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UNIVERSITE de TOULON
FACULTE de DROIT

DROIT PENAL GENERAL I

Année d’étude : Licence II


Année universitaire : 2019-2020 (1er semestre)
Cours de : Mme BOUCHARD Valérie
Maître de conférences en Droit privé et sciences criminelles - HDR
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INTRODUCTION

§1 : Présentation du droit pénal largo sensu : le droit pénal et les sciences criminelles

Le droit pénal fait partie des sciences criminelles. Mais aujourd’hui, il devient de plus
en plus difficile de cerner avec précision où commence et où s’arrête ce vaste ensemble formé
par les sciences criminelles. Aussi, quelques précisions s’imposent.

A) Les sciences criminelles et les disciplines à vocation JURIDIQUE

Elles constituent la base même du droit pénal et sont certainement à l’origine des plus
anciennes règles de droit. Même dans les sociétés archaïques et quelques soit l’origine des
civilisations, l’organisation primaire de la vie en collectivité suppose d’édicter des règles
impératives dont l’irrespect est sanctionné.
Aujourd’hui, on pourrait comparer le droit pénal à un tronc d’arbre. Cette discipline
se caractérise par un « tronc » commun, par des règles essentielles qui sont la base du droit
pénal auxquelles il convient d’ajouter diverses spécialités. Elles correspondent aux
ramifications du droit pénal (aux branches d’arbre). C’est pourquoi il est difficile de retenir
une approche univoque de cette matière. Par exemple, pour certains, il existerait un droit
criminel (qui regroupe le droit de l’infraction et le droit de la sanction c’est l’essentiel du DPS
en quelque sorte) à côté duquel subsiste le droit pénal (qui rassemble le reste du droit pénal
général et le droit pénal spécial)… mais ces subdivisions sont souvent difficiles à justifier.
Aussi, nous bornerons nous à une présentation plus traditionnelle en prenant soin de
distinguer les disciplines juridiques classiques (1) des disciplines juridiques plus modernes
(2).

1) Les disciplines juridiques « classiques »

Le droit pénal général rassemble toutes les règles générales applicables aux
infractions pénales. Il organise en quelque sorte la réaction de l’Etat contre la violation des
règles relatives à la paix sociale (les incriminations et les sanctions). Mais il envisage ces
règles dans leur globalité (quelle que soit la nature de l’infraction perpétrée, quel que soit
l’auteur impliqué, quelle que soit la sanction envisagée…). C’est le droit pénal du FOND
par excellence.

Le droit pénal spécial, contrairement au DPG qui envisage les infractions


globalement, le DPS appréhende les infractions pénales au cas par cas. Il détaille donc les
éléments constitutifs de chaque infraction (vol = soustraction frauduleuse de la chose d’autrui ;
escroquerie = manoeuvres frauduleuses pour obtenir la remise de la chose à ne pas confondre avec l’abus de
confiance… ou le meurtre = décès de la victime tiers…) et prévoit la sanction correspondante au type
de comportement prohibé en prenant soin dans certains cas de préciser quelles sont les
modalités de poursuite de cette infraction (diffamation : IFQ toujours une plainte de la victime sinon le
Parquet ne peut poursuivre seul…).

La procédure pénale, comme son nom l’indique, c’est le droit pénal de la FORME.
Cette matière est en quelque sorte la science du procès. Elle prévoit donc toutes les règles
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relatives à son organisation (la phase policière et le déclanchement des poursuites,


l’instruction, le jugement, les voies de recours…).

2) Les disciplines juridiques « modernes »

L’essentiel des règles de droit pénal actuelles résulte de l’héritage historique des codes
napoléoniens et notamment du Code pénal de 1810 et du Code d’instruction criminelle de
1808. Il va de soi que depuis 2 siècles le paysage juridique et social a considérablement
évolué. De nouveaux aspects du droit pénal ont ainsi été explorés au fil des ans. Les
préoccupations d’aujourd’hui ne sont plus celles d’hier, les orientations du droit pénal s’en
ressentent.

►Hier, par exemple, on réservait un sort particulier au droit pénal militaire. Il a


longtemps conservé un statut dérogatoire mais il tend à se rapprocher de plus en plus du droit
commun (suppression des juridictions d’exception ! juridictions de droit commun spécialisées en matière
militaire… idem pour les règles de fond malgré quelques exceptions…).
De même, le droit pénal des mineurs s’est très tôt caractérisé par un corpus de
spéciales afin d’adapter la politique pénale menée en la matière aux spécificités de l’enfance
délinquante et notamment à l’absence de discernement du mineur délinquant. Cette
orientation du droit pénal des mineurs est remise en cause aujourd’hui et subit depuis
plusieurs années quelques retouches qui tendent à le rapprocher du droit pénal des majeurs
(Perben I et les lois postérieures…).

►Aujourd’hui, le champ d’application du droit pénal ne cesse de s’étendre et


d’explorer de nouveaux domaines. Ce phénomène à pour conséquences de déboucher sur de
nouvelles spécialités qui intéressent plus particulièrement le DPS. Ainsi, quel que soit le
secteur d’activité concerné, on remarque une pénalisation de ce domaine. En voici quelques
exemples :
- le droit commercial et le droit des sociétés ! droit pénal des affaires ;
- le droit du travail et le droit social ! droit pénal du travail ;
- le droit de l’environnement, de la construction ou de l’urbanisme…
Mais cette évolution du droit pénal ne se limite pas seulement au DPS cad au droit de
l’infraction, elle touche aussi les règles de base du droit pénal à savoir le DPG. Ainsi, le droit
de la sanction ne fait plus partie intégrante du DPG. Il est devenu une matière autonome : la
pénologie (droit de la peine) complétée par des règles de droit pénitentiaire à cheval entre le
droit privé et le droit public (droit pénal et droit administratif).

►Dès aujourd’hui, et à plus forte raison demain, le droit pénal ne saurait être envisagé
exclusivement au niveau interne. Il faut tenir compte de la « mondialisation » du droit pénal et
adapter notre politique pénale en ce sens. Pour ce faire, le droit pénal comparé est riche
d’enseignements. Il consiste à étudier et confronter le modèle français avec des modèles
étrangers pour en tirer des inspirations éventuelles (loi sur le terrorisme de janvier 2006 et caméras de
vidéos surveillance comme en GB… le statut de repenti de Perben II comme en Italie… le plaider coupable
comme chez les anglo-saxons… la rétention de sûreté en 2008 comme en Allemagne…).
Mais les règles de droit pénal français sont parfois en conflit avec des règles de droit
pénal étranger en raison d’un élément d’extranéité (Bertrand Canta…). Il faut alors mettre en
œuvre des dispositions spécifiques relevant du droit pénal international. A ce propos, il faut
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savoir que cette discipline réserve un traitement particulier aux auteurs de crimes odieux
comme les crimes contre l’humanité ou les génocides en prévoyant la création de juridictions
pénales internationales spécifiques (Nuremberg, ex-Yougoslavie, Rwanda… sans oublier les évènements
dans les pays arabes comme la Lybie + Egypte + Tunisie…).

Conclusion : Les sciences criminelles d’inspiration juridique sont de plus en plus nombreuses
et de plus en plus spécialisées.

B) Les sciences criminelles et les disciplines à vocation SCIENTIFIQUE

Autre aspect que le droit pénal originel ne pouvait prévoir, c’est le recours aux
procédés scientifiques pour mieux comprendre voire pour élucider une affaire criminelle.
Dans ce domaine, on a pour habitude de distinguer :
La criminologie : c’est l’appréhension scientifique du phénomène criminel la plus
ancienne… une science du CRIME en quelque sorte. Elle est apparue mi XIX afin de fournir
des explications sur la survenance du phénomène délictueux. Elle tente de comprendre les
manifestations de la délinquance, de ce fait elle étudie l’infraction en tant que phénomène
social. Elle connaît aujourd’hui encore un essor retentissant selon le ou les critères d’analyse
retenus et les nombreux courants auxquels elle a donné naissance. D’ailleurs, on ne parle plus
de criminologie mais de sciences criminologiques au pluriel.

La criminalistique : Elle ne doit pas être confondue avec la criminologie. Ici, c’est la
science qui vient au secours de l’homme pour détecter ou élucider une infraction et en
rechercher le ou les auteurs (comme le recours au test ADN cet été 2006 pour identifier le meurtrier de ces
2 petites fillettes à Liège qui avaient échappé à la surveillance de leur Maman à la sortie d’un bar à 3h du
matin…). Parmi ces disciplines, on remarque :
- l’anthropométrie criminelle : toutes les caractéristiques extérieures du délinquant afin de
contribuer à son identification (traces, tatouages ou cicatrices… portrait-robot et depuis peu
ADN même si suppose prélèvement plus ou moins interne parfois…) ;
- tout ce qui attrait à la police scientifique (comme la biologie, la balistique, la chimie, la
toxicologie = science des poisons pour rechercher empoisonnement avant traces de drogue ou alcool
aujourd’hui…) ;
- et la médecine légale qui examine le corps humain pour le faire « parler » en auscultant
tantôt l’auteur, tantôt la victime ou le témoin (va de l’autopsie à l’examen clinique,
psychiatrique… rechercher des traces de coups, de viol…).

On pourrait y ajouter la sociologie pénale qui s’intéresse aux différentes politiques


pénales mises en place par nos autorités pour lutter contre telle ou telle forme de délinquance
et qui cherche à en mesurer l’effectivité (délinquance routière… violences conjugales… violences
urbaines… terrorisme…).

Remarque : L’impact des sciences criminelles à vocation SCIENTIFIQUE sur les sciences
criminelles à vocation JURIDIQUE se fait de plus en plus sentir. Elles sont complémentaires
les unes des autres (pour résoudre les énigmes des affaires criminelles mais pas seulement…). Pourtant, il
convient de rester prudent car les données scientifiques ne sont pas infaillibles (remise en cause
de la preuve scientifique dans certaines affaires… Outreau…).
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§2 : Présentation du droit pénal stricto sensu : le droit pénal en lui-même

Le droit pénal est un droit ambigu. De nombreuses questions sont ainsi posées quant à
l’objet sur lequel porte le droit pénal (A) et la nature juridique du droit pénal (B).

A) L’objet du droit pénal

Le droit pénal est une science normative qui organise la réponse pénale prévue par
l’Etat à l’encontre du crime (l’infraction) et du criminel (délinquant). C’est en somme le droit
de l’infraction et le droit de la sanction. L’organisation de la réponse pénale génère un débat
plus général et soulève nombre de questions de politique criminelle (tolérance 0 pour les
infractions au Code de la route… lutte contre le terrorisme… infractions sexuelles…). La question qui se
pose est de savoir si le droit pénal est un droit répressif ou un droit préventif ? La réponse doit
être nuancée.

Le droit pénal est le droit de la sanction. C’est donc un droit répressif. Il exige une
condamnation pénale du comportement dévient du prévenu pour le culte de l’exemplarité
(violences urbaines…), pour pallier toute récidive. Il tend prioritairement à punir le délinquant (En
2005 Récidive I loi tendant à la prévention et à la répression de la récidive cela veut tout dire… + Récidive II le
10 juillet 2007… parachevé par la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté… + Récidive III le 9 mars
2010… ou encore la succession des lois anti-terroristes ces dernières années…).
Mais le droit pénal est aussi un droit préventif. Nombre de sanctions ne se résument
pas en une peine d’emprisonnement. On essaye de prendre en compte la personnalité du
délinquant afin d’individualiser la sanction imposée (le milieu carcéral pourrait à jamais anéantir les
chances de resocialisation du prévenu donc on a recours à des peines plus adaptées telles que les substituts à
l’emprisonnement, la rééducation, les modes alternatifs de règlement du conflit... surtout pour les courtes peines
de moins de 2 ans c’est devenu systématique avec la réforme pénitentiaire du 24 novembre 2009 + loi Taubira de
2014… à voir avec les Chantiers de la Justice pour 2018-2022…).

De ces précisions, le droit pénal tire certaines caractéristiques. Il est mouvant et


évolutif.
Il est mouvant car il repose essentiellement sur l’analyse des faits que ce soit pour
l’analyse du coupable, de son passage à l’acte, des circonstances et autres détails… et cela
vaut aussi bien pour le déclenchement des poursuites à l’encontre du prévenu que pour le
suivi de l’audience (examen de personnalité…) et plus encore dans l’adaptation de l’exécution
de la sanction… (Cf : le droit pénal ce n’est pas du droit, c’est du fait…).
Il est évolutif car la délinquance a toujours un temps d’avance sur le droit pénal. Le
législateur va donc adapter sa politique criminelle en fonction des préoccupations du moment
en durcissant ou au contraire en adoucissant la répression. Le droit pénal est en perpétuelle
évolution (V. historique…).

B) La nature du droit pénal

Le fait que le droit pénal soit à la fois le droit de l’infraction et le droit de la sanction
génère encore une autre interrogation. Cette discipline appartient-elle au droit public ou au
droit privé ? En réalité, c’est une matière hybride qui déborde sur ces deux domaines.
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Le droit pénal se rattache au droit public car il réglemente les rapports entre le
justiciable et l’Etat et plus particulièrement entre le prévenu et l’Etat. Le prévenu est
confronté au Ministère public dès le stade des poursuites, aux magistrats du siège lors du
jugement et aux différentes juridictions de l’application des peines ultérieurement.

Le droit pénal déborde aussi sur le droit privé car il organise les relations juridiques
entre l’auteur et la victime de l’infraction (plainte avec constitution de partie civile...) afin que la
sanction infligée permette la reconnaissance du préjudice occasionné à la victime en vue
d’une éventuelle indemnisation. Cet aspect jusqu’ici négligé du procès pénal prend
aujourd’hui de plus en plus d’importance.

Annonce du plan dans ce chapitre préliminaire :


Dans ce chapitre préliminaire, on va d’abord essayé de comprendre comment s’est
effectuée la perception du phénomène criminel au fil des âges et plus particulièrement depuis
la Révolution française de 1879. Ces éléments d’analyse nous permettrons de mieux cerner
les enjeux de ce que l’on appelle la politique criminelle autrement dit la réaction sociale
contre le phénomène criminelle (Chapitre préliminaire). Pour mener à bien cette étude, nous
ferons appel à des notions empruntées à la criminologie.

CHAPITRE préliminaire :
de l’APPREHENSION à la REACTION contre
le PHENOMENE CRIMINEL

Etudier le droit pénal, de prime abord, c’est étudier le droit de l’infraction et le droit de
la sanction. Mais en prenant davantage de recul, on réalise que l’étude du droit pénal nous
amène à rechercher comment l’infraction est perçue puis définie au fil des âges et surtout
comment nos autorités vont réagir à l’encontre de cette infraction en précisant la sanction qui
lui est applicable (exp : aujourd’hui en envisage des formes de délinquances quasiment inexistantes autrefois
comme la délinquance routière, les violences conjugales…). En raisonnant ainsi on se livre en fait à une
étude de ce que l’on appelle la politique criminelle.

Question : Qu’est-ce que la politique criminelle ?


C’est un terme inventé par l’allemand FEUERBARCH en 1803 qui n’arrive en France
que bien plus tard à la fin du XIXème siècle (en 1899) lorsque les 1ers ouvrages consacrés à
l’étude de la politique criminelle font leur apparition.
Définition de la politique criminelle :
Donner une définition précise de la politique criminelle est un exercice d’autant plus
délicat que le domaine concerné est vaste. On pourrait se risquer à la résumer ainsi :
« Ensemble de procédés répressifs par lesquels l’Etat réagit contre le crime ».
Domaine :
En fait, cette définition est restrictive car la politique criminelle ne se résume pas
seulement à la répression, elle intègre également une autre dimension/facette : la prévention.
A travers elle, on retrouve la dualité du droit pénal qui poursuit une finalité à la fois
préventive et répressive.
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Rappelons que, par nature, le droit pénal oscille entre deux impératifs contradictoires
que sont la prévention et la répression. Force est de constater que cette contradiction va se
retrouver tout au long de la mise en place des moyens pénaux de lutte contre la délinquance.
Nous commencerons notre étude aux abords de la Révolution (avant : V Cours d’histoire du
droit) ce qui nous conduit à présenter la période de justice dite publique (§1) puis la période
de la justice « politique » correspondant au droit pénal moderne (§2).

§1 : La période de la justice publique

►Idée générale :
Pendant les 3 derniers siècles de l’Ancien régime, ce qui surprend c’est
l’IMMOBILISME du droit pénal de cette époque et ce que ce soit en droit pénal du FOND
(DPG) ou en droit pénal de la FORME (procédure pénale)… le choc va être d’autant plus
retentissant avec la survenance de la Révolution française et la période de transition que
représente « le droit intermédiaire ».

L’avènement de la justice publique correspond à une période de transition sans


précédent qui a fortement marqué l’histoire de France en général et l’histoire de la justice en
particulier : la Révolution française de 1789. C’est pourquoi il convient de présenter
successivement les manifestations de de la réaction sociale pendant cette période que l’on
décomposera en 3 temps : le droit intermédiaire (A), le droit post révolutionnaire (B) puis le
droit républicain (C).

A) Le droit intermédiaire (la Révolution)

►Rappel :
Sous l’Ancien régime, on déplore l’importance des pouvoirs détenus par les juges. La
gravité des peines infligées apparaît davantage comme une délivrance des sévices et tortures
endurés que comme une véritable sanction pénale. A côté de la peine capitale (la mort), nombre
de châtiments corporels subsistent (fouet…) ou autres pratiques humiliantes (carcan, exposition
publique, pilori…) sans oublier les peines privatives de liberté (galères…) ou restrictives de liberté
(bannissement hors de la ville, de la province ou du royaume…). A cette époque, la liberté n’est pas
encore un droit fondamental de l’homme et les peines d’emprisonnement n’existent pas. Les
cachots permettent seulement de maintenir la personne à disposition de la justice. De surcroît,
la justice est d’autant plus inégalitaire que le Roi dispose de moyens arbitraires (lettre de
cachet…) et du pouvoir d’influer sur le déroulement du procès (arrêter, gracier...). La justice n’est
pas la même pour tous, elle sait se montrer clémente à l’égard des nobles et des clercs (« Que
vous soyez puissant ou misérables » dans les fables de Lafontaine… exemples cinématographiques avec
Beaumarchais l’insolent…).
C’est pourquoi le droit pénal va connaître une profonde mutation (1) qui va se
concrétiser par l’adoption des Codes napoléoniens (2).

1) Un droit pénal en pleine mutation

►A retenir : Critique
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Les 1ères critiques objectées au système pénal français au moment de la Révolution ne


proviennent ni de juristes ni de pénalistes mais du monde philosophique au sens large du
terme.
MONTESQUIEU (1698-1755) dans L’esprit des lois dénonce le fait que le juge n’est
que la bouche vivante de la loi. Il ne peut donc en modérer la rigueur… C’est pourquoi le
philosophe prône une plus juste proportion de la peine et surtout revendique une justice
pénale dépourvue de torture !!!
Ces idées novatrices ne manqueront pas d’être reprises….

►Pendant la Révolution, la remise en cause des institutions de l’Ancien Régime


n’épargne pas le système répressif qui va être touché de plein fouet ! L’influence de la
philosophie des lumières sur les esprits de l’époque se fait nettement sentir. et
MONTESQUIEU relayé par VOLTAIRE (1694-1778) et ROUSSEAU (1712-1778)
réagissent les premiers contre les nombreuses injustices (Affaire Calas 1762 : ce négociant en vin
calviniste (protestant) de Toulouse retrouve son fils pendu dans leur cave ; il dissimule son suicide alors on
l’accuse d’assassinat au prétexte de l’empêcher de se convertir au catholicisme : il est condamné au supplice de
la roue et exécuté mais sa famille avec l’aide de Voltaire parvient à dénoncer l’erreur judiciaire…) et les
mauvais traitements générés par l’organisation criminelle de l’Ancien Régime. La montée de
la criminalité fait d’ailleurs douter de l’efficacité de la politique criminelle jugée trop sévère.

En réalité, les revendications des philosophes des lumières trouvent véritablement un


écho dès 1766 lorsqu’un chercheur italien publie un ouvrage très en avance sur son temps : Le
Traité des délits et des peines de Cesare BECCARIA (1738-1794). Il y dénonce l’arbitraire
de la justice sous l’Ancien régime, la gravité et l’inhumanité des sanctions pénales
prononcées. Il suggère une peine sûre et modérée plutôt qu’une peine sévère et aléatoire.
Cette règle constitue la base du principe de la légalité des délits et des peines. Il propose
également d’autres idées très modernes pour l’époque comme la possible réinsertion du
coupable au sein de la société une fois la peine expiée. Les idées de BECCARIA ont un effet
retentissant dans toute l’Europe à tel point que la plupart des Etats adaptent leur législation.
En 1788, Louis XVI tente de faire de même. Les réformes rédigées par Lamoignon veulent
homogénéiser les règles en vigueur et remédier au caractère arbitraire du droit de l’époque.
Mais la réaction virulente des Parlements aboutit au retrait de ces nouveaux Edits avant que la
Révolution n’éclate.

A ce moment-là, on assiste véritablement à une TRANSITION entre le droit pénal


« archaïque » tel qu’il est pratiqué sous l’Ancien régime et à une lente maturation des
nouveaux principes pénaux qui marqueront l’élaboration du Code pénal. C’est la raison pour
laquelle cette période de notre histoire est souvent qualifiée de droit INTERMEDIAIRE.
Elle correspond en réalité à un courant de pensée émanant de BECCARIA et de la philosophie
des lumières que l’on qualifie de courant utilitaire. Les idées développées étaient
antérieurement soutenues par MONTAIGNE qui estimait que l’utilité de la réaction sociale
se justifie au travers d’une répression appropriée. Elles trouvent un nouvel élan dans la pensée
avant-gardiste de BECCARIA avant d’être reprises par son élève BENTHAM qui voit aussi
dans la punition une réaction sociale utile. C’est pour cette raison que la pensée de ces auteurs
est regroupée sous le vocable de « courant utilitaire ».
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►Impact : Les textes adoptés illustrent la doctrine utilitaire. Indépendamment de la


DDHC de 1789 qui consacre les droits fondamentaux et innés de l’homme, on reconnaît
certaines prérogatives comme le principe de la légalité des délits et des peines. Désormais les
infractions et les sanctions sont clairement définies par le législateur. On supprime les
châtiments corporels et l’emprisonnement devient une peine de principe. Les premières
codifications apparaissent dans les lois des 19 et 20 juillet 1791 sur la police municipale et des
24 septembre et 6 octobre 1791 relative à la police criminelle.

2) Les Codes napoléoniens (1808 et 1810)

Si avec la Révolution, la réaction sociale prend la forme d’une justice publique


obéissant à des règles de forme et de fond institutionnalisées. Cet effort d’unification se
retrouve dans le phénomène de codification que l’on doit aux Codes napoléoniens.

►L’œuvre codificatrice de Napoléon n’oublie pas le droit pénal. L’ensemble de la


matière pénale est envisagé au travers de deux Codes distincts. Le premier est prêt dès 1808.
Il s’agit du Code d’instruction criminelle, ancêtre du CPP actuel. Le second est le CP de
1810. Les deux Codes répressifs n’entrent en vigueur que le 1er janvier 1811 après que la loi
de 1810 relative à l’organisation judiciaire ait été mise en place. Si l’effort de codification du
CIC est moindre que celui du CP en ce qu’il reprend l’ordonnance de 1670, il faut saluer la
nouveauté du CP. C’est la première fois que des règles de droit homogènes sont applicables
en droit pénal du fond. Cet effort de synthèse est d’autant plus important que c’est un des
Codes qui resta en vigueur le plus longtemps. Mis à part quelques retouches ponctuelles, la
réforme du CP date de 1994. Le CP napoléonien a donc subsisté pendant près de deux siècles
(contre 150 ans pour le CIC devenu le CPP en 1959).

►Impact : Points +
L’esprit du CP napoléonien s’inspire massivement des doctrines utilitaires
développées par BECCARIA et BENTHAM tout en restant fidèle aux idéaux
révolutionnaires. Sont ainsi repris, le principe de la légalité des délits et des peines, la
classification tripartite des infractions, le principe de l’égalité de la répression… Le système
des peines fixes n’est pas retenu, on préfère poser un minimum et un maximum qui peuvent
d’ailleurs varier au grès des circonstances atténuantes ou des circonstances aggravantes
retenues. En revanche, afin de rester conforme à la doctrine utilitaire, le CP de 1810 conserve
certaines sanctions de l’Ancien régime. L’idée est de générer un effet préventif au travers de
sanctions dissuasives (comme le carcan, la marque, la mutilation… ; en punissant la tentative comme
l’infraction consommée… ; ou en assimilant le complice à l’auteur principal…).

►Critique : Points -
En dépit des points qu’il renferme, le Code pénal de 1810 est une œuvre imparfaite.
Pourquoi ? et bien en voici quelques exemples :
-il conserve une tendance à la sévérité (exp : il ne fait pas la différence entre infraction tentée &
infraction consommée…) ;
-il est élaboré à partir d’abstractions pour juger tout type de délinquant comme s’il existait un
« homo-delinquens ». Dès lors, il s’intéresse au crime et non au criminel, le principe de
personnalité des peines n’est pas posé ;
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-il est structuré selon un plan qui n’est pas logique car il traite d’abord de la sanction puis il se
préoccupe de l’infraction !!!

Ces aspects tant + que – expliquent pourquoi le Code pénal va évoluer par la suite. Si
cette évolution reste timide pendant la période post révolutionnaire (Restauration puis Empire,
elle sera beaucoup plus marquée sous la IIIème République.
En effet, après l’adoption des Codes napoléoniens, le droit pénal va être marqué par
diverses influences. Certaines sont purement idéologiques, d’autres sont fondées sur des
études scientifiques. Ces inspirations vont guider la politique criminelle menée par nos
autorités au nom de la réaction sociale.

B) Le droit pénal post révolutionnaire (Restauration et Empire)


Influences idéologiques ! Influences scientifiques

Si la Restauration, n’apporte pas de modifications substantielles aux codifications. Elle


se situe dans la continuité de la philosophie napoléonienne qui prône la nécessité d’un
retour à l’ordre après le laxisme développé pendant la période trouble révolutionnaire. Cette
période va être marquée par divers courants de pensée (a) au sein desquels une évolution
notable se produit après 1850 (b). En fait, on distingue ces 2 périodes car autant de 1810 à
1850 environ, l’évolution du droit pénal est surtout influencée par des considérations
idéologiques. Autant, après 1850, l’évolution du droit pénal est conditionnée par des
considérations scientifiques en l’occurrence l’avancée des recherches criminologiques.
1810 – 1850 ! considérations idéologiques
Dès1850 ! considérations scientifiques = crimino

Avis au lecteur :
C’est le début marquant de l’effet oscillatoire entre le répressif et le préventif que
j’appelle familièrement « l’effet de yoyo »… toujours perceptible à ce jour.

1) Les influences idéologiques (Courants de pensée jusqu’à la mi-XIX)

Dans la continuité de l’esprit du CP napoléonien, deux courants doctrinaux perpétuent


la fermeté des principes pénaux dégagés. Cette recherche de l’exemplarité se traduit par
l’influence d’un courant de pensée dit « Théorie de la justice absolue » mais aussi par celui
de l’Ecole classique.

a) La théorie de la justice absolue ! Exemplarité de la sanction

Le courant de la Théorie de la justice absolue considère que le droit de punir ne


répond pas seulement à une préoccupation utilitaire. Il affirme que la sanction pénale doit être
fondée sur la nécessité d’expiation de la faute commise par le coupable. Ce courant de pensée
s’exprime au travers de deux principaux chefs de fil.
- Le philosophe KANT (1724-1804) défend l’idée selon laquelle la sanction pénale
doit contribuer au rétablissement de la morale dans la société, c’est le clivage de
l’exemplarité. Il soutient les vertus de la loi du Tallion et autres sanctions sévères afin que la
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sévérité de la sanction rétablisse l’ordre social et protège également la morale (Critique de la


raison pure en 1781).
- Joseph de MAISTRE (1753-1821) développe la même opinion avec une
connotation religieuse en plus. Pour lui, l’infraction pénale est un pêché et la sanction pénale
est une pénitence. La justice exercée par l’Etat est alors une sorte de délégation divine.

►Impact : Cette défense de la morale et de la religion conduit à l’adoption de la loi


sur le sacrilège (profanation, irrespect des croyances…) et à la poursuite de nombreux journalistes
(infractions de presse, lettre de cachet réintroduite que pour eux…). L’opinion publique ne semble pas
adhérer à ce culte de l’exemplarité comme l’attestent les prises de position des jurys
populaires qui préfèrent acquitter un coupable plutôt que de la condamner à une peine trop
sévère.

b) L’Ecole classique ! Compromis : Utilitaire / Justice absolue

Le courant de l’Ecole classique préfère concilier les deux théories précédemment


exposées. Il représente donc une sorte de compromis entre les idées défendues par le courant
utilitaire, d’une part, et celles soutenues par le courant de la justice absolue, d’autre part. Cette
position nuancée se réfère à de nombreuses valeurs dont le droit pénal tiendra compte
(adoption d’une échelle des peines ; distinction des infractions politiques des infractions de droit commun…).

