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Agathon, Euripide et le thème de la ΜΙΜΗΣΙΣ dramatique dans les ''Thesmophories'' d'Aristophane PDF
Agathon, Euripide et le thème de la ΜΙΜΗΣΙΣ dramatique dans les ''Thesmophories'' d'Aristophane PDF
Saetta Cottone Rossella. Agathon, Euripide et le thème de la ΜΙΜΗΣΙΣ dramatique dans les Thesmophories d'Aristophane. In:
Revue des Études Grecques, tome 116, Juillet-décembre 2003. pp. 445-469;
doi : https://doi.org/10.3406/reg.2003.4546
https://www.persee.fr/doc/reg_0035-2039_2003_num_116_2_4546
Abstract
The aim of this article is to understand the role of Agathon's character, as part as Euripide's parody as
developed in the Thesmoporiazusae. The original hypothesis is that the dramatical dialectics between
Agathon and Euripides reproduces intentionally the plot of the Acharnions, where the comic hero uses
the disguise given by Euripides to achieve his plans. Behind this evocation of the Acharnions, we may
detect the strong connection in the invention of both plays : indeed, the plot of the Thesmophoriazusae
— the trial of the women against Euripides' insults — really seems inspired by the theme of the
proceedings, as mentioned in the Acharnians, that Cleon the demagogue would have instituted against
Aristophanes, because of his insults towards the City. Aristophanes' parody would then refer to
Euripides realism : his interpretation of traditional myths is so close to everyday life that it might be
represented as a form of civic violence, comparable to the one of Aristophanes. The comic solution to
the legal proceedings in the Thesmophoriazusae would then come from tragedy, just as in the
Acharnians.
Rossella SAETTA COTTONE
DE LA ΜΙΜΗΣΙΣ DRAMATIQUE
DANS LES THESMOPHORIES
D'ARISTOPHANE*
5 Ainsi, selon F. Muecke, «A portrait of the Artist...», op. cit., p. 43, dans les
Thesmophories l'épisode du déguisement est nécessaire au progrès de l'action, mais
il n'ajoute pas grand chose au portrait d'Agathon, qui est dessiné tout au long du
prologue, tandis que dans les Acharniens il constitue le centre de la parodie d'Euripide.
Elle indique comme deuxième élément distinctif de notre prologue vis-à-vis du
précédent des Acharniens le fait qu'ici les deux protagonistes, arrivés pour demander
une faveur au poète tragique, commencent par se cacher et par espionner le serviteur
qui prie et sacrifie, et qui est sorti de la maison indépendamment d'eux. La
construction de cette action, unie à l'utilisation de mots typiquement tragiques, suggère
un parallèle avec la tragédie (voir, par exemple, Eschyle, Choéphores 20 ss), et
servirait ici à introduire la parodie d'Agathon (aux pp. 42-43 de son article, l'auteur
résume la discussion savante sur ce point).
6 Une scholie (Schol. Aristoph. Ach. 378 Wilson) nous informe du procès que
Cléon aurait intenté contre Aristophane à la suite de la représentation des Babyloniens.
À partir de cette scholie et des nombreuses allusions à l'inimitié entre Aristophane
et Cléon, disséminées dans les Acharniens (w. 377-382, 502-503, 515-516, 659-664),
plusieurs commentateurs ont pensé que dans les anapestes de la même comédie
Aristophane voulait se défendre ouvertement contre les accusations du démagogue.
Voir à ce propos les notes au vers 642 dans les commentaires de F.H.M. Blaydes,
W.J.M. Starkie et A.L. Sommerstein (tout particulièrement son Introductory note).
Un examen systématique des données historiques traditionnellement invoquées pour
expliquer le texte a été proposé par F. Perusino, Dalla commedia attica alla commedia
di mezzo. Tre studi su Aristofane, Urbino, 1986. En ce qui concerne la reconstruction
des Babyloniens, dont nous possédons peu de fragments, je renvoie à l'étude récente
de L. Fois, « I Babilonesi aristofanei : problemi interpretativi di una commedia
politica», Lexis 16, 1998, pp. 113-121.
7 L'expression récurrente dans la comédie pour définir le langage d'Euripide
est κακά (κακώς) λέγειν-άκούειν, comme l'a souligné W. Rosier, « Escrologia ed
intertestualità », Lexis 13, 1995, pp. 117-128. L'auteur avance l'hypothèse, que je
partage, qu'il s'agirait là d'un vrai thème comique, dont la signification est importante
pour l'interprétation de la pièce dans son ensemble.
