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Newcastle University

School of Modern Languages

Making space in language:

Non binary approaches to gendered language

Date of submission: 1st May 2019

Word Count: 3,298


1. Introduction 2

2. Les développements linguistiques dans la langue française 2

3. Non binaire 4

4. Autres études 5

5. Méthodologie 6

6. Résultats 9

7. Analyse 12

8. Conclusion 15

Appendix - A 16

Bibliographie 18

1
Le genre prend plus de place qu'il ne devra, on devrait

s'intéresser à la personne plus qu'à son genre.

- un.e répondant.e

1. Introduction

Les langues romanes, constituées d’un système grammatical de deux genres, renforcent

l’idée que l’on doit être soit homme soit femme, sans qu'il n'y ait de place pour quelque

autre identité. Ces langues « implicitly support biologically-driven dichotomies where

gender is reduced to a binary system » (A.J.Shroy 2017:3). Cependant, des recherches

menées au cours des années précédentes dans ce domaine montrent qu’il existe des élé-

ments de langage neutre au sein des langues genrées (AJ Shroy, 2017; Hord, 2016; El-

leau V, 2016) et qu’ils prospèrent dans leurs communautés. Le but de cet essai est d’ex-

plorer le fait que ceux qui ne s’identifient pas dans les limites imposées par le système

des deux genres de la langue française peuvent se frayer un chemin à travers un langage

restrictif à l'égard du genre, et créer leur proper espace.

2. Les développements linguistiques dans la langue française

Les changements dans la langue française ne sont jamais pris à la légère, l'évolution

n'est presque jamais faite sans critique. L’Académie Française a pour mission d'agir en

tant qu'autorité officielle de la langue française, mais en raison du manque de diversité

parmi les membres de l'Académie (âge moyen de 80 ans (Burke, 2008), et sur 718

membres actuels et anciens, 6 étaient des femmes (http://Wikigender.org, n.d.)), la

langue utilisée parmi les francophones diffère de celle qui est officiellement approuvée.

2
Cette année, l’Académie Française a ouvert ses portes à la féminisation des noms de

métiers, ce qui a permis de s'éloigner de la forme masculine comme seule option pu-

isque les féministes se sont battues pour l’obtenir. L’Académie l’a décrite comme ’une

évolution naturelle de la langue’, (http://Academie-francaise.fr, 2019) mais c’est sans

doute que cette modification aurait dû avoir lieu beaucoup plus tôt. En comparaison, la

langue Suèdoise a un pronom neutre officiel depuis 2015, 4 ans avant même la fémini-

sation des métiers en France, ce qui a ensuite conduit à la création d'écoles genre

neutres. En anglais, ceux qui ne s’identifient ni comme femme ni comme homme peu-

vent choisir d’utiliser le pronom à la 3ème personne « they », comme un pronom neutre.

Bien que ce soit le pronom neutre le plus commun, il y en a d'autres qui existent tel que

ze, hir, s/he (Hord), et ne, ve, ey, and xe (citylabs).

Ces changements linguistiques sont cruciaux - une langue vivante est vivante, et ce sont

ses utilisateurs de la langue qui dirigent son développement, qui créent de nouveaux

mots pour de nouveaux concepts afin que nous soyons capables d'en parler. Ce n'est pas

que la langue française soit trop compliquée pour inclure des changements liés aux

questions LGBT, comme les pronoms non binaires que nous étudierons par la suite,

mais cela reflète plutôt une réticence à la reconnaissance officielle. Ces développements

linguistiques existent et sont en plein essor.

3
3. Non binaire
Une personne non binaire est défini comme « une personne qui ne se sent pas en accord

avec les catégories de genre binaires « homme » ou « femme » et préfère une autre iden-

tité de genre non-binaire » (Infotransgenre.be, 2019). Ne pas s’identifier en tant

qu’homme ou femme ne mène pas à une identité singulière, mais plutôt à une

différenciation par rapport aux 2 genres « officiels ». Pour cet essai le définition de non

binaire est en dehors du binaire homme / femme, et le langage non genré sera le langage

neutre, mais il convient de prendre en compte l’échelle de non binaire qui diffère pour

chaque personne. Il est également important de noter que le langage neutre n’est pas une

option neutre, choisir de parler au neutre n’est pas un choix neutre, mais plutôt une op-

tion expressive de rejet du système binaire.