►Impact : Sous la Monarchie…


Cette nouvelle conception de la réaction sociale émerge avec l’avènement de Louis-
Philippe en 1830 (après Louis XVIII de 1814 à 1824 et Charles X de 1824 à 1830). On peut d’ailleurs
parler de renouveau libéral si l’on en croit les modifications législatives apportées en droit
pénal. En 1832, la première réforme du CP a lieu. Elle abaisse le quantum de la peine pour de
nombreuses infractions ce qui a pour effet de soustraire de nombreuses infractions de la
compétence de la Cour d’assises et de les attribuer au Tribunal correctionnel. Le but est
d’endiguer le flot des acquittements et de permettre à des juges professionnels de prononcer
des sanctions modérées afin de ne pas laisser les infractions impunies. Des sanctions
anciennes comme le carcan, la marque ou la mutilation sont abrogées. La nécessité d’une
réforme du système pénitentiaire se fait parallèlement sentir.

►Impact : Sous le IInd Empire…


Cette tendance éclectique se confirme sous le second Empire avec la deuxième
réforme du CP qui intervient en 1863. On procède alors à un nouvel abaissement des peines,
on met en place un nouveau régime juridique pour les infractions politiques (1848 ;
suppression de la peine de mort dans ce cas), abolition de la mort civile (1854) et création
d’un régime colonial pour l’exécution des travaux forcés (1854).

►Bilan : Hélas, la mise en œuvre de cette théorie libérale se solde par un échec. La
criminalité est hausse, la récidive bas son plein. On en est à regretter la sévérité excessive des
anciennes sanctions qui avaient un effet dissuasif indéniable.
!12

2) Les influences scientifiques (Courants de pensée depuis la mi-XIX : Le


positivisme)

A compter de la 2ème moitié du XIXème siècle, l’étude du phénomène criminel va


prendre un tournant décisif. Une nouvelle approche de la matière est proposée. Il ne s’agit
plus de défendre une conception théorique de la réaction sociale mais d’étudier le phénomène
criminel de façon scientifique. Il s’agit du courant de l’Ecole positiviste (Auguste COMTE)
(1798-1857). Face à l’inefficacité du droit pénal pour résoudre l’inflation de la délinquance,
on développe une nouvelle approche du phénomène criminel par l’expérimentation
scientifique qui va déboucher sur une science nouvelle : la criminologie. La réaction sociale
ne se conçoit pas seulement de manière objective en se fondant sur la réparation du trouble
causé à l’ordre social, elle s’envisage de manière subjective afin d’adapter la sanction à la
personnalité du délinquant. Cette adaptation suppose la prise en compte de l’état dangereux
du coupable. Parmi les diverses recherches scientifiques menées, on a coutume de distinguer
les théories monistes (a) et la théorie pluraliste (b).
Approche philosophique ! Approche scientifique

►Repères chronologiques : Du MONISME au PLURALISME


Avec Enrico FERRI c’est le début de ce que l’on appelle le « polymorphisme » pénal.
Il n’existe donc plus d’unité dans l’appréhension du droit pénal. On contraire, on constate une
certaine diversité. Amorcée mi XIX, cette tendance explose vers 1875-1876 sous la IIIème
République.
Dès lors, l’idée générale qui ressort du Positivisme qui va éclater en plusieurs courants
à cette époque, c’est que l’homme moralement n’est PAS LIBRE. Il est DETERMINE =
Interaction entre son métabolisme et des facteurs extérieurs qui conditionnent son passage à
l’acte inéluctable.

a) L’influence des théories monistes ou le MONISME pénal

A compter de 1850, les recherches criminologiques sont qualifiées de monistes car


elles proposent une analyse concrète du phénomène criminel mais ne retiennent qu’en seul
facteur d’explication. Les axes de recherche sont aussi divers que variés.

►Le courant anthropologique de LOMBROSO (1835-1909) (médecin militaire italien qui


publie « L’homme criminel » en 1876) recherche des coïncidences entre les caractéristiques physiques
du délinquant et son comportement criminel. Il s’inspire de précurseurs comme DELLA-
PORTA qui estime que les traits du caractère peuvent être révélés par les traits du visage
(établit un portrait type du voleur, du violeur…) ou des chercheurs qui travaillent sur l’importance de
l’hérédité dans la délinquance…
LOMBROSO élabore sa propre théorie qui pourrait se résumer par le concept du
« criminel-né ». Il juge possible l’identification d’un criminel en prenant comme point de
repère les éléments de sa morphologie. Il pense également que le délinquant est un sujet qui
relève de la psychiatrie car le développement normal de ses facultés mentales n’a pas abouti
(les gens souffrant d’épilepsie sont une variété de criminels car ont des réactions violentes pendant leurs
crises…). Pour justifier sa théorie, il invoque les travaux de DARWIN sur « l’évolution des
espèces en voie de sélection naturelle ». Le criminel-né est un sujet qui se comporte comme
!13

un individu primitif. Si son comportement pourrait paraître normal dans une société vivant à
l’état sauvage, il en va différemment dans une société évoluée.
Si les explications de LOMBROSO paraissent aujourd’hui dépassées, elles ont le
mérite d’incarner la première théorie scientifique reposant sur des expérimentations concrètes
(études de détenus ou de soldats vivants, nombreuses autopsies…). Elles rompent avec l’abstraction des
idées philosophiques exposées jusqu’alors. Cette théorie se heurte à l’époque à de vives
critiques car le facteur anthropologique paraissait bien imparfait pour expliquer à lui seul la
délinquance.

Impact : A travers l’étude de ce critère, la vraie question est : Existe-il un gêne du


crime ?
La criminologie s’est depuis longtemps interrogée sur le point de savoir si le facteur
héréditaire pouvait avoir des répercussions sur le crime et la criminalité en se demandant si
un individu délinquant peut transmettre par le biais de son héritage génétique le gêne grevant
le chromosome qui caractérise son comportement criminel (généalogie ; statistiques ;
comparaison de vrais et faux jumeaux…).
Mais en étudiant un tel critère, on risque vite de déraper. Dans le même ordre d’idée,
on peut oser rechercher si la race ne serait pas un facteur criminogène. Le terme de race doit
ici être apprécié au sens étroit et se distinguer de la nationalité (on peut être de la même nationalité
et de race différente : comme les blancs et les noirs aux USA ou être de nationalité distincte et de même race : les
Kurds qui sont à cheval sur plusieurs frontières dans les Balkans). Si certaines coïncidences permettent
de tirer quelques conclusions, il ne faut pas confondre race et racisme (les noirs ou les
méditerranéens sont plus prédisposés au meurtre ; les gens des pays de l’est sont attirés par les infractions
sexuelles…). Le vrai problème c’est le racisme (incitation à la haine raciale, discrimination,
racisme ethnologique ou sociologique dirigé contre un groupe de personnes tel que les jeunes,
les policiers… profanations de cimetières juifs ou certains évènements survenus en raison des appartenances
religieuses…). Sur ce point, notre législation réagit afin de punir plus sévèrement toute
infraction motivée par un tel mobile (c’est désormais une circonstance aggravante spéciale depuis 2007
donc répression + sévère).

►D’autres courants monistes tentent parallèlement d’expliquer le phénomène


criminel. Ils se regroupent pour l’essentiel au sein du courant sociologique.

→ L’Ecole cartographique ou géographique de QUETELET (1796 et 1874) et


GUERRY (…) (mathématiciens belge et français) est à l’origine des premières statistiques et lois
d’ordre général relatives à la criminalité. La loi de constance de la criminalité remet en cause
certaines idées reçues en démontrant que l’évolution de la délinquance affiche une certaine
stabilité. La loi thermique de la criminalité constate que les infractions contre les personnes
sont d’avantage perpétrées dans les pays chaud contrairement aux infractions contre les biens
qui sont commises dans les pays froid.
Impact : Ces auteurs ont mis en exergue le fait que le milieu physique et géographique
pouvaient avoir un impact sur la délinquance comme si des phénomènes naturels tels que le
vent, la pluie et l’hydrométrie, la chaleur ou le froid, les saisons… conditionnent la
criminalité. Le recours à la météorologie criminelle est d’autant plus délicat que le milieu
naturel regroupe un ensemble d’individus parmi lesquels seuls quelques-uns se révèleront
délinquants. Pourtant, les statistiques révèlent des coïncidences troublantes (la plupart des
infractions sexuelles sont perpétrées au printemps ; dans les pays chauds ou tempérés, recrudescence
d’infractions contre les personnes à la différence des régions froides ou les infractions contre les biens
!14

dominent ; pareillement, les infractions contre les biens se multiplient en hiver et les actes incendiaires se
manifestent en été...).

Pour aller plus loin : Influence du facteur démographique


Il ressort à un double niveau :
- Au niveau de l’âge de la population :
Comme précédemment, la prudence s’impose. Mais sachant que la plupart des
délinquants passent à l’acte dès la sortie de la minorité, on constate une augmentation
brutale de la délinquance à un moment où les gens âgés de 20 à 25 ans sont les plus nombreux
(années postérieures à la seconde guerre mondiale, date à laquelle les enfants du baby boom se situaient dans
cette tranche d’âge : augmentation de la délinquance dans les années 60 et 70) (Cf : pyramide des âges…).
- Au niveau du sexe de la population :
D’ailleurs, au sein d’une population donnée, l’appartenance sexuelle est déterminante.
Cette constatation peut s’opérer à 2 niveaux :
Sur le plan quantitatif, les statistiques sont sans appel : les femmes sont moins
délinquantes que les hommes (15% à 20 % de la population pénale). Cette « sous-
criminalité » des femmes s’expliquent pour certains par des motifs biologiques (la femme
serait plus faible que l’homme…) et pour d’autres par des raisons d’ordre sociétal (la femme
longtemps écartée du pouvoir décisionnel à tous niveaux était peu prédisposée à la
délinquance en se cantonnant aux tâches ménagères… cet enfermement social la protégeait…
même si ce n’est plus le cas aujourd’hui…).
Sur le plan qualitatif, la femme ne s’adonne pas au même type de délinquance que les
hommes. Cette tendance est particulièrement marquée pour les infractions au Code de la route
surtout quand elles sont graves (intéressant d’étudier l’égalité des sexes dans les manifestations de la
délinquance…) ou pour les infractions de « marâtre » voire les infractions contre les biens.
- Au niveau de la localisation géographique de la population :
Il convient en effet de distinguer la criminalité urbaine de la criminelle rurale. Elle
sera toujours plus importante dans le premier cas en raison d’une forte concentration de
personnes dans les grandes agglomérations (envolée de la violence urbaine notamment dans les
quartiers sensibles et les banlieues… Etude USA qui le démontre en imageant par des cercles concentriques :
plus on s’éloigne du centre-ville plus le lieu d’habitation est criminogène…).

→ L’Ecole socialiste de MARX (1818-1883) et ENGELS (1820-1895) recherche les


interférences entre le milieu économique et la délinquance. Elle considère le crime comme un
« sous produit » du capitalisme. Poussée à son paroxysme, cette théorie affirme que la
criminalité a tendance à baisser voire à disparaître dans les sociétés socialistes même si aucun
Etat socialiste n’a livré de statistiques fiables sur ce point. Si certaines formes de délinquance
sont quasiment inexistantes dans les pays socialistes, d’autres types d’infractions apparaissent
(peu de banditisme ; avant le démantèlement de l’Europe de l’est il y avait peu de crimes de sang ; divers
groupes mafieux organisés ; corruption politique…).
Impact : Le facteur économique joue un rôle considérable dans l’évolution de la
délinquance. Si l’on se réfère au système économique auquel appartient le pays étudié, on doit
opérer une distinction entre les pays adoptant un système capitaliste et ceux préférant un
système socialiste.
Dans un pays de type socialiste, la répartition des richesses, la participation du citoyen
au système de production étatique et la distribution communautaire incitent davantage au
partage qu’à l’appropriation. Cela ne signifie pas pour autant que la délinquance est
inexistante mais elle se raréfie.
!15

Dans un pays de type capitaliste, la séparation du capital et du travail, le culte de la


propriété privée révèlent l’instinct d’appropriation. D’ailleurs la délinquance ne prendra pas la
même tournure selon « l’état de santé » de l’appareil économique. Les manifestations de la
délinquance ne sont pas les mêmes en période de croissance ou en temps de crise. Les
infractions contre les biens sont plus importantes en période de récession en raison de
l’inflation et du chômage. En période de prospérité, on voit prospérer un type particulier de
délinquance qualifiée de criminalité en col blanc (exp : L’évolution économique de notre pays en
fourni un exemple parmi tant d’autres. Un pays tel que la France, est progressivement passé d’une économie
agricole à une économie industrielle mais le chiffre de la délinquance n’a pas baissé pour autant, il a augmenté
en raison d’une multiplication des besoins de la population).

→ L’Ecole du milieu social de LACASSAGNE (médecin sociologue Professeur dans la ville


de Lyon) également appelée Ecole de Lyon travaille sur l’influence du milieu social au regard
de la délinquance. Elle compare le milieu social à un bouillon de culture et le délinquant à un
microbe. Elle estime que le délinquant, comme tout microbe, ne peut proliférer que s’il est
placé dans un milieu capable de le faire fermenter. (« Les sociétés n’ont que les criminels qu’elles
méritent »…). Ainsi, elle propose de lutter contre le bouillon de culture plutôt que de se
concentrer sur le microbe (lutter contre la pauvreté, l’alcoolisme…).
Pour aller plus loin : Influence du milieu social / classe sociale
A l’origine, les criminologues étaient convaincus que la délinquance provenait
forcément des classes sociales les plus défavorisées comme si leur niveau de vie les rendait
incapable de respecter les règles de la société dans laquelle il vivait. Ce n’est que dans les
années 1970 que l’on a pris conscience du fait que les personnes appartenant à un tissu social
aisé commettent aussi des infractions pénales. C’est ce que l’on appelle la criminalité en col
blanc. La seule différence : c’est la nature des infractions perpétrées (les uns : racket, hold-up,
vols… violences voire pire… ; les autres : infractions économiques et financières… escroquerie, corruption,
trafic d’influence, prise illégale d’intérêt, ABS…).

→ L’Ecole de l’interpsychologie de TARDE (1843-1904), contrairement au courant


précédent, ne pense pas que les rapports sociaux découlent du milieu social envisagé mais
croit plutôt que ces rapports naissent des relations individuelles entretenues par les individus
évoluant au sein de ce milieu. Elle explique la manifestation de la délinquance par la « loi de
l’imitation » et pense que l’exemplarité d’une situation criminelle va servir de modèle pour de
futures infractions. Le milieu social est comparé au milieu professionnel avec les règles que
cela suppose (apprentissage, loi du milieu, corporations…)(pratique des tournantes : elles sont tellement
répandues que leurs auteurs n’ont même pas conscience de commettre une crime en l’occurrence un viol passible
des assises…).
Impact : Exemple = Influence du milieu familial
La famille joue un rôle structurant sur la personnalité du jeune qui prend place au sein
de son foyer. Il en va de même pour le délinquant. L’influence de la famille est d’autant plus
marquée que l’enfant nourrit instinctivement un besoin d’imitation (les enfants battus reportent sur
leurs propres enfants ces mauvais traitements car c’est la seule manifestation d’autorité qu’ils connaissent… ou
syndrome de victimisation chez les femmes battues).
Le milieu familial peut avoir une influence directe. Le comportement délinquantiel du
parent se reporte sur la personnalité de son descendant. Le jeune se trouve perturbé car il
évolue au sein d’un milieu familial qui ne respecte pas les règles appliquées dans le milieu
social. Des deux valeurs en conflit, il choisit celle dont la proximité est la plus grande.
!16

Le milieu familial peut avoir une influence indirecte lorsque les valeurs adoptées par
la famille vont bouleverser la conscience morale du jeune enfant ainsi que le développement
de ses facultés affectives. Cela aura des répercussions sur la structure de sa personnalité
(séparation avec l’un des parents, abandon à la naissance…) (exp : la manière de traiter les femmes : Sohanne
brûlée vive dans un local à poubelle par un prétendant éconduit = 25 ans de prison et 10 ans pour le complice…).

→ L’Ecole sociologique de DURKHEIM (1858-1917) innove dans la mesure où il


relie pour la première fois le comportement criminel au milieu socioculturel. Le crime ne doit
pas être appréhendé de manière marginale mais être considéré comme un évènement normal
au sein d’une société. Il est en effet lié aux conditions de vie en société et il est nécessaire à la
société car il renforce la cohésion sociale (Affaires Dutroux ou Michel Fourniret…). Par le biais du
procès et de la sanction infligée, la société peut réaffirmer les valeurs dans lesquelles elle
croit.
PS : Autre idée développée : L’affaiblissement des règles sociales génère la délinquance : c’est l’anomie (signifie
« sans loi » en grec). Le délinquant est donc un sujet qui souffre d’anomie car il ne perçoit pas correctement la
règle sociale en vigueur.

b) L’influence de la théorie pluraliste ou le PLURALISME pénal

La théorie pluraliste soutenue par Enrico FERRI (1856-1929) (sociologue et Professeur


de Droit ; il est à l’origine du Code pénal italien et publia de nombreux ouvrages de sociologie criminelle) doit
être abordée distinctement car, pour la première fois, cet auteur suggère d’approfondir
concomitamment les facteurs générant le phénomène criminel. C’est la raison pour laquelle
les idées de FERRI se résument sous le vocable de Théorie multifactorielle.

Pour comprendre la théorie de FERRI, il faut partir du postulat que le libre arbitre
n’existe pas. Le déterminisme de l’individu va résulter d’un ensemble de facteurs extérieurs
voire d’un concours de circonstances qui vont générer la survenance de l’acte criminel. Il se
livre à un inventaire des facteurs criminogènes susceptibles de conditionner le passage à l’acte
du délinquant, les isole et les classe en trois catégories :
- Les facteurs anthropologiques : constitution physique et psychique de chaque individu ;
- Les facteurs du milieu physique : divers facteurs liés au climat ou au milieu extérieur ;
- Les facteurs du milieu social : la population, le milieu familial, le milieu professionnel…
PAS de libre arbitre ! Déterminisme (circonstances extérieures)

Après avoir définit les facteurs criminogènes, FERRI va classer les délinquants en différentes catégories
en fonction du ou des facteurs criminogènes qui prédominent le passage à l’acte délictueux. Elles sont au nombre
de cinq.
(Les 2 premières reposent sur les facteurs anthropologiques) :
- Le criminel-né : notion reprise à LOMBROSO mais FERRI ne pense pas que l’on puisse être un criminel inné.
On le devient sous l’influence de facteurs criminogènes ;
- Le criminel aliéné souffre d’une anomalie mentale grave mais tous les malades ne deviendront pas délinquants,
seuls les plus réceptifs aux facteurs criminogènes passeront à l’acte.
(Les 3 Dernières se fondent sur les facteurs sociaux) :
- Le délinquant passionnel incarne un criminel « idéal » qui commet seulement l’infraction en raison de son
hypersensibilité sans représenter aucun danger pour la société ;
- Le délinquant d’occasion représente la plus grande partie de la délinquance. C’est un individu normal qui passe
à l’acte sous l’impulsion d’une faiblesse passagère qui ne lui permet plus d’endurer les difficultés rencontrées ;
- Le délinquant d’habitude est un délinquant récidiviste qui ne sait pas comment s’en sortir sans commettre
d’infractions. Ces méfaits sont dictés par des circonstances sociales défavorables.
!17

►Impact : Le délinquant est donc déterminé par un ensemble de facteurs qui


conditionnent son passage à l’acte. La commission de l’infraction n’est pas subordonnée au
libre arbitre de l’individu mais à un déterminisme multifactoriel.
Mais la modernité de FERRI résulte également des retombées pratiques de sa théorie
au regard du droit positif qu’il critique et pour lequel il propose des réformes. La négation du
libre arbitre conduit à remette en cause le fondement de la responsabilité pénale (sanction du
délinquant doté de libre arbitre qui choisit : soit il laisse cours à sa pulsion criminelle, soit il
lutte). Le délinquant est membre d’une société dont il a méconnu les règles. Le droit de punir
provient alors de l’instinct de conservation et de protection des membres de la société. Il faut
donc concevoir une responsabilité sociale, non une responsabilité morale. Il propose
également de revoir les modes de sanction et de les adapter à la réaction sociale. La sévérité
des sanctions n’est pas toujours dissuasive. Il est donc en avance sur son temps car il propose
d’adopter des sanctions répressives mais aussi préventives en créant des substituts de
sanctions.

C) Le droit pénal républicain

Tout au long de la IIIème République, de nouvelles études criminologiques vont


générer de nouveaux courants de pensée. Si, initialement, elles pérennisent les idées
défendues par les positivistes (1), elles sont aujourd’hui relayer par des approches plus
contemporaines du phénomène criminel (2). Il faut retenir que, selon les époques, chacune
d’elle va laisser son empreinte dans la politique pénale conduite par nos autorités.

1) Dans la lignée du positivisme

❖ Le néoclassissisme ! Retour aux sources du classissisme


Le néo-classissisme conteste le fait que l’utilité de la répression pénale se borne à
intimider le coupable. Il prône des dispositions plus rationnelles mais aussi plus abstraites. Ce
courant débute dans le sillon de la théorie classique proprement dite au cours de la période
1830-1870. Il adhère à des idées comme l’individualisation des sanctions ou la prévention des
infractions d’où l’adoption de certaines mesures tendant à l’aménagement de la sanction
pénale : la liberté conditionnelle (1885) qui permet d’abréger la durée d’exécution de la
sanction ou le sursis à exécution pour les délinquants primaires (1891).

❖ Le positivisme critique ! Plus dissuasif


Le Positivisme critique se situe dans la droite lignée du Positivisme mais insiste
davantage sur l’aspect dissuasif de la sanction. On lui doit l’instauration de nouvelles peines
telles que la relégation qui permet d’expatrier en Guyane les multirécidivistes (1885) ou
l’interdiction de séjour afin d’éloigner le délinquant d’un espace géographique donné.
Toujours dans l’idée de prendre en compte le libre arbitre du délinquant, on prend conscience
que les mineurs délinquants ne sauraient bénéficier du même régime juridique que les
majeurs d’où le recours à des juridictions spéciales (1912).

❖ Le pragmatisme ! Existe quand même libre arbitre + / - conditionné


Le pragmatisme (SALLEILLES : commentateur du nouveau Code civil allemand) relance le
débat sur le libre arbitre et le déterminisme. Ce courant de pensée estime que le libre arbitre
!18

est relatif en raison de l’expérience de chaque individu qui conditionne son comportement. Il
conseille de renoncer aux idéaux philosophiques et de se concentrer sur certaines expériences
scientifiques. Il est à l’origine de l’adoption des mesures de sûretés vers 1920 afin de protéger
la société contre la dangerosité de l’individu… Il propose une réforme du CP en 1934 afin de
prendre davantage en compte la dangerosité du délinquant. Le législateur préfère la demi-
mesure et adopte quelques règles ponctuelles en multipliant les peines complémentaires
(interdictions professionnelles et privations de droits…). Il réserve un traitement particulier aux
individus qui peuvent dans certains cas adopter un comportement dangereux et tente de lutter
contre l’alcoolisme (codification des textes dans le Code des débits de boissons en 1955 ; lutte
contre la publicité en faveur de l’alcool après 2°GM…).

❖ L’Ecole de la défense sociale nouvelle ! Prise en compte du délinquant


Au sortir de la seconde guerre mondiale, l’idée se fait jour que le système répressif est
impuissant pour canaliser la recrudescence de la délinquance notamment pendant les périodes
troubles de l’histoire. Après les exactions perpétrées, on prend conscience que la dignité
humaine et la liberté individuelle doivent être protégées. C’est la naissance du courant de la
Défense sociale nouvelle. Il n’est plus seulement question de protéger la société, il faut aussi
protéger le délinquant contre lui-même et limiter les risques de récidive. Ce mouvement de
scinde en deux groupes.
- Le courant extrémiste de GRAMATICA propose de renoncer au droit pénal objectif
et de prendre davantage en compte la personnalité de l’individu comme pour instaurer un
droit pénal plus subjectif en quelque sorte. Il va d’autant plus loin dans son raisonnement qu’il
propose d’abolir la notion de peine ou de responsabilité pour mieux venir en aide au
délinquant.
- Le courant modéré de Marc ANCEL revient à plus de mesure. Il reste fidèle aux
principes du droit pénal classique. Dans un souci de protection de la société et du délinquant,
il impose dans certain cas un examen de personnalité notamment pour les mineurs
(ordonnance de 1945) et permet d’en d’autres de recourir à des expertises médico-
psychologiques (crimes…). Cette innovation explique pourquoi aujourd’hui des médecins,
psychologues et travailleurs sociaux apportent leur concours à la justice pénale tout au long
du procès (nouveaux pouvoirs au juge pendant l’exécution de la sanction ; création du
JAP…). La plupart des suggestions de l’Ecole de défense sociale nouvelle se retrouvent dans
le domaine pénitentiaire. On a d’ailleurs souvent reproché à ce courant de vouloir
déjudiciariser ce domaine de la matière pénale.

Impact : On retiendra de l’influence de L’Ecole de la défense sociale nouvelle nombre


de textes importants qui furent adoptés depuis la Libération. La modernité de ces nouvelles
idées doit être soulignée car elles sont toujours d’actualité. Après l’ordonnance de 1945 sur
l’enfance délinquante, on remarque des mesures de lutte contre l’alcoolisme (désintoxication
ordonnée au cours de l’instruction (1953) ou cure de désintoxication comme sanction
alternative (1954)), la réforme de la relégation (1954), l’assouplissement de l’interdiction de
séjour (1955) ainsi que la réforme de la détention provisoire (loi du 17 juillet 1970 : la
détention provisoire doit être exceptionnelle, pour la limiter on instaure le contrôle judiciaire),
l’élargissement des pouvoirs du JAP (loi du 29 décembre 1972), la mise en place de substituts
à la sanction pénale (lois des 11 juillet 1975 et 10 juin 1983). Toutes ces modifications
laissent présager une réforme du CP.
!19

Remarque : Avec ce courant, on prend conscience que l’évolution de la délinquance


est aussi liée à la mise en place d’une réponse pénale adaptée ou non à la délinquance. Il y a
donc des interférences entre la délinquance et la politique criminelle conduite par les
autorités.

2) Les études contemporaines

Le courant positiviste va recevoir un certain écho dans le monde juridico-


criminologique. Mais, on aurait tort de penser que la criminologie a connu ou connaît en
France son âge d’or. En fait, les différents courants que nous venons de décrire correspondent
à l’AVENEMENT de la crimino en France. Ultérieurement, cette façon d’étudier le
phénomène criminel s’est un peu essoufflée chez nous contrairement aux pays outre
atlantique. Actuellement, 2 courants retiennent principalement l’attention même si on
s’interroge sur l’éventuel retour de la crimino en France et sur les influences anglo-saxonnes
dans notre pays.

❖ La théorie de la réaction sociale ! Etiquettage


Depuis les années 1960, la criminologie prend une nouvelle orientation (chercheurs
d’Amérique du nord et d’Angleterre). Ce courant de la réaction sociale démontre l’influence
de la réaction sociale sur le comportement du délinquant. La société procède facilement à une
sorte d’étiquetage du délinquant et répertorie comme tel certaines catégories sociales
(maghrébins, jeunes dans les cités…). Cette stigmatisation va renforcer l’appartenance sociale à une
classe donnée, à une catégorie délinquantielle prédéterminée. L’un de ces courants de pensée
est le courant radical crée par CHAPMAN et repris en France par Michel FOUCAULT
(Surveiller et punir en 1975). Il reprend les idéaux marxistes en affirmant que la politique
criminelle est une arme utilisée par les dirigeants pour maintenir l’ordre sur les opprimés.
Cette criminologie milite pour un changement de la société au nom du respect de l’égalité
(dépénalisation de certaines infractions comme l’usage de stupéfiants… mais incrimination
d’autres comme le racisme, le sexisme…).
Critique : Depuis les années 1980, ce courant est poussé à son paroxysme en Europe sous
l’égide de certains auteurs qui contestent le monopole étatique du droit de punir et prônent
l’abolition du système répressif.

❖ La victimologie ! Prise en compte victime


Des théories criminologiques axées sur le crime et le criminel, s’est peu à peu détaché
un courant autonome : la victimologie. A l’origine, son étude se limitait à comprendre le rôle
éventuellement joué par la victime au moment du passage à l’acte du délinquant (viol ;
sentiment de culpabilité/violences…). Puis, la victimologie est devenue une science à part
entière s’intéressant exclusivement à la victime. Cette nouvelle vague commence dans les
années 1975-1980 avec l’adoption d’une loi consacrant le droit à l’indemnisation des victimes
d’infractions sous l’impulsion de Robert BADINTER. Elle se poursuit avec la volonté de
généraliser les MARC pour sensibiliser davantage le délinquant sur le préjudice enduré par la
victime (il ne paye plus sa dette à la société, il répare directement le trouble causé à la
victime). Elle se pérennise à l’heure actuelle par la reconnaissance de nombreuses
!20

prérogatives en faveur de la victime tout au long du procès pénal (Loi du 15 juin 2000 Art.
préliminaire ; Perben II : information des suites données, droit à l’assistance d’un avocat…).

Conclusion : La criminologie : Une science en devenir ?