8 Je renvoie à ce propos à mon étude sur le thème comique des Thesmophories :
« Euripide, il nemico délie donne. Studio sul tema comico délie Tesmoforiazuse di
Aristofane », à paraître dans Lexis.
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9 Voir à ce propos les développements de X. Riu, « Gli insulti alla polis nella
parabasi degli Acarnesi », Quaderni Urbinati di Cultura Classica, n.s. 50, 1995, pp. 59-66.
10 Comme A.M. Bowie l'a remarqué (« The Parabasis in Aristophanes :
Prolegomena, Acharnians », Classical Quarterly 32 [1], pp. 27-40), les renvois internes qui
relient la parabase des Acharniens au discours mené par Dicéopolis dans Yagôn ont
pour but d'identifier Aristophane avec son héros. A la différence de Bowie, je crois
cependant que l'analyse de la comédie montre une volonté précise de différenciation
entre l'action du héros et celle du poète. L'identification du poète avec son héros
est bien présente, mais elle sert à souligner leur indépendance réciproque.
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14 Peut-être faut-il voir dans la déclaration d'Euripide une référence explicite aux
Acharniens, où le poète tragique, à cet époque encore jeune, tenait effectivement le
rôle qui est maintenant celui d'Agathon.
15 P. Thiercy, Aristophane : fiction et dramaturgie, Paris, 1986, p. 100.
16 Le comique dû au renversement doit sans doute beaucoup de sa verve à la
notoriété réelle d'Agathon, qui en 416 avait remporté le premier prix aux concours
tragiques, alors qu'il débutait. Sur ce point je renvoie à P. Lévêque, Agathon, op.
cit., p. 54 s., qui cite comme source principale à ce propos Platon, Banquet, 173a.
17 Cette nature découle du langage qu'il a choisi d'employer dans ses tragédies,
l'injure, comme il est dit par les femmes du chœur dès le début de la pièce.
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18 C'est pour cela que lorsque Agathon lui demande pourquoi il n'irait pas se
défendre lui-même à l'assemblée (v. 188 ss), Euripide répond en alléguant des raisons
qui ne tiennent pas la route : « Je vais t'expliquer. D'abord on me connaît. Ensuite
je suis chenu et j'ai de la barbe; tandis que toi tu as une jolie figure, tu es blanc,
rasé, doué d'une voix de femme, délicat, gentil à voir ». Agathon, en effet, tout en
étant jeune, est très connu des Athéniens, et ses tragédies ont beaucoup de succès.
Deuxièmement, le Parent aussi, qui va assumer le rôle de l'intrus, est vieux et porte
une barbe.
19 À ce propos, il faudrait reconsidérer l'observation de CF. Russo, Aristofane
autore di teatro, Florence, 1962, p. 296, selon laquelle le seul personnage à pouvoir
dénoncer la présence du Parent parmi les femmes, à la fin de l'assemblée, est
Euripide lui-même. En effet, Agathon, qui connaît aussi le stratagème, est désormais
hors-jeu du point de vue dramatique. La raison de cette délation n'est pas à chercher
seulement dans le désir qu'Euripide aurait d'expérimenter de nouvelles μηχαναί,
comme le souligne P. Pucci, « Aristofane ed Euripide. Ricerche metriche e stilistiche »,
Atti délia Accademia Nationale dei Lincei, 8e série 10, 1962, p. 384, n. 150. J'ajouterais
aussi : le plaisir de se moquer des femmes derrière leur dos. De cette façon, Euripide
obéirait une fois de plus au caractère comique qu'Aristophane lui a attribué.
20 À la suite des scholies, la majorité des savants est d'accord pour affirmer
qu'Agathon interprète sur scène le chant qu'il compose, en assumant à la fois le
rôle du coryphée et celui du chœur. Ainsi P. Mazon, Essai sur la composition des
comédies d Aristophane, Paris, 1904, pp. 127 ss; CF. Russo, op. cit., p. 71. En effet,
rien dans les dialogues des personnages ne laisse deviner la présence d'un chœur
caché dans les coulisses, comme celui des grenouilles dans la comédie homonyme.
,
21 Poeti eruditi e biografi, op. cit., p. 150. Ce principe, qui est à l'œuvre dans les
recherches biographiques et littéraires des Péripatéticiens, et qu'Aristophane — source
des Péripatéticiens — applique tout particulièrement à Euripide, remonte, selon
Arrighetti, à Hésiode. Voir sur ce point les pp. 155 ss de son livre. La question du
rapport entre la vie des poètes et leurs œuvres, dans le cadre de la culture grecque
ancienne, fait l'objet du livre de Mary R. Lefkowitz, The Lives of Greek Poets,
Londres, 1981.