Pour ces personnes qui s’identifient comme non binaire, même le simple acte de parler

est difficile. Ils se retrouvent non seulement face à un choix entre masculin et féminin,

mais aussi doivent faire face à l’expression explicite de leur proper genre chaque fois

qu’ils parlent; ainsi, soit ils font un coming out, même si c’est pas du tout lié au sujet

dont ils parlent, soit ils se mégenrent, ce qui est considéré aussi nocif qu’un acte de vio-

lence (officiellement au Canada avec le loi Bill C-16, 2016). (laws-lois.justice.gc.ca)

C’est une question d’authenticité de soi, « les langues à genre imposent à leur locu-

teur·rice·s une dichotomie du genre dans laquelle certaines personnes ne peuvent se re-

connaître », (Elleau 2016:50) qui entraîne d'autres problèmes, telle que « making it

much more difficult for other people to even conceive of non-male/non-female persons,

much less recognise their existence or respect their personhood » (A.J Shroy 2017:4).

4
Le déni d'existence ne fait que rendre les choses plus difficiles pour ces personnes, ce

qui montre à quel point il est important d'être ouvert aux changements linguistiques et

aux éléments de langage non standard utilisées par ces personnes.

En dehors du langage, nous pouvons nous pencher sur un développement juridique ré-

cent en France : un troisième genre a été reconnu par le tribunal. Toutefois il a été cri-

tiqué pour son manque de flexibilité car il ne s’appliquait qu’aux personnes intersexes,

et non aux personnes non binaires. La nouvelle catégorie, appelée « genre neutre », ne

couvre que les personnes nées avec des organes génitaux ambigus, qui représentent

seulement environ 0,05 à 0,06 % de la population mondiale. Malgré ce constat, cela

montre que le changement est réalisable dans la société actuelle et que nous ne devrions

pas être découragés par ceux qui prétendent que le français est trop compliqué pour

faire de la place aux identités LGBT+.

4. Autres études
Les études précédentes ont démontrées que la communauté LGBT+ pratique déjà une

utilisation non standardisée des pronoms. Par exemple une étude en 1997 mênée par G.

Pastre a dévoilé que tous les hommes homosexuels interrogés avaient déjà entendu le

[pronom] féminin utilisé par d'autres hommes homosexuels en référence à eux-mêmes

et aux autres. (G Pastre 1997: 371) Une étude menée par A.J Shroy en 2017 a examiné

le langage neutre utilisé par des francophones non binaires sur Twitter, a attiré l’atten-

tion sur la grande diversité des formes non standard utilisés par les utilisateurs non bi-

naire et agenre, telles que les formes neutres des suffixes inflexionnels, comme par ex-

emple -æ (fatiguæ), -euxe (heureuxe), et -euxse (heureuxse). Il y a déjà eu des tentatives

5
d’officialiser un pronom neutre en français, notamment par Alpharatz, qui a écrit le ro-

man Requiem avec le pronom « al » et une grammaire du français inclusif afin « d’évi-

ter de reproduire une vision androcentrique, binaire et discriminante du monde » (Al-

pharatz 2018: 1), ce qui suggère une stabilisation du langage neutre. Nous verrons si

ceci est un reflet exact de ce qui se passe dans les communautés non binaires en France

en ce moment, ou si le langage de ces communautés évolue séparément par rapport à

ces règles suggérées.

Une étude menée par Hord (2016), bien qu’elle soit porté sur plusieurs langues et des

locuteurs bilingues, a reçu un très faible taux de réponse de la part des francophones

(6% des 182 répondants). Cependant, certaines informations sur les pronoms ont été re-

cueillies, « les répondants français ont déclaré avoir entendu iel/iel/ciel, ille/luille/cille,

O, yel, je, et on/soi pour les pronoms, chacun une fois seulement. » Les commentaires

laissés par ces répondants étaient néanmoins remarquables, liant une forte réponse émo-

tionnelle à ce genre de langage. Un.e a déclaré « gender-neutral language in French is

next to impossible » (Respondent 96) et un.e autre que « I’m constantly misgendered, or

I’m misgendering myself in order to be understood » (Respondent 171).