Au vu, de ce qui précède, on remarque que, depuis la mi-XIX moment auquel elle est
apparue, la criminologie n’a cessé de se développer. De nouveaux axes de recherches et de
nouvelles analyses sont venus l’enrichir. A cet effet, on a pu noter l’influence de la crimino
sur les orientations de la politique criminelle au grès des époques.
Or, il convient de noter que depuis la mi XIX, l’objet de la crimino se focalisait sur
l’explication du phénomène criminel cad sur l’explication de l’acte délictueux en lui-même
(par opposition à l’acte non délictueux). Mais à partir de la mi XX, la crimino va connaître 2
changements majeurs :
- D’une part, dans les années 1960, avec la Théorie de la défense sociale nouvelle, l’objet de
la réflexion se délocalise. La crimino ne s’intéresse plus seulement à l’acte délictueux, elle
envisage désormais le système pénal qui l’institue et le réprime.
- D’autre part, dans les années 1980-1990, de nouveaux courants criminologiques
apparaissent. S’ils restent focalisés sur l’acte délictueux, ils l’envisagent cette fois de manière
dynamique à travers la dynamique du passage à l’acte.

Pourtant, depuis les années 1960, il semblerait que la crimino française stagne voire
piétine surtout si on la compare à la crimino des pays nord américains. Aux USA et au
Canada, la tendance est inverse. La crimino rencontre un vif succès à tel point que les
criminologues sont associés au procès pénal (pour la recherche probatoire, les profilers… même à
l’audience… Cf : les séries TV…). Or, rien de pareil en France. La faute en revient au courant de
la réaction sociale contemporain de cette période dont les conclusions se sont soldées par un
échec. Il poussait en effet à son paroxysme les interférences entre le système pénal et la
délinquance : « Ce n’est pas la déviance qui conduit au contrôle social, c’est le contrôle social
qui conduit à la déviance » !
Mais aujourd’hui, on s’interroge de nouveau sur l’opportunité de mieux comprendre et
expliquer les différentes manifestations du phénomène criminel. La criminologie redevient à
la mode. Elle constitue désormais une science en devenir (on se demande comment l’enseigner dans
les Facs de droit… encore influence de séries TV…).

§2 : La période de la justice « politique »

Depuis la seconde moitié du XXème siècle, l’évolution du droit pénal n’est plus
guidée par des idéaux ou des analyses scientifiques mais par un nouveau facteur. L’influence
de la politique se fait en effet sentir en droit pénal contemporain comme le démontre la
réforme du CP en 1994 (A) et, plus récemment, les retouches apportées au Code pénal depuis
1994 (B).

A) La réforme du Code pénal en 1994


!21

Au fil des modifications apportées, l’esprit du CP de 1810 n’avait plus rien à voir avec
les préoccupations de cette fin de XXème siècle. Cette remarque vaut pour toute la matière
pénale (droit pénal du fond) :
- En droit pénal général, le CP est incomplet sachant que nombre de principes appliqués en
jurisprudence ne sont pas mentionnés (échelle des peines…).
- En droit pénal spécial, certaines infractions subsistent depuis 1810 alors que d’autres ont été
profondément retouchées (violences…) ce qui nuit à l’équilibre du Code.
Plus généralement, le CP de 1810 devait toujours être complété par une abondante
évolution jurisprudentielle ou précisé par des textes spéciaux concernant des domaines
spécialisés.

1) La genèse de la réforme

• Au début du XXème, la nécessité de réformer le CP se fait déjà sentir (Commission


présidée par le Procureur général de la Cour de cassation d’où son nom : le « Code
pénal Matter » 1934 influencé par le Pragmatisme de Saleilles) mais la survenance de la 2ème
Guerre mondiale réduit ce projet à néant. Quelques décades plus tard, la réforme est à
nouveau d’actualité mais, au grès des alternances politiques, il faudra 20 ans, entre
1974 et 1994, pour que le nouveau CP entre en vigueur.

• Les années 1950 – 1960 :


Elles sont marquées par une hausse spectaculaire de la délinquance liée au contexte
politico-historique de cette période. La plupart des principes pénalistes sont en effet mis en
sommeil pendant la durée des guerres d’Indochine et d’Algérie au cours desquelles nombres
d’exactions sont perpétrées (viols commis par les soldats ; retard à accepter le droit de recours
individuel de la CESDH…). Parallèlement, sur le plan social, on assiste à une libéralisation
des idées et des mœurs avec 1968 mais on subit également une manifestation accrue des
idéaux extrémistes avec le terrorisme.

• Les années 1970 :


Contexte : L’inquiétude des politiques est bien réelle. On constate une généralisation
de la violence et de la délinquance à la fois géographique (les délinquants n’étant plus bannis du
territoire national) et sociale (toutes les classes socio-professionnelles sont touchées : commerçants contre les
services fiscaux, salariés en grève contre employeur, étudiants contre responsables universitaires, mafias dans les
villes…). Il s’agit là d’un phénomène nouveau révélé par une Commission d’enquête chargée
d’analyser une telle recrudescence de la violence. A cet effet, elle prône l’instauration d’une
politique pénale préventive (pas répressive). Cette suggestion n’est pas entendue par le
gouvernement qui privilégie la répression. Le réflexe consiste alors à créer de nouvelles
incriminations et à accroître la sévérité des sanctions (loi du 8 juin 1970 dite loi anti-casseurs
pour réprimer les dégâts causés par les attroupements ; loi du 9 juillet 1971 sur les prises
d’otages ; loi du 15 juillet 1970 et du 5 juillet 1972 sur le détournement des aéronefs en
vol…). La recherche d’une certaine efficacité conduit à opter pour le durcissement de la
répression (on distingue deux types d’établissements pénitentiaires : les centrales au régime
rigoureux et les centres de détention plus libéraux ; on crée des QHS dans certains
établissements ; après avoir étendu les pouvoirs du JAP en 1975, on les restreint en 1978…).
Cette politique pénale atteint son paroxysme avec la loi du 2 février 1981 dite « loi Sécurité-
!22

Liberté » qui renforce la répression pénale et cantonne en ce sens les pouvoirs du juge
(comme son nom l’indique) (largement inspiré d’un voyage aux USA du Garde des sceaux de l’époque
(Alain Peyrefitte)), il ne reste en vigueur que quelques mois en raison de l’arrivée de la gauche
au pouvoir.
Réaction : Le Garde des Sceaux (Jean TAITTINGER) mandate une Commission
présidée par le Premier Président de la Cour de cassation (M. AYDALOT) et composée de
nombreux universitaires et praticiens. Cette Commission rend un avant-projet en 1978
essentiellement axé sur la loi pénale, la personne pénale (punissable et non punissable) et la
sanction pénale. Ce texte est très critiqué car il ne fait pas référence aux principes de l’Ecole
de la défense sociale nouvelle comme la faute, la culpabilité ou la responsabilité.

• Les années 1980 :

Contexte : La 1ère période 1981-1986 est marquée par un changement de majorité, la


politique criminelle prend alors une nouvelle orientation. La première préoccupation consiste
à désengorger les prisons surpeuplées d’où la loi d’amnistie de l’année 1981, la pratique du
droit de grâce par Mittérand… Des modifications sont apportées au droit pénal comme
l’abolition de la peine de mort (loi du 9 octobre 1981 ; désormais inscrite dans la Constitution grâce à
Badinter depuis 2007), la suppression des juridictions d’exception en matière militaire...
L’orientation du nouveau gouvernement est en totale contradiction avec les aspirations
répressives de la loi Sécurité-Liberté. Ce texte est donc partiellement abrogé par la loi du 10
juin 1983 qui instaure de nouveaux substituts à la peine comme le jour-amende ou le TIG…
De plus, sous l’impulsion de Robert BADINTER, un texte est voté le 8 juillet 1983 afin de
prendre en considération l’indemnisation les victimes du terrorisme et du sang contaminé
notamment.
Réaction : Avec l’alternance politique de 1981, c’est Robert BADINTER qui préside
la Commission de révision et qui profite de l’occasion pour renouveler une partie de ses
membres. La nouvelle Commission reprend l’avant-projet et le modifie considérablement. On
aboutit au projet de loi portant réforme du CP adopté en Conseil des Ministres en 1986.
Cette étape symbolique survient à la vielle de la cohabitation ce qui explique que seuls
certains domaines soient réformés (comme les dispositions générales, les crimes et délits
contre les personnes et les crimes et les délits contre les biens) au détriment d’autres aspects
de la matière (atteintes à la chose publique). Avec la cohabitation de 1986-1988, il est oublié.

Contexte : La 2ème période 1986-1988. En raison de la cohabitation, le nouveau


Ministre de la Justice est Albin CHALENDON. Il préconise un retour à la fermeté suite à la
vague d’attentats qui touche la France (Rue de Rennes en 1985…). Des mesures sont adoptées
dans la loi du 9 septembre 1986 visant la répression du terrorisme (création de juridictions
spéciales), le contrôle assidu de l’application des peines, la lutte contre le trafic de
stupéfiants...

• Fin des années 1980 – Début des années 1990 :


Contexte : 1988(s) : On revient à plus d’humanisme avec M. ARPAILLANGE à
l’issue des présidentielles de 1988. Sous son Ministère assiste à la réforme du CP mais la
tendance amorcée de la dépénalisation se confirme. L’idée est de conférer davantage de
pouvoirs aux magistrats afin de rendre l’arsenal répressif plus malléable ce qui permet
!23

concomitamment d’endiguer le surpeuplement carcéral. Les juges pratiquent alors la


correctionnalisation ou la contraventionnalisation, des substituts de peine sont préférés à une
peine d’emprisonnement ferme… Il en est de même au niveau de la dépénalisation de
certaines infractions notamment en matière de mœurs qui confirme une évolution amorcée
dans les années 1970 : à l’instar de la dépénalisation de l’adultère (loi du 11 juillet 1975),
légalisation de l’avortement (lois du 17 janvier 1975 et du 31 décembre 1979) ou encore
abaissement des sanctions en matière de viol ou d’attentat à la pudeur (loi du 23 décembre
1980)…
Réaction : La réélection de François MITERRAND en 1988 permet à la gauche de
ressortir le projet de BADINTER des placards. M. ARPAILLANGE se charge de faire voter
au Parlement les 3 parties du projet sous forme de 3 projets de loi distincts pendant que la
Commission a nouveau réunie planche sur un 4ème projet de loi relatif au(x) thème(s) non
traité(s) précédemment (savoir les crimes et délits contre la Nation, l’Etat et la paix publique).
Cette discussion parlementaire dure 3 ans de 1989 à 1992 et s’achève le 22 juillet 1992 par le
vote de 4 lois portant réforme du CP (sous le Ministère de Michel VAUZELLE). Un 5ème texte
tenant lieu de loi d’adaptation est parallèlement déposé par le Garde des sceaux afin de régler
divers problèmes liés à l’entrée en vigueur de la réforme voir de pallier quelques omissions.
Compte tenu de l’ampleur de la réforme, la date d’entrée en vigueur du nouveau CP est
reportée à plusieurs reprises (date du 1er mars 1993 initialement prévue avant les législatives).
En raison de la nouvelle cohabitation de 1993-1995, c’est Pierre MEHAIGNERIE qui se
charge de ce problème et fixe la date du 1er mars 1994. Il lui paraît plus raisonnable de
différer de quelques mois car les praticiens doivent déjà digérer une réforme substantielle de
la procédure pénale (lois du 8 janvier et du 24 août 1993).

2) Les apports de la réforme

►Sur le fond :
Par commodité, on parle du nouveau CP du 1er mars 1994. En réalité, c’est un abus de
langage car le CP n’a pas changé de nom avec la réforme (contrairement au NCPC). Sans
rentrer dans le détail des 12 textes qui permirent d’aboutir à l’achèvement de la discussion
parlementaire, l’esprit de la réforme peut se résumer de la manière suivante.
Paradoxalement, le nouveau CP s’inscrit aussi dans une certaine continuité. Il reprend
certains principes consacrés par le Code napoléonien comme la classification tripartite des
infractions pénales ou la corrélation entre responsabilité et sanction pénale. Surtout, le
nouveau CP reprend toutes les évolutions jurisprudentielles inspirées des anciens textes qui
avaient contribuées à l’obsolescence du CP de 1810.
Mais le nouveau CP de 1994 marque surtout une rupture puisque la totalité des
dispositions du CP de 1810 sont abrogées. Il est à la fois plus simple et plus précis.
Indépendamment de cette profonde modification de forme, le nouveau CP se démarque
également de l’ancien quant au fond. De nouveaux principes juridiques sont consacrés
(responsabilité pénale des personnes morales, notion mise en danger d’autrui… et FNI… suppression des peines
planchers et conservation des peines plafonds… plus de chevauchement dans l’échelle des peines… prône des
substituts à l’emprisonnement…)

Remarque : Politiquement parlant, le CP de 1994 est le résultat d’un consensus. Les longues années de
débats parlementaires reflètent un compromis entre la gauche et la droite malgré la nomination d’une
Commission mixte paritaire (AN à gauche et Sénat dans l’opposition). Compromis difficile pourtant puisque les
députés de gauche ont voté à une écrasante majorité et que les députés de droite ont pratiqué la technique de
!24

l’abstention positive. Pour résumer, la droite n’a pas critiqué et n’a pas souhaité saisir le Conseil constitutionnel
ce qui arrangeait la gauche qui ne voulait pas prendre de risque. L’entrée en vigueur du texte reflète également ce
consensus : après avoir été voté par la gauche, il est mis en place par la droite.

►Sur la forme :
La structure du nouveau CP se remarque par sa clarté. Il comprend près de 800
articles répartis de la façon suivante :

Livre I Dispositions générales


Livre II Crimes et délits contre les personnes
Livre III Crimes et délits contre les biens
Livre IV Crimes et délits contre la Nation, l’Etat
et la paix publique
Livre V Autres crimes et délits
(loi d’adaptation)
Livre VI Contraventions
Livre VII Dispositions applicables dans les TOM et
Mayotte

L’intérieur de chacune de ses parties est également bien ordonné (…) :


Structure du Livre I Dispositions générales (DPG)
Titre I La loi pénale
Titre II La responsabilité pénale
Titre III Les peines

Structure du Livre II Crimes et délits contre les personnes


Titre I Crimes contre l’humanité
Titre II Atteintes à la personne humaine

Structure du Livre III Crimes et délits contre les biens


Titre I Appropriations frauduleuses
Titre II Autres atteintes aux biens

Pour ce qui nous concerne, le plan du Livre I relatif aux dispositions générales est :
TITRE I DE LA LOI PENALE
Chapitre I Des principes généraux
Chapitre II De l’application de la loi pénale dans le temps
Chapitre III De l’application de la loi pénale dans l’espace
TITRE II DE LA RESPONSABILITE PENALE
Chapitre I Dispositions générales
!25

Chapitre II Des causes d’irresponsabilité ou d’atténuation de


la responsabilité
TITRE III DES PEINES
Chapitre I De la nature des peines
Chapitre II Du régime des peines
Chapitre III De l’extinction des peines et de l’effacement des
condamnations

Pour finir, le contenu du nouveau CP se distingue aussi du précédent par le système de


numérotation choisi. Contrairement à l’ancien CP (et à d’autres Codes : Code civil…), la
numérotation du nouveau CP n’est pas continue. Chaque numéro d’article se compose de 3
chiffres qui indiquent l’emplacement de cet article dans le plan du Code : le 1er pour le livre,
le 2ème pour le titre et le 3ème pour le chapitre. Ces 3 chiffres sont séparés pour un tiret d’autres
chiffres allant de 1 à (…) qui cette fois renseignent sur le numéro de l’article dans la
subdivision sus indiquée (Exp : Art. 121-5 pour Art. n°5 / Livre I / Titre II / Chapitre I…).

B) Les retouches du Code pénal depuis 1994

Dans la continuité de la réforme du CP entrée en vigueur le 1er mars 1994, la politique


criminelle va peu à peu répondre à de nouvelles orientations (1). Celles-ci se dessinent
progressivement avant de se confirmer ultérieurement (2).

1) Une évolution amorcée

On va se situer au cours des 2 mandats de la Présidence de Jacques Chirac,


cohabitation comprise.

• Les années 1995-2002 (1er mandat de J. Chirac pour le dernier septennat de la Vème République)
A l’époque, la préoccupation sécuritaire est déjà bien présente. Elle se traduit par
l’adoption de textes rigoureux qui ont des répercussions dans toutes les branches du droit
pénal.
En DPG :
- On prend désormais en compte l’infraction pénale non intentionnelle que l’on sanctionne
différemment en 1996 (loi du 13 mai 1996 relative à la responsabilité pénale pour des faits
d’imprudence ou de négligence) et en 2000 (loi du 10 juillet 2000 portant définition des délits
non intentionnels).

• Les années 2002-2007 (2nd mandat de Jacques Chirac pour un quinquennat).


Après la cohabitation de 2000-2002, la droite reprend le pouvoir à l’issue des
présidentielles d’avril 2002. La volonté réformatrice du gouvernement se fait nettement sentir
en droit pénal sous l’impulsion du Garde des sceaux Dominique PERBEN puis avec
l’influence du Ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy.

Dès 2002
!26

La volonté réformatrice du Gouvernement est affirmée clairement dès la rentrée 2002


au travers de la loi d’orientation et de programmation pour la justice du 9 septembre 2002 dite
Perben I. Pour ce qui nous intéresse :
Le Droit pénal des mineurs : (DPG +Procédure pénale)
La loi refond en totalité le domaine de l’enfance délinquante. Les autorités prennent
en effet conscience de l’urgence à réformer le droit pénal des mineurs. Les délinquants
juvéniles commencent de plus en plus tôt et commettent des infractions de plus en plus graves
à tel point que l’ordonnance de 1945 devenait inadaptée. Ces mesures ont des répercussions
importantes sur le statut du mineur délinquant (V.MINORITE) (CEF pour l’exécution du contrôle
judiciaire ou d’un SME et si non respect : prison, à mi-chemin entre les mesures éducatives (moins de 13 ans) et
les peines (plus de 13 ans), création des sanctions éducatives pour la classe d’âge 10-13 ans…).

En 2004
Le Garde des Sceaux a pour ambition d’adapter la justice pénale aux évolutions de la
criminalité d’où la loi d’adaptation de la justice aux nouvelles formes de criminalité (dite loi
sur la criminalité organisée ou Perben II) du 9 mars 2004. Cette réforme de grande ampleur
part du postulat que la délinquance est en pleine mutation. Elle correspond davantage à des
réseaux de criminalité organisée et à de la délinquance d’affaires. Il faut donc adapter la
réponse pénale à cette évolution en donnant de nouveaux moyens à la justice et en ayant
recours à des sanctions plus sévères (Pour info : ce texte ne sera retouché qu’en 2016 par la loi Urvoas à
la suite des attentats terroristes ayant frappé la France en 2015…).
Dans le domaine du droit pénal général, les points retouchés intéressant notre
programme sont principalement la suppression du principe de spécialité pour la responsabilité
des personnes morales qui deviennent poursuivables pour les mêmes infractions que les pp (V.
COURS DPG).

Pour info : entre 2005 et 2010 nos autorités font de la lutte contre la récidive leur
« cheval de bataille »
- la loi relative au traitement de la récidive des infractions pénales du 12 décembre 2005
(Récidive I) ;
- la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007
(Récidive II) ;
-loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté & loi du 10 mars 2010 (Récidive III).

En 2007
A signaler, la loi du 5 mars 2007 sur la prévention de la délinquance pour le Droit
pénal des mineurs qui revient sur le régime applicable au mineur pour le rendre plus
contraignant (en allongeant la liste des mesures préventives applicables et en cas de sanction
pénale prononcée, elle fait en sorte que le mineur âgé de 16 à 18 échappe au statut dérogatoire
dont il bénéficie. Cela revient à le priver de l’excuse de minorité).

Bilan : Cette politique criminelle de fermeté amorcée au début des années 2000 va se
confirmer par la suite.

2) Une évolution confirmée (jusqu’en 2012)


!27

Avec l’élection de Nicolas Sarkozy à la Présidence de la République, la tendance se


confirme. Des modifications ponctuelles reviennent sur certaines règles de droit pénal
général.

En 2008
Il est à noter la loi du 25 février 2008 sur la rétention de sûreté qui retouche au passage
le traitement du délinquant souffrant de trouble mental au moment des faits. Désormais, il
n’échappe plus totalement au système pénale, des garanties sont prises (V. DEMENCE)

Pour info : D’autres modifications plus significatives sont adoptées mais elles
affectent d’avantage les infractions existantes en droit pénal spécial et de nombreux
mécanismes de procédure pénale (V. explications orales).

Conclusion : Des évolutions remises en cause (depuis 2012)

►Avec l’alternance politique, certains projets de réforme annoncés ne vont pas


aboutir ou, dans une moindre mesure, il faudra se contenter de modifications sommaires. Par
exemple, en Droit pénal des mineurs : Le rapport Varinard (décembre 2008).

►D’autres modifications plus ponctuelles vont voir le jour en raison (ou au détour) de
l’adoption de textes spécifiques s’attelant à la lourde tâche de lutter contre une forme de
délinquance donnée.
A ce propos il faut avoir connaissance de 2 dernières grandes réformes affectant la
matière pénale en droit de la forme principalement mais le droit du fond n’est pas épargné.
→C’est le cas de la loi du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le
terrorisme et leur financement (et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure
pénale) dite « loi Urvoas ». Elle est à l’origine d’une nouvelle cause d’irresponsabilité pénale
en faveur des membres des forces de l’ordre faisant usage de leur arme en opération (V
cours).
→C’est le cas de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la Justice du XXIème
siècle dite « J21 » qui affecte de nombreux domaines dont le contentieux pénal.

►Mais l’emballement du législateur à réformer ne faiblit pas.


→Tantôt de nouvelles notions font leur apparition. On peut citer en guise d’exemple la loi du
9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la
modernisation de la vie économique dite « Sapin II » qui instaure une nouvelle cause
d’irresponsabilité pénale en faveur des lanceurs d’alerte pour ce qui nous intéresse ;
→Tantôt des notions récemment instaurées sont aussitôt remaniées ce qui complexifie
l’approche et l’étude de celle-ci. Tel est le cas de la loi du 27 février 2017 relative à la sécurité
publique qui revient sur les conditions dans lesquelles les forces de l’ordre peuvent faire
usage de leur arme (cette question avait pourtant été réglée quelques mois plus tôt par la loi
Urvoas… V. cours 2nd semestre).

Pour la culture et pour finir par une note d’actualité, suite à l’élection de M.
Emmanuel Macron, le mouvement de la République en marche a annoncé une profonde
refonte de notre système judiciaire en général et de certains contentieux en particulier. Ce
!28

vaste projet se retrouve dans les « Chantiers de la Justice ». Le rapport publié en janvier
2018 est à l’origine d’un projet de loi de programmation 2018-2022 & de réforme de la
Justice. Il vient d’aboutir au printemps à la loi du 23 mars 2019 de programmation
2018-2022 & de réforme pour la Justice. S’il intéresse notamment le droit pénal de la
forme, les impacts en droit pénal du fond se feront inéluctablement sentir… à suivre…

Annonce du plan

L’intégralité de ce cours sera consacrée au droit pénal général. A cette fin, nous
aborderons successivement les notions d’infraction pénale (Partie I) et de responsabilité
pénale (Partie II).

PARTIE I : L’INFRACTION PENALE

L’infraction pénale est l’élément de base du droit pénal général puisque l’application
de toute règle de fond suppose préalablement une définition précise de l’incrimination. On
pourrait retenir une définition moraliste qui envisage l’infraction pénale comme « l’acte
contraire à la morale et à la justice ». On préfère s’en tenir à une définition juridique selon
laquelle « l’infraction pénale consiste en toute action ou omission portant atteinte à l’ordre
social et faisant l’objet d’une sanction répressive ». En réalité, pour cerner la notion
d’infraction pénale, il faut connaître d’abord les divers modes de classification des infractions
en droit positif (Chapitre I) avant de rentrer dans le détail des différents éléments constitutifs
de l’infraction pénale (Chapitre II).

CHAPITRE I :
LES MODES DE CLASSIFICATION DE L’INFRACTION PENALE

En droit pénal, différents modes de classification s’affrontent. Aucun d’entre eux n’est
véritablement satisfaisant dans la mesure où chaque critère de distinction retenu se heurte
facilement à des critiques (certains auteurs opposent les infractions protégeant un intérêt général à celles
préservant un intérêt particulier comme les infractions politiques, militaires, le terrorisme ou encore ce qui porte
atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation… et d’autres distinguent les infractions violentes des infractions
non violentes…). Mais il faut avoir présent à l’esprit le fait que la classification principale
retenue par le CP de 1994 est qualifiée de classification tripartite des infractions en ce qu’elle
classe les infractions pénales en trois catégories d’infractions distinctes (Section I) même si
d’autres modes de classification secondaires retiennent également l’attention (Section II).

SECTION I : LA CLASSIFICATION PRINCIPALE

Le principe de la classification tripartite des infractions pénales retenu par le CP mérite


quelques explications (§1) avant d’approfondir la portée juridique d’une telle règle (§2).

§1 : Le principe de la classification tripartite des infractions pénales


!29

Pour bien comprendre le fondement de la classification tripartite des infractions


pénales, il est essentiel de justifier le choix du critère ainsi retenu (A) avant d’en présenter les
modalités de mise en oeuvre (B).

A) Le choix du critère

Le principe de la classification tripartite des infractions est consacré pour la première


fois dans l’Art. 1 de l’ancien CP. Ce mode de classification, qui peut paraître artificiel, prend
pour point de départ la PEINE encourue avant d’en déduire l’infraction correspondante. Les
sanctions et infractions correspondantes sont présentées selon un ordre CROISSANT :
« L’infraction que les lois punissent de peines de police est une contravention.
correctionnelles est un délit.
afflictives ou infamantes est un crime ».
Remarque : Ce qui est nouveau pour l’époque c’est de qualifier nouvellement les 3
types de comportements répréhensibles en leur donnant une qualification juridique (il faut juste
savoir que depuis la Révolution et le droit intermédiaire on distinguait déjà une échelle de 3 sanctions différentes
pour les délits de police municipale, les délits de police correctionnelle et les délits de police de sûreté).

Le nouveau CP reprend dans son Art. 111-1 le principe de la classification tripartite


des infractions. Il est rédigé autrement : “ Les infractions pénales sont classées, suivant leur
GRAVITE, en crimes, délits et contraventions ”. En 1994, on ne fait plus référence à la peine
encourue, mais à la gravité des infractions commises. De plus, l’ordre change. Ainsi la
présentation DECROISSANTE des infractions, de la plus grave à la plus bénigne, permet de
comprendre qu’un acte qualifié de crime est plus terrible qu’un délit lequel est plus important
qu’une contravention.

Nombre d’auteurs considèrent que, même si le nouveau CP pérennise le principe de la


classification tripartite des infractions, il consacre un nouveau critère. Il n’est plus question de
peine mais de nature de l’infraction ou, plus exactement, on est passé de la gravité de la
peine à la gravité de l’infraction. Or, certaines opinions dissidentes estiment que de la gravité
de la peine à la gravité de l’infraction il n’y a qu’un pas. Plus l’infraction est grave, plus la
peine correspondante est grave. Ce qui change en fait avec le nouveau CP, c’est la manière de
concevoir le mode de classement des infractions. En fonction de la gravité du trouble causé à
l’ordre social, on en déduit une échelle des peines correspondante laquelle peut être modifiée
par la prise en considération de causes d’atténuations ou de causes d’aggravations (la loi ne
prévoit que des maximas… : on est surtout égaux devant l’incrimination et moins devant la sanction dont le
quantum reste aléatoire…).

Sévérité de la peine ! Gravité de l’infraction

1810 1994

B) La mise en œuvre du critère

La mise en œuvre du critère de la gravité suppose que la sanction pénale prévue par les
textes soit proportionnelle à l’infraction qu’elle sanctionne. Il a donc correspondance entre la
gravité de l’infraction et la sévérité de la peine. Dans l’ordre croissant retenu initialement par
!30

le Code pénal de 1810 nous pouvons donc avoir un aperçu de ce que l’on appelle
« l’échelle » des peines (le CP de 1994 partant du plus grave vers le moins grave mais c’est moins
logique…).

Les contraventions sont punies de peines contraventionnelles. On distingue en fait 5


catégories de contraventions ce qui permet de classer également ces petites infractions en
fonction de leur gravité. Ce degré de gravité découle du montant de l’amende encouru,
l’amende étant la sanction par excellence.
Nature de la contravention Montant de l’amende
1ère classe 38 euros au plus
2ème classe 150 euros au plus
3ème classe 450 euros au plus
4ème classe 750 euros au plus
5ème classe 1500 euros au plus
Si récidive : 3000 euros au plus

Les délits sont punis de peines correctionnelles principalement au travers de


l’emprisonnement et de l’amende.
Pour ce qui concerne l’emprisonnement, la durée de celui-ci sera proportionnelle à la
gravité du délit accompli. On distingue une échelle des peines d’emprisonnement
correctionnelles comprenant 8 degrés.
Pour l’amende, le montant de la peine d’amende correctionnelle ne saurait être
confondu avec celui de l’amende contraventionnelle. Il excède donc 3000 euros.
Point actu : Suite à la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 & de
réforme pour la Justice le barème de la peine d’emprisonnement encourue en matière
correctionnelle reste inchangé mais, en revanche, les modalités de prononcé de la peine
d’emprisonnement évoluent substantiellement (à compter du 23 mars 2020). Il convient en
effet :
-d’éviter de prononcer des peines fermes inférieures à 1 mois ;
-de privilégier obligatoirement les mesures d’aménagements pour les peines de - 6 mois ;
-de privilégier facultativement les mesures d’aménagements pour les peines de 6 mois à 1 an.