22 « Tu composes les pieds en l'air, quand tu pourrais les poser à terre ! Je
comprends que tu crées des boiteux. Mais pourquoi ces haillons tragiques que tu
portes, costume pitoyable ? Je comprends que tu crées des mendiants ». En réalité,
en composant les pieds en l'air, Euripide opère un choix (« quand tu pourrais les
poser à terre ! ») ; il essaye de se conformer à l'objet de sa création, comme Agathon.
Je reviendrai plus loin sur ce point.
23 Voir à ce propos les w. 130-133 : « Quelle mélodie suave, ô souveraines
Génétyllides, et qui sent la femme et les coups de langue et les baisers lascifs ! C'est
au point que, de l'entendre, jusque sous le fondement m'est venu un chatouillement ».
L'effet de plaisir que la représentation produit sur le spectateur est traduit sur la
scène comique en des termes sexuels. Pour l'analyse du chant d'Agathon, une parodie
des innovations musicales et métriques introduites par le poète, je renvoie aux études
de M. De Fâtima Sousa e Silva, op. cit., p. 399 ss; F. Muecke, op. cit, p. 46 ss;
H. Hansen, op. cit., p. 169 ss. Voir aussi l'étude récente de A. Bierl, Der Chor in
der Alten Komodie. Ritual und Performativitat, Munich/Leipzig, 2001, dans une
perspective ritualiste.
24 Vv. 144-145 : « Pourquoi ce silence ? Alors, est-ce d'après ton chant qu'il me
faut chercher à te connaître, puisque tu ne veux pas t'expliquer toi-même ? ». Le
désir de connaître Agathon, que le Parent exprime ici, cache sûrement une intention
sexuelle, comme il est possible de le déduire de ses remarques à propos du chant
que le poète vient d'exécuter (voir la note précédente).
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ανδρείαυπάρχον
ενεσθ' δ' ην ποή
τοΰθ'
τις, · έν
α δ'τωούσώματι
κεκτήμεθα,
μίμησις ήδη ταΰτα συνθηρεύεται.
« Compose-t-on des pièces à hommes, on a dans son corps cette qualité
foncière. Celles que nous ne possédons pas, c'est à l'interprétation25 de
les attraper. »
Avec ces paroles, Agathon répond au Parent, qui n'arrive pas
à définir son travestissement. Cette théorie est censée justifier,
tout d'abord, son aspect incongru26, mais elle élucide aussi, de
manière plus générale, le rôle du poète dans le développement
de l'action : la nécessité dramatique d'un travestissement féminin
27 Ce n'est pas l'avis de H. Hansen, op. cit., p. 166 : « From one point of view
Agathon, though a good choice for a transvestite spy, is unessential to the play : he
does not reappear, and Euripides, himself a playwright, presumably had an extensive
wardrobe of his own at home ».
28 Selon les études menées sur les quelques fragments qui nous sont parvenus, la
tragédie d'Agathon était très influencée par la philosophie et la rhétorique des
sophistes. Voir à ce propos P. Levêque, op. cit., pp. 115-137.
29 Voir à ce propos les paroles d'Euripide dans la suite du dialogue (w. 190-192) :
«Ensuite je suis chenu et j'ai de la barbe; tandis que toi tu as une jolie figure, tu
es blanc, rasé, doué d'une voix de femme, délicat, gentil à voir ».
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revanche, R. Cantarella (op. cit., passim, suivi par M. De Fâtima Sousa e Silva, op.
cit., p. 394, et par M.G. Bonanno, op. cit., p. 144) remarque que dans notre texte
la notion de μίμησις a pour fonction de secourir un artiste dont la nature se montre
incapable de créer. La spécificité de cette théorie, tout à fait originale, consisterait
pour lui dans le fait d'avoir libéré le concept de la mimesis artistique du lien avec
la φύσις « individuando nella mimesi il mezzo con cui il poeta puô dare forma e
validité artistica anche a ciô che è estraneo al proprio impulso naturale ». Bref, avec
Agathon, nous assisterions à une rationalisation de l'acte de la création poétique.
40 Aristotle's Poetics, Chapel Hill, 1986, p. 114. G. Nagy, Pindar's Homer. The
Lyric Possession of an Epic Past, Baltimore/Londres, 1990, p. 43, n. 127, s'appuie
aussi sur le travail de Halliwell, dans l'élaboration de sa théorie de la mimesis poétique.
