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CHAPITRE XVII.
CHAPITRE XVIII.
CHAPITRE XIX.
CHAPITRE XX.
CHAPITRE XXI.
«Serait-il possible que l'être le plus parfait se fût laissé séduire par
les agréments frivoles d'un homme incapable d'aimer; tant de
beauté, de qualités célestes, deviendraient le partage d'un cœur
égoïste? et celui que le plus pur amour anime, n'obtiendrait pas
même un souvenir! Non, sur ce fait, je n'en croirai que vous; s'il est
vrai que l'insensibilité, l'ironie, enfin toutes les vertus d'un fat, aient
le don de vous plaire, je ne dois plus rien adorer au monde, et vous
me verrez fuir désespéré, comme le malheureux dont un profane
vient de renverser l'idole.»
Le ton de ce billet offensa Valentine, et, sans pitié pour le sentiment
qu'il exprimait, elle ne vit que l'injustice de vouloir dicter des lois
sans s'exposer à en recevoir.
Puisqu'un obstacle que j'ignore, pensa-t-elle, doit me priver
éternellement du plaisir de le voir, de quel droit m'imposerait-il le
sacrifice des soins qu'un autre peut m'offrir? Certes, je n'encourage
pas ceux du chevalier, et ne cache pas même assez à quel point je
les redoute; mais si des motifs qui me sont personnels m'engagent à
détruire ses espérances, je n'en veux recevoir l'ordre de personne.
C'est ainsi que la fierté de Valentine s'indignait de l'empire
qu'Anatole se croyait déja sur elle. Tant de despotisme lui semblait
autorisé par la faiblesse qu'elle avait eue de recevoir ses lettres
après l'aveu qu'il avait osé lui faire, elle se reprochait même d'avoir
répondu à la première, et plus encore, de s'être laissée tromper par
l'apparence de cette respectueuse soumission qui paraissait devoir la
rassurer sur tous les sentiments d'Anatole. Cependant elle aurait
bien voulu accorder les intérêts de son cœur et ceux de sa dignité;
mais son imagination chercha vainement un moyen d'instruire
Anatole de l'indifférence que lui inspiraient tous les agréments du
chevalier, sans qu'elle fût obligée de se justifier elle-même du tort de
le trouver aimable.
Une visite du commandeur vint très-à-propos la tirer de cet
embarras. Il s'aperçut bientôt du ressentiment qu'elle tâchait de
dissimuler, et sans en demander la cause, il s'amusa à la deviner; il
parla d'abord des folies de madame de Nangis, comme d'un sujet
très-propre à donner de l'humeur; mais Valentine se mit à excuser la
comtesse avec tant de douceur et d'indulgence, que le commandeur
se dit: Non, ce n'est pas cela: et il passa au chevalier d'Émerange.
Valentine ne laissa point échapper cette occasion de lui avouer
combien elle était contrariée du bruit qui se répandait dans le monde
sur son prétendu mariage avec le chevalier; elle entra dans tous les
détails qui devaient le mieux convaincre M. de Saint-Albert, du peu
de succès du chevalier auprès d'elle, et comme elle en parlait
naturellement et sans dépit, le commandeur se dit: Ce n'est pas
encore cela. Après avoir tenté aussi inutilement plusieurs autres
épreuves, il pria Valentine de lui montrer ce fameux jasmin dont
madame de Réthel raffolait, et qu'elle prétendait être plus beau que
celui de la princesse de L...—Je suis charmée qu'il lui plaise autant,
répondit Valentine, avec un empressement extraordinaire, je vais le
faire porter chez elle. En disant ces mots, elle sonna pour en donner
l'ordre, et mit tant de vivacité dans ce mouvement, que le
commandeur soupçonna qu'il était l'effet d'une résolution pénible; il
assura que madame de Réthel ne consentirait jamais à causer tant
de chagrin à celui qui lui avait offert ce bel arbuste.—Vraiment, reprit
Valentine, en affectant un air gai que l'inflexion de sa voix
démentait; en le donnant, je ne fais d'injure à personne, car j'ignore
à qui je le dois.—Et moi, je le sais, répliqua le commandeur; et c'est
au nom de l'amitié que je vous prie de le conserver. Ma nièce saura
l'aimable intention que vous aviez de lui faire ce joli présent; un
autre l'apprendra peut-être aussi, cela doit suffire à votre
vengeance. En finissant ces mots, M. de Saint-Albert quitta madame
de Saverny, et la laissa confondue de se voir ainsi devinée; mais il rit
en lui-même du succès de sa petite ruse. En se rappelant les soins
de Valentine à lui prouver qu'elle n'aimait point le chevalier, son
agitation au premier mot qu'il lui avait adressé sur un sujet relatif à
Anatole, et le dépit qu'elle avait montré en sacrifiant un présent
qu'elle croyait tenir de lui, il présuma que quelques reproches dictés
par la jalousie avaient excité cette grande colère; et il se dit: Pour le
coup, c'est cela.
CHAPITRE XXII.