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Tous les ans, depuis le temps où l'on sème le maïs jusqu'à ce qu'il
soit élevé de la hauteur d'un homme, le roi et les prêtres profitent
successivement de la superstition publique. Le peuple, dont la
crédulité n'a pas de bornes, s'imagine que dans cet intervalle le
serpent se fait une occupation tous les soirs, et pendant la nuit, de
rechercher toutes les jolies filles pour lesquelles il conçoit de
l'inclination, et qu'il leur inspire une sorte de fureur qui demande de
grands soins pour leur guérison. Alors les parens sont obligés de
mener ces filles dans un édifice qu'on bâtit près du temple, où elles
doivent passer plusieurs mois pour attendre leur rétablissement.
Lorsque le temps des remèdes est expiré, et que les filles se croient
guéries d'un mal dont elles n'ont pas ressenti la moindre atteinte,
elles obtiennent la liberté de sortir; mais ce n'est qu'après avoir payé
les frais prétendus du logement et des autres soins. L'une portant
l'autre, cette dépense monte à la valeur de cinq livres sterling (120
fr.), et comme le nombre des prisonnières est toujours fort grand, la
somme totale doit être considérable. Chaque village a son édifice
particulier pour cet usage, et les plus peuplés en ont deux ou trois. Il
faut convenir que les prêtres nègres ne sont pas maladroits: ils se
font amener les filles, et se font encore payer de leurs plaisirs. Nous
avons déjà dit qu'en Guinée il fallait être guiriot; mais il semble qu'il
vaut encore mieux être prêtre.
Le même Nègre apprit à Bosman ce qui lui était arrivé avec une de
ses propres femmes. Elle était jolie: s'étant laissé séduire par un
prêtre, elle s'était mise à crier pendant la nuit, à faire la furieuse et à
briser tout ce qui se présentait autour d'elle; mais le Nègre, qui
n'ignorait pas la cause de sa maladie, la prit par la main comme s'il
eût été résolu de la mener au temple du serpent, et la conduisit au
contraire à des marchands brandebourgeois qui faisaient alors leur
cargaison d'esclaves sur la côte. Lorsqu'elle s'aperçut qu'il était
sérieusement disposé à la vendre, sa folie l'abandonna au même
instant. Elle se jeta aux pieds de son mari, lui demanda pardon avec
beaucoup de larmes; et, lui ayant promis solennellement de ne
jamais retomber dans la même faute, elle obtint grâce pour la
première. Le Nègre convenait que cette démarche avait été fort
hardie, et que, si les prêtres en avaient eu le moindre soupçon, elle
lui aurait peut-être coûté la vie.
Les fétichères, ou les prêtres, ont un chef qui les gouverne, et qui
n'est pas moins considéré que le roi. Son pouvoir balance même
assez souvent l'autorité royale, parce que, dans l'opinion qu'il
converse familièrement avec le grand fétiche, tous les habitans le
croient capable de leur causer beaucoup de mal ou de bien. Il profite
habilement de cette prévention pour humilier le roi, et pour forcer
également le maître et les sujets de fournir à tous ses besoins.
Les jeunes filles rentrent ensuite dans leurs familles, avec la liberté
de retourner quelquefois au lieu de leur consécration, pour y répéter
les instructions qu'elles ont reçues. Lorsqu'elles deviennent nubiles,
c'est-à-dire vers l'âge de quatorze ou quinze ans, on célèbre la
cérémonie de leurs noces avec le serpent. Les parens, fiers d'une si
belle alliance, leur donnent les plus beaux pagnes et la plus riche
parure qu'ils puissent se procurer dans leur condition. Elles sont
menées au temple. Dès la nuit suivante, on les fait descendre dans
un caveau bien voûté, où l'on dit qu'elles trouvent deux ou trois
serpens qui les épousent par commission. Pendant que le mystère
s'accomplit, leurs compagnes et les autres prêtresses dansent et
chantent au son des instrumens, mais trop loin du caveau pour
entendre ce qui s'y passe. Une heure après, elles sont rappelées
sous le nom de femmes du grand serpent, qu'elles continuent de
porter toute leur vie.