41 Le travail de référence en la matière est dû à H. Koller, Die Mimesis in der
Antike, Berne, 1954, selon lequel la signification originaire du verbe μιμεΐσθαι et de
ses dérivés, relative surtout au domaine de la musique et de la danse, est celle de
« représentation », « expression ». Pour Koller, la signification d'« imitation » serait
postérieure, et dériverait de l'application de la notion d'interprétation à d'autres
champs, comme la peinture. S. Halliwell n'exclut pas que la signification d'« imitation »
ait été visible déjà avant Platon, comme dans notre exemple, où il s'agit d'imiter les
comportements d'un personnage. L'idée de Koller a été développée par G.F. Else,
«Imitation in the Fifth Century», Classical Philology 53, 2, 1958, pp. 73-90. Selon
ce dernier, les termes de la famille lexicale de μιμεΐσθαι ont pris trois significations
différentes au cours de leur histoire. La première : « imitation » de l'aspect, des
actions et de la voix d'êtres animés, se serait affirmée sous l'influence des mimes en
provenance de Sicile. De cette première signification dérivent à son avis les deux
autres, celle d'« imitation » du comportement d'une personne par une autre personne ;
et celle d'« imitation » d'une personne ou d'une chose par un moyen inanimé. Sur
μίμησις voir encore l'introduction à la traduction de la Poétique par J. Lallot et
R. Dupont-Roc, Paris, 1980, pp. 17-19.
42 On trouve d'autres attestations du verbe μιμεΐσθαι avec la signification de
« interpréter » (l'aspect extérieur et les comportements) chez Aristophane : Grenouilles
109; Les femmes à l'assemblée 278, 545. Les occurrences du Ploutos (291, 302 ss,
312 ss) représentent un cas particulier. Comme P. Mureddu l'a montré (op. cit.,
p. 78 ss), Aristophane parodie ici le caractère excessivement mimique des chœurs
dithyrambiques de son époque. Une référence généralisée à la sphère du mime se
trouve, selon G.F. Else, dans toutes les attestations aristophaniennes de μίμησις et
μιμεΐσθαι (ibidem p. 81). Je préfère ne pas m'avancer sur cette question. Mais voir
Guêpes 1019, et Nuées 559 (il s'agit de « plagiat »), qui peuvent très difficilement
entrer dans sa définition, tout comme, d'ailleurs, les exemples cités plus haut. Les
exemples de Nuées 1430 et Oiseaux 1285 correspondent plus à la notion d'« imitation »,
mais les objets de cette imitation sont à chaque fois des animaux.
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43 Les avis des interprètes sur la signification du verbe dans ce passage sont
partagés. Pour G.F. Else, « 'Imitation' in the Fifth Century », op. cit. p. 80, la
représentation du Parent n'est pas une simple performance, « it is a parody of the
Helen whom the Athenians had recently seen in Euripides' play ». Selon F. Muecke,
« Playing with the Play : theatrical Self-consciousness in Aristophanes », Antichton
11, 1977, p. 65 ss, qui suit G. Sôrbom, Mimesis and Art, Uppsala, 1966, pp. 33-40,
le verbe signifie ici « représenter » les traits caractéristiques de la nouvelle pièce
d'Euripide, comme un acteur de mime pourrait le faire.
44 Ibidem.
45 F. Muecke, « A portrait... », op. cit., p. 55.
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46 Voir à ce propos CF. Russo, Aristofane autore di teatro, op. cit., p. 60 : « Gli
attori aristofanei recitano sia corne personaggi verosimili — all'inizio degli Acarnesi
il protagonista si présenta agli spettatori corne ex-spettatore teatrale — , sia corne
attori puri e semplici — quasi tutte le volte che si rivolgono esplicitamente al
pubblico sono attori — , sia anche corne ' poeti '. Corne la commedia incorpora e
drammatizza anche elementi extrascenici e extradrammatici (...), cosî l'attore-
personaggio con la più grande naturalezza passa a parlare anche corne attore-poeta,
reminiscenza forse del tempo quando il poeta era anche attore ».
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52 Voir à ce propos Aristote, Poétique 1460b 30 ss, qui relate l'anecdote selon
laquelle Sophocle attribuait à lui-même des personnages « comme ils devraient être »,
et Euripide des personnages « comme ils sont ». Dans la Rhétorique 1404b 20 ss,
Aristote trouve dans la langue d'Euripide un exemple de naturel.
