 3).
3
Si J = 100 ^J = ?
3*3^J = J
Pour résoudre le même problème avec la méthode The Small Way, il faut trouver une valeur
plus courte en posant la question suivante : quelle valeur de triolet entre dans une noire de
triolet? Réponse = deux croches de triolet. La valeur de chaque croche de triolet peut être
obtenue en multipliant par trois la valeur métronomique de la noire (100 x 3 = 300)
puisqu'il y a trois croches de triolet dans une noire. Si une croche de triolet = 300, alors une
noire de triolet qui est deux fois plus lente donnera 150 (tableau 4).
15
3
Si J = 100 ^l=?
3
~J = 2 x 3^J) [2 croches de triolet dans une noire de triolet]
J = 3*37>
3
V> = 300 [3 croches de triolet dans une noire 100 x 3 = 300]
3
"J = 150 [2 croches de triolet dans une noire de triolet 300 + 2 = 150]
Avec la première approche, on cherche à compléter le tolet11 à l'aide de la même valeur
alors qu'avec la deuxième approche, on cherche une valeur inférieure à celle du tolet. Les
deux méthodes sont aussi efficaces l'une que l'autre, leur utilisation dépendra du
28
contexte .
Ce tableau ne présente que les valeurs dérivées d'un tempo J = 100, mais il reste un outil
pratique pour déterminer le rapport entre des valeurs qui seraient plus éloignées. Par
exemple, quelle est la vitesse d'une blanche de septolet si J = 120? La règle de trois permet
de trouver la variable manquante (% = (87,5 * 120) +100. Réponse : 7"J = 105 ).
27
Calque français de tuplet désignant l'ensemble des valeurs regroupées de façon irrégulière : triolet,
quintolet, septolet, etc.
2
II peut arriver à l'occasion de dériver de la réponse simplement parce qu'il fallait diviser au lieu de
multiplier ou vice versa. Afin d'éviter ce problème, le « gros bon sens » est de mise, c'est-à-dire, plus la
valeur rythmique est longue (ronde, blanche, etc.) plus lent sera le tempo, et, plus courte sera la valeur
rythmique, plus le tempo sera rapide.
29
Weisberg, Performing Twentieth-Century Music, 50.
16
Il peut être difficile à l'occasion d'effectuer une analyse avec des outils de base qui
ne permettent pas d'expliquer la subtilité de certaines modulations, comme chez Elliott
Carter par exemple. Après avoir constaté les limitations de chacune des méthodes, j'ai
décidé d'apporter ma contribution en créant un tableau inspiré de Weisberg et du
programme de Caltabiano. Ses avantages sont nombreux :
1. Une seule opération est nécessaire pour déterminer le tempo de toutes les valeurs ;
2. Plus de valeurs rythmiques sont disponibles (septolets, pointée-liée, double-pointée) ;
3. Aucune limite de vitesse.
,0
Caltabiano, Simple Metric Modulation [en ligne]. Ce programme peut être téléchargé sur Internet
gratuitement donnant accès à une version démo du produit. Cette version est toutefois limitée dans les options
offertes et ne permet pas de dépasser les tempos 60 à 120. Une version payante est aussi disponible offrant
une plus grande liberté comme l'utilisation de tempos avec décimales.
CHAPITRE 2 : ANALOGIES AVEC À LA MODULATION TONALE
Tingley, Weisberg et Arlin sont parmi les auteurs, peu nombreux, à explorer les procédés et
éléments constitutifs reliés à la modulation agogique. De plus, ils partagent la vision
prophétique de Fétis qui accorde une importance fondamentale aux relations entre le
rythme et l'harmonie. Quatre raisons principales expliquent l'importance de créer des liens
entre la modulation agogique et la modulation tonale.
Jl
Fétis, Revue et Gazette musicale de Paris, 22, p. 355.
18
4. La transposition théorique
La transposition théorique permet de faire évoluer les principes de la modulation agogique.
D'une part, le vocabulaire utilisé pour décrire les éléments présents dans la modulation
tonale peut servir de base à celui décrivant la modulation agogique. D'autre part, les
procédés utilisés pour moduler d'une tonalité à une autre peuvent être calqués sur la
modulation agogique : «...mais qu'on trouve la nécessité transitoire du rythme comme on a
trouvé celle de la tonalité par l'accord de septième de dominante » .
,2
Fétis, Revue musicale, 12, p. 198.
'" Cadrin, Analyse et écriture III, Ecriture, 5.
j4
Les accords diminués ne sont pas considérés comme fonctionnels.
19
[sont] obtenus par emprunt au mode... homonyme» . En do majeur, par exemple, les
degrés fonctionnels sont do mineur, mi bémol majeur, fa mineur, sol mineur, la bémol
majeur et si bémol majeur. Toutes les autres tonalités sont considérées comme éloignées.
Le vocabulaire utilisé pour décrire les éléments d'analyse de la modulation tonale peut être
transposé ou adapté au principe de la modulation agogique. Après avoir exposé les critères
de la modulation tonale, présentons maintenant les éléments communs grâce à un schéma
comparatif des deux types de modulation36 (tableau 6). Une description détaillée des
différents éléments présentés dans le tableau suivra.
' Bien que la modulation tonale soit un modèle idéal pour fin de comparaison, il n'en demeure pas moins que
certains éléments ne s'appliquent qu'à ce type de modulation et ne peuvent, par conséquent, être transposés à
la modulation agogique.
21
Pivot
Le pivot de la modulation est un élément agogique qui agit comme pont entre deux
métriques ou tempos différents. Celui-ci aura une double fonction, c'est-à-dire qu'il pourra
être interprété dans les deux métriques ou tempos. Le pivot peut prendre plusieurs formes
selon l'ampleur de la modulation. Si une valeur suffit à effectuer la modulation, alors il sera
qualifié de « valeur pivot ». Si une ou plusieurs valeurs sont nécessaires à la modulation,
alors il sera qualifié de « rythme(s) pivot(s) ». Si une ou plusieurs mesures sont nécessaires
à la modulation, alors il sera question de « mesure(s) pivot(s) ». Il est aussi possible
d'utiliser le terme « métrique pivot » pour désigner les mesures agissant comme pont dont
la métrique contraste avec celles situées de part et d'autre de la modulation.
Altération métrique
Ce terme est calqué sur l'expression « altération accidentelle ». Dans la modulation tonale,
ces altérations peuvent annoncer la nouvelle tonalité. Dans la modulation agogique,
l'altération métrique agit de la même façon en modifiant, soit le dénominateur, soit le
numérateur ou les deux à la fois (combinée), annonçant du même coup la nouvelle métrique
(voir modulations métriques et modulations combinées au chapitre trois).
Tempo voisin
Tout comme les relations de proximité tonale, il existe des distances plus ou moins
éloignées entre les tempos. Dans le cas des vitesses métronomiques, on considère
rapprochées les valeurs qui font appel à un facteur de deux, ceci en raison des valeurs
métriques qui fonctionnent aussi de la même façon. Par exemple, si J = 60, alors «h = 120.