5. Méthodologie
Les questions de recherche étaient donc : quelles sont les éléments de langage non

standard, conçu pour être neutre, utilisés par les personnes non binaires ? En quelle situ-

ation sont-ils utilisés et à quelle récurrence ? Par rapport aux études précédentes, con-

state-t-on des signes de standardisation vers une seule forme neutre ?

6
Compte tenu de ces études précédentes, j’ai choisi de poser les questions directement

aux francophones non binaires, plutôt que d'être limité en m'appuyant sur l'écriture à la

première personne comme des tweets. Le questionnaire étant anonyme, cela augmentera

aussi l'honnêteté des réponses et sera moins susceptible d’être une « action performative

» qui vient automatiquement avec le « persona en ligne ».

Pour mes propres recherches, j’ai créé un questionnaire sur google forms comprenant 15

questions. Le questionnaire est 100% anonyme afin de protéger les participants et de re-

cueillir les données les plus précises, précisant que le questionnaire ne s'adressait qu'à

ceux qui s'identifient comme non binaires. Je comprends que le fait de poser des ques-

tions sur le genre soit très personnel et puisse être considéré comme une intrusion, il

n'était donc pas obligatoire de répondre à toutes les questions.

Le questionnaire était accessible du 15 mars 2019 au 15 avril 2019 et a reçu 127 ré-

ponses. Comme le nombre de personnes qui s'identifient comme non binaires n’est pas

très élevé, j'ai trouvé plus efficace de contacter des associations et des personnes spéci-

fiques plutôt que de poster le questionnaire en ligne et d'espérer qu’il tombe entre les

mains de personnes non binaires. Pour autant, il a été partagé en ligne par moi-même,

puis re-partagé par d'autres membres de la communauté non binaire. Basée à Bordeaux,

je me suis concentrée sur les groupes LGBT+ de la ville, étant donné que les personnes

non binaire étant probablement et hypothétiquement membres de ces groupes. Je leur ai

envoyé le questionnaire par e-mail pour qu'elles le partagent avec leurs membres ou sur

leur page Facebook. En dehors des associations LGBT+, j'ai demandé à des franco-

phones sur Twitter qui avaient écrit « non binaire » dans leur profil bio, en utilisant

7
https://followerwonk.com pour les trouver. J'ai choisi d'utiliser principalement les mé-

dias sociaux étant donné qu’ils sont souvent à l'avant-garde du développement du lan-

gage, pour de nombreuses raisons. Par exemple, les gens peuvent discuter entre eux de

façon anonyme et sans obstacles imposés par la distance. J'ai choisi Facebook pour son

accessibilité aux groupes et aux communautés en ligne. Il est connu que Facebook offre

50 pronoms différents à choisir, avec l'espoir que cela permettra à « bring the identity or

concept of alternate gender identities into the mainstream ». (Anwar 2015)

Les réponses qui pouvaient être catégorisées ont été analysées qualitativement et quanti-

tativement. Les questions nécessitant une réponse écrite ont été analysées et classées se-

lon la réponse du sondé.

Je ne m’attendais pas à trouver une seule solution à la question du langage neutre,

comme le genre est sur un spectre, mais plutôt une variation des tendances des caracté-

ristiques linguistiques qui sont actuellement utilisées. Nous pouvons aussi constater une

préférence pour « il », parce que le masculin est considéré comme la forme neutre

avant la féminisation, « le masculin se voit conférer une valeur générique, notamment

en raison des règles du pluriel qui lui attribuent la capacité de désigner les individus des

deux sexes et donc de neutraliser les genres. » (La Commission générale de terminolo-

gie et de néologie: 1998)

8
6. Résultats
L'utilisation générale des pronoms était la suivante :

Il 28 22,4%

Elle 25 20%

Autre 53 42,4%

Il + Elle 19 15,2%

Figure 1. Les données quantitatives de la question 1 : Quand les gens se réfèrent à vous, quel(s)
pronom(s) voulez-vous qu'ils utilisent ?