Emprisonnement - 2 mois au plus


- 6 mois au plus
- 1 an au plus
- 2 ans au plus
- 3 ans au plus
- 5 ans au plus
- 7 ans au plus
- 10 ans au plus
Amende Plus de 3 750 euros
!31

Les crimes sont punis de peines criminelles qui est par excellence la réclusion
criminelle voire l’amende selon les cas. On retrouve encore des seuils ou paliers qui sont
fonction de l’importance du crime commis. Il y a 4 seuils au total lesquels regroupent des
peines temporelles et la peine perpétuelle.
- 15 ans au plus
Réclusion criminelle à temps : - 20 ans au plus
- 30 ans au plus
Réclusion criminelle à perpétuité
(remplace la peine de mort abrogée en 1981)

Conclusion : Si la classification tripartite des infractions fondée sur la gravité de l’infraction


suscite parfois quelques critiques, force est de constater qu’au fil des projets de réforme du
Code pénal, aucune proposition n’a été faite en ce sens. Nombre de règles répressives sont en
effet basées sur la classification tripartite des infractions pénales.

§2 : La portée de la classification tripartite des infractions pénales

Le mode de classification tripartite des infractions emporte diverses conséquences


juridiques (A) auxquelles il convient d’apporter des limites (B).

A) Les conséquences de la distinction

La classification tripartite des infractions pénales n’est pas seulement un moyen de


distinguer les infractions perpétrées en fonction de leur gravité, elle génère également de
nombreuses conséquences juridiques en matière d’extradition, de détention provisoire, de
casier judiciaire… Mais les conséquences les plus importantes se répercutent essentiellement
au niveau des règles de fond (droit pénal général) (1) et au niveau des règles de forme
(procédure pénale) (2).

1) Au niveau des règles de fond

Au niveau des règles de fond, on distingue plusieurs règles au sein desquelles la


classification tripartite des infractions se retrouve en droit pénal général et en pénologie.

En droit pénal général :


→ Les sources du droit pénal général dépendent de la classification tripartite des infractions
puisque seuls les crimes et les délits obéissent au principe de légalité, à la différence des
contraventions qui sont d’origine réglementaire.
→ La répression de la tentative reprend ce mode de classification sachant que la tentative est
toujours punissable en matière criminelle mais ne l’est en matière correctionnelle que ssi une
disposition législative le prévoit expressément et qu’elle ne l’est jamais en matière
contraventionnelle.
→ La répression de la complicité s’inspire aussi de cette règle car la complicité est
punissable pour les crimes et les délits à la différence des contraventions.
!32

En droit de la peine ou pénologie :


→ De même de nombreuses règles intéressant le prononcé de la peine sont calquées sur la
classification tripartite des infractions comme le régime du sursis en principe réservé aux
peines correctionnelles.
→ Pour ce qui concerne la prescription de la peine, le CP érige une prescription propre à
chacune des infractions prévues savoir 20 ans pour les crimes, 5 ans pour les délits et 2 ans
pour les contraventions. Passé ce délai, le prévenu non sanctionné n’aura plus à effectuer la
peine prononcée (ne pas confondre avec la prescription des poursuites de l’infraction).

Prescription de l’infraction Prescription de la peine


Crime 10 20 (loi du 27 février 2017) 20
Délit 3 6 (loi du 27 février 2017) 5
Contravention 1 3

2) Au niveau des règles de forme

Au niveau des règles de forme, la procédure pénale respecte aussi le mode de


classification tripartite des infractions à plusieurs égards.

En matière d’organisation juridictionnelle, cette règle se retrouve de deux façons.


→ Au stade de l’instruction préparatoire on l’applique également sachant que l’instruction
est obligatoire en matière criminelle, facultative en matière délictuelle et inexistante en
matière contraventionnelle.
→ Au stade du jugement, les règles de compétence des juridictions répressives sont en effet
organisées en fonction de la classification tripartite des infractions puisque le Tribunal de
police, le Tribunal correctionnel et la Cour d’assises sont respectivement compétents pour
connaître des contraventions, des délits et des crimes.
Point actu : Après des années d’immobilisme ce critère de distinction est apparu ou apparait
moins nettement que par le passé.
-pour les contraventions : création de la juridiction de proximité en 2002 qui se voit attribuer le contentieux des
contraventions de la 1ère à la 4ème classe et le Tribunal de police conserve les contraventions de la 5ème classe
seulement… mais depuis la loi J21 du 18 novembre 2016, le contentieux des contraventions est désormais
réunifié devant le Tribunal de police avec effet au 1er juillet 2017 ;
-pour les délits : expérimentation issue de la loi du 10 août 2011 sur la participation des citoyens au
fonctionnement de la justice instaurant un Tribunal correctionnel citoyen (avec des citoyens-assesseurs) aux
côtés du traditionnel Tribunal correctionnel ;
-pour les crimes : Point actu : à côté de la traditionnelle Cour d’assises, la loi du 23 mars 2019 de
programmation 2018-2022 & de réforme pour la Justice vient d’instaurer à titre expérimental une Cour
criminelle ne fonctionnant que dans certains départements à compter du 1er septembre 2019 et se voyant confier
les crimes de faible gravité cad passibles de 15 à 20 ans de réclusion hors récidive.

Pour ce qui concerne la prescription de l’action publique, le délai de prescription


dépend aussi de la nature de l’infraction commise.
Jusqu’à présent, le délai était de 10 ans pour les crimes, de 3 ans pour les délits et de 1 an
pour les contraventions. Au-delà de ce délai, le délinquant ne peut plus être poursuivi.
!33

Depuis la loi du 27 février 2017 portant réforme de la prescription en matière pénale, ce délai
est de 20 ans pour les crimes, 6 ans pour les délits mais il reste fixé à 1 an pour les
contraventions.
D’autres dispositions procédurales éparses reposent sur le même fondement :
→ extradition : prévue que pour les crimes ou les délits punis de plus de 5 ans de prison ;
→ détention provisoire : que si une peine d’emprisonnement encourue cad pour les délits et
les crimes…
→ procédures de jugement à délai rapproché : réservées à certains délits flagrants
notamment…
→ nature des voies de recours…

B) Les limites de la distinction

De nombreuses critiques sont objectées au mode de classification tripartite des


infractions pénales car cette distinction n’est pas toujours appliquée rigoureusement. On
dénombre plusieurs tempéraments à ce mode de classement dont les plus importants sont la
pratique de la correctionnalisation (1) et le phénomène de la délégalisation (2).

1) La correctionnalisation

La correctionnalisation est une opération juridique qui consiste à considérer comme un


délit une infraction qui est en réalité un crime. Ce phénomène de correctionnalisation est
tantôt d’origine législative, tantôt d’origine judiciaire.
►La correctionnalisation législative survient lorsque, au fil des ans, on constate que
certains crimes perdent peu à peu leur caractère de gravité et semblent moins intolérables aux
yeux de l’opinion publique (avortement autrefois un crime, devenu un délit et depuis la loi Veil ce n’est
plus une infraction pénale quand il est pratiqué dans les délais légaux…).
►La correctionnalisation judiciaire se manifeste lorsque le magistrat lui-même, lors
du traitement du dossier pénal, occulte volontairement certains éléments assimilant
l’infraction perpétrée à un crime pour le considérer comme un délit (omission de
circonstances aggravantes…) (exp : classiquement, nombres d’agressions sexuelles pouvant s’apparenter à
un viol sont correctionnalisées en délit… cette pratique respecte pourtant la subtile distinction du CP qui
incrimine le viol en crime mais qui distingue également des agressions sexuelles « autres » que le viol et les
considère alors comme des délits…).

Commentaire : La pratique de la correctionnalisation est sujette à discussion.


La correctionnalisation législative peut se concevoir en ce qu’elle permet de mettre
notre politique pénale et par la même nos textes pénaux en adéquation avec l’évolution de la
société et les mœurs. Elle est d’ailleurs le fruit d’un débat parlementaire ce qui inhibe tout
risque d’arbitraire.
→La correctionnalisation judiciaire en revanche est davantage décriée car elle est
directement liée aux prérogatives du juge pénal. Elle est donc décidée par le juge pénal. Pour
beaucoup, il s’agit d’une pratique illégale voire même inconstitutionnelle. Nous n’en saurons
pas plus sur ce point car la Cour de cassation a refusé dernièrement de transmettre la QPC
dont elle était saisie au Conseil constitutionnel : Cass. Crim. 4 avril 2013. Elle a estimé que si
la question posée était nouvelle, elle était dépourvue de sérieux ce qui fait obstacle à la
transmission de la QPC.
!34

→En vérité, la correctionnalisation résulte de la pratique de la justice sous l’Ancien


Régime. Pour contourner la sévérité des sanctions prévues par l’ancien Code pénal, les jurys
préféraient l’acquittement d’où le réflexe de confier le contentieux à des magistrats
professionnels quitte à requalifier les faits de crime en délit. Ce n’est pas le seul avantage
recherché :
- Elle est parfois nécessaire pour pallier l’engorgement des Cour d’assises ;
-Elle évite d’imposer un procès interminable à la victime avec les témoignages que cela
comporte... c’est moins traumatisant pour elle ;
-Elle permet d’obtenir un jugement plus sûr, moins coûteux dans un délai raisonnable de
surcroît.

2) La délégalisation

La délégalisation se produit lorsque l’élément légal de l’infraction est contourné cad


lorsque l’on déroge au principe de la légalité des délits et des peines.
Cette fois, l’infraction n’est pas disqualifiée de crime en délit, elle est requalifiée de
délit en contravention. Ce mécanisme n’impacte pas seulement l’infraction dont la gravité est
minimisée, il emporte des conséquences au niveau du texte incriminateur. En effet, il n’est
plus nécessaire que ce soit une loi, il peut s’agir d’un simple règlement.
L’exemple le plus connu est celui de la création des contraventions de la 5ème classe
qui sont en réalité d’anciens délits correctionnels. Le fait que de tels comportements ne soient
plus constitutifs d’un délit mais d’une contravention signifie que telle incrimination ne sera
plus prévue par un texte législatif mais par un texte réglementaire. Il y a donc délégalisation.

Point actu : Au nom de la politique pénale conduite par les Gardes des Sceaux
successifs, on réfléchit encore et encore aux moyens à mettre en œuvre pour lutter, d’une part,
contre la surpopulation carcérale, et, d’autre part, pour lutter contre la récidive. L’une des
solutions préconisées intéresse plus particulièrement notre sujet : il serait question de
contraventionnaliser certains comportements cad de les délégaliser voire même d’aller plus
loin et de les dépénaliser (la question récurrente se pose pour l’usage de stupéfiants (même si la
dernière idée en date dans la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 & de réforme pour la Justice
est d’en faire une amende forfaitaire correctionnelle… mais certaines initiatives ont abouti comme la
dépénalisation du racolage public pour les personnes prostituées…).

Crime ! Délit ! Contravention


Correctionalisation Délégalisation
(Contraventionnalisation)
!35

Remarque :
A travers la correctionnalisation et la délégalisation, on remarque que la classification
tripartite des infractions est un mode de classement qui atteint rapidement ses limites.
Pourtant d’autres mécanismes abondent dans le même sens. Ils sont d’ailleurs source de
confusion.

►Le 1er écueil à éviter c’est de faire l’amalgame entre peine encourue / peine
prononcée / peine exécutée.
Dans le Code pénal, chaque infraction incriminée est assortie d’une sanction donnée. Il
s’agit de la peine encourue. Or, depuis la réforme du Code en 1994, la peine encourue ne se
situe plus entre une « fourchette » délimitée par un minima (peine plancher) et un maxima
(peine plafond). Désormais, le législateur ne fixe plus que des maximas.
Une fois renvoyé à l’audience au cours de laquelle il va être jugé, le prévenu, si sa
culpabilité est démontrée, va être pénalement sanctionné. La règle applicable à ce stade de la
procédure est celle de la personnalité des peines ce qui suppose une individualisation de ladite
peine (ce qui explique que pour des faits identiques surtout lorsqu’ils sont jugés aux assises par des jurés
populaires, certains se prennent 15 ans et d’autres moins…). Ici on est en présence de la peine
prononcée qui mathématiquement sera inférieure ou égale à la peine maximale prévue par le
texte normatif.
Ensuite, il faut savoir que le processus d’exécution de certaines peines (notamment les
peines de prison) peut bénéficier de mesures d’aménagements afin de faciliter la réinsertion
sociale du condamné. Le nombre et la diversité de ces dispositions génère un effet d’érosion
sur la peine à purger, à tel point, que la peine effectivement exécutée se distingue de la
sentence prononcée.
Cette triple distinction est pourtant sans incidence que la qualification juridique des
faits qui reste basée sur la gravité de l’infraction perpétrée et sur la sanction qui lui est
attachée à savoir la peine encourue.

►Le 2ème écueil intéresse également l’échelle des peines cad le « barème » applicable
au délinquant. Ces dernières années, ce barème a subi de nombreuses modifications elles-
mêmes remises en question. Ce contexte peut être source d’insécurité juridique voire
d’insécurité tout court.
- Déjà, en 2007, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs
du 10 août 2007 (Récidive II) réserve un sort particulier au délinquant récidiviste. S’il doit
être puni plus sévèrement que le délinquant primaire (peine plafond X 2), le législateur veut
s’assurer que le juge prononcera une sanction dissuasive. Pour ce faire, il réinstaure des
peines planchers (1/3 de la peine encourue).
- De même, en 2011, la loi pour l’orientation et la programmation de la performance
de la sécurité intérieure (LOPPSI II) du 14 mars 2011 revient sur la règle édictée par le Code
pénal en 1994. De nouvelles peines planchers sont prévues et, cette fois, elles intéressent le
primo-délinquant lorsqu’il commet des infractions violentes (2 ans quand 8 ans encourus…).
Point actu : Mais depuis la loi Taubira du 15 août 2014 portant réforme pénitentiaire,
les peines planchers sont supprimées dans les 2 cas !

►Le 3ème et dernier écueil n’a rien d’actuel, il se situe au niveau des modes de
l’évaluation de la peine en elle-même.
!36

-Dans un sens, la peine peut être affectée par des causes d’atténuations, l’objectif étant
le prononcé d’une peine inférieure. C’est ce que l’on appelait autrefois les circonstances
atténuantes. Bien que les circonstances atténuantes aient disparues avec le CP de 1994, il en
subsiste quelques traces. Ce procédé est source de confusion car il permet de prononcer une
peine bien moindre, minimale en quelque sorte, contrairement au barème en vigueur qui ne
correspond plus au quantum de l’infraction (en deçà de 15 ans de prison pour un crime ; en deçà de
3750 € d’amende pour un délit…)(Limite : 2 ans si perpétuité encourue ; 1 an si réclusion criminelle à temps) ; 1
semaine si emprisonnement correctionnel et 1 euro si amende) (sans oublier le statut de repenti, l’excuse de
minorité, l’altération des facultés mentales…).
-En sens inverse, des causes d’aggravation peuvent être prises en compte. Certains
éléments peuvent en effet tenir lieu de circonstances aggravantes. Ils vont alors produire
l’effet contraire puisqu’ils vont aggraver la qualification juridique retenue et, par conséquent,
revoir à la hausse le barème de la peine encourue. Par exemple, cela conduit à criminaliser un
délit correctionnel... C’est la raison pour laquelle on distingue l’infraction simple (vol simple : 3
ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende donc délit…) de l’infraction dite aggravée dont le
quantum de la peine sera gradué en fonction du cumul d’une ou plusieurs circonstances
aggravantes (vol sera toujours un délit correctionnel mais plus sévèrement puni par 5 ans et 75 000 euros
quand réunion, petites violences, victime vulnérable… mais devient un crime quand violences ayant entraînées
une incapacité ou infirmité permanente car 15 ans de prison et 150 000 euros d’amende…).

SECTION II : LES CLASSIFICATIONS SECONDAIRES

A côté du mode de classification principal retenu par le CP qui répertorie les


infractions en fonction de leur gravité, d’autres critères retiennent l’attention. Ils permettent
de dresser des classifications secondaires fondées tantôt sur la nature de l’infraction pénale
(§1), tantôt sur le mode de réalisation de celle-ci (§2).

§1 : La classification fondée sur la nature de l’infraction pénale

La classification fondée sur la nature de l’infraction oppose en réalité l’infraction de


droit commun aux autres infractions pénales. Aux distinctions anciennes (A) succèdent des
distinctions plus contemporaines (B).

A) Les distinctions anciennes

Traditionnellement, on a pour habitude d’opposer les infractions de droit commun aux


infractions de nature différente en ce qu’elles relèvent du domaine politique (idéologique),
militaire (disciplinaire) ou encore de leur origine criminologique comme la délinquance
d’affaires (col blanc).

►Les infractions politiques : ! Origine idéologique


L’infraction politique correspond au crime de lèse-majesté sous l’Ancien régime. Elle
est reprise lors de la Révolution à l’encontre des suspects et des émigrés. Pourtant, le CP de
1810 lui accorde une place particulière. Pourquoi ? Parce qu’il s’agit d’une infraction
idéologique par essence (On peut comprendre que ses contours aient été redessinés au rythme des régimes
politiques et au grès des tendances libérales ou autoritaires de chaque période…).
!37

Si le Code pénal ne définit pas en tant que telle l’infraction politique, la doctrine en
retient une conception objective (ORTOLAN au siècle dernier). Ainsi, une infraction est de
nature politique quand elle a pour objet de porter atteinte à l’organisation et au
fonctionnement de l’Etat.
Le droit français réserve un sort particulier aux infractions politiques :
- En droit pénal du fond, les incriminations sont plus sévères (non dénonciation de crime)
mais les amnisties sont plus nombreuses. La véritable différence provient des modes de
sanctions. Pour les infractions politiques de nature criminelle, l’échelle des peines est presque
la même que celle des crimes de droit commun mais on ne parle pas de réclusion criminelle :
il s’agit de la détention criminelle (perpétuité ; 30 ; 20 ; 15 ans). L’exécution des mesures
d’emprisonnement est d’ailleurs assouplie (locaux séparés…) et certaines particularités
intéressent le régime des sanctions (pas de sursis ; pas de peines complémentaires… pas le délinquant qui
affiche son CV sur son casier judiciaire…).
- En droit pénal de la forme, la question s’est longtemps posée de savoir si l’infraction
politique devait être jugée par une juridiction de droit commun ou une juridiction politique.
La tendance actuelle du droit français à éradiquer les juridictions d’exceptions penche pour la
compétence des juridictions de droit commun.
- En DPI, la France respecte ses engagements internationaux (Convention de 1927 sur l’extradition
abrogée mais reprise dans Perben II…) qui prohibent l’extradition des délinquants politiques (France
leur accorde le droit d’asile ou alors ne les extrade que ssi sûre qu’il ne sera ni jugé ni condamné dans son pays
d’origine…).
Attention : ne pas y assimiler le terrorisme (V. + loin)

►Les infractions militaires : ! Origine historique


L’infraction militaire présente la particularité suivante :
Au niveau processuel, il faut savoir que la poursuite de l’infraction militaire peut se
faire en vertu du droit disciplinaire (manquement à la discipline des armées) et selon le droit
répressif (lorsqu’elle est constitutive d’une infraction pénale) au mépris du principe non bis in
idem.
Au niveau substantiel, il faut distinguer 2 types d’infractions militaires.
- Les 1ères = Les infractions militaires commises, en temps de paix et sur le territoire de la
République, par des militaires dans l’exécution du service. Elles sont justiciables des
juridictions de droit commun spécialisées en matière militaire (pour les crimes et délits).
Les contraventions sont exclues de ce domaine et relèvent du droit commun (Tribunal de
police ordinaire). Donc application du CPP (réforme du 21 juillet 1982) (Scandale de la DCAN de
Toulon jugé devant le Tribunal correctionnel de Marseille spécialisé en matière militaire… et pour les infractions
de droit commun = Tribunal correctionnel de Toulon).
- Les 2ndes = Les infractions perpétrées en temps de guerre (contrairement aux infractions
réalisées en dehors du territoire de la République sont rattachées à la catégorie précédente
depuis la loi du 13 décembre 2011 sur la répartition des contentieux) appartiennent toujours à
des juridictions d’exception. Donc application d’un droit dérogatoire celui du CJM (TAA de
Paris) (réformé par une loi du 5 mars 2007 issu d’une ordonnance du 1er juin 2006) (Mort suspecte d’un
homme en Côte d’Ivoire arrêté et molesté par l’armée française qui voulait le faire parler… 1ère fois que MAM
relève un Général en exercice de ses fonctions…).
Remarque : L’application des règles de droit commun va subir quelques modifications.
Aux incriminations de droit commun se juxtaposent des infractions militaires qui ne peuvent
être commises que par des militaires (désertion, insoumission, abandon de poste, refus d’obéissance…),
aux peines de droit commun se rajoutent des peines spécifiques (destitution, perte de grade…).
!38

►Les infractions d’affaires : ! Origine criminologique


L’infraction d’affaire se démarque de l’infraction de droit commun par son origine
criminologique. Elle se situe dans la lignée du criminel en col blanc et se remarque par sa
grande technicité. C’est pourquoi elles relèvent la plupart du temps d’un Tribunal
correctionnel spécialisé en matière économique et financière. Elle nécessite donc des
incriminations spécifiques. Aujourd’hui, elles intéressent toutes les branches du droit des
affaires.
→Certaines se caractérisent par leur autonomie au sein du droit pénal. C’est le cas
des :
- Infractions fiscales, issues du CGI, concernent les violations de la réglementation relative
aux impôts directs ou indirects, la taxe sur le chiffre d’affaire et divers recouvrements. Elles
font l’objet d’une double répression : l’une fiscale (amende, majoration, pénalités…), l’autre pénale
(prison, amende…). Une procédure spécifique confère des prérogatives particulières aux agents
du Fisc (valeur des PV, dénonciation sur plainte…).
- Infractions douanières relèvent du Code des douanes. Elles existent sous forme de
contraventions ou de délits (pas de crime) et font l’objet de sanctions propres distinctes de
l’échelle des peines de droit commun (peu d’emprisonnement mais de fortes amendes…). Certains
concepts de droit pénal sont appliqués différemment : la preuve de la participation à l’infraction est remplacée
parfois par une simple présomption (transports…), le rôle du complice est assoupli (le fait d’avoir un intérêt à la
fraude suffit…).
→Certaines se caractérisent par leur autonomie en dehors du droit pénal comme :
- Les infractions économiques connaissent un traitement particulier depuis les années 1980
(ordonnance du 1er décembre 1986 relative à la liberté des prix et de la concurrence). Nos
autorités ont fait le choix de dépénaliser cette branche du droit et de confier le jugement des
pratiques anticoncurrentielles à une AAI spécialement instaurée à cet effet : le Conseil de la
concurrence devenu l’Autorité de la concurrence (LME du 3 août 2008) (qui inflige des
sanctions administratives). Dans ce cadre, il faut saluer les pouvoirs octroyés aux agents de la
DGCCRF voire localement de la DIRRECTE.
→D’autres enfin sont au carrefour de plusieurs disciplines. A ce titre, elles peuvent
être poursuivies de 2 manières. En priorité devant une AAI spécialement compétente pour le
secteur concerné (CB devenue Aut. de con^ prudentielle ou COB devenue AMF) mais aussi devant une
juridiction pénale. Un même fait constitue alors un manquement au règlement de la profession
et une infraction pénale (comme les militaires) (pour la culture : CC QPC juillet 2015 sur la
compatibilité du cumul des poursuites et sanctions disciplinaires & pénales / principe ne bis in idem….)

B) Les distinctions contemporaines

A l’heure actuelle, certaines formes de délinquance sont plus inquiétantes que d’autres.
C’est le cas des infractions dont les auteurs s’organisent en réseaux et dont les actions sont
tellement nombreuses qu’elles risquent de désorganiser l’appareil économique et social.
A l’origine, il s’agissait du trafic de stupéfiants, du trafic d’armes, et du proxénétisme
auxquels il convient de rajouter le terrorisme et la criminalité organisée. Ces infractions de
nature distincte par rapport aux infractions de droit commun sont appréhendées de manière
spécifique en DPS comme en procédure pénale :
►En DPS :
!39

- Le terrorisme, par exemple, n’est pas une atteinte aux personnes ou aux biens comme les
autres. Il est considéré comme une atteinte à la sûreté de l’Etat. D’ailleurs, il n’existe pas 1
terrorisme mais des terrorismes cad des actes liés à une activité terroriste. Dans le contexte
actuel, les textes ne cessent de se multiplier (auparavant terrorisme national avec la vague d’attentats
qui frappa la France dans les années 1985-1986 et 1995-1996 mais depuis terrorisme international avec les
attentats du 11 septembre 2001 World Trade center ; Madrid ; Londres en juillet 2005… sans oublier les attentats
de Paris en 2015. Pour la culture, une loi anti-terroriste est votée tous les 2 ans environ pour adapter notre arsenal
juridique à ce fléau mais a cadence s’est accélérée depuis 2015…).
- La criminalité organisée doit aussi être abordée distinctement. Depuis la loi Perben II du 9
mars 2004 (réformée par la loi Urvoas du 3 juin 2016) les domaines relavant de la criminalité
organisée sont limitativement énumérés. Il s’agit d’infractions contre les personnes ou les
biens qui sont pensées, préparées et réalisées dans le cadre d’une bande structurée et crée à cet
effet.
►En Procédure pénale :
C’est dans ce domaine que la nature particulière de ces infractions est la plus prégnante car
tous les acteurs du système pénal disposent de pouvoirs exorbitants pour déjouer de tels
réseaux et ceux à quelque stade de la procédure.

§2 : La classification fondée sur le mode de réalisation de l’infraction pénale

Le mode de réalisation de l’infraction est aussi un critère de distinction. Il sera étudié


plus tard dans le cadre de l’élément matériel de l’infraction.

Critère temporel :
- L’infraction instantanée est un acte matériel qui se réalise pendant une durée négligeable (viol, meurtre…).
- Elle se distingue de l’infraction continue dont l’exécution se prolonge dans le temps (recel, séquestration…).

Critère matériel :
La 1ère forme revient à distinguer l’infraction par action de l’infraction par omission.
- L’infraction par action est un acte positif ou actif qui suppose une initiative de la part de l’auteur (meurtre ;
viol...) afin d’aboutir à un résultat donné (décès ou traumatisme de la victime…).
- L’infraction par omission suppose un acte négatif voire passif, une abstention coupable en quelque sorte (non
assistance à personne en danger ; défaut de dénonciation de crime...).
La 2nde forme consiste à opposer l’infraction simple à l’infraction complexe.
- On parle d’infraction simple quand un seul acte est constitutif de l’infraction (vol ; meurtre…) ;
- mais il s’agit d’une infraction complexe quand plusieurs actes composent le déroulement de l’infraction
(escroquerie…).

Critère moral :
- Par hypothèse, l’infraction pénale est une infraction intentionnelle.
- Mais, l’évolution récente de la législation pénale conduit à prendre en compte l’infraction pénale commise en
dépit de toute intention délictueuse lorsque l’auteur a par exemple voulu commettre un acte sans atteindre les
conséquences de cet acte. On parle alors d’infraction non intentionnelle (décideurs publics ; faute
d’imprudence...).

Circonstances dans lesquelles l’infraction est découverte :


- On distingue ainsi l’infraction flagrante qui vient de se commettre (on aperçoit des silhouettes qui quittent une
villa en courant en pleine nuit : vol)
- de l’infraction non flagrante qui est déjà terminée quand on l’apprend ou quand on la constate (les
propriétaires appellent la police car leur maison a été visitée pendant leur absence). Cette distinction est d’autant
plus importante qu’elle confère des pouvoirs plus étendus à la police en cas de flagrant de délit (par opposition à
l’enquête préliminaire).
!40

Dommage occasionné par l’infraction :


- L’infraction matérielle est un type d’infraction pour laquelle le résultat constitue à lui seul l’infraction. A partir
du moment où le résultat voulu est atteint et où le dommage est enduré par la victime, l’infraction est
consommée (meurtre où le résultat est le décès de la victime…).
- L’infraction formelle quant à elle existe indépendamment du dommage. Peu importe que le résultat voulu ait
été atteint ou non, ce qui compte c’est que le comportement délictueux conduisant au dommage se soit réalisé
(coups et blessures ayant entraînés la mort sans intention de la donner ; empoisonnement ; mise en péril de
mineurs…).

CHAPITRE II :
LES ELEMENTS CONSTITUTIFS DE L’INFRACTION PENALE

Pour analyser dans le détail la notion d’infraction pénale, il est indispensable de


présenter successivement les différents éléments constitutifs de celle-ci. Dans un souci de
clarté, les éléments constitutifs de l’infraction seront abordés chronologiquement. En vertu du
principe de la légalité des délits et des peines, un texte (législatif / réglementaire) doit
incriminer préalablement le comportement infractionnel troublant la paix sociale, c’est
l’élément légal de l’infraction (Section I). Le passage à l’acte doit ensuite concrétiser
matériellement la commission de l’infraction, c’est l’élément matériel de l’infraction (Section
II). Enfin, l’auteur de l’acte doit être conscient du caractère délictueux de l’acte perpétré,
c’est l’élément moral de l’infraction (Section III).