Les valeurs utilisant des rapports de nombres entiers autres que deux sont considérées
22
comme proximité intermédiaire. Par exemple, si J — 60, alors J. = 40 (rapport 3/2). Celles
utilisant des fractions plus complexes ou nécessitant plusieurs opérations afin d'obtenir le
nouveau tempo sont considérées comme éloignées. Par exemple, pour passer de J = 72 à
J = 100, il est nécessaire de franchir plusieurs paliers de tempos (exemple 2).
JJTTJ rm \nmn7ninrniTmm
J = 60
%hrmrrrm\%rrmnTm\r~i J I
'iTTnjTTTi]iJTiJTim\tnirnni} «
Marche agogique
La marche agogique fonctionne pratiquement de la même manière que la marche
d'harmonie. Elle contient un motif (modèle) qui est répété (séquence), en modifiant une
valeur, provoquant du même coup un décalage qui permettra de moduler vers d'autres
tempos (exemple 3), voire même d'autres configurations métriques.
Réinterprétation métrique
La réinterprétation métrique est inspirée de la modulation par enharmonie qui consiste à
«jouer sur l'ambiguïté entre deux notes ou deux tonalités théoriquement distinctes d'un
23
ÎJ]J1J]|§JT]JT3||
Modulation passagère
Tous les changements agogiques (tempo, métrique) ne sont pas nécessairement des
modulations. Une seule indication de mesure différente du reste d'un passage serait
l'équivalent d'une altération accidentelle dans l'harmonie. Cette dernière ne provoquerait
pas de changement de tonalité ; de la même manière, une seule mesure à cinq temps dans
un passage à 4/4 ne serait pas considérée comme une modulation. Si toutefois le passage
atypique semble insister pendant quelques mesures sur une nouvelle organisation agogique,
pour ensuite revenir à son point de départ, il pourrait s'agir d'une modulation passagère,
tout comme la tonicisation constitue une référence passagère à un autre ton.
,7
Nicolas Meeùs, « enharmonie », dans Dictionnaire du musicien, sous la direction de Marc Honneger
(Paris : Gilbert Labrune, 2002), 265.
24
Renversement
Dans l'harmonie, un accord peut adopter plusieurs positions selon l'ordre dans lequel les
notes sont superposées. La position principale se nomme position fondamentale, puis
ensuite premier renversement, deuxième renversement, etc. Cette organisation verticale des
sons se retrouve analogiquement dans l'organisation rythmique. Par exemple, on peut
renverser les valeurs d'une mesure en les décalant d'un temps vers l'avant (exemple 6). Ce
terme sera expliqué avec plus de précisions dans la section intitulée « permutation
unirythmique ».
EXEMPLE 6 : Renversement
Position fondamentale premier renversement deuxième renversement troisème renversement
Ce chapitre présente toutes les possibilités de modulations agogiques qui ont été
répertoriées jusqu'à ce jour. Elles seront d'abord classées selon la nature de la
transformation agogique (métrique ou tempo), puis par type de pulsation et de pivot. De
nouveaux types de modulations ont émergé à la suite de cette classification et les
paramètres entrant dans les mécanismes de production de la modulation agogique seront
présentés de manière exhaustive. Enfin, un tableau sera présenté à la suite de cette
description, résumant du même coup tout le chapitre.
possèdent une équivalence dans les deux tempos. Étant donné qu'il n'y a pas de
changement de métrique, le pivot doit avoir des valeurs différentes pour permettre un
changement de vitesse (exemple 7).
j j J JTJ1|J J J J ||
Dans l'exemple 7, le pivot de la modulation met en relation deux unités rythmiques
différentes : la croche dans le premier tempo et la noire dans le deuxième. Ce rapport,
correspondant à la fraction 1/2, permet de trouver avec exactitude le tempo final, dans la
mesure où le tempo de départ est déterminé à l'avance. Or, voici un simple calcul qui
permet de trouver la vitesse (tableau 7).
Il est donc possible de trouver les pivots seulement à l'aide des indications de
tempo. Prenons par exemple un extrait des Huit pièces pour quatre timbales d'Elliott Carter
afin d'observer l'application de ce principe (exemple 8). La vitesse de départ est J = 105 et
module à J = 140.
27
EXEMPLE 8 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, «March», mes. 12-1438.
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équivalentes à une J). et quatre «h sont équivalentes à une J, donc le pivot est J). = J. De
plus, Carter a clairement annoncé la venue de ce nouveau tempo en faisant entendre cinq
croches pointées juste avant la modulation.
En résumé, la seule façon d'effectuer une modulation de tempo (au sens strict du
terme), c'est en conservant le même indicateur de mesure (pas de changement de métrique),
mais en ayant un pivot dont les valeurs diffèrent.
Pour les besoins de l'illustration, j'ai omis volontairement d'inscrire le pivot qui apparaît clairement dans la
partition originale.
28
différemment certains éléments qui la constituent. Cette subdivision peut se faire de trois
façons selon Fétis39 :
1. À F intérieur d ' une pulsation;
2. Dans le nombre de pulsations par mesure;
3. Dans le nombre de mesures dans une phrase ou une période40.
En se basant sur l'idée de Fétis, les modulations métriques peuvent être classées en trois
catégories en se servant des indicateurs de mesure comme éléments modulatoires :
1. En altérant le numérateur et le dénominateur simultanément (2/4 —» 6/8 par
exemple);
2. En altérant le numérateur (3/4 —♦ 4/4 par exemple);
3. En altérant le dénominateur (2/4 —* 2/2 par exemple)41.
En altérant ainsi l'indicateur de mesure, on constate une nouvelle organisation de la
métrique qui respecte sensiblement la vision de Fétis. Toutefois, afin d'isoler un seul
paramètre à la fois, il faut distinguer la modulation métrique de la modulation de tempo en
s'attardant uniquement sur l'aspect métrique qui n'impliquerait pas des changements de
vitesse entre le tempo de départ et le tempo final. Dans le cas contraire, il s'agirait de
modulations combinées, sujet qui sera traité plus loin.
Arlin, « Metric Mutation and Modulation » : 263. Arlin fait une référence peu précise à l'article de Fétis,
Revue musicale, vol. 12.
40
II est intéressant de concevoir que la modulation peut être considérée dans un cadre plus large, comme la
période par exemple. Cependant, pour les besoins de l'analyse, cet aspect ne sera pas traité puisque la
question de la forme n'est pas abordée dans cette recherche.
41
Cette catégorie n'apparaît pas chez Fétis, mais en classant les modulations à l'aide des indicateurs de
mesure, cette nouvelle espèce émerge.
29
in n il m m »
Le tempo reste le même puisque la noire de la mesure à 2/4 est équivalente à la noire
pointée de la mesure à 6/8. Il n'est pas nécessaire de changer les indicateurs de mesure pour
effectuer une modulation métrique. L'utilisation du symbole triolet, par exemple, peut
remplacer le changement d'indicateur. On pourrait comparer cet exemple à celui d'un
passage modulant à la dominante qui ne changerait pas d'armure, à laquelle on ajouterait
les altérations accidentelles à mesure que le besoin se fait sentir. Toutefois, l'utilisation du
symbole triolet est habituellement réservée à l'usage d'un changement provisoire de
subdivision. Dans l'exemple qui suit, on ne peut pas considérer la modulation comme
complète (exemple 10).