C'est entre les mains du roi et des grands que réside l'autorité
suprême, avec l'administration civile et militaire. Mais, dans le cas de
crime, le roi fait assembler son conseil, qui est composé de plusieurs
personnes choisies, leur expose le fait et recueille les opinions. Si la
pluralité des suffrages s'accorde avec ses idées, la sentence est
exécutée sur-le-champ. S'il n'approuve pas le résultat du conseil, il
se réserve le droit de juger, en vertu de son pouvoir souverain.
Le roi fit arrêter un jour dans son palais un jeune homme qui s'y
était enfermé en habit de femme, et qui avait obtenu les faveurs de
plusieurs princesses. La crainte d'être découvert lui avait fait prendre
la résolution de passer dans quelque autre pays; mais un reste
d'inclination l'ayant retenu deux jours près d'une femme, il fut
surpris avec elle. Il n'y eut point de supplice assez cruel pour lui
arracher le nom de ses autres maîtresses. Il fut condamné au feu;
mais, lorsqu'il fut au lieu de l'exécution, il ne put s'empêcher de rire
en voyant plusieurs femmes, qui avaient eu de la faiblesse pour lui,
fort empressées à porter du bois pour son bûcher. Il déclara
publiquement quelles étaient là-dessus ses idées, mais sans faire
connaître les coupables par leurs noms. La fermeté et la grandeur
d'âme de ce jeune homme, incapable de trahir ce qu'il avait aimé,
méritaient un meilleur sort; mais ses maîtresses ne méritaient guère
un amant si généreux.
La plupart des autres crimes sont punis par une amende pécuniaire
au profit du roi.
La loi du talion est fort en usage; le meurtre est puni par la mort du
meurtrier, et la mutilation par la perte du même membre. À force de
sollicitations, on obtient quelquefois du roi le changement du dernier
supplice en un bannissement.
Si le roi sort du palais avec ses femmes, elles sont obligées d'avertir
par un cri les hommes qu'elles aperçoivent sur la route: un Nègre
qui sent aussitôt le péril tombe à genoux, se prosterne contre terre,
et laisse passer cette dangereuse troupe sans avoir la hardiesse de
lever les yeux.
Philips observa souvent qu'à l'approche des femmes du roi, tous les
Nègres abandonnaient le chemin. S'ils voyaient un Anglais s'avancer
du même côté, ils l'avertissaient par divers signes de retourner, ou
de se retirer à l'écart. Les Anglais croyaient satisfaire au devoir en
s'arrêtant; ils avaient le plaisir de voir toutes ces femmes qui les
saluaient à leur passage, qui baissaient la tête, qui se baisaient les
mains, et qui faisaient entendre de grands éclats de rire, avec
d'autres marqués de contentement et d'admiration.