Les 53 répondants qui ont répondu Autre ont précisé leur pronoms comme la suivante :

Iel 18

Il ou iel 11

Elle ou iel 3

Il, elle ou iel 7

Figure 1b. Les données quantitatives de la question 1 : Quand les gens se réfèrent à vous,
quel(s) pronom(s) voulez-vous qu'ils utilisent ?

Les pronoms suivants étaient de 1 réponse chacun, il ou æl, yel, al-lel, al, ael ou iel, ull,

ielle, il ou ael, il ou ol et il y a eu 5 non-réponses.

En réponse à la récurrence de l’utilisation de ces pronoms, la réponse était la suivante :

manière récurrente (49,6%) et ça change dans certaines situation ou avec certaines per-

sonnes (50,4%).

9
Lorsqu'on leur a demandé si leur famille utilise ce pronom pour eux la réponse était :

Oui 22,0%

Non 29,1%

Oui mais pas toujours 20,5%

Je ne les ai pas demandé 28,3%

Figure 2. Les données quantitatives de la question 3 : Est-ce que votre famille utilise ce pronom
pour vous ?

En comparaison, le pourcentage pour les amis utilisant ces pronoms était de :

Oui 52,8%

Non 2,4%

Oui mais pas toujours 36,2%

Je ne les ai pas demandé 8,7%

Figure 3. Les données quantitatives de la question 4 : Est-ce que vos ami.e.s utilisent ce pronom
pour vous ?

À la suite de ceci, 88,9% des répondants ont répondu qu’ils utilisent ce pronom en

ligne, et que 56% utilisent ce pronom plus souvent en ligne que dans la « vraie vie »,

26,2% ont dit moins souvent, et 12,71% ont affirmé qu’ils l’utilisent à la même

fréquence.

Lorsqu'on leur demande si le langage genré les importune dans la vie quotidienne, 13%

répondent que non, et les autres répondants disent oui, à des degrés divers. 7% ont dit

qu’ils ne pensent pas être en mesure de mieux s’exprimer avec une langue neutre, et le

reste donnent une réponse mitigée entre oui et probablement.

10
Les répondants ont cité ces moyens pour éviter de rendre leur genre explicite, princi-

palement dans les tournures de phrase. Ensuite, afin d'éviter de mégenrer quelqu'un, les

réponses les plus courantes étaient les suivantes : demande à la personne ses pronoms,

écoute la personne qui parle de soi-même, utilise le pronom iel, et parle au neutre.

Les pronoms neutres les plus connus parmi les répondants était :

Iel 95,2%

Yel 57,1%

Al 37,3%

O 11,9%

Ciel 9,5%

luille 6,3%

Cille 4,8%

Aucun 12,8%

Figure 4. Les données quantitatives de la question 11 : Avez-vous déjà entendu ces pronoms ?

D'autres pronoms neutres en usage ont été cités comme : ael (11 fois), ol (11 fois), ul

(11), ae, on, aelle, yelle, ielle (4), yul, elleux, celleux (3), et ellui, i, cellui, lae, um, im,

aelle, ael.le, eu, oi, ui une seule fois respectivement. 4,1% des répondants n’avaient

jamais utilisé un de ces pronoms soit pour eux-mêmes ou soit pour quelqu’un d’autre.

Interrogés sur les accords des adjectifs, 40,3 % des répondants ont dit qu'ils les utili-

saient de façon incohérente. (Réponse sur le questionnaire : Ça change).

Pour voir si ces répondants ont adopté d’autre pratiques linguistiques inclusive, on leur

a demandé s’ils utilisent l’écriture inclusive :

Oui mais pas tous les 48,0%


temps

11
Oui 31,5%

Non 8,7%
Figure 5. Les données quantitatives de la question 14 : Utilisez-vous l’écriture inclusive quand
vous écrivez ?

Pour terminer, 70% des répondants a affirmé que leur genre à la naissance était femme,

25% homme, et 4,1% des répondants ne souhaitaient pas répondre.

7. Analyse
En regardant les résultats, nous pouvons arriver à quelques conclusions : le langage neu-

tre utilisé est très varié, la manière d’utilisation change et on l’emploie davantage dans

les « safe spaces », mais cela ne signifie pas nécessairement toujours avec des amis.