53 Voir w. 85, 388, 538, 785, 962, 1162, 1166.
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54 L'injure contre les représentants les plus en vue de la ville est une des fonctions
fondamentales de la comédie d'Aristophane, comme il est dit clairement dans la
parabase des Acharniens (voir en particulier le v. 649 avec l'analyse de X. Riu, « Gli
insulti alla polis nella parabasi degli Acarnesi », op. cit.), et dans la deuxième parabase
des Cavaliers, pour laquelle je renvoie à mon article, « Aristophane : injure et
comique. À propos de Cavaliers 1274-1289 », Methodos 1, La philosophie et ses textes,
2001, pp. 187-206. L'étude du rôle de l'injure dans la construction et dans le
développement de l'action dramatique confirme cette donnée, comme j'ai pu le
constater au cours de mon travail de thèse (« L'ingiuria nelle commedie di Aristofane »,
Palerme, 2000, à paraître). Dans les Thesmophories, l'application de cette forme de
langage à l'art d'Euripide parodie, entre autres, sa prédilection marquée pour les
sujets féminins, comme il est dit dans la parabase (je renvoie à l'analyse du texte
dans mon article « Euripide il nemico délie donne.... », op. cit.) : en effet, selon le
point de vue de la comédie, l'injure doit s'appliquer principalement aux hommes, et
pas aux femmes. La position paradoxale dans laquelle l'Euripide d'Aristophane se
trouve ne consiste pas seulement dans le fait d'avoir adopté un langage comique,
mais aussi dans le fait d'avoir adressé ce langage à des cibles inadéquates.
55 Voir en particulier les w. 383-432.
56 On a l'habitude de considérer la parabase comme une cassure dans le
développement de l'action dramatique, qui sépare celle-ci en deux parties substantiellement
différentes : la première, où a lieu Vagon, ou affrontement comique, décide dans la
plupart des cas de l'issue de la pièce; la deuxième montre les conséquences de
l'établissement de la nouvelle réalité sur la vie des citoyens. Cette subdivision n'est
pas toujours valable, comme dans les Thesmophories et dans d'autres pièces, où
l'issue de l'action reste incertaine jusqu'à la fin. Pour tous ces points je renvoie à
A.W. Pickard-Cambridge, op. cit., appendix A, pp. 292-328.
57 L'interprétation du discours du Parent à l'assemblée pose quelques problèmes :
est-il responsable, ou non, de son échec? La parodie du Télèphe, qu'il reprend au
Dicéopolis des Acharniens, constitue à mon avis un indice : en parodiant le Télèphe,
il affirme son indépendance vis-à-vis d'Euripide, qui l'a déguisé en Agathon, tout en
se réclamant de lui. Je développerai ce point par ailleurs.
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58 Voir KJ. Dover, Aristophanic Comedy, Londres, 1972, p. 56; cf. G.M. Sifakis,
Parabasis and Animal Choruses. A Contribution to the History of Attic Comedy,
Londres, 1971, chapitre I; K. McLeish, The Theatre of Aristophanes, Londres, 1980,
p. 80; P. Thiercy, Aristophane : fiction et dramaturgie, op. cit., p. 140.
59 Ainsi, selon N. Loraux, « Aristophane, les femmes d'Athènes et le théâtre »,
Entretiens sur l'Antiquité classique : Aristophane, XXXVIII, 1993, p. 237 : « Ce serait
donc la réalité qu'Euripide imite, ou, du moins, la réalité telle que la comédie la
construit dans ses propres catégories. (...) Bref, aux hommes d'Athènes, Euripide
apprend à regarder en face ce qui est, mais que seule la comédie devrait montrer,
2003] AGATHON, EURIPIDE ET LA ΜΙΜΗΣΙΣ 467
parce que le rire, producteur d'écart, permet de mieux négocier avec le réel. Ici
pointe la vraie raison de la mise en accusation d'Euripide : ses tragédies font une
concurrence déloyale à la comédie ». Cf. F. Zeitlin, « Travesties of Gender and Genre
in Aristophanes' Thesmophoriazusae », dans H.P. Foley (éd.), Reflections of Women
in Antiquity, New York, 1981, pp. 174-175. D'une façon analogue, A.M. Bowie,
Aristophanes. Myth, Ritual and Comedy, Cambridge, 1993, p. 217 : « As the women
at the festival have moved into male areas, so Euripides has not only infiltrated a
women's rite, but will also be shown to have transgressed in his tragedies over two
further boundaries : first, that between tragedy and comedy, and second (and
complementary to the first), that between what is and is not appropriate subject-matter
for tragedy ». La parodie des thématiques féminines d'Euripide est effectivement
centrale dans la pièce et elle fait l'objet principal de la parabase, comme j'ai déjà
eu l'occasion de le souligner.
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