Malgré tous les respects que le peuple rend aux femmes du roi, ce
prince les traite lui-même avec peu de considération; il les emploie
comme autant d'esclaves à toutes sortes de services; il les vend aux
marchands de l'Europe, sans autre règle que son caprice; et si l'on
en croit Desmarchais, le palais royal est moins un sérail qu'une de
ces loges que les Français du pays appellent captiveries. Il assure
que, si le roi n'a point d'esclaves dans ses prisons, il ne balance
point à prendre une partie de ses femmes, auxquelles il fait
appliquer aussitôt la marque de la compagnie qui les arrête, et il les
voit partir sans regret pour l'Amérique. Philips confirme ce
témoignage. En 1693, dit-il, faute d'esclaves ordinaires pour en
fournir aux vaisseaux, le roi vendit trois ou quatre cents de ses
propres femmes, et parut fort satisfait d'avoir rendu la cargaison
complète. On ne saurait douter de la vérité de ce récit; cependant
les Hollandais n'ont jamais obtenu de ces cargaisons de reines; et
Bosman, qui était sur la côte vers le même temps, raconte
seulement qu'à la moindre occasion de dégoût, le roi vend
quelquefois dix-huit ou vingt de ses femmes. Il ajoute que ce
retranchement n'en diminue pas le nombre, parce que trois de ses
principaux capitaines ont pour unique office de remplir
continuellement les vides. Lorsqu'ils découvrent une jeune et belle
fille, leur devoir est de la présenter au roi: chaque famille se croit
honorée de contribuer aux plaisirs de son maître: une fille que son
mauvais sort condamne à cet emploi obtient deux ou trois fois
l'honneur d'être caressée par ce prince; après quoi elle est
ordinairement négligée pendant tout le reste de sa vie; aussi la
plupart des femmes sont-elles fort éloignées de regarder le titre de
femme du roi comme une grande fortune; il s'en trouve même qui
préfèrent une prompte mort aux misères de cette condition. Bosman
rapporte qu'un des trois capitaines ayant jeté les yeux sur une jeune
fille, et se disposant à se saisir d'elle pour la conduire au roi,
l'horreur qu'elle conçut pour leur dessein lui fit prendre la fuite: ils la
poursuivirent; mais lorsqu'elle désespéra de pouvoir leur échapper,
elle tourna vers un puits qui se présenta dans sa course, et, s'y étant
jetée volontairement, elle y fut noyée avant qu'on pût la secourir.
Le terroir de Juida est rouge; il est aussi fertile qu'on en peut juger
par les trois moissons qu'il produit annuellement. Cependant les
arbres sont rares sur la côte, jusqu'à ce qu'on ait passé l'Eufrate;
c'est pourquoi l'on regarde comme un grand crime, dans la nation,
de les abattre ou d'en couper même une branche. Ils sont respectés
des Nègres comme autant de divinités. Les étrangers ne sont pas
moins sujets à cette loi que les habitans. Il en coûta cher à quelques
Hollandais pour avoir entrepris un jour de couper un arbre; leurs
marchandises furent pillées, et plusieurs de leurs gens massacrés.
Desmarchais juge que cette consécration des arbres est une
invention politique des rois du pays pour empêcher que le peu qui
en reste ne soit entièrement détruit.
Le pays est rempli de palmiers; mais les habitans ont peu de goût
pour le vin qu'on en tire. Leur bière est une liqueur qu'ils préfèrent
au vin, et la plupart ne cultivent leurs palmiers qu'à cause de l'huile.
Toutes les racines qui croissent sur la côte d'Or croissent avec peu
de culture dans le pays de Juida. Il a les mêmes sortes de blé que la
côte d'Or, et on l'emploie aux mêmes usages.
Les oiseaux les plus extraordinaires du pays ont déjà paru, dans la
description des côtes occidentales de l'Afrique, sous le nom général
d'oiseaux rouges, bleus, noirs ou jaunes. Ils ne sont pas connus
autrement, et leur différence ne consiste que dans l'éclat de leurs
nuances, qui sont un peu plus vives et plus luisantes. À chaque mue,
ces oiseaux changent de couleur; de sorte qu'après avoir été noirs
une année, ils deviennent bleus ou rouges l'année suivante, et
jaunes ou verts l'année d'après. Leurs changemens ne roulent
jamais qu'entre cinq couleurs, et jamais ils n'en prennent plus d'une
à la fois. Le royaume de Juida est rempli de ces charmans animaux;
mais ils sont d'une délicatesse qui les rend fort difficiles à
transporter.
D'Elbée parle d'une coutume fort bizarre. Une femme mariée qui se
prostitue à un esclave devient elle-même l'esclave du maître de son
amant, lorsque ce maître est d'une condition supérieure à celle du
mari; mais, au contraire, si la dignité du mari l'emporte, c'est
l'adultère qui devient son esclave.