% n n n n \fnfnfn fn\n n n n \\
À l'exemple 10, même si la subdivision de la pulsation change de binaire à ternaire,
l'apparition du symbole de triolet est insuffisante pour accomplir la modulation. Ce
symbole ne fait qu'indiquer un changement temporaire qui laisse entendre un retour à une
subdivision binaire. Ce traitement temporaire du rythme est analogue à la dominante
secondaire dans l'harmonie fonctionnelle. Toutefois, le triolet peut être utilisé comme pivot
afin d'effectuer une véritable modulation (exemple 11).
30
i j ii h i m_m i a m i f-jr? i J ^ ^ I j ^ p
Cet exemple, tiré d'un article de Fétis, démontre que la subdivision ternaire de l'antécédent
peut être transformée par une modulation métrique binaire. Les huit premières mesures en
6/8 sont répétées presque intégralement aux mesures 9 à 16 à l'exception de l'indication de
mesure 2/4. La modulation proprement dite n'apparaît qu'à la mesure 11 lorsqu'on voit les
croches groupées par deux. L'apparition de triolets de croches aux mesures 9 et 10 ne
constitue pas la modulation, puisqu'il est impossible de les distinguer des croches en 6/8
des premières mesures. Le rôle de ces triolets consiste à unir de façon fluide les deux
métriques ensemble. Ils agissent ainsi comme unité pivot et permettent à la modulation
d'être complète à la mesure 11.
Cette modification dans le nombre de pulsations par mesure fait référence à la modulation
métrique de deuxième espèce, qui sera définie au paragraphe suivant. L'exemple 12
respecte toutefois le critère principal qui régit la modulation métrique de première espèce,
c'est-à-dire que la subdivision interne de la pulsation change d'un état à un autre grâce à
l'altération combinée du numérateur et du dénominateur. Cette situation exceptionnelle sera
classée dans la catégorie de première espèce sous l'appellation modulation métrique
hybride.
%n n n n\%n n n\\
Le tempo de la première mesure est évidemment le même que celui de la deuxième.
Néanmoins, une modulation a bel et bien lieu. Au moment où le numérateur est altéré, une
toute nouvelle configuration de la mesure apparaît, et la perception temporelle est alors
modifiée (dans l'exemple 14, les signes d'accents correspondent aux temps les plus forts et
les chevrons correspondent aux temps qui portent un accent secondaire; les valeurs qui
n'ont aucun symbole sont les temps faibles).
32
j J J J J |jJ J J ||
Dans la modulation métrique de deuxième espèce, tout est une relation entre temps forts et
faibles. En modifiant le nombre de pulsations par mesure, un sentiment de mouvement se
dégage. Dans un exemple inspiré de Fétis (exemple 15)43, une ligne mélodique est exposée
dans une mesure à 4/4 pour ensuite être traitée en 3/4 en conservant toujours les mêmes
valeurs de notes (exemple 16).
-4^lwJjj)ijU|tjj<tjiJjr»^J<*Jii^Ji'1 J J i j J j i j j J i i i
Pf fpfpfp f fp fp fp fi j
Dans l'exemple 16, les quatre premières mesures préparent l'apparition de l'indication de
mesure 3/4 par une accentuation différente des accents métriques habituels (exemple 15,
mes 1 -4) à l'aide du symbole f à toutes les trois notes. La métrique binaire est confrontée à
une accentuation ternaire qui, par la force des choses, va provoquer un changement
d'indication de mesure. On pourrait considérer le procédé d'accentuation comme le pivot
de la modulation métrique au même titre que l'accord pivot dans une modulation tonale.
L'auteur Mary Irène Arlin ne croit pas que le phénomène de l'exemple 16 corresponde à
une modulation métrique, car elle considère que la symétrie de la ligne mélodique
(4J + 4J + 4 J + 4J) ne peut pas être altérée par une accentuation différente. Elle fait
observer qu'aux mesures 1 à 4 de l'exemple 15, il y a un début de marche d'harmonie qui
regroupe les noires par quatre. Si on se fie au motif de quatre notes et à ses répétitions, il va
sans dire qu'une accentuation différente irait à l'encontre de l'effet attendu de la marche.
J
Fétis, Revue et Gazette musicale de Paris, 22 : 327.
33
Le même procédé est utilisé aux mesures 5 à 9 lorsque les noires, visiblement groupées par
deux, effectuent un mouvement de seconde descendante jusqu'à la dominante. Pour cette
raison, Arlin considère qu'une accentuation dynamique différente de l'accentuation
métrique standard n'est pas une véritable modulation métrique, mais créée simplement des
syncopes dans la ligne mélodique. Malgré ce qu'Arlin peut penser, le processus de
modulation constitue un passage transitoire et non une fin en soi. Il est à prévoir que la
pièce ne s'arrêtera pas là et qu'après la transition, il y aura une ligne mélodique adaptée à la
nouvelle métrique. Comme il a déjà été mentionné, ceci est le pivot de la modulation et elle
fait partie intégrante du processus.
J.J
|J J | | J J ||
Dans ce type de modulation, le nombre de pulsations, l'organisation temps
fort/temps faible et le tempo restent inchangés. Le seul paramètre qui diffère est l'unité de
pulsation. Dans la première mesure, c'est la noire qui dicte la vitesse tandis que dans la
deuxième mesure, la pulsation est à la blanche.
EXEMPLE 18 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « Canaries », mes. 75-78.
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J. (J = 162)
.=tos h >
iS
r-
K.i
=P m ëSr
-à=x—, Vn
mfi mJ -J » i 3 1
f=¥: 3^E$
pp
$m
Dans l'exemple 18, la mesure à 3/8 sert à unir les deux métriques 3/4 et 4/4 de façon fluide.
Carter aurait pu remplacer la mesure à 3/8 par une mesure à 3/4 mais la mesure suivante
deviendrait 4/2 au lieu de 4/4. Cela aurait pour effet de rendre l'écriture un peu boiteuse,
44x
voire même contraignante au fil de l'œuvre (exemple 19 ).
EXEMPLE 19: Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, «Canaries»,
réinterprétation des mesures 75-82. Copyright © 1968 (Renewed) by Associated Music
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À-
(d- = f08)
J4 >
gg =± I ||J ^S 1PF=^
-3—M 3—i i 3-
> | > | >
pp
3S SI
Pour les besoins de l'analyse, cet exemple est présenté sans modulation métrique de troisième espèce.
35
%nm\imn}\\
Bien qu'on puisse observer des similitudes avec la modulation métrique de première
espèce, elle se distingue par son changement de tempo. Afin de réaliser correctement ce
changement, il est essentiel de trouver un pivot dont les valeurs ne correspondent pas à un
rapport équivalent à la pulsation de chacune des mesures. En d'autres termes, le passage
d'une mesure dont la pulsation serait à la noire suivi d'une mesure dont la pulsation serait à
la blanche ne pourrait disposer d'un pivot J = J sous peine de conserver le même tempo. Il
est donc primordial de trouver un pivot aux valeurs différentes qui provoquerait un
changement dans la pulsation.