SECTION I : L’ELEMENT LEGAL DE L’INFRACTION

En tant qu’élément constitutif de l’infraction pénale, l’élément légal repose sur un


principe fondamental : nulle infraction ne peut être poursuivie, nulle peine ne peut être subie
en dehors de toute disposition légale préalablement érigée à cet effet. On le présente
généralement sous les traits de l’adage « nullum crimen, nulla poena sine lege » (inventé par
l’allemand FEUERBACH…) qui correspond en fait au principe de la légalité des délits et des
peines énoncé par BECCARIA dès la Révolution française. En ce sens, il paraît intéressant de
préciser comment ce principe s’est affirmé au fil des âges (§1) avant d’en étudier la portée
(§2). Mais il faut avoir présent à l’esprit que le libellé de cet adage tel qu’il fut formulé à
compter du XVIII et XIX siècle ne correspond plus véritablement à la signification que l’on
peut lui donner aujourd’hui. En effet, il suppose que le texte préalable qui définit
l’incrimination et la sanction soit une loi. Or, les sources contemporaines du droit pénal sont
autrement plus diversifiées.

§1 : Le principe de la légalité des délits et des peines

Le principe de la légalité des délits et des peines permet d’affirmer que la principale
source de droit pénal est la loi (A). Pourtant, aujourd’hui, les dérogations apportées à ce
principe sont de plus en plus nombreuses (B).

A) La signification du principe de la légalité des délits et des peines :


La source légale

Reconnaissance de la règle :
!41

Le principe de la légalité des délits et des peines est relativement récent puisqu’il est
apparu au moment de la Révolution française à la suite des idées nouvelles soutenues par
BECCARIA notamment mais aussi par les Philosophes des lumières. Force est de constater,
qu’aujourd’hui, ce principe est unanimement reconnu et affirmé en droit interne comme en
droit international. Nous opterons pour une présentation chronologique :
►En droit interne, on retrouve ce principe de base dans les textes contemporains de
cette époque à savoir :
→ Art. 8 de la DDHC de 1789 : « Nul ne peut être puni qu’en vertu d’une loi établie et
promulguée antérieurement au délit et légalement appliquée » ;
→ Art. 4 du CP de 1810 devenu l’Article 111-3 du nouveau CP : « Nul ne peut être puni
pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas définis par la loi (...) ».
Rmq : Compte tenu de la place occupée par la DDHC dans l’ordonnancement
juridique, on en déduit aisément que le principe de la légalité des délits et des peines a valeur
constitutionnelle (le Conseil constitutionnel estime en effet que la DDHC appartient au bloc de
constitutionalité…).
►En droit international, ledit principe est repris dans :
→ la DUDH de 1948.
→ l’article 7 (1) de la CESDH de 1950.

• Explication de la règle : Les textes précités posent tous une seule et même règle : nul
ne peut être poursuivi & condamné qu’en vertu d’une règle de droit préexistante à son
acte. Ce principe est particulièrement protecteur des libertés individuelles puisqu’il
permet de prédéfinir les comportements illicites (contrairement au MA où l’on se retrouvait
enfermé sur simple lettre de cachet du Roi sans vraiment savoir pourquoi…). Ce principe est aussi
protecteur des intérêts de la société car il tend à jouer un effet préventif évident au
regard de la délinquance.
De plus, il contribue à la mise en place d’une justice équitable dont les règles sont
clairement définies et établies.

• Délimitation de la règle : On peut remarquer que ces textes font tous référence à la
LOI comme texte préalable définissant l’incrimination et la sanction pénale. C’est de là
que le principe de la LEGALITE (des délits et des peines) tire son nom. Il s’agit
d’une garantie fondamentale reconnue au justiciable. Le droit pénal est un domaine qui
comporte de nombreuses règles attentatoires aux libertés individuelles de la personne
poursuivie. En confiant au législateur le soin de prévoir quel comportement est
constitutif d’une infraction et quelle est la sanction correspondante, on permet à la
souveraineté populaire de prédéfinir les modalités de la réaction sociale. Dès lors, les
règles juridiques sont élaborées au nom du peuple français. C’est cohérent !
Cependant, aujourd’hui, la loi n’a plus le monopole de la définition ni des infractions
pénales ni des sanctions répressives (valable pour les contraventions dès 1958, se confirme avec la
jurisprudence du CC saisi sur QPC désormais…). D’autres textes viennent la concurrencer au point
que certains auteurs de Doctrine jugent bon de ne plus parler de principe de légalité mais
préfèrent se référer au principe de TEXTUALITE (Mme Michèle-Laure RASSAT…). Ceci va
nous amener à étudier les exceptions qui caractérisent l’élément légal de l’infraction.
!42

• Critique(s) de la règle : Même si le principe de la légalité des délits et des peines est
fermement ancré dans notre ordonnancement juridique, force est de constater qu’il ne
rencontre plus le même succès qu’il y a 2 siècles. Les craintes de voir ressurgir les
abus de la justice de l’Ancien régime se sont dissipées depuis longtemps. L’heure est à
la critique.
→Sur le plan criminologique, on reproche au principe de légalité une trop grande
rigidité. Il permet au législateur de cerner précisément les contours d’un acte antisocial mais
il ne lui donne pas la possibilité d’envisager toutes les manifestations de cet acte (comme le
happy slapping : quelle incrimination possible ? pas violences volontaires car le sujet n’assène pas les coups, il
se contente de filmer et de regarder… ou le phénomène du revenge porn : la victime est bien consentante au
moment où son image sexy voire sulfureuse est captée mais elle ne l’est pas forcément au moment de la
diffusion…). Il exige aussi que le législateur prévoie la sanction pénale correspondante. Or, sur
ce point, une nette évolution est perceptible puisque pour une infraction donnée, de multiples
possibilités (sanctionnatrices) s’offrent au juge pénal, personnalisation des peines obligent (la
pénologie est en pleine expansion… : aménagements de peines divers et variés comme le SME… causes de
réduction de peines multiples... idem pour les aménagements de fin de peine : fractionnement, liberté
conditionnelle…).
→Sur le plan technique, le principe de légalité ne permet plus vraiment aujourd’hui de
faire la différence entre le bien et le mal. Il conduit plutôt à une inflation législative et le
débat est de savoir quelle incrimination retenir aux vues des nombreux comportements
délictueux prédéterminés par le législateur ? (exp : pour le trafiquant de stupéfiants, ce n’est pas une
infraction globale, il cumule détention + transport + négociation + offre ou cession… autre exp : quel type de
violences volontaires retenir au vue de l’importance du dommage occasionné à la victime ?… ou par la
transmission du sida : empoisonnement par voie sanguine / administration de substance nuisible par voie
sexuelle...)

Ceci nous conduit à nous interroger sur les exceptions apportées au principe de la
légalité des délits et des peines.

B) Les exceptions au principe de la légalité des délits et des peines

En dépit du principe de légalité des délits et des peines qui suppose que seule une loi
puisse ériger des incriminations pénales et les sanctions correspondantes, d’autres textes
peuvent instaurer des infractions. On en déduit que la loi n’est pas la seule source juridique du
droit pénal ce qui nous amène à préciser quelles sont les sources internes (1) et les sources
externes du droit pénal (2).

1) Les sources internes du droit pénal

Parmi les sources internes du droit pénal, on distingue traditionnellement le règlement


qui édicte des incriminations de nature contraventionnelle (b) des ordonnances et autres actes
administratifs qui interviennent plus ponctuellement (cl). Pourtant, à l’heure actuelle, une
nouvelle source interne se profile sous l’impulsion de la jurisprudence du Conseil
constitutionnel rendue par voie de QPC. On ne peut plus ignorer l’impact de la source
constitutionnelle (a).

a) La source constitutionnelle
!43

La source constitutionnelle émane à la base des textes constitutionnels eux-mêmes


auxquels il convient de rajouter la jurisprudence prolixe du CC.

►La Constitution
La Constitution qui est au faîte de notre ordonnancement juridique renferme diverses
normes pénales (même si cela peut surprendre l’étudiant privatiste !).
Exp : dès son article 1er en assurant « l’égalité devant la loi de tous les citoyens, sans
distinction d’origine, de race ou de religion » → fondement de comportements incriminés
dans le CP au titre de la discrimination (infraction de droit commun : discrimination passive / active +
circ. agg./ discrimination raciale, religieuse depuis 2003… relayées par la discrimination sexuelle… question d’y
ajouter la discrimination sociale…).
Le préambule de la Constitution renferme plus de normes pénales que la Constitution
elle-même. Celui de la Constitution de 1958 présente pour particularité d’être assez bref car il
se réfère au préambule de 1946 ET à la DDHC de 1789. Ces 2 derniers textes regorgent de
règles intéressant la matière pénale.
Les exemples foisonnent : égalité devant la loi pénale, principe de légalité (Art. 7),
présomption d’innocence (Art. 9), non rétroactivité de la loi pénale (Art. 8)…

►La jurisprudence du CC
Le CC, véritable gardien de la Constitution, est en train de devenir semble-t-il une
« juridiction » à part entière. En effet, il peut être amené à se prononcer :
-soit par un contrôle de constitutionnalité a priori, avant promulgation de la loi pénale : il est
alors saisi par des représentants du PR ou PL (Président de la République, Premier Ministre
ou Président de chacune des Assemblées) voire par un groupe de 60 députés ou sénateurs
(Art. 61 de la Constitution) ;
VR = recours en inconstitutionnalité
-soit par un contrôle de constitutionnalité a posteriori, après promulgation de la loi pénale : il
est alors saisi par le justiciable lui-même dans le cadre d’un procès pénal.
VR = QPC (introduite par loi du 23 juillet 2008… filtres : juge du fond → C de C → CC…).

Au fil de sa jurisprudence, il s’efforce de concilier l’inconciliable à savoir la


prévention des atteintes à l’ordre public (protection de l’intérêt général), d’une part, et
l’exercice des libertés individuelles (protection des intérêts privés), d’autre part. La matière
pénale renfermant de nombreuses règles attentatoires aux libertés individuelles, le CC est
amené à se prononcer de plus en plus souvent dans ce domaine à tel point que l’on assiste
aujourd’hui à un phénomène de constitutionnalisation du droit pénal.
Exp : CC. 16 novembre 2011. QPC. Invalide la loi du 8 février 2010 sur l’inceste car définition imprécise des
personnes ayant autorité sur la victime (inceste pénal ≠ inceste civil…)
CC. 4 mai 2012. QPC. Définition imprécise du harcèlement sexuel qui contraint le législateur à légiférer de
nouveau sur ce point le 6 août 2012…

b) La source règlementaire

Elle ressort de l’article 111-3 in fine selon lequel : « Nul ne peut être puni (…) pour
une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le règlement ». La loi n’est donc
pas la seule source interne de droit pénal (interne). Voyons dans quelle mesure la source
règlementaire doit être prise en considération, cette règle s’étend affirmée différemment au fil
des époques.
!44

→Sous l’empire du CP de 1810, les contraventions étaient soumises au principe de la


légalité (des délits et des peines). Elles étaient donc prévues par un texte législatif au même
titre que les délits et les crimes.
→Or, en octobre 1958, la Constitution de la Vème République entre en vigueur et
consacre en ses articles 34 et 37 la délimitation des fonctions respectives du Parlement et du
Gouvernement. Elle distingue clairement le domaine législatif du domaine réglementaire étant
entendu qu’elle souhaite rééquilibrer les pouvoirs en donnant plus de prérogatives au pouvoir
exécutif. Les matières relevant de la loi font l’objet d’une liste limitative, le reste relève du
domaine réglementaire (le droit commun en quelque sorte…).
→Appliquée à la matière pénale, cette répartition des compétences aboutit au résultat
suivant : l’essentiel du droit pénal relève du domaine législatif (cad la détermination des
incriminations pénales quel que soit l’infraction, la procédure pénale car nombre de règles portent atteinte aux
libertés individuelles…).

1er PJ : Mais, en droit pénal général, un problème se pose. Comment doit-on


interpréter le principe de la légalité des délits et des peines ? Faut-il interpréter ce principe
textuellement ou non ?
-Au sens littéral du terme, il ne viserait que les « délits » ce qui laisse supposer que ce
principe est susceptible de s’appliquer aux infractions pénales les plus graves : les délits et, à
travers eux, les crimes.
-Plus globalement, cette expression pourrait désigner de manière générique l’ensemble des
infractions pénales TOUTES catégories confondues ce qui permettrait d’y inclure les
contraventions également.
Si la plupart des pénalistes se rallient à cette dernière solution par abus de langage, le
constituant de 1958 retient la 1ère possibilité ! Voilà comment les contraventions sont passées
dans le domaine règlementaire. C’est désormais le Gouvernement qui prévoit les différents
types de contraventions et les sanctions dont elles sont assorties (création du permis à point :
privation du droit au juge par le paiement d’une amende et le retrait de point…).

2nd PJ : De plus, en 1958, la répartition des compétences entre pouvoir législatif et


pouvoir réglementaire soulève de vives contestations car il s’accompagne également d’un
phénomène de la délégalisation en matière pénale. En effet, on assiste à la création d’une
nouvelle catégorie de contraventions : les contraventions de la 5ème classe (Il existe ainsi 5 classes
distinctes de contraventions allant de la 1ère à la 5ème classe par degré de gravité…) qui correspondent à
d’anciens « petits » délits correctionnels estimés de moindre gravité en raison de l’évolution
des préoccupations de la société (comme les coups et blessures volontaires…). Le fait que de tels
comportements délictueux échappent à la compétence du pouvoir législatif est
vigoureusement critiqué.

►Il l’est d’autant plus que, à cette époque, toutes les contraventions ne sont pas logées
à la même enseigne.
-En effet, à cette date, la réforme du Code pénal n’est pas encore d’actualité et de nombreuses
infractions de nature contraventionnelle emportent encore privation de liberté (Code de la
route…).
-Et, parallèlement, la plupart des contraventions sont sanctionnées par une mesure de nature
pécuniaire (amende) et non par une mesure privative de liberté (prison).
!45

D’où la saisine du CC qui se prononce dans une décision du 28 novembre 1973 (saisi
par le1erMinistre sur les dispositions législatives et règlementaires du Code rural…). Il fait un parallèle
malheureux avec le domaine législatif et réglementaire des infractions pénales et précise que
« (…) les contraventions et les peines applicables sont du domaine règlementaire lorsqu’elles
ne comportent pas de mesure privative de liberté ». Suite à cette décision du Conseil
constitutionnel, on assiste à une profusion de recours tendant à faire déclarer illégales les
mesures privatives de liberté prononcées en matière contraventionnelle car cela voudrait dire
qu’il existerait 2 types de contraventions :
-celles qui ne sont pas passibles d’emprisonnement et qui peuvent être déterminées par le PR ;
-celles qui emportent peine de prison et qui doivent être prévues par le PL !!!

►L’entrée en vigueur du nouveau Code pénal en 1994 met fin à cette polémique. Le
nouveau Code entérine la distinction entre le domaine législatif des crimes et délits et le
domaine réglementaire des contraventions. Mais, attention, il précise que si les contraventions
relèvent bien du domaine réglementaire, c’est toujours la loi qui prédéfinit dans quels
domaines le pouvoir réglementaire peut édicter de telles incriminations. De plus, l’échelle des
peines adoptée par le nouveau Code confirme que les contraventions ne sont plus passibles de
peines d’emprisonnement.
Mais le Code de 1994 semble avoir du mal à se détacher des polémiques passées. Il
utilise en effet 2 articles distincts pour énoncer :
→d’abord le principe de « légalité » au sens large appliqué à la détermination de
l’incrimination pénale (c’est l’article 111-2) ;
→puis appliqué à la détermination de la sanction pénale (c’est l’article 111-3 al 2) ;
… et il englobe le cas des éléments constitutifs maladroitement dans le 1er alinéa de 111-3 et
non pas avec 111-2…

Art. 111-2 :
« La loi détermine les crimes et délits et fixe les peines applicables à leurs
auteurs ».
« Le règlement détermine les contraventions et fixe, dans les limites et selon les
distinctions établies par la loi, les peines applicables aux contrevenants ».
Art. 111-3 :
« Nul ne peut être puni pour un crime ou un délit dont les éléments ne sont pas
définis par la loi, ou pour une contravention dont les éléments ne sont pas définis par le
règlement ».
« Nul ne peut être puni d’une peine qui n’est pas prévue par la loi si l’infraction est
un crime ou un délit, ou par le règlement, si l’infraction est une contravention ».

Conclusion : Les autres sources règlementaires

Les règlements édictant des contraventions ne sont pas les seuls textes dérogeant au
principe de la légalité des délits et des peines. Les ordonnances ou autres actes administratifs
portent également atteinte à la prééminence de la loi comme source du droit pénal.

→Les ordonnances
!46

Elles dérogent à la répartition des compétences prévue par les articles 34 et 37 de la


Constitution de 1958. Ce sont des actes pris par le Gouvernement dans des domaines
traditionnellement dévolus au législateur… Ce procédé consiste en fait à ce que le
Gouvernement demande au législateur l’autorisation de procéder par voie d’ordonnance afin
de produire des textes qui relèvent initialement de la compétence législative (actualité : processus
amorcé récemment de simplification du droit…). C’est un peu comme si le Parlement « déléguait » la
fonction de légiférer au Gouvernement. Sous la IIIème République, on qualifiait de telles
possibilités de délégation de décrets-lois (en fait cette stratégie permettait de passer outre les lenteurs du
mécanisme parlementaire de cette époque… on en a abusé… la Constitution de la IV République a donc interdit
le recours à cette pratique…). Ce procédé est à nouveau expressément consacré dans l’article 38
de la Constitution de 1958. En matière pénale, le plus bel exemple est celui de l’ordonnance
de 1945 relative à l’enfance délinquante.

→Les actes de l’Administration


Ils peuvent également édicter des incriminations pénales et prévoir les sanctions
correspondantes. Cela fait partie du pouvoir reconnu à certaines Administrations d’édicter des
règlements dont l’irrespect est pénalement sanctionné. Ces hypothèses concernent le plus
souvent l’Administration fiscale, les Douanes, la DGCCRF ou la DIRRECTE, les eaux et
forêts…mais aussi certains règlements municipaux ou préfectoraux…

2) Les sources externes du droit pénal

Les sources externes du droit pénal dérogent aussi au principe de légalité des délits et
des peines en raison de l’article 55 de la Constitution de 1958, les accords internationaux
prévalent sur toute disposition législative puisqu’ils ont une valeur infra-constitutionnelle
mais supra-législative (pyramide ===> Constitution > Loi > Règlement…). Ils viennent donc
s’intercaler entre la Constitution et la loi ===> Constitution > Traité > Loi (Faire un schéma… et
à l’occasion de l’examen de certains textes, le Conseil constitutionnel a même tendance à assimiler les traités
internationaux à la Constitution / place dans l’ordonnancement juridique… comme lors de l’examen de la loi du
1er août 2003 sur l’initiative économique…).

La place ainsi occupée par les traités et accords internationaux en droit français permet
de conclure que les sources internationales du droit pénal dérogent au principe de légalité.
Parmi elles, on distingue la source communautaire (droit de l’UE) (a) et la source européenne
(droit des droits de l’homme) (b).

a) La source communautaire

Le Droit de l’UE se compose de la manière suivante :


→d’abord, le droit communautaire conventionnel fondé sur les Traités constitutifs de l’UE
(Traité de Rome + Maastricht + Amsterdam + Nice en décembre 2000 + Lisbonne en
décembre 2007 entré en vigueur le 1er janvier 2009) ;
→puis, le droit communautaire dérivé découlant de la jurisprudence du TPI et de la CJCE
devenue la CJUE en 2009.

Si ces éléments ont une influence croissante sur l’évolution du droit français en
général notamment en raison de leur caractère self-executing qui les rend obligatoires.
!47

Rappelons qu’en vertu de l’article 55 de la Constitution, le droit de l’UE bénéficie d’une


supériorité juridique. Toute loi antérieure contraire à une norme communautaire est par
définition inapplicable. Toute loi postérieure doit lui être conforme. Cependant, en matière
pénale, il convient de prendre quelques précautions.
En effet, dans ce domaine, c’est l’Etat et l’Etat seul qui détient le MONOPOLE du
droit de poursuivre et du droit de punir. Conformément au principe de légalité, seul un texte
national peut ériger un comportement antisocial en infraction et prévoir la sanction
correspondante à cet effet. Ce qui suppose que, en dépit des prescriptions du droit de l’UE :
→Pour la définition des incriminations : Pour adapter la législation interne au droit de l’UE,
c’est à l’Etat que revient le droit de définir des incriminations (Droit avant sa dépénalisation / abus
de position dominante, entente ; refus de vente… ou réglementation du transport routier / temps de repos… mais
surtout terrorisme et criminalité organisée… exploitation sexuelle des femmes et des enfants… contrefaçon…).
Suivant l’état de la législation interne, le législateur va adopter spécialement un texte à cet
effet ou se contenter de prendre un texte se référant à la norme communautaire appliquée
(Perben II sur la coopération internationale entre Etats membres de l’UE : extradition simplifiée, le MAE…).
→Pour la définition des sanctions De même, les Etats membres sont seuls compétents pour
sanctionner tout manquement à la norme communautaire. Ils doivent donc prévoir des
sanctions suffisamment dissuasives tout en respectant le principe de proportionnalité (pas de
peine d’emprisonnement pour violation de la liberté de circulation des personnes si défaut carte de séjour…).
Impact : De manière indirecte, le droit de l’UE est une source externe de droit pénal
mais de manière indirecte seulement.
En fait, jusqu’à présent, l’influence du droit de l’UE était limitée voire timide. Or,
depuis peu, certains domaines sont frappés de plein fouet par ces directives européennes qui
obligent les Etats membres à les transposer dans un certain délai. C’est le cas de la procédure
pénale et des textes adoptés en conséquence.
Exp : loi du 5 août 2013 / droit à un interprète ;
Exp : loi du 27 mai 2014 sur le droit à l’information en matière pénale qui contraint le législateur français à
revenir sur les droit déjà concédés au gardé à vue suite à la grande réforme du 14 avril 2011…

Perspective et conclusion : Vers un espace pénal européen ?


A l’heure actuelle, l’UE ne se conçoit plus exclusivement comme un espace juridique
où les règles civiles et commerciales doivent se correspondre. Compte tenu de la montée de la
délinquance transfrontalière et du terrorisme, un espace pénal européen est envisagé. Pour
l’heure, il se conçoit surtout au niveau de la coopération policière et judiciaire (quelques
avancées avec Perben II et la création de l’unité Eurojust, d’Europol… pour faciliter la coopération et les
échanges de données…mesures d’entraide, le MAE, l’extradition simplifiée… Parquet européen…).

b) La source européenne

On retrouve la même symétrie dans le droit européen des droits de l’homme à savoir :
→d’abord, le droit européen des droits de l’homme (conventionnel) résultant de la CESDH
de 1950 ;
→puis l’abondante jurisprudence de la CEDH (droit européen dérivé) qui joue un rôle bien
plus important en droit pénal interne que le droit communautaire.

La Convention et la jurisprudence de la Cour sont en effet directement applicables en


droit interne ce qui emporte deux conséquences :
- Le juge national doit statuer en respectant le droit européen et en s’y référant (timidité au début,
plus fréquent aujourd’hui…) ;
!48

- Le justiciable peut se prévaloir du droit européen devant le juge interne ce qui peut
occasionner des difficultés juridiques quand il existe des discordances entre les deux systèmes
juridiques (les cas de privation de liberté ne sont pas les mêmes… ; la Convention consacre le droit à la vie et
la France dépénalise l’IVG…; ou encore la reconnaissance du droit de se taire par la CEDH au nom du droit de
ne pas s’auto-incriminer, introduit en droit français par la loi Guigou du 15 juin 2000, supprimé par la loi sur la
Sécurité intérieure du 18 mars 2003 puis réintroduit par la loi du 14 avril 2011 sur la réforme de la garde à
vue…).
De ce qui précède, on en déduit l’influence grandissante et persistante du droit
européen des droits de l’homme sur le droit pénal français. On distingue à cet effet
l’effectivité directe qui découle de l’application de la jurisprudence européenne à une espèce
donnée mais aussi l’effectivité indirecte qui débouche sur une réforme ultérieure de la
législation interne. Les exemples sont nombreux même s’ils sont le plus souvent empruntés à
la procédure pénale (réforme du régime des écoutes téléphoniques suite à une condamnation de la CEDH en
2000 ; le célèbre « casses-toi pauv’con » qui sonne le glas du délit d’offense au Chef de l’Etat…. Sans oublier
les multiples dénonciations de la durée raisonnable de la détention provisoire ou de l’état de nos prisons….).
Pourtant, la portée des arrêts rendus par la CEDH doit être nuancée. Les arrêts de la
CEDH sont déclaratoires et non pas exécutoires. Ils se bornent à constater une violation de la
Convention et préconise une modification pour l’avenir. Afin de renforcer l’effectivité des
décisions de la Cour de Strasbourg, depuis la loi du 15 juin 2000, un droit au réexamen de
l’affaire est consacré afin de permettre la réouverture de la procédure interne à la suite d’une
condamnation de la CEDH (selon un rapport du Sénat établi en 2016, depuis l’unification des procédures
de révision et de réexamen en 2014, on dénombre toujours aussi peu de requêtes formulées à savoir 1 en 2014 ; 3
en 2015 et 1 en 2016….).

Conclusion sur les sources externes ou internationales : D’une manière plus générale, on peut
légitimement inclure parmi les sources externes du droit pénal toutes les conventions
internationales signées par la France… on est alors dans le domaine du droit pénal
international = DPI (convention de transfèrement des condamnés, d’extradition avec certains pays, sur la
lutte internationale contre le trafic de stupéfiants…).

§2 : La portée du principe de la légalité des délits et des peines

Le principe de la légalité des délits et des peines, aussi fondamental soit-il, ne se


résume pas à une simple affirmation. Il emporte des conséquences juridiques majeures dont il
convient maintenant de mesurer la portée en s’interrogeant, d’abord, sur les possibilités
éventuelles d’interprétation de la loi pénale (A), en mesurant, ensuite, les modalités
d’application de la loi pénale dans l’espace et dans le temps (B).

A) L’interprétation de la loi pénale

Toute la question est ici de savoir de quelle marge de manœuvre dispose le juge pénal
lorsqu’il applique la règle de droit pénal aux faits qui lui sont soumis. Quelles sont ses
prérogatives ? En réalité, à travers le problème juridique ainsi formulé, on envisage une autre
source potentielle de droit pénal : la jurisprudence !

Source textuelle → Source jurisprudentielle


!49

Cependant, compte tenu de la spécificité de la matière pénale et des enjeux qu’elle


renferme, peut-on reconnaître à la jurisprudence répressive une quelconque œuvre créatrice de
de droit ? En principe NON comme l’atteste la célèbre phrase de Portalis : « en matière
criminelle, il n’y a qu’un texte formulé et préexistant qui puisse fonder l’action du juge, il faut
des lois précises et point de jurisprudence ».

Conséquence : Par conséquent, en vertu de l’article 111-4 du CP : « La loi pénale est


d’interprétation STRICTE ». Cette règle signifie que le juge ne dispose, en principe,
d’aucune liberté afin d’adapter la loi pénale au cas qui lui est soumis. Il ne peut donc ni créer
une nouvelle incrimination ou sanction, ni élargir le champ d’application d’une incrimination
ou sanction existante. Cette modalité d’application du principe de la légalité des délits et des
peines se conçoit à un double niveau : d’une part, pour les incriminations pénales et, d’autre
part, pour les sanctions pénales. En effet, il faut la resituer dans le contexte d’adoption du
Code pénal en 1810. A cette époque, il était indispensable que le principe de la légalité des
délits et des peines prenne également en compte les sanctions afin de remédier aux abus et à
l’arbitraire de l’Ancien Régime.

Qui interprète alors ? C’est le législateur = Interprétation législative


La loi étant présumée parfaite, c’est au législateur que revient le soin d’interpréter la
règle qu’il consacre afin de s’assurer qu’elle puisse être effectivement appliquée par le juge
pénal le moment venu. Cette interprétation d’essence législative peut se produire à 2
moments :
→soit lors du vote du texte, elle figure alors dans le corps même de la loi ;
(Exp : législateur lui-même définit les contours de certaines circonstances aggravantes comme la BO dans la loi
perben II du 9 mars 2004…)
→soit après la promulgation du texte, le législateur intervient de nouveau en adoptant une
nouvelle loi à moins qu’il ne prévoie le recours au décret d’application pour préciser le texte
initial. (Exp : souvent le cas en droit pénal de l’environnement… loi pénale interprétative ou alors décret
d’application…)

Difficultés : Malgré de ponctuelles modifications, le droit pénal est une matière en


effervescence qui ne cesse d’évoluer. Par exception au principe qui précède, il revient au
magistrat d’adapter la règle pénale aux évolutions de la société ou aux impératifs nouveaux de
la politique criminelle (problème de qualification juridique pour l’homicide involontaire d’une femme
enceinte qui ne saurait être qualifié de double homicide car l’enfant n’est pas encore né vivant et viable saus
Cass. Crim 2003 car il a vécu 1h… ou encore le cas du vol d’électricité en son temps car bien immatériel…)
(exp : happy slapping…).

►PRINCIPE : Interprétation stricte de la loi pénale (ssi claire et précise).