Malgré la variation, nous pouvons examiner de plus près certaines tendances. Étant

donné que l’usage de pronoms non standard ainsi que l’usage non standardisé de l’il et

l’elle était au même pourcentage que l’usage singulier de l’il ou de l’elle, on peut con-

clure que les francophones non binaire sont sensible à une utilisation non standardisée

des pronoms en se référant à eux-mêmes.

Le pronom neutre le plus commun était iel, mais ce résultat ne signifie pas nécessaire-

ment qu’il est en train de devenir le seul pronom neutre, vu que l’identité non binaire a

une fausse singularité; le genre est sur un spectre et il y a différents niveaux et connota-

tions de non binarité pour chaque individu non binaire. Il est donc plus important de no-

ter la variation des pronoms dans les résultats, peut-être dans d'autres recherches pour

examiner les connotations des différents pronoms neutres par rapport aux différents

genres non binaires.

12
À ceci s’ajoute que Al n’est apparu qu’une seule fois quand on leur a demandé s’ils ont

déjà utilisé ce pronom pour eux-même ou une autre personne, malgré les 37,3% de ré-

pondants ayant reconnu avoir déjà entendu ce pronom - ce qui montre un écart entre la

grammaire neutre « prescrite » par Alpharatz, et le langage neutre qui est utilisé par la

communauté non binaire en 2019.

En outre, le niveau auquel leurs pronoms choisis sont utilisés par leur famille était faible

(22%) tandis que 28,3% des répondants n’ont pas demandé à leur famille d’utiliser leur

pronom choisi. Cela montre une différence au niveau de l'utilisation selon le public,

puisque les niveaux ont atteint jusqu'à 88,9% pour répondants qui utilisent leur pronom

choisi en ligne et 52,8% des répondants l’utilisent avec leurs ami.e.s. 68,71% ont af-

firmé utiliser leur pronom choisi « plus souvent » ou « pareil » en ligne que dans la vrai

vie, ce qui correspond à la théorie selon laquelle, dans la société française, le langage

non binaire n’est pas considérée comme légitime par certaines personnes, et que ce lan-

gage est trouvé plus souvent dans des espaces où les répondants se sentent à l’aise. Ceci

s’aligne avec ce que les chercheurs de Queerly Phrased ont trouvé : ces formes de lan-

gage sont presents dans les « lieux gays » qui ce sont développé aujourd’hui en commu-

nautés en ligne.

Un.e répondant.e a exprimé un mal-être face à ces nouvelles caractéristiques linguis-

tiques, « c'est frustrant car cela empêche les gens de comprendre que le genre n'est pas

binaire et on ne peut pas parler de soi sans inventer des mots et par conséquent, on ne

nous prend pas au sérieux. »

De ce fait, les participants ont trouvé des moyens de contourner les règles linguistiques

de la langue française. Par exemple, les participants ont cité les tournures de phrase

13
comme « je suis quelqu’un de gentil » « je suis une personne gentille » au lieu de « je

suis gentil.le » ce qui montre les possibilités déjà présente. Voici d’autres exemples :

Je joue aussi avec les "e" muets à l'oral ("je suis ravi.e" plutôt que "con-

tent.e" car on n'a pas à prononcer la partie genrée du terme)…

Toutefois, lorsque la flexibilité est impossible, les répondants ont fait part des senti-

ments suivants : de la trahison et la perte d’identité à l'égard du langage genré, montrant

des conséquences psychologiques :

Ça me renferme toujours dans un genre, et m'empêche de m'exprimer souvent.

C'est dur de parler de soi quand il vous faut choisir entre le il et le elle

Je ne tiens pas à me outer devant ma famille, mais c’est du coup ultra violent

pour moi de me genrer au féminin en leur parlant. Si la langue était

neutre, ma famille ne remarquerait rien.

je ne m’y reconnais pas

En dépit de 7% des répondants qui disent qu’un langage neutre ne leur serait pas utile;

ils comprenaient ceux qui se considèrent à la fois comme femme et homme, ceux qui se

placent au sein de la binarité, et ceux qui se sont habitués au langage genré en créant de

l’espace pour eux-mêmes. Par exemple, un.e répondant.e a expliqué qu’il / elle gère

avec succès, « j’ai parlé de moi au neutre le plus possible dans un contexte profession-

nel pendant 2 ans. »

14
Il y a eu 5 réponses mentionnant une préférence pour d’autres langues qui sont plus neu-

tre, comme l’anglais et le chinois. Ces personnes croient que leur propre propre langage

n’est pas en mesure de leur fournir la capacité d’expression dont ils ont besoin.