Le passage de la mesure à 3/4 vers la mesure à 4/4 s'effectue aisément à l'aide des
trois dernières croches de la première mesure (correspondant à la noire pointée du pivot)
qui sont équivalentes aux croches du triolet de la mesure suivante (correspondant à la noire
du pivot).
On ne peut considérer cet exemple comme une véritable modulation combinée de deuxième
espèce, puisque la mesure à 3/4 sert uniquement de pivot, afin de relier les deux mesures à
4/4. De plus, la valeur de croche pointée présente dans la mesure pivot est une préparation
efficace aux noires de la mesure à 4/4. On retrouve quatre croches pointées qui doivent être
réalisées au même tempo que les noires suivantes (A = J). En réalité, rien ne nous empêche
38
de considérer cette mesure à 3/4 comme une mesure à 4/4 à condition de changer le pivot
de place (exemple 24).
En vérité, ce n'est pas une modulation de 3/4 à 4/4, mais bien une modulation de tempo
(sans changement de métrique) qui a été préparée par une mesure à 3/4 servant de pivot,
mesure dont l'utilité première est de faciliter la lecture pour l'interprète en subdivisant le
rythme pour le rendre compatible avec la mesure suivante. Dans ces circonstances, on ne
peut considérer chaque changement de chiffres indicateurs de mesure comme une
modulation.
Bien que le nombre de pulsations de chaque mesure soit le même, leur valeur ne l'est pas.
Dans la première mesure l'unité de pulsation est la noire et le pivot est une croche,
correspondant à la moitié d'un temps. Dans la deuxième mesure, la pulsation est à la croche
et le pivot est lui aussi une croche. Par conséquent, la vitesse de la pulsation de la deuxième
mesure va être le double de la première.
f j JllJ J II
Toutefois, il peut s'avérer plus simple pour un interprète de jouer en conservant les
mêmes valeurs au pivot (exemple 25) que d'effectuer une modulation de tempo (exemple
26). Dans le premier cas, la lecture peut se faire pratiquement sans interruption, étant donné
que la croche a la même valeur de part et d'autre de la mesure, tandis que dans le deuxième
cas, l'interprète doit accomplir une opération supplémentaire afin de s'adapter au nouveau
changement de vitesse. Le choix du type de modulation est laissé au soin du compositeur.
l A J l | | J J II
Encore une fois, on pourrait considérer ce changement de vitesse comme une simple
modulation de tempo en réinterprétant la mesure à 2/2 en mesure à 2/4 en n'oubliant pas de
modifier le pivot pour créer le même effet (exemple 28).
l O J l f j J il
Le choix d'une méthode plutôt qu'une autre dépend entièrement du contexte de la
composition. D'une part, certaines vitesses s'adaptent mieux à certaines indications de
mesure. D'autre part, le besoin de faciliter la lecture chez l'interprète s'avère une question
cruciale dans le choix du processus de modulation.
g 17} JUJJ|JJDJ3JTD|J3JUJTDn
Dans cet exemple en 8/8, chaque mesure contient trois pulsations « constituées d'unités de
deux longueurs distinctes, l'une étant plus longue que l'autre. On parle alors de pulsation
bichrone (à deux unités de temps) »47. Chacune de ces pulsations est constituée d'un
regroupement de croches. Dans la première mesure, la position fondamentale est 3+3+2,
dans la deuxième mesure, le rythme est présenté en premier renversement, 3+2+3 et dans la
mesure trois, le rythme est présenté en deuxième renversement, 2+3+3. Bien qu'il y ait le
même nombre de pulsations et que le tempo reste inchangé, on perçoit tout de même un
mouvement dans le rythme grâce à une combinaison différente de pulsations bichrones.
Il existe une autre façon d'effectuer une permutation unirythmique, soit en ajoutant
ou en soustrayant des valeurs afin de créer un déphasage. Par exemple, dans une mesure à
4/4, j'ajoute une double croche (exemple 30)
oh-A <*=J»
% m JE JE JE \ u m JE JE JE ^ % m m m n\
La deuxième mesure devient 17/16 avec l'ajout d'une double croche. Cette valeur fait
partie de la cellule de départ Ah*h mais comme elle apparaît sur la dernière double croche
de la mesure à 17/16, la cellule ne pourra faire autrement que décaler (J)J)Jf). On ne doit
pas considérer la mesure à 17/16 comme une modulation métrique de première espèce
puisque sa présence est ponctuelle. De plus, elle sépare deux mesures à 4/4 dont
l'organisation agogique diffère. On devra analyser cette mesure comme pivot.
significatif. Une seule mesure qui serait différente de la position fondamentale dans le
courant d'un morceau serait insuffisante pour parler de modulation. Un des facteurs
déterminants de cette permutation réside dans la répétition de motifs. Ainsi, l'effet créé par
une nouvelle organisation des pulsations est renforcé par les répétitions. En changeant
l'organisation de la mesure, la perception de l'auditeur est modifiée, car la symétrie
naturelle du passage est transformée. La section précédant la modulation fait établir
clairement l'organisation des pulsations, et la section suivante doit, en plus de modifier
cette configuration de la mesure, maintenir ce changement pour une durée suffisante afin de
bien sentir la modulation. Dans le cas contraire, on parlera une fois de plus de modulation
passagère. Il est possible d'utiliser la permutation unirythmique en conjonction avec un
autre type de modulation, mais cette situation s'avère exceptionnelle.
Pivot Tempo
Type de modulation Indicateur de mes. NuirualL Dén. ait Alt comb.
Valeurs Identique Différent Identique Différent
MÉTRIQUE
2/4 vers 6/8 J=J.
1ère espèce
2e espèce 2/4 vers 3/4 J=J
1 :,*'
II
3e espèce 4/4 vers 4/2 J=J
:H E: i
COMBINÉE
2/4 vers 6/8
1ère espèce pivot identique
^ 1 ■ •
ont réussi à intégrer des passages utilisant la modulation agogique dans certains
mouvements d'œuvres de leur répertoire symphonique.
La modulation est mise en marche par la contrebasse qui joue au premier temps de la
mesure 29 sur un accord de dominante en troisième renversement. Par la suite, une série de
syncopes propulse l'orchestre dans la nouvelle métrique. Le changement d'harmonie se
produit au début de chaque mesure à 3/2, soulignant du même coup le choix du type de
métrique.
46
La mesure 278 agit en tant que pivot de la modulation en appuyant les contretemps des
deuxième, troisième et quatrième temps. Ceci permet d'unir efficacement la mesure 279
avec les précédentes. De plus, le passage de la mesure 284 à 285 s'effectue aisément grâce
au motif syncopé qui est en fait une intensification du thème entendu à la mesure 285. Cette
syncope récurrente donne l'impression de déplacer le temps fort sur le contretemps
(exemple 34).
mouvement
Dans le premier mouvement de sa troisième symphonie, Brahms présente une introduction
dont l'indication de mesure est 6/4. Habituellement, ce type de métrique est binaire avec
une pulsation à la blanche pointée. Toutefois, l'interprétation de cette métrique peut se faire
d'une deuxième façon, soit ternaire à 3/2 puisque les valeurs sont identiques (exemple 35).