En présence d’un texte pénal à la fois clair et précis, le juge pénal ne devrait pas avoir
besoin d’interpréter. Ce n’est pas tout à fait exact. Il peut interpréter mais il doit interpréter
strictement conformément au principe énoncé ci-dessus (exigence affirmée avec force dans la
jurisprudence de la Cour de cassation (Cass. Crim. 1er février 1990), du Conseil constitutionnel (décision des
19-20 janvier 1981) et de la CEDH (Kokinakis contre Grèce. 25 mai 1993)). Voici quelques exemples
d’interprétation que le juge répressif peut être amené à effectuer même en présence d’un texte
clair et précis :
→si problème de définition : la loi est par essence générale, elle a vocation à s’appliquer à
une pluralité de cas particuliers d’où des problèmes de définition parfois en raison des termes
!50

employés qui sont volontairement vagues à moins qu’ils soient inexistantes et ce pour
englober le plus de situations possibles (cas des contrats permettant la réalisation d’un abus de confiance
sous l’ancien Code pénal… idem pour les agissements constitutifs d’agressions sexuelles distinctes parfois du
viol… ou de violences volontaires… pas de liste limitative…) ;
→si problème de distinction : plus le droit pénal évolue et plus le législateur distingue des
comportements qui sont en fait très voisins les uns des autres, ce sera au juge de trancher et de
dire dans quelle catégorie rentre l’affaire étudiée (cas des atteintes sexuelles sur mineur et le problème
de + ou – de 15 ans / consentement…)(exp : contravention d’usage d’un téléphone en main quelle que soit la
fonction activée / posture ne permettant pas d’assurer la libre manouvre du véhicule…) ;
→si problème d’adaptation : on atteint ici la limite du respect du principe de textualité mais
dans une certaine mesure, il arrive que le juge applique une règle à une situation non prévue
(vol d’électricité… happy slapping… revenge porn… sans oublier l’impact inattendu en France de l’affaire
Weinstein et les débats relancés sur « minorité & sexualité » avec un nouveau texte à la clé = la loi Schiappa du 3
août 2018).

►EXCEPTION : Pouvoir d’appréciation (ssi obscure).


En présence d’un texte pénal imprécis voire obscur, le pouvoir d’appréciation reconnu
au juge pénal prend tout son sens. Mais la question qui se pose alors est de savoir quelle
méthode d’interprétation choisir (parallèle avec le droit civil où le juge doit statuer coûte que coûte sous
peine de déni de justice… en matière pénale son jugement ne doit pas préjudicier au délinquant, il doit tout faire
pour interpréter et, en cas de doute, il doit relaxer ou acquitter…). On en distingue plusieurs :
→ La méthode littérale qui s’attache précisément à la lettre de la loi n’est pas retenue car elle
part du présupposé que la loi est parfaite voire immuable (Méthode soutenue par Montesquieu et
Beccaria en leur temps en réaction aux abus de Ancien régime, il faut coller au texte même si celui-ci ne
reproduit pas fidèlement la pensée du législateur…). Juge = Bouche vivante de la loi !
→ La méthode analogique est également exclue, elle tend à résoudre une situation non prévue
par la loi en se référant à une situation similaire. Elle est pratiquée en droit civil et dans
l’ensemble du droit privé (c’est pourquoi dans ces matières la jurisprudence peut être considérée comme
une véritable source de droit…). Or, en DPG, les libertés individuelles du prévenu sont beaucoup
trop exposées. C’est la raison pour laquelle, les juges doivent se borner à une interprétation
restrictive (Attention : raisonnement analogique admis en procédure pénale ssi ne nuit pas aux
intérêts du prévenu).
→ La méthode téléologique retient davantage l’attention en ce qu’elle ne s’attache pas à la
lettre de la loi mais à la volonté du législateur. Le juge résout alors le cas qui lui est soumis
en se plaçant dans le même objectif. Il est en quelque sorte soumis à une obligation dé résultat
et pour ce faire, il doit se référer aux travaux préparatoires, au contexte politico-sociologique
de l’époque…
Le pouvoir d’appréciation ainsi conféré au magistrat aspire surtout à servir les intérêts
du délinquant. Il faut donc distinguer si la loi concernée est favorable ou défavorable au
prévenu.
→ Ainsi, les lois défavorables aux intérêts du délinquant doivent faire l’objet d’une
interprétation stricte et rigoureuse. La plupart des lois pénales déterminant une incrimination
ou une sanction entre dans la catégorie des lois défavorables. Le juge ne peut en aucun cas
raisonner de manière extensive (problème jurisprudentiel au XIX avec la filouterie : ce n’est pas un vol
(car pas de soustraction frauduleuse), ce n’est pas une escroquerie (car pas de manœuvres frauduleuses
préalables), ce n’est pas un abus de confiance car pas de remise en vue de restituer)… = celui qui consomme au
resto en sachant qu’il ne peut payer… donc le juge ne pouvait retenir une autre infraction similaire… il a fallu
légiférer… plus récemment : cas de l’homicide simple pour une femme enceinte qui décède avec son futur bébé
car pour décéder il fallait être vivant au moment des faits…) (autre exp : le harcèlement moral limité au relations
de travail puis aux relations de couple avant que le législateur ne consacre un délit général dans la loi du 8 août
2014…)
!51

→ En revanche, si la loi est favorable au délinquant, le magistrat peut donner une


interprétation extensive du texte dans la mesure où il ne porte pas préjudice aux droits du
prévenu. Ces lois favorables touchent la plupart du temps le droit pénal du fond en ce qu’elles
permettent au prévenu d’échapper à une sanction (cas de plusieurs faits justificatifs : comme la
légitime défense que la jurisprudence a étendu aux biens alors que prévue initialement que pour les atteintes
corporelles… sera repris plus tard par le législateur… ou comme l’état de nécessité qui fut appliqué par le juge
avant d’être repris dans le Code pénal de 1994…).

►Champ d’application de la règle : Loi → Règlement


En vertu de l’article 111-4 précité, si le principe de la légalité des délits et des peines
emporte pour première conséquence celle de l’interprétation stricte de la loi pénale, il faut
savoir que cette règle ne concerne pas que les lois. Elle englobe également les règlements.
En effet, l’article 111-5 du Code pénal prévoit que « Les juridictions pénales sont
compétentes pour interpréter les actes administratifs, réglementaires ou individuels (…)
lorsque, de cet examen, dépend la solution du procès qui leur est soumis ». Le juge pénal
dispose donc d’un pouvoir supplémentaire en ce qui concerne l’interprétation des actes
administratifs ou réglementaires à condition toutefois que cet acte soit indispensable à la
solution du litige (par exp : les retraits de points sur le permis de conduire de l’article L 111-4 du Code de la
route correspondent à une sanction administrative et non à une sanction pénale donc le juge pénal n’a pas à
apprécier légalité de ce retrait… cette dualité de mesures est sans incidence sur d’éventuelles poursuites pénales
engagées… même si la décision de culpabilité et la sanction pénale prononcées contre l’automobiliste emporte
retrait des points ce n’est pas le juge pénal qui en décide directement… pour info : la loi du 23 mars 2019 de
programmation 2018-2022 & de réforme pour la Justice revient sur ce dispositif pour le compartimenter
davantage…).

►Appréciation de notions « extra-pénales » :


Pour finir, à côté du pouvoir d’appréciation reconnu dans certaines limites au
magistrat au regard de certains textes législatifs et réglementaires, il faut distinguer le cas où
le juge est amené à se prononcer sur une notion qui déborde du domaine du droit pénal. Dans
ce cas, on reconnaît une certaine liberté au magistrat qui peut interpréter avec davantage de
souplesse ces notions dites extra-pénales. Si cette pratique facilite le travail du juge, elle peut
conduire à quelques divergences entre les différentes branches du droit (notion de domicile = lieu
du principal établissement en droit civil ; en droit pénal le domicile = tout lieu occupé de manière permanente ou
temporaire par l’occupant titulaire de droit ou un tiers… (garage…) ou encore la personnalité juridique ne
s’acquiert pas au même moment en droit civil et en droit pénal…) (pb du double homicide ou non de la femme
enceinte… ou encore inceste civil ≠ inceste pénal…).

►Appréciation de la conformité de l’acte interprété : Contrôle du juge pénal


Mais, lorsque le juge pénal exerce son pouvoir d’interprétation (de la loi ou de l’acte
administratif ou réglementaire), il peut être amené à s’interroger sur la conformité de la
disposition législative ou réglementaire invoquée. La question se pose alors de savoir si le
juge pénal est compétent pour apprécier la CONFORMITE du texte qu’il doit appliquer avec
la norme supérieure à laquelle il est soumis et ce dans le plus strict respect de la hiérarchie des
normes. En réalité, il convient de distinguer plusieurs situations :
→ Contrôle de constitutionnalité : OUI
S’il s’agit d’apprécier la conformité d’une loi à la Constitution : Jusqu’alors le juge pénal
n’était pas compétent car cette prérogative incombait au Conseil constitutionnel qui exerçait
en la matière un contrôle a priori cad avant la promulgation de la loi (V. cours de Droit
constitutionnel LI…). Or, depuis la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 l’exception
!52

d’inconstitutionnalité est introduite en droit français. De sorte que le juge pénal ou le citoyen
ordinaire pourra à l’avenir soulever l’inconstitutionnalité d’une disposition législative…
→ Contrôle de conventionalité : OUI
S’il s’agit d’apprécier la conformité d’une loi ou d’un règlement à une convention
internationale : le CC est bien sûr compétent. A ce titre, il estime que le contrôle de
conventionalité est un contrôle a posteriori qui revient aux juridictions nationales (sauf si cela
concerne l’ordre public international auquel cas il revient au Ministre des affaires étrangères d’interpréter…).
→ Contrôle de légalité : OUI
S’il s’agit d’apprécier cette fois la légalité d’un acte administratif : il est compétent comme le
prévoit le libellé de l’article 111-5 du CP : « Les juridictions pénales sont compétentes (…)
pour apprécier la légalité » des actes administratifs, réglementaires ou individuels qui leurs
sont soumis si nécessaire (exp : interprétation d’un arrêté municipal ou préfectoral érigeant un
comportement en infraction en matière contraventionnelle…).

B) L’application de la loi pénale

Pour mieux comprendre les modalités d’application de la loi pénale, il convient de


connaître l’application de la loi pénale dans l’espace (1) avant d’analyser l’application de la
loi pénale dans le temps (2).

1) L’application de la loi pénale dans l’espace

L’application de la loi pénale dans l’espace doit être envisagée distinctement selon que
l’infraction soit perpétrée sur le sol français (a) ou en dehors du territoire national (b).

a) Les infractions commises sur le territoire de la République

L’application de la loi pénale dans l’espace est fixée par l’article 113-2 du Code
Pénal : « La loi pénale française est applicable aux infractions commises SUR le territoire de
la République ». C’est ce que l’on appelle le principe de TERRITORIALITE. Il faut savoir
que ce principe ne faisait auparavant l’objet d’aucune consécration textuelle et qu’il est
formulé pour la première fois dans le Code pénal de 1994.
►Délimitation du territoire de la République : Art. 113-1 du Code pénal
-Espace terrestre : On entend par territoire de la République, essentiellement l’espace
terrestre composé de la métropole et des DOM-TOM…
-Espace maritime : Ainsi que les espaces maritimes (eaux territoriales jusqu’à 12
milles des côtes…)
-Espace aérien : l’espace aérien qui lui est lié cad situé au-dessus de l’espace terrestre
et maritime tel que décrit précédemment.
Rmq : Dans le cas particulier des infractions commises à bord d’un navire ou d’un
aéronef, le droit pénal français s’applique à condition que ces modes de transports soient de
nationalité française. Peu importe alors l’endroit où ils se trouvent. En revanche, pour les
navires ou aéronefs étrangers, la loi pénale n’est compétente que s’ils se situent sur le
territoire de la République.
!53

►Infraction COMMISE (al 1)/ REPUTEE commise (al 2) sur le territoire de la


République :
Après avoir délimité l’étendue du territoire de la République, il faut analyser dans
quelles circonstances l’infraction est commise sur ce territoire. Le déroulement des faits peut
être d’une telle complexité que la commission de l’infraction peut être remise en cause. C’est
la raison pour laquelle le législateur prend la précaution de préciser à l’alinéa 2 de l’article
113-2 : « L’infraction est réputée commise sur le territoire de la République dès lors que l’UN
de ses faits constitutifs a lieu sur ce territoire » (escroc met en œuvre des manœuvres frauduleuses en
Hollande, obtient la remise de la chose par victime en Suisse et va recéler en Italie… ou coups de feux tirés en
Allemagne et la victime de nationalité étrangère meurt en France… comme l’accident mortel de Lady Dy sous le
tunnel du Pont de l’Alma…). Il faut procéder en deux temps : d’abord, il faut localiser l’infraction,
ensuite, il faut définir la notion de « fait constitutif ».

→La localisation de l’infraction :


-Pour les infractions simples dont la réalisation se produit en France mais le résultat survient à
l’étranger ou inversement (victime blessée dans un pays, meurt dans un autre…).
-De même pour les infractions d’habitude qui supposent la répétition d’au moins deux actes (si
un seul commis en France et tous les autres à l’étranger…)
-Ainsi, les infractions complexes qui supposent plusieurs actes matériels seront réputées
commises en France même si certains de ces actes sont perpétrés à l’étranger (escroquerie…).
-Elle est facile à effectuer lorsque les actes de l’infraction forment un ensemble indivisible
(c’est le cas de la commission d’un attentat terroriste : les personnes qui aident à la préparation de l’attentat
depuis l’étranger sont censées commettre cette infraction en France…). En vérité, la jurisprudence se
montre très souple dans son application du principe de territorialité au point d’étendre la
compétence du juge français.

→La détermination des « faits constitutifs » de l’infraction est beaucoup plus


délicate. Cette difficulté provient du risque de confusion entre la notion d’élément constitutif
(l’un des 3 éléments légal, matériel ou moral de l’infraction) et quelques notions voisines.
-/ Actes préparatoires : Le succès d’un acte délictueux est souvent conditionné par les
précautions prises lors des actes préparatoires. Or, en droit pénal, les actes préparatoires ne
sont pas pris en compte dans la réalisation de l’infraction (on ne retient que le commencement
d’exécution). Par conséquent, les actes préparatoires effectués en France ne seront PAS
attributifs de compétence (Remarque : cette position pourrait changer car le juge s’est reconnu 1 fois
compétent pour des actes préparatoires à une escroquerie perpétrés sur le sol français (Cass. Crim. 11 avril 1988.
Bull. Crim. n°144)…). Seule la réalisation d’un acte concret illustrant l’élément matériel sur le sol
français compte.
-/ Conditions préalables : Dans certains cas, la réalisation de l’infraction requiert des
conditions préalables. Il s’agit de facteurs existant antérieurement à la survenance de
l’infraction (exp : 1er mariage pour qu’il y ait bigamie… une infraction condamnée pour qu’il y ait récidive…
infraction préalable au recel…). Sur ce point, la jurisprudence se montre hésitante. En effet :
-Longtemps, elle considère que le principe de territorialité ne peut jouer que ssi un des
éléments constitutifs de l’infraction est commis en France mais pas une des conditions
préalables (exp : 1er mariage contracté sur le sol français…) ;
-Ensuite, elle estime que ces deux notions forment un tout indissociable et que le principe de
territorialité prévaut (Cass. Crim. 15 janvier 1990. Bull. Crim. n°22) (vrai pour certaines infractions
commises dans UE pour le poursuivre en France en état de récidive d’après loi Récidive III de 2010…). Cette
!54

prise de position critiquable est source de conflits de compétences avec d’autres législations
étrangères…
-Aujourd’hui, elle revient en arrière car une condition préalable n’est nullement pénale, ce
n’est donc pas un élément constitutif de l’infraction (Paris. 30 mai 2002).

→A côté de cette hypothèse qui ne concerne que l’auteur principal de l’infraction, il


faut préciser le sort du complice.
-En matière de complicité, la règle est celle de l’emprunt de criminalité. Cela signifie
que le complice suit toujours le sort de l’auteur principal. Ainsi, si l’auteur principal agit en
France et le complice sévit à l’étranger, ils seront tous deux justiciables des juridictions
françaises. L’accessoire suit le principal en quelque sorte.
Ici auteur = action en France & complice = action à l’étranger
-A l’inverse, l’infraction principale perpétrée à l’étranger pour des actes de complicité
accomplis en France devraient déboucher sur la compétence de la juridiction étrangère. C’est
méconnaître l’article 113-5 du Code pénal qui prévoit quand même la compétence du
tribunal français à la double condition que l’infraction soit punie dans les deux pays et qu’elle
ait fait l’objet d’une décision de la justice étrangère (juridiction étrangère juge l’auteur principal et
juridiction française alors compétente pour juger le complice…).
Ici auteur = action à l’étranger & complice = action en France

b) Les infractions commises hors du territoire de la République

En vertu du principe de territorialité, la loi française s’applique aux infractions


commises sur son sol. A contrario, une infraction pénale perpétrée à l’étranger devrait
déboucher sur l’application de la loi étrangère. Ce n’est pas tout à fait exact. A titre
exceptionnel, la loi française sera quand même applicable dans certains cas. On parle alors
d’extraterritorialité de la loi française puisque celle-ci va s’appliquer en dehors de ses
frontières.

►1er cas : Quand l’infraction est commise à l’étranger par un ressortissant français
(Art. 113-6 et 113-8(s) du Code pénal) ou l’extraterritorialité ACTIVE
Cette règle protectrice à l’égard des nationaux peut surprendre mais compte tenu de la
réticence de la France à extrader ses nationaux, il est préférable que les infractions commises
par nos ressortissants à l’étranger ne demeurent pas impunies (contre-exemple : cas de ce français
jugé et condamné pour trafic de drogue dans un pays d’Amérique latine qui purge sa peine de prison dans des
conditions de survie... ou l’affaire Florence Cassez jugée pour enlèvement au Mexique…). C’est la raison
pour laquelle le législateur encadre cette dérogation dans des conditions rigoureuses.
Paradoxalement, le juge français ne sera compétent que pour les crimes et délits commis à
l’étranger. Les contraventions sont exclues du champ d’application de cet article.
Pour les crimes (2 conditions) : Pour les crimes commis à l’étranger, la loi française
n’est applicable que si cette infraction est punie par la loi française et si le prévenu n’a pas
encore fait l’objet d’un jugement à l’étranger (ou n’a pas encore purgé sa peine) (cette règle est
d’autant plus favorable pour le ressortissant qu’elle peut être invoquée alors même que le prévenu aurait acquis
la nationalité postérieurement aux faits… ou son siège social en France pour une personne morale…). C’est la
règle de la double incrimination. Mais les relations internationales sont ainsi faites que l’Etat
étranger considèrera que la compétence française comme subsidiaire (Procès de Bertrand
Cantat…).
!55

Pour les délits passibles d’emprisonnement (2 conditions + 1) : Pour les délits commis
à l’étranger, on estime que la répression de telles infractions doit être plus mesurée en raison
de leur moyenne gravité. Aux conditions précédentes, le Code pénal pose une condition
supplémentaire. Outre la réciprocité de l’incrimination (en France et dans le pays de consommation
de l’infraction même si qualification juridique ou éléments constitutifs diffèrent plus ou moins… d’ailleurs on ne
se préoccupe pas de la sévérité de la peine en théorie… faux en pratique : Affaire Bertrand Canta : il risquait
moins en Lituanie qu’en France car incrimination différente mais on a tout fait pour le récupérer…) le Code
pénal exige que la poursuite soit diligentée par une plainte préalable de la victime ou une
dénonciation officielle des autorités locales. Cela laisse supposer que seuls les délits les plus
graves feront l’objet de poursuites pénales.

►2èmr cas : Quand l’infraction est subie à l’étranger par une victime française (Art.
113-7 du Code pénal) ou l’extraterritorialité PASSIVE.
Si la France ne veut pas laisser tomber ses ressortissants même lorsqu’ils adoptent un
comportement délinquantiel, il va de soi qu’elle veuille aussi prendre en compte le préjudice
enduré par un français victime d’une infraction à l’étranger. Longtemps critiquée, cette règle
n’est introduite dans le Code pénal qu’en 1975 avec les premiers textes relatifs à
l’indemnisation du préjudice des victimes d’infractions pénales. La victime doit être de
nationalité française au jour de l’infraction laquelle ne concernait à l’origine que les crimes
mais s’étend désormais aux délits passibles d’emprisonnement (toute la difficulté c’est que cette
extension de compétence soulève parfois des problèmes de compatibilité avec certaines conventions
internationales en matière de mariages forcés ou d’enlèvements d’enfants en cas de mariages binationaux…).

►Hors cas : Infraction commise par un étranger à l’étranger.


Principe : En vertu du principe de territorialité, le juge français est en principe totalement incompétent
pour juger une infraction commise par un étranger dans un autre pays. Dans une telle situation, la France doit
respecter les Conventions internationales signées notamment en matière d’extradition. La loi Perben II réalise
un progrès notable en la matière puisqu’il existe désormais 2 régimes juridiques distincts pour l’extradition : l’un
dans le cadre de l’UE (Extradition simplifiée), l’autre en dehors de l’UE (Extradition de droit commun).
Exception : Or, Perben II prend aussi la précaution d’insérer un article 113-8-1 dans le Code pénal
relatif à la procédure d’extradition grâce auquel la France se reconnaît exceptionnellement le droit de refuser de
procéder à une extradition dans certains cas : lorsque l’étranger réclamé a commis un crime ou un délit à
l’étranger pour lequel il encourt plus de 5 ans de prison. La France peut alors justifier son refus par l’un des trois
motifs suivants : peine contraire à l’ordre public, procès équitable non garanti, infraction politique (Affaire
Cesare Batisti : intellectuel et écrivain ayant + ou – aidé un groupe activiste voire terroriste italien dans les
années 1970 et à l’origine d’un attentat ayant tué 3 personnes… il fuit en France… Italie demande en vain son
extradition depuis des années…).

2) L’application de la loi pénale dans le temps

En matière d’application de la loi pénale dans le temps, la question est de savoir quelle
est la loi applicable pour définir et sanctionner un comportement donné.

• 1er point : Le principe de légalité des délits et des peines commande que la loi
définissant l’incrimination et la sanction correspondante (ou le règlement pour les
contraventions) existe déjà au jour de la commission de l’infraction. Le texte pénal
nouveau s’applique donc sans problème aux infractions commises APRES son entrée
en vigueur. Ce principe apparaît clairement dans les 2 1ers alinéas de l’article 112-1
du Code pénal :
!56

Alinéa 1 : « Sont seuls punissables, les faits constitutifs d’une infraction à la date à
laquelle ils ont été commis. »
Alinéa 2« Peuvent seules être prononcées les peines légalement applicables à la même
date ».

Il s’agit du principe de NON RETROACTIVITE de la loi pénale.

• 2ème point : Mais qu’en est-il des infractions perpétrées AVANT et non encore
définitivement jugées lors de l’entrée en vigueur du nouveau texte pénal ? Le
problème ainsi posé de l’application de la loi pénale dans le temps est d’autant plus
important que l’entrée en vigueur d’un nouveau texte aura pour conséquence
l’adoucissement ou le renforcement de la répression. L’enjeu est donc de taille pour le
délinquant.

Corollaire du principe de la légalité des délits et des peines et revêtant à ce titre valeur
constitutionnelle, le principe de la non rétroactivité de la loi pénale dans le temps n’est pas
absolu. Il supporte en effet quelques dérogations (a) (b).

a) Les lois pénales de fond

Au regard des lois pénales de fond, 2 situations apportent une dérogation au principe
de NON rétroactivité de la loi pénale.

►Les lois nouvelles plus douces :


Au sein des lois pénales de fond (DPG ou DPS), il faut rechercher si la loi nouvelle
s’avère plus favorable ou, au contraire, plus défavorable aux droits du prévenu. Pour le savoir,
il suffit de comparer le texte à l’état de la législation antérieure.

• 1ère situation : loi pénale actuelle ! loi nouvelle plus SEVERE


Lorsqu’une loi pénale est remplacée par une loi plus stricte, cad plus sévère, le
principe applicable est celui de la NON rétroactivité de la loi pénale par faveur pour les droits
de la défense. La loi nouvelle ne s’applique que pour l’avenir cad aux faits perpétrés APRES
son entrée en vigueur. Quant aux faits commis avant, ou aux instances en cours éventuelles,
ils restent régis par le texte antérieur à la loi nouvelle car ce dernier comporte des dispositions
plus favorables à l’égard du délinquant (exp : loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le
système prostitutionnel qui incrimine l’achat d’ace sexuel pour les clients de prostituées…)

• 2ème situation : loi pénale actuelle ! loi nouvelle plus DOUCE


A l’inverse, lorsqu’une loi pénale est remplacée par une loi plus clémente, cad plus
douce, l’application du principe de non rétroactivité aboutirait à une certaine inégalité.
En effet, le délinquant qui perpétue son méfait avant l’entrée en vigueur de la loi
nouvelle serait puni plus sévèrement que celui qui réalise l’infraction après l’entrée en
vigueur du texte (cas du texte pénal qui supprime une incrimination comme le vagabondage ou la
mendicité… ou qui redéfinit plus restrictivement les contours d’une infraction… ou qui modifie les éléments
constitutifs de l’infraction pour la répertorier dans une catégorie moins grave comme la correctionnalisation de
l’avortement ou de la bigamie…) (exp : loi du 13 avril 2016 visant à renforcer la lutte contre le système
prostitutionnel qui dépénalise le racolage des prostituées…).
!57

Par exception, on admet que les lois pénales plus douces dérogent au principe de non
rétroactivité. Cette dérogation est importante car elle concerne les faits commis avant l’entrée
en vigueur de la loi nouvelle plus douce mais elle s’applique également aux faits en attente de
jugement à cette date y compris les faits jugés en première instance pour lesquels l’instance
de recours ne s’est pas encore prononcée.
Cette exception est prévue par le 3ème et dernier alinéa de l’article 112-1 du CP :

« Toutefois, les dispositions nouvelles s’appliquent aux infractions commises avant leur
entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose
jugée lorsqu’elles sont MOINS SEVERES que les dispositions anciennes ».

Remarque : Dans un seul et même texte pénal il y aura souvent à la fois des
dispositions plus sévères et des dispositions plus douces. Cela implique que les règles dudit
texte auront des modalités d’application dans le temps différentes. Certaines seront
d’application immédiate (les plus douces), d’autres seront subordonnées à la date d’entrée en
vigueur du texte (les plus sévères). Mais des difficultés sont possibles quand ces dispositions
sont indivisibles les unes des autres (pas de solution de principe : on porte une appréciation globale sur le
texte pour savoir s’il est plus doux ou plus sévère…)
(V : contre-exemples avec la loi du 25 février 2008 instaurant la rétention de sûreté (pas rétroactif) mais aussi
des mesures de sûreté notamment en cas de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mentale
(même la C de C s’y perd les estimant non rétroactives au début puis rétroactives ensuite car il s’agit de mesures
préventives et non de mesures répressives donc leur régime juridique diffère de celui applicable aux peines…)
(V. exp en matière de récidive et la succession des textes dans ce domaine…).

si la loi pénale nouvelle est plus sévère : NON rétroactivité


si la loi pénale nouvelle est plus douce : rétroactivité

►Les lois nouvelles interprétatives :


Dans le même ordre d’idée, le principe de la non rétroactivité de la loi pénale ne sera
pas appliqué pour les lois pénales interprétatives. On entend par lois pénales interprétatives,
des textes qui se contentent de préciser ou de compléter une loi antérieure. Elles ne modifient
en rien l’état actuel du droit positif puisqu’elles viennent parfaire un texte législatif déjà
appliqué. On admet alors que l’application des lois interprétatives rétroagisse au jour de
l’entrée en vigueur du texte ainsi complété. Elles s’appliquent donc à des faits antérieurs à
condition qu’ils soient envisagés par la loi présentement complétée.

b) Les lois pénales de forme

En matière d’application de la loi pénale dans le temps, le cas de lois pénales de forme
se distingue de celui des lois pénales de fond.
Rappel :
- Les lois pénales de fond concernent le droit pénal général. Elles définissent les éléments constitutifs d’une
infraction et les peines correspondantes ;
- Les lois pénales de forme intéressent davantage la procédure pénale et les règles relatives à l’organisation du
procès répressif.

