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Il y avait pourtant une partie du Poitou qui n'avait guère paru dans
l'histoire, que l'on connaissait peu et qui s'ignorait elle-même. Elle
s'est révélée par la guerre de la Vendée. Le bassin de la Sèvre
nantaise, les sombres collines qui l'environnent, tout le Bocage
vendéen, telle fut la principale et première scène de cette guerre
terrible qui embrasa tout l'Ouest. Cette Vendée qui a quatorze
rivières, et pas une navigable[33] pays perdu dans ses haies et ses
bois, n'était, quoi qu'on ait dit, ni plus religieuse, ni plus royaliste
que bien d'autres provinces frontières, mais elle tenait à ses
habitudes. L'ancienne monarchie, dans son imparfaite centralisation,
les avait peu troublées; la Révolution voulut les lui arracher et
l'amener d'un coup à l'unité nationale; brusque et violente, portant
partout une lumière subite, elle effaroucha ces fils de la nuit. Ces
paysans se trouvèrent des héros. On sait que le voiturier Cathelineau
pétrissait son pain quand il entendit la proclamation républicaine; il
essuya tout simplement ses bras et prit son fusil[34]. Chacun en fit
autant et l'on marcha droit aux bleus. Et ce ne fut pas homme à
homme, dans les bois, dans les ténèbres, comme les chouans de
Bretagne, mais en masse, en corps de peuple et en plaine. Ils
étaient près de cent mille au siège de Nantes. La guerre de Bretagne
est comme une ballade guerrière du border écossais, celle de
Vendée une iliade.
Les vieilles races, les races pures, les Celtes et les Basques, la
Bretagne et la Navarre, devaient céder aux races mixtes, la frontière
au centre, la nature à la civilisation. Les Pyrénées présentent partout
cette image du dépérissement de l'ancien monde. L'antiquité y a
disparu; le moyen âge s'y meurt. Ces châteaux croulants, ces tours
des Maures, ces ossements des Templiers qu'on garde à Gavarnie, y
figurent, d'une manière toute significative, le monde qui s'en va. La
montagne elle-même, chose bizarre, semble aujourd'hui attaquée
dans son existence. Les cimes décharnées qui la couronnent
témoignent de sa caducité[65]. Ce n'est pas en vain qu'elle est
frappée de tant d'orages; et d'en bas l'homme y aide. Cette profonde
ceinture de forêts qui couvraient la nudité de la vieille mère, il
l'arrache chaque jour. Les terres végétales, que le gramen retenait
sur les pentes, coulent en bas avec les eaux. Le rocher reste nu;
gercé, exfolié par le chaud, par le froid, miné par la fonte des
neiges, il est emporté par les avalanches. Au lieu d'un riche
pâturage, il reste un sol aride et ruiné: le laboureur, qui a chassé le
berger, n'y gagne rien lui-même. Les eaux qui filtraient doucement
dans la vallée, à travers le gazon et les forêts, y tombent maintenant
en torrents, et vont couvrir ses champs des ruines qu'il a faites.
Quantités de hameaux ont quitté les hautes vallées faute de bois de
chauffage, et reculé vers la France, fuyant leurs propres
dévastations[66].
Cette poétique Provence n'en est pas moins un rude pays. Sans
parler de ses marais pontins, et du val d'Olioulles, et de la vivacité
de tigre du paysan de Toulon, ce vent éternel qui enterre dans le
sable les arbres du rivage, qui pousse les vaisseaux à la côte, n'est
guère moins funeste sur terre que sur mer. Les coups de vent,
brusques et subits, saisissent mortellement. Le Provençal est trop vif
pour s'emmailloter du manteau espagnol. Et ce puissant soleil aussi,
la fête ordinaire de ce pays de fêtes, il donne rudement sur la tête,
quand d'un rayon il transfigure l'hiver en été. Il vivifie l'arbre, il le
brûle. Et les gelées brûlent aussi. Plus souvent des orages, des
ruisseaux qui deviennent des fleuves. Le laboureur ramasse son
champ au bas de la colline, ou le suit voguant à grande eau, et
s'ajoutant à la terre du voisin. Nature capricieuse, passionnée, colère
et charmante.