U J J J JI
ir r r r r i
D'après Weisberg, certains chefs vont battre cette introduction en deux en respectant le
chiffre indicateur. Le deuxième temps n'étant pas attaqué, le passage sera plus syncopé.
Cependant, d'autres chefs préfèrent battre cette introduction en trois, jugeant cette
interprétation plus fluide48. Peu importe la manière de concevoir ce passage, aucun
instrument dans l'orchestre n'est en mesure de déterminer laquelle des métriques est
utilisée (exemple 36).
En dépit du fait que certains voient dans cet exemple une situation métrique ambiguë, le
recours au concept de modulation agogique en fournit une explication beaucoup plus
cohérente.
« There are, however, a few conductors who (...) actually conduct the opening in 3/2. This results in a
smoother flow in three, with imich less harshness and energy of attack ». Weisberg, Performing Twentieth-
Century Music : 57.
49
Le vingtième siècle est sans aucun doute un point tournant pour le développement du
rythme. Les compositeurs de cette période exploitent les propriétés jusqu'à ses limites en
s'inspirant de conceptions mathématiques ou d'origine étrangère pour développer des
théories originales : rythmes hindous, métrique grecque, rythmes non rétrogradables,
nombre d'or, nombre premier, valeur ajoutée, polyrythmie, déphasage et modulation
agogique sont quelques-uns des concepts les plus représentatifs dans le traitement du
rythme au vingtième siècle. Parmi les compositeurs à l'étude, je retiendrai tout d'abord
Elliott Carter qui est le maître incontesté de la modulation agogique. Par la suite,
j'analyserai une pièce d'inspiration balinaise de Claude Vivier qui utilise la modulation
agogique de façon remarquable dans la construction formelle de l'œuvre.
La forme
Le huitième mouvement de la série, « March », comprend 78 mesures divisées en trois
sections relativement distinctes :
■ A mesures 1 à 13
■ B mesures 14 à 60
■ A' mesures 61 à 78
Première section
La partie A est une marche qui alterne tonique et dominante à la main gauche. La main
droite, quant à elle, effectue des rythmes irréguliers en polyrythmie avec la main gauche :
7 contre 2, 4 contre 3, 7 contre 4 et 5 contre 4 donnant l'impression qu'une vitesse
complémentaire flotte par dessus le tempo initial (exemple 37).
EXEMPLE 37: Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, «March», mes. 1-6.
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J=i05
frp-p-Jl
(3J:4j>.= 140)-
Malgré l'influence des rythmes concurrents qui pourrait faire basculer la pulsation, la
marche perdure et pour cette raison, on ne doit pas considérer ces phénomènes comme des
modulations agogiques. Toutefois, le sort ne tardera pas à changer puisque le polyrythme 4
contre 3 parviendra à modifier la pulsation à la mesure 14, annonçant ainsi la partie
centrale. Cette première modulation, présentée précédemment dans la classification des
modulations agogiques (chapitre trois), fournit un exemple typique d'accélération (exemple
38).
51
EXEMPLE 38 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « March », mes. 12-14.
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140
etc.
jiijji -pn-n ii r j r j il
i i M! /
La pulsation de départ à la noire est confrontée à une croche pointée qui ne tarde pas à
devenir l'unité de pulsation prédominante. La modulation entre en vigueur lorsque la
croche pointée, plus rapide, change de statut pour devenir une noire (pivot —► J). = J). Ce
passage subit une accélération de 33% sans changement de métrique. Par conséquent, il
entre dans la catégorie des modulations de tempo.
Partie centrale
Carter introduit une nouvelle métrique à 10/8 à la mesure 25, composée d'un motif de cinq
croches : si-do-sol-si-sol. Celle-ci est précédée d'une mesure pivot à 2/4 qui unit les
métriques 4/4 et 10/8. En réalité, la mesure pivot inclut aussi l'anacrouse, ce qui lui confère
le même schéma mélodique qu'à la mesure 25 (exemple 39)
EXEMPLE 39 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « March », mes. 23-25.
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(1=140) „ K w
pivot
-h=«h
SB >
£
m
52
Le passage d'une mesure à 4/4 vers une mesure à 10/8 est une modulation combinée de
première espèce puisqu'il y a une altération combinée du numérateur et du dénominateur,
accompagnée d'un changement de vitesse réalisé à l'aide d'un pivot identique («h = ,b). La
pulsation de la nouvelle métrique est équivalente à J.-—-J . Si le tempo de la noire
précédente égale 140, effectuons l'opération suivante :
Le tempo après la modulation sera J.^—J = 56. On constate cependant que cette nouvelle
mesure à dix croches est de courte durée, soit trois mesures, pour ensuite changer de
métrique. En réalité c'est une modulation intermédiaire, une transition vers une modulation
beaucoup plus importante qui a lieu quelques mesures plus loin. Sur la partition, une
nouvelle indication de mesure 2/2 apparaît. Le passage s'effectue grâce à deux éléments
importants. Tout d'abord, Carter a choisi deux métriques, 10/8 et 2/2, contenant le même
nombre de pulsations par mesure, soit deux pulsations. Ensuite, il utilise à la mesure 27 un
polyrythme 5 contre 2 qui annoncera la subdivision binaire de la nouvelle métrique.
Toutefois, l'apparition du nouvel indicateur à la mesure 28 ne constitue pas la modulation.
Tout d'abord, il est impossible de distinguer les quintolets de croches à 2/2 des croches
précédentes. De plus, le motif si-do-sol-si-sol entendu à la mesure 25 est réexposé, effaçant
toute impression de modulation. Finalement, c'est à la mesure 31 que se produit le
changement tant attendu. Carter abandonne la subdivision quinternaire au profit d'une
subdivision binaire en ajoutant des doubles croches. De plus, l'indication de nuance piùf
confirme la fin de la modulation. Tout au long du passage, la nuance est douce et
soudainement, à la mesure 31,1e volume atteint un sommet (exemple 40).
53
EXEMPLE 40 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « March », mes. 25-31.
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Hr^l/TT^i^^i^jh m
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pivot
■56)
P ' ' 1 S S 6
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BaB=l
piilf J
Le passage des mesures 28 à 30 est donc une transition complexe qui permet d'assimiler
graduellement la subdivision de la mesure à 10/8. Le processus sera complété à la
mesure 31. Ce passage est classé parmi les modulations métriques de première espèce,
puisque le tempo ne change pas et qu'il y a altération combinée du numérateur et du
dénominateur.
EXEMPLE 41 : : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, «March», mes. 31-34.
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(«ft=Jt) (J..-64)
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Piùf~ - ***/*?/ «*/■</ mf^=fmf-
Les mesures 32 et 33 servent de pivot afin de rendre le passage plus fluide entre la mesure
à 2/2 et la mesure à 14/16. Ce procédé est classé dans la catégorie des modulations
combinées de première espèce, d'une part, parce qu'il y a altération combinée du
numérateur et du dénominateur, et d'autre part, parce qu'il y a un changement de tempo
réalisé grâce au pivot identique («h = }\).