Ces textes intervenant dans des domaines distincts, il est logique que leurs modalités
d’application soient différentes.
!58

→Le principe de la non rétroactivité des lois pénales, consacré à l’article 112-1 du
Code pénal, concerne exclusivement les lois pénales de fond.
→En ce qui concerne les lois pénales de forme, une autre règle gouverne leur
application dans le temps. Leur application déroge en effet au principe de non rétroactivité
sachant qu’elles sont d’application immédiate. On dit aussi qu’elles sont rétroactives. Elles
seront donc applicables aux procédures en cours AVANT la date de leur entrée en vigueur
comme le prévoient les articles 112-2 et 112-3 du même Code. Il s’agit pour l’essentiel des
règles relatives à : la compétence ou l’organisation judiciaire, les modalités de poursuites et
les formes de la procédure, l’exécution des peines, la prescription, les cas d’ouverture et les
délais des voies de recours….
Remarque et Attention : L’application immédiate de la loi pénale de forme suppose
bien sûr que ce texte ne soit pas plus sévère que le texte procédural précédent (Cf : Art. 112-4
prévoit que même si les actes accomplis sous l’empire de la loi procédurale ancienne reste valablement
effectués… la sanction pénale ne devra plus être effectuée si les faits ne sont plus constitutifs d’une
infraction…). Sur ce point, le législateur redouble de précaution quand il précise les conditions
d’entrée en vigueur d’un nouveau texte. Malgré tout, il n’est pas toujours suivi par la Cour de
cassation.
- Exp 1 : Contre-exemple : Loi Perben II apporte une exception notable. Pour les domaines relatifs à la
criminalité organisée, certaines dispositions de la loi Perben II du 9 mars 2004 s’appliquent aux infractions
commises AVANT son entrée en vigueur alors que les dispositions qu’elle renferme sont plus sévères
(concerne surtout la prescription des infractions de presse de 1 à 3 ans, des infractions relevant de la criminalité
organisée de 10 à 20 ans... si la prescription est déjà acquise, elle le reste… mais sinon elle est rallongée
d’autant…).
- Exp2 : Application de la loi de 2008 sur la prise en charge pour trouble mental, ce n’est pas une loi de forme
mais de fond. Les dispositions renfermées ne sont pas des mesures de sûreté mais des peines donc contrairement
au législateur qui prévoit une application immédiate, la Cour de cassation retient le contraire. (V. Cass. Crim. 21
janvier 2009) puis elle revient sur sa position (décembre 2009) (V. cours 2ème semestre).
-Exp 3 : Loi du 14 avril 2011 portant réforme de la garde à vue, date d’entrée ne vigueur le 1er juin 2011, or 2
dispositions vont être déclarées d’application immédiate / Jp du 15 avril 2011 avant de pouvoir rétroagir sur 6
mois selon une Jp du 31 mai 2011…

Loi pénal de fond : NON rétroactivité (que pour faits commis APRES)
sauf si loi pénale plus douce
Loi pénale de forme : Application immédiate (pour faits commis aussi AVANT)
Suppose que loi pénale de forme : plus douce

SECTION II : L’ELEMENT MATERIEL DE L’INFRACTION

Après avoir examiné comment l’incrimination pénale faisait l’objet d’une consécration
textuelle préalable au nom du principe de légalité, examinons maintenant en quoi consiste
l’élément matériel de l’infraction. L’élément matériel, c’est la réalisation de l’infraction ce qui
suppose une exécution concrète et effective de l’acte en question. Dans cette hypothèse, on se
trouve en présence d’une infraction pénale CONSOMMEE (§1). Mais, depuis 1810, le
Code pénal réprime également la survenance d’un fait infractionnel incomplet au prétexte
qu’il y a eu un commencement d’exécution. Ici, l’infraction pénale n’a pas été consommée
totalement, elle a seulement commencé à être exécutée. On est alors en présence d’une
infraction TENTEE. C’est l’hypothèse de la tentative (§2).

!59

§1 : L’infraction pénale consommée

L’infraction pénale est consommée lorsque tous les éléments constitutifs du


comportement délictueux prévus par la loi (ou le règlement) se sont réalisés. Sachant que
l’infraction pénale peut être consommée de multiples manières, il faut envisager les
différentes variations susceptibles de se présenter. Ceci nous conduit à prendre en
considération diverses variations de nature matérielle (A) ou d’ordre temporel (B).

A) Les variations matérielles

Lorsque l’on envisage la consommation de l’infraction pénale sous l’angle matériel, il


faut impérativement distinguer le mode de réalisation de l’infraction (1) des étapes de la
réalisation propres à celle-ci (2).

1) Le mode de réalisation

La prise en compte du mode de réalisation de l’infraction permet d’opposer, d’une


part, l’infraction d’action et l’infraction d’omission (a) et, d’autre part, l’infraction simple et
l’infraction complexe (b).

a) Infraction d’action et infraction d’omission

Si l’infraction pénale prend le plus souvent la forme d’un acte positif, elle peut dans
certains cas, s’illustrer au travers d’un comportement passif. On distingue alors 2 ou, plus
exactement, 3 cas de figures :

►L’infraction par action est un acte positif ou actif qui suppose une initiative de la
part son auteur. Il y a donc un mouvement physique de la part de l’agent (contre des personnes
comme le meurtre : acte de tuer ; le viol : pénétration sexuelle… ou contre des biens comme le vol : dérober la
chose ; l’escroquerie : manœuvres frauduleuses...). Ce mouvement va aboutir la plupart du temps à un
résultat donné (décès ; rapport sexuel non consenti ou encore soustraction de la chose…). Le législateur
va donc s’attacher à sanctionner le résultat obtenu à l’issue de cette action positive (article du
CP : fait de donner la mort…).

►L’infraction par omission, à l’inverse, est un acte négatif voire passif (non assistance à
Contrairement à l’hypothèse précédente, on ne
personne en danger, défaut de dénonciation de crime...).
reproche pas à l’auteur de l’infraction une initiative mais une passivité. On lui reproche une
abstention fautive. La reconnaissance de ce type d’infractions résulte d’une mutation de notre
politique criminelle.
-De 1810 à la 2nde guerre mondiale, elles étaient exclues en raison de la conception
individualiste du Code pénal (il existait pourtant ici et là de petites contraventions de non
ramonage des fours et cheminées, défaut d’éclairage de certains lieux donnant sur la voie
publique…).
-C’est à partir de la 2ème moitié du XXème siècle que les infractions par omission
apparaissent… sans doute au nom de l’impératif de solidarité qui prédomine et qui explique la
!60

multiplication des infractions par omission (loi de 1941 remplacée par l’ordonnance de 1945 qui créent
le délit de non-assistance à personne en péril…).
-Aujourd’hui elles prolifèrent et sont de plus en plus nombreuses (omission d’empêcher un
crime ou un délit… de porter secours, de s’arrêter après un accident… de payer une obligation alimentaire, de
non représentation d’enfant…).

Attention, ce qui est sanctionné dans le cas des infractions par omission, c’est le
manquement en lui-même. Il s’agit d’infractions « comportementales » en quelque sorte.
C’est pourquoi le législateur ne s’attache pas aux conséquences engendrées par une telle
abstention. C’est le comportement passif qui, en lui-même, constitue une infraction. Il est
pénalement répréhensible peu importe qu’il soit ou non générateur de dommage ! (tous les
manquements de l’employeur qui ne respecte les règles de sécurité dans l’entreprise seront sanctionnés même en
l’absence de résultat…).
►La commission par omission : elle est à mi-chemin entre les deux situations
précédentes.
C’est un cas plus délicat à comprendre qui se rapproche à la fois de l’infraction par
action (car il y a un résultat) et de l’infraction par omission (car une abstention est à l’origine
de l’infraction). Cette catégorie peut être source de confusion aujourd’hui mais elle s’explique
par le contexte juridique dans lequel elle est apparue.
Sous l’empire de l’ancien Code pénal, seules les infractions par action existaient. Il
parût alors nécessaire de réprimer certains comportements inadmissibles en vertu de la règle :
« Qui peut et n’empêche, pêche ». Un exemple célèbre illustre la commission par omission. Il
s’agit de l’affaire de la séquestrée de Poitiers jugée en 1901. Une malade mentale, Blanche
Monnier, avait été laissée sans soins et privée de nourriture par ses propres parents dans une
pièce privée d’air et de lumière au milieu des déchets, excréments et bêtes immondes (il y a un
résultat puisque la santé de la personne est gravement altérée et une abstention car la passivité de l’auteur de
l’infraction est à l’origine de la dégradation de son état de santé : il y a bien un lien de cause à effet). Mais, en
vertu du principe de l’interprétation stricte des lois pénales, les parents ne furent pas
condamnés pour coups et blessures volontaires faute de violences. La jurisprudence se
refusait en effet de suivre la doctrine en consacrant l’infraction de commission par omission.
Le législateur dû donc ponctuellement ériger des incriminations correspondantes
comme la privation volontaire d’aliments et de soins à un enfant de moins de 15 ans devenue
une cause de mise en péril du mineur pour les mêmes raisons depuis 1994.

Infraction par action : Acte positif / Résultat obtenu


Infraction par omission : Acte négatif / Comportement cad Abstention

b) Infraction simple et infraction complexe

L’élément matériel de l’infraction peut résulter d’un acte simple ou de plusieurs actes
complexes. On est alors en présence de 2 types d’infractions différentes.
► On parle d’infraction simple lorsqu’un seul acte est constitutif de l’infraction (vol / fait de
dérober la chose… le meurtre / fait de tuer la victime…).

► On parle d’infraction complexe ou d’infraction composite lorsque plusieurs actes sont


nécessaires à la réalisation de l’infraction (l’escroquerie est une infraction complexe par excellence car
elle suppose des manœuvres frauduleuses + montage juridique + abus d’une qualité vraie i=ou l’usage d’une
fausse qualité… par exemple).
!61

Si la catégorie des infractions simples ne pose pas de problème majeur, celle des
infractions complexes exige de procéder de manière nuancée. On peut en effet y déceler
plusieurs types d’infractions, des sous catégories en quelque sorte.
→L’infraction complexe proprement dite requiert quant à elle une pluralité d’actes
matériels de nature différente (cas des infractions par imprudence : le non respect de règles de sécurité
engendre des blessures involontaires ou pire des homicides involontaires…). La survenance de l’ensemble
de ces actes contribue à la réalisation de l’infraction (escroquerie : diverses manœuvres frauduleuses
et remise de la chose...).
→L’infraction d’habitude : elle suppose la répétition d’un même acte matériel ou la
répétition d’actes semblables. L’exercice isolé d’un seul acte n’est pas en soi constitutif de
l’infraction. Celle-ci ne se réalise qu’à compter du 2ème acte perpétré. Seule la réitération de
ces actes constitue l’infraction d’où le nom de délit d’habitude (exercice illégal de la médecine ou
d’une profession… menaces de destruction… agression sonore volontaire…). Cette catégorie d’infraction
est sujette à caution car elle ne tient compte ni de la personnalité de l’agent ni du temps écoulé
entre les deux actes générant l’habitude.

Remarque : L’intérêt d’opérer une distinction entre les infractions simples et les
infractions complexes ressort à plusieurs égards.
Lorsque l’on s’interroge sur le point de départ de la prescription (l’infraction perpétrée ne
peut être reprochée à son auteur que pendant : 1 an pour les contraventions; 6 ans pour les délits et 20 ans pour
les crimes) ou si l’on recherche le moment auquel l’infraction a été consommée, le critère
temporel sera différent selon l’infraction concernée :
- Infraction simple = à compter de la commission de l’infraction (jour de la commission du
vol…) ;
- Infraction complexe = à compter du dernier acte perpétré (quand on cesse d’exercer illégalement
la médecine…)(Affaire Emile Louis suspecté du meurtre de 8 handicapés mentales et physiques il y a 33 ans
alors qu’il effectuait le ramassage scolaire des jeunes femmes, il a avoué les meurtres et viols de ses victimes
dont l’auteur restait inconnu…)(pour les blessures ou homicides involontaires : Affaire Alstom : à compter du
jour où les dégâts sur la santé sont vraiment constatés…).
Par contre, pour savoir quelle est la juridiction compétente ou qu’elle est la loi
applicable, le critère qui distingue ces deux types d’infractions est différent :
- Infraction simple : on se réfère au lieu de survenance du seul acte matériel la constituant ;
- Infraction complexe : on peut invoquer le lieu où s’est effectué au moins un des éléments
matériels de l’infraction (V. cours de DPI…).

2) Les étapes de la réalisation

Dans toute infraction, on peut s’intéresser soit au comportement délictueux adopté par
le délinquant, soit au dommage résultant de l’infraction. Afin de bien comprendre les étapes
de la réalisation de l’infraction, il est nécessaire dans certains cas de distinguer l’infraction
formelle (a) de l’infraction matérielle (b) autrement dit de prendre en considération tantôt le
comportement criminel, tantôt le dommage résultant de l’infraction.

a) Infraction formelle

L’infraction formelle est une infraction qui est constituée indépendamment du


préjudice enduré par la victime.
!62

-Caractéristique essentielle : On s’attache essentiellement à réprimer le


comportement délictueux ainsi adopté par le délinquant… peu importe qu’il s’agisse d’un
comportement traduisant une action ou une omission (l’inobservation de règle(s) de sécurité dans une
entreprise… un comportement à risque sur la route… refus d’assistance à personne en péril… corruption de
fonctionnaire…). On peut également qualifier l’infraction formelle d’infraction
comportementale.
-Autre caractéristique importante : On ne cherche pas à savoir si le préjudice s’est
produit ou non. Ce type d’infraction se réalise INDEPENDAMMENT de tout résultat (que
la victime soit blessée ou non, qu’elle soit décédée ou toujours vivante…)(exemple classique :
l’empoisonnement et l’affaire du sang contaminé… car administration d’une substance mortifère dans le cas de
l’empoisonnement : Actualité : transmission du virus du sida par voie sanguine ! empoisonnement ? ! Cour
d’assises malgré les particularités de l’affaire du sang contaminé… mais transmission du virus du sida par voie
sexuelle ! administration de substances nuisibles ! Tribunal correctionnel !!!)(ou encore la corruption =
propositions de certains avantages à un décideur public pour qu’il fasse ou s’abstienne de faire quelque
chose…).

Commentaire : L’infraction formelle un bon outil de politique pénale et un bon


instrument de protection de l’ordre public. D’ailleurs on constate une multiplication des
infractions formelles afin d’incriminer divers comportements compromettant la sécurité des
personnes, des biens, de la Nation… (tous les règlements de sécurité dont l’irrespect est pénalement
sanctionner comme en droit du travail, droit des transports, lieux accessibles au public… rassembler des infos
susceptibles de nuire à la défense nationales…). Ces incriminations seront d’autant plus faciles à
poursuivre et à sanctionner pénalement qu’elles peuvent être objectivement constatées sans
qu’un préjudice soit nécessairement occasionné contrairement à l’infraction matérielle (autres
exp : harcèlement, menaces…).

b) Infraction matérielle

Contrairement à l’hypothèse précédente, l’infraction matérielle suppose la réalisation


effective d’un préjudice. Ici, le résultat est essentiel. Il constitue à lui seul l’élément
constitutif de l’infraction (pas de dommage, pas d’infraction…). On prend en compte le dommage et
uniquement le dommage. L’infraction n’est consommée que ssi le résultat est atteint (meurtre :
décès de la victime… violences légères ! violences aggravées : le quantum de la peine est gradué dans l’ordre
croissant en fonction de l’étendue du préjudice enduré par la victime…).

L’intérêt ainsi porté au résultat dans le cadre de l’infraction matérielle reflète l’esprit
du Code pénal de 1810 qui justifie ainsi la réaction sociale par l’atteinte portée à la paix
publique. La sanction pénale aspire donc à réprimer le trouble causé à la société.

B) Les variations temporelles

Parmi les variations temporelles, il paraît préférable de rechercher le moment de la


consommation de l’infraction (1) puis de mesurer la durée de la réalisation de celle-ci (2).

1) Le moment de la consommation de l’infraction

Dès qu’il est question de savoir à quel moment l’infraction est survenue, on fait
référence à l’infraction flagrante (a) par opposition à l’infraction non flagrante (b).
!63

a) Infraction flagrante

L’infraction flagrante est une infraction qui est en train de se commettre ou qui vient
juste de se commettre. On parle communément de flagrant délit (ados en train de voler un skooter…
ou en train de molester leur victime…). Sur les 3 situations correspondant à la notion de flagrant
délit, le nouveau Code pénal de 1994 n’en conserve plus que 2 pour réserver un sort
particulier à la dernière (revu en 1999).

►L’infraction flagrante proprement dite : C’est l’infraction « (…) qui se commet


actuellement ou qui vient juste de se commettre (…) ». Le législateur fixe donc un critère
temporel pour définir la notion de flagrance : ce qui compte c’est l’actualité ou la quasi-
actualité de l’infraction. Or, la jurisprudence est venue y ajouter un autre critère, un critère
matériel supplémentaire. On doit pouvoir identifier le flagrant délit en raison « d’un indice
apparent de comportement délictueux » (Cass. Crim. 30 mai 1980.). Cet indice apparent doit être
révélé à la PJ qui le constate (personne qui prend la fuite… forte odeur de cannabis lors d’un contrôle
routier…) mais on admet aussi que la PJ peut juste avoir connaissance de cet indice apparent
sans l’avoir constaté elle-même (plainte de la victime… déclaration d’un co-auteur ou complice…).

►L’infraction réputée flagrante : C’est lorsque « (…) dans un temps très voisin de
l’action, la personne est poursuivie par la clameur publique, ou est trouvée en possession
d’objets, ou présente des traces ou indices laissant penser qu’elle a participé au crime ou au
délit ». Force est de constater ici que le législateur vise à la fois le critère temporel (actualité
relative de l’infraction) et le critère matériel (constatation visuelle de son implication…).

b) Infraction non flagrante

A l’inverse, l’infraction non flagrante est une infraction qui a déjà eu lieu et qui est
déjà terminée quand on l’apprend ou quand on la constate (les propriétaires appellent la police car
leur maison a été visitée pendant leur absence…).

Remarque : L’intérêt d’opérer une telle distinction entre l’infraction flagrante et


l’infraction non flagrante se mesure exclusivement en procédure pénale.
Dès que l’on est en présence d’une infraction flagrante, la police judiciaire se voit
confier des pouvoirs exorbitants. On est alors dans le cadre d’une enquête de flagrant délit.
L’octroi de prérogatives importantes se conçoit aisément car le lien de causalité entre l’auteur
poursuivi et l’infraction est quasiment certain (/ durée de l’EFD : la loi Perben II du 9 mars 2004
précise qu’elle peut durer 8 jours mais peut être prolongée de 8 jours supplémentaires (ce qui fait 16 jours au
total) dans certains cas pour les crimes ou délits punis de plus de 5 ans de prison…. Et / mesures d’investigation :
perquisitions, saisies…).
Par opposition, dans le cas de l’infraction non flagrante, les pouvoirs de la police
judiciaire sont moindres. On parle alors d’enquête préliminaire. Elle ne débouchera sur
d’éventuelles poursuites que si la preuve des éléments constitutifs de l’infraction est rapportée
(plus de formalisme ou de conditions encadrent les pouvoirs de la PJ dans le cadre de l’EP…).

2) La durée de la consommation de l’infraction


!64

Si certaines infractions durent pendant un laps de temps relativement bref, d’autres en


revanche, s’étendent sur une période beaucoup plus longue. Cette appréciation dépend le plus
souvent du caractère instantané (a) ou continu de l’infraction (b).

a) Infraction instantanée

►L’infraction pénale est qualifiée d’infraction instantanée lorsque l’acte matériel se


réalise au cours d’une durée négligeable (viol, meurtre…). Peu importe le nombre d’actes
matériels requis pour la réalisation de l’infraction, ce qui compte c’est que la consommation
ne se prolonge PAS dans le temps (la remise de la chose pour l’escroquerie après de multiples
manœuvres frauduleuses, de nombreux actes préparatoires avant un vol…). On raisonne donc
exclusivement au regard du temps accompli pour la réalisation de l’infraction (car le propriétaire
restera dépossédé de son bien, la maison ravagé par un incendie ne renaîtra pas de ses cendres…).

Infraction instantanée = Consommation ne se prolonge pas

Parfois, il est difficile de répertorier certaines infractions dans cette catégorie (en
retenant l’instantanéité comme seul critère). Les divergences doctrinales et jurisprudentielles
ont d’ailleurs compliqué les choses en classant certaines infractions dans la catégorie des
infractions instantanées.
→C’est le cas de l’infraction permanente qui est une infraction dont l’acte matériel se
déroule à un temps t mais les conséquences de cet acte durent dans le temps (bigamie :
l’infraction se réalise le jour du 2ème mariage mais les effets durent depuis la célébration, vol avec conservation
de la chose, construction sans permis de construire : c’est une infraction instantanée qui s’arrête avec
l’achèvement des travaux mais les effets eux perdurent…). Par commodité, l’infraction permanente sera
assimilée à l’infraction instantanée car la consommation de l’acte matériel a bien lieu dans
un laps de temps négligeable. Le terme d’infraction permanente est trompeur et inadapté. Il
s’agit bien d’une infraction instantanée dont seuls les effets sont permanents (ces effets
n’ont d’ailleurs rien d’infractionnels).

Infraction permanente = Consommation instantanée


! seuls les effets durent dans le temps

b) Infraction continue

Par opposition à l’infraction instantanée, l’infraction continue repose sur un acte


matériel dont l’exécution se prolonge dans le temps (recel, séquestration, détournement de
mineurs…). Puisque la consommation de l’infraction dure dans le temps, on se demande dans
quelle mesure ce prolongement traduit la volonté du délinquant. Les opinions divergent sur ce
point.
Pour certains, il convient de s’attacher au renouvellement de la volonté de l’auteur de
l’acte. Cette volonté se matérialise à chaque fois qu’il réalise l’acte correspondant au
comportement criminel appréhendé. Mais alors, il s’agit plutôt de manifestation de volonté
successives voire de réitération de cette volonté (cas de l’affichage illicite qui se matérialise au moment
!65

du collage des affiches : infraction instantannée en jurisprudence dans les années 1960 mais devient une
infraction continue depuis les années 1980…).
Pour d’autres, il convient de rechercher la constance de la volonté de l’auteur de
l’infraction. Au travers des actes accomplis, même s’ils sont répétés, il faut y voir une même
volonté criminelle qui ne faiblit pas (cas du receleur, de l’auteur d’un enlèvement puis d’une
séquestration…).
En vérité, on se rallie plutôt à cette dernière position. L’infraction continue se
remarque par la continuité matérielle d’exécution des actes constitutifs de l’infraction et par la
constance de la volonté de l’auteur de l’acte. A aucun moment il n’y a réitération d’un de ces
actes ou de l’intention coupable de leur auteur. Tout est dans la continuité.

Infraction continue = Continuité dans la consommation de l’infraction


+ Continuité dans la volonté de l’auteur

→L’infraction continuée est une hypothèse différente proposée par la doctrine qui
recoupe 2 caractéristiques essentielles.
Ici, l’infraction se réalise par une succession d’infractions instantanées de MEME
nature (vol d’électricité, employé de banque qui détourne régulièrement une somme d’argent, escroc qui
utilise le même stratège pour arnaquer ses victimes…). Cette fois, il n’y a plus continuité mais
discontinuité dans l’exécution de la pluralité d’actes délictueux.
On parlera pourtant d’infraction continuée car ces actions s’inscrivent dans un seul et
même processus exécutif. Il faut donc s’intéresser à l’élément subjectif de l’infraction cad à
l’intention de l’auteur. Sur ce point, deux conceptions s’affrontent :
- La première estime que l’intention de l’auteur se manifeste au travers d’un plan criminel
élaboré pour réaliser l’infraction en plusieurs étapes (dessein criminel) ;
- La seconde préfère voire une réitération de l’intention criminelle au fur et à mesure des
actes perpétrés. Il n’y a plus une unité d’intention mais une succession de plusieurs intentions.
Cette dernière analyse semble conforme à l’esprit du Code pénal qui ne reconnaît pas les
notions de mobile ou de motivation. Mais cette proposition doctrinale n’a PAS été RETENUE
en jurisprudence.

Infraction continuée = Exécution de plusieurs actes ! Dessein criminel donné

Remarque : Intérêt de la distinction infraction instantanée / infraction continue :


Des considérations pratiques propres à la matière pénale.
Le point de départ de la prescription, par exemple, est différent.
- Infraction instantanée : il court à compter du jour de l’acte infractionnel (jour du viol…) mais
il peut exceptionnellement être reporté au jour où la victime découvre l’existence de
l’infraction (abus de bien sociaux, vol…) ;
- Infraction continue : il commence au jour où l’activité délictueuse prend fin (quand l’exercice
illégal de la médecine cesse…).
Pour le reste, la loi applicable est :
- Infraction instantanée : celle en vigueur au jour de l’acte délictueux tout comme la
juridiction compétente est celle dans le ressort de laquelle cet acte est perpétré ;
- Infraction continue : on décèle quelques particularités. L’entrée en vigueur d’une loi
nouvelle concerne l’infraction continue du moment qu’elle se poursuit toujours après sa
!66

promulgation sans attacher d’importance au caractère plus doux ou plus sévère du texte. Si
des poursuites sont diligentées, si la sanction pénale est déjà prononcée, rien ne s’oppose à
l’introduction d’une nouvelle action en justice lorsque les faits persistent encore (la règle non
bis in idem n’y fait pas obstacle).

§2 : L’infraction pénale NON consommée

On a coutume d’opposer infraction pénale consommée et infraction pénale non


consommée. Quelle est la différence entre les 2 :
►dans le 1er cas, le processus d’exécution de l’infraction est mené jusqu’à son terme
de sorte que l’infraction produit un résultat donné. On constate donc une atteinte effective à la
paix sociale (exp : la victime est morte/meurtre… le propriétaire est dépouillé/vol…).
►dans le 2nd cas, au contraire, le processus d’exécution de l’infraction n’a pas ou n’a
pu être conduit jusqu’au bout. Ici, le déroulement du processus infractionnel n’a pas permis
d’atteindre le résultat voulu. L’infraction est tentée mais elle n’est pas consommée. La
question est alors de savoir : Pourquoi l’infraction n’est pas consommée ? La réponse = c’est
en raison de ce que le CP appelle « des circonstances indépendantes de la volonté de son
auteur ». Deux hypothèses peuvent en être à l’origine.
→Ou bien, l’infraction a fait l’objet d’un commencement d’exécution mais elle n’a pu
être consommée en raison d’un désistement involontaire de l’agent. Le cours de la réalisation
de l’infraction a été interrompu. L’infraction a simplement été tentée. C’est l’hypothèse de la
tentative interrompue.
→Ou bien, l’infraction s’est entièrement déroulée mais elle a manqué son effet. Le but
recherché n’a pas été atteint à cause d’un ou plusieurs évènements rendant l’acte irréalisable.
L’infraction n’a donc pas pu être consommée. Elle a manqué son effet. C’est l’hypothèse de la
tentative achevée mais échouée.
Ce qui différencie ces deux situations, c’est que :
→dans le cas de l’infraction tentée classique cad de la tentative interrompue, il y a une
possibilité de résultat ;
→tandis que dans le cas plus exceptionnel de la tentative achevée, on se heurte à une
impossibilité de résultat d’où le terme de tentative « échouée ».

Ces 2 situations ressortent très nettement du libellé de l’article 121-5 du Code pénal
qui précise que :

« La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement


d’exécution, elle n’a été suspendue OU n’a manqué son effet qu’en raison de circonstances
indépendantes de la volonté de son auteur ».

Fort de ces distinctions, il paraît préférable de définir l’infraction pénale non


consommée en cas de possibilité de résultat cad la tentative (A) afin de la distinguer de
l’infraction pénale non consommée en cas d’impossibilité de résultat (infraction manquée /
infraction impossible) (B).
!67

► CONSOMMEE
INFRACTION
! Résultat POSSIBLE = TENTATIVE interrompue
► NON CONSOMMEE
! Résultat IMPOSSIBLE = TENTATIVE achevée
→délit manqué = ECHEC
→délit impossible = impossibilité totale

A) L’infraction pénale non consommée en cas de possibilité de résultat :


La tentative interrompue

L’infraction pénale tentée constitue un « cas particulier » d’infraction qui obéit à un


régime juridique autonome. Elle se distingue en effet de l’infraction pénale consommée
puisque le processus délictueux n’a pas atteint le but recherché. Cette prise en compte du
résultat non atteint reflète en réalité plusieurs conceptions doctrinales de la tentative qui se
sont confrontées au fil des âges et qui s’interrogent sur le point de savoir s’il faut oui ou non
incriminer juridiquement la tentative d’infraction pénale. Pour résoudre ce problème, il faut
resituer le processus délictueux, autrement dit ce que l’on appelle le « chemin du crime » et se
demander à partir de quel stade on rentre dans le domaine du droit pénal :

Chemin du crime :
Résolution criminelle intérieure ! Extériorisation (orale ou écrite) ! Etablissement d’un
projet ! Actes préparatoires ! Commencement d’exécution ! Consommation parfaite.
(Exp : en droit canon on incriminait dès le stade de la pensée criminelle, sous la Révolution que la
consommation proprement dite…).

Plusieurs conceptions juridiques de la tentative d’infraction sont alors concevables :


• La première conception de la tentative est une conception objective : Elle s’attache
essentiellement au résultat obtenu et au trouble causé à l’ordre social. Dès lors,
seule l’infraction pénale consommée est pénalement sanctionnée puisque c’est la seule
à réunir ces 2 conditions essentielles. L’infraction est exécutée en totalité, le résultat
est atteint de sorte que l’ordre public est perturbé. Par opposition, la tentative échappe
au domaine pénal. Elle n’est donc pas pénalement punissable. Pourquoi ? Parce qu’elle
ne génère ni résultat ni désordre social. Cette conception tend donc à restreindre voire
à exclure la répression de la tentative du domaine pénal.
• La deuxième conception de la tentative est une conception subjective : Elle prend
davantage en compte la dangerosité du délinquant au mépris de la réalisation ou non
du résultat de l’infraction. Elle préconise de faire abstraction des circonstances
extérieures gênant le délinquant lors du processus délictueux car, en l’absence de
celles-ci, le résultat de l’infraction aurait été atteint (exp : l’alerte donnée par les témoins,
l’arrivée de la police…). Cette conception aspire alors à sanctionner davantage la
tentative d’infraction qui est pénalement punissable.
!68

1ère conception objective : Résultat + Trouble social ! PAS de répression de la tentative


(restrictif)
2 conception subjective : Dangerosité du délinquant ! Répression de la tentative
ème

(extensif)

En vérité, l’évolution du droit pénal reflète une alternance entre ces deux conceptions.
→Avant le CP de 1810 (Ancien droit et Révolution), la répression de la tentative est
laissée à l’appréciation du magistrat et ne concerne que quelques infractions. Cette pratique
génère des inégalités de traitement : tantôt on retient l’hypothèse de l’infraction tentée, tantôt
on considère que l’infraction est consommée.
→Avec le CP de 1810, on tend à davantage de rigueur. Le législateur ébauche une
théorie générale de la tentative en énonçant clairement les deux conditions requises pour que
la tentative soit punissable. Il faut qu’il y ait, d’une part, un commencement d’exécution (1)
et, d’autre part, l’absence de tout désistement volontaire de la part du délinquant (2) comme le
précise le libellé de l’article 121-5 du CP :

Art. 121-5 du Code pénal :


« La tentative est constituée dès lors que, manifestée par un commencement
d’exécution, elle n’a été suspendue ou n’a manqué son effet qu’en raison de
circonstances indépendantes de la volonté de son auteur ».