8. Conclusion
Pour conclure, les résultats montrent bien qu’une standardisation complète du langage

non binaire n’a pas été atteint. Il y a des preuves que certains éléments sont beaucoup

plus utilisés que d’autres, notamment le pronom iel. Espérons que cette recherche

mènera à des recherches complémentaires pour mieux éclairer la situation du langage

neutre ; par exemple, il serait pertinent d’enquêter si les pronoms neutre utilisés ont des

liens avec différents identités non binaires, ce qui serait une théorie à expliquer la man-

que de standardisation dans les éléments de langue. Ayant montré les conséquences psy-

chologiques ainsi que les développements linguistiques qui s’affirment en dehors de la

langue officielle approuvée, nous devons réaliser l’importance de ce sujet d'un point de

vue linguistique dans l'espoir d’une évolution de la langue française mais également

pour que celle-ci reste un moyen d’expression identitaire de certains groupes Franco-

phones.

15
Appendix - A
Bonjour,

Dans le cadre d'une étude universitaire en LEA, j’ai réalisé un questionnaire concernant

comment ceux qui s'identifient comme non binaires utilisent une langue genrée comme

le français. Si vous si vous vous identifiez comme non binaire et pouvez prendre le

temps d'y répondre, ça pourrait beaucoup aider. Ca ne vous prendra que 5 minutes.

Seul les gens qui s’identifier comme non binaire doivent répondre à ce questionnaire.

C'est un questionnaire anonyme.

Merci !

1. Quand les gens se réfèrent à vous, quel(s) pronom(s) voulez-vous qu'ils utilisent ?

Il / Elle / Autre (avec "autre", il y a toujours la possibilité d'écrire une réponse)

2. Utilisez-vous ce(s) pronom(s) de manière récurrente ? Ou seulement dans cer-

taines situations ou avec certaines personnes ?

Manière consistante / Ça change

3. Est-ce que votre famille utilise ce pronom pour vous ?

Oui / Non / Oui mais pas toujours / Je ne les ai pas demandés

4. Est-ce que vos ami.e.s utilisent ce pronom pour vous ?

Oui / Non / Oui mais pas toujours / Je ne les ai pas demandés

5. Est-ce que vous utilisez ce pronom en ligne ?


16
Oui / Non

6. Si vous avez répondu oui à la question précédente, l'utilisez-vous plus souvent en

ligne que dans la "vraie vie" ?

Oui / Non

7. Que pensez-vous du langage genré ? Est-ce que cela vous embête dans la vie quo-

tidienne ?

8. Pensez-vous que vous seriez plus en mesure de vous exprimer ou de mieux vous

identifier avec une langue neutre ?

9. Avez-vous un moyen d'éviter de rendre votre propre genre explicite ? (c.-à-d. pas

de mots féminisants, mots féminisants de façon incohérente etc)

10. Comment évitez-vous de supposer le genre d'une personne / lui attribuer un genre

si vous ne connaissez pas ses pronoms ?

11. Avez-vous déjà entendu ces pronoms ?

iel / ciel / ille / luille / cille / o / yel / al / aucun / autre

12. Avez-vous déjà utilisé l'un de ces pronoms ? (pour vous-même ou pour quelqu'un

d'autre) Si oui, lequel ?

13. Utilisez-vous des adjectifs au masculin ou au féminin ? (i.e. je suis contente)

Féminin / Masculin / ça change

17
14. Utilisez-vous l'écriture inclusive quand vous écrivez ?

Oui / Non / Oui, mais pas toujours

15. Quel est votre sexe assigné à la naissance ? (afin de vérifier toute corrélation dans

les données)

Femme / Homme / Intersexe / Je ne veux pas répondre à cette question

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