54
EXEMPLE 42 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « March », mes. 34-37.
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En apparence, le passage ci-dessus serait classé dans les modulations métriques de première
espèce. Cependant, ceci n'est qu'une modulation intermédiaire. En fait, tout le passage
reliant les mesures 31 et 37 est une transition. Grâce à une habile organisation de métriques
et de combinaisons rythmiques, Carter réussit à passer d'un tempo de J = 56 à J = 64 avec
une grande fluidité (exemple 43).
EXEMPLE 43 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, «March», mes. 31-37.
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pivot principal
" Dans la partition originale, la mesure 36 contient une erreur de septolet de doubles croches sur le premier
temps. Celui-ci ne dure qu'une noire alors qu'en réalité, il devrait durer une blanche. Par conséquent, on doit
écrire un septolet de croches. Une autre erreur de notation s'est glissée à la mesure 35. Sur le deuxième temps
de la partition originale, on lit J. J. Ces valeurs excèdent la durée prescrite par l'indicateur de mesure. On
devrait voir J).$.
55
La prochaine modulation est annoncée par une mesure à 3/8 qui agit en tant que
pivot entre la métrique de départ et celle d'arrivée. De la mesure 37 à 39, un motif de
triolets de noires est exposé et sera ensuite déstabilisé par la mesure à 3/8. À l'aide du pivot
J = «h51, Carter unit des métriques semblables, mais subdivisées différemment, l'une en
triolets de noires, l'autre en croches. La modulation est complétée à la mesure 41 (exemple
44).
EXEMPLE 44 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « March », mes. 39-41.
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J
* i =; i i T J V,.. i , . . i i ?... -i 1
k
) r "hj ' Il H* ^ IKJJ JJJJ r ^
IIN J ]K
F rn f r i > K r r rn r \ "
[
==r^ ■ k tf *tf I 1 * I '
Ce passage est une modulation de tempo passant de J = 64 à J = 48, soit un ralentissement
de 25%. Il est séparé par une mesure pivot contenant la tonique et la dominante, faisant
écho à la marche du début.
L'activité intense de la section centrale se poursuit jusqu'à la mesure 43. Celle-ci
contient des quintolets de croches sur les deuxième et troisième temps, ce qui permet
d'accéder aisément à la mesure suivante à 10/8. Le tempo reste le même grâce au pivot
J = J-—-J. . Par la suite, il y a retour à une subdivision binaire (4/4) grâce à un pivot aux
valeurs identiques J) = J) (exemple 45).
EXEMPLE 45 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « March », mes. 43-45.
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.pivot _ (J= 120)
51
La partition manque de précision, en réalité, on devrait lire J de triolet = J) afin de conserver la même
vitesse de part et d'autre de la mesure.
56
La modulation s'effectue en passant de la mesure à 3/2 vers la mesure à 4/4. Elles sont
séparées par un pivot composé des quintolets de croches de la mesure 43, 2ème temps, à la
mesure 44. Ce procédé est classé parmi les modulations combinées de première espèce ou
plus précisément, une modulation combinée hybride étant donné qu'il y a un changement
de tempo, une altération combinée du numérateur et du dénominateur, sans oublier une
modification du nombre de pulsations par mesure. Les figures rythmiques servant de pivot,
quant à elles, font appel à deux paliers d'analyse : le premier pivot contient des valeurs
différentes (J = J-—-J.) tandis que le deuxième contient des valeurs identiques (J) = «b).
Toutefois, on ne doit considérer que le premier pivot, puisque le passage de la mesure à
10/8 n'existe que pour faciliter la lecture et favoriser la fluidité entre les différentes
métriques.
EXEMPLE 46 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « March », mes. 54-57.
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r P'PJ (J = 105)
7 J=J..= 60 ^ ^
Ce procédé est classé dans les modulations combinées de première espèce (pivot différent).
Cette modulation survient au sommet du mouvement lorsque le volume est à son apogée.
La métrique finale 12/16 est au tempo J = 105 qui s'apparente à la vitesse métronomique du
début. Toutefois, ceci n'est en fait qu'une modulation intermédiaire qui ne sera complète
qu'à la mesure 61, correspondant à la véritable récapitulation. Entre-temps, Carter introduit
un procédé d'intensification, débutant dès la mesure 56, qui consiste à regrouper les
doubles croches d'abord par sept, puis par quatre, ensuite par trois et finalement par deux.
57
Ce passage transitoire relie les mesures 55 et 61 grâce à la double croche qui agira comme
valeur pivot entre les différentes métriques, et finalement recouvrer le rythme de marche du
début (exemple 47).
EXEMPLE 47 : Elliott Carter, Eight Pièces for Four Timpani, « March », mes. 55-61.
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pivot principal ,
pivot intermédiaire
J = J..= 60 (J -105) 0-J9
s >
menof
ai
-ff Fnnvm
' if
ff
if —tr
105
ff
(J>.= 140) G*»*) \ > (A-M=
^j73mmiftfflJ73jfli8rUii il
psip
mf-p 01
fiub
iiip
Cette pièce est sans aucun doute un chef-d'œuvre de modulation agogique. Carter a
su développer tout le potentiel de l'instrument tout en intégrant des éléments de
composition particulièrement innovateurs. Comme je l'ai mentionné précédemment,
l'œuvre entière est un véritable traité de rythme. On y retrouve la plupart des modulations
agogiques dont j'ai fait la présentation dans mon tableau.
58
I M i H M H U i l i H f !
L'auteur explique53 que cette œuvre est basée sur neuf mélodies de 1 à 9 sons. Les accords,
quant à eux, sont particulièrement dissonants. De plus, on observe régulièrement des
intervalles harmoniques de quintes et de quartes, justes ou altérées, qui rappellent les
sonorités de gamelan.
La forme
L'œuvre de 267 mesures est divisée en cinq sections clairement délimitées par des
changements de tempo :
■ A mesure 1 à 97 J=120
■ B mesure 98 à 136 J=80
■ C mesure 137 à 173 J - 120
■ D mesure 174 à 243 (J=120)
■ A' mesure 244 à 267 J=80
Première transition
Vivier utilise plusieurs méthodes de modulation agogique afin d'unir de façon fluide ces
différentes sections. Voyons d'abord le passage entre A et B (exemple 48).
pm m
L'objectif premier est de passer du tempo J = 120 à J = 80. Puisque nous connaissons déjà
les deux premières variables, il ne reste plus qu'à réduire leurs valeurs à leur plus simple
expression :
120 3
80 ~ 2
Une fois cette opération effectuée, les chiffres 3 et 2 doivent être remplacés par des valeurs
équivalentes à ce rapport. Par exemple, trois croches dans le tempo de départ sont
équivalentes à deux croches dans le tempo d'arrivée, autrement dit, J. — J correspondant au
pivot de la modulation. La mesure vide à 9/8 a un rôle clé dans le processus modulatoire.