→Le nouveau CP de 1994 reprend ces 2 conditions et y apporte une précision qui
intéresse le domaine autrement dit le champ d’application de la tentative : si la tentative est
toujours punissable en matière criminelle, elle ne l’est en matière délictuelle que ssi la loi le
prévoit expressément mais elle ne l’est jamais en matière contraventionnelle (Art. 121-4 du
CP).
Art. 121-4 du Code pénal :
« Est auteur de l’infraction la personne qui :
1°/ (…)
2°/ Tente de commettre un crime ou, dans les cas prévus par la loi, un délit ».

1) Le commencement d’exécution

Pour bien cerner à quel moment le droit pénal saisit le comportement coupable du
délinquant, il faut remonter dans le temps à compter du moment où pourrait survenir le
trouble à la paix sociale. A cette fin, on pourrait reprendre le « chemin du crime » dessiné
précédemment. Sachant que la réalisation d’un résultat rend l’infraction pénale consommée
pénalement répréhensible, quid en amont du commencement d’exécution (tentative) ou, dans
une moindre mesure, des actes préparatoires ? Pour le savoir, plusieurs conceptions sont
possibles.
Mais avant de les présenter, il faut opérer une césure au sein de ce processus. En effet,
à un moment donné on va passer toujours en remontant le temps de la préparation ou de la
mise à exécution de l’infraction à la résolution criminelle dont elle émane. Il s’agit là d’un
seuil fondamental. Car la résolution criminelle relève du domaine psychique contrairement
!69

aux autres étapes qui se situent sur un terrain purement matériel et qui vont se concrétiser par
des gestes plus ou moins caractérisés.
Actes préparatoires < Commencement d’exécution < Consommation parfaite
Infraction tentée Infraction consommée

►D’un point de vue objectif :


→Le commencement d’exécution suppose l’accomplissement d’un ou plusieurs
acte(s) matériel(s) concret(s) qui laisse(nt) supposer précisément quel type d’infraction va être
perpétrée. Les faits d’exécution s’apparentent à un ou plusieurs élément(s) constitutif(s) de
l’infraction. Il fait en quelque sorte partie de l’infraction. Il en est l’une de ses composantes
(Automne 2004 : les 3 tunnels découverts sous la prison de la santé : tentative d’évasion…).
→En revanche, on qualifie d’actes préparatoires, les faits qui précèdent l’exécution
de l’infraction sans pour autant constituer l’un des éléments de l’infraction. Les actes
préparatoires sont certes nécessaires au déroulement de l’infraction mais ils sont exclus du
champ d’application du droit pénal dans certaines limites bien sûr. En d’autres termes et, sauf
exception, les actes préparatoires ne sont pas pénalement répréhensibles (Film « Pour 100 briques
t’as plus rien » : préparation d’un hold-up avec l’achat de cagoules et de pistolets chez Toys r’us... n’a rien à voir
avec l’acquisition d’un arsenal militaire… ; le repérage…).

►D’un point de vue subjectif, on ne retient pas les opérations matérielles effectuées
mais seulement l’état d’esprit dans lequel l’agent se trouve. On recherche à partir de quel
moment la volonté criminelle est suffisamment caractérisée pour illustrer le passage à l’acte.
Il y a commencement d’exécution dès que l’on discerne avec netteté l’intention de l’agent de
commettre l’acte. Cette approche est mal habile car elle n’envisage pas l’éventualité d’un
désistement volontaire de la part de l’agent. Ici, il y a une réelle proximité entre l’intention
criminelle et le passage à l’acte, ce dernier geste étant inévitable (exp : mari jaloux rentrant chez lui
et trouvant sa femme en galante compagnie, va chercher son arme…).

►La jurisprudence pour sa part semble retenir une conception mixte du


commencement d’exécution depuis un arrêt ancien datant de 1854 (Cass. Crim. 14 octobre 1854.
Bull. n°304). Il s’agit de l’accomplissement de tout acte matériel qui a pour conséquence
directe et immédiate la commission de l’infraction avec l’intention de la commettre. On en
déduit que le commencement d’exécution suppose à la fois un acte matériel (a) et une
intention coupable (b) (Exemples tirés de la jurisprudence : escalade avec effraction d’une demeure, acheter
massivement des stupéfiants ou héberger un dealer recherché par la police ...).

a) L’exigence d’un acte matériel

L’acte matériel réalisant le commencement d’exécution est à la fois proche et éloigné


des éléments constitutifs de l’infraction :
-Il en est proche car le comportement de l’agent doit illustrer clairement l’activité
infractionnelle recherchée (exp : Cass. Crim. 3 janvier 1913. Affaire du Faubourg Saint Honoré : individus
munis d’un arsenal de cambrioleur qui suivent à la trace un encaisseur et se postent en embuscade dans un lieu
où il doit passer = tentative de vol en réunion…).
-Il en est éloigné car les éléments constitutifs de l’infraction ne sont pas réalisés sinon
l’infraction serait consommée (exp : Cass. Crim. 28 octobre 1959. Individu qui s’installe dans un véhicule
en stationnement et qui est surpris avant de casser le néman = tentative de vol…).
!70

L’acte matériel va refléter la capacité de l’auteur à mener le processus infractionnel à


son terme. Il s’agit donc d’un acte qui tend directement à la réalisation de l’infraction. Il ne
doit y avoir aucun doute possible entre l’acte matériel accompli et l’infraction voulue comme
si l’on pouvait envisager une chaîne causale évidente (exp : escroquerie à l’assurance : Cass. Crim. 22
mai 1984 et 1er juin 1994. le fait de mettre volontairement le feu à son camion mais de ne pas entreprendre les
formalités auprès de l’assureur ≠ tentative d’escroquerie ; mais commencer de telles démarches en rassemblant
= tentative d’escroquerie / déclaration de sinistre…).
Il y a donc une réelle proximité voire une immédiateté entre le commencement
d’exécution et la consommation de l’infraction. Puisque l’acte matériel a pour conséquence
directe et immédiate la réalisation de l’infraction, on est entré dans la période d’exécution de
l’infraction (escroquerie : le prévenu devant un distributeur de billets avec une carte bleue volée :
commencement d’exécution que ssi commence à s’en servir…).
Exp : Cass. Crim. 25 octobre 1962. Grands arrêts. Lacour : Lacour, familier de Dame Walter, charge un tiers
d’attenter à la vie du fils adoptif de celle-ci. Pour éviter que quelqu’un d’autre ne se charge de la sale besogne, ce
tiers prépare l’infraction avec Lacour et procède à un simulacre d’enlèvement ! Lacour va bénéficier d’un non-
lieu car la tentative n’est pas constituée. Pourquoi ? car ses agissements ne sont que des actes préparatoires à une
tentative d’assassinat (pas de commencement d’exécution)
Exp : Cass. Crim. 25 octobre 1962. Grands arrêts. Schieb & Benamar : S ne supporte plus sa femme. Il fait la
connaissance de B un nord-africain faisant la manche. Il lui propose de mettre fin à sa misère en lui donnant de
l’argent pour tuer sa femme. Or B en parle à un ami qui le dénonce à la police donc dame S n’est pas assassinée.
Pour S ce ne sont que des actes préparatoires d’une infraction dont l’exécution matérielle est confiée à B (pas de
commencement d’exécution).

Prb jurdq : En vérité, au fil des arrêts de jurisprudence, on s’interroge sur le point de
savoir si le commencement d’exécution doit avoir un lien direct et immédiat avec
l’infraction à consommer ou seulement un lien direct. Les arrêts rendus en la matière
hésitent tour à tour sur cette double ou simple exigence… d’où des formules spécifiques
employées au grès des jurisprudences… Aujourd’hui ce qui compte, c’est que les juges du
fond caractérisent le moment où l’auteur est entré dans le commencement d’exécution de
l’infraction envisagée.
Exp : Cass. Crim. 29 décembre 1970. Affaire du Plaza et autres : malfaiteurs qui mettent en place un dispositif
d’attaque d’un véhicule de transport de fonds : il s’agit bien d’un commencement d’exécution ayant un lien
direct et immédiat avec l’infraction de vol à main armée en réunion.

Jurisprudence Double ou simple critère(s)


1920 à 1962 Direct
1962 (Lacour) à 1970 Direct et immédiat
1970 à 1973 Retour à la position de 1920 :
Direct
1973 à 1975 Retour à la position de 1962 :
direct et immédiat
(malgré quelques hésitations en 1974)
1975 à 1978 Retour à la position de 1920 :
Direct
1979 Retour à la position de 1962 :
direct et immédiat
Depuis 1986 Se dégage du débat en estimant que la CA a retenu à
bon droit la tentative …
!71

- Par caractère direct : il faut comprendre que le comportement illustre la détermination


criminelle du délinquant ;
- Par caractère immédiat : il faut comprendre que tout abandon du projet criminel est devenu
impossible.

b) L’exigence d’une intention coupable

Le commencement d’exécution ne saurait se concevoir sans intention coupable. On


peut même avancer que l’intention criminelle de l’auteur d’une infraction tentée est
IDENTIQUE à celle de l’auteur d’une infraction consommée puisque seul un désistement
involontaire est à l’origine du résultat manqué (l’auteur d’une tentative de vol a bien l’intention de
voler…, l’auteur d’une tentative de meurtre a bien l’intention de tuer…).
D’une certaine manière, l’intention coupable de l’auteur de l’infraction tentée se
déduit du commencement d’exécution car il y a un lien direct et immédiat entre l’acte
matériel et l’intention criminelle qui, sauf circonstances extérieures, auraient conduit l’auteur
à la consommation de l’infraction. Les actes constitutifs du commencement d’exécution
doivent en effet laisser apparaître l’intention de perpétrer telle ou telle infraction (Affaire du
Piazza : de multiples actes accomplis en vue du hold-up…).
Ce qui pose problème dans ce domaine, c’est la preuve de l’intention coupable. Les
juges devront s’y référer de manière explicite à moins qu’elle ne se déduise de manière
évidente et implicite des actes perpétrés (s’enfuir à l’arrivée de la police…).

2) L’absence de désistement volontaire

Ce qui oppose l’infraction consommée et l’infraction tentée, c’est que la première a pu


être menée à son terme avec succès alors que la seconde n’a pas permis d’obtenir le résultat
voulu. Il y a donc eu DESISTEMENT de la part de l’auteur au cours de la réalisation de
l’infraction sachant que ce dernier n’est pas allé jusqu’au bout de son acte. Mais, puisque
désistement il y a, pourquoi sanctionner pénalement la tentative ? En vérité, la tentative sera
considérée comme punissable lorsque l’auteur se sera désisté INvolontairement en raison de
circonstances indépendantes de sa volonté : d’où la notion d’absence de désistement
volontaire. Toute la difficulté consiste donc à apprécier le caractère volontaire ou
involontaire désistement (un voleur escalade l’enceinte d’une maison, se dirige vers la porte d’entrée et
s’apprête à pénétrer par effraction en cassant les vitraux : si, rongé par le remords, il range ses outils et revient
sur ses pas : ce n’est pas une tentative car il se désiste se son propre chef mais, s’il part en courant car il entend la
sirène et voit le gyrophare de la police, il se désiste contre son gré, c’est une tentative…).

a) La nature du désistement

La nature du désistement dépend des circonstances au cours desquelles l’exécution de


l’infraction va être interrompue. L’appréciation du caractère volontaire ou involontaire du
désistement est fondamentale, car elle permet de caractériser l’intention coupable de l’auteur
de l’acte. De deux choses l’une :

►Désistement volontaire : On parle de désistement volontaire lorsque l’agent se


désiste de son propre chef. Il devra démontrer qu’il a cessé son action de sa propre volonté
sans aucune influence extérieure. Le désistement résulte ici de son libre arbitre. C’est un peu
comme si le délinquant prenait conscience du caractère délictueux de son geste et se repentait
!72

avant d’aller jusqu’au bout. La tentative ne sera donc PAS RETENUE. L’agent sera donc
EXONERE de toute responsabilité. (il va de soi que le délinquant essayera de plaider sa cause en ce sens
fin d’échapper aux poursuites relatives à la tentative d’infraction…). Cette démonstration s’avère délicate
lorsque l’agent est le seul auteur de l’infraction (s’enfuir à cause d’un bruit or ce ne sont que des
passants, entendre des aboiements…) mais, en cas de pluralité d’auteurs, la preuve du désistement
ne se limite pas seulement à une interruption, elle doit être corroborée par un acte positif de
nature à compromettre l’intervention des autres co-auteurs (prévenir la victime, dénoncer à la
police…).
Exp : Cass. Crim. 3 janvier 1973. Grands arrêts. Berchem. Tentative de vol dans un grand magasin, le fait de
s’emparer des marchandises puis de les laisser sur place avant de partir pourrait ressembler à un désistement
volontaire or on apprendra par la suite l’existence de circonstance indépendantes de la volonté de l’auteur = il
n’a pas pu avoir l’aide de son cousin pour sortir les marchandises du magasin ;

►Désistement INvolontaire : On considère que le désistement est involontaire


lorsque les évènements qui obligent l’auteur de l’acte à renoncer à son entreprise délictueuse
sont totalement extérieurs à la volonté de l’auteur. Ils doivent avoir pour conséquence directe
l’interruption de son méfait. On est alors en présence d’une tentative d’infraction (le fait de se
sentir épié par les voisins qui vont téléphoner à la police, intervention de la police, dispute entre co-auteurs de
l’infraction…). La tentative d’infraction est pénalement punissable dans la mesure où si l’agent
n’avait pas été empêché par des circonstances indépendantes de sa volonté, il serait allé
jusqu’au bout de son acte et l’infraction aurait quand même été consommée.
Exp : Cass. Crim. 20 mars 1974. Grands arrêts. Weinberg. Le fait de s’introduire ans un bureau de tabac pour
voler mais d’y renoncer en raison de l’intervention d’un tiers ;

Remarque : De plus, selon l’infraction programmée, il est possible que la tentative ne


soit pas retenue en raison du caractère volontaire du désistement mais cela n’empêche pas des
poursuites en raison de la nature infractionnelle des actes effectués au cours du
commencement d’exécution (pas de tentative de viol mais agression sexuelle, pas de tentative de vol mais
violation de domicile…).

b) Le moment du désistement

Sachant que l’infraction tentée est une infraction pénale non consommée, on en déduit
que le désistement de l’agent intervient forcément AVANT l’exécution totale de l’infraction.
Sur ce point, il est intéressant de comparer la tentative avec une notion voisine : le repentir
actif. Nous nous baserons ici sur un seul critère : l’achèvement de l’infraction.

►Désistement AVANT l’achèvement de l’infraction :


1ère hypothèse, le désistement intervient au cours de la réalisation de l’infraction et
avant la consommation définitive de celle-ci. On est alors en présence d’une situation pour
laquelle il faut apporter les nuances suivantes :
→soit le désistement est VOLONTAIRE de la part de l’auteur car il ne va pas jusqu’au bout
de son geste. Ce n’est donc PAS une tentative. Ce désistement volontaire assure à l’auteur
une impunité puisqu’il a renoncé de lui-même. Il ne sera pas pénalement poursuivi (le meurtre
n’est consommé qu’avec le décès de la victime, donc si on veut la noyer en la jetant dans un canal mais que l’on
se ravise et qu’on va la sauver : ce n’est pas une tentative de meurtre…).
→soit le désistement est INVOLONTAIRE de sorte de le désistement intervient contre son
grès du fait de circonstances indépendantes de sa volonté. On est alors en présence d’une
tentative d’infraction.
!73

►Désistement APRES l’achèvement de l’infraction :


Ici le désistement se produit alors que le processus de réalisation de l’infraction est
totalement achevé. Il est trop tard pour retenir la notion de tentative. On est plutôt en présence
d’un repentir actif (si on prépare un accident mortel pour sa grand-mère dont on veut hériter et qu’au
moment où elle emprunte le chemin, on lui conseille un autre itinéraire ou on lui suggère une promenade à pied
et non en voiture dont on a saboté les freins : c’est un désistement volontaire donc pas de tentative. Mais si on la
laisse boire et qu’avant même qu’elle ne se torde de douleur, on se précipite à l’hôpital pour la faire soigner :
c’est un repentir actif donc l’infraction est consommée…). L’auteur de l’infraction essaye seulement de
réparer les conséquences de son geste… mais il est trop tard car l’infraction est déjà
consommée (restitution du produit du vol, soins donnés à la victime que l’on vient de blesser…).
Remarque : Si le repentir ne permet pas de bénéficier d’un assouplissement au niveau
des éléments constitutifs de l’infraction, il permet toutefois de bénéficier de certaines
atténuations quant au quantum de la peine.

Cependant, selon la nature de l’infraction perpétrée, il est parfois difficile de faire la


différence entre un désistement volontaire (avant le résultat) et un repentir actif (après le
résultat). D’où l’intérêt de faire la distinction entre :
→Les infractions matérielles qui ne sont constituées que quand le but est atteint : il y aura
toujours une possibilité de désistement (tant que la victime n’est pas noyée ou morte…) ;
→Les infractions formelles qui existent indépendamment de tout résultat et permettent
d’incriminer un comportement délictueux donné : le désistement est impossible
(empoisonnement : infraction consommée dès l’administration d’une substance mortifère, si on donne un
antidote à la victime c’est un simple repentir actif…).

Désistement < Consommation de l’infraction = Désistement volontaire


Consommation de l’infraction < Désistement = Repentir actif

Conséquence : Lorsque la tentative est punissable, il faut savoir que l’auteur de


l’infraction tentée encourt la même peine que l’auteur de l’infraction consommée et ce
conformément aux prévisions de l’article 121-4 du CP qui met sur un même plan et qui
considère comme auteur celui qui commet les faits incriminés (auteur d’une infraction
consommée) et celui qui tente de les commettre (auteur d’une infraction tentée).

B) L’infraction pénale non consommée en cas d’impossibilité de résultat :


La tentative « achevée »

Lorsque l’on envisage l’infraction pénale non consommée, on pense inéluctablement à


la tentative. Pourtant, il existe des cas particuliers d’infractions pénales non consommées dans
lesquels le déroulement de l’infraction ne subit AUCUNE interruption. Autant pour la
tentative, la réalisation de l’infraction s’est arrêtée en cours d’exécution, autant ici le
déroulement de l’infraction s’est effectué jusqu’au bout. Ce n’est qu’à cet ultime moment que
l’auteur a pu prendre conscience que son geste et réaliser qu’il n’était pas en mesure de
l’accomplir avec succès. L’infraction a manqué son effet selon les termes de l’article 121-5
du CP. Pourquoi ? Parce que des « circonstances indépendantes de sa volonté » vont s’y
opposer. Et ce pour 2 raisons :
!74

→soit parce que l’infraction a échoué = c’est l’hypothèse du délit manqué (1) ;
→soit parce que l’infraction était impossible à réaliser = c’est l’hypothèse du délit impossible
(2).
Ce qu’il faut retenir pour ne pas confondre avec la tentative interrompue… c’est que
dans le cas de la tentative achevée, si l’auteur de l’infraction n’avait pas mené son dessein
criminel à son terme, il ne se serait pas rendu compte de cette difficulté. Que l’infraction soit
échouée ou impossible, dans les deux cas, il y a une impossibilité de résultat par opposition à
la tentative pour laquelle il y a possibilité d’atteindre le but recherché.

1) L’infraction manquée ! ECHEC

On parle d’infraction manquée lorsque le processus délictueux n’a pu être


normalement conduit à son terme. Si on regarde de plus près le libellé de l’article précité, on
constate que les deux composantes de l’infraction manquée sont les suivantes :

→Il faut d’abord et surtout un commencement d’exécution voire une exécution


complète. Si on y réfléchit, les actes constitutifs du commencement d’exécution doivent être
particulièrement caractérisés. Contrairement à l’hypothèse de la tentative interrompue où un
désistement involontaire est venu interrompre le cours de l’exécution de l’infraction, ici, le
processus s’est effectué jusqu’au bout. Il s’est seulement révélé infructueux. On est dès lors
très proche de la consommation de l’infraction (Affaire Furto : ère au milieu des voitures de luxe
devant un grand hôtel avant de pénétrer dans une Mercedes et d’en redescendre bredouille : n’est pas parvenu à
la faire démarrer avec le neman et s’est rabattu sur la boîte à gant qui était vide !)

→Il faut ensuite prendre en considération les circonstances indépendantes de la


volonté de l’agent. Il n’est plus question de désistement involontaire mais plutôt de
MANQUEMENT involontaire. L’agent est allé jusqu’au bout de son geste. Seules des
circonstances extérieures sont à l’origine de l’échec du processus infractionnel comme la
maladresse, l’erreur ou l’inattention de l’auteur de l’acte (la victime n’est pas blessée ou n’est pas
morte…).

2) L’infraction impossible ! IMPOSSIBILITE

L’infraction impossible est une catégorie particulière d’infraction qui soulève


davantage de difficultés. Conformément à l’hypothèse précédente, l’infraction n’a pu être
réalisée en raison d’une impossibilité de résultat. Plus exactement, le délit impossible est un
cas particulier de délit manqué. Mais, à la différence du délit manqué, la non consommation
du délit impossible ne résulte pas d’un échec. Elle provient d’un facteur qui rend la
consommation de l’infraction irréalisable (héritier potentiel veut tuer sa vielle grand-mère, il rentre
dans la pièce où elle s’est endormie, sort un revolver et tire à bout portant sans savoir que quelqu’un a déjà pris
soin de l’empoisonner et qu’elle est morte au moment où il est sensé la tuer...).

Comme on vient de le faire pour l’infraction manquée, il faut reprendre les conditions
de l’article étudié et les appliquer à l’infraction impossible. L’infraction impossible requiert
donc deux éléments :
→Le premier est un commencement d’exécution qui en fait s’apparente plutôt à une
infraction presque consommée. S’il n’y avait pas de résultat impossible à atteindre,
l’infraction aurait été normalement constituée.
!75

→Le second englobe les circonstances indépendantes de la volonté de son auteur qui
sont à l’origine de la non consommation de l’infraction. Il s’agit en l’occurrence d’une
impossibilité. Cette notion mérite que l’on s’y attarde quelques instants en raison des
nombreuses discordances doctrinales et jurisprudentielles qui la caractérisent.

►Dans un premier temps = Thèse de l’impunité


Cette thèse est soutenue par le courant classique qui attache une importance
particulière à l’acte matériel de l’infraction. Dès lors, la sanction pénale doit réprimer le
danger objectif qui est renfermé dans l’acte matériel. Or, en cas de délit impossible, il n’y a
pas d’acte matériel, donc pas de danger, donc pas besoin de sanctionner. On occulte
complètement l’intention coupable de l’auteur de l’acte. Ce courant ne va pas dans le sens de
la sauvegarde de la paix sociale.

►Dans un deuxième temps = Courant intermédiaire


On distingue une impossibilité absolue qui bénéficie de l’impunité et une impossibilité
relative qui est sanctionnée.
→L’impossibilité absolue vise des situations dans lesquelles le résultat est inaccessible et
l’impossibilité insurmontable (le fait de tenter un avortement sur une femme qui n’est pas enceinte (avant
la loi Veil de 1975… ; de tirer des coups de feux sur un cadavre, de voler dans un tronc d’église vide… : même
si on le voulait, on ne pourrait pas y arriver !...).
→L’impossibilité relative, en revanche, concerne l’hypothèse où l’agent serait arrivé à ses
fins s’il avait pris un minimum de précautions. Seul un concours de circonstances liées aux
moyens employés ou à l’objet de l’infraction est à l’origine de cette impossibilité. Le
délinquant est potentiellement dangereux et doit être sanctionné (le fait de pratiquer un
avortement avec des instruments inoffensifs, de tirer des coups de feu avec une arme chargée à blanc…).

►Dans un troisième temps = autre critère de distinction


On estime que la distinction impossibilité absolue / impossibilité relative est délicate
et l’on propose un autre critère : entre impossibilité de droit / impossibilité de fait.
→L’impossibilité de droit : lorsque l’objet de l’infraction n’existe que dans l’imagination du
délinquant (infanticide d’un enfant mort-né, avortement d’une femme qui n’est pas enceinte…).
→L’impossibilité de fait : lorsque les moyens employés ne permettent pas d’obtenir le résultat
escompté (pratiquer un avortement avec des techniques abortives inadaptées, tirer à blanc…). Si cette
distinction paraît plus claire, elle semble nier la dangerosité du délinquant.

Ces conceptions doctrinales vont impacter l’évolution de la jurisprudence en la


matière.
►D’abord : Répression nuancée au XIX :
Quel que soit le critère retenu, l’évolution précédente largement inspirée des auteurs
de doctrine plaide en faveur d’une répression nuancée. L’infraction impossible est
exclusivement envisagée d’un point de vue matériel. On se focalise sur l’impossibilité qui en
est à l’origine et on tente de la caractériser. Cette façon de raisonner occulte totalement
l’élément intentionnel de l’infraction.
Les nuances opérées entre impossibilité absolue/relative et impossibilité de droit/de
fait sont donc à l’origine d’une répression nuancée pratiquée au XIX siècle exclusivement.
!76

En cas d’impossibilité absolue (ou de droit), le délinquant n’engage pas sa


responsabilité pénale et il ne sera pas poursuivi pour tentative d’infraction car l’impossibilité
à laquelle il s’est heurté était incontournable.
En revanche, en cas d’impossibilité relative (ou de fait), le délinquant engage sa
responsabilité pénale et sera poursuivi pour tentative d’infraction car, s’il avait été en mesure
de contourner la difficulté, il serait parvenu à ses fins.

►Ensuite : Répression systématique au XX :


Depuis le XXème siècle, la jurisprudence accuse une nette évolution. Elle sanctionne
pénalement la commission de tout délit impossible depuis un arrêt célèbre en date du 4 janvier
1895 (Cass. Crim. D. 1896. I. p. 21 : vol dans des poches qui sont vides) confirmé le 9 novembre 1928
par la Jp Fleury (Cass. Crim. 9 novembre 1928. Grands arrêts. Fleury. DP. 1929. I. p. 97 : un couple de
bourgeois veut provoquer l’avortement de la bonne en lui faisant absorber une bouteille d’eau de Cologne! S’il y
a bien commencement d’exécution, ces actes sont insuffisants pour parvenir au résultat escompté. Pourtant ils
sont reconnus coupables par la CA car l’impossibilité n’empêche pas la tentative).
Si on y réfléchit et si on met de côté l’impossibilité de résultat, lorsque le délinquant a
entamé son processus criminel, il avait la volonté d’aller jusqu’au bout de son geste. Il
comptait atteindre un résultat précis. Si tel n’a pas été le cas, ce n’est pas en raison d’une
défaillance de sa volonté mais à cause de circonstances totalement indépendantes de sa
volonté. L’élément moral de l’infraction ressort de cette dernière affirmation d’ailleurs
consacrée par l’article 121-5 du CP. C’est la raison pour laquelle, il paraît préférable d’opter
pour une répression systématique de l’infraction impossible, indépendamment de tout
résultat, en retenant que si l’infraction avait été possible, elle aurait été consommée.
On peut rapprocher la répression du délit impossible de celle de la tentative
punissable. Si ces notions sont abordées dans un même article, ce n’est pas un hasard. Certes
la tentative requiert, un commencement d’exécution et un désistement involontaire mais
parmi les conditions énoncées il est aussi fait mention d’une intention coupable. Or,
l’intention coupable se retrouve également dans l’infraction impossible. C’est cette volonté de
commettre l’infraction dont l’auteur ignore l’impossibilité de résultat qui plaide en faveur de
la répression systématique du délit impossible. On nie donc le caractère impossible du résultat
et on se focalise sur l’intention criminelle.
Exp : Cass. Crim. 16 janvier 1986. Perdereau. Rixe au cours de laquelle quelqu’un va tuer W en l’assommant à
coup de barre de fer puis en strangulant et en appuyant sur la gorge de la victime pour qu’elle cesse de respirer.
Or, le lendemain, P apprend que la victime est encore vivante. P revient sur les lieux de la bagarre et l’achève à
coup de bouteille sur le crâne. En fait, elle était bien morte mais P ne le savait pas !

Conséquence : Puisque l’infraction n’a pu être totalement consommée, on applique le


régime juridique de la tentative d’infraction si tant est que les conditions soient réunies
pour qu’elle soit punissable.

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