Elle sert de pivot afin d'unir la mesure à 6/4 et celle à 4/4. Considérant que le tempo est
identique aux mesures 96 et 97, imaginons les croches se poursuivre dans la mesure à 9/8.
Le pivot agit donc efficacement comme pont entre les sections A et B (exemple 49).
coordonné avec le changement de tempo est classé dans la catégorie des modulations
combinées de deuxième espèce.
Deuxième transition
Le prochain changement de tempo survient à la mesure 137 pour revenir au tempo initial
(exemple 50).
^ttn^tvShsinî
Étant donné qu'il n'y a pas de changement de métrique, on peut conclure que le passage
entre B et C appartient à la catégorie des modulations de tempo.
Troisième transition
Le passage à la prochaine section s'effectue de manière étonnante. Le tempo est identique
pour les deux sections (J - 120), mais à la mesure 173, une métrique inhabituelle de 55
61
Sîg
La première attaque dure un temps, puis deux, puis trois, jusqu'à ce qu'on atteigne dix
temps. Le sentiment de mesure est complètement suspendu, puisqu'on ne perçoit plus de
rapport temps fort/temps faible, ce qui est le fondement même de la mesure. Cet extrait
pourrait être interprété selon un autre point de vue où chaque attaque serait une mesure
dans une métrique différente (exemple 53).
Quatrième transition
Le passage entre la section D et la section A' ressemble beaucoup à celui entre A et B
puisque le tempo ralentit de J = 120 à J = 80 (exemple 54).
62
(1-120) j= 80
nhi
¥$\ j\ j^tti 'i
En utilisant toujours la même formule, on obtient le même rapport 3/2. Toutefois,
l'application du pivot J. = J ne convient pas tout à fait dans cet extrait, puisque les valeurs y
sont syncopées. Il serait plutôt laborieux pour l'interprète d'extraire la noire pointée de la
mesure à 3/4 pour en constituer une noire dans la mesure suivante. Dans certains cas,
comme celui-ci, il est préférable d'utiliser un pivot réduit, c'est-à-dire des valeurs plus
courtes («b. = JV). Cette solution est mieux adaptée à l'extrait puisque le rythme de la
mesure 243 combine une double croche et une croche, équivalentes à la croche pointée, et
la mesure suivante fait entendre des croches. En accentuant chaque groupe de noire pointée,
il est alors très facile d'effectuer la modulation avec précision (exemple 55).
I A
>
A
>
A JU
(J = i20) > 80
Wg $ f jzsjfgg jgjllll
mf
55
Dictionnaire du rock, sous la direction de Michka Assayas (Paris : Robert Lafont, 2000), article
« progressive (musique) », 1474-6.
56
Toutes les pièces sont présentées en annexe dans un format plus complet. Il faut aussi noter que toutes les
transcriptions sont de la main de l'auteur du présent mémoire. Afin de faciliter la compréhension des
tablatures de batterie, une légende est présentée à l'annexe 2.
64
Analyse
La pièce débute avec un riff57 de guitare qui sera ensuite doublé par la caisse claire. Le
rythme binaire Jvw aux mesures 1 et 2 sera ensuite traité de manière ternaire à la mesure 3
(exemple 56).
en
^
» j g j g jJH || jy g j J: j=è
La figure rythmique Ah*h de la mesure à 3/4 est jouée à la même vitesse que la figure J)JyV?
de la mesure suivante grâce à la valeur pivot À = J). Cependant, la mesure à 12/8 ne
contient que trois croches par pulsation. Étant donné que le riff en contient quatre (J)J)J) i),
celui-ci décalera d'une croche à chaque reprise, créant ainsi du mouvement. La mesure à
3/4 sert de pivot pour relier les mesures 1 et 3 qui contiennent toutes deux quatre temps. Le
3/4 possède des caractéristiques communes qui permet d'unir 4/4 et 12/8. D'une part, 4/4 et
Formule du jazz, composée de deux ou, plus rarement, quatre mesures, répétées en « ostinato ».
Dictionnaire du musicien, sous la direction de Marc Honneger (Paris : Gilbert Labrune, 2002), article « riff»,
693.
58
Sauf dans les cas où l'activité agogique de l'œuvre impose le choix d'indicateurs de mesure différents
(auquel cas le choix en est expliqué), il sera pris pour acquis que la métrique est fondée au départ sur la
mesure à 4/4, le common lime.
65
3/4 sont binaires et le rythme AhJ) est équivalent, d'autre part, 3/4 et 12/8 partagent le
même nombre de répétitions du riff par mesure, c'est-à-dire, trois.
<ff),ro,,ono,i'lj,roji].rojHil
si tDTDTtn
Cette double croche supplémentaire déclenche la modulation en présentant le riff de base
en premier renversement, ceci ayant pour effet de déstabiliser le rythme. La mesure 14 sert
donc de pivot afin de relier les mesures 13 et 15. Ce type de modulation est classé dans la
catégorie des permutations unirythmiques.
fondamentale AKph (ou plus précisément J)J)J) 7 dans le contexte d'une mesure à 12/8). Cet
exemple présente une situation de permutation unirythmique. Ce passage est exceptionnel
67
puisqu'il contient tous les types de modulation : modulation métrique, modulation de tempo
et permutation unirythmique.
EXEMPLE 60 : Dream Theater, « The Mirror », mesures 46-48, guitare, clavier et batterie.
(S-H2) ***** mesure pivol J= m
)J)v))jZ)Dv\^Ai w W W AI ijOCUXXu] CL
¥ guitare " *V T Haviftr
±=4=4 j
JjJ
^
m m us p in
Cet extrait est donc une modulation combinée de première espèce (modification de la
métrique et du tempo) avec pivot différent (situation similaire à l'exemple 57). De plus, la
double croche supplémentaire aura pour effet de renverser le riff et ainsi produire une
permutation unirythmique. Encore une fois, ce passage est exceptionnel puisqu'il contient
tous les types de modulation : modulation métrique, modulation de tempo et permutation
unirythmique.
|i.ixi.ro.ixi.ni,.iii;ixi.ixi,rniff.rn,,n.r73.n +-«
^u^ é J
Mit | afe
s
La dernière modulation agogique de l'œuvre se situe aux mesures 74 et 75. Le
passage de 12/8 à 4/4 s'effectue à l'aide d'un segment situé à l'intérieur de la mesure 74,
qui permet d'accéder avec une grande fluidité au nouveau tempo. Les quatre noires à la
batterie débutant sur la deuxième croche du deuxième temps annoncent la vitesse
d'exécution des croches de la mesure suivante (exemple 62).
rythme pivot
74
J. J^
>J JhJ J I 4 J J J
J
^
m-
Ce dernier extrait se classe parmi les modulations combinées de première espèce avec pivot
différent.
69
Analyse
Le passage concerné par les modulations agogiques débute à 4:59 de la plage 7 (j'utiliserai
par la suite les nombres de mesures à partir de cette référence). Un riff de trois croches
0)J)Jh—"J 7) est exposé à la guitare électrique accompagné par la batterie qui exécute un
motif répétitif complexe dans une métrique à §. À la mesure 12, une nouvelle mesure à 5/8
annonce la modulation. En réalité, une croche a été omise sans toutefois changer le riff de
guitare. Étant donné que celui-ci dure six croches, il décalera d'une croche lorsqu'il
traversera la mesure à 5/8 et sera ainsi en premier renversement dans la mesure 13. La
batterie, quant à elle, recommence son motif au début afin de réinstaller le 6/8 (exemple
63).
¥ D1J v—■/—/^/
I 2 3
-IH-
> > > >
w >i ni ., >i JTIJ «HTJ >r~Hn
m *s
amiazi
rrrrrrrr
59
« Spiral Architect is about continuai development, idealism, and intensity. Spiral Architect is controlled
anarchy. The aim is to make music that challenges the listener, as well as pushes the abilities of the musicians
and man », Spiral Architect, [en ligne] http://www.spiralarchitect.com/ (consulté le 30 mars 2007). Traduction
de l'auteur.
70
La modulation a lieu de la mesure 11 à 13 et est séparée par une mesure pivot. Il s'agit d'un
cas de permutation unirythmique.
h J-
4* 2 3 4
ffr 1 2 3
m I "CLET
La mesure 20 sert de pivot afin de relier les deux mesures à 6/8. Ce passage est le miroir de
la modulation précédente, car le motif de guitare passe du premier renversement à la
position fondamentale, soit une simple permutation unirythmique puisqu'aucun
changement de métrique ou de tempo ne s'ajoute au processus.
1
n_j ; Kn..ii.n,ju JXX^UJU
2 3 5 6 1 4 5 6 3 4 5
FD ,i~7°n ^ ^ ^
I
1 ©r renversement position fondamentale 5c renversement 4c renversement 4c renversement
ArV JU ii.mjih.n-Ji.ni.1
4 ' 1 3 1 '
6
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I I 2
I 1 3 ■ 5 6 11 1
XI 5 6
J* X1 >1 «I ► X >1 J
Œ ^ ^ ^
E
Le passage de la mesure 25 à la mesure 31 peut être considéré comme une marche
agogique, car la modulation s'effectue en traversant plusieurs paliers jusqu'à ce qu'elle
atteigne le renversement désiré.
XI
n H"
°
*- »
mf m +
J « ► X-J-J n . >l<
m 0 m 0
tt-3-jJ
JÉË r~m zaET
va
72
Derek Sherinian, fondateur du trio Planet X, avait une vision toute particulière de ce que
son groupe métal progressif signifie.
Analyse
Le passage concerné par la modulation agogique débute à 3:31 de la plage 2 (la
numérotation des mesures se fera à partir de cette référence). La section est en 5/4 à un
tempo de J = 112. Bien que la guitare et la batterie jouent un motif en 5/8 (3+2), la métrique
5/4 a été privilégiée à cause de l'accentuation de la cymbale à la batterie et de la
construction de la mélodie aux mesures 5 à 8 (exemple 67).
> > > > > > > > > > > > > >
batterie joue un motif ternaire pendant que la guitare superpose un motif en 4/4 qui
provoquera un décalage au fil des reprises puisqu'il déborde d'une noire sur la mesure
suivante. Tout le passage des mesures 9 à 13 est le pivot de la modulation. Dans cette
section à 12/16, le motif binaire de la guitare en polyrythmie avec le motif ternaire de la
batterie permet d'unir avec fluidité la section précédente en 5/4 avec la section suivante
6/16 + 12/16 .La modulation ne sera complétée que lorsque tous les instruments ne seront
plus en polyrythmie, c'est-à-dire à la mesure 14. Le nouveau tempo sera J). = 149,333, soit
une accélération de 33% (exemple 68).
^ 4 4 \JSM 4 4 4 4 ^ ^
(suite)
J U 140,333
I^^Ai^Wrriife.jg rn rn m m ,m .m
^ ^
^m
Ce passage est classé dans la catégorie des modulations combinées de première espèce,
puisqu'il y a altération du numérateur et du dénominateur combinée à un changement de
tempo avec pivot identique (jS = «h).
62
Ce choix d'indication de mesure est justifié par la mélodie à la guitare et au clavier qui débute avec deux
arpèges de trois notes (6/16), suivies de douze doubles croches monocordes (12/16). La cymbale crash
ponctue le début de chaque mesure.
74
possèdent des propriétés permettant d'unir de façon fluide les mesures 17 à 22. D'une part,
les six doubles croches rappellent la métrique ternaire précédente, et d'autre part, celles-ci
sont présentés dans un contexte binaire, permettant ainsi d'agir en tant que pivot de la
modulation (exemple 69).
s
■ J • .
mm
(suite)
m
Dans les pages qui précèdent, j'ai pu définir avec beaucoup de précision la modulation
agogique. À l'aide des différents auteurs qui ont étudié le sujet, j'ai établi des barèmes
précis qui ont permis de fixer le concept. Parmi eux, François-Joseph Fétis, qui est l'un des
premiers à prendre conscience du phénomène, propose une théorie présentée en quatre
catégories : l'ordre unirythmique, l'ordre transirythmique, l'ordre plurirythmique et l'ordre
omnirythmique. Les quatre ordres de Fétis concernant la modulation agogique sont d'une
importance capitale pour l'étude du rythme au vingtième siècle. Ses spéculations m'ont
permis, d'une part, de connaître l'origine de la modulation agogique, mais surtout
d'observer les étonnantes similarités avec la modulation tonale. Par cette analogie, j'ai
démontré que les deux types de modulation entretiennent un lien privilégié. Ce lien joue un
rôle essentiel dans l'établissement des principes fondamentaux de cette théorie qui avait été
négligée jusqu'à présent.
La section consacrée aux analyses de pièces révèle que certains types de modulation
sont plus satisfaisants que d'autres. L'espèce la plus fréquente est sans doute la modulation
combinée de première espèce, sûrement en raison de l'activité agogique intense qu'elle
produit. D'une part, la métrique change en altérant le numérateur et le dénominateur des
indicateurs de mesure situés de part et d'autre de la modulation et, d'autre part, un
changement de tempo est provoqué selon le pivot utilisé. La permutation unirythmique
vient en second lieu des espèces les plus populaires. Que ce soit chez Fétis, Brahms ou
76
' Arlin, « Metric Mutation and Modulation » : 263. Arlin fait une référence peu précise à l'article de Fétis,
Revue musicale, vol. 12.
ANNEXE 1
Légende batterie
Grosse caisse Grosse caisse Tom 16" Tom 13" Tom 12" Caisse claire
Pied droit Pied gauche
) = S4
.M
- * — I — * — I — * - % ,01 J H ,ixi ,m i „ H J*-
4
no crash
TOj^M>fTO"°"a*h
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ANNEXE 4
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crash
^J
Il /L "3E ^ ^ ^ ^
83
2
X -? A
J
S
ANNEXE 5
Groupe : Planet X
Album : Moon Babies
Titre : « The Noble Savage »
Plage : 2
Début 3:31
1-112
4
2 3
Guit.é.ec.l^.m- . D ] H I , D
n J „ .n j _